FR KARTELL, UNE ENTREPRISE PIONNIÈRE 01

DANS LES MATIÈRES PLASTIQUES PLASTICARIUM COLLECTION

Les matières plastiques font leur entrée dans le monde du ANNA CASTELLI-FERRIERI [1918-2006] mobilier notamment grâce à l’entreprise Kartell, fondée en 1949 par Giulio Castelli [1920-2006], ingénieur chimiste, Anna Castelli-Ferrieri est une architecte et designer diplômé de Politecnico de Milan. italienne. En 1943, elle est la première femme diplômée de Politecnico de Milan, dans le domaine de l’architecture. « Mon défi d’entrepreneur a consisté justement à présenter au Cette même année elle épouse Giulio Castelli. Anna public le plastique comme une matière noble, non comme un Castelli-Ferrieri fait partie des designers qui souhaitent ersatz de matière naturelles, mais avec une dignité bien à lui. » transformer le monde du design avec la nouvelle technologie et les nouveaux matériaux, en particulier les plastiques. « Conversazione con Giulio Castelli », in Giulio Castelli, Paola Antonelli et Francesca Picchi, La fabbrica del design. Conversazione i protagnisti del Pour y parvenir, elle a multiplié les collaborations avec des design italiano, Milan : Skira, 2007, p. 26 entreprises prestigieuses dans le domaine du design indus- triel [Arflex, Sambonet, Ycami, Matteograssi, etc.]. En 1966 Giulio Castelli a compris le potentiel extraordinaire des elle rejoint l’entreprise Kartell puis en prend la direction matériaux polymères et a consacré sa vie professionnelle à artistique de 1976 à 1987. créer des objets. Le premier produit a été un porte-ski, suivi d’une ligne importante d’accessoires pour l’automobile. Elle décline alors de nombreux objets du quotidien acces- Cette passion pour cette nouvelle matière l’amène à créer sibles à tous, au point que, dans chaque foyer italien, on en 1951 un département de produits destinés à l’environne- pouvait trouver un objet Kartell. Ses créations se caracté- ment domestique, tels que des articles ménagers, des objets risent par des formes géométriques minimalistes, aux d’ameublement, des luminaires et des meubles, en veillant à couleurs primaires et opaques, à la surface ou finitions bril- ce qu’ils soient innovants et fabriqués à l’aide de processus lantes, produite à partir des dernières innovations industriels. technologiques.

Pour montrer que le plastique est une matière de qualité Son premier projet de design créé par elle seule pour Kartell Giulio Castelli va abondamment communiquer. En 1956, Il a été le meuble de rangement Componibili. Bestsellers de la crée le journal d’entreprise Qualità, puis fonde dans les maison d’édition italienne, Kartell, les Componibili, qui années 1970 Centrokappa, une structure autonome de signifie modulaire ou superposable, posent la question de design, de graphisme, de publicité et de communication. De l’inter-objectivité. Il s’agit d’unités de rangement rondes ou ces réflexions naissent des campagnes publicitaires qui carrées que l’on peut superposer à l’envi sans vis, ni outil, mettent en scène des intérieurs entièrement meublés par la mais par emboitement. Elles se composent d’une base, d’un marque, où chaque élément est mis en valeur, même par la corps et d’une petite porte. Une gamme d’accessoires com- présence des autres. plémentaires sont disponibles : plateau, couvercle, coussin, roulettes, etc. qu’il est possible d’acquérir au fur et à mesure.

Anna Castelli-Ferrieri 1.1 KARTELL, UNE ENTREPRISE PIONNIÈRE DANS LES MATIÈRES PLASTIQUES

Les unités sont par ailleurs produites dans diverses couleurs : chacun est donc également libre d’agencer des modules soit de couleurs différentes, soit dans une même couleur. Cette liberté de « moduler comme on l’entend et selon son besoin » et ce dans toutes les parties de l’habitat, est l’une des grandes forces de l’objet et la garantie de son succès. Anna Castelli a choisi l’’acrylonitrile butadiène styrène [ABS], l’un des plastiques les plus employés aujourd’hui et appelé « acier tubulaire des années 60 ».

ANNA CASTELLI-FERRIERI, meuble de rangement Componibili, 1967-aujourd’hui, ABS, Kartell, ITA

1.2 FR LA TRANSPARENCE 02

DANS L’ÉLECTROMÉNAGER PLASTICARIUM COLLECTION

APPLE des couleurs à la mode. Ainsi, au lieu de fabriquer des boîtes carrées, Ive imagine un capot aux lignes courbes. L’acrylo- La compagnie Apple a été fondée en 1976, en Californie, par nitrile-butadiène-styrène [ABS] teinté en beige ou gris est deux informaticiens, Steve Wozniak [né en 1950] et Steve remplacé par du polycarbonate [PC] transparent coloré en Jobs [1955-2011]. Six mois plus tard, le micro ordinateur bleu, rouge, orange, violet ou vert. Jonathan Ive porte une Apple I est mis sur le marché. Le succès, immédiat, est le attention aux détails : l’ensemble est compact et les câbles résultat d’une miniaturisation rapide des composants élec- électriques sont limités au strict minimum. L’iMac doit troniques. C’est aussi le signe d’une révolution culturelle : le être un accessoire qui s’intègre autant à l’univers du travail souci de démocratiser l’accès à l’informatique. Le slogan qu’à l’univers domestique. d’Apple à l’époque est d’ailleurs : « le principe démocratique tel qu’il s’applique à la technologie est : une personne, un Le succès de ce design est fracassant, au-delà du monde de ordinateur. » l’informatique. La firme Artemide par exemple s’en est inspi- rée pour concevoir des luminaires en PC translucide et coloré. À partir de 1985, tous les appareils de la firme sont appelés Macintosh et les progrès technologiques ne cessent de L’iMac est identifié aujourd’hui comme l’un des produits les s’accélérer. En 1996, Apple crée l’iMac, un ordinateur com- plus importants de la fin du 20è siècle. Moins d’une année pact dont toutes les fonctions sont intégrées sous un même après la commercialisation de l’iMac, Apple dévoile l’iBook. et unique capot.

JONATHAN IVE, APPLE DESIGN TEAM, ordinateur iMac, 1996, PC, technique mixte, Apple, USA

Le designer d’origine britannique Jonathan Ive [né en JONATHAN IVE, APPLE DESIGN TEAM, ordinateur iBook, 1967], est nommé en 1996 à la tête de l’équipe responsable 1997, PC, technique mixte, Apple, USA du design des produits de la marque Apple – poste qu’il occupe toujours en 2016. Son rôle est essentiel puisqu’il a L’iBook est le premier ordinateur portable grand public ancré l’importance du design dans la compagnie. L’un de d’Apple. Son aspect ludique et coloré – deux coloris sont ses premiers projets a justement été l’iMac. disponibles, myrtille et mandarine – lui a valu quelques critiques. Son esthétique a été jugée par certains trop L’objectif était de créer un ordinateur fonctionnel et facile à proche des jouets. Néanmoins, Apple a mis sur le marché le utiliser, tout en redéfinissant son esthétique en employant deuxième ordinateur portable le plus rapide au monde.

2.1 LA TRANSPARENCE DANS L’ÉLECTROMÉNAGER

DYSON James Dyson

Les aspirateurs du designer britannique James Dyson [né en 1947] sont des pièces iconiques du design industriel.

JAMES DYSON, aspirateur DC05, 1988, ABS, PC, circuit électrique, Dyson Appliances, GBR

En 1978, James Dyson conçoit un nouveau type d’aspira- teur basé sur l’idée du cyclone et dépourvu de sac. Après cinq années de recherche et 5127 prototypes, un premier modèle sort au Japon sous la marque G-Force. Avec ses couleurs lilas et rose pastel, l’appareil est destiné à séduire aspirateur aspirateur un public féminin. Toutefois, James Dyson, voulant péné- G-Force DC01 trer le marché britannique, se lance lui-même dans la production de son produit. Après plusieurs remaniements, un aspirateur-balai, le DC01, est produit en 1983. Il est suivi d’une version traîneau, le DC02.

Au lieu de cacher le mécanisme sous un capot, le designer le laisse apparent en utilisant un plastique transparent. Ainsi, l’utilisateur peut directement voir si l’aspirateur à besoin d’être vidé. Les couleurs choisies, jaune, gris métal- lisé et noir, mettent en évidence les composantes princi- pales de la machine. Malgré son prix élevé, la marque Dyson devient vite numéro un sur le marché britannique.

La pièce conservée au ADAM est une version actualisée du DC02, dénommée DC05. Pour ce nouveau modèle daté de 1988, James Dyson remplace le gris métallisé par du bleu aspirateur turquoise et du bleu foncé. DC02

2.2 FR SIÈGES 03

ANTHROPOMORPHES PLASTICARIUM COLLECTION

ROGER TALLON [1929-2012] NICOLA L. [née en 1937]

Roger Tallon, connu pour avoir dessiné le TGV ou encore la Née au Maroc, Nicola L. s’installe dans le Paris de l’après- télévision Télévia, a produit avec son équipe plus de quatre- guerre pour étudier à l’Académie Julian et à l’École des cents objets en vingt ans, pour des commanditaires publics Beaux-arts de Paris. En 1966, elle se rend à New York, ville et privés. alors rythmée par le . À la même époque, elle découvre le vinyle et les fourrures synthétiques, matériaux En 1966, l’artiste César fait appel à Roger Tallon pour des- qu’elle décline sous toutes les formes sur des « meubles siner les santons de la crèche de l’aéroport d’Orly [France]. sculpture ». Ce terme désigne des éléments de mobilier qui Il imagine alors des santons sous la forme de sièges reprennent un langage sculptural organique et surréaliste portraits qui représentent des personnalités de l’époque. assumé. Quant à son esthétique, Nicola L. la qualifie Installés sur ces sièges, les usagers pouvaient voir Jésus sur d’« autre pop ». Influencée par les bouleversements sociopo- un écran de télévision. Roger Tallon poursuit cette série litiques de son temps, elle aborde le rôle de la femme et anthropomorphe en réalisant pour le restaurant bar l’Astro- développe une pratique basée sur le fonctionnel et les ob- quet, situé boulevard Saint-Germain [Paris], une vingtaine de jets du quotidien. La pièce anthropomorphe Femme en est sièges Zombie. l’illustration parfaite.

ROGER TALLON, siège Zombie, 1967, GRP, acier, FRA

Ces sièges prennent la forme d’une silhouette humaine jaune ou orange, sur laquelle est reproduit l’emplace- ment des yeux. Un coussin, qui rap- pelle par son esthétique une cible, est placé au niveau du dossier. Le propriétaire de l’Astrolabe modifie quelque temps après l’intervention de Roger Tallon l’aménagement du lieu et le mobilier fut dispersé. Ce qui explique la rareté de ces pièces aujourd’hui.

NICOLA L., banquette-sculpture Femme, 1968, PUR, PVC, BEL

La banquette-sculpture Femme se compose de différents éléments aux combinaisons multiples. L’assise, dont le des- sin évoque un buste est selon l’envie de l’usager, complétée de coussins en formes de tête, de bras et de jambes.

