Perspective Actualité en histoire de l’art

3 | 2009 Période moderne/XIXe siècle Early modern/19th century

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/perspective/1247 DOI : 10.4000/perspective.1247 ISSN : 2269-7721

Éditeur Institut national d'histoire de l'art

Édition imprimée Date de publication : 30 septembre 2009 ISSN : 1777-7852

Référence électronique Perspective, 3 | 2009, « Période moderne/XIXe siècle » [En ligne], mis en ligne le 08 juin 2013, consulté le 01 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/perspective/1247 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/perspective.1247

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Période moderne De la pertinence du connoisseurship face aux nouvelles méthodes ; panorama de la recherche sur l’estampe en au xviie siècle ; thèmes et approches renouvelés sur le mobilier liturgique, Pieter Bruegel l’Ancien et l’histoire visuelle du sentiment religieux. xixe siècle Le phénomène de l’image double ; état de la recherche sur la caricature au xixe siècle ; poncifs et (re)découvertes autour de Gustave Courbet, d’Adolph Menzel et des zoomorphismes avant Darwin. Ce numéro est vente sur le site du Comptoir des presses d'universités.

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SOMMAIRE

Iconologie, culture visuelle et esthétique des médias William J. Thomas Mitchell

Période moderne

Débat

Le connoisseurship et ses révisions méthodologiques Frédéric Elsig, Charlotte Guichard, Peter Parshall, Philippe Sénéchal et Philippe Bordes

Travaux

Les arts de l’estampe en France au XVIIe siècle : panorama sur trente ans de recherches Maxime Préaud

Actualité

Pieter Bruegel l’Ancien : nouvelles perspectives Christian Vöhringer

Pour une histoire visuelle du sentiment religieux aux XVIe-XVIIe siècles Ralph Dekoninck

Archéologie et topographie du mobilier d’église Sébastien Bontemps

Choix de publications

Ouvrages reçus

XIXe siècle

Débat

Une image peut en cacher une autre : réflexions autour d’une exposition Dario Gamboni, Felix Thürlemann et Michel Weemans

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Travaux

La recherche sur la caricature du XIXe siècle : état des lieux Ségolène Le Men

Actualité

Zoomorphismes avant Darwin Anne Lafont

Adolph Menzel rechargé Gregor Wedekind

Courbet, 2007 Pierre Georgel

Choix de publications

Ouvrages reçus

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Iconologie, culture visuelle et esthétique des médias Iconology, visual culture, and media aesthetics

William J. Thomas Mitchell

1 Cela fait bien longtemps que je ne peux plus me considérer comme étranger à la sphère de l’histoire de l’art. Même sans avoir de doctorat dans cette matière, je l’ai labourée depuis tant d’années que, comme l’aurait dit Karl Marx, mes muscles et mon cerveau ne font désormais qu’un avec la terre des arts visuels, et c’est là où je m’attends à être enterré.

2 Mais il fut un temps, dans les années 1980, où j’appartenais à une génération de critiques littéraires et de philosophes qui migraient vers les arts visuels. Des chercheurs tels que Norman Bryson en Grande-Bretagne, Mieke Bal aux Pays-Bas et Gottfried Boehm en Suisse – pour ne pas mentionner les hordes de sémioticiens, de structuralistes et de déconstructionnistes – ont commencé à envahir ce paisible domaine et l’ont assiégé à coup de nouvelles méthodes et de métalangages. Au même moment, des historiens de l’art comme Michael Baxandall, Svetlana Alpers, Hans Belting et David Freedberg étendaient les frontières de l’histoire de l’art traditionnelle à la rhétorique, aux technologies optiques et aux images vernaculaires ou non artistiques. Ma propre évolution a été stimulée initialement, non par quelque impératif abstrait ou théorique, mais par les besoins concrets qu’appelait l’étude de l’œuvre de William Blake, peintre, poète et graveur dont l’art composite de « l’impression illuminée » nécessite de penser au-delà des frontières entre mot et image, entre littérature et arts visuels. À la suite de ce déplacement forcé d’un terrain disciplinaire à un autre, je commençai à m’interroger plus largement sur la relation de l’histoire de l’art aux disciplines limitrophes qui ont influencé, complété et, dans une certaine mesure, transformé son identité.

3 Trois champs d’étude distincts provoquent, stimulent et parfois menacent particulièrement l’identité de l’histoire de l’art comme « histoire des œuvres d’art » : 1) l’iconologie, ou l’étude des images à travers les différents médiums ; 2) la culture visuelle, ou l’étude de la perception et de la représentation visuelles, en particulier la

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construction sociale du visible et – tout aussi important – la construction visuelle de ce qui relève du social ; 3) l’étude des médias, spécifiquement la branche émergente connue sous le nom d’« esthétique des médias » qui aspire à réduire les écarts entre les modes technologiques, sociaux et artistiques dans ce domaine. Si ces trois champs résident, en un sens, à la lisière de l’histoire de l’art, constituant son horizon ou sa frontière, ils fournissent à son étude un complément nécessaire bien que parfois dangereux. L’iconologie ouvre les frontières de l’image, unité fondamentale de l’affect et du sens en histoire de l’art ; la culture visuelle permet d’accéder à la voie sensorielle spécifique par laquelle les « arts visuels » agissent (elle est, en ce sens, analogue à la relation entre la linguistique et la poétique, entre la langue et la littérature, et Ernst Gombrich l’a d’ailleurs qualifiée de « linguistique de la sphère visuelle »1) ; l’esthétique des médias ouvre à l’étude des relations des arts aux mass media, de l’avant-garde au kitsch, des beaux-arts aux arts populaires, et de l’art au quotidien. Ces domaines se nourrissent en outre les uns les autres : la culture visuelle offre un terrain privilégié pour la circulation des images, établissant le lieu principal (mais non exclusif) de leur apparition et de leur disparition ; l’esthétique des médias fournit une structure pour appréhender la « proportion des sens » plus largement, telle qu’elle est définie par McLuhan2 – ou ce que Jacques Rancière appelle le « partage du sensible »3 –, qui étudie les relations de l’œil à l’oreille, de la main à la bouche, tout en mettant l’innovation technique et l’obsolescence au cœur de sa réflexion.

4 Le premier de ces domaines, l’iconologie, est très ancien. Il remonte au moins à la et à l’Iconologia de Cesare Ripa, sinon aux plus lointaines Imagines de Philostrate de Lemnos, et inclut la gamme complète des images non artistiques, y compris scientifiques. Il interroge l’idée même de l’image dans le discours philosophique et retrace la circulation des images à travers les frontières de la littérature, de la musique et des arts visuels, soit les trois grands ordres décrits dans la Poétique d’Aristote : lexis (l’expression), melos (le chant) et opsis (le spectacle). Du point de vue de l’iconologie, la notion d’image visuelle n’est pas une redondance, mais une reconnaissance tacite du fait qu’il existe également des images littéraires et acoustiques. L’iconologie s’intéresse donc aussi bien aux tropes, aux figures et aux métaphores qu’aux motifs visuels et graphiques ; elle étudie autant les expressions formelles inscrites dans un temps auditif et un espace sculptural, que des images sur un mur ou sur un écran. Selon l’acception classique formulée par Erwin Panofsky (restreinte à l’image visuelle), l’iconologie inclut l’étude de l’iconographie – l’étude historique des significations d’images particulières – et la dépasse pour explorer l’ontologie des images en tant que telles et les conditions dans lesquelles elles acquièrent une importance historique4. Dans l’ère post-panofskienne de ce que j’ai appelé l’« iconologie critique », cette discipline s’est emparée de nouvelles problématiques : les « méta-images », des formes d’images réfléchies et autocritiques ; les relations des images au langage ; le statut de l’imagerie mentale, du fantasme et de la mémoire ; le statut théologique et politique d’images dans le cadre de l’iconoclasme et de l’iconophobie ; l’interaction entre le virtuel et le réel, entre les images fictives et réelles que montre bien la distinction en langue anglaise entre « images » et « pictures ».

5 L’iconologie a aussi trouvé matière dans le domaine des sciences, examinant le rôle des images dans la recherche scientifique, en particulier (comme c’est mon cas) dans le phénomène de l’image « naturelle » (par exemple, le fossile et le spécimen type) et dans la question de la spéciation et de la morphologie évolutionniste. Parallèlement, l’avancement des sciences de la vie au siècle dernier a révolutionné la conception

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ancienne de l’image comme « imitation de la vie ». La biotechnologie a désormais rendu possible la création d’une image vivante lors du processus du clonage, transformant profondément nos conceptions des images et des formes de vie. Lorsque la révolution des sciences de l’information produite par l’invention de l’ordinateur est venue s’y ajouter, nous sommes entrés dans l’ère de ce que j’appellerai la « reproduction biocybernétique », caractérisée par l’apparition de l’« image bio-digitale ». Cette conception « vitaliste » de l’image m’a conduit à proposer que la véritable question à poser aux images dans le temps n’est pas ce qu’elles signifient ou ce qu’elles font, mais plutôt ce qu’elles veulent5.

6 Comparée à l’iconologie, la culture visuelle est un objet d’étude assez récent, quoiqu’elle découle d’une longue tradition philosophique qui consiste à considérer le spectateur comme sujet de l’épistémologie par excellence, depuis l’allégorie de la caverne de Platon à la Dioptrique de Descartes jusqu’à la tradition qualifiée par Martin Jay de « centrisme oculaire ». D’un point de vue technique, les études de culture visuelle émergent probablement des innovations dans l’enregistrement optique, telles que la photographie, la télévision et le cinéma, mais aussi des études sur la culture et la psychologie axées sur la perception et la reconnaissance visuelle. L’anthropologie visuelle et les études sur la culture matérielle et celle de masse sont des sources d’inspiration importantes pour la culture visuelle, tout comme le sont maints courants artistiques qui défient la place centrale de la peinture et de la sculpture comme canon de l’histoire de l’art. Les incursions artistiques dans la culture populaire, l’installation, l’art environnemental, l’art conceptuel et les nouveaux médias, alliés à l’iconologie critique, ont entraîné une expansion du champ de l’histoire de l’art qui rappelle et dépasse les ambitions fondatrices des écoles de Vienne et d’Aby Warburg. Sous la pression de la culture visuelle, l’histoire de l’art inclut désormais un large éventail de sujets de recherche, allant des pulsions scopiques de Freud et du concept d’objet regard de Lacan aux dialectiques du spectacle (Guy Debord) et de la surveillance (Michel Foucault), en passant par le phénomène du profilage racial et le pouvoir du regard6. L’objectif est d’examiner la spécificité du domaine de l’optique dans sa relation aux modalités tactiles et acoustiques, aussi bien que les strates du visible et de l’énonçable de Foucault et de Deleuze. La culture visuelle explore aussi les frontières de la visualité dans sa relation aux « arts visuels », son imbrication avec le langage et avec les autres sens, ainsi que les limites ou les négations de la visualité dans des phénomènes tels que la cécité, l’invisibilité et ce qui pourrait être appelé les éléments « négligés » de la vie quotidienne. Elle est en particulier touchée par les manifestations d’intersubjectivité dans le domaine scopique et par l’importance de la dynamique de voir et d’être vu par les autres dans la formation du social. Inspirée par des textes fondateurs tels que « Le Regard » de Jean-Paul Sartre ou « Algeria Unveiled » de Franz Fanon, la culture visuelle nous aide à voir comment les œuvres d’art peuvent regarder les spectateurs7. Plus fondamentalement, elle aspire à expliquer non seulement la construction sociale du domaine visuel, mais aussi la construction visuelle du domaine social.

7 Le troisième domaine, l’esthétique des médias, plutôt récent lui aussi, trouve sa généalogie dans les écrits de McLuhan, le premier à avoir articulé les principes d’un domaine d’études qui irait au-delà de la représentation pour inclure l’éventail complet des « prolongements technologiques de l’homme ». Pour McLuhan, tout, de la peau aux vêtements jusqu’au système du chemin de fer, participe au domaine de la communication et de l’expression, perçu comme une « seconde nature » enveloppant les individus et les sociétés. En son centre, bien entendu, trône l’invention moderne des

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mass media, notamment les médias audiovisuels. Mais McLuhan s’est également intéressé à ce que nous appelons aujourd’hui les « médias sociaux », tels que le télégraphe, le téléphone, le système postal et l’« extension du système nerveux » connu sous le nom d’Internet. Il s’est aussi préoccupé de l’utilisation artistique des médias tant anciens que récents. En effet, McLuhan a dévolu une attention spéciale à l’art en tant qu’espace dévolu au jeu expérimental avec les nouvelles inventions médiatiques, où l’effet des médias sur le sensorium et les liens sociaux pourrait être exploré. Toutes les questions de la spécificité du médium, des techniques mixtes, des inter-médiums et ce que Rosalind Krauss a appelé la « condition post-medium »8, sont classés dans la recherche contemporaine sous le terme d’« esthétique des médias ».

8 L’esthétique des médias cherche aujourd’hui à ranimer les ambitions du projet de McLuhan en revenant à une pensée qui traverse les frontières des mass media, des médias artistiques et des formes technologiques, socio-économiques et politiques de médiation. Elle a ouvert dans les travaux de théoriciens comme Bernard Stiegler, Niklas Luhmann et Friedrich Kittler un monde de médiation totale dans lequel les frontières de la pensée prennent un virage dialectique vers l’immédiat : la phénoménologie du non-médiatisé, du transparent et du non-codé. Ces temps-ci, lorsque j’enseigne l’étude des médias, je suis tenté de la rebaptiser « étude des immédias » ou, sur le modèle de la climatologie et de la météorologie, « médiarologie ».

9 Ces trois domaines ont fondé mes rapports et ruptures avec l’histoire de l’art. Je ne suis pas certain qu’il existe le moindre lien systématique entre les uns et les autres. Peut- être leur relation à l’histoire de l’art est-elle semblable aux relations contingentes des frontières nationales, et l’histoire de l’art peut-elle être comparée à la Suisse, un pays multilingue limité sur trois côtés par les entités nationales majeures que sont la France, l’Allemagne et l’Italie, la quatrième, celle de l’l’Autriche, ouvrant vers un Orient et une histoire orientaliste qui perturbe n’importe quelle synthèse européanocentriste ordonnée. Mais c’est sûrement là une fantaisie propre à un Américain ayant grandi dans les vastes espaces ouverts du désert occidental, et dont l’approche des disciplines et des frontières de domaines se résume dans la vieille ballade de cow-boy : « Don’t fence me in ».

NOTES

1. Ernst Gombrich, L’art et l’illusion: psychologie de la représentation picturale, , 1971 [éd. orig. : Art and illusion: A study in the psychology of pictorial representation, Princeton, 1956]. 2. Marshall McLuhan, Pour comprendre les média: les prolongements technologiques de l’homme [éd. orig. : Understanding Media: the extensions of man, Londres/New York, 1964]. 3. Jacques Rancière, Le partage du sensible : esthétique et politique, Paris, 2000.

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4. Erwin Panofsky, L’œuvre d’art et ses significations : essais sur les arts visuels, Paris, 1969, en particulier le chapitre « Iconographie et iconologie » [éd. orig. : Meaning in the Visual Arts. Papers in and on art history, Garden City (NY), 1955]. 5. William J. Thomas Mitchell, What do Pictures Want? The Lives and Loves of Images, Chicago, 2005. 6. Sur les dialectiques de la culture visuelle, voir William J. Thomas Mitchell, « Showing Seeing, », dans Mitchell, 2005, cité n. 5, p. 336-356 ; sur celles du spectacle et de la surveillance, voir William J. Thomas Mitchell, Picture Theory: Essays on verbal and visual representation, Chicago, 1994, p. 326-327. 7. Jean-Paul Sartre, « Le Regard », dans L’Être et le Néant, Paris, 1943, chap. IV ; Franz Fanon, « Algeria Unveiled », dans Decolonization: Perspectives from Now and Then, Londres, 2004, chap. I/5. 8. Rosalind Krauss, A Voyage on the North Sea: Art in the Age of the Post-Medium Condition, Londres, 2000.

INDEX

Mots-clés : sémiotique, structuralisme, déconstructionnisme, iconologie, culture visuelle, médias, médias de masse, avant-garde, kitsch, arts populaires, iconographie, iconoclasme, iconophobie Keywords : semiotics, structuralism, deconstructionism, iconology, visual culture, media, mass media, avant-garde, kitsch, popular culture, iconography, iconoclasm, iconophobia Index géographique : Grande-Bretagne, France, Allemagne, États-Unis Index chronologique : 1900

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Période moderne

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Période moderne

Débat

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Le connoisseurship et ses révisions méthodologiques Connoisseurship and its methodological revisions

Frédéric Elsig, Charlotte Guichard, Peter Parshall, Philippe Sénéchal et Philippe Bordes

NOTE DE L’ÉDITEUR

Ce texte résulte de l’envoi de questions aux participants et d’un échange de courriels.

1 Les questions qui animent cet échange trouvent leur point de départ dans les discussions sur le connoisseurship à l’occasion de l’atelier conjoint Clark Art Institute et INHA, qui s’est tenu à Williamstown en août 2008. Ces dernières ont conduit à revenir sur la rhétorique et le langage du connoisseurship, son historiographie en lien avec l’histoire de la photographie et aujourd’hui avec les nouvelles technologies, ainsi que sa dette envers la notion d’auteur et comment le choix de ses objets surdétermine ses règles pratiques. Même si, parmi les participants à ce débat – fictif, car il s’agit de réponses écrites aux questions posées – seul Peter Parshall était présent à Williamstown, on trouvera dans la variété des positions adoptées dans les réponses un écho fidèle à l’esprit ouvert qui a caractérisé l’atelier. Les questions tentent de suggérer l’actualité du thème : les pressions conjuguées que subissent les pratiques du connoisseurship du fait des révisions méthodologiques dans la discipline, de la disparition des frontières de l’art et des perfectionnements de l’analyse technique des œuvres. Témoin de cette actualité est la résurgence depuis une dizaine d’années de travaux consacrés aux acteurs historiques et aux enjeux critiques du connoisseurship (une sélection de publications sur ce thème est fournie en annexe). L’enjeu est de savoir si, encore aujourd’hui comme au XVIIIe siècle, « le connoisseur négocie les conditions de visibilité de l’œuvre d’art » (Griener, 2005) [Philippe Bordes].

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Philippe Bordes. Les liens du connoisseurship avec la valeur marchande des œuvres d’art sont bien connus : il s’agit dans ce cas de fixer un lieu d’origine et, pour le mieux, d’accoler un

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nom à une œuvre afin de rassurer le propriétaire individuel ou institutionnel. Mais peut-on concevoir, à l’instar du « plaisir du texte » revendiqué par Roland Barthes après son engagement pour une sémiologie plutôt austère, que le connoisseurship soit en fin de compte pour l’historien de l’art une façon de développer sa capacité à distinguer la qualité, autrement dit son goût pour les œuvres qui peuvent ouvrir l’esprit et donner un sens à la vie ? Serait-ce là, au fond, son intérêt ? Frédéric Elsig. Bien que le terme « connoisseurship » se diffuse seulement à partir du XVIIIe siècle, il désigne une compétence beaucoup plus ancienne, qui procède au départ de la nécessité d’assigner une valeur économique à l’œuvre d’art et dont l’histoire est donc indissociable de celle du marché de l’art, fondé sur la spéculation et attaché à la notion de personnalité. Pratiquée dans l’Antiquité, cette compétence réapparaît dès le XIVe siècle dans le milieu de Giotto, dont les œuvres sont appréciées par les connaisseurs (« savi »). Elle se développe et s’affine entre le XVIe et le XIXe siècle avec les classifications de la littérature artistique (Giorgio Vasari, Karel van Mander), puis des musées (sous la direction d’Adam Bartsch et de Gustav Waagen). Entre 1850 et 1950 environ, elle connaît une période glorieuse, favorisée par l’essor de la photographie et marquée par l’autonomie professionnelle de connaisseurs liés au marché (Giovanni Morelli, Bernard Berenson, Cornelis Hofstede de Groot). Elle constitue alors le noyau dur de l’histoire de l’art qui, devenue une discipline universitaire, s’enrichit progressivement d’approches complémentaires comme par couches successives. S’il peut être mal utilisé (tant par l’historien de l’art que par le marchand en quête du « grand nom »), le connoisseurship demeure un outil indispensable, permettant de « pénétrer l’essence de l’objet », selon la formule de Max J. Friedländer, et de lier les approches stratifiées de la discipline. Il peut se définir comme la capacité à établir l’identité d’une œuvre et à en mesurer la qualité, permettant d’apprécier la spécificité de chaque objet, compris dans ses relations multiples avec un contexte à la fois synchronique et diachronique. Également applicable à d’autres domaines sensoriels (en particulier l’ouïe et le goût), il est le fruit d’une expérience, une source de plaisir et de curiosité pour qui cherche à connaître notre monde et son histoire. Charlotte Guichard. Il y a en effet une ambivalence constitutive du connoisseurship, puisqu’il se présente à la fois comme un savoir raisonné, à distance de son objet, et comme une propédeutique à un plaisir visuel supérieur. Historiquement, d’ailleurs, on peut dire que le connoisseurship se présente dès l’origine à la fois comme connaissance et jouissance des œuvres. Il est d’abord défini comme une science raisonnée en Angleterre, dans un ouvrage de Jonathan Richardson intitulé Two Discourses, I, An Essay on the Art of Criticism (1715) et II, An Argument in Behalf of the Science of the Connoisseur (1719) 1. L’ambiguïté du connoisseurship ressort très clairement de ce texte : il est un savoir constitué autour de l’attribution et de l’originalité de l’œuvre, et un plaisir sensible. Jonathan Richardson est en effet très marqué par la philosophie lockéenne qui se développe au même moment et qui révolutionne la théorie de la connaissance en développant la thèse d’une double origine de nos connaissances, dans la sensation et dans la réflexion. Théorisé par Richardson comme une science morale, le connoisseurship permet de déceler dans une œuvre les beautés invisibles aux « yeux ordinaires », et d’en tirer un plaisir inaccessible aux non-connaisseurs. Fondé sur une longue familiarité avec les œuvres et sur leur constante comparaison, le connoisseurship permet de travailler en retour le plaisir esthétique.

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Philippe Sénéchal. Le connaisseur est hédoniste. Non seulement il jubile dans sa traque des indices, dans son enquête policière bien mise en lumière par Carlo Ginzburg2, mais il tire de la gangue du tout-venant des gemmes que personne avant lui n’a vraiment vues. Par son coup de projecteur, il fait littéralement exister des œuvres qui étaient dans les limbes de l’indifférence. La redécouverte des peintures de paysage néoclassiques sur papier, si intelligemment rassemblées par John Gere et devenues aujourd’hui une des sections les plus raffinées de la National Gallery de Londres, en est une illustration récente. Certes, les retombées commerciales sont évidentes et ces sortes d’œuvres sont désormais sans doute surcotées, mais cet effet collatéral me paraît moins grave que l’oubli. Peter Parshall. En pratique, le terme de connoisseurship connaît essentiellement deux acceptions : l’attribution au sens large (le fait d’associer un objet à une civilisation, une période, une école, une main, etc.) et le jugement de qualité. Dans certains cas, ceux-ci sont étroitement liés, par exemple pour une attribution à un « grand maître », qui implique de partir du principe – souvent douteux – de la « qualité » de l’œuvre comme caractéristique de son style. Cependant, à l’usage, ces deux applications ne sont presque jamais apparentées. Le « véritable dessein » du connoisseurship est-il de décider de la qualité d’une œuvre ? J’introduirai ma réponse en demandant si, dans l’état présent de notre réflexion, la distinction de la qualité (par opposition à l’histoire du goût) possède la moindre résonance philosophique ou quelque fondement scientifique qui lui confère une validité historique générale, même si la distinction conventionnelle entre histoire de l’art et critique d’art suit cette ligne de partage tacite. Traditionnellement, la tâche première de la critique a été d’examiner la nature de la qualité d’une œuvre et ses manifestations dans une perspective à la fois actuelle et historique, et d’asseoir les arguments de ce qui « ouvre l’esprit et donne un sens à la vie » ou non. La plupart des historiens exercent la critique de manière plus ou moins affirmée, de même que les critiques pratiquent l’histoire de l’art et font usage de ses méthodes et de ses objets. Nous ne pouvons pas nier que la frontière entre ces deux pratiques est perméable et que le discours des critiques influe sur notre approche des situations historiques. En effet, lire la critique et penser de manière critique permet d’entretenir une conscience de ce que sont nos préférences qualitatives. L’expertise de la qualité encourage bien des choses, y compris le plaisir du voyage esthétique. Mais, pour l’historien, sa valeur la plus prégnante réside dans le fait qu’elle fournit une conscience des courants de pensée, mettant ainsi en garde contre un type, au moins, d’anachronisme, celui de la projection excessive de nos propres penchants esthétiques sur le passé. Jauger de la qualité d’une œuvre est donc une vertu essentielle du connoisseurship tel qu’il est pratiqué actuellement et peut-être sa facette la plus passionnante, sans toutefois en être le but exclusif. Lorsque l’attribution cessera d’importer, alors nous serons entrés dans une phase de l’histoire de l’art qui a complètement renié l’histoire et, par conséquent, n’est plus histoire.

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Philippe Bordes. Dans quelle mesure le connoisseurship est-il une pratique datée, peu adaptée aux objets divers de l’histoire de l’art aujourd’hui ? Peter Parshall. Le connoisseurship, dans sa première acception (l’attribution) ne peut être et ne sera jamais une pratique désuète tant que nous continuerons à présumer que l’art a une histoire, que cette histoire est essentiellement visuelle et que ses fondamentaux relèvent donc avant tout du visible. À un certain niveau, toute interprétation est fondée sur la structure chronologique et géographique dans laquelle nous avons placé nos objets d’étude. Cette structure est organisée selon des caractéristiques morphologiques déterminées par nos conventions collectives à l’égard des rapports de ressemblance et de différence. Ces accords découlent d’un raisonnement aussi bien déductif qu’inductif et sont souvent étayés par des faits révélés de façon indépendante. Le système a certainement beaucoup de défauts, mais jusqu’à présent aucune proposition plus efficiente n’a pu lui succéder. Nonobstant ses imperfections, le connoisseurship – détermination de la ressemblance et de la différence – reste ainsi indispensable à la discipline. Le second niveau de la question est plus difficile à aborder : l’attribution telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui est-elle en adéquation avec l’éventail d’objets dont elle doit traiter ? Dans la plupart des cas, l’attribution est attestée par des facteurs circonstanciels et se voit renforcée par le schéma de l’histoire de l’art dans lequel elle s’inscrit. Si une œuvre semble véritable, paraît authentique, et possède les caractéristiques matérielles de son espace spatio-temporel et parfois même un historique de propriété bien défini, le tout s’accorde avec ce que nous voulons penser. Évidemment, la circularité caractérise ce processus, qui nous encourage à accepter des objets qui trouvent leur place dans un schéma préétabli et qui nous entraîne à rejeter ceux qui n’y entrent pas. La menace que présente cette circularité est très discutée (par exemple, le cas du Kouros du Getty) mais les doutes tendent à qualifier le système plutôt qu’à le saper. Différentes catégories d’objets nécessitent-elles des modes radicalement distincts du connoisseurship ou seulement des réajustements en accord avec le système morphologique d’une culture particulière ou d’une classe d’objets ? Pour le moment, nous ne disposons pas d’un modèle alternatif suffisamment puissant pour concevoir une histoire de l’art sans morphologie. Frédéric Elsig. Depuis une quarantaine d’années, une orientation de la recherche en histoire de l’art propre à l’université et à ses enjeux stratégiques cherche à redéfinir l’identité de cette discipline. Pour ce faire, elle emprunte ses approches à d’autres domaines et met à distance ce qui a toujours fait le noyau dur de l’histoire de l’art et qui implique un travail aussi ardu que continu, à savoir le connoisseurship, réduit aujourd’hui à une pratique arbitraire, jugé révolu et démodé, et à un phénomène chronologiquement limité à sa période glorieuse (de 1850 à 1950 environ). Conditionnée par un relativisme et une transversalité trop souvent pensés comme une fin en soi, cette orientation comporte le risque de couper la discipline de son objet premier, l’œuvre, sur laquelle sont projetés des concepts et des fantasmes propres à notre temps, au lieu d’en définir l’identité, la spécificité. Elle conduit à un éclatement des différentes approches, qui n’ont plus d’objet commun et tendent dès lors à s’autonomiser. Il me paraît donc important de redéfinir le connoisseurship comme une compétence nécessaire à tout bon historien de l’art qui chercherait à comprendre la production du passé et à la replacer dans son contexte, en conjuguant

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toutes les approches pertinentes. La formule de Pietro Toesca, affirmée avec force par Federico Zeri, reste plus que jamais d’actualité : « Prima conoscitori, poi storici ». Charlotte Guichard. C’est une vraie question de fond. L’histoire de l’art est aujourd’hui confrontée à d’importants choix méthodologiques. Elle peut se penser traditionnellement dans la continuité du connoisseurship, comme en témoigne la permanence des monographies, des catalogues et des notices. Mais le discours du connoisseurship n’a pas de prétention au récit historique. Il se constitue dès l’origine comme un savoir local, éclaté, qui repose sur le postulat épistémologique d’une double singularité, celle de l’œuvre et celle de l’artiste. Il se distingue donc à la fois du modèle vasarien, fondé sur la biographie des artistes, et de la mise en récit de l’histoire de l’art, inaugurée par Johann Joachim Winckelmann en 1764 avec la publication de son Histoire de l’art chez les Anciens. Prenons un exemple. Pierre-Jean Mariette, contemporain de Winckelmann et éminent représentant du connoisseurship au XVIIIe siècle, a laissé une œuvre monumentale, ses Notes manuscrites, qui ne fut jamais publiée de son vivant. Les dix volumes de ses notes sont intrinsèquement liés aux collections qu’il a vues et inventoriées au cours de sa vie3. Plus près de nous, Giovanni Morelli n’a jamais écrit de synthèse sur l’histoire de l’art en Italie, en dépit de ses nombreuses publications sur le sujet4. En effet, le discours du connoisseurship est ancré dans un savoir-faire, une connaissance empirique des œuvres liée à leur catalogage et à leur description, leur inventaire. L’objet du discours du connoisseurship n’est pas l’Art, c’est l’œuvre elle-même, appréhendée à travers sa matérialité et saisie à différents moments de son existence. Par rapport à ce savoir local et éclaté du connoisseurship, une autre voie de l’histoire de l’art est plus ouverte à l’histoire sociale et culturelle. Elle utilise alors les apports du connoisseurship plutôt comme un préalable, et celui-ci apparaît alors comme une science auxiliaire,car ce type d’histoire de l’art a besoin d’une connaissance rigoureuse des œuvres. Michael Baxandall, un des représentants les plus importants de cette tradition historiographique, réévalue ainsi toute la culture visuelle du Quattrocento en fondant sa réflexion sur une connaissance très fine du contexte social, matériel et culturel de la production des œuvres d’art de la période5. Philippe Sénéchal. On ne peut pas demander au connoisseurship d’apporter des réponses aux questions qu’il ne se pose pas. Celles qu’il se pose sont en effet les mêmes que du temps de Joseph Archer Crowe et Giovanni Battista Cavalcaselle. Dans son champ propre, les résultats sont parfois meilleurs, parfois pires qu’au XIXe siècle. Tout dépend de la qualité de l’œil, de l’ampleur et de la précision des comparaisons, de la finesse des analyses techniques, du judicieux contrôle des sources historiques. Je ne crois pas que l’on puisse faire l’économie de cette étape. Pour parler des femmes artistes du passé, par exemple, il faut bien d’abord s’assurer que telle ou telle œuvre a été peinte par une femme. Cela ne va pas toujours de soi. Mais il y a plus important. Une des branches les plus actives de notre discipline, la Bildwissenschaft, tend à faire des images des matériaux pour l’étude d’effets transhistoriques, nés de processus inconscients ou de manipulations de rémanences. Si elle met l’accent sur des phénomènes passionnants, elle doit éviter le risque de la réduction de l’objet à son image. Je préférerais une science des artéfacts à une science des images car le mot « artéfacts » insiste sur la matérialité et la tridimensionnalité de l’œuvre, sur son irréductible singularité, alors que le terme « image » risque de tout aplatir si on ne sent pas la racine imago, au sens de figure sculptée, de même que Bild signifie aussi

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statue. Un des risques que court l’historien de l’art d’aujourd’hui est celui de perdre le sens de la densité et de l’échelle des choses, à force de manipuler toujours davantage d’images numérisées. À juste dose, le connoisseurship est un excellent antidote.

Philippe Bordes. Quels sont les liens entre attribution et interprétation ? L’attribution doit-elle être toujours un préalable à l’interprétation, dans la mesure où, paraphrasant Karl Popper, elle aide à réduire le champ de l’erreur ? Philippe Sénéchal. Avant de répondre à ces questions, il importe de préciser le champ d’application de l’attribution. Les degrés de précision diffèrent sensiblement. Définir la civilisation, la période et/ou l’aire géographique dont relève une œuvre est une tout autre chose qu’identifier précisément son auteur. Pour des pans entiers de l’art, tant européens qu’extra-européens, nous nous contentons sans drame de la première approche. Ce qui signifie que l’identification de la fonction, du rôle social, du style général, du genre ou de l’état originel de l’œuvre a une pertinence qui prime l’étiquetage par artiste. Quand Bertrand Jestaz a prouvé que le Satyre et la Satyresse d’Écouen, naguère juxtaposés, formaient à l’origine un groupe en train de copuler, il a fait une découverte majeure6. Son interprétation, qui mettait en jeu autant la forme des objets que la place de l’érotisme dans l’humanisme italien, a précédé l’attribution à Andrea Briosco, dit Riccio. Celle-ci est rejetée désormais au profit de Desiderio da Firenze, mais ce point semble secondaire par rapport à la portée culturelle de l’interprétation initiale qui permit le réassemblage. Même si, après coup, comme cela vient d’être magistralement réalisé à la Frick Collection, redéfinir – et réduire – le corpus attribué à Riccio était salutaire et n’a fait qu’augmenter le prestige de l’artiste. Dans les faits, pour les artistes célèbres, la vulgate des attributions précède l’interprétation. La tâche de l’historien est de déconstruire la façon dont notre image de ces artistes a été façonnée. Certaines attributions qui semblaient aller de soi, sont en fait issues d’opérations historiographiques douteuses. Force est, désormais, de penser Goya sans le Colosse (1808, Madrid, Museo nacional del Prado), rendu par José Luis Díez à Asensio Juliá à la suite de doutes exprimés par Manuela Mena et Juliet Wilson Barreau7, de même qu’après la démonstration de Christian Michel, on doit penser Watteau sans le Gilles (vers 1718-1719, Paris, Musée du Louvre)8, ce qui est troublant mais nécessaire. Donner un autre père au chef-d’œuvre du Louvre viendra en son temps ; les possibilités ne manquent pas, pour peu qu’on veuille bien reconsidérer radicalement l’histoire de la peinture de figures et de portraits en France au début du XVIIIe siècle.

Peter Parshall. Dans un contexte historique, attribution et interprétation sont fondamentalement liées. Nous devons savoir, autant que possible, quand et où un objet a été réalisé afin d’en dégager une signification en accord avec les circonstances dans lesquelles il a été exécuté et appréhendé. Le connoisseurship, dans son deuxième sens d’acception (le jugement de qualité), peut certainement vouloir renoncer à de tels critères, mais l’interprétation historique ne le peut pas. Il n’est pas rare que la signification que nous investissons initialement dans une œuvre d’art participe de l’argument employé pour en défendre l’attribution. Par exemple, une iconographie incomprise permet souvent de dévoiler des contrefaçons, et la complexité de celle-ci

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est souvent invoquée comme témoignage d’un artiste particulièrement savant. L’attribution et l’interprétation devraient mutuellement se renforcer et, par conséquent, peuvent aussi conduire à l’argument circulaire. Prenez les fresques homoérotiques « antiques » contrefaites précisément pour plaire à Winckelmann, ou les fameux « Vermeer » de Han van Meegeren, deux cas dans lesquels l’analyse formelle aurait dû renverser les tentations iconographiques. Frédéric Elsig. Si le connoisseurship, dans sa définition large, doit constituer la compétence première de tout bon historien de l’art, l’attribution n’a pas la même importance dans tous les domaines de recherche. Pour la production des périodes les plus anciennes, elle est souvent indispensable. Elle l’est moins pour la production plus récente, appréhendée parfois à l’aide de concepts que l’on ne saurait appliquer à l’art ancien. Il est de ce fait troublant de constater le mépris affiché à l’encontre du connoisseurship par certains chercheurs qui, sans même s’en rendre compte, projettent des théories à la mode sur des corpus entièrement construits par les connaisseurs et assignent un caractère objectif, « positiviste », à l’attribution. Or, paradoxalement, celle-ci fait aussi l’objet du reproche inverse, celui de fournir des résultats subjectifs et arbitraires. En réalité, l’attribution constitue un acte interprétatif qui se fonde sur une intuition guidée par l’expérience visuelle. Elle articule en permanence le niveau empirique des œuvres à celui, théorique, des présupposés induits par la géographie artistique ou l’histoire sociale de l’art – reconstruite à partir des sources et des documents, eux-mêmes soumis à l’interprétation – et qui influent en retour sur le niveau empirique, entraînant la dynamique même de la recherche. Autrement dit, elle contient implicitement tous les discours que l’historien de l’art se doit d’expliciter. Charlotte Guichard. Je pense qu’il faut précisément réfléchir sur ce primat de l’attribution en histoire de l’art. L’attributionnisme fonde en quelque sorte l’histoire de l’art européen : l’art européen, l’art occidental même, est un monde de noms. Cette fascination pour l’attributionnisme fonde en légitimité une histoire de l’art très occidentale et c’est elle qu’il convient, à mon sens, d’interroger. Que serait l’histoire de l’art sans tous ces noms ? Comment, par exemple, sortir du modèle vasarien et de ses grands noms qui peuplent l’histoire de l’art de la Renaissance italienne ? La proposition d’Heinrich Wölfflin, dans sa préface des Principes fondamentaux d’histoire de l’art (1915), pour une « histoire de l’art sans noms propres » reste toujours d’une grande actualité. Il est important de réfléchir à la manière dont s’est construite historiquement cette valorisation de la singularité dans les mondes de l’art en Occident. Cette magie du nom de l’artiste est liée à deux périodes clés de l’histoire de l’art, la Renaissance et la période romantique, qui ont participé à la naissance de la figure du génie, dans les arts visuels comme en littérature. Évidemment, une des particularités des arts visuels est que le nom a un impact économique direct sur les œuvres, ce qui contribue à valoriser le connoisseurship et à nourrir la fascination pour l’attribution des œuvres d’art.

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Philippe Bordes. Quel est l’impact d’un changement d’attribution, de date ou d’origine aujourd’hui, alors que le faux fascine autant que le vrai ? Charlotte Guichard. En effet le faux fascine autant que l’authentique, comme le montrent certaines controverses toujours ouvertes sur l’œuvre de Van Gogh ou de Vermeer. Les faussaires, comme Van Meegeren, sont d’excellents connaisseurs et le faux n’est que l’envers de l’authentique, de l’original : tous deux sont des éléments constitutifs du régime de singularité, d’où leur fascination partagée9. Mais les changements d’attribution portent rarement sur des faux ; et s’ils obligent à réévaluer le regard porté sur certains artistes et la chronologie de certaines périodes, ils ne changent pas forcément l’interprétation de l’œuvre. En fait, outre l’évidente retombée économique, il y a un impact politique et muséographique car les grands musées répugnent à voir certaines de leurs œuvres phares ainsi déclassées. Très récemment, un collège d’experts a désattribué, dans un rapport mis en ligne sur le site Internet du Museo del Prado10, le Colosse, considéré comme un des chefs-d’œuvre du musée madrilène. Si le tableau n’est plus attribué à Goya, il n’en demeure pas moins une œuvre importante, emblématique de la résistance espagnole face à l’invasion napoléonienne et du romantisme noir. De même, l’Homme au casque d’or n’est plus attribué à Rembrandt, mais il continue à être exposé à la Gemäldegalerie de Berlin comme une de ses pièces maîtresses et l’histoire de sa désattribution a défrayé la chronique. Svetlana Alpers rapporte que « confronté à cette désattribution, un spécialiste du musée de Berlin a assuré à la presse que le tableau n’était ni une copie ni un faux mais ‘une œuvre originale et indépendante à part entière dotée d’une valeur propre’ »11 : l’œuvre a perdu sa signature, mais elle n’a rien perdu de sa valeur esthétique et formelle. Peter Parshall. Des réajustements et des compléments viennent chaque jour s’ajouter par milliers au corpus mondial d’objets catalogués. Etant donné que cela constitue la tâche quotidienne des marchands, des conservateurs et des collectionneurs, cela doit représenter quatre-vingts pour cent du travail pouvant donc être légitimement considéré comme relevant de l’histoire d’art. Rien que l’idée d’imaginer, dans l’esprit des Formes du temps de George Kubler, un modèle informatique qui prendrait en compte chacun des changements morphologiques à mesure qu’il se produit, prête à l’hallucination : un monstre frémissant qui se transforme petit à petit de manière imperceptible mais non sans conséquence, et qui grossit sans cesse à mesure qu’il est nourri de plus en plus d’éléments. Bien que la plupart des perturbations dans cet organisme soient locales et n’intéressent que les spécialistes, elles peuvent parfois engendrer des ruptures significatives, quoique passagères. Lorsque le facteur de la célébrité d’un nom (comme celui de Michel-Ange, pour les deux œuvres de jeunesse exposées cette année au Metropolitan Museum of Art) entre en jeu, de nouvelles attributions peuvent susciter l’intérêt de la presse et donc celui du public en général, un engouement douteux qui alimente le marché de l’art et qui encourage une vision restreinte de l’histoire de l’art enracinée dans les concepts de génie et de chef-d’œuvre. La fascination pour la contrefaçon n’est rien de plus que le revers de la fascination pour le chef-d’œuvre. Les musées sont à la fois les acteurs et les victimes premières de cette version fétichisée de l’histoire. Tant que nous ne prendrons pas de la distance vis-à-vis du culte populaire du chef-d’œuvre, la plupart des visiteurs continueront à passer à côté des collections permanentes et des œuvres moins connues.

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Frédéric Elsig. Une attribution bien fondée constitue toujours un apport aussi précieux que concret à la recherche, en particulier lorsqu’elle permet de rétablir des cohérences perdues dans le parcours stylistique d’un artiste ou conduit à rapprocher des œuvres disparates pour reconstituer une personnalité oubliée, parfois identifiée à l’aide d’une œuvre signée ou documentée. Elle a ainsi un retentissement scientifique, d’autant plus profond dans le cas des productions restreintes (comme celle des « primitifs français »), où chaque élément nouveau est susceptible de modifier notre perception de l’ensemble. En raison de ses retombées économiques, elle peut aussi être mal utilisée pour accroître la valeur commerciale d’un objet. Il appartient alors à la responsabilité de l’historien de l’art d’en restituer la véritable identité. À ce propos, il convient de distinguer la « mauvaise attribution » de la falsification. Cette dernière, qui se définit par une intention frauduleuse, constitue un phénomène relativement marginal qui, révélateur de l’histoire du goût et d’un intérêt historiographique, fascine les historiens de l’art depuis une quarantaine d’années, mais ne saurait les détourner du champ si vaste de la production originale. Il s’agit néanmoins de la reconnaître, ce qui n’est pas toujours le cas. On se souvient d’un livre entièrement consacré à un « chef-d’œuvre » profane de Lorenzetti, rapidement reconnu comme un faux du XXe siècle, ou a contrario de celui qui a récemment dénoncé de manière tapageuse l’acquisition onéreuse d’un faux par le Metropolitan Museum of Art de New York, en réalité une œuvre parfaitement authentique de Duccio. Philippe Sénéchal. En tant que science humaine, l’histoire de l’art ne doit pas renoncer à sa mission de dissiper les erreurs. À chaque époque, les historiens restent aveugles face à certaines pseudo-certitudes ou à des tromperies produites par des escrocs qui comprennent fort bien l’horizon d’attente des amateurs. Les générations suivantes doivent repérer les supercheries et en décoder les raisons, avec lucidité et indulgence. Encore aujourd’hui, des distinctions peuvent changer radicalement notre façon de percevoir une forme artistique. En rendant à Brunelleschi la paternité du Saint Pierre d’Orsanmichele, Luciano Bellosi a permis de repenser totalement la naissance de la sculpture de la Renaissance en Toscane12. De même, Gary M. Radke vient tout récemment de distinguer deux mains dans la Décollation de saint Jean- Baptiste (1477-1483) pour l’autel d’argent du Baptistère de Florence, aujourd’hui au Museo dell’Opera del Duomo13. Depuis des siècles, on donnait l’ensemble de l’œuvre à Verrocchio. Radke a démontré que la technique et le style de l’assistant au plateau à gauche et du bourreau cuirassé de dos à droite sont radicalement différents des autres personnages. Des rapprochements stimulants ouvrent une hypothèse extraordinaire : les deux figures singulières pourraient bien être de Léonard de Vinci. Ce qui serait, d’une part, l’analogue en sculpture de cette collaboration entre maître et élève que l’on avait repérée depuis longtemps en peinture dans le Baptême du Christ des Offices et, d’autre part, un des seuls témoignages conservés de l’activité de sculpteur de Léonard.

Philippe Bordes. L’évolution des techniques d’analyse matérielle des œuvres, de visualisation de détails, de communication entre chercheurs, qui encourage une prolifération des informations et des positions, ne sonne-t-elle pas le glas du connoisseurship ? De plus en plus de restaurateurs d’œuvres d’art cherchent à tirer parti eux-mêmes de leur travail pour faire de l’histoire de l’art ; de plus en plus d’historiens de l’art s’appuient sur les analyses techniques des

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œuvres qu’ils étudient. La convergence de ces deux pratiques est-elle en train de définir une nouvelle conception du connoisseurship ? Ou l’avenir de la discipline serait-il du côté de l’indétermination, d’une incapacité croissante à trancher une attribution, une date, une origine ? Le débat sur l’authenticité du kouros du J. Paul Getty Museum, par exemple, n’a jamais pu trouver de conclusion. Frédéric Elsig. Les technologies appliquées à l’étude de l’art (radiographie, réflectographie, stratigraphie, dendrochronologie, etc.) se sont considérablement développées au cours du XXe siècle. Elles ne sauraient toutefois remplacer le connoisseurship, dans la mesure où, comme l’a noté Erwin Panofsky dès 1940, elles fonctionnent à la manière d’une paire de lunettes, qui aide l’historien de l’art à voir mieux mais ne lui fournit en aucun cas la solution. C’est à lui d’interpréter les résultats et de les conjuguer pour préciser au mieux l’identité d’une œuvre, tout en reconnaissant ses propres limites, dictées par l’état des connaissances. Loin d’évoluer vers une incapacité croissante à trancher l’attribution (certains cas d’indétermination sont liés davantage aux enjeux économiques d’une mauvaise acquisition par un musée), le connoisseurship bénéficie de l’évolution technologique au sens large, comprenant la reproduction numérique et sa diffusion. Depuis les années 1960, il implique souvent un travail d’équipe, notamment dans les grands projets de corpus ou de catalogues de collection. Il s’agit de croiser les regards et les compétences de l’historien de l’art et du restaurateur, assistés par le laboratoire, sur un même objet, dont on s’attache à définir l’identité matérielle et dont il convient d’assurer la conservation. Dans ce contexte, il me paraît important de responsabiliser l’étudiant face à l’objet et à une histoire matérielle de l’art, visant à conjuguer toutes les approches et à rétablir le caractère organique de notre discipline. Charlotte Guichard. Le discours savant du connoisseurship s’est toujours nourri des technologies les plus à la pointe au cours de son histoire. Au XVIIIe siècle, il profite de l’essor de l’estampe, puis du fac-similé, et au XIXe siècle, l’invention de la photographie nourrit la science du connoisseur : Giovanni Morelli se constitue une gigantesque bibliothèque de clichés qui doit servir à fonder le paradigme scientifique du connoisseurship. Plus récemment, le Rembrandt Research Project, initié en 1968, fait un usage important des technologies les plus innovantes (rayons X, dendrochronologie, analyse des pigments), mais ses derniers développements montrent aussi les limites du rêve scientiste dans le domaine du connoisseurship. Ainsi, dans une importante mise au point, Ernst van de Wetering, le responsable du projet, a montré combien les fondements méthodologiques du projet Rembrandt avaient évolué depuis les débuts14. À l’origine, il s’agissait d’établir le corpus des œuvres authentiques de Rembrandt (bâtir une frontière entre le corpus Rembrandt/ non Rembrandt). Or, il est apparu que, dans de nombreux cas, l’authenticité des œuvres de Rembrandt était impossible à établir de manière définitive. En revanche, le corpus des œuvres qui ne sont pas de Rembrandt mais qui lui ont longtemps été attribuées ou qui ont été considérées comme des copies ou des faux a pris une importance nouvelle. En effet, les analyses scientifiques les plus poussées ont montré l’importance et surtout la complexité de la production en atelier (conception et exécution à plusieurs mains15). Rembrandt est un cas passionnant, car il est la figure emblématique du génie, et c’est précisément en voulant fixer et délimiter définitivement son corpus d’œuvres que l’on se rend compte qu’il est très difficile d’établir de manière définitive l’authenticité de ses peintures. Si le projet Rembrandt montre les limites du pur connoisseurship attributionniste, il est très intéressant de

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remarquer qu’il permet – contre toute attente – de prolonger voire d’ouvrir de nouvelles perspectives en histoire de l’art : organisation de l’atelier, statut de l’autographie en peinture, figure de l’artiste singulier, etc. Dans ce cas précis, c’est donc bien le connoisseurship dans sa dimension la plus technologique qui renouvelle l’histoire de l’art et certains de ses présupposés épistémologiques. Philippe Sénéchal. Le développement des techniques d’analyse ne sonne pas le glas du connoisseurship. Une des premières tâches du connaisseur est de faire le tri, dans une production gigantesque, entre les œuvres fades, secondaires ou de série, et les créations brillantes ou innovantes. Les tests de laboratoire, que l’on mène en général sur les pièces déjà retenues dignes d’intérêt et non sur l’ensemble des artéfacts, permettent souvent de confirmer ou d’infirmer des intuitions. Ils ne remplacent pas la sélection initiale. Toute l’histoire de la redécouverte de Caravage au XXe siècle est là pour le prouver. Dans le domaine de la sculpture, les tests de thermoluminescence ont permis des avancées spectaculaires dans la datation des terres cuites, mais ils ne suffisent pas pour comprendre le fonctionnement des ateliers et la circulation des modèles. Les recherches sur les alliages, sur les techniques de fonte et sur les patines assurent des bases plus solides à l’analyse des bronzes. De manière générale, le regard des historiens et des restaurateurs s’est porté depuis quelques décennies sur la question de la polychromie et de la dorure en sculpture ; des résultats très féconds en sont nés, fruits non d’une rivalité mais d’une complémentarité. Le cas le plus épineux reste celui des œuvres en marbre. L’histoire du goût, la connaissance technique des outils employés par les sculpteurs à telle ou telle période et la comparaison stylistique avec des pièces modernes doivent entrer dans le raisonnement. Le J. Paul Getty Museum vient de passer au crible un Commode, provenant de Castle Howard, acquis comme un buste de la fin du XVIe siècle sur la foi d’analogies avec un Christ de Giovanni Caccini, mais qui, selon Jens Daehner, pourrait fort bien être une sculpture antique. La démonstration est d’autant plus difficile que l’on sait que, depuis le Moyen Âge, des blocs ou des statues antiques ont été remployés et transformés. Repérer des traces d’enfouissement ne suffit donc pas pour dire qu’une œuvre est antique, surtout si l’on sait que sa surface a été considérablement retravaillée. La plus grande prudence s’impose encore et l’on doit en effet admettre de ne pas trancher tout le temps. Peter Parshall. Le connoisseurship dans sa première acception (l’attribution) a été bien servi par les avancées de la recherche technique et scientifique, bien qu’il doive être souligné que les restaurateurs ont toujours eu une compréhension plus aboutie de la manière dont les œuvres d’art ont effectivement été fabriquées. Cela relève d’une différence de degré dans l’approche et non de manière. On pourrait dire que l’aura de « la science » a accordé une plus grande crédibilité à l’évidence technique, mais les restaurateurs que j’évoque nient toute notion de la restauration comme une procédure scientifique. Les informations techniques constituent simplement une autre forme de preuve qui aide à confirmer ou infirmer une attribution, et, comme la plupart des types de preuve, ce peut parfois être décisif. Cependant, il est important de reconnaître qu’un surcroît de preuves ne conduit pas nécessairement à des conclusions plus précises. Les analyses techniques nous ont peut-être, par-dessus tout, aidé à mieux comprendre les modifications – intentionnelles ou fortuites – que les œuvres d’art ont subies à travers le temps. Elles nous ont rendus plus prudents vis-à-vis des conclusions que l’on pouvait tirer d’un examen à l’œil nu. Un

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foisonnement de preuves ne nous éloigne pas de la vérité, dans le sens où il est préférable d’avoir conscience de notre ignorance, plutôt que d’arriver à de fausses conclusions par une schématisation excessive. L’indécision découlant d’un « trop plein » d’informations ne doit pas effrayer. Je dirais en outre qu’au cours de ma carrière, dans les domaines avec lesquels je suis le plus familier, les résultats d’examens techniques (dendrochronologie, réflectographie, infrarouge, etc.) ont généralement eu tendance à corroborer les conclusions obtenues par d’autres moyens. Il y a eu beaucoup de rajustements quant à la datation et à l’attribution fondée sur la preuve technique et scientifique, mais je ne peux penser à aucun cas dans lequel des études techniques ont radicalement transformé notre vision d’un artiste ou d’une période. En attendant, à mesure que ces formes d’examen sont devenues plus répandues, mieux subventionnées et plus essentielles au débat en histoire de l’art, nous, en tant qu’historiens, avons appris beaucoup sur notre sujet qui était autrefois le domaine exclusif des restaurateurs. Cela peut certainement être considéré comme un progrès.

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– « Painting by Numbers (Detecting Art Fraud) », entretien, Radio National interview, 2004, avec Hany Farid, Image Science Group, Department of Computer Science, Dartmouth College : www.abc.net.au/rn/science/buzz/stories/s1252412.htm

– PERCIVAL Melissa, « Johann Caspar Lavater: Physiognomy and connoisseurship », dans British journal for eighteenth-century studies, 26/1, 2003, p. 77-90.

– SCALLEN Catherine B., Rembrandt, Reputation, and the Practice of Connoisseurship, Amsterdam, 2004.

– TROTTA Antonella, Rinascimento Americano: Bernard Berenson e la Collezione Gardner 1894-1924, Naples, 2003.

– VAKKARI Johanna, « Giovanni Morelli’s ‘Scientific’ Method of Attribution and its Reinterpretations from the 1960’s until the 1990’s », dans Konsthistorisk Tidskrift, 70/1-2, 2001, p. 46-54.

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– WETERING Ernst van de, « Preface. The Rembrandt Research Project: Past, Present, Future », dans A Corpus of Rembrandt Paintings, IV, The Self-portraits, Dordrecht, 2005.

NOTES

1. Carol Gibson-Wood, Jonathan Richardson, Art Theorist of the English Enlightenment, Yale, 2000. 2. Carlo Ginzburg, Mythes, emblèmes, traces. Morphologie et histoire, Paris, 1989 [éd. orig. : Miti, emblemi, spie. Morfologia e storia, Turin, 1986]. 3. Charlotte Guichard, « Connoisseurship and Artistic Expertise. London and Paris, 1600-1800 », dans Christelle Rabier éd., Fields of Expertise: A Comparative History of Expert Procedures in Paris and London, 1600 to Present, Newcastle, 2007, p. 173-191. 4. Jaynie Anderson, Collecting Connoisseurship and the Art Market in Risorgimento Italy: Giovanni Morelli’s Letters to Giovanni Melli and Pietro Zavaritt (1866-1872), Venise, 1999. 5. Michael Baxandall, L’Oeil du Quattrocento. L’usage de la peinture dans l’Italie de la Renaissance, Paris, 1985 [éd. orig. : Painting and Experience in Fifteenth-Century Italy; a Primer in the Social History of Pictorial Style, Oxford, 1972]. 6. Bertrand Jestaz, « Un groupe de bronze érotique de Riccio », dans Monuments et mémoires publiés par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Fondation Eugène Piot, 65, 1983, p. 25-54. 7. La chronologie précise est la suivante : premiers doutes exprimés dans Manuela B. Mena Marqués, Juliet Wilson Bareau éd., Goya: el capricho y la invención; cuadros de gabinete, bocetos y miniaturas, (cat. expo., Madrid, Museo del Prado/Londres, Royal Academy of Arts/Chicago, The Art Institute, 1993-1994) ; le 23 juin 2008, communication de José Luis Díez, chef de la conservation des peintures espagnoles du XIXe siècle, lors d’une réunion au Museo del Prado ; et le « Curso de Verano » organisé à l’Escorial, sous la direction de Manuela Mena, par l’Universidad Complutense de Madrid, du 30 juin au 4 juillet 2008. Ces mises au point ont été exposées brièvement par Véronique Gerard Powell et Claudie Ressort, « Le Colosse définitivement écarté du catalogue de l’œuvre de Goya », dans La Tribune de l’Art, brève du 12 juillet 2008 (http:// www.latribunedelart.com/Nouvelles_breves/Breves_2008/07_08/Colosse_878.htm). 8. Christian Michel, Le « célèbre Watteau », Genève, 2008, en particulier p. 17, 94-95, 268-269. 9. Nathalie Heinich, L’Élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique, Paris, 2005. 10. http://www.museodelprado.es/investigacion/estudios/emel-colosoem-y-su-atribucion-a- goya 11. Svetlana Alpers, L’Atelier de Rembrandt, Paris, 1991 [éd. orig. : Rembrandt’s Enterprise: the Studio and the Market, Chicago, 1988], p. 14. 12. Luciano Bellosi, « Il San Pietro di Osanmichele e il Brunelleschi », dans Anna Maria Giusti, Luciano Bellosi, Anna Benvenuti, Il restauro della statua di San Pietro: patrono dell’Arte dei Beccai, Florence, 1993, p. 15-40. 13. Gary M. Radke, « Leonardo, Student of Sculpture », dans Leonardo da Vinci and the Art of Sculpture, Gary M. Radke éd., (cat. expo., Atlanta, High Museum of Art/Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, 2009-2010), Atlanta/New Haven, 2009, p. 15-61, en particulier p. 48-58. 14. Ernst van de Wetering, « Preface. The Rembrandt Research Project: Past, Present, Future », dans Ernst van de Wetering, A Corpus of Rembrandt Paintings, IV, The Self-portraits, Dordrecht, 2005. 15. Alpers, 1991, cité n. 11, p. 14 ; voir aussi Ernst van de Wetering, « The question of authenticity : an anachronism ? (A Summary) », dans Rembrandt and his pupils, (Nationalmusei Skrifserie, 13), Stockholm, 1993, p. 9-13.

