Artelogie Recherche sur les arts, le patrimoine et la littérature de l'Amérique latine

9 | 2016 Horizons et perspectives de la culture en Colombie (1990-2015)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/artelogie/275 DOI : 10.4000/artelogie.275 ISSN : 2115-6395

Éditeur Association ESCAL

Référence électronique Artelogie, 9 | 2016, « Horizons et perspectives de la culture en Colombie (1990-2015) » [En ligne], mis en ligne le 20 juin 2016, consulté le 17 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ artelogie/275 ; DOI : https://doi.org/10.4000/artelogie.275

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Association ESCAL 1

Dans ce numéro de Artelogie consacré à la Colombie, nous avons voulu proposer un champ de réflexions sur le thème de la culture en Colombie aujourd’hui, dans une perspective disciplinaire ouverte sur la transversalité. Ainsi, les articles proposés dans ce numéro spécial essaient de penser, un quart de siècle après la création de la constitution de 1991, les processus de la redécouverte et l’appropriation de la diversité ethnique et culturelle dans ce pays. Comment s’installe le processus de patrimonialisation des manifestations folkloriques locales et régionales ? Quelles sont les dynamiques institutionnelles qui simplifient les processus de promotion de la diversité culturelle ? En este número de Artelogie consagrado a Colombia, hemos querido proponer al lector un campo de reflexiones en torno al tema de la cultura en Colombia hoy, ello desde una perspectiva abierta al cruce disciplinario. Así, los artículos propuestos en este número especial buscan pensar -un cuarto de siglo después de la constitución de 1991- ¿cómo se encuentra el proceso de re-descubrimiento y apropiación de la diversidad étnico- cultural en este país?, ¿cómo ha tenido lugar (si ha tenido lugar) el proceso de patrimonialización de las manifestaciones folclóricas locales y regionales?, ¿cuáles son las dinámicas institucionales que dinamizan los procesos de promoción de la diversidad cultural?

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SOMMAIRE

Contributeurs du numéro 9

Contribuidores del numero 9

Vue d’ensemble Angélica Montes Montoya, Fabio Rodríguez Amaya, Jeffrey Cedeño, María Ignacia Schulz et Edgard Vidal

Panorama general Angélica Montes Montoya, Fabio Rodríguez Amaya, Jeffrey Cedeño, María Ignacia Schulz et Edgard Vidal

Identité culturelle et mémoire en Colombie contemporaine Obed Frausto Gatica, Nayar López Castellanos et Matthew Lorenzen Martiny

Construction discursive de l’identité nationale colombienne Juan Pablo Prieto

Clase, etnia y región: el Caribe Novogranadino y la mirada del “Otro”. 1750-1830 Leguis A. Gómez

Cuerpos globales: necropolítica y transformaciones corporales en María llena eres de gracia (2004) y Sin tetas no hay paraíso (2005) Celia Martínez-Sáez

Negra menta: por un reconocimiento a la mujer afrocolombiana Adriana Pena Mejía

Figures disparues, figures de la disparition dans les œuvres de Luis Caballero et d’Oscar Muñoz Paul Bernard-Nouraud

Colombia y su interminable paternalismo feudal Carlos Fajardo

Choc Quib Town and the performance of Afro Colombian identity Monica Gontovnik

Entretiens

Entrevista com Pablo José Montoya Buenos Aires, 2 de mayo de 2016 Pablo Cuartas, Iván Jiménez et Camilo Bogoya

Entrevista com Renato Janine Ribeiro Gaspar Paz

Entretien avec Renato Janine Ribeiro Gaspar Paz

Artelogie Expo Revue

Erotismo y transgresión en la obra “El delirio de las monjas muertas” de Juan Antonio Roda Aline Miklos

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The 3rd Bienal da Bahia: Transgressive Archives Adiva Lawrence

Art vidéo, corps, espace public et télévision: les tranchées et les Institutions au Brésil et au Chili des années 1980 Tálisson Melo

Etudes, chroniques et documents

Notas sobre la danza contemporánea en Colombia Iván Jiménez

Colombia: a través de los espejos de Arundhati Bhattacharya

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Contributeurs du numéro 9

Nos remerciements pour la lecture de ce numéro à :

Camila BECHELANY

Gloria Estela BONILLA VELEZ

Gopbanna Patricia BUENAHORA MOLINA

Jeffrey CEDEÑO MARK

Jules FALQUET

Gaby DAVID

Christine FRÉROT

Numas Armando GIL OLIVERA

Colette GRANDCLAUDON

Aline MIKLOS

Francia Jenny MORENO ZAPATA

Lorena SOUYRIS

Rosiris UTRIA

María Ignacia SCHULZ

Esteban VILLARROEL PARADA

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Contribuidores del numero 9

Agradecemos por la lectura de este numero a:

Camila BECHELANY

Gloria Estela BONILLA VELEZ

Gopbanna Patricia BUENAHORA MOLINA

Jeffrey CEDEÑO MARK

Jules FALQUET

Gaby DAVID

Christine FRÉROT

Numas Armando GIL OLIVERA

Colette GRANDCLAUDON

Aline MIKLOS

Francia Jenny MORENO ZAPATA

Lorena SOUYRIS

Rosiris UTRIA

María Ignacia SCHULZ

Esteban VILLARROEL PARADA

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Vue d’ensemble

Angélica Montes Montoya, Fabio Rodríguez Amaya, Jeffrey Cedeño, María Ignacia Schulz et Edgard Vidal

1 Dans le cadre des modifications constitutionnelles de 1991, la Colombie entreprend une transformation politique et juridique de l’état-nation en reconnaissant le caractère multiethnique et multireligieux du pays.

2 Ces modifications ont marqué la manière dont les Colombiens eux-mêmes et leur(s) propre(s) culture s’entrevoient. Au début du XXIeme siècle, ils commencent alors ce que nous pourrions appeler une patrimonialisation des pratiques symboliques et culturelles des Andes, des régions côtières des Caraïbes et du Pacifique. Cette situation illustre, dans ce pays d’Amérique latine, un nouveau dialogue avec sa propre histoire, ses pratiques artistiques et ses traditions folkloriques locales qui sont progressivement considérées comme des éléments importants de la réflexion. Cette dernière porte non seulement sur l’état de la nation, mais aussi à l’intérieur du processus de réconciliation politique en Colombie depuis le début des négociations pour la paix (2012) avancé par le gouvernement colombien avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) à La Havane (Cuba) et qui ont abouti à la signature, le 23 juin 2016, de l’accord historique entre les parties pour mettre un terme au conflit interne qui subissait ce pays depuis plus de 50 ans.

3 Dans ce numéro de Artelogie consacré à la Colombie, nous avons voulu proposer un champ de réflexions sur le thème de la culture en Colombie aujourd’hui, dans une perspective disciplinaire ouverte sur la transversalité. Ainsi, les articles proposés dans ce numéro spécial essaient de penser, un quart de siècle après la création de la constitution de 1991, les processus de la redécouverte et l’appropriation de la diversité ethnique et culturelle dans ce pays. Comment s’installe le processus de patrimonialisation des manifestations folkloriques locales et régionales ? Quelles sont les dynamiques institutionnelles qui simplifient les processus de promotion de la diversité culturelle ?

4 Compte tenu de la reconnaissance politique de la diversité culturelle et de ses expressions peut-on parler d’une culture colombienne “unique” ? En d’autres termes, à partir de l’émergence des phénomènes liés à la diversité (CP 1991), la question sur l’existence ou non d’éléments unifiant la culture colombienne se pose ? D’ailleurs, quels

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sont les fonctionnements propres à l’élaboration d’un point nodal de la diversité des expressions artistiques ? Enfin, dans quelle mesure peut-on parler de la diversité ou de la cohésion culturelle pour qualifier la culture colombienne ?

5 Ces questions sont abordées directement ou indirectement à travers les textes qui composent nos numéros. Dans « Identité culturelle et mémoire en Colombie contemporaine », Obed Frausto, Nayar López Castellanos et Matthew Lorenzen Martiny font face aux défis du multiculturalisme et de la diversité culturelle dans le contexte latino-américain à partir d’un point de vue philosophique mais en s’appuyant sur les sciences sociales. En se fondant sur le cas de la Colombie, ils présentent d’une part, un aperçu général des transformations d’un pays de la région dans la constitutionnalisation des us et des coutumes des communautés ethniques et d’autre part, ils établissent, pour ce faire, la relation intrinsèque entre les concepts de diversité culturelle et de mémoire. En effet, dans le processus de reconnaissance de l’identité culturelle collective résultent d’importants travaux de reconstruction de la mémoire historique des populations qui ont été invisibles pendant des siècles comme c’est le cas des communautés autochtones et noires de Colombie. Pour Fausto, Lopez Castellanos et Martiny, la Constitution de 1991 ressort d’une tentative claire de créer un pont entre la mémoire historique et la diversité culturelle. Grâce au cadre juridique du changement constitutionnel et à la loi 70 de 1993 (loi dite de « communautés noires »), il a été possible de démontrer l’invisibilité des populations autochtones (2% de la population) et en particulier de la population noire (20% de la population). Ainsi, bien qu’il y ait eu des progrès dans la reconnaissance des droits, il persiste encore une forte tension entre la tradition des droits individuels et des droits collectifs en Colombie, notamment en raison de la continuité des politiques d’état de type néolibéral en matière de gestion des politiques rurales, en tension permanente avec les droits à la propriété collective des terres des minorités ethniques.

6 En ce sens, les articles de Juan Pablo Prieto et Leguis A. Gómez approfondissent l’explication des processus de construction et de reconstruction des identités autochtones et noires en Colombie à partir de la Constitution de 1991. Dans ces articles intitulés « Construction discursive de l’identité nationale de la Colombie » et « La classe, l’ethnicité et la région : la Novogranadino des Caraïbes et le regard de l’Autre. 1750-1830 », Prieto et Gómez, respectivement, concentrent leur intérêt dans la façon dont l’Autre s’élabore discursivement. En effet, Pietro fournit une analyse du discours utilisé par les institutions colombiennes afin d’élaborer le changement de constitution (1991) et il étudie la manière dont cette influence prédispose les textes des manuels d’enseignement fournis aux écoles, aux centres d’enseignement secondaires et supérieurs de la Colombie. Gomez, de son côté, présente une analyse du discours dans une perspective historique des textes et des chroniques des voyageurs comme Alexander Von Humboldt, le botaniste José Celestino Mutis ou encore l’« homme de science » José Caldas. L’auteur analyse la manière dont ces documents étaient importants dans la création de l’Autre (l’habitant non blanc de la côte océanique) et pour la construction de l’histoire de cette région de la Colombie marquée par le déterminisme climatique ; le Caraïbe Novogranadino associé à une zone inhospitalière et habitée par « des gens de la classe inférieure », des populations qui « regroupaient une partie des personnes qui ne correspondait pas à la division sociale établie par la république des indiens et la république des blancs ». C’est-à-dire les populations noires,

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sambas et mulâtre. Ce qui était devenu – ajoute Gomez – « un véritable casse-tête pour les autorités coloniales ».

7 Carlos Fajardo Fajardo montre aussi que depuis l’instauration de la Régénération - mouvement d’idéologie hispano-catholique conservatrice de la fin du XIXeme siècle - la Colombie n’a pas encore dépassé la tradition prémoderne . Cette période se caractérise par une défense intransigeante des traditions, de la morale catholique et des institutions du trésor publique, en se constituant en un État presque confessionnel, malgré l’ouverture qui constitue sans doute, la Constitution de 1991.

8 Celia Martinez Saez introduit, quant à elle, la notion de nécropolitique pour signifier comment le corps subit une réappropriation et fait face à une plasticité exigée par le capitalisme mondialisé. Ainsi, l’auteur explore à travers la littérature et le cinéma colombiens, la manière dont les sociétés contemporaines soumettent les corps féminins à une sorte de reconnexion et re-signification. Sáez Martínez offre au lecteur une interprétation de ce phénomène à travers l’analyse du film « Maria pleine de grâce » (Joshua Marston, 2004) et le roman « Sans seins, pas de paradis » (Gustavo Bolívar, 2005). Dans ces deux œuvres, leurs protagonistes, Marie et Catherine, vivent leurs corps par la désacralisation du même pour le faire devenir une marchandise. Martinez nous confronte à la réalité des corps dont la santé physique et mentale est subjuguée par la création de la richesse, de l’accumulation du luxe et de la puissance.

9 Adriana Mejía Peña, Paul Bernard-NOURAUD et Monica Gontovnik abordent la question culturelle en Colombie à travers la photographie, la peinture et la musique. Dans son article « Negra menta : Por un reconocimiento a la mujer afrocolombiana », Mejía Peña essaie de saisir, à travers le travail photographique Negra menta de l’artiste Liliana Angulo Castro (fait en 2000 et composé de 18 photographies en couleurs), le rôle décisif de la Constitution de 1991 - laquelle a officiellement reconnu la particularité ethnoraciale - dans la perception et le traitement que l’artiste développe dans son travail. Cette dernière propose, à travers Negra menta, ce que Mejía Peña appelle la décolonisation des codes et des clichés qui ont traversé l’art de la photographie en Colombie.

10 Bernard-Nouraud dans « Figures disparues, figures de la disparition dans les œuvres de Luis Caballero et d’Oscar Muñoz », développe ce qu’il appelle « les processus de figuration des disparus dans l’art contemporain colombien du tournant des années 1990 jusqu’à aujourd’hui ». Si le travail pictural de l’artiste Luis Caballero (1943-1995) met l’accent sur un corps qui est généralement de sexe masculin et sans visage, celui de Oscar Muñoz capture, au contraire, par la photographie, des visages sans corps. Dans la production de ces deux artistes colombiens, le phénomène social et politique des « disparus » est représenté. Les deux artistes appréhendent le monde de la violence à travers le travail de la représentation du corps dans lequel les couleurs noires et blanches font figure de symbole articulant avec souplesse la représentation de la violence frappant la société colombienne.

11 Enfin, Monica Gontovnik présente dans « Choc Quib Town and the performance of Afro Colombian identity » le processus par lequel le groupe hip-hop Choc Quib incarne le désir de réalisation d’une identité afro-colombienne située sur la côte du Pacifique. Les paroles et les rythmes du groupe reflètent les iniquités de la région du Pacifique colombien, département de Chocó, où une partie importante de la population noire est soumise à la discrimination raciale et à l’exclusion historique. Gotonvnik montre

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l’émergence d’une nouvelle génération de musiciens à travers des rythmes mondialisés tels que le hip-hop.

12 Ce numéro spécial consacré à la Colombie se termine par la présentation de l’entrevue avec l’auteur romancier Juan José Montoya (Prix Rómulo Gallego, 2015) et une section de notes et de réflexions composées de deux textes de Ivan Jimenez et Arundhati Bhattacharya :

13 Ivan Jimenez dans les « Notes sur la danse contemporaine en Colombie » donne une vue d’ensemble de la scène de la danse contemporaine colombienne. Plus précisément, Jimenez fournit un équilibre entre des pratiques gestuelles et chorégraphiques des formes de danse contemporaine au cours des dix dernières années.

14 Arundhati Bhattacharya en « Colombie : à travers les miroirs de l’Inde » présente un rapport sur la façon dont la Colombie est perçue en Inde comme le pays du football et le trafic de drogue. Malgré les changements vécus par la Colombie dans la dernière décennie, ce pays continue d’être associé à l’histoire de la mort et au trafic de drogue.

15 L’ensemble des articles, des notes et des réflexions qui composent le numéro Horizontes et perspective de la culture en Colombie (1991-2015), établissent une première approche de la diversité culturelle, ethnique, raciale et artistique en Colombie. Les documents présentés prennent comme point de départ le changement constitutionnel de 1991, l’année à partir de laquelle ce pays assiste à la constitutionnalisation de son multiculturalisme. Ce changement génère forcément de la part des artistes, des chercheurs et du public un processus nécessaire et généralisé d’introspection qui perdure encore de nos jours. Ces processus expliquent peut-être la raison pour laquelle les textes choisis incluent des questions sur la paix, la mémoire, les peuples amérindiens et afrodescendants. La réflexion sur les arts (photographie, peinture, cinéma, littérature, danse, cinéma) en tant que médiateurs de ce processus d’autodécouverte et de reconstruction d’une société connue comme porteuse d’une ancienne richesse, met en exergue la volonté de s’appuyer sur ces bases sociétales pour fonder à la fois le présent et l’avenir de la Colombie.

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Panorama general

Angélica Montes Montoya, Fabio Rodríguez Amaya, Jeffrey Cedeño, María Ignacia Schulz y Edgard Vidal

1 En el marco del cambio constitucional de 1991, Colombia enfrento una transformación política y jurídica de su condición en tanto que Estado-nación, al ser reconocido el carácter multiétnico y pluri-religioso de este país.

2 Esta circunstancia ha tenido un impacto en la propia manera en la que los colombianos se ven a sí mismos y a su(s) propia(s) culturas. Los años dos mil dan inicio a lo que podríamos denominar una patrimonización de las prácticas simbólicas-culturales de la región andina y costeras del Caribe y del Pacífico. Esta circunstancia representa para este país latinoamericano un nuevo diálogo con su propia historia, sus prácticas artísticas y tradiciones folclóricas locales que vienen a ser poco a poco tenidas como elementos importantes de la reflexión no solo del Estado-nación, sino también, dentro de la construcción de los procesos de reconciliación política que vive Colombia tras el inicio de los acuerdos de paz (2012) que adelanta el gobierno colombiano con las Fuerza Armadas Revolucionarias de Colombia (FARC).

3 En este número de Artelogie consagrado a Colombia, hemos querido proponer al lector un campo de reflexiones en torno al tema de la cultura en Colombia hoy, ello desde una perspectiva abierta al cruce disciplinario. Así, los artículos propuestos en este número especial buscan pensar -un cuarto de siglo después de la constitución de 1991- ¿cómo se encuentra el proceso de re-descubrimiento y apropiación de la diversidad étnico- cultural en este país?, ¿cómo ha tenido lugar (si ha tenido lugar) el proceso de patrimonialización de las manifestaciones folclóricas locales y regionales?, ¿cuáles son las dinámicas institucionales que dinamizan los procesos de promoción de la diversidad cultural?

4 Dado el reconocimiento político de la diversidad cultural y sus expresiones ¿se puede hablar de una cultura colombiana? Dicho en otros términos, a partir de la aparición de los nuevos fenómenos de emergencia de la diversidad (CP 1991) ¿qué hay de común para singularizar la cultura colombiana?, ¿cuál sería el punto nodal de la diversidad de expresiones artísticas?, ¿hasta qué punto se puede hablar de diversidad o de cohesión cultural que permita hablar de cultura colombiana?

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5 Estas preguntas son abordadas directa o indirectamente a través de los textos que componen nuestro número. En « Identité culturelle et mémoire en Colombie contemporaine », Obed Fausto, Nayar López Castellanos y Matthew Lorenzen Martiny se ocupan de los desafíos del multiculturalismo y de la diversidad cultural en el contexto latinoamericano desde una perspectiva filosófica y de las ciencias sociales. Apoyándose en el caso colombiano presentan un panorama general de lo que implica para un país de la región la constitucionalización de los usos y costumbres de las comunidades étnica-raciales. Estableciendo para ello la relación intrínseca existente entre los conceptos de diversidad cultural y memoria. En efecto, en los procesos de reconocimiento de la identidad cultural colectiva es fundamental el trabajo de la re- construcción de la memoria histórica de la población que ha sido objeto de “invisibilización” durante siglos, este es el caso de las comunidades indígenas y negras de Colombia. Para Fausto, López Castellanos y Martiny, la Constitución Política de 1991 en Colombia, es un intento claro por crear un puente entre la memoria histórica y la diversidad cultural, toda vez que a partir del marco jurídico que ofrece este cambio constitucional y la ley 70 de 1993 (ley de comunidades negras) ha sido posible poner en evidencia la invisibilidad de las poblaciones subalterinizadas indígenas (2% de la población del país) y particularmente de las poblaciones negras (20% de la población del país). Así, si bien, han habido avances en materia de reconocimiento de derechos, no obstante persiste en Colombia una fuerte tensión entre la tradición de derechos individuales y los derechos colectivos, particularmente debido a la persistencia de políticas estales neoliberales en materia de gestión del campo, las cuales entran en tensión con los derechos a la propiedad colectiva de la tierra de las minorías étnicas del país.

6 En este mismo sentido los artículos de Juan Pablo Prieto y de Leguis A. Gómez profundizan la explicación de los procesos de construcción y re-construcción de las identidades indígenas y negras en Colombia a partir de la Constitución de 1991. En sus artículos “Construcción discursiva de la identidad nacional de Colombia” y “Clase, etnia y región: el Caribe Novogranadino y la mirada del Otro. 1750-1830”, respectivamente, Prieto y Gómez, centran su interés en la manera cómo tienen lugar la elaboración discursiva del Otro. En efecto, Pietro ofrece un análisis del discurso que se elabora desde la institucionalidad colombiana a partir del cambio de constitución (1991) y de qué forma esta influencia penetra los discursos de los manuales pedagógicos que se utilizan en las escuelas, los centros de educación media y superior de Colombia. Por su parte, Gómez, nos presenta un análisis discursivo desde una perspectiva histórica a partir del estudio de los textos y crónicas de viaje que personajes como el Alexander Von Humboldt, el botanista José Celestino Mutis o “el hombre de ciencias” José Caldas escribieron (a finales del siglo XVIII y principios del XIX) sobre el Caribe colombiano y sus habitantes. El autor muestra un interés particular en presentar de qué forma estos documentos fueron importantes en la creación del Otro (el habitante no blanco de la Costa) y de una historia de esta región de Colombia marcada por el determinismo climático. El Caribe Novogranadino será durante más de un siglo asociado a una zona inhóspita y habitada por “gentes de la inferior clase” y que como explica Gómez era “una manera de agrupar una porción de los habitantes que no encajaban en la división social establecida de república de indios y república de blancos” y que por tanto, esas gentes eran las poblaciones negras, sambas y mulatas. Las cuales, añade Gómez, “se convertía en un verdadero dolor de cabeza para las autoridades coloniales”.

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7 Por su parte el artículo de Carlos Fajardo Fajardo, “Colombia y su interminable paternalismo feudal”, indaga cómo la sociedad colombiana no ha superado el conservatismo que la habita desde la Regeneración, movimiento de ideología hispano- católica conservador de finales del siglo XIX. Así, Fajardo Fajardo hace un recorrido por textos de intelectuales y escritores colombianos del siglo XX para mostrar que existe una condición político-cultural conservadora que hace que siga siendo un país defensor de las tradiciones y de la moral católica, llegando a constituirse en un Estado casi confesional a pesar de la apertura que significó, en algunos aspectos, la Constitución de 1991.

8 Celia Martínez Sáez en “Cuerpos globales: necropolítica y transformaciones corporales en María llena eres de gracia (2004) y Sin tetas no hay paraíso (2005)” introduce la noción de la necropolítica para significar cómo el cuerpo sufre una reapropiación y se enfrenta a una necesaria flexibilización en el marco de un mercado del capitalismo globalizado. Así, la autora explora a través de la literatura y del cine colombiano, cómo en nuestras sociedades contemporáneas los cuerpos femeninos son objeto de una reconfiguran y re-significación. Martínez Sáez propone al lector una interpretación de este fenómeno a través del análisis de las películas María llena de gracia (Joshua Martson, 2004) y la novela Sin tetas no hay paraíso (Gustavo Bolívar, 2005). En estas dos obras sus protagonistas respectivas, María y Catalina, viven la experiencia de sus cuerpos a través de la desacralización del mismo “para poder comercializar con él a manera de mercancía de intercambio o por su muerte como objeto de trabajo”. A través de este enfoque de análisis literario y cinéfilo, el artículo de Martínez nos enfrenta con la realidad de los cuerpos cuya salud física y mental es subyugada para crear riqueza, la acumulación de lujo y de poder. La autora ve así en la expresión de los productos culturales (novelas escritas y cine) un ejemplo desde Colombia de cómo las relaciones entre individuos están atrapadas por las lógicas de la necropolítica desde la cual toda producción de riqueza demanda la transformación permanente de los cuerpos. Para la autora en “María llena de gracia” y Sin tetas no hay paraíso los cuerpos resonantes actúan como altavoces que ponen en evidencia todas las injusticias del neoliberalismo, ya que en el capitalismo globalizado los cuerpos que no producen riqueza han de morir, desaparecer, ser aniquilados.

9 Por su parte Adriana Peña Mejía, Paul Bernard-Nouraud y Monica Gontovnik abordan la cuestión cultural en Colombia a través de las expresiones artísticas de la fotografía, la pintura y la música. En su artículo “Negra menta: Por un reconocimiento a la mujer afrocolombiana”, Mejía Peña se propone comprender, a través de la obra fotográfica “Negra menta” de la artista Liliana Angulo Castro (realizada en el 2000 y constituida por 18 fotografías a color), la manera cómo los cambios impulsados por la Constitución Política de Colombia de 1991 -que reconoce oficialmente la particularidad etno-racial negra- han sido determinantes en la percepción y el tratamiento que la artista desarrolla en su trabajo. En efecto, Peña Mejía nos explica que la artista deconstruye el imaginario colectivos tradicionalmente adosado a la figura de la mujer afrocolombiana y que la situaban como objeto de placer o de deseo, atada a una lectura sexista y racista. La artista propone a través de “Negramenta” lo que Mejía denomina la decolonización de los códigos y de los clichés que han a travesado el arte de la fotografía en Colombia.

10 Bernard-Nouraud, en “Figures disparues, figures de la disparition dans les œuvres de Luis Caballero et d’Oscar Muñoz », pone en evidencia lo que él denomina « les processus

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de figuration des disparus dans l’art contemporain colombien du tournant des années 1990 jusqu’à aujourd’hui ». La obra pictural del artísta plástico Luis Caballero (1943-1995) se centra en el cuerpo. Un cuerpo, generalmente masculino, que aparece sin rostro, mientras que en un efecto de eco la fotografía de Carlos Muñoz captura los rostros sin cuerpos. En la producción de estos dos artistas colombianos se representa el fenómeno social y político del “desaparecido”. Los dos artistas figuran el mundo de la violencia por medio del trabajo de la representación del cuerpo, en el cual los colores blanco y negro ocupan una simbología que se articula de forma flexible al tema subyacente que Bernard-Nouraud observa en los trabajos de los dos artistas,: el de la representación de la violencia que golpea la sociedad colombiana desde la década de los años cuarenta hasta nuestros días.

11 Finalmente Mónica Gontovnik, presenta en ’Choc Quib Town and the performance of Afro Colombian identity’, el proceso a través del cual el grupo de hip hop Choc Quib Town encarna el deseo de realización de una identidad afrocolombiana situada en la costa del Pácifico. Las letras y ritmos del grupo reflejan las iniquidades de la región colombiana del Pacífico, departamento de Chocó, en donde se encuentra una parte importante de la población negra del país, objeto de discriminación racial y exclusión histórica. Gotonvnik muestra la emergencia de una nueva generación de artistas músicos que a través de los ritmos musicales globalizados (como el hip hop) hacen una protesta pacífica y edificante de la violencia, el despojo y la invisibilización a la que el Pacifico colombiano, tierra negra, ha sido tratada por la el Estado colombiano.

12 Este número especial dedicado a Colombia cierra con la presentación de la entrevista al autor novelista Juan José Montoya (premio Rómulo Gallego, 2015) y una sección de Notas y reflexiones, constituida por tres textos de Iván Jiménez, Arundhati Bhattacharya y Carlos Vásquez:

13 Iván Jiménez en “Notas sobre la danza contemporánea en Colombia”, ofrece una mirada de conjunto de la escena de la danza contemporánea colombiana. Específicamente, Jiménez entrega un balance de las de prácticas gestuales y de formas coreográficas de la danza contemporánea en los últimos diez años.

14 Arundhati Bhattacharya en “Colombia: a través de los espejos de India”, nos presenta un relato de la manera como en la India se percibe Colombia como el país del fútbol y del narcotráfico. A pesar de los cambios que ha vivido Colombia en la última década, este país continua siendo asociado a la historia de muerte y narcotráfico que marco la vida política y social de Colombia en los años 80’S y 90’s. Así, la imagen que se sigue vehiculando es la que se fabrica desde las series estadounidenses, ejemplo la multipremiada serie de Netflix, Narcos.

15 Finalmente Carlos Vásquez–Zawadzki quién en su nota ’Lo semiótico y lo simbólico en Gabriel García Márquez’, interroga la actitud de Gabriel García Márquez –su descaro como su ‘insolencia’ o ‘atrevimiento’- al establecer relaciones con el monólogo joyciano.

16 El conjunto de los artículos, notas y reflexiones que constituyen el número Horizontes y perspectivas de la cultura en Colombia (1991-2015), establecen un primer acercamiento a la diversidad cultural, étnica-racial y artística colombiana. Los trabajos presentados toman como punto de partida el cambio constitucional de 1991 año a partir del cual este país asiste a la constitucionalizacion de su multiculturalidad, generando en los artistas, investigadores y población en general un necesario proceso de introspección que dura desde entonces. Quizá, es por ello que los textos aquí incluidos participan de

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esta introspección al incluir preguntas acerca de la paz, el desplazamiento, la memoria, las poblaciones amerindias y afrodescendientes. Al pensar las artes (fotografía, pintura, cinema, la literatura, la danza, el cine) como participes de dicho proceso de auto- descubrimiento y re-construcción de una sociedad que se sabe portadora de una riqueza milenaria y que busca afincar en ella su presente y su futuro.

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Identité culturelle et mémoire en Colombie contemporaine

Obed Frausto Gatica, Nayar López Castellanos et Matthew Lorenzen Martiny

Introduction

1 Les temps actuels posent de nouveaux défis dans le champ des sciences sociales. L’humanité traverse une période complexe dans laquelle le capitalisme néolibéral et déprédateur contribue à la perpétuation des guerres, à la paupérisation de millions de personnes et à la dévastation de l’environnement à partir de l’extraction accélérée de ressources stratégiques pour le développement du système et du mode de vie capitalistes.

2 Dans ces circonstances, le devenir historique des nations, touché par la diversité culturelle qui caractérise les peuples, les groupes ethniques et les communautés, constitue un facteur fondamental pour viabiliser des dynamiques équilibrantes dans les sociétés contemporaines. En effet, ces sujets socio-ethniques maintiennent et renouvellent une relation basée sur une conception non dichotomique entre l’homme et la nature, sur la durabilité environnementale pour les générations futures, ainsi que sur des formes d’organisation sociopolitique et économique communautaires qui peuvent être des alternatives à celles qui sont aujourd’hui hégémoniques, révélant souvent une défense des territoires et des ressources stratégiques. C’est pour ceci que nous affirmons que la diversité culturelle et la mémoire collective sont des conditions essentielles pour la continuité de l’espèce humaine.

3 Le cas colombien représente une référence dans la région latino-américaine qui offre des éléments pour la réflexion et le débat concernant la reconnaissance des droits des peuples indigènes et afro-descendants, non seulement à propos de leur identité culturelle mais aussi de leurs territoires.

4 Ce texte analyse plusieurs références conceptuelles pour encadrer le moment actuel dans lequel la Colombie se trouve dans un processus politique avec l’objectif de trouver

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la paix et de laisser derrière elle plus de sept décennies de conflit interne. Dans ce contexte, la consolidation du respect pour la diversité culturelle et le droit de créer une mémoire collective au sujet du conflit constituent deux éléments fondamentaux pour l’avenir immédiat de ce pays sud-américain.

Diversité culturelle, multiculturalisme, identité

5 Pour analyser la diversité culturelle, nous devons faire référence aux discussions philosophiques et dans les sciences sociales au sujet du multiculturalisme, qui, dans les dernières décennies, est devenu un concept central dans le débat intellectuel et dans le milieu institutionnel. Cette notion trouve ses origines dans des approches étatsuniennes qui ont cherché à promouvoir des politiques de développement et de reconnaissance des groupes ethniques face à l’oppression historique qu’ils ont vécue le long de l’histoire (TUBINO, 2003).

6 Ensuite, le concept de multiculturalisme s’est utilisé dans divers pays qui ont été d’importants récepteurs d’immigrants, comme le Canada, l’Australie, le Royaume-Uni, ou les Pays-Bas. L’innovation politique du multiculturalisme est l’idée que les droits ne doivent pas se baser exclusivement sur des droits individuels que chacun possède dans une démocratie libérale, mais qu’ils peuvent aussi se baser sur des communautés, des ethnies d’origine et leur culture, en tant que médiateurs face à l’État. Ceci serait pertinent dans, au moins, quatre types de situations. La première concerne les communautés qui habitent dans un espace géographique délimité à l’intérieur d’un État-nation. Des cas comme le Québec, le Pays Basque et le Pays de Galles sont emblématiques. La deuxième situation concerne diverses communautés qui partagent un même milieu, par exemple, dans le cas des chicanos, des hispaniques et des noirs aux Etats-Unis. La troisième situation est liée aux migrants qui ont une langue et une culture différentes à celles des pays où ils résident. La quatrième situation concerne les groupes ethniques qui ne vivent plus dans leurs territoires ancestraux et qui coexistent avec d’autres groupes ethniques. Ceci est surtout le cas des peuples indigènes d’Amérique Latine.