3.1 SIÈGES ANTHROPOMORPHES

RUTH FRANCKEN [1924–2006] ROY ADZAK [né en 1927]

Née à Prague de nationalité française, Ruth Francken est Sculpteur britannique, Roy Adzak est établi à Paris depuis une artiste qui a voulu mettre un terme aux barrières stylis- 1961. Il crée dans la mouvance du Pop des objets anthropo- tiques et aux catégories entre les domaines de la création. morphes basés sur des jeux de creux et de pleins, suggérant Selon elle, une telle distinction est dépassée : une même le mouvement dans l’espace. Adzak a collaboré à la création personne peut à la fois créer du mobilier et faire de la peinture. de mobilier pour l’Atelier A*.

RUTH FRANCKEN, ROY ADZAK, siège Fesses, 1992, GRP, Atelier A, FRA siège-sculpture Homme, GRP, inox, 1985, galerie X +, BEL 1ère édit. 1970, PUR, acier, galerie Boutique, FRA 2ème édit. 1985, PUR, acier, galerie X+, BEL

La galerie Éric et Xiane Germain, située rue Guénégaud à Le prototype de ce siège a été réalisé en 1970 pour l’Atelier Paris, a été un lieu d’accueil et de soutien pour les jeunes A. Il faudra toutefois attendre 1992 pour voir la pièce éditée créateurs dans les années 1970-1980. Elle a édité notam- en vingt-cinq exemplaires, en deux coloris - blanc et noir. ment vingt exemplaires du siège de Ruth Francken, créa- tion qui réinvente l’objet quotidien grâce aux matières L’usager de ce siège est invité à s’installer dans une assise plastiques. Pour parvenir à ce résultat, Ruth Francken a réa- qui épouse la forme de son corps puisqu’il s’agit d’un mou- lisé un moulage en plâtre sur un modèle vivant, en l’occur- lage en creux de fesses. Les courbes de ce moulage rence le corps d’un homme. Un des exemplaires de cette contrastent avec la structure cubique et rigide de la matière première édition a été destiné au roi du Maroc. Un autre au qui l’enveloppe. couturier Hubert de Givenchy.

En 1985, une réédition par la galerie bruxelloise X + est décidée. L’édition initialement prévue en 300 exemplaires, en blanc et noir numérotés et signés, ne sera jamais réalisée dans son intégralité suite à un désaccord entre l’artiste et la * L’Atelier A est un groupe artistique fondé entre 1969 et 1972 à Paris, no- galerie. Seul trente exemplaires semblent avoir été édités. tamment par le designer français François Arnal

3.2 FR 04

PLASTICITÉ PLASTICARIUM COLLECTION

BERNARD RANCILLAC [né en 1931] Bernard Rancillac

Plasticien et décorateur de théâtre, Bernard Rancillac est affilié à la mouvance duPop Art, plus précisément à l’une de ses variantes françaises, la Nouvelle figuration. Ce label proposé en 1961 par le critique Michel Ragon est appliqué de 1960 à 1979 à des tendances esthétiques différentes. La Nouvelle figuration n’a jamais été un mouvement cohérent mais correspond plutôt à une certaine vision contempo- raine de l’homme.

BERNARD RANCILLAC, fauteuil Éléphant, 1985, GRP, fer forgé, 1ère édit. 1967, GRP, acier, galerie Lacloche, FRA 2ème édit. 1985, GRP, acier, galerie Loft, FRA

Bernard Rancillac a créé ce fauteuil en 1966 à l’occasion de l’exposition Objet 2 Pour un mobilier contemporain, organi- sée à la galerie Lacloche [Paris]. Cette exposition a réuni des objets usuels et des meubles conçus par des artistes contemporains, français et étrangers, parmi lesquels ont fi- guré [1928-2005] et Roberto Matta [1911-2002], ainsi que deux designers, Georges Patrix [1920-1992] et Roger Tallon [1929-2011]. L’objectif poursuivi par les com- missaires était de tisser un lien entre la société et l’artiste à partir de pièces aussi bien esthétiques qu’utilitaires. Le siège Éléphant, originellement teinté en bleu, a fait l’ob- jet d’une réédition à cent exemplaires et en cinq couleurs – blanc, gris, jaune, rouge et vert – par la galerie parisienne Loft, en 1985.

4.1 FR 05

FUTURISME PLASTICARIUM COLLECTION

CESARE LEONARDI [né en 1935] & FRANCA STAGI [née en 1937] Cesare Leonardi, Franca Stagi, Ruban CL9, L’italien Cesare Leonardi s’intéresse au design au cours de sa 1961, GRP, Bernini, ITA deuxième année à l’école d’architecture de Florence. Dès ses premières années d’études, les éléments clefs de sa pratique s’expriment : il cherche à optimiser les performances de la matière, combinées avec la synthèse de la structure et de la forme. Très tôt dans sa carrière, il s’associe à Franca Stagi pour parvenir à ces objectifs. Ensemble, ils conçoivent en 1961 le fauteuil Ruban CL9. Cette pièce est constituée d’une bande continue en fibre de verre [GRP] soutenue par un tube métal- lique. En 1967, ils dessinent une autre pièce sculpturale, le siège à bascule Dondolo.

Le duo de designers choisit le GRP pour créer une seule forme qui exprime et sert l’économie. Quant au moulage cannelé, il est à la fois esthétique – il impulse une idée de mouvement – et fonctionnel – il supporte une résistance importante au poids. Disponible en trois couleurs – blanc, gris et bleu –, ce siège a été édité de 1967 à 1969 par la firme italienne Bernini, CESARE LEONARDI, FRANCA STAGI, siège à bascule Dondolo, puis à partir de 1969 par Elco. Le siège à bascule Dondolo a 1969, GRP, Elco, ITA été l’un des symboles de l’exposition new yorkaise Italy : 1ère édit. 1961, GRP, Bernini, ITA The new Domestic Landscape [MoMA, 1972], exposition qui 2ème édit. GRP, Elco, ITA a célèbré le design de la péninsule italique.

5.1 FR 06

FUTURISME PLASTICARIUM COLLECTION

MAURICE CALKA /CALCA [1921-1999]

Maurice Calka était un sculpteur, designer et urbaniste, d’origine polonaise. Il a vécu et travaillé à Paris tout au long de sa carrière. Il a gagné de nombreux prix, notamment le Premier grand prix de Rome en 1950, en sculpture. Après avoir testé les matériaux les plus divers, il a privilégié les plastiques. Ceux-ci lui ont permis des recherches sur le déploiement de formes dans un espace donné. Ces deux Maurice Calka bureaux en sont des illustrations parfaites.

MAURICE CALKA, bureau Boomerang & fauteuil, 1970, GRP, Jean Leleu-Deshays, FRA

Icône du design des années 1960-1970, le bureau Boomerang est une pièce prisée par les collectionneurs d’art, dont l’édition originale est limitée à trente-cinq pièces. Parmi ses célèbres propriétaires, le président français Georges Pompidou MAURICE CALKA, bureau P.D.G., 1969, GRP, [1911-1974] qui en fit l’acquisition pour le palais de l’Elysée. Jean Leleu-Deshays, FRA Maurice Calka a fait preuve de virtuosité dans ses re- cherches esthétiques sans pour autant mettre de côté le P.D.G. est une version plus grande que le précédent bureau. fonctionnalisme de la pièce. La réussite de Calka est inti- Il propose également de nouvelles fonctionnalités, notamment mement liée au choix du matériau, le polyester renforcé de un siège pivotant intégré sur le côté du meuble ainsi qu’un fibre de verre [GRP]. En effet, le GRP donne une liberté système électrique qui permet d’y installer un téléphone et totale à l’artisan créateur. un écran télévisé.

6.1 FR 07

FUTURISME PLASTICARIUM COLLECTION

MAURICE-CLAUDE VIDILI [né en 1937] stéréo, téléphone – elle bénéficie d’une parfaite isolation sonique grâce aux parois capitonnées de mousse d’une Maurice-Claude Vidili, architecte de formation, conçoit la épaisseur de cinq centimètres. L’éclairage artificiel est dif- Sphère d’isolement S1 en 1971. Il cherche à créer un espace fusé par le sol. de travail privatif, protégé de toute intervention extérieure. Afin de faciliter le transport de la sphère, elle est conçue La forme sphérique semble la plus appropriée puisque sa en quatre fuseaux. Entièrement blanche dans sa conception structure empêche tout son d’y pénétrer ou d’en sortir. Elle d’origine, elle sera éditée en quatre couleurs - blanc, rouge, présente par ailleurs l’avantage de paraître plus petite qu’elle jaune, orange. Les Plastiques de Bourgogne ont édité cette n’est de l’extérieur et de donner un sentiment d’espace plus sphère et en ont élargi la finalité. La brochure commerciale grand à l’intérieur. la présente effectivement comme un boudoir mais aussi comme un bureau de réception, de téléphonistes, un ter- Sa structure est en polyester armé de fibre de verre [GRP]. minal ordinateur ou télé. De par sa forme, ses matériaux et La Sphère repose sur une base de section carrée aux côtés sa couleur, cette sphère répond parfaitement à l’esthétique incurvés. L’intérieur est aménagé d’une table pivotante, de des années 1970, années d’utopies sociales et humaines, deux casiers ouverts prolongeant un meuble de rangement de rêves de conquête de l’espace et de créations liées à l’essor et d’une banquette pouvant accueillir deux à trois personnes. des nouveaux matériaux résultant du développement de Equipée des branchements et câbles nécessaires l’industrie pétrochimique. à l’installation de divers medias – télévision,

MAURICE-CLAUDE VIDILI, Sphère d’isolement S2, 1971, GRP, technique mixte, Les Plastiques de Bourgogne, FRA

7.1 FR 08

TRANSPARENT PLASTICARIUM COLLECTION

FRANÇOIS ARNAL [1924-2012] ERWINE [1909-2003] & ESTELLE LAVERNE [1915-1997]

Peintre, sculpteur et designer, François Arnal était à la re- Les américains Erwine et Estelle Laverne se rencontrent en cherche de la transparence, quête qu’il a assouvie grâce au 1934. Le couple fonde sa société Laverne original quatre ans PMMA. Arnal a donné ses lettres de noblesse à ce matériau plus tard. Leur objectif est de produire des meubles et tissus en réalisant des pièces pour l’Atelier A. L’Atelier A est un dessinés par eux-mêmes et par d’autres designers. La société groupe artistique fondé entre 1969 et 1972 à Paris par grandit et devient ensuite Laverne International. Erwine et François Arnal, Serge Benbouche, Olivier Boissière et Pierre Estelle Laverne ont créé des formes classiques mais person- Restany. Leur mission était d’éditer des objets, du mobilier nelles, qui jouent sur la transparence. Leur principe clef était : et des luminaires conçus par des peintres, des sculpteurs et « un meuble se doit de ne pas obstruer l’espace d’une pièce ». des architectes qui expérimentaient des matériaux nouveaux. En 1957, ils ont créé la série de meubles Invisible group, dont Roy Adzak a créé pour cet atelier le siège Fesses [1970], les chaises Lis, Bouton d’or, Narcisse et Jonquille. Comme leur vu précédemment dans les salles d’exposition du ADAM. nom l’indique, ces chaises sont inspirées de formes organiques. Quant au matériau utilisé, le PMMA, il permet de créer des jeux visuels avec l’espace et la lumière. Ces pièces rempor- tèrent un immense succès auprès des décorateurs d’intérieur de la fin des années 1950. Elles ont annoncé les créations des années 1960.