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INDEX

Index géographique : Pays-Bas, Italie, France, Allemagne Keywords : connoisseurship, art market, attribution, judgment of quality, aesthetic judgment, methodology, interpretation, iconography, falsification, collector, technology, reflectography, Rembrandt Research Project, analytical technique Mots-clés : connoisseurship, marché de l’art, attributionnisme, jugement de qualité, jugement esthétique, méthodologie, interprétation, iconographie, falsification, collectionneur, technologie, réflectographie, Rembrandt Research Project, technique d’analyse Index chronologique : 1400, 1500, 1600, 1700, 1800

AUTEURS

FRÉDÉRIC ELSIG Professeur assistant d’histoire de l’art moderne à l’Université de Genève, il est notamment l’auteur de Jheronimus Bosch : la question de la chronologie (Genève, 2004) et a dirigé le catalogue des peintures flamandes et hollandaises (XVe-XVIIIe siècle) du Musée d’art et d’histoire de Genève.

CHARLOTTE GUICHARD Chargée de recherches en histoire de l’art au CNRS (IRHIS, Université -3), elle travaille dans la perspective d’une histoire socioculturelle de l’art. Ses publications incluent Les amateurs d’art à Paris au XVIIIe siècle. (Champ Vallon, 2008).

PETER PARSHALL Conservateur au département des estampes de la National Gallery of Art, Washington, D.C. Il est l’auteur, entre autres, du catalogue d’exposition The Darker Side of Light: Arts of Privacy, 1850-1900 (Washington, 2009).

PHILIPPE SÉNÉCHAL Professeur d’histoire de l’art moderne à l’Université de Picardie Jules Verne Amiens. Il a publié Giovan Francesco Rustici 1475-1554. Un sculpteur de la Renaissance entre Florence et Paris (Paris, 2007) et prépare une exposition sur ce sculpteur au Museo Nazionale del Bargello à Florence (septembre 2010).

PHILIPPE BORDES Il est professeur d’histoire de l’art moderne à l’Université Lyon 2, détaché auprès de l’INHA où il dirige le département des études et de la recherche.

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Période moderne

Travaux

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Les arts de l’estampe en France au XVIIe siècle : panorama sur trente ans de recherches 17th-Century Prints in France: Thirty Years of Research Die Kunst der Graphik im Frankreich des 17. Jahrhunderts: Panorama über dreissig Jahre Forschung L’arte della stampa in Francia nel XVII secolo: panorama di trent’ani di sudi e di ricerche El arte de la estampa del siglo XVII en Francia: un panorama sobre treinta años de trabajos e investigaciones

Maxime Préaud

1 Il est assez facile de dessiner, pour peu qu’on ait un crayon et du papier. Peindre ne pose guère de problèmes, puisqu’il suffit d’avoir de la couleur et un support, nos ancêtres l’ont montré à Lascaux et ailleurs. Graver a été à la portée de n’importe quel ours des cavernes aux griffes acérées. Mais produire une estampe est une tout autre affaire. C’est une opération qui implique la conjonction de nombreux savoirs et métiers, raison pour laquelle l’humanité n’a su en maîtriser tous les aspects qu’à une période relativement récente.

2 La malédiction de l’estampe est que, pour en apprécier tous les charmes, il paraît indispensable d’en connaître les processus de fabrication. En effet, à la différence du dessin et de la peinture, mots qui désignent à la fois le procédé et le résultat obtenu immédiatement, de façon primaire pourrait-on dire, l’estampe est un produit secondaire, dérivé en quelque sorte. Car l’estampe − répétons que, pour dire les choses simplement, une estampe est une image imprimée sur une feuille de papier − n’est pas la gravure, elle ne s’y résume jamais, même si elle lui est intellectuellement et physiquement consubstantielle et qu’elle ne saurait exister sans elle1. Pour apprécier une estampe, il faut donc à la fois connaître les différents procédés de gravure et les différentes manières de passer de la gravure à l’estampe, c’est-à-dire pour le moins

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l’imprimerie typographique et l’imprimerie en taille-douce. Cela oblige à intégrer que la gravure est exécutée − et cela rejaillit naturellement sur le procédé − en fonction de l’estampe à venir, soit en fonction de la reproductibilité, de la « multiplicabilité » qui est la justification de son existence.

3 En même temps, on ne saurait négliger le fait que le processus de fabrication de la gravure, ou de l’élément d’impression (pour être plus générique et impliquer momentanément des techniques postérieures au XVIIe siècle), dont on sait qu’il a évolué et s’est diversifié au cours des temps, n’est pas sans incidence sur les artistes et donc sur notre compréhension des images. En effet, on peut se demander ce que serait devenu Jacques Callot sans sa découverte du vernis dur, Honoré Daumier sans la lithographie, Gustave Doré sans le bois de bout et Mary Cassatt sans l’aquatinte, pour ne prendre que quelques exemples marquants.

4 Encore à la différence des autres arts, comme elle se présente, à l’instar du livre, de façon multiple, l’estampe connaît les problèmes du livre qu’ignorent presque absolument, sinon la sculpture, du moins la peinture et le dessin : édition, impression, commercialisation, circulation, surveillance et autorisation (privilège), variation dans les exemplaires et même, chose qui lui est particulière, pérennité dans la variation de la présentation par la manifestation des états (PRÉAUD, 1997). Même les saints s’y égarent et y perdent leur latin. Une intéressante citation du Traité de l’amour de Dieu de François de Sales (1616) montre que, tout fier d’avoir imaginé une métaphore, il était passé directement du travail du peintre à celui de l’imprimeur en taille-douce, sans passer par la case graveur (DEKONINCK, 2008, p. 268). Si les saints nous abandonnent, Dieu nous aidera-t-il ?

5 Aussi la tâche n’est-elle pas simple de rendre compte du travail de recherche accompli depuis vingt ou trente années par la petite communauté scientifique qui s’intéresse au sujet, même en se limitant strictement à l’histoire de l’estampe française au XVIIe siècle − et je suis conscient que cette limitation est très artificielle. C’est une histoire en devenir, pour l’instant discontinue, et j’ai voulu faire œuvre de rapporteur plus que d’historien, refusant d’anticiper en comblant artificiellement les lacunes qui m’apparaissent.

L’histoire de l’estampe : état des lieux

Historiographie

6 L’histoire de l’estampe, je suis contraint de le dire, est une discipline encore balbutiante. Le livre posthume de Jean Laran reste un remarquable survol pour une introduction à son étude (LARAN et al., 1959) ; il est plein d’intelligence et d’observations spirituelles. On peut regretter, par exemple, que la communauté n’ait pas retenu son idée d’employer l’expression de « gravure personnelle, et non celle de gravure originale ; en effet, les graveurs peuvent faire des estampes personnelles même en gravant des reproductions » (LARAN et al., 1959, I, p. 139). Bien qu’il conserve une légère tendance à respecter des conventions issues d’un enseignement dix-neuvièmiste, fondées sur la gloire d’un petit nombre d’artistes vedettes, il n’a pas manqué de noter ce que j’appellerais le syndrome de Marc-Antoine. Dans les inventaires après décès de collectionneurs d’estampes, du XVIIe siècle notamment, l’estimation des recueils de Marcantonio Raimondi est toujours assez élevée proportionnellement aux autres.

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Hugues-Adrien Joly, garde du Cabinet des estampes au XVIIIe siècle, n’hésite pas à le déclarer « aigle de son art » (cité par LARAN et al., 1959, I, p. 57). Mais en réalité, ce n’est pas pour Marc-Antoine, lequel n’est qu’un « banal exécutant », c’est pour Raphaël dont il est l’interprète. Autrement dit, s’il n’avait pas interprété Raphaël mais un peintre du Nord, fût-il talentueux, on ne parlerait pas de Raimondi, en tout cas pas de la même manière.

7 Cela peut paraître un détail, ou une anecdote, mais témoigne du fait que l’historien de l’art a longtemps été d’abord, en France en tout cas, un historien de la peinture, et plus spécialement de la peinture italienne, considérant l’estampe comme secondaire, voire simplement documentaire. Je n’en veux pour preuve que le classement thématique de la collection, horresco referens, du département des Estampes de la Bibliothèque nationale de France : d’abord les peintres, peintres italiens en tête, sous les trois cotes B, C et D, puis les graveurs sous la seule cote E. C’est comme un écho matérialisé des discussions de préséance entre peintres et graveurs qui agitaient autrefois l’Académie royale de peinture et de sculpture (French Royal Academy…, 1982 ; SAVILL, 2001). Si les choses ont changé, le changement n’a rien d’éclatant. En même temps, comment ne pas être frappé par le fait que, dans l’ouvrage de Laran, il y a vingt-deux pages d’illustrations pour Rembrandt, soit quatre de plus que pour toute l’estampe française du XVIIe siècle réunie ? Alors que Rembrandt, sauf l’admiration et le respect que nous lui devons, n’a eu qu’une influence réduite sur ses contemporains, surtout les Français et les Italiens ; son succès est postérieur.

8 Il y a donc un gros effort à réaliser pour sortir de ces idées convenues. Les « petits » artistes se perdent dans une masse indifférenciée ; la gravure d’interprétation est encore sous-estimée (et d’ailleurs presque toujours appelée, à tort et malgré les efforts répétés de ceux qui s’y intéressent, gravure de reproduction) ; l’estampe à destination populaire est ignorée, en France en tout cas, où il faudrait distinguer les bois provinciaux de toute l’imagerie demi-fine parisienne.

9 D’une certaine façon, et malgré l’emploi, parfois, d’un vocabulaire issu des théories de la lutte des classes qui peut paraître suranné, le gros ouvrage richement illustré paru chez Skira en 1981 dans la collection « Histoire d’un art », sobrement intitulé L’Estampe, procédant par courts chapitres thématiques, que ce soit sous la plume de Michel Melot ou celle d’Antony Griffiths, est une excellente introduction à un renouveau dans la recherche (MELOT et al., 1981).

10 Il n’existe en tout cas pas à proprement parler d’histoire de l’estampe du XVIIe siècle français, le problème étant, mais il n’est pas nouveau ni particulier à ce sujet, que plus on découvre des informations, plus s’éloigne la perspective d’une compréhension globale. Et il reste sans doute beaucoup de documents à mettre au jour susceptibles de réviser nos opinions.

11 Cependant, comme le fait remarquer Antony Griffiths dans un compte rendu, la plus grande part de l’histoire de l’estampe accessible à un large public est écrite dans les catalogues d’exposition (French Prints…, 1998). C’est vrai pour toutes les époques, donc pour le XVIIe siècle. Ainsi est-ce le cas, par exemple, de l’exposition organisée à Yale par Alvin L. Clark Jr. (From Mannerism to Classicism…, 1987), belle manifestation qui me paraissait alors une bonne préparation à la connaissance de l’estampe française, avec cependant là aussi un respect un peu trop prononcé pour les choix d’Alexandre-Pierre- François Robert-Dumesnil – la question éternellement discutable de la distinction entre

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un prétendu peintre-graveur et un graveur tout court (ROBERT-DUMESNIL, 1835-1868) –, ce qui provoquait un déséquilibre quantitatif entre aquafortistes et burinistes (From Mannerism to Classicism…, 1987). Il est constant que nos amis américains ont un faible pour nos graveurs à l’eau-forte, en témoigne encore l’exposition French Prints from the Age of the Musketeers organisée à Boston par Sue Welsh Reed en 1998 (French Prints…, 1998). Entendons-nous, il ne s’agit pas d’un défaut en soi, ces eaux-fortes étant souvent remarquables, mais ces petites choses croquées sont relativement peu nombreuses et relativement peu diffusées par rapport à la production burinée du même temps, et leur donner trop d’importance dans un catalogue risque de transmettre une fausse idée de l’environnement imagier du siècle. Il m’est arrivé de commencer mes cours en disant que la seule lettre A de l’Inventaire du fonds français du XVIIe siècle décrivait plus d’images que l’ensemble du fonds de peintures françaises des XVIIe et XVIIIe siècles conservé au Musée du Louvre. Nos ancêtres étaient submergés d’images (fixes) qui, dans 90 % des cas, étaient des estampes dont 80 % étaient des burins.

12 La relation texte-image a toujours intéressé les chercheurs, aussi bien les historiens du livre que ceux de l’estampe, même s’il n’y a pas, au bout du compte, selon moi, grand- chose à en dire (MEYER, 2000). J’ai sans doute tort, encore que Marc Fumaroli en personne ne me contredise pas absolument, étant resté au seuil du livre dans son brillant exercice sur les frontispices (FUMAROLI, 1994), et le livre illustré est un problème en soi. Il est déjà un problème pour les utilisateurs des catalogues, tant les catalographes sont (ou devrais-je dire « étaient », puisqu’il semble que les catalogues CCFR et Sudoc manifestent un gros effort en ce sens ?) négligents ou inconstants dans leurs descriptions de livres : tant qu’on n’a pas un exemplaire entre les mains, on ne peut être sûr qu’il soit illustré, ou illustré des planches que l’on est en droit d’espérer y trouver, quand les planches n’ont pas été subtilisées par un amateur indélicat. C’est en tout cas un reproche que l’on ne peut faire à Thérèse Moyne quand elle dresse le catalogue des éditions illustrées lyonnaises du premier tiers du XVIIe siècle (MOYNE, 1987 ; voir aussi JANAND, 1996). Un des derniers travaux du regretté Henri-Jean Martin, après l’Histoire de l’édition française (1982) concerne le problème de la mise en page (MARTIN et al., 2000).

13 Enfin, soulignons qu’il y a partout des collections d’estampes, grandes, moyennes et petites, mais surtout des petites. Souvent elles sont cachées derrière les collections de tableaux et de dessins, et on les voit apparaître par-ci par-là, lorsque les conservateurs, ayant épuisé les charmes des huiles et des sanguines, se sentent contraints d’étudier ces multiples, de les ranger et de les mettre au jour. Comme elles font très souvent l’objet d’une note dans le Print Quarterly, on pourrait en constituer un intéressant répertoire à partir de l’index de cette revue. C’est souvent à l’initiative des universitaires que ces études se développent. Ainsi faut-il saluer l’opération « Feuille à Feuille » qui s’est déroulée de 2004 à 2007, fruit de la collaboration entre l’IRHiS et l’Association des Conservateurs des musées du Nord Pas-de-Calais, grâce notamment à Frédéric Chappey, et à Sophie Raux et Gaëtane Maës, les deux dernières se ressouvenant sans doute de leur mémoire de maîtrise soutenu en 1987 à Lille III, sur la collection d’estampes du musée de Tourcoing et de l’exposition qui s’en est suivie (Collection d’estampes…, 1988). Cette opération « Feuille à Feuille » a donné lieu à onze expositions et à un colloque sur l’estampe dont les actes viennent d’être publiés (RAUX, SURLAPIERRE, TONNEAU-RYCKELINCK, 2008) ; diverses contributions publiées dans cet ouvrage (dues à Françoise Pellicer,

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Pauline Prévost-Marcilhacy, Simon André-Deconchat, Sophie Harent) mentionnent d’autres collections françaises que celles du nord.

Lieux de publication (revues)

14 Il n’existe guère que trois revues actuellement vivantes consacrées à l’estampe occidentale ancienne, et encore n’est-ce que partiellement.

15 La plus ancienne est les Nouvelles de l’estampe, fondée en 1963 par Jean Adhémar, alors conservateur en chef du département des Estampes de la Bibliothèque nationale ; elle est à la fois liée à ce département et l’émanation du Comité national de la gravure française, ce qui implique que l’on y publie surtout de l’information sur l’actualité de l’estampe, mais on peut aussi y faire paraître quelques études ou quelques documents concernant l’estampe ancienne. En effet, les éditions critiques de documents, notamment ceux qui sont rédigés en français d’autrefois, et dont la traduction est soit inutile soit très difficile, ne peuvent guère trouver leur place dans les revues étrangères comme Grafica d’arte, qui se consacre d’ailleurs principalement à l’art italien, ou Print Quarterly, d’une envergure plus vaste, avec une vocation très internationale, mais qui pour ces raisons mêmes n’accepte guère de textes dans une autre langue que l’anglais. Print Quarterly est toutefois la plus importante et la plus complète de ces revues, non seulement grâce aux articles de fond qui y sont publiés, sur à peu près tous les sujets en plus de James McNeill Whistler – qui bénéficie d’un nombre incalculable d’articles dans cette revue –, mais aussi grâce aux très nombreux comptes rendus de livres et de catalogues d’exposition que l’on y trouve ; ceux qui intéressent plus particulièrement notre période, souvent dus à la plume d’Antony Griffiths, actuel directeur du Department of Prints and Drawings du British Museum, sont à la fois justement admirés pour leur intelligence érudite et redoutés pour leur franchise.

16 L’estampe parvient tout de même à se glisser dans d’autres publications périodiques, comme la regrettée Gazette des Beaux-Arts, la Revue de l’Art, le Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français, ou les Archives de l’art français, ou encore la Revue de la Bibliothèque nationale de France, mais ce n’est qu’occasionnel, voire exceptionnel.

Études transversales : les éditeurs d’estampes

17 Je n’hésiterai pas à dire que la publication en 1986 par Marianne Grivel de sa thèse d’École des chartes transformée en doctorat, Le commerce de l’estampe à Paris au XVIIe siècle, a joué un rôle important dans le renouveau des travaux sur l’estampe (GRIVEL, 1986). Clair, précis et documenté, ce travail présente en effet une version quelque peu néo-historique de l’activité du monde de l’estampe au XVIIe siècle. Il avait été précédé par la thèse d’École des chartes de Pierre Casselle, également à l’initiative du professeur Henri-Jean Martin, sur « Le commerce de l’estampe à Paris dans la seconde moitié du XVIIIe siècle » soutenue en 1976 et suivie par un travail du même type soutenu au même endroit en 1986 par Corinne Le Bitouzé, « Le commerce de l’estampe à Paris dans la première moitié du XVIIIe siècle ». Ces deux travaux n’ont pas été publiés (ils sont toutefois consultables, avec l’autorisation de leurs auteurs, au département des Estampes de la BnF), mais une partie des éléments qu’ils contiennent, en particulier la documentation archivistique, a été réunie dans le Dictionnaire des éditeurs d’estampes à Paris sous l’Ancien Régime (PRÉAUD et al., 1987). Malgré ses imperfections, ses lacunes, cet

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ouvrage demeure fort utile, et je regrette profondément qu’on n’ait pas voulu suivre cet exemple pour les périodes plus récentes. Seules l’ont fait nos amies lyonnaises Sylvie Martin de Vesvrotte, Henriette Pommier et Marie-Félicie Perez pour la ville de Lyon (PEREZ, 1989 ; MARTIN DE VESVROTTE, POMMIER, PEREZ, 2002) et, comme le remarque Antony Griffiths dans son compte rendu, ce travail constitue la base d’une histoire de l’estampe à Lyon restant à écrire malgré les avancées d’Estelle Leutrat qui toutefois ne concernent que le XVIe siècle (LEUTRAT, 2007).

18 Le nouvel Allgemeines Künstlerlexikon (ou le Thieme & Becker rajeuni) est une mine extraordinaire pour l’histoire de l’art, nous le savons tous. Il a cependant à mes yeux le défaut de rechigner à intégrer dans ses colonnes les noms des éditeurs d’estampes qui ne seraient pas eux-mêmes des artistes. Car on sait maintenant que l’on ne peut guère comprendre l’histoire de l’estampe si l’on mésestime le rôle des marchands et éditeurs. Jean Adhémar et Roger-Armand Weigert l’avaient bien compris, mais ils n’avaient pas eu à leur disposition les moyens d’en rendre compte. En effet, c’est seulement à partir du moment où les archives notariales ont été ouvertes que l’on a pu commencer à travailler sérieusement sur cette question, et grâce aux travaux pionniers de Mireille Rambaud et de Marie-Antoinette Fleury (RAMBAUD, 1964 ; FLEURY, 1967). Malheureusement, peut-être parce que l’utilisation du Minutier central des notaires non seulement implique de longs et fastidieux dépouillements d’archives dévoreurs de temps mais exige en outre un minimum d’expérience paléographique, les recherches sur les éditeurs n’ont pas fait l’objet de nombreuses études. Et lorsqu’il y en a, il s’agit principalement de mises à jour permettant de vérifier la biographie, le tissu familial et le réseau de relations d’une part, et d’autre part de décrire la production, ce qui, il est vrai, n’est déjà pas si mal. Une ou deux études, cependant, sont plus générales, et doivent sans doute être lues en premier (GRIVEL, 1981 ; KUHNMÜNCH, 1981).

19 Quelques événements, parfois, sont l’occasion d’étudier un aspect particulier. Ainsi, le colloque sur la peinture italienne du XVIIe et la France (BOYER, 1990a) fut-il un bon prétexte pour la publication de l’inventaire après décès de Guillaume Chasteau (PRÉAUD, 1990), et le colloque Poussin organisé par Alain Mérot en 1994 permit-il d’examiner partiellement la diffusion de la peinture du maître grâce aux estampes publiées par Etienne Gantrel (PRÉAUD, 1996) et d’apporter quelques annotations au toujours fort utile catalogue de Georges Wildenstein (WILDENSTEIN, 1957). La richesse de l’inventaire après décès du peintre et éditeur Jean Ier Leblond est prometteuse, mais elle n’a certainement pas pu être complètement exploitée dans un seul article (PRÉAUD, 2002a) ; ce personnage, un des rares de la profession à être demeuré célibataire, était aussi ce qu’on appelait un curieux, et on lui doit sans doute d’avoir sauvé les dessins de Lagneau et bien des tableaux de second ordre (qualification qui n’est certes pas péjorative sous ma plume, car ce sont souvent les plus passionnants pour l’historien) qui figurent dans les réserves des musées. L’activité éditoriale de Charles Le Brun, ou plutôt l’exploitation du privilège relativement exorbitant que le Roi lui avait accordé pour la diffusion d’estampes gravées d’après ses compositions, a été étudiée à l’occasion de la publication de ce privilège, ainsi que de l’inventaire après décès du peintre, de celui de sa veuve et de celui de son neveu, filleul et légataire universel (MEYER, 1998 ; FUHRING, 2002a).

20 La dynastie des Mariette, qui est à n’en pas douter la plus importante de l’histoire de l’estampe, à la fois par l’intelligence de ses membres et par leur vitalité, mérite d’être étudiée plus à fond que je n’ai pu le faire (PRÉAUD, 2003), et je regrette notamment de

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n’avoir pas eu le loisir de m’occuper de celui que je considère comme le plus séduisant de la famille, Jean, auteur d’un corpus de huit cents gravures tout à fait dignes d’intérêt. La thèse soutenue en 1995 par Edmond Rohfritsch sur Balthazar Moncornet (et non Montcornet, comme on le voit écrit trop souvent, y compris dans les plus récents catalogues, informatisés ou non) s’intéresse à un aspect particulier de la production de cet éditeur, celle des portraits en série, qui est aussi celle pour laquelle il est le plus connu (ROHFRITSCH, 1995). Mais le mémoire de maîtrise consacré à Nicolas Regnesson, le « maître » et surtout le beau-frère de Robert Nanteuil, examine principalement son activité de graveur, laissant de côté, faute de temps, son rôle d’éditeur qui est pourtant plus important (ROCHERON, 1984). Anne-Sophie Legrand, au contraire, en étudiant la carrière du graveur et académicien Antoine Trouvain, mort relativement jeune à 56 ans, n’oublie pas qu’il fut parallèlement un éditeur entreprenant (LEGRAND, 1995). La publication de l’inventaire après décès de Jacques van Merle est l’occasion de mettre au jour une partie du réseau des Flamands immigrés à Paris, sans lequel on ne peut comprendre le développement de l’estampe française (PRÉAUD, 1984a). Il y a d’ailleurs beaucoup à faire pour étudier cette passionnante question des relations artistiques franco-flamandes dans le domaine de l’estampe (MERLE DU BOURG, SZANTO, 2001 ; voir aussi ARDOUIN-WEISS, 1996), et il serait peut-être temps d’instaurer un lien entre chercheurs à Paris, à Bruxelles et à Anvers, voire d’apprendre à lire le néerlandais.

21 Pour rappeler que l’édition d’estampes n’est pas qu’une affaire d’hommes, même si ceux-ci sont largement majoritaires, j’ai voulu rendre hommage à quelques héroïnes de ce métier, comme Claudine Bouzonnet-Stella, nièce de Jacques Stella, Madeleine de Collemont, l’épouse successivement de François Langlois dit Chartres puis de Pierre II Mariette, et qui par conséquent à beaucoup donné de sa personne pour l’estampe française, de même que Marguerite de Liercourt, femme de l’éditeur Jean Vallet puis de l’éditeur Jean Ganière (PRÉAUD, 2004a), mais là encore il faudrait aller plus loin, documents en main (voir tout de même, avec prudence, MULHERRON, 2008).

Enseignement de l’histoire de l’estampe en France

22 L’enseignement de l’histoire de l’estampe en France a varié selon les temps et les lieux. Disons cependant, sans entrer dans le détail, que non seulement il a tardé à se mettre en place, mais encore qu’il n’a droit qu’à un espace réduit à l’intérieur de l’espace déjà réduit réservé à l’histoire de l’art. En effet, il a fallu attendre le 12 janvier 1935, soit cinquante-trois ans après la fondation de l’École du Louvre, pour qu’y fût donné par André Blum le premier cours d’« histoire de la gravure ».

23 À l’université, c’est seulement depuis l’année 2006-2007 qu’a été créée pour Marianne Grivel, professeur à Paris Sorbonne-Paris IV, une chaire d’« Histoire de l’estampe et de la photographie des origines à nos jours » ; on ne va pas se plaindre de cette avancée considérable, mais constatons que le programme, si son intitulé est respecté, est très lourd pour une personne seule, fût-elle brillante. Sinon, à Paris comme en province, et malgré les efforts des uns et des autres (Véronique Meyer à l’Université de Poitiers, Sophie Raux et Gaétane Maës à l’Université Charles-de-Gaulle Lille III, Henriette Pommier à l’Université Lumière Lyon II, Estelle Leutrat à l’Université Rennes II, pour ne citer que ces exemples) l’estampe ne fait que s’insérer dans des cours plus généraux d’histoire de l’art.

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24 À l’École pratique des hautes études, un « cours d’initiation à l’histoire de la gravure » fut créé pour José Lothe à partir du 1er novembre 1996 ; il n’a pas survécu au départ à la retraite dudit enseignant à l’été 2008. Enfin, à l’École nationale des chartes, l’enseignement a lui aussi évolué, depuis les quelques rudiments truffant le cours d’histoire du livre impliquant une subordination gênante de l’estampe au livre. Aujourd’hui, il y a un cours spécifique d’une douzaine d’heures sur l’histoire de l’estampe, qu’a d’abord dispensé Marianne Grivel et qui est maintenant donné par Séverine Lepape et Vanessa Selbach, conservateurs au département des Estampes.

25 Quand on pense à la masse documentaire que représente l’estampe et à l’importance historique de ce médium, fait pour le plaisir des yeux, certes, mais aussi pour la diffusion des informations et des idées, y compris politiques, cette négligence à de quoi déprimer.

Monographies : empreintes de graveurs

Inventaire du fonds français et monographies de graveurs

26 Une brève note dans le Print Quarterly de mars 2002 (p. 80) annonçait triomphalement que, avec la publication en 2001 du tome LVIII, la série des volumes du Hollstein consacré aux artistes belges et néerlandais (Dutch and Flemish) était maintenant complète. Commencée en 1949, il a fallu cinquante-deux ans pour l’achever, et quatre éditeurs différents. Le nombre des auteurs n’est pas précisé, il faudrait avoir le temps d’en faire le compte. De toute façon, on s’est aperçu qu’on était allé trop vite, et la série a recommencé, plus détaillée, entièrement illustrée et, même avec de nombreux auteurs et toute l’énergie de son éditeur actuel, elle n’est pas près d’être terminée2.

27 Malgré tout, même dans sa première version, c’est un exploit que d’être arrivé au bout de l’entreprise. On ne peut malheureusement pas en dire autant de l’Inventaire du fonds français que publie la Bibliothèque nationale de France et dont le premier volume a paru en 1939 (je ne parle ici que du XVIIe siècle) : le tome XIII qui vient de sortir est consacré à Pierre Lepautre (PRÉAUD, 2008), ce qui veut dire que, selon mes calculs et si l’on conserve la même politique éditoriale, il ne reste plus que vingt-trois volumes à rédiger pour atteindre Remy Vuibert, fin de l’exercice. Si le Hollstein bénéficie d’une multiplicité d’auteurs et d’un éditeur très motivé, l’Inventaire du fonds français du XVIIe siècle, en revanche, n’est pour l’instant confié qu’à un seul auteur qui ne peut d’ailleurs pas y consacrer toute son énergie et ne peut pas non plus se permettre de consulter toutes les grandes collections d’estampes du monde, comme le font généralement les collaborateurs du Hollstein. Il essaie toutefois de résoudre l’équivoque « inventaire/ catalogue » (PRÉAUD, 1989a)3 en faveur de ce second terme, étant entendu qu’il est conscient que, dans bien des cas, l’Inventaire est le premier catalogue de l’œuvre de certains artistes, beaucoup de petits, certains très grands, par exemple pour Jean et Pierre Lepautre (PRÉAUD, 1993a, 1999, 2008), et que dans d’autres cas, surtout depuis que les volumes sont abondamment illustrés, il apporte des enrichissements certains à des catalogues anciens ou très anciens, par exemple pour Sébastien Leclerc (PRÉAUD, 1980), pour Claude Mellan (PRÉAUD, 1988) ou pour Jean Lenfant (PRÉAUD, 1989b).

28 Mais, au-delà de la lettre L, pour cette dernière publication, il y a beaucoup à faire. Cela ne veut pas dire qu’il faut attendre d’avoir rédigé le catalogue de l’œuvre de ce diable

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de Vovert, puisque Remy Vuibert, qui le suit et qui est le dernier de la liste, figure déjà dans le toujours solide Peintre-graveur français de Robert-Dumesnil − mais il a tout de même été étudié tout récemment (JACQUOT, 2007 ; MIGNOT, 2007) −, pour entreprendre la rédaction de l’histoire de l’estampe en France au XVIIe siècle dont nous avons besoin.

29 En effet, quelques monographies ont été soit publiées, soit rédigées mais demeurées à l’état de dactylogrammes, depuis une trentaine d’années. Elles sont évidemment d’une qualité inégale, mais on comprend qu’il soit difficile d’équiparer une maîtrise réalisée en un an ou deux au milieu des difficultés et une publication plus élaborée due à un chercheur confirmé y ayant consacré l’essentiel de son énergie. Aux dimensions de la maîtrise, ou aujourd’hui du master, ne correspondent évidemment que de brèves monographies. Les sujets sont en effet délicats à trouver. Ce serait inutile et peu honnête que de confier à un étudiant ignorant tout de l’estampe le catalogue d’un graveur ou trop copieux ou trop complexe, qui doit plutôt être l’objet d’une thèse − à condition que soit résolue l’épineuse question du catalogue comme thèse. Mais on ne peut pas non plus, décemment, lancer un jeune chercheur vers d’inévitables culs-de- sac, sauf à vouloir le décourager.

30 On peut citer, en suivant l’ordre alphabétique des artistes, le graveur et éditeur Girard Audran, déjà beaucoup étudié (JANAND, 1997) mais sur lequel il reste encore du travail. Puis le peintre et graveur Pierre Brebiette, qui a bénéficié de sa première exposition monographique au Musée des beaux-arts d’Orléans en 2001, ce qui a permis de présenter, outre un bon nombre de ses spirituelles estampes, des tableaux et des dessins nouvellement découverts, ainsi que des documents biographiques inédits (Pierre Brebiette…, 2001)4.

31 Selon Dominique Jacquot, c’est à la gravure des Loges du Vatican, ou la « Bible de Raphaël » (toujours le syndrome Raimondi) que Nicolas Chaperon, graveur et peintre, doit d’être passé à la postérité, tant son ouvrage connut de succès (Nicolas Chaperon…, 1999) ; le catalogue qu’avait dressé Robert-Dumesnil est ici quelque peu amendé ; et enrichi d’une suite de quatre planches datées de 1634 et représentant les Quatre Saisons, jusqu’ici attribuées à Karl Audran (CLARK, 1997). J’ai eu la chance autrefois de trouver dans les archives notariales l’inventaire après décès de François Chauveau et de pouvoir le publier : il contenait nombre de références à des tableaux peints par cet imaginatif aquafortiste, dont on n’a jusqu’à présent − mais en a-t-on cherché ? −, trouvé aucune trace (PRÉAUD, 1984b). Nicolas Cochin, dont la biographie et la famille, compliquées par les homonymies, ont été quelque peu remises en ordre par Gerhard Fries dans la nouvelle version de l’Allgemeines Künstlerlexikon, voit une partie de son catalogue précisée, notamment en ce qui concerne les copies dont il était spécialiste (MEYER, 2002).

32 Simon Lhopiteau a soutenu avec succès sa thèse de doctorat consacrée au graveur et éditeur d’estampes Pierre Daret, dont il dresse le catalogue, complétant et amendant l’ Inventaire du fonds français, après avoir renouvelé entièrement sa biographie et fourni un grand nombre de documents (LHOPITEAU, 2005). Les deux frères David, Charles et Jérôme, ont vu une partie de leur biographie dévoilée et le catalogue de leur œuvre gravé enrichi à l’occasion du colloque Vignon (MIGNOT, PACHT BASSANI, 1998) qui accompagnait l’exposition consacrée au peintre (Claude Vignon…, 1992), lui-même beau graveur à ses heures (BOYER, 1998 ; LOIRE, 1998 ; MEYER, 1998b ; PRÉAUD, 1998). Stefano Della Bella, ou Étienne de La Belle, comme on disait parfois au XVIIe siècle, puisque ce Florentin est un si charmant aquafortiste qu’on le naturaliserait volontiers français, a

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bénéficié d’une belle exposition à Caen (Stefano della Bella, 1998 ; voir en particulier CHONÉ, 1998 ; GRIVEL, 1998) et a vu le catalogue de son œuvre, celui d’Alessandro Baudi di Vesme de 1906, déjà amélioré en 1971 par Phyllis Dearborn Massar, encore affiné par Tiziano Ortolani (ORTOLANI, 1996). Ce qu’il y a d’amusant avec l’estampe, c’est qu’on peut toujours trouver de nouveaux états ou de nouvelles épreuves particulières ; cela ne change rien ou presque au fond du problème mais cela entretient l’œil et garde l’esprit en éveil. De même Gilberte Levallois-Clavel a-t-elle soutenu une thèse de doctorat qui reprend le catalogue de l’œuvre gravé des extraordinaires artistes que furent Pierre Drevet et son fils Pierre-Imbert, ainsi que son neveu Claude (LEVALLOIS-CLAVEL, 2005, 2008).

33 L’excellent Gérard Edelinck, en tant que graveur d’interprétation, a curieusement trouvé aux antipodes son admiratrice néo-zélandaise qui étudie plus spécifiquement le statut du graveur à Paris à la fin du XVIIe siècle (SAVILL, 2000).

34 Benoît Farjat, originaire de Lyon, mais dont l’essentiel de la carrière s’est déroulé à Rome, au point qu’on peut le considérer comme italien, a vu son catalogue revu et corrigé par Henriette Pommier (POMMIER, 1996 ; GADY, 2005).

35 On ne sait que bien peu de choses sur un des plus prolifiques graveurs des débuts de la taille-douce en France, le Parisien Léonard Gaultier, auteur d’un millier d’estampes. Emmanuelle Brugerolles et David Guillet font le point sur sa biographie, lui attribuent un dessin sûr et discutent de ses capacités d’invention (BRUGEROLLES, GUILLET, 2000). Graveur méconnu, imitateur de Silvestre et copiste de Callot, le talentueux Claude Goyrand a fait l’objet d’un mémoire de maîtrise d’Ingrid Held (HELD, 1999 ; BOYER, 2003).

36 L’étude de l’œuvre chatoyant et très catholique de Grégoire Huret est en cours, et déjà bien avancée (BRUGEROLLES, GUILLET, 1997 ; CLARK, 2003 ; LAZ, 2008).

37 Lino Mannocci, graveur lui-même, ce qui le met dans une position avantageuse par rapport à son sujet, s’est pris d’une passion très excusable pour les estampes de Claude Lorrain, dont il a établi un solide catalogue, tout à fait remarquable, surtout s’il est accompagné des réflexions sur les quelques points de méthode qu’il convenait de discuter (MANNOCCI, 1988 ; LAMBERT, 1989 ; PRÉAUD, 1989c ; KITSON, 1990 ; KRÜGER, 1990).

38 Véronique Meyer a mis en lumière le graveur rémois Edme Moreau (MEYER, 1995a). Jean Mazel a publié le catalogue de l’œuvre gravé de l’illustre Jean Morin, l’interprète favori de Philippe de Champaigne, résultat d’un long travail de recherche mené sous la direction de José Lothe (MAZEL, 2004) ; il intègre les quelques corrections aux catalogues anciens déjà proposées par Osbert Barnard (BARNARD, 1985) et, ayant consulté nombre de collections en France comme à l’étranger (mais pas à Vienne), fait en quelque sorte le point sur l’œuvre d’un artiste dont l’intégration dans le milieu parisien demeure tout de même mal connue.

39 C’est à grand renfort de documents d’archives que ledit José Lothe, auparavant, avait publié la vie et l’œuvre des frères Poilly d’Abbeville, François et Nicolas, l’un comme l’autre excellents burinistes, et parmi les grands éditeurs du siècle (LOTHE, 1994), dont la dynastie allait diffuser de l’estampe de toute sorte dans l’Europe entière au cours du règne suivant. Mais il reste beaucoup à faire dans l’étude de cette dimension éditoriale.

40 Daniel Rabel, aquafortiste contemporain de Callot, est quelque peu sorti de l’ombre (MEYER, 1983, 1993). Le grand interprète de Claude Vignon et surtout de Charles Le Brun que fut Gilles Rousselet, devenu aveugle pour avoir sans doute trop regardé le cuivre

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nu, a longuement été étudié par Véronique Meyer ; cette dernière, qui avait consacré en 1984 sa thèse de doctorat à cet artiste et au problème de la gravure d’interprétation, après avoir édité son inventaire après décès (MEYER, 1985), a fini par publier le catalogue de son œuvre, précédé d’une importante étude (MEYER, 2004a).

41 Pierre Simon, encore un graveur peu connu, est lui aussi sorti de l’obscurité totale par Véronique Meyer, qui en a étudié la biographie et publié le catalogue : il mérite à juste titre notre attention, en tant que portraitiste au pastel et au burin, même s’il paraît n’être qu’un épigone de Robert Nanteuil (MEYER, 1988, 1989a, 1990a, 1991a). L’œuvre des Simonneau est en cours d’étude par les soins d’Anne Nadeau, à Poitiers, sous la direction de Véronique Meyer (NADEAU, 2001).

Bellange, Bosse, Callot, Mellan : le quatuor de luxe

42 Hasard sans doute de la chronologie des commémorations nationales, quatre graveurs ont bénéficié plus que les autres des avancées de la recherche.

43 Le premier d’entre eux est Jacques (de) Bellange (qu’on fait maintenant naître vers 1570 et mourir en 1616) – j’ai du mal à conserver cette particule inutilement aristocratique pour cet artiste dont le nom pourrait être, vu ses sujets, pris pour un sobriquet −, qui semble avoir définitivement vaincu la malédiction proférée par Pierre- Jean Mariette. Ce savant amateur disait en effet, à sa manière d’ayatollah : « On connaît quelques pièces qu’il a gravées et dont on ne peut soutenir la vue, tant elles sont de mauvais goût ». Après la toujours utile et nécessaire référence que constitue le catalogue raisonné de Nicole Walch (WALCH, 1971), la première salve du renouveau d’intérêt avait été tirée en 1975 par nos amis américains (Etchings of Jacques Bellange, 1975), entre lesquels Sue Welsh Reed, conservateur au Museum of Fine Arts de Boston, qui a toujours éprouvé une grande sympathie pour les graveurs, et spécialement les aquafortistes européens de la première moitié du XVIIe siècle. L’exposition, fondée sur beaucoup de prêts extérieurs, mais également sur la collection fort importante (soixante-six épreuves) du musée de Boston, n’est pas purement monographique, établissant des liens entre Bellange et ses prédécesseurs comme Barroche et Ghisi, ou ses contemporains comme Georges Lallemand, surtout par l’intermédiaire des bois gravés de Ludolph Büsinck, ainsi que Matthäus Merian et Crispin de Passe. C’est dans ce catalogue que l’on trouve le premier essai de classification des estampes (en fait, surtout les différentes éditions de ces estampes) de Bellange en fonction des filigranes, essai transformé de brillante façon par Antony Griffiths et Craig Hartley (Jacques Bellange…, 1997) : leur catalogue est en tout excellent, et l’introduction au chapitre intitulé « Watermarks in the Paper of Bellange Etchings » (p. 125-127) est d’une telle clarté dans l’explication, d’un tel sens de la pédagogie, qu’elle doit servir de modèle et de guide à tous les imprudents qui veulent se lancer dans l’étude des filigranes (voir tout de même GAUDRIAULT, 1995).

44 Notons incidemment, à propos des filigranes, que c’est surtout à l’étranger, et avec des moyens aujourd’hui très simples à utiliser, qu’on se consacre à cette étude pour les estampes (HINTERDING, 2006). Soulignons aussi que, s’il existe quelques travaux sur des fabricants de papier (voir la bibliographie de GAUDRIAULT, 1995), il ne s’en rencontre pas encore, à ma connaissance du moins, sur les marchands de papier, ceux qui fournissaient directement les artistes et les éditeurs. Il s’agit pourtant

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d’incontournables personnages de l’histoire de l’estampe, et ceux qui, notamment, selon les inventaires après décès, sont les plus gros créanciers.

45 L’exposition réalisée par Jacques Thuillier (Jacques de Bellange, 2001), outre les estampes, montre et discute les dessins – ce que ne faisaient pas les catalogues précédents –, transcrit la fortune critique et publie des documents, selon une méthode que son auteur a utilisée à plusieurs reprises. Jacques Thuillier propose également une nouvelle chronologie, autre que celle de ses devanciers, dont les différences reposent essentiellement sur le point de départ de l’activité de graveur de l’artiste, qu’il faut selon lui placer beaucoup plus tôt dans le temps. Bref, beaucoup de progrès ont été faits sur Bellange graveur, mais la discussion est encore ouverte sur bien des points.

46 Le deuxième graveur sur la carrière et l’œuvre duquel il y a eu quelques avancées est Abraham Bosse. Sophie Join-Lambert, conservateur au Musée des beaux-arts de Tours, s’intéressait depuis longtemps (Abraham Bosse…, 1982 ; JOIN-LAMBERT, MANCEAU, 1995 ; JOIN- LAMBERT, 1997) à ce Tourangeau de naissance issu de l’immigration (ARDOUIN-WEISS, 1992) et elle souhaitait qu’une manifestation d’envergure rendît à ce bel artiste l’hommage qu’il mérite. La date traditionnellement admise pour la naissance de Bosse était 1602, déduite de l’âge que lui donnaient les témoins de son enterrement. Cependant la découverte du contrat d’apprentissage du graveur avec Melchior Tavernier (LOTHE, 1993), où l’on voit la mère du jeune Abraham déclarer qu’il est âgé « de seize ans ou environ » alors qu’on est en juillet 1620, nous fait croire qu’il était né en 1604. C’est ainsi que, puisque le prétexte le plus fréquent pour une célébration est un anniversaire, l’exposition projetée se déroula en 2004, sur les deux sites du Musée des beaux-arts de Tours et de la Bibliothèque nationale de France, avec un catalogue commun (Abraham Bosse…, 2004). Mais pendant la préparation de l’exposition, un examen attentif de l’arrière-plan d’une des gravures du maître, La Saignée, fit peser un doute certain sur la véracité des déclarations de la mère de Bosse, sans qu’on puisse pour l’instant expliquer pour quelle raison elle aurait de deux années rajeuni son fils. C’est évidemment un détail, mais qui rappelle à quel point il est important que les estampes soient lues de très près, en tenant compte des virgules et des parenthèses. En l’occurrence, sur le mur du fond de la pièce où se déroule la scène de La Saignée, Bosse a gravé les « portraits » d’un couple, dont il donne l’âge en même temps que la date de l’estampe, et dont il y a lieu de croire qu’il s’agit de lui-même et de son épouse (Abraham Bosse…, 2004, p. 1, n. 1). On notera toutefois incidemment que la date de naissance de Karl Audran, traditionnellement donnée comme 1594, est reculée à 1596 si l’on en croit son contrat d’apprentissage avec Jaspar Isaac du 5 janvier 1612 (LHOPITEAU, 2000). Plusieurs études accompagnent le catalogue proprement dit, qui témoignent toutes du rôle important que Bosse a pu jouer, par son intention et son talent pédagogiques, dans le développement de la gravure en taille-douce à Paris, principalement en un moment où l’eau-forte était quelque peu balbutiante, sans doute en raison de ses accointances flamandes et hollandaises. On n’oublie pas qu’il est l’auteur du premier traité de gravure à l’eau-forte en 1645 (BOSSE, 1645), traduit en diverses langues (y compris en japonais tout récemment) et enrichi au fil du temps, et qu’il est d’une certaine façon le truchement de Jacques Callot sur les bords de la Seine.

47 Le contresens sur sa situation à l’Académie est corrigé : Bosse n’est entré à l’Académie que comme professeur, pas comme artiste, mais il en fut peut-être exclu davantage parce qu’il était graveur et le revendiquait (je renvoie ici à mon préambule) que parce qu’il n’était pas d’accord avec telle ou telle théorie perspectiviste (LE BLANC, 2002, 2004 ;

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MANCEAU, 2004) ou parce qu’il était protestant (LESTRINGANT, 2004). Il souhaitait que l’art de la gravure fût considéré autrement que comme un métier mécanique (GOLDSTEIN, 2008), épisode d’une querelle sans fin. Cependant, curieux retour des choses, il est avec Callot un des graveurs dont les estampes ont le plus inspiré les peintres et les décorateurs de son temps (LE LEYZOUR, 2004).

48 Enfin, le point culminant des progrès accomplis dans l’étude d’Abraham Bosse est la publication par José Lothe du catalogue de son œuvre gravé (LOTHE, 2008), qui rend caduques les listes « faute de mieux » de Georges Duplessis (1859) et d’André Blum (1924) reprises dans l’Inventaire du fonds français (I, 1939). L’auteur fait précéder ce travail d’une importante introduction, dans laquelle il reprend et aménage tout ce que l’on sait à ce jour sur ce graveur, en tentant une classification chronologique, tandis que le catalogue proprement dit, dans lequel il a noté les épreuves conservées à la Bibliothèque nationale de France, à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris et à la Graphische Sammlung Albertina de Vienne, est classé par thèmes, chose nécessaire pour un artiste prolifique, auteur de quelque 1 700 estampes dont on ne saurait se rappeler aisément les dates.

49 Le troisième membre de ce quatuor est Jacques Callot. Cet artiste a toujours provoqué une abondante littérature. Mais c’est 1992, à l’occasion du quatre centième anniversaire de sa naissance, qui fut sa grande année, notamment avec l’exposition majeure qui s’est tenue à Nancy, avec un remarquable catalogue sous la direction de Paulette Choné (Jacques Callot…, 1992), et avec le colloque qui l’a accompagnée, organisé par Daniel Ternois (TERNOIS, 1993). En fait, comme le remarque justement Sue Welsh Reed dans son compte rendu5. Ternois et Choné dialoguent par dessins et estampes interposés, et le développement de la dialectique de la plume et du pinceau à la pointe, qui témoigne de si claire façon de la différence de vocabulaire et de prononciation qui existe entre ces deux langages alors qu’ils concourent au même but, est un des bénéfices de cette manifestation en tous points réussie. Les actes du colloque rassemblent bon nombre d’apports nouveaux (TERNOIS, 1993), mais il faut à mon avis en commencer la lecture par la communication qui clôt le volume, sous la plume érudite de Paulette Choné, qui joue fort habilement d’une double optique pour proposer de l’œuvre de Callot une lecture allant sans cesse du général au détail et vice versa (CHONÉ, 1993).

50 Cela n’empêche pas les études sur Callot de se poursuivre, et les nouveaux documents de se rencontrer. Ainsi Paulette Choné publie-t-elle le contrat de mariage de Callot, inconnu jusqu’alors (CHONÉ, STREIFF, 2002), et étudie-t-elle l’Arbre généalogique de la famille des Porcelets, œuvre de jeunesse du graveur qui n’avait pas été présentée dans la grande exposition de 1992 (CHONÉ, 2002).

51 On sait que les trois mousquetaires étaient quatre. Ajoutons donc Claude Mellan à ce trio de fins bretteurs. Claude Mellan n’est pas seulement un graveur intéressant, c’est un artiste curieux, au sens moderne de bizarre. S’il s’était contenté de cette seule pièce que chacun connaît et soit admire soit trouve ridicule, la Sainte Face en une seule taille de burin, il y aurait peu à en dire. Mais, même si l’on peut penser que c’était un génial paresseux, la plupart de ses autres productions sont passionnantes, notamment les pièces du début de sa carrière et celles de la suite que j’appelle la Grande Passion. De plus, il était un magnifique dessinateur et l’on sait qu’il était peintre, sans avoir pour l’instant de tableau absolument certain à mettre sous son nom. On aurait pu croire qu’il ne faisait que peindre au pastel, mais son ami La Mothe Le Vayer parle des « grâces de son pinceau ». Il fréquentait en effet le milieu des libertins « spirituels », ce qui le rend

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encore plus intéressant. Toutes raisons pour profiter à la fois de l’ordre alphabétique et du jeu des commémorations, et faire de 1988 l’année Mellan (il était mort en 1688, âgé de 90 ans, le burin à la main), avec la publication d’un volume de l’Inventaire du fonds français entièrement consacré à lui (PRÉAUD, 1988) et la mise en place d’une exposition à la Bibliothèque nationale (L’Œil d’or…, 1988), dans laquelle étaient montrés, grâce à des prêts français et européens généreux, des tableaux « à discuter » et de nombreux dessins venus notamment de Stockholm et de Saint-Pétersbourg (Leningrad à l’époque). Aucun des tableaux n’a alors convaincu les « spécialistes » qui les ont vus de la paternité de Mellan, et ce problème-là resterait presque entier si Sylvain Laveissière n’avait pas fait récemment le point, à l’occasion du colloque « Simon Vouet en Italie » organisé fin 2008 à Nantes pour accompagner l’exposition intitulée Simon Vouet : les années italiennes (Simon Vouet…, 2008). Il pense pouvoir attribuer sérieusement à Mellan un tableau que lui avait signalé Gilles Chomer au Musée des beaux-arts de Lyon ; nous attendons qu’il puisse publier ses observations (LAVEISSIÈRE, à paraître). Les dessins sont un peu mieux connus et appréciés, en grande partie grâce à Barbara Brejon de Lavergnée (Claude Mellan…, 1980 ; BREJON DE LAVERGNÉE, 1987 ; L’Œil d’or…, 1988), également spécialiste de Simon Vouet (BREJON DE LAVERGNÉE, 1987).

52 Le volume de l’Inventaire rajeunissait le vieux catalogue d’Anatole de Montaiglon (Paris, 1856), mais l’estampe est un sujet complexe : tant qu’on n’a pas vu toutes les épreuves de toutes les collections, on ne peut être certain d’être complet. Ainsi ai-je retrouvé par la suite des épreuves d’état à Stockholm, à Bruxelles et à Amsterdam (PRÉAUD, 1989d-e, 1993b). Pendant ce temps, Simon Lhopiteau découvrait dans les archives notariales le contrat d’apprentissage de l’artiste avec un bien médiocre buriniste, Jean V Le Clerc (LHOPITEAU, 2000), confirmant le piètre état de la taille-douce à Paris au début du XVIIe siècle et la nécessité du voyage en Italie (ou en Hollande, mais c’est une autre histoire).

53 À ce propos, l’année Mellan se concluait en 1989 à Rome par une belle exposition plus particulièrement axée sur le séjour italien du graveur (Claude Mellan…, 1989). L’année suivante, tout en discutant la difficile question de la paternité du dessin original des gravures des phases lunaires, David Jaffé apportait grâce à un article d’une solide érudition une nouvelle pièce à l’œuvre gravé de Mellan : une toute petite chose de 31 mm sur 42, d’après une gemme antique appartenant à la collection de Ludovico Compagno, pour un livret de Gerolamo Aleandro, un des savants correspondants de Peiresc (JAFFÉ, 1990). David Jaffé donnait également l’espoir qu’on retrouve des dessins de Mellan d’après diverses pièces d’antiquité. Plus récemment, on insistait sur sa manière inégalée de représenter la sculpture en marbre, sur laquelle son amitié avec le Bernin a certainement eu une influence (Estampes d’après l’antique…, 2000 ; AUMAÎTRE, MORISSEAU, 2003 ; voir aussi PRÉAUD, 1989f).

Dessins de graveurs

54 L’exposition Callot de 1992 avait été l’occasion pour Daniel Ternois de montrer un grand nombre de dessins du maître lorrain (Jacques Callot…, 1992) et de mettre la dernière main à l’opus maximum que constitue leur catalogue (TERNOIS, 1999). On peut donc considérer ce dossier comme quasiment clos. Mais ce n’est pas le cas de certains autres artistes, je pense notamment à Sébastien Leclerc qui, pour être un des plus élégants graveurs de son siècle, n’en est pas moins le plus élégant des dessinateurs, et un catalogue nous manque de ses productions dans ce domaine. Car il semble que ce

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soit une règle générale, qui ne souffre que de rares exceptions : les dessins de graveurs sont peu étudiés, sans doute parce que les graveurs eux-mêmes sont méconnus, peut- être aussi parce que les dessins de graveurs sont dans des ateliers exposés à plus de dégradations que les dessins de peintres. Mais il n’y a pas de graveur sachant graver qui ne sache dessiner. Ainsi, j’imagine, les fonds de dessins doivent-ils être truffés d’anonymes qui sont des graveurs. On notera cependant la tentative déjà ancienne de Patrick Ramade, même si elle concerne plus les dessins pour la gravure que les dessins de graveurs (Correspondances…, 1980).

55 Signalons toutefois les exceptions, comme Mellan (mais c’est d’abord parce qu’il est si proche de Vouet). Ou comme Nanteuil, dont un des pastels a eu l’honneur de se faire dérober au Louvre il y a quelques années (ce qui a permis à cet obscur génie de « passer » à la télévision), et dont l’œuvre « dessiné » a fait l’objet d’une thèse récente (ADAMCZAK, 2007), ce qui devrait faciliter le renouvellement des études sur ce grand artiste et peut-être bâtir une exposition qui serait certainement passionnante – mais il est vrai que les pastels sont interdits de voyage, encore qu’il y en avait dans la petite exposition qui lui avait été consacrée à Nice (Robert Nanteuil…, 1995). On bénéficie en outre maintenant d’une édition complète des manières de travailler de Nanteuil telles qu’elles ont été rapportées par son disciple florentin Domenico Tempesti (DENARO, 1994 ; voir aussi RIVET, 1988). L’intense production gravée de François Chauveau implique évidemment un nombre considérable de dessins. Cet artiste au talent polymorphe est difficile à cerner en dehors de ceux directement préparatoires aux estampes ; il a néanmoins suscité plusieurs études (dont CLARK, 1990 ; SALMON, 2000 ; LARCENA, 2009). Grégoire Huret également, mais c’est, je suppose, parce qu’on conserve de lui, à Madrid, un ensemble quasi complet des dessins préparatoires à son Théâtre de la Passion (CLARK, 2003) ; Raymond Lafage, mais il est avant tout dessinateur (MEYER, 2003) ; Pierre Brebiette était déjà bien étudié (PACHT BASSANI, 2003), Jean Lepautre mérite qu’on y travaille encore un peu (COQUERY, 2002 ; PRÉAUD, 2003). Quant à l’énigmatique Georges Focus, extraordinaire représentant d’un art brut avant la lettre, les amateurs de bizarre alléchés par ce qu’en ont montré Emmanuelle Brugerolles et David Guillet (BRUGEROLLES, GUILLET, 1993) attendent avec impatience la publication intégrale de ses dessins fous.

Les monographies de peintres ou Peinture et estampe

56 Même si une des premières salves a été tirée par Alain Mérot, professeur à l’Université de Paris Sorbonne-Paris IV, à propos d’Eustache Lesueur (MÉROT, 1983), je me dois ici de rendre un hommage particulier à Jacques Thuillier, professeur d’histoire de l’art au Collège de France, déjà cité à propos de Bellange, qui a consacré une bonne partie de sa carrière au XVIIe siècle, avant tout dans le domaine de la peinture, certes, mais chacun sait qu’il est un des rares de sa profession et de sa classe à avoir compris l’intérêt intrinsèque de l’estampe. Bien qu’il se serve abondamment de cette dernière, qu’il collecte et collectionne d’ailleurs depuis de nombreuses années (HERMAN, 2008) à titre documentaire, il sait aussi, à la différence de nombre de ses collègues et homologues, qu’une estampe n’est pas nécessairement la reproduction exacte et « photographique » d’une peinture (j’exagère à peine). On doit ainsi à Thuillier plusieurs importants catalogues monographiques sur des peintres du XVIIe siècle, dans lesquels il n’oublie jamais le rôle de l’estampe. On ne parlera pas des frères Le Nain car ceux-ci, justement, ont été punis de ne pas s’être intéressés à l’estampe, ne fût-ce que pour faire traduire et

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diffuser leur œuvre : leurs tableaux sont restés longtemps confidentiels et il a fallu, comme pour Georges de La Tour, les redécouvrir trois siècles plus tard.

57 Jean Boucher (vers 1575-vers 1633) non plus n’a pas été gravé, ce n’était d’ailleurs pas l’époque, en France, mais il a exécuté lui-même quelques eaux-fortes agréablement venues, dont une qu’Abraham Bosse débutant sut copier ; comme elles n’apportent guère à la compréhension globale de l’œuvre, Thuillier les a classées à part dans son catalogue (Jean Boucher…, 1988).

58 Les choses sont bien différentes avec Laurent de La Hyre qui, non content d’être un excellent peintre, est un très joli graveur, auteur d’environ trente-cinq eaux-fortes (Laurent de La Hyre…, 1988 ; voir aussi PRÉAUD, 1993c, qui décrit une estampe inédite qui pose d’ailleurs quelque problème de méthode pour le catalogage des estampes) ; Jacques Thuillier profite de la circonstance pour tenter une expérience délicate : mêler à l’intérieur de la même numérotation, chronologiquement, les estampes et les dessins, et même les tapisseries, avec les peintures ; cela donne un catalogue passionnant, mais assez difficile à suivre.

59 Sébastien Bourdon aussi est un bon graveur, qui a produit une cinquantaine de pièces. Selon Thuillier (Sébastien Bourdon…, 2000), qui rédige un bref mais bel essai sur le sujet, il ne se contente pas de faire toute sa vie de « l’eau-forte de peintre » mais apprend vraiment le métier et, sur la fin de sa carrière, il donne des estampes très élaborées. Dans ce catalogue, Thuillier mêle encore dans la même chronologie les estampes et les dessins avec les peintures, ce qui signifie bien que, pour lui, les unes ne sont pas moins considérées que les autres.

60 Simon Vouet pose d’autres problèmes, car il n’a pas gravé lui-même (sauf peut-être une pièce) ; en revanche, il a toujours attaché une grande importance à la diffusion de son œuvre par la gravure : Thuillier le montre bien dans le catalogue (Vouet…, 1990 ; voir aussi CLARK, 1998), alors même que les estampes ne figuraient pas dans l’exposition, et d’autres après lui traitent de cette question, notamment dans les contributions au colloque consacré à Simon Vouet, qu’il est difficile de détailler ici (LOIRE, 1992 ; voir notamment MEYER, 1992).