7 Une des caractéristiques du multiculturalisme est la reconnaissance explicite dans le domaine constitutionnel des us et coutumes des communautés, ainsi que, dans de nombreux cas, de leur autonomie politique, même si cette reconnaissance ne se traduit pas toujours dans les faits. Cependant, ceci s’oppose aux fondements de la théorie politique libérale, qui conçoit l’égalité formelle des individus, peu importe leur appartenance à une communauté ou à un groupe ethnique ou racial. Cette égalité formelle occultait un critère notoire d’exclusion et d’oppression raciale, parce qu’elle effaçait d’une certaine manière la mémoire de dépouillement et d’imposition liée à l’histoire des communautés.

8 Les États qui ont adopté le multiculturalisme tentent de réconcilier le principe de l’égalité formelle des individus et le principe de la différence culturelle des communautés. Mais ceci représente justement le dilemme, qui est exprimé par diverses opinions qui défendent la notion de multiculturalisme, qui, au contraire, cherchent à maintenir les valeurs juridiques de la théorie politique libérale, ou qui proposent la dissolution des théories libérales.

9 Un des auteurs libéraux qui critiquent ouvertement la reconnaissance juridique de la diversité culturelle est Giovanni Sartori, qui argumente que cette reconnaissance

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favorise la ghettoïsation et met en danger les fondements de la démocratie libérale (SARTORI, 2001). Charles Taylor, de son côté, soutient que le multiculturalisme implique que des cultures luttent pour être reconnues face à d’autres cultures, et que cette reconnaissance signifie une revendication et une valorisation de ces premières cultures, qui cherchent de l’autonomie (TAYLOR, 1979). L’État devrait donc accorder une reconnaissance juridique aux différentes cultures, et on devrait effectivement aller au-delà du libéralisme classique. De son côté, Michaël Walzer considère qu’il n’y aurait pas de raison pour aller aussi loin, parce qu’il serait possible d’accorder une reconnaissance aux différents groupes dans le cadre de l’État démocratique libéral (WALZER, 1983).

10 C’est ainsi qu’un débat s’est initié entre des positions libérales et communautariennes. La théorie libérale a toujours affirmé que c’est dans la reconnaissance des droits individuels universels que les minorités ethniques seraient protégées. La protection des minorités serait indirecte parce que, malgré le manque d’une mention spécifique qui les concerne, la défense des droits individuels serait la clé pour inclure tous les groupes.

11 Dans le débat entre libéraux et communautariens il y a eu un éventail de propositions, et, malgré le fait qu’elles s’identifient comme appartenant à l’une ou l’autre approche, elles tentent souvent de combiner plusieurs idées des deux côtés. Ce qui est vrai c’est que chaque proposition contient des fondements différents. En général, les libéraux considèrent que le respect mutuel entre les différents individus doit prévaloir, malgré leurs conceptions différentes ; que le principe de non ingérence, qui implique le respect et la non intrusion dans la vie des autres, est fondamental ; et qu’il doit y avoir une diversification des domaines (politique, social, culturel, etc.) de la vie sociale (RAWLS, 1985).

12 À partir des années 1980, des critiques de la théorie libérale ont surgi, particulièrement en ce qui concerne sa vision atomiste des individus. Des auteurs tels que Taylor, MacIntyre et Sandel ont argumenté que la reconnaissance des droits communautaires et collectifs était nécessaire (TAYLOR, 1979 ; MACINTYRE, 1981 ; SANDEL, 1982). La position communautarienne constate que la société est fragmentée et affirme qu’il est nécessaire de reconnaître les différentes communautés qui existent en son sein. Cette position argumente que la communauté est le lieu où l’identité des individus est formée, et que sans communauté morale il n’y aurait pas d’individus moraux.

13 Malgré leurs différences, les deux positions tendent à accepter l’importance des valeurs morales de reconnaissance mutuelle afin de garantir une harmonie entre les individus. Cependant, la morale est une lutte de volonté de puissance ; en conséquence, la raison pratique devrait faire face au principe d’oppression et de domination entre les cultures. Ainsi, l’identité ne se constitue pas seulement dans la communauté d’appartenance de chaque individu ; elle est aussi disputée et il existe une lutte pour la reconnaissance du ressentiment lié aux siècles d’extermination, de soumission culturelle et de perte de la mémoire. De plus, comme l’affirme Briones, la race et l’ethnie ne sont pas des catégories établies ; les identités varient dans les divers contextes sociaux selon l’économie et la politique de la production d’hégémonies culturelles où il existe sans aucun doute un réseau social d’exclusions et d’inclusions, et un jeu ambivalent entre récupération et perte de la mémoire (BRIONES, 1998).

14 Face à ce contexte, selon Fernández, il serait nécessaire de comprendre l’identité culturelle latino-américaine à partir d’une position commune, respectant les

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différences mais en termes d’une égalité intégrale sans centres de domination ou d’hégémonie culturelle. Dans ses propres mots :

15 Son essence se trouve dans le dialogue interculturel avec l’autre, en conditions d’égalité, sans exclusions. Celui qui le porte est l’homme concret, où l’universel y le singulier se conjuguent à travers la dialectique. Il se manifeste dans des espaces géographiques spécifiques et des temps déterminés. Il se construit à partir des activités et la volonté des hommes dans le processus historique. (FERNÁNDEZ, 2011 : 95)

16 La conformation politique, économique et culturelle des nations latino-américaines et caribéennes a été marquée par l’irruption des puissances européennes qui, durant trois siècles de colonisation, ont ébranlé les structures indigènes pour imposer des modèles culturels, linguistiques et religieux appartenant à ce qui est nommé génériquement la « civilisation occidentale ». Les structures indigènes ont été réduites aux dénommées « républiques d’indiens », qui payaient des tributs aux conquérants et étaient soumises à des conditions extrêmes d’exploitation et de spoliation, leur niant l’exercice de droits politiques, économiques ou sociaux.

17 Au début du xixe siècle, les élites créoles qui ne supportaient plus le fait d’être subordonnées aux monarchies européennes en décadence ont impulsé l’indépendance des pays latino-américains. Ces élites cherchaient à s’approprier des entités politiques nouvelles sans modifier les structures d’exploitation, de racisme et de contrôle de la population qui ont existé sous la domination coloniale.

18 Ainsi, durant ce siècle, des États oligarchiques se sont consolidés, conservant un système de colonialisme interne, dépouillant de nombreuses manières aux communautés indigènes des territoires où ils ont survécu durant la période coloniale. À ce sujet, Florescano remarque, en ce qui concerne le cas mexicain, que : […] les indigènes n’ont pas seulement perdu le fondement légal de la propriété communale ; ils se sont aussi transformés en parias politiques, parce que ni l’État ni les groupes qui se disputaient le contrôle de la nation n’ont défendu leur cause ou proposé des procédures qui auraient permis leur intégration dans le projet national. Au contraire, nous pouvons dire que la consigne qui s’est imposée est celle de s’emparer des terres indigènes, de détruire les institutions qui permettaient la cohésion des identités ethniques, et de combattre les traditions, les cultures et les valeurs indigènes. (FLORESCANO, 1997 : 431)

19 Durant les premières décennies du xxe siècle, les vieilles oligarchies ont été supplantées par les bourgeoisies nationales qui ont structuré des systèmes politiques basés, dans le meilleur des cas, sur la démocratie représentative. La construction de cette nouvelle hégémonie s’est produite suivant la dynamique du colonialisme interne, un processus à partir duquel les populations indigènes n’ont pas seulement été exclues de tout droit politique mais ont été aussi conquises nouvellement à partir de leur « incorporation » violente au projet national.

20 Il faut indiquer que le concept de colonialisme interne a été développé par Rodolfo Stavenhagen et Pablo González Casanova dans les années 1960. Ce concept tente d’expliquer comment les structures de pouvoir dans les nations « indépendantes » d’Amérique Latine conservent les dynamiques du colonialisme européen, à partir de la supposée supériorité et civilité occidentale face à des indigènes arriérés et sauvages, ce qui justifiait leur contrôle, l’imposition d’une éducation étrangère et leur exploitation.

21 Ainsi, les résistances et rébellions indigènes forment partie de ce complexe processus de construction des nationalités, dans lesquelles l’origine préhispanique ne représente

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qu’un imaginaire d’utilité discursif, et même folklorique, pour donner un contenu à ces nouvelles identités et un point d’ancrage culturel. Historiquement, le contenu de ces résistances s’est limité à s’opposer aux structures extrêmes d’exploitation et d’exclusion, et au dépouillement de leurs territoires. Aucun projet intégral de libération n’existait, ou tout au moins aucun ne s’est consolidé, et aucune conception concrète concernant des transformations intégrales dans les domaines politique, économique et social ne s’est produite.

22 Ce n’est que dans la période contemporaine que des programmes plus élaborés se sont profilés et que les luttes indigènes se sont reconfigurées à partir de postulats tels que l’autonomie, la libre détermination et l’exigence de pouvoir exercer des droits politiques, économiques, sociaux, culturels et territoriaux, non seulement en tant que citoyens mais aussi en tant que communautés. Les efforts d’organisation et de création de ces nouveaux paramètres de lutte impliquent un virement radical dans les résistances indigènes, dans lesquelles l’aspect politique, en particulier l’exigence du droit à s’autogouverner, est un élément partagé par la majorité des mouvements qui s’opposent aux oligarchies et aux États à leur service.

23 Jouent un rôle essentiel, dans ce processus de reconfiguration des résistances indigènes, les idées formulées à partir des années 1970 par une génération d’intellectuels et d’académiques qui, depuis les champs de l’anthropologie, la sociologie, l’histoire et les sciences sociales en général, ont modifié l’analyse et l’interprétation des peuples indigènes, construisant, parallèlement aux mouvements et aux apports de ces peuples, une nouvelle vision concernant leurs luttes et les processus d’exploitation, de racisme et de discrimination auxquels sont soumis les communautés indigènes.

Colombie : le changement constitutionnel de 1991

24 Durant les dernières années de la décennie de 1980 et durant la décennie de 1990, diverses constitutions des pays d’Amérique Latine ont connu l’inclusion de la diversité culturelle, incorporant aux structures institutionnelles libérales des droits collectifs ethniques, principalement en ce qui concerne l’ « indienneté » (ASSIES, 2000 ; COTT, 2000). Quelques exemples incluent les constitutions du Nicaragua en 1987, du Brésil en 1988, de la Bolivie en 1994 et de l’Équateur en 1998. En Colombie, un nouveau processus constituant a culminé avec la rédaction d’une nouvelle constitution en 1991, qui présentait comme nouveauté la possibilité de créer des entités territoriales indigènes, pouvant réunir différentes communautés sous une même autorité indigène. Les communautés indigènes ont exigé la restitution des terres de la Sierra Nevada, qui avaient été saisies historiquement par les blancs.

25 Les communautés indigènes ont commencé à se politiser dans les années 1970 en raison de l’exclusion de leur condition de culture indigène à partir de l’idée du métissage, qui effaçait la mémoire et les origines de leur culture lors de la formation d’une identité nationale unitaire. La rupture peut s’expliquer en partie par l’échec, dans cette décennie, du modèle économique basé sur la notion de citoyenneté avec des droits économiques individuels. Quelques années plus tard, une crise économique régionale a secoué l’Amérique Latine, liée à l’incapacité des pays de rembourser leurs dettes extérieures et aggravée par les conditions imposées par les institutions financières internationales, impliquant des politiques radicales de libéralisation commerciale, de

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privatisation et d’austérité, limitant les capacités des États de satisfaire les demandes économiques et sociales des populations.

26 Ainsi, les gouvernements des pays latino-américains ont déraciné l’État développementaliste et se sont pliés au « Consensus de Washington », un modèle politico-économique impliquant le soutient inconditionnel à l’initiative privée, la discipline fiscale, la libéralisation commerciale, et la réduction du rôle de l’État dans la direction du développement économique. Dans son œuvre Capitalisme et liberté, publié en 1962, Milton Friedman affirmait que « à moins que nous atteignions ou conservions la liberté économique, toutes les autres libertés – civiles ou politiques – se dissipent… L’enseignement est clair : le libéralisme peut ne pas être une condition suffisante, mais certainement il est une condition nécessaire pour atteindre la liberté globale. » (Cité dans MERQUIOR, 1993 : 170).

27 Le libre-échange s’est transformé dans le principal outil des capitaux transnationaux pour assurer leur reproduction massive. C’est ainsi que les principales puissances mondiales, avec les Etats-Unis en tête, ont impulsé des accords de libre-échange avec des pays sous-développés dans des conditions complètement inégales. Il s’agit d’un colonialisme moderne, réalisé sans la nécessité d’occuper des territoires, et facilité par la globalisation néolibérale que nous caractérisons, suivant la conception de Valdés, comme un Système de Domination Multiple (SDM). Celui-ci est constitué de cinq axes fondamentaux : l’exploitation économique et l’exclusion sociale ; l’oppression politique dans le cadre de la démocratie formelle ; la discrimination socioculturelle ; l’aliénation médiatique et culturelle ; et la déprédation écologique. Les projets de libre-échange constituent un élément additionnel fondamental, fonctionnant comme des entités supranationales. De plus, Valdés affirme qu’avec cette catégorie […] nous pouvons visualiser l’ensemble des formes de domination et d’assujettissement, dont certaines sont restées invisibilisées pour la pensée critique, et nous pouvons encourager le rapprochement entre diverses demandes et pratiques émancipatrices qui semblent être aujourd’hui opposées ou non articulées, et éviter de cette manière des réductionnismes, anciens ou nouveaux, liés à la prédétermination abstraite d’acteurs sociaux à qui sont attribués a priori des tâches libératrices messianiques. (VALDÉS, 2009 : 14)

28 Pour Perry Anderson, le néolibéralisme s’est constitué comme un vrai mouvement idéologique à niveau international, impulsé essentiellement par la droite, et ayant généré […] un degré de succès probablement jamais imaginé par ses fondateurs, disséminant l’idée simple qu’il n’y a pas d’alternatives à ses principes et que tous, partisans ou opposants, doivent s’adapter à ses normes. Probablement aucun savoir conventionnel n’a réussit à atteindre une prédominance si large depuis le début du siècle comme le cas du néolibéralisme. (ANDERSON, 1995 : 23)

29 À partir d’une vision globale, Kaplan argumente que l’État-nation se trouve dans un processus de dissolution sous l’effet d’un ensemble d’acteurs politiques, économiques et militaires, auxquels s’ajoutent aujourd’hui un nombre croissant d’acteurs, y compris les entreprises transnationales ; les organisations internationales (les Nations Unies et ses agences, le Fonds Monétaire International, la Banque Mondial, la Banque Interaméricaine de Développement, l’Organisation Mondiale du Commerce) et les organismes régionaux ; les mouvements et organisations non gouvernementales multi et transnationales (ethniques, religieuses, idéologiques, féministes, de jeunesse, politiques, écologistes, défenseuses des droits humains, etc.) ; les grands spéculateurs

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financiers ; les agences de notation financière (Standard & Poor’s, Moody’s) ; des organisations criminelles, subversives et terroristes ; ou encore des groupes nomades et apatrides (membres des élites économiques, migrants économiques, réfugiés politiques, parmi d’autres) (KAPLAN, 2002 : 168).

30 Dans ce contexte national et international, un ensemble consolidé de forces politiques est apparu en Colombie exigeant l’application de la Loi 89 de 1890, qui déclarait que les terres communautaires, appelées resguardos, étaient inaliénables. Cette loi représentait le cadre juridique qui a permis au mouvement indigène d’obtenir une reconnaissance dans la Constitution de 1991 (GROS, 2012).

31 De manière parallèle, la crise de légitimité des successifs gouvernements colombiens s’est approfondie. Ceci s’explique par la croissance du narcotrafic et de la violence dans tout le pays, par la crise de crédibilité des partis politiques, par l’accroissement de la corruption au sein de l’élite politique, et par la privatisation continue de divers secteurs de l’État et l’élimination de politiques publiques, qui ont aggravé les disparités entre les secteurs les plus pauvres de la société et les secteurs les plus nantis. L’État cherchait d’urgence rénover le discours pour trouver une source de légitimité qui lui permettrait sa reconstruction. C’est ainsi que la narrative de la pluralité ethnique s’est peu à peu construite.

32 La Constitution de 1991 est devenue une sorte de mythe politique fondateur (MEJÍA, 1998), produit d’un esprit réformateur et d’une réconciliation de différents secteurs de la société qui cherchaient un renouvellement pour confronter les grands problèmes nationaux. L’Assemblée Nationale Constituante a été perçue comme un espace démocratique et pluraliste où différents secteurs politiques et culturels pouvaient se rencontrer et dialoguer. Les sujets qui ont été analysés dans l’Assemblée étaient d’une grande importance pour l’imaginaire social, et incluaient les droits humains, la paix, la participation de la société civile, la démilitarisation et la diversité culturelle (SAFFORD et PALACIOS, 2002). Le processus constituant a fait participer un grand nombre de secteurs sociaux et a produit une transformation des acteurs politiques les plus centrés sur la catégorie de diversité.

33 Cependant, cette rénovation du discours a trouvé des défis intéressants concernant le multiculturalisme. Par exemple, deux problématiques incluent la difficulté d’accoupler l’Etat national avec la diversité d’identités, et la complexité de réconcilier les droits individuels et les droits culturels. C’est important de remarquer que la Constitution donne plus de poids aux droits des blancs et des métisses qu’à ceux d’autres groupes. Ceci est évident par le fait que, dans le contexte néolibéral, les droits individuels des propriétaires, basés essentiellement sur la capacité financière, deviennent corporatifs, se répandant à tous les domaines de la vie et détériorant les droits communautaires. Même si des droits communautaires des groupes indigènes ont été reconnus dans la Constitution, cette reconnaissance n’a pas bénéficié aux personnes noires, malgré le fait que la population indigène représente à peine 2% de la population totale de la Colombie et la population noire environ 20% de la population.

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Tensions entre les droits individuels et les droits collectifs

34 Sans aucun doute, une des tensions les plus significatives de la Constitution concerne les limites juridiques entre les droits individuels et les droits communautaires. La Constitution reconnaît le droit collectif des communautés indigènes à un territoire ainsi qu’un ensemble de dispositions juridiques complémentaires y compris le droit des communautés à s’autogouverner. Selon la Constitution, les indigènes sont des groupes qui habitent dans une région géographique depuis le moment de la conquête jusqu’au présent, et qui maintiennent en quelque sorte leurs traditions sociales, économiques, politiques et culturelles. Dans l’article 7 de la Constitution, l’État reconnaît la diversité culturelle et ethnique de la nation. La Constitution reconnaît aussi le droit à s’autogouverner à partir des us et coutumes, le droit à la protection de leur environnement, et deux sénateurs indigènes sont mêmes élus à niveau national.

35 Une des tensions entre les droits individuels et les droits communautaires s’explique par la prédominance juridique des droits individuels, par-dessus des droits collectifs. Le problème est que l’État est considéré comme une institution neutre et objective qui trouve des équilibres entre ces deux types de droits. Cependant, l’État est immergé dans un système de valeurs, parce qu’il privilégie une langue, certaines valeurs et coutumes, et même certains rituels par-dessus d’autres. Tout cela se fait malgré la reconnaissance de la diversité culturelle dans le domaine juridique, la lutte pour la reconnaissance des différences culturelles, et les luttes pour récupérer et protéger les identités communautaires. Ceci suppose une dispute axiologique entre les valeurs individuelles et les valeurs communautaires, qui se traduit dans des cas concrets, par exemple lorsque certaines personnes qui font partie des communautés transgressent les us et coutumes. Les punitions que les communautés imposent à ces personnes pourraient transgresser les droits octroyés aux individus par l’État. L’État se trouve, dans ces circonstances, dans le dilemme de respecter les us et coutumes des communautés ou de respecter le droit individuel de chaque individu. Dans ce dilemme, le droit à la diversité culturelle est celui qui perd parce qu’il y a un biais culturel qui se traduit par le fait que l’État intervient pour protéger les formes de vie et les intérêts des citoyens.

36 La reconnaissance juridique de la diversité culturelle a provoqué le surgissement de demandes de reconnaissance de la part de plusieurs ethnies. Cependant, l’État a confronté des problèmes pour déterminer comment cataloguer certaines communautés et quels droits leurs octroyer. Il y a des groupes qui se reconnaissent à eux-mêmes comme indigènes, et défendent leur identité indigène, mais qui ne possèdent pas les caractéristiques générales pour être considérés comme indigènes, notamment parce qu’ils n’ont pas de langue ou d’us et coutumes distincts. Un cas très clair est celui des mokana (BORDA, 2009), ce qui rend très clair la difficulté de définir des identités, puisque les identités sont constamment en dispute, dans un jeu de reconnaissance et méconnaissance. Cependant, l’État, qui a une logique implicite de colonialisme, est celui qui décide si une communauté peut être cataloguée ou non comme un groupe indigène. Ce jeu de reconnaissance et méconnaissance est inéquitable parce que les communautés doivent s’efforcer énormément pour obtenir une reconnaissance et c’est l’État qui octroi ou non cette reconnaissance.

37 D’autre part, pour mieux comprendre le cas colombien et cet ensemble de tensions, il est important de présenter quelques réflexions sur la notion de négritude. Peter Wade a

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réalisé des études où il montre comment les indigènes et les noirs sont inscrits dans un processus historique qui structure les altérités et qui suppose des ruptures et des continuités. Wade montre que durant la période coloniale des asymétries se sont formées dans l’espace social, vis-à-vis les indigènes et les noirs (WADE, 1999). Nina de Friedemann, de son côté, considère qu’en raison du manque d’études sur les noirs, contrairement au cas des indigènes, il est possible d’affirmer qu’il y a une invisibilisation de ces premiers (FRIEDEMANN, 1984).

38 La Constitution colombienne reconnaît la diversité, mais surtout concernant le cas et les formes de vie indigènes, accordant des droits communautaires et l’autodétermination à partir d’un territoire occupé avant la conquête. Cependant, la communauté noire ne bénéficie pas d’une reconnaissance pareille, malgré le fait qu’elle représente environ 20% de la population. Les noirs sont les descendants des esclaves africains qui ont été amenés en Colombie pour être exploités dans les latifundios. La conception de la diversité culturelle concernant les indigènes suppose que ces peuples ont été dépouillés des territoires qu’ils possédaient avant la conquête. Le problème est que les esclaves n’ont jamais eu de territoire et que leur arrivé dans le pays a été le produit de l’oppression et de l’esclavage.

39 Plusieurs auteurs ont utilisé le modèle de l’ethnicité indigène pour faire référence aux communautés noires (AGUDELO, 2005). Wade considère que la législation qui reconnaît les communautés noires comme un groupe ethnique avec des droits territoriaux et culturels suit le modèle indigène. En Colombie, comme le suggère un texte de Ng’Weno, les populations noires qui habitent dans la région du Pacifique ont été constituées légalement suivant le paradigme de l’ethnicisation (NG’WENO, 2007). Cependant, d’autres afro-descendants en dehors de cette région ne trouvent pas un chemin facile pour cette reconnaissance. Restrepo affirme que l’utilisation de la notion d’ethnicité dans le cas des afro-colombiens est un fait relativement nouveau et est lié à la catégorie de sociétés primitives (RESTREPO, 2002, 2007). Dans la Constitution, leurs droits politiques sont associés à un jeu dichotomique concernant le primitif et le moderne, ce qui veut dire que la Constitution a pratiquement effacé les noirs comme un groupe ethnique qui peut lutter pour la reconnaissance de ses communautés dans le cadre de la diversité culturelle. C’est ainsi que le cadre juridique de la diversité ethnique est très inflexible par rapport à l’énorme complexité des identités colombiennes.

Mémoire

40 La mémoire est une partie essentielle de l’identité d’un espace collectif, intégré par des individus qui partagent des dynamiques et des faits qui construisent leur histoire et leur appartenance à un espace déterminé. Néanmoins, la mémoire peut être aussi restreinte et mutilée, particulièrement dans des contextes conflictuels ou violents ; des situations dans lesquelles la vision du vainqueur tente d’être imposée et tout acte criminel qui a permis la condition de vainqueur tente d’être effacée. Selon Ana Graciela Galindo, faisant référence à un texte de Pilar Riaño, […] les mémoires sont multiples, avec de constants et de longs conflits, des désaccords et des sentiments, dans lesquels le gens trouvent la possibilité de s’impliquer et de faire partie d’un collectif. La mémoire serait donc perçue comme une pratique culturelle qui met en œuvre des connaissances, des actions et des expériences permettant de nous situer et de discerner qui nous sommes. (GALINDO, 2011 : 52)

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41 Une des expressions les plus concrètes de la défense de la mémoire à partir des conflits armés comme celui de la Colombie est la création d’une Commission de la Vérité qui relève le défi d’enquêter sur les violations systématiques des droits humains dans le cadre d’un conflit armé, en cherchant la vérité, l’identification des responsables intellectuels et matériels, ainsi que la possible réparation du préjudice. La Commission de la Vérité doit garantir une connaissance sans restriction des faits et des évènements qui ont eu lieu dans un conflit touchant une population civile non impliquée dans le combat, en dévoilant la dimension des crimes comme le pilier fondamental d’une vraie cicatrisation collective. Ignacio Ramonet constate que : […] la reconstruction de l’identité sociale est un travail collectif qui suppose la possibilité d’élaborer un récit vérace des crimes commis par l’autoritarisme… Pour que la mémoire ne se dégrade pas, il est nécessaire de la mettre en pratique en considérant le présent et l’avenir. Pour mettre fin à l’impunité et éliminer la possibilité que les crimes et génocides se répètent, il est indispensable de sauver la mémoire à propos des luttes contre l’injustice sociale, pour la souveraineté, pour les libertés, et pour les droits humains. (RAMONET, 2016 : 2)

42 Dans le contexte du conflit en Colombie, la mémoire comme signe d’identité demande une intervention majeure à travers la Commission de la Vérité en concordance avec les Accords de paix entre le gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), puisqu’il s’agit d’offrir une réponse éthique à une société abattue par des décennies de souffrance collective liée à une violence qui a diverses expressions, non seulement la guerre entre deux factions, mais aussi la violence des groupes paramilitaires financés par l’État, des mafias du crime organisé et de la délinquance commune.

43 Dans ce contexte, il est indispensable de parvenir à créer une mémoire commune, collective et inclusive qui, reconnaissant les différences de pensée et les histoires autour du conflit, puisse générer une culture et une identité liées au respect sans restrictions des droits humains et au combat contre l’impunité et contre la corruption systématique, qui font partie des structures qui ont permis les crimes contre l’humanité subis par la société colombienne durant six décennies. Selon Fernando Arellano Ortiz, […] Les sociétés déstructurées comme la colombienne, qui ont subit durant des années les tourments de la guerre et de la violence endémique, ont besoin de la réalisation d’un deuil social et collectif pour faire face à la douleur et à la souffrance, ce qui peut être accompli à partir de la réélaboration du sens de la mémoire historique face à un avenir différent, impliquant les garanties de non répétition des faits atroces commis et subis dans le passé. (ARELLANO, 2016) De son côté, Elsa Blair Trujillo note que : […] au besoin social (et dans l’aspect moral) des victimes d’évoquer pour guérir, et au besoin des sociétés de se rappeler (et/ou d’oublier) pour se réconcilier, s’ajoutent le besoin de comprendre comment ces expériences traumatiques compromettent non seulement le passé, en restant fixées dans la mémoire des sociétés, mais aussi l’avenir, parce qu’elles constituent la matière première de la mémoire collective de la société. (TRUJILLO, 2002 : 15)

44 De cette manière, la construction d’une mémoire collective en Colombie constitue une action fondamentale pour que le processus de paix arrive à bon terme. La connaissance de la vérité de la part des victimes du conflit, les procès juridiques contre les

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responsables et les pénalités exemplaires deviennent un pont pour se frayer un chemin vers une nouvelle étape dans la vie de cette société sud-américaine.

Conclusion

45 La lutte d’identités dans le jeu de reconnaissance et méconnaissance a été un processus constant dans le développement historique d’Amérique Latine, notamment en Colombie. Dans la logique des hégémonies, l’actualité des nations latino-américaines a été touchée par le fardeau historique et symbolique de la conquête et la colonisation. Ainsi, il y a des auteurs qui considèrent qu’il existe encore un colonialisme interne incrusté dans les pays latino-américains, comme un héritage du passé que touche la quotidienneté ainsi que les diverses expressions de la vie sociale. Les tensions se propagent avec la violence et le conflit dans lesquels il y a un processus d’anéantissement et de méconnaissance symbolique d’autrui. Dans un contexte de discorde et d’affrontement, la mémoire joue un rôle fondamental pour atteindre une re-signification du sens de la réconciliation, de la récupération et de la justice nécessaire pour la réintégration des diverses factions en conflit. Quant à l’application du multiculturalisme dans les contextes latino-américains et la récupération de la mémoire après une période de violence ex trême, comme en Colombie, les défis à relever sont encore nombreux.

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RÉSUMÉS

Dans cet article nous révisons le défi du multiculturalisme et de la diversité culturelle dans le contexte latino-américain, analysant le cas concret de la Colombie. Nous tentons de lier la notion de diversité culturelle à l’idée de mémoire. La Constitution colombienne adoptée en 1991 a cherché à faire le pont entre ces deux concepts ; toutefois, nous estimons que les défis sont encore très grands pour cette nation andine, considérant en particulier les catégories de négritude et d’identité culturelle. Nous notons aussi les tensions qui existent dans la Constitution entre les droits individuels et les droits collectifs, et nous montrons les difficultés qui existent pour la diversité culturelle face à la percée des politiques néolibérales.

En este artículo revisamos el desafío del multiculturalismo y la diversidad cultural en el contexto latinoamericano, en particular en Colombia. Intentamos vincular la noción de diversidad cultural con la idea de memoria. La constitución política colombiana de 1991 intenta hacer el puente entre estas dos nociones ; sin embargo, vemos el desafío que presenta ante la realidad colombiana principalmente con la categoría de negritud y de identidad cultural. Asimismo, hacemos notar las tensiones que existen en la constitución entre los derechos individuales en relación con los colectivos y además mostramos las dificultades que existen en la idea de diversidad cultural ante la avanzada de las políticas neoliberales.

INDEX

Palabras claves : multiculturalismo, diversidad cultural, memoria, Colombia Mots-clés : multiculturalisme, diversité culturelle, mémoire, Colombie

AUTEURS

OBED FRAUSTO GATICA

Candidat doctoral en philosophie de la science, Universidad Nacional Autónoma de México, Professeur dans Ball State University, Indiana, aux États-Unis

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NAYAR LÓPEZ CASTELLANOS

Politólogo y latinoamericanista, Profesor Investigador de la Facultad de Ciencias Políticas de la UNAM, Coordinador del Centro de Estudios Latino americanos de la FCPyS de la UNAM nayarlp[at]hotmail.com

MATTHEW LORENZEN MARTINY

Docteur en sociologie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Consultant dans le Consejo Nacional de Población (CONAPO), au Mexique

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Construction discursive de l’identité nationale colombienne

Juan Pablo Prieto

Introduction

1 Ma perspective est celle d’une sémantique historique, lexicale et argumentative. Elle est conforme à l’Analyse Linguistique du Discours (ALD) propre au modèle de la Sémantique des Possibles Argumentatifs (SPA) (Galatanu 2004, 2009) 1. J’ai intégré à ce modèle la dimension du phénomène d’incidence interdiscursive. Ma recherche concerne la question de l’identitaire. Ici, je rends compte de la construction discursive de l’identité nationale en Colombie 2.

Contextualisation de la Constitution politique de 1991

2 Avoir une idée sur l’ambiance politique et sociale dans laquelle a été adoptée la Constitution de 1991, ainsi que sur l’identité des acteurs sociaux qui ont participé à sa rédaction, est important pour comprendre la construction discursive de l’identité nationale. La Constitution est une parole, à la fois constituante et édifiante, qui véhicule des valeurs et des représentations d’autres discours constituants 3. Ces derniers « mettent en œuvre une même fonction dans la production symbolique d’une société […] » (Maingueneau et Cossutta 1995 : 112). Cette production associe trois éléments fondateurs : (i) « la fondation dans et par le discours » [« source », « principe », « commandement », « pouvoir »] ; (ii) « la détermination d’un lieu associé à un corps d’énonciateurs consacrés » [« le siège de l’autorité »] ; (iii) « l’élaboration de la mémoire » [« les archives publiques »] (Maingueneau et Cossutta 1995 : 113).