FRANÇOIS ARNAL, tabouret Z, 1970, PMMA, Atelier A, Paris, FRA

Le poly [méthacrylate de méthyle] [PMMA] formé à chaud donne lieu à une véritable exploration de formes ERWINE & ESTELLE LAVERNE, chaise Lily [Invisible et de techniques, comme ce tabouret et cette table basse group], 1957, PMMA, coussin mousse de latex, tissu, qui prennent la forme d’un Z. Laverne International, USA

8.1 TRANSPARENT

SHIRO KURAMATA [1934-1991] Shiro Kuramata

Shiro Kuramata est un designer japonais basé depuis 1965 à Tokyo. À partir de 1981, il participe à des activités du groupe Memphis. Ce sont celles-ci, ainsi que ses collaborations avec le créateur de mode Issey Miyake [né en 1938], qui l’ont fait connaître en Europe. D’un point de vue esthétique, Shiro Kuramata fait une synthèse entre la tradition japonaise, les influences occidentales et les nouvelles technologies. En effet, au lieu de faire usage du bambou, du bois, de la laque ou de l’acier, il a choisi l’acrylique pour ses qualités optiques. Il en résulte des pièces poétiques dont les détails ont été méticuleusement étudiés.

Figées dans un bloc d’acrylique [PMMA], des fleurs artificielles semblent flotter dans l’espace. Grâce à ce matériau, Shiro Kuramata désire éliminer la gravité. La chaise est traversée par la lumière. Cet effet irréel est accentué par la finesse des pieds métalliques qui soutiennent les 70 kilos de la structure. Le nom de cette chaise, Miss Blanche, est un hommage au corsage porté par l’actrice Vivien Leigh [1913-1967] qui incarne Blanche Dubois dans le filmA Street Car Named Desire [1951]. Après avoir dessiné Miss Blanche, Shiro Kurama est resté captivé par le charme de l’acrylique. Cette fascination le conduit à travailler sur une collection de vases constitués de bloc d’acrylique coloré.

SHIRO KURAMATA, chaise Miss Blanche, 1988, fleurs artificielles, PMMA, aluminium, Ishimaru Co., JPN

8.2 FR 09

TRANSPARENT PLASTICARIUM COLLECTION

PHILIPPE STARCK [né en 1949] Philippe Starck

Sorti diplômé de l’école Camondo [Paris], Philippe Starck commence sa carrière en dessinant des meubles gonflables pour Quasar. Il travaille ensuite chez Pierre Cardin en tant que directeur de design. En 1980, il fonde sa propre entre- prise, Starck Products. Il dessine alors pour de grands fabri- cants comme Flos, Driade ou encore Kartell. C’est à cette même époque que sa célébrité s’affirme. En 1981, il est choisi, avec sept autres designers, pour remeubler les la vocation de La Marie avec son dessin qui répond à l’idée appartements du palais de l’Elysée. En 1983, ce sont les basique de ce qu’est une chaise : quatre pieds, une assise et appartements privés du président français François un dossier. Non sans humour, il la nomme du prénom féminin Mitterrand [1916-1996] qui lui sont confiés. Dès le début de Marie, lui aussi archétypal. L’appui de Kartell dans cette sa carrière, l’esthétique est une fonction essentielle du création a été décisif. Depuis que Claudio Luti, ancien meuble pour Philippe Starck. Pour y parvenir, il mêle réfé- manager de Versace et gendre de Castelli, a pris les com- rences historiques françaises et touche futuriste. mandes de Kartell en 1988, la firme soutient les designers comme Philippe Starck ou Ron Arad [né en 1958] dans leurs projets. Pour les designers, c’est une manne économique importante. Pour Kartell, c’est le gage d’un renouveau. De nombreux commentateurs parlent d’ailleurs de « deuxième naissance » pour l’entreprise familiale. En effet, Luti cherche à actualiser la vision d’entreprise, sans perdre l’âme du pro- duit. Il a compris l’urgence de changer l’image des produits plastiques qui, au début des années 1980, étaient décriés comme démodés et polluants. Luti a mis l’accent sur la per- sonnalité de ses designers, des plastiques recyclables, et changea le nom des produits, passant des chiffres à des termes évocateurs. Toujours pour Kartell, Philippe Starck a poursuivi dans la voie de la transparence avec les sièges Louis Ghost [2002], Victoria Ghost [2005], deux immenses succès commerciaux.

PHILIPPE STARCK, chaise La Marie, 1999-aujourd’hui, PC, Kartell, ITA

Extrêmement résistant aux chocs et aux intempéries, le polycarbonate [PC] présente également une très bonne transparence. Pour ces raisons, le PC remplace peu à peu le poly [méthacrylate de méthyle] [PMMA], plus cassant et sensible aux rayures, dans les créations des designers. Philippe Starck a utilisé ce matériau pour concevoir La Marie, la première chaise transparente moulée en une seule opération. À partir de cette chaise, Starck déclare ne plus PHILIPPE STARCK, fauteuil Louis Ghost, PHILIPPE STARCK, chaise Victoria Ghost, vouloir faire des objets signés mais des archétypes. Telle est 2003-aujourd’hui, PC, Kartell, ITA 2005-aujourd’hui, PC, Kartell, ITA

9.1 TRANSPARENT

PHILIPPE STARCK, canapé Uncle Jack, 2014-aujourd’hui, PC, Kartell, ITA

Philippe Starck présente le canapé Uncle Jack de la manière suivante : « C’est la version minimaliste et technolo- gique des fauteuils et des divans qu’utilisaient mes oncles et mes tantes pour fumer la pipe ou tricoter paisiblement devant le feu, en toute sérénité. Les temps ont changé et les meubles avec... mais nos rêves sont toujours les mêmes. »

Après le fauteuil Louis Ghost [2003], Starck revisite une nouvelle fois des formes du passé. Le grand dossier protecteur et ses deux accoudoirs aux lignes ondulantes sont des citations des canapés des générations précédentes. Cependant, l’esthétique a été épurée, le bois et les tissus ont été remplacées par le PC. Depuis la chaise La Marie [1999], la transparence de la matière a été améliorée, au point que les objets semblent avoir été taillé dans du cristal. Quant aux proportions, elles ont été décuplées. Il mesure 190 cm de longueur et pèse 30 kg. C’est la première fois que la tech- nologie de moulage par injection du plastique est appliquée à un meuble avec de telles dimensions.

9.2 FR 10

GONFLABLE PLASTICARIUM COLLECTION

Le mobilier gonflable apparaît aux Etats-Unis et en Europe au début des années 1960. Il connaît le succès surtout auprès des jeunes, avides d’un autre mode de vie. La France se distingue par le nombre important de réalisations en poly- chlorure de vinyle [PVC] mais aussi par son succès critique. En 1968, deux expositions parisiennes ont joué un rôle décisif dans cette démocratisation du matériau. La première, intitulée Structures gonflables s’est déroulée à l’ARC [ani- mation, recherche, confrontation] et la seconde, Les assises du siège contemporain, au Musée des Arts décoratifs de Paris. Cette dernière est organisée par le groupe AJS Aérolande. Formé en 1966 par trois architectes – Jean Aubert, Jean-Paul Jungmann et Antoine Stinco – ce groupe s’intéresse parti- Quasar et sa femme culièrement à l’architecture gonflable et à la conception de meubles réalisés en PVC. Parmi les exposants des Assises du siège contemporain, figure Quasar, un ingénieur né à Hanoï. Quasar conçoit un environnement totalement gonflable qui comprend des parois, des sièges, des tables et des luminaires. QUASAR [né en 1934] Ces derniers fonctionnaient grâce à un système d’aération et d’ampoules à faible voltage. L’ensemble de la série a été réa- Nguyen Manh Khanh dit Quasar réalise son premier siège en lisé à partir de films de PVC souples, colorés ou transparents, PVC transparent pour sa voiture. Il invente ensuite un pouf soudés à la main. En raison du coût de fabrication et de la qui devient fauteuil, ainsi qu’un ensemble de luminaires. Le fragilité du matériau, Quasar comprend que le mobilier PVC, matière transparente fétiche du pop, permet à Quasar gonflable à un avenir fragile. Il invente alors des meubles à de « libérer » les intérieurs. À l’image de la série Aérospace structures mixtes, utilisant un support en poly [méthacrylate qui, comme son nom l’indique, s’inspire de la science fiction. de méthyle] [PMMA].

QUASAR, collection Aérospace, PVC, 1968, Quasar, FRA.

10.1 FR 11

ANTI-DESIGN PLASTICARIUM COLLECTION

UGO LA PIETRA [né en 1938] UGO LA PIETRA, lampe Globo tissurato, 1967, PMMA, technique mixte, Kriliko Design, ITA Artiste, architecte, designer, Ugo La Pietra est diplômé de l’Ecole Polytechnique de Milan en 1964. Il enseigne dans plusieurs facultés d’architecture et développe une intense activité expérimentale marquée par l’avant-garde autrichienne - Hans Hollein, Walter Pichler, etc. Difficilement classable, Ugo La Pietra travaille en dehors des disciplines et passe par différents courants – art conceptuel, art social, entre autres –, publie et participe à plusieurs groupes - Superstudio et Archi- zoom par exemple. Son activité vise à la clarification et à la défi- nition de la relation individu/environnement. Les expériences artistiques de ce « chercheur dans les arts visuels » s’enri- chissent à la fin des années 1960 de nouveaux matériaux, dont le méthacrylate [PMMA]. La lampe Globo tissurato, premier modèle d’une petite série de luminaires, en est l’exemple parfait.

Il s’agit d’un objet d’expérimentation sensible comme les Immersions, sphères ou casques sonores lumineux à travers lesquels le spectateur est confronté à des phénomènes senso- riels forts. Le méthacrylate, matériau synthétique transparent, prend ici des formes géométriques élémentaires et modu- lables : trois demi-globes identiques forment la structure de la lampe. Un cylindre transparent les entoure. À la base et faisant office de socle, un demi-globe retourné contient l’ampoule électrique, dont un régulateur permet de varier l’intensité lumineuse. Les deux autres globes sont réunis en une boule soutenue en son milieu par le haut du cylindre, à quelques centimètres au-dessus de la source lumineuse qu’ils reflètent. Bulle en apesanteur, source d’une lumière diffuse, Globo tissurato est un objet libéré de sa fonction Ugo La Pietra première et rendu à l’imagination de l’utilisateur.

11.1 FR 12

ANTI-DESIGN PLASTICARIUM COLLECTION

GAETANO PESCE [né en 1939]

Gaetano Pesce, un des représentants les plus importants de l’anti-design italien, a étudié à Venise l’architecture tout en suivant des cours à l’Institut du design industriel jusqu’en 1965. Pesce explore les possibilités de la nouvelle mousse en polyuréthane [PUR] de C&B [Cassina & Buselli], filiale de Cassina. La fluidité du matériau permet au designer de pro- duire des formes anthropomorphes. Gaetano Pesce s’oppose à l’idée d’une standardisation de la production. Pour y parvenir, il introduit dans les processus de fabrication des éléments Gaetano Pesce perturbateurs à diverses étapes de la production.