61 Thuillier récidive en 1988 avec le catalogue de l’exposition Jacques Blanchard, dans lequel l’estampe est très présente ; il y a même une découverte amusante d’une série des Neuf Muses transformées en allégories par modification des plaques ( Jacques Blanchard…, 1998).

62 L’aspect graveur de François Perrier, toutefois, a moins été étudié par Thuillier que par Alvin L. Clark Jr., lequel, dans un catalogue d’exposition (François Perrier, 2001), fait le point sur la production gravée du peintre bourguignon ; on se rappelle que celui-ci est l’inventeur de la gravure en camaïeu en taille-douce, dont la technique est explicitée par Abraham Bosse (REED, 1993 ; Anatomie de la couleur…, 1996).

63 Jacques Stella n’est qu’un graveur amateur, mais il est très doué et les quelques eaux- fortes qu’il nous a laissées sont toutes remarquables ; lui-même a été beaucoup gravé, et pas seulement par ses nièces, comme le manifestent à la fois l’exposition et le catalogue qui lui ont été récemment consacrés (Jacques Stella…, 2006 ; LAZ, 2006).

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Estampe et arts décoratifs

64 L’estampe joue un rôle considérable dans les arts décoratifs. Elle est à la fois un lieu d’expression et un formidable moyen de transmission. C’est évidemment par l’estampe que toutes les cours d’Europe pouvaient s’inspirer du goût dominant pour décorer palais et salons, et cela est vrai également pour la mode vestimentaire. D’où les innombrables copies, mentionnées plus loin, des œuvres de Sébastien Leclerc ou de Jean Lepautre exécutées en Allemagne et aux Pays-Bas (voir, par exemple, SEITZ, 1986), d’où également l’énorme collection d’estampes et de dessins d’architecture et de décoration que Nicodème Tessin le Jeune a rassemblée à Stockholm (TESSIN, [1712] 2000) et qui est en cours d’étude in situ. De même, la correspondance dudit Tessin avec les envoyés de Suède à Paris – dont Daniel Cronström – qui recèle un trésor d’informations et qui n’avait été publiée que partiellement (HERNMARCK, WEIGERT, 1964)6, est en cours d’édition intégrale par les soins de Jérôme de La Gorce. Dans ce domaine des arts décoratifs, et bien au-delà du seul XVIIe siècle, chacun sait que Peter Fuhring est inévitable (FUHRING, 2003, 2004). C’est certainement le chercheur, parmi ceux que je connais, qui a vu le plus grand nombre de collections d’estampes, publiques et même privées, dans le monde entier, ce qui lui permet souvent d’intéressantes découvertes. Pour la période qui nous occupe ici, on ne pourra manquer d’être séduit par le personnage curieux qu’il nous présente en la personne de Denis Boutemie, magnifique et extravagant orfèvre du deuxième tiers du XVIIe siècle (FUHRING, 1992), et l’on sait tout ou presque maintenant sur le style « cosse de pois » qui est une découverte pour beaucoup de gens (FUHRING, BIMBENET-PRIVAT, 2002). On notera aussi la rédaction par Sandrine Herman d’un travail sur le graveur d’ornement Paul Androuet Du Cerceau (HERMAN, 2002, 2004), qui renferme comme il se doit, outre le catalogue des quelque deux cents estampes qui lui sont attribuées, des éléments de biographie (c’est un de ces personnages qui échappent à l’archive), et les fondements d’une étude sur l’ornement à la fin du XVIIe siècle. La première partie du même siècle a été magnifiquement illustrée dans l’exposition sur les arts décoratifs au temps de Louis XIII (Un temps d’exubérance…, 2002 ; voir en particulier COQUERY, 2005).

Études transversales ou les spécificités d’un domaine

Copie, interprétation, reproduction

65 Évidemment, Bellange comme Callot ont une audience internationale, Bosse peut-être un peu moins. Mais cela pose parfois des problèmes. Dans une note, Antony Griffiths observait que le succès de Callot ne s’était jamais démenti, et qu’on avait continué à tirer des épreuves de ses plaques longtemps encore après sa mort7. Ainsi, il n’a jamais été difficile de rassembler des collections de ses œuvres : d’où quantité de petites expositions dans de petits musées, mais, faute de compétences ou de rigueur, ne rendant pas toujours hommage au talent de l’artiste. Il faut dire aussi qu’on a imprimé, de son vivant même, beaucoup de copies d’après Callot, dont la quantité dépasse de très loin celle des estampes originales du maître. J’avais d’ailleurs eu naguère l’intention de mettre au jour une étude sur ce thème, mais j’ai dû reculer devant la masse documentaire − j’ai en effet eu l’occasion, pour donner quelques exemples, de rencontrer quinze copies de la suite des Balli di Sfessania, vingt-deux de celle des Gobbi,

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et quarante-deux de celle des Gueux −, me contentant de publier un bref essai sur les copies d’après les Tentations de saint Antoine à l’occasion d’une exposition à Nancy (PRÉAUD, 2002b), et le sujet reste ouvert. Tous les bons graveurs du siècle ont été copiés, et l’on ne compte plus les copies faites à Augsbourg et aux Pays-Bas d’après Callot, Della Bella ou Sébastien Leclerc, ou encore Jean Lepautre. Ce dossier, entrebâillé dans un numéro spécial des Nouvelles de l’estampe (CASTEX, 2002 ; LOTHE, 2002 ; MEYER, 2002 ; PRÉAUD , 2002c), est loin d’être refermé. Il manque de documents d’archive, encore qu’Antony Griffiths rappelle un acte, publié par Édouard Meaume, signé de François Collignon qui certifie avoir gravé à la demande de François Langlois des copies d’après Della Bella8, et que le graveur Claude Goyrand (HELD, 1999) a visiblement été engagé par l’éditeur Jean Vallet pour graver des copies d’après un Jacques Callot encore bien vivant.

66 Après avoir été longtemps un sujet de mépris, l’estampe d’interprétation devient un sujet d’étude. Véronique Meyer avait axé sa thèse de doctorat sur ce sujet, en prenant appui sur les estampes de Gilles Rousselet, principal interprète de Charles Le Brun (MEYER, 1989b) ; j’ai touché un mot, également, des Drevet, d’Edelinck et de Girard Audran. Mais on a regardé ce problème à la fois de plus près et de façon plus générale. Ainsi Susan Lambert a fourni une publication très technique sur « cinq siècles of printed reproductions [!] » (LAMBERT, 1987), dont les illustrations sont malheureusement plus que médiocres. Et, plus récemment, avec un petit effort dans le titre qui demeure malgré tout ambigu Die Kunst der Interpretation: französische Reproduktionsgraphik von 1648 bis 1792, Norberto Gramaccini et Hans Jakob Meier ont mis au jour un beau livre qui rend hommage à la belle estampe d’interprétation française (GRAMACCINI, MEIER, 2003).

67 De toute manière, dès que l’on s’attaque à la peinture classique, on est obligé de passer par l’estampe, qui retrouve alors sa fonction partiellement documentaire, à utiliser avec toute sorte de précautions. La relation avec l’Italie est toujours privilégiée et nombreux sont les graveurs français qui se sont rendus à Rome pour se former l’œil. C’est ce qu’ont observé notamment Monica Turrio Baldassari à propos de Pierre de Cortone (TURRIO, 1995), Henriette Pommier dans son étude sur le graveur Benoît Farjat (POMMIER, 1996), et, plus récemment et de façon plus générale, Bénédicte Gady (GADY, 2002). Cette dernière, dans ses études sur les estampes françaises du XVIIe siècle d’après la peinture italienne du même temps, avec un catalogue d’environ sept cents pièces, sommaire mais tout de même, montre comment les graveurs français s’intègrent dans le paysage artistique romain, notamment avec le concours du graveur néerlandais Cornelis Bloemaert ; elle nous donne aussi les moyens de nous demander si l’interprétation d’une œuvre est un critère pertinent pour juger de son succès (GADY, 2005). Et Christine Raimbault vient de publier un intéressant marché passé entre le graveur Jean-Louis Roullet et un collectionneur pour la gravure d’un tableau d’Annibal Carrache (RAIMBAULT, 2008). Il n’y a tout de même pas que l’Italie, et l’estampe française a aussi beaucoup travaillé pour mettre en valeur la peinture française, à commencer par Charles Le Brun (TENBUSCH, 1998 ; voir aussi JANAND, 1997) qui fut suivi de près par le portrait, avec l’exposition Visages du Grand Siècle qui a été un moment fort de ces dernières années (Visages du Grand Siècle…, 1997 ; notamment COQUERY, 1997 ; MEYER, 1997 ; voir aussi MEYER, 1987, pour un marché de gravure de Pierre van Schuppen), bien qu’on ne puisse pas dire que le sujet du portrait gravé, en ce siècle ou un autre, soit une affaire réglée. Comment ne pas s’étonner que, par exemple, personne ne travaille sur l’extraordinaire portraitiste que fut Antoine Masson ? Il ne semble pourtant pas nécessaire d’attendre la parution du tome XVI de l’Inventaire du fonds français (même si

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le catalogue de Masson est déjà presque prêt). Mais il y a aussi un autre type de travail que celui qui passe par le graveur de portraits : il y a le catalogue des portraits de tel ou tel personnage, dans lequel on comprend comment l’effigie passe insensiblement, par le biais de l’extraordinaire variété artistique (c’est-à-dire qu’il y a des chefs-d’œuvre et beaucoup de médiocres choses pour lesquelles les épithètes manquent parfois) qui est une des caractéristiques de l’estampe, de la qualité de portrait à celle de figure (GIRAUDON, 1992 ; GARCIA, 2000). Enfin, il y a un peu la Flandre, en la personne surtout de Rubens, et principalement dans la première moitié du siècle : il est d’ailleurs rarement gravé directement, mais les graveurs français, comme Ragot ou Langot, le connaissent et le diffusent par les estampes flamandes qu’ils recopient (GALL, 1989 ; MERLE DU BOURG, 2004).

Grands formats, thèses, almanachs

68 L’estampe monumentale est un superbe sujet d’étude en soi. Chez les graveurs, ou chez leurs éditeurs, il y a toujours eu l’envie d’atteindre à la monumentalité de la peinture ou de la tapisserie, pour mieux, croyaient-ils, la remplacer à moindres frais. C’est vrai dès l’origine, inconsciemment en quelque sorte, puisque l’on pense que le fameux « Bois Protat » (entré récemment par dation dans les collections du département des Estampes de la Bibliothèque nationale de France), qui est censé être la première matrice occidentale destinée à l’impression d’une image, devait avoir une tenture pour support. Nos amis américains se sont, il y a peu, intéressés à cette question, mais pour le XVIe siècle principalement (Grand Scale…, 2008), alors qu’il y a de belles possibilités pour le XVIIe siècle français, notamment avec les publications du graveur et éditeur Pierre Landry et de ses successeurs (BADET et al., 2005) ; le sujet a été proposé sans succès pour une exposition à la Bibliothèque nationale de France il y a quelques années, mais il peut être repris ailleurs. On n’oublie pas que les estampes de grand format sont très difficiles à conserver en bon état et que, leurs dimensions les condamnant à plus ou moins long terme, comme les dinosaures, leur rassemblement momentané ne saurait être que spectaculaire.

69 Intermédiaires entre ces gigantesques pièces et les thèses figurent les placards, c’est-à- dire ces estampes, la plupart du temps liées à l’activité guerrière des militaires, gravées soit en taille-douce soit en bois, imprimées ou collées sur de grandes feuilles portant de longs commentaires typographiés, destinées à être montrées sur les murs ; elles sont la spécialité, en France, d’éditeurs comme les Mathonière ou Melchior Tavernier. C’est une production pour l’instant peu étudiée (MEYER, 2001, 2004b).

70 En revanche, on en sait aujourd’hui beaucoup plus qu’il y a trente ans sur les thèses gravées françaises – pour les pays germaniques, il y a plusieurs études (APPUHN-RADTKE, 1988), et il semble que la chose soit inconnue Outre-Manche (GRIFFITHS, 1992) – grâce aux multiples travaux que leur a consacrés Véronique Meyer, grande et apparemment unique spécialiste de la chose au-delà du seul XVIIe siècle. Le sujet est si intéressant – les pièces sont généralement si spectaculaires –, et les problèmes si complexes, que je n’arrive pas à comprendre que l’on n’ait pas réussi à en faire le thème d’une exposition, sauf à admettre que le seul mot de « thèse » fasse peur à ceux qui sont persuadés que le public est forcément ignorant. Comme le précise l’auteur dès son premier article, ces estampes, « dédiées à de hauts personnages, au pape, à l’empereur, aux cardinaux et aux membres de familles illustres dont elles font le panégyrique, sont pour le peintre

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comme pour le graveur l’occasion de se faire connaître et d’asseoir leur réputation. Ce sont des œuvres soigneusement élaborées et souvent mûrement réfléchies » (MEYER, 1990b, p. 105). Elles sont généralement payées très cher, il en existe de multiples exemples (LOTHE, 1976). Il ne s’agit donc pas, en tout cas au XVIIe siècle, de bricoles de circonstance, mais de belles pièces, et souvent de vrais morceaux de bravoure. J’ai été témoin de l’admiration qu’ont suscitée celles qui figuraient dans une récente exposition au château de Versailles (La Galerie des Glaces…, 2007). Véronique Meyer a fouillé les fonds de diverses institutions pour enrichir ce qu’il faut bien appeler le catalogue collectif des thèses gravées, car c’est plus qu’une ébauche (Meyer, 1991b, 1993b-c ; 1995b, 2007, 2008 ; on ajoutera un petit complément : DELMAS, 2005). Meyer a su être à l’affût des documents d’archives susceptibles d’améliorer encore notre connaissance du sujet ; et elle en a trouvé (MEYER, 1994) – ce qui n’est pas mon cas en ce qui concerne les almanachs muraux.

71 En effet, bien que travaillant depuis de nombreuses années sur les almanachs muraux durant le règne personnel de Louis XIV (Les Effets du soleil…, 1995 ; NOVOSSELSKAYA, 2002 ; PRÉAUD, 2003c), je n’ai pas réussi à mettre la main sur un document d’archive permettant de bien comprendre ce qui reste relativement mystérieux dans ces publications : à savoir d’une part la commande à un ou des dessinateurs, lesquels et à quel prix ; d’autre part la répartition du programme annuel de publication entre les différents éditeurs, par exemple est-ce qu’ils se mettaient d’accord entre eux ? Et enfin, peut-être le plus intéressant à propos de ces images qui sont évidemment des instruments de propagande : la Cour intervenait-elle dans le choix des sujets et, si oui, de quelle manière ? En attendant un de ces petits miracles qu’espèrent toujours les historiens, le catalogue des quelque 560 almanachs du règne personnel de Louis XIV conservés dans les collections de la Bibliothèque nationale de France, du département des Arts graphiques du Musée du Louvre et de la bibliothèque de l’Institut, a été réalisé. Un projet de publication est à l’étude, mais la partie Bibliothèque nationale de France est déjà accessible sur le catalogue informatisé de cette dernière, du moins les notices, pas les images, grâce à plusieurs jeunes gens, historiens de l’art en formation, qui ont travaillé sous ma direction, soit pour une maîtrise, soit comme stagiaires, mais surtout comme savants vacataires9. Espérons que cela permette à d’autres historiens que le seul Gérard Sabatier, qui a brillamment montré (SABATIER, 1999) l’importance de ces estampes dans la construction de l’image médiatique du roi (voir aussi AUSONI, 1997), de comprendre ce que la gravure, à ces époques en tout cas, porte en soi de dynamisme propre. Un peu avant cette publication, toutefois, une exposition organisée par Wolfgang Cillessen au Deutsches Historisches Museum de Berlin, explicitement intitulée Krieg der Bilder, autrement dit « Guerre des images », traitait du problème de la propagande par l’estampe ; et on y faisait grand usage de ces almanachs, tout autant les français bien connus de nous que les compositions extraordinaires du Néerlandais Romijn de Hooghe (Krieg der Bilder…, 1997).

Imagerie

72 Alors que les estampes pour les thèses sont des images de caractère relativement savant, destinées à un public plutôt aristocratique et bourgeois, les almanachs sont dans une position ambiguë. En effet, certains d’entre eux, très élaborés d’un point de vue technique aussi bien qu’intellectuel, semblent appartenir à la même catégorie,

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surtout dans la période de leur apogée, celle du règne personnel de Louis XIV ; toutefois certaines feuilles, datant principalement des règnes précédents, sont d’une qualité technique beaucoup plus discutable et jouent sur des ressorts plaisants relevant davantage de la farce que du bel esprit courant les salons précieux – encore que… – (GILLET, 2004), en tout cas, lorsqu’ils sont représentés in situ, ce n’est pas sur ces murs-là qu’on le remarque, mais plus souvent sur ceux des ateliers et des échoppes. On peut donc considérer qu’ils appartiennent en partie à ce qu’on nomme « l’imagerie demi- fine », appellation non contrôlée servant à désigner des images à destination populaire gravées en taille-douce, sans doute pour les différencier immédiatement de l’imagerie produite par des officines provinciales travaillant surtout dans le bois gravé colorié et la typographie. Cette imagerie gravée en bois est déjà bien étudiée (voir notamment GARNIER, 1990 ; GARNIER et al., 1996), ce qui n’est pas le cas de l’imagerie demi-fine, sur laquelle il y a beaucoup à faire, quitte à prendre pour modèle le remarquable travail de nos amis néerlandais à l’occasion d’une exposition réalisée au Rijksmuseum d’Amsterdam (Mirror of Everyday Life…, 1997).

73 Mais il faut alors que l’historien de l’estampe soit sérieusement doublé d’un historien des mentalités et triplé d’un historien de la littérature populaire, voire d’un linguiste, pour arriver à saisir les subtilités cachées dans les grosses plaisanteries contenues par exemple dans les recueils de « facéties et bouffonneries » rassemblées par l’abbé de Marolles et qui faisaient rire, paraît-il, le roi Louis XIV en personne. Ce qui a été le plus étudié jusqu’à présent est la caricature anti-espagnole (DUCCINI, 1994, 2003 ; THERMOZ, 1996 ; Abraham Bosse…, 2004 ; MEYER, à paraître), mais il semble que l’on puisse encore affiner la chose. Si la satire contre François Mansart ne pose plus de problème, surtout depuis que Jean-Claude Boyer en a identifié l’auteur, Gilbert Francart, la clé de l’histoire du fameux « Jean Robert » du même Francart en revanche n’a pas été trouvée (BOYER, 1999). Personne encore, mais il est vrai que la tâche est lourde et complexe, n’a vraiment osé s’attaquer au Recueil des plus illustres proverbes publié par Jacques Lagniet (CHASTEL, 1993, se plaignait déjà d’avoir été confrontée à un « vide bibliographique »). Cela ne peut pas seulement passer par une histoire de la misère et des gueux, il y a un gros travail lexicographique à mener sur ces feuilles, de même que sur la réception en images de Don Quichote (encore que, tout récemment arrivé sous mes yeux, MEGÍAS 2006 résolve peut-être cette question-ci), de Lazarillo de Tormes et d’un Till Eulenspiegel qui ne doit guère à Charles de Coster. Cette imagerie de basse classe, grivoise et scatologique, ne manque d’ailleurs pas toujours de qualité graphique, puisque des Jean Lepautre (PRÉAUD, 2009) ou des Louis Testelin (voir l’œuvre gravé de Georges Lejuge, PRÉAUD, 1989b ; SIMONNEAU, 2003), sans parler de Pierre Brebiette, s’y sont laissé aller, pas forcément contraints par la nécessité. Sans parler de l’extraordinaire transformation du portrait d’un digne évêque gravé par Nanteuil en un médicâtre affublé de lunettes, un pot de chambre à la main (GANZ, 1994).

74 À côté, une autre imagerie demi-fine, également destinée à un public populaire mais pour flatter des penchants plus « spirituels », pas de l’ordre du calembour toutefois (encore que je sois prêt à discuter de la non-spiritualité des calembours et de l’absence des calembours dans la spiritualité), je veux parler des images de confrérie, qui sont un intéressant témoignage de la vie associative fort active de nos grands-parents. L’importante collection de trois cents pièces rassemblée par l’abbé Gaston et conservée à la Bibliothèque nationale de France est concurrencée par celle de Louis Ferrand acquise par la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, ce qui donna lieu à une belle

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exposition et à un non moins intéressant catalogue (Images de confréries…, 1992) ; concernant uniquement les images parisiennes et l’Île-de-France, il fut suivi en 1999 d’un autre catalogue regroupant les pièces intéressant la France entière (LOTHE, VIROLE, 1999). Ces images ne datent pas seulement du XVIIe siècle, mais il arrive qu’elles aient été conçues en ce siècle et qu’elles aient vu leur vie s’étirer jusqu’à la Révolution. José Lothe et Agnès Virole ont publié à cette occasion de précieux documents (à la différence des almanachs, les sources notariales sont plutôt riches dans ce cas) qui expliquent la genèse de ces images, les marchés avec les auteurs des compositions, avec les graveurs (là encore on peut trouver de grands noms comme Charles Le Brun ou Jean Lepautre mêlés à d’anonymes tâcherons), les tirages considérables, les retirages, le rajeunissement nécessaire des plaques, et quelquefois leur massacre par des maladroits, effets masqués plus ou moins habilement par des barbouillages de couleurs.

75 On sait que le XVIIe siècle est particulièrement religieux, ou marqué par la religion et les intolérances que ses abus impliquent (il ne me semble pas qu’on ait étudié les effets sur le monde de l’estampe de la révocation de l’édit de Nantes). Mais, nous avons beau vivre dans un siècle et un lieu à peu près laïques, il conviendrait de l’oublier parfois pour nous remettre à la lecture des textes sacrés et des hagiographies. Il est vrai que cette partie-là de l’iconographie, qui relève de l’imagerie, n’est pas trop difficile et que les instruments de travail ne manquent pas. Ce qui échappe à la plupart (votre serviteur y compris), étant affaire d’autres spécialistes, c’est la littérature religieuse du temps et les images qui en découlent, ainsi que les subtilités théologico-pédagogiques des jésuites, par exemple. L’activité de certains graveurs, comme Grégoire Huret, ou de certains éditeurs, comme Etienne Gantrel, est très liée à la religion, et nous sommes peu armés, ignorants païens ou hérétiques que nous sommes pour la plupart, dans la lutte iconographique où sont impliqués les arts de l’estampe. Rendons à Dieu ce qui est à Dieu et, si possible, rendons à ces arts ce qui leur revient. En attendant, lisons les travaux spirituels de Ralph Dekoninck ainsi que la copieuse bibliographie qui les accompagne (DEKONINCK, 2005), et méditons avec ceux de Frédéric Cousinié (COUSINIÉ, 2007).

76 Dans une tribune d’un numéro de la revue Histoire de l’art consacré plus particulièrement à l’estampe, Barthélémy Jobert, à la fin de 1999, faisait le constat suivant : « On sait la place, considérable, tenue par l’estampe dans l’évolution des arts en Europe de la fin du Moyen Âge au milieu du siècle dernier. Cette place est loin d’être aujourd’hui la même, que ce soit dans les travaux universitaires, les expositions temporaires ou les collections publiques. […] L’estampe attire encore très peu d’étudiants de qualité. Elle rebute également le public, et lui est peu familière » (JOBERT, 1999).

77 Il semble que ce constat puisse être aujourd’hui révisé, et que naisse un semblant de début d’espoir. C’est du moins à cette réflexion optimiste que m’a amenée la rédaction des quelques pages qui précèdent, que je craignais fort de n’avoir pas la matière de remplir au moment où l’on me les a commandées. Je dois me rendre à l’évidence du contraire : sur les quelque vingt ou trente dernières années, la bibliographie rassemblée (et je sais que j’ai omis beaucoup de références) témoigne d’une activité encourageante dont j’ai tenté de rendre compte.

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78 Nous avons toutefois besoin d’au moins deux choses, avant de pouvoir imaginer de dresser une histoire approfondie de l’estampe française du XVIIe siècle : nous avons besoin de plus nombreux documents fiables − documents sur le travail : contrats d’apprentissage, marchés, inventaires ; documents d’état civil, pour préciser les dates : actes de baptême avec parrains et marraines, contrats de mariages avec témoins, pour comprendre les liens sociaux, à retrouver dans les fonds d’archives, notamment ; et, corollaire, nous avons besoin d’une synthèse qui regroupe et analyse tous ceux qui ont déjà été retrouvés, publiés ou non. Peut-être ainsi parviendrons-nous à nous faire une idée plus précise du statut du graveur et des métiers qui lui sont attachés. Je devrais même parler des statuts des graveurs, tant il y a d’écart entre un Sébastien Leclerc ou un Gérard Edelinck, qui furent nommés « chevaliers romains » par le pape (bien que je ne sache trop ce que cette appellation glorieuse recouvre) et un Alexandre Leroux, par exemple, qui massacre joyeusement les figures de la Commedia dell’arte, ou des tâcherons plus anonymes encore.

79 Et certains sujets sont si peu étudiés qu’ils en sont presque inexistants : qui, par exemple, s’intéresse aux graveurs en lettre ? Ce sont pourtant des artistes (artisans ?) omniprésents dans l’estampe et dont le graphisme est parfois reconnaissable, permettant peut-être datations et attributions (voir PRÉAUD, 2004c ; MEYER, 2006). Il n’y a rien non plus sur les dédicataires d’estampes, même pas le répertoire que j’appelais de mes vœux il y a déjà longtemps (PRÉAUD, 1985), il faut croire que ce n’était pas une bonne idée.

80 Au travail, chers amis !

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(abréviation CR pour compte rendu)

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NOTES

1. Traitant seulement de l’estampe au XVIIe siècle, je ne prends en compte que les procédés en usage à cette époque et ne parlerai donc pas, sauf incidemment, de l’aquatinte, de la lithographie et de procédés plus récents encore. 2. Voir l’importante note d’Antony Griffiths sur ce point, « Hollstein, old and new », dans Print Quarterly, 14/1, mars 1997, p. 94-95. 3. Voir aussi la note d’Antony Griffiths dans Print Quarterly, 19/4, décembre 2002, p. 387-388. 4. Le mot de « brebiette » signifiant, selon Furetière, une « petite brebis », on ne voit pas la nécessité qu’éprouvent certains de l’écrire avec un accent aigu. 5. Sue Welsh Reed, « An Incisive Study of Jacques Callot », dans Print Quarterly, 9/4, décembre 1992, p. 397-398. 6. Voir aussi la note d’Antony Griffiths, dans Print Quarterly, 18/3, septembre 2001, p. 310-311. 7. Antony Griffiths, dans Print Quarterly, 20/4, décembre 2003, p. 387. 8. Édouard Meaume, « François Collignon. Engagement envers François Langlois… », dans Nouvelles Archives de l’Art français, 1876, p. 298-300 ; Antony Griffiths, dans Print Quarterly, 19/3, septembre 2002, p. 282-283. 9. Adrien Delannoy, Poitiers, 1999 ; Emilie Boucq, Lille III, 2000 (étudiants) ; Stanislas David, Laetitia Daget (stagiaires) ; Lauren Laz, Jean-Gérald Castex (vacataires).

RÉSUMÉS

Il n’existe pas de véritable histoire moderne de l’estampe – ne fût-ce que pour le seul XVIIe siècle français –, le sujet étant encore encombré de préjugés anciens sur la nature même de ce médium, sans doute en partie à cause de la place très modeste qu’occupe l’enseignement de l’histoire de l’estampe en France. Cet article dresse un état des lieux fondé sur une bibliographie relativement riche mais dispersée, qui concerne aussi bien les approches monographiques que typologiques,

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exprimant le regret que l’étude de l’imagerie « demi-fine » soit trop délaissée. Les recherches sur les éditeurs d’images, sur les privilèges, les marchés de gravure et les contrats d’apprentissage, les publications d’inventaires après décès, toutes ces ressources issues des archives devenues plus accessibles, favorisent une lecture nouvelle des arts de l’estampe et de leur rôle. Ce panorama de la recherche sur l’estampe en France au XVIIe siècle, avec ses spécificités et ses figures de proue (le quatuor Bellange, Bosse, Callot et Mellan), met en outre en exergue les lacunes et faiblesses dans le domaine, invitation à poursuivre la recherche sur un sujet qui est loin d’être épuisé.

A true history of modern and early modern stamps – or even simply seventeenth-century French stamps – has not yet been written and remains hampered by prejudices against the print medium, due probably in part to the little attention it receives in the French academic curriculum. This article presents an overview of recent research of this field, based upon a relatively rich but disparate bibliography that includes monographic as well as typological approaches and that expresses the regret that imagery not belonging to « high » culture is too often neglected. Research on print publishers, privileges, print markets, apprenticeship contracts, and post-mortem inventories, based on resources now more readily available thanks to increased availability of certain archives, has contributed to a new understanding of the art of printmaking and the role of stamps. This overview of research on seventeenth-century French prints, with its particularities and its key figures (the quartet composed of Bellange, Bosse, Callot, and Mellan) underlines the gaps and shortcomings of the field and calls for research to continue on this subject that is far from being exhausted.

Es gibt keine wirkliche moderne Geschichte der Graphik – und sei es auch nur für das französische 17. Jahrhundert –, denn das Thema wird immer noch von alten Vorurteilen gegen das Medium selbst beherrscht, was zum Teil auch an der geringen Präsenz der Geschichte der Graphik in der Lehre liegt. Dieser Artikel versteht sich als Bestandsaufnahme, die sich auf eine reichhaltige, aber verstreute Bibliographie gründet, und die sowohl die monografischen, als auch typologischen Herangehensweisen berücksichtigt. Es bleibt dabei das Bedauern, dass das Studium dieser „halbfeinen“ Bilderwelt zu sehr vernachlässigt wird. Die Erforschung der Verleger, der Privilegien, des Marktes und der Lehrverträge, sowie die Veröffentlichungen posthumer Inventare, all diese aus Archiven stammenden Ressourcen haben einen stärkeren Zugang gewährleistet, der eine neue Lesweise der graphischen Künste und ihrer Rolle begünstigt. Dieses Panorama der Forschung zur französischen Graphik des 17. Jahrhunderts, mit seinen Eigenheiten und seinen Galionsfiguren (das Quartett Bellange, Bosse, Callot und Mellan), unterstreicht zudem die Mängel und Schwächen in diesem Feld und versteht sich daher als eine Einladung, die Forschung zu diesem längst noch nicht erschöpften Thema fortzusetzen.

Una vera e propria storia moderna della stampa – neanche per quanto riguarda il solo XVII secolo in Francia – non esiste ancora, dal momento che questo tema di studi è sovraccarico di vecchi pregiudizi sulla natura stessa di questo medium e ciò è senza dubbio dovuto allo spazio ancora molto modesto che l’insegnamento della storia della stampa ha in Francia. Questo articolo vuole redigere un bilancio della situazione basandosi su una bibliografia relativamente ricca anche se dispersa e che concerne sia gli approcci monografici che tipologici, esprimendo il rammarico che lo studio dell’immaginario del “non finito” sia enormemente trascurato. Le ricerche sugli editori delle immagini, sui privilegi, sui mercati di stampe, sui contratti di apprendistato e sulle pubblicazioni d’inventari post mortem, fonti provenienti da archivi oggi più accessibili che in passato, favoriscono una nuova lettura dell’arte e del ruolo della stampa. Questo panorama della ricerca sulla stampa in Francia nel XVII secolo, con le sue specificità e le sue figure di primo piano (il quartetto Bellange, Bosse, Callot e Mellan), mette inoltre in evidenza le lacune e le mancanze presenti in questo campo, costituendo un invito a continuare la ricerca su un tema che è ancora ben lungi dall’essere esaurito.

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No disponemos de una verdadera historia moderna de la estampa – ni siquiera en cuanto al siglo XVII francés se refiere – pues aún permanecen vigentes antiguos prejuicios sobre la naturaleza misma de este medio, seguramente, entre otras cosas, por la escasa presencia de la enseñanza de la historia de la estampa en Francia. Este artículo propone un estado de la cuestión basado en una bibliografía bastante amplia aunque diseminada que atañe tanto a los enfoques monográficos como a los tipológicos, sin dejar de lamentar la escasa presencia del estudio de la imaginería llamada “demi-fine”. Los estudios sobre los editores de imágenes, los privilegios, los mercados de grabados y los contratos de aprendizaje, así como las publicaciones de inventarios tras un fallecimiento, todos los recursos procedentes de los archivos ahora más accesibles, inducen a una nueva lectura del arte de la estampa y su papel. Asimismo este panorama de la investigación sobre la estampa del siglo XVII en Francia, con sus peculiaridades y sus figuras maestras (Bellange, Bosse, Callot y Mellan), pone de relieve las carencias y los puntos débiles que permanecen en este campo e invita a seguir con las investigaciones en relación con un tema al que todavía le queda mucho por desvelar.

INDEX

Mots-clés : estampe, gravure, reproductibilité, imprimerie, lithographie, bois de bout, aquatinte, taille-douce, multiple, édition, filigrane, portrait Index géographique : France, Italie, Angleterre, Paris, Lyon, Pays-Bas, Rome, États-Unis, Boston Keywords : printmaking, engraving, reproducibility, printing, lithography, woodcut, aquatint, etching, intaglio, steel engraving, multiple, watermark, portrait Index chronologique : 1600, 1700, 1900

AUTEURS

MAXIME PRÉAUD Archiviste paléographe, conservateur général au département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France, il y est chargé de l’estampe française du XVIIe siècle et de la Réserve précieuse. Il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages, notamment sur l’estampe et son histoire, mais également sur l’histoire de la sorcellerie et de l’astrologie médiévale. Outre la réalisation de diverses expositions à la Bibliothèque nationale de France (Dürer, 1971 ; Les Sorcières, 1973 ; Mellan, 1988 ; Bresdin, 2000 ; Bosse, 2004), il a mis au jour depuis 1976 huit volumes de l’Inventaire du fonds français. Graveurs du XVIIe siècle et a publié en 1982 Mélancolies : livre d’images, réédité en 2005.

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Période moderne

Actualité

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Pieter Bruegel l’Ancien : nouvelles perspectives Pieter Bruegel the Elder: new perspectives

Christian Vöhringer

RÉFÉRENCE

Walter S. Gibson, Bruegel and the Art of Laughter, Berkeley, University of California Press, 2006. 266 p., 84 fig. n. et b. ISBN : 0-520-24521-0 ; $55 (37 €). Joseph Franklin Gregory, Contemporization as Polemical Device in Pieter Bruegel’s Biblical Narratives, (Studies in Art and Religious Interpretation, 35), Lewiston, Edwin Mellen Press, 2005. 125 p., 40 fig. en n. et b., 10 en coul. ISBN : 0-88946-956-3 ; $99,95 (67 €). Nadine M. Orenstein, Manfred Sellink éd., Pieter Bruegel the Elder, (New Hollstein Dutch and Flemish Etchings, Engravings and Woodcuts, 1450-1700, 17), Ouderkerk aan den IJssel, Sound & Vision, 2006. 266 p., 245 fig. en n. et b. ISBN : 978-90-77551-54-7 ; 440 €. Manfred Sellink, Bruegel. L’œuvre complet : peintures, dessins, gravures, (Les classiques de l’art, vol. 2), Gand, Ludion, 2007. 304 p., 109 fig. en n. et b., 206 en coul. ISBN : 978-90-5544-687-2 ; 110 €.

1 La recherche sur Pieter Bruegel l’Ancien (1525/1530-1569) n’a jamais cessé de soulever de nouvelles interrogations, sur le caractère populaire de ses œuvres, sur l’érudition du peintre, ou bien concernant les sujets complexes et parfois contradictoires qu’il met en peinture. De nouvelles œuvres ont été retrouvées et l’attribution d’anciennes remise en cause. Ainsi, cent ans après l’ouvrage fondateur Peter Bruegel l’Ancien de René van Bastelaer et Georges Hulin de Loo (Bruxelles, 1907), de nombreuses questions restent encore ouvertes. Citons, par exemple, l’interprétation des queues de renards que portent quelques-uns des « mendiants », dans le petit tableau du même titre (1568, Paris, Musée du Louvre), considérées par Bastelaer comme une marque de soutien du peintre aux « Gueux » qui menaient la révolte des Pays-Bas contre l’Espagne1. Dans le même ouvrage, Hulin de Loo rejetait cette interprétation d’ordre politique à propos du Combat de carnavalet carême (1559, Vienne, Kunsthistorisches Museum), un tableau

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réalisé bien avant les conflits entre nobles néerlandais et Espagnols2. Par la suite, Gustav Glück en 1910, Max Dvorak en 1921 et Charles de Tolnay en 1935 furent les premiers à faire évoluer la perception de Bruegel de « Pierre le Drôle » ou du « peintre- paysan » à celle de pictor doctus ou peintre érudit, ouvrant ainsi un large champ à la réflexion sur les connaissances propres de Bruegel. Les études récentes sur l’artiste, comme Contemporization as Polemical Device... de Joseph F. Gregory, qui traite des « re- enactments » par Bruegel des conflits sociaux et religieux, ou Bruegel and the Art of Laughter de Walter S. Gibson sur les sources littéraires du comique – sujet qu’il aborde depuis les années 1970 − s’inscrivent dans ce champ élargi. Jusqu’à nos jours, les débats n’ont cessé d’opposer l’humaniste au moraliste, comme si une telle opposition était pertinente pour le XVIe siècle. Parallèlement, fatigués des apories d’interprétation qui pourraient bien être celles du XVIe siècle, les chercheurs, dont Manfred Sellink dans son Bruegel. L’œuvre complet..., se sont penchés sur l’analyse de l’œuvre d’un point de vue formel et technique.

Héritage et contexte bibliographique

2 Pour comprendre l’avancée qu’opèrent ces ouvrages récents sur l’artiste et son œuvre, il est nécessaire de dresser un bref état des lieux de la bibliographie dans laquelle ils s’inscrivent. Pieter Bruegel, the Paintings, Complete Edition de Fritz Grossmann fait figure de préliminaire, l’auteur promettant dans sa préface un catalogue raisonné exhaustif comprenant les œuvres perdues et celles connues seulement par le biais des copies, mais qui n’est pourtant jamais paru3. Bruegel de Roger Marijnissen restait quant à lui une synthèse, bien qu’il ait approfondi certains thèmes et publié des détails de peintures qui font aujourd’hui encore figure d’exception4. Françoise et Philippe Roberts-Jones, dans Pierre Bruegel l’Ancien, se donnèrent pour tâche l’intégration des arts graphiques présentés par thèmes5. Le succès de chacun de ces ouvrages est attesté par leur traduction et leur réédition. Parallèlement, les monographies d’œuvres se sont développées, cherchant à mieux saisir le langage pictural du maître tout en prenant position par rapport aux méthodes et au discours historique antérieurs.

3 Plusieurs publications ont été consacrées aux Proverbes (1559, Berlin, Gemäldegalerie), aux Jeux d’enfants (1560, Vienne, Kunsthistorisches Museum), ou encore à la controversée Chute d’Icare (1558, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique)6. En ce qui concerne les Proverbes, la thèse de Mark Meadow sur Peter Bruegel the Elder’s Netherlandish Proverbs and the Practice of Rhetoric publiée en 2002 propose une lecture structurale qui rassemble les proverbes selon des répétitions significatives, dépassant ainsi la liste traditionnelle des proverbes isolés que l’on identifiait dans l’œuvre7. Ces répétitions, ou « clusters » selon Meadow, sont rendues visibles à travers la constitution de groupes de motifs et par des allusions qui renvoient d’un élément à un autre en différents endroits d’une même œuvre, à l’exemple des nombreuses reprises du globe. L’auteur s’appuie sur la seule édition connue des Duytsche adagia ofte spreecwoorden de Symon Andriessoon (Anvers, 1550) dans laquelle les proverbes sont regroupés par thème de la même manière − selon Meadow − que dans le tableau de Bruegel8. Nonobstant le procédé de groupement par motifs récurrents que l’on observe chez l’écrivain et chez le peintre, l’identité des thèmes principaux diffère radicalement entre le texte et la peinture : chez Bruegel, des motifs comme le globe, facilement identifiables, relèvent d’un contexte littéraire et visuel traditionnel, alors que chez

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Andriessoon le regroupement se fait par termes abstraits, similitudes lexicales ou proverbes qui déclinent le même sujet. S’il s’agit là d’une « structure du savoir » − selon l’expression de Michel Foucault –, on s’attend à ce qu’elle se manifeste aussi dans les autres peintures et dessins de l’artiste, un champ de recherche qui reste à explorer. En 2003, Rainald Grosshans, pour éclaircir l’œuvre de Bruegel, publiait Pieter Bruegel d. Ä. Die niederländischen Sprichwörter, une histoire complète des motifs proverbiaux néerlandais, en s’appuyant notamment sur des enluminures, des boiseries, des détails architecturaux et des estampes9. Les liens entre méthode et résultat conduisent à distinguer les deux approches : à la recherche de nouvelles structures du savoir, Meadow tisse un parallèle entre l’œuvre de Bruegel et un livre imprimé en 1550, tandis que la lecture de Grosshans découle d’une histoire plus conventionnelle des échanges entre textes et images qui prive le tableau de son originalité et rend rarement compte de l’esprit de Bruegel.

4 Aucun de ces auteurs ne souligne la dimension parodique des proverbes de Bruegel, chez qui les fables, aphorismes et proverbes quotidiens ou savants constituent la matière brute d’images outrées et ridicules. Jürgen Müller, dans Das Paradox als Bildform: Studien zur Ikonologie Pieter Bruegels d. Ä., a noté ces variations iconographiques de manière indirecte, en faisant du paradoxe − définit come le paradoxe chrétien qu’est la venue du Christ-Dieu sur terre par l’entremise de la moindre de ses créatures − le principe créateur de plusieurs œuvres10. L’auteur réduit ainsi le paradoxe chez Bruegel à son aspect théologique, à l’exclusion de l’aspect de son œuvre qui relevait alors de la philosophie cynique. Cette lacune est d’autant plus regrettable qu’Érasme de Rotterdam et François Rabelais, deux auteurs qui sont les représentants par excellence du cynisme à la Renaissance, occupent aussi une place dans le livre de Müller11.

Les délimitations du comique

5 Walter S. Gibson a sagement évité ce type de lecture englobante dans Bruegel and the Art of Laughter. Bien que le titre annonce un livre homogène, le chapitre central est tiré d’une conférence (p. 28-66)12. Autour de ce chapitre consacré au rire, l’auteur se penche sur des œuvres peu connues telles que Margot l’enragée et dont la classification par genre − « paysages rustiques »13, « mariages de campagne » – est insatisfaisante. On n’est pas plus convaincu par le ressort comique que l’auteur attribue à la Tête de paysanne (p. 57f.), qui oscille entre comique, laideur et grâce du troisième âge. En analysant le contexte culturel des rederijkerskamers, des chambres de rhétorique dans différentes villes qui organisaient régulièrement des concours, particulièrement dans les années 1560, Gibson met fin au débat ouvert par Svetlana Alpers et Hessel Miedema14. Alpers avait soutenu l’idée d’un « mode comique » que Miedema réfutait en alléguant le sérieux de la classe dirigeante hollandaise, insensible au comique burlesque. Si l’existence d’une culture humaniste du rire est attestée, il reste néanmoins à déterminer si l’esprit ou l’intelligence comique de Bruegel se réduit à une simple expression du comique de son temps tel que l’exprimaient notamment les chambres de rhétorique. Gibson fait du peintre un participant aux fêtes de campagne et aux concours de rhétorique, mais il néglige les effets propres à sa peinture et à son pinceau plein d’astuce. Les transformations des sujets traditionnels qu’opère Bruegel, par amplification, recombinaison ou inversion, ont tendance à être interprétées uniquement en lien avec la culture dominante (littéraire pour Gibson et

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visuelle pour Grosshans), ce qui a pour effet de rendre moins perceptible voire de gommer l’originalité de l’artiste.

6 Dans Contemporization as Polemical Device..., Joseph Gregory propose une nouvelle approche des « anomalies » iconographiques présentes dans l’œuvre de Bruegel (GREGORY, 2005, p. 71). Ainsi, selon lui, dans le Portement de croix (1564, Vienne, Kunsthistorisches Museum), la panique autour de Simon de Cyrène est une critique de l’Inquisition espagnole, qui négligeait les véritables crimes pendant qu’elle poursuivait les « hérétiques », dans lesquels on aurait pu reconnaître Jésus lui-même en son temps : alors que Simon aide le Christ, des voleurs profitent de la situation et s’enfuient avec ses biens, un agneau et un sac. L’analyse est fondée sur des considérations circonstancielles qui, loin de faire partie du programme du peintre, nous conduisent plutôt au centre des débats sur la persécution religieuse en Flandre au milieu du XVIe siècle (chap. I, p. 9-27). Nous ne sommes pas surpris d’y lire le nom d’Érasme, mais de nombreuses autres personnalités de l’Église romaine sont également évoquées en rapport avec la question de la mise à mort pour hérésie, décrétée par Charles V en 1550. La « contemporanéisation » des scènes bibliques par les costumes, les décors et la topographie était déjà associée à la devotio moderna, mais Gregory lui donne une signification plus politique en parlant de « re-enactment », par lequel il entend une mise en scène contemporaine voulue par Bruegel dans le but de critiquer les conflits sociaux et les conditions politiques et confessionnelles de son temps.

L’intégration des arts graphiques : questions de méthode

7 Souvent spécialisées et parfois contradictoires, les études sur Bruegel, où se mêlent les interprétations des peintures profanes et celles des thèmes bibliques, traitées très différemment, réclamaient une synthèse. Manfred Sellink, directeur des musées à Bruges, s’est courageusement lancé dans cette lourde entreprise et a publié le remarquable Bruegel, l’œuvre complet, peintures, dessins, gravures en adoptant une structure chronologique. L’introduction, synthèse de la courte vie artistique de Bruegel, souligne ses débuts comme dessinateur prolifique qui voyagea en Italie. Sellink apporte des précisions sur la collaboration de l’artiste avec l’éditeur Hieronymus Cock et sur son apprentissage putatif chez sa future belle-mère Mayken Verhuelst après la mort en 1550 de son mari Pieter Coecke van Aelst, maître de Bruegel (SELLINK, 2007, p. 11). Le texte introduisant les tableaux est plus conventionnel et suit la ligne interprétative de Gibson, selon laquelle les œuvres exprimeraient un certain comique, qu’il tempère par la philologie, les connaissances ethnographiques et le décorum du XVIe siècle (p. 27-39). Privilégiant le catalogue raisonné, Sellink rejette toutes les interprétations plus audacieuses. Bien qu’il reconnaisse l’inventivité inégalée de Bruegel, il refuse de voir en lui un artiste érudit, dénonçant la récurrence du terme de pictor doctus chez les spécialistes ( SELLINK, 2007, p. 27). Malgré ses réserves affirmées envers l’iconologie, l’auteur reprend et commente, de manière sélective, des interprétations anciennes. Ainsi, pour les Mendiants, Sellink ne propose aucune analyse formelle ou stylistique, se référant davantage aux inscriptions au dos du tableau, qui datent incontestablement d’une époque ultérieure (n° 166, p. 254). De manière générale, il préfère renvoyer les lecteurs aux interprétations dans les études de Roger Marijnissen ([1969 ] 1988) ou de Françoise et Philippe Roberts-Jones (1997), et renonce,

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en outre, aux notices bibliographiques complètes ainsi qu’à une analyse systématique de la provenance des œuvres.

8 Les points forts de ce livre demeurent l’intégration des dessins et des estampes à la chronologie de l’œuvre peint, et une appréciation exceptionnelle de l’exécution des gravures. Rappelons à ce titre que Sellink a contribué au catalogue de l’exposition Pieter Bruegel the Elder: Drawings and Prints édité par Nadine M. Orenstein15, et qu’il est l’auteur et éditeur de plusieurs tomes du New Hollstein Dutch and Flemish (NHD). C’est bien dans le domaine des arts graphiques que son livre sur Bruegel profite le plus du savoir des chercheurs précédents, dont certains furent ses collaborateurs. Les recherches du spécialiste des dessins de Bruegel, Hans Mielke, ancien directeur du Kupferstichkabinett de Berlin, sont systématiquement reprises, comme c’était déjà le cas dans l’exposition de 2001, hormis pour quelques œuvres controversées16. Sellink utilise aussi avec profit la recherche d’Orenstein qu’il a éditée dans le tome sur Bruegel du New Hollstein en 2006. L’ordre chronologique est toutefois momentanément abandonné afin de comparer un certain nombre de gravures aux peintures d’après lesquelles elles ont été réalisées. La méthode de Sellink, qui vise à établir une chronologie rigoureuse, aurait pu être appliquée de manière profitable à l’annexe, qui comprend l’évaluation des peintures rejetées du catalogue de Bruegel et quelques œuvres connues uniquement par des copies postérieures17. Alors que pour la majorité de la communauté scientifique Bruegel reste l’inventeur de la Chute d’Icare, l’œuvre, dont l’attribution fut contestée par une analyse de laboratoire de 1998 – pourtant assez problématique –, figure ici dans l’annexe (SELLINK, 2007, X 3, p. 271). Or, dans la logique de l’ouvrage, il serait justement intéressant de reconsidérer la Chute d’Icare non en mettant l’accent sur le détail du navire et son parallèle avec les gravures de Franz Huys afin de constater une « maladresse » comme le fait Sellink18, mais en la replaçant dans la chronologie pour l’envisager selon un point de vue plus large. Cela conduirait sans doute à rediscuter de la datation précoce, vers 1559, proposée par Friedländer, mais surtout à revenir au tableau en le comparant notamment avec des œuvres contemporaines.

9 Le paysage avec Icare pose en effet une question plus fondamentale, car il cristallise les contradictions entre un spécialiste du peintre comme Sellink et un historien de l’art qui traite d’œuvres de Bruegel dans un cadre plus large, tel que Nils Büttner : dans sa récente histoire des paysages peints, ce dernier n’hésite pas à introduire Bruegel avec la Chute d’Icare, malgré les doutes concernant l’authenticité du tableau suscités par son état matériel19. Il consacre en outre plus d’attention aux cinq peintures de la série des Mois que Sellink, qui les sous-estime, alors que ces œuvres sont essentielles tant au regard de la tradition flamande des calendriers que pour l’histoire émergeante du paysage.

10 On comprendra mieux les enjeux du livre de Sellink si l’on considère le NHD sur Bruegel, écrit par Orenstein en s’appuyant principalement sur la recherche commune menée à l’occasion de l’exposition de 2001. Le New Hollstein s’adresse aux collectionneurs, aux marchands d’art et aux cabinets d’estampes en raison d’un classement par artiste, graveur et imprimeur, et par la description très précise des différents états des estampes, soigneusement illustrés. Les notices font référence aux exemplaires consultés afin de faciliter le travail d’identification. Quelques recherches sur les contenus sont mentionnées en bibliographie, mais sans jamais être discutés. La répartition du catalogue se construit selon un schéma précis, avec une unique gravure

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attribuée à Bruegel, suivie des œuvres tirées de ses dessins de son vivant − dont vingt- six dessins perdus − et incluant les gravures réalisées jusqu’en 1579, soit dix ans après la mort de l’artiste, si toutefois le graveur/imprimeur était actif du vivant de Bruegel. Un appendice prend en compte les estampes jusqu’en 1800. Un seul regret vis-à-vis de la rigueur des règles du Hollstein pourrait concerner la question de la fidélité du travail des graveurs à partir des dessins originaux : malgré son importance pour l’étude d’une gravure et de ses états, cette question fondamentale pour l’appréciation de toute œuvre imprimée se limite à l’introduction (ORENSTEIN, SELLINK, 2006, p. XXIV).

11 L’importante culture d’évaluation de l’exemplaire gravé dont témoigne le NHD serait sans doute d’une grande utilité pour les recherches sur les peintures, mais cela nécessiterait un effort commun − jusqu’à nos jours très rare − des laboratoires affiliés aux musées où sont conservées des peintures de Bruegel. L’évaluation des copies menée à l’occasion de l’exposition Brueghel enterprises20 n’a pas pu être poursuivie dans le catalogue de Sellink (SELLINK, 2007). Le conservatisme de l’éditeur Ludion, qui ne propose ni agrandissements ni documents techniques, contrarie à ce titre le propos de l’auteur qui, à cause de ces lacunes, ne peut clairement expliquer les différences entre dessin préparatoire, esquisse et dessin autonome. Faut-il attendre un projet, que l’on pourrait appeler le « Corpus Bruegelianum » ou considérer comme le « tome deux » annoncé par Fritz Grossmann en 1955, pour reconsidérer des compositions connues par des copies et pour rendre public la documentation accumulée par les laboratoires et centres de documentation sur les dessins sous-jacents, souvent légers et rapides ?

De « Pierre, le Drôle » au « pictor doctus » et retour

12 Force est de constater que l’approche positiviste est encore de mise parmi les chercheurs sur Bruegel, même chez les spécialistes les plus novateurs. Devant le risque d’être accusés d’anachronisme, la majorité des chercheurs essaie d’étayer leur interprétation par des références littéraires contemporaines. Ainsi, la relecture de quelques peintures de Bruegel selon la « structure du savoir » évoquée par Mark Meadow, ou comme « paradoxe pictural » chez Jürgen Müller, trouve sa validation dans la culture écrite contemporaine, ce qui rend quasiment impossible toute considération de l’invention artistique propre. Pour cette raison même, on ne rit pas et on sourit rarement en lisant les analyses du comique de Gibson ou de Sellink. Seul Joseph Gregory propose, avec la contemporanéisation de sujets anciens par Bruegel sous la forme des « re-enactments », une poétique fondée sur l’herméneutique biblique du XVIe siècle. Cette conceptualisation a permis au peintre de faire allusion, par le biais de l’ironie, aux conflits confessionnels et de témoigner de sa sympathie pour les hérétiques. Cette perspective d’une culture du XVIe siècle ouverte aux traductions de la Bible non seulement en langue vernaculaire mais aussi en scène contemporaine est-elle trop « moderne » pour la plupart des historiens de l’art ?

13 Chez Bruegel, la vraie comédie est souvent tragique et semble dépasser l’esprit de son temps car il crée des jeux de mots-images radicalement novateurs. La recherche future s’intéressera davantage à son processus créatif, champ de recherche ouvert à tous car sa maîtrise d’une technique fluide et spontanée est telle qu’il est souvent possible de suivre la genèse d’un tableau sans faire appel à des technologies sophistiquées. La recherche future profiterait toutefois de la publication systématique des résultats de laboratoire afin de constituer une base de données utile aux comparaisons. Sellink l’a

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initiée avec l’établissement d’une chronologie de l’œuvre complet et avec la publication partielle des résultats scientifiques des œuvres les plus controversées ou nouvellement attribuées.

14 Déjà en 1931, Gustav Glück avait renoncé à comparer l’esprit de Rabelais, et ses multiples emplois et réécritures des proverbes, avec celui de Bruegel, contre l’opinion de Wilhelm Fraenger, publiée en 192321. Glück constatait que « le peintre reproduisait mais … ne modifiait jamais les proverbes » ni tout autre sujet littéraire. La connaissance approfondie des proverbes historiques nous a justement conduit à reconnaître aujourd’hui l’originalité du peintre, qui change, varie et amplifie ses sujets comme sa matière brute. Grâce à de nouvelles observations plus détaillées, entre autres de la part des auteurs de monographies d’œuvre, s’ouvre tout un champ de recherche qui invite à mettre en relation nos connaissances techniques et historiques des œuvres et de leur genèse avec les ruptures iconographiques manifestes chez Bruegel et de revaloriser ainsi la spontanéité créative avec laquelle le peintre créait des images pleines d’esprit libératoire.

NOTES

1. Voir René van Bastelaer, dans René van Bastelaer, Georges Hulin de Loo, Peter Bruegel l’Ancien, son œuvre et son temps, Bruxelles, 1907, p. 138. 2. Bastelaer, Hulin de Loo, 1907, cité n. 1, notice des Médiants par Hulin de Loo, Cat. A. 14, p. 293. 3. Fritz Grossmann, Pieter Bruegel, the Paintings, Complete Edition, Londres, 1955. 4. Roger Marijnissen, Bruegel, Bruxelles, (1969) 1988. 5. Françoise et Philippe Roberts-Jones, dans Pierre Bruegel l’Ancien, Paris, 1997. 6. Pour n’indiquer que les ouvrages portant sur la Chute d’Icare : Philippe Roberts-Jones, Bruegel, « La chute d’Icare », Fribourg, 1974 ; Beat Wyss, Pieter Bruegel, « Landschaft mit Ikarussturz ». Ein Vexierbild des humanistischen Pessimismus, Francfort, 1990 ; Christian Vöhringer, Pieter Bruegel d. Ä. « Landschaft mit pflügendem Bauern und Ikarussturz ». Mythenkritik und Kalendermotivik im 16. Jahrhundert, Munich, 2002. 7. Mark A. Meadow, Pieter Bruegel the Elder’s Netherlandish Proverbs and the Practice of Rhetoric, Zwolle, 2002. 8. Symon Andriessoon, Duytsche Adagia ofte Spreecwoorden, facsimilé, transcription, traduction anglaise, Mark A. Meadow, Anneke C. G. Fleurkens éd., (Anvers, 1550) Hilversum, 2003. 9. Rainald Grosshans, Pieter Bruegel d. Ä. Die niederländischen Sprichwörter, Berlin, 2003. 10. Jürgen Müller, Das Paradox als Bildform. Studien zur Ikonologie Pieter Bruegels d. Ä., Munich, 1999. 11. Si ce positionnement philosophique n’exclut certainement pas une pensée chrétienne, la critique envers l’Église de Rome est centrale chez les figures cyniques à l’époque ; sur ce sujet, voir Michèle Clément, Le cynisme à la Renaissance, d’Érasme à Montaigne. Suivi de « Les Epistres de Diogènes » (1546), Genève, 2006. 12. Antérieurement publié comme Walter S. Gibson, The Art of Laughter in the Age of Bosch and Bruegel, (Gerson Lecture, 12), Groningue, 2003. 13. Sur le même sujet, voir Walter S. Gibson, Pleasant Places. Rustic Landscape in Dutch Painting from Bruegel to Ruisdael, Berkeley/Los Angeles, 2000.

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14. Svetlana Alpers, « Realism as a Comic Mode: Low Life Painting seen through Bredero’s Eyes », dans Simiolus, 8, 1975-1976, p. 115-144 ; Hessel Miedema, « Realism and comic mode: the Peasant », dans Simiolus, 9, 1977, p. 205-219 ; Svetlana Alpers, « Taking pictures seriously: A Reply to Hessel Miedema », dans Simiolus, 10, 1978-1979, p. 46-50. 15. Pieter Bruegel the Elder. Drawings and Prints, Nadine M. Orenstein éd., (cat. expo., New York, The Metropolitan Museum of Art/Rotterdam, Museum Boijmans van Beuningen, 2001), New York/New Haven, 2001. 16. Hans Mielke, Pieter Bruegel d. Ä. Die Zeichnungen, Turnhout, 1996. 17. Ils figurent comme les numéros X 1-X 15 dans l’appendice de Sellink. C’est une liste très problématique dont on ne comprend pas les critères d’inclusion entre « discuté »‚ « controversé » et « refusé ». Elle comprend également cinq estampes imprimées après 1569, qui suivent la chronologie avec les numéros 171-174 ; un grand nombre de dessins controversés ont été supprimés (voir Mielke, 1996, cité n. 16, problèmes 1-6). 18. Ainsi, Sellink ne justifie pas son attention particulière aux navires d’Huys par une prise en compte de Bruegel comme « inventeur », mais les valorise à travers le graveur et en insistant sur l’histoire culturelle des Pays-Bas et de l’Europe au XVIe siècle, soit celui des grandes découvertes et des voyages transcontinentaux ; SELLINK, 2007, p. 162 ; voir aussi Pieter Bruegel…, 2001, cité n. 15, n° 94, p. 216-218. 19. Nils Büttner, L’art des paysages, Paris, 2007, et Die Erfindung der Landschaft. Kosmographie und Landschaftskunst im Zeitalter Bruegels, Gottingue, 2000. Pour une reconsidération du problème d’authenticité de la Chute d’Icare du Musée des beaux-arts de Bruxelles, voir Philippe Roberts- Jones, Jacques Reisse, Françoise Roberts-Jones-Popelier, « Bruegel invenit : La Chute d’Icare : mise au point et controverse », dans Bulletin de la Classe des Beaux-Arts, série 6, tome 17, 1/6, 2006, p. 179-189. 20. Brueghel enterprises, Peter van den Brink éd., (cat. expo., Maastricht, Bonnefanten Museum/ Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, 2001-2002), Gand, 2001. 21. Gustav Glück, Bruegels Gemälde, Vienne, 1931, p. 28 ; voir comme point de départ du débat le livre de Wilhelm Fraenger, Der Bauern-Bruegel und das deutsche Sprichwort, Erlenbach-Zurich, 1923, p. 37-46.

