Les Jeunes Et La Marginalisation À Montréal : La Culture Hip-Hop

Les Jeunes Et La Marginalisation À Montréal : La Culture Hip-Hop

Document generated on 10/01/2021 3:18 a.m. Diversité urbaine Les jeunes et la marginalisation à Montréal : la culture hip-hop francophone et les enjeux de l’intégration Marie-Nathalie LeBlanc, Alexandrine Boudreault-Fournier and Gabriella Djerrahian Volume 16, Special Issue, 2016 Article abstract Hip hop culture appeared and flourished in Quebec during the 1980’s. A URI: https://id.erudit.org/iderudit/1050954ar variety of ethnic and cultural groups in Montreal have appropriated rap music DOI: https://doi.org/10.7202/1050954ar as a vehicle for expressing the realities of their daily lives, and as such, hip hop has become a central reference point in the construction of identity. In this See table of contents article we explain how hip hop culture offers a space where youth of diverse ethnic and cultural backgrounds, who are often marginalized from the dominant Québécois culture, can integrate and adapt to their environment. Publisher(s) Rather than analyzing hip hop as a form of global contestation and resistance customized to a local setting, we interpret Québécois rap as a strategy for Groupe de recherche diversité urbaine integration whereby young artists work to make their culture more visible in CEETUM the public sphere and within the framework of media institutions of the larger society. ISSN 1913-0694 (print) 1913-0708 (digital) Explore this journal Cite this article LeBlanc, M.-N., Boudreault-Fournier, A. & Djerrahian, G. (2016). Les jeunes et la marginalisation à Montréal : la culture hip-hop francophone et les enjeux de l’intégration. Diversité urbaine, 16. https://doi.org/10.7202/1050954ar Tous droits réservés © Groupe de recherche diversité urbaine et CEETUM, 2018 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ LES JEUNES ET LA MARGINALISATION À MONTRÉAL : LA CULTURE HIP-HOP FRANCOPHONE ET LES ENJEUX DE L’INTÉGRATION1 Marie-Nathalie LeBlanc Alexandrine Boudreault-Fournier Gabriella Djerrahian RÉSUMÉ / ABSTRACT La culture hip-hop est apparue au Québec dans les années 1980. À Montréal en particulier, différents groupes ethniques et culturels se sont approprié le rap et l’emploient comme un mode d’expression de leurs réalités quotidiennes, le transformant ainsi en un référent identitaire. Nous proposons que la culture hip-hop offre un espace d’intégration et d’adaptation à des jeunes de diverses origines ethniques et culturelles, souvent marginalisés au sein de la culture québécoise dominante. Loin d’être un instrument de résistance et de contestation mondialisé, adapté et manipulé sur le plan local, le rap québécois nous apparaît comme une stratégie d’intégration mise en place par de jeunes artistes qui visent ainsi à rendre leur culture davantage visible au sein de la société majoritaire, tant au niveau public que médiatique. Hip hop culture appeared and flourished in Quebec during the 1980’s. A variety of ethnic and cultural groups in Montreal have appropriated rap music as a vehicle for expressing the realities of their daily lives, and as such, hip hop has become a central reference point in the construction of identity. In this article we explain how hip hop culture offers a space where youth of diverse ethnic and cultural backgrounds, who are often marginalized from the dominant Québécois culture, can integrate and adapt to their environment. Rather than analyzing hip hop as a form of global contestation and resistance customized to a local setting, we interpret Québécois rap as a strategy for integration whereby young artists work to make their culture more visible in the public sphere and within the framework of media institutions of the larger society. Mots clés : jeunes, culture populaire, hip-hop, intégration, média. Keywords : youth, popular culture, hip hop, integration, media. Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 9 Introduction Condry 2001), dans la région basque (Urla 2001), aux Pays-Bas (Krims EN 2003, À LA FIN D’UN DE LEURS 2002) et au Québec (Schweiger 2004). SPECTACLES, les membres de Muzion Contrairement à cette hypothèse selon (Impossible, Dramatik et J-Kyll), un laquelle le rap francophone groupe de rap d’origine haïtienne issu montréalais3 représente une forme du quartier St-Michel à Montréal et locale d’appropriation et d’adaptation qui connaît une certaine notoriété, de la culture hip-hop globale, nous s’adressent à la foule : « Y-as-tu des suggérons, quant à nous, que pour les Haïtiens dans la salle? ». Les jeunes rappeurs — souvent spectateurs, d’origine haïtienne pour marginalisés du fait de leur âge, de la plupart, hurlent en guise de leur origine ethnique ou parce qu’ils réponse. Un des artistes enchaîne