GAETANO PESCE, table basse Sansone II, 1986, PUR, PVC, résine époxy, métal

GAETANO PESCE, chaise Dalila II, 1980, PUR, résine époxy La table exposée est une édition revisitée de la Sansone I [1980]. Cassina, ITA Intitulée Sansone II, elle se compose d’un plateau en résine époxy supporté par une structure métallique, ainsi que des En 1980, il dessine les sièges Dalila I, Dalila II et Dalila III, pieds en polychlorure de vinyle [PVC] et en PUR. Ces pieds, ainsi que la table Sansone. Comme leurs noms l’indiquent, précairement orientés, évoquent le brisement des colonnes ces meubles ont été inspirés de l’histoire biblique de Samson du temple des Philistins par Samson. et Dalila [Ancien Testament]. Alors que Dalila I n’a jamais Au lieu de chasser l’air de l’empreinte du moule, Pesce le retient existé que sous la forme de prototype, la chaise Dalila II et prisonnier de manière à ce que les bords de la table soient le fauteuil Dalila III ont été produits pas Cassina. Ces pièces en irréguliers. La résine polyester, répandue dans le moule sans PUR recouvertes de résine époxy étaient disponibles en trois que la teinte soit préalablement homogénéisée, entraîne une coloris - gris, noir ou brique. Les formes douces de ces sièges variété infinie de combinaisons de couleurs, réparties de évoquent les courbes du corps de la belle et infidèle Dalila. manière imprévisible.

12.1 ANTI-DESIGN

GAETANO PESCE, chaise Pratt, 1983, PUR, USA

Au début des années 1980, la Pratt Institute, institut d’ensei- gnement supérieur privé de New York, demande à Gaetano Pesce d’expérimenter de nouveaux matériaux industriels pour concevoir des meubles. Le designer italien honore cette requête en réalisant une série de neuf chaises aux qualités différentes. Néanmoins, seule la huitième chaise de la série présente un équilibre parfait : sa structure est très solide tout en étant confortable. Le chaise exposée au ADAM fait partie de la huitième série. Le programme iconographique exprime la pensée de Pesce sur le design. On trouve en relief des visages souriants, des cartes de jeu, des formes géométriques, une série de points qui illustrent le théorème de Pythagore, une grappe de raisin, etc. Des impressions de main en creux figurent en haut de la chaise, endroit où l’on pourrait saisir la chaise pour la déplacer.

12.2 FR ART : 13

CABINET DE CURIOSITÉ PLASTICARIUM COLLECTION

À la manière d’un cabinet de curiosité des siècles passés, lieu dans lequel on collectionne et présente une multitude d’objets rares ou étranges, les œuvres d’art du ADAM sont révélées à nos regards. De natures diverses, elles témoignent de différents mouvements artistiques, notamment duPop Art.

Le Pop Art désigne un groupe d’artistes qui apparaît au milieu des années 1950 au Royaume-Uni. Son identité se construit autour de l’Independent Group, composé d’artistes et d’architectes. Mais c’est à New York, dans les années 1960, que ce mouvement prend toute son ampleur.

Inventé par Lawrence Alloway [1926-1990] à la fin des an- nées 1950, le terme Pop Art indique que l’art prend appui sur la culture populaire de son temps en lui empruntant son imagerie. Mais si le Pop Art cite une culture propre à la société de consommation, c’est sur le mode de l’ironie.

S’il n’est pas un mouvement structuré au sens d’un groupe qui organise des manifestations collectives, le Pop Art pré- sente néanmoins une cohérence. Des artistes comme [né en 1929], [1923-1997], Andy Warhol [1928-1987] ou encore Tom Wesselmann [1931-2004] ont exposé dans le foyer du Pop Art américain.

La tendance Pop prend dès le début des années 1960 jusqu’en 1970 une dimension pluridisciplinaire et interna- tionale qui se manifeste principalement à travers le design italien [cf. 6 Anti-design] et l’architecture.

En France, au même moment, c’est le Nouveau Réalisme qui s’affirme comme l’une des tendances artistiques majeures. Arman [1928-2005], César [1921-1998], [1928- 1962], Jacques de la Villeglé [né en 1926], Niki de Saint Phalle [1930-2002], pour n’en citer que quelques-uns, ont travaillé collectivement de 1960 à 1963 sous la bannière du Nouveau Réalisme. Pourtant, l’histoire du mouvement se poursuit au moins jusqu’en 1970. Dans la diversité de leur langage plastique, ces artistes ont la volonté commune de s’approprier des éléments du quotidien et de les magnifier en œuvre d’art.

13.1 ART : CABINET DE CURIOSITÉ

Evelyne Axell

EVELYNE AXELL [1935-1972] EVELYNE AXELL, Le Peintre, 1970, émail, PMMA, BEL

Diplômée de l’Académie des Beaux-Arts de Namur et du Conservatoire de Bruxelles, Evelyne Axell a poursuivi entre 1955 à 1962 une carrière de comédienne. Après avoir vécu un moment à Paris, elle est retournée à Bruxelles et s’est consacrée entièrement à la peinture à partir de 1963 et cela, jusqu’à sa mort prématurée en 1972. L’histoire veut que ce soit l’artiste surréaliste René Magritte [1898-1967] qui lui ait révélé les secrets de la peinture à l’huile. Quand Evelyne Axell a commencé à s’affirmer en tant que plasticienne, le monde artistique vivait à l’heure du Pop Art et les membres du Nouveau Réalisme consolidaient leur position. Elle aban- donna alors la peinture à l’huile pour explorer la gamme des résines plastiques qu’elle colorie à l’émail. Les plastiques synthétiques étaient en voie d’expérimentation et d’affine- ment à cette époque. Il lui est donc arrivé de devoir aban- donner un matériau, du fait de l’arrêt de sa commercialisa- tion. Dès 1966, c’est à travers le corps de la femme, et en premier lieu le sien, qu’Evelyne Axell a affirmé son style. Il ressort d’emblée du tracé des formes, du choix de l’attitude que la peintre entendait donner à ces nus, l’image d’une femme libre, sans complexes, sûre d’elle-même et de sa fémi- nité. Son autoportrait, Le Peintre, peut être lu comme un manifeste de sa vision artistique : Evelyne Axell se représente nue, brandissant son pinceau comme attribut.

13.2 FR ART : 14

CABINET DE CURIOSITÉ PLASTICARIUM COLLECTION

ARMAN, Accumulation de grattoirs, 1970, PMMA, ARMAN [1928-2005] technique mixte, FRA

Armand Fernandez, dit Arman, a étudié à l’École des arts Accumulation de grattoirs montre une série de grattoirs de décoratifs de Nice en 1946, puis à l’École du Louvre [Paris], peintre alignés et emprisonnés dans du PMMA. Le principe de 1949 à 1951. Il se lie d’amitié avec Yves Klein qui l’introduit de répétition rappelle les œuvres d’Andy Warhol, notamment auprès du critique [1930-2003]. Ensemble, ses motifs sériels de boîtes de conserve sérigraphiées. Dans ils forment le groupe des Nouveaux Réalistes. l’une comme dans l’autre de ces œuvres, ce sont des objets du quotidien qui sont élevés au rang d’œuvre d’art. La sculpture Ses premières peintures, les Cachets, composent des images Vénus est une autre Accumulation, en trois dimensions. Il abstraites à partir d’empreintes d’objets trempés d’encre. Il s’agit d’un buste de femme formé de paires de lunettes figées prend ensuite conscience que l’objet lui-même peut être encore également dans du PMMA et daté de 1971. plus signifiant que son image reportée. Il commence alors son travail d’Accumulations qui rassemble de grandes quantités d’objets identiques fondus dans du plexiglas [PMMA]. Cette idée lui est venue des inclusions d’insectes et de minéraux dans du polyester. Arman n’utilise pas les matières plastiques pour elles-mêmes, pour leur aspect de surface lisse ou froid. Ce qu’il apprécie, c’est leur capacité à conserver des rebuts, sans grand danger de pourrissement ou d’altération par oxyda- tion. Pour l’artiste, les plastiques sont des matériaux modernes et temporaires dans l’histoire de l’humanité. En effet, ces produits de la pétrochimie sont limités par les ressources naturelles - Arman prévoyait leur épuisement dans les années 2000. Il n’a jamais nié les nuisances d’un tel matériau, qu’il a qualifié de « matériau sale » - les plastiques sous la forme solide sont des polluants qui dégradent l’environnement. Et ARMAN, Vénus, 1970, quand ils sont chauffés, ils dégagent des fumées toxiques. PS, lunettes, FRA

14.1 ART : CABINET DE CURIOSITÉ

CÉSAR [1921-1998] César

César Baldaccini a été élève à l’École des Beaux-Arts de Marseille et à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris jusqu’en 1948. Il y a reçu une formation aux techniques tradi- tionnelles de la sculpture. À partir de 1958, César réalise ses œuvres emblématiques, les Compressions. Ces créations sont issues de la découverte fortuite d’une presse américaine chez un ferrailleur de Gennevilliers, lieu dans lequel César glanait la matière première de ses sculptures. Il utilise dans un premier temps des plaques de métal indifférenciées, puis des voitures qu’il compresse en blocs rectangulaires. César maîtrise très vite la technique des Compressions, ce qui lui permet de diriger ses travaux. Ainsi, il réintroduit dans un mécanisme, apparemment impersonnel, la conscience du créateur.

CÉSAR, Compression, 1970, PMMA, FRA CÉSAR, Expansion au cube, 1970, PUR, bois, FRA

Pour réaliser cette Compression, César a chauffé une feuille en « Les expansions, c’est de la sculpture classique ! », affirme poly [méthacrylate de méthyle] [PMMA] teintée de rose. En César en 1973 à Hervé Fischer. En effet, malgré leur aspect 1973, dans un entretien accordé à l’écrivain Hervé Fischer [né naturel et organique, les Expansions sont faites à la main. en 1941] César s’exprime sur son intérêt pour les plastiques. L’artiste contrôle autant la manière de verser plus ou moins Selon lui, en tant que sculpteur, il est normal de s’intéresser vite la mousse de polyuréthane [PUR], que sa nature au aux matières disponibles. Or les plastiques sont omniprésents durcissement et à la densité variable. En résultent des dans notre quotidien, comme autrefois la pierre, le marbre, le formes simples ou baroques, retravaillées avec des outils. bois. Ainsi, c’est de manière instinctive qu’il a commencé en Ces modifications de la forme répondent aux critères de 1965 à travailler à partir de résines plastiques. En parallèle aux qualité et de sensibilité. Compressions, il réalise en 1967 sa première Expansion. Il s’agit de laisser librement se répandre une mousse de polyuréthane qui se solidifie rapidement. LesExpansions sont nées de la découverte d’un processus chimique expérimenté lors des essais de réalisation des empreintes humaines.