INDEX

Mots-clés : humanisme, moralisme, peinture flamande, monographie, comique, rire, art graphique, catalogue raisonné Index géographique : Flandre Keywords : humanism, morality, Flemish painting, monograph, humor, works on paper, catalogue raisonné Index chronologique : 1500

AUTEURS

CHRISTIAN VÖHRINGER Paris, Centre allemand d’histoire de l’art

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Pour une histoire visuelle du sentiment religieux aux XVIe-XVIIe siècles For a visual history of religious sentiment in the sixteenth and seventeenth centuries

Ralph Dekoninck

RÉFÉRENCE

Olivier Boulnois, Au-delà de l’image, une archéologie du visuel au Moyen Âge, Ve-XVIe siècle, (Des travaux), Paris, Seuil, 2008. 496 p., 5 fig. en n. et b., 6 fig. en coul. ISBN : 978-2-02-096647-4 ; 26 €. Frédéric Cousinié, Image et méditation au XVIIe siècle, (Art et société), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008. 240 p., 158 fig. en n. et b. ISBN : 978-2-7535-0514-8 ; 22 €. Walter S. Melion, The Meditative Art: Studies in the Northern Devotional Print, 1550-1625, (Early Modern Catholicism and the Visual Arts Series, 1), Philadelphie, Saint Joseph’s University Press, 2009. 442 p., 157 fig. en n. et. b. ISBN : 978-0-916101-60-6 ; $90.

1 L’actualité éditoriale atteste un intérêt croissant pour les questions relatives aux rapports entre art et religion. On ne peut qu’être frappé par la quantité d’ouvrages parus ces derniers temps qui portent sur la dimension sacrée des images1. Comme un retour du refoulé, les pouvoirs de ces dernières remontent à la surface et retrouvent toute leur épaisseur anthropologique occultée, depuis la Renaissance, par les cadres théoriques, voire idéologiques, propres à la littérature artistique et esthétique, et ensuite à l’histoire de l’art. Ainsi n’est-ce pas un hasard si le tournant anthropologique qui a touché ces dernières années les recherches en histoire de l’art est venu principalement des médiévistes qui ont cherché à révéler les rouages de la croyance dans l’efficacité des images.

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2 Dans le sillage de ces travaux, plusieurs chercheurs ont tâché de repenser l’articulation entre Moyen Âge et Temps modernes en veillant à questionner la prétendue rupture introduite par la Renaissance. Plus précisément, il s’agit de remettre en cause l’idée reçue selon laquelle, durant la première modernité, les domaines de la spiritualité et de l’art seraient en instance de divorce. Une telle perception a naturellement conduit à étudier ces deux champs indépendamment l’un de l’autre dans leur succession chronologique (l’ère médiévale de l’image et l’ère moderne de l’art) ou dans leur opposition structurelle et idéologique (l’aire religieuse de l’image et l’aire laïque de l’art), ce qui revient bien souvent à projeter les idéaux de notre propre modernité en quête de ses origines. Or, c’est le grand mérite de quelques publications récentes d’avoir démontré que ces deux univers n’ont cessé de dialoguer sous la forme d’emprunts réciproques. Ainsi, la rupture fondatrice – ou le seuil théorique (image/art, culte religieux/culture esthétique) – sur laquelle a pu insister Hans Belting2 se révèle être un fait de structure d’ordre anthropologique qui se joue à chacun des moments cruciaux de l’histoire de l’art. Penser de la sorte en termes de dialectique là où on a eu tendance à ne voir qu’oppositions et penser les continuités là où on n’a vu que ruptures s’avère être un des chantiers les plus prometteurs de la recherche actuelle en histoire de l’art, discipline qui procède par la même occasion à un retour critique sur ses fondations historiques et épistémologiques.

D’une noétique à une poétique de l’image

3 Parmi les récentes tentatives de mise en corrélation de ces deux champs, on peut citer la grande fresque qu’Olivier Boulnois a consacrée à la pensée médiévale de l’image, ouvrage dont l’un des principaux mérites est d’avoir mené l’enquête jusqu’au XVIe siècle, invitant de la sorte à questionner les habituels découpages chronologiques. Ainsi réfléchit-il sur la manière dont la modernité artistique, au-delà du mythe de la césure, s’inscrit dans la continuité d’une riche pensée de l’image, tout en la déplaçant vers d’autres fins. Ou, pour reprendre les termes mêmes de l’auteur, il s’agit de s’interroger sur la confrontation entre, d’une part, une poétique moderne de l’image et, d’autre part, une noétique et éthique de l’image chrétienne héritée du Moyen Âge. Ainsi la question centrale qui anime les derniers chapitres de son ouvrage pourrait être formulée de la façon suivante : comment dans un nouveau régime iconique, celui inauguré par la Renaissance, la dynamique paradoxale qui animait la pensée et la pratique de l’image médiévale a-t-elle pu se maintenir tout en se métamorphosant ? Cette dynamique paradoxale peut se laisser résumer par ce bel aphorisme de l’auteur : « pour dépasser l’image, il faut passer par elle » (BOULNOIS, p. 450), adage qui garde le souvenir du Psaume 38, placé en exergue de l’ouvrage : « l’homme marche dans l’image » (homo in imagine ambulat, Ps 38, 71). Ce qui revient à dire que l’image n’est pas seulement un lieu de passage à travers lequel un au-delà serait visé, mais surtout que la condition imaginale est le propre de l’homme et que le Verbe fait Image constitue, selon la dynamique située au cœur de l’Imitatio Christi, l’ultime horizon vers lequel l’image vivante qu’est l’homme peut tendre dans une reconquête de sa ressemblance avec Dieu. Bref, la condition humaine, sous le régime incarnationnel chrétien, est de toujours courir dans et après l’image.

4 Mais que se passe-t-il lorsque l’image matérielle tend à devenir une fin en soi, tendance qui se profile à partir de la Renaissance avec la résurgence d’une autre forme

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d’imitation, celle de la mimêsis antique qui va détrôner progressivement la culture médiévale du symbolisme universel, voie jusque-là privilégiée d’expression de l’ineffable et de l’infigurable ? C’est en effet à ce moment que la pensée aristotélico- thomiste de la ressemblance entre en confrontation avec la pensée néoplatonicienne de la dissemblance qui sous-tend la symbolique chrétienne. Concomitamment, le modèle poétique de la création tend à prendre le dessus sur le modèle génétique : d’une image pensée dans l’horizon de la causalité naturelle (le monde et l’homme), on glisse insensiblement vers une image pensée dans l’horizon de la production artificielle, laquelle n’est plus jugée tant en termes d’adéquation à la vérité qu’en termes d’efficacité. Il en découle un autre mode de participation à l’image, non plus ontologique, mais affectif : on ne participe plus de l’image (selon le mode de l’émanation), mais à l’image et à ses effets sensibles ; on n’a plus à traverser l’image, mais on est en quelque sorte traversé par elle. Or n’est-ce pas dans cette transition qu’on a voulu voir le déclin de l’image religieuse et l’éveil de l’art profane, comme si la valeur poétique était exclusive de la valeur spirituelle ? En premier lieu, notons que tous les signes avant-coureurs de l’émergence de ce nouveau régime esthétique peuvent être décelés bien avant la Renaissance3. En second lieu, c’est sans compter sur les reconfigurations du spirituel et sur sa capacité à faire jouer le sensible dans l’expression et l’expérience religieuses, ni sur la propension de l’expression et de l’expérience artistiques à se couler dans les cadres de pensée hérités de la religion médiévale. Boulnois fait à ce propos remarquer très justement que cette expérience, spirituelle et artistique, n’est plus tant celle de l’élévation que celle de l’introspection. L’image se conçoit moins comme une médiation vers Dieu que comme l’occasion d’un retour sur soi-même par le biais d’une expérience affective et sensible. L’importance de la notion même d’expérience, apparaissant ici de manière insistante comme dans les textes spirituels de l’époque, vient ainsi rappeler la part non négligeable que le religieux a pu prendre dans l’émergence de la subjectivité moderne.

Ut pictura meditatio

5 Mais l’attention portée par Boulnois à la théorie de l’image ne doit pas faire oublier la réalité des pratiques qui, bien souvent, vient sinon contredire la théorie, à tout le moins se développer dans ses marges en créant parallèlement une théorie plastique ou une pensée figurative susceptible d’entrer en résonance (qu’elle soit consonante ou dissonante) avec les discours normatifs. Dans cette étude des écarts et des rapprochements, les travaux de Walter S. Melion apportent un éclairage des plus précieux, comme le démontre encore son dernier livre au titre programmatique, The Meditative Art. À partir d’un corpus lié à l’art du Nord (1550-1625) et essentiellement à l’estampe des anciens Pays-Bas (Jan Swart van Groningen, Hendrick Goltzius, les frères Wierix, la famille Galle…), production souvent négligée mais qui a profondément marqué la culture visuelle et spirituelle européenne du XVIIe siècle, l’auteur revient sur certains des enjeux au cœur de sa réflexion sur la place de l’image et de la vue dans la vie méditative de cette époque charnière. Ut pictura meditatio, telle pourrait être l’expression qui résume au mieux cette forme de coïncidence entre peinture et méditation qu’il cherche à mettre en lumière : comment la création et, plus encore, la réception de l’image se laissent-elles penser et éprouver comme méditation, et, en retour, comment celle-ci se trouve-t-elle comprise et vécue comme expérience visionnaire ? Il s’agit donc d’enquêter conjointement sur la représentation et la vision,

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ou plus précisément sur la façon dont la représentation thématise l’acte de voir et induit dès lors un certain type de vision. On peut parler à ce titre d’exégèse visuelle4. Cette dernière expression n’est pas seulement à comprendre au sens d’un simple exercice d’interprétation iconologique, mais renvoie plus exactement aux stratégies visuelles propres à l’image pour produire de la méditation, c’est-à-dire à la fois du sens et du sensible, en vue d’une réforme ou conversion intérieure. L’acte interprétatif, à la fois intellectuel et affectif, est conçu en fonction de sa visée pragmatique. Il est guidé ou induit par une certaine rhétorique visuelle (qui repose notamment sur la combinaison de divers registres figuratifs, du narratif au symbolique) qui, dans les cas – majoritaires dans ce livre – où l’estampe est accompagnée d’un texte, cherche à rivaliser d’ingéniosité pour entrer en résonance avec les profondes exégèses textuelles. Loin de se cantonner à un rôle d’illustration ou d’être dépendante de la glose des commentaires écrits, l’estampe se glose elle-même, voire se pense elle-même en produisant sa propre théorie au sens étymologique du terme, c’est-à-dire en produisant les conditions de sa propre contemplation. Car il s’agit bien de démontrer en images l’efficacité spirituelle de l’image même, selon une certaine forme de mise en abyme particulièrement développée dans cette production gravée qui cherche à réfléchir sur les moyens, les fins et les limites de l’image en matière spirituelle. D’où l’intérêt que Melion porte aux thèmes évangéliques où le lien indissociable entre foi et vision, ou entre production imagée et méditation, se retrouve thématisé, les représentations des mystères christiques nous parlant en quelque sorte des pouvoirs et mystères mêmes de la représentation. Dans des épisodes comme ceux du Christ au Jardin des Oliviers ou ceux relatifs à ses Apparitions, l’acte de vision en vient en effet à incarner l’acte de foi, et sa figuration se laisse dès lors assimiler à l’acte de vision même de l’image. Contempler l’image d’une contemplation passe donc par l’identification et l’imitation des personnages saints qui font eux-mêmes l’épreuve de cette vision. Car l’objectif est, en suivant l’exemple de ces modèles saints, de convertir la vue extérieure en vue intérieure. De nouveau, la figure opère cette conversion du regard par ses propres moyens, processus subtil que Melion met parfaitement en évidence à travers l’analyse de certaines estampes ou séries gravées. Pour rendre compte de l’existence de deux voies dans cette production visuelle, il opère la distinction entre, d’une part, les exercices spirituels de type « spéculatif » (« specular »), dans lesquels l’image s’offre comme un miroir qui a pour seule fin de conformer le méditant au Christ, et, d’autre part, les exercices spirituels de type « spectaculaire » (« spectacular »), où l’image narrative et descriptive donnant vie aux Évangiles invite l’âme à s’identifier aux personnages sacrés et à s’impliquer dans les événements représentés.

6 Dans ces deux cas de figure, image et croyance apparaissent indissociables, d’où ces jeux figuratifs qui font de la représentation non seulement le support ou le lieu de la méditation, mais plus encore le moteur de la transformation spirituelle. Ces jeux ne se laissent que mieux observer là où l’acte de vision se met précisément en scène, invitant de la sorte à une réflexion de type spéculatif ou auto-réflexif (ou métapictural pour reprendre la terminologie de Victor Stoichita5). C’est la preuve que ce trait souvent avancé comme étant la marque même de la modernité artistique est bien, depuis le Moyen Âge, au cœur de l’image spirituelle, l’auto-réflexivité restant toutefois au service de l’introspection méditative.

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La peinture comme machina spiritualis

7 On peut inscrire dans la continuité de cette réflexion les travaux de Frédéric Cousinié sur la peinture française du XVIIe siècle qui s’imposent aujourd’hui comme de précieuses contributions à une « histoire visuelle du sentiment religieux », pour détourner le titre du monument bremondien sur la littérature spirituelle de la même époque6. Toute la force de son entreprise scientifique réside en effet dans l’ambition d’analyser les interactions entre pratiques spirituelles et pratiques artistiques, ou, pour être plus précis, les interférences entre les caractéristiques plastiques et symboliques des œuvres d’une part, et les modalités méditatives de leur création comme de leur réception d’autre part. Aussi invite-t-il à réfléchir sur l’outillage mental du spectateur dévot de l’époque, c’est-à-dire sur la façon dont sa culture visuelle et spirituelle est profondément imprégnée des protocoles de lecture et d’expérience de l’image véhiculés par la littérature méditative. La question, située au cœur de son dernier ouvrage, est posée en ces termes : comment « le discours de l’oraison non seulement détermine la production des images (tableau comme ‘méditation-peinte’, intégrant intentionnellement un certain nombre d’éléments plastiques et sémantiques déterminés qui seront relevés et exploités par la pratique de l’oraison), mais également règle, ‘encadre’, par un ensemble bien déterminé de procédures et de ‘protocoles de lecture’, le rapport générique du croyant à l’ensemble des images religieuses » ? (COUSINIÉ, 2008, p. 52).

8 Un tel questionnement le conduit à revenir sur des peintures souvent connues, mais avec des questions nouvelles permettant de reconsidérer les approches iconographiques et stylistiques traditionnelles à l’aune notamment des effets pragmatiques induits par les œuvres elles-mêmes grâce à divers dispositifs visuels qui sont conçus en fonction de l’horizon d’attente du spectateur. C’est ce qu’il démontre notamment à travers une analyse de la Descente du Saint-Esprit de Charles Le Brun (1657, Paris, Musée du Louvre) en prenant en considération les témoignages de l’expérience qu’en fit le commanditaire, Jean-Jacques Olier, curé de Saint-Sulpice. Il apparaît ainsi que les principes académiques qui régissent la littérature artistique en voie de constitution ne permettent pas de rendre compte des valeurs religieuses et des usages dévotionnels attendus d’un ecclésiastique confronté à une telle représentation. On touche là à la délicate question de la réception que Cousinié affronte à travers le prisme d’une littérature largement négligée par les historiens de l’art et qui pourtant a pu fournir des modes d’appréhension intellectuelle et sensible de l’image bien plus répandus que ceux codifiés par la littérature d’art contemporaine. On est en tout cas bien loin d’une invitation à l’appréciation distanciée et désintéressée, ou, pour le dire en un mot, contemplative, ce dernier terme laissant toutefois deviner les continuités entre les univers spirituels et esthétiques. De même, on ne peut parler d’une approche exclusivement intellectuelle, comme le laisserait à penser un certain déni de l’image mentale et a fortiori matérielle propre à une littérature mystique, qui n’en continue pas moins à user et à abuser de l’image, aussi dissemblable soit-elle, pour rendre compte d’une expérience inimaginable. Ce riche paradoxe, que met en lumière Cousinié dans le chapitre 2, tient essentiellement à la place ambiguë réservée à l’imagination, les traités d’oraison hésitant entre rejet et encouragement, car l’exercice de cette faculté peut être tour à tour source de distraction ou d’illusion, et moyen de concentration ou de révélation (COUSINIÉ, 2008, p. 29-74). Quoi qu’il en soit, elle joue bien, dans la pratique, le

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rôle d’opérateur de conversion entre les images matérielles et leurs référents spirituels, entre représentation artificielle et présence réelle, engageant ainsi un processus dynamique et relationnel de projection et d’introjection que les études sur la peinture religieuse ont quelque peu négligé en perdant de vue toute l’importance des continuels déplacements de seuils de l’image (dans ses différents états : artificiels, mentaux, surnaturels…), comme des reconfigurations perpétuelles qu’elle subit au gré des étapes de l’itinéraire spirituel (perception, imagination, révélation…). Loin de s’arrêter à la perception, à la délectation et à la réflexion, le rapport à l’image, tant mentale que matérielle, encouragé par les traités et les recueils de méditation du XVIIe siècle, met donc en jeu « des processus imaginatifs, réflexifs et participatifs par lesquels le spectateur est amené à s’immerger dans un espace représenté » (COUSINIÉ, 2008, p. 23).

9 Cousinié émet ensuite l’hypothèse convaincante selon laquelle les procédures qui sont à l’œuvre lors de la construction imaginaire, réglée et expérimentée dans la méditation, peuvent s’appliquer également, au moins partiellement, aux images matérielles qui seront lues selon des modèles analogues. Ainsi propose-t-il une quadruple grille de lecture inspirée du modus operandi méditatif : référentielle (dénotative ou « littérale »), sémantique (connotative ou « figurale »), expressive (émotive) et phatique (de contact ; COUSINIÉ, 2008, p. 54). La prise en considération de ces quatre dimensions permet de rendre compte de la force spirituelle des œuvres, ce dernier adjectif méritant de retrouver toute l’épaisseur sensible et la charge émotionnelle qui ont pu entrer en résonance avec l’art de l’époque. Les peintures religieuses du XVIIe siècle peuvent en effet être appréhendées comme d’authentiques machinae spirituales, dans le sens où elles déploient des stratégies plastiques, stylistiques, expressives, narratives, symboliques… aux visées essentiellement pragmatiques, cherchant à produire des effets, des relations et des transformations. Destinées à interpeller le spectateur cognitivement et émotionnellement, selon une psychologie aux mécanismes bien réglés, toutes ces stratégies ont en effet pour objectif ultime la transformation intérieure et la conformation du fidèle aux modèles qui lui sont donnés en exemples à imiter, avec pour horizon ultime l’union avec Dieu. Or c’est sur ce terrain que la méditation peut rejoindre la peinture qui lui sert de modèle pour penser l’acte d’imitation, le méditant étant assimilé à une image vivante, une ressemblance en devenir, qui subit ou participe à l’œuvre de conformation, sorte de « galvanoplastie spirituelle » pour reprendre la belle expression de Bremond7. Ainsi, l’image en acte paraît bien être au cœur de tout processus méditatif, comme moyen et comme fin.

10 Ces trois ouvrages tendent à déplacer l’attention de l’image vers la vision, c’est-à-dire vers la relation du méditant à l’objet de la méditation à travers la représentation de cette dernière. Ils viennent démentir l’idée de W. J. T. Mitchell selon laquelle « we cannot see what seeing is »8 en révélant la façon dont la représentation peut s’offrir comme une méditation sur l’acte même de voir. Plus largement, ils ouvrent de très stimulantes perspectives de recherches sur l’expérience de l’image, ou plutôt sur l’image conçue et vécue comme expérience.

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NOTES

1. Pour ne citer que quelques ouvrages parus récemment en France sur le XXe siècle, on peut mentionner : Traces du sacré, Mark Alizart éd., (cat. expo., Paris, Centre George-Pompidou/ Munich, Haus der Kunst, 2008-2009), Paris, 2008 ; Jérôme Cottin, La mystique de l’art. Art et christianisme de 1900 à nos jours, Paris, 2007. Sur ces deux ouvrages, voir le compte rendu d’Isabelle Saint-Martin, « Du spirituel dans l’art du XXe siècle », dans Archives de sciences sociales des religions, 144, octobre-décembre 2008, p. 125-139. Signalons également l’ouvrage de François Boespflug, Dieu et ses images : une histoire de l’Eternel dans l’art, Paris, 2008. 2. Hans Belting, Image et culte : une histoire de l’art avant l’époque de l’art, Paris, 1998 [éd. orig. : Bild und Kult: eine Geschichte des Bildes vor dem Zeitalter der Kunst, Munich, 1990]. 3. Voir, entre autres, l’étude récente d’Yves Delègue, Imitation et vérité en littérature. Origine et devenir d’une mutation, Strasbourg, 2008. 4. Voir également Walter S. Melion, « Bible illustration in the Sixteenth-Century Low Countries «, dans Scripture for the Eyes: Bible Illustration in Netherlandish Prints of the Sixteenth Century, James Clifton, Walter S. Melion éd., (cat. expo., New York, Museum of Biblical Art, 2009), New York, 2009, notamment p. 14-106. 5. Victor I. Stoichita, L’instauration du tableau : métapeinture à l’aube des Temps modernes, Paris, 1993. 6. Henri Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, édition intégrale et augmentée, François Trémolières éd., 5 vol., Grenoble, 2006. 7. Bremond, 2006, cité n. 6. 8. W. J. T. Mitchell, « Showing seeing. A critique of visual culture », dans Journal of Visual Culture, 1/2, 2002, p. 166.

INDEX

Mots-clés : mimesis, art religieux, art laïque, symbolique chrétienne, méditation, subjectivité, vision, interprétation, exégèse, glose, mise en abyme, introspection, oraison, machinae spirituales Keywords : mimesis, religious art, secular art, Christian symbolism, meditation, subjectivity, vision, interpretation, exegesis, gloss, mise en abyme, introspection, prayer, machinae spirituales Index géographique : Pays-Bas, France Index chronologique : 1500, 1600

AUTEURS

RALPH DEKONINCK Université catholique de Louvain

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Archéologie et topographie du mobilier d’église Archaeology and topography of church furnishings

Sébastien Bontemps

RÉFÉRENCE

Pascal Julien, D’ors et de prières. Art et dévotions à Saint-Sernin de Toulouse, XVIe-XVIIIe siècle, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, 2004. 427 p., 38 fig. en n. et b. ISBN : 2-85399-568-2 ; 34 €. Émilie Motte-Roffidal, Histoires sacrées. Mobiliers des églises marseillaises et aixoises au XVIIIe siècle, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, 2008. 313 p., 117 fig. en n. et b. ISBN : 978-2-85399-700-3 ; 27 €. Paul Philippot et al., L’architecture religieuse et la sculpture baroques dans les Pays-Bas méridionaux et la principauté de Liège 1600-1770, Sprimont, Mardaga, 2003. 1 167 p., fig. en coul. et en n. et b. ISBN 2-87009-838-3 ; 150 €.

1 Le mobilier religieux1 est souvent considéré en marge de l’histoire de l’art : les recherches en matière de patrimoine religieux s’orientent davantage vers la statuaire figurée, oubliant souvent que celle-ci fait partie du mobilier lorsqu’elle s’intègre à un grand ensemble décoratif, comme celui des retables2. Si les travaux universitaires s’engagent volontiers dans l’étude d’un lieu de culte et de son mobilier3, aucun projet ne vient par la suite coordonner ces recherches et créer une synthèse sur le sujet. Trois ouvrages récents sont à ce titre à considérer avec attention. Trois ouvrages récents abordent la question du mobilier d’église à l’époque moderne en France et dans les Pays-Bas méridionaux et la principauté de Liège à l’échelle locale, régionale ou nationale.

2 Pascal Julien s’attache à l’art sacré de Saint-Sernin de Toulouse (les travaux d’embellissement de l’édifice, ses différents ouvrages de sculpture, de menuiserie, de ferronnerie et d’orfèvrerie) et à son histoire sur trois siècles dans D’ors et de prières…,

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publication de sa thèse de doctorat. L’auteur construit son propos en suivant l’ordre chronologique, du XVIe au XVIIIe siècle, et justifie la possibilité et la motivation d’un tel travail par la découverte de plusieurs centaines de documents inédits oubliés et conservés « miraculeusement » dans l’ancienne salle des archives du monument toulousain. Le mobilier de l’église, objet continu de vénération, de rites et de piété, occupe une place particulière dans cet ouvrage (JULIEN, 2004, p. 5).

3 Histoires sacrées… d’Émilie Motte-Roffidal, également issu de sa thèse de doctorat, propose l’analyse des pièces de mobilier des édifices religieux de deux grands diocèses au XVIIIe siècle, Aix-en-Provence et Marseille. L’auteur croise les données historiques, sociologiques, matérielles et théologiques dans une démarche archéologique qui vise à restituer l’ensemble des circonstances de la production et des modes d’utilisation de ces objets.

4 Enfin, l’enquête menée par trois chercheurs sous la direction de Paul Philippot pendant plus de dix ans porte quant à elle sur l’architecture et le mobilier liturgique des églises paroissiales et abbatiales, et des cathédrales de la partie des anciens Pays-Bas restée sous dominance espagnole, du XVIIe au XVIIIe siècle. Cette recherche, à la différence des deux études précédentes, traite une aire géographique vaste et met à jour un corpus colossal. Écrite à plusieurs mains, la publication ne semble toutefois pas avoir été rédigée de concert. Les quatre grands thèmes abordés, la situation historique, l’architecture (chap. I et II), le mobilier liturgique et les sculpteurs (chap. III et IV avec une introduction rapide sur la formation en atelier ainsi que sur l’usage et la fonction des dessins et des modèles, 143 notices sur des sculpteurs flamands et néerlandais catholiques des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles p. 687-1061) le sont de façon quasi hermétique, sans renvoi de l’un à l’autre. L’examen approfondi du mobilier liturgique (p. 155-683) constitue le principal objet de ce livre et sera retenu dans le cadre de cet article.

Mise en contexte : identification des organes décisionnaires et exécutifs

5 L’examen des archives permet bien souvent d’identifier les acteurs de la commande, à savoir les commanditaires et les sculpteurs, et de distinguer les étapes de la production. Cette démarche éclaire l’histoire généralement mouvementée de chaque œuvre et aboutit à une analyse collective par le biais de cas particuliers, développés dans le corps du texte chez Julien et davantage dans le répertoire des œuvres en fin de volume chez Motte-Roffidal.

6 À partir de sondages poussés dans les archives municipales (Aix et Marseille) et départementales (Bouches-du-Rhône), Motte-Roffidal obtient « un échantillonnage représentatif de la vie religieuse et des commandes d’œuvres d’art » dans cette région au XVIIIe siècle (MOTTE-ROFFIDAL, 2008, p. 11). Les critères de sélection pour la constitution du corpus se fondent sur les principales fonctions liturgiques du mobilier, c’est-à-dire les fonctions sacramentelles (eucharistie, pénitence…). L’auteur définit la trame de la production d’un objet du mobilier liturgique, de l’origine de la commande à la réalisation, en passant par la conception du projet. Les commandes sont principalement motivées par les besoins en nouveau mobilier liés aux rénovations architecturales, mais le goût pour des embellissements modernes ainsi que les enjeux esthétiques propres au débat architectural du XVIIIe siècle, sur l’harmonisation des

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formes par exemple (p. 20-21), interviennent également. Il ne faut pas non plus sous- estimer les conséquences de la croissance démographique d’une paroisse, qui implique, cela va de soit, de nouveaux aménagements. La réalisation d’objets liturgiques peut aussi relever d’une initiative personnelle, celle d’un laïc bien sûr, mais aussi celle d’un clerc ambitieux. Tout en reconnaissant la difficulté de créer des catégories étant donné la multiplicité des fonctions d’un même acteur, Motte-Roffidal tente d’inventorier les différents groupes de commanditaires au XVIIIe siècle et met en évidence leurs rôles précis et la nature de leurs interventions. Ainsi, dans une paroisse, le prélat n’intervient pas au même titre que le conseil de fabrique : au cours de ses visites pastorales, le prélat livre ses observations sur la convenance du mobilier par rapport à la liturgie et peut « interdire le culte en raison de l’indécence du lieu » (p. 31), tandis que la fabrique veille davantage à l’entretien des objets.

7 L’étude des différents corps exécutants qui interviennent dans la mise en œuvre d’une pièce de mobilier d’église vise à distinguer le statut d’artiste de celui d’artisan et, là encore, à définir le cadre de la pratique d’une activité artistique ou artisanale en Provence au XVIIIe siècle. Les liens familiaux constituent le point de départ privilégié à l’exercice d’un sculpteur, doreur, stucateur, gypsier, orfèvre, menuisier ou marbrier, activités regroupées en confréries réglementant la profession de la formation à la pratique. Le degré d’intervention de l’exécutant permet de cerner son implication véritable dans la création d’une œuvre : concepteur du projet ou simple intermédiaire, parfois expert ou marchand, autant d’aspects du métier trop rarement étudiés et brillamment exposés ici (MOTTE-ROFFIDAL, 2008, p. 114-124). C’est l’occasion d’évoquer la réalisation de dessins ou de modèles pour circonstancier la commande, et de détailler davantage le déroulement de l’exécution. Il ne s’agit pas uniquement de s’intéresser aux processus de fabrication ou à la provenance et à la diversité physique des matériaux, mais surtout de mettre en lumière les modes de financements et la latitude accordée aux sculpteurs dans la création d’une œuvre par rapport aux exigences de la clientèle : le sculpteur joue alors habituellement le rôle de simple exécutant qui s’engage à suivre toutes les directives du marché (p. 69). Bien souvent aussi, le commanditaire, quand il s’agit d’un clerc ou d’une confrérie puissante, affirme qu’il est « maître en son église » pour tenter d’imposer sa commande aux paroissiens. Il en résulte généralement une situation de conflit entre les différents organes décisionnaires d’une paroisse : la fabrique peut par exemple refuser le confessionnal ou la chaire récemment commandée par une confrérie ou l’évêque du diocèse (p. 77-79). De manière générale, l’auteur ne cherche pas à dégager les spécificités ou les problématiques propres à la Provence – si toutefois elles existent – mais illustre par des exemples provençaux des séries de cas qui semblent effectifs pour toute la France.

8 Les rapports conflictuels et les enjeux de pouvoir sont au cœur de l’ouvrage de Julien consacré au mobilier cultuel et dévotionnel de l’église Saint-Sernin de Toulouse. L’auteur s’interroge sur les rapports de force entre pouvoir laïc et pouvoir ecclésiastique, analysant les rouages et les subtilités de la commande à Saint-Sernin à travers trois siècles. La démarche est nécessaire pour répondre à la caractéristique principale de ce lieu de culte : il existe en effet un lien évident entre la commande et l’exaltation des reliques. Au XVIe siècle, la puissante confrérie des Corps-Saints, créée pour la protection des reliques de saint Sernin, concourt ainsi au réaménagement de l’abbatiale « dans le seul but de magnifier le culte des saints » (JULIEN, 2004, p. 9). La période post-tridentine voit ensuite se multiplier les commandes. Le début du XVIIe

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siècle est marqué par l’intense activité religieuse de la confrérie, qui cède la place, dans la seconde moitié du siècle, au chapitre, qui prend alors l’essentiel des décisions. Ainsi, par le faste des commandes, « la fonction première de Saint-Sernin, l’exaltation des reliques, prit une dimension inégalée » (p. 149). Ce siècle est de ce fait le théâtre de tensions et de rivalités entre la confrérie et le chapitre. Le chapitre, par exemple, met en avant les règles de bienséance pour contraindre les capitouls à retirer leur ex-voto où leurs noms figurent bien en évidence. Mais le collège canonial, lui aussi composé de clercs issus de grandes familles de la noblesse, souhaitait exalter la vie publique de ses membres par des commandes prestigieuses. L’auteur suit, toujours en s’appuyant sur les archives, les grandes réalisations du XVIIe siècle : les boiseries du « Tour des Corps- Saints » et celles des différentes chapelles, la réfection du chœur canonial, l’exécution de nouvelles stalles et le jubé du sculpteur Gervais Drouet.

9 Au XVIIIe siècle, les religieux monopolisent la commande au détriment des laïcs, mais l’on assiste surtout à une « désaffection du culte » (JULIEN, 2004, p. 203) liée sans doute à un changement des mentalités religieuses. Nonobstant cette évolution, le tombeau de saint Sernin est commandé au milieu du siècle par les chanoines. Julien étudie les quatre parties constitutives du tombeau (autel, baldaquin, apothéose, gloire) selon les mêmes champs d’investigation que Motte-Roffidal : les raisons et l’historique de la commande, l’origine des matériaux, et enfin, l’analyse stylistique et l’attribution au sculpteur Marc Arcis. De manière plus large, Julien se prête au jeu de l’attributionnisme en distinguant différentes mains quand les archives ne livrent pas les noms de tous les exécutants et tente d’identifier les influences et les modèles – artistes ou foyers de création contemporains –, même si la question stylistique ne s’inscrit pas au cœur de sa démarche.

10 Les modes opératoires de la commande religieuse dans les Pays-Bas méridionaux sont, en revanche, quasi absents de L’architecture religieuse et la sculpture baroques… Seul le chapitre introductif résume de manière très générale le contexte politique et religieux depuis le XVIe siècle jusqu’aux XVIIe -XVIIIe siècles (PHILIPPOT et al., 2003, p. 9-38). L’évolution du sentiment religieux et de la situation géopolitique est tour à tour analysée au cours des trois siècles, là encore pour contextualiser l’examen du mobilier liturgique. Les enjeux théologico-esthétiques marquent l’histoire, qu’il s’agisse de la formation d’un style « italo-flamand » s’opposant, à la fin du XVIe siècle, au style gothique, de la place croissante, en lien avec la dévotion privée, accordée à la sculpture figurative et à l’embellissement des églises tout au long du XVIIe siècle, ou du jansénisme et de son influence relative sur le décor religieux.

Mise en espace : rapports du contenant et du contenu

11 La recherche méthodique, et désormais conventionnelle, explorant les modalités de la production se double dans les trois ouvrages d’une investigation sur la fonction du mobilier sacré et son rapport à l’architecture. Julien identifie différentes pratiques rituelles et étudie les nouveaux systèmes élaborés au cours des décennies pour la mise en valeur des reliques. Traduction visuelle des écritures saintes, passage tangible « du Verbe à l’image », les œuvres sont successivement livrées ou dérobées aux yeux du fidèle. Les reliquaires ne pouvaient être vus que, moyennant paiement, certains jours de fêtes ou le dimanche. Le mobilier reliquaire s’inscrit alors dans une série de cérémonies qui rythment le calendrier de la liturgie canoniale et qui établissent une

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relation concrète de l’objet à l’espace, parfois au-delà du monument. Au cours des processions ordinaires ou particulières, les objets reliquaires suivaient un parcours à travers la ville dont les grandes étapes sont détaillées par Julien pour la procession de la Pentecôte, depuis la sortie de l’église par le portail du massif occidental jusqu’à son retour au maître-autel en passant par la cathédrale Saint-Étienne (JULIEN, 2004, p. 240-241). Ces cérémonies jouent un rôle politique et social en stigmatisant les tensions entre communautés et institutions, les places respectives des uns et des autres au sein du cortège pouvant faire l’objet d’âpres négociations. Lors de la célébration de la Pentecôte en 1597, par exemple, les officiers du roi « refusaient de se ranger derrières les capitouls [et] on en vint aux mains » (p. 241). Julien développe aussi la journée type d’un chanoine composée d’une série de prières dédiées aux « saints dont on revendiquait des reliques » (p. 236). En identifiant les diverses pratiques liées à l’image, l’auteur met à jour les liens tissés entre œuvres d’art et enjeux dévotionnels à Saint-Sernin et souligne ainsi la valeur d’exemplarité de l’édifice dans l’Europe catholique des Temps modernes. En outre, toujours au centre d’enjeux de pouvoir, le culte des nombreuses reliques que conserve l’abbatiale relève aussi de l’administration locale qui déploie alors tout le faste nécessaire pour les mettre en valeur, et la liste des reliques est longue (saint Simon, saint Jude, sainte Suzanne, saint Philippe, saint Jacques le Mineur, saint Gilbert). Le culte de saint Sernin lui-même s’inscrit surtout dans l’espace urbain, notamment à travers des processions garantissant des liens forts avec la population des environs. C’est le moyen de rappeler que Saint-Sernin est avant tout l’église d’une ville, l’œuvre dévotionnelle cristallisant alors la puissance du lien entre le saint et la cité. La basilique est en outre unie à Toulouse par une relation nécessaire faisant vivre économiquement par les travaux nombreux et incessants dont elle fait l’objet, spirituellement et socialement cette ville à forte disposition religieuse, dont capitouls, confréries et fidèles forment en effet les corps constitutifs. Ajoutons que dans son étude de la pratique dévotionnelle, Julien ne se limite pas aux « images vues » mais étend ses recherches aux « images lues », c’est-à-dire aux images de confréries et aux nombreux livres illustrés, estampes et oraisons (p. 274-294).

12 Le rapport au territoire ouvre la question de la circulation des œuvres et des hommes, et de la diffusion des modèles. Motte-Roffidal étudie dans un premier temps les liens tissés avec Paris ou l’Italie par les vecteurs traditionnels de la circulation des estampes et des œuvres, et du voyage d’artiste. Le mobilier porte la trace des influences extérieures. Selon l’auteur, la forme des cuves, des gradins, l’usage du baldaquin et de l’autel dit à la romaine sont autant de signes d’une inspiration génoise des autels provençaux dès la fin du XVIIe siècle (MOTTE-ROFFIDAL, 2008, p. 144). L’auteur rappelle qu’il ne faut pas négliger l’importation d’œuvres transalpines pour retracer la diffusion des modèles, mais la gravure en constitue probablement le principal vecteur, « bien que son rôle soit parfois difficile à préciser » (p. 144). Malheureusement les liens de parentés précis et avérés se limitent en grande majorité à la statuaire figurée, parfois accessoire au mobilier, et ne concernent pas le meuble lui-même. Toutefois, Motte- Roffidal cite l’autel et le tabernacle de la chapelle Notre-Dame-d’Espérance à Saint- Sauveur exécutés en 1737 par Antoine Duparc, qui s’est fortement inspiré de dessins de Pierre Puget conservés au Musée Atget à Montpellier et au Metropolitan Museum de New York (p. 147-148). Puget apparaît d’ailleurs comme une figure exemplaire et une référence formelle pour les sculpteurs provençaux du XVIIIe siècle.

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13 L’auteur inscrit ensuite le mobilier liturgique aixois et marseillais dans son rapport à son environnement. Ainsi, la table de communion sépare le maître-autel de la nef, les confessionnaux permettent de dresser une cloison entre le confesseur et le pénitent, et les stalles soulignent l’accès privilégié au chœur ou au contraire son interdiction. Motte-Roffidal distingue quatre grandes catégories de mobilier liturgique, établies à partir de leur fonction – les meubles liés à l’eucharistie et donc à l’autel, les meubles liés à la prédication, les meubles de la purification et les meubles pour s’asseoir – ainsi qu’un cinquième type, celui des monuments funéraires, chacun de ces types faisant l’objet d’une analyse en lien avec la liturgie et la théorie architecturale contemporaine. Ainsi les chaires à prêcher et les stalles sont au cœur d’un débat sur leur place idéale dans le lieu de culte : adossées ou non à un pilier pour les unes, disposées en équerre ou en enfilade pour les autres. Les théoriciens ne sont d’ailleurs pour la plupart ni praticiens ni architectes mais le plus souvent des hommes d’église, à l’exemple des abbés Jean-Baptiste Thiers et Marc-Antoine Laugier, les deux théoriciens de l’architecture religieuse française du XVIIIe siècle4.

14 La notion d’espace sert aussi de fil conducteur dans L’architecture religieuse et la sculpture baroques… L’imposant chapitre sur le mobilier d’église de Paul Philippot et Dominique Vaudier consiste en l’étude systématique de sept types de pièces – l’autel, le jubé, les stalles, le buffet d’orgue, la chaire, le confessionnal et le monument funéraire –, qui représentent les changements formels opérés au cours de quatre phases chronologiques. L’enjeu étant de définir une « école nationale », les auteurs s’appuient sur des notions de style. La première phase chronologique, qui consiste en la juxtaposition d’éléments gothiques et Renaissance, s’étend du XVIe siècle aux années 1620 marquées par « l’impulsion rubénienne ». Les autels de cette période appliquent un vocabulaire italianisant sur une structure gothique, comme dans le cas des tourelles eucharistiques de Corneille Fleuris, avant d’adopter le type italien de l’édicule à colonnes. La deuxième phase, de 1620-1625 à 1645-1650, appelée « la maturation du baroque », voit l’apparition d’une nouvelle génération d’artistes qui cohabitent avec la précédente. Autels, jubés et stalles se distinguent alors par un développement architectural et une abondance décorative. La troisième phase, le « haut-baroque », de 1650 à 1680, est dominée par les sculpteurs anversois dont la personnalité marque le style des autels ; le décor des jubés tend à diminuer tandis que celui des stalles s’accroît considérablement. Enfin, la quatrième et dernière phase correspond au « triomphe et épuisement du baroque tardif » entre 1680 et 1770, qui se caractérise par la disparition des jubés, un dernier agrandissement des autels et une modération du décor des stalles. Les auteurs passent finement en revue l’ensemble de la production en cherchant systématiquement à mettre en évidence les principes structurels du mobilier selon les différentes phases définies. Si l’évolution formelle du mobilier montre l’occupation matérielle de l’église au cours des trois siècles, le plus souvent dans une relation de dépendance ou de conquête de l’espace architectural, ce travail, certes impressionnant, ne permet pas de définir clairement une « école nationale », l’enjeu pourtant annoncé du projet. Les grands sculpteurs, tels que Artus I Quellin le Vieux, Pierre I Verbruggen le Vieux, Luc Faydherbe ou Laurent Delvaux, n’apparaissent que de manière épisodique dans ce vaste panorama, et les caractéristiques formelles propres à chaque phase sont parfois floues, si bien que les analyses proposées se perdent rapidement dans l’étude d’une « tectonique spatiale », formule maintes fois citée mais jamais expliquée, et dans

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celles de la morphologie des œuvres. Il s’avère par conséquent difficile de déterminer un style fédérateur commun à toutes les œuvres d’une même région.

15 L’ouvrage de l’Association du Patrimoine artistique, sans équivalent pour le domaine étudié, n’en demeure pas moins une exceptionnelle encyclopédie sur le sujet, accompagnée d’une riche bibliographie et d’instruments de recherches et de navigation, comme les index des œuvres classées par artistes et par lieux. Les photographies sont abondantes et de grande qualité, grâce notamment au soutien financier du Fonds National de la Recherche Scientifique (FNRS) et à la précieuse photothèque de l’Institut royal du Patrimoine artistique (IRPA). Les publications de Julien et de Motte-Roffidal, situées aux antipodes du point de vue de la forme, relèvent d’initiatives personnelles portées par les presses universitaires d’Aix-en-Provence. Il n’est donc pas surprenant – mais non moins décevant – de constater la faiblesse des illustrations de ces deux éditions. Si le livre de Julien comporte des photographies correctes et variées rassemblées en fin de volume, celui de Motte-Roffidal souffre d’une insuffisance d’illustrations, dont la qualité (uniquement en noir et blanc et manquant de netteté) est en deçà du niveau souhaité.

16 Récemment, Paul Philippot évaluait la méthodologie habituellement appliquée aux retables des anciens Pays-Bas, regrettant une prédilection trop marquée pour la commande et les questions d’ordre économique, au détriment de l’analyse formelle et stylistique5. Les trois ouvrages commentés ici se situent au cœur de ce débat et mettent en exergue le rôle du mobilier d’église en insistant, selon les cas, sur l’un ou l’autre de ces aspects, mais en les prenant tous en considération. Outre la méthode d’analyse privilégiée, c’est le choix de l’échelle de ce type d’étude qui semble conditionner le résultat. La confrontation de ces trois publications conduit en effet à se poser la question de la pertinence d’une recherche trop étendue, particulièrement hasardeuse à mettre au point. Saluons toutefois le courage des auteurs de s’être lancés dans de telles entreprises au vu de la pauvreté de la bibliographie.

NOTES

1. Le terme « archéologie », choisi pour le titre de cet article, fait référence à l’ouvrage de Frédéric Cousinié, Le Saint des Saints. Maîtres-autels et retables parisiens du XVIIe siècle, Aix-en- Provence, 2006, qui traite des maîtres-autels parisiens de l’époque moderne comme relevant plus précisément de la science archéologique que de la science historique. 2. Une typologie précise du mobilier liturgique a pourtant été établie dans l’ouvrage : Joël Perrin, Sandra Vasco Rocca éd., Thesaurus des objets religieux meubles, objets, linges, vêtements et instruments de musique du culte catholique romain, Paris, 1999 (édition trilingue : français, anglais, italien). 3. Citons les travaux récents suivants : Michel Baudat, Le mobilier, l’espace et le sacré dans les églises de l’ancien diocèse d’Arles 1600-2000, thèse, Université Aix-Marseille I, 2007 ; Alexandre Hutinet, Le

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patrimoine religieux de la commune de Rupt-sur-Saône au XVIIIe siècle : le couvent des Minimes et l’église de la Nativité de la Vierge, Master 2, Université de Besançon, 2007. 4. Jean-Baptiste Thiers, Dissertations ecclésiastiques sur les principaux autels des églises, les jubés des églises, la clôture du chœur des églises, Paris, 1688 ; Marc-Antoine Laugier, Essai sur l’architecture et Observations sur l’architecture, (Paris, 1755 et 1765) Bruxelles, 1979. 5. Paul Philippot, préface de Brigitte D’Hainaut-Zveny, Les retables d’autels gothiques sculptés dans les anciens Pays-Bas. Raisons, thèmes et usages, Bruxelles, 2008.

INDEX

Mots-clés : mobilier religieux, patrimoine religieux, commande religieuse, pouvoir ecclésiastique, architecture religieuse, pratique rituelle, dévotion, confrérie, retable Keywords : church furnishings, religious heritage, ecclesiastical power, religious architecture, ritual, devotion, friary, altarpiece Index géographique : Toulouse, Flandre, Liège, Marseille, Aix-en-Provence Index chronologique : 1500, 1600, 1700

AUTEURS

SÉBASTIEN BONTEMPS Université Aix-Marseille I

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Choix de publications Selected readings

NOTE DE L’ÉDITEUR

Selon les thèmes des prochains numéros et l’avis du comité de rédaction, les ouvrages mentionnés dans cette rubrique seront susceptibles de faire l’objet d’un compte rendu croisé (ACTUALITÉ) dans un prochain numéro de PERSPECTIVE.

1 – Astrid BÄHR, Repräsentieren, bewahren, belehren: Galeriewerke (1660-1800). Von der Darstellung herrschaftlicher Gemäldesammlungen zum populären Bildband, Hildesheim/ Zürich, Olms, 2009.

Astrid Bähr fait pour la première fois un tour d’horizon des « recueils d’estampes », premiers catalogues illustrés de collections de peintures. Elle raconte l’histoire d’un genre en analysant un par un une vingtaine de projets de publication, du Theatrum Pictorum de David Tenier (1660) et des Tableaux du Cabinet du Roy (1677-1679) d’André Félibien, en passant par Crozat, Mariette et Pigage jusqu’à la Révolution – en s’arrêtant donc juste avant les publications du Musée Napoléon. L’appendice contient une liste détaillée des catalogues et de leurs estampes, ainsi qu’une énumération des dessinateurs, des graveurs et des artistes dont les œuvres ont été reproduites [R. Rosenberg].

2 – Le Beau XVIe siècle : chefs-d’œuvre de la sculpture en Champagne, Jacky Provence éd., (cat. expo., Troyes, Église Saint-Jean-au-Marché, 2009), Paris, Hazan/INHA, 2009.

L’exposition qui s’est tenue à Troyes dans église Saint-Jean-au-Marché du 18 avril au 25 octobre 2009 a été une révélation pour beaucoup : y était présentée une sélection de plus de 80 sculptures champenoises de la Renaissance, l’un des foyers les plus riches du XVIe siècle, comme en témoignent encore la quantité et la qualité des œuvres

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conservées. Le catalogue de l’exposition traite plus largement de l’ensemble du corpus par différents biais (la commande, l’iconographie, la monographie…), faisant état de découvertes (comme celle invitant à identifier le Maître de Chaource avec Jacques Bachot), et en insistant sur la nécessité d’abandonner certaines notions tenaces et trompeuses (« école troyenne », « atelier de Saint-Léger »), au profit d’autres plus adaptées à la réalité (« foyer champenois »). Si l’on peut déplorer un travail éditorial trop rapide (absence d’index, nombreuses photos à l’envers, reproductions trop petites…), ce catalogue s’impose néanmoins comme la première synthèse renouvelée sur le sujet depuis l’ouvrage de R. Koechlin et J. J. Marquet de Vasselot (1900), en attendant la publication des travaux universitaires en cours dans ce domaine [PERSPECTIVE].

3 – Tadeusz BERNATOWICZ, Królewska rezydencja w Żółkwi w XVIII wieku. Program funkcjonalny i architektura pałacu w świetle nieznanych inwentarzy zamku [Résidence royale à Żółkwia au XVIIIe siècle. Programme fonctionnel et architecture du palais à la lumière des inventaires inconnus du château], dans Paweł Jaskanis éd., Ad Villam Novam, 2 vol., Varsovie, Musée du Palais de Wilanów, 2009.

Les inventaires publiés datent de 1743, 1750, 1762 environ et 1846. Ils offrent une connaissance de la résidence de Jean III Sobieski à Żółkwia telle qu’elle était à l’époque des Radziwiłł. On découvre ainsi les changements spatiaux que connut la résidence au cours du XVIIIe siècle. Sont notamment livrées les inscriptions latines (partiellement conservées) qui figuraient au-dessus des fenêtres de la résidence [J. A. Chrościcki].

4 – Pascal DUBOURG GLATIGNY, Hélène VÉRIN éd., Réduire en art. La technologie de la Renaissance aux Lumières, Paris, MSH, 2008.

Cet ouvrage, qui rassemble plusieurs articles d’historiens de l’art, des techniques, de la danse mais aussi des mathématiques, du droit, de la pédagogie et de la grammaire, n’est ni la publication d’actes d’un colloque, ni un simple recueil de textes, mais le fruit d’une recherche collective menée pendant plusieurs années dans le cadre du séminaire du centre Alexandre Koyré intitulé « Formation des savoirs à l’époque moderne ». Par recoupement, comparaison et confrontation d’études de cas relevant de disciplines spécifiques, ces chercheurs ont mis au jour l’opération de « réduire en art » à l’époque moderne, soit de conduire ou de ramener « au moyen de l’écriture et de la figuration, les savoirs à l’ordre de l’art », un phénomène qui peut être considéré comme une opération d’ambition universelle, un véritable « trait de civilisation » [M. Boudon- Machuel].

5 – Rhoda EITEL-PORTER, Der Zeichner und Maler Cesare Nebbia: 1536-1614, Munich, Hirmer, 2009.

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Cesare Nebbia, natif d’Orvieto, élève de Girolamo Muziano et fortement influencé par Federico Zuccaro fut à Rome l’un des peintres les plus prolifiques au service de Grégoire XIII, Sixte V, Clément VIII (1572-1605) et de leur entourage. Rhoda Eitel-Porter a élaboré pour la première fois un catalogue d’environ 250 dessins ; elle retrace la chronologie des œuvres majeures de l’artiste et contribue à la connaissance de l’une des périodes les moins étudiées de l’histoire de l’art romain [R. Rosenberg].

6 – Roberto GARGIANI éd., La colonne. Nouvelle histoire de la construction, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2008.

La colonne, qui transforme un problème de structure en un enjeu esthétique, peut être prise comme la métaphore de l’architecture, qui change une réalité contingente en une entreprise créatrice. À travers près d’une cinquantaine de textes concernant toutes les périodes de la civilisation occidentale, l’ouvrage interroge les réalités techniques et structurelles d’un élément souvent considéré seulement du point de vue artistique [J.- Ph. Garric].

7 – Andrzej GRZYBKOWSKI, Zdzisław ZYGULSKI Junior, Teresa GRZYBOWSKA éd., Urbs Celeberrima. Księga pamiątkowa na 750-lecie lokacji Krakowa [Livre commémoratif du 750e anniversaire de la location de Cracovie], Cracovie, Musée National de Cracovie, 2008.

Cet imposant ouvrage contient l’acte locatif de 1287 en langue latine et sa traduction moderne, ainsi que 14 essais sur l’urbanisme de la ville, ses principales constructions et les collections royales, dont les tapisseries glorifiant Henri de Valois, l’histoire de l’académie cracovienne, la plus ancienne université polonaise, et de Cracovie en tant que capitale religieuse et artistique telle qu’elle l’est devenue dès la fin du XVIIIe siècle [J. A. Chrościcki].

8 – Michel HOCHMANN, Rossella LAUBER, Stefania MASON éd., Il collezionismo d’arte a Venezia. Dalle origine al Cinquecento, Venise, Marsilio, 2008.

Venant après un premier ouvrage consacré au XVIIe siècle paru en 2007, ce volume est le second d’une série de trois destinés à couvrir l’histoire du collectionnisme à Venise. Comme le précédent, il fait la synthèse d’une masse considérable d’informations en dressant un répertoire des collectionneurs les plus marquants du XVIe siècle, précédé par une série d’essais transversaux portant sur les modalités de la collection, le goût pour l’antique, les relations avec l’Espagne et les Pays-Bas, ou encore sur des dynasties d’amateurs (les Barbaro, les Grimani) [S. Loire].

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9 – Jan JARASIMOWICZ éd., Das Bild von Wrocław/Breslau im Laufe der Geschichte, (colloque, Vienne, 2008), Vienne, 2008.

L’ouvrage rassemble plusieurs contributions qui traitent de l’urbanisme et de l’histoire de Wrocław (Breslau) du Moyen Âge au modernisme. Les principaux débats (accompagnés de la bibliographie la plus récente) portent sur l’époque des Jagellons et des Habsbourg (1490-1740), mais aussi sur celle des Frédériciens (1741-1806) [J. A. Chrościcki].

10 – Guy-Michel LEPROUX éd., Documents d’histoire parisienne, 10, Paris, Institut d’histoire de Paris, 2009.

Les Documents d’histoire parisienne ont vu le jour en 1992 pour offrir aux chercheurs la possibilité de mettre rapidement à la disposition de la communauté scientifique des documents de toute sorte apportant un éclairage nouveau sur l’histoire de la capitale, en les accompagnant d’une courte présentation. Trois numéros ont paru entre 1992 et 1995. Après une interruption de dix ans, la publication a repris en 2005 sous une forme nouvelle, avec un contenu largement étoffé. Il s’agit toujours de doter l’histoire parisienne d’un corpus de textes sûrs, mais ceux-ci sont désormais précédés d’une introduction beaucoup plus importante qui fait de chaque contribution un véritable article scientifique, dans les deux champs disciplinaires connexes que sont l’histoire et l’histoire de l’art. Le numéro 10 vient de paraître. Il comprend un index cumulatif des noms propres cités dans tous les numéros précédents. Les sommaires sont consultables sur le site : www.equipe.histara.org [PERSPECTIVE].

11 – Adriano MARIUZ, Tiepolo, Vérone, Cierre, 2008.

Cet épais volume illustré de plus de 600 images rassemble l’essentiel des contributions qu’Adriano Mariuz (1938-2003) a consacrées à Giandomenico et Giambattista Tiepolo, qu’il s’agisse de leurs décors à fresque, de tableaux de chevalet ou de leurs dessins à vocation plus intime. Depuis l’essai compris dans la monographie sur Giandomenico parue en 1971, jusqu’aux nombreux écrits sur son père sous la forme d’articles ou de notices de catalogues, l’auteur a analysé avec une exceptionnelle perspicacité et un rare bonheur d’écriture la création de deux des figures majeures de l’art vénitien du XVIIIe siècle [S. Loire].

12 – Claire MAZEL, La mort et l’éclat. Monuments funéraires parisiens du Grand Siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009.

La publication de cette thèse de doctorat, rare par son sujet – la sculpture – et par sa

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qualité, était attendue. Le cœur de l’étude est constitué de 121 monuments funéraires (les épitaphes avec un buste ne sont pas prises en compte) réalisés à Paris sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV (1610-1715). Un catalogue, qui s’appuie sur une recherche minutieuse, est présenté sous forme de CD-Rom joint à l’ouvrage. La variété du corpus et l’étude de son évolution permettent de refléter et d’étudier notamment celle de la pastorale de l’Église sur la mort, le renouvellement des élites et le changement social et intellectuel du métier de sculpteur au cours du Grand Siècle. Mais la thèse de cet ouvrage dépasse largement son titre pour, en partant des monuments et de leur réception, s’inscrire dans le sillage des travaux récents sur l’art funéraire, non plus par le biais iconographique mais par celui d’une étude sociale de l’art funéraire, et plus largement pour enrichir une histoire de la mort et des pratiques funéraires [M. Boudon-Machuel].

13 – Alain MÉROT, Du paysage en peinture dans l’Occident moderne, Paris, MSH, 2008.

Si la bibliographie sur le paysage en peinture est riche et ne cesse de croître, les synthèses sont rares. L’une des raisons en est sans doute que l’approche du sujet s’avère bicéphale, entre les études empiriques des artistes et des œuvres d’une part, et des analyses sémiologiques ou iconologiques de l’autre. Pour rendre compte de la grande diversité des artistes et des modèles élaborés entre 1500 et 1800 et qui ont défini le « paysage classique » et son évolution, Alain Mérot propose une grille de lecture à partir des trois types de discours, distincts mais complémentaires, plus ou moins présents dans les œuvres : la description, qui vise une représentation détaillée de la nature ; le théâtre, comme mise en espace de l’action dramatique ; la poésie qui articule la culture d’inspiration païenne, à celle tributaire du christianisme. Partant de ces lectures croisées, jouant sur les vues rapprochées et les panoramas plus larges, l’auteur revient sur la crise de la représentation idéale en partant du paysage même, le genre artistique le plus apte, selon lui, à en rendre compte. Le cadrage élargi que propose cet ouvrage restitue au paysage artistique son statut d’objet culturel et le replace dans le système des arts d’une époque donnée [M. Boudon-Machuel].

