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Diversité urbaine

Les jeunes et la marginalisation à Montréal : la culture hip-hop francophone et les enjeux de l’intégration Marie-Nathalie LeBlanc, Alexandrine Boudreault-Fournier and Gabriella Djerrahian

Volume 16, Special Issue, 2016 Article abstract Hip hop culture appeared and flourished in during the 1980’s. A URI: https://id.erudit.org/iderudit/1050954ar variety of ethnic and cultural groups in have appropriated rap music DOI: https://doi.org/10.7202/1050954ar as a vehicle for expressing the realities of their daily lives, and as such, hip hop has become a central reference point in the construction of identity. In this See table of contents article we explain how hip hop culture offers a space where youth of diverse ethnic and cultural backgrounds, who are often marginalized from the dominant Québécois culture, can integrate and adapt to their environment. Publisher(s) Rather than analyzing hip hop as a form of global contestation and resistance customized to a local setting, we interpret Québécois rap as a strategy for Groupe de recherche diversité urbaine integration whereby young artists work to make their culture more visible in CEETUM the public sphere and within the framework of media institutions of the larger society. ISSN 1913-0694 (print) 1913-0708 (digital)

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Cite this article LeBlanc, M.-N., Boudreault-Fournier, A. & Djerrahian, G. (2016). Les jeunes et la marginalisation à Montréal : la culture hip-hop francophone et les enjeux de l’intégration. Diversité urbaine, 16. https://doi.org/10.7202/1050954ar

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Marie-Nathalie LeBlanc Alexandrine Boudreault-Fournier Gabriella Djerrahian

RÉSUMÉ / ABSTRACT

La culture hip-hop est apparue au Québec dans les années 1980. À Montréal en particulier, différents groupes ethniques et culturels se sont approprié le rap et l’emploient comme un mode d’expression de leurs réalités quotidiennes, le transformant ainsi en un référent identitaire. Nous proposons que la culture hip-hop offre un espace d’intégration et d’adaptation à des jeunes de diverses origines ethniques et culturelles, souvent marginalisés au sein de la culture québécoise dominante. Loin d’être un instrument de résistance et de contestation mondialisé, adapté et manipulé sur le plan local, le rap québécois nous apparaît comme une stratégie d’intégration mise en place par de jeunes artistes qui visent ainsi à rendre leur culture davantage visible au sein de la société majoritaire, tant au niveau public que médiatique.

Hip hop culture appeared and flourished in Quebec during the 1980’s. A variety of ethnic and cultural groups in Montreal have appropriated rap music as a vehicle for expressing the realities of their daily lives, and as such, hip hop has become a central reference point in the construction of identity. In this article we explain how hip hop culture offers a space where youth of diverse ethnic and cultural backgrounds, who are often marginalized from the dominant Québécois culture, can integrate and adapt to their environment. Rather than analyzing hip hop as a form of global contestation and resistance customized to a local setting, we interpret Québécois rap as a strategy for integration whereby young artists work to make their culture more visible in the public sphere and within the framework of media institutions of the larger society.

Mots clés : jeunes, culture populaire, hip-hop, intégration, média.

Keywords : youth, popular culture, hip hop, integration, media.

Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 9 Introduction Condry 2001), dans la région basque (Urla 2001), aux Pays-Bas (Krims EN 2003, À LA FIN D’UN DE LEURS 2002) et au Québec (Schweiger 2004). SPECTACLES, les membres de Muzion Contrairement à cette hypothèse selon (Impossible, Dramatik et J-Kyll), un laquelle le rap francophone groupe de rap d’origine haïtienne issu montréalais3 représente une forme du quartier St-Michel à Montréal et locale d’appropriation et d’adaptation qui connaît une certaine notoriété, de la culture hip-hop globale, nous s’adressent à la foule : « Y-as-tu des suggérons, quant à nous, que pour les Haïtiens dans la salle? ». Les jeunes rappeurs — souvent spectateurs, d’origine haïtienne pour marginalisés du fait de leur âge, de la plupart, hurlent en guise de leur origine ethnique ou parce qu’ils réponse. Un des artistes enchaîne et s’expriment par l’intermédiaire du précise que la musique hip-hop « c’est hip-hop (un vecteur souvent associé pour tout le monde, on est tous des à la violence, aux gangs de rue et à la Québécois, nous autres on est tous nés drogue dans l’imaginaire public) — ici »2. Un troisième ajoute : « le hip- la culture hip-hop québécoise fournit hop est pour toutes les races ». Bien un espace grâce auquel ils tentent de qu’ils affirment « on est tous des s’insérer dans la société dominante, Québécois », les références aux tant sur un plan identitaire que social, marqueurs ethniques et immigrants politique et économique. suscitent des réactions parti- culièrement vives de la part de Ainsi, le hip-hop marque un nouvel l’audience, composée en grande espace urbain au sein duquel il est majorité d’adolescents. Pour ces possible pour les jeunes rappeurs jeunes d’origine haïtienne, l’appel francophones « to think and lancé par Muzion représente un experience their own being in a moyen de s’emparer d’un espace manner or modality that previously social et culturel, au sein de la société had left them feeling denied » dans laquelle ils vivent. (Maxwell 2001 : 265). Dans cet article, contrairement à plusieurs Jusque récemment, la littérature études sur le mouvement hip-hop scientifique analysait la culture hip- menées aux États-Unis (voir par hop à l’extérieur des États-Unis en exemple Martinez 1997 et Forman termes global/local, examinant 2002), nous soutenons que, dans le essentiellement les modes de contexte montréalais, la culture hip- réinterprétation locale et contextuelle hop peut difficilement être considérée de la culture hip-hop globale. Cette comme un phénomène de résistance approche globalisante a généré des et de contestation en réaction à la études sur l’appropriation et culture dominante. En fait, les l’adaptation de la culture hip-hop, rappeurs francophones semblent avoir notamment au Japon (Cornyetz 1994; créé un réseau d’intégration au sein

10 Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 de la société majoritaire. En effet, Dans les années 1990, la culture malgré la difficulté à percer l’industrie du « hood » de la côte ouest des États- culturelle du Québec, plusieurs Unis ainsi que les tensions des rappeurs de diverses origines « crews » et gangs des côtes est et ethniques et raciales travaillent, selon ouest, ont provoqué une avalanche de nous, à construire un alter-espace4. violence qui a touché la communauté hip-hop. Ces bouleversements, ainsi Du Bronx au gangster rap : que le désir accru de commercialiser historique du hip-hop la culture hip-hop, ont favorisé le développement d’un sous-genre du rap appelé gangsta rap (rap de La culture hip-hop a émergé dans gangster). Connu pour son caractère le Bronx à New York, au début des violent et misogyne, et associé à la années 1970 avec les « block party », culture du bling-bling (une emphase ces fêtes dansantes organisées par des sur la surconsommation de biens piliers du hip-hop, tels un de ses pères, matériels et leur étalage dans l’espace DJ Kool Herc (d’origine jamaïcaine). public), ce phénomène du gangsta rap De nature improvisée, ces événements va progressivement venir occuper une se déroulaient dans les quartiers du place centrale dans la Bronx et rassemblaient les jeunes qui commercialisation de la culture hip- dansaient sur les rythmes des DJs. hop, commercialisation qui s’étend Dans un premier temps, l’innovation bien au-delà des frontières de l’État technique de « mixer » et américain. « scratcher »5 les disques vinyles donnera à la musique hip-hop l’originalité qu’on lui reconnaît encore Le hip-hop dans la métropole 10 aujourd’hui. Initialement en effet, québécoise l’expression verbale du hip-hop6, le rap, ne se situait pas au centre de ce La culture hip-hop est apparue sur style musical (Henderson 1996). C’est l’île de Montréal à la fin des années avec l’apparition de chansons raps 80 et au début des années 90. Avec engagées telles que « The Message » plusieurs groupes, « clicks », (Grandmaster Flash et MC Melle Mel entrepreneurs et artistes qui œuvrent 1982)7, dénonçant la condition des au développement d’une culture Noirs aux États-Unis, que le rap originale et économiquement devient progressivement une force de rentable, Montréal est depuis lors rassemblement pour bon nombre demeurée la capitale québécoise du d’Afro-Américains des ghettos et des hip-hop, malgré l’émergence de divers milieux urbains8. Rapidement, le rappeurs dans bon nombre de villes mouvement hip-hop9 s’est ensuite de plus petite taille ailleurs au Québec. étendu à plusieurs quartiers et régions L’accès satellite aux chaînes de radio des États-Unis. et de télévision américaines captées à

Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 11 Montréal n’explique qu’en partie la À cette époque, le rap montréalais propagation du hip-hop au Québec. était surtout anglophone et ses En effet, il faut se rappeler que dans protagonistes s’inspiraient davantage les années 1980, le rap américain ne du rap américain que du rap français. bénéficiait pas de la couverture C’est avec l’apparition de rappeurs commerciale dont il dispose français comme MC Solaar et IAM aujourd’hui. Ainsi, le hip-hop a que plusieurs groupes de Montréal et surtout pénétré l’île de Montréal, et de la ville de Québec ont eux aussi le Québec en général, grâce à des commencé à rapper en français. Cette échanges culturels qui ont pris place tendance s’est accentuée lorsque ces à travers les réseaux migratoires : groupes ont cherché à toucher un plus ayant des amis et/ou de la famille aux grand auditoire dans la province du États-Unis, des Jamaïcains et des Québec, et notamment un public plus Haïtiens établis à Montréal se francophone. rendaient régulièrement à New York pour copier sur cassettes la musique À l’heure actuelle, il faudrait et les vidéoclips des groupes de l’heure davantage parler de culture semi- ou en émergence. Ces jeunes marchande, car très peu d’artistes Montréalais les faisaient ensuite montréalais génèrent suffisamment de circuler informellement dans les rues revenus pour vivre de leur musique. de Montréal. Ce sont ces jeunes, Au-delà de la production artistique à parmi lesquels on comptait des b-boys des fins commerciales, à Montréal, la et b-girls (danseurs), des rappeurs, des culture hip-hop connaît une certaine graffitistes et des DJs, qui ont formé expansion dans le cadre de l’action la première génération de la culture communautaire et de l’intervention hip-hop au Québec. Les groupes KC sociale et culturelle, ce qui représente LMNOP, MRF (Mouvement Rap une source potentielle de financement Français) (Laabidi 2006) ainsi que pour les artistes en devenir, aussi Shades of Culture constituent minime soit-elle. quelques exemples de cette première génération de rap typiquement Au cours des années 1990, québécois. Leur entrée sur la scène plusieurs centres jeunesses et centres musicale québécoise a ainsi forgé une communautaires de l’île de Montréal, place pour les groupes des années 90 dont le Park Extension Youth tels que Dubmatique (qui a connu un Organization, le Centre St-Damase et franc succès commercial), Eleventh la Maison des jeunes Côte-des-Neiges, Reflektah (groupe de Québec, connu ont en effet développé des sous le nom de La Constellation), programmes hip-hop afin d’aider les Academia (aujourd’hui Muzion) et jeunes en situation de précarité ou Sans Pression. même de marginalisation. Les programmes de hip-hop procurent un espace organisé au sein duquel les

12 Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 jeunes peuvent s’exprimer par le rap, Les données empiriques présentées le graffiti et/ou le breakdance. Ces dans cet article, recueillies en 2003- ateliers, workshops ou drop-in 200412, traitent principalement des articulés autour de la culture hip-hop quartiers Parc Extension, Saint- ont pour principal objectif de Michel13 et Côte-des-Neiges. Durant permettre aux jeunes en situation de cette période, nous avons assisté à marginalisation de s’exprimer, de plusieurs événements au centre-ville prendre conscience de leur identité. de Montréal, par exemple des Aussi, dans certains cas, il s’agit de lancements de disques, des spectacles, permettre un transfert de des concours et festivals hip-hop. connaissances artistiques et Notons que les quartiers couverts par techniques avec la création de studios l’article comptent une grande diversité d’enregistrement et de divers réseaux ethnique et raciale. Nous avons de distribution. rencontré des jeunes francophones, pour la plupart capables de s’exprimer Une approche anthropologique en français et provenant de pays de l’étude du hip-hop à appartenant à la francophonie. Ces Montréal précisions méthodologiques sont d’autant plus importantes que les catégories (identitaires) ethniques et/ Afin de tenir compte de la ou linguistiques définissent également spécificité de la culture hip-hop, soit les frontières le long desquelles se son omniprésence dans la culture forment les scissions au sein même de populaire des jeunes, la vitesse à la communauté hip-hop de Montréal. laquelle elle se développe et se Rappelons que la communauté hip- transforme ainsi que son caractère hop montréalaise est fragmentée : les clandestin, nous avons mené une série différents « clicks» et « crews » 14 qui de « mini-ethnographies »11 dans la composent ne semblent pas divers espaces urbains, incluant des toujours s’entendre et évoluent centres de jeunes de quartier offrant souvent dans des espaces socio- des ateliers de hip-hop, des salles de géographiques distincts. spectacle, des lieux de rencontre hebdomadaire ou mensuelle, des bars Plusieurs entrevues et séances et des stations de radio alternatives. d’observation ont également été En participant à plusieurs reprises aux menées lors d’événements et ateliers mêmes types d’ateliers et/ou dits « underground ». Bien que les d’événements, nous avons développé artistes reconnus au sein de la culture des contacts qui ont facilité notre hip-hop demeurent relativement insertion auprès des jeunes accessibles, nos champs d’intérêt producteurs de la culture hip-hop qui portent davantage sur l’interface entre œuvrent auprès des jeunes les artistes et les amateurs, ou encore marginalisés. entre les artistes reconnus et les

Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 13 artistes en devenir. Nos principaux rappeurs francophones, amateurs et questionnements explorent le rôle de artistes, dont l’âge varie entre 15 et la culture hip-hop dans le contexte des 22 ans, l’authenticité du discours est dynamiques d’inclusion et d’exclusion à la base du rap; en d’autres termes, raciale, ethnique et linguistique qui un rappeur doit parler du quotidien marquent la société cosmopolite de son quartier. Or, puisque les ghettos montréalaise, ainsi que la constitution américains et le type de criminalité qui de réseaux artistiques et de y est associé — principalement en fréquentation parmi les jeunes relation à la côte ouest du pays — sont rappeurs. Au cours de notre absents de l’espace urbain recherche, nous avons découvert que montréalais, un rappeur qui se veut le milieu de l’intervention crédible ne peut y faire référence et communautaire — à travers les prétendre à leur existence17. Ainsi, le ateliers, les workshops ou les drops- rap francophone montréalais traite ins — est un espace privilégié dans la plutôt de thèmes tels que la vie de mesure où dans la majorité des cas, quartier, la pauvreté, le racisme, les les animateurs sont des artistes injustices sociales, les échecs du reconnus dans le milieu hip-hop. système scolaire, les industries culturelles québécoises, le stress, le Le rap francophone à Montréal respect de l’environnement, ou encore l’amour et ses déceptions.