14.2 FR RETOUR À UNE FORME 15

PLUS ARTISANALE DU DESIGN PLASTICARIUM COLLECTION

Les années 1980 ont été le théâtre d’importants changements JÓLAN VAN DER WIEL [né en 1984] politiques et d’un renouveau économique, autant aux Etats Unis qu’en Europe. Cet essor économique a profité au marché Le designer hollandais Jólan van der Wiel est diplômé de la du mobilier. Les techniques de pointe sont employées par prestigieuse Gerrit Rietveld Academy d’Amsterdam. En d’importantes entreprises afin de produire des articles au 2011, année de son diplôme, il fonde son propre studio à design neutre et bon marché. L’idée est de rendre le mobilier Amsterdam. Durant sa formation, il a consacré ses plus accessible au grand public. D’un point de vue créatif, recherches à expérimenter l’utilisation des forces de la cette vision n’est pas sans conséquences. Elle contraint en nature [gravitation, force centrifuge, force statique, énergie effet les designers à choisir l’une des deux options suivantes : éolienne] pour donner naissance à de nouvelles formes. À soit travailler avec un fabricant connu et créer des meubles ses yeux, concevoir de nouveaux outils de production est selon un programme et des critères précis ; soit produire une source d’inspiration incroyable. Il s’est toujours attaché indépendamment des pièces à tirage limité. C’est souvent à trouver des applications à des matériaux et techniques ce second choix que l’avant-garde privilégie. L’architecte et non orthodoxes, à l’image de l’utilisation de la force magné- designeuse française Charlotte Perriand [1903-1999] a vu tique dans le processus de fabrication de ses Gravity Stools, dans ce phénomène un retour à une forme d’artisanat, c’est à où la force magnétique «faisait pousser» des pieds à ses dire à un fonctionnement à échelle plus réduite qui mettrait tabourets en résine et en limaille de fer. Il affectionne les à profit tout le potentiel technologique présent et futur. objets où se manifestent les forces de la nature. Parmi ses Parallèlement à ce phénomène, il faut souligner l’intérêt clients et partenaires, on retrouve, notamment, le MoMA, croissant du public pour le design, dont le symbole le plus Volvo, Iris Van Herpen, Dom Pérignon, le Vitra Design visible est la prolifération des magazines de décoration Museum, etc. d’intérieur. Le meuble d’avant-garde est de plus en plus recherché par une clientèle aisée disposée à investir dans Fraîchement diplômé Jólan van der Wiel crée d’étranges un design novateur. Ces meubles n’entretiennent générale- tabourets aux formes aléatoires en utilisant les lois natu- ment plus qu’un lien symbolique avec le fonctionnalisme. relles de la gravité. Utilisant la magnetmachine, un outil de Ils sont de véritables sculptures. sa conception pour son projet de fin d’études, il positionne des champs magnétiques, les opposant l’un à l’autre, afin d’étirer et de tordre un mélange plastique additionné de li- maille de fer pour obtenir des tabourets aux formes fanto- matiques. Grâce à cette technique, en 20 minutes à peine, une silhouette de tabouret aux formes pointues et orga- niques semble croître de manière naturelle.

JÓLAN VAN DER WIEL, Gravity side table, 2012, résine plastique, limaille de fer, Centre d’innovation et de design, Grand-Hornu, Province de Hainaut, BEL

15.1 RETOUR À UNE FORME PLUS ARTISANALE DU DESIGN

DIRK VANDER KOOIJ [né en 1983]

Né à Purmerend [Pays-Bas] en 1983, Dirk Vander Kooij est parvenu à développer de nouvelles techniques qui enfantent des créations singulières. Fasciné par l’ingénierie, fourmillant d’idées, étudiant et perfectionnant longuement ses méthodes de travail, il maîtrise aujourd’hui fermement les outils qui lui permettent de réaliser ce qu’il a dans la tête. Dirk Vander Kooij est diplômé de la Design Academy Eind- hoven. Son travail a été montré à différentes occasions depuis 2011, notamment durant le Salone del Mobile de Milan et au DMY international design festival à Berlin.

Cette chaise à bascule de la collection Endless du designer Dirk Van Der Kooij est produite à partir de pastilles de plas- tique issues de réfrigérateurs mis au rebut. Le designer néerlandais a réquisitionné et reprogrammé un modèle de bras robotique déclassé provenant d’une usine chinoise. Outre la démarche écologique de ce projet, cette collection est remarquable pour son innovation : en effet, le robot est capable de créer le mobilier en un seul processus.

DIRK VANDER KOOIJ, Endless Flow Rocking Chair, 2011, plastique recyclé, prêt Centre d’innovation et de design, Grand-Hornu, Province de Hainaut, BEL

15.2 FR 17

DES ICÔNES REVISITÉES PLASTICARIUM COLLECTION

ALESSANDRO MENDINI [né en 1931] Tout en accentuant les formes, notamment le dossier et les accoudoirs, il recouvre entièrement le fauteuil de peinture Alessandro Mendini est un architecte et un designer aux couleurs pures appliquée par touches. Cette technique italien, diplômé en 1959 de Politecnico de Milan. Il est l’un picturale est empruntée aux néo-impressionnistes, peintres des principaux théoriciens du design radical, mouvement estimé par Marcel Proust. Ainsi, il s’agit d’un fauteuil éla- italien de la fin des années 1960. Mendini repense et théorise boré à partir de références diverses, une œuvre de re-design, la place du design et du designer. Il soutient ses théories qui questionne les qualités de design classiques comme dans les revues Casabella, Modo et Domus qu’il dirige l’originalité, la fonctionnalité et les coûts de production. successivement. À partir de 1978, le fauteuil connait de continuelles L’un de ses concepts est celui de Re-Design. Cela consiste à variantes dans les couleurs, les matériaux et les dimensions, transformer avec humour les grands classiques du n’hésitant pas en 2011 à prendre le contrepied e sa théorie design en y ajoutant couleurs, ornements ou en utilisant de du re-design. En effet, Mendini collabore avec la maison nouveaux matériaux. Il démontre ainsi l’impersonnalité des d’édition Magis pour produire de manière industrielle et produits fabriqués en série. Convaincu que le modernisme polyéthylène [PE] moulé par rotation. En raison de sa s’achève, qu’il n’y a plus de forme innovante à inventer, matière, de nouvelles colories sont employé et il peut être Mendini re-design des classiques reconnaissables. La première utilisé en intérieur ou à l’extérieur. version du fauteuil Proust en est l’illustration.

ALESSANDRO MENDINI, fauteuil Proust, conçu : 1978, EUGENI QUITLLET [né en 1972] & PHILIPPE STARCK [né en 1949] édité en plastique : 2011-aujourd’hui, PE, Magis, ITA Au cours de leurs dix années de collaboration, l’espagnol Eugeni Quitllet, diplômé de l’école d’art Llotja [Barcelone] et le français Philippe Starck ont signé des pièces aux formes sculpturales permissent par les avancées technologiques, à l’exemple de la chaise Masters.

En 1976, Alessandro Mendini a l’idée de dessiner un tissu « Proust » avec Francesco Binfaré pour la maison d’édition italienne Cassina. Il part alors sur les traces de l’écrivain Marcel Proust [1871-1922] pour s’imprégner de son monde visuel. En faisant des recherches sur l’environne- ment de la bourgeoisie contemporaine de Marcel Proust, Mendini rencontre une copie d’une chaise de style Néo- baroque du XIXème siècle. Il part de ce meuble pour réaliser EUGENI QUITLLET, le fauteuil Proust. Philippe Starck, chaise Masters, 2010-aujourd’hui, PP, Kartell, ITA

17.1 DES ICÔNES REVISITÉES

La chaise Masters rend hommage à trois chaises à l’eau, à la corrosion mais aussi aux assauts de solides ma- iconiques dont nous retrouvons les silhouettes fusionnées rines. L’objet devait également être léger et être dépourvu au niveau du dossier : la chaise Série 7 [1955] de Arne de propriétés magnétiques, afin de ne pas dérégler les appa- Jacobsen, la chaise Tulipe [1957] d’Egon Saarinen et à la Eiffel reils ni attirer l’attention de radars ennemis. Il fut alors Chair [1950] de Ray et Charles Eames. Cette combinaison décidé de créer une chaise en aluminium [recyclé à près de donne naissance à un dossier aux lignes sinueuses ryth- 80%]. Le recours à ce métal, considéré alors comme pauvre mées par des vides. Nommée Masters, littéralement et malléable, s’est développé pendant la guerre. « maîtres », cette chaise a reçu en 2010 le prestigieux prix Good Design Award, présenté par le Chicago Athenaeum - Ainsi, la chaise est entièrement fabriquée en aluminium Museum of Architecture and Design. Ce prix récompense brossé résistant à la corrosion selon un processus en 77 les produits novateurs et d’avant-garde produit dans le étapes. Après avoir été fabriquée en série par la machine, les monde entier. chaises sont peaufinées à la main par des artisans locaux. Cette chaise se caractérise par une structure simple et a une assisse formée d’une empreinte en creux qui serait inspirée LES CHAISES NAVY du galbe des fesses de Betty Grable [1916-1973], célèbre pin- ups de la Deuxième guerre mondiale.

Jusqu’aux années 1970, le gouvernement américain demeura le premier consommateur de la 1006 Navy. Puis, séduits par ses propriétés techniques, les hôpitaux, les commissariats et les prisons des Etats-Unis vont s’en munir.

En 2006, Coca-Cola qui souhaite diversifier les utilisations du plastique recyclé de leur bouteille, contacte Emeco. Cette matière appelée PET [polyéthylène téréphtalate recyclé] est destinée majoritairement à fabriquer des textiles synthé- tiques d’une durée de vie relativement courte. Le défis est alors de faire une chaise solide, pérenne et résistante aux rayures. Après quatre ans de recherche, la 111 Navy est éditée.

La 111 Navy est composée d’un mélange de 60 % de PET à laquelle est ajoutée de la fibre de verre [GRP] pour A gauche: Chaise 1006 Navy, 1944-aujourd’hui, renforcer la structure. Sur chaque chaise figure le nombre aluminium, Emeco, USA de bouteilles utilisées pour sa fabrication, 111. Hormis le A droite: Chaise 111 Navy, 2009-aujourd’hui, PET, matériau utilisé, la 111 Navy reste fidèle à la version GRP, Emeco, USA originale : le même piètement, le même dossier et la même assise incurvée et confortable. Deux icônes américaines La chaise Emeco 1006 dite aussi Navy ou 1006 Navy est une sont ainsi fusionnées. chaise en aluminium produites depuis 1944 par Electric Machine and Equipment Company [Emeco] en Pennsylvania [USA].

Durant la Seconde Guerre mondiale, la marine américaine [US Navy] demande au fondateur d’Emeco, Wilton C. Dinges, d’équiper les sous-marins et les navires de guerre. Il doit concevoir une chaise suffisamment robuste pour résister

17.2 FR 18

DESIGN BELGE PLASTICARIUM COLLECTION

ALAIN GILLES [né en 1970] En 2012, Alain Gilles a conçu la lampe solaire portable Après des études en Sciences Politiques et en Marketing NOMAD. Management, le bruxellois Alain Gilles a débuté sa carrière dans le monde de la finance avant de se consacrer au de- ALAIN GILLES, sign, sa première passion. En 2005, il est diplômé en design Lampe portable industriel de l’Institut Supérieur de Design de Valenciennes rechargeable NOMAD, et devient assistant de Xavier Lust et d’Arn Quinze. En 2007, 2012-aujourd’hui, ABS, il ouvre son studio avec pour objectif de développer une 12 LEDs, approche personnelle dans la conception de produits, de Panneau solaire, mobilier, mais également au niveau de la direction artis- Batterie, O’Sun, tique et de l’architecture d’intérieur. Depuis lors, il collabore Belgique/Hong-Kong avec plusieurs éditeurs et entreprises internationales tels que Bonaldo [ITA], Buzzispace [BEL], Qui est Paul ? [FRA]. En 2012, il est lauréat du titre Designer of the year lors de la Biennale INTERIEUR de Courtrai. Plusieurs de ses produits La lampe a un design simple, avec un allumage à bouton ont reçu des prix internationaux tel que le Henry Van De poussoir unique pour différents réglages et une poignée Velde Label, le Design for Asia Golden Award, le Red Dot permettant d’accrocher ou de transporter la lampe n’im- Best of the Best et le Good Design Award. porte où. Comme le laisse entendre son nom, NOMAD est destinée à des utilisations multiples : elle est à la fois lampe En 2008 il conçoit Translation, un fauteuil entièrement fa- d’agrément, adaptée aux terrasses ou aux abris de jardin. briqué en polyéthylène recyclable [PE], plus précisément à Mais elle permet aussi de répondre aux besoins de familles partir de bouchons de bouteille en plastique. Dans le mo- n’ayant pas accès à l’électricité, particulièrement dans les dèle présenté au musée, l’origine de la matière première est pays en voie de développement, et de fournir une alternative volontairement visible. Ce qui rappelle les mosaïques ou la aux lampes à pétrole responsables de nombreux accidents. touche pointilliste de la peinture néo-impressionniste. Il est Enfin, elle peut être utilisée dans le cas de situations d’ur- également possible de teinter la matière dans la masse et gence, par exemple de catastrophe naturelle ou humanitaire. d’obtenir des sièges aux couleurs unies et variées. Composée de 12 LEDs, NOMAD génère 280 lumens proté- gés par un disque en silicone. La coque en ABS se décline en huit couleurs. Le panneau solaire et la batterie assurent 6 heures d’autonomie en puissance maximale, temps moyen permettant de répondre au besoin en lumière des familles n’ayant pas d’autre source d’éclairage selon des études de la Banque Mondiale. Son chargeur solaire permet également de recharger un téléphone portable.

