D'ulrike Meinhof
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Textes des prisonniers de la Fraction Armee Rouge et dernieres lettres d'Ulrike Meinhof Preface de Jean Genet Introduction de Klaus Croissant FRAN<;OIS MASPERO 1, place paul-painleve PARIS-Ve 1977 Note de I'editeur Cette note est pour expliquer les conditions dans lesquelles ce livre a ete concu et publie. En juillet 1976, les detenus de la prison de Stamm• heim - Baader, Ensslin, Raspe - ont manifeste leur desir que soit publie un recueil des derniers textes d'Ulrike Meinhof, ainsi qu'un certain nombre de textes et de pieces relatives au proces et aux circonstances de son « suicide ». Les guille• mets sont employes ici dans toute leur signification. Les detenus faisaient bien preciser en effet que la seule chose qui leur importait dans une teIle publication, c'etait de pouvoir demontrer, par la nature meme des textes produits, qu'Ulrike Meinhof n'avait pas pu se suicider et qu'il s'agissait bien, comme ils en etaient convaincus (et on lira notamment le texte de Raspe), d'un assassinat. En fait, il est apparu que c'est cl cause de l'importance et de l'urgence d'une teIle denon• ciation que les prisonniers acceptaient de faire parai'tre sous le seul nom d'Ulrike des textes dont ils consideraient qu'ils etaient l'emanation collective du « groupe ». En ce qui nous concerne, nous avions deja precise notre sentiment dans le bulletin de mai 1976 des editions Maspero de la maniere suivante, et nous n'avons aujourd'hui rien a en retrancher : « Ulrike Meinhof etait notre camarade. Nous I'avons con• nue au debut de nos editions en 1960 et 1961, lorsqu'elle ac• complissait un travail semblable au notre a Hambourg, en di• rigeant la revue Konkret. Lorsque, apres ['attentat contre Ru• di Dutschke en 1968, elle a cesse de croire, avec beaucoup d'autres, a I'utilite d'un tel travail, elle est devenue, en pas• © Librairie Fran<;ois Maspero, Paris, 1977 sant a une action violente, directe, immediate, I'une des deux ISBN 2-7071-0955-X 7 note de I'editeur tetes de ce que la presse asensation a appele « la bande a ble chronologie - ce qui revient naturellement ci tout avocat Baader. » D'autres de nos amis ont ainsi renie nos espoirs qui prend la charge d'un dossier autrement que pour donner communs en un travai! d'information et d'organisation. un alibi de pure forme aux juges. Nous avions fait jadis de Ecreure de la meme maniere, Giangiacomo Feltrine/li s'est meme pour presenter des textes de militants detenus du land dans une clandestinite armee qui n'a debouche que sur F.L.N. algerien. sa solitude et son assassinat. « Nous n'avons jamais cru que cette action violente etait Le livre parait ci la date qui avait ete fixee il y a mainte• autre chose que desesperee et sans issue. Mais nous n'ou• nant plusieurs mois - le « suicide» de ses auteurs n'a rien blions pas qu 'Ulrike Meinhof, comme Feltrinelli, aimait trop change, ni dans lfl date de publication, ni dans la composi• la vie pour accepter le systeme qui l'a finalemenJ ecrasee. Ce tion des textes. A la relecture, l'editeur se sent autorise ä. faire systeme est plus oppressiJ, plus ecrasant, plus menarant que au moins deux constatations tres element~ires ; jamais. Ce n 'est pas parce que, ii un certain moment d'une La premlere constatauon est du domame de I'evidence. Si lutte commune, nos chemins ont diverge, ce n'est pas parce les prisonniers de Stammheim avaient pris la decision de faire que nous continuons a esperer, envers et contre tout, qu'i! y pubIier les textes d'Ulrike pour prouver que cdle qui les avait a d'autres formes de lutte pour triompher du nazisme quoti• ecrits n'avait absolument pas pu se suicider, -9ue dire aujour• dien qui menace l'Europe aujourd'hui, que nous ne gardons d'hui de ce recueil sinon Qu'il--.p0rte page apres .na2f cl. la pas intact le souvenir de notre camarade Ulrike Meinhof, ans cette dernl(~re lutte J mort qu'ils avaient malgre toutes les abjectes calomnies de la presse. » entreprise, demunis de tout, au fond de leurs cellules. le suicide etait iustement la seule arme aue refusaient les orisonniers; La mise au point des textes d'Ulrike Meinhof a ete extre• Uletait exclue de leur s sterne. de leur 10 i ? mement longue pour diverses raisons. Difficultes de traduc• a eUXleme constata lon ecou e e apremiere. Les pn• tion de textes souvent ardus, d'abord. Difficultes de commu• sonniers pretendaient que leur action permettait de mettre a nication, bien sur, aussi. Notre desir a toujours ete de respec• jour, sous les faux-semblants de la democratie occidentale, la ter la volonte des prisonniers et non de faire paraitre un ou• vraie nature de cette democratie: ils n'hesitaient pas ci appre• vrage cl.sensation. Precisons encore que les rapports qui ont ler cdle-ci « fascisme». 