Journée De Récollection Du Monastère Invisible FRANZ STOCK (1904-1948)
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Journée de récollection du Monastère invisible Conférence du Père Manaranche Dimanche 10 février 2013 – Hauts de Seine FRANZ STOCK (1904-1948) Divisons en quatre épisodes l’évocation d’un personnage que vous désirez mieux connaître, pour le situer dans une époque importante et dramatique, celle des deux guerres mondiales et de leur entre-deux. Car la première moitié du 20ème siècle où il a vécu est riche en événements, en personnages et en conflits idéologiques, toutes choses dont le rappel est nécessaire pour bien comprendre le rude problème auquel il a été affronté. 1. LA JEUNESSE… Franz naît en 1904 à Neheim en Westphalie, dans une région boisée proche du bassin industriel de la Ruhr et très catholique. Il est l’aîné de neuf enfants, dont trois mourront en bas âge. Le benjamin des six survivants, Heinz, un matelot, meurt en mer en 1942. La maman est dynamique, le père plus effacé, un peu sourd. Il fabrique des corbeilles en osier. On prie beaucoup en famille. Franz est patriote mais pas nationaliste. Il aime son pays, travaille à son relèvement, mais veut ne pas s’y enfermer. Il commence par découvrir notre Finistère à Pont-Aven, le pays des « nabis » comme Maurice Denis, Renoir et Gauguin. Il a d’ailleurs un talent pour la peinture et s’en servira par la suite. La Bretagne lui semble un pays solide comme son granit, marqué par une attitude résistante. Ce qui se conjuguera chez lui avec une grande sensibilité et un cœur plein de bonté, s’exprimant par le regard attentif de ses yeux bleus. Il s’y trouvera en 1939, à la veille de la guerre. Franz pratique plusieurs mouvements de jeunesse : Neudeuschland (la nouvelle Allemagne), Wandervogel (les oiseaux migrateurs), mais surtout le Quickborn (la source vive), fondé en 1908 par trois prêtres, avec trois axes principaux : l’abstinence d’alcool, le folklore et la piété joyeuse. Sur ce groupe se fait sentir l’influence du théologien Romano Guardini. On y trouve aussi une « spiritualité de la route » comme chez Joseph Folliet, mais Franz pratique également la bicyclette. Il pousse jusqu’à Genève, la ville des bureaux internationaux (la SDN, le BIT) qui peuvent travailler a l’entente des peuples. En classe de 1ère, il lit l’encyclique de Benoit XV La paix du Christ dans le règne du Christ. Ce pape avait essayé - vainement - en 1917, année d’une révolution russe inquiétante, de faire cesser une guerre meurtrière, suivi en cela par le Bienheureux Charles de Habsbourg et son épouse Zita, mais cet appel sera repoussé, notamment en France, où l’esprit public est revanchard depuis 1871, autant dans l’Etat que dans l’Eglise. On connait le surprenant discours du Père Sertillanges, un dominicain, dans l’église parisienne de la Madeleine, harangue au cours de laquelle l’orateur refuse catégoriquement du haut de la chaire, devant les autorités publiques venues pour la Conférence du Père Manaranche- 2013 Page 1/8 circonstance, la paix demandée par le Pape. Pas de paix avec l’ennemi sans une victoire sur l’ennemi, et une victoire qui écrase la tête de ce dragon. En ces temps troublés, la guerre a ravivé le nationalisme des deux côtés de la frontière et dans tous les partis, même si certains courants de gauche se veulent résolument pacifistes à la suite de Jean Jaurès, assassiné à la veille du conflit le 31 juillet 1914. Ce nationalisme a imprégné l’Eglise de France, soucieuse de montrer son patriotisme a une République qui l’a exclue de la vie sociale lors de la Séparation de 1902 et veut prendre une revanche éclatante dans l’héroïsme de ses soldats. C’est la réaction du jésuite Paul Doncoeur, un poilu sorti des tranchées, qui s’affrontera dans sa Lettre célèbre au radicalisme de Edouard Herriot lorsque ce dernier voudra réactiver les lois d’expulsion au sortir du conflit de 14- 18. Tel est le contexte de l’entre-deux guerres dans lequel Franz Stock devra s’insérer, non sans mal, on va le voir. En 1926, Marc Sangnier, fondateur des Auberges de Jeunesse et du Sillon, réunit un grand congrès dans sa propriété de Bierville, dans l’Essonne. Ce grand bourgeois parisien est un catholique qui veut renouer avec la République laïque et qui s’est attiré le désaveu du Pape Pie X, auquel il s’est soumis humblement. Il a pour ennemi l’écrivain Charles Péguy, un homme d’origine très modeste (sa mère était rempailleuse de chaises), converti à la foi catholique et féru de la chrétienté médiévale, celle de Jeanne d’Arc, un soldat valeureux qui mourra en Champagne en 1914. Péguy deviendra un idéal pour le jésuite Paul Doncoeur, lequel entrainera les jeunes sur la route de Chartres, lieu de sa conversion, et sur les champs de bataille