NOMAD a été Récompensée par le Henry van de Velde Label et le Henry van de Velde Public Award.

ALAIN GILLES, fauteuil Translation, 2008-aujourd’hui, PE 100% recyclable, Qui est Paul ?

18.1 DESIGN BELGE

SYLVAIN WILLENZ [né en 1978] Dans ses créations, on note l’utilisation du caoutchouc à l’exemple de la lampe Torch. L’abat-jour, réalisé dans ce plas- Né à Bruxelles, Sylvain Willenz a vécu consécutivement aux tique souple, présente une finition mate légèrement granu- États-Unis, en Belgique et au Royaume-Uni. Il détient un leuse. Le diffuseur interne, plus clair, présente une texture master en design de produits du Royal College of Art de alvéolaire au travers de laquelle jaillit la lumière. Similaire à Londres, d’où il a été diplômé en 2003. En 2004, il a ouvert une lampe de poche ou encore un phare de voiture, dispo- à Bruxelles son bureau de design SWDO. En 2009, des jour- nible en différents colories, à l’unité ou en faisceaux de cinq nalistes et des institutions de premier plan ont désigné à vingt lampes suspendues, cette lampe remporte un grand Sylvain Willenz comme designer belge de l’année. Grâce à succès [le IF Award et le Red Dot Award « Best of the Best » une utilisation intelligente des matériaux et des procédés en 2009 l’ont récompensé]. de production, ses produits puissants et intemporels allient fonctionnalité et esthétique. Ils répondent aux besoins spé- Le disque dur externe CLS MOBILE DRIVED est également cifiques des entreprises de toutes tailles tant dans l’indus- muni d’un boîtier en caoutchouc. trie que l’artisanat. Il collabore notamment avec Established & Sons [UK], Objekten [BEL], Ligne Roset [FRA].

SYLVAIN WILLENZ, disque dur externe CLS MOBILE DRIVED, 2011, caoutchouc, circuit électronique, Freecom, NLD/DEU

Après de fructueuses collaborations, Freecom a confié à Sylvain Willenz la mission de développer un nouveau concept de collecte et d’organisation des données numé- riques. Sa réponse est le CLS, un disque dur externe mobile qui incorpore un système d’étiquetage sur le côté, permet- tant aux utilisateurs d’organiser leurs données et d’identi- fier le contenu du disque dur en un coup d’œil. Témoin du nombre croissant de disques durs détenus par des particu- liers pour leurs données [musique, films, sauvegardes, etc.] et inspiré par les vieilles cassettes, disquettes, Sylvain Willenz a imaginé un disque qui pourrait être étiqueté d’une manière très simple et personnelle. Un dock a égale- ment été conçu, permettant ainsi de connecter simultané- SYLVAIN WILLENZ, lampe Torch, 2008-2015, caoutchouc, ment trois lecteurs et un périphérique supplémentaire à polycarbonate, Established & Son, GBR l’ordinateur.

18.2 FR 18 DESIGN BELGE

CHARLES KAISIN [né en 1972] .RAD PRODUCT

Diplômé en architecture en 1996 de l’Ecole Supérieure des .RAD Product est une agence créée en 2011 à Bruxelles par Arts de Saint-Luc [Bruxelles], Charles Kaisin complète son Pauline Coudert et Laurent Chabrier. Les deux fondateurs cursus par une Maîtrise en design industriel au Royal Col- sont issus du monde du design de produit et de l’architec- lege of Art à Londres de 1999 à 2001 tout en étant stagiaire ture d’intérieur. Dans la vision du design de .RAD, deux re- chez et Ron Arad. Son travail est principale- gards se posent. L’un amène décalage, asymétrie, déstructu- ment axé sur le recyclage qu’il explore lors d’un programme ration dans la création d’un objet standard. L’autre s’attache d’échange à Kyoto en 2000. Il détourne divers objets pour à user de pleins et de vides pour construire des formes en créer de nouveaux : sacs, vêtements, ustensiles de cui- simples aux matières complexes. À travers cette agence, les sine, bancs et autres objets. Il s’est aussi occupé de l’agence- deux fondateurs œuvrent également au développement ment de différents espaces comme la salle de réunion du d’une relation étroite entre l’objet, l’espace et l’usager, basée Grand-Hornu [BEL]. Il a principalement collaboré en Bel- sur l’analyse des modes de vie et leur évolution au plus gique avec le chocolatier Marcolini et le maroquinier proche des singularités de chacun. Delvaux, mais aussi avec les usines Val Saint-Lambert et Royal Boch ainsi qu’avec l’association caritative des Petits Riens [vêtements de seconde main].

CHARLES KAISIN, canapé K-bench, 2007-aujourd’hui, PP, .RAD PRODUCT, lampe Miss Shellby, 2012, Prototype, ABV, BEL Stereolithography, Polyamide, Extremis, BEL

Son canapé K-bench est inspiré de son expérience japo- Telle une étoile composée d’une sphère en expansion à sur- naise. Il réussit à créer un objet à la fois résistant – il peut face extérieure évasée, Miss Shellby diffuse la lumière sans supporter jusqu’à 150 Kg -, souple et extensible à partir en révéler la source et la projette dans un mouvement sans d’une structure alvéolaire en nid d’abeille. Celui-ci résulte fin.Miss Shellby est composé de plusieurs « tirets » de 1 mm d’un assemblage de feuille de polypropylène soudée. Ce d’épaisseur et espacés de 8 mm. C’est un modèle répétitif issu banc, grâce à des attaches métalliques, peut ainsi prendre du processus d’impression 3D appelé stéréolitographie. plusieurs formes et être installé aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Suite au succès de K-bench, une version réduite La stéréolithographie [SLA] est une technique dite de pro- a été conçue pour les enfants, K-baby. totypage rapide, qui permet de fabriquer des objets solides à partir d’un modèle numérique. L’objet est obtenu par su- perposition de tranches fines de matière. Le développement industriel de cette technique date des années 1980 et fut initiée aux États-Unis par Charles W. Hull [né en 1939].

18.3 FR 19

LE MOBILIER POUR ENFANTS PLASTICARIUM COLLECTION

Cette dernière décennie, les designers se sont penchés sur NENDO STUDIO CONÇU PAR OKI SATO [né en 1977] l’univers des enfants. Leurs créations attirent une clientèle qui souhaite harmoniser leur intérieur et offrir un mobilier Le canadien Oki Sato a étudié l’architecture à la Waseda confortable à leurs enfants. Les plastiques se sont souvent University à Tokyo d’où il ressort diplômé en 2002. La imposés dans ce domaine en raison de leurs propriétés : ils même année, Nendo Studio créé par Oki Sato voit le jour à sont résistants mais léger - ce qui facilite leur manipulation Tokyo. Aujourd’hui ce studio, basé à Tokyo et à Milan, est -, facile à l’entretien, agréable au toucher et enfin, adapté aux reconnu internationalement. impératifs de sécurité - non tranchant et amorti les chocs. À travers ses créations Oki Sato cherche à transformer les En 2007, le fabricant Vitra édite en version réduite la chaise liens qu’entretiennent les personnes avec les objets afin de historique Panton [1960] de Verner Panton. Cette chaise pour créer des parenthèses dans leur vie quotidienne. Ce désir se enfant est un succès commerciale - le LAB, espace concrétise dans des formes sobres et minimalistes, auxquels pédagogique du ADAM, est meublé de Panton de couleur il ajoute de manière systématique une touche d’humour et blanche pour les adultes, rose et bleue pour les enfants. Vitra de convivialité, l’éloignant ainsi de l’austérité. Ses produits, n’est pas le seul à éditer ses grands classiques en modèle réinterprétations des objets quotidiens, doivent également réduit. Kartell avec sa nouvelle ligne Kartell Kids s’est égale- être compris intuitivement. ment positionné sur le marché des enfants en proposant des collections spécialement conçues pour les 3-9 ans, mais aussi en réduisant des pièces d’abord destinées aux adultes. Lancé en 2016, Kartell Kids a réinterprété et adapté aux exigences de sécurité pour les enfants la bibliothèque Bookworm [1994] de Ron Arad ou encore le fauteuil Louis Ghost [2003] de Philippe Starck, rebaptisé pour l’occasion Lou Lou Kids. Pour Claudio Luti, directeur actuel de la firme italienne, cette décision s’inscrit dans l’esprit de la maison. En effet, la première chaise dessinée par Kartell était destinée aux enfants. En 1964 Marco Zanuso et Richard Sapper conçoivent la chaise 4999. En 2016, c’est au tour de Nendo Studio de concevoir un nouveau modèle, le cheval à bascule H-HORSE.

NENDO STUDIO, cheval à bascule H-HORSE, 2016-aujourd’hui, PC teinté dans la masse, Kartell, ITA

Les « poutres en H » en acier utilisées dans les grandes structures comme les gratte-ciels et les ponts sont très puis- santes et très efficaces. En section transversale, ces poutres forment littéralement un «H» et c’est cette caractéristique qui confère à la structure sa résistance mécanique. En appli- quant ce concept directement au cheval à bascule d’un enfant, Nendo Studio transforme une composante pratique en un modèle qui affiche à la fois la fonction et la force, avec un minimum de matière. H-HORSE se décline en cristal, jaune, bleu ciel et rose.

19.1 LE MOBILIER POUR ENFANTS

Le fabricant italien Magis n’est pas en reste de cette tendance. Il propose en effet une collection spécifiquement dessinée pour les enfants depuis 2005. Dénommée Me Too [Moi aussi], cette collection rassemble des objets et des meubles signés par de grands designers : citons par exemple Eero Aarnio auteur du siège Puppy [2005] et Enzo Mari, de la chaise Seggiolina Pop [2004].