11 est indeniable Qu'Hs ont remporte, pu etre ainsi entretenus avec les prisonniers, du moins au de• dans leur logique, un eclatant succes ; ä. se mettre ainsi, ä. but, dans les moments, qui se sont faits de plus en plus ra• coup de surencheres, eux-memes hors-Ies-Iois, ceux qui repre• res, Oll Hs n'etaient pas dans l'isolement le plus total, n'ont sentent les lois en Allemagne de I'Quest - et leurs complices rien d'illegal : il est pratiquement legitime, cela a toujours ete au pouvoir dans les « democraties» voisines, les democraties constant, que des prisonniers qui passent en proces, se preoc• « populaires» de l'Est, elles, ayant dejci, depuis longtemps, cupent de ce que l'opinion ait connaissance de leurs posi• revele leurs traits reels - demasauent le vrai visage de la tions. violence d'Etat. Et dans cette defaite des masques : les militants Annoncee pour la fin de l'annee 1976, la parution du li• de Ja « ~.A.F. » sortent comijle vlctoneux. vre a ete reportee a plusieurs reprises par respect pour la vo• lonte des prisonniers. 11 s'agissait de ne pas les trahir dans Fran<;ois Maspero cette image d'eux-memes qu'ils voulaient transmettre, la seule qui puisse avoir un sens dans le concert crapuleux entrepris par les media cl.la remorque de la presse Springer. Au fil des mois, on en est revenu cl.un ensemble de textes representant l'ensemble du groupe, tel qu'il s'est exprime a propos des proces - publication collective plus conforme a l'ideologie meme du groupe. Pour des raisons de taille du li• vre il a malheureusement fallu elaguer des textes importants. Nous avons demande ci maHre Croissant, alors qu'il exen;ait encore dans son cabinet de Stuttgart, de rediger l'indispensa- 8 9 Preface de Jean Genet L 'hypocrisie profonde et la barbarie de la bourgeoisie s'etalent impunement sous nos yeux, que nous regardions vers les metropoles ou sa domination a revetu des formes respectables, civilisees, ou vers les colonies ou elle est brutale. K. MARX, eite par Andreas BAADER. Les journalistes jettent a la volee des mots qui en mettent plein la vue sans trop se preoccuper de la lente germination de ces mots dans les consciences. Violence - et son comple• ment indispensable: non-violence, sont un exemple. Si nous rej/echissons a n 'importe quel phenomene vital, selon meme sa plus etroite signijication qui est: biologique, nous compre• nons que violence et vie sont a peu pres synonymes. Le grain de ble qui germe et fend la terre gelee, le bec du poussin qui brise la coquille de l'reuf, la jecondation de la femme, la naissance d'un enfant relevent d'accusation de violence. Et personne ne met en cause l'enfant, la femme, le poussin, le bourgeon, le grain de ble. Le proces qui est fait a la « R.A.F. » (Rote Armee Fraktion), le proces de sa violence est bien reel, mais l'Allemagne federale et, avec elle, toute l'Europe et l'Amerique veulent se duper. Plus ou moins obscurement, tout le monde sait que ces deux mots: proces et violence, en cachent un troisieme : la brutalite. La brutalite du sys• teme. Et le proces fait a la violence c'est cela meme qui est la brutalite. Et plus la bruta/ite sera grande, plus le pro• ces infamant, plus la violence devient imperieuse et necessai• re. Plus la bruta/ite est cassante, plus la violence qVi est vie 11 jean genet sera exigeante jusqu'a l'heroisme. Voiei une phrase d'An• animal, n'appellent aucun jugement. La violence d'un bourgeon dreas : « La violence est un potentiel economique. » qui ec/ate - contre toute attente et contre toute difficulte _ -Quand la violence est definie ou decrite comme plus haut, i! nous emeut toujours. faut dire ce qu'est la bruta/ite: le geste ou la gesticulation thetitra• Evidemment une chance est possible: que la brutalite, par les qui mettent fin 0 la /iberte, et cela sans autre raison que la vo• son exces meme, se detruise, ou plut6t, non qu'elle change de -lonte de nier ou d'interrompre un accomp/issement /ibre. fin - par definition elle n'en a pas - mais en arrive a s'ef• Le geste brutal est le geste qui casse un acte /ibre. facer, 0 s'aneantir 0 long terme, devant la violence. La colo• En faisant cette distinction entre violence et brutalite, il ne nisation du tiers monde ne fut qu'une serie de bruta/ites, tres s'agit pas de remplacer un mot par un autre en laissant 0 la nombreuses et tres longues, sans autre but que celui, plut6t phrase sa fonction accusatrice 0 l'egard des hommes qui em• atrophie, de servir la strategie des pays colonia/istes et I'enri• ploient la violence.