3 Plusieurs dimensions de l’activité langagière convergent dans cette association : (i) l’acte propositionnel, le contenu propositionnel et la formulation de règles et de valeurs, (ii) l’agent institutionnel et les acteurs sociaux qui la composent, (iii) la situation d’énonciation, le contexte historique et le but de l’acte propositionnel. Ces

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dimensions sont inscrites dans la Constitution – qui est le produit final de tout le processus d’énonciation –, ainsi que dans la Gazette constitutionnelle, la Session plénière, les sessions des différentes commissions de l’Assemblée nationale constituante (ANC), la Session Commission codificatrice (rédaction des articles de la Constitution). De même, la presse, les commentaires des juristes, les écrits scientifiques, les manuels scolaires participent à la construction de la mémoire collective de la période de la Constituante de 1991 : « La presse n’est pas productrice d’idéologie, elle n’est que l’instrument de diffusion sous une forme dégradée d’idéologies pensées ailleurs ; elle n’a finalement qu’une seule fonction, assurer la production ininterrompue […] de la diffusion d’un sens commun » (Schepens 2006 : §32).

4 La Constitution ontologise des systèmes de valeurs et de représentations. Elle détermine le mode de fonctionnement de la société et des organismes qui la régissent : « Les discours constituants prétendent délimiter en effet le lieu commun de la collectivité, l’espace qui englobe l’infinité des “lieux communs” qui y circulent. » (Maingueneau et Cossutta 1995 : 113). Selon ces auteurs, l’analyse de la constitution d’un discours constituant implique qu’il faut montrer « la connexité de l’intradiscursif et de l’extradiscursif », c’est-à-dire l’« intrication d’une représentation du monde et d’une activité énonciative ».

5 Dans ce sens, les représentations du climat politique, économique et social – qui ont motivé la convocation de l’ANC, la création d’une nouvelle charte et son adoption en 1991 – sont intriquées aux systèmes de valeurs et de représentations que le texte constitutionnel établit et véhicule sous forme de droits et d’obligations. Cette intrication est l’effet de l’activité énonciative des acteurs sociaux ayant participé directement (c’est le cas des constituants) et indirectement (par suffrage, par la proposition des thématiques, des projets) à la convocation de l’ANC et aux débats au sein de celle-ci. Ces différentes dimensions sont des parties prenantes du discours de l’ANC. L’intrication entre les climats politique, social, économique et le système de régulation de la nouvelle charte a été envisagée comme une véritable corrélation : le passage vers une nouvelle charte était censé entraîner le passage vers une nouvelle société. De sorte que le système de régulation de la nouvelle Charte et le système de valeurs de la société colombienne pouvaient être considérés comme un système unique. Un changement dans la Charte entraînerait un changement dans la société. Les changements effectués dans la Constitution auraient dû permettre l’« entendement » et la « réconciliation nationale » et donc « la paix » (Jiménez 2006 : 136). Mais le système de valeurs des parties prenantes d’une société ne répond pas à une mécanique d’intrication. Une modification des valeurs au niveau des règles du jeu n’implique pas une modification au niveau des valeurs de l’ensemble des joueurs.

6 Selon Hurtado (2006 : 97-98), dans les années précédant la nouvelle Constitution, les indices de violence politique avaient augmenté. En 1980, il y a eu 177 cas de morts pour des raisons politiques. En 1988, le nombre avait atteint 4.304 cas. Cette violence n’a pas été la conséquence d’affrontements entre les Partis libéral et conservateur. Cette fois, elle a été le résultat d’un conflit armé entre les guérillas et l’État. Durant le gouvernement de Virgilio Barco une guerre officielle contre la guérilla et le trafic de drogue a été déclarée. Ainsi qu’une troisième guerre non officielle appelée « guerre sale ». L’assassinat de quatre candidats à la présidence (Luis Carlos Galán, Jaime Pardo Leal, Bernardo Jaramillo et Carlos Pizarro) a donné lieu à la convocation de l’ANC (El Universal 2011 : §1). Le gouvernement de Barco (1986-1990), le mouvement d’étudiants

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« Séptima papeleta », des communautés indigènes et le groupe guérillero M-19 – démobilisé en 1990 après seize ans d’activité – ont promu l’idée d’une constituante (Hurtado 2006 : 99). C’est donc dans un climat de violence et de crise institutionnelle que l’ANC a été créée.

7 La nouvelle Charte est le résultat d’un processus démocratique dans lequel des questions de l’ordre de l’économique et du social, entre autres, ont été abordées. Cette Constitution a favorisé l’inclusion des partis politiques non traditionnels et de la société civile dans les espaces de décisions politiques (Jiménez 2006 : 135). Cette réforme visait la construction d’un État démocratique et pluraliste, ainsi qu’une société civile participative, démocratique et pacifique (Jiménez 2006 : 136). D’après Jiménez, les idées sur la démocratie participative et sur le renforcement de la paix sont devenues les deux nouvelles valeurs du projet social en formation. La mise en scène de ces deux grands systèmes de valeurs a permis la convergence des diverses forces sociales et politiques allant des tendances progressistes jusqu’aux tendances les plus conservatrices. Selon Jiménez (2006 : 143), le gouvernement en place a réussi à déterminer beaucoup d’éléments discutés dans l’ANC, alors qu’il ne devait pas intervenir dans ce processus. L’activité énonciative du gouvernement de Gaviria aurait fortement influencé/orienté la production discursive de l’ANC : « Le projet de réforme constitutionnelle, élaboré par un cercle hermétique d’intellectuels du gouvernement, a réussi à remplir de contenu le champ discursif qui orientait le processus de la constituante. Ce projet a été orienté essentiellement vers deux objectifs : l’exaltation de l’individu libéral comme le sujet du processus démocratique, et la configuration d’un mode de régulation en accord avec les nouvelles structures du capitalisme. 4 » (Jiménez 2006 : 147). Au contraire, Hurtado pense que la réforme de 1991 a été réellement démocratique et n’a pas été un instrument du gouvernement pour faire passer ses politiques économiques : « La réforme constitutionnelle de 1991 peut être vue comme le résultat d’un processus particulièrement démocratique, si on le compare avec d’autres pays de l’Amérique latine et avec d’autres épisodes de l’histoire nationale. […] l’Assemblée nationale constituante (ANC) en Colombie n’a pas été une ruse venant de l’exécutif pour approuver sa réélection et/ou pour mettre en œuvre des ajustements économiques […] La Constitution de 1991 a été un processus ouvert dans lequel aucun groupe politique n’a prévalu (Dugas 1993 : 45-76, Cepeda 1993 : viii-xx), […] » (Hurtado 2006 : 97).

8 Mon but n’est pas d’éclairer ces faits politiques. Je présente une brève description du paysage politico-social qui a motivé l’univers énonciatif de la Constitution de 1991. Ceci à fin de faire comprendre que la complexité de l’interdiscursivité tient à l’incidence et à la convergence de plusieurs types de discours dans la construction de nouvelles représentations. Les nouvelles valeurs que véhicule la Constitution actuelle proviennent de l’interaction de plusieurs discours. Les valeurs véhiculées par les différents secteurs politiques et sociaux auxquels appartenaient les constituants – les acteurs sociaux directement impliqués dans les débats – se confondent dans l’interdiscours. Il est difficile de reconnaître par la simple analyse du texte constitutionnel les différentes propositions faites par les différents groupes politiques. Mais des rapports sur les discussions des différentes commissions de l’ANC peuvent être consultés en Colombie, par exemple dans la Gaceta constitucional 5.

9 Selon le journal El Universal, l’ANC a été composée de soixante-dix constituants dont vingt-cinq appartenaient au Partido liberal, dix-neuf à la Alianza democrática M-19, onze au Movimiento de salvación nacional, neuf au Partido social conservador, deux à

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la Unión cristiana et deux aux mouvements indigènes. Ils ont tous été élus par vote populaire. L’Assemblée a été présidée par Horacio Serpa (Partido liberal), Antonio Navarro Wolf (Alianza democrática M-19) et Alvaro Gómez Hurtado (Movimiento de salvación nacional). Ce sont les trois partis politiques dont le nombre de membres était majoritaire. Gómez Hurtado avait été kidnappé par le groupe guérillero M-19 pendant 6 jours en 1988. Trois ans après sa séquestration, il a occupé un siège à l’ANC auprès de ses anciens ravisseurs, lesquels au moment de l’Assemblée avaient déjà déposé les armes. L’« esprit de réconciliation » entre certains acteurs du conflit politique et armé faisait donc partie de l’ANC (El Universal 2011 : §5). Cependant, les principaux acteurs du conflit comme les FARC 6, le ELN 7 et les groupes paramilitaires ont été absents de la discussion (Hurtado 2006 : 97).

10 En outre, la participation des indigènes dans l’ANC a été importante pour la construction discursive de l’identité nationale. Depuis l’invasion de l’Amérique, les populations indigènes colombiennes avaient été marginalisées de la vie politique. Mais, en 1991, elles sont devenues des protagonistes de la scène politique à travers leur participation à la réforme constitutionnelle. Ces populations ont été représentées par les indigènes Lorenzo Muelas (originaire de Guambía) et Francisco Rojas Birry (de la communauté embera-wanuna). Ils ont présenté les thématiques proposées par leurs communautés. Leurs apports ont été fondamentaux pour la reconnaissance de la Colombie comme pays « pluriethnique » et « pluriculturel » (Duplat 2007 : 131).

11 Compte tenu de ce qui précède, la Cour constitutionnelle de Colombie, à travers ses décisions judiciaires, a conçu et modelé des identités individuelles, collectives et « communautaires » (Ramirez 2007 : 130). Selon Uprimny (s.d.). La Constitution de 1886 définissait la Colombie comme république unitaire et signalait que la religion catholique était un élément essentiel de l’ordre social. On acceptait uniquement des pratiques et des cultes chrétiens. En revanche, la Constitution de 1991 proclame que la Colombie est une république pluraliste qui reconnaît l’autonomie des entités territoriales et qui protège les diversités ethniques et culturelles en tant que principes de la nation colombienne. À travers ces valeurs, l’ANC a introduit l’un des changements les plus importants de la Constitution : d’un centre de pouvoir représenté par la capitale (Bogotá) et de l’imposition des valeurs homogènes comme la religion catholique, nous sommes passés à la tentative d’une élaboration collective de l’identité nationale. Ceci à partir de la reconnaissance de notre diversité culturelle, ethnique et régionale (Uprimny s.d. : 1). Ramírez (2007) a repéré des articles de la Constitution qui reconnaissent « la variété multiethnique et pluraliste de l’État colombien ». Les représentations de la diversité ethnique et pluraliste sont dispersées tout au long de « l’ethno-constitution de 1991 ».

12 Les enjeux qui ont entouré la réforme constitutionnelle sont en réalité très complexes. Mon intention a été de contextualiser la Charte au sein d’un espace historique et de l’associer à la situation sociale dans laquelle cet objet linguistique a été produit.

L’identité dans la Charte politique colombienne

13 Le mot ‘identidad’ (identité) est mobilisé dans six articles de la Constitution : (68), (70), (72), (120), (310), (55 transitoire). L’article 68 garantit le droit aux groupes ethniques à une éducation respectueuse de leur identité culturelle :

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(001) « Las [personas] integrantes de los grupos étnicos tendrán derecho a una formación que respete y desarrolle su identidad cultural. » (Les personnes membres des groupes ethniques auront droit à une formation qui respecte et développe leur identité culturelle.) (art. 68.)

14 Ici, le mot ‘identidad’ est lié, comme dans les articles 310 et 55, aux valeurs de la signification du mot ‘culture’ : (i) ‘identidad cultural’ (identité culturelle). Dans ces trois articles, l’identité concerne la culture des groupes ethniques. Elle ne fait pas référence à la culture de la « société majoritaire sans appartenance ethnique ». Dans les articles 70 et 72, le mot ‘identidad’ est lié à la signification du mot nation : (ii) ‘identidad nacional’ (identité nationale). Dans le contexte sémantique, cette association est mise en corrélation avec la culture. Cette fois, la culture concerne celle de « tous les Colombiens dans ses diverses manifestations ». Actuellement, cette valeur identitaire est le fondement de la nationalité en Colombie. Cependant, le texte constitutionnel ne définit pas très clairement ce que l’on doit comprendre par identité nationale. Il existe une certaine ambiguïté. En fait, les associations identité culturelle de la nation et identités culturelles des communautés ethniques laissent entendre que la notion d’identité nationale est construite sur deux horizons. Elle rassemble, d’un côté, l’identité culturelle de la nation ou celle de tous les Colombiens et, d’un autre côté, les identités culturelles des différents groupes ethniques. Le terme ‘communauté’ n’est utilisé que lorsque l’on veut faire référence aux groupes ethniques minoritaires. Le texte construit donc deux entités. D’une part, une société majoritaire (les Colombiens) et, d’autre part, des groupes ethniques minoritaires (reconnus par la société majoritaire). En effet, dans l’article 70, l’État reconnaît l’égalité et la dignité de toutes les cultures qui cohabitent dans le pays. Il reste à savoir quels sont les repères identitaires (en termes d’origine ethnique) des personnes qui composent la « société majoritaire ». En outre, dans l’article 72, l’énoncé ‘ identité nationale’ est associé aux énoncés ‘patrimoine culturel’, ‘patrimoine archéologique’ et ‘biens culturels’ de la Nation. Une dernière occurrence (‘identité des personnes’), dans l’article 120, se rapporte à la personnalité ou fiction juridique.

15 En 1991, les populations amérindiennes étaient organisées en tan que communautés. Ceci les a permis de participer à l’ANC. Cette participation a garanti leur reconnaissance dans la Charte au moyen de l’énoncé ‘grupos étnicos’ (groupes ethniques) (001, article 68). Par la suite, ce stéréotype linguistique concernera aussi les populations noires. À cette époque, celles-ci étaient encore invisibles. C’est-à-dire qu’elles étaient confondues dans la catégorie ‘mestizo’ (métis) conformément à l’ancien projet d’identité nationale unitaire. En effet, ces populations n’ont pas pu participer à l’ANC, car elles n’étaient pas organisées sous forme de communautés. Afin d’être reconnues aussi dans la Constitution, elles feront des alliances politiques avec les constituants des communautés indigènes. L’expression ‘comunidades negras’ (communautés noires) sera incorporée dans la Constitution de 1991. Il est de même pour l’expression ‘comunidades raizales’ (communautés créoles). C’est une première dans l’histoire colombienne. Les communautés noires seront reconnues officiellement en 1993 par la loi 70 ou Ley de negritudes (Loi des négritudes). Cette loi réglemente la démarcation et la certification des territoires collectifs habités traditionnellement par ces communautés (DANE 8 2010 : 7) qui ont été appelées « afrocolombianas » (afrocolombiennes) ou « afrodescendientes » (afrodescendantes). En 1999, la représentation du stéréotype ‘grupos étnicos’ (groupes ethniques) évoluera à nouveau, car la Direction générale d’ethnies du ministère de l’Intérieur et de la Justice émettra la résolution N°022 qui reconnaît la population « Rom ou gitane » en tant que « groupe ethnique colombien ». Actuellement, le

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stéréotype identitaire groupes ethniques fait donc référence aux trois communautés mentionnées. À travers celui-ci, on reconnaît comme différentes de la « société majoritaire colombienne », les communautés indigènes, la communauté de Palenqueros de San Basilio, la communauté créole de l’Archipel de San Andrés et la communauté rom ou gitane. Quant aux mots ‘afrocolombiano’ (afrocolombien) et ‘ afrodescendiente’ (afrodescendant), je n’en ai trouvé aucune occurrence dans la Constitution. La représentation ‘comunidades negras’ apparaît 1 seule fois dans l’article 55, où l’on ordonne la création de la Loi des négritudes. Cette représentation est mise en corrélation avec l’énoncé ‘identidad cultural’ (identité culturelle) : ‘identidad cultural’ DONC ‘comunidades negras’ (‘identité culturelle DONC ‘communautés noires’).

16 Dans le même ordre d’idées, je n’ai constaté aucune occurrence du mot ‘rom’ (Rom) ou ‘ gitano’ (Gitan) dans la Charte. Par contre, le mot ‘ indígena’ (indigène) compte 19 occurrences :

Tableau 1 : Occurrences du mot ‘indígena’ (indigène) dans la Constitution

l. Déploiement Argumentatif Traduction

« Los miembros de los pueblos indígenas que (Les membres des peuples indigènes qui 1 comparten territorios fronterizos, » (art. 96). partagent des territoires frontaliers).

« […] senadores elegidos en circunscripción ([…] sénateurs élus en circonscription 2 nacional especial por comunidades indígenas » nationale spéciale par des communautés (art. 171). indigènes).

« […] la elección de senadores por las comunidades (l’élection de sénateurs par les 3 indígenas » (art. 171). communautés indigènes).

(Les représentants des communautés « Los representantes de las comunidades indígenas indigènes qui aspirent à intégrer le sénat que aspiren a integrar el Senado de la República, de la République doivent avoir exercé un 4 deberán haber ejercido un cargo de autoridad poste d’autorité traditionnel dans leur tradicional en su respectiva comunidad o haber communauté respective ou avoir été élu sido líder de una organización indígena, » (art. 171). dans une organisation indigène,).

(Les autorités des peuples indigènes « Las autoridades de los pueblos indígenas podrán pourront exercer des fonctions 5 ejercer funciones jurisdiccionales dentro de su juridictionnelles dans leur milieu ámbito territorial, » (art. 246). territorial).

« Son entidades territoriales los departamentos, (Les départements, les districts, les 6 los distritos, los municipios y los territorios communes et les territoires indigènes sont indígenas. » (art. 286). des entités territoriales).

« Las provincias se constituyen con municipios o (Les provinces se composent de communes 7 territorios indígenas circunvecinos, » (art. 321). ou territoires indigènes circonvoisins).

« La conformación de las entidades territoriales (La conformation des entités territoriales 8 indígenas » (art. 329). indigènes).

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« […] los representantes de las comunidades ([…] les représentants des communautés 9 indígenas, » (art. 329). indigènes,).

([…] un territoire indigène qui comprend « […] un territorio indígena que comprenda el le territoire de deux ou plusieurs territorio de dos o más departamentos, su 10 départements, sera administrée par les administración se hará por los consejos indígenas conseils indigènes en coordination avec en coordinación con los gobernadores » (art. 329). les gouverneurs).

« […] los territorios indígenas estarán gobernados ([…] les territoires indigènes seront por consejos conformados y reglamentados según gouvernés par des conseils formés et 11 los usos y costumbres de sus comunidades » réglementés selon les us et coutumes de (art. 330). leurs communautés).

(L’exploitation des ressources naturelles « La explotación de los recursos naturales en los dans les territoires indigènes se fera tout territorios indígenas se hará sin desmedro de la 12 en maintenant l’intégrité culturelle, integridad cultural, social y económica de las sociale et économique des communautés comunidades indígenas. » (art. 330). indigènes.).

([…] seront bénéficiaires les entités « […] serán beneficiarias las entidades territoriales 13 territoriales indigènes, une fois indígenas, una vez constituidas. » (art. 356). constituées.)

« […] la ley establecerá como beneficiarios a los ([…] la loi établira comme bénéficiaires les resguardos indígenas, siempre y cuando estos no se réserves indigènes, à condition que celles- 14 hayan constituido en entidad territorial indígena. » ci ne se soient pas constituées en entité (art. 356). territoriale indigène.).

« […] el Gobierno podrá dictar las normas fiscales ([…] le gouvernement pourra dicter les necesarias y las demás relativas al funcionamiento normes fiscales nécessaires et les autres 15 de los territorios indígenas y su coordinación con normes relatives au fonctionnement des las demás entidades territoriales. » (art. 56 territoires indigènes et leur coordination transitorio). avec les autres entités territoriales.).

Ce tableau montre sept formes linguistiques qui sont directement associées au mot ‘indígena’ (indigène). Il s’agit des mots ‘pueblos’ (peuples) (2 fois : l. 1, 5) ; ‘comunidades’ (communautés) (7 fois : l. 1, 2, 3, 4, 9, 11, 12) ; ‘organización’ (organisation) (1 fois : l. 4) ; ‘territorios’ (territoires) (6 fois : l. 6, 7, 10, 11, 12, 15) ; ‘consejos’ (conseils) (2 fois : l. 10, 11) ; ‘entidades territoriales’ (entités territoriales) (4 fois : l. 6, 8, 13, 14) ; ‘resguardos’ (réserves) (1 fois : l. 14).

17 L’identité nationale est associée aux biens culturels, au patrimoine archéologique et aux différentes formes que la culture acquiert en Colombie comme conséquence de la diversité ethnique. Cette construction identitaire est soutenue par les lois qui visent l’organisation de l’identité territoriale et économique. Ainsi que par le système éducatif : l’enseignement scientifique, technique, artistique et professionnel donne accès à la culture. Par conséquent, il permet la création de l’identité nationale (voir article 70).

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L’incidence du discours indigéniste

18 En Colombie, la construction de l’identité nationale passe par la déconstruction de l’ identité métisse comme projet de nation. Il ne s’agit plus, comme au XIXe siècle, d’assimiler les indigènes à la « société métisse » – dont font partie la plupart des Colombiens 9 – par un processus de civilisation de leurs peuples 10La création d’une identité nationale unitaire a échoué à cause de la complexité géographique et de la diversité ethnique et culturelle du pays. L’ANC de 1991 a réévalué cette conception de la nation. Aujourd’hui, la pluralité ethnique et la multiculturalité constituent les valeurs fondamentales de l’identité colombienne. Le nouveau projet vise la reconnaissance des différentes identités culturelles du pays (figure 1). Cependant, la population noire n’a pas été représentée par l’un de ses membres. Et des 70 constituants qui ont participé à l’ANC, seulement deux étaient issus des populations indigènes. Malgré cette réalité, la formation de l’identité nationale « pluriethnique » et « pluriculturelle » naît du discours indigéniste : « l’émergence de l’indianisme comme alternative à l’indigénisme officiel » (Fernández s.d. : §13).

Figure 1 : Reconnaissance des groupes ethniques à partir de l’identité indigène

19 Cette figure explicite les représentations associées au mot ‘indígena’ dans le tableau 1. Ce mot est déontologisé dans la Constitution à travers les stéréotypes identitaires ‘ pueblos’ (peuples), ‘comunidades’ (communautés), ‘organización’ (organisation), ‘territorios’ (territoires), ‘consejos’ (conseils), ‘entidades territoriales’ (entités territoriales) et ‘resguardos’ (réserves). La lexie ‘comunidades’ (communautés) est la seule à être associée aussi à d’autres groupes de la société colombienne dans la Constitution : ‘comunidades negras’ (communautés noires) (1 occurrence) et ‘comunidades raizales 11’ (communautés créoles 12) (1 occurrence).

20 L’incidence du discours constituant indigéniste sur le discours constituant de l’ANC est transparente. Il s’agit d’un discours identitaire qui prend la forme d’un processus politique de reconnaissance de l’identité du peuple indigène et, par voie de

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conséquence, du peuple noir face au projet de la nation métisse. Les valeurs identitaires de la nation unitaire, égalitaire, homogène, sont interverties. C’est-à-dire que la nouvelle Charte promeut la pluralité des peuples et que cette valeur identitaire – du nouveau projet de nation – n’est pas conforme au protocole sémantique du terme ‘État-nation’, lequel incorpore tous les citoyens dans un même socle ethnique et culturel et ne tient pas compte de la notion de diversité. Le contenu identitaire de la nation métisse égalitaire a changé vers un contenu qui met en relief la différence. On passe du discours de l’égalité à celui de la différence (Castillo 2005 : 337). Les valeurs véhiculées par l’indianisme sont la reconnaissance, la défense et l’ acceptation de la diversité, de la différence et de l’hétérogénéité. Ce discours intègre surtout la valeur du « droit à l’ autodétermination des peuples » dans la construction de l’État-nation :

21 « Les dimensions ethnique et civilisatrice de la question indienne acquièrent une importance fondamentale dans cette perspective qui conçoit les sociétés latino- américaines comme des sociétés pluriethniques, plurilingues et plurinationales. Ces dimensions défendent l’autodétermination des peuples indiens et remettent en question la conception de l’État-nation. Elles dénoncent la situation coloniale que subissent les peuples indiens et proposent, en même temps, une redéfinition des identités nationales. » (Fernández s.d. : §13).

22 L’indigénisme doit ses origines aux valeurs éthiques et morales du système religieux catholique. En effet, la valeur de la « piété » a été convoquée en tant que devoir chrétien durant la période coloniale pour défendre les indiens contre les injustices du régime d’oppression. Mais cette forme de défense ou d’indigénisme soutenait, en même temps, le discours raciste. De sorte que l’identité de l’indien était construite à partir des valeurs négatives : le discours raciste en s’appuyant sur le positivisme darwinien a convoqué les valeurs objectivantes de la biologie pour représenter l’indien comme un individu avec des « facultés limitées » (Fernández s.d. : §15). En fait, le processus de construction de l’identité indigène est de nature axiologique : « La façon d’aborder la problématique des peuples indiens de la part de la société dominante a passé par différentes phases étroitement en relation avec les valeurs et les stratégies de ladite société dans chacune de ses étapes historiques : “Né comme une attitude morale et humanitaire au moment même où on a imposé aux indiens le statut de peuple vaincu et de subordonnés, l’indigénisme a évolué jusqu’à devenir un mouvement de revendication, une demande constante de justice et d’égalité pour les peuples indiens, et une proposition pour la constitution de sociétés pluriculturelles” (Instituto Indigenista Interamericano, ‘‘política indigenista’’ (1991-1995), In América Indígena, (vol.L.), 1991, p. 63. » (Cité par Fernández s.d. : §14).

23 Aujourd’hui, l’indigénisme est un mouvement politique. Il s’occupe de la question de l’identité de l’indien et de sa place dans la société moderne. Cette problématique a exigé des institutions la redéfinition du mot ‘indigène’. Ce mot est chargé des valeurs politiques, juridiques, idéologiques et territoriales. Dans le cas de la Colombie, le DANE a proposé la définition suivante : « Indigène : personne d’origine amérindienne ayant des caractéristiques culturelles qui sont reconnues comme propres à son groupe, qui la rendent singulier et la distinguent d’autres groupes, indépendamment du fait que cette personne habite la campagne ou la ville. » (DANE 2010 : 46).

24 En 1940, le premier Congreso Indigenista Interamericano a défini l’indien à partir des critères économiques et sociaux : « individu économiquement et socialement faible » (Fernández s.d. : §4). En 1949, le deuxième congrès proposera comme critère fondamental d’identification de l’indien « l’auto-identification » à partir des critères

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culturels et économiques. Plus tard, les critères socio-économiques occuperont une place beaucoup plus importante que le critère ethnique. Dans les années 1970, le critère « différences ethnico-culturelles » réapparaît avec les revendications des peuples indigènes. Actuellement, le critère « racial » est de moins en moins accepté à cause du fort métissage que présente la population. Le critère « linguistique » est accepté, mais il est critiqué. Il exclut les individus sachant parler uniquement le castillan, mais qui peuvent être identifiés à un groupe ethnique à partir du critère « d’auto-identification » (Fernández s.d. : §5).

25 Pour sa part, la construction de l’identité nationale colombienne s’appuie sur l’identification ethnique. Dans ce processus, le recensement de la population a été nécessaire : « De 1900 à 2010, on a réalisé 11 recensements dans la République colombienne, 9 d’entre eux ont servi pour enquêter sur la population indigène, 3 sur la population noire ou afrocolombienne et 1 sur la population rom ou gitane. » (DANE 2010 : 12). Ces recensements mobilisent des critères d’identification des groupes ethniques. Ces critères ont changé progressivement entre les XXe et XXIe siècles : • 1905 : aucun critère ; • 1912 : race ; • 1918 : traits physiques perçus par le recenseur ; • 1928 : aucun critère ; • 1938 : des questions et des associations de la part de l’interviewer sur le type de langue et sur la localisation rurale ; • 1951, 1964 et 1973 : un indigène est une personne appartenant à un groupe qui se caractérise par des traits culturels d’origine pré-hispanique et qui a développé sa propre économie de consommation dans des aires préalablement établies ; • 1985 : critère d’auto-reconnaissance et d’appartenance des personnes indigènes à un territoire spécifique de la communauté ou groupe ; • 1993 : auto-reconnaissance comme trait d’identité ; appartenance à un peuple indigène, ethnie ou communauté noire ; • 2005 : auto-reconnaissance culturelle (coutumes et traditions) ou par les traits physiques ; appartenance aux indigènes, aux roms, aux créoles de l’Archipel de SanAndrés, aux palenqueros de San Basilio, et aux afrocolombiens, noires, mulâtres ou afrodescendants. (DANE 2010 : 12).

26 Ces différents critères sont des stéréotypes linguistiques du mot ‘identidad’ qui sont associés à d’autres stéréotypes linguistiques de ce même mot dans le discours. Certains sont déployés de manière holiste dans différents segments du texte constitutionnel. En effet, la formation discursive de l’identité nationale (le thème) n’est pas construite par la seule unité lexicale ‘identidad’.

Le discours constituant de la Charte de 1991

27 Dans la Constitution colombienne, l’aspect encyclopédique des formes ‘cultural’ (art. 68, 310, 55) et ‘nacional’ (art. 70, 72) associent au mot ‘identidad’ deux mondes discursifs. Ainsi, le monde culturel et le monde national renforcent les valeurs identitaires des citoyens. D’une part, le mot ‘cultural’ est une catégorisation des classes d’objets pouvant être identifiés comme représentatifs de la culture. D’autre part, le mot ‘nacional’ est une catégorisation des classes d’objets pouvant être identifiés comme représentatifs de la nation. Chaque « représentation » (Meunier 2002) est donc constituée de classes

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d’objets. Les classes d’objets de ces deux représentations sont corrélées dans la Constitution colombienne : A, B, C sont des objets culturels donc A, B, C sont des objets nationaux et vice versa. A peut représenter, par exemple, les classes des objets pouvant former la catégorie (patrimoine culturel, patrimoine national, patrimoine économique, patrimoine archéologique, patrimoine public, patrimoine de l’État, patrimoine écologique) qui sont constitutives de l’identité nationale. La catégorie est subordonnée aux catégories et . Dans ce sens, ces représentations sont pensées comme des catégorisations. Ces catégorisations sont mises en interrelation. Elles sont associées les unes aux autres afin de construire des systèmes complexes de croyances. Les mondes culturel et national permettent donc à une personne de se situer dans son existence en tant qu’être social à partir des traits distinctifs communs à son groupe (la nation à laquelle elle appartient) qui les distinguent d’autres groupes (les autres nations du monde).

28 L’association du mot ‘identidad’ avec le mot ‘cultura’ via l’adjectif ‘cultural’ et avec le mot ‘nation’ via l’adjectif ‘nacional’, dans la Constitution, relève d’une manipulation des catégories : pour lier la catégorie identidad à celle de cultura et à celle de nación, « il faut avoir des classes perceptives que l’on peut manipuler par leurs catégories qui alors peuvent être réunies via leur contenu sémantique. » (Meunier 2002 : 14). En effet, des mots abstraits tels que culture, nation ou identité renvoient à des classes d’objets qui peuvent être perçus. Ces objets perçus constituent donc des classes perceptives qui permettent de comprendre l’objet de l’abstraction, c’est-à-dire ce que veut dire ‘ identidad cultural’ ou ‘identidad nacional’. Ainsi, tout ce qui fait référence à la culture et à la nation dans l’intégralité du texte constitutionnel peut être considéré comme constitutif de l’identité. Les propriétés encyclopédiques du mot ‘cultura’ et du mot ‘nación’ contribuent à la formation discursive de l’identité nationale. Le tableau 2 montre les associations du mot ‘nación’ avec d’autres représentations dans la Constitution colombienne. Ces associations permettent d’identifier les classes d’objets qui configurent déontiquement l’identité colombienne :

Tableau 2 : Représentations associées au mot ‘nación’ dans la Constitution

DC : conjonction donc, elle indique le lien argumentatif entre le mot ‘nation’ et les représentations qui lui sont associées dans le discours.

Nation DC richesses culturelles et naturelles. (art. 7)

Nation DC entités territoriales et particulières. (art. 49)

Nation DC biens publics, parcs naturels, terres communales, groupes ethniques, (art. 63) réserves indiennes, patrimoine archéologique, biens déterminés par la loi.

Nation DC entités territoriales. (art. 67)

Nation DC culture dans ses diverses manifestations, nationalité, manifestations (art. 70) culturelles, les cultures du pays, diffusion des valeurs culturelles de la nation.

Nation DC patrimoine culturel, patrimoine archéologique, biens culturels, identité (art. 72) nationale.

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Nation DC territoire, biens publics. (art. 102)

Nation DC trésor public, entités territoriales et décentralisées. (art. 128)

Nation DC indépendance, honneur, inviolabilité du territoire. (art. 189)

Nation DC défense militaire, Forces armées permanentes, l’Armée de terre, la Marine, (art. 217) l’Armée de l’air.