14 – Yves PAUWELS, Aux marges de la règle. Essai sur les ordres d’architecture à la Renaissance, Wavre, Mardaga, 2008.

L’ouvrage analyse la façon dont s’expriment la création et l’invention, dans le domaine fortement déterminé par une règle normative qu’est le vocabulaire architectural classique. Il montre comment, dans le système des ordres, qui est au cœur de l’imitation de l’Antiquité en architecture, le composite ouvre un espace de liberté aux auteurs désirant s’émanciper d’un carcan trop rigide ou l’infléchir, dans une perspective nationale ou religieuse [J.-Ph. Garric].

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15 – Jolanta POLANOWSKA, Stanisław Kostka Potocki (1755-1821). Twórczośc architekta amatora przedstawiciela neoklasycyzmu i nurtu picturesque [Stanislas Kostka Potocki (1755-1821). L’œuvre d’un architecte amateur représentant du néoclassicisme et du courant picturesque] Varsovie, Institut des Arts de l’Académie Polonaise des Sciences, 2009.

Monographie d’un célèbre connaisseur et théoricien de l’art, collectionneur, activiste politique, franc-maçon. Des portraits de lui ont été peints par Jacques-Louis David – Portrait équestre – et Angelica Kauffmann – Portrait sur le fond de ce que l’on appelle la tombe de Virgile près de Posillipo (1785). Il a effectué une série de voyages à travers l’Italie, où il menait des campagnes archéologiques, ainsi qu’en Grande-Bretagne et en Allemagne. Il a écrit entre autres : les Notes et observations sur la Lettre du IIe Livre de Pline le Jeune ; les Idées sur lesquelles le plan de la maison de Pline a été dirigée (la première édition se trouve dans le présent livre) ; les Lettres d’un étranger sur le Salon de 1787 ; De l’art des contemporains… ; De l’art chez les anciens ou le Winkelman polonais… Il a collaboré avec de nombreux architectes tels que Christian Piotr Aigner, Jan Krystian Kamsetzer, Stanisław Zawadzki [J. A. Chrościcki].

16 – Antonella PUTATORO DONATI MURANO, Alessandra PERRICCIOLI SAGGESE éd., La Miniatura in Italia, II, Dal tardogotico al manierismo, Naples, Edizioni Scientifiche Italiane/Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, 2009.

Les meilleurs spécialistes italiens ont collaboré à ce manuel lumineux et dense à la fois, organisé par foyers de création, à l’exception du chapitre final, consacré à Giulio Clovio, le dernier grand maître de l’enluminure en Italie. Chaque section est assortie d’une bibliographie impeccable. Un index des manuscrits par lieu de conservation complète utilement cet ouvrage, qui fait suite à un premier volume qui allait de l’Antiquité tardive au XIVe siècle, paru en 2005. Seul bémol : aucune des quelque 280 illustrations n’est en couleur, ce qui a en revanche l’avantage de rendre très abordable le prix de l’ouvrage [Ph. Sénéchal].

17 – Sophie RAUX, Nicolas SURLAPIERRE, Dominique Tonneau-RYCKELYNCK éd., L’estampe, un art multiple à la portée de tous ?, (colloque, Lille, 2007), Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2008.

Cet ouvrage, qui rassemble les actes du colloque international organisé dans le cadre de l’opération « Feuille à Feuille, estampes et images imprimées dans les musées du Nord- Pas de Calais » (inventaire des fonds d’estampes, expositions scientifiques, création contemporaine, sensibilisation des publics), soulève des questions inhérentes au caractère multiple de l’image imprimée, dans un esprit d’ouverture et de décloisonnement des disciplines. Les contributions s’organisent autour de trois axes : « L’estampe : objet de substitution, produit de consommation », volet consacré à l’économie et la valeur de l’image imprimée ; « Collections et collectionneurs d’estampes », regards croisés de chercheurs en histoire de l’art et de conservateurs de

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musées ou de bibliothèques ; et « Approche théorique de la réception de l’estampe », un pan de l’histoire de la culture visuelle. Que cette stimulante réflexion sur les statuts de l’image imprimée, menée dans une perspective diachronique et interdisciplinaire, puisse encourager la recherche dans ce domaine ! [N. Harabasz].

18 – Ingrid ROSCOE, Emma HARDY, M.G. SULLIVAN éd., A Biographical Dictionary of Sculptors in Britain 1660-1851, New Haven/Londres, Yale University Press, 2009.

Ce très gros ouvrage de 1620 pages imprimées en petits caractères et souvent en trois colonnes est une somme très impressionnante. Il s’agit de l’édition, révisée par les meilleurs spécialistes sous la houlette d’Ingrid Roscoe, de l’ancien dictionnaire de Rupert Gunnis publié en 1953. En un demi-siècle, la connaissance de la sculpture anglaise a considérablement progressé, et ce livre en rend compte spectaculairement : tout a été renouvelé, aussi bien les biographies des artistes que la liste des œuvres, leurs localisations, et bien sûr la bibliographie. Un index des noms propres comptant cent pages, en quatre colonnes, clôt le volume… À quand une édition comparable du Dictionnaire des sculpteurs de l’école française de Stanislas Lami, dont les volumes consacrés aux XVIIe et XVIIIe siècles datent de 1898, 1910 et 1911 [G. Scherf].

19 – Le siècle français. Malarstwo i rysunek francuski z XVIII wieku w kolekcjach polskich [La peinture et le dessin français du XVIIIe siècle dans les collections polonaises], Iwona DANIELEWICZ, Justyna GUZE éd., (cat. expo. Varsovie, Musée National de Varsovie, 2009) Varsovie, 2009.

Suite à l’exposition du Musée National de Varsovie (28 février-26 avril 2009), un vaste catalogue de 534 pages en langue polonaise a été imprimé, illustré de 157 tableaux et dessins (classés alphabétiquement par noms d’artistes) issus des collections nationales polonaises. Les essais de I. Danielewicz, « La peinture française du XVIIIe siècle. Thèmes choisis » ; Ewa Manikowska, « Les modèles parisiens de collectionnisme de tableaux au XVIIIe siècle » ; Andrzej Pieńkos, « La carrière mouvementée du sentimentalisme de Greuze » ; Ewa Lajer-Burchardt : « Une question de modernité : le cas de Boucher » ; Tomasz F. de Rosset, « La seconde ‘modernité’ de l’école française», sont le fruit du travail de nombreuses personnes. Ils ont été réalisés pour la première exposition d’art français du XVIIIe siècle d’une telle envergure en Pologne, exposition qui, cependant, ne comprenait ni estampes, ni sculptures, ni tapisseries [J. A. Chrościcki].

20 – Peter STEPHAN, Der vergessene Raum. Die dritte Dimension in der Fassadenarchitektur der frühen Neuzeit, Ratisbonne, Schnell & Steiner, 2009.

La façade est souvent définie comme élément plat, celui où l’architecture se rapproche des arts graphiques. Peter Stephan démontre dans la publication de sa thèse

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d’habilitation qu’au contraire, pour de nombreuses façades du XVIe au XVIIIe siècle, la troisième dimension est essentielle. Son livre volumineux propose une analyse systématique des façades à la période moderne de Rome, à laquelle il emprunte la plupart de ses exemples, jusqu’à Paris (Saint-Sulpice) [R. Rosenberg].

21 – Święto baroku. Sztuka w służbie prymasa Michała Stefana Radziejowskiego (1645-1705) [Fête du Baroque. L’art au service du primat Michel Étienne Radziejowski (1645-1705)], Jerzy ŻMUDZIŃSKI éd., (cat.expo., Varsovie, Musée du Palais de Wilanów, 2009), Varsovie, 2009.

Il s’agit de la première exposition monographique dédiée à ce célèbre hiérarque de l’Église catholique, apparenté au roi Jan III Sobieski, fils de Hieronim Radziejowski. Les essais de Jerzy Żmudziński, commissaire de l’exposition, portent sur le rôle politique et organisationnel de Radziejowski. L’historien Roman Kawecki et l’historien de l’art Juliusz A. Chrościcki analysent les sources françaises qui se rapportent à sa personne. Le catalogue contient 112 notices et se termine par une reproduction de la figure en bois doré de M. Radziejowski réalisée par Barłomiej Michał Bernatowicz et installée sur le tombeau de l’église Sainte-Croix à Varsovie – le primat étant le fondateur de l’église et de l’ordre des Saints Pères missionnaires de France. Signalons qu’en France, l’exécuteur testamentaire de cet homme d’Église fut le cardinal Toussaint de Forbin- Janson. Parmi tous les portraits du primat Radziejowski, on a décidé en particulier de choisir l’œuvre monumentale de François de la Croix datant des années 1702-1703. Le primat a par ailleurs financé la réalisation d’une série d’œuvres en France (entre autres grâce aux services de l’orfèvre Guillaume Jacob), et transmettait ses projets de bâtiments religieux et résidentiels en Pologne à Tilman van Gameren [W. Wyganowska].

22 – Mickaël SZANTO, Le dessin ou la couleur ? Une exposition de peinture sous le règne de Louis XIV, Genève, Droz, 2008.

Découverte parmi les imprimés anonymes de la Bibliothèque nationale de France où elle existe dans trois états différents, une liste de quatre pages imprimées recensant 171 peintures et quelques sculptures permet de reconstituer une exposition publique qui eut lieu à Paris en 1683. Mêlant œuvres de maîtres anciens et modernes, originaux et copies dont les prototypes sont autant que possible identifiés, cette manifestation, replacée dans le contexte de la Querelle du coloris, éclaire sous un jour nouveau le milieu des curieux parisiens pendant le règne de Louis XIV [S. Loire].

23 – Aleksandra SZEWCZYK, Jan HARASIMOWICZ éd., Mecenat artystyczny biskupa wrocławskiego Jana V Thurzona (1506-1520) [Le mécénat artistique de l’évêque de Wrocław Jan V Thurzon (1506-1520)], 4 vol., Breslau, Bibliothèque de l’ancien Wrocław, 2009 [résumé en anglais et en allemand].

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Il s’agit de la monographie du mécénat artistique de l’évêque de Breslau Jan V Thurzon, après la mort duquel Martin Luther exprimait sa peine en ces termes : « le meilleur de tous les évêques allemands ». Jan V Thurzon, né à Cracovie en 1464 ou 1466, y a commencé ses études en 1484, avant de les poursuivre en Italie, à la cour d’Alexandre VI Borgia, et de devenir évêque de Wrocław (Breslau) en 1506. Il a fait venir en Silésie des œuvres d’A. Dürer et de L. Cranach, et fut le fondateur de nombreux bâtiments, d’autels et de codes (voir le catalogue, p. 139-153) [J. A. Chrościcki].

24 – Teresa D’URSO, Giovanni Todeschino. La miniatura “all’antica” tra Venezia, Napoli e Tours, Naples, Arte Tipografica, 2007.

Cette brillante monographie remet en perspective les découvertes des dernières décennies sur cet enlumineur capital, fort loué par Summonte, actif dans les vingt dernières années du XVe siècle et mort peu avant le 19 janvier 1504. Dans le sillage de Jonathan Alexander, de François Avril et d’Albinia de la Mare, l’auteur apporte de nombreuses attributions convaincantes, des interprétations suggestives et de précieuses pièces d’archives, comme le testament de l’artiste. On doit désormais définitivement identifier Giovanni Todeschino avec le Maître du Pline de Londres et prendre en compte son intervention aux côtés de Jean Bourdichon sur des manuscrits aussi importants que les Heures de Frédéric d’Aragon. La brève présence de Todeschino dans le Val-de-Loire compta beaucoup pour le développement du goût à l’antique chez les enlumineurs français [Ph. Sénéchal].

25 – Christopher L. C. E. WITCOMBE, Print publishing in Sixteenth-Century Rome. Growth and expansion, rivalry and murder, Londres, Harvey Miller Publishers, 2008.

Prenant pour point de départ un fait divers, l’assassinat de Gerolamo da Modena, un graveur retrouvé noyé dans le Tibre en 1577, cet ouvrage examine de manière très détaillée l’évolution et le fonctionnement du monde de l’estampe à Rome au cours du XVIe siècle. Utilisant des documents d’archives très variés, comme les dépositions recueillies après cet homicide, des textes parfois peu connus, mais aussi bien sûr un corpus de près de 700 gravures dont plus de 300 sont reproduites, l’auteur dresse un tableau très vivant du milieu des graveurs, de leur mode de vie, de leurs relations et de leurs rivalités, mais aussi de celui de leurs éditeurs dont les plus notoires furent souvent des hommes venus du Nord (Nicolas Béatrizet, Etienne Dupérac, Antoine Lafréry, les Duchet, Philippe Thomassin…). Particulièrement détaillé, l’examen attentif des inscriptions et des dates, comme le repérage des dédicataires, permet de restituer la variété et l’exceptionnelle continuité chronologique de leur production [S. Loire].

26 – Richard WITTMAN, Architecture, Print Culture, and the Public Sphere in Eighteenth-Century France, New York/Londres, Routledge, 2007.

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À partir d’un corpus renouvelé qui s’ouvre notamment à la presse périodique, l’auteur montre l’importance prise par l’imprimé dans le domaine de l’architecture pendant le XVIIIe siècle français. Il décrit l’émergence d’un public qui n’est plus une communauté physiquement rassemblée autour d’un édifice, mais une société réunie par ses lectures. Les débats qui émergent alors, au-delà des arguments mobilisés, s’engagent sur le terrain du politique, en prenant l’aménagement de Paris comme une métaphore de la gouvernance du royaume. Les grands projets sont désormais discutés et critiqués à toutes les étapes de leur processus de création. L’imprimé d’architecture comme espace du débat s’affirme comme une finalité en soi [J.-Ph. Garric].

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Ouvrages reçus Books received

NOTE DE L’ÉDITEUR

PERSPECTIVE remercie les maisons éditoriales qui nous ont envoyé les ouvrages mentionnés ci-dessous. Ces publications seront susceptibles de faire l’objet d’un compte rendu croisé (ACTUALITÉ) dans un prochain numéro.

1 – Claire BOSC-TIESSÉ, Les îles de la mémoire, fabrique des images et écriture de l’histoire dans les églises du lac Tānā, Ethiopie, XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, Sorbonne, 2008.

2 – Danielle BUYSSENS, La question de l’art à Genève, du cosmopolitisme des lumières au romantisme des nationalités, Genève, La Baconnière, 2008.

3 – Charlotte GUICHARD, Les amateurs d’art à Paris au XVIIIe siècle, Seyssel, Champ Vallon, 2008.

4 – Morwena JOLY, La leçon d’anatomie. Le corps des artistes de la Renaissance au Romantisme, Paris, Hazan, 2008.

5 – Annette KANZENBACH, Der Bildhauer im Porträt. Darstellungstraditionen vom 16, bis zur Mitte des 19. Jahrhunderts, Munich/Berlin, Deutscher Kunstverlag, 2008.

6 – Pierre-Yves LE POGAM éd., La sculpture à la lettre. Promenade épigraphique au département des sculptures du musée du Louvre, Paris, Louvre, 2009.

7 – Clélia NAU, Claude Lorrain : scaenographiae solis, Éditions 1 : 1, 2009.

8 – Carmelo OCCHIPINTI, Pirro Ligorio e la storia cristiana di Roma da Costantino all’Umanesimo, Pise, Edizione della Normale, 2007.

9 – Michèle PIRAZZOLI-T’SERSTEVENS, Anne KERLAN-STEPHENS éd., Autour des collections d’art en Chine au XVIIIe siècle, Genève, Droz, 2008.

10 – Isabelle RENAUD-CHAMKA, Marie-Madeleine dans tous ses états. Typologie d’une figure dans les arts et les lettres (IVe-XXIe siècle), Paris, Les éditions du Cerf, 2008.

11 – Janusz CZOP, Yuri SAVCHUK éd., Chor giew Hetma ska Iwana Mazepy; Ivan Mazepa’s Hetman’s Banner, Cracovie, Muzeum Narodowe, 2008.

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12 – Studia Rodolphina, (Bulletin Centra pro výzkum uměni a kultury doby Rudolfa II – Bulletin of the Research for Visual Art and Culture in the Age of Rudolf II), 6, 7 et 8, Vydááv, Artefactum, 2007.

13 – Ryszard SZMYDKI, Artystyczno-dyplomatyczne kontakty Zygmunta III Wazy z Niderlandami Południowymi, Wydawn , Lubin, 2008.

14 – Michel WEEMANS, Le paysage extravagant. Henri Met de Bles, Le Mercier endormi pillé par les singes, (c.1550), Éditions 1:1, 2009.

15 – Ernst VAN DE WETERING éd., Rembrandt 1606-2006 (Rocznik Historii Sztuki, 33), Neriton, Varsovie, 2008.

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XIXe siècle

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XIXe siècle

Débat

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Une image peut en cacher une autre : réflexions autour d’une exposition Behind one image another may lie: reflections on an exhibition

Dario Gamboni, Felix Thürlemann et Michel Weemans

NOTE DE L’ÉDITEUR

Ce texte résulte de l’envoi de questions aux participants et d’un échange de courriels.

1 « Images doubles, images cachées » : les historiens de l’art ont longtemps laissé ce phénomène, comme sujet de réflexion, aux psychologues de la perception et aux historiens des cultures populaires. En entendant ces expressions, on pensait d’abord au fameux canard-lapin, aux images d’Épinal et à certaines caricatures politiques, bien que depuis le début du XXe siècle, le « cavalier de nuage » dans le Saint Sébastien viennois de Mantegna (1456-1459, Vienne, Kunshistorisches Museum) – figure impossible à ne pas apercevoir – ait pu être mis en rapport avec un passage de réflexion théorique chez Philostrate comme sa référence probable1. Par la suite, les historiens de l’art ont découvert et osé signaler d’autres figures dans les œuvres d’artistes respectables comme Dürer, Signorelli et bien d’autres. Les Quatre saisons d’Arcimboldo – ainsi que les paysages anthropomorphes d’un Merian entre autres, les pierres peintes d’un Tempesta, etc. – ont toujours été populaires, mais traitées par les historiens de l’art comme des objets ayant leur véritable place dans les cabinets de curiosités et non pas dans les grands musées. On a dû attendre 2001 pour que dans Potential Images: Ambiguity and Indeterminacy in Modern Art2, Dario Gamboni attaque les images cachées à un niveau de réflexion théorique générale, bien que le corpus étudié y soit principalement celui de l’art moderne. L’exposition Une image peut en cacher une autre, organisée en 2009 aux Galeries nationales du Grand Palais, et le catalogue qui l’accompagne ont essayé, pour la première fois, de rendre compte du phénomène dans une perspective globale et avec une visée historique large3. L’exposition et le catalogue auront certainement pour effet de relancer le débat, de réorienter et de préciser l’étude de ce type d’images. Mais il y a une question à poser : que signifie prendre la double image comme objet d’une exposition visant le grand public ? La présentation de centaines

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d’œuvres lui a-t-elle vraiment permis de saisir l’importance de ce phénomène, de mieux comprendre les œuvres exposées ?

2 Felix Thürlemann. Avant d’entamer le débat, il serait peut-être utile de préciser la nature du phénomène en question, qu’on a appelé jusqu’ici par des termes divers : on a parlé (et de même dans le catalogue) d’« images cachées », mais aussi – en se plaçant du côté du producteur-artiste – de « double regard », voire de « double mimêsis » si l’on se met du côté du récepteur-spectateur. Le fait que nous disposions de ces trois expressions (et d’autres encore comme « images potentielles », « images ambiguës », « images naturelles », etc.) indique qu’il s’agit d’un phénomène de communication visuelle complexe et qu’il serait sans doute utile d’essayer de le cerner tout d’abord à ce niveau général.

3 Pour moi, la notion d’« image cachée », à laquelle fait aussi allusion le titre de l’exposition, est peut-être la plus intéressante, bien qu’il s’agisse d’une expression non scientifique. Elle implique non seulement qu’on ait affaire à une communication double, mais qu’il existe un rapport hiérarchique entre les deux messages qui nous sont donnés dans un « texte » visuel. Il y aurait un message direct, accessible à tous, et un message second, qui ne se révélerait qu’aux initiés ou à ceux qui ont l’habitude de scruter ce qui est donné à voir. Mais « double » signifie aussi qu’il est impossible de recevoir les deux messages en même temps. Il faut toujours quitter une dimension de lecture pour pouvoir accéder à l’autre. La question suivante se pose donc : quel est le message véritable ? Manquons-nous l’essentiel si nous en restons, lors de la réception, au niveau de l’« image de base » ? La découverte de l’image cachée est-elle nécessaire à la compréhension de l’œuvre, du point de vue d’une herméneutique de l’art ? Le catalogue et les cartels placés dans l’exposition, qui ont désigné les images cachées d’une manière plus ou moins subtile, ont-ils permis au public d’accéder à l’essentiel de ces œuvres ?

4 Dario Gamboni. Les diverses expressions que tu mentionnes – et d’autres encore – désignent des types d’image et de communication visuelle légèrement différents, ou des manières différentes de les aborder. J’ai essayé de clarifier cette question dans le premier chapitre de mon livre et dans mon essai introductif au catalogue, mais on pourrait certainement pousser plus loin l’effort terminologique et typologique. Une version plus scientifique ou technique de l’image cachée est la « crypto-image », au sujet de laquelle Jean-Didier Urbain a publié deux excellents articles4. Il écrit notamment que « la crypto-image est un signe qui oscille entre le désir du dévoilement (être une image) et la tentation du néant, qu’assouvit l’effacement total (être une non- image) »5. Cette définition a le mérite d’être dynamique et d’éviter la réification qui guette toujours le discours sur les œuvres d’art, peut-être à cause de leur dimension matérielle. Personnellement, je me suis mis à employer plus volontiers le terme d’« aspect », utilisé entre autres par Odilon Redon et par Ludwig Wittgenstein6, qui situe plus clairement le phénomène dans l’interaction entre objet perçu et sujet percevant. Le caractère caché concerne le rapport entre un aspect manifeste et un

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aspect latent, pour recourir au vocabulaire de la psychanalyse qui me paraît ici adapté. La dissimulation peut appartenir à la genèse de l’œuvre et correspondre à une stratégie de représentation, comme dans les tableaux qu’a étudiés Michel Weemans7, et elle induit une approche particulière du spectateur pour accéder au niveau latent. Nous touchons ici aux questions soulevées : l’image cachée est-elle indispensable à l’interprète et au public ? Du point de vue de l’herméneutique, cela me paraît évident, car celle-ci ne saurait se contenter d’une seule dimension de lecture. Mais l’herméneute doit aussi rendre justice à cette stratigraphie des aspects (pour filer la métaphore des niveaux), à la tension et au dynamisme de leurs combinaisons et parfois de leurs oppositions. Nous avons rencontré le même problème dans l’exposition : il fallait aider les visiteurs à voir – au sens fort du terme – autre chose et davantage que ce qu’ils savaient déjà, mais sans leur imposer une lecture et sans réduire les œuvres exposées à ces aspects dévoilés. Le risque était d’une part d’aplatir les œuvres, en les traitant comme des images devinettes, et d’autre part de vendre la mèche, de dispenser les spectateurs de l’effort d’exploration voire de conversion du regard qui fait tout le prix de l’ambiguïté visuelle.

5 Michel Weemans. Un aspect frappant de cette exposition (je ne suis pas le seul à avoir fait ce constat) était les discussions provoquées par les œuvres, les échanges entre spectateurs qui souvent ne se connaissaient pas, et en même temps le regard scrutateur et rapproché. Il me semble que pour le visiteur un tant soit peu curieux, les quelques cartels indiquant l’emplacement de l’image double, loin de réduire l’œuvre à une devinette, invitaient plutôt, une fois celle-ci repérée, à reconsidérer le tableau autrement, à réinterpréter l’œuvre dans son ensemble. C’est la manière dont Daniel Arasse a défini le détail8 : comme le détail, l’image double est quelque chose qui fait écart, qui suppose donc un sujet qui regarde. Elle correspond souvent à une zone délimitée du tableau ou à un moment de la perception de l’image, détaillée par le spectateur ; elle relève donc autant de l’image matérielle que du regard. Par son effet d’étrangeté, de présence et de surprise, elle convoque l’attention avec une force particulière, et enfin, comme le détail, elle renvoie à l’ensemble dont elle fait partie. Arasse, qui insiste sur cette fonction de déclencheur herméneutique, évoque aussi dans son livre plusieurs exemples d’images doubles qui pointent la problématique de la dualité de la vision sous-jacente à l’œuvre, partagée entre l’éicastique et le fantastique, l’apparence littérale et le sens allégorique, les petites unités figuratives et la composition d’ensemble, la transparence iconique et l’opacité picturale. Ces deux caractéristiques – la fonction herméneutique des images doubles et leur relation avec une pensée duelle de la vision – sont essentielles dans les cas sur lesquels j’ai travaillé, dans le contexte de l’art flamand du XVIe siècle et en particulier chez le peintre anversois Herri met de Bles. Chez ce dernier, les images doubles sont systématiquement liées aux protagonistes qui exemplifient des états de vision variés : apparitions miraculeuses, hallucinations, aveuglement charnel. Son paysage Mercier endormi pillé par les singes en est un exemple complexe puisque l’image double y est liée à la fois au thème du songe révélateur et à celui du passage de l’aveuglement au discernement spirituel9. Comme toujours chez Bles, les images doubles correspondent à des zones délimitées du tableau et offrent, par leur caractère énigmatique et leur puissance irruptive dans l’image, un équivalent visuel de ce que l’un des principaux exégètes du

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XVIe siècle, Érasme, qualifiait de « ruse sacrée »10. Il entendait par là le recours à des figures énigmatiques visant à susciter l’attention et à provoquer une interprétation, tout en précisant qu’elles sont destinées à départager ceux qui font preuve de discernement et les autres. Les images doubles font donc partie intégrante de l’exégèse visuelle mise en œuvre par les paysages de Bles et, pour répondre à la question de Felix Thürlemann, la découverte de l’image cachée me semble alors absolument nécessaire à la compréhension de l’œuvre. J’ajouterais que cela est d’autant plus vrai lorsque l’image double devient chez un même artiste un procédé récurrent qui, loin d’être secondaire, reflète une pensée picturale spécifique. Je pense ici aux analyses, présentées pendant le colloque lié à l’exposition, de Reindert Falkenburg ou de Stephen Campbell sur les images doubles récurrentes chez Jérome Bosch et Andrea Mantegna11. Chez Bosch, comme l’a montré Falkenburg, elles renvoient à la pratique de méditation faisant appel à l’imagination dont ces images étaient le support, ainsi qu’au thème central chez ce peintre de « livre diabolique de la nature » qui désigne le monde terrestre soumis aux apparences trompeuses. Chez Mantegna leur présence est toujours, selon Campbell, une invitation à spéculer sur la nature de l’image elle-même et sur la rencontre entre le monde des dieux païens et le monde chrétien post-antique. Et je pense bien sûr aussi à vos travaux respectifs sur l’image double ou ambiguë, liée chez Dürer à sa réflexion sur la mimêsis, ou renvoyant, chez des artistes récents comme Jasper Johns ou Art & Language, à un rapport critique vis-à-vis de l’idée moderniste de pure visualité et à la tension centrale entre image et écrit, abstraction et figuration12.

6 Felix Thürlemann. Il y a surtout deux notions dans les remarques de Dario Gamboni et de Michel Weemans qui, à mon avis, mériteraient d’être scrutées davantage, celle du dynamisme propre à la perception des images doubles et celle des fonctions herméneutiques qui leur sont dévolues. Gamboni insiste dans son commentaire sur la nature instable de l’image double en parlant de « tension », de « conversion de regard » et, se référant à Jean-Didier Urbain, de « signe qui oscille »13. Je me demande si une étude ultérieure du phénomène de la double image ne devrait pas tenter de reconstruire systématiquement les différents types de sa réception en tant que phénomène processuel, certes pas sous la forme d’un psychologisme facile mais par rapport aux théories de la vision répandues à l’époque de la création de l’œuvre en question et de la théorie de la perception qui lui est implicite. Je pense que Weemans, dans ses études sur l’œuvre de Herri met de Bles, a fourni des modèles exemplaires pour ce type d’étude, à la fois par sa réflexion théorique et par le savoir historique impliqué14. Une chose me paraît certaine : la jouissance que nous éprouvons face à une image reconnue double ne consiste pas seulement dans la découverte de l’image cachée (« regarde, tu as vu ? ») – ce serait l’affaire d’une seconde – mais résulte aussi, et peut- être même davantage, du fait que notre regard change de qualité continuellement lors du processus de réception. Par la découverte d’un élément mimétique indirect (« caché »), nous passons d’une saisie mimétique naïve de l’œuvre à une perception qui, à la suite de la nécessité pour le sujet percevant de régler le passage d’un niveau (ou « aspect ») à l’autre, devient consciente d’elle-même (« je m’observe regarder »). Celui qui effectue ce travail perceptif devant une œuvre à image double se réfléchit en tant que sujet regardant et, qui plus est, se sent fort dans son pouvoir de changer de type de saisie à volonté. À mon avis, ce n’est pas un hasard si, dans nombre d’œuvres

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présentées à l’exposition ou reproduites dans le catalogue, le phénomène du regard est thématisé. Je pense à l’aquarelle avec la Vue d’Arco de Dürer, qui peut être liée à la parabole biblique de la paille et de la poutre, et aux tableaux de Herri met de Bles qui exemplifient tous, comme le souligne Weemans, des états de vision variés, sans oublier le groupe surprenant de vues sur un paysage à travers deux ouvertures d’une caverne qui rappellent les orbites d’un crâne (cat. 251-254).

7 Mais j’aimerais revenir à la question du rapport entre typologie et histoire. Dans l’exposition parisienne – c’était certes un choix heureux du point de vue didactique –, Jean-Hubert Martin, Jeanette Zwingenberger et vous avez opté pour une présentation mixte des œuvres, tantôt par affinité thématique (classement typologique), tantôt par l’origine commune selon le temps, la géographie ou l’auteur (classement historique). Mais cette manière de présenter a plutôt brouillé le problème d’une saisie systématique du phénomène de la double image. Quelles sont, à votre avis, les stratégies qu’une future histoire de l’art pourrait emprunter utilement face à cette problématique ? Une des questions que je me pose est la suivante : l’histoire de la double mimêsis dans l’art aura-t-elle une articulation parallèle à l’histoire de l’art en général ? Selon Gamboni, il y a deux périodes particulièrement propices au phénomène de l’image cachée, la Renaissance et la période dite contemporaine. Mais ce sont également les deux grands moments de crise de la représentation. Si cette observation est correcte, on pourrait dire que les grandes périodes de l’image double correspondent aux moments de rupture forte qui articulent l’histoire de l’art européenne.

8 Dario Gamboni. Cette remarque sur la dimension réflexive de la perception des images doubles est très juste et fait que l’on peut aussi parler à leur propos de « méta-images ». L’artiste brésilien Vik Muniz dit qu’il produit des « images suspectes qui rendent toutes les autres images suspectes »15. Il faut en effet mettre en rapport les pratiques artistiques concernées avec les théories contemporaines de la perception, ce que j’ai tenté pour la période autour de 1900 et continue à faire à propos de Gauguin16. Mais il est aussi juste d’employer les outils dont on dispose aujourd’hui, comme ceux fournis par les sciences cognitives, qui montrent comment le prolongement de la phase d’identification d’un objet provoqué par des stimuli ambigus ou incomplets conduit ce processus lui-même à la conscience du sujet. J’aimerais d’ailleurs signaler en passant que l’image double et l’image cachée ne sont que des cas particuliers de l’ambiguïté visuelle, qui n’est en outre pas limitée (dans le cas d’artefacts) à la représentation iconique. August Strindberg a très bien exposé l’étendue du phénomène en décrivant successivement, dans son essai de 1894 « Du hasard dans la production artistique »17, trois situations où l’« oscillation des impressions » joue un rôle productif : dans certaines situations naturelles (pénombre, etc.), face aux « peintures modernistes » dont il dit qu’elles font assister le spectateur à « l’acte de procréation du tableau », et enfin dans son propre travail de peintre. Cette oscillation est pour lui « source de jouissance », mais la suite de sa biographie montre qu’elle peut aussi se révéler angoissante et être liée à des phénomènes psychopathologiques.

9 Sur le rapport entre historicité et approche systématique, l’exposition que Jean-Hubert Martin avait organisée en 2003 à Düsseldorf sur l’image double autour de Dalí était construite de manière principalement typologique18. Pour celle du Grand Palais, Michel

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Weemans et moi-même tenions beaucoup à la présence d’un principe historique, pour éviter le nivellement – entre médiums et genres d’œuvres notamment – que peut entraîner le principe typologique (à base iconographique par exemple), et pour esquisser ou suggérer l’histoire de l’image multiple et ses liens avec l’histoire de l’art tout court. Le fil chronologique s’est d’ailleurs laissé combiner avec des sections thématiques comme la salle « Face au torse », qui soulevait exemplairement les questions de longue durée posées par l’apparition de motifs analogues voire identiques (comme l’analogie entre visage et torse humains) à des moments et dans des cultures très divers. Je suis personnellement convaincu que l’utilisation artistique de l’ambiguïté – ambiguïté qui repose sur le processus de perception (y compris pendant l’acte créateur) et constitue une propriété fondamentale de l’image – accompagne toute l’histoire de l’art, mais il est clair que, selon les temps et les lieux, cette utilisation joue un rôle plus ou moins important et explicite, et fait l’objet d’une attention et d’interprétations très diverses. La Renaissance et le tournant de 1900 sont en effet de ce point de vue des moments privilégiés, auxquels j’ajouterais au moins la fin de l’Antiquité et l’art autour de 1800, si bien étudié par Werner Hofmann19. Mais le phénomène n’est nullement limité à l’Occident. Les rencontres (parfois violentes) entre cultures et les transferts culturels y jouent aussi un rôle ; il y a une géographie autant qu’une histoire de l’image multiple à faire. L’art asiatique – à certains moments plus qu’à d’autres, bien sûr – est ainsi très riche en jeux avec l’image et le spectateur, et il est significatif que Gauguin se soit intéressé particulièrement à l’art des îles Marquises, au sujet duquel il disait avec perspicacité qu’on « est étonné de trouver un visage là où l’on croyait à une figure étrange géométrique »20.

10 Michel Weemans. Les points que vous venez de souligner – le dynamisme propre à la perception des images doubles, la fonction herméneutique qui leur est dévolue, leur lien fondamental avec la théorie de la vision, leur dimension réflexive – sont intrinsèquement liés dans le cas des œuvres de Bles. Un exemple particulièrement élaboré, présent dans l’exposition, est celui de l’aigle rocheux qui domine le centre de sa Vocation de saint Pierre. Le tour de force pictural ou méta-pictural consistant à proposer une image de peinture qui imite la nature qui imite la peinture est ici associé à la visualisation d’un jeu de mots, lié au récit biblique, entre les termes latins Petrus (Pierre), petra (rocher), et les termes née rlandais steen (pierre, forteresse) et steenarend (aigle royale, littéralement « aigle de pierre »). Bles se révèle ici un digne précurseur de Magritte. L’image double constitue dans ce contexte de paysage religieux une réponse picturale à la pensée chrétienne qui affirme la limitation du matériel et la nécessité d’un dépassement spirituel. Le dynamisme lié à la perception des images doubles que vous évoquez désigne aussi le puissant effet disruptif de l’image double au sein d’une représentation naturaliste plus vaste, qui a pour effet de ramener l’œil à la surface picturale et provoque une inquiétude du regard. La question du disruptif en peinture a été largement élaborée par Louis Marin et est chez lui indissociable de la notion d’« objet théorique »21, qui désigne souvent des détails secondaires ou discrets mais pouvant condenser un complexe de questions théoriques qui mettent en jeu les principes mêmes de la représentation. C’est le cas des images doubles qui interviennent de manière complexe dans les œuvres de la Renaissance, par exemple chez Bles, et dont

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les qualités de dynamisme, d’indétermination, de disruptivité et de réflexivité font des objets théoriques.

11 En visitant l’exposition, Ralph Dekoninck m’a justement suggéré l’idée que les images doubles à la Renaissance pourraient offrir un écho visuel aux « textes troublés » analysés par Terence Cave. Dans son important ouvrage Pré-histoires. Textes troublés au seuil de la modernité22, Cave a envisagé les textes de Ronsard, de Rabelais et de Montaigne à la lumière de différents procédés narratifs et rhétoriques comme le suspens, l’intrusion du démoniaque et du surnaturel dans le naturel, l’anamorphose ou encore l’antipéristase et la paradiastole, qui s’apparentent au paradoxe et à l’oxymore. Ces procédés provoquent des doutes épistémologiques, des renversements radicaux et inattendus de sens, qui troublent profondément l’ordre orthodoxe de la représentation narrative et constituent selon lui l’émergence d’une modernité littéraire. Je tends à penser comme Gamboni que la Renaissance et les XIXe-XXe siècles, qui correspondent à des moments de crise de la représentation, sont aussi deux temps forts dans l’histoire des œuvres troublées par les images doubles. J’ajouterais que la partie immergée de l’iceberg, celle des œuvres que nous avions retenues sans pouvoir les montrer dans l’exposition, est largement constituée d’œuvres contemporaines. N’est-ce pas à l’art contemporain, qui exprime notre sensibilité et façonne notre manière de voir, que l’histoire de l’art doit de considérer, de « voir » aujourd’hui cet aspect de l’art du passé longtemps ignoré par les historiens de l’art ?

NOTES

1. Horst W. Janson, « The ‘Image made by Chance’ in Renaissance Thought », dans Millard Meiss éd., De Artibus opuscula XL. Essays in Honor of Erwin Panofsky, New York, 1961, I, p. 254-266, II, p. 87-88. Pour une étude générale sur les images doubles chez Mantegna voir Andreas Hauser, « Andrea Mantegnas ‘Wolkenreiter’: Manifestationen von kunstloser Natur oder Ursprung von vexierbildhafter Kunst ? », dans Gerhart von Graevenitz, Stefan Rieger, Felix Thürlemann éd., Die Unvermeidlichkeit der Bilder, Tübingen, 2001, p. 147-172. 2. Dario Gamboni, Potential Images: Ambiguity and Indeterminacy in Modern Art, Londres, 2002. 3. Une image peut en cacher une autre. Arcimboldo – Dali – Raetz, Jean-Hubert Martin, Dario Gamboni éd., (cat. expo., Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 2009), Boulogne-Billancourt, 2009. 4. Jean-Didier Urbain, « La crypto-image ou le palimpseste iconique », dans Eidos, 5, 1991, p. 1-16, et « La crypto-image – ou les ruses de la communication figurative », dans Degrés, 69-70, printemps-été 1992, p. 3-15. 5. Urbain, 1992, cité n. 4, p. 2. 6. Odilon Redon, À soi-même. Journal (1867-1915). Notes sur la vie, l’art et les artistes, Paris, 1961 (1922), p. 100 (passage daté de 1903) ; Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, Tagebücher 1914-1916, Philosophische Untersuchungen, (Werkausgabe, 1), Francfort, 1995, p. 518-553. 7. Michel Weemans, « Aveuglement, discernement, double voir : Herri met de Bles ou les ruses sacrées du paysage religieux », dans Une image peut en cacher une autre…, 2009, cité n. 3, p. 39-49. 8. Daniel Arasse, Le Détail. Pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, 1992.

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9. Michel Weemans, Le paysage extravagant. Herri met de Bles. Le mercier endormi pillé par les singes, Paris, 2009. 10. Michel Weemans, « Les ruses sacrées du paysage », dans Les Carnets du paysage, 15, automne 2007-hiver 2008, p. 144-165. 11. Reindert Falkenburg, « Têtes, paysages, région de dissemblance » et Stephen Campbell, « Quattrocento : les images au cœur des nuages », dans Michel Weemans, Jean-Hubert Martin éd., Le paysage anthropomorphe à la Renaissance, (colloque, Paris, 2009), à paraître ; « La diplopie discernante », entretien Michel Weemans-Reindert Falkenburg, dans Images cachées, hors série Art Press, 2/13, avril 2009, p. 38-45. 12. Felix Thürlemann, « L’aquarelle de Dürer fenedier klawsen. La double mimesis dans l’analyse picturale d’un lieu géographique », dans Revue de l’Art, 137/3, 2002, p. 9-18 ; Felix Thürlemann, Dürers doppelter Blick, Constance, 2008 ; Gamboni, 2002, cité n. 2. 13. Urbain, 1992, cité n. 4. 14. Weemans, 2009, cité n. 7 et 9. 15. « Vik Muniz and Charles Ashley Stainback: A Dialogue », dans Vik Muniz: Seeing is Believing, (cat. expo., New York, International Center of Photography), Santa Fe, 1998, p. 12-44. 16. Voir mes articles suivants : « Paul Gauguin’s Genesis of a Picture: a Painter’s Manifesto and Self-Analysis », dans 19th-Century Art Worldwide, automne 2003 (http://www.19thc- artworldwide.org/autumn_03/articles/gamb.html) ; « Parahi te marae : où est le temple ? », dans 48/14. La revue du Musée d’Orsay, 20, printemps 2005, p. 6-17 ; « De Bernheim à Focillon : la notion de suggestion entre médecine, esthétique, critique et histoire de l’art », dans Roland Recht et al. éd., Histoire de l’histoire de l’art en France au XIXe siècle, Paris, 2008, p. 311-322 ; « The Vision of a Vision: Perception, Hallucination, and Potential Images in Gauguin’s Vision of the Sermon », dans Van Gogh Studies, 3, 2010, à paraître. 17. August Strindberg, « Du hasard dans la production artistique », dans Revue des Revues, 11, 15 novembre 1894, p. 265-270, republié comme A. Strindberg, Du hasard dans la production artistique, Caen, 1990. 18. Das endlose Rätsel. Dalí und die Magier der Mehrdeutigkeit, Jean-Hubert Martin, Stephan Andreae éd., (cat. expo., Düsseldorf, Museum Kunst Palast), Ostfildern-Ruit, 2003. 19. Voir entre autres Werner Hofmann, Une époque en rupture. 1750-1830, Paris, 1995. 20. Paul Gauguin, Avant et après, Taravao, 1989, p. 73. 21. Louis Marin, « Ruptures, interruptions, syncopes dans la représentation de peinture », dans De la représentation, Paris, 1994, p. 364-376 ; « Les syncopes du récit », dans Louis Marin, Opacité de la peinture. Essais sur la représentation au Quattrocento, Paris, 1989, p. 101-197. 22. Terence Cave, Pré-histoires. Textes troublés au seuil de la modernité, Genève, 1999.

INDEX

Keywords : exhibition, anthropomorphic landscape, cabinet of curiosities, spectator, allegory, double vision, perception, anamorphosis Mots-clés : exposition, paysage anthropomorphe, cabinet de curiosité, crypto-image, spectateur, allégorie, image double, perception, texte troublé, anamorphose Index géographique : France, Italie Index chronologique : 1600, 1800, 1900, 2000

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AUTEURS

DARIO GAMBONI Professeur d’histoire de l’art à l’Université de Genève, il est l’auteur entre autres de Potential Images: Ambiguity and Indeterminacy in Modern Art (Londres, 2002) et a été commissaire adjoint de l’exposition Une image peut en cacher une autre.

FELIX THÜRLEMANN Professeur d’histoire et de théorie de l’art à l’Université de Constance. Auteur de nombreuses études sur l’histoire de l’art européen depuis la Renaissance et sur les fondements méthodologiques de la pratique interprétative, il a publié récemment avec Steffen Bogen Rom. Eine Stadt in Karten von der Antike bis heute (Darmstadt, 2009).

MICHEL WEEMANS Il enseigne à l’ENSA de Bourges. Ses recherches portent particulièrement sur l’art flamand et il termine un livre sur Herri met de Bles. Il a été commissaire associé de l’exposition Une image peut en cacher une autre et prépare en collaboration avec Alain Tapié une exposition sur le paysage flamand au XVIe siècle.

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XIXe siècle

Travaux

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La recherche sur la caricature du XIXe siècle : état des lieux The State of Research on 19th-Century Caricature Die Forschung zur Karikatur im 19. Jahrhundert: eine Bestandsaufnahme La ricerca sulla caricatura del XIX secolo: un inventario degli studi La investigación sobre la caricatura del siglo XIX: un estado de la cuestión

Ségolène Le Men

NOTE DE L'AUTEUR

Cet article est dédié à la mémoire du collectionneur Claude Rebeyrat, mort au Sri Lanka le 24 janvier 2009, qui se passionnait pour la caricature du XIXe siècle et fut toujours généreux dans l’accueil réservé aux chercheurs. Mes remerciements s’adressent à Cédric Lesec et à Saskia Hanselaar pour leur aide à la mise en forme des références.

1 Les approches de la caricature du XIXe siècle se sont mises en place, à partir de quelques travaux pionniers, au moment où les sciences humaines et sociales se sont développées dans une perspective interdisciplinaire dans les années 1970. Ce sujet, qui a donné lieu à des recherches abondantes et multiples mais aussi dispersées, passionne des chercheurs de différents domaines, non seulement des historiens de l’art, mais aussi des historiens, littéraires, philosophes, sociologues, anglicistes et germanistes. Il attire des conservateurs de musées, des collectionneurs engagés dans la vie professionnelle, des bibliothécaires, des marchands d’estampes, des enseignants, des dessinateurs de presse ou de bandes dessinées. Il conduit les historiens de l’art à entreprendre des projets de recherche transdisciplinaires, dans un cadre national ou binational, et à présent de plus en plus international. Cette particularité, qui place la caricature au croisement de réflexions et de points de vue divers, rend la constitution d’un état de la recherche d’autant plus compliquée que les publications ne sont pas nécessairement indexées par les canaux de référence bibliographiques habituels en histoire de l’art, hormis quelques exceptions, dont la plus remarquable, une bibliographie établie sous la

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direction d’Hélène Duccini, est désormais disponible en ligne sur le site de l’équipe internationale de Recherche sur l’Image Satirique (l’EIRIS ; DUCCINI, 2008). De même il existe une grande variété de lieux de conservation des caricatures dont les fonds sont catalogués ou valorisés par des expositions, mais il est difficile d’en offrir une vision d’ensemble. Il découle de ce double constat qu’un recensement s’avère nécessaire, fusse-t-il un peu fastidieux. Le caractère à la fois kaléïdoscopique et foisonnant des publications et la multiplicité des lieux de recherche sur la caricature du XIXe siècle ont pour contrepartie son inscription dans une perspective diachronique bien établie par l’historiographie depuis une trentaine d’années, qui a permis de faire apparaître les variations de la définition du genre et de ses registres d’expression. Si l’on s’en tient à la définition stricto sensu apparue à la Renaissance, la caricature, au sens étymologique, signifie portrait charge1 ; en revanche d’autres modalités sont prises en considération si l’on retient une définition large qui englobe la satire sociale et le dessin d’humour, et qui tient compte de l’effet comique et de la déformation expressive. Il est impossible de traiter de la caricature du XIXe siècle sans l’inscrire dans une histoire générale de la caricature. Dans cette trame d’ensemble, simplement évoquée, s’insèrent des approches plus précises de la caricature et des caricaturistes du XIXe siècle. La caricature est un phénomène qui traverse l’histoire du long XIXe siècle, de la Révolution à la première guerre mondiale. Elle exprime les histoires nationales et leurs interactions, stigmatise les représentations des peuples les uns par les autres, est modifiée dans chaque pays par la succession des régimes politiques et l’alternance entre périodes de liberté d’expression et de censure et, enfin, se multiplie avec la croissance de la presse et l’avènement d’une culture extensive des images et des médias. Cette seconde trame rend compte de la variabilité des registres de la caricature, qui vont du sourire au rire, de l’humour au blasphème, de la drôlerie à l’injure. Dans ce vivier de recherches menées en histoire de l’art, quelques orientations thématiques se dégagent, parmi lesquelles l’histoire du corps et de sa déformation, la méta-iconicité et l’intermédialité, la géopolitique et la mise en histoire de la caricature.

Ouvrages généraux et perspectives d’ensemble

2 Le cadre général de l’histoire et de la théorie de la caricature détermine la plupart des grilles de lecture pour le XIXe siècle, période généralement tenue comme exemplaire de cette forme d’expression. C’est au long de cette histoire que se sont constitués puis transmis le langage artistique, les procédés et les figures de la caricature théorisés depuis la Renaissance.

Approches diachroniques : anti-art et déformation

3 Plusieurs livres et expositions, anciens pour certains mais toujours essentiels, ont établi cette trame historiographique. Le premier, de Werner Hofmann, composé d’un recueil de planches accompagnées d’analyses et introduit par un essai dont la thèse fait toujours référence, fonctionne un peu comme un livre-exposition (HOFMANN, [1956] 1958). L’auteur y défend l’idée que la caricature, pratiquée par les artistes « de Léonard à Picasso », est la « négation totale » du « beau idéal » dont elle constitue le « pôle opposé » (HOFMANN, [1956] 1958, p. 16-17) : elle est en quelque sorte l’art de l’anti-art (HOFMANN, 1984). La caricature : art et manifeste du XVIe siècle à nos jours, publié par le grand

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éditeur d’art Albert Skira, qui en 1970 avait été celui du Portrait de l’artiste en saltimbanque de Georges Starobinski et, avant lui, de La voie des masques de Claude Levi- Strauss dans la collection Les sentiers de la création, a repris ce schéma en l’étoffant (BORNEMANN, SEARLE, ROY, 1974). Il réaffirme notamment le postulat de la caricature comme forme artistique anti-canonique, paradoxalement solidaire des valeurs qu’elle dénonce en les stigmatisant. Dans la mesure où celle-ci se rapporte principalement à la figure humaine, elle est rapprochée de l’évolution du portrait en général. Le symbole du masque introduit la caricature, par-delà les arts du dessin, non seulement sur la scène du spectacle et de la performance dramaturgique et artistique, mais aussi sur celle du mythe. Dans une double page qui cite l’ouvrage de Starobinski, l’aquarelle Deux Pierrots de Gavarni est reproduite auprès d’un dessin de Léonard de Vinci et d’une photo de Pablo Picasso : « L’effroi se convertit en rire ; les terreurs primitives se perdent dans la farce profane » (p. 31). Le XIXe siècle, en particulier, y apparaît comme marqué par l’essor de la caricature française, ainsi que par l’internationalisation qui s’amorce dès les années 1840 dans la presse illustrée. Le « nouveau théâtre de l’humour » du XIXe siècle est associé à l’usage de la lithographie, qui devient une « arme redoutable » dans la presse satirique du début des années 1830, avant de critiquer « la physionomie du bourgeois » et de revenir à la scène de mœurs. Les années 1840 sont marquées par la naissance de la presse satirique en Angleterre, en Allemagne et en Italie. Un chapitre est ensuite consacré aux salons caricaturaux, avec une belle place faite à André Gill, puis aux caricatures politiques de la fin du Second Empire et de la Commune. Le chapitre suivant évoque la fin du XIXe siècle, qui « consacre le pouvoir de l’image », et présente la tradition des histoires en images en Allemagne depuis le Genevois Rodolphe Töpffer jusqu’à Wilhelm Busch, et en France au Chat noir avec Caran d’Ache, Adolphe Willette et Théophile Alexandre Steinlen. Les séquences suivantes portent sur les caricatures de l’Affaire Dreyfus, sur Albert Robida, et enfin sur l’esprit fin de siècle et le rire à Montmartre. Les deux derniers chapitres sont consacrés aux caricatures allemandes de la République de Weimar, à la caricature américaine, puis au dessin de presse contemporain. Au total, la caricature française du XIXe siècle occupe huit des quatorze chapitres du livre dont le panorama s’avère pourtant international.

4 Cette approche diachronique a été reconduite dans le catalogue de l’exposition présentée à Munich, Vienne et Hanovre qui abordait cinq siècles de caricatures en Occident (KOSCHATZKY, 1992). Le propos d’ensemble était de considérer caricature et satire comme des formes de critiques adressées au contemporain et comme une critique de l’actualité, ce qui n’est pas sans référence à la conception baudelairienne. Walter Koschatzky, dans son introduction, après avoir conclu par le nom de Baudelaire ses réflexions sur le comique, reconnaît à la caricature les mêmes « phares » que le poète dans ses deux articles sur les caricaturistes français et étrangers publiés en 1857 dans Le Présent : Vinci, Hogarth, Cruikshank, Goya, Gavarni, enfin et surtout Daumier. S’y adjoignent Arcimboldo, auquel l’ancien directeur de l’Albertina devait un juste hommage, Callot et Töpffer. Les trois essais qui suivent cette présentation d’ensemble traitent du dessin de presse et en particulier de l’illustration de Simplicissimus (Helmut Grill, Carla Schulz-Hoffmann), et de l’histoire en images, de Töpffer à la bande dessinée (Gisela Vetter). Ces thématiques ont été abondamment étudiées depuis du fait de l’essor de l’histoire de la presse et de la BD comme l’ont été aussi les artistes cités, à l’exception de Gavarni, grand oublié des travaux récents sur la caricature.

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L’expérimentation de l’art moderne et la question du portrait : de la mimesis à l’expression

5 La caricature a également été abordée sous l’angle de la théorie artistique. Ses ressorts comiques et son style cursif, du portrait charge au dessin d’humour, ont été mis en évidence par Ernst Kris et Ernst Gombrich qui l’ont interprétée comme un art expérimental dont le registre d’expression a servi de laboratoire à l’art contemporain. Telle est l’approche défendue par Gombrich dans le chapitre XI de L’art et l’illusion, « L’expérimentation dans le domaine de la caricature » (GOMBRICH, [1960] 1987), texte qui marque l’aboutissement d’une réflexion sur la caricature amorcée plus de vingt ans auparavant avec Kris. Cet historien de l’art devenu psychanalyste avait réfléchi à la psychologie de la caricature dès 1934 dans « The principles of Caricature », texte commun repris en troisième partie de Psychanalyse de l’art (KRIS, 1934 ; KRIS, GOMBRICH, 1938 ; GOMBRICH, KRIS, 1940). Gombrich est revenu ailleurs sur la caricature, qui tient une place importante dans son œuvre d’historien de l’art (GOMBRICH, 1978 ; GOMBRICH, 1994). Celle-ci procède aussi de la légende de l’artiste (KRIS, KURZ, 1979), dans la mesure où elle est comprise comme l’une des manifestations du génie démiurgique, au même titre que la fantaisie et le grotesque, dont elle est rapprochée et qui exercent également l’imagination : ce sont des marques de l’invenzione, de l’inventivité artistique, goûtées pour cette raison. Cette définition de l’artiste comme démiurge resurgit au XIXe siècle, comme le rappelle le titre du dernier livre de J. J. Grandville, Un autre monde (Paris, 1844).

6 Plusieurs ouvrages de synthèse s’inscrivent dans la lignée des approches d’Hofmann, complétées par les observations de Kris et Gombrich, depuis Michel Melot jusqu’à Laurent Baridon et Michel Guédron. Le premier a publié L’Œil qui rit, une histoire de la caricature qui insiste sur les procédés permanents, notamment ceux de la schématisation, de l’anthropomorphisme et de l’animalisation (MELOT, 1975 ; voir aussi MELOT, 1982). Dans L’Art et l’histoire de la caricature (BARIDON, GUÉDRON, 2006), les seconds insistent sur les théories physionomiques qui parcourent l’histoire et la théorie de la caricature depuis Vinci jusqu’à Francis Grose en passant par Johann-Gaspard Lavater, référence constante pour la caricature européenne au XIXe siècle, que complète la phrénologie de Franz Joseph Gall, et dont les théories de Charles Henry inspirées par Humbert de Superville ont pris le relais, notamment chez Georges Seurat (HERBERT, [1980] 2001).

7 Klaus-Peter Speidel a rouvert le débat sur les postulats de cette historiographie usuelle et remet en cause l’interprétation de la caricature comme art de l’anti-art, fondée sur la valorisation de la culture de la Renaissance italienne au détriment de celle des Flandres, et la réduction de sa définition au portrait charge (SPEIDEL, 2007). S’il reprend les thèses d’Hofmann, et de Kris et Gombrich en admettant que la caricature joue un rôle clé pour l’invention de l’art contemporain, à partir de l’exemple du portrait expressionniste, il postule également que « l’aspiration réaliste suffit pour expliquer le cheminement vers la caricature », en insistant sur la fonction expressive et sur l’observation poussée du réel. Ces orientations avaient existé chez les caricaturistes du XIXe siècle et correspondent aux théories émises par Jules Champfleury, entre autres (CHAMPFLEURY, 1865).

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Métamorphoses du corps, physiognomonie, pathognomonie et caricature : un thème de recherche fédérateur

8 La ligne directrice de l’ouvrage de Baridon et Guédron repose sur l’interaction entre l’histoire du corps (CORBIN, COURTINE, VIGARELLO, 2005) et des imaginaires corporels, et la physiognomonie. Leur livre s’inscrit donc dans le prolongement de leurs travaux antérieurs sur le rapport entre art et physiognomonie au XIXe siècle (chez Lavater, Boilly, Daumier, David d’Angers et en architecture ; BARIDON, GUÉDRON, 1999), et sur la métamorphose animale à travers l’histoire de l’art (Hommeanimal…, 2004 ; voir aussi Ridiculosa, 2003). Cette approche s’avère l’une des pistes dominantes de la recherche sur la caricature et peut s’appliquer au crâne de Victor Hugo (La Gloire de Victor Hugo, 1985 ; LE MEN, 1986 ; Victor Hugo, 2002)2, à l’ensemble des séries de « grosses têtes », y compris celles qui recourent à la métamorphose botanique (Le Potager républicain…, 2003), mais avant tout au Roi-Poire. Ce signe caricatural qui porte atteinte au portrait du roi (MARIN, 1981) et suscite constamment de nouvelles recherches, reste un point focal pour l’histoire et la théorie de la caricature du XIXe siècle, à partir duquel se déploient la variété des approches actuelle, de l’histoire du corps et des imaginaires politiques et sociaux à la psychanalyse, de l’étude de presse à la sémiotique ou à l’analyse génétique, de l’iconotextualité à la pragmatique linguistique (DÖHMER, 1980 ; CUNO, 1985a ; The Pear…, 1991 ; PETREY, 1991 ; Caricatures politiques…, 1994 ; ACKERMAN, 2005 ; LE MEN, 2005 ; ERRE, 2007).

9 Entre art, histoire, littérature, études cinématographiques et sémiotiques, il existe une immense bibliographie sur la tradition physiognomonique, que traite actuellement un programme de recherche européen (GRAEME, 1982 ; KIRCHNER, 1991 ; MONTAGU, 1994 ; TRUMBLE, 2004). Outre l’article essentiel sur la physiognomonie animale de Jurgis Baltrušaitis (BALTRUŠAITIS, 1957), son importance pour la caricature, indiquée par Töpffer dans un précoce traité de sémiologie pour l’humour graphique (LE MEN, 1997), a été signalée par Judith Wechsler dans A Human Comedy, Physiognomy and Caricature in 19th Century Paris, livre traduit en japonais mais non en français (WECHSLER, 1982). À l’instar de l’Angleterre (DE GUISTINO, 1975 ; COOTER, 1984) où Charles Bell en a proposé l’application picturale, la physiognomonie de Lavater et la phrénologie de Gall entrent dans le système visuel du XIXe siècle français, notamment chez Honoré Daumier et Henri Monnier, mais aussi chez Balzac, Baudelaire et bien d’autres (CLAPTON, 1933). Wechsler s’est aussi intéressée à la « pathognomonie », qui rend compte de la mobilité physionomique. Un chapitre porte sur le mime Deburau, inspirateur de Nadar, et traite des mimiques et des jeux d’expression de la pantomime (voir aussi Nadar…, 1994).