et s’expriment par l’intermédiaire du précise que la musique hip-hop « c’est hip-hop (un vecteur souvent associé pour tout le monde, on est tous des à la violence, aux gangs de rue et à la Québécois, nous autres on est tous nés drogue dans l’imaginaire public) — ici »2. Un troisième ajoute : « le hip- la culture hip-hop québécoise fournit hop est pour toutes les races ». Bien un espace grâce auquel ils tentent de qu’ils affirment « on est tous des s’insérer dans la société dominante, Québécois », les références aux tant sur un plan identitaire que social, marqueurs ethniques et immigrants politique et économique. suscitent des réactions parti- culièrement vives de la part de Ainsi, le hip-hop marque un nouvel l’audience, composée en grande espace urbain au sein duquel il est majorité d’adolescents. Pour ces possible pour les jeunes rappeurs jeunes d’origine haïtienne, l’appel francophones « to think and lancé par Muzion représente un experience their own being in a moyen de s’emparer d’un espace manner or modality that previously social et culturel, au sein de la société had left them feeling denied » dans laquelle ils vivent. (Maxwell 2001 : 265). Dans cet article, contrairement à plusieurs Jusque récemment, la littérature études sur le mouvement hip-hop scientifique analysait la culture hip- menées aux États-Unis (voir par hop à l’extérieur des États-Unis en exemple Martinez 1997 et Forman termes global/local, examinant 2002), nous soutenons que, dans le essentiellement les modes de contexte montréalais, la culture hip- réinterprétation locale et contextuelle hop peut difficilement être considérée de la culture hip-hop globale. Cette comme un phénomène de résistance approche globalisante a généré des et de contestation en réaction à la études sur l’appropriation et culture dominante. En fait, les l’adaptation de la culture hip-hop, rappeurs francophones semblent avoir notamment au Japon (Cornyetz 1994; créé un réseau d’intégration au sein 10 Diversité urbaine, vol. 7, no 1, été 2007 de la société majoritaire. En effet, Dans les années 1990, la culture malgré la difficulté à percer l’industrie du « hood » de la côte ouest des États- culturelle du Québec, plusieurs Unis ainsi que les tensions des rappeurs de diverses origines « crews » et gangs des côtes est et ethniques et raciales travaillent, selon ouest, ont provoqué une avalanche de nous, à construire un alter-espace4. violence qui a touché la communauté hip-hop. Ces bouleversements, ainsi Du Bronx au gangster rap : que le désir accru de commercialiser historique du hip-hop la culture hip-hop, ont favorisé le développement d’un sous-genre du rap appelé gangsta rap (rap de La culture hip-hop a émergé dans gangster). Connu pour son caractère le Bronx à New York, au début des violent et misogyne, et associé à la années 1970 avec les « block party », culture du bling-bling (une emphase ces fêtes dansantes organisées par des sur la surconsommation de biens piliers du hip-hop, tels un de ses pères, matériels et leur étalage dans l’espace DJ Kool Herc (d’origine jamaïcaine). public), ce phénomène du gangsta rap De nature improvisée, ces événements va progressivement venir occuper une se déroulaient dans les quartiers du place centrale dans la Bronx et rassemblaient les jeunes qui commercialisation de la culture hip- dansaient sur les rythmes des DJs. hop, commercialisation qui s’étend Dans un premier temps, l’innovation bien au-delà des frontières de l’État technique de « mixer » et américain. « scratcher »5 les disques vinyles donnera à la musique hip-hop l’originalité qu’on lui reconnaît encore Le hip-hop dans la métropole 10 aujourd’hui. Initialement en effet, québécoise l’expression verbale du hip-hop6, le rap, ne se situait pas au centre de ce La culture hip-hop est apparue sur style musical (Henderson 1996). C’est l’île de Montréal à la fin des années avec l’apparition de chansons raps 80 et au début des années 90. Avec engagées telles que « The Message » plusieurs groupes, « clicks », (Grandmaster Flash et MC Melle Mel entrepreneurs et artistes qui œuvrent 1982)7, dénonçant la condition des au développement d’une culture Noirs aux États-Unis, que le rap originale et économiquement devient progressivement une force de rentable, Montréal est depuis lors rassemblement pour bon nombre demeurée la capitale québécoise du d’Afro-Américains des ghettos et des hip-hop, malgré l’émergence de divers milieux urbains8. Rapidement, le rappeurs dans bon nombre de villes mouvement hip-hop9 s’est ensuite de plus petite taille ailleurs au Québec. étendu à plusieurs quartiers et régions L’accès satellite aux chaînes de radio des États-Unis. et de télévision américaines captées à Diversité urbaine, vol.

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