Nation DC Police nationale. (art. 218)

Nation DC eaux, territoires, espace aérien. (art. 237)

Nation DC fonds publics, biens publics, dette publique, entités territoriales. (art. 267)

Nation DC entités territoriales. (art. 288)

(art. 298, Nation DC communes. 305)

Nation DC recettes courantes. (art. 331)

Nation DC patrimoine culturel. (art. 333)

Nation DC départements, districts, communes, entités décentralisées. (art. 368)

29 Dans le texte constitutionnel, le mot ‘cultura’ attribue aussi plusieurs traits alternatifs à l’identité nationale : ‘cultura indígena’ (culture indigène), ‘cultura raizal’ (culture créole), ‘cultura palenque’ (culture “palenque”), ‘cultura gitana’ (culture gitane), ‘cultura negra’ (culture des noirs), ‘valores culturales de la nación’ (valeurs culturelles de la nation), ‘patrimonio cultural’ (patrimoine culturel), ‘bienes culturales’ (biens culturels), ‘diversidad cultural entonces diversidad étnica’ (diversité culturelle donc diversité ethnique), ‘recursos culturales’ (ressources culturelles).

Le discours indigéniste face au discours raciste

30 Les représentations des citoyens ne sont pas toujours en accord avec celles véhiculées par le discours constituant de la Charte de 1991. Par exemple, j’ai constaté un cas de discrimination et de violence verbale dans un manuel scolaire. Le manuel est un discours pédagogique. Il vise la construction de représentations chez les élèves. L’intention de l’énonciateur est d’expliquer un phénomène social, de permettre aux élèves de comprendre une réalité à propos d’une thématique déterminée.

31 Les segments textuels que j’ai étudiés proviennent de la troisième partie du texte scolaire Viajeros (Melo : 2009), intitulée « Relaciones ético-políticas : sistema político colombiano » (Relations éthico-politiques : système politique colombien), et de l’unité 13, intitulée « Formación del Estado y la nación en Colombia » (formation de l’État et de la nation en Colombie) :

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Tableau 3 : Extrait du manuel scolaire Viajeros (2009)

Segment Traduction

La política, el Estado y la naciónEl Estado es el La politique, l’État et la nationL’État est conjunto de instituciones que administran y l’ensemble des institutions qui administrent et gobiernan un territorio ; de habitantes que gouvernent un territoire, l’ensemble des comparten algunas características culturales habitants qui partagent certaines (que conforman una identidad nacional), tales caractéristiques culturelles (qui constituent une como una lengua y un pasado común, y de identité nationale), telles qu’une langue et un passé símbolos, como un escudo, una bandera o una commun, et des symboles tels qu’un blason, un selección de fútbol.La nación está compuesta drapeau ou une équipe de football.La nation est por una colectividad que tiene una identidad de composée d’une collectivité qui a une identité de grupo, y aunque la mayoría de veces comparte groupe. Et même si dans la majorité des cas, elle un territorio y unas instituciones, existen casos partage un territoire et des institutions. Il existe en los que las naciones no tienen un territorio des cas où les nations n’ont pas de territoire et, y, por consiguiente, no pueden centralizar e par conséquent, ne peuvent pas centraliser et institucionalizar un Gobierno, es decir, son una institutionnaliser un gouvernement, c’est-à-dire nación sin Estado, situación que viven los que ce sont des nations sans État. Les membres de miembros de la comunidad judía y del pueblo la communauté juive et du peuple des gitans de los gitanos. (Melo 2009 : p. 119). vivent cette situation. (Melo 2009 : p. 119).

32 La valeur argumentative observée dans ce segment peut être représentée dans des associations externes de signification argumentative :

Tableau 4 : Associations du mot identité dans le manuel scolaire

Caractéristiques culturelles communes même langue passé commun Identité nationale DONC symboles blason drapeau équipe de football

DONC

collectivité nation Identité de groupe DONC territoire institutions centraliser et institutionnaliser un gouvernement

33 Ce segment est conforme aux valeurs véhiculées dans les articles 68, 310 et 55 de la Constitution. Mais ce discours démocratique, qui se trouve dans la page 119 de ce manuel, est précédé d’un discours raciste (page 118). Les deux discours sont mis en vis- à-vis :

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Illustration : Représentations discriminatoires

Page 118 du manuel scolaire Viajeros

34 Ce discours raciste contraste, notamment, avec l’énoncé 001 de la Constitution : « Les personnes membres des groupes ethniques auront droit à une formation qui respecte et développe leur identité culturelle.) (art. 68). Afin d’interpréter ce discours discriminatoire, je l’ai organisé selon l’« espace géographique » dans lequel sont mis en scène les personnages : le pont.

Tableau 5 : Association du discours raciste avec l’image visuelle du pont

RAE : Diccionario de la Real Academia Española.

← Le pont →

Extrémité nord-ouest Extrémité sud-est

LES SCIENTIFIQUES Versus LES AUTOCHTONES

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(ii) natif (autochtone). (Du lat. natīvus) 1. adj. Ce (i) scientifique. (Du lat. qui appartient ou ce qui est relatif au pays ou à Scientifĭcus). 1. adj. Ce qui l’endroit où qqn est né. (RAE.)(iii) tribu. 2. f. appartient ou ce qui est groupe social primitif partageant une même « Relations relatif à la science. 2. adj. origine, réelle ou supposée, dont les membres ont éthico- Celui qui se consacre à une souvent des us et coutumes en commun. (RAE.) politiques : ou plusieurs sciences. 3. adj. (iv) cannibale. 1. adj. Anthropophage. 1. adj. Pour système Ce qui est en rapport avec les parler d’une personne : Qui mange de la chair politique exigences de précision et humaine. 2. adj. Pour parler des sauvages des colombien » d’objectivité propres à la Antilles que l’on croyait anthropophages. 3. adj. méthodologie des sciences. Pour parler d’un homme : Cruel et féroce. 4. adj. (RAE.) Pour parler d’un animal : Qui mange la chair des autres animaux de sa propre espèce. (RAE.)

35 Dans le manuel (Illustration 1), le mot ‘científicos’ (scientifiques) est confronté au mot ‘ nativos’ (autochthones 13). Ce dernier est associé aux représentations linguistiques ‘tribu’ (tribu) et ‘caníbal’ (cannibale). L’intension du mot ‘scientifique’ (c’est-à-dire l’ensemble de ses propriétés sémantiques) donne une image positive des deux personnages, qui portent des blouses blanches de laboratoire, mis en scène dans l’illustration.

36 La définition du mot espagnol ‘nativo’ montre que son intension vise l’objectivation des contenus sémantiques. La lexie ‘tribu’ peut convoquer la représentation ‘ primitif’. Cependant, la visée objectivante reste stable. Par contre, la lexie ‘cannibale’ attribue aux deux mots (‘nativo’ et ‘tribu’) des valeurs modales carrément négatives. Ce mécanisme discursif montre une intention d’occultation de la subjectivité de la part des auteurs du manuel. Il y a une discordance entre la subjectivation des contenus (par les valeurs négatives convoquées) et l’objectivation (par les formes linguistiques positivistes – connaissances scientifiques – mobilisées) (Galatanu 2000 : 92).

37 Le mouvement d’objectivation-subjectivation peut être étudié à partir de la signification du mot, inscrite dans les dictionnaires et dans le contexte sémantique et pragmatique de production de l’énoncé. Cette fonction discursive s’appelle « modalisation d’énoncé ». Elle concerne « l’inscription dans le discours de l’attitude du sujet communiquant à l’égard du contenu de son énoncé » (Galatanu 2002 : 20). Cette fonction peut être organisée sur une échelle graduelle :

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Figure 2 : Échelle graduelle des valeurs modales (Galatanu 1997 : 25)

38 (i) L’emploi du mot ‘scientifique’ convoque plusieurs valeurs modales (voir tableau 5) :

39 a. ‘science’ : valeur <épistémique> (elle est relative au savoir, à la connaissance) ; b. ‘ profession’ : valeur (elle concerne le monde social et l’appréhension ou perception de ses normes et de ses règles), valeur (cette évaluation a rapport à un jugement positif au niveau de l’activité des deux personnages, leur activité est utile, efficace, importante), valeur (l’évaluation des préférences intellectuelles des deux personnages est considérée comme intéressante) ; c. ‘exigence’ : cette lexie convoque des valeurs et ; d. ‘précision’ : valeurs <épistémiques> et ; e. ‘objectivité’ : valeur <épistémique> ; f. ‘ méthodologie’ : valeur .

40 (ii) L’emploie du mot ‘nativo’ (autochtone) convoque des valeurs objectivantes (voir tableau 5) :

41 a. ‘naître dans un pays’ : valeur (elle concerne le monde naturel tel qu’il est perçu et représenté dans et par la langue, ce qui est nécessaire) ; la valeur est aussi présente dans sa signification.

42 (iii) La lexie ‘tribu’ convoque des valeurs objectivantes (voir tableau 5) :

43 a. ‘groupe social’ : valeur ; b. ‘primitif’ : la valeur <étique-morale> est activée de manière négative de par l’association avec le mot ‘cannibale’ (il s’agit d’une évaluation éthique négative portant sur le champ d’expérience humaine et sur la culture, l’évaluation fait appel à un stéréotype culturel négatif concernant les indigènes) ; c. ‘origine’ : cette représentation convoque une valeur , elle est donc objectivante ; d. ‘coutumes’ : la valeur objectivante est convoquée, mais la valeur <éthique-morale> de cette représentation est contaminée par la visée axiologique négative du mot ‘cannibale’.

44 (iv) En ce qui concerne la lexie ‘cannibale’, elle donne un caractère nettement négatif/ dérisoire de la figure de l’indigène aux élèves (voir tableau 5) :

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45 a. ‘anthropophage’, ‘mangeur de chair humaine’ : des valeurs axiologiques négatives sont activées, l’évaluation <éthique-morale négative> s’étend vers l’ensemble des individus reconnus comme indigènes, la valeur évalue négativement les attitudes des indigènes en les associant à un champ d’expérience qui n’est pas en accord avec la civilité, cette représentation renforce et confirme les valeurs négatives activées par la représentation ‘primitif’, la valeur convoquée par le manuel rend encore plus subjectivante l’évaluation portée sur les indigènes, elle concerne l’expérience psychologique ; b. ‘sauvage’ : des valeurs <éthiques-morales> et négatives sont associées aux autochtones ; c. ‘cruel’ : cette représentation convoque des valeurs <éthiques-morales> et négatives ; d. ‘féroce’ : valeurs <éthiques-morales>, et négatives, cette dernière implique un jugement au niveau de l’action qui est le fruit des pulsions et des désirs humains ; e. ‘animal’ : cette représentation renforce le caractère des valeurs « axiologiques » et « finalisantes ».

46 Les valeurs modales sont inscrites dans la signification du mot. Elles sont modalisées dans et par le discours et par la situation de l’énoncé.

47 Le mécanisme discursif que j’ai remarqué dans ce manuel répond à un processus d’aléthisation. Il s’agit d’un processus d’objectivation du discours. L’abstraction la plus forte est réalisée par le phénomène d’aléthisation, car les valeurs du « bien » et du « mal », étant aléthisées, acquièrent un statut de « lois naturelles ». C’est-à-dire que, dans ce cas, elles ne sont pas définies comme système de normes et de règles sociales (déontique) ni comme système de croyances religieuses (doxologique), mais comme nature humaine (aléthique). Ce processus d’aléthisation, dans le cas étudié, a des conséquences sur les représentations des élèves concernant le peuple indigène. De même, il contribue au niveau de l’identité nationale à la construction du « mythe de la nation violente 14 » : « Psychiatrist José Socarrás suggested that ferocious, cannibalistic Indians, such as the Pijaos of Gran Tolima, left a strain of innate aggressiveness in their descendants that “naturally” caused them to tend toward violence. Sociologist Everett Hagen, in his short essay “The Necessity of Aggression in Colombia”, explored the same tendency, but called it a response learned over centuries of domestic violence. Historian Jaime Jaramillo Uribe found significance in the fact that the areas of strongest violence were those where Spanish colonial government had rested most lightly. The same argument was made in a slightly different way by Luis Duque Gómez, who found that theaters of Violencia coincided with areas of modern colonization. Demographic pressure was offered as a causal factor by both Bernardo Gaitán Mahecha and Germán Guzmán, and Luis López de Mesa wondered if the lack of protein in the diet of mountain dwellers was not an important component. » (Henderson 1942 : 9).

48 Le processus d’aléthisation montre l’intrication d’une représentation du monde (physique, social, politique, subjectif) et d’une activité énonciative. Selon le contexte étudié dans le manuel, ce processus peut jouer le rôle d’un mécanisme discursif ayant pour but la mise en œuvre d’un déterminisme social et culturel en évoquant un déterminisme héréditaire : la création de faits de mémoire collectifs façonne notre perception des événements médiatiques et, plus largement, du fait public (Calabresse- Steimberg 2010 : 4). Ce déterminisme peut subsister sous forme de significations linguistiques dans la pensée des individus et donc dans leurs projections sur l’avenir (les représentations collectives). Ces significations peuvent déterminer leurs représentations sur eux-mêmes et sur les autres et, par voie de conséquence, leurs actions. Cependant, un individu qui est, a priori, déterminé par le contexte socio- culturel et économique n’est pas nécessairement déterminé par ses croyances, ses

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désirs, ses pensées ou même ses actions passées. Il peut être en désaccord avec le système de valeurs et de représentations véhiculées dans le contexte de vie auquel il est déontiquement rattaché. Son environnement ne détermine pas sa nature. C’est le holisme sémantique (Pacherie 1997) qui structure sa cognition.

49 Tout compte fait, dans ce manuel de 2009, j’ai constaté une cohabitation entre le discours indigéniste non assimilationniste (indianisme) et le discours raciste. Au XIXe siècle, le discours indigéniste, en dépit de ses bonnes intentions, soutenait les idées racistes qui attribuaient à l’indien une nature inférieure. La cohabitation de ces deux discours dans ce manuel scolaire est donc l’héritage du discours raciste, eugéniste et indigéniste du XIXe siècle. À cette époque, la cohabitation de ces différentes représentations dans la société colombienne a donné comme résultat la création des castes comme fondement de l’identité nationale. En effet, l’identité de l’indigène était construite à partir de formes linguistiques monovalentes comportant des valeurs à visée négative : ‘barbaros’ (barbares), ‘primitivos’ (primitifs), ‘incultos’ (incultes), ‘perezosos’ (paresseux), ‘moralmente degradados’ (moralement dégradés) (Uribe 2005 : 227-241). Cette conception de l’identité nationale a retardé l’invention de la nation civique moderne (Almario 2005 : 804-809). Les traces du discours raciste dans ce manuel des sciences sociales montrent une lutte discursive entre deux systèmes de représentation, entre deux formations discursives en Colombie. L’identité nationale colombienne évolue de manière antinomique 15. Il existe une tension entre les deux systèmes de valeurs identitaires.

Le discours des acteurs sociaux

50 J’ai recueilli au moyen d’un questionnaire le discours de 43 élèves. L’enquête a été réalisée au sein d’un lycée public en Colombie, dans la ville de Ibagué située dans le département du Tolima. Elle porte sur la signification du mot ‘identidad’ (identité) et peut être corrélée à l’identité nationale colombienne. L’étude des questionnaires m’a permis de constituer 18 groupes de représentations. Elles sont organisées selon leurs fréquences (marquées entre parenthèses) : Identité DC

51 1. personnalité (38) ; 2. personne (30) ; 3. culture (28) ; 4. idées (23) ; 5. valeurs (21) ; 6. famille (18), coutumes (18), prénom (18) ; 7. caractère (14), soi-même (14), unique (14), façon d’être (14) ; 8. pays (13), traits physiques (13) ; 9. nationalité (11), croyances (11), vie (11) ; 10. race (10), différence (10), manière de penser (10) ; 11. pensée (9), identification (9), éducation (9) ; 12. musique (8), histoire (8), sexe (8) ; 13. religion (7), âge (7), société (7), être humain (7), façon de s’exprimer (7) ; 14. caractéristique (6), études (6), morale (6), idéologie (6) ; 15. être (5), communication (5), données personnelles (5), connaître (5), s’identifier à (5), se faire connaître (5), se connaître (5), s’identifier (5), attitudes (5), façon d’agir (5) ; 16. carte d’identité (4), document d’identité (4), estime de soi (4), nation (4), politique (4), socialisation (4), entourage (4), identifie (4), qualités (4), image (soi/autres) (4) ; 17. personnelle (3), langue (3), responsabilité (3), originalité (3), se/me voir (3), être aimable (3), style (3), travail (3), football (3), confiance en soi (3), se différencier (3), définir (3), démontrer (3), quelque chose (3), mot (3), être identifié (3), connaître les autres (3), propre (3), provenance (3), être reconnu (3), origine (sociale) (3), habitat (social) (3), différent (3), goût (3), se présenter (3), distinguer (3), comportement (3), façon de vivre (3) ; 18. nourriture (2), ami (2), honnêteté (2), savoir (2) , permettre (2), propriété (2), traces (2), respect (2),

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valorisation (2) , intérieur (2), une copie (2), superficielle (2), émotion (émotionnelle) (2), monde (2), se sentir soi-même (2), raisons (fondements) (2), être spécial (2), défauts (2), façon de s’identifier (2), chose (2), se montrer (2).

52 Ces groupes donnent un aperçu des représentations prédominantes, celles qui ont une incidence plus forte sur le discours des élèves. Les représentations véhiculées par le discours indigéniste, la Constitution et le manuel scolaire ne font pas la majorité. Au contraire, leur incidence est très faible. L’influence d’un discours psychologisant est transparente.

53 Certaines formes mobilisées par les élèves, par associations dans le questionnaire, ont permis d’identifier leurs représentations sur l’identité nationale : culture, coutumes, carte d’identité, documents d’identité, provenance, pays, nationalité, langue, histoire, nation, race, football. Dans ce même questionnaire, j’ai demandé aux élèves de donner une définition de l’identité. Cette stratégie avait pour fonction de les inciter à expliciter leurs représentations afin d’obtenir un discours plus authentique. Cette stratégie a permis d’identifier les représentations ethnie, indigène, indien, aborigène.

54 La population questionnée appartient à ce que le DANE appelle la « société majoritaire colombienne ». C’est-à-dire que cette population ne se sent pas directement concernée par la formation d’une identité ethnique comme c’est le cas des populations amérindiennes. Cependant, le questionnaire montre que la sensibilisation au discours indigéniste est fonctionnelle. En fait, dans la section C du questionnaire, les élèves devaient associer, au moyen d’un formulaire avec des cases à cocher, 47 formes linguistiques à des fréquences : “nunca” (jamais), “raramente” (rarement), “algunas veces” (parfois), “a menudo” (souvent), “siempre” (toujours). Ces cinq adverbes construisent une échelle de fréquence. Ainsi, l’association d’une forme à un des cinq adverbes désigne la fréquence avec laquelle cette forme est associée à l’identité. Les quarante-sept formes linguistiques correspondent à des stéréotypes du mot ‘identidad’ relevés du manuel scolaire étudié. J’ai transformé cette échelle de fréquence en échelle de valeurs :

Tableau 6 : Échelle de fréquences et leurs valeurs modales

Jamais Rarement Parfois Souvent Toujours

55 Le discours indigéniste est fonctionnel parce qu’il a quand même une incidence sur les représentations de certains élèves. Le plus surprenant c’est l’acceptation du mot ‘indio’ (indien), car en Colombie il est corrélé au bagage lexical de la violence verbale. Il est considéré comme une insulte raciste. Qualifier quelqu’un de ‘indio’ alors qu’il n’appartient pas à la population amérindienne c’est un affront (acte ou parole dictés par la volonté d’humilier quelqu’un, de lui témoigner, en face et de préférence publiquement, son mépris). En effet, l’échelle de fréquence montre que cette représentation sur l’identité colombienne n’est plus refusée ou exclue. Elle est devenue possible : Indio (indien) :

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Tableau 7 : Échelle de fréquences associée aux valeurs modales

Jamaisnégatif Rarement négatif Parfois Souvent positif Toujours positif

fort faible bivalent faible fort

24 9 6 1 0

56 Certes, la majorité d’élèves n’associe pas ce mot à l’identité, mais il y en a quand même 16 (9+6+1) qui pensent que cette représentation est possible. Ils sont 40 à avoir signalé une fréquence pour cette représentation. En effet, deux élèves n’ont pas coché de case et un autre en a coché deux pour une même option, ce qui annule son choix. Seule 1 personne associe le mot ‘indio’ à l’identité de manière positive. 6 personnes lui donnent une visée argumentative bivalente et 9 personnes acceptent cette représentation comme faisant partie de l’identité colombienne. Pour 24 élèves, cette représentation est exclue.

57 La fréquence d’association d’un mot à l’identité dépend de sa visée argumentative. Dans le contexte socio-culturel colombien, le mot ‘indio’ peut signifier entre autres choses « personne non civilisée » donc « sauvage ». Cela pourrait expliquer pourquoi c’est le seul mot qui a une fréquence 0 dans la valeur .

58 En outre, en comparant les fréquences des représentations cochées plus de 20 fois, on obtient que la fréquence contient les taux de fréquences les plus élevées concernant les mots aborigène (22 fois), indigène (21 fois) et indien (24 fois). Ces taux contrastent avec les fréquences les plus élevées de la valeur constituées par les mots prénom (23 fois), personnalité (26 fois) et valeurs (20 fois).

59 Le mot diversité dans la liste des 47 mots avait pour fonction de vérifier la notion de « nation plurielle » qui est véhiculée dans la Constitution et le système éducatif afin de reconstruire l’identité nationale. Selon les chiffres observés, 16 élèves considèrent que la notion de diversité n’est pas pertinente pour parler d’identité, 19 pensent que cela est possible et seulement 4 associent l’idée de diversité à l’identité.

60 L’analyse de l’ensemble du questionnaire a montré que le mot personnalité a la fréquence d’usage la plus élevée. Il a été mobilisé 64 fois. Et il a obtenu le taux d’occurrences le plus élevé concernant la valeur (26 fois). En effet, quand il s’agit d’identité, les élèves pensent d’abord et, presque, exclusivement à leur identité personnelle individuelle plutôt que plurielle. En réalité, le lien entre l’identité individuelle et l’identité collective est établi par les représentations de la culture personnelle et la reconnaissance d’une culture nationale.

Conclusion

61 Les représentations individuelles et collectives des acteurs sociaux se construisent en tant que phénomènes discursifs. L’étude de la production discursive des acteurs sociaux a permis d’identifier les formes linguistiques qu’ils mobilisent, les valeurs que ces formes convoquent et les représentations qu’elles construisent par rapport à l’identité nationale. Dans la structure interne de la Constitution, les formes linguistiques ‘ indígena’ (indigène), ‘negras’ (noires), ‘raizales’ (créoles), constituent un objet matériel et concret permettant, selon le projet constitutionnel en matière d’identité nationale, la

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reconnaissance des communautés différentes de la « société majoritaire ». La prédominance du mot ‘indígena’ (indigène) face aux deux autres mots (19 occurrences face à 1 occurrence du mot ‘noires’ et 1 occurrence du mot ‘raizales’) laisse conclure – en tenant compte de l’information que nous avons obtenue à propos des agents qui ont participé à l’ANC – que la préoccupation pour la reconnaissance des groupes ethniques, dans la Constitution, est née du discours indigéniste non assimilationniste (l’indianisme). Celui-ci est le résultat du processus évolutif de la construction des représentations discursives sur l’identité de l’indien d’Amérique du Sud. Les représentations de ce que la Constitution appelle ‘comunidades étnicas’ (communautés ethniques) ont été donc corrélées, au début, aux communautés indigènes. Actuellement, quand on parle de groupes ethniques, on comprend les quatre groupes reconnus officiellement comme tels. Le Département administratif national de statistique (DANE) de Colombie, qui a pour tâche le recensement de la population colombienne, décrit celle-ci comme « pluriethnique » conformément à la Constitution de 1991. Cependant, les objets des représentations véhiculées par le stéréotype identitaire ‘grupos étnicos’ (groupes ethniques) dans la structure interne du texte de la Constitution ne sont pas transparents. En effet, le mot « pluriethnique » n’apparaît pas dans la Constitution ni le mot « multicultural » (multiculturel) ou « multiculturalidad » (multiculturalité). Par contre, on y trouve 1 fois le mot ‘pluralista’ (pluraliste) : « La Colombie est un État Social de Droit, organisé sous forme de République unitaire, décentralisée, avec autonomie de ses entités territoriales, démocratique, participative et pluraliste, […] » (article 1). C’est la seule occurrence que j’ai trouvée faisant référence à la diversité du pays. La représentation « pluriethnique » est construite à partir de l’association ‘identité nationale donc identité culturelle’ qui active plusieurs valeurs modales (figure 2). Ces valeurs ont été déontologisées et construisent l’identité pluraliste à partir de ce qui peut être considéré comme ‘étnico’ (ethnique) : [ethnique DC communautés, DC groupes DC indigènes, noires (palenqueros, raizales), roms ou gitanes]. Le mot ‘étnico’ (ethnique) apparaît 8 fois dans la Constitution (articles 7, 10, 63, 68, 72, 108, 176). Dans l’article 72, on désigne l’objet ‘ patrimonio arqueológico’ (patrimoine archéologique) comme étant une classe d’objets constituant l’identité nationale. Ici, le patrimoine archéologique est classé dans la catégorie ‘bien cultural’ (bien culturel). Ce sont donc des biens culturels qui composent l’identité nationale colombienne. Deux autres aspects de l’identité nationale sont signalés dans cet article. D’une part, la Constitution proclame que ces biens culturels appartiennent à la nation : ‘pertenecen a la Nación’. Ce qui est conforme à l’expression ≈ . D’autre part, ces objets sont déclarés ‘inalienables’ (inaliénables), ‘ inembargables’ (insaisissables), ‘imprescriptibles’ (imprescriptibles). Ces qualifiants reconnaissent aux biens culturels de la nation des valeurs <économiques> (des qualités économiques). Le mot ‘bien’ convoque d’autres valeurs positives ou estimables : , , , , <économique>, ). En outre, l’analyse du manuel scolaire visait à construire un lien entre les discours constituants juridique et pédagogique et les questionnaires. J’ai constaté dans le manuel la présence d’un discours raciste qui cohabite avec un discours démocratique. Cette cohabitation se produit dans l’unité du manuel qui est dédiée à l’explication du « système politique colombien », dans laquelle il est question des « relations éthico-politiques ». J’ai expliqué comment ce phénomène était discursivement possible. Je n’ai pas trouvé de traces d’intertextualité, dans le manuel, concernant le discours raciste. Par contre, le discours démocratique renvoie clairement au texte de la Constitution Colombienne de 1991. Cet événement témoigne du lien entre le projet de reconstruction de l’identité

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nationale et le système de l’éducation colombienne. Le contraste des valeurs véhiculées par la Charte politique avec le discours raciste du manuel indique qu’il existe, très probablement, une intrication entre deux systèmes de valeurs antinomiques dans la société colombienne qui structure les représentations de l’identité nationale. On remarquera que le discours indigéniste, présent dans la Constitution et véhiculé dans le système éducatif colombien, a fait évoluer les représentations des élèves concernant l’identité nationale. Cependant, l’évolution de ces représentations, perçues, construites et orientées par le contenu modal linguistique du discours est un processus lent. Il nécessite un temps indéterminé pour pouvoir reconstruire l’identité de la nation en termes de pluralité ethnique et culturelle. Une étude comparative entre la Constitution de 1886 et celle de 1991 peut rendre compte de la tension qui existe entre les deux systèmes de valeurs identitaires nationaux. Les deux chartes constitutionnelles contiennent des traces discursives qui témoignent d’un phénomène d’incidence interdiscursive antinomique. Ce phénomène est lié à la construction de représentations ontologiques de la société colombienne et à leur acquisition au moyen des institutions éducatives.

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NOTES

1. La sémantique étudie la signification linguistique. L’approche historique rend compte de l’évolution de la signification du mot. Dans le cadre de la SPA, l’ALD est définie comme « l’analyse des mécanismes sémantico-discursifs et pragmatico-discursifs de construction du sens. » (Galatanu 2009 : 50) et l’analyse du discours (AD) est appréhendée comme « l’étude d’une pratique langagière de construction de soi et du monde ». La SPA met en relation l’ALD et l’AD avec la sémantique lexicale (appréhendée comme un modèle de description de la signification lexicale, permettant de rendre compte de l’ancrage dénotatif et du potentiel argumentatif et axiologique) et avec la sémantique textuelle (appréhendée comme un modèle de description des traces, dans le texte, des mécanismes discursifs de construction du sens) (Galatanu 2009 : 51). Cette mise en relation a pour but de rendre compte de la signification lexicale des mots, de leur potentiel à la fois argumentatif et axiologique. Les mécanismes pragmatico-discursifs sont des déploiements discursifs dépendants du contexte de production des énoncés et les mécanismes sémantico-discursifs sont des déploiements discursifs dépendants de l’environnement sémantique porté par le texte (Galatanu 2009 : 52). L’ALD prend en charge aussi l’étude du phénomène de modalisation « formes modales (choix de marques, de formes linguistiques) mobilisées et de valeurs convoquées (par ces choix linguistiques) » (Galatanu 1999 : 44). Dans cette démarche d’analyse, le discours est perçu en tant qu’activité langagière, conformément à l’objet de la « pragmatique linguistique intégrée » qui se propose d’étudier « le processus de production-interprétation du sens, de sémiotisation du monde par le discours (entendu comme activité langagière), à partir des traces qu’une ou plusieurs occurrence(s) discursive(s) laisse(nt) dans le(s) texte(s) produit(s) ; et les éléments de la langue qui témoignent de sa vocation discursive. » (Galatanu 1997 : 15-16). 2. L’incidence interdiscursive est envisagée en tant que traçabilité du sens discursif dans une perspective holiste, comprise comme associative. Traçabilité discursive des représentations identitaires véhiculées par des unités linguistiques (mots et textes). C’est sont les traces

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discursives et argumentatives de ces représentations identitaires déployées (effectivement réalisées) dans différents contextes sémantiques qui construisent le sens de manière holiste, c’est-à-dire que si l’on contextualise le discours par rapport à la « clôture du texte », le sens en discours quant à lui ne se limite pas à cette clôture. Le sens des représentations linguistiques produites dans une activité langagière a une incidence sur d’autres activités langagières qui ne se limite pas à un type de discours ou à un genre de texte. La circulation du sens discursif n’a pas de frontières. L’interdiscursivité peut donc être associée à la circulation du sens d’un genre de discours (dans notre cas : identitaire) dans différentes activités langagières. L’interdiscursivité ainsi envisagée peut être abordée en tant qu’incidence discursive holiste du sens des représentations étudiées. 3. « […] sont constituants essentiellement les discours religieux, scientifique, philosophique, littéraire, juridique. Le discours politique nous semble opérer sur un plan différent, construisant des configurations mouvantes à la confluence des discours constituants, sur lesquels il s’appuie, et les multiples strates de topoi d’une collectivité. » (Maingueneau et Cossutta 1995 : 113). 4. Toutes les traductions des auteurs hispanophones cités ont été faites par moi. 5. ARTICLE 47. GAZETTE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE. Toutes les décisions judiciaires proférées par la Cour constitutionnelle seront publiées dans la “Gazette de la Cour constitutionnelle”, laquelle devra être publiée mensuellement par l’Imprimerie nationale. Un exemplaire de la Gazette sera distribué à chacun des membres du Congrès de la République [l’organe législatif : Sénat et Chambre des représentants] et à tous les services judiciaires du pays. La Cour constitutionnelle disposera d’un système de consultation systématisée de la jurisprudence, à laquelle toute personne aura un accès. (« Jurisdicción constitucional », dans Ley 270 de 1996 Estatutaria de la Administración de Justicia, (capítulo IV, artículos 43 a 49), Disponible sur : http:// www.acnur.org/t3/fileadmin/ scripts/doc.php ?file=t3/fileadmin/Documentos/BDL/2008/6553). Ma traduction. 6. Forces Armées Révolutionnaires de Colombie. 7. Armée de Libération Nationale. 8. Departamento Administrativo Nacional de Estadística. Ce département est l’équivalent en France de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). 9. La population colombienne est divisée traditionnellement en trois groupes : amérindiens (natifs, depuis 25.000 ans), espagnols et européens (colons, XVIe siècle au XIXe siècle), africains (esclaves noirs, à partir du XVIIe siècle). Ces groupes ont généré plusieurs groupes ethniques : métis (indigène-blanc), mulâtre (noir-blanc), zambo (indigène-noir). C’est sur la base des cultures amérindiennes colombiennes que se forme l’identité actuelle du colombien. Les colombiens amérindiens constituent aujourd’hui 1,5 % de la population [selon le recensement du DANE de 2005, ils constituent un 3,43% de la population]. Ce chiffre comprend ceux qui ne se sont pas intégrés aux processus de métissage du pays. Le métis est le premier type de métissage qui apparaît et il devient le groupe majoritaire. (Colombia aprende : la red del conocimiento, « Mestizaje en Colombia ». [En ligne], 10 paragr. Disponible sur : http:// www.colombiaaprende.edu.co/html/home/1592/article-88867.html. 10. Le décret du 24 septembre de 1810 a proclamé que les indiens étaient égaux au reste des citoyens. Cependant, en 1890, la loi 89 du 25 novembre a décrété qu’il fallait donner un traitement spécial « au gouvernement des sauvages qui se sont réduits à la vie civilisée ». Cette loi était inscrite dans le contexte de la Constitution de 1886 qui avait des traits autoritaires, centralistes et catholiques. Elle instaurait l’hégémonie conservatrice. On s’est tourné vers le modèle colonial : l’église et les missions catholiques avaient pour tâche d’intégrer les indiens à la nation. Les indigènes « réduits » à la vie civile étaient appelés « sauvages » ou « semi-sauvages » (Almario 2005 : 816). 11. « Les “raizales” sont une communauté ethnique parce qu’ils ont leur propre langue et culture développées à partir de leurs origines africaines, européennes et caribéennes. Leurs origines

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culturelles afro-anglo-antillaises se manifestent en une forte identité culturelle qui se différencie du reste de la population colombienne. Les “raizales” possèdent leur propre langue, le “Criole”. Ils représentent entre le 30 et 35% du total des 80.000 habitants de l’Archipel. La langue “raizal” est l’un des dialectes caribéens de l’anglais, lesquels ont beaucoup d’africanismes. (Universidad del Rosario, « Comunidad raizal ». [En ligne], 5 paragr. Disponible sur : http:// www.urosario.edu.co/jurisprudencia/catedra-viva-intercultural/ur/Comunidades-Etnicas-de- Colombia/Comunidad-Raizal/. 12. C’est moi qui propose de traduire « raizal » par « créole ». 13. Je n’ai pas traduit le mot espagnol ‘nativo’ par le mot français ‘natif’. Dans ce contexte sémantique, le mot ‘autochtone’ permet de mieux comprendre, en français, les représentations et les valeurs convoquées par le mot ‘nativo’. La définition que je présente dans le tableau 5 est une traduction du mot espagnol ‘nativo’. 14. Voir Patiño 2005. 15. « Dans l’antinomie mathématique, une proposition est l’opposé quantitatif de l’autre, mais elles ont la même condition et sont, par suite, toutes les deux fausses. Dans les propositions dynamiques, l’une est l’opposé qualitatif de l’autre, mais la condition est différente, par suite, les deux propositions peuvent être vraies. » (Kant 1780 : 151, M39’).