Le rap montréalais s’articule De plus, le fait hip-hop montréalais autour de deux influences majeures : est caractérisé par son contenu d’un côté le rap américain – influence multiculturel, multilingue et liée à sa proximité géographique et à multiethnique. Il est incontestable sa forte représentation dans les médias qu’une forme de métissage de masse – et de l’autre, le rap français linguistique est apparue au sein même – en raison du partage d’une langue de la culture hip-hop18. Certains clicks commune. Toutefois, le rap et crews sont également francophone montréalais ne se pluriethniques dans leur composition. présente pas comme la simple Toutefois, ce croisement masque une combinaison de ces deux mouvements fragmentation au sein des rappeurs musicaux : il reflète également des montréalais qui reflète, dans une réalités politiques, économiques et certaine mesure, les divisions 15 culturelles propres au Québec . ethniques et linguistiques qui existent D’ailleurs, bien que le hip-hop sur le territoire urbain. Par exemple, américain soit une source au niveau de la langue, les jeunes d’inspiration pour les rappeurs rappeurs sont distribués entre les montréalais, la production de rap de scènes francophone et anglophone : style gangsta est très faible à elles ont chacune leurs propres 16 Montréal . En effet, chez les jeunes entrepreneurs, événements, artistes et

14 Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 publics qui, en plus de connaître des d’origine haïtienne constituent une réalités économiques distinctes, présence saillante au sein du rap entrent rarement en contact (LeBlanc francophone montréalais. et Djerrahian à paraître). Il est à noter que la référence à ces deux groupes Au-delà de ces distinctions linguistiques ne correspond pas aux linguistiques, ethniques et raciales, les catégories historiques des Canadiens rappeurs francophones montréalais français et des Canadiens anglais. Elle sont aussi confrontés au dilemme se rapporte plutôt à des ensembles entre être « real » et « street » d’une pluriethniques constitués autour des part, et réussir commercialement deux langues officielles au . d’autre part. Les jeunes rappeurs Par exemple, dans le milieu du rap entretiennent la conviction qu’en francophone, les artistes sont restant « street » – c’est-à-dire d’origines très variées avec une spontanés, proches du quartier dominance haïtienne et les lyriques de d’origine et sans intérêt commercial leur rap incluent du français, de primaire – ils demeurent « real » et l’anglais, du créole, du lingala, voire « authentiques », deux attributs même de l’espagnol dans certains cas. fondamentaux pour établir la crédibilité d’un rappeur. Cependant, Outre la langue, l’ethnicité et la la plupart d’entre eux rêvent de percer race sont aussi des éléments de dans le domaine commercial et de segmentation au sein des rappeurs vendre plusieurs disques pour ainsi montréalais. Par exemple, parmi les améliorer leur situation économique jeunes rappeurs francophones, ces précaire. Pour être authentique et deux éléments jouent un rôle central crédible, le rappeur doit parler des dans la formation des clicks et dans réalités de la rue et faire référence à la constitution de réseaux de son quartier d’origine, tout en sachant fréquentations. Dans le quartier St- que s’il devenait populaire, il pourrait Michel, entre autres, les rappeurs sont perdre son statut de porte-parole. ainsi divisés entre les jeunes d’origine haïtienne et ceux d’origine latino- Être street et real : la américaine. Même s’ils peuvent être marginalisation de la jeunesse appelés à fréquenter les mêmes immigrante et des « minorités espaces de création, tel que le drop-in visibles » à Montréal du Centre St-Damase, ils rappent rarement ensemble et ils socialisent séparément. Nous avons d’ailleurs pu De plus en plus, le hip-hop constater cette division au cours de montréalais fait état de la nombreuses observations, tant au discrimination et du racisme qui Centre St-Damase qu’au Park caractérisent le quotidien de ses Extension Youth Organization. De protagonistes, ce dont le discours du façon globale, les jeunes rappeurs multiculturalisme officiel témoigne

Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 15 pourtant peu. Dans cette section, nous individu appartenant à une « minorité nous penchons sur la réalité socio- visible » correspond à une catégorie économique de la jeunesse immigrante phénotypique raciale autre que la à Montréal. Précisons que les trois catégorie majoritaire, c’est-à-dire quartiers à l’étude ici, soit Parc blanche. On ne peut en effet ignorer Extension, St-Michel et Côte-des- qu’idéologiquement, le Canada est Neiges, sont majoritairement habités conçu et vécu comme un État-nation par des jeunes d’origine immigrante de phénotype racial blanc (Walcott récente. 1999). Le terme « minorité visible » inclut donc les Canadiens nés au pays, Parmi la population totale de mais de phénotype racial autre que Montréal, 33 % des plus de 15 ans blanc20. Le groupe des Noirs est le plus sont immigrants de première important, représentant 30 % des génération; en d’autres termes, le tiers « minorités visibles », suivi par les de la population montréalaise, âgée Arabes qui constituent 15 % de cette de plus de 15 ans, n’est pas née au population (Ville de Montréal 2004). Canada (Ville de Montréal 2004 : 5). Tel que mentionné plus haut, les La population immigrante de quartiers dans lesquels nous avons première génération ne s’est conduit les mini-ethnographies évidemment pas répartie également à rassemblent essentiellement des travers toute la métropole. Ainsi, dans groupes d’origines ethniques et de certains quartiers où sont rassemblées cultures variées, avec un fort des populations d’origine étrangère, pourcentage d’individus appartenant des « niches ethniques et culturelles » à la catégorie des « minorités se sont développées. Par exemple, à visibles » : par exemple, en ce qui Parc Extension, 60 % de la concerne le quartier St-Michel, le taux population totale est née hors du s’élève à 38,1 % comparativement à Canada (Parc Extension en Santé une moyenne montréalaise de 21 % 2000). Une portion significative de (Martineau, Apparicio et Mongeau cette population immigrante est 2004). composée de membres des « minorités visibles ». Avant d’élaborer davantage Par ailleurs, les statistiques quant à nos données et notre analyse, montrent que les jeunes immigrants il convient de clarifier ce que nous de la catégorie des « minorités entendons par « minorité visible ». visibles » ont beaucoup plus de difficultés à se placer sur le marché Étant donné la difficulté à la du travail que les jeunes immigrants définir avec précision, cette catégorie issus de « minorités non visibles »21. de « minorité visible » est Les observations concernant les jeunes problématique19. Par conséquent, nés au Canada et appartenant à une dans le contexte canadien et québécois « minorité visible » sont encore plus en général, nous supposons qu’un frappantes. En effet, bien qu’ils soient