ENZO MARI [né en 1932]

Enzo Mari est diplômé de l’Académie des Beaux-Arts de Milan. Dès les années 1950, il développe une intense acti- vité artistique, avec des expositions personnelles et collectives dans des galeries et des musées d’art contempo- rain. Parallèlement, il commence à se consacrer au design, d’abord dans le cadre de la recherche formelle personnelle, puis en collaboration avec de nombreuses industries, dans les secteurs du graphisme, de l’édition, du produit industriel et de l’agencement d’exposition.

Les caractéristiques de son œuvre, qui se sont affirmées sur le plan international comme étant parmi les plus eprésenta- tives du design italien, sont la recherche et l’expérimentation continuelles de nouvelles formes et significations du pro- duit, en contradiction avec les schémas traditionnels du design industriel.

Il a reçu trois fois le Compasso d’Oro* et ses créations sont présents dans les collections de plusieurs musées d’art contemporain.

La chaise pour enfant Seggiolina Pop est réalisée d’un seul bloc en polypropylène expansé. Disponible en orange, bleu et vert, Seggiolina Pop est extrêmement légère tout en étant robuste pour s’adapter à la force insoupçonnée des enfants. Le matériau utilisé ressemble au polystyrène d’emballage au toucher mais il est bien plus résistant. Cette chaise ap- porte de la couleur dans la chambre des enfants mais égale- ment dans les espaces publics comme les crèches ou les écoles.*

*Créé en 1954 en Lombardie, le prix Compasso d’Oro [Compas d’or] récompense des créations fabriquées en Italie. C’est l’un des prix internationaux de design de produit les plus influents et les plus ENZO MARI, chaise pour enfant Seggiolina Pop, anciens. 2004-aujourd’hui, PP expansé, Magis, ITA

19.2 FR LES MATIÈRES PLASTIQUES 20

DANS LES JOUETS PLASTICARIUM COLLECTION

Les premières matières plastiques sont apparues au XIXème siècle et dès la fin du siècle, les fabricants de jouet s’emparent de ces nouvelles matières issues du Fondée en 1945 par Harold Mattson et Elliot Handler en pétrole, alors bon marché. Les premiers jouets en Californie, aux Etats-Unis, le nom de Mattel est issu de la plastique sont en Celluloïd, matière inventée en 1869. Mais contraction de la première syllabe de leur nom et de leur ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que la produc- prénom : « Matt » de Mattson et de « El » d’Elliot. Depuis tion de jouets en plastique prend son essor. Les fabricants 1945, cette société s’est imposée comme acteur incontour- américains inondent alors le marché de leurs produits et nable dans le monde du jouet - parmi ses marques icônes s’adaptent aux avancées technologiques. Le Celluloïd, jugé figure ®, crée en 1959. En 1975 Mattel dangereux à cause de son extrême inflammabilité, est produit la collection de robot japonais Shogun Warriors remplacé par le vinyle, matière idéal pour imiter la couleur [Guerriers Shogun]. et la texture douce de la peau humaine sur les poupons. Le polystyrène et le polyéthylène, très résistants, sont quant à eux utilisés pour les jouets qui sont soumis à un usage intensif et souvent malmené par les enfants, par exemple les accessoires des dinettes. Depuis ces prémices, l’essor des jouets en plastique ne s’est jamais arrêté. Ils repré- sentent aujourd’hui 90 % du marché.

LEGO®, créé en 1932 par Danois Ole Kirk Christiansen [1891-1958], fait partie des marques qui doit beaucoup au plastique. Menuisier de métier, Ole Kirk Christiansen com- mence à réaliser des jouets en bois. Le succès venant, il se tourne vers les plastiques pour créer ses premiers jouets modulaires avec de multiples pièces. C’est une période où le plastique commençait à entrer dans les foyers. Mais face aux coûts trop importants de ces premiers prototypes, il conçoit des briques creuses standardisées. Les premières ventes ne sont pas concluantes, ce qui le décide à améliorer son invention en facilitant le système d’emboîtage. Ce n’est qu’en 1958 que les ventes commencent à décoller et en 1963 que les pièces sont produites en acrylonitrile butadiène ANON., jouets collection Shogun Warriors, 1975, Mattel, styrène [ABS]. Les figurines de la marque Playmobil® [1974] USA et les jeux de société sont également liées à l’histoire des plastiques et des techniques de moulage modernes. Fabriquée au début des années 1970 sous une autre appellation et par une firme japonaise, la collection Shogun Warriors est inspirée d’un dessin animé très populaire dans lequel figuraient des robots géants. En 1979- 1980, ces robots font même leur entrée dans l’univers des célèbres comics Marvel.

Les personnages en trois dimensions des Shogun Warriors connaissent un succès fulgurant notamment grâce à l’un de ses personnages-phares Goldorak, à leur format alors inédit [chaque robot atteint un demi-mètre de hauteur] ainsi que leurs fonctionnalités - les bras des robots sont constitués de

20.1 LES MATIÈRES PLASTIQUES DANS LES JOUETS

ressorts qui permettent d’envoyer des missiles ou de projeter Pantonaef, comme le souligne sa notice d’utilisation, dans l’air leur propre point. Plus tard, ils ont même la possi- « est un jeu aux règles très simples : assembler les petits bilité de se transformer en différentes formes. cadres pour former des cubes, agrafer les cubes ensemble, recouvrir la surface des cubes de plaques de couleur – et Ces dernières propriétés, sources de leurs succès, ont égale- voilà ». Ainsi, l’usager peut élaborer à partir de ces plaques, ment marqué leur déclin. En effet, ces robots ont fait l’objets déclinées en six couleurs, tous types de forme selon ses de pression suite à des plaintes de consommateurs : la désirs à l’exemple de la girafe et de l’éléphant exposés au projection des éléments aurait causé quelques blessures musée. chez des enfants. De nombreux jouets dans les années 1970 ont été sanctionné pour leur disfonctionnement technique. Alors que Pantonaef n’a connu qu’un faible succès auprès des En Europe, le secteur du jouet est l’un des plus surveillé. Un enfants, ce jeu a été très prisé par les collectionneurs. Le nom jouet qui arrive dans les rayons des magasins a été contrôlé de Verner Panton n’est sans doute pas étranger à ce succès. plusieurs fois. Celui-ci concerne les propriétés physiques [inflammabilité] et mécaniques [est-il facilement divisible], le risque d’ingérer des petites pièces, etc.… lorsque vous achetez un jouet, celui-ci doit obligatoirement être marqué du sigle CE [Conformité Européenne].

VERNER PANTON [1926-1998]

Le designer danois Verner Panton, auteur de la chaise cantilever Panton [1960], n’a pas délaissé les jeux pour enfants. En 1975, il conçoit un système de jeu semblable au LEGO® appelé Pantonaef

VERNER PANTON, jouet Pantonaef, conçu en 1975, édité en 1979, plaques en ABS, cadre et agrafes en PS, Kurt Naef, CHE

Dans un premier temps, Verner Panton conçoit et finance perso-nnellement son projet.

Ce n’est qu’après plusieurs tests qu’il le présente à Kurt Naef, fabri- cant suisse réputé pour ses jouets en bois de grande qualité. De cette collabora- tion naît en 1979 le nouveau concept de « jeu de construc- tion sans frontières », pour les enfants et les adultes intitulé Pantonaef.

20.2 FR LES PLASTIQUES AU SERVICE 21

DU GROUPE DE MEMPHIS PLASTICARIUM COLLECTION

Fondé par Ettore Sottsass en 1981 et dissout en 1988, le à concevoir des ordinateurs, des machines à écrire électro- groupe de Memphis réunissait des designers et architectes niques, des calculateurs et du mobilier de bureau. Sottsass autour de leur désaccord vis-à-vis du design des années s’est également révélé être un théoricien du design et une 1970 dont ils jugeaient conventionnelles les couleurs, les figure centrale du design du 20ème siècle. Il est en effet textures et les formes. actif au sein des mouvements radicaux de l’Anti-design à travers le groupe Alchimia puis le groupe Memphis et la société Sottsass qu’il fonde en 1981. ETTORE SOTTSASS [1917-2007] Cette collection de vases et de bols résulte d’une colla- Né en Autriche d’un père italien et d’une mère autrichienne, boration entre Ettore Sottsass et l’entreprise japonaise Ettore Sottsass étudié l’architecture au Politecnico de Turin. Marutomi. Le designer italien s’est ici inspiré des objets Intéressé par la conception des objets, il fonde en 1947 son japonais traditionnellement en laque. agence de design à Milan. En 1956, il rencontre le directeur de l’entreprise Olivetti, Adriano Olivetti [1901-1960], et en ETTORE SOTTSASS, Vases et bols, 1997-2001, PUR peint à devient le designer-consultant jusqu’en 1980. Il commence la résine phénolique moulée, Marutomi, JPN

La laque, appelée urushi, est la sève d’un arbre présent en Extrême-Orient et en Asie du Sud-Est. Sa récolte et son traitement extrêmement technique font de l’urushi une matière première très coûteuse. De par sa qualité protec- trice et isolatrice, l’urushi constitue le revêtement idéal des meubles et de la vaisselle. Mais au-delà de cette grande praticité, la laque est un matériau offrant de très nom- breuses possibilités décoratives. Ainsi, les arts décoratifs japonais, appelés Kogei, vont abondamment l’utiliser et lui donner ses lettres de noblesse.

Ettore Sottsass va se nourrir de cette tradition pour créer des objets caractéristiques de l’esthétique de Memphis : les formes japonaises traditionnelles demeurent mais la laque Ettore Sottsass et sa couleur brune-rouge laissent place au PUR peint de couleurs flashy. Quant au moyen de production, ils sont

21.1 LES PLASTIQUES AU SERVICE DU GROUPE DE MEMPHIS

également repensés : on passe de l’art de Kogei où la main de l’homme travaille les pièces à un procédé industriel qui utilise des moules.

MARCO ZANINI [né en 1954]

Designer italien diplômé de l’université d’architecture de Florence en 1978, Marco Zanini a créé des meubles, des céramiques et des verres soufflés pour Memphis. Puisant leur inspiration dans divers mouvements – allant de l’art déco au Pop Art, en passant par l’art classique et le futu- risme – ils ont conçu des pièces ornementales. Issu de la collection Memphis/Milano de 1986, ce siège est l’une des conceptions les plus importantes de Marco Zanini. Il est constitué d’éclats métalliques vert foncé sur la fibre de verre. Ce matériau a permis de repousser les limites de la matière plastique. Le nom et la forme du siège font référence aux trônes de la Rome antique. Il est aujourd’hui rare de trouver ce siège en bon état car beaucoup ont été utilisés en extérieur.

MARCO ZANINI, fauteuil Roma, 1986, GRP, Memphis, ITA

21.2 FR 22

TOUT EN COURBE PLASTICARIUM COLLECTION

RON ARAD [né en 1958]

Ron Arad est un designer d’origine israélienne basé au Royaume-Uni. Ses créations sont caractérisées par des proportions souvent monumentales et sculpturales mais confortables. Il cherche à faire appel à l’émotion suscitée par les qualités tactiles et visuelles des matériaux employés. En 1981, Ron Arad a ouvert sa galerie One Off à Londres pour présenter ses propres meubles, ainsi que ceux de ses contemporains Danny Lane [né en 1955] et Tom Dixon [né en 1959] notamment. Cette volonté de créer un studio de design et un atelier en un seul lieu a été une initiative inédite. One Off fonctionnait davantage comme une sorte de foire à Ron Arad idées que comme une galerie commerciale traditionnelle.