RÉSUMÉS

Les représentations individuelles et collectives des acteurs sociaux se construisent en tant que phénomènes discursifs. J’étudie des représentations identitaires issues de la Constitution colombienne de 1991, d’un manuel scolaire des sciences sociales et d’un groupe d’élèves de terminale appartenant à un lycée public en Colombie. Je rends compte des représentations et des valeurs autour de l’identité nationale colombienne selon une perspective interdiscursive : le discours institutionnel influence le discours pédagogique et, par voie de conséquence, celui des élèves. Le premier est un « discours constituant ». Le deuxième est un vecteur de transmission des représentations véhiculées par le premier.

Las representaciones individuales y colectivas de los actores sociales se construyen como fenómenos discursivos. Estudio en este articulo las representaciones identitarias a partir de la Constitución de Colombia de 1991, de un libro de texto de Ciencias Sociales y un grupo de estudiantes de último año de una liceo público en Colombia. Parto de las representaciones y valores acerca de la identidad nacional de Colombia con una perspectiva interdiscursiva : el discurso institucional influye en el discurso pedagógico y, en consecuencia, el de los estudiantes. El primero es un "discurso constituyente." El segundo es un vector de transmisión de representaciones transmitidas por el primero.

INDEX

Palabras claves : identidad nacional, interdiscursividad constitución de Colombia, Colombia Mots-clés : identité nationale, constitution colombienne, interdiscursivité, Colombie

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AUTEUR

JUAN PABLO PRIETO

Docteur en Sciences du langage de l’Université de Nantes prietoguzmanjuanpablo[at]yahoo.fr

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Clase, etnia y región: el Caribe Novogranadino y la mirada del “Otro”. 1750-1830

Leguis A. Gómez

INTRODUCCION

1 La idea de la nación que se imaginó construir la elite criolla en el caso de la Nueva Granada, buscó crear un paralelo aceptable dentro del imaginario de los círculos científicos y académicos europeos de la época. La correlación de ideas entre científicos como Alexander Von Humboldt, José Celestino Mutis y Francisco José de Caldas, evidenciada en sus escritos, muestra un pensamiento homogéneo en relación con el espacio geográfico de las regiones en la Nueva Granada y sus habitantes (Pratt, 1992). En esa búsqueda, todo aquello que no encajaba en la uniformidad, sencillamente no hacía parte del imaginario a construir (Anderson, 1991). El Caribe Novogranadino se convirtió así, en un espacio de frontera (Barth, 2000; Garliz, Jiménez, 2012) no solo por las dificultades geográficas de la Nueva Granada, que lo separaban del gobierno centralizado en Bogotá, sino también por sus habitantes, que lejos de ser considerados como futuros sujetos de la nación en ciernes, fueron excluidos entre otras razones, por su color de piel y su mezcla étnica. (Benitez Rojo, 1996). El sujeto con el que se creó la idea del ciudadano, fue eminentemente blanco y andino, emulando así al de Europa (Hobsbawm, 2000; Annino y Guerra:2003; Ramos, 2013:139).

2 En este trabajo se presenta un análisis de las percepciones que personajes como Humboldt, Mutis, Caldas y otros viajeros que visitaron el Caribe Novogranadino durante el período de este estudio, dejaron plasmadas en sus memorias de viaje. La revisión de sus escritos, muestra cómo se construyó la imagen de la región, en comparación con el centro andino, así como de sus habitantes, mostrándola al mundo académico como una región de frontera, dispersa, inhóspita e infernal y cuyos habitantes y sus conductas arraigadas histórica y culturalmente, les indicaban a los visitantes, que no podían ser parte de la civilización conocida hasta ese momento. El

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advenimiento de la nación colombiana, alejó a la región y a sus habitantes del concierto de las naciones al considerarlos un Otro que no cabía dentro del imaginario aceptado internacionalmente. La mirada del otro se ha manifestado de dos formas. Por un lado, los viajeros se han valido de diarios y relatos de viaje en los cuales han anotado sus experiencias y visiones durante el término de su viaje o bien algunos años después del mismo. Por otro lado, los documentos de la experiencia de funcionarios son una fuente valiosa del modo en que éstos han construido a través de imágenes y discursos, sus visiones de la sociedad colombiana durante la época en cuestión.

3 El artículo está dividido en dos partes. La primera aborda las descripciones que sobre la región del Caribe Colombiano dejaron plasmadas los personajes aquí estudiados a través de sus memorias y diarios de viajes. La segunda parte, analiza sus percepciones sobre los habitantes de la región.

En un mundo inhóspito y entre salvajes

4 Los extranjeros han tenido un papel importante en la historia colombiana. Por un lado, la propia estructura de dominación colonial se fundamentó en la presencia de funcionarios en el manejo de la colonia, a través del control de la esfera burocrática, religiosa y militar, así como en el control del comercio. El periodo colonial atrajo también a un sinnúmero de personas al Nuevo Mundo y la Nueva Granada no escapó a estas visitas, entre estas, no pocos fueron científicos que llevaron a cabo importantes expediciones, como la de José Celestino Mutis junto a Francisco José de Caldas o la de Alexander Von Humboldt; los religiosos que establecieron sus misiones con el fin de llevar la palabra cristiana a todos los habitantes y de paso adoctrinarlos en la fe católica y otros viajeros diplomáticos y exploradores, como lo fue el caso del notable geógrafo francés Eliseo Reclus en su intención de elaborar un compendio de geografía universal.

5 Cada uno de estos sectores dejó grabadas sus impresiones sobre la sociedad a la cual asistían como espectadores. No obstante el hecho de ser espectadores, no pocos de los que observaron las manifestaciones culturales que se vivían en esas sociedades se convirtieron en jueces no siempre imparciales de lo que presenciaron.

6 El proceso que sigue, en el que se subvierten muchas de las normas y virtudes de las que el viajero está formado, lo obliga a pretender universalizar las virtudes de la sociedad a la que pertenece y al hacerlo se vuelve en palabras de Todorov un etnocentrista (Todorov, 2000:21). Esto es, al no poder encontrar las virtudes de donde proviene en las manifestaciones sociales que observa, entonces procede a separar, excluir, diferenciar y discriminar a los Otros, los que no encajan en su orden de valores.

7 Si bien el proceso de universalizar valores de procedencia del observador termina por ubicarlo en una posición preeminente sobre “los otros”, no se puede olvidar que no siempre el observador reconoce los vicios de la sociedad a la que pertenece, más bien los oculta y aunque en su fuero interior sepa y esté acostumbrado a observar los mismos males que ahora aparecen supuestamente nuevos ante sus ojos, dos son los estándares con los que opera:con uno mide su propia sociedad y con otro la sociedad que en sus viajes visita y con la cual, indudablemente, es más intolerante y rígido (Garlan, 1984:141-145).

8 Nosotros somos mejores que los otros, parece ser el pensamiento recurrente en el comportamiento del observador (quien así mismo es un Otro frente a los observados) y

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también la vara de la medida con la cual se compararán incesantemente los comportamientos de los habitantes de los distintos lugares donde el ojo del observador foráneo centra su atención, fenómeno social que, dicho sea de paso, también se experimentó entre los habitantes del Caribe colombiano, así como de la región que habitaban.

9 El “Otro” es por definición, sujeto de atribuciones categóricas directamente proporcionales a lo que no se encuentra en él por parte de quien lo observa. Con otras palabras, sobre el “Otro” recaen categorías contrarias a las que supuestamente posee el observador e interlocutor. Así, a la categoría de civilizado, se le opone la de bárbaro. La categoría de bárbaro denota concepciones de crueldad, salvajismo e incluso primitivismo atribuibles, tal como se verá en este caso a los habitantes del Caribe Colombiano.

10 Igualmente, como sugiere Francisco Fernández Buey, el bárbaro también es por definición inferior, culturalmente hablando (Fernández Buey, 1995:1-2). Una lectura de las concepciones plasmadas por los viajeros y funcionarios españoles en la Nueva Granada, muestra perfectamente el orden de atribuciones categorizantes aquí mencionado. Tal como lo sugiere Irving A. Leonard, lejos de ser una experiencia ilustrativa para el viajero o funcionario, visitar el Nuevo Mundo se convirtió en un proceso que no muchos deseaban repetir, dados los sufrimientos y peligros a los que estaban expuestos según sus memorias y demás escritos (Leonard, 1992:1s). De ahí que frente a una experiencia negativa ante la larga y extenuante travesía, la pérdida de tiempo, los cambios climáticos, el comportamiento “no civilizado” de los habitantes de la región, y en fin, frente a la novedad de lo desconocido, sea lógico pensar en la posibilidad de la pretendida opción por universalizar lo propio frente a lo extraño (Morner, Jaramillo, 2002).

11 Por otro lado, el viajero trae consigo su propia historia. No se trata en lo absoluto de un sujeto de mirada objetiva, limpia, algo así como una hoja de papel sin timbre, o tabula rasa. Por el contrario, llega a los distintos lugares que vista cargado de sus propias visiones sobre el mundo, con objetivos establecidos antes de su llegada. Es decir, se trata de un actor con su libreto, a través del cual “lee” el nuevo ambiente que le rodea y que se apresta a descubrir. No se trata apenas de una lectura seca, de una narración pre establecida:en su viaje el viajero irá descubriendo los desafíos entre su visión de mundo y la realidad ante la que se encuentra, de hecho, su mirada manifiesta su extrañeza y hasta su rechazo ante el espectáculo social y cultural que se presenta ante sus ojos.

12 A mediados del siglo XVIII, los intentos borbónicos por controlar un imperio que se había mantenido independiente gracias a las distancias, lo accidentado de la geografía y a las características particulares de desempeñar y ejecutar las órdenes que provenían desde la metrópolis ibérica, provocaron una inestabilidad que acabaría por polarizar las posiciones de los grupos dominantes criollos en las colonias. Si bien los intentos borbónicos por lograr consolidar su poder y de paso “des-americanizar” el imperio, desestabilizaron el orden colonial, por otro lado llevaron a cabo una tarea que sirvió para conocer cuáles eran las riquezas del medio geográfico que se gobernaba. El despotismo ilustrado, como se ha conocido el régimen, ayudó a desarrollar proyectos de corte científico que intentarían conocer de qué forma estaban constituidas las colonias, con el fin de administrarlas mejor (Lynch, 1991).

13 En el imaginario que sobre el Nuevo Mundo generó en Europa a raíz del descubrimiento, se tejieron numerosas versiones sobre las nuevas tierras y sobre

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quienes las habitaban, de tal manera, que la construcción histórica que sobre ellas se hizo, estuvo en todo momento matizada por los ideales que sobre las nuevas tierras se habían creado en Europa (Bitterli, 1982; Fernández Buey, 1995; Hurbon, 1993; Zea, 1990).

14 Uno de los proyectos más ambiciosos llevados a cabo, paralelo a la famosa labor iniciada por Humboldt, fue la Real Expedición Botánica del Nuevo Reino de Granada, dirigida por el sabio José Celestino Mutis. En dicha expedición llevada a cabo entre 1783 y 1806, Francisco José de Caldas, discípulo de Mutis y conocido en Colombia como “el sabio Caldas”, fue quien emprendió bajo la supervisión de su mentor y albacea, los viajes a lo largo y ancho del virreinato con el fin de consolidar la expedición. En uno de sus escritos, cuyos efectos llevaron a una encarnizada discusión con otros científicos de la época, afirmó lo siguiente : Un calor abrasador y constante (de 27° á 30° Reaumur) reina en las llanuras que hacen basa a esta soberbia (tierra). El hombre que habita estas regiones se desarrolla con velocidad y adquiere una estatura gigantesca, pero sus movimientos son lentos, y una voz lánguida y pausada unida a un rostro descarnado y pálido anuncia que estas regiones no son las más ventajosas para el aumento de la especie humana. (…) Esta es la patria del mosquito insoportable y de esos ejércitos numerosos de insectos, entre los cuales unos son molestosos, otros inocentes, otros brillantes, aquellos temibles. Las aguas cálidas de los ríos anchurosos, están pobladas de peces, y en sus orillas viven…, mil lagartos de escalas diferentes, y el enorme cocodrilo (caimán) ejerce sin rival un imperio tan ilimitado como cruel. (CALDAS, 1912)

15 Del texto se desprende la admiración que sentía Caldas por las dimensiones físicas de los habitantes de la región, al mismo tiempo convenía en que estas mismas complexiones daban a entender, contradictoriamente, que en la misma región (y pese a un desarrollo físico admirable ¡), la vida no podía generarse adecuadamente. Caldas era igualmente inconsciente de que al afirmar tan vehementemente sus apreciaciones sobre el clima, la vegetación, la fauna y los seres humanos que habitaban la región, perdía de vista la noción de cientificidad, para darle cabida en su discurso a percepciones que nada tenían de científicas, entre otras razones, porque Caldas abiertamente rechazaba con sus palabras al hombre tropical. Víctima de las concepciones muy en boga sobre la cuestión del determinismo geográfico en la complexión y el comportamiento de los seres, nuestro personaje no se daba cuenta que sus apreciaciones eran demasiado generales para seguir sosteniendo sus argumentos. No obstante, Caldas no opinaba lo mismo de la región andina del interior del país, debido principalmente a que se le asemejaba mejor a Europa : La región media de los Andes…con un clima dulce y moderado…produce árboles de alguna elevación, legumbres, hortalizas saludables, mieses; todos los dones de Ceres:hombres robustos, mujeres hermosas, bellos colores son el patrimonio de ese suelo feliz. Lejos del veneno mortal de las serpientes; libres del molesto aguijón de los insectos, pasean sus moradores los campos y las selvas con entera libertad. El buey, la cabra, la oveja, le ofrecen sus despojos y le acompañan en sus fatigas. El ciervo, la danta…, el oso, el conejo,.etc, pueblan los lugares a donde no ha llegado el imperio del hombre. (CALDAS, 1912).

16 El hombre y la mujer de la región media de los Andes, a diferencia de los habitantes de la región caribeña colombiana, tenían mejor aspecto, según Caldas y al mismo tiempo, el suelo que pisaban, de por sí solo, al parecer les daba felicidad, cosa que los habitantes de la costa no podían soñar ante tanto animal salvaje acechándolos y ante un clima abrasador.

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17 Francisco José de Caldas, personaje de una pasión desbordante por la ciencia y de un ánimo que admirarían otros científicos de la época, recorría con el mismo esfuerzo y empuje al camino desde Bogotá hasta Quito, o bien desde la capital hasta la costa pacífica colombiana, e incluso hasta la atlántica (caribeña). (Caldas, 1966). Si bien Caldas se mostraba partidario de la autonomía de la Nueva Granada frente el gobierno español, su labor, llevada a cabo ante a representantes del gobierno real, lo obligaba a responder vehementemente a las exigencias que el proyecto de la expedición botánica le planteaba. Sus escritos muestran hasta qué punto sentía que debía estar al lado de otros científicos como Mutis y Humboldt, a quienes admiraba, para poder aprender nuevos conocimientos que en la Nueva Granada no se tenían. De hecho, en sus cartas a Mutis constantemente se quejaba de la falta de preocupación por parte de los gobiernos de turno, de implementar espacios donde el conocimiento pudiera desarrollarse efectivamente. Por ello, sus descripciones sobre el espacio que observaba las hacía de manera tan esforzada, pues quería mostrar a los científicos que llevaban a cabo la expedición (Mutis e incluso Humboldt), que en la Nueva Granada sí había gente dispuesta no solo a aprender sino, también a desarrollar y producir conocimiento.

18 Así pues, Caldas persiguió un aprendizaje del país que lo vio nacer cobijándose en los conocimientos que personajes como Humboldt y Mutis podían proporcionarle. Ello le permitió conocer las distintas caras que componían su patria, al tiempo que lograba identificar la realidad de la Nueva Granada en su conjunto: Si hacemos notar la diferencia que hay en el carácter, en los gustos, en las pasiones, entre el habitante de los climas ardientes y el que vive sobre los andes; si formamos, en general, el cuadro de estas diferentes temperaturas y del hombre que las habita, habremos llenado nuestro objeto. (CALDAS, 1912:302).

19 Con estas palabras, expresaba Caldas el interés principal de su estudio que consistía en centrar su atención en búsqueda de cómo estaba compuesta entonces la Nueva Granada, aunque ya tuviera claro que sólo en las regiones templadas, como la de los Andes, la vida fuera más fácil de ser vivida.

20 La contraposición de climas, caracteres y modos de vida, parece ser, desde la perspectiva de Caldas, el mejor medio para salvaguardar su propio estilo de vida, que era, en últimas, más civilizado al compararlo con los de los habitantes de las zonas tropicales del virreinato: ¿Cuáles son las pasiones, cuáles las virtudes, cuál el carácter del hombre que habita estas regiones ? (…) Sus mujeres en poco se distinguen de los hombres. La belleza, los rasgos delicados que distinguen su sexo en los demás pueblos de la tierra, aquí parece que faltan. Los pechos, la voz y un trozo de lienzo envuelto á la cintura son los únicos caracteres exteriores que las distinguen. Si los rasgos varoniles de su fisonomía las acercan a los hombres, sus ejercicios las confunden con ellos. Carga, recorre, nada, navega con la misma intrepidez y valentía; va a la pesca y sigue al marido á la caza. Es verdad que no se arma ni ataca á las fieras con valor; pero ve los combates con semblante sereno y sin estremecerse. (CALDAS, 1912:302).

21 Estas reflexiones sobre la mujer del trópico se mantenían unidas directamente a su visión general sobre los habitantes de la región en cuestión, pero se puede afirmar que Caldas era incluso más severo con la mujer que con el hombre. Esto debido a que Caldas no escapaba a la visión complementaria del rol que debía mantener ésta en relación con el varón. En las reflexiones de Caldas, claramente se puede notar su predilección por el rol secundario que debía ocupar la mujer con respecto al hombre. Cualquier gesto u actividad que se saliera de lo “normalmente” aceptado por la sociedad de donde él

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procedía, que dicho sea de paso, era la andina, le generaba cierto rechazo que no ocultaba en lo absoluto. Por su parte, refiriéndose al hombre anotaba: El mulato se distingue del indígena sin mezcla por muchos rasgos característicos. Es alto, bien proporcionado, su paso firme…su semblante serio, el mirar oblicuo y feroz; casi desnudo, apenas cubre las partes que dicta la decencia…Intrépido, arrostra todos los peligros y se arroja con alegría sobre un leño en medio de un mar tempestuoso…Las serpientes, estos reptiles que inspira(n) el terror en todos los corazones, apenas conmueven el suyo. Mil veces a triunfado de sus dardos venenosos con las yerbas que tiene a la mano y cuyas virtudes conoce. (CALDAS, 1912:304).

22 La admiración que sentía Caldas sobre el coraje, la valentía y la constitución física del mulato contrastaban, paradójicamente, con el resultado que ejercían sobre él. Es decir, además de generarle temor y hasta cierta envidia por conocer cosas que Caldas desconoce (virtudes de las yerbas), al parecer no existe o no podía existir relación entre el coraje (propio del mulato) y la pasividad del hombre citadino. Su discurso sobre el hombre y la región, lejos de ser homogéneo, mostraba contradicciones relacionadas con la sensación de rechazo y la admiración frente a un espacio y a unos seres que probablemente no sólo a él, sino a otros viajeros, les resultaban igualmente lleno de perplejidades. Sin embargo, Caldas tenía una agenda en mente relacionada con la idea de mostrar una imagen del Caribe distinta a la del interior del país y a renglón seguido reflexionaba consecuentemente lo siguiente: Cuando la sociedad en que vive quiere poner freno a sus deseos,…entonces vuelve sus ojos á los bosques tutelares de su independencia. Cuatro tiestos, una red, una hacha, su cuchilla y su lanza se colocan con velocidad sobre la barca, adonde le siguen su esposa y su familia:rema, atraviesa el laberinto de canales que forman los ríos hacia su embocadura, se hunde después en las selvas, y se arranca para siempre de una sociedad que coartaba sus deseos, ó que castigaba sus delitos. El carácter duro que lo distingue lo conserva hasta en sus amores. No son los halagos, no los servicios los que aseguran las conquistas. Un mono, un saíno, un armadillo ó un pescado ofrecido con fiereza, unas miradas menos duras, alguna vez promesas y aun amenazas, son los resortes que pone en movimiento. Apenas se ha hecho dueño de un corazón, dicta leyes severas, cuya transgresión castiga con la muerte ó con las más duras penas. Este es un tirano, aquella una infeliz. (CALDAS, 1912:306).

23 Si esta era la percepción sobre el hombre y la mujer del trópico, conviene igualmente mirar como percibió a los habitantes de la región de donde procedía: Estos son más blancos y de carácter más dulce. Las mujeres tienen belleza, y se vuelven á ver los rasgos y los perfiles delicados de este sexo. El pudor, el recato, el vestido, las ocupaciones domésticas recobran todos sus derechos. Aquí no hay intrepidez, no se lucha con las ondas y con las fieras. Los campos, las mieses, los rebaños, la dulce paz, los frutos de la tierra, los bienes de una vida sedentaria y laboriosa están derramadas sobre los Andes. Un culto reglado, unos principios de moral y de justicia, una sociedad bien formada y cuyo yugo no se puede sacudir impunemente, un cielo despejado y sereno, un aire suave, una temperatura benigna, ha producido costumbres moderadas y ocupaciones tranquilas. (CALDAS, 1912:306).

24 Nótese la tendencia de Caldas a creer que el clima, la vegetación, el carácter y las costumbres de la región de donde él procede, responden más a la idea de una sociedad civilizada donde las reglas ejercen un imperio que nadie puede sobrepasar, cosa que, dicho sea de paso, no sucedía en el trópico y algo tal vez más contradictorio aún, el clima del trópico ejercía o provocaba cambios físicos en las mujeres, lo cual deformaba su belleza, acercándolas a los hombres del Caribe Novogranadino, ya de por sí feos para

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Caldas (Munera, 1998:38; Todorov, 1991. De hecho, no necesariamente Caldas estaba lejos de tener la razón sobre la existencia de familias con marcada diferencia entre las que se formaban en la costa del Caribe Novogranadino, y las del interior del país andino (Castro, 1996); pero ese tipo de aceptación de la existencia de una Otredad más allá de las montañas, no era precisamente el asunto que ocupaba la mente de este personaje, pues, como se ha dicho en líneas anteriores, otra era su intención. ¿Con estas percepciones, será posible creer que se pudiera considerar la idea de una nación conformada e integrada por todos los que la habitaban ?

25 Caldas no podía, aunque sus tendencias nacionalistas lo sugirieran, aceptar la idea de que con el tipo de clima, vegetación y carácter de la población de la costa caribeña colombiana y en general del trópico, se pudiera construir ciudadanos para la República. Cómo se podía integrar en las visiones de un personaje como Caldas, tanta diferencia, tanta diversidad, máxime cuando ni siquiera un hombre de ciencia como él las miraba de otra forma ?

26 No es posible imaginar a un personaje como Caldas, con la mirada atónita ante las observaciones que tan fielmente describía pensando que pudieran sus interlocutores en Europa hablar bien de las poblaciones del Caribe Colombiano. Es difícil llegar a considerar la posición en la que se encontraba Caldas, tratando de pintar lo mejor posible a su país como un sitio civilizado, alejado de las barbaridades. Por tanto, había que construir un Otro con el que, al compararse, pudiera en últimas, sentirse mejor : El amor, esta zona tórrida del corazón humano, no tiene esos furores, esas crueldades, ese carácter sanguinario y feroz del mulato de la costa. Aquí se ha puesto en equilibrio con el clima, aquí las perfidias se lloran, se cantan y toman el idioma sublime y patético de la poesía. Los halagos, las ternuras, los obsequios, las humillaciones, los sacrificios, son los que hacen los ataques. Los celos, tan terribles en otra parte y que más de una vez han empapado en sangre la base de los Andes, aquí han producido odas, canciones, lágrimas y desengaños. Pocas veces se ha honrado la belleza con la espada, con la carnicería y con la muerte. Las castas todas han cedido á la benigna influencia del clima, y el morador de nuestra cordillera se distingue del que está á sus pies por caracteres brillantes y decididos. (CALDAS, 1912:307).

27 Ese Otro lo encontró Caldas en la costa del Caribe Colombiano, que describe como una región no apta para el desarrollo de la especie humana, cuya su población tenía serios problemas de dispersión, falta de civilización y poca vergüenza, lo que la hacía objeto de múltiples preocupaciones por parte de los encargados de conservar el orden y la moral en las colonias.

28 Ahora bien, Caldas no fue el único que escribió de manera tan decidida sobre los comportamientos de los habitantes del Caribe Colombiano. De paso por Cartagena, Eliseo Reclus, notable geógrafo francés del siglo XIX, no solo decepcionado por la apariencia de la ciudad, anotó en su diario de viajero: La primera escena de que fui testigo al poner en pie en las calles de Cartagena, redobló la tristeza que me había inspirado la vista de sus ruinosos edificios. En una plaza rodeada de casas ennegrecidas y de elevadas arcadas, dos hombres de cabellos lisos, de mirada feroz, tez de color indeciso, se habían agarrado de los jirones de sus ruanas, desenvainaron, vociferando, sus terribles machetes, y procuraban herirse con ellos. Á su alrededor se agitaba confusamente una multitud ebria y sucia; los unos gritaban con furor:Mátalo¡, Mátalo¡ los otros hacían desviar los golpes de machete, deteniendo los brazos de los combatientes…Al fin se logró parar á los dos lidiadores, que seguidos de sus partidarios, se fueron, cada uno por su lado, á una

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tienda, donde unos y otros se entregaron, botella en mano, á todos los demonios del infierno. (RECLUS, 1992:53-54)

29 Semejante escena en la que Reclus presenciaba probablemente una situación propia de personajes cartageneros habituados a la vida de bares y cantinas, al ser descrita en su diario de viaje, termina por mostrar la imagen de una ciudad donde al parecer sus habitantes estaban todos acostumbrados a vivir este tipo de situaciones en la más completa de las cotidianidades. Más aun, Reclus olvidaba una Francia, tal vez más habituada al alcohol y a la vida de bares y cantinas. No se puede aquí olvidar que Reclus igualmente procedía de una clase social, seguramente alejada del bullicio y la algarabía popular que tanto rechazaba en su descripción.

30 Por su parte, Augusto Le Moyne, viajero diplomático francés que visitó Colombia entre 1828 y 1839, escribió en su relato de viaje sobre los comportamientos de los bogas lo siguiente: Una noche en que estalló una tormenta espantosa acompañada de una lluvia torrencial que obligó a los bogas a abandonar el puente, éstos se metieron a pesar de nuestras protestas, en el entrepuente, obligándonos a refugiarnos en un rincón. Uno de ellos tocó en la oscuridad una damajuana, y supuso que contendría aguardiente del que de vez en cuando les dábamos un poco, lo destapó calladito, bebió cuanto pudo y la pasó a los otros camaradas y uno y otro se entregaron a las mismas libaciones hasta que no quedó una sola gota del líquido. Esos desgraciados que al igual que todos sus semejantes tienen el gusto estragado tanto por el excesivo calor, como por el uso frecuente que hacen de los alcoholes más fuertes, no se dieron cuenta de que era vinagre y no aguardiente lo que habían bebido. (LEMOYNE, 1969:51). Asimismo, Humboldt, también resaltaba dicha proclividad de los habitantes del Caribe Colombiano por el alcohol: En el mes de mayo queríamos salir de Mompós. Todos los remeros estaban reunidos. Tan pronto vieron que queríamos subir al champán, recordaron que todavía no se habían bebido todo el sueldo que se les había adelantado. Ocho de ellos se largaron y nosotros pernoctamos en la ramada de ladrillo, a un cuarto de milla de la ciudad. (HUMBOLDT citado en NOGUERA, 1980:153). Y a renglón seguido, apuntalando sus percepciones sobre los remeros (bogas) del Magdalena anotaba: Cualquier trabajo que esté relacionado con una forma de vida errante y vagabunda encuentra hombres que lo prefieren más fácilmente y con menor resistencia. Por ejemplo, la vida de marinos, de soldados…Un remero gana en cuarenta días apenas doce pesos. Hay que pagarles por adelantado en Mompós y darles tres días después de la paga, con el pretexto de que tienen que mandarse hacer una camisa y un pantalón para el viaje. Estos días los emplean en beberse el dinero, y antes de que se hayan gastado todo, recoge uno sus bogas generalmente después de cuatro o siete días de espera…Uno es esclavo de sus remeros. (HUMBOLDT citado en NOGUERA, 1980:149).

31 Para Le Moyne, Reclus y Humboldt, el alcohol era un común denominador que envolvía cual hechizo infernal, los espíritus de los habitantes del Caribe Colombiano, no importando el lugar donde se encontraran, ni tampoco la actividad que desempeñaran. Esta relación con el alcohol entre los habitantes del Caribe Colombiano también aparece en los textos con los cuales se han narrado las gestas independentistas de Cartagena, como lo ha estudiado Múnera (1998, 157-176).

32 En el mismo sentido, Caldas y Le Moyne estaban convencidos que, de acuerdo con el determinismo geográfico, los habitantes del Caribe Colombiano eran afectados por el clima y de ahí devenía su carácter y comportamientos y de ahí también que ambos

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llegaran a las mismas deducciones. Así, refiriéndose a una de las situaciones en las que dos de los bogas habían desaparecido, utilizando uno de los mecanismos de resistencia más reprochados por los viajeros, como lo era escaparse y abandonarlos en medio del camino, Le Moyne escribió: En esos dos días de detención forzosa, matamos la mayor parte del tiempo paseando por Pueblo Viejo; todos sus habitantes eran negros, mulatos o indios, únicas razas capaces de vivir en medio de los pantanos de la Ciénaga sin sentir los efectos de la graves enfermedades, que con un ambiente abrasador, húmedo y cargados de miasmas deletéreos no tardan en aquejar a los blancos que se aventuran por estos parajes. En efecto, los pocos europeos que vi en ellos después de haberse aclimatado, poco a poco tenían el rostro macilento, amarillo y parecían como reídos por una fiebre lenta. (LEMOYNE, 1969:42-43).