16 Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 nés au Canada et y aient grandi, leur politique. D’ailleurs, ils s’investissent situation en matière d’accès à l’emploi relativement peu dans les associations n’est pas meilleure que celle des politiques conventionnelles ou dans immigrants récents appartenant à la les organisations nationales de la catégorie des « minorités visibles »22. jeunesse québécoise pour défendre Ces données prouvent que les jeunes leurs droits et idées (Lemieux 2004), Canadiens appartenant à une ce qui reflète encore une fois un « minorité visible » ont consi- certain degré d’exclusion. dérablement moins de chances de trouver un emploi qu’un « Québécois Néanmoins, le fait que ces jeunes de souche » ou qu’un immigrant ne participent pas directement aux récent de phénotype racial blanc groupes politiques conventionnels ne (Garnett 2004). signifie pas pour autant qu’ils soient apolitiques. Bien que le rap Indirectement, ces données francophone montréalais ne soit pas suggèrent également que les ouvertement politique dans la mesure immigrants récents et les jeunes des où il fait rarement la promotion d’une « minorités visibles » sont plus enclins idéologie partisane (sauf dans le cas à vivre sous le seuil de la pauvreté que exceptionnel et isolé de Loco Locass, les « Québécois de souche »23 . Par un groupe souverainiste qui a exemple, plus de la moitié de la popularisé une chanson contre le Parti communauté haïtienne de Montréal libéral provincial), il reste que vit dans des conditions économiques plusieurs des réalités sociales que les précaires (Consulat général de la rappeurs dénoncent sont directement République d’Haïti à Montréal 1997) liées aux politiques provinciales, et plus de 62 % de la population du fédérales et même globales, telles que quartier Parc Extension vit sous le la pauvreté et le décrochage scolaire, seuil de la pauvreté (Parc Extension la mobilisation contre la guerre, ou en Santé 2000). En fait, l’appui à des mouvements de grève l’arrondissement Villeray-St-Michel- étudiants. Parc-Extension est la région de Montréal qui compte la plus forte Ces exemples démontrent que les proportion de familles défavorisées jeunes rappeurs ne restent pas passifs (Saint-Jacques et Sévigny 2003, dans face à leur situation. Au contraire, ils Viens, Dubé et al. 2004). réagissent de diverses manières, originales et significatives. Labelle, En outre, les statistiques indiquent Salée et Frenette affirment à propos qu’en plus de subir les préjugés, le de l’intégration citoyenne des jeunes racisme et la pauvreté, les jeunes issus de deuxième génération issus de de l’immigration ou appartenant aux l’immigration haïtienne et jamaïcaine, « minorités visibles » sont aussi âgés de 18 à 24 ans : fréquemment marginalisés sur le plan

Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 17 « Ces jeunes adultes ont soif Marginalisation et production d’intégration, mais ils rencontrent culturelle beaucoup d’obstacles, que ces derniers soient objectifs ou qu’ils soient subjectifs et intériorisés. Ils La radio commerciale! vivent une situation de minoritaires On n’est pas choyé issus de l’immigration, sans avoir, Des employés enfoirés à proprement parler, connu Qui nous font foirer l’expérience de l’immigration » Faut arrêter ça (2001, dans Lemieux 2004 : 33). Ils bloquent notre musique Même notre stock plus vide, Ils sont stuck up stupides Lors d’une entrevue que nous (Muzion 2002, J’rêvolutionne, Le avons dirigée à l’automne 2004, un Concept [Tome 4]) jeune homme d’origine haïtienne appartenant à la culture hip-hop Les effets de la marginalisation confiait son expérience personnelle des jeunes issus de l’immigration et relativement à l’exclusion : des minorités visibles influencent d’ailleurs directement le développement de la culture hip-hop « (…) qui sommes-nous? À qui on appartient? Est-ce que on est d’ici? montréalaise. Nous proposons Est-ce que on est d’ailleurs? J’suis d’examiner ici la source principale de Québécois, j’suis Haïtien, j’suis frustration des rappeurs dont Africain, qu’est-ce que je suis? témoigne éloquemment l’extrait d’une Parce que quand je parle aux pièce de Muzion rapporté ci-dessus, Québécois ils me pointent comme soit la marginalisation du rap dans les autre, comme ne faisant pas partie d’ici. » médias de masse et au sein de l’industrie culturelle québécoise.

Ainsi, envers et contre les préjugés En réalité, très peu de rappeurs et le racisme, le hip-hop offre la québécois parviennent à vivre de leur possibilité aux jeunes de diverses musique, car depuis ses débuts, le origines ethniques et culturelles projet d’insertion du hip-hop d’afficher leur appartenance. Comme montréalais dans la culture de masse le suggère l’exemple de Muzion québécoise s’est vu confronté à de discuté en introduction, l’appar- nombreuses difficultés liées, en grande tenance ethnique des rappeurs est partie, au financement public et à souvent annoncée en spectacle ou sur l’accès aux médias de masse. Le les sites web des groupes, ce qui leur Québec, tout comme dans une permet non seulement de créer un effet certaine mesure le Canada, a une rassembleur, mais aussi de définir leur politique culturelle très forte, basée identité au sein de la société sur le financement de la culture à québécoise. travers diverses formes de programmes gouvernementaux. Nous

18 Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 pensons ici aux principaux espaces de québécois) demeure, pour sa part, en diffusion (télévision, radio), aux grande partie « underground » ou événements publics24, aux bourses de clandestin. Par conséquent, les créateurs et aux systèmes de crédit rappeurs doivent avoir un emploi d’impôt proposés aux producteurs et stable, en dehors de leurs activités aux diffuseurs, entre autres mesures artistiques, mais celui-ci ne leur laisse de support politique à la culture. La que « le soir et les fins de semaine » dénonciation publique des membres pour écrire et pratiquer leur musique. du groupe hip-hop francophone Loco Locass quant à l’absence de On observe d’ailleurs un décalage reconnaissance des artistes hip-hop au entre ce que les jeunes Québécois Gala de l’ADISQ 2005 (Association écoutent et ce que la radio diffuse. Il québécoise de l’industrie du disque, du est effectivement démontré qu’au spectacle et de la vidéo) est un exemple Québec, « l’anglais est la langue de cette résistance à la politique d’écoute qui domine chez les jeunes culturelle de l’État et à l’accès aux de 15 à 24 ans, particulièrement chez médias de masse. les adolescents qui cherchent à s’identifier à un style musical qui Bien que la diffusion du rap sur reflète leurs idées et leurs goûts et non les chaînes radiophoniques fran- ceux de leurs parents » (Boily, Duval cophones, commerciales et et Gauthier 2000 : 30). Or, bien que publiques25 tende à augmenter, elle la musique en langue anglaise soit très demeure très faible sur les chaînes populaire auprès des jeunes, les règles montréalaises à haute écoute. Seules linguistiques du Conseil de la quelques stations de radio radiodiffusion et des télé- communautaires et universitaires à communications canadiennes Montréal et dans la région offrent des (CRTC) imposent le français aux émissions à saveur hip-hop ou urbaine artistes. Les groupes de rap Muzion, (ou Black, qui comprend le R&B, La Constellation et plus récemment soul, Drum & Base, etc.)26. En fait, il Cat Burglaz ont ainsi décidé de rapper n’existe pas de station de radio hip- en français, de façon à augmenter hop commerciale en tant que telle au leurs chances de s’insérer dans le Québec27. Les difficultés à s’insérer au milieu artistique québécois. Toutefois, sein des médias de masse ne touchent la réglementation linguistique de la pas exclusivement le rap puisque radiodiffusion au Québec n’explique d’autres styles musicaux dits qu’en partie l’absence du hip-hop à « alternatifs » comme le hard rock, le la radio. Plusieurs rappeurs, dont Sans punk et le heavy metal en sont Pression et Yvon Krevé, rappent en affectés, se trouvant ainsi relégués aux français depuis leurs débuts, sans postes de radio universitaires et avoir pour autant reçu d’intérêt communautaires. Sans visibilité médiatique. médiatique, le rap montréalais (et

Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 19 Expliquant l’absence de rap sur les rap est souvent perçu comme violent ondes radiophoniques francophones et misogyne. montréalaises, le directeur artistique de K103, la station de radio Les stéréotypes associés à la amérindienne qui fut, en 1994, la culture hip-hop sont liés aux origines première à diffuser la musique urbaine ethniques et culturelles des jeunes qui noire, nous confie en entrevue : la composent. En effet, comme démontré dans la section précédente, « Les autres stations de Montréal les jeunes issus de l’immigration et sont très white bread, ce qui veut appartenant à la catégorie des dire que c’est très homogène, ils « minorités visibles » sont davantage mettent pas mal plus des choses exposés à la discrimination sociale, ‘white’. Il y a beaucoup de racisme. économique et politique ce qui, par Donc si tu combines ça avec ricochet, affecte la culture hip-hop l’histoire de quota, il y a donc plus de Céline Dion et de Alanis québécoise. En fait, selon nos Morrissette que de groupes hip-hop observations, la marginalisation du du Canada ou de l’étranger » (noté rap dans l’industrie culturelle textuellement, 19 juin 2003). québécoise serait davantage le produit d’une combinaison de facteurs, soit Ces propos mettent en évidence un les règles de radiodiffusion et les deuxième facteur, souvent mentionné politiques culturelles lourdes qui par nos informateurs pour expliquer entraînent une « sélection l’absence de rap francophone au sein discriminatoire » de la musique, basée des médias québécois : le racisme et sur des critères d’âge, de langue, de les stéréotypes qui touchent le rap et contenu, d’image et de potentiel les rappeurs. Ces préjugés inciteraient commercial. Excluant les rappeurs du les radiodiffuseurs à ne pas s’associer « star-système québécois », ces au rap afin de ne pas ternir leur image critères pourraient indirectement au sein de la population en général. renforcer les préjugés et stéréotypes En effet, les médias associent que subit ce style musical. couramment le rap à la violence, les gangs de rue, la drogue et l’illégalité. Par le passé, la musique rap À titre d’exemple, un journaliste du produite au Québec a pourtant déjà quotidien La Presse décrit une gang été diffusée sur les ondes de radio de rue de Saint-Michel en ces termes : commerciales. Ainsi, vers la fin des ces jeunes « font de la musique hip- années 1990, un groupe a su dépasser hop, vendent des drogues… » (Bérubé les barrières de la marginalisation du 2003). En outre l’image du gangsta rap dans les radios commerciales et rap américain, très présente dans les auprès des institutions culturelles, divers médias, renforce ces préjugés mais ce, pour la première et la dernière si bien que, même si le gangsta rap fois. À cette époque, le groupe n’existe quasiment pas au Québec, le Dubmatique, qui a finalement vendu 20 Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 plus de 125 000 copies de l’album (par exemple, l’accès à des mini- « La force de comprendre » (1996), studios numériques), ces réseaux était parvenu à attirer l’attention de clandestins ne nécessitent pas un la radio et des autres médias de masse grand déploiement de capital québécois, et même anglophones. économique. Plusieurs maisons de Jusqu’à aujourd’hui, Dubmatique est production, des sites web, des réseaux le seul groupe de rap ayant bénéficié d’événements et des festivals (comme d’une couverture radiophonique et la Ligue d’improvisation hip-hop au vidéo en . Plus récemment, le Québec) œuvrent ainsi en tant que succès du groupe souverainiste de rassembleurs spontanés et partiels. En Québec, Loco Locass, a démontré la outre, en créant des sites web nécessité de cibler un large auditoire francophones sur le hip-hop francophone « de souche » pour québécois, les acteurs de la culture atteindre une certaine popularité au hip-hop montréalaise visent Québec28. également à rendre cette culture plus accessible, grâce au partage de fichiers Outre les « chansons populaires » vidéos et sonores, aux échanges et les « chansons romantiques », la interactifs que permettent ces sites politique de la « sélection (voir par exemple www.hhqc.com et discriminatoire » amène le « star- www.hiphopfranco.com) et à la système québécois » à favoriser des diffusion d’éditoriaux et d’entrevues styles musicaux dits « soft », ainsi que auprès d’artistes locaux. des groupes dont l’image est Dernièrement, des compagnies de « respectable », qui utilisent un production destinées au rap se sont français soigné et qui rassemblent un installées à Montréal. Unistar Média, large auditoire. Dénonciateur, par exemple, regroupe une émission provocateur et spontané, le style du de télévision urbaine, un magazine, rap ne correspond pas toujours aux une maison de production et un critères de sélection des festival hip-hop29. Des émissions radiodiffuseurs. Moins visibles, les vidéo, des magazines et des labels groupes de rap montréalais n’ont par indépendants (par exemple BBT, Iro ailleurs pas la possibilité de Productions, ICM, AT Musique, déconstruire les préjugés et HLM) sont également diffusés en stéréotypes qui pèsent sur eux. simultané sur Internet (www.broadbeat.ca). Malgré cette quasi-exclusion, divers réseaux de production et de La culture hip-hop montréalaise distribution underground se sont dispose donc d’un réseau qui lui est constitués à partir de la fin des années propre et qui permet aux rappeurs de 1990. Grâce aux transformations se promouvoir hors des industries technologiques et aux possibilités de culturelles dites conventionnelles. production sur support numérique Cependant, les rappeurs francophones

Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 21 désirent également s’initier aux / Mais où est-ce qu’ils sont? Tous méthodes conventionnelles, dans le les chats de rues, les marginaux / but d’obtenir un support médiatique Investissons, on fera des avenues plus large. En réalité, leur stratégie de casinos / Yeah non-stop je vois d’élaboration d’un système de les p’tits frères bumrushent / Tu production alternatif représente vois les misères sans cob, c’est principalement une réaction à la comme passer l’hiver sans botte / marginalisation que subit le hip-hop … ». montréalais dans son environnement social immédiat. Quoique rarement manifestée explicitement, l’appartenance à un Culture hip-hop à Montréal : groupe ethnique autre que celui de un alter-espace d’intégration? « souche québécoise » constitue un autre critère d’inclusion à la culture hip-hop, notamment en ce qui Tel que mentionné précédemment, concerne le quartier St-Michel. le discours des membres de la culture Chamberland rappelle également la hip-hop est basé sur le principe de nécessité de faire partie d’un groupe l’authenticité. Il s’appuie aussi sur ethnique et/ou culturel minoritaire celui de la diversité. Ainsi, parmi les pour être reconnu comme membre à rappeurs montréalais, il est part entière de la communauté hip- généralement reconnu que n’importe hop. Dans son article « The Cultural qui peut faire partie de la culture hip- Paradox of Rap Made in Quebec » hop. Cependant, ce principe (2001), l’auteur explique que l’espace d’inclusion n’est pas aussi flexible commun partagé par l’ensemble de la dans la réalité. En effet, afin de communauté se divise en fait en deux légitimer leur appartenance à la territoires distincts : l’un caractérisé culture et à la tradition globale hip- pas la culture blanche, et l’autre par hop, les rappeurs francophones ont la ou les culture(s) des nouveaux adopté un discours similaire à celui immigrants et des minorités visibles de la tradition américaine qui vise, du au Québec. moins dans les années 1970 et 1980, à dénoncer les problèmes de pauvreté À Montréal, c’est le quartier qui et de racisme30. Dramatik, rappeur du constitue le marqueur d’appartenance groupe Muzion, illustre bien ce identitaire des rappeurs et ils s’y discours dans sa chanson « I live, I réfèrent constamment. Par exemple, love, I leave » sur la compilation de un des albums de l’artiste Sans disque intitulée One Way (2004) : Pression intitulé « 514-450 dans mon réseau » fait allusion aux deux codes « Je rap pour les élèves têtus en régionaux téléphoniques qui couvrent retenu, les détenus, les ethnies la communauté urbaine de Montréal, sans revenu les rues t’ont prévenu celui de Montréal (514) et de ses zones