10 Pour bien des caricaturistes, parmi lesquels Daumier (ROBERTS-JONES, 1949 ; SHEON, 1976 ; Daumier : scènes de vie…, 1998 ; Daumier 1808-1879…, 1999) et Grandville (KAENEL, 1986 ; GOLDSTEIN, 1995), le postulat physiognomonique intervient aussi dans l’élaboration de la représentation classée des « types », depuis la sémiologie médicale appliquée à la psychiatrie naissante jusqu’aux silhouettes dans la ville moderne (STIERLE, 2001), pour lesquelles la caractérisation s’étend du visage au corps entier (Les Français…, 1993).

11 Ces évolutions engagent la peinture de la vie moderne, à l’époque où le caractère synthétique du manga d’Hokusaï est admiré, et où Degas, admirateur et collectionneur des caricatures de Daumier et de Gavarni (IVES, STEIN, 1997), s’apprête à utiliser la physiognomonie des portraits de criminels. Alors qu’en photographie, la pose fige en

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rictus la « grimace provoquée » par Duchenne de Boulogne, dont le traité d’anatomie appliquée aux arts plastiques parut en 1862 (JAMMES, 1978 ; Duchenne de Boulogne, 1984 ; Duchenne de Boulogne…, 1999 ; Figures du Corps…, 2008), les caricaturistes ont pour atout la technique du croquis, récemment abordée par une exposition à Valenciennes (Carpeaux-Daumier…, 2008) et de donner ainsi au spectateur l’effet de la vision sur le vif, dans l’instantané du mouvement et la mobilité de l’expression.

L’importance des lieux de recherche et de la valorisation des fonds

12 Le goût des caricatures est associé à celui de la brassée des images qui permettent de faire resurgir du passé l’actualité dans ses débats et de saisir l’histoire vivante. En ce sens, il s’apparente à celui de l’archive, tout en y ajoutant le comique. L’écrivain américain Henry James, préparant un article sur Daumier paru en 1890, glanait en piles chez les bouquinistes des quais de la Seine les livraisons du Charivari (JAMES, [1890] 1954). Cette collecte dont il se souvient avec bonheur, rendait selon lui l’immédiateté du présent ; c’était aussi une façon de se glisser dans la peau de l’amateur d’images et de s’immerger dans la vieille Europe dont la caricature lui apparaissait comme un art spécifique. Toute autre est la situation de son contemporain, le socialiste français Jean Jaurès, mais celui-ci ressent la même jubilation. Dans sa préface à l’Histoire socialiste de la révolution française comportant de « nombreuses illustrations d’après des documents de chaque époque » – parmi lesquelles figurent les caricatures de l’époque révolutionnaire consultées au musée Carnavalet (MORET, 1991) –, Jaurès dit avoir aimé « recueillir ces images encore vives, ces feuilles toutes remuantes et bruissantes où circulent les sèves colorées et chaudes de la Révolution. Et c’est une joie aussi de les jeter de nouveau au vent de la vie » (JAURÈS, 1904, p. vii). Enfin Eduard Fuchs, dont Walter Benjamin a souligné la double identité de collectionneur-historien (BENJAMIN, [1937] 1978), affirme avoir consulté 68 000 dessins pour écrire son histoire de la caricature européenne dont les deux volumes paraissent en 1901 et 1903 (FUCHS, 1901-1903 ; GARDES, 1995).

13 Quels sont donc les lieux où cette immersion dans la caricature du XIXe siècle s’offre aujourd’hui au chercheur ? L’étude de la caricature repose sur des collections généralement conservées dans les cabinets d’estampes et d’arts graphiques de grands établissements ou dans des musées et bibliothèques conservant des fonds spécifiques. Il s’agit pour l’essentiel d’œuvres publiées dans la presse, mais parfois aussi de croquis et de dessins originaux. Les inventaires de fonds constituent donc les premiers outils à la disposition des chercheurs et trouvent un complément dans les catalogues d’expositions qui traitent de sujets précis. Les grandes institutions patrimoniales sont incontournables, mais il faut également aller fouiner dans des collections plus restreintes et souvent plus spécialisées.

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La place du département des Estampes et de la Photographie de la BnF (caricatures éditées) et du Musée d’Orsay (dessins et sculptures)

14 Le Rapport sur la promotion et la conservation du dessin de presse confié à la mission Wolinski en 2006 a dressé pour la France un repérage des lieux de conservation publics des dessins de presse originaux ou édités, tout en préconisant la création d’un établissement spécifique (WOLINSKI, SIMOËN, DUVERNOIS, 2007). Ce rapport souligne l’importance des fonds de la Bibliothèque nationale de France issus du dépôt légal et des caricatures conservées dans la plupart de ses départements et composantes (estampes et photographie, imprimés, manuscrits, arts du spectacle, bibliothèque- musée de l’Opéra, bibliothèque de l’Arsenal), que complète le fonds du Musée d’Orsay au cabinet des arts graphiques du Louvre, dont une grande partie est cataloguée en ligne.

15 Le département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France a un lien historique avec la caricature du XIXe siècle à travers son conservateur Achille Devéria (1800-1857) ; illustrateur, lithographe et caricaturiste, il fut l’inventeur des reliures à feuillet mobiles et légua au département sa collection, qui mériterait d’être reconstituée grâce à l’outil informatique. L’Inventaire du fonds français après 1800 est un précieux outil, malheureusement inachevé, dont les entrées sont classées par noms d’artistes (ADHÉMAR et al., 1930-). Il est utilement complété par le site Internet « The Image of France, 1795-1880 » élaboré par George McKee à partir des mentions de dépôt légal des estampes jointes à la Bibliographie de la France de parution hebdomadaire depuis 1811 (MCKEE, 2003)3. Les catalogues de la collection Hennin (DUPLESSIS, 1877-1884) et de la collection de Vinck, dont les huit tomes s’organisent par périodes historiques de 1770 à 1871 (Collection de Vinck, 1909-1979), décrivent et répertorient un grand nombre de caricatures. Le dernier paru, rédigé par Nicole Villa, porte sur la Monarchie de Juillet (Collection de Vinck, VI, 1979). Le corpus de microfiches réuni par Béatrice Farwell sur l’imagerie lithographique française aux Estampes (FARWELL, 1981) reste toujours sans équivalent et lui a permis d’organiser une exposition de caricatures (The Charged Image…, 1989). En 1988, une grande exposition de caricatures de l’époque de la Révolution, organisée par James B. Cuno (Politique et polémique…, 1989), à partir des collections de la Bibliothèque nationale, a fait date, et un vidéodisque des fonds a été publié4.

16 La place du département de la BnF pour l’étude de la caricature ne tient pas uniquement à l’importance de ses collections mais aussi aux recherches de plusieurs directeurs ou conservateurs. Ainsi, Jacques Lethève (LETHÈVE, 1961) ; Jean Prinet, co- auteur en 1966 de la première étude sur Nadar (PRINET, DILASSER, 1966) ; Jean Adhémar, commissaire, entre autres expositions et publications sur les grands caricaturistes du XIXe siècle5, de celle sur Le Dessin d’humour du XVe siècle à nos jours (Le Dessin d’humour…, 1971) et directeur de La Gazette des Beaux-Arts où il publia beaucoup de travaux sur la caricature du XIXe siècle ; Michel Melot, auteur de L’Œil qui rit. Le pouvoir comique des images (MELOT, 1975) et de Daumier. L’art et la République qui traite de la réception de l’artiste de 1878 à 2008 (MELOT, 2008) ; et Valérie Sueur, actuelle conservatrice des collections d’estampes du XIXe siècle et commissaire de l’exposition Daumier du bicentenaire de 2008 (Daumier : l’écriture…, 2008).

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17 Le cas du Musée d’Orsay, inauguré en 1985 et conçu comme un musée interdisciplinaire de la seconde moitié du XIXe siècle, s’avère intéressant. L’établissement est affectataire, pour sa période (1848-1914), des collections de dessins conservées au département des arts graphiques du Louvre : outre ceux de Daumier, dont plusieurs proviennent de la donation Roger Marx, les dessins de caricaturistes y représentent un ensemble dans lequel se détachent les 420 croquis de Cham, les 150 dessins et trois albums de Jean- Louis Forain, 50 portraits charges de Nadar et les 2 770 dessins de Théophile-Alexandre Steinlen. Mais la presse illustrée et l’image d’édition, comme le cinéma, n’entrent pas dans ses collections permanentes. Placé lors de sa préfiguration sous la double houlette d’un conservateur de musée historien de l’art, Michel Laclotte, et d’un professeur des universités en histoire sociale, Madeleine Rebérioux, le Musée d’Orsay abordait non seulement les beaux-arts, mais aussi, par des expositions-dossiers, l’histoire, le cinéma, la littérature, l’opéra, l’édition illustrée… Il a présenté pendant plusieurs années une « galerie de la presse » conduisant à un espace dédié à la section « presse illustrée, livres, affiches » pour laquelle furent noués des partenariats avec le Cabinet des Estampes et le Musée de la Publicité. La caricature a été également présentée à plusieurs reprises dans cet espace (Les Salons caricaturaux, 1990 ; Arts incohérents…, 1992) et dans celui qui avait trait à la littérature (Les journalistes, 1985 ; Les temps nouveaux…, 1987 ; Champfleury…, 1990 ; Les Français…, 1993). Elle l’a été en 2002 dans l’exposition Vers des temps nouveaux, Kupka, œuvres graphiques (Vers des temps nouveaux…, 2002). Enfin c’est au Musée d’Orsay que se trouvent les bustes charges en terre crue coloriée de Daumier ; réapparus en 1974 après un siècle d’éclipse, ils furent l’une de ses premières acquisitions et ont été présentés par Antoinette Le Normand-Romain dans un ouvrage paru à l’occasion des élections législatives de 1993 (DAUMIER, 1993) et récemment étudiés par Édouard Papet (Daumier, les « Célébrités… », 2005). De ce fait, une salle est consacrée à l’artiste, dont le musée possède également les peintures.

Autres lieux à Paris ou dans la région parisienne

18 Les caricatures constituent également une part importante des collections du Musée Carnavalet6 (DUPUY, 2008, sur les caricatures anglaises de la Révolution et de l’Empire) et de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (BHVP). Des ouvrages valorisant ces fonds portent sur l’histoire (Juillet 1830…, 1980), sur la presse illustrée (L’Illustration…, 1987, avec une section sur les dessins préparatoires aux caricatures de l’Affaire Dreyfus par Henriot), sur Paris et la vie parisienne (Paris…, 1976 ; Les Grands Boulevards, 1985 ; Les Anglais à Paris…, 1994 ; Au temps des Merveilleuses…, 2005) ou sur des ensembles particuliers. Citons, par exemple, les statuettes charges de Dantan, à partir d’une collection de huit cents œuvres du Musée Carnavalet et de l’argus de presse du sculpteur, source précieuse conservée à la BHVP (Dantan jeune…, 1989), ou les dessins de Grandville et d’autres caricaturistes (Grandville…, 1987). Agnès Sandras-Fraysse a entrepris l’étude des caricatures du fonds Zola (SANDRAS-FRAYSSE, 2005).

19 Il est plus inattendu de découvrir des caricatures au voisinage des archives des débats académiques et des traités et manuels d’anatomie artistique, dans les collections historiques de la bibliothèque de l’École nationale supérieure des beaux-arts, où figurent pourtant de beaux exemplaires coloriés des Robert Macaire de Daumier et des épreuves avec légendes autographes provenant du legs Achille-François Wasset (1819-1895), ainsi que la série complète de l’Histoire ancienne (Dieux et mortels…, 2004).

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Outre un exceptionnel fonds Gavarni, des albums de caricatures réalisés par les élèves y sont aussi conservés, notamment celui qu’a constitué l’architecte Charles Garnier (DOMANGE, 2008) sur lequel Emmanuelle Brugerolles prépare une exposition dossier. La charge académique est un genre auxquels se sont distraits en séance quelques membres de l’Institut, parmi lesquels le comte de Noé, dont le second fils devint le caricaturiste Cham (KUNZLE, 1980)7. Ce fut aussi le cas pour les membres de l’Académie des beaux-arts dont des caricatures se trouvent à la Bibliothèque nationale (MELOT, 1975, p. 25).

20 Les musées-bibliothèques d’écrivains, comme la Maison de Balzac (Benjamin Roubaud…, 1988 ; Nadar…, 1990 ; Balzac & Philipon…, 2001) et la Maison de Victor Hugo – des lieux de recherche privilégiés pour le XIXe siècle et le rapport entre texte et image –, abondent en matériaux pour l’étude de la caricature, bien connus des spécialistes et des groupes de recherche balzaciens et hugoliens. On y trouve des portraits charges, des collections de journaux illustrés, des dessins d’écrivains, des documents divers, des éditions illustrées, des lithographies, des albums et des dessins des caricaturistes. Balzac, comme Hugo, fut une cible de prédilection pour les caricaturistes. L’un et l’autre importent également, par leur œuvre personnel, à l’histoire de la caricature (CHOLLET, 1983), et Hugo fut de plus un théoricien de la caricature, qu’il pratiqua par l’écriture et le dessin (LE MEN, 2004). Les caricatures et les parodies mises en images servent ainsi de contrepoint aux représentations valorisantes (La Gloire de Victor Hugo, 1985).

21 Les Arts décoratifs, établissement original fondé par des collectionneurs, sont dotés d’une riche bibliothèque, dont le catalogue est en ligne, et que complètent les collections d’affiches du Musée de la Publicité qui en fait partie, constituées par des affichomanes tels que Roger Braun ou Georges Pochet (L’Affichomanie…, 1980 ; BRAUN, [1908] 1980). Outre les livres de Champfleury et la documentation sur le Salon des Incohérents qu’annoncent les affiches culturelles, on trouve des dessins d’affiches de caricaturistes comme Gavarni, Grandville, Nadar, André Jossot, Jules Chéret, Paul Iribe et Leonetto Cappiello. Ce fonds témoigne de l’importance de la caricature, forme d’expression stylisée et rapidement reconnaissable qui prend son essor au XIXe siècle, pour l’art de l’affiche, y compris pour l’affiche de peintres dans le cas d’Henri de Toulouse-Lautrec (Toulouse-Lautrec, 1992) et de Pierre Bonnard. Les affiches à caractère caricatural font aussi partie des fonds de la Bibliothèque Forney (Célébrités…, 1989). À la fin du siècle, l’affiche, à côté du dessin de presse, prend ainsi place parmi les registres dans lesquels s’exerce le style caricatural et contribue, ne serait-ce que par son grand format qui s’affiche en pleine rue, frappant le regard des peintres d’avant-garde, à rapprocher art et publicité, « high and low », au temps de « l’homme des foules » (CATE, 1988 ; The Spirit of Montmartre..., 1996).

22 Au Musée de Montmartre, un musée d’association dédié aux illustrateurs et dessinateurs de presse montmartrois, seule une partie des collections a été cataloguée, y compris les fonds Steinlen (213 dessins) et Willette (1 012 dessins et estampes, ainsi que les journaux illustrés), ainsi que le fonds Gill, qui est le mieux étudié, avec 2 600 dessins et caricatures (André Gill…, 1993) et nombreuses photos, lettres et documents (TILLIER, 2006). Le travail d’inventaire reste aussi à poursuivre pour les fonds du Musée d’histoire contemporaine8 et de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (Images et colonies…, 1993 ; L’Affaire Dreyfus…, 1994 ; Napoléon au Chat noir…, 1999). Leurs fonds, comme ceux du Musée de l’Armée également aux Invalides, couvrent la Belle Epoque, même si les collections historiques, issues à l’origine du don

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fait à l’État en 1917 de 72 000 pièces rassemblées pendant la Grande Guerre par l’industriel Henri Leblanc et sa femme, sont principalement tournées vers le XXe siècle.

23 Dans la région parisienne, les principaux fonds sont ceux de la Bibliothèque-Musée Marmottan à Boulogne (FLEURIOT DE LANGLE, 1938 ; Napoléon : caricatures…, 1975 ; Charlet..., 2008) et du Musée du château de Malmaison (L’Anti-Napoléon…, 1996)9, qui traitent l’un et l’autre de l’iconographie liée à Napoléon, et celui du Musée de l’histoire vivante de Montreuil, créé en 1937 et ouvert en 1939 à l’initiative d’élus communistes, qui se consacre à l’histoire de la culture ouvrière et sociale (La Liberté…, 2000 ; Napoléon, aigle ou ogre, 2005). Il faudrait également évoquer d’autres fonds de musées d’écrivains comme ceux de la Maison de Chateaubriand (Caricatures politiques…, 1994) et de la Maison Zola à Médan, ainsi que l’iconothèque constituée par l’équipe Zola de l’Institut des textes et manuscrits modernes (PAGÈS, 1992). Le Musée d’art et d’histoire Louis Senlecq de L’Isle-Adam, voisin de Valmondois où Daumier a fini ses jours, a organisé une exposition abordant l’émergence de la caricature lithographique française (De Géricault à Delacroix…, 2006)10 et a travaillé en relation avec l’Association des Amis d’Honoré Daumier sur la caricature judiciaire (La Justice…, 1999).

24 Le Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis possède une vaste collection commencée en 1936 (environ 10 000 pièces) portant sur le Siège de Paris et sur la Commune, qui inclut des caricatures (La Commune de Paris…, 1971). S’y ajoutent la donation du libraire Louis Provost, qui comporte 3 000 lithographies de Daumier et des ouvrages illustrés par l’artiste (PROVOST, 1989)11, et la collection Jacques Rech, ainsi que celle du fonds Poulbot, autour duquel s’est créée une association d’amis. Le musée organise des expositions de caricatures accompagnées de catalogues qui portent régulièrement sur Daumier (Daumier aujourd’hui…, 1979 ; Daumier : scènes de vie…, 1998 ; Honoré Daumier…, 2008). Dans le catalogue de Bertrand Tillier sur la caricature politique française (À la charge !..., 2005 ), le goût des images, déjà signalé comme inhérent à ce domaine de recherche, est transmis au lecteur par les allers-retours entre caricatures du passé et croquis des journaux d’aujourd’hui par Plantu, Wolinski ou Marchoisne, qui a notamment repris le système des « grosses têtes ».

Repérage en France

25 D’autres fonds de caricatures existent à travers la France. Celles de la période révolutionnaire entrent dans le champ du Musée de la Révolution française de Vizille. Le Musée des beaux-arts de Nancy et le musée lorrain sont détenteurs d’une importante collection de dessins de Grandville, que complètent ceux de la bibliothèque municipale, et qu’ont valorisée deux expositions (Grandville : dessins…, 1987 ; Grandville…, 2003), dont la première était liée à une thèse (GETTY, 1981). L’ensemble Grandville de Nancy est aussi analysé dans la monographie d’Annie Renonciat, qui a mené ses recherches également dans la collection parisienne de Claude Rebeyrat (RENONCIAT, 1985), éminent collectionneur de caricatures et de dessins de Grandville, Doré (RENONCIAT, 1983 ; Gustave Doré..., 2006), et Robida (REBEYRAT, DORÉ, 2005), récemment disparu. Depuis, les donations d’un grand historien de l’art ont enrichi le cabinet des estampes du musée de Nancy de belles épreuves des caricaturistes lithographes du XIXe siècle (notamment Charlet). Les fonds de Strasbourg et de Bourg-en-Bresse rassemblent des œuvres de Gustave Doré. Deux expositions ont eu lieu, la seconde après l’acquisition à Strasbourg d’œuvres de la collection Clapp en 1993 (Gustave Doré…, 1983 ; Gustave Doré…, 2004). La

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bibliothèque de Marseille conserve le fonds Cherpin sur Daumier, encore mal connu (Daumier : regards…, 1990). Le Centre national de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême a cherché les origines de la bande dessinée dans la caricature, avec des expositions à caractère historique organisées par Thierry Groensteen (par exemple Les années Caran d’Ache, 1998, avec le colloque « L’humour graphique fin de siècle » [Humoresques, 1999]. La bibliothèque municipale de Rouen possède la collection Leber, rassemblée au XIXe siècle par un passionné de caricatures, qui s’ajoute aux dessins du Musée des beaux-arts (Drôles de traits..., 1978) et notamment à ceux de la donation Baderou, dont un ensemble de caricatures de Puvis de Chavannes réattribuables à Champfleury selon Geneviève Lacambre (Champfleury…, 1990). Le Musée de Bretagne à Rennes a constitué un fonds sur l’Affaire Dreyfus et compte aussi des caricatures sur la Bretagne, comme le Musée départemental breton de Quimper qui a noué un partenariat avec l’EIRIS (Peinture et caricature…, 2004) et qui concentre ses collections d’arts graphiques sur la Bretagne et les artistes bretons tels Darjou et Jossot. D’autres musées (WOLINSKI, SIMOËN, DUVERNOIS, 2007, p. 17) s’intéressent au dessin de presse, tels que le Musée Peynet d’Antibes, le Musée des civilisations de Saint-Just Saint-Rambert, le Musée Boucher de Perthes à Abbeville (qui possède des caricatures d’Auguste Bouquet, dessinateur attitré du mime Deburau, pour Le Charivari) et le Musée Charles Léandre de Condé-sur-Noireau (avec ses 250 dessins de Léandre). À Compiègne, la collection d’œuvres de Robida vient de donner lieu à une exposition organisée par Sandrine Doré en 2009 (De jadis à demain…, 2009). Enfin les musées dédiés à un homme célèbre dans sa région sont aussi détenteurs de caricatures, surtout s’il s’y est intéressé. C’est le cas du Musée Courbet à Ornans et du Musée Jean Jaurès à Castres, qui détient notamment la série « le musée des horreurs » (reproduite dans L’Affaire Dreyfus…, 1994), mais aussi du Musée Barbey d’Aurevilly à Saint-Sauveur le Vicomte, qui accorde place à la caricature dans sa présentation rénovée (Barbey d’Aurevilly…, 2008). De tels exemples pourraient être multipliés.

Repérage à l’étranger

26 La caricature du XIXe siècle est abordée par des musées européens, américains ou asiatiques, dont certains ont travaillé en partenariat, comme Namur et Hanovre sur Wilhelm Busch (Wilhelm Busch…, 2009) et Namur et Itami sur Félicien Rops, dans une exposition également présentée à Québec (Félicien Rops…, 1998). Il existe des musées de l’imprimerie et de la caricature en Espagne (Alcalà de Henares, El Museo de la Caricatura), au Portugal (Porto, Museu de la Impressa), en Italie (Forte dei Marmi, Museo del Forte per la Satira e la Caricatura), en Bulgarie (Gabrovo, Maison de l’humour et de la satire), au Chili (Santiago de Chile, El Museo de la Caricatura), au Mexique (Mexico, El Museo de la Caricatura), en Turquie (, Musée de la caricature), aux États-Unis (New York, The National Cartoon Museum) et au Japon (Itami, Musée d’art de la ville d’Itami). Il serait très intéressant que l’ICOM mène une enquête systématique sur la caricature dans les musées, en examinant l’histoire de leurs collections, leurs orientations, et les raisons de leur implantation. Ces collections ont généralement un caractère national, mais peuvent aussi appréhender la caricature d’autres pays ou d’autres continents.

27 À Londres, le British Museum, de même que le Victoria and Albert Museum, a catalogué et exposé ses caricatures (STEVENS, GEORGE, 1935-1949 ; LAMBOURNE, 1983 ; English

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Caricature…, 1984 ; The Shadow of the Guillotine…, 1989). The Paul Mellon Centre for Studies in British Art (avec le centre partenaire de Yale University) aborde la caricature dans le cadre de travaux sur l’estampe britannique (CLAYTON, 1997) et sur William Hogarth (HALLETT, 1999). À l’University of Kent à Cantorbery, il existe un centre de recherches associé à un fonds documentaire, la bibliothèque Templeman du Centre of the Study of Cartoons and Caricature. Des expositions ont présenté l’importante collection de caricatures de l’époque révolutionnaire de la Chester Beatty Library de Dublin (Taking Liberties…, 1989), et celle consacrée aux caricatures de l’époque georgienne conservées au Royal Pavilion de Brighton (BARLOW, 1997). En Allemagne, les collections sont réparties dans les capitales des anciens Länder ainsi qu’à Berlin, avec quelques établissements privilégiés : le cabinet des estampes du Germanisches National Museum à Nuremberg, celui du musée de Würtembergische Staatsgalerie à Stuttgart, et surtout le Wilhelm-Busch-Museum à Hanovre. En Belgique, les collections de la Bibliothèque royale Albert Ier et de la bibliothèque de l’Université libre de Bruxelles (DRAGUET, 1996) se distinguent. Le Charivari belge a été étudié par Jacques Hellemans (HELLEMANS, 1993). Le Musée Félicien Rops à Namur mène une politique d’expositions centrées sur les arts graphiques, autour de cet artiste qui a commencé sa carrière par la caricature (Félicien Rops…, 1998 ; BONNIER, 2005). La Suisse compte plusieurs institutions qui possèdent des fonds importants : le Karikatur & Cartoon Museum à Bâle, le Musée national suisse à Zurich, la Bibliothèque publique et universitaire de Genève, siège de la Société des études töppferiennes, et le Musée d’art et d’histoire de Genève. Töpffer (MAGGETTI et al. éd., 1996 ) et Steinlen (Steinlen..., 2008) y sont les artistes les plus étudiés. Pour les caricatures anti-bonapartistes, il faut citer le Napoleonmuseum d’Arenenberg (Napoleon I im Spiegel…, 1998). En Italie, il existe plusieurs fonds, notamment à Rome, Turin et Milan, où se trouve la collection Bertarelli (BERTARELLI, 1925 ; ARRIGONI, BERTARELLI, 1932 ; Fabbrica d’immagini…, 1993), mais la caricature italienne a été jusqu’à récemment peu étudiée (Caricatura…, 1975 ; MAGGIO-SERRA, 1980 ; La satira…, 2005 ; BERGAMASCO, 2008).

28 En Amérique du Nord, la Research Library du Getty a acquis une collection de caricatures françaises sur l’art12, présentée par une exposition en ligne du Getty Research Institute13, et détient un fonds, issu de la collection Goldberg (1830-1853), d’œuvres de Grandville et de Gavarni. À Washington, les caricatures sont conservées à la Library of Congress, mais aussi au Smithsonian Institute (CURTIS, [1972] 1997) et à la National Gallery of Art, qui possède la collection Rosenwald avec ses magnifiques épreuves de Daumier. D’autres musées et bibliothèques détiennent des fonds de caricatures dans leurs cabinets d’estampes : The Metropolitan Museum of Art, The New York Public Library, The Morgan Library & Museum, The Art Institute of Chicago, le Grunwald Center for the Graphic Arts, The Armand Hammer Daumier and Contemporaries Collection (UCLA Hammer Museum, Los Angeles ; Daumier in retrospect… , 1979), le Museum of Fine Arts Boston, ou encore le Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa. Il en va de même pour les collections des universités, conservées dans des bibliothèques ou dans des musées. Les fonds de bibliothèque et les collections de Brandeis University (Trustman Collection) à Waltham, du Jane Voorhees Zimmerli Art Museum de Rutgers University au New Jersey (The Spirit of Montmartre…, 1996), et ceux du Fogg Art Museum de Harvard (La Caricature..., 1993) et de la Widener Library comptent aussi des collections de caricatures du XIXe siècle valorisées par les chercheurs (Daumier sculpture, 1969 ; CUNO, 1985a). On peut y ajouter ceux de The

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University of Texas à Austin (Nineteenth-Century French Caricatures…, 1985) et ceux de Duke University à Durham sur lesquels Neil McWilliam mène un projet de recherches avec ses étudiants. On pourrait poursuivre cette liste en prenant celle des principaux cabinets d’estampes et en entreprenant une enquête plus approfondie sur les ressources des bibliothèques universitaires. Celle de Princeton, où l’œuvre des Cruikshank a été étudié par exemple (PATTEN, [1974] 1992), conserve un fonds Thackeray qui inclut des caricatures de la main de l’écrivain et les manuscrits de ses articles pour Punch. Le fonds de caricatures de la Charles Deering McCormick Library of Special Collections à Northwestern University, a été étudié, avec celui du Getty, dans un séminaire universitaire organisé par Hollis Clayson, qui a donné lieu à une exposition au musée de l’université et à une journée d’études internationale en 2006 (actes non publiés)14.

29 Au Japon, où les arts graphiques occidentaux sont très appréciés, le musée Itami, près d’Osaka, est spécialisé dans la caricature française du XIXe siècle (Gavarni, 1999 ; Daumier : l’écriture…, 2008), domaine que l’on retrouve dans plusieurs autres musées (dont le Musée national d’art occidental à Tokyo et le Tobu Museum of Art, devenu NMWA), où Daumier est bien représenté. L’estampe japonaise est conservée dans plusieurs musées, notamment au musée Ota de Tokyo, et l’on peut y trouver des œuvres regardées comme des caricatures au moment du japonisme en Occident (LÉVY, 1984 ; LÉVY, 2002). Mais la définition japonaise de la caricature, liée aux spécificités visuelles de l’écriture (SIMON-OIKAWA, 2007) et aux traditions théâtrales et graphiques de la physiognomonie serait intéressante à aborder.

30 Comme il n’existe pas à l’heure actuelle d’atlas des fonds de caricatures, ni a fortiori de ceux des caricatures du XIXe siècle, à quelque échelle – nationale, européenne, mondiale – que ce soit, les ensembles intéressants sont portés à la connaissance des chercheurs lorsqu’ils se trouvent catalogués, valorisés et présentés. Malgré son caractère énumératif, cet aperçu apporte quelques indications qui méritent d’être relevées. La caricature, qui peut être soit un dessin, soit une estampe ou une illustration de presse (et au préalable un dessin ou un croquis), se trouve conservée tantôt dans les musées et tantôt dans les bibliothèques, à tel point qu’il n’existe que peu d’études jusqu’ici sur le passage du dessin à l’édition et sur la fabrique des caricatures (voir les recommandations d’AVELOT, 1932). En bibliothèque, elle se trouve classée soit avec les estampes, soit avec les imprimés (ou dans les deux départements, comme à la BnF). Vouée à de petits supports ou imprimée en vignettes qu’il est possible de découper dans les journaux, la caricature est un élément du quotidien qui est conservé en quantité dès lors qu’il est collectionné. Pour le XIXe siècle, son étude est inséparable de la prise en considération du collectionnisme du « vieux papier », selon la dénomination de la Société Archéologique, Historique et Artistique « Le Vieux Papier », fondée en 1900 par l’ingénieur polytechnicien Henry Vivarez (BETTEGA, 1989). L’annuaire de collectionneurs qu’édite cette association toujours active est précieux par les thèmes de collections qu’il indique, et qui englobent l’imagerie et les chromos publicitaires.

31 Pourtant il n’y a pas que le papier ; avec Dantan est introduite la question de la statuette charge que l’on retrouve chez d’autres sculpteurs caricaturistes. Les caricatures, parce qu’elles ont été une mode au XIXe siècle, ont circulé sur de multiples supports : elles s’y trouvent, telles des décalcomanies, transposées par report, déclinées et parfois contrefaites, en impressions sur étoffes, indiennes et mouchoirs de cou,

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assiettes imprimées, papiers peints comiques, plaques de lanternes magiques (séries de grosses têtes dénommées « grotesques »), puzzles et jouets d’enfants… La caricature peut aussi prendre une forme plastique et se transformer en objets artisanaux ou manufacturés : jeux de massacres des champs de foires, têtes de cannes, tabatières, pots à bière, gadgets-souvenirs… Pour ces « arts modestes », représentés dans certains des lieux déjà indiqués, s’ajoutent d’autres types de fonds – sans parler des greniers et des brocantes ! C’est là une toute autre enquête, qu’il est pourtant nécessaire d’évoquer parce qu’elle témoigne de l’omniprésence de la caricature dans « la vie, les mœurs, la curiosité » au XIXe siècle (GRAND-CARTERET et al., 1889-1929) et de l’amplitude de ses ancrages culturels et sociaux.

Des publications foisonnantes dans plusieurs disciplines

32 « Daumier a éparpillé son talent en mille endroits différents », constatait Baudelaire dans son article « Quelques Caricaturistes français » paru dans Présent le 1er octobre 1857, fragment d’un livre jamais écrit. Cette désinvolture éditoriale s’appliquait aussi bien à ses propres articles, et semble rester valable pour les publications qui portent sur la caricature. Alors que s’imposait voici une trentaine d’années le constat d’une rareté des recherches, il n’en va plus de même aujourd’hui, comme l’indiquent l’évolution du nombre de thèses soutenues et celle des catalogues d’exposition, souvent liés à des commémorations. Ce foisonnement a pour contrepartie une certaine dispersion, révélatrice de la pluralité des intérêts et des spécialités des chercheurs en ce domaine, en partie compensée par l’organisation périodique de colloques qui rendent possible un état des recherches et facilitent leur confrontation. Toutefois, les travaux s’avèrent souvent des publications isolées, parues dans des revues et des bulletins d’auteurs (tels L’année balzacienne), ou dans des actes de colloques plus généraux (MAINARDI, 2005). Il peut aussi s’agir de publications collectives réunies dans des numéros spéciaux d’Humoresques ou de Ridiculosa, les deux revues spécialisées du domaine dont la présence est renforcée par de remarquables sites Internet.

Les thèses d’histoire, de langues, de lettres et d’histoire de l’art

33 Les thèses ont donné lieu à des publications, à des articles de référence ou à des expositions. Point de départ des recherches de spécialistes qui restent peu nombreux, elles ont contribué à faire progresser les connaissances, tout en faisant émerger les orientations nouvelles ainsi que les chantiers limitrophes. Certaines sont des monographies consacrées à des journaux (depuis BARTHEL, 1951, jusqu’à DARDEL, 1981) ou traitent des genres picturaux, littéraires et éditoriaux liés à la caricature comme le portrait charge ; d’autres abordent des périodes de production importantes (BAYER- KLÖTZER, 1980), ou des monographies d’artistes (VANHEVHE, 1954) ou d’éditeurs. Toutes posent la question des langages de la caricature à travers ses expressions visuelle, textuelle ou iconotextuelle. Elles portent principalement sur la caricature en France, depuis l’époque révolutionnaire, en Allemagne et en Angleterre, ainsi que sur les confrontations franco-britanniques ou franco-allemandes qui mettent en évidence les stéréotypes nationaux.

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Histoire des mentalités, imaginaires politiques et histoire culturelle

34 Annie Duprat a tiré de sa thèse sur Louis XVI dans la caricature (1991) le livre Le roi décapité, essai sur les imaginaires politiques (DUPRAT, 1992), dont le sous-titre exprime les enjeux pour une histoire des représentations politiques. Elle y pose la question du rapport entre la violence caricaturale et la violence révolutionnaire, entre l’image et l’acte. Antoine de Baecque, dans Le Corps de l’histoire : métaphores et politique (1770-1800), généralise ces enjeux en considérant que l’histoire prend corps par le travail des métaphores visuelles des caricatures (BAECQUE, 1993). Il a poursuivi ses recherches sur la culture des rieurs (BAECQUE, 2000). Fabrice Erre, dans L’arme du rire..., explore les structures éditoriales de la presse satirique de 1789 à 1848 (notamment celles de la Restauration, autour de la « bataille des nains » dont Le nain jaune est le journal le plus connu), les discours et mises en scènes des textes et des images, et enfin les protocoles de réception et les lectures des caricatures et notamment de la Poire (ERRE, 2007).

Langues et civilisations

35 Plusieurs doctorats anglicistes ont porté sur la caricature anglaise, depuis celui de Michel Jouve (JOUVE, 1983). Fabrice Bensimon s’est intéressé à la réception britannique de la Révolution de 1848 (BENSIMON, [1997] 2000) et l’historien Pascal Dupuy a mené une recherche similaire pour la période révolutionnaire dans L’Angleterre face à la Révolution... (DUPUY, 1998).

36 Germanistes, Jean-Claude Gardes a étudié Der wahre Jacob (GARDES, 1981, GARDES 1984, 1995) et plus généralement la presse satirique allemande (GARDES, 1991), tandis que Laurence Danguy a traité Jugend (DANGUY, [2006] 2008). Christian Deuling analyse London und Paris, un journal de Weimar édité par Bertuch, qui diffusait et reproduisait les caricatures anglaises et françaises (DEULING, en cours) : il en a tiré une exposition accompagnée d’un catalogue écrit avec Wolfgang Cillessen et Rolf Reichardt (Napoleons neue Kleider…, 2006).

37 La problématique du transfert culturel est sous-jacente à ces différentes approches, qui pour la Grande-Bretagne portent surtout sur la Révolution, l’Empire et les relations franco-britanniques, et pour l’Allemagne sur les foyers éditoriaux d’une culture lettrée européenne à la fin du XVIIIe siècle et sur l’importance des publications munichoises liées au Jugendstil, dont le nom vient de la revue satirique éponyme.

Littérature française et recherches balzaciennes

38 Depuis la thèse d’État de Maurice Ménard sur Le comique chez Balzac, les balzaciens ont développé les recherches sur le comique et la caricature dans le réalisme (MÉNARD, [1981] 1983). Roland Chollet, dans Balzac journaliste : le tournant de 1830, a montré l’importance du rôle de Balzac dans l’univers de la presse et le milieu des caricaturistes du premier XIXe siècle (CHOLLET, 1983).

39 La thèse littéraire de Loïc Chotard sur le Panthéon-Nadar suivie d’une exposition (CHOTARD, 1987 ; Nadar…, 1990) a permis de mettre en évidence l’importance sérielle du portrait charge dans le système de communication visuelle établi au début du Second Empire, au moment où la « portraituromanie » se manifestait aussi en photographie. Hélène Dufour s’est intéressée au système de déclinaison du portrait charge mis en

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phrases dans les nombreuses collections de biographies, pour la plupart illustrées, dont elle établit la liste, à commencer par Les hommes d’aujourd’hui fondé par Félicien Champsaur et André Gill, avec 469 numéros publiés chez Cinqualbre puis Vanier (1878-1899 ; DUFOUR, 1997). Elle rappelle que le procédé des « grosses têtes » s’inspire des « grotesques », transposés en littérature par Théophile Gautier dans une série d’études pour La France littéraire publiées à partir de 1833, et reprises en livre en 1844 avec ce titre, un ouvrage qu’il présente comme une « collection de têtes grimaçantes ». Enfin, Nathalie Preiss-Basset a tiré deux ouvrages de sa thèse d’analyse stylistique sur les physiologies, petits livres humoristiques classificateurs des types urbains issus de la presse satirique et illustrés par les caricaturistes, en distinguant les caricatures qui ont une portée sociale de celles dédiées à la politique : son étude des procédés et des effets englobant le rapport du texte et de l’image est très nourrie (PREISS-BASSET, 1999a, 1999b). Elle a depuis généralisé son approche au comique de la « blague » sous Louis-Philippe (PREISS, 2002).

Histoire de l’art

40 Parti de Daumier (ROBERTS-JONES, 1949), Philippe Roberts-Jones a mené des recherches plus générales sur la caricature au XIXe siècle (ROBERTS-JONES, 1963). Le cas de la thèse de Laure Garcin sur Grandville soutenue en 1948 et publiée en 1970 est intéressant : elle associe l’artiste au surréalisme et en propose une lecture psychanalytique un peu simpliste qu’Annie Renonciat, entre autres, a critiquée dans son livre de référence sur l’artiste (GARCIN, 1970 ; RENONCIAT, 1985). Pourtant les perspectives indiquées sur « l’art du mouvement » entrent en résonance avec les réflexions développées aujourd’hui en relation avec les études cinématographiques. Les recherches sur l’œuvre dessiné de Grandville ont été poursuivies par Clive Getty (GETTY, 1981). Dès 1973 était soutenue à une thèse sur le rapport entre l’homme et l’animal dans la caricature (BAUR, [1973] 1974). La figure du clown, du saltimbanque et de la parade chez Daumier a été étudiée par Paula Hays Harper (HARPER, [1976] 1981). La thèse de Klaus Schrenk sur l’opposition politique par la caricature sous la Monarchie de Juillet a été résumée en français dans un article important (SCHRENK, 1976, 1980). La caricature française de la Monarchie de Juillet a été à nouveau traitée par Eva-Suzanne Bayer-Klötzer dans sa thèse soutenue à Munich en 1980 (BAYER-KLÖTZER, 1980).

41 Inédite et pionnière, la thèse de Thierry Chabanne soutenue à Nanterre, Le gribouillage dans l’art contemporain : une approche esthétique (CHABANNE, 1981), a défendu le caractère expérimental et ludique du griffonnage d’artiste qui renvoie à la caricature et au dessin d’enfant dans une « naïveté » revendiquée, depuis Töpffer et Hugo jusqu’à Paul Klee et Cy Twombly.

42 Sandra Haller Olsen, à Boston University, partie de l’exemple de Félicien Rops, a dressé un panorama d’ensemble sur la caricature belge dans la presse satirique et dans les salons caricaturaux de ce pays (OLSEN, 1984). Ce genre, important pour les rapports entre art et caricature (CHADEFAUX, 1968 ; Les Salons caricaturaux, 1990) et notamment pour la réception de Courbet (LÉGER, 1920 ; TILLIER, SCHLESSER, 2007), a été également abordé dans la publication de Marie-Luise Buchinger-Früh sur les salons caricaturaux du Charivari ( BUCHINGER-FRÜH, [1987] 1989). Soutenue à Harvard, la thèse de James B. Cuno sur le rôle de Charles Philipon dans la maison Aubert est essentielle, tant par les éléments d’histoire de l’édition qu’elle apporte à partir d’une enquête archivistique

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menée dans le minutier central des notaires que par ses analyses de l’image du magasin de caricatures, motif importé d’Angleterre, ou celle du Roi-Poire (CUNO, 1985a ; CUNO, [1983], 1985b). Cette étude a été complétée par la thèse sur Daumier soutenue à Columbia par Elisabeth Childs, qui s’est penchée sur la question des tirages et de la censure des journaux de caricatures, tout en traitant du thème des représentations exotiques chez l’artiste (CHILDS, 1989 [1991]). Celle-ci a publié à titre posthume la thèse du collectionneur Louis Provost Le monde de Daumier (PROVOST, 1989).

43 Jenny Wilker (WILKER, 1996) aborde ce « blasphème très amusant » (selon l’expression de Baudelaire) de la culture classique et de la peinture d’histoire à thème mythologique qu’est la série Histoire ancienne de Daumier (voir aussi HERDING, 1980 ; ROBERTS-JONES, 1988 ; HERDING, 1989). Elisabeth K. Menon (MENON, 1998) s’est intéressée au type caricatural, d’allure simiesque et grotesque, de Mayeux, à la formation du personnage, aux origines de son nom et à ses premières évocations lithographiques en 1829-1830 chez Charles-Joseph Traviès, Grandville et Philipon, avant d’analyser sa fortune imagée, textuelle et théâtrale, à laquelle Balzac aussi bien que Daumier ont contribué. Mis en situation dans les contextes les plus divers, Mayeux sert d’exutoire à diverses représentations sociales et politiques et tient lieu de figure de projection à tout un pan de l’imaginaire collectif de la première moitié du XIXe siècle en France. Henri Viltard a soutenu une thèse à l’EHESS sur Jossot, caricaturiste fin de siècle qui s’est converti à l’Islam (VILTARD, 2005).

44 Après une maîtrise sur le Panthéon-Nadar, puis une thèse sur les usages du portrait charge sous la Troisième République jusqu’à la Première Guerre mondiale publiée sous le titre expressif en forme de mot-valise La RépubliCature (TILLIER, 1997), Bertrand Tillier a synthétisé dans son habilitation les questions par lesquelles il avait appréhendé la caricature en de nombreuses publications : celles des formes et de l’imaginaire, celles de l’engagement, de la politique et de la violence, celles de la réception (TILLIER, 2007). Le mémoire principal, De la caricature au caricatural : une histoire du XIXe siècle, est introduit par l’analyse du Portrait de Cézanne par Camille Pissarro (voir aussi REFF, 1967) : à l’arrière-plan, y sont peintes deux « unes » de journaux satiriques – dont l’une comporte une charge célèbre de Courbet par Gill –, qui induisent le rôle de la catégorie du caricatural « porteur de déformation, d’exagération, d’altération, de mutilation et de condensation instituées en procédés plastiques » (p. 18) dans l’art contemporain. Le « caricatural » apparaît aussi bien chez Hugo que chez Leonetto Cappiello ou André Rouveyre. Des procédures telles que le montage, l’hybridation et la blague conduisent à montrer que, tout en perturbant les pratiques et les catégories convenues (p. 166), il expérimente de nouvelles attitudes esthétiques.

45 Un nombre de thèses, comme celle d’Ada Ackerman sur Eisenstein et sur Daumier (ACKERMAN, 2005, 2008) sont en voie d’achèvement. D’autres chercheurs s’intéressent également à la caricature, mais ces quelques exemples indiquent la façon dont se construisent par la confrontation des approches disciplinaires d’un objet intrinsèquement transdisciplinaire. Ils indiquent aussi la convergence des grands thèmes de recherche et la place croissante réservée à la caricature à l’université.

Les expositions et leurs catalogues

46 Dans le cas de l’exposition des caricatures, souvent diffusées dans la presse, se posent les questions de mise en exposition déjà soulevées par Paul Valéry en 1937 à propos du

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Musée de la littérature. Mais il s’y ajoute une dimension politique et idéologique. Pour les caricatures comme pour d’autres œuvres, on peut d’une part constater l’importance du phénomène commémoratif dans la décision d’organiser une exposition, ainsi que les implications politico-culturelles des manifestations, et d’autre part souligner la priorité accordée à l’exposition monographique. Le Conseil de l’Europe a organisé en 1991 une exposition sur Les Emblèmes de la liberté (Les Emblèmes de la Liberté…, 1991). La volonté d’un rapprochement franco-allemand a conduit à l’organisation d’expositions sur Marianne et Germania où le rapport entre caricature, allégorie et représentation nationale entrait en jeu (Marianne et Germania…, 1997, 1999). Les anniversaires et les commémorations ont joué un rôle considérable dans la programmation des expositions de caricatures, comme dans l’organisation des colloques qui leur étaient éventuellement associés. Ces occasions ont été le bicentenaire de la Révolution française, le cent cinquantenaire de la naissance de Rodolphe Töpffer en 1996 (MAGGETTI et al. éd., 1996), le cent cinquantenaire de la Révolution de 1848 (MAYAUD, 1997 ; 1848: Aufbruch…, 1998 ; 1848/49…, 1998), le centenaire de l’Affaire Dreyfus, le centenaire de la mort (La Gloire de Victor Hugo, 1985) et le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo (2002) et celui de la mort d’Honoré Daumier (1979) et de sa naissance (2008 ; sur l’ensemble de sa réception, voir MELOT, 2008). Les expositions autour des « révolutions de 1848 » ont pu être organisées grâce à un consortium de chercheurs et d’institutions dans plusieurs pays européens sous l’égide de la questure de l’Assemblée nationale à Paris selon un principe original : elle s’est déclinée en deux parties (et deux tomes pour le catalogue) dans trois de ses lieux d’exposition, avec un noyau commun (Les Révolutions…, II, 1998) et une partie nationale (Les Révolutions…, I, 1998 ; voir aussi 1848, Drehscheibe Schweiz…, 1998 ; 1848 : Das Europa…, 1998). Cet ensemble d’expositions a été complété par une enquête sur la presse de 1848 conduite par Philippe Régnier et son équipe, et a fait apparaître l’importance du tournant du « printemps des peuples » dans le passage à une nouvelle ère médiologique de circulation des images et des caricatures à travers le continent européen et jusqu’en Amérique du Nord avec des phénomènes de reprises de motifs à des fins de propagande opposées. À côté de ces reprises, les spécificités nationales étaient mises en évidence.

47 Pour les musées, la décision d’organiser une exposition vise aussi à faire connaître et à valoriser leurs fonds. Cette forme d’exposition, abordée dans la partie sur les fonds d’institutions, s’est développée récemment pour la caricature (À la charge !..., 2005 ; Daumier : l’écriture…, 2008).

Des bilans et des confrontations : colloques et publications collectives

48 Les colloques apportent aux chercheurs l’opportunité de confrontations enrichissantes. Plusieurs d’entre eux ont abordé la caricature, en particulier autour du bicentenaire de la Révolution française (VOVELLE, 1988 ; VOVELLE, 1988 ; HOULD, LEITH, 1990). Les actes du colloque The Popularization of Images: Visual Culture under the July Monarchy (CHU, WEISBERG, 1994), dont les co-directeurs furent ensuite co-commissaires (The Art of the July Monarchy…, 1989), ont permis un tour d’horizon des recherches sur la Monarchie de Juillet menées aux États-Unis par les historiens de l’art dans une perspective d’histoire culturelle et de sociologie de l’art. Les quatre articles portant sur les arts graphiques étaient consacrés à la caricature : l’analyse de James Cuno sur les thèmes inspirés par les représentations sociales et le marché des caricatures (CUNO, 1994) était suivie d’études de cas sur Mayeux (MENON, 1994), sur les figures populaires de Charlet (DRISKEL,

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1994), puis sur l’œuvre de Jeanron et de Traviès annonçant le réalisme des années 1850 (WEISBERG, 1994). L’explosion de la production caricaturale sous la Monarchie bourgeoise était mise en relation avec l’exode rural et l’avènement des classes moyennes urbaines. Dans le contexte du nouvel urbanisme qui transformait la capitale française, la caricature lithographique permettait aux peurs sociales de s’exprimer face aux « classes dangereuses », comme elle permettait aussi aux républicains bonapartistes tels Charlet de glorifier des héros populaires.

49 Les actes trilingues du colloque organisé en avril 2002 à Ascona (Suisse) par Philippe Kaenel et Rolf Reichardt ont rassemblé des contributions de chercheurs européens et nord-américains sur les usages de l’estampe dans les transferts culturels aux XVIIIe et XIXe siècles (KAENEL, REICHARDT, 2007). C’est dans la seconde partie, « histoires et figures », qu’est traitée la caricature. De grandes thématiques sont abordées et mises en relation avec la question des transferts culturels et technologiques – y compris par la contrefaçon (BRÜCKMANN, 2007) –, et avec celle de la circulation des représentations imagées entre les pays et les peuples. Elles abordent le monstre et les cultures foraines (MILANO, 2007) ainsi que l’animalisation (BINDMAN, 2007 ; DUPRAT, 2007). Elles s’intéressent au caractère stéréotypé des regards échangés par les Français et les Anglais (BINDMAN, 2007) et au lien entre caricatures anglaises et révolutions françaises du XIXe siècle (BENSIMON, [1997] 2000), aussi bien qu’aux caricatures allemandes de Napoléon et leur diffusion à l’étranger (COUPE, 2007 ; DÖRING, 2007). La caricature est étudiée dans ses deux formats, celui des feuilles isolées et celui des journaux illustrés satiriques. Certaines communications traitent de l’Italie (MAGGIO-SERRA, 2007 ; RÜTTEN, 2007). Enfin la place de la caricature dans l’invention anglo-américaine des comics est examinée à travers les répercussions de l’œuvre de Wilhelm Busch, l’inventeur de Max und Moritz (KUNZLE, 2007 ; voir aussi KUNZLE, 1973).

Un important jalon : le colloque de Francfort

50 Il est plus rare qu’un colloque soit uniquement consacré à la caricature. Le colloque La caricature entre République et censure. L’imagerie satirique en France de 1830 à 1880 : un discours de résistance ?, organisé à Francfort en mai 1988, a représenté un tournant historiographique pour l’étude de la caricature française (RÉGNIER, [1991] 1997)15. Avec ses trente-trois contributions d’auteurs issus de champs multiples – regroupant littéraires et comparatistes, historiens et sociologues, historiens de l’art et des représentations, anglicistes, italianistes et germanistes –, la publication de ce colloque qui bénéficie d’une riche bibliographie, fait toujours référence vingt ans après. Malgré la diversité d’abords auxquels se prête intrinsèquement le genre de la caricature, voire même, du fait de cette diversité, le volume, très structuré, mérite d’être considéré comme un ouvrage de synthèse. Il est construit, dans ses trois parties, sur la succession des régimes politiques français qu’ont rythmée les alternances entre périodes de censure et de liberté de la presse à partir de l’arrivée au pouvoir de Louis-Philippe, le « roi des barricades ».

51 La première partie (1830-1848) commence par le thème des « continuités et ruptures, tradition iconographique et mouvement social ». Claude Langlois – qui cite Le musée de la caricature de Jaime paru en 1838 ( LANGLOIS, 1988) – et Marina Peltzer évoquent l’héritage de la caricature d’époque révolutionnaire et des caricatures anti- bonapartistes. À propos de la Monarchie de Juillet, une analyse du discours de l’image

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satirique de l’opposition républicaine qui vise à déjouer la censure, à travers les caricatures politiques de 1830-1835 publiées sous l’égide de Philipon dans La Caricature et Le Charivari, est menée par plusieurs auteurs. Enfin, les années 1835-1848 sont présentées comme une période de diversification de la satire, chez les saint-simoniens, et dans la satire des mœurs et de la vie privée, qui se substitue à l’expression politique. La partie suivante, consacrée à la Deuxième République, développe deux thèmes : antisocialisme et antiféminisme. La dernière partie (1852-1870) met en évidence le rôle de la Belgique, et de la « contrefaçon » belge qui ouvre une sorte d’espace de liberté, alors que l’expression politique est traquée par la censure impériale à l’intérieur de l’Hexagone. Dans la même période, André Stoll étudie le procédé du « regard du Persan » que Daumier transpose à la Chine pour parler de la France (Honoré Daumier…, 1988). Dans l’« embellissement stratégique » lié à l’Empire libéral, Marie-Luise Buchinger-Früh montre les jeux de la caricature avec l’art officiel et Giuliana Costa Colajanni le dialogue de l’image et de la légende. Le livre s’achève sur un texte de Maurice Agulhon.

52 Une ample moisson de plusieurs centaines d’images n’est pas le moindre des mérites offerts par ce gros volume qui incite le lecteur à mener sa propre chasse aux images au fil des pages pour découvrir des rapprochements autres que ceux qui sont expressément proposés. Une caricature emblématique a été retenue pour la couverture de l’édition française : il s’agit d’une lithographie coloriée, publiée le 28 mars 1833 dans La Caricature, que dirigeait Philipon, et dessinée par Auguste Desperret à la manière anglaise sur une idée de Philipon lui-même. Ce choix diffère de celui de la couverture de l’édition allemande, qui reproduit une caricature française d’Alfred Le Petit, publiée dans La Charge du 21 mai 1870, montrant une République réduite à un crâne encapuchonné d’un bonnet phrygien ; elle renvoie à De Profundis d’Alfred Rethel, une œuvre grinçante et macabre apparentée à l’imaginaire médiéval de la danse des morts, dont le peintre-graveur allemand avait donné une actualisation politisée réactionnaire en 1849. Le cycle de Rethel (HETTLING, 1988 ; PARET, 1988 ; GAEHTGENS, 1995) a été admiré par Baudelaire, Courbet, Champfleury, Daumier (KAENEL, 2002 ; HOFMANN, [1988] 2003 ; LE MEN, 2008) et Rops… jusqu’à Alfred Le Petit, l’émule de Gill. L’illustration choisie pour la couverture française, au contraire, se rapporte non plus à la période terminale du livre, mais à sa période inaugurale et fondatrice, la Monarchie de Juillet. De plus, elle expose le mode de fonctionnement sémiotique de la caricature politique comme genre iconique au XIXe siècle. Enfin, elle met en évidence l’appartenance du langage de la caricature à une culture imagée spécifique et collective.

53 La Monarchie de Juillet, qui introduit la représentation parlementaire, est associée à l’essor du « quatrième pouvoir » de la presse et des caricatures, auxquelles la lithographie offre une technique de diffusion si rapide que Le Charivari, lancé en 1832, est publié comme un quotidien qui se flatte d’offrir chaque jour un nouveau dessin à ses lecteurs. « À ton nez d’Arg… ! à ton œil, Bartholo ! à vous tous, ventrus ! », s’exclame, dans la légende, le nain-Philipon qui décoche ses flèches sur les traits du visage des ministres adossés au mur de l’Hôtel de Ville. La planche élabore une sorte d’exposé iconique du dispositif agressif de la caricature dont la violence relève, selon la formulation de Baudelaire, d’un « argot plastique » (MCLEES, 1988 ; HANNOOSH, 1992). Contre-pouvoir et « discours de résistance » (TERDIMAN, 1985), la caricature se déchaîne avec une virulence et un talent inédits dans la « guerre de Philipon contre Philippe » collectivement menée par l’équipe des dessinateurs ; Desperret reprend à son compte

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les représentations caricaturales des ministres codifiées par les bustes et les lithographies de Daumier. Cette intericonicité se fonde sur un code visuel que partagent les dessinateurs de l’équipe et repose sur un langage expressif et imagé, dont les lecteurs du journal ont fait l’apprentissage. Au moment où la loi Guizot répand l’instruction primaire dans les communes, le caricaturiste se considère comme l’instituteur politique du peuple (LE MEN, 1983). La caricature de Desperret met en évidence une autre modalité, familière aux historiens de l’art, de l’intericonicité propre au langage caricatural : celle de l’iconologie qui insère chaque image dans une filière iconographique dont la généalogie est en quelque sorte philologique. Michel Jouve montre que Desperret emprunte sa composition au caricaturiste anglais Robert Seymour qui parodiait le thème de l’hydre de l’Herne et se moquait ainsi de la peinture d’histoire à sujet mythologique (JOUVE, 1983, p. 47).

54 La caricature fonde ainsi son langage, à la fois populaire et lisible pour tous et offert au déchiffrement de la culture lettrée, sur d’innombrables détournements ou retournements d’images qui jouent les unes par rapport aux autres pour servir à l’expression politique ou à la critique des mœurs. Frappant l’imagination par sa densité concise, la caricature recourt à une rhétorique dont l’éloquence (SAIM, 1998) est fondée sur la métaphore visuelle, le calembour graphique et l’allégorisation (métaphore filée).

55 Quelques grandes pistes ont ainsi été tracées par ce recueil : le rôle dominant de Daumier y est souligné tout du long, comme celui de la maison Aubert et de Philipon. La périodisation est bien scandée. Plusieurs thématiques, poursuivies depuis, ont été mises en évidence : l’héritage de la caricature d’époque révolutionnaire et l’influence des traditions graphiques étrangères et anglaises en particulier, la représentation des femmes, la contrefaçon belge, le rapport entre allégorie politique et caricature.

56 Plusieurs des contributeurs (GOLDSTEIN, 1989 sur la censure ; HELLEMANS, 1993 sur la contrefaçon belge des caricatures ; LALOUETTE, 2002 sur la libre-pensée sous la Troisième République) ont développé par la suite les thématiques annoncées par ce colloque : à partir du « cas Daumier », qui reste prépondérant dans l’historiographie de la caricature du XIXe siècle, André Stoll a organisé en 1988 une importante exposition accompagnée d’un catalogue collectif, qui montrait la façon dont les relations internationales et les représentations des peuples européens et orientaux étaient traitées par la caricature de Daumier, en prenant pour paradigme l’opposition entre civilisation et barbarie (Honoré Daumier…, 1988). Les pistes ont aussi été approfondies par d’autres chercheurs (HASKELL, [1993] 1995 sur le musée de la caricature ; CHILDS, 1989 [1991] sur l’exotisme en caricature). Le corpus important des caricatures anti- bonapartistes a été particulièrement étudié (CLERC, 1985 ; L’anti-Napoléon…, 1996 ; Napoleon I im Spiegel…, 1998 ; BERTAUD, FORREST, JOURDAN, 2004 ; Napoléon, aigle ou ogre, 2005). C’est aussi le cas de la caricature anglaise (JOUVE, 1983 ; DÖRING, 1991 ; DUPUY, 2008) qui y était abordée par Michel Jouve, Gerd Unterfehrt et Jürgen Döring et de la caricature de la Monarchie de Juillet (CUNO, [1983] 1985b ; KERR, 2000), y compris La rue Transnonain de Daumier (ALBRECHT, 1989 ; SCHRENK, 2006) et la série des Bas-Bleus (Femmes d’esprit…, 1990).