33 No había duda:hasta a los blancos europeos, el clima les podía afectar, deformándolos (y asemejándolos) a los nativos del Caribe Colombiano. Esta afirmación no era una cuestión baladí, pues ponía en tela de juicio la reconocida idea de la existencia de “razas superiores”, pues una vez estas cayeran en territorios tropicales, pronto se vería su decadencia; me refiero al problema del determinismo geográfico, asunto en el que no importando la “raza”, todos se verían indiscutiblemente afectados.

34 Este cúmulo de percepciones despectivas por demás sugerentes sobre los habitantes de la costa caribe colombiana, no era desconocido por los gobernadores, ni provinciales, como tampoco por el clero y las clases pudientes. Más de una vez la intervención por parte de las autoridades encargadas del control no se hizo esperar. La disposición con arreglo a estas desavenencias se buscaron a través de la fundación de pueblos, lo que permitiría reunir en puntos definidos, la población díscola y desordenada de la provincia.

35 Por su parte, las autoridades eclesiales, encargadas del buen nombre, la moral y las buenas costumbres, hicieron también sus propios esfuerzos, aunque no tan frecuentemente como se podría esperar. Una de las mayores preocupaciones la ofrecían las poblaciones de la “inferior clase”, debido a la notable relación de las costumbres y al incumplimiento de los deberes cristianos, por lo cual se dispuso asimismo, la fundación de parroquias en aquellos lugares recién fundados o agregados. Dos de los intentos más conocidos por parte de la iglesia con tal de reestablecer el orden mencionado, las llevaron a cabo un par de personajes de forma bastante dificultosa, de hecho uno de ellos, Don Manuel de Sosa Betancourt, natural de Las Palmas (Islas Canarias), quien emprendió una gira hacia el año de 1784, no logró prolongar su vida mucho tiempo después de concluir su gira por la región. Su desánimo al terminar su periplo por toda la provincia fue tal, que incluso pidió ser relevado de su cargo y trasladado de obispado. En su informe de gestiones plasmó una de las frustraciones más interesantes que se pueden obtener de la época: El día 15 del p.p de febrero regresé del partido y del río del Sinú, dejando con esto terminada la visita de todo el obispado, aunque tan molestado de accidentes, siendo los más penosos los acaecidos en esta última salida, a causa de que los ardientes climas de aquel partido y plagas abundantes de mosquitos, garrapatas y otras sabandijas me acometieron de suerte; que reducidas las piernas a llagas, no me las visto, desde que entró el mes de diciembre (…) (…) encarecidamente le suplico tenga compasión de mí, y me saque de este purgatorio, aunque mejor diría, infierno, según lo que se experimenta. (DE SOSA BETANCOURT citado en MARTINEZ, 1986).

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36 Una segunda visita a toda la región fue emprendida por otro sacerdote cerca de veinte años más tarde, por quien fuera también obispo de Cartagena:José Fernández Díaz de la Madrid. Recién posesionado, llevó a cabo una visita por aquellos lugares que comprendían la jurisdicción a su cargo. Este sacerdote, de voluntad fuerte y de una personalidad arrolladora que hacía temblar a los demás sacerdotes de su obispado, era a su vez, dueño de una pluma y de una memoria envidiable, con la cual plasmó en sus informes lo que observó entre su grey. Sólo el título de su informe:La universal relajación y corrupción de las costumbres de los fieles de la Provincia de Cartagena, resulta por demás interesante y deja ver lo implacable de sus concepciones cristianas con respecto a la moral y las buenas costumbres de los habitantes de la región caribe colombiana. De este informe, se retomaran algunas citas referentes a sus concepciones acerca de las festividades de los negros, mulatos y zambos en el interior de la provincia, así como sus observaciones sobre la provincia misma.

37 En el año 1781, emprendió nuestro obispo Díaz de la Madrid su agitado paseo por las parroquias, dicho sea de paso, lo suficientemente distantes de la capital, como para que el control eclesial no funcionara como se esperaba. Díaz de la Madrid se encontró, con la región sumida en el total abandono espiritual y según sus propias palabras, en el más absoluto olvido de uno de los alimentos más necesarios en la vida de sus “ovejas”, “el pasto para el alma”. De esta forma, en uno de los apartes de su quejoso informe escribió: Fluctuando en dos contrarios extremos de placer y de pena, prevalecía ésta y se anegaba mi pecho en un proceloso mar de tribulaciones al advertir y experimentar la universal relajación y corrupción de las costumbres de los fieles; la infidelidad, miseria y desdicha de muchos vecindarios, la falta de pasto espiritual por carecer de párrocos…y sobre todo el abandono y olvido de las obligaciones de los cristianos y el deplorable estado de las iglesias…no faltaron (sacerdotes) quienes no tuviesen siquiera un pan que ofrecerme para el sustento por el justo título de procuración, siéndome forzoso llevarlos a comer a mi mesa. Bien que otros…por suponer indebida esa contribución afectando pobreza, o ejecutaron lo propio o me prepararon tan ruines viandas que apenas las apreciaría un mendigo a quien se diesen por pura caridad. (FERNANDEZ citado en BELL LEMUS, 1991:154).

38 De este modo, a la desidia, al alcoholismo y a la falta de moral de los habitantes del Caribe Colombiano, ya señalada por otros viajeros, había que sumarle su poco apego por el cumplimiento de los preceptos religiosos. La sorpresa del obispo fue mayúscula cuando intentaba hacer que las gentes asistieran a misa, pues los mecanismos de resistencia iniciados por los negros, mulatos y zambos, incluían no asistir a las iglesias: Es muy común la ignorancia de la doctrina cristiana por no querer concurrir los libres a que se les instruya en ella y rehúsan mandar a sus hijos y dependientes a tan santo sacrificio diciendo que no son indios, como que sólo éstos tuvieran obligación de aprenderla, no habiendo otro modo de compelerlos (porque ya son ociosas cualesquiera exhortaciones y requerimientos) ya que el que por su majestad se comunique orden con severos apercibimientos a las Justicias Reales a fin de que presten, sus auxilios a los párrocos. (…).(FERNANDEZ citado en BELL LEMUS, 1991:156).

39 Asimismo, en las noches llegó a toparse con las manifestaciones festivas de los habitantes de los campos: Igual remedio se necesita con los más estrechos encargos a las Justicias Reales para que celen y eviten en las vísperas de las fiestas los bailes, que vulgarmente llaman Bundes, a lo menos desde las nueve de la noche en adelante para que se consiga que las gentes que asisten a ellos no dejen de oír misa en el siguiente día, como frecuentemente acontece, no sólo en los sitios y lugares, sino también en las villas y

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ciudades, sin exceptuar esta que es la capital de la provincia. (FERNANDEZ citado en BELL LEMUS, 1991:156). Y agregaba, no sin cierta amargura: Los que concurren son indios, mestizos, mulatos, negros y zambos, y otras gentes de la inferior clase:todos se congregan de montón sin orden, ni separación de sexos, mezclados los hombres con las mujeres, unos tocan, otros bailan y todos cantan versos lascivos, haciendo indecentes movimientos con sus cuerpos. En los intermedios no cesan de tomar aguardiente y otras bebidas fuertes que llaman guarapo y chicha y duran estas funciones hasta cerca del amanecer. Ya se dejan considerar las proporciones que hacen para el pecado la oscuridad de la noche, la continuación de las bebidas, lo licencioso del paraje, la mixturación de los sexos y la agitación de los cuerpos, de todo lo cual han de resultar las fatalísimas consecuencias que pueden inferirse y de aquí dimana que embriagados los unos, entorpecidos los otros y cansados y rendidos del sueño todos, o no vayan a misa en la mañana siguiente (que es lo más ordinario) o no puedan oírla con la competente devoción. Ningún medio de cuántos me he valido ha sido bastante a contener estos daños. (FERNANDEZ citado en BELL LEMUS, 1991:157).

40 Lo que encontró Díaz de la Madrid fueron poblaciones cuyos habitantes se habían acostumbrado durante muchos años a vivir una realidad alejada de los controles estatales, dispersa, sin autoridad visible, sin normas, y excluida de la estratificada sociedad colonial de finales del siglo XVIII; sociedad donde sólo cabía un orden donde los espacios no se transgredían para precisamente tratar de preservarla (Balandier, 1993). El problema aquí estribaba en que frente a un estado colonial débil y frente a una iglesia casi ausente; tal como lo mostraba el obispo en su informe, no resultaba nada extraño que a Díaz de la Madrid la eliminación de las fronteras entre esos espacios donde el género y la raza se entrelazaban, le resultase bastante sintomático y deleznable, de ahí su queja y reclamo.

41 Pero, además, al igual que otros extranjeros, que visitaron la zona también se chocó con una realidad social, que quizás no era necesariamente distinta a la que se vivía en las ciudades europeas, tal y como se desprende de las impresiones dejadas por ellos en sus escritos. En otras palabras, es bastante probable que los viajeros y funcionarios que visitaron y experimentaron diversas situaciones en la región, también las hubiesen observado en otras latitudes, pero no necesariamente las evidenciaron, porque en últimas, era sobre los habitantes del Caribe Colombiano en quienes recaían en este caso dichas percepciones de rechazo ante sus comportamientos. En ese mismo sentido, José Celestino Mutis, al visitar las iglesias en Cartagena encontró que: La gente que acude en estas…misas es, por lo regular la más inferior. Su modo de entrar, perseverar y salir de la iglesia, es muy conforme a la educación de esta gente, cuyos defectos están en la vista. Causa bastante novedad a cualquier hombre cristiano, ver entrar en un templo, para asistir a tan alto sacrificio, un gran número de mulatas y negras, entre las cuales algunas no tienen otros adornos para el día de fiesta que los que gastan para los demás días. He visto entrar a muchas sin otro adorno y vestido que más que las enaguas y una camisa mal puesta, por cuyo motivo llevaba descubiertos gran parte de sus pechos, espalda y hombros, descalza y sin la gorreta que acostumbran a llevar en la cabeza otras mulatas y negras. Mientras asisten al templo dan pocas señales de devoción, y confirman su tibieza en el modo de salir de la iglesia. (MUTIS, 1991:110).

42 Así, la ciudad, pero sobre todo el campo, estaba plagado de gentes cuya moral y costumbres no eran del agrado de los más de los viajeros. Sin embargo, no dejan de ser contradictorias las observaciones que personajes como Caldas y Mutis, e incluso hasta

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el mismo Humboldt, quienes a pesar de ser científicos, no ofrecían una postura un tanto más distanciada de las cuestiones religiosas y morales. Se trataba aquí de posturas en las que al parecer la ciencia y la religión parecían estar tomadas de la mano, aunque no lo estuvieran.

Las “gentes de la inferior clase” en la visión de los viajeros

43 En adición a la cuestión del determinismo geográfico, constante en todas las descripciones sobre la región, otro aspecto a destacar en la producción escrita de los viajeros, es la visión que estos tenían hacia quienes consideraban “gentes de la inferior clase”. A quienes se referían bajo este término ? No basta aquí con la sola alusión al concepto de clase, pues no solo median cuestiones de índole económica. Más bien habría que aclarar que, en adición a las cuestiones económicas, hay que añadirle cuestiones étnicas. En cualquier caso, viajar por el caribe colombiano suponía inexorablemente compartir espacio físico con estas “gentes de la inferior clase”, con todo lo que ello implica en términos de socialización y relación con el Otro. Por otro lado, el término “gentes de la inferior clase” fue una manera de agrupar una porción de los habitantes que no encajaban en la división social establecida de república de indios y república de blancos y que por tanto, se convertía en un verdadero dolor de cabeza para las autoridades coloniales (Cunin, 2003).

44 A su llegada a Cartagena por vía marítima, los visitantes extranjeros debían emprender el largo viaje hacia la capital de la colonia o bien de la república en su momento, con propósitos distintos, en función de si se trataba de un viajero, un eclesiástico o un funcionario. La travesía, que demoraba cerca de dos meses, debía hacerse en unas canoas conocidas como Champanes, las cuales: …tiene(n) 23.5 metros de largo y 2 metros de ancho en el centro. El piso es… rectangular, una forma incómoda, pero ciertamente necesaria para la estabilidad. El centro del champán…es curvado, cubierto con un elevado toldo de seis pies de altura, de palmera tupida. En el extremo posterior libre se hace fuego, y allí, mudos y con expresión de misteriosa importancia, están el timonel y delante de él, el copiloto. En la parte delantera.., trabajan seis hombres, arriba sobre el toldo cuatro, todos, todos a la palanca, con varas bifurcadas en el extremo, largas de doce a dieciocho pies. La forma en que estos bogas trabajan es muy rítmica. Mientras que una mitad (de los bogas), avanza hacia el toldo con la palanca apoyada contra el pecho, los otros…caminan en dirección opuesta con los brazos levantados. Cuando una mitad alcanza este extremo, la otra llega al otro. (…) No existe indiscutiblemente ningún trabajo de mayor esfuerzo muscular que el de los remeros del Magdalena. (PEÑAS GALINDO, 1991).

45 Estas eran embarcaciones de madera donde podían viajar cerca de 20 personas, entre tripulación y pasajeros, y eran construidas por los mismos habitantes de las zonas ribereñas para navegar entre una población y otra. Ahora bien, para efectuar la larga y dispendiosa travesía por el río, se contrataban los servicios de los bogas, quienes eran dirigidos por un patrón, quien era el dueño del Champán y este a su vez, reclutaba a los demás compañeros de faena.

46 Dado que hasta mediados del siglo XIX no se inició la navegación a vapor por el río Magdalena, durante los siglos precedentes, la labor de llevar a los viajeros de camino hacia la capital del virreinato la efectuaban los bogas (Solano, 2003). Sobre las

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experiencias de compartir el viaje obligatoriamente (aunque a regañadientes), con los bogas, se puede afirmar que ninguno de los viajeros dejaron de mencionar las peculiaridades del encuentro y vivencias con estos habitantes de las zonas cercanas al río. Así, por ejemplo, una de las descripciones más interesantes sobre el trabajo de los bogas, se puede encontrar en los escritos de Alexander Von Humboldt, quien escribió al respecto: La forma en que estos bogas trabajan es muy rítmica. Mientras que una mitad (tres en la parte de abajo, por ejemplo), avanza hacia el toldo con la palanca apoyada contra el pecho, los otros tres caminan hacia abajo con los brazos levantados… Cuando una mitad alcanza el extremo, la otra llega a otro…La palanca tiene de doce a quince pies de largo y en extremo inferior tiene amarrada una horqueta, de ocho a nueve pies de largo. Puesto que los bogas apoyan la palanca contra el pecho arriba de las tetillas, todos tienen allí una terrible callosidad…Por suerte los hombres tienen poca disposición al cáncer de pecho. (HUMBOLDT citado en BELL LEMUS, 1980:147).

47 Humboldt dedicó extensos apartados de su diario de viaje por el Magdalena a tratar de explicar la manera como estos personajes trabajaban, a los cuales, dicho sea de paso, admiraba y rechazaba a la vez: Es muy pintoresco cuando estas figuras bronceadas de fuerza atlética, avanzan poderosamente apoyados en la palanca. La forma como se les hincha cada vez la vena yugular, cómo chorrena sudor diariamente en un clima cálido ardiente, en la cuenca de un río en el que casi nunca sopla un airecillo bienhechor que mueva las hojas. A pesar de lo admirable de esta demostración de fuerza humana, yo hubiera deseado admirarla por menos tiempo. (HUMBOLDT citado en BELL LEMUS, 1980:147).

48 Esa sensación de desconcierto y repudio, probablemente se pueda entender por su irrenunciable vocación de científico por un lado, pero también, por el otro, no hay que olvidar su procedencia europea. De esta forma, Humboldt se asombra y siente repulsa por los sujetos que describe: No es que estos hombres despertaran compasión, pues aunque mal pagados…, son hombres libres, a las veces muy altivos, indómitos y alegres. Su eterna alegría, su buena nutrición…todo esto disminuye el sentimiento de compasión. Pero lo más enojoso es la bárbara, lujuriosa, ululante y rabiosa gritería, a veces lastimera, a veces jubilosa; otras veces con expresiones blasfemantes, por medio de las cuales estos hombres buscan desahogar el esfuerzo muscular. (HUMBOLDT citado en BELL LEMUS, 1980:147-148).

49 Humboldt reconoce que los esfuerzos físicos a los que están expuestos los bogas son admirables, y por momento se detiene en su narración para justificar tal sensación, aunque termina enojado por la conducta que dichos esfuerzos producen. Esta doble sensación de entusiasmo y censura también la experimentaron otros viajeros. Charles Stuart Cochrane, un capitán de navío británico, quien visitó Colombia entre 1823 y 1824, describió el mismo tipo de experiencias de la siguiente forma: Un poco antes de llegar al Magdalena concentré mi atención en unos gritos que provenían de los bogas que formaban la tripulación de un largo champán; en el sitio donde nos hallábamos, el caño era apenas lo suficientemente ancho para las dos embarcaciones. Al pasar junto a ellos alcanzamos a apreciar las ridículas gesticulaciones que hacían en su laboriosa tarea. Ellos impulsaban la embarcación con unos remos largos extendiendo y recogiendo sus brazos hasta la altura del pecho y produciendo una serie de sonidos acompasados. (COCHRANE, 1994:44).

50 John Potter Hamilton, un coronel, diplomático y viajero inglés, designado jefe de la comisión diplomática enviada por Inglaterra para establecer relaciones formales con la

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recién creada Republica de la Gran Colombia en 1823; dejo en sus memorias, la misma sensación dual entre la admiración y el rechazo. Veía la labor de los bogas así: A los bogas, a causa de los esfuerzos y constante caminar sobre las cubiertas calientes, se les hinchan las piernas y con frecuencia vimos en las aldeas a jóvenes inválidos por esta clase de trabajo…Como este es el caso, al viajero no le queda otra alternativa que acortar la penitencia lo más rápidamente posible; para tal fin, recomiendo encarecidamente llevar consigo dos o tres barrilitos de ron y dos o trescientos cigarros y darles a los bogas siempre que trabajen bien, dos o tres cigarros y un vaso de ron por la mañana y otro por la noche. Estos pobres infelices verdaderamente lo merecen, porque impeler durante tantas horas bajo un sol abrasador es un trabajo extraordinariamente pesado y sin duda mataría a cualquier europeo en pocos días. (POTTER, 1993:63-64).

51 Potter Hamilton creía firmemente en los poderes paliativos que ejercían el cigarrillo y el alcohol en la dificultosa y extenuante tarea de los bogas y por ello recomendaba traerlos a estos viajes. De hecho, al reconocer la admirable y sobrehumana (sobre todo frente a los europeos a quienes veía débiles en comparación), labor de los bogas, recomendaba acortar la penitencia, sencillamente termina no soportando semejante cuadro, a pesar del repudio que dichos personajes le generaban.

52 Por su parte, Augusto Le Moyne al respecto de este tipo de situaciones en las que una doble emoción cuestiona el criterio con el cual se evalúan los comportamientos y conductas de los habitantes del Caribe Colombiano, sostenía en su relato de viaje que: Los bateleros que teníamos a bordo eran trece con el patrón que a la vez hacía de piloto; pertenecían a esa clase de gentes que en el país se llaman bogas y que se reclutan entre los negros, los mulatos y los indios de sangre mezclada. Antes de empezar el trabajo penosísimo a que se iban a entregar, nuestros hombres, como suelen hacerlo en casos semejantes en cuanto no están a la vista de las ciudades, se despojaron de todas las prendas de vestir no conservando más que un calzoncillo corto, unos, y otros unos trapos alrededor de la cintura…con esta vestimenta más o menos paradisíaca, casi todos ellos hombres jóvenes, se distinguían por sus formas atléticas y por su aspecto imponente, debido a ese aire arrogante y a las hermosas proporciones de sus miembros. (LE MOYNE, 1969:36).

53 Le Moyne también reconocía el esfuerzo físico que el trabajo de batelero requiere y aún más, al observar la contextura física de estos sujetos, no ocultaba su encanto, más bien lo exaltaba, aunque se nota la dualidad en su percepción como se ha visto en otros casos de viajeros ya citados. No obstante, si bien por una parte Le Moyne admiraba la belleza atlética de los bogas, nada lo hacía perder de perspectiva, la coherencia de su discurso en el sentido de identificarlos claramente como otros, los cuales no dudaba en discriminar abiertamente: Al contemplarlos con los torsos inclinados hasta la altura de las rodillas se hubieran podido tomar por bestias de carga que tirasen de la soga para arrastrar pesados fardos. No hay que pensar que después de hecho el primer esfuerzo el trabajo de esos desgraciados se aminora ya que solo por el esfuerzo continuado y el continuo avanzar de ellos sobre el puente es como se puede contener y hacer avanzar la embarcación. Hasta cierto punto se podría concebir que la profesión de boga la escogiesen únicamente cierta clase de gentes rudas que no tuviesen más que aptitudes para ser cargadores (…). (LE MOYNE, 1969:36-37).

54 Ahora bien, gracias a la presencia de una vía natural que recorre el país de sur a norte, el río Magdalena, los habitantes de la región desde tiempos inmemoriales hacían recorridos intercambiando, a manera de trueques, alimentos y otros objetos para su

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subsistencia (Solano, 1998; Nichols, 1973). De hecho, el modelo de vida arrochelada, se daba gracias a ello.

55 Lo interesante de este sistema de comunicación, demasiado lento para el ritmo de vida que traían consigo los visitantes europeos, es que era conocido y controlado casualmente por esas “gentes de la inferior clase”, que como se ha visto anteriormente, eran denominadas gentes de todos los colores. El hecho es que el modelo de vida de estos habitantes chocaba con el ritmo del extranjero. Por un lado, el de los viajeros era el modelo de vida de una sociedad europea, donde por lo menos Inglaterra era ya industrializada, y otros países como Francia y Alemania no estaban muy lejos de seguir el mismo proceso; mientras, por el otro, el estilo de vida de los bogas y demás habitantes del Caribe Colombiano, era propio de sociedades preindustriales, donde todavía el tiempo no tenía un uso tan racional como en Europa y donde las formas y usos sociales aun dejaban mucho que desear para los visitantes extranjeros (Thompson, 1979).

56 Para la gran mayoría de los habitantes de las poblaciones de la región, la presencia de personas ajenas a su cotidianidad, era un verdadero suceso, porque casi ningún desconocido se acercaba por aquellos parajes, a menos que fuera de camino hacia la capital. Para la muestra un botón, como se dice en el lenguaje popular, y aunque se escapa a la temporalidad del presente estudio, el ejemplo puede servir para ilustrar un poco lo que se está afirmando.

57 A finales del siglo XIX, Ernts Rothlisberger, un profesor universitario de origen suizo quien fue contratado por el gobierno colombiano para fungir como profesor de historia universal y filosofía en la Universidad Nacional de Colombia en 1881, de paso por la costa del Caribe Colombiano narró así sus experiencias al encontrarse con los habitantes de la región: Inmediatamente de sonar la pitada del vapor, salen del bosque los más variados tipos de gentes, y corren a lo largo de la ribera, que ahora se ha hecho más alta, o se acercan con ligeras canoas. Llegaban las negras, las mulatas e con un andar rápido, no exento de gracia y delicadeza, y echados hacia atrás la cabeza y el cuerpo. Las madres llevan a sus pequeños a horcajadas sobre las caderas. Estas gentes ofrecen a los del barco diferentes cosas de comer, y, acurrucados en el suelo, cambian con ellos algunas palabras, sin impertinencia ni descortesía alguna. Pero cuando algún forastero se les dirige en mala forma, saben replicar con doble crudeza; luego desaparecen detrás de uno de aquellos magníficos árboles, y tengo la sensación de que se retiraran a un mundo desconocido. (ROTHLISBERGER, 1993:57.

58 Del texto podemos percibir una actitud respetuosa por parte de los habitantes de las riberas del Magdalena hacia el visitante extranjero y pero sobre todo, a diferencia de otros viajeros que le precedieron, mostraba cierta simpatía por los habitantes de la región, en especial por sus mujeres, a quienes consideraba por demás simpáticas y graciosas. Sus percepciones muestran hasta qué punto no todo lo que escribieron era homogéneo, pues había contradicciones entre uno y otro. Por otro lado sobre él se depositaba cierto poder que ejercía entre las poblaciones visitadas, pues el hecho de ser blanco y de portar cartas de presentación otorgadas en Cartagena, le concedía el servicio irrestricto de los representantes del gobierno en la costa. Simultáneamente, pero no de manera expresa como ocurría con el respeto que generaba el extranjero, los encargados de navegar los champanes, es decir, los negros, mulatos y zambos, ejercían un poder, pues sólo ellos tenían la experiencia acumulada de muchos años en las faenas de la navegación subiendo por el río hasta la capital. Estos dos poderes, estaban en

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constante pugna, pues cada cual en un espacio propicio lo ejercía (Scott, 1985). A este respecto, Augusto Le Moyne anoto en sus descripciones una queja sobre el comportamiento inmoral y poco pudoroso de los bogas a los cuales acusaba no sin expresar su impotencia: A estas molestias hay que añadir que vivir la mayor parte del día en un espacio tan reducido en medio de esas gentes, que en su desconocimiento de lo que nosotros llamamos el pudor no se recatan en lo más mínimo para proferir los dichos más soeces y satisfacer las necesidades físicas en presencia y hasta al lado de uno, sin que las observaciones y las amenazas les hagan modificar sus costumbres. (LE MOYNE, 1969:38).

59 Probablemente Le Moyne se refería a la costumbre de orinar parado sobre la cubierta del champán, cosa que no se sabe dónde más podrían los bogas hacerlo, dado que estaban navegando por el río. Se podría decir, que el viajero dependía de la pericia del boga, pues aunque es el viajero quien decidía que hacer, todo estaba supeditado al ánimo del boga. El mismo Le Moyne, al efectuar su travesía junto a los bogas y quejarse por el comportamiento de dichos personajes escribió: Al aproximarnos a Regidor empezamos a divisar las montañas de la tierra de Ocaña. Avanzábamos, tanto más despacio, cuanto que cada vez que nos acercábamos a un poblado los bogas a pesar de nuestras protestas nos hacían perder horas enteras deteniéndose en ellos para beber y sobre todo para alzarse, como buenos merodeadores, con naranjas y racimos de plátanos, sin soltar un céntimo, rapiñas de las que parecíamos ser cómplices y que muchas veces originaron disputas con los dueños de los huertos allanados. (LE MOYNE, 1969:38).

60 El uso del tiempo, tan importante para el extranjero, no tenía la misma importancia para el boga:Debido a los días festivos que hubo durante esta semana, nos tocó esperar hasta el sábado 29 ya que era imposible conseguir un barquero (Cochrane, 1994:46), y aún a pesar de ser un subalterno frente al dominio del viajero, el boga solía salirse con la suya:realmente fuimos burlados:los bogas no se presentaron a la hora de salida acordada (Cochrane, 1994:49). El tiempo era –y en cierta medida, aun lo sigue siendo, en el caribe colombiano, una representación colectiva ligada directamente a las manifestaciones culturales de la región (Berian, 1991). Por tanto, y aunque en las descripciones se escribiera lo contrario, no necesariamente para los habitantes de la costa caribeña colombiana, el tiempo dejaba de tener importancia. La tenía, pero no en la misma relación que le adjudicaban los viajeros: Le pedimos información al patrón sobre las diferentes paradas que deberíamos hacer para llegar a Honda en 15 días como habíamos acordado. Cuando él empezó a enumerarlas las escribimos y encontramos que, a cambio de las 15 que inicialmente se habían programado, ahora había 12 más; como no lo pudimos persuadir de disminuir el tiempo, y además, nos pareció un perfecto bribón, que probablemente nos abandonaría puesto que llevaba algunos artículos para la venta, decidimos no continuar adelante con él. (COCHRANE, 1996:63).

61 En otras palabras, el tiempo es una representación cultural aprendida. Cada individuo de la comunidad incorpora, basado en la experiencia cotidiana, unos usos característicos del medio donde se desenvuelve. De esta manera, el tiempo, tan caro para las exigencias del viajero, no tenía el mismo significado para el boga y de paso para los demás habitantes del Caribe Colombiano. Tal vez desde los momentos mismos en que se inició el proceso esclavista, el negro, así como algunos pocos indígenas que sobrevivían a las enfermedades y al maltrato de los españoles, habían aprendido a

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hacer un uso del tiempo sin usufructo, es decir, de ocio, cuando no se estaba trabajando arduamente en las labores impuestas por quienes los dominaban.

62 Para algunos científicos sociales, tales como Norbert Elías, el tiempo en su medida racional, produce “civilización”, es decir, el grado de civilización de una sociedad determinada, está directamente relacionado con el uso racional que esta sociedad haga del tiempo (Elías, 1987; Lippincott, Eco, Gombrich, 2000). Bajo este parámetro de construcción moderna, las sociedades modernas han construido el paradigma de su propia auto representación. En el siglo XIX, estas concepciones estaban todavía más arraigadas entre los europeos. De hecho, con ellas fueron observados y a través de tales ópticas fueron descritos.

63 El tiempo de trabajo, completamente racional del extranjero, era un momento de máxima producción. El tiempo era oro, y lo sigue siendo dentro de las sociedades capitalistas. Sobre ello no cabía la menor duda y en eso no podía haber espacios de mediación. Por su parte, el habitante de las zonas ribereñas del Magdalena, no tenía ninguna prisa en su trabajo. Conocía mejor que nadie las vicisitudes del trayecto y se enfrentaba a ellas con la más absoluta tranquilidad, aun en contra del desgano de su huésped.

64 Esta contrariedad en la pérdida del tiempo por parte de los bogas y demás habitantes del caribe colombiano que los viajeros rechazan y de paso denuncian, solo es posible entenderla si, como dice Todorov, el interlocutor se ubica del lado del boga, para comprender que frente a un clima ardiente, un trayecto de varias semanas remando e impulsando una embarcación a todas luces pesada y en contra de la corriente del río, es decir, río arriba; nada extraño resulta que el boga adoptase sus comportamientos frente a dicha realidad por demás extenuante (Todorov, 1982:195).

65 El ocio, momento de tranquilidad para el extranjero, era el resultado de un largo momento de trabajo:“Después del trabajo viene un merecido descanso”, esa era la norma. No obstante, nada más contrario en el caso de los bogas y demás habitantes del caribe colombiano:el trabajo sólo es posible llevarlo a cabo con cierto disfrute, con otras palabras, con instantes de ocio:mientras se trabaja se canta, mientras se trabaja se pesca, mientras se trabaja se bebe, unos comportamientos que sin duda resultaban completamente contradictorios a los ojos de quien tiene ya parámetros establecidos sobre cómo, dónde y cuándo se deben llevar a cabo ciertas acciones, pero sobre todo, que contrariedad, cuando se mezcla una cosa con la otra.

66 La concepción judeo-cristiana de que el trabajo es un castigo por los pecados cometidos, tiene sentido dentro de la concepción cultural del habitante caribeño. No de otra manera es posible entender que el boga trabajara únicamente lo necesario para subsistir. No había otra dimensión. Los habitantes de la región se adaptaron culturalmente a unas formas y costumbres que diferían en el pasado y que aún hoy difieren mucho al de las demás regiones del país, y en eso han jugado un papel preponderante cuestiones de tipo social, históricas y económicas.

67 El boga trabajaba arduamente durante la semana, y al fin de la misma disfrutaba parrandeando:“El hombre que trabaja y bebe, déjenlo gozar la vida !”, reza un vallenato muy popular de la costa Caribeña colombiana, como justificando este estilo de vida, ligado a las concepciones culturales antes mencionadas, pero también sugiere una visión del trabajo ligado al castigo. Trabajar es sufrir. Ahora bien, existen obviamente otras posturas religiosas, entre ellas el protestantismo, que considera que el trabajo dignifica

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al hombre; que más allá de ser un castigo de origen divino, el ser humano masculino se hace hombre al trabajar (Weber, 1978).

68 El último texto a considerar en este estudio data de principios de 1824, cuando aún las cenizas que quedaron luego de las gestas independentistas estaban aún humeantes, llegó a Cartagena, de camino hacia Bogotá, el coronel Gaspard Théodore Mollien, diplomático y explorador de origen francés; hombre de temperamento fuerte y que había estado en otros lugares del mundo, haciendo grandes expediciones, sobre todo al África. Este personaje es tal vez una de las representaciones más extremas del eurocentrismo y del etnocentrismo que visitaron el Caribe Colombiano. Pero aún más fuerte es su claro desprecio por las regiones cálidas y por sus habitantes, en especial, por los negros. En sus primeras impresiones sobre Cartagena este personaje escribió: Cartagena presenta el aspecto lúgubre de un claustro:largas galerías, columnas bajas y toscas, calles estrechas y sombrías en razón al saliente de los tejados que sustraen la mitad de la luz; la mayor parte de las habitaciones están sucias, llenas de humo, tienen un aspecto mísero, y cobijan seres que están más sucios, más negros y más miserables aún:Tal es el aspecto que ofrece a primera vista esta ciudad, bautizada con el nombre de la rival de Roma.(…) Su población, que es de 18.000 habitantes, se compone casi toda ella de hombres de color…Trabajan muy bien la concha, son excelentes joyeros, buenos carpinteros, magníficos zapateros, sastres regulares, mediocres ebanistas….albañiles carentes de ideas de proporción, malos pintores, pero eso sí son aficionadísimos a la música. (MOLLIEN, 1944:15).