de l’Est, lieu de son trépas. A ce rassemblement de Bierville ou se rend spontanément Franz Stock, près de 10.000 jeunes se trouvent réunis. Mais le Père Jacques Sevin, lui, n’a pas voulu que ses Scouts de France viennent à ce congrès teinté de politique, pour garder au mouvement son but éducatif et ne pas se faire accuser par ses commissaires, très Action Française, qui finiront quand même par avoir sa peau en 1930. Franz Stock ignorait sans doute ces débats propres à l’Eglise de France. Le thème de ce congrès est La paix par la jeunesse. C’est là que Franz rencontre Joseph Folliet, qui va fonder peu après les Compagnons de Saint François auxquels il appartiendra. Il est bon de remettre en mémoire cette période qui précède la seconde guerre mondiale et explique bien des choses dans l’âme de Franz. Franz, qui vient d’avoir son abitur, est entré au séminaire de Paderborn, diocèse dont le patron est saint Liboire, Evêque du Mans (les deux Eglises entretiennent de bonnes relations, encore aujourd’hui). Mais il veut faire une partie de ses études en France, chose inhabituelle et audacieuse : un Allemand, un « Boche », à la Catho de Paris, c’est alors impensable ! En 1928, Franz a les autorisations. Il est condisciple de Joseph Folliet, qui pensait alors à la prêtrise, mais auquel Monsieur Verdier, le futur cardinal, conseillera de rester laïc, avec cette boutade « trop intelligent pour faire un curé ». Plus tard, le vent ayant tourné dans la crise de 68, il sera prêtre du Prado à 65 ans, pour requinquer un sacerdoce alors en pleine débandade. A la Catho, Franz subit sans les relever des gestes inamicaux venus des étudiants français. Ce climat hostile sera encore plus fort après la Libération, nous le verrons. Il nous faut connaitre cette triste histoire, vécue par un prêtre voué de toutes ses forces a la réconciliation, jusqu’à devenir aumônier des ennemis de son pays. En 1929, année de la grande crise économique qui sera la source du nazisme allemand et du Front Populaire français, Franz retourne au séminaire de Paderbom, ce qui est la règle. Il entreprend de traduire en allemand le livre Le Christ dans la banlieue du Père Lhande, un jésuite, qui raconte la mission parmi les chiffonniers de la « zone » qui entoure Paris jusqu’à ses fortifications d’alors - « Notre-Dame de la Mouise », titre un film pittoresque - ce qui montre son souci missionnaire pour le monde ouvrier européen. La pastorale des pauvres le tourmente : il ne Conférence du Père Manaranche- 2013 Page 2/8 perd rien pour attendre, mais, avec les condamnés à mort, ce sera une autre forme de pauvreté bien plus radicale ! A l’été 1930, c’est le pèlerinage international des Compagnons en Savoie : le groupe passe par l’abbaye de Tamié, par Lyon (en mémoire de Frédéric Ozanam, qui sera béatifié par Jean-Paul II aux JMJ de 1997), par Notre Dame Saint Alban, chez l’abbé Rémilleux, qui est l’un des rénovateurs de la liturgie paroissiale... Réactions diverses du clergé français devant ce pèlerinage insolite qui heurte la mentalité de certains. Franz passe au 21 rue Lhomond, l’aumônerie allemande ou il habitera plus tard. En 1931, c’est la tournée du même groupe au Luxembourg et en Allemagne. Le thème est La paix internationale, sujet de plus en plus préoccupant. « La guerre est un horrible péché », dit notre ami. Le 12 mars 1932, Franz est ordonné prêtre à Paderborn et reçoit un premier ministère qui sera très court. Car, en 1934, il est nommé a Paris comme recteur de la Mission allemande. Il habite au 21 rue Lhomond avec sa sœur Franziska. Il y a maintenant une plaque sur cette demeure, toute proche de la Maison Mère des Missionnaires Spiritains, mais le logement est devenu une propriété privée dont les occupants acceptent parfois qu’on le visite si c’est avec discrétion et en le demandant gentiment. La Mission regroupe des Allemandes travaillant en France, des secrétaires et des employées de maison notamment, mais surtout des opposants au nazisme qui veulent fuir ce régime. De passage en France avec son mari, ministre des Affaires Etrangères de Hitler, qui sera condamné à mort par le tribunal de Nuremberg en 1945, Madame von Ribbentrop s’étonnera de tant de personnes, non enregistrées au consulat d’Allemagne, et Franz s’en tirera en lui disant que ce sont des Alsaciens, ce que la dame interprètera sottement comme un rayonnement de l’Allemagne nazie ! 2. LA GUERRE En octobre 1940, Paris est occupé, à la consternation du peuple français, contraint de supporter, avec la défaite, des défilés triomphalistes qui martèlent le pavé et des croix gammées monumentales qui drapent les édifices. La paroisse allemande est faite de militaires qui fréquentent l’église de la Madeleine, risquant ainsi de devenir l’aumônerie de l’occupant.