57 Deux nouveaux colloques internationaux, dont les actes sont en cours de publication, se répondent. Avec Todd Porterfield et Raphael Rosenberg, nous avons co-organisé à Paris fin 2006 La caricature : bilan et recherches en vue de confronter les recherches menées sur la caricature dans nos trois universités et d’inviter des intervenants confirmés et des jeunes chercheurs à se rencontrer autour du rapport entre art, société et caricature

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afin de montrer en quoi la caricature du XIXe siècle débouche sur l’art contemporain du XXe siècle (LE MEN, sous presse). Le colloque The Efflorescence of Caricature, 1759-1838 (PORTERFIELD, sous presse), qui s’est tenu à Montréal début 2007, porte sur le moment clé du XVIIIe au XIXe siècle, où la caricature, particulièrement en Angleterre puis en France, entre dans la modernité, comme l’énonce Baudelaire. Ses dix contributions sur le Canada, l’Angleterre, la France, l’Allemagne et les États-Unis vont de l’histoire sociale de l’art à l’histoire de l’histoire de la caricature, tout en abordant les modes de fonctionnement et les protocoles d’énonciation de son langage performatif.

Les numéros spéciaux de revues

58 Les premiers numéros spéciaux jamais consacrés à la caricature du XIXe siècle ont été monographiques, et consacrés à Daumier, depuis le début du siècle (Le Fureteur, 1901 ; The Studio, 1904 ; Les Nouvelles de l’estampe, 1979). Depuis vingt-cinq ans, le genre de la caricature en tant que tel est entré dans le débat critique en histoire de l’art. C’est précisément ce qu’indiquait dès son titre le numéro dirigé par Judith Wechsler de la revue de la College Art Association (Art Journal, 1983) : « The issue of caricature » [la question de la caricature]. De nouvelles recherches y étaient présentées, notamment sur la censure par Robert Goldstein (voir aussi GOLDSTEIN, 1989, 2000) et sur la place de la caricature dans la carrière des photographes du Second Empire par Anne McCauley. La même année paraissait à Tours une publication des départements d’histoire et d’histoire de l’art de l’université intitulée « presse et caricature », où étaient rééditées les « explications » de Philipon aux planches de L’association mensuelle, une série destinée à financer les frais des amendes et des procès des caricatures politiques des années 1832-1834 (Cahiers de l’IHPO, 1983). Par la suite, Romantisme, publication portant sur le XIXe siècle principalement littéraire, mais avec des ouvertures à caractère interdisciplinaire, a abordé la caricature par une autre approche, en prenant pour thème « le rire » et en évoquant notamment l’ironie dans le romantisme allemand et les traités sur le rire inspirateurs de Baudelaire comme celui de Paul Scudo paru en 1840 (Romantisme, 1991). L’intégralité du n° 7 de la Revue d’études rimbaldiennes était consacrée à une analyse remarquable de Steve Murphy sur les sources de Rimbaud dans les caricatures politiques de la Commune (MURPHY, 1991). Une revue littéraire de l’université de Poitiers souvent dédiée aux rapports entre texte et image a introduit le thème de L’étranger dans l’image satirique (La Licorne, 1994). Une revue de littérature comparée de l’université d’Artois a consacré un numéro spécial à l’œuvre graphique et théorique de Töppfer en partenariat avec l’université de Nanterre (LE MEN, 1997). Le bulletin des amis de Vallès a traité du rapport de l’écrivain à la caricature – thème qu’appelaient ses activités de journaliste, son engagement politique et ses amitiés parmi les caricaturistes (Autour de Vallès, 2006).

59 À ces croisements entre littérature et caricature s’ajoutent ceux de l’histoire et de la caricature, prise à la fois comme document et comme monument lorsque les historiens adoptent l’image comme objet de recherche. La caricature entre en jeu dans l’histoire politique et sociale, comme dans l’histoire des mentalités et des représentations, et s’avère incontournable pour la période révolutionnaire. Annie Duprat et Pascal Dupuy, à l’université de Rouen, ont co-dirigé un numéro sur La caricature entre subversion et réaction (Cahiers d’Histoire, 1999). Plus récemment, les historiens des représentations de l’université de Paris I ont consacré à la caricature deux numéros de revue intitulés Le

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rire au corps. Grotesque et caricature et Figures animales (Sociétés & représentations, 2000, 2009).

Humoresques et Ridiculosa, les bulletins spécialisés, et leur diffusion par Internet

60 Deux revues françaises, Humoresques et Ridiculosa, émanant de groupes de recherches dont elles publient les colloques, comptent la caricature parmi leurs thèmes de prédilection. À ces lieux d’échange intellectuel s’ajoutent les articles sur la caricature fin de siècle de Gavroche, « revue d’histoire populaire », sans oublier les deux cents chroniques de Raymond Bachollet sur la presse satirique illustrée et sur quelques affichistes proches de la caricature, qui ont paru dans Le collectionneur français de 1979 à 2002 et sont réunis en trois volumes à la bibliothèque Forney (BACHOLLET, 1979), ni les articles sur la caricature publiés par les bulletins de sociétés d’amis d’artistes caricaturistes, comme le Téléphonoscope pour Albert Robida (notamment REBEYRAT, DORÉ, 2005 ; Le Téléphonoscope, 2006). Depuis 2008, la nouvelle revue les Cahiers Daumier se concentre sur des numéros thématiques (Cahiers Daumier, 2007), annoncés sur le site Internet de l’Association des Amis d’Honoré Daumier.

61 L’association pour le développement des recherche sur le Comique, le Rire et l’Humour (CORHUM), présidée par Judith Stora-Sandor, aborde la caricature comme l’une des manifestations des cultures comiques et compte des dessinateurs parmi ses membres. Elle publie Humoresques qui, à la suite des cahiers Comique et communication, édite des numéros thématiques réalisés sous la houlette de divers spécialistes – Thierry Chabanne pour le n° 3, L’image humoristique et Annie Duprat pour le n° 29, Histoire, humour et caricatures (Humoresques, 1990 ; Ridiculosa, 2003) –, souvent en relation avec ses colloques. Ainsi, le n° 10, L’humour graphique fin de siècle , est issu du colloque organisé à Angoulême par Thierry Groensteen à l’occasion de l’exposition Caran d’Ache dont il était commissaire (Les années Caran d’Ache, 1998 ; Humoresques, 1999). La rédactrice en chef de la revue, Nelly Feuerhahn, sociologue, a travaillé au CNRS sur l’histoire et les formes graphiques des cultures comiques et avait déjà dirigé le n° 5, Humour et politique le pouvoir au risque du rire (Humoresques, 1994).

62 Ridiculosa est une publication annuelle, lancée en 1994, de l’équipe internationale de Recherche sur l’Image Satirique (EIRIS), composante de l’équipe Littérature et Langues de l’université de Bretagne occidentale à Brest, dotée d’un site internet trilingue allemand-anglais-français16 où sont mis en ligne des articles et une importante bibliographie (DUCCINI, 2008). Elle est dirigée par Jean-Claude Gardes, professeur d’allemand dans cette université. Les livraisons, thématiques, qui sont parfois des actes de colloques, sont très révélatrices des problématiques actuelles. Des comptes rendus présentent l’actualité des recherches, particulièrement dans le domaine franco- allemand. La sélection retenue porte souvent sur la fin du XIXe et le début du XXe siècle, ce qui est symptomatique d’un déplacement actuel vers la Belle Époque des intérêts jusqu’alors plutôt centrés sur la caricature d’époque révolutionnaire et sur la Monarchie de Juillet. Prolongeant le rapport entre texte et image traité dans le numéro Textuel et visuel. Interconnexions entre textes et images (n° 6, 1999), l’intermédialité intervient dans les numéros Peinture et caricature (n° 11, 2004), Caricature et publicité (n° 12, 2005) et Sculptures et caricatures (n° 13, 2006) où les expérimentations curieuses d’Alfred Le Petit sont présentées (DOIZY, 2006). Tandis qu’un numéro, introduit par

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Pierre Vaisse, a porté sur le thème baudelairien de la modernité (SPEIDEL, 2007), l’historiographie de la caricature est intervenue dans les trois numéros consacrés à des historiens pionniers du champ : Jules Champfleury (n° 9, 2002), John Grand-Carteret (n° 5, 1998), Eduard Fuchs (auquel s’était intéressé Walter Benjamin, n° 2, 1995). La caricature politique et son rôle dans les relations internationales ont été abordées dans L’Affaire Dreyfus dans la caricature internationale (n° 1, 1994), Tyrannie, dictature et caricature (n° 4, 1997), Das Lachen der Völker, Le rire des nations (n° 7, 2000) et Les procédés de déconstruction de l’adversaire (n° 8, 2001). Le rapport de la caricature aux religions, déjà abordé par ailleurs (DOIZY, LALAUX, 2005 ; DOIZY, 2007), vient de donner lieu à un numéro ambitieux et novateur de Ridiculosa qui, d’une certaine manière, s’avère exemplaire de la nouvelle approche géopolitique de la caricature (Ridiculosa, 2008). La caricature en Asie est notamment traitée dans quatre articles, dont l’un sur Georges Bigot, un caricaturiste installé à Tokyo (Georges Bigot..., 2007 ; YAMANASHI, 2008). L’affaire des caricatures de Mahomet, auquel ce numéro apporte une réplique intellectuelle, a fait resurgir dans notre actualité mondiale la question des limites du rire déjà posée par Philipon puis Baudelaire à propos de La rue Transnonain de Daumier en 1834. « Peut-on rire de tout ? » : cette interrogation de Pierre Desproges a servi de thème en automne 2008 à une journée organisée à l’Institut d’études politiques de Lille ainsi qu’à un « café géographique » de CORHUM le 27 janvier 2009.

63 La diffusion des recherches est aussi démultipliée par les sites Internet de ces associations et de ces revues. Pour qui s’intéresse à la caricature, le site animé par Guillaume Doizy est devenu incontournable17. De nombreux articles y sont mis en ligne, accompagnés de bibliographies, d’analyses d’images pour les enseignants, de comptes rendus d’ouvrages. Plusieurs sites (en France, en Allemagne et en Suisse) se rapportent à Daumier, qui occupe une place à part dans l’historiographie de la caricature ; il s’y ajoute l’exposition en ligne de la BnF18, avec sa bibliographie sélective par Monique Moulène. Mais le principal site a été lancé par Dieter et Lilian Noack à Ascona (Suisse)19 pour mettre à jour le catalogue raisonné des lithographies (DELTEIL, 1925-1926) et des bois (BOUVY, [1933] 1995), mais aussi pour diffuser une bibliographie, des comptes rendus et des dossiers thématiques, et pour faire connaître l’actualité, par exemple la liste des expositions et manifestations du bicentenaire Daumier en 2008. L’université de Heidelberg a entrepris la mise en ligne d’un grand nombre de journaux illustrés satiriques allemands en relation avec l’équipe de recherche de Raphael Rosenberg. Wolfgang Cillessen, Martin Miersch et Rolf Reichardt (Justus-Liebig-Universität Giessen) ont élaboré un site sur l’iconographie européenne des révolutions (1789-1889) et diffusé une importante bibliographie aux contributeurs du dictionnaire de l’iconographie révolutionnaire qu’ils préparent20.

64 L’ensemble de ces recherches issues de différentes disciplines convergent vers un même objet abordé sous plusieurs angles dont ressortent le caractère protéiforme et la difficulté d’une définition univoque. La caricature peut être comprise comme un phénomène culturel qui utilise le rire comme une arme politique et satirique, comme une attitude commune au moment où la presse et le journal illustré créent une connivence entre rieurs, et enfin comme un art qui manie l’ironie, le grotesque, la déformation et l’humour. Mais elle apparaît quoi qu’il en soit comme l’une des modalités spécifiques aux arts de l’image au XIXe siècle, comme le rappelle par l’humour noir un numéro du Rire qui parodie la structure des « canards » d’exécution en exploitant le contraste entre rire et terreur. Le condamné à mort, la tête sur le billot de

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la guillotine, rit aux éclats au spectacle de la « une » du journal qui montre le portrait charge de la reine Victoria, et son hilarité se communique à tous les spectateurs, ainsi qu’aux lecteurs du Rire.

65 L’apport récent des historiens de l’art à l’histoire de la caricature a été notamment de mener une réflexion sur le rapport entre les beaux-arts et les arts de l’image du XIXe siècle, dans une interaction complexe qui s’aiguise à la fin du siècle, depuis Degas (IVES, STEIN, 1997) et Seurat (THOMSON, [2005] 2008) jusqu’aux nabis, et au début du XXe siècle dans l’art des fauves (Quelque chose de plus…, 2002) et dans l’expressionnisme ou le futurisme. Ainsi, la caricature existe non seulement dans les arts graphiques, du dessin de presse (PERNOUD, 1999) à l’affiche, mais aussi en peinture et en sculpture. L’art de Picasso (Picasso jeunesse…, 1991 ; Picasso : papiers…, 2003), qui se prit un jour à copier sur une page de croquis la signature de Steinlen à plusieurs reprises (Steinlen..., 1999) témoigne notamment de cette importance de la référence à la caricature du XIXe siècle dans l’art du XXe siècle21. La caricature s’avère ainsi un langage expérimental, comme en témoignent les recherches de Denys Riout (RIOUT, [1996] 2006) sur l’apport de l’art des Incohérents et sur celui d’Alphonse Allais à l’invention des monochromes, et celles de Raphael Rosenberg sur l’abstraction mise en œuvre dans les salons caricaturaux, comme dans les schémas de construction des artistes, avant qu’elle n’ait été reconnue comme une valeur esthétique (Turner Hugo Moreau…, 2007).

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NOTES

1. Après les exercices physionomiques de Vinci, le mot caricatura (de caricare, charger, exagérer) apparaît dans la préface de l’éditeur Atanasio Mosini à un recueil d’estampes d’après Annibal Carrache prêtant à l’artiste l’expression de « ritrattini carichi », « petits portraits charges » (Diverse caricature, Bologne, 1646). 2. On peut également consulter le catalogue mis en ligne de l’exposition de l’Alliance française d’Ottawa de 2005, Hugo par les caricaturistes du XIXe siècle, http://www.af.ca/ottawa/culture/2005/ hugovivant/caritxt2.htm 3. Voir http://www.lib.uchicago.edu/efts/ARTFL/projects/mckee 4. Denis Bruckmann éd., vidéodisque « Images de la Révolution française », Bibliothèque nationale de France/Pergamon Press, 1988. 5. Voir l’« Essai de bibliographie des travaux de Jean Adhémar », dans le numéro d’hommage des Nouvelles de l’estampe, janvier-février 1978, p. 20-35. 6. Le Musée Carnavalet détient de nombreuses lithographies de caricaturistes, occasionnels ou professionnels : Bouchot (400), Cham (1 200), Charlet (400), Daumier (2 000), Gavarni (1 000), Monnier (1 000), Pigal (400), Traviès (500), Vernier (500), ainsi qu’un ensemble tiré de La Revue Comique à l’usage des gens sérieux dirigée par Nadar, Hetzel, 1848-1849 (Draner, Guillaume, Henriot). L’une de ses richesses est le fonds Quentin-Bauchard de caricatures de la Commune (5 000 pièces). 7. Son album de portraits charges est conservé à la bibliothèque du Sénat. 8. Ce musée dépend du ministère de l’Éducation nationale. Situé dans l’hôtel des Invalides, il est rattaché à la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC) qui est liée à l’université de Paris Ouest Nanterre La Défense. Il conserve des œuvres d’Abel Faivre, Jean-Louis Forain, Gill, Albert Guillaume, Hermann Paul (541), Gustave-Henri Jossot, Léandre, Alfred Le Petit, Peter Nicholson, Georges Pilotell. 9. Le musée conserve des dessins de Draner, Gill, Le Petit, et Steinlen. 10. Le musée est dépositaire, entre autres lithographies de Daumier acquises par l’association, de celles pour L’Association mensuelle provenant de la collection Degas. 11. Cet ouvrage, établi à partir de la thèse de Louis Provost sur Le monde de Daumier, publie ses annotations au catalogue de Loys Delteil (DELTEIL, 1925-1926). 12. « Caricatures of salons and artists, 1785-1910 », environ 720 pièces. Neuf boîtes en trois séries : les salons caricaturaux, les caricatures d’artistes, les dessins. 13. Voir http://www.getty.edu/art/exhibitions/comic_art/index.html 14. International Symposium Caricature in the modern world 1700-1900, 18 février 2006. 15. Les actes ont été publiés d’abord en allemand ( RÉGNIER, [1991] 1997) puis complétés en français par l’équipe lyonnaise du CNRS « Littérature, Idéologies, Représentations, XVIIIe-XIXe siècles » dont Philippe Régnier avait pris la direction après Roger Bellet, spécialiste de Vallès et de littérature populaire. 16. Voir http://www.multimania.com/EIRIS 17. Voir http://www.caricaturesetcaricature.com 18. Voir http://expositions.bnf.fr/daumier 19. Dieter et Lilian Noack , « The Daumier Register : the digital catalogue raisonné on Daumier’s complete graphic work » : http://www.daumier.org 20. Wolfgang Cilleßen, Martin Miersch, Rolf Reichardt, Lexikon der Revolutions-Ikonographie in der europäischen Bildpublizistik 1789-1889 : http://iconographie.sfb434.de:8835 21. L’importance de la caricature du XIXe siècle s’exprime aussi dans l’œuvre cinématographique d’Eisenstein.

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RÉSUMÉS

Le caractère foisonnant des publications et la multiplicité des lieux de recherche sur la caricature du XIXe siècle ont pour contrepartie son inscription dans une perspective diachronique bien établie par l’historiographie depuis une trentaine d’années, comme l’est aussi la définition du genre et de son registre d’expression. Après ce premier cadrage, l’article aborde les fonds de caricatures de « l’âge du papier » (Félix Vallotton) et les publications qui leur sont associées, dans un tour d’horizon français et international. Les thèses témoignent du caractère multidisciplinaire des recherches académiques. Les colloques et les expositions, souvent liés aux commémorations, sont importants pour le domaine. Les perspectives actuelles – l’histoire du corps et de sa déformation, l’intermédialité et la géopolitique de la caricature – s’affirment dans les revues spécialisées dans la caricature et l’humour, aujourd’hui bien diffusées par les sites Internet.

In addition to the abundance of publications and the plethora of sites for research on 19th- century caricature, the subject has found its place in a diachronic perspective established over the course of the past thirty years, as is also the case for the definition of gender and its mode of expression. After placing the subject in its historiographical context, the article discusses collections of caricatures from the “paper age” (Félix Vallotton) and the publications they have engendered, both on a French and an international level. A number of doctoral dissertations attest to the multidisciplinary character of this academic research, while exhibitions, often associated with a commemorative occasion or a conference, are also important for the field. The new orientations of research – the history of the body and its distortion, media studies, and the geopolitics of caricature – appear in specialized journals dedicated exclusively to caricature and humor, widely disseminated on the Internet.

Die Fülle der Veröffentlichungen und die grosse Zahl der Forschungsstellen zum Thema der Karikatur des 19. Jahrhunderts haben als Gegenstück eine diachrone Perspektive, der sie entspringen und die sich seit den letzten dreissig Jahren etabliert hat. Genauso vielseitig weisen sich auch die Definition dieses Genres und sein Ausdrucksregister aus. Ausgehend von dieser ersten Eingrenzung behandelt der Artikel die Karikaturbestände des „Zeitalters des Papiers“ (Félix Valotton) und die ihnen gewidmeten Veröffentlichungen unter französischem und internationalem Blickwinkel. Die in diesem Feld vorgelegten Dissertationen zeugen von einem pluridisziplinären Charakter der akademischen Forschung, während die häufig an Gedenkmomente gebundenen Ausstellungen und Symposien ebenfalls wichtig für diesen Bereich sind. Die aktuellen Perspektiven – die Geschichte des Körpers und seiner Verzerrungen, Intermedialität und Geopolitik der Karikatur – verdeutlichen sich in Fachzeitschriften, die auf das Feld der Karikatur und des Humors spezialisiert sind und vorrangig über das Internet vertrieben werden.

L’abbondanza delle pubblicazioni e la molteplicità dei luoghi deputati alla ricerca sulla caricatura del XIX secolo hanno come controparte la sua iscrizione in una prospettiva diacronica, ormai stabilmente sancita da una trentina d’anni di storiografia, e la definizione di questo genere e del suo registro espressivo. Dopo questa prima messa a punto, l’articolo esaminerà i fondi di caricature “dell’età della carta” (Félix Vallotton) e le pubblicazioni che gli sono associate, muovendosi in un orizzonte francese e internazionale. Gli argomenti scelti per le tesi dimostrano il carattere multidisciplinare delle ricerche accademiche, mentre le mostre, spesso legate a commemorazioni, e i convegni sono elementi importanti per questo campo di studi. Le prospettive attuali si affermano in seno alle riviste specialistiche sulla caricatura e sull’umorismo

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e sono oggi ampiamente diffuse per mezzo dei siti internet: queste sono la storia del corpo e della sua deformazione, l’intermedialità e la geopolitica della caricatura.

La abundancia de las publicaciones y la multiplicidad de los lugares de investigación sobre la caricatura del siglo XIX han inducido su inscripción en una perspectiva diacrónica ampliamente determinada por la historiografía desde hace unos treinta años, así como también la definición de dicho género y su registro expresivo. A partir de este planteamiento, el artículo aborda los fondos de caricaturas de « l’âge du papier » o « edad del papel » (Félix Vallotton) y las publicaciones al respecto, desde una perspectiva francesa e internacional. Las tesis atestiguan del carácter multidisciplinario de los estudios académicos y tanto las exposiciones muchas veces vinculadas con las conmemoraciones como los coloquios presentan una importancia relevante para el tema. Las perspectivas actuales – historia del cuerpo y de sus deformaciones, intermedialidad y geopolítica de la caricatura – se afirman en las revistas especializadas en los campos de la caricatura y el humor, muy difundidas hoy en día a través de Internet.

INDEX

Keywords : caricature, portrait, deformation, intericonicity, intermediality, geopolitics, lithography, comics, psychoanalysis, physiognomy, poster, grotesque, allegory, satire, irony, politics Index géographique : France, Paris, Nancy, Angoulême, Marseille, Rouen, Rennes, Flandre, Angleterre, Londres, Allemagne, Italie, Belgique, Suisse, États-Unis, Canada, Japon Mots-clés : caricature, portrait, déformation, intericonicité, intermédialité, géopolitique, lithographie, bande dessinée, psychanalyse, physionomie, affiche, grotesque, allégorie, satire, ironie, politique Index chronologique : 1800, 1900

AUTEURS

SÉGOLÈNE LE MEN Elle est professeur d’histoire de l’art à l’Université Paris Ouest La Défense, membre de l’Institut universitaire de France, après avoir été chercheur CNRS au Musée d’Orsay puis directrice des études littéraires à l’École normale supérieure. Elle travaille sur l’art français du XIXe siècle (Courbet, Paris, 2007) et sur l’histoire de l’image et de l’édition : la pédagogie par l’image, l’illustration et le rapport entre art et littérature, entre beaux-arts et imagerie, l’histoire du regard et de la culture visuelle, la caricature (Daumier et la caricature, 2008). Elle prépare actuellement un livre sur Claude Monet.

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XIXe siècle

Actualité

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Zoomorphismes avant Darwin Zoomorphisms before Darwin

Anne Lafont

RÉFÉRENCE

David Bindman, Ape to Apollo. Aesthetics and the Idea of Race in the 18th Century, Ithaca, Cornell University Press, 2002. 264 p., 65 fig. en n. et b. et 12 en coul. ISBN : 978-0-8014-4085-4 ; $49,95 (35 €). Hommeanimal. Histoire d’un face à face, Laurent Baridon, Martial Guédron éd., (cat. expo., Strasbourg, Musée archéologique, Galerie Heitz, Musée de l’Œuvre Notre-Dame, Musée d’Art moderne et contemporain, 2004), Paris, Adam Biro/Strasbourg, Musées de Strasbourg, 2004. 304 p., 250 fig en n. et b. et en coul. ISBN : 2-87660-393-4 ; 45 €. Linda Kalof, Looking at Animals in Human History, Londres, Reaktion Books, 2007. 224 p., 50 fig en n. et b. et 12 en coul. ISBN : 978-1-86189-334-5 ; £25 (28 €). Martin Kemp, The Human Animal in Western Art and Science, (Collection Louise Smith Bros Lectures Series, 1), Chicago, University of Chicago Press, 2007. 320 p., 187 fig en n. et b. ISBN : 978-0-22643-033-1 ; $40 (28 €).

1 Le choix de ces quatre ouvrages repose sur une volonté de mieux faire connaître un champ académique en plein développement dans les pays anglo-saxons depuis une dizaine d’années : les animal studies1. Ces études participent des dynamiques critiques et interdisciplinaires des cultural studies ; autrement dit, elles tentent de lever les barrières disciplinaires traditionnelles pour impliquer des chercheurs en sciences humaines, en sciences sociales et en sciences dures sur un même objet, afin d’en révéler les schémas de pensée intrinsèques et, par conséquent, les idéologies qui les sous-tendent dans un système culturel spécifique. Pour ce qui concerne les animal studies, cet intérêt pluridisciplinaire accompagne la conscience grandissante que la société civile développe à l’égard du vivant en général, engagement académique auquel les démarches militantes ont certainement participé. Sans se réclamer ostensiblement de ce nouveau champ, qui inclut pourtant des historiens de l’art à l’instar des chercheurs Matthew Brower et Steve Baker2, David Bindman, professeur émérite et spécialiste de

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l’art britannique du XVIIIe siècle à University College de Londres, Martin Kemp, professeur émérite de la chaire d’histoire de l’art à Oxford, qui a consacré ses recherches aux mondes visuels entre arts et sciences de Léonard de Vinci à Seurat, et Laurent Baridon et Martial Guédron, professeurs d’histoire de l’art, respectivement à Grenoble et à Strasbourg, qui travaillent sur l’art et l’architecture de 1750 à 1950, ont investi ce corpus visuel du monde animal. À ce titre, leurs travaux font un état de la question qui pourrait lancer un nouveau défi scientifique à l’histoire de l’art. Il semblait indispensable de joindre à ce panorama une publication récente qui se revendique clairement des animal studies : le livre de Linda Kalof, sociologue en poste à la Michigan State University et directrice de la formation de troisième cycle en études animales, complète cette sélection.

2 Le livre de David Bindman s’interroge sur la continuité culturelle, qui permet l’articulation de théories balbutiant une chaîne naturelle des êtres vivants, aux constructions esthétiques défendant un corps idéal sur le modèle de la sculpture grecque antique. Ainsi, il investit avec précision la pensée européenne proto- évolutionniste, qui édifia, plus qu’une chaîne, une échelle des êtres vivants, de l’espèce inférieure de l’animal à l’espèce supérieure de l’homme-dieu. Or, comme l’historien de l’art britannique l’écrit, la mesure de graduation reposait essentiellement sur des considérations esthétiques, et les démonstrations les plus convaincantes de cette classification devaient s’opérer, plus encore que par les discours, sur le plan visuel. L’illustration du livre de Petrus Camper : Dissertation sur les variétés naturelles qui caractérisent la physionomie des hommes des divers climats et des différents âges…3 en est certainement l’exemple le plus spectaculaire. Le dessin de Camper – et surtout le malentendu interprétatif dont il fit l’objet, même si le texte l’accompagnant était clair – eut une fortune remarquable dans la science racialiste du XIXe siècle visant à classer le « nègre » du côté de l’orang-outan, car cette juxtaposition de types morphologiques servit de preuve par l’image. Par conséquent, si le livre de Bindman, fondé principalement sur les débats théoriques, conduit à dévoiler la force de conviction d’une gravure démontrant que l’Africain tient du singe tandis que le Caucasien tient du Dieu grec, alors cet ouvrage impose l’étude des pouvoirs énonciateurs des arts visuels en général quant à la frontière homme/animal.

3 À l’aune des propositions stimulantes et nouvelles de Bindman, consacrées aux liens ambigus et instables que la pensée naturaliste et philosophique sur la variété humaine entretint avec les théories artistiques du XVIIIe siècle, cet article se propose de confronter ces quatre ouvrages quant à leur compréhension des relations homme/ animal dans les arts visuels des Lumières.

Montaigne et Descartes : deux pôles de la réflexion des Lumières

4 Le spectre historique et géographique du livre de Linda Kalof (le monde occidental de la préhistoire à nos jours !) imposait à son auteur d’aborder une multitude de thèmes, qui vont du compagnonnage des hommes et des animaux dans les différents aspects de la vie – rituels avec sacrifices, activités telles l’agriculture ou la chasse – à la symbolique associée à certains animaux emblématiques dans l’iconographie médiévale… L’époque moderne, quant à elle, se caractérise par l’exploitation et la maltraitance humaines et, d’une manière générale, par l’objectification de l’animal (KALOF, 2007, p. 79), même si la

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violence est occasionnellement combattue par des esprits sensibles à la souffrance des animaux. Ce livre s’inscrit en complémentarité de celui de Bindman – pointu dans son objet et fondé exclusivement sur la littérature britannique, germanique et néerlandaise – car il introduit la pensée française. Kalof, attachée à dresser une histoire culturelle des relations homme/animal, commente notamment le texte fondateur de Michel de Montaigne, Apologie de Raymond Sebond4, qui s’indigne de l’arrogance de l’homme – la plus misérable des créatures divines – dans son rapport aux animaux, qu’il prétend dominer par son intelligence alors que rien ne l’autoriserait à affirmer une quelconque supériorité vis-à-vis d’êtres vivants doués de moyens de communication et de sensibilité (KALOF, 2007, p. 95-96).

5 Si l’intérêt des artistes du XVIe siècle pour une approche naturaliste confinant à un regard scientifique sur la faune est donné à voir par Léonard de Vinci ou Albrecht Dürer, ce sont essentiellement les animaux légendaires qui sont mis en avant par ces quatre livres : le loup-garou de Lucas Cranach l’Ancien (estampe, vers 1512), la harpie tirée de Monstrorum Historia… d’Ulisse Aldovrandi (1658), ou encore les êtres hybrides comme les hommes sauvages, qui supportent autant l’imaginaire mythologique que géographique, telles les femmes pictes de Théodore de Bry. En effet, il semble que seul le Singe de Giambologna (vers 1570, Paris, Musée du Louvre), commenté par Kemp (KEMP, 2007, p. 96), se présente dans un esprit proche de celui exprimé par Montaigne : loin de l’exploitation cruelle de l’homme et dans une dynamique corporelle expressive, ce petit animal de bronze laisse percevoir ses aptitudes de communication et ses capacités émotionnelles sans que le sculpteur ne recoure à l’anthropomorphisme.

6 Il en va différemment pour la production graphique contemporaine des écrits de René Descartes. Son Traité des Passions de l’âme (1649) inspira les dessins physiognomoniques de Charles Le Brun et les conférences correspondantes que le peintre tint en 1668 et 1671 à l’Académie royale de peinture et sur l’expression des passions. Kemp, en dédiant deux chapitres à Descartes et à sa longue fortune visuelle, démontre comment son œuvre irrigue une grande partie de la pensée des Lumières sur les relations homme/animal (KEMP, 2007, p. 17-51 et 104-112). Dans son traité, Descartes réaffirme l’évidence biblique de la supériorité de l’homme sur toutes les créatures en se fondant sur la Genèse (chapitre 9, vers 1 à 4). Toutefois, le philosophe assume que les animaux et les hommes sont dotés d’une âme, située dans la glande pinéale, mais que celle des premiers est immorale et sans raison, alors que celle des seconds, immatérielle et éternelle, peut exercer un contrôle sur les pulsions organiques. Autrement dit, Descartes hiérarchise les créatures divines, en isolant l’homme, seul être vivant à l’image de Dieu, alors que le règne animal se trouve rejeté dans la sphère inférieure des organismes mécaniques, dépourvu des compétences subtiles de langage détenu par le plus médiocre des hommes. Si Descartes n’outrepassa jamais l’évidence chrétienne qui voulait que l’homme fût la seule créature à posséder une âme d’origine divine, Julien Offray de la Mettrie, un siècle plus tard, radicalisa la théorie cartésienne dans L’homme machine (1747), en affirmant justement que « l’homme […] est au singe, aux animaux les plus spirituels, ce que la pendule planétaire de Huyghens est à une montre de Julien le Roi. [...] S’il a fallu plus d’art à Vaucanson pour faire son flûteur que pour son canard, il eût dû en employer encore davantage pour faire un parleur : machine qui ne peut plus être regardée comme impossible, surtout entre les mains d’un nouveau Prométhée »5.

7 Ce syllogisme, en texte et en image, conduisit à une dynamique inverse à celle soutenue par Descartes puisque le langage, réduit à un engrenage sophistiqué, se voyait retiré,

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par cette démonstration, son caractère exceptionnel et déterminant. Kemp, en rappelant le prolongement extrémiste des idées de Descartes par La Mettrie, met en évidence les directions paradoxales prises par les philosophes dans leurs tentatives de raccorder le monde des hommes à celui des animaux. Avant la théorie darwinienne, qui révéla au milieu du XIXe siècle l’évolution perpétuelle des espèces, leur adaptation sélective et leur diversité dans l’unité du monde vivant, la philosophie s’était enquise des éléments formant le socle commun, l’invariant, des multiples expressions du monde naturel : le mécanisme organique lui offrit une possibilité de réponse.

Sensibilité et empathie : l’autre animal du XVIIIe siècle

8 Loin d’une relégation cartésienne du monde animal au domaine mécanique de l’insensibilité et du rouage aveugle, la littérature animalière de La Fontaine à Buffon, sensible à l’inventivité et à l’organisation sociale animales telles qu’elles avaient déjà été pensées par Ésope et Montaigne, suscita une production artistique remarquable. En effet, Kemp évoque notamment l’entreprise gravée de Jean-Baptiste Oudry – peintre de chasses royales et de trophées animaliers – qui réalisa 276 illustrations pour les Fables de La Fontaine éditées par Montenault (1755-1759). L’ensemble de l’œuvre de Oudry tend d’ailleurs à hisser l’animal au niveau de l’humain : dans les illustrations, la composition et l’argument moral relèvent de la scène de genre ; dans le domaine de la peinture, les animaux sont portraiturés, et le soin porté à leur ressemblance et à leurs expressions n’est pas inférieur à celui perceptible dans la représentation des êtres humains (KEMP, 2007, p. 144). Quant aux planches accompagnant l’Histoire naturelle de Buffon (1749-1788), Jacques de Sève les a conçues dans un esprit propre au projet global d’isolation attentive de chaque espèce dans un environnement sommaire, sans dramatisation de la scène. Ces deux séries, traitées dans un même chapitre par Kemp malgré leurs divergences d’intention, se rejoignent dans leur tentative commune de donner à voir la complexité et la spécificité du monde animal. Aussi, la démonstration de Buffon se passait, dans les faits, de l’impulsion divine, quoi qu’il ne la déniât pas explicitement ; le naturaliste français, tout en affirmant que l’homme était seul dépositaire d’une âme divine, l’incluait dans son histoire naturelle comme « l’être le plus noble de la création », malgré le fait qu’il doit « se ranger lui-même dans la classe des animaux, auxquels il ressemble par tout ce qu’il a de matériel » et même si cette « vérité peut être humiliante pour l’Homme »6.

9 Un chapitre semble encore à écrire sur les relations homme/animal au XVIIIe siècle, celui autour de la pensée sensualiste d’Étienne Bonnot de Condillac, auteur d’un Traité des animaux (1755). Ce texte avait pour objet de contrer Buffon et de troquer la hiérarchie des êtres vivants contre une division homme/animal, fondée sur le fait que l’homme est la seule créature à l’image de Dieu et la seule à posséder une âme, sans que le monde animal soit pour autant dénué d’une intelligence propre, instruite par les sens, qui n’est ni une âme, ni un système mécanique. Le pendant artistique de ce chapitre pourrait aborder l’individualisation extrême de certains animaux de compagnie, à l’image des chiens de Bergeret de Grandcourt portraiturés par François- André Vincent, le sculpteur Clodion ou encore Christophe Huet. Toutefois, il est peu probable que la place attribuée par Rousseau à l’animal – créature instruite par ses sensations qu’elle agence en suivant son instinct de conservation, mais dénuée de toute possibilité de perfectibilité et de choix, contrairement à l’homme – s’apparente aux

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individus-chiens de Bergeret de Grandcourt, car ceux-ci paraissent, arbitrairement et à titre parfaitement exceptionnel, extraits du monde animal pour intégrer celui familial. En revanche, ils font incontestablement écho à Nicole, la chienne de Jacques le fataliste de Denis Diderot (1778), que sa maîtresse tient pour morte : Ma pauvre Nicole est morte ! – Non, madame, non, je crois qu’elle en reviendra, la voilà qui remue. […] Tenez, madame, elle ouvre les yeux ; la voilà qui vous regarde. – La pauvre bête, comme cela parle ! qui n’en serait touché ? – Madame, caressez-la donc un peu ; répondez-lui donc quelque chose. – Viens, ma pauvre Nicole ; crie, mon enfant, crie si cela peut te soulager. Il y a un sort pour les bêtes comme pour les gens ; il envoie le bonheur à des fainéants hargneux, braillards et gourmands, le malheur à une autre qui sera la meilleure créature du monde7.

10 Diderot humanise et individualise incontestablement cette créature, qui semble se comporter comme un enfant déjà en âge de parler.

L’Africain, entre homme et animal

11 Le projet de Bindman, préoccupé lui aussi par la frontière homme/animal, est différent des trois autres, car il est à la fois plus ciblé et plus théorique : l’auteur tente de restituer la complexité des discours portés par David Hume, Emmanuel Kant, Johann Kaspar Lavater, Johann Joachim Winckelmann, Johann Friedrich Blumenbach et Johann Gottfried von Herder sur les limites de l’animalité et de l’humanité au regard du surgissement d’un être vivant alors incertain : l’Africain. À l’ère des grandes expéditions scientifiques australes, la diversité des créatures divines s’accroissait et exigeait un maillage complexe qui n’était pas exempt de zones troubles, révélatrices de la difficulté à penser l’humanité dans une telle variété morphologique et sociétale. Plusieurs solutions s’offrirent aux philosophes et aux naturalistes d’alors : Kant, dans Des différentes races humaines (1775), réaffirma le monogénisme chrétien grâce à la notion de race, car, mieux que celle de variété, dont le mouvement est réversible, elle permettait d’affirmer que la diversité humaine – essentiellement liée à la couleur de la peau à ses yeux – découlait du milieu (climat, nourriture…), même si elle se fixait en nature. Bindman démontre bien que la réhabilitation du monogénisme par Kant ouvrit la voie à un basculement du Noir, malgré sa différence notoire, du côté de l’homme (BINDMAN, 2002, p. 151-158). Herder, quant à lui, ostensiblement anti-kantien, plaça l’homme entre l’ange et la bête dans Une nouvelle philosophie de l’histoire (1774) et intégra d’entrée l’Africain dans cette humanité intermédiaire, malgré son sensualisme proche de l’animal. Samuel Thomas van Sömmerring approfondit cette idée dans Über die körperliche Verschiedenheit des Nägers vom Europäer (1784) en expliquant que cette ressemblance du « Nègre » et du primate « n’est rien de plus qu’une indication de la parenté physique de l’homme en général et du singe, et des caractéristiques communes à toutes les créatures vivantes »8.

12 Cette maturation lente de la place de l’Africain dans la théorisation de la chaîne des êtres vivants aboutit, dans le livre de Bindman, à un déplacement de la question liée à l’animalité de l’Africain vers une autre question, qui découle elle aussi de l’altérité. Cette nouvelle interrogation portait non pas sur l’essence du Noir, mais sur sa beauté, compte tenu du fait que la blancheur caucasienne, dans les écrits de Blumenbach (De l’unité du genre humain et de sa variété, 1795), constituait une valeur morale et un idéal

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physique suprêmes et universels. Déclassant les critères civilisationnels d’usage (les peuples sans écriture, sans vêtement, sans sciences, sans arts…), Blumenbach érigeait la couleur de la peau en un symptôme de moralité et en un critère absolu de l’échelle des hommes (BINDMAN, 2002, p. 201). Là où il semblait évacuer le discours bestialisant du Noir, il ouvrait la voie à un autre registre de dénigrement : le registre esthétique, tout aussi ostracisant. Ainsi, Bindman montre à quel point la connaissance de l’homme des points de vue de l’art, du naturalisme, et de la philosophie participent d’une aventure culturelle et intellectuelle indivise, et à quel point cette aventure interroge les limites de l’homme, placé entre l’ange et la bête. Ape to Apollo donne, me semble-t-il, un sens élargi à ce champ que Baridon, Guédron, Kalof et Kemp informent sur le plan des textes et des images.

1800, la bascule ?

13 Le livre de Kalof, préoccupé du regard et du traitement que l’homme réserva aux animaux, implique peu l’énonciation visuelle et recourt aux images dans le but d’illustrer un propos sur la représentation au sens large. L’auteur n’en avait pas l’intention et il serait inopportun de le lui reprocher ; néanmoins, ce manque rend d’autant plus nécessaire la lecture du catalogue d’exposition de Baridon et de Guédron, définitivement du côté des images et de leur modalité d’expression. Au regard de celui- ci, et à défaut de l’exposition elle-même, il paraît évident que les ressources animalières des artistes se développèrent considérablement au XIXe et au XXe siècles, période qui ne paraît pas avoir eu son pareil en termes de diversité des fonctions symboliques des animaux, dans la gravure, la peinture, la sculpture, puis la photographie et le cinéma. Aussi, le XVIIIe siècle paraît-il plus pauvre comparativement. Ceci conduit Guédron à mettre l’accent sur la décennie allant de 1797 à 1807, qui voit se succéder l’exposition des dessins comparatifs de Le Brun au Muséum, l’édition française des Fragments physiognomoniques de Lavater en 1806, et la réédition en 1807 de la conférence de Le Brun, La physionomie humaine et animale, accompagnée de cinquante-huit planches d’après ses dessins originaux. Même si Bindman (BINDMAN, 2002, p. 96) souligne que Lavater avait souhaité rompre avec l’exemple de Giambattista della Porta et de Le Brun, en émancipant la physiognomonie du détour par l’animal, cette « science » participa du caractère débridé de la caricature révolutionnaire, qui piocha abondamment dans le réservoir animalier. Dans ce domaine, un florilège particulièrement éloquent, publié dans Hommeanimal, montre les ressources nouvelles de la satire sociale et politique, qui recourut à une ménagerie nombreuse, dotée par la culture populaire d’un large éventail d’attributs caractériels.

14 Cette conjoncture, parallèle aux travaux pré-évolutionnistes sur les théories transformistes d’un Jean-Baptiste de Lamarck, créa-t-elle les conditions d’un tournant dans la perception du monde animal ? Et les artistes furent-ils les premiers à lever définitivement les ultimes barrières de la frontière, toujours mouvante, de l’homme et de l’animal ? Quoi qu’il en soit, les possibilités de travestissement et de détournement de l’homme, croqué en dindon, en singe, en paon, en âne, en cochon, en chat… soit par hybridation, soit par anthropomorphisme desdites bêtes, soit encore par zoomorphisme des humains, alimentèrent une production à nulle autre pareille sur le plan de l’imagination. Morales, immorales, drôles, tendres ou encore difficilement soutenables dans leur étrangeté, les animaleries depuis J. J. Grandville servent une

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multitude de propos, qui renforce le choix chronologique de Guédron. Ainsi, autour de 1800, une chape de plomb fut levée et l’arche de Noé sortit de la boîte de Pandore, si la fantaisie et l’hétérogénéité du corpus autorisent à s’exprimer ainsi.

15 Force est de constater que la spécificité de la relation homme/animal au XVIIIe siècle repose sur un décalage entre les enjeux des discours naturalistes et philosophiques, d’une part, et les ambitions des images, encore peu enclines à énoncer la complexité de la filiation des animaux et des hommes, d’autre part. Il semble que l’animal se donne à voir, jusqu’à Camper, seulement sous la forme convenue d’objet du regard de l’homme, et non comme partenaire dans une relation dynamique d’espèce à espèce. Dans la restitution du XVIIIe siècle qui nous est livrée par la lecture de ces quatre livres – plus complémentaires que contradictoires, d’ailleurs –, la chaîne des êtres vivants n’est pas investie en images avant la toute dernière décennie du siècle. Aussi s’interroge-t-on sur le fait que ces images sont encore à retrouver, à publier et à commenter. Et, si le corpus visuel est toujours en cours d’élaboration, il semble également que les œuvres connues peuvent susciter encore de nombreuses interprétations : qu’en est-il, par exemple, des singes-peintres de Chardin dans une perspective pré-évolutionniste ? Enfin, doit-on envisager que l’image s’empara expressément de cette question fondamentale des relations biologiques et culturelles de l’homme et de l’animal seulement après 1800 ?

NOTES

1. Le huitième congrès annuel américain consacré aux études animales aura lieu à New York début avril 2010, alors que le premier congrès européen du même ordre aura lieu fin avril 2010, à Liverpool. 2. Brower, professeur à York University à Toronto, est spécialiste de photographie animale au XIXe siècle et Baker, professeur émérite à Lancaster, est l’auteur de The Postmodern Animal, (Chicago, 2000). L’un et l’autre travaillent sur la période contemporaine et, par conséquent, n’entraient pas dans le projet de cet article. 3. Petrus Camper, Dissertation sur les variétés naturelles qui caractérisent la physionomie des hommes des divers climats et des différents âges suivie de Réflexions sur la Beauté, particulièrement sur celle de la tête, avec une manière nouvelle de dessiner toute sorte de tête avec la plus grande exactitude, Paris, 1791 (traduction de Jansen la même année que sa parution originale en hollandais). 4. Michel de Montaigne, Essais, 1569, livre II, chapitre 12. 5. La Mettrie, L’homme machine, Paris, Henry, (1747) 1865, p. 139-140. 6. Georges-Louis Leclerc de Buffon, Histoire naturelle générale et particulière avec la description du cabinet du Roy, Paris, 1749-1789, vol. IX, p. 9. 7. Œuvres complètes de Diderot, Paris, 1875, vol. VI, p. 108-109 [éd. orig. : Jacques le fataliste et son maître, Paris, 1796].

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8. Bindman résume la pensée de Sömmerring comme suit : « This resemblance is nothing more than an indication of the physical closeness between man in general and ape, and of the common features of all living creatures » (BINDMAN, 2002, p. 175).

INDEX

Keywords : animal studies, physiognomy, hybridization, anthropomorphism, objectification, evolution, hunting, animality Mots-clés : animal studies, physionomie, hybridation, anthropomorphisme, objectification, évolution, chasse, animalité Index géographique : Angleterre, Oxford, Londres Index chronologique : 1500, 1600, 1700, 1800, 1900

AUTEURS

ANNE LAFONT INHA/Université Paris-Est Marne-la-Vallée

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Adolph Menzel rechargé Adolph Menzel reconsidered

Gregor Wedekind

RÉFÉRENCE

Adolph Menzel – radikal real, Bernhard Maaz éd., (cat. expo., Munich, Kunsthalle der Hypo-Kulturstiftung, 2008), Munich, Hirmer, 2008. 239 p., fig. en n. et b. et en coul. ISBN : 3-7774-4175-7 ; 39,90 € (épuisé). Claude Keisch, Marie Ursula Riemann-Reyher éd., Adolph Menzel. Briefe, (Quellen zur deutschen Kunstgeschichte vom Klassizismus bis zur Gegenwart, VI), 4 vol., Berlin/Munich, Deutscher Kunstverlag, 2009. 1 784 p., 344 fig en n. et b. ISBN : 3-422-06740-0 ; 148 €). Menzel in Dresden, Petra Kuhlmann-Hodick, Tobias Burg éd., (cat. expo., Dresde, Kupferstichkabinett Staatliche Kunstsammlungen, 2005), Berlin/Munich, Deutscher Kunstverlag, 2005. 262 p., fig. en n. et b. et en coul. ISBN : 3-422-06590-3 ; 39,90 €. Menzel und Berlin. Eine Hommage, Sigrid Achenbach éd., (cat. expo., Berlin, Kupferstichkabinett Staatliche Museen zu Berlin, 2005), Berlin, G + H, 2005. 192 p., fig en n. et b. et en coul. ISBN : 3-931768-84-8 ; 39,80 € (épuisé). Jörg Probst, Adolph von Menzel – Die Skizzenbücher. Sehen und Wissen im 19. Jahrhundert, (Humboldt-Schriften zur Kunst-und Bildgeschichte, II), Berlin, Gebr. Mann, 2005. 204 p., 83 fig. en n. et b. ISBN : 3-7861-2390-X ; 35,50 €.

1 Les grandes rétrospectives sur l’œuvre d’un artiste constituent des jalons pour la connaissance de l’art. Toutefois, si elles replacent la plupart du temps la recherche sur de nouvelles bases, elles peuvent également entraîner sa paralysie temporaire, dans la mesure où le champ apparaît dans son sillage inévitablement et fortement rebattu. En jetant un regard rétrospectif, on se rend compte que l’exposition monographique Menzel 1815-1905, « la névrose du vrai » (1996-1997) 1 a eu ce double effet. C’est à cette occasion que l’œuvre de l’artiste fut enfin libéré du cadre étroit dans lequel la guerre froide l’avait enfermé. Avec la réunification des fonds autrefois dispersés de part et d’autre du mur, l’accès de Menzel au rang de peintre universel fut incontestable et le rayonnement que l’artiste avait déjà connu de son vivant, et qui lui avait échappé au

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cours du XXe siècle tumultueux, redevint perceptible. On assista ainsi au dépassement de cette régionalisation que la partition de l’Allemagne avait signifié de facto pour la recherche sur Menzel. Lors de ses étapes à Paris et à Washington, avant de se conclure à Berlin, l’exposition offrit aux publics français et américain la possibilité de découvrir d’un œil neuf cet artiste. Les Français, en particulier, furent frappés par le fait que Menzel avait régulièrement participé aux expositions universelles à Paris, où il avait même eu droit à une exposition monographique en 1885, sans oublier que son œuvre avait déjà été présenté de manière exhaustive dans un article en deux parties d’Edmond Duranty paru dans la Gazette des Beaux-Arts en 18802. Grâce à l’exposition de 1996-1997, Menzel a repris sa place parmi les dessinateurs les plus talentueux de l’histoire de l’art, et parmi les personnalités indépendantes et originales qui ont accompagné la modernité artistique, ce que le colloque international organisé à cette occasion a aussi permis d’éclairer de manière notoire3.

2 L’impulsion donnée par l’exposition de 1996-1997 a d’abord conduit l’historien de l’art américain Michael Fried à publier Menzel’s Realism. Art and Embodiment in Nineteenth- Century Berlin4. L’ouvrage offre le charme d’un regard extérieur, d’un texte dont l’auteur se soucie peu des conventions académiques. Fried met en scène sa passion nouvellement conçue pour l’œuvre du peintre berlinois, petit et bourru, comme un geste de tendresse idiosyncrasique, et tient compte de la recherche uniquement dans la mesure où celle-ci ne s’oppose pas à son approche inspirée. Avant Fried, on bénéficiait déjà d’études sérieuses de l’art de Menzel dans le monde anglo-saxon grâce aux écrits de Peter Paret et surtout aux articles du professeur et historienne de l’art allemande Françoise Forster-Hahn, qui résidait depuis plusieurs décennies aux États-Unis5. La rupture que représente l’ouvrage de Fried ne réside donc pas dans le fait qu’un auteur américain écrive sur cet artiste allemand, mais dans le fait que l’un des grands spécialistes de l’art français des XVIIIe et XIXe siècles s’intéresse désormais à un artiste allemand, introduisant ainsi un déplacement de perspective : les jours d’une histoire du modernisme entièrement focalisée sur la France sont désormais comptés.

3 Les ouvrages récemment publiés s’inscrivent dans le sillage de l’exposition de 1996, tout en cherchant à apporter un renouveau. Leur analyse comparée permet de mesurer l’apport réel de chacun et de dégager les questions qui restent encore à explorer.

Menzel et Berlin

4 Face au large panorama dressé par l’exposition de 1997, les cabinets d’arts graphiques (Kupferstichkabinette) de Berlin et de Dresde choisirent, à l’occasion du centenaire de la mort de Menzel en 2005, de mettre l’accent sur les rapports de l’artiste avec chacune de ces deux villes. Berlin, où la famille du peintre, originaire de Breslau, avait déménagé et où seulement deux années plus tard, après la mort de son père, Menzel dut reprendre, à l’âge de 16 ans, l’atelier de lithographie familial afin de pourvoir aux besoins de sa mère et de ses frères et sœurs, fut pendant presque soixante-quinze ans son lieu privilégié de vie et de création. Il se développa entre Berlin et le peintre une singulière relation de symbiose. Menzel fut témoin des grands bouleversements du XIXe siècle, qui s’y succédèrent à un rythme intense. Au cours de ce siècle, la ville connaît en effet une explosion démographique qui s’accompagne de la transition politique d’une Prusse encore à moitié féodale vers une société de plus en plus industrialisée, et enfin par la consécration de la ville comme capitale de l’empire allemand et en voie de devenir

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l’une des grandes métropoles du XXe siècle. Menzel devint à la fin de sa vie une sorte de symbole pour la ville. La haute considération qui lui fut manifestée – l’exposition de sa dépouille à l’Altes Museum de Berlin, puis ses grandioses funérailles publiques – eut un coût : celui de son établissement comme bouffon de la cour et original berlinois ainsi que celui de la classification durable de ses œuvres comme peinture officielle au service des Hohenzollern. Pour l’exposition de 2005, Le Kupferstichkabinett de Berlin a saisi le rôle de la ville dans le processus de création de Menzel et chercha à l’exprimer par la présentation d’un choix de dessins, de pastels, de gouaches, de quelques peintures et d’autres travaux graphiques. Le catalogue s’ouvre par une courte introduction de Sigrid Achenbach qui, ayant succédé à Ursula Riemann-Reyher, gère les riches collections du cabinet d’arts graphiques de Berlin. La conservatrice, qui avait déjà participé en 1984 à l’inventaire des dessins et estampes du fonds de Berlin-Ouest, a été en outre chargée des 201 notices du catalogue, ordonnées non par genre ou médium, mais selon les thèmes abordés dans l’exposition. À la présentation du cercle du peintre succède le chapitre « Histoire et Littérature » qui, pour l’essentiel, est dédié aux Fridericiana, soit aux œuvres ayant pour sujet Frédéric le Grand (Menzel und Berlin..., 2005, p. 48-91). Un autre chapitre, « Explorations du présent », met en lumière la perception qu’avait Menzel de la ville, de la vie en société et du monde du travail (p. 92-166). En fin d’ouvrage sont reproduits les modèles d’un service de table exécuté par la Königliche Porzellan-Manufaktur, dont le décor avait été réalisé par Menzel en 1882 sur commande du prince héritier et de son épouse. Si l’exposition et le catalogue ont finalement peu renouvelé la connaissance et l’analyse du rapport de Menzel à Berlin, ils ont su exploiter ce thème pour présenter les fonds du Kupferstichkabinett selon un aperçu riche et pertinent, et par là même ont fait ressortir la grande diversité technique, artistique et thématique de la production de l’artiste.

Menzel et Dresde

5 De même, l’exposition Menzel in Dresden n’aurait pas été possible sans les prêts accordés par le Kupferstichkabinett de Berlin. Pour la première fois fut rassemblé de manière systématique le matériau iconographique qui relie Menzel à la ville sur l’Elbe. Il s’agit pour l’essentiel d’études et d’esquisses que Menzel réalisa au cours de ses nombreuses visites. La présentation fait apparaître clairement à quel point l’intérêt du peintre s’est porté sur de nouveaux objets à l’occasion de chaque séjour. Ainsi, lors du premier voyage à Dresde en 1840, il se concentra sur l’architecture de la capitale saxonne dans l’objectif pratique d’étudier les lieux où s’étaient déroulés les épisodes historiques de la cour du prince-électeur de Saxe, en vue d’illustrer la Geschichte Friedrichs des Grossen de Franz Kugler (Leipzig, 1842). Lors de voyages plus tardifs, Menzel s’attacha à retranscrire le délabrement des architectures baroques, puis la sculpture ornementale, avant de se passionner pour les riches collections historiques de la Rüstkammer (cabinet des armures), pour les costumes de l’époque d’Auguste-le-Fort et pour les joyaux du Kunstgewerbemuseum (musée des arts décoratifs). Le catalogue rassemble également plusieurs courts essais qui abordent le sujet selon des axes variés. Que ce thème puisse aussi revêtir une dimension politique apparaît clairement dans l’introduction de Werner Schmidt, « Preussische Sicht und künstlerischer Geist. Menzel und Dresden » (Menzel in Dresden, p. 15-27). Directeur du Kupferstichkabinett de Dresde depuis 1958, Schmidt fut le principal chercheur à s’intéresser à Menzel durant la

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période de la RDA. Il a tiré profit de l’exposition de 2005 pour régler ses comptes avec la Prusse (ainsi qu’avec Berlin, ancien siège du pouvoir socialiste), qu’il taxe de « despotique, expansionniste, agressive, démagogique, cynique et misogyne », et à laquelle il oppose une perspective dresdoise orientée vers l’épanouissement des arts et des sciences. D’après Schmidt, les remarques critiques du Berlinois Menzel à l’encontre de Dresde sont attribuables à ses préjugés prussiens, qu’il aurait cependant réussi à surmonter lors de l’exécution de ses œuvres, traduisant l’essence de la Saxe par des formes d’une grâce dansante, d’un charme débordant et d’une vibrante joie de vivre. À l’encontre de cette approche réductrice et chauvine, il faut objecter que Menzel n’était ni prussien de naissance, ni saxon dans l’âme, mais silésien, comme beaucoup de Berlinois. Un examen des rôles respectifs du baroque et du rococo dans l’art de Menzel, considérés indépendamment des conflits saxon-prussiens, attend donc toujours une réactualisation globale. Il faudrait en outre prendre en compte non seulement la fascination de Menzel pour le baroque architectural de Saxe, de Silésie et d’Allemagne du Sud, mais également celle qu’il voue à la peinture de Peter Paul Rubens, ou encore d’Antoine Watteau ou d’Antoine Pesne.