RON ARAD, étagère Bookworm, 1994, PVC, Kartell, ITA RON ARAD, fauteuil à basculeVoido, 2006, PE, Magis, ITA

L’étagère Bookworm est une transposition en polychlorure Le fauteuil à bascule Voido est caractéristique du style de de vinyle [PVC] coloré dans la masse de This Mortal Coil, Ron Arad, avec ses formes rondes et amples. En ce sens, il réalisée en acier. La matière offre de nombreuses possibili- peut être comparé au fauteuil à bascule MT3 édité par tés de configurations en lignes courbes ou spirales, à des Driade en 2004. longueurs variables. Ces fonctionnalités sont « hors norme » pour les étagères qui sont habituellement structurées par des lignes rectilignes horizontales et verticales.

22.1 FR 23

PLASTIC FASHION PLASTICARIUM COLLECTION

Au cours de la première moitié du XXème siècle, la mode a Au cours de ces dernières décennies, les plastiques perdent été réticente à intégrer les nouvelles matières. Ainsi, les leur statut de réplique d’une matière, de substitue et assu- plastiques ont d’abord été utilisés pour les accessoires tel ment leurs identités, tel les bijoux en résine de Gaetano que les sacs, les ceintures, boutons ou encore les bijoux. Pesce [né en 1939] ou du néerlandais Gijs Bakker [né en 1942] qui avec sa marque Chi ha paura… ? [Qui est effrayé ?], Les bijoux en plastique deviennent populaires à la veille des fondée en 1996. Pour la mode, Issey Miyake [né en 1938], Rei années 1920. L’industrie commence à produire des bracelets Kawakubo [née en 1942] de Comme des garçons et Jean-Paul ethniques en celluloïd pour imiter les matières précieuses Gautier [né en 1952] explorent et exploitent les potentiels tel que l’ivoire ou le jade. Puis durant l’entre-deux-guerres, la techniques et esthétiques des différentes matières plas- créatrice de mode Gabrielle Chanel [1883-1971] s’empare de tiques. Aujourd’hui, l’impression 3D permet de créer des la bakélite pour faire des « bijoux coutures », à savoir des pièces inédites, comme les créations de la néerlandaise Iris bracelets sertis de pierres colorées. Mais ce sont les boutons van Herpen [née en 1984]. Mais l’impression 3D offre aussi en plastiques, simples ou fantaisistes d’Elsa Schiaparelli la possibilité de personnaliser sa garde-robe, de faire la [1890-1973], qui ont le plus recours aux plastiques. combinaison entre l’industriel et l’artisanal. La fashion tech, convergence de la mode et des technologies, cherchent à Aux Etats-Unis la production d’accessoires en plastique rendre les vêtements plus intelligents. deviendra industrielle, grâce au New Deal* du président Franklin Roosevelt [1882-1945] puis au développement de la * Réformes économiques et sociales à partir de 1933 misent afin d’endiguer classe moyenne à la fin des années 1940. Les plastiques sont la crise économique de 1929 faciles à produire dans des couleurs, des styles et des formes diverses. Cela en fait la matière idéale pour suivre les modes. La firme américaine Du Pont de Nemours, no- ANDRÉ COURRÈGES [1923-2016] tamment productrice des premiers bas en nylon en 1940, va jouer un rôle essentiel dans la diffusion des fibres synthé- Le couturier français André Courrèges, après être passé par tiques. Après s’être montrée frileuse et conservatrice, le l’école des Ponts et Chaussées, puis chez Balenciaga, fonde monde de la mode dans les années 1960 va pleinement les sa maison en 1961. Sensible aux nouvelles tendances de la exploiter. La génération du Baby-boom impose de nou- mode, il les assimile, et se les approprie. Le succès ne tarde veaux goûts en adéquations avec de nouveaux styles de vie pas et à l’automne 1964, c’est la reconnaissance internationale libertaire et égalitaire, sans référence au passé. Les sil- houettes des femmes deviennent longilignes, la poitrine s’efface progressivement et la taille est moins marquée. Jupes et cheveux se raccourcissent. La mannequin Twiggy [née en 1949], femme enfant, devient un modèle à imiter. La mode, le design et l’art s’influencent mutuellement. La haute couture et la couturière se voient détrônées par le prêt-à-porter.

En 1964 la créatrice britannique Mary Quant [née en 1934] popularise cette tendance avec ses vêtements à l’esthétique Op’art en PVC. En France, ce sont les créateurs Paco Rabanne [né en 1934], Pierre Cardin [né en 1922] et André Courrèges ANDRÉ COURRÈGES, [1923-2016] qui vont créer une mode futuriste avec des jupe et veston Collection fibres synthétiques. Puis dans les années 1970, avec la sportwear Hyperbole, conscience écologiste, les plastiques sont employés pour 1971, Tissu coton surfacé préserver la nature, notamment pour fabriquer de la four- de PUR et PA, André rure synthétique. Courrèges, FRA

20.1 PLASTIC FASHION

avec ses collections intitulées Prototype, Couture Future ou encore Hyperbole. André Courrèges puise son inspiration tant dans la conquête de l’espace que de la science-fiction et devient le créateur de mode du Space-age. Pour ces collec- tions d’un nouveau genre, il délaisse les textiles traditionnels et se penchent sur les nouvelles technologies. Les manne- quins abordent des minijupes construites, des pantalons taille basse et des combinaisons, en PVC de couleurs orange, bleu et rose. Conçu comme une seconde peau, ces vêtements laissent la femme entièrement libre des mouve- ments qu’impose la vie moderne. Courrège complète ses collections d’accessoires devenus iconiques : gants blanc et bottes blanches en toile vinyle, largement imitées, et lunettes de plastique blanc, fendues de meurtrières.

Les vêtements de la collection Hyperbole dévoilent le corps. La jupe avec son motif vichy orange et blanc, fendue au milieu, dévoile les jambes et suivant les actions du corps. Au même titre que le veston, orange avec les boutons blancs et le logo qui reprend les initiales du couturier A et C sur la poitrine, laisse apparaître le nombril. Avec ces vête- ments sans référence au passé, André Courrège engage une révolution décisive dans l’affirmation de la modernité. ELISABETH DE SENNEVILLE, veste Arc-en-ciel, 1982, Tissu hologramme, modale, acétate acrylique, coton, lin, fibrannespun rayon, laine, polyamide, polyester, rayonne, ELISABETH DE SENNEVILLE [née en 1946] tri-acétate, viscose, soie, fibres diverses, poils de lapin, Atelier Elisabeth de Senneville, FRA La créatrice française Élisabeth de Senneville se définit comme une « technodesigner ». Après un passage chez Dior, elle investit le monde de la mode et du design à travers sa marque crée en 1977. Elle invente un langage plastique qu’elle applique à des vêtements taillés dans des matières innovantes, issues des nouvelles technologies. Elisabeth de Senneville est reconnue pour avoir introduit l’innovation dans la mode et elle a inventé des procédés aujourd’hui d’actualité comme l’anti-magnétique, l’anti- pollution, le photovoltaïque, et le photo-luminescent. Toujours en recherche d’autres technologies textiles, elle collabore avec d’autres chercheurs et des universités. Elle est l’une des précurseuses de la fashion tech. Dans les années 1980 Elisabeth de Senneville s’intéresse particulièrement aux plastiques, qu’elle soude ou mêle à d’autres matières.

20.2 FR 23

PLASTIC FASHION PLASTICARIUM COLLECTION

SWATCH Les deux ingénieurs ont conçu une montre dans un maté- riau synthétique, résistante aux chocs, précise, et au mécanisme simplifié : 51 composants, contre au moins 91 pour une montre à quartz ordinaire. Elle peut être produite en grande série sur des équipements automatisés, ce qui baisse les coûts de production. Cette montre n’est pas démontable, donc irréparable, ce qui oblige une qualité irréprochable.

Les modèles doivent se distinguer par la couleur du bracelet et du dessin de fond d’écran qui change au gré des saisons. Ainsi, ce produit peut toucher tous les âges et tous les genres. La prouesse technique est doublée d’un coup de génie marketing de Franz Sprecher, auteur de la contraction de « Swiss [Made] Watch », « S’Watch », qui devint « Swatch ».

La première collection de douze modèles différents a été lancée sur le marché le 1er mars 1983 à Zürich [CHE]. Swatch a connu une popularité instantanée qui ne s’est ja- mais démentie. La marque a depuis introduit une variété de matériaux. En plus des différents plastiques, il est possible de trouver des montres en acier inoxydable, en aluminium ou encore en tissus synthétiques. Swatch cherche continuellement de nouvelles manières d’associer les textures et les couleurs à une gamme croissante de formes. Dès ses débuts, Swatch s’est associée au monde de la création et a établi des partenariats avec des artistes de renom comme Keith Haring, Alessandro Mendini ou encore Montre Swatch revisitée par l’architecte et designer Moby. Ces collaborations donnent un cachet supplémentaire italien Alessandro Mendini, 1991 à la marque.

Les horlogers suisses se sont illustrés très tôt dans * Leur fonctionnement est basé sur l’intégration d’une lamelle de quartz. l’histoire dans la fabrication de montres, véritable objet d’art Stimulé électriquement, le quartz, substance minérale composée transmis de génération en génération et dont les modes de d’atomes de silice, oscille à une fréquence précise. fabrication changèrent peu dans le temps. Cette tradition a été ébranlée à la fin des années 1970 avec la venue sur le marché de montres à quartz* japonaise, bon marché et de qualité. En quelques années, la valeur des exportations des montres suisses s’est réduite de moitié. C’est dans ce contexte que fut pensé et conçu la montre Swatch. Son concept innovateur fut réalisé au début des années 1980, sous la direction de Ernst Thomke, alors directeur d’ETA Manufacture Horlogère, entouré d’une petite équipe menée par deux ingénieurs horlogers, Elmar Mock et Jacques Müller et d’un consultant marketing, Franz Sprecher.

20.3 PLASTIC FASHION

ISSEY MIYAKE [née en 1938]

Le japonais Issey Miyake étudie les arts graphiques à la Tama Art University [Tokyo] puis en 1965 à l’École de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne à Paris. Il travaille ensuite pour les maisons de couture Guy Laroche et Hubert de Givenchy avant de monter en 1970 Miyake Design Studio. Il conçoit son studio comme un laboratoire expérimental où il élabore de nouvelles matières en asso- ciant créations industrielles et techniques artisanales, innovations technologiques et tissus anciens. Il cherche à faire des vêtements fonctionnels : à la fois léger, infrois- sables et facile à nettoyer.

En 1991, il habille le ballet de danse contemporaine The Loss of Small Details de William Forsythe. Il conçoit des vêtements qui annoncent sa ligne Pleats Please, lancée en 1993. Le vêtement Pleats Please est réalisé à partir d’une seule pièce de tissu 100% polyester de haute qualité qui est ensuite coupée deux fois et demi plus grands que ne le sera le vêtement terminé. La pièce de tissu est ensuite passée individuellement à la main dans une presse à chaud, placée entre deux feuilles de papier. Le plissé permanent réduit l’amplitude du vêtement, architecture la silhouette mais libèrent les mouvements du corps. Des robes aux cardigans, ISSEY MIYAKE, Collection Pleats Please, PE, Isey Miyake en passant par les jupes, les chemises et les pantalons, les INC., JPN créations de Issey Miyake remportent un vif succès.

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