22 Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 périphériques (450). Dans d’autres société dominante, elle devient un cas, on utilise le numéro de l’autobus outil de changement social. À travers qui traverse les rues principales dans le rap et d’autres formes artistiques les lyriques ou les intitulés des du hip-hop, les jeunes visent à chansons, inscrivant ainsi s’affranchir des étaux de la l’appartenance à un quartier. Les marginalisation raciale, économique rappeurs s’identifient également à des et politique. Dans certains cas, le rap régions de la grande métropole, est aussi présenté comme une forme comme la Rive-Sud. de « rédemption » ou de sauvegarde quant aux effets de la pauvreté et de Pour plusieurs rappeurs, cela va la marginalisation, notamment le au-delà d’une simple identification à danger de tomber dans certaines leur quartier, souvent ils souhaitent activités illicites. aussi s’y impliquer et y améliorer la situation des jeunes en utilisant le rap Conclusion comme vecteur de rassemblement. Cette identification au quartier et le désir d’y apporter des changements Notre étude de terrain nous porte sont, selon nous, tout à fait spécifiques à croire que la culture hip-hop au milieu du rap montréalais. Il existe montréalaise ne peut être considérée aux États-Unis une forme de comme une forme de résistance à la « raptivisme », c’est-à-dire un société dominante. Évoluant dans un mélange de nationalisme noir, contexte multiculturel et plurilingue, d’activisme et de rap (Henderson la culture hip-hop montréalaise se 1996). Cependant, ce type développe plutôt en réaction à son d’implication ne peut être qualifié statut marginal en établissant un alter- d’intervention auprès des jeunes espace destiné à faciliter son puisqu’il demeure plutôt discursif ou intégration et son inclusion au sein de bien il se déploie à travers des la culture dominante. Nous croyons spectacles thématiques. L’engagement qu’elle se caractérise par une politique des rappeurs au niveau local pourrait et une économie alternatives, qui ne provenir de leur difficulté à s’imposer rejettent toutefois pas le système de au sein de l’industrie culturelle la culture dominante. Les artistes de québécoise, si bien que l’intervention la culture hip-hop reconnaissent communautaire auprès des jeunes l’importance de mettre ces dernières deviendrait une façon de vivre de leur à profit de façon à augmenter la rap et de valoriser leur savoir. Cette visibilité du rap dans les médias de implication correspond à un masse et dans l’industrie culturelle en changement quant à la mission de la général. Lors de la conférence culture hip-hop : plutôt que de servir organisée par Park Extension Youth de vecteur de dénonciation et de Organization (27 juillet 2004), un résistance aux modèles offerts par la

Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 23 membre de la culture hip-hop dichotomiques raciales de Noirs et de expliquait : Blancs. On y relève par ailleurs des divisions linguistiques importantes « On fait de la musique et on a une ainsi qu’une forte démarcation entre carrière, mais ça c’est de la business. les scènes hip-hop francophone et Si on veut faire partie du système, anglophone, ce qui implique tu veux vendre des disques, tu dois notamment des réseaux, des apprendre comment ça marche si événements, des bars et des quartiers tu veux que ça fonctionne. » distincts. Dans un autre article, nous avons comparé les réseaux Conscients que la promotion du francophones et anglophones, ainsi hip-hop au sein de la société que leur inscription dans une québécoise doit inévitablement passer mouvance de mondialisation, par le système conventionnel, la montrant que les enjeux qui marquent plupart des rappeurs ne sont pourtant ces deux réseaux sont très différents, pas familiers avec les différentes notamment en ce qui a trait aux possibilités qu’offre ce système. C’est dynamiques de la marginalisation donc la volonté de développer (LeBlanc et Djerrahian à paraître). commercialement le rap qui pousse les membres de la culture hip-hop à Finalement, la particularité du fait expérimenter et à considérer les québécois (double majorité politiques et subventions étatiques. linguistique) ainsi que des politiques Cependant, certains membres culturelles directives façonnent un expriment leurs réticences face aux environnement bien différent de celui institutions culturelles et soutiennent des États-Unis où la culture se le projet d’une industrie hip-hop développe dans des conditions de totalement indépendante. Ces marché libre. Au Québec, l’État initiatives sont malheureusement s’implique davantage dans le domaine souvent vouées à l’échec, par manque culturel et propose diverses de fonds, de support médiatique ou subventions et politiques à vocation en raison de la mauvaise organisation protectionniste. D’autre part, comme du groupe en charge. nous l’avons vu avec l’exemple des stations de radio commerciales, De plus, la culture hip-hop au certaines politiques culturelles ont le Québec englobe plusieurs groupes pouvoir d’inhiber le développement ethniques et culturels, si bien qu’on de mouvements culturels. Cependant, ne peut analyser le rap uniquement il semble que les artistes de la culture comme une forme de « black hip-hop apprennent de plus en plus à empowerment ». L’image de la composer avec ces variables, « négritude » évoquée à l’initial par augmentant ainsi leurs chances de le mouvement hip-hop américain s’intégrer dans le « star-système traverse, à Montréal, les barrières québécois ». Plusieurs rappeurs