6 Le catalogue propose pour la première fois un dossier complet des études préparatoires et des esquisses de la dernière grande toile de Menzel, Die Piazza d’Erbe in Verona (1884, Dresde, Staatliche Kunstsammlungen), en possession des musées de Dresde depuis 1905. Le procédé de Menzel, qui combinait des fragments de réalité croqués sur le vif et fixés sous la forme d’esquisses, puis assemblés au sein d’une composition finale, lui attira au début du XXe siècle, justement à propos de ce tableau, la réprobation de personnalités comme Hugo von Tschudi et Julius Meier-Grafe. On lui reprochait de s’adonner à un art de l’assemblage, au risque de se perdre dans une frénésie de détails et une recherche de la virtuosité au détriment de l’harmonie du coloris et de l’unité de la composition. Le verdict concerne tout l’œuvre tardif du peintre, auquel on a reproché les impressions colorées et libres des esquisses à l’huile des années 1840 dites « impressionnistes ». C’est seulement ces dernières années que ce jugement a été corrigé. Les prémices de cette révision ont été inaugurées par Werner Busch dans sa monographie Adolph Menzel. Leben und Werk6, courte mais de grand intérêt, dans laquelle il interprète les incohérences spatiales et le caractère recomposé de la Piazza d’Erbe comme une adaptation esthétique de la foule perçue comme une vérité grotesque. Le catalogue de 2005 se rattache directement à cette analyse. Dans « Die Piazza d’Erbe in Verona. Ein Blick in Adolph Menzels Atelier » (Menzel in Dresden, 2005, p. 115-131), Petra Kuhlmann- Hodick oppose au discrédit latent de l’œuvre tardif une analyse précise du processus d’élaboration de la Piazza d’Erbe, montrant notamment l’utilisation d’études particulières de modèles et leur transformation, au cours de l’exécution de l’œuvre, en types généraux. Elle révèle ainsi que Menzel ne succomba en rien à une obsession du détail réaliste, mais calcula l’effet du tableau en fonction des caractéristiques propres au sujet représenté.

Les carnets de croquis

7 Les carnets de croquis de Menzel sont au centre de l’ouvrage de Jörg Probst, qui a le mérite de faire de ce matériau, pour la première fois, l’objet d’une investigation scientifique globale. Soixante-dix-sept de ces carnets, issus des années 1835 à 1903, nous sont parvenus. Menzel lui-même les conservait à part, respectant leur unité en

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tant que genre particulier. Probst ne recense pas la totalité des 4 000 feuillets tel un « comptable », mais propose plutôt un choix de motifs caractéristiques et d’« exemples- types » qui traversent toutes les périodes de la production du peintre. Si l’on en croit le sous-titre de son livre, Sehen und Wissen im 19. Jahrhundert, il aimerait leur attribuer le rapport changeant du voir et du savoir au XIXe siècle, et les analyse au moins comme « représentatifs du changement de la perception » (PROBST, p. 8). L’auteur cherche ainsi à rompre avec la lecture habituelle de ces carnets comme des journaux intimes, voyant plutôt dans les techniques qui y sont appliquées des « instruments et formes de savoir » relevant d’une « optique scientifique » (p. 183). L’auteur considère les dessins de Menzel comme du « dessin technique », les rapprochant ainsi de la « recherche d’indices comme technique culturelle d’un nouveau genre au XIXe siècle », et affirme, en raison de l’intérêt perceptible du peintre pour les détails, que « par son ambition analytique Menzel annonce Warburg » (p. 27). La comparaison des esquisses de Menzel avec les photographies de la police d’un Adolphe Bertillon est un exemple clair de l’application des thèmes du discours historiographique actuel au cas de Menzel, même si de tels rapprochements ne sont pas toujours plausibles et ne supportent pas forcément une analyse critique. Il ne peut en effet être question chez Menzel de standardisation comparable à celle pratiquée par Bertillon dans ses photographies du visage humain. Les points de vue en biais chez Menzel, et les cadrages excentriques des figures humaines et des physionomies mettent en valeur des aspects psychologiques et sont chargés de sens, autant d’éléments laissés à l’écart dans l’analyse de Probst. De même, utilisation systématique par l’auteur d’expressions clés telles que « les images comme formes de savoir », « le voir comme savoir en transformation », « la perception devenant recherche » – comme s’il s’agissait d’invoquer des mantras – reste en deçà du niveau d’expression propre à l’auteur. En fin de compte l’étude ne donne pas de réponse claire à la question de savoir dans quelle mesure la science et l’art au XIXe siècle, dans leurs contacts éventuels, ont servi les mêmes buts et les mêmes intérêts. La vision des choses de Menzel est renvoyée tour à tour au positivisme scientifique d’un Hermann von Helmholtz et à la vision pessimiste du monde d’un Arthur Schopenhauer. Bien que les deux hypothèses soient défendables, l’auteur ne dépasse pas ici le stade des vagues allusions. Toutefois, avec son recours analytique aux phénomènes de perception enfouis dans les carnets de croquis, l’étude de Probst est propice à redynamiser et enrichir la discussion stagnante sur le réalisme chez Menzel.

2008 versus 1997

8 Si l’ouvrage de Probst illustre les écueils des nouvelles approches, mais aussi leur intérêt potentiel, le catalogue de l’exposition Adolph Menzel – radikal real (Munich, Hypo- Kulturstiftung, 2008) montre au contraire à quel point il est difficile de renouveler l’analyse en partant de l’exposition de 1997. Cette manifestation fut motivée par le souhait de montrer, pour la première fois à Munich, où Menzel se rendit à quatorze reprises, son œuvre de manière plus exhaustive. Là encore, on a pris soin de placer les carnets de croquis au cœur de la manifestation. La totalité des soixante-dix carnets de croquis conservés au Kupferstichkabinett de Berlin (qui ne dépassent pas la plupart du temps 10 x 7 cm) a été restaurée et numérisée à cette occasion, et une partie d’entre eux a été présentée au public. L’objectif de l’exposition était justement « de regarder par dessus l’épaule de l’artiste, de rendre parlants le devenir et l’accroissement de ses

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carnets de croquis, de ses feuillets et de ses tableaux » (Adolph Menzel..., 2008, p. 6). C’est pourquoi ses compositions historiques et son œuvre gravé n’ont pas été retenus, contrairement à d’autres parties de sa production, dont des aquarelles et des toiles.

9 L’invention d’idées et de formes devait être au cœur de l’exposition de 2008, afin d’apporter une réflexion renouvelée sur la question fondamentale de l’appropriation par Menzel de la réalité et de sa capacité à l’organiser d’après ses notes. Cependant, la réponse du catalogue – dans lequel le réalisme de Menzel est présenté comme l’expression d’une authenticité véridique ne pouvant se réduire ni à une critique sociale ni à une description naturaliste –, paraît redondante face à la recherche déjà menée dans ce champ. La contribution de Claude Keisch fait néanmoins figure d’exception : dans « Tage und Werke – Zeitpunkte und Zeiträume bei Menzel » (p. 24-34), l’auteur analyse la signification des indications temporelles précises – soit le mois, le jour ou l’heure – qui apparaissent parfois dans les œuvres de Menzel. La considération de ces éléments, généralement jugés secondaires, pousse Keisch à souligner l’ambiance particulière d’un moment donné, ce qui ouvre la voie à de nouvelles interprétations des tableaux. Grâce à l’observation de cette temporalité, qui se réfléchit de manière immanente dans l’œuvre de Menzel, l’analyse de Keisch – dont l’intelligence sensible se rapproche de celle de Menzel – éclaire des aspects de la perception comme la prise de conscience d’un lointain infranchissable ou la conception picturale d’une durée distendue perceptible dans l’œuvre tardif.

Les lettres de Menzel

10 La récente édition des lettres d’Adophe Menzel prouve la manière particulière dont fut concrétisée l’impulsion de 1997. Les deux éditeurs, Claude Keisch et Ursula Riemann- Reyher, s’étaient déjà occupés, il y a douze ans, du catalogue de cette exposition. Dans la publication de 2009 se matérialise, de manière toujours admirable, leur connaissance intime de la vie et de la production de Menzel. Environ 1 900 lettres de la main de Menzel et à peu près 250 missives qui lui furent adressées sont transcrites dans trois volumes et commentées en notes pour les passages les plus délicats. L’édition est complétée par un quatrième volume consacré au catalogue exhaustif des lettres, de même qu’aux illustrations et à plusieurs annexes. La totalité des lettres de Menzel connues à ce jour est ainsi présentée, parmi lesquelles des ensembles modestes de correspondances publiées de façon ponctuelle surtout dans la première moitié du XXe siècle. Étant donné la fréquence des lettres de Menzel sur le marché de l’art et des autographes, les éditeurs tablent également dans le futur sur la découverte de nouveaux fonds qui pourraient nourrir la publication d’un volume supplémentaire. L’édition actuelle, organisée chronologiquement, rassemble les genres épistolaires les plus variés, tels que les lettres d’amis ou de la famille, la correspondance professionnelle ou mondaine, ou encore des messages lapidaires (cartes postales, cartes de visite et télégrammes). Des impressions et des remarques critiques sur l’art et les artistes côtoient ses rapports de voyage, des informations sur la progression de ses propres travaux ou, plus généralement, sur des événements de la vie artistique à Berlin et ailleurs. À travers ces lettres, bien que souvent de manière indirecte, la biographie intellectuelle de Menzel prend sens. On ne peut, bien sûr, les comparer à la valeur des lettres d’un Van Gogh ; Menzel n’était pas du genre à s’exprimer et à exposer ses sentiments et ses pensées les plus intimes, pas dans ses lettres du moins. Tout ce qui

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n’est pas de l’ordre du simple et sobre message est chez lui exprimé par des pointes d’humour, des plaisanteries ambiguës, des calembours, des arabesques ou des fioritures, des exclamations, ou des phrases toutes faites, sans compter une propension à utiliser abondamment les signes de ponctuation. La qualité visuelle de ces écrits provient certes des esquisses jetées rapidement sur le papier, que l’artiste insérait de temps à autre entre les lignes, mais avant tout de son graphisme, pensé autant comme une image en soi que comme un ornement. Même après cette édition, les récits de ses contemporains et de ses compagnons de route tels que Paul Meyerheim et Ottomar Beta constituent, en l’absence de nouveaux témoignages personnels, un complément notoire pour la compréhension de l’artiste. L’édition des lettres propose une telle abondance d’informations nouvelles qu’elle devrait fertiliser la recherche sur Menzel pendant encore de nombreuses années. Elle donne à voir comment l’horizon de ce génie du XIXe siècle se manifeste, encore une fois de façon incomparable, dans sa diversité la plus éclatante, de même qu’elle montre les frontières entre lesquelles il a su avancer à grands pas.

11 Autant la recherche sur Menzel s’est étoffée ces dernières années, attirant notamment une nouvelle génération de chercheurs, autant de nombreux aspects de son œuvre restent encore dans l’ombre. Citons à titre d’exemple sa relation à l’art français, dont l’étude s’est limitée jusqu’à présent, comme pour nombre d’autres sujets, à des recherches ponctuelles limitées à certaines œuvres. L’analyse globale des impressions de Menzel lors de ses trois voyages à Paris, sa confrontation à la grande ville, sa réponse à des contemporains comme Manet, Degas, Delaroche, Gérôme, Monet et Meissonier, et sa réception de l’art français du XVIIIe siècle, pourrait, entre autres, constituer la base d’une belle exposition.

NOTES

1. Menzel, « la névrose du vrai », Claude Keisch, Ursula Riemann-Reyher éd., (cat. expo., Paris, Musée d’Orsay/Washington, National Gallery of Art/Berlin, Nationalgalerie im Altes Museum, 1996-1997), Paris, 1996 ; éd. all. : Adolph Menzel 1815-1905. Das Labyrinth der Wirklichkeit, Claude Keisch, Ursula Riemann-Reyher éd., Cologne, 1996. 2. Edmond Duranty, « Adolphe Menzel (1 er article) », Gazette des Beaux-Arts, 21/1, 1880, p. 201-217 et 22/7, 1880, p. 105-124. 3. Thomas W. Gaehtgens, Claude Keisch, Peter-Klaus Schuster éd., Adolph Menzel. Im Labyrinth der Wahrnehmung, (colloque, Berlin, 1997), (Jahrbuch der Berliner Museen, 41), Berlin, 1999 (2002). 4. Michael Fried, Menzel’s Realism. Art and Embodiment in Nineteenth-Century Berlin, New Haven, 2002. 5. Voir Françoise Forster-Hahn, « Adolph Menzel’s ‘Daguerreotypical’ Image of Frederick the Great: A Liberal Bourgeois Interpretation of German History », dans Art Bulletin, 59/3, 1977, p. 242-261 ; idem, « Authenticity into Ambivalence: The Evolution of Menzel’s Drawings », dans Master Drawings, 16/3, 1978, p. 255-283 ; idem, « Public Concerns – Private Longings: Adolph Menzel’s Studio Wall », dans Art History, 25/2, 2002, p. 206-239. 6. Werner Busch, Adolph Menzel. Leben und Werk, Munich, 2004.

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INDEX

Keywords : realism, modernism, Kupferstichkabinett, lithography, baroque, rococo, impressionism, perception Mots-clés : réalisme, modernisme, Kupferstichkabinett, lithographie, baroque, rococo, impressionisme, perception Index géographique : France, Allemagne, Paris, Berlin, Munich, Dresde, Silésie, Washington, États-Unis Index chronologique : 1800, 1900, 2000

AUTEURS

GREGOR WEDEKIND , Johannes Gutenberg-Universität

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Courbet, 2007 Courbet, 2007

Pierre Georgel

RÉFÉRENCE

Gustave Courbet, Laurence des Cars et al. éd., (cat. expo., Paris, Galeries nationales du Grand Palais/New York, The Metropolitan Museum of Art/Montpellier, Musée Fabre, 2007-2008), Paris, Réunion des musées nationaux, 2007. 480 p., 500 fig. en n. et b. et en coul. ISBN : 978-2-7118-5297-0 ; 49 € (disponible en version anglaise). Petra ten-Doesschate Chu, The Most Arrogant Man in France: Gustave Courbet and the Nineteenth-Century Media Culture, Princeton/Oxford, Princeton University Press, 2007. 248 p., 88 en n. et b. et 49 en coul. ISBN : 978-0691126791 ; $45. Ségolène Le Men, Courbet, (collection Les Phares), Paris, Citadelles & Mazenod, 2007. 400 p., 300 fig. en n. et b. et en coul. ISBN : 978-2-85-088247-0 ; 184 €. Thomas Schlesser, Réceptions de Courbet : fantasmes réalistes et paradoxes de la démocratie (1848-1871), (collection Œuvres en sociétés), Dijon, Les presses du réel, 2007. 348 p., 28 fig. en n. et b. ISBN : 978-2-84066-204-4 ; 24 €.

Un catalogue plus copieux que substantiel

1 À en croire l’introduction du catalogue de l’exposition du Grand Palais (Gustave Courbet, 2007), le temps ne serait plus aux « lectures renouvelées et audacieuses », ou encore « habiles et controversées », vouées « depuis trente ans » à l’art, à la pensée et à la carrière de Courbet – à savoir celles produites depuis le feu roulant de trouvailles et d’hypothèses de l’exposition de 19771, soit trois ans après le livre proprement fondateur de Timothy J. Clark2, ainsi renvoyé dans les ombres de la préhistoire. Certes, les organisateurs en conviennent, le bouillonnement intellectuel qui s’ensuivit a utilement « nourri et conduit [leur] propre réflexion », mais « le brio du propos » s’y exerçait aux dépens de « la place singulière de [la] peinture » de l’homme d’Ornans, qu’il « a parfois conduit à faire oublier » (Gustave Courbet, 2007, p. 16-17). Retour donc aux bonnes

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vieilles méthodes : « Nous avons moins cherché ici à formuler de nouvelles hypothèses que de [sic] replacer la peinture de Courbet dans son temps » (p. 16).

2 Pourquoi pas ? Définir « la place singulière » de Courbet dans le panorama de « l’art des anciens et l’art des modernes »3 – comme il en esquissait lui-même l’exemple dans sa profession de foi de 1855 – était un parti original par rapport à la rétrospective de 1977, comme à celles qui suivirent. Original et opportun, tant la connaissance particulière de Courbet comme la connaissance générale de l’art de « son temps » ont progressé depuis lors et appellent une confrontation actualisée. Ajoutons que c’était un parti difficile à concrétiser, ce qui supposait à la fois une représentation équitable de l’œuvre dans ses multiples dimensions et un dispositif le rapportant effectivement à ses « corrélats » contemporains – et si possible passés –, chose plus praticable dans un livre que sur des murs.

3 Or l’exposition ne remplissait pas vraiment la première de ces conditions et pas du tout la seconde. De l’œuvre même, d’une variété si réfléchie, avec son savant partage entre registres public et privé, sujets « sociaux » et « naturels », tableaux vedettes défiant la polémique et production ordinaire (mais point banale) destinée aux amateurs, elle donnait une vue assez complète jusqu’au tournant de 1857 – hélas au prix fort, vu les dégâts dus au transbordement du Musée d’Orsay au Grand Palais d’Un enterrement à Ornans (1849-1850) et de L’atelier du peintre (1854-1855), dont témoignèrent longtemps après leur retour les soulèvements de leur couche picturale offerts en spectacle aux visiteurs –, puis après 1870, encore que le travail « alimentaire » d’atelier qui tient alors tant de place dans la production signée « Courbet » ait été systématiquement écarté. En revanche, l’image de la période intermédiaire, correspondant en gros à la seconde décennie du second Empire, était nettement – et, sans aucun doute, sciemment – déséquilibrée. Prenant acte de l’« élargissement conscient des registres » (p. 300) et de l’indiscutable prédominance de sujets « gratuits » qui caractérisent ces années relativement sereines, la sélection faisait, à juste titre, ample place aux paysages, portraits, nus et scènes de chasse, ainsi qu’aux étranges « figures en tableaux » de 1865-1866, si proches de la « peinture pure » d’un Whistler, mais occultait complètement la veine critique persistante des mêmes années, mal aimée, mal comprise, mal connue même, urgente à redécouvrir pour saisir l’intime articulation entre nature et progrès qui est au fondement de la « philosophie » de Courbet et de son idée d’un « art démocratique » : la veine fort peu « moderne » de l’Aumône d’un mendiant (1868, Glasgow, Art Gallery and Museum), du Retour de la conférence (1863, aujourd’hui détruit mais qu’on aurait pu évoquer par son esquisse ; Bâle, Kunstmuseum), et autres « tableaux nouveaux bien sentis et socialistes », selon la formule sans équivoque utilisée par Courbet pour les désigner – dans une lettre exactement contemporaine des visions intemporelles de Femme à la vague (1868, New York, The Metropolitan Museum of Art) ou du Chevreuil chassé aux écoutes (1867, Paris, Musée d’Orsay)4. Bien plus, les Casseurs de pierre (Salon de 1850) étant eux aussi détruits, les Lutteurs (Salon de 1853 ; Budapest, Magyar Szépmüvészeti Múzeum) n’ayant pu être empruntés et le Départ des Pompiers (1850-1851, Paris, Musée du Petit Palais) n’ayant pas passé l’avenue Alexandre III, le versant ouvertement « socialiste » de l’œuvre était presque tout entier laissé dans l’ombre, y compris lors de l’offensive réaliste de 1850-1855 ! De quoi redonner vie à la légende qui avait cours dans les années 1860 d’un Courbet ayant « abjuré » sa foi progressiste5…

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4 Quant à la mise en perspective historique annoncée, elle était bel et bien absente du cours même de l’exposition – classiquement monographique et chronologique, avec quelques timides regroupements thématiques – et le catalogue n’en offrait guère que des vues partielles, concernant essentiellement (dans le droit fil de l’exposition Impressionnisme : les origines…6, dont un article de Laurence des Cars [p. 59-69] développait fidèlement les attendus) les rapports de Courbet à la « nouvelle peinture ». Certes, on rencontrait çà et là, à côté de rapprochements devenus banals avec divers antécédents picturaux, ou encore avec l’imagerie populaire, quelques propositions moins prévisibles, certaines stimulantes, notamment à propos d’autoportraits de jeunesse comme le Sculpteur (1845, New York, collection particulière) et le Fou de peur (1848 ?, Oslo, Nasjonalmuseet), dont les analyses solidement argumentées de Sylvain Amic mettent en évidence les liens précis avec le romantisme tardif des années 1840. Mais ces trop rares contributions originales restaient dispersées au fil des notices, sans l’effort de synthèse escompté d’une entreprise de cette ambition.

5 De façon générale, ce catalogue pourtant pléthorique reste décevant, non seulement parce qu’il réfléchit les partis pris discutables de l’exposition quant à la structure même de l’œuvre, mais par sa relative pauvreté d’idées, jusque dans les limites théoriques que les organisateurs s’étaient fixées. Raison de plus pour recommander la lecture des quelques textes qui tranchent sur cette grisaille : l’article liminaire de Bertrand Tillier, qui souligne à bon droit la dimension fondamentalement utopique de la pensée politique de Courbet (p. 19-28) ; la mise au point de Michel Hilaire sur les relations Courbet-Bruyas, qui rend presque limpide le système esthétique de Bruyas, longtemps réputé inintelligible (p. 45-56) ; enfin, le compte rendu par Bruno Mottin de la dernière campagne de radiographie d’œuvres de Courbet, contenant nombre d’éléments significatifs pour l’histoire et l’interprétation des tableaux étudiés (p. 71-80)7.

6 Il y avait pourtant une idée qui se donnait pour nouvelle et dont l’introduction promettait merveille : « La présentation au sein de l’exposition de photographies majeures contemporaines de l’œuvre de Courbet […] permet de dévoiler la nature complexe du rapport au réel de sa peinture, en continuité ou en contrepoint avec la photographie de son temps » (p. 16-17). Des dizaines de photographies de toute espèce s’étalaient donc au long des pages du catalogue comme des cimaises de l’exposition et prétendaient, par leur simple voisinage avec les peintures, livrer le dernier mot de l’art de Courbet ! Hélas, des sinueux exposés de Dominique de Font-Réaulx sur le réalisme de Courbet en général et ses rapports avec la photographie contemporaine en particulier, il ressortait en tout et pour tout que l’un et l’autre eurent « le désir de rendre la matérialité du monde qui l[es] entour[ait] », usé de motifs et de procédés analogues, et recherché « moins […] la véracité que […] la vraisemblance » (p. 38) – la fameuse « théorie des sacrifices » de Le Gray, qui ne faisait jamais qu’appliquer à la photographie une loi fondamentale de l’esthétique classique, étant immanquablement évoquée. Était-ce si différent du rapport de Courbet – d’une toute autre profondeur que son intérêt épisodique et avant tout pratique pour la photographie – aux « peintres de la réalité » français, flamands, hollandais ou espagnols, parfaitement indépendants de la révolution technologique introduite par la nouvelle venue, dont Dominique de Font- Réaulx s’évertue à soutenir qu’elle fut pour lui une source privilégiée ? Non, admet implicitement notre auteur, mais le rôle assigné par Courbet à la photographie n’en serait pas moins unique : elle lui « offrit [entre autres] une figure féminine rompant avec l’idéal d’une beauté recomposée » – le modèle vivant n’y suffisant apparemment

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pas… – « sans briser avec la tradition picturale […] dont les photographes, comme le peintre, s’inspirèrent » (p. 39) ; elle lui permit aussi, « grâce à ses poses classiques, de demeurer loyal aux maîtres anciens en se libérant de la contrainte académique du beau idéal » (p. 338) : ce serait donc en tant que reflet de la peinture que la photographie aurait exercé une action déterminante sur Courbet, comme s’il avait eu besoin de cet intermédiaire pour s’approprier les leçons de ses devanciers… La moisson est maigre, en tout cas hors de proportion avec la place exorbitante attribuée à la photographie dans l’exposition, comme avec l’affirmation péremptoire – et nullement démontrée – selon laquelle « la fréquentation des ateliers des photographes permit au peintre de saisir la justesse du lien ontologique de l’invention de Niépce et de Daguerre au réel » (p. 38).

Stratégies

7 Les visiteurs en quête de vues plus substantielles pouvaient se tourner vers diverses rééditions d’ouvrages antérieurs et force publications nouvelles, dont quelques-unes apportaient leur lot d’idées fraîches. Nous en retiendrons trois.

8 The Most Arrogant Man in France... de Petra ten-Doesschate Chu et Réceptions de Courbet de Thomas Schlesser n’abordent qu’indirectement le projet créateur de Courbet. Le premier, relevant pour l’essentiel de l’histoire sociale de l’art, a pour objet les très complets dispositifs d’auto-promotion et de marketing mis au point par cet « homme d’art et d’affaires » (la formule est de son ami Max Buchon8 ; LE MEN, 2007, p. 184), hautement conscient des réalités socio-économiques du « champ » artistique moderne – telles que Pierre Bourdieu, entre autres, les identifiera a posteriori – et résolu à y répondre par des stratégies appropriées. Admirablement informé et peu enclin à la « surinterprétation »9 – ce qui se fait rare dans la littérature sur Courbet –, le livre donne de celui-ci une image partielle mais, dans ses limites, très convaincante. Documents à l’appui, il montre le « maître-peintre » faisant flèche de tout bois pour imposer ses œuvres à l’attention, conquérir des marchés, déjouer la censure ou, au contraire, la pousser au crime (comme quand, de son propre aveu, il envoie le Retour de la conférence au Salon « pour qu’il soit refusé » ; CHU, 2007, p. 112) et, ce faisant, pour gagner et bien gagner sa vie – critère de réussite qu’il est le premier peintre d’avant- garde à revendiquer sans tabou. Tout cela sans rien céder sur ses exigences d’artiste et d’homme libre : provocateur virtuose et esprit positif ne dédaignant pas de s’ajuster à son public – ou plutôt à ses publics, dont il perçoit les caractères distinctifs avec une précoce clairvoyance – ; grand « communicateur » avant la lettre, empruntant ses techniques de choc à la publicité ou aux « premiers Paris » de la presse à grand tirage, et rhétoricien exercé ; sagace commerçant usant de procédures d’exposition et de vente à géométrie variable, mais aussi de l’engouement qu’il rencontre bientôt auprès du beau monde, comme du prestige que lui confèrent ses liens affichés avec l’intelligentsia… Les moyens sont disparates – si bien que le livre tient un peu de l’inventaire à la Prévert –, mais les fins sont d’une cohérence presque sans faille et la conclusion est fermement établie : par son action méthodique, novatrice et (jusqu’au drame de la Commune) efficace, non moins que par les propriétés mêmes de son art, Courbet s’est pleinement acquitté du « devoir » qu’il s’assignait dans une lettre fameuse : « donner l’exemple de la liberté et de la personnalité en art » (à quoi il ajoutait aussitôt : « donner de la publicité à l’art que j’entreprends »10). Il a ainsi

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durablement « ouvert la perspective », où va s’engouffrer la pointe de l’art moderne, « d’une scène artistique où l’approbation du public compte plus » que celle des pouvoirs et des anciennes élites (CHU, 2007, p. 174).

9 C’est ainsi, écrit encore Chu, qu’il a incité ses successeurs à « faire bon accueil à la critique, voire au conflit » (CHU, 2007, p. 174). La constatation pourrait servir d’exergue aux riches analyses de Thomas Schlesser, portant précisément sur les débats soulevés par le porte-drapeau du réalisme, débats en grande partie fantasmatiques mais révélateurs des enjeux contradictoires qu’y investirent les contemporains – et dont l’auteur rend compte avec autant de largeur de vues que de précision. Là encore, l’œuvre même de Courbet reste à l’écart, Schlesser s’interdisant d’en confronter la « vérité » aux discours qu’il inspira – parti contraignant, auquel il lui arrive fort heureusement de déroger11, mais conséquent avec l’une des thèses du livre, selon laquelle cet œuvre serait en substance « vide d’intelligibilité » (SCHLESSER, 2007, p. 336), ou du moins éluderait systématiquement l’interprétation. Il est de fait, contrairement à « la vision pleine et rassurante » (p. 337) de Courbet qui fit longtemps autorité, que sa poétique (comme sa politique, surtout dans ses aspects tactiques : voir CHU, chap. IV) repose largement sur l’ambiguïté, ce « quelque chose » de l’ordre de la poésie « qui ne se résorbe pas dans une signification univoque » (SCHLESSER, 2007, p. 19) et résiste donc aux schèmes idéologiques sous-tendant les positions de la critique.

10 Autre thèse centrale du livre, empruntée au philosophe du politique Claude Lefort et déjà appliquée à l’histoire de l’art par Éric Michaud, qui l’intègre à sa belle et forte idée12 – ponctuellement reprise par Schlesser – d’une modernité édifiant puis liquidant la mystique du « salut par l’image », antidote au désenchantement post- révolutionnaire : parce qu’elles s’opposent par définition au dogmatisme des régimes autoritaires, la confrontation et la contradiction des opinions, en un mot le débat – y compris le débat sur l’art –seraient, plus que toute autre donnée, constitutives de la démocratie. Le choc des interprétations autour de Courbet, « cette dynamique conflictuelle où aucun des points de vue ne peut exister sans son antithèse » (SCHLESSER, 2007, p. 335) serait donc révélateur de l’évolution démocratique de la société.

11 On en convient volontiers, mais Schlesser ne s’en tient pas là. Articulant les deux thèses, il en vient à affirmer que c’est la seule réception, non la substance même de l’œuvre, qui « confère » à celui-ci « sa valeur démocratique » (SCHLESSER, 2007, p. 15) : « Courbet fabrique une peinture vide d’intelligibilité, à partir de laquelle se déploie une dimension démocratique qui ne tient à presque rien, sinon à un rapport de force entre des bords qui voudraient conjurer, liquider tout ce qui anéantit progressivement un art, une société, un monde désenchantés » (p. 336). Sa peinture ne serait guère qu’un écran sur lequel chacun projetterait son attente ; ses propres positions ne feraient qu’« exploit[er] et conforte[r] le fantasme démocratique projeté en son art » (p. 87). L’art qu’il appelle « démocratique » ne le serait donc qu’au sens banal du mot « démocratie » (liberté, égalité, équilibre des droits et devoirs…) : « hostiles ou complaisants » mais également exclusifs, « les points de vue […] ont tous leur part d’idéal antidémocratique » (p. 335) et, dans leur prétention à « sauver le monde » (on reconnaît le mot meurtrier de Baudelaire), Courbet et ses champions « démocrates » préluderaient à leur façon aux dégâts des idéologies totalitaires du siècle suivant (p. 334)…

12 Le raccourci est un peu bien abrupt : Schlesser donne l’impression d’appliquer coûte que coûte à son sujet le scénario historique de Michaud, dont le point de fuite est l’« art

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de l’éternité » du nazisme13. De plus, il dédaigne de prendre en compte les actes d’allégeance explicites (si fâcheusement escamotés au Grand Palais) de l’œuvre de Courbet – et non de ses seules déclarations – aux idéaux progressistes, en particulier après 1860, où l’ambiguïté des tableaux-manifestes des années 1850 tend à s’effacer. Il affecte enfin et surtout d’ignorer ce qu’il connaît fort bien : la liberté foncière de Courbet, en l’occurrence l’anti-autoritarisme radical qui lui fait non seulement accepter mais, comme l’a bien vu Chu14, favoriser et entretenir le débat contradictoire, tout en se « positionnant » distinctement sur l’échiquier des idées. Si bien que, prisonnier d’un postulat méthodologique refusant tout crédit véritable aux positions concertées de son héros – à commencer par sa bruyante adhésion à la notion ordinaire de démocratie – l’excellent historien ne semble pas s’aviser de la contribution de celui-ci à la dynamique démocratique au second sens, celui de Lefort… et de lui-même, Thomas Schlesser !

« La métaphysique dans la physique »

13 Dernier apport majeur de l’ardeur éditoriale de 2007, le Courbet de Ségolène Le Men, bien différent des deux titres précédents par son volume imposant, son souci d’exhaustivité et – ceci expliquant cela – sa « polyfocalité » parfois débordante. Ce livre devrait faire date : selon nous, nul n’a porté sur l’ensemble de la planète Courbet un regard aussi pénétrant depuis Timothy J. Clark et Michael Fried15. Regrettons toutefois qu’il trahisse par endroits une certaine précipitation, qu’on suppose due à des contraintes peu compatibles avec un chantier de cette ampleur, mais qui se marque par des disproportions dans le traitement de la matière, des lacunes et des flottements nuisant à l’intelligence du texte et un peu trop de menues imperfections : une relecture implacable et de sérieux raccords s’imposent pour une nouvelle édition. Sans doute conviendra-t-il aussi de nuancer des affirmations risquées (ainsi [LE MEN, 2007, p. 365], Delacroix se serait souvenu des Baigneuses – où donc ? Sûrement pas, malgré leur feuillée, dans les Femmes turques au bain, auxquelles Le Men fait probablement allusion –, ou Cézanne du cadrage du portrait de Trapadoux dans son Emperaire [p. 94]). Certaines interprétations sont, en outre, discutables, comme celle selon laquelle le Baudelaire (1848, Montpellier, Musée Fabre), « effigie intime et concentrée », et le Départ des pompiers, « toile immense et dilatée », « semblent correspondre terme à terme » à la sentence fameuse du poète : « Concentration et dilatation du moi : tout est là » (LE MEN, 2007, p. 132)… Il faudra également clarifier quelques concepts, comme ce mystérieux « pacte autochromatique » démarqué du « pacte autobiographique » de Philippe Lejeune16, auquel Alphonse Allais aurait, paraît-il, été sensible dans ses monochromes primo-avrilesques (p. 361)…

14 Mais la pensée est si soutenue et le foisonnement d’idées si stimulant qu’on met volontiers ces scories sur le compte d’une authentique générosité intellectuelle. Faute de place, nous devrons laisser au lecteur le plaisir d’en dénombrer les fruits et nous borner à signaler les trois axes de réflexion qui nous ont paru les plus féconds.

15 D’abord, une notion jusqu’alors assez négligée17 mais singulièrement prégnante chez Courbet, celle d’« œuvre complet ». Le Men en fait ressortir la constance et en met en lumière les modes de structuration – notamment par un système original de « séries » ne recoupant que très partiellement les futures « séries » temporelles de Claude Monet –, comme la mise en scène en des regroupements variés et variables, culminant sur l’« exposition-cathédrale » de 1867.

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16 En second lieu, l’importance de l’« imagination matérielle », doublement nourrie par un sentiment diffus de l’universelle analogie chère à Baudelaire et par une attention à la fois rêveuse et sensuelle aux textures et aux formes élémentaires. Ressort privilégié de l’« ambiguïté fondamentale » de l’œuvre (SCHLESSER, 2007, p. 17), elle fait de Courbet le grand poète de la natura naturans au XIXe siècle. Une chaîne de développements de belle tenue (LE MEN, 2007, p. 253-292) décline les avatars de ce « naturalisme laïc » qui « introduit la métaphysique dans la physique, la relativité dans l’absolu » (p. 309), contrepartie « réaliste » d’un romantisme aussi profond qu’inavoué18.

17 Pratiquée par Courbet de pair avec la fréquentation de l’« art des musées », sa « culture extensive » de l’image (LE MEN, 2007, p. 81) – l’image archaïque des campagnes ; l’image « moderne », souvent ludique ou satirique, diffusée à l’échelle industrielle par la presse et le livre illustrés ; sans oublier, à sa place réduite mais non négligeable,… la photographie –, inspire enfin à Le Men des considérations en partie inédites et, pour beaucoup, de grand intérêt. En particulier quand elle donne à voir dans l’auteur de tant de toiles défiant délibérément l’interprétation, de la Mère Grégoire à l’énigme géante de L’atelier, un artiste « initié à tous les codes de l’image » et sachant en tirer « des tableaux hermétiques et savants […], des rébus lisibles pour ceux qui prennent le temps de les déchiffrer et totalement ‘sauvages’ pour ceux qui ne les comprennent pas » (p. 117) On rêve à ce qu’aurait pu être l’exposition du Grand Palais si elle avait suivi la même veine pour « replacer la peinture de Courbet dans son temps »…

NOTES

1. Gustave Courbet : 1819-1877, Hélène Toussaint éd., (cat. expo., Paris, Galeries nationales du Grand Palais/Londres, Royal Academy, 1977-1978), Paris, 1977. 2. Timothy J. Clark, Image of the People: Gustave Courbet and the 1948 Revolution, Londres, 1973 (trad. fr. : Une image du peuple : Gustave Courbet et la Révolution de 1848, Villeurbanne, 1991) ; sur l’apport et la réception de cet ouvrage, voir Thomas Schlesser, « Courbet par Clark : visions politiques et visées polémiques d’une monographie », dans Perspective. La revue de l’INHA, 2006-4, p. 636-641. 3. Exhibition et vente de quarante tableaux et quatre dessins de l’œuvre de M. Gustave Courbet, Paris, 1855, préface [reproduite notamment dans Pierre Courthion, Courbet raconté par lui-même et par ses amis, II, Ses écrits, ses contemporains, sa postérité, Genève, 1950, p. 60. 4. « […] je vais partir pour Ornans et faire encore quelques tableaux nouveaux bien sentis et socialistes », à Bruyas, 10 septembre 1868 (Gustave Courbet, Correspondance de Courbet, Petra ten- Doesschate Chu éd., Paris, 1996, p. 303). 5. Pierre Véron, « La conversion de Courbet », dans Le Charivari, 17 octobre 1865 (SCHLESSER, 2007, p. 281). 6. Impressionnisme : les origines, 1859-1869, Henri Loyrette, Gary Tinterow éd., (cat. expo., Paris, Galeries nationales du Grand Palais/New York, The Metropolitan Museum of Art, 1994-1995), Paris, 1994. 7. Le catalogue de 2007 souffre de nombreuses imperfections de détail, dont l’une des plus désagréables est la présence dans les notes de références abrégées sans correspondant dans la bibliographie. Parmi les questions qu’il soulève, mentionnons celle des deux versions supposées

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des Paysans de Flagey revenant de la foire (1850, Besançon, Musée des beaux-arts et d’archéologie). On savait par une lettre de Courbet que le tableau exposé sous ce titre au Salon de 1850 avait été sensiblement modifié avant sa présentation à l’exposition de 1855. Néanmoins, Hélène Toussaint affirmait en 1977 (p. 130) que l’œuvre présentée en 1855 (aujourd’hui à Besançon) n’était pas le même tableau agrandi et retravaillé mais une « répétition » de « l’original disparu ». Le catalogue de 2007 infirme cette thèse dans l’étude de laboratoire (p. 75) mais la résume sans commentaire dans la notice de l’œuvre (p. 158)… 8. Lettre de Max Buchon à Edouard Ordinaire, novembre 1867. 9. Excepté, selon nous, dans l’hypothèse fort douteuse sur la « signification secondaire » de L’atelier comme parodie critique du Second Empire : Courbet dans le rôle de Napoléon III, le modèle dans celui d’Eugénie, le petit garçon dans celui du prince impérial, etc. (CHU, 2007, p. 105-6). 10. Gustave Courbet, 1996, cité n. 4, p. 92. 11. Dans le cours même du livre et surtout dans son tonique Journal de Courbet, Paris, 2007. 12. Eric Michaud, La fin du salut par l’image, Nîmes, 1992, et Histoire de l’art : une discipline à ses frontières, Paris, 2004. 13. Eric Michaud, Un art de l’éternité : l’image et le temps du national-socialisme, Paris, 1996. 14. Toutefois, Chu n’envisage la question que dans la perspective générale de son propos : en termes – forcément réducteurs – de stratégie : « Il a démontré que la controverse ne nuit pas forcément à la réputation car ce n’est jamais qu’une autre forme de publicité » (p. 174). 15. Michael Fried, Le réalisme de Courbet, Esthétique et origines de la peinture moderne, Paris, 1993 [éd. orig. : Courbet’s Realism, Chicago/Londres, 1990]. 16. Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, Paris, 1975. 17. Excepté dans l’étude de James Henry Rubin, Réalisme et vision sociale chez Courbet et Proudhon, Paris, 1999 [éd. orig. : Realism and Social Vision in Courbet and Proudhon, Princeton, 1980], nos brèves observations sur le « grand dessein » du premier (Courbet : le poème de la nature, Paris, 1995, chap. II) et l’article de Patricia Mainardi, « L’‘exposition complète’ de Courbet », dans Gustave Courbet: en revoltör Lanserar sitt verk [Courbet, artiste et promoteur de son œuvre], Jörg Zutter, Petra ten-Doesschate Chu éd., (cat. expo., Lausanne, Musée cantonal des beaux-arts, 1999), Lausanne, 1999, p. 101-127. 18. Il convient de souligner que le livre, comme d’ailleurs l’exposition du Grand Palais (Gustave Courbet, 2007), fait une large place aux paysages et aux tableaux de chasse, mal aimés de Clark et relativement peu étudiés dans la littérature des dernières décennies, à quelques exceptions près, telles que l’article de Klaus Herding, « Egalität und Autorität in Courbets Landschaftmalerei », 1975, traduit et repris dans son recueil Courbet: To Venture Independance, New Haven/Londres, 1991, puis les catalogues des récentes expositions Gustave Courbet: en revoltör..., 1998, cité n. 17 et Courbet and the Modern Landscape, Mary Morton, Charlotte Eyerman, Dominique de Font-Réaulx éd., (cat. expo., Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, 2006), Los Angeles, 2006. Ce dernier ouvrage, organisé selon un classement thématique, contient quelques données nouvelles, notamment sur la technique de Courbet (p. 6-8) et sur ses affinités avec le positivisme de Taine (p. 12-13).

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INDEX

Index géographique : France Mots-clés : exposition, rétrospective, monographie, peinture française, histoire sociale de l’art, politique Keywords : exhibition, retrospective, monograph, French painting, social art history, politics Index chronologique : 1800

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Choix de publications Selected readings

1 – Eva BOUILLO, Le Salon de 1827. Classique ou romantique ?, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009.

Eva Bouillo propose une analyse multifocale du Salon de 1827 – celui qui opposa le Sardanapale de Delacroix à l’Homère d’Ingres – en étudiant de manière approfondie des sources d’archive et grâce au dépouillement quantitatif d’une base de données. Elle examine de façon minutieuse l’organisation du Salon, ses enjeux artistiques et politiques, la muséographie complexe et plusieurs aspects de la réception critique. Ce livre est une contribution importante, d’une part à l’historiographie du romantisme, et de l’autre à l’histoire des Salons au XIXe siècle [R. Rosenberg].

2 – Richard R. BRETTELL, Impressionnisme : peindre vite. 1860-1890, Paris, Hazan, 2009.

Cette réédition en poche d’un essai paru il y a bientôt dix ans permettra de découvrir ou de redécouvrir les thèses stimulantes de Richard Brettell sur la « peinture rapide » des impressionnistes. Même si la définition donnée du terme « impression » souffre d’une certaine équivocité, et si Van Gogh ne paraît pas tout à fait à sa place parmi ces peintres de l’éclair optique et gestuel, l’auteur a l’incomparable mérite de nous faire ressaisir l’âpre brutalité de peintures mille fois vues [E. Pernoud].

3 – Edmund BURKE III, David PROCHASKA, éd., Genealogies of Orientalism: History, Theory, and Politics, Lincoln/Londres, University of Nebraska Press, 2008.

À l’occasion du trentième anniversaire de l’Orientalism (1978) d’Edward Said, les éditeurs de ce volume ont choisi de réunir douze essais déjà publiés qui avaient non seulement tiré parti de l’analyse de Said, mais qui avaient aussi ouvert des perspectives

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nouvelles dans la théorisation de l’orientalisme. L’introduction présente une habile révision historiographique et examine la relation de l’orientalisme à l’histoire, à la culture et au pouvoir. Les contributions, regroupées selon ces catégories et relevant de différentes disciplines, abordent des sujets aussi divers que l’utilisation du langage, la sociologie de l’Islam, la photographie coloniale, ainsi que les manifestations artistiques et leurs contextes lors des expositions universelles. Le thème embrasse une large géographie qui va de la France à l’Inde, l’Algérie, la Palestine, la Chine et au Japon [Z. Çelik].

4 – Giovanna CAPITELLI, Carla MAZZARELLI éd., La pittura di storia in Italia. 1785-1870. Ricerche, quesiti, proposte, (colloque, Rome, 2008), Cinisello Balsamo, Silvana, 2008.

Ce volume rassemble les actes du colloque qui s’est tenu à la Biblioteca dell’Accademia Nazionale delle Scienze à Rome en juin 2008. Les contributions, qui interrogent plusieurs aspects de la peinture d’histoire dans les états pré-unitaires italiens entre 1785, date de la présentation du Serment des Horaces de David, et 1870, date de l’unification de l’Italie, offrent de nombreux points de vue méthodologiques sur un patrimoine artistique encore, pour partie, à redécouvrir. Outre des enquêtes monographiques sur certains protagonistes de la peinture d’histoire et sur leurs ateliers (Landi, Camuccini, Schick), le volume ouvre de nouvelles perspectives sur des sources contemporaines (Boni, Gioberti), sur les nouveaux topoi de la peinture d’histoire (les vies d’artistes, les événements du Risorgimento), sur son utilisation moderne (la peinture des rideaux de scène), sur le système des arts (les expositions d’amateurs et de connaisseurs), sur les chantiers de décoration à fresque (Villa Torlonia et les Logge Pie in Vaticano à Rome), et sur les interférences de la peinture d’histoire avec la peinture sacrée et la peinture de genre, ou avec la tradition figurative des maîtres anciens, proposant ainsi plusieurs voies nouvelles pour la recherche et la réflexion [M. Lafranconi].

5 – Walter FEILCHENFELDT, Vincent van Gogh: Die Gemälde 1886-1890: Händler, Sammler, Ausstellungen, Wädenswil, Nimbus, 2009.

Réalisé par l’un des grands spécialistes allemands de Vincent van Gogh et de la réception de son œuvre, ce catalogue raisonné des œuvres de l’artiste exécutées en France est la première vue d’ensemble de ce corpus depuis l’ouvrage de Jean-Baptiste De la Faille [R. Esner].

6 – Silvia GINZBURG éd., Obituaries: 37 epitaffi di storici dell’arte nel Novecento, Milan, Electa, 2008.

Ce livre est singulier : il réunit trente-sept nécrologies de grands historiens de l’art par

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d’autres grands historiens de l’art, publiées au fil du temps. C’est l’histoire et la mémoire de notre discipline qui sont en jeu, à travers notamment les commentaires sur les différentes méthodes, ou parfois les haines et les amours personnelles qui se dissimulent sous le langage commémoratif [S. Romano].

7 – Leo JANSEN, Hans LUIJTEN, Nienke BAKKER, Vincent van Gogh – The Letters. The Complete Illustrated and Annotated Edition, Londres/New York, Thames and Hudson 2009.

Cette publication fera date. Les lettres de Vincent van Gogh sont présentées comme elles ne l’avaient jamais été auparavant, illustrées par des notes pertinentes portant aussi bien sur les points matériels que sur les références savantes. L’ouvrage révèle le peintre sous un jour nouveau : celui d’un intellectuel et d’un créateur plutôt que d’un fou et d’un génie. C’est une lecture fascinante et incontournable pour toute personne qui s’intéresse à Van Gogh et à la culture française du XIXe siècle [R. Esner].

8 – Philippe JUNOD, Chemins de traverse. Essais sur l’histoire des arts, préface d’Enrico CASTELNUOVO, Gollion (Suisse), Infolio, 2007.

Ce recueil de vingt-cinq études couvre un vaste champ historique et thématique où la gravure et l’illustration occupent une place de choix, avec notamment les noms de Piranèse, Méryon et Doré. Tout au long de ces articles, l’auteur martèle un credo relativiste : renonçant à l’ambition de livrer une interprétation définitive des œuvres d’art, l’historien de l’art se donnera pour tâche de confronter les interprétations successives qui en furent données selon les époques [E. Pernoud].

9 – Malte LOHMANN éd., Erinnerungen an Vincent van Gogh: Dokumente und Lebenszeugnisse, Wädenswil, Nimbus, 2009. Un recueil intéressant de témoignages de proches de Van Gogh, certains inédits [R. Esner].

10 – The Lure of the East: British Orientalist Painting, Nicholas TROMANS éd., (cat. expo., New Haven, Yale Center for British Art/Londres, Tate Britain/Istanbul, Suna and Inan Kira◌̦c Foundation Pera Museum/Sharjah, Sharjah Art Museum, 2008-2009), Londres, Tate Publishing, 2008.

Publication accompagnant l’exposition itinérante éponyme, cet ouvrage est organisé en deux parties. La première consiste en quatre textes qui réinterprètent l’orientalisme britannique à l’occasion du trentième anniversaire de l’Orientalism d’Edward Said et le distinguent des mouvements qui se sont développés parallèlement, notamment

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l’orientalisme français. La seconde partie traite des peintures présentées dans l’exposition selon des thèmes tels que le portrait, le genre et le harem. The Lure of the East est un ouvrage pionnier par son orientation ; sa richesse d’illustration met en lumière la peinture orientaliste britannique [Z. Çelik].

11 – Nabila OULEBSIR, Mercedes VOLAIT éd., L’Orientalisme architectural : entre imaginaires et savoirs, (colloque, Paris, 2006), Paris, CNRS/Picard, 2009. Cet ouvrage rassemble les actes du colloque « Les orientalismes en architecture à l’épreuve des savoirs » tenu à l’INHA en 2006. On y trouve des études sur un certain nombre d’expérimentations fascinantes menées en Europe au XIXe siècle qui ont intégré, interprété, répondu à, réagi contre, et copié l’architecture islamique : cela va des observations d’Albert Lenoir aux dessins d’étudiants de l’École des Beaux-Arts, des études et travaux d’Edmond Duthoit à ceux d’Henri Saladin réalisés en Tunisie à la lumière des traditions locales. La dernière section présente le phénomène de l’orientalisme dans des pays tels que l’Égypte, la Roumanie et l’Iran (la seule contribution qui s’étend loin dans le XXe siècle). Les auteurs tentent de replacer leurs sujets dans des contextes politiques, sociaux et culturels précis. Si le format général du livre – des actes de colloque – ne permet pas d’ouvrir de nouvelles perspectives sur la manière dont l’architecture a intégré l’orientalisme, cet ensemble de textes constitue un apport important au corpus des études de cas. L’ouvrage, élégant, est richement illustré [Z. Çelik].

12 – Jann PASLER, Composing the Citizen: Music as Public Utility in Third Republic France, Berkeley, Los Angeles/Londres, University of California Press, 2009.

Dans cet ouvrage, dont l’argumentation magistrale se fonde sur une recherche méticuleuse, l’historienne de la musique Jann Pasler présente l’instrumentalisation idéologique de la musique à l’égard de la constitution d’un imaginaire culturel et d’une identité française après 1871. Examinant comment le concept d’utilité publique fut appliqué à la musique, elle affirme le rôle que joua la musique dans la construction de la démocratie, selon un processus complexe marqué de différends et de négociations. La musique qu’elle étudie est aussi bien élitaire que populaire, et implique tant les institutions d’État (l’Opéra et le Conservatoire) que les salles de concert, les cafés et les cabarets. L’histoire urbaine occupe une place essentielle dans cette démonstration : en ancrant la musique dans les espaces parisiens, l’auteur offre une lecture nouvelle des parcs, squares, rues, et grands magasins de la ville, jusqu’au Jardin zoologique d’acclimatation. De même, c’est à l’aune de la musique que l’Exposition Universelle de 1889 prend vie. Selon Pasler, le nouvel intérêt pour l’« exotique » et l’enrichissement de la culture musicale, qui englobe désormais des expérimentations hybrides sans précédent, s’explique par l’expansion de l’empire colonial français. Composing the Citizen est un ouvrage novateur qui traverse aisément les frontières entre les disciplines et offre une nouvelle lecture de Paris à une époque critique de son histoire [Z. Çelik].

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13 – Mary ROBERTS, Intimate Outsiders: The Harem in Ottoman and Orientalist Art and Travel Literature, Durham/London, Duke University Press, 2007.

Intimate Outsiders offre une perspective novatrice pour comprendre l’orientalisme en étudiant les échanges interculturels que l’on peut déceler dans certaines représentations de harems. En étudiant les femmes artistes européennes et les femmes mécènes ottomanes qui leur ont commandé leurs portraits, Roberts enrichit le débat sur l’orientalisme, les genres et le pouvoir politique. Invitées à pénétrer dans les maisons de l’élite, ces artistes eurent un accès privilégié à la vie privée ottomane alors refusé à leurs homologues masculins ; en retour, les femmes des sérails de la haute société découvrirent des aspects de la culture européenne. Ce regard de Roberts porté sur l’orientalisme permet de relire sous un angle nouveau l’œuvre de peintres orientalistes britanniques plus connus, parmi lesquels John Frederick Lewis [Z. Çelik].

14 – Raphael ROSENBERG, Turner – Hugo – Moreau: Entdeckung der Abstraktion, (cat. expo., Francfort, Schirn Kunsthalle), Munich, Hirmer, 2007.

Bien avant le XXe siècle, il y a eu des œuvres dont le sujet restait obscur – plusieurs dessins et huiles de William Turner, de Victor Hugo ou de Gustave Moreau sont des exemples particulièrement frappants. Raphael Rosenberg a réuni un grand nombre d’images abstraites des XVIIIe et XIXe siècles. Il explique l’intention et éclaire le contexte de telles œuvres à travers deux traditions : d’une part la fascination suscitée par les taches, ces « images » nées du hasard ; de l’autre l’esthétique de l’effet, la réflexion théorique sur l’effet que produisent sur l’observateur les lignes, les couleurs ou la composition des tableaux. Il montre que l’acquis des années 1911-1912 n’est pas l’invention d’une nouvelle forme de peinture – l’abstraction – mais l’exposition de tableaux abstraits comme œuvres d’art [PERSPECTIVE].

15 – Sang d’encre. Théophile Bra, 1797-1863, un illuminé romantique : dessins inédits de la bibliothèque municipale de Douai, Jacques de Caso et al. éd., (cat. expo., Paris, Musée de la Vie romantique, 2007), Paris, Musée de la Vie romantique/Paris-musées, 2007.

En 1826, Théophile Bra fut la proie d’un délire mystique qui le fit passer pour fou. Afin de relater cette expérience hors du commun, il dut se doter d’une expression appropriée, mixte de figures et d’écrits. Quiconque s’intéresse à l’histoire du dessin doit lire l’étude captivante que Jacques de Caso consacre à ces feuilles retrouvées dans les fonds de la bibliothèque municipale de Douai [E. Pernoud].

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16 – Bénédicte SAVOY éd., Helmina von Chézy, Leben und Kunst in Paris seit Napoléon, Berlin, Akademie Verlag, 2009.

Jeune Berlinoise installée à Paris à partir de 1801, Helmina von Chézy, qui vit d’articles adressés à la presse allemande, décide en 1804 de publier un ouvrage sur la vie et les arts à Paris. Elle dresse ainsi un tableau très complet de la vie culturelle (palais impériaux, musées, salons, bibliothèques…). L’initiative de rééditer cette source très précieuse sur le Premier Empire est donc bienvenue, d’autant qu’elle s’accompagne d’un appareil critique érudit et intelligent [A. Dion].

17 – Emmanuel STARCKY, Laure CHABANNE éd., Napoléon III et la reine Victoria : une visite à l’Exposition Universelle de 1855, (cat. expo., Compiègne, Musée national du château, 2008-2009), Réunion des musées nationaux, 2008.

Les expositions sur le Second Empire sont rares et méritent d’être saluées. Celle-ci illustrait le rapprochement franco-anglais, dont la visite de la reine Victoria à Paris marqua l’un des temps forts. Le catalogue explore le contexte historique de cette rencontre et ses modalités, et livre surtout une étude approfondie et renouvelée de l’Exposition Universelle de 1855, au cours de laquelle Français et Anglais rivalisèrent d’inventivité, notamment dans le domaine des arts décoratifs. La réception par le public français et par les critiques de la peinture et de la sculpture anglaises est l’un des points inédits abordés par le catalogue [A. Dion].

18 – Stefano SUSINNO, L’Ottocento a Roma. Artisti, cantieri, atelier tra età napoleonica e Restaurazione, Cinisello Balsamo, Silvana, 2009.

Stefano Susinno (1945-2002) a été l’un des plus fins historiens de la culture visuelle de la Rome des XVIIIe et XIXe siècles. Ce volume rassemble la majeure partie de ses écrits sur l’Ottocento et met à la disposition de jeunes chercheurs un outil utile à consulter pour qui s’intéresse à cette phase de la production artistique romaine dont le rôle sur la scène européenne est encore méconnu et sous-évalué par une grande partie de l’historiographie. Grâce à ses écrits, l’art romain de la période napoléonienne et de la Restauration est restitué dans ses moments clés : l’importance de Canova et de Thorvaldsen pour le « primat de la sculpture » que la ville revendique au moins dans la première moitié du siècle ; la position des Nazaréens « romanisés » et de Tommaso Minardi dans le renouveau international de la fresque ; l’affirmation des années 1830-1840 comme « laboratoire privilégié de la peinture de paysage » ; la présence vivante des communautés artistiques étrangères. Par l’analyse minutieuse d’un système des arts en mutation – entre production artistique, collectionnisme cosmopolite, pratiques d’accrochage les carrières des artistes –, en enquêtant sur la réception par le biais de recherches philologiques dans la presse contemporaine, les écrits de Stefano Susinno dessinent un panorama de l’art à Rome au XIXe siècle nettement plus dense et influent que ce qui en a été retenu par le passé [M. Lafranconi].

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19 – Der Weite Blick: Landschaften der Haager Schule aus dem Rijksmuseum, Jenny Reynaerts, Mattie Boom éd., (cat. expo., Munich, Neue Pinakothek), Ostfildern, Hatje Cantz, 2008.

Ce livre offre une vision profondément renouvelée des peintures de l’école de La Haye. Replacées dans le contexte historique et social du paysage en pleine industrialisation des Pays-Bas au XIXe siècle, les œuvres sont comparées à des photographies de commande montrant les nouvelles infrastructures du pays [R. Esner].

20 – Wouter VAN DER VEEN, Van Gogh: A Literary Mind: literature in the correspondence of Vincent van Gogh, Zwolle, Waanders, 2009.

Cet ouvrage est l’édition révisée de la thèse de doctorat de l’auteur. Il analyse l’intensité de la relation de Van Gogh à la littérature afin de montrer l’influence de cette dernière tant sur sa pensée que sur sa peinture [R. Esner].

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Ouvrages reçus Books received

1 – Antoine BOURDELLE, L’Atelier perpétuel. Proses et poésies 1882-1929, Paris, Paris-Musées/ Editions des Cendres, 2009.

2 – Deborah CHERRY éd., About Stephen Bann, Oxford, Blackwell Publishing, 2006.

3 – Jean-François CHEVRIER, Proust et la photographie. La résurrection de Venise, Paris, l’Arachnéen, 2009.

4 – Mario D’ONOFRIO éd., Adolfo Venturi e la Storia dell’arte oggi, Modena, Franco Cosimo Panini, 2008.

5 – Michel ESPAGNE, L’histoire de l’art comme transfert culturel : l’itinéraire d’Anton Springer, Paris, Belin, 2009.

6 – Juliette LAFFON éd., Du relief au texte: catalogue raisonné des livres illustrés par Antoine Bourdelle, Paris, Musée Bourdelle/Paris-Musées, 2009.

7 – Marie-Hélène LAVALLÉE, Bérangère GALY, Gustave Courbet, d’Ornans, Gollion, Infolio, 2007.

8 – Christine PELTRE, Dictionnaire culturel de l’Orientalisme, Paris, Hazan, 2008.

9 – Julie RAMOS, Nostalgie de l’unit. Paysage et musique dans la peinture de P.O. Runge et C.D. Friedrich, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008.

10 – Bernard VOUILLOUX, Un art sans art. Champfleury et les arts mineurs, Lyon, Fage, 2009.

11 – Jean WAHL éd., La Pensée du peintre, sur la correspondance de Vincent Van Gogh, Chatou, les Editions de la Transparence, 2008.

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