69 Mollien ignoraba que la razón por la que la arquitectura de la ciudad buscaba robarle luz al día tenía un sentido apenas lógico:se quería hacer que la cercanía entre los tejados de un lado de la calle y los del frente, les proporcionara sombra a los portales de las casas y de paso a los transeúntes, quienes se cobijarían del inclemente sol.

70 Llama también la atención en este personaje, que si bien es cierto rechazaba el orden de cosas (urbanismo), que encontró a su paso por la ciudad en 1824, orden que dicho sea de paso, no comprendía y que estaba muy lejos de querer comprender, también es cierto que algunas labores le generaron asombro y consideración, especialmente viniendo de él. Se puede notar en sus palabras, la fluctuación entre la aceptación, la sorpresa y el rechazo hacia las labores artesanales que comúnmente realizaban los negros y demás libres de la ciudad.

71 De la misma forma, Mollien al referirse a los habitantes de Cartagena, mostraba su descontento no sólo por lo que en su opinión era todo un desorden, sino también, por los comportamientos, que muy a su disgusto, los negros mostraban pese a su presencia: Los peligros del mar…han desarrollado en esa gente de color un orgullo que a veces resulta molesto. Su vehemencia y su petulancia contrastan con la indolencia y con el buen carácter de los hombres que llaman blancos, de modo que, a pesar de su pereza, parecen activos y laboriosos. Son también los que se dedican al contrabando; y lo hacen con tan poco recato, que constituye una afrenta para los funcionarios encargados de reprimir ese desorden. (MOLLIEN, 1944:17).

72 Mollien creía que el negro debía adoptar una postura humilde frente a él. Esa se suponía que debía ser la escena, pero no lo era. El negro, muy a su pesar, adoptaba una posición desafiante, de abierto rechazo frente a la opresión que dictaba el orden social imperante y que dicho sea de paso, a Mollien le interesaba conservar. Mollien se encontró con una sociedad donde las relaciones de poder parecían tener dos facetas:Por una parte la clase pudiente o de elite, que entre otras cosas estaba compuesta por blancos, y por otra parte la de los ’negros petulantes’ que subvertían con sus actitudes el orden social, aspecto que incomodaba enormemente al autor, pero que sobre todo, le

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producía una profunda perturbación, pues, como se ha dicho en líneas anteriores, a Mollien le interesaba conservar las estructuras socio raciales a las que seguramente estaba acostumbrado y dentro de las cuales el indudablemente ocupaba un rol ventajoso frente a los negros. Sin embargo, a pesar de lo interesado de su discurso racial, lo cierto es que Mollien tuvo que reconocer que las distancias entre negros y blancos parecían, aún en medio del rechazo que los primeros le generaban por su color, no estar tan alejadas. Con todo ello, un análisis global del texto revela que el principal interés del autor consistió en elaborar un discurso que mantuviese reales distancias de poder, situándose del lado de los grupos dominantes y salpicando su texto de ataques peyorativos respecto a los negros relativos a su capacidad de entendimiento. No en vano, en algún momento de sus reflexiones escribió refiriéndose a la provincia de Cartagena: En los países españoles todos rezan, juntos, a Dios, cualquiera que sea el color de la piel, y el pueblo no tardaría en sublevarse si las autoridades pusieran a la puerta de las iglesias un aviso que dijera:today instruction for the men of colour. (Hoy, doctrina para las personas de color). (MOLLIEN, 1944:17).

73 Probablemente, tal aviso de “today instruction for the men of colour” le parecía más lógico y socialmente aceptable, que ver a las negras y mulatas con sus escotes prolongados, como lo evidenciaron en sus descripciones Mutis, Humboldt y otros viajeros más en sus descripciones.

74 Acercarse a las memorias que éste y otros extranjeros que visitaron el Caribe colombiano en el siglo XVIII y principios del XIX escribieron, implica tratar de entender que la situación con la que se encontraron estos viajeros, les hacía sufrir un serio choque cultural. De hecho, tener que depender durante más de un mes de los negros, mulatos y zambos que los conducían por regiones inhóspitas y deshabitadas, significaba todo un drama:el boga era alcohólico, era burdo en la manera de tratar y de comer y era inmoral en la manera como se vestía. Paralelo a ello, les hacía tardar más tiempo del necesario en una región donde los mosquitos hacían mella en la poca paciencia, que ya de por sí, menguaban con sus comportamientos las gentes de las poblaciones visitadas. Precisamente, quedar bajo el poder de estos sujetos debió ser una situación sumamente incomoda y humillante, digna de ser reseñada en sus memorias de viaje.

75 Mollien no fue la excepción al describir y denunciar las mismas situaciones penosas: Para ir a Bogotá hay que subir por el río Magdalena; es una navegación muy penosa y muy larga, pues dura un mes; sin embargo, se prefiere esta vía al camino por tierra. Antes de embarcarme pedí consejo a mi huésped. En pocas palabras me lo dio, y me pintó con los colores más negros las penalidades que tendría que soportar. Al ver los cinco marineros que debían tripular la piragua, comprendí que no había exagerado. Estaban completamente borrachos. Sus caras salvajes tenían algo de siniestro, que provenía, según después me di cuenta, más del estado en que se hallaban que de su carácter. (…) Mis bogas, así es como se llaman los bateleros del Magdalena, se despidieron…entonando unas letanías a la Virgen. A cada golpe que daban mis bogas con el bichero para hacer avanzar la piragua, perdían el equilibrio y caían unos tras otros al agua. (MOLLIEN, 1944:15). A renglón seguido Mollien anotaba: Navegábamos por entre las orillas verdeantes de un río tan ancho como el Senegal, que ofrecía con éste muchos puntos de similitud:la falta de cultivos en sus márgenes, la soledad de las selvas que las cubren, el calor que hace y los negros que se ven, a trechos muy largos, sentados delante de sus cabañas de caña, rodeadas de campos de maíz,…eran otros tantos detalles que me transportaban a Africa. (MOLLIEN, 1944:26).

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No obstante: El negro del Magdalena,…no tiene el valor viril, la intrepidez ni la fuerza muscular del negro del Senegal; tampoco tiene confianza ciega en su Dios que inspira al otro… El negro africano seguro…no teme ni al diente del cocodrilo, ni al veneno de la serpiente; se lanza sin temor al agua o penetra en la maleza sin miedo alguno. El negro degenerado del magdalena ve enemigos y peligros por todas partes y siempre se acuerda de los sitios donde pereció alguien por imprudencia. (MOLLIEN, 1944:26).

76 Al respecto de lo que anotó Mollien en su diario sobre los negros del Caribe Colombiano, hay que resaltar un aspecto:a diferencia de otros viajeros y de sus descripciones (Humboldt, Potter Hamilton e incluso Caldas entre otros), Mollien no admiraba en ellos la fuerza y la vitalidad, más bien los veía débiles, cobardes y poco viriles frente a los africanos, a los que, contradictoriamente, les admiraba esos valores que no encontró entre los habitantes del Caribe Colombiano.

77 Estas y otras concepciones sobre los negros, mulatos y zambos, no eran en lo absoluto sólo las opiniones de este personaje, tal como se ha visto en otras descripciones ya citadas, esta era una percepción constante en sus descripciones e informes de viaje y de gestión administrativa: (…) a pesar de la prisa que se tiene de llegar cuanto antes, uno se limita a quejarse en su fuero interno, sin enfadarse de las demoras que a cada paso alargan el viaje. Los bogas se detienen siempre que pueden; hoy se trataba de desenterrar huevos de tortuga; sus pesquisas fueron estériles; solo trajeron de su expedición veinticuatro huevos de caimán que estrellaron en seguida (…). (MOLLIEN, 1944:28).

78 De igual manera, las visiones sobre el comportamiento díscolo de los bogas, y en general de la población negra, mulata y zamba de estas regiones, convenían en algo:Los habitantes en cuestión eran poco dados al trabajo, y proclives al desorden, la lúdica, el gusto desenfrenado por el alcohol, la constante pérdida de tiempo valioso y el poco amor por el trabajo.

79 Sin embargo, el hecho de que era el viajero quien decidía cuánto tiempo trabajar, los bogas imponían de vez en cuando, lo que Scott identifica como ’una forma de diálogo tras bastidores entre grupos subalternos”. En razón de ello, el boga, junto con sus compañeros de travesía, también ejercían un medio de protesta -y de poder, que consistía, en palabras de Mollien:’(en) abandonar al viajero cuando se les impone un trabajo demasiado duro, desertando en el primer lugar habitado donde están seguros de encontrar amigos y protectores.’ (Mollien, 1944:33). Estas actitudes que bien se pueden interpretar como una forma de resistencia laboral, se pueden explicar al contrastar la ardua y extenuante tarea a la que debían enfrentarse durante el transcurso del viaje los bogas para llevar a feliz término la labor de viajar por el río. Tarea que no pocos de los viajeros dejaron de admirar debido a la exigencia corporal que conllevaba. En ese sentido, Augusto Le Moyne, uno de los viajeros ya citados reflexionaba sobre esta labor exigente y mal pagada de los bogas de la siguiente forma: Hasta cierto punto se podría concebir que la profesión de boga la escogiesen únicamente cierta clase de gentes rudas que no tuviesen más que aptitudes para ser cargadores, si por lo menos encontraran en elevados salarios una compensación por el quebranto prematuro de su salud y recursos para la vejez, pero lo que ganan no está, ni mucho menos en proporción con el trabajo agotador que realizan…a más de la alimentación que se reduce a carne ahumada, arroz, plátanos y algunas otras cosas por el estilo igualmente ordinarias. (LEMOYNE, 1969:37-38).

80 Le Moyne, al igual que otros viajeros se enfrentaba a una realidad que terminaba por contrariar sus posturas sobre la humanidad de los habitantes del Caribe Colombiano.

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Esto es, si bien es cierto que los veía rudos, impúdicos y con poco o ningún recato y en ocasiones también los tildó de borrachos y flojos, también hay que agregar a esta situación, el hecho de que al ver su trabajo tan agotador, termina sintiéndose abrumado, desconcertado e inquieto ante la posibilidad de que este tipo de gentes pudieran llevar a cabo semejante actividad sin mediar sumas equivalentes de dinero, como parte de la retribución necesaria en tal caso. De hecho, la fortaleza de sus palabras parece debilitarse cuando se puede, un poco más adelante en su relato de viaje, leer lo siguiente: A pesar de la salvajez y del embrutecimiento de los bogas, y del mal trato que algunos viajeros irritados les dan con frecuencia, no he oído decir que aprovechando de su superioridad numérica y de las ocasiones que podrían encontrar a(en) favor del aislamiento de las regiones desiertas donde se viaja, se atrevan contra aquellos o hayan tentado contra sus vidas….a decir verdad los bogas son más brutos que malos o codiciosos; y lo que demuestra que se tenga en ellos alguna confianza es que los negociantes no temen en modo alguno confiar el transporte de las mercaderías, cualquiera que sea su valor, a estos bateleros sin más garantía que un recibo expedido por el patrón. El viajero que sepa dominarse para no maltratarlos, y sobre todo, como lo sé por experiencia, si de vez en cuando les da alguna propina y si lleva consigo bastante cantidad de cigarros y de aguardiente para distribuir entre ellos después de las comidas y muy principalmente después del trabajo de la jornada, se evitará muchas tribulaciones. (LE MOYNE, 1969:39).

81 Un cambio en la forma como se percibe a los habitantes de la región es bastante sintomático, pues de todas formas, ya estos no eran tan desconfiables, como parecían y después de todo, alguna emoción relacionada con la admiración se podía entrever en las palabras de los viajeros. Una reflexión bastante indicativa de lo que se viene sugiriendo en el sentido de que no todos los discursos sobre los habitantes del Caribe Colombiano se ofrecían con la coherencia y sin contradicciones, lo muestra las palabras de otro de los viajeros consultados, en este caso, Pierre D’Espagnat, quien afirmó en medio de sus cavilaciones: Mientras se cargan a bordo las provisiones de madera, con antelación alineadas y ubicadas sobre el muelle, nos mezclamos con gusto a esas gentes cordiales y corteses, humildes, inteligentes y activas bajo su aspecto de indolencia.(…) Y la comparación se impone entre estas gentes y nuestras plebes europeas sin cesar acuciadas por la miseria desamparada y por la necesidad de trabajo. ¡Qué diferencia a favor de las primeras con su sistema del mínimo de las preocupaciones, del menor número de necesidades materiales !. Hay ciertamente un fondo de filosofía en esa decisión de no trabajar más de lo necesario. En efecto, ¿para qué acumular dinero y matarse a trabajar ? (D´ESPAGNAT, 1971).

82 Nótese en las reflexiones de D’Espagnat un cambio bastante apreciable sobre los comportamientos ya no de petulancia, orgullo, salvajismo y brutalidad, sino, todo lo contrario, nuestro personaje hasta puede identificar que todos esos epítetos con los que otros viajeros identificaban a los habitantes del Caribe Colombiano, procedían más, como bien se puede apreciar en las negritas de la cita, de un aspecto, es decir, daban la impresión de ser de determinada manera, porque en realidad, siguiendo a D’Espagnat, no lo eran.

CONCLUSIONES

83 A partir de 1827, comenzó en la ahora República de Colombia, la construcción de un discurso que intentó narrar las grandes gestas, así como los grandes personajes que

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marcaron un hito en la consecución de la nación en el concierto internacional (Múnera, 1998). El intento fue fructífero durante 170 años, pues reprodujo el modelo de historia patria muy practicado en Europa durante el siglo XIX y parte del XX; y en el que las grandes batallas y los grandes luchadores y estrategas tenían un papel central en la narración. La nueva historia contada desde abajo y desde nuevas variables del quehacer historiográfico, así como los estudios interdisciplinarios, han ido resquebrajando este intento y mostrando otras versiones no tan uniformes de la historia nacional.

84 Colombia ha sido observada desde visiones poco integradoras de los sujetos sociales que la habitan y la han habitado históricamente. Dichas observaciones no tenían que ser de otra forma, dirán algunos, pues se trataba de la imposición de visiones de mundo hegemónicas imperantes desde una Europa cuyo momento histórico extendía sus alas completamente sobre el Mundo (Pratt, 1992). Dichas visiones de mundo han sido una manera de representar a las gentes que han habitado la región del Caribe Colombiano y requieren ser revisadas desde nuevas perspectivas de pensar la historia (Anaya, 2001).

85 La existencia de una élite criolla que no estuvo en contra de la corona española, sino hasta que esta intentó retomar el poder en las colonias (desamericanizar) y chocó de paso con procesos de cierta autonomía en la toma de decisiones y en el control colonial; produjo unas tensiones que desencadenaron los procesos independentistas (Lynch, 1991). Ahora bien, al ser una colonia de importancia relativa para el imperio, la Nueva Granada se mantuvo muy independiente, pues al estar alejada de los circuitos comerciales de mayor envergadura, como Perú, México y Argentina e incluso Venezuela, ello le ayudó a estar relativamente fuera de la atención de la metrópolis. Esta situación generó el espacio ideal para que las relaciones de poder fueran más relajadas al tiempo que una geografía extremadamente accidentada, ayudó a las provincias y luego regiones, a crecer históricamente hablando, al margen del control más estricto ejercido por la metrópolis en las colonias (Bushnell, 1993).

86 Una rica e intensa mezcla étnica se abrió paso en las provincias desde el momento inicial de la conquista, especialmente en las costas. Varios factores influyeron para que este proceso de mestizaje se llevara a cabo, entre otros, el hecho de que ante la escasez de mujeres peninsulares en las colonias, los nuevos colonos se unieran inicialmente a las indígenas y posteriormente a las esclavas de origen africano. El resultado ha sido un universo de cruces étnicos sin precedentes. Así, de la unión entre un blanco y una india, salió el mestizo; de un blanco con una negra, el mulato; de una indígena con un negro, un zambo. Posteriormente entre mestizos(as), mulatos(as) y zambos(as) se produjeron otras uniones denominadas “libres de todos los colores” o bien “gentes de la inferior clase” (Florescano, 2000).

87 Algunas de estas denominaciones llaman la atención por su particular intención de identificar cuán cerca o cuán lejos se estaba de la ansiada búsqueda del blanqueamiento:cuando un blanco se unía a una mulata, sus descendientes daban un “salto” en el proceso, hasta que un buen día eran reputados “blancos”. Los descendientes de mestizos entre sí, o bien mulatos entre sí, o zambos entre sí, se denominaban “tente en el aire”, pues no había avance y cuando se descendía, es decir, cuando un mulato se unía con una negra, sus descendientes eran reputados como “salta atrás”. He aquí la masa de gentes cuyas pigmentaciones de piel, costumbres y clima eran rechazados por no encajar dentro de la uniformidad europea:Los Otros. He aquí los sujetos que no encajaban dentro del ideal de ciudadano para la recién creada nación de Colombia.

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Algunas de estas denominaciones llaman la atención por su particular intención de identificar cuán cerca o cuán lejos se estaba de la ansiada búsqueda del blanqueamiento:cuando un blanco se unía a una mulata, sus descendientes daban un “salto” en el proceso, hasta que un buen día eran reputados “blancos”. Los descendientes de mestizos entre sí, o bien mulatos entre sí, o zambos entre sí, se denominaban “tente en el aire”, pues no había avance y cuando se descendía, es decir, cuando un mulato se unía con una negra, sus descendientes eran reputados como “salta atrás”. He aquí la masa de gentes cuyas pigmentaciones de piel, costumbres y clima eran rechazados por no encajar dentro de la uniformidad europea:Los Otros. He aquí los sujetos que no encajaban dentro del ideal de ciudadano para la recién creada nación de Colombia.

RESÚMENES

Este artículo analiza las descripciones que sobre la región, su clima, flora y fauna, así como de sus habitantes dejaron plasmadas en sus diarios y memorias de viajes los extranjeros que viajaron por el Caribe Colombiano a finales del siglo XVIII y principios del XIX. Especial interés revisten las imágenes que sobre los habitantes y la región del Caribe Colombiano dejaron plasmadas en sus escritos los personajes estudiados, en la medida en que sus descripciones crearon el Otro en relación con sus lugares de procedencia y de la Nación Colombiana ad portas.

Cet article analyse les descriptions sur la région des Caraïbes colombiennes, son climat, sa flore et sa faune, ainsi que ses habitants, via les traces laissées par les étrangers qui ont parcourus les Caraïbes. Dans ces journaux et mémoires de la fin du xviiie et début du xixe siècle, nous pouvons remarquer un intérêt particulier porté aux images de la population et de la région des Caraïbes colombiennes. Également dans ces écrits s’expriment les personnages étudiés et ces descriptions produisent l’Autre par rapport à leurs villes natales et à la nation colombienne.

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ÍNDICE

Mots-clés: Caraïbes colombiennes, histoire, voyageurs, population, altérité Palabras claves: Caribe colombiano, historia, viajeros, población, otredad

AUTOR

LEGUIS A. GÓMEZ

Candidato a doctorado en historia por la Universidad de La Laguna, Tenerife, España y magister en historia por la Universidad de Puerto Rico.

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Cuerpos globales: necropolítica y transformaciones corporales en María llena eres de gracia (2004) y Sin tetas no hay paraíso (2005)

Celia Martínez-Sáez

1 “Nada escapa a la condición de mercancía-servicio” (CALVEIRO, 2006: 370), afirma Pilar Calveiro para explicar cómo para el funcionamiento actual del capitalismo trasnacional ha sido necesaria una nueva organización mundial que rompa con barreras geográficas, políticas, pero también subjetivas. El cuerpo humano también se convierte en mercancía y compite en el mercado global: se trafica con órganos, semen, óvulos y vientres, personas, sexo. Al mismo tiempo, la globalización actual interpela al individuo y lo convence de su supuesta autonomía y libertad. La globalización promueve el discurso neoliberal de las múltiples posibilidades y el mercado como fuerza igualatoria. Pero, mientras que el individuo goza de su sensación de máxima libertad, las lógicas neoliberales requieren cuerpos híper flexibles y desechables que se adapten plenamente a las necesidades del mercado. La globalización produce cuerpos y transforma subjetividades que circulan y se enganchan al entramado de la economía global para seguir produciendo riqueza.

2 En este trabajo, me interesa analizar cómo la globalización es capaz de insertarse en ciertas prácticas del cuerpo femenino para generar corporalidades que circulen en el mercado global, convirtiendo al cuerpo en un arma de doble filo puesto que “bodies and identities are simultaneously resources and constraints” (HARVEY BROWN, 2003: ix). En otras palabras, aunque los cuerpos se conviertan en mercancía, en última instancia, el cuerpo como organismo vivo, también tiene sus limitaciones biológicas y su vulnerabilización conlleva el poner en riesgo la vida que es, a su vez, la clave para producir riqueza en los ejemplos que veremos. Para explorar estas prácticas, trabajaré con el contexto del narcotráfico en Colombia en la manera en que Germán Palacio Castañeda lo define como “an extension of economic globalization and that both illicit and licit capitalists exploit communities for profit” (CABAÑAS, 2014: 4 ). El narcotráfico,

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en este sentido, es la industria más grande del mundo y Colombia, en concreto, desde los años setenta ha sido el mayor exportador de cocaína por factores, entre otros, como la pobreza, la falta de presencia del Estado en algunas zonas rurales, la historia del conflicto armado y las favorables condiciones climáticas y agroecológicas para el cultivo de hoja de coca y de marihuana (ROCHA GARCIA, 2000: 14).

3 En concreto, para este trabajo, analizaré dos producciones culturales colombianas contemporáneas: el filme María llena eres de gracia (Joshua MARTSON, 2004) y la novela Sin tetas no hay paraíso (Gustavo BOLIVAR, 2005) en las que las protagonistas someten sus cuerpos a una serie de transformaciones y procesos que se manifiestan como necesarios para emanciparse de sus contextos locales de pobreza e ingresar en la economía global. Estas transformaciones oscilan desde prácticas para ensanchar la faringe con el objetivo de poder tragar cápsulas de heroína y albergarlas en el estómago, hasta la praxis de cirugías plásticas para moldear los cuerpos y satisfacer los deseos sexuales del cliente. En el presente trabajo, leo estas transformaciones como estrategias de lo que la autora mexicana Sayak Valencia ha denominado “capitalismo gore” para hacer referencia a los cuerpos concebidos como productos de intercambio que alteran y rompen las lógicas del proceso de producción capital, ya que subvierten los términos de éste al sacar del juego la fase de producción de la mercancía, sustituyéndola por una mercancía encarnada literalmente por el cuerpo y la vida humana (VALENCIA, 2010: 15).

4 Valencia trata de analizar la cara oscura del capitalismo o, en sus propias palabras, “la dimensión sistemáticamente descontrolada y contradictoria del proyecto neoliberal” (VALENCIA, 2010: 19) que convierte la destrucción del cuerpo en producto mediante prácticas basadas en la violencia del necropoder, es decir, de la violencia como estrategia para acumular más poder. Así, la hipótesis de este ensayo sugiere que si bien la globalización actual interpela al sujeto a sentirse libre y potencialmente capaz de acceder al mercado que todo lo iguala, la economía legal no les permite a estos sujetos de bajo estrato económico-social la emancipación económica y doméstica a la que desean acceder. Por lo tanto, las protagonistas ven como única salida dejar de ser cuerpos/sujetos sujetados al Estado para formar parte de la necropolítica que se presenta como única alternativa posible. La necropolítica - que, como ha expresado Valencia, sigue las lógicas capitalistas, pero sin límites en sus prácticas aberrantes - requiere una conceptualización de la vida como producto desechable y, de ahí, una desacralización del cuerpo “para poder comercializar con él a manera de mercancía de intercambio o por su muerte como objeto de trabajo” (VALENCIA, 2010: 141). Así, es posible argüir que la globalización neoliberal actual y el capitalismo tardío crean sujetos que desean a) la libertad y autonomía que la globalización promete y b) la acumulación y el consumismo al que el capitalismo tardío incita ; pero, a su vez para poder llevar a cabo estas aspiraciones los sujetos/cuerpos se convierten en vidas desechables del necropoder como única vía posible.

5 En Sin tetas no hay paraíso escrita por el autor colombiano Gustavo Bolívar en 2005, la protagonista Catalina, una joven de catorce años de un humilde barrio de Pereira en Colombia, está desesperada por tener una vida de lujos que anhela conseguir convirtiéndose en la amante de algún importante narco. Sin embargo, la joven topa constantemente con un obstáculo que la aleja de convertirse en el objeto de deseo de algún mafioso: el pequeño tamaño de sus pechos. La obsesión para conseguir el dinero para la cirugía estética de aumento de sus senos la lleva a prostituirse vendiendo su

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virginidad y, finalmente, operándose ilegalmente bajo peligrosas condiciones médicas. Una infección en los implantes de silicona que la hace tener que prescindir de los mismos, el abandono de su rico marido por su mejor amiga y la realización del vacío de su vida llevará a la joven al suicidio al final de la novela. La sordidez del tema y la franqueza en su tratamiento a través de una prosa poco pulida pero sin censura no sólo convirtió la novela de Bolívar en un best-seller, sino que también dio lugar a una adaptación cinematográfica en 2010 y a múltiples adaptaciones en series de televisión con altos índices de audiencia en Colombia, España y Estados Unidos.

6 Por su parte, María llena eres de gracia, una coproducción de cine independiente entre Colombia y Estados Unidos dirigida por Joshua Martson en 2004, trata el tema de las mulas del narcotráfico a través del personaje de María (Catalina Sandino Moreno), una joven colombiana de diecisiete años. Nacida en un pueblo rural al norte de Bogotá, María se ve forzada a vivir con su madre, su abuela, su hermana y su sobrino en un pequeño hogar, mientras trabaja mecánicamente en una fábrica de rosas que odia y sale con Juan (Wilson Guerrero), su novio del pueblo, del que no está enamorada. Cuanto descubre que se ha quedado embarazada, sus pocas opciones vitales y su ambición por escapar de la asfixiante situación la llevan a convertirse en mula contrabandista. Después de cruzar la frontera de Estados Unidos trasportando droga en su estómago, María toma la decisión de no volver a Colombia e iniciar una nueva vida independiente con su futuro hijo en Nueva York. El filme de Martson tuvo una muy buena acogida entre la crítica cinematográfica, obteniendo diferentes premios internacionales y la nominación a un Óscar en la categoría de mejor actriz.

7 El objetivo que me lleva a realizar este análisis comparativo entre el filme y la novela es doble. En primer lugar, los estudios sobre Sin tetas no hay paraíso se han centrado tradicionalmente en el análisis de la veneración de la cirugía estética y los modelos de belleza impuestos desde el poder que se inscriben en el cuerpo de la mujer (AGUIRRE, 2011). Sin embargo, esta praxis no se ha leído como una práctica más del capitalismo gore que transforma el cuerpo en recurso económico, por un lado, y en herramienta del necroempoderamiento, por otro, como más tarde explicaré. El análisis de María llena eres de gracia y algunos de sus estudios previos (DAVIS, 2006 ; CABAÑAS, 2014) sobre las transformaciones corporales de las mulas me ayudan a conceptualizar el cuerpo como materia desechable tanto en la novela de Bolívar como en la película de Martson. Por otro lado, el análisis visual de María me permite examinar la técnica cinematográfica de edición del eyeline-match mediante la cual los planos nos muestran a la protagonista mirando un objeto desconocido para el espectador, puesto que está fuera de campo, para después ver el objeto como si fuéramos María. Esta técnica funciona en el cine

8 “as a powerful storytelling device because it may provide audiences access to a character´s feelings” (PRAMAGGIORE and WALLIS, 2005: 179). Por lo tanto, la técnica se presenta como un recurso visual para mostrarnos los deseos, fantasías y miedos de María en cuanto a las contradicciones producidas por la internalización de la globalización versus la realidad mostrada a través del objeto mirado.

Las paradojas de la globalización: sujetos capitalistas y cuerpos desechables

9 Las prácticas corporales llevadas a cabo por las protagonistas están íntimamente ligadas a la interpelación de la globalización y las lógicas capitalistas que funcionan a

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nivel subjetivo. Es por ello que las ansias de emancipación de sus contextos locales insatisfactorios las llevan a recurrir al tráfico mercantilizado de sus cuerpos para lograr el objetivo soñado de independencia económica del núcleo doméstico familiar. Vale destacar, en este sentido, una de las primeras escenas del filme de Martson en la que un primer plano nos muestra a la protagonista y a su novio Juan besándose en unas obras en medio de un entorno rural. Mientras que el joven, con los ojos cerrados, la besa apasionadamente, María, desconcentrada, posa su mirada primero en el horizonte y después hacia arriba, haciendo que el espectador se pregunte qué mira María tan distraída mientras su novio le besa el cuello con pasión. A continuación, vemos el objeto mirado mediante un plano contra cenital desde la perspectiva de María que consiste en el cielo azul que se deja entrever por un agujero y que representa las ansias de escape de la joven. Cuando Juan le sugiere a María ir a su casa para tener relaciones, ésta contesta que no quiere ir a su casa, sino a “otra parte”, “allá arriba” se decide al final señalando un techado a lo alto de la obra. “¿Usted que fue que se enloqueció o qué ?” pregunta el novio, a lo que ella responde desafiante “¿por qué no ?”. La joven acaba trepando con esfuerzos hasta el techado sin saber cómo bajará después y asegurando que “yo no me bajo de acá”.

10 Este querer ir más allá de lo que el cuerpo le permite al escalar un techo arriesgándose a caerse y del que le resultará casi imposible bajar, es una imagen anticipatoria de la subjetividad de María en su búsqueda de autonomía. El acto de querer ir más allá de lo que le es físicamente posible remite al concepto de pulsión de muerte que Sigmund Freud expone en Más allá del principio del placer (1920) y que opone a la pulsión de vida para definir la tendencia destructiva de la psique en su intento de liberarse de la tensión y caos en una tentativa de volver al estado inorgánico previo a la vida. Rob Weatherill retoma la noción freudiana para relacionarla con la evocación del placer sin límites “an exciting promiscuous freedom akin to madness or ruination-the impulse to juxtapose everything, in interrogate everything, to make everything circulate” (WEATHERILL, 1999: 207). La película, pues, parece sugerir desde un primer momento que estos deseos de búsqueda ilimitada de libertad más allá de las posibilidades de la vida misma la llevarán a la autodestrucción.

11 Esta escena anticipatoria en el caso de María propone una oposición clara y destructiva entre la interpelación ideológica 1 que permite al sujeto libre sentirse libre y dueño se su propio destino, y la falta de oportunidades reales que existe en su contexto. La naturaleza intrínseca del capitalismo tardío - esto es, la etapa más reciente del capitalismo - ya es de por sí fuertemente contradictoria desde un punto de vista sistémico. Como afirma Jürgen Habermas, esta última fase capitalista está caracterizada por un conjunto de crisis permanentes debido a que el Estado de las sociedades democráticas asume la responsabilidad de mantener las condiciones para la acumulación capitalista. Pero, al mismo tiempo, el Estado ha de actuar como regulador del mercado, satisfaciendo y, al mismo tiempo, regulando las exigencias del mismo (1999). A nivel subjetivo, uno de los efectos de esta contradicción supone “la distribución asimétrica de las oportunidades de satisfacción legítima de las necesidades, en una palabra: la represión de las necesidades” (HABERMAS, 1999: 59). Sin embargo, al mismo tiempo, parte de la ideología capitalista reside en producir sujetos “who experience their existence as dissatisfied and simultaneously invest themselves completely in the ideal of happiness or complete satisfaction” (McGOWAN, 2013: 60). En el filme de Martson, María fantasea con la idea de la emancipación

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económica y doméstica que no puede lograr: el hecho de mirar al cielo y escalar al techado para intentar alcanzarlo es sólo una imagen premonitoria, pero no es la única. Al principio de la película, la protagonista se muestra desconforme con su trabajo opresivo y mecánico en la fábrica de rosas ; por ello, decide dejarlo parar encontrar otro puesto más atractivo, a pesar de que según su madre la fábrica es la única opción, puesto que “aquí no hay nada más que flores. Por lo menos ese trabajo es decente”. Asimismo, en las fiestas del pueblo, María baila con Franklin (John Alex Toro), el futuro contacto de su trabajo como mula, mientras mira a su novio desafiante. A la mañana siguiente, mientras monta en la moto sin casco con Franklin para ir a Bogotá experimenta adrenalina y le cuenta al joven que va a buscar trabajo a Bogotá en una casa de ricos. La respuesta de Franklin “pero vos estás muy bonita para trabajar de sirvienta” desencadena la curiosidad de María que, de repente, es capaz de imaginar otras opciones cuando el joven le explica un trabajo que consiste en viajar con un camello haciendo que la protagonista responda “¿Viajando ? Cuénteme”.

12 En este sentido, dos componentes aparecen yuxtapuestos. Por un lado, la naturaleza inconformista misma de la joven María que la lleva a fantasear con la idea de libertad por fuera de las constricciones capitalistas, puesto que es el mismo discurso capitalista el que promueve este discurso de libertad . Como explica Paul James, una de las ideologías de la globalización que se basa en las retóricas estadounidenses promueven la idea de “freedom, autonomy, and transcendence, the imperative to overcome limits and oppressions” (JAMES, 2004: 29) que apelan a palabras como “ autonomy, liberty, independence, emancipation, choice, and openness” (JAMES, 2004: 29) al que, súbitamente, María se ve con la opción de acceder con el trabajo de mula. Así, María es interpelada a través de Franklin con este discurso ideológico al explicarle un trabajo que no conlleva ataduras, puesto que “es un trabajo bacano porque usted va, lleva lo que tiene que llevar, lo entrega, le dan su billete y ya. Todo sano”. En este sentido, entiendo la fantasía como la define Slavoj Zizek en su libro The Plague of Fantasies (2008), en el que afirma, tomando el concepto lacaniano, que “a fantasy constitutes our desire, provides its coordinates ; that is, it literally ’teaches us how to desire” (ZIZEK, 2008: 7). Esto es, la fantasía constituye un escenario que prefigura el deseo. La fantasía que tiene María de una vida sin restricciones económicas, sentimentales, físicas - que vemos con la escena anticipatoria cuando se sube al techado - y laborales, completamente incompatible con las lógicas capitalistas, de repente, se presenta como realizable cuando es apelada por estos discursos. Sin embargo, la fantasía liberadora, como toda fantasía, “is the very screen that separates desire from drive, it tells the story which allows the subject to (mis)perceive the void around which drive circulates as the primordial loss constitutive of desire” (ZIZEK, 2008: 43). En otras palabras, la fantasía proporciona un escenario para crear una ilusión que permita mediar con el goce 2 inalcanzable, evitando caer en el exceso de la pulsión de muerte. Pero, por otro, María desconoce que se trata de un discurso ideológico y que, como afirma Zizek, toda ideología “siempre se apoya en una base fantasmática” (ZIZEK, 2008: 5). Sin embargo, el intento de culminar la fantasía de liberación completamente irrealizable va a suponer unas ataduras todavía mayores de las que había experimentado antes, puesto que es su cuerpo desechable el que se va a empezar a mercantilizar.

13 A propósito del cuerpo desechable como producto del capitalismo, Melissa W. Wright explica al comienzo de su libro Disposable Women and Other Myths of Global Capitalism (2006) un mito que le sirve para definir el concepto de mujer desechable en la era capitalista en el que una joven del tercer mundo que trabaja en una fábrica pierde sus

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facultades mentales y físicas, perdiendo su valor y teniendo que ser sustituida. Pero, al mismo tiempo que la joven se convierte en desecho industrial por ser plenamente sustituible, se dice que el trabajo que produce es muy valioso puesto que “disposable third world woman is, in fact, quite valuable since she, like so many other characters of mythic lore, generates widespread prosperity through her own destruction” (2). En el caso de María, arriesgar su vida al albergar las cápsulas de heroína en su estomago se presenta como la única opción para lograr el dinero rápido y la fantasía emancipatoria del espacio doméstico, pero esto requiere la condición de emplear su cuerpo y su vida como un objeto borrable, como más tarde desarrollaré con el ejemplo de su amiga Lucy que muere por la explosión de una de las cápsulas en su estómago. En suma, existe un evidente desajuste entre la idea de libertad que María interpreta, y con la que ella fantasea, y las oportunidades que en la realidad se le ofrecen. El único trabajo alternativo que le daría el dinero rápido y suficiente para independizarse sería el trabajo de mula que, para ella, la acercaría más a su idea de libertad, pero para ello tendrá que subyugar su vida y adentrarse en las lógicas capitalistas aún más aberrantes.

14 En Sin tetas, el proceso de configuración de la subjetividad funciona de distinta manera. Catalina asocia desde un primer momento el paraíso con la acumulación y el lujo. Como indica Todd McGowan, aunque el capitalismo necesite sujetos constantemente insatisfechos, también requiere de sujetos que piensen que la satisfacción máxima es posible (McGOWAM, 2013: 69) y “this is accomplished by locating the ultimate satisfaction in the act of accumulation” (McGOWAM, 2013: 69). Así pues, la novela de Bolívar describe cómo las prostitutas de los narcotraficantes “todo lo que se ganaban acostándose con los traquetos y sus amigos lo gastaban a chorros en las operaciones estéticas, pagando tratamientos de diseño de sonrisa […]. Lo cierto es que ninguna plata les alcanzaba. Siempre, a pesar de ganar millones, siempre estaban sin un peso” (BOLIVAR, 2005: 70). En este círculo vicioso encontramos la pura lógica acumulativa producida por la insatisfactoria del capitalismo. Para Catalina, la operación plástica de aumento de pecho, al principio de la novela, representa la máxima satisfacción. Sin embargo, una vez que ha conseguido sus senos soñados, el narrador afirma que “se podía decir que lo tenía todo menos dos cosas: sensatez y la visa norteamericana que ahora anhelaba tanto como en tiempos recientes sus tetas de silicona” (BOLIVAR, 2005: 181). De nuevo, reaparece la insatisfacción en Catalina que la llevará a seguir gastando e invirtiendo para llegar a la ficticia satisfacción puesto que “capitalist subjects structurally fail to see their own inherent self-satisfaction, and it is this failure that keeps them going as capitalist subjects” (McGOWAN, 2013: 60).

15 No obstante, el problema surge cuando estos sujetos sumidos en las lógicas capitalistas por las cuales la satisfacción sólo viene de la acumulación, carecen de capital para empezar a acumular y comprar los objetos que supuestamente otorgarán plenitud. Al igual que ocurría con María, el único bien que posee Catalina es su propio cuerpo. La joven protagonista de tan solo catorce años afirma que “su único patrimonio en este mundo era su himen y si se lo entregaba a Albeiro como su alma se lo pedía, hubiera perdido la oportunidad de conseguir el dinero para el implante de silicona en su busto” (BOLIVAR, 2005: 62). Y, sin embargo, el transformar su cuerpo para ser deseada por los narcotraficantes, que según ella le otorgará libertad económica, la convierte en objeto para el mismo narcotraficante. El narco, también como sujeto capitalista que sigue la lógica acumulativa, “always leads not to satisfaction with that one has but to the desire to accumulate more and more” (McGOWAN, 2013: 70) y, de ahí que Catalina se convierta en un objeto plenamente desechable y fácilmente reemplazable para el narcotraficante.

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Cuando su marido encuentra otro objeto que le produce más satisfacción por su novedad en la figura de Yesica, éste abandona a Catalina en el momento en que la joven pierde sus pechos operados por una infección. Su cuerpo desechable, paradójicamente, es lo que le permite a Catalina adentrarse en la lógica acumulativa en primer lugar y, al mismo tiempo, lo que la lleva a la destrucción. Por ello, si se cambia el contexto de la fábrica del mito que Wright expone sobre la mujer desechable del tercer mundo, por el mundo del narcotráfico y la necropolítica y se aplica a las protagonistas María y Catalina, nos encontramos con el culmen de los cuerpos desechables cuya salud física y mental es subyugada para crear riqueza, puesto que la clave radica en la necropolítica que basa su producción de riqueza en la misma destrucción de los cuerpos, como analizaré en el próximo apartado.

De la biopolítica a la necropolítica: con leyes no hay paraíso

16 “Catalina entendió que debía derribar molinos de viento, si era preciso, para conseguir el dinero de la cirugía, porque su futuro estaba condicionado por el tamaño de sus tetas” (BOLIVAR, 2005: 9). Con esta premisa comienza la novela de Bolívar cuando la joven protagonista repara en que para “ingresar al sórdido mundo de las esclavas sexuales de los narcotraficantes” (BOLIVAR, 2005: 8) debe de ajustar su cuerpo a lo que el cliente reclama. A partir de ese momento, todos los pasos que toma irán encaminados a convertir su cuerpo en objeto deseable para poderse prostituir, sin importar su salud física o mental.

17 En la Historia de la sexualidad (1977), Michel Foucault aborda el tema del disciplinamiento de los cuerpos mediante diferentes procedimientos desde el poder. Por un lado, a través de la biopolítica, los aparatos de poder controlan y regulan la población como especie en cuanto a políticas de salud, fecundidad, natalidad, etc. Por otro lado, entra en juego la disciplina individual y sus efectos en cuanto a la normalización del cuerpo de los individuos. Es común en los círculos académicos emplear a Foucault para tratar de comprender los procesos sociales que hay detrás de una cirugía estética (TOFFOLETTI 2007, HEYES 2007) mediante los cuales se examina la belleza como proceso de relaciones de poder, control y vigilancia de las políticas reguladoras. Pero, en Sin tetas, ya desde el primer momento el lector percibe una ausencia total de las instituciones de poder en la vida de Catalina cuando se dice que “el estudio la indigestaba y para ella resultaba de tanta importancia dejar de asistir a la escuela como empezar a ganar dinero a expensas de su inconcluso cuerpo” (BOLIVAR, 2005: 8). Catalina entiende que debe elegir entre estar sujetada a la institución escolar o empezar a ganar dinero a través de su cuerpo. En la novela, no sólo la escuela no funciona como institución para la joven, sino que también Catalina está desasida de la institución familiar puesto que la protagonista, con tan solo catorce años, puede ausentarse por largas temporadas y la madre, que a sorpresa del lector aprovecha para tener relaciones con el novio de su hija, no controla los pasos de la joven. Por último, tampoco está sujeta a leyes médicas reguladoras, puesto que, si bien es cierto que no todos los centros médicos están dispuestos a operar su joven cuerpo, Catalina siempre encuentra una salida por fuera de las regulaciones médicas. El punto álgido de la falta de control médico ocurre en la novela cuando Catalina es operada por segunda vez, a pesar de los riesgos médicos tras la infección de sus previos implantes. Se dice que “de

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la talla 38 quiso pasar a la cuarenta y perdió” (BOLIVAR, 2005: 214) porque pensaba “con picardía, en la cara que iban a poner todos sus clientes al verla desnuda” (BOLIVAR, 2005: 219). A causa de la negligencia médica “la columna ya empezaba a doblársele, su espalda no soportaba tanto peso y, en las noches, sentía mucho frío en el pecho por el material de las prótesis” (BOLIVAR, 2005: 216) hasta que finalmente la piel de su esternón cede haciendo que sus dos implantes se agrupen en “una sola, enorme, superlativa, gigante, talla 80” (BOLIVAR, 2005: 219). La deformidad y lo grotesco de su nueva corporalidad evidencian un hecho claro: su cuerpo ha sido mutilado y destrozado.

18 De vital importancia para el presente análisis es el artículo que publicó Achille Mbembe en 2003 donde plantea el término de “necropolítica” sugiriendo que el concepto de “biopolítica” de Foucault es insuficiente para capturar las condiciones actuales de violencia en las guerras y el terrorismo y, de un modo más general, la subyugación de la vida al poder en la actualidad. Como explicaba anteriormente, Valencia toma el término de “necropolítica” de Mbembe para hablar de cómo el cuerpo en la sociedad del hiperconsumo se interpreta como valor en alza y mercancía absoluta. De ahí, la importancia del cuerpo en la actualidad: desde su cuidado y rejuvenecimiento mediante tecnologías médica y estética, hasta su liberación cuando es secuestrado (VALENCIA, 2010: 140-141). Pero, paradójicamente, […] al mismo tiempo que la importancia del cuerpo se nos vende como mercancía a los sujetos sujetados de las poblaciones civiles, existe un movimiento inverso que realizan los sujetos endriagos con respecto al cuerpo. Estos tienden a desacralizar el cuerpo, tanto ajeno (para poder comercializar con él a manera de mercancía de intercambio o por su muerte como objeto de trabajo) como el propio. (VALENCIA, 2010: 141)

19 Es esta desacralización del cuerpo desde donde propongo pensar los cuerpos operados de las mujeres en Sin tetas y no en la cirugía como control o culto al cuerpo. Así, el narrador de la novela nos explica que para lograr comercializar con su cuerpo Catalina comprendió que debía “ponerse bien buena” (BOLIVAR, 2005: 10) lo que suponía adelgazar de cintura, agrandar sus caderas, reafirmar sus músculos, levantar la cola, alisar su cabello con tratamientos de toda índole, cuidar su bello rostro con mascarillas […], depilarse cada tercer día las piernas y el pubis y tostar su piel bajo el sol o dentro de una cámara bronceadora hasta hacerse brotar manchas cancerosas que ellos pudieran confundir con pecas sensuales. (BOLIVAR, 2005: 10)

20 Las operaciones estéticas y las transformaciones de la piel y el cabello en el contexto de la prostitución y el narcotráfico no se han pensado en términos de la necropolítica por no estar relacionadas con la subyugación de la vida al poder directamente. Pero, lo cierto es que la destrucción corporal sujetada a lo que Valencia denomina “endriago” - que remite al adjetivo “monstruoso” - , esto es, “empresario que aplica y sintetiza literalmente las lógicas y las demandas neoliberales más aberrantes” y cuyo poder se paga con la cárcel o con la vida (VALENCIA, 2010: 145) , está completamente presente tanto en Sin tetas como en María.

21 La subyugación de la vida o de la salud física al poder de los narcotraficantes o, en otras palabras, al necropoder, aparece evidenciada cuando se narra cómo Vanessa, una de las jóvenes amigas de Catalina, se prostituye ante un hombre descrito como “cara de asesino en serie, mirada de loco” (BOLIVAR, 2005: 111). La joven, para evitar la penetración, inventa la mentira de que está infectada con el virus de VIH, a lo que el cliente le responde que él también tiene sida y hace ya tiempo que tomó la decisión de

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vengarse del mundo contagiando su enfermedad a quien pudiera, para acabar afirmando que “ya una docena de prostitutas y otra docena de jovencitos de la ciudad estaban contagiados por él” (BOLIVAR, 2005: 111). La vulnerabilización del cuerpo de las prostitutas sometidas al poder del cliente, ya no sólo a través de inhumanos procesos de “embellecimiento”, sino también a través de la misma vida que se pone en juego con el contagio del VIH queda patente en esta instancia.

22 La ya mencionada vulnerabilización del cuerpo de las jóvenes se torna absoluta puesto que una vez se adentran en ese mundo sus cuerpos dejan de ser suyos para poder ser transformados en mercancía y consumidos por los clientes. Una vez Catalina entra en la mercantilización del propio cuerpo, su amiga Paula le recuerda que el himen “no es más que un símbolo de garantía, que incluso se puede volver a comprar en cualquier clínica de planificación por 200 mil pesos” (BOLIVAR, 2005: 20). Catalina, efectivamente, se ve forzada a convertir su cuerpo en recurso económico cuando repara en que, como nos dice el narrador, “su único patrimonio en este mundo era su himen” (BOLIVAR, 2005: 62). Cuando se queda embarazada después de haber sido violada, la joven considera tener el hijo pero rechaza la idea en el momento en que “supuso que con un hijo, su cuerpo se iba a desdibujar y la ilusión de convertirse en la novia de un ` traqueto´ se tornaría más utópica aún” (BOLIVAR, 2005: 79). Es decir, Catalina entiende que las decisiones sobre su cuerpo a partir de ese momento las tiene que tomar en relación a lo que el cliente desea de ella para poder seguir vendiéndose.

23 En el caso de María, el uso de los órganos del cuerpo como recurso económico es mucho más evidente. Emily S. Davis explica cómo María “denaturalizes her insides by changing their function: she transforms her stomach into a cargo vessel for massproduced commodities” (DAVIS, 2006: 61), ejemplificando lo que Rosi Braidotti ha denominado “`organs without bodies´, the contemporary situation in which the advances in biotechnology that characterize modernity transform de body into `a mosaic of detachable pieces´” (BRAIDOTTI, 1994: 61). Ahora bien, aunque el concepto de Braidotti es útil para hablar de la emancipación de los órganos de la unidad corporal y darle otro uso, convirtiendo al cuerpo en lo que la propia autora ha llamado “a mass of detachable parts” (BRAIDOTTI, 1994: 61), lo cierto es que su foco principal, cuando apunta a la intercambiabilidad de órganos, está en la comercialización de la materia viva para “carefully […] keep the species alive and healthy and white” (BRAIDOTTI 1994, 52) y no en la propia destrucción del cuerpo en su totalidad con cuyos órganos se comercializa. Por lo tanto, este concepto es insuficiente para dar cuenta de que, como he indicado al principio con la categoría de capitalismo gore, en estas prácticas parte del negocio mismo consiste en poner vidas en juego mercantilizando “los procesos del morir” (VALENCIA, 2010: 142). En efecto, la alta cantidad de dinero que cobran las mulas se debe al riesgo que existe de perder la vida, como ocurre con Lucy, una de las chicas que viaja con María y que previamente le había advertido a María “asegúrese que estén bien envueltas porque con una que se le reviente en el estómago se muere”. La joven, ya enferma desde el avión donde posiblemente le explotó alguna cápsula en el estómago, fallece en el hotel, donde los contactos se deshacen del cuerpo en mitad de la noche, no sin antes haberla abierto para sacar la mercancía, como así sugiere el plano de la bañera ensangrentada. Pero no sólo la vida entra en peligro con el riesgo de cargar con la heroína en el estómago, sino que también, desde el momento en el que la mula se involucra en esta transacción, sabe que pone su vida en las manos del superior que ejecuta la orden en esta red del negocio.

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24 En este sentido, es fundamental la escena en la que María se ha de tragar las cápsulas de heroína. De un modo muy significativo, el espacio para realizar esta operación ocurre en la parte trasera de una farmacia, simbolizando el lado oscuro de la empresa que trabaja de cara al público ayudando a las personas y, en la parte trasera, poniendo en peligro de muerte a los sujetos que entran en el mundo del necropoder, pero que si no mueren obtienen éxito de una forma rápida y eficiente. Cuando María entra por esa puerta trasera se sumerge en la oscuridad del habitáculo y, de repente, la alegre canción de “Mi primer millón” de Bacilos que simbólicamente sonaba en la calle cede. Una vez María sube las escaleras con miedo para adentrarse en este nuevo espacio aséptico y oscuro, a través de cinco eyeline matches, el espectador obtiene planos de la protagonista que mira un objeto fuera de campo para después obtener planos del objeto mirado. Así, vemos a María con su rostro preocupado que posa su mirada en las tijeras y guantes del experto que están confeccionando las cápsulas de heroína con cuidado médico, así como en la cara del hombre que prepara las cápsulas y, de nuevo, obtenemos planos de la preocupada cara de María. Esa continua mirada de María parece buscar una confirmación, la joven desea encontrar seguridad en el hombre al que está confiando su cuerpo. En la habitación aséptica, con la mirada inquisidora del jefe cuya camisa blanca crea asociaciones directas con las batas médicas, la joven comienza a tragarse las cápsulas con esfuerzos sobrehumanos y siempre bajo las órdenes de los hombres que la controlan: “relájese”, “acuéstese en la cama”, “¿quieres más anestesia ?”. Al final de la escena, cuando María está terminándose de tragar las cápsulas, el jefe la amenaza afirmando que “si lo que lleva dentro se pierde en el camino o no aparece, vamos a su casa y conversamos con su abuelita, con su mamá, con su hermana y con Pachito”, evidenciando, una vez más, el derecho de decidir sobre la vida y la muerte, no de ella sino también de su familia, por parte del endriago, así como la condición de desechabilidad del cuerpo, anteriormente explicada.

25 Los planos de los torsos con batas o camisas blancas de los hombres y la cara cada vez más pálida y adormecida de María que lucha por tragar las cápsulas le sugieren al espectador el ambiente de un consultorio médico: María se ha convertido en la enferma y su vida está en manos de estas figuras que ponen en riesgo su vida y sacan provecho de ello originando una subversión “distópica a la biopolítica puesto que se sitúan en la esfera del necropoder, desde donde fraguan una resistencia al biopoder y le disputan su jerarquía” (VALENCIA, 2010:146) decidiendo sobre la vida y la muerte de los sujetos sometidos.

26 Aunque en Sin tetas, el uso del cuerpo para albergar un hijo presenta una traba para que la protagonista pueda seguir vendiéndose y por ello aborta, en el caso de María el embarazo supone su salvación. Emily S. Davis muestra su irritación con el hecho de que las dos únicas mujeres que parecen tener un porvenir al final del filme, María y la hermana de Lucy, estén embarazadas (DAVIS, 2006: 63). En la misma línea, Francisca González Flores, en su estudio de la película, ha notado como el hecho de estar embarazada salva a María de su detención en la aduana. González Flores afirma que el embarazo de María representa “actos de redención y de sumisión, que convierten en aceptable al `otro´ en el primer mundo, que restauran la armonía y ofrecen la ilusión de un final feliz” (GONZÁLEZ FLORES, 2010: 297). Efectivamente, es el hecho de tener una vida dentro de su cuerpo lo que desencadena que María quiera asegurar su propia vida entregando las cápsulas de heroína a los contactos de Estados Unidos para desamarrarse del negocio ilegal. La escena en la que María, tumbada en el consultorio

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médico, escucha feliz el corazón latiendo de su bebé remite irremediablemente a la escena en la que María, también acostada, pero con el rostro aterrorizado, había tenido las manos del jefe en su barriga intentando acomodar las cápsulas una vez ya dentro de su estómago. Cuando al final de su consulta médica, la secretaria le avisa que tiene la próxima revisión el once del mes siguiente, un medio plano nos muestra la cara dudosa de María para, a continuación, decidirse con un “sí, está bien”, sugiriendo que es la vida del bebé lo que la hace quedarse en Estados Unidos. Así pues, como ya las otras autoras mencionadas han señalado, este final se presenta problemático. En primer lugar, María ha necesitado aferrarse a una vida ajena a ella y ver a una de sus compañeras morir para tomar la decisión de dejar de ser un cuerpo desechable del necropoder. En segundo lugar, el hecho de que se quede en Estados Unidos trabajando en, como les propone Don Fernando, “un lugar donde a veces necesitan mujeres para coser, no chequean los papeles y pagan el mínimo” sugiere que María va a seguir sujetada a las mismas constricciones capitalistas de las que estaba intentando huir en Colombia en primera instancia, lo cual sugiere una imposible emancipación por parte de la joven.

Conclusiones

27 Revisar y comparar con minuciosidad las dos producciones culturales analizadas de la Colombia contemporánea María llena eres de gracia y Sin tetas no hay paraíso me ha permitido dar cuenta de prácticas de transformaciones corporales como una praxis inherente a la globalización y al capitalismo. Aunque en los previos trabajos de análisis de ambas obras, algunos ya mencionados en el presente artículo, sean pertinentes y valiosos en su estudio de la narco estética (A.CABAÑAS 2014, RINCÓN 2009), la representación de la posibilidad de agencia femenina en el caso de María (GONZALEZ FLORES 2010), la representación visual de la intimidad corporal en la economía global en el filme de Martson (DAVIS 2006) o la consagración y objetivación del cuerpo femenino en Sin tetas (SEQUEIRA 2012) lo cierto es que hay una falta de entendimiento de las dichas prácticas corporales como una extensión de la violencia capitalista que comercializa con cuerpos y subjetividades para el beneficio de las grandes empresas, tanto legales como ilegales.

28 Tampoco han sido analizadas con anterioridad las confluencias existentes entre todas estas prácticas - desde la operación negligente de pechos para atraer al cliente hasta el ensanchamiento de la faringe para tragar la heroína – que, aunque diferentes en su naturaleza, revelan la condición de desechabilidad del cuerpo femenino que ciertas lógicas capitalistas reproducen. El uso de la teoría que empleo, precisamente, permite dar luz a la situación de desprotección de estos cuerpos por las instituciones estatales y sociales contemporáneas y, lo que es peor, su uso y vulnerabilización para crear riqueza, en este caso, en el mundo del narcotráfico, pero entendido en este artículo como una mera expansión de la violencia capitalista.

29 La conclusión a la que se hace inevitable llegar radica en la imposibilidad de emancipación que reside en estos intentos fallidos de búsqueda de autonomía por parte de las figuras femeninas estudiadas. Como he desarrollado, la distribución asimétrica de las posibilidades choca con el discurso ideológico de la globalización que parece sugerir el acceso democrático a las oportunidades. Las protagonistas comprenden que su autonomía es posible si contribuyen a las lógicas del mercado con su única posesión, su cuerpo, pero a consta de flexibilizar sus funciones biológicas para mercantilizarlos y

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poner en riesgo sus vidas. Estas lógicas, muy similares a las lógicas neoliberales pero sin ningún tipo de piedad en sus prácticas aberrantes, 1) ofrecen dinero rápido a las jóvenes con la condición de que éstas subyuguen sus vidas al poder y 2) juegan constantemente con la posibilidad de dar muerte a estos sujetos oprimidos, ya sea por constantes operaciones estéticas que destruyen y deforman el cuerpo por infecciones o negligencias médicas hasta llevar al suicidio, o por la transformación del estómago en un continente de heroína.

30 Por último, es importante señalar que mi propósito último con el presente análisis ha sido apuntar a una visión más ampliada de lo que Valencia ha denominado “capitalismo gore”, puesto que, aunque las prácticas corporales estudiadas no están directamente relacionadas con la gestión de dar muerte, la vulnerabilización de estos cuerpos y subjetividades es clave para el enriquecimiento económico de ciertas potencias capitalistas. Por ello, éstas se han de tratar y examinar como estrategias ultraviolentas/ de violencia extrema que han de salir a la luz y que representan la cara oscura de la globalización y el capitalismo tardío.

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NOTAS

1. Louis Althusser afirma que la función de la interpelación ideológica en “Ideología y aparatos ideológicos del estado” (1970) consiste en la conversión del individuo a sujeto, puesto que el sujeto reconoce las interpelaciones de la ideología y se someten a ésta ; es la ideología, pues, la que produce al sujeto. 2. Lacan define el “goce” como la satisfacción de la pulsión en Seminario VII, La ética del psicoanálisis. Ver Una clínica de la pulsión: las impulsiones para más información (Diana S. RABINOVISH 2015) para más información sobre el concepto lacaniano.

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RESÚMENES

En este trabajo se da cuenta de prácticas de transformaciones corporales como una praxis inherente a la globalización y al capitalismo. Para ello, he analizado una serie de prácticas corporales del mundo del narcotráfico en Colombia haciendo uso del filme María llena eres de gracia y la novela Sin tetas no hay paraíso donde las protagonistas comprenden que para conseguir emanciparse económicamente y lograr una vida alejada del asfixiante espacio doméstico, han de convertir sus cuerpos -puesto que estos son sus únicas posesiones- en mercancías, flexibilizando sus funciones biológicas para mercantilizarlos y poniendo en riesgo sus vidas. En el trabajo, argumento que estas prácticas pueden ser categorizadas en lo que Sayak Valencia ha denominado “capitalismo gore” y, más específicamente, el concepto que la autora usa tomado de Achille Mbembe, de “necropoder” mediante el cual se utiliza la violencia, la vulnerabilización de los cuerpos y la subyugación de la vida para crear más poder y riqueza.

This article analyzes different practices of bodily transformations inherent to globalization and capitalism. Two contemporary Colombian cultural productions, the film María llena eres de gracia (2004) and the novel Sin tetas no hay paraíso (2005), are examined to understand different bodily practices from the drug trafficking world through two female characters. The protagonists commodify their bodies, as they are their only possession, and make their biological functions flexible putting their lives into risk in order to become economically emancipated and build a life outside the suffocating domestic space. This essay argues that these practices should be categorized in what Sayak Valencia has called “gore capitalism” and, more specifically, the notion of “necropower” that the author takes from Achille Mbembe in which violence, the vulnerability of the bodies and the subjugation of life are used in order to create more power and wealth.

ÍNDICE

Keywords: bodily practices, gore capitalism, drug trafficking, necropolitics, globalization Palabras claves: prácticas corporales, capitalismo gore, narcotráfico, necropolítica, globalización

AUTOR

CELIA MARTÍNEZ-SÁEZ

The Ohio State University

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Negra menta: por un reconocimiento a la mujer afrocolombiana

Adriana Pena Mejía

1 Partiendo de la obra Negra menta de Liliana Angulo Castro, se busca comprender la manera cómo los cambios impulsados por la Constitución Política de Colombia de 1991 participaron en la configuración de la identidad afrocolombiana de la artista. Realizada en el 2000 y constituida por deciocho fotografías a color, Negra menta propone deconstruir los estereotipos adosados tradicionalmente a la mujer afrocolombiana reflexionando sobre el imaginario colectivo que los alimenta. De esta investigación, se concluye que Negra menta fue efectivamente la heredera de los avances realizados en la década de los noventa por las nuevas preocupaciones multiculturalistas del Estado. Sin embargo, la obra cuestiona también la invisibilidad en el que siguen estando las comunidades afrocolombianas después de la Constitución de 1991.

2 Partant de l’œuvre Negra menta de l’afro-colombienne Liliana Angulo Castro, nous cherchons à comprendre la manière dont les changements stimulés par la Constitution Politique de Colombie de 1991 ont participé à la configuration de l’identité afro- colombienne de l’artiste. Realisée en l’année 2000 et constituée de 18 photographies, Negra menta propose de déconstruire les stéréotypes attribués traditionnellement à la femme afro-colombienne en réfléchissant sur l’imaginaire collectif qui les alimente. De cette recherche, nous concluons que Negra menta a été effectivement l’héritière des avancées réalisées durant la décennie de 1990 par les nouvelles préoccupations multiculturalistes de l’État. Cependant, Negra menta critique aussi l’invisibilité dans laquelle les communautés afro-colombiennes continuent à vivre bien après la Constitution de 1991.

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Introducción

3 El presente artículo busca comprender de qué manera el marco jurídico y social ofrecido por la Constitución Colombiana de 1991 participó en la configuración tanto de la identidad como de la obra plástica de la afrocolombiana Liliana Angulo Castro, quién busca deconstruir los clichés y los estereotipos atribuidos a las mujeres afrodescendientes retomando el imaginario colectivo que se tiene de ellas. Iniciaremos relacionando diferentes opciones teóricas para construir un marco de comprensión que nos permita dilucidar las condiciones de creación y producción de la obra de Liliana Angulo. Tomando como caso de estudio la obra Negra menta (2000, Banco de la República de Colombia) de la mencionada artista, analizaremos después cómo su obra responde a una necesidad de autoafirmación alimentada por las políticas multiculturalistas de la década de los noventa. Ocupando un lugar particular en el imaginario y en la memoria colectiva, la identidad afrocolombiana llegó a convertirse en un componente esencial del relato nacional como lo prueban expresiones populares como las cantantes Leonor González Mina, Toto La Momposina o el afamado grupo de música Hip Hop Choquibtown. Dialogando con la obra de artistas afroamericanas, terminaremos analizando la manera cómo Angulo descoloniza los códigos y los clichés imputados a la mujer afrocolombiana profundizando en las fotografías pertenecientes a la serie Negra menta.

4 La obra de Angulo nace dentro de las dinámicas y cambios ofrecidos por los nuevos lineamientos de la Constitución de 1991, en donde la defensa, el reconocimiento de las minorías étnicas y la equidad de género constituyeron elementos revolucionarios que sobrepasaron la esfera jurídica como lo demuestra el impulso de los estudios sobre las comunidades afrodescendientes (RESTREPO, 2001: s.p.). Gracias a la Constitución de 1991 y a la Ley 70 del 1993 sobre las negritudes 1, “se abrieron otros escenarios y surgieron nuevas herramientas para pensar el papel de lo afro en la cultura colombiana” (GIRALDO, 2014: 85). Estos cambios permearon la propuesta de Angulo quién decidió romper con los códigos morales y estereotipos sociales presentes dentro de la sociedad colombiana afirmando su identidad y su condición de mujer afrocolombiana (JARAMILLO, 2015: 77).

Lineamientos teóricos

5 La Constitución de 1991 es concebida por las minorías como un punto de partida hacia la participación e inclusión política. Dentro de una crisis general alimentada por el narcotráfico, la corrupción y las confrontaciones armadas, la Constitución de 1991 emergió como una plataforma política y jurídica en la que se buscaba contrarrestar la constante violación a los derechos humanos (ESCOBAR, 2010: 239). Surgiendo también por necesidades externas impuestas por el fortalecimiento del mercado neoliberal latinoamericano, la Constitución conjugó por