24 Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 s’informent et apprennent à jongler aux dynamiques de la avec les mécaniques des politiques marginalisation. culturelles, certains arrivent à bénéficier de bourses de subvention Notes biographiques dédiées aux jeunes artistes, d’autres entretiennent des contacts qui leur MARIE-NATHALIE LEBLANC est permettent de s’intégrer dans des professeure agrégée au département réseaux d’artistes et de producteurs de sociologie et d’anthropologie de québécois. Plusieurs groupes décident l’Université Concordia (Montréal). également de rapper en français pour Depuis le début des années 1990, elle ainsi rejoindre un auditoire extérieur travaille sur la question des jeunes et à l’île de Montréal. du changement social en Afrique de l’Ouest et au Québec. Le terme alter-espace que nous employons fait référence à une ALEXANDRINE BOUDREAULT-FOURNIER stratégie collective d’inclusion et termine la rédaction d’un doctorat en d’intégration développée par des anthropologie sociale et visuelle à groupes de jeunes souvent l’Université de Manchester (Grande- marginalisés qui se rassemblent et Bretagne) portant sur les politiques s’organisent pour créer un système culturelles et le mouvement hip-hop clandestin à l’intérieur d’une culture à Santiago de Cuba. dominante. Il ne s’agit ni d’un mouvement révolutionnaire, ni GABRIELLA DJERRAHIAN est doctorante contestataire puisque les membres de à l’Université McGill (Montréal) au la culture hip-hop projettent de département d’anthropologie. Sa s’intégrer aux systèmes institutionnels recherche pose une réflexion sur et culturels québécois et, surtout, de l’appropriation de la culture développer une production culturelle populaire, particulièrement le hip- économiquement rentable. Pour hop, et le processus de ‘racialisation’ plusieurs, le hip-hop leur permet parmi les Juifs éthiopiens en Israël. d’assumer leur identité de jeunes issus de l’immigration ou appartenant à Notes 1 une « minorité visible », tout en Cette recherche a été possible grâce au financement du Conseil de recherche en développant des moyens alternatifs sciences humaines du Canada (CRSH, 2004- d’intégration dans la culture 2007). 2 québécoise dominante. Néanmoins, Ces propos furent notés textuellement au cours d’une séance d’observation à les effets réels de ces stratégies ne Célébration Jeunesse au Stade olympique de porteront probablement leurs fruits Montréal, le 16 mai 2003. qu’à long terme. Et, il est toujours 3 Notons l’existence d’un réseau d’artistes hip-hop anglophone à Montréal qui ne figure possible de se demander si le désir de pas parmi les données présentées dans cet commercialisation est une « porte article. Voir LeBlanc et Djerrahian (à exutoire » vers l’émancipation face paraître).

Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 25 4 Nous articulons cette notion d’alter-espace montréalais; Côte-des-Neiges et Notre- en relation au concept de counter-nation Dame-de-Grâce en forment un autre. développé par Jean et John Comaroff. Ils 14 Les clicks ou crews font référence à un utilisent l’idée de counter-nation afin de groupe d’ami(e)s ou de connaissances, c’est- décrire les contre-espaces d’identification et à-dire aux réseaux sociaux. d’expression construits par les jeunes en 15 Certaines manifestations culturelles sont situation de marginalisation politique et spécifiques au hip-hop québécois, par économique, dont le hip-hop et l’Internet exemple la formation de la première ligue (voir Comaroff et Comaroff 2000). d’improvisation hip-hop au monde 5 Le « scratch » est une des diverses méthodes (www.lihq.ca), un phénomène original qui, utilisées par les DJs. depuis décembre 2004, a atteint une 6 Le hip-hop comprend quatre formes popularité impressionnante à Montréal. Une principales : le rap, le breakdance, le DJisme culture hip-hop d’intervention qui se veut et le graffiti. proche des jeunes s’est également 7 « The Message » fut grandement influencé développée. par les enseignements d’Afrika Bambataa, 16 Cependant le gangsta rap américain est une légende du hip-hop oeuvrant pour consommé par la grande majorité des jeunes promouvoir le nationalisme noir, la créativité qui écoute du rap (voir Miranda 2002). positive, la pratique de la vision, la 17 Il est évident que certains jeunes cherchent spiritualité et la guérison (Henderson 1996 : à reproduire les images et styles véhiculés 311). par le gangsta rap. Toutefois, nos 8 Plusieurs auteurs tels Flores (1994) et observations sur le terrain entre 2003 et Smitherman (1997) soulignent l’importance 2004 ne confirment nullement le discours des Latinos dans l’émergence de la culture médiatique actuel sur les gangs de rues, les hip-hop aux États-Unis. Smitherman (1997) Haïtiens et le hip-hop – dont l’équation entre affirme par exemple que les Latinos ces trois éléments a souvent été réalisée par constituent une minorité significative de la les médias dans le contexte du procès de la nation hip-hop aux États-Unis. « gang de la rue Pelletier ». 9 Alors que dans les années 1980, le hip-hop 18 Voir Sarkar et Allen (à paraître); Sarkar et était devenu un des vecteurs essentiels al. (2007); Sarkar et Winer (2006). d’expression et de dénonciation du racisme 19 Le questionnaire du recensement 2001 de pour les Afro-Américains, aujourd’hui, aux Statistique Canada (question #19) définit 11 États-Unis, 70 % des albums de rap sont catégories phénotypiques raciales (outre la consommés par des Blancs (Farley, August catégorie « autres ») incluant : Blanc, Noir, et al. 1999). Chinois, Philippin, Latino-américain, 10 Voir Laabidi (2006) pour un survol Asiatique du Sud-Est, Arabe, etc. On compte similaire du développement du hip-hop au également des « immigrants appartenant aux Québec. minorités visibles » et des « immigrants 11 La spécificité de ces « mini-ethnographie» n’appartenant pas aux minorités visibles ». réside dans le fait que les enquêtes étaient 20 Nous devons spécifier que la catégorie menées généralement par un(e) seul(le) « minorité non visible » fait référence aux enquêteur(se) et divisées autour d’espaces Canadiens d’origine immigrante récente (2e géographiques, principalement des quartiers génération et plus), et de phénotype racial historiquement associés aux vagues blanc. migratoires et où l’on retrouve une 21 Le taux de chômage des jeunes immigrants concentration d’activités hip-hop. appartenant à la catégorie des minorités 12 L’étude de terrain menée en 2003-2004, visibles s’élève à 17,8 % tandis qu’il est de et sur laquelle repose cet article, fut financée 12 % pour les jeunes immigrants récents de par l’Université Concordia et le Groupe de phénotype racial blanc (Lemieux 2004 : 41). recherche ethnicité et société (CRSH et 22 Par exemple, « le groupe des jeunes Noirs FQRSC). dépasse la barre des 20 % [20,7], tandis que 13 Les quartiers Parc Extension, St-Michel les jeunes Arabes et Asiatiques occidentaux et Villeray forment un arrondissement [19,7] s’en rapprochent » (Lemieux 2004 : 44).

26 Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 23Le taux de chômage moyen de la Bibliographie population montréalaise de plus de 15 ans oscille entre 9 et 10 % (Direction de la santé Bérubé, N., 2003. « On est juste une gang publique 2003). d’amis », La Presse, 1er nov., p. A3. 24 Le Festival international hip-hop 4 Ever, Boily, C., L. Duval et M. Gauthier (avec qui était central dans le passé, n’a pas eu l’assistance d’A.-M. Lemay), 2000. Les lieu cette année. jeunes et la culture : Revue de la littérature 25 Nous consacrons cette section à la radio et synthèse critique. INRS-Culture et puisqu’elle constitue un médium tremplin Société, Direction de l’action stratégique, pour la visibilité des groupes musicaux. de la recherche et de la statistique, Cependant, il convient de noter que la ministère de la Culture et des télévision, l’Internet et les magazines ont un Communications. rôle important dans la diffusion du rap au Québec. Chamberland, R., 2001. « Rap in Canada : 26 Par exemple, la radio communautaire de Bilingual and Multicultural », in T. Montréal (101,5 FlM), Radio Centre-Ville Mitchell (dir.), Global Noise : Rap and (102,3 FM), CISM (89,3 FM, la station Hip-Hop outside the USA. Middletown, étudiante de l’Université de Montréal) et les Wesleyan University Press, p. 1-38. radios Internet diffusent plusieurs émissions Comaroff, J. et J. L. Comaroff, 2000. hip-hop en français. « Millenial Capitalism: First Thoughts on 27 La station de radio commerciale qui a Second Coming », Public Culture, vol. propose le plus d’émissions de style urbain 12, nº 2, p. 291-343. (ou Black) dans la grande région de Montréal Condry, I., 2001. « Japanese hip-hop and the diffuse depuis la réserve amérindienne de globalization of popular culture », in G. Kahnawake, qui n’est pas soumise aux lois Gmelch et W. Zenner (dir.), Urban life: de quotas imposées par le Conseil de la Readings in the anthropology of the city. radiodiffusion et des télécommunications Prospect Heights, Waveland Press. canadiennes (CRTC). Beaucoup de nos Consulat général de la République d’Haïti à informateurs considèrent cette radio Montréal, 1997. Rapport sur la indépendante et anglophone comme un délinquance dans la communauté pilier dans la diffusion de la musique hip- haïtienne de Montréal. Septembre. hop (et Black en général) à Montréal. K103 diffuse en grande partie du rap américain, et Cornyetz, N., 1994. « Fetishized ce, depuis 1994. En tant que station de radio blackness : Hip hop and racial desire in privée, elle ne reçoit aucun financement, ce contemporary Japan », Social Text, vol. qui, selon le directeur artistique de la station, 41, n° 4, p. 114-148. lui permet d’émettre ce « que les gens aiment, Direction de la santé publique de Montréal, ce qui est à la mode » (noté textuellement, CLSC, 2003. Caractéristiques de la notre traduction, 19 juin 2003, Kahnawake). population liées au chômage, recensement 28 Le groupe Loco Locass a vendu plus de de 2001. Septembre. 25 000 copies de l’album « Amour oral » Farley, C. J., et al., 1999. « Hip-Hop (2004). Nation », Time, vol. 153, nº 5. 29 L’émission, intitulée « Vibe Plus », a récemment été retirée de l’antenne à la suite Flores, J., 1994. « Puerto Rican and Proud, de la faillite d’Unistar, qui a également Boyee! Rap, Roots and Amnesia », in A. supprimé son gala, son magazine et son Ross et T. Rose (dir.), Microphone Fiends: festival. Youth Music and Youth Culture. New 30 Maxwell (2001 et 2003) a noté un York, Routledge, p. 89-98. phénomène semblable parmi les membres de Forman, M., 2002. The Hood Comes la culture hip-hop à Sydney. First : Race, Space, and Place in Rap and Hip-Hop. Middletown, Wesleyan University Press.

Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 27 Garnett, P., 2004. Explication de la Maxwell, I., 2003. Phat Beats, Dope détérioration des gains au niveau d’entrée Rhymes: Hip-hop Down Under Comin des cohortes d’immigrants au Canada : Upper. Middletown, Wesleyan University 1996-2000. Statistique Canada, mai. Press. Henderson, E. A., 1996. « Black Miranda, D., 2002. Étude des liens entre Nationalism and Rap Music », Journal l’écoute de la musique rap et les of Black Studies, vol. 26, p. 308-339. comportements déviants à l’adolescence. Krims, A., 2002. « Rap, race, the ‘local’, and Mémoire de maîtrise non publié, urban geography in Amsterdam », in R. Université de Montréal, département de Young (dir.), Music, Popular Culture, psychologie, Montréal, Canada. Identities. Amsterdam, Rodopi. Parc Extension en Santé, 2000. Laabidi, M., 2006. « Culture hip-hop Développement des communautés québécoise et francophone », in P. Roy et locales : Portrait de concertations de S. Lacasse (dir.), Groove : Enquêtes sur quartier à Montréal. Programme de les phénomènes musicaux contemporains. soutien financier du développement local, Québec, Presses de l’Université Laval. février. LeBlanc, M.-N. et G. Djerrahian, à paraître. Sarkar, M. et D. Allen, à paraître. « Identity « Du hip-hop dans un Montréal in Quebec Hip-Hop : Language, territory mondialisé : Source de division et force and ethnicity in the mix », Journal of unificatrice? », in E. Berthold (dir.) avec Language, Identity and Education, n° 32. la collaboration de Geneviève Béliveau- Sarkar, M., B. Low et L. Winer, 2007. Paquin, Mondialisation et cultures : « “Pour connecter avec le peeps” : regards croisés de la relève sur le Québec. Québéquicité and the Quebec Hip-Hop Québec, Presses de l’Université Laval. community», in M. Mantero (dir.), Lemieux, G. (Recherche et rédaction), 2004. Identity and second language learning : Remixer la cité : la participation Culture, inquiry, and dialogic activity in citoyenne des jeunes Québécois issus de educational contexts. Greenwhich CT, l’immigration et des minorités visibles. Information Age Publishing. Rapport de recherche, Conseil Permanent Sarkar, M. et L. Winer, 2006. « Multilingual de la jeunesse en collaboration avec le code switching in Quebec rap : Poetry, Conseil des relations interculturelles, pragmatics, and performativity », mars. International Journal of Multilingualism, Martineau, Y., P. Apparicio et J. Mongeau, vol. 3, n° 3, p. 173-192. 2004. « Portrait socioéconomique du Schweiger, M., 2004. Appropriation locale territoire du Centre local d’emploi Saint- d’un phénomène global : le rap Michel », Centre Urbanisation, Culture montréalais. Mémoire de maîtrise non et Société de l’institut national de publié, Université de Vienne, Autriche. recherche scientifique (INRS), Université Smitherman, G., 1997. « “The Chain du Québec à Montréal, pour Emploi- Remain the Same”: Communicative Québec de Montréal. Practices in the Hip hop Nation », Journal Martinez, T. A., 1997. « Popular culture as of Black Studies, vol. 28, n° 1, p. 3-25. oppositional culture : Rap as resistance », Urla, J., 2001. « “We Are All Malcolm X !”: Sociological Perspectives, vol. 40, n° 2, Negu Gorriak, Hip-Hop, and the Basque p. 265-286. Political Imaginary », in T. Mitchell (dir.), Maxwell, I., 2001. « Sydney Stylee : Hip Global Noise: Rap and Hip-Hop Outside Hop Down Under Comin’ Up », in T. the USA. Middletown, Wesleyan, Mitchell (dir.), Global Noise : Rap and University Press, p. 171-193. Hip-Hop Outside the USA. Middletown, Viens, O., M. Dubé et al., 2004. Rapport Wesleyan University Press, p. 259-279. sur la pauvreté à Montréal. Conférence

28 Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 régionale des élus de Montréal : Forum Discographie régional sur le développement social de l’île de Montréal, Document de recherche et de réflexion. Cat Burglaz, 2004. « L’Album Français », Ville de Montréal, 2004. Observatoire Seven Seas Entertainemnt/Select. économique et urbain. Profil socio- Dramatik, 2004. « I live, I love, I leave », économique. Service du développement dans la compilation One Way. économique et du développement urbain, Dubmatique, 1996, « La Force de janvier, www://ville.montreal.qc.ca/ Comprendre », Les Disques Tox inc. observatoire (page consultée en septembre 2005). Grandmaster Flash and the Furious Five, 1982. « The Message », Sugar Hill Walcott, R., 1999. « Rhetorics of Blackness, Records. Rhetorics of Belonging: The Politics of Representation in Black Canadian Loco Locass, 2004. « Amour Oral », Expressive Culture », Canadian Review Audiogram/Select. of American Studies, vol. 29, n° 2, p. 1- Muzion, 2002. « J’rêvolutionne », Sony 24. Music. Sans Pression, 1999. « 514-450 dans mon réseau », Disques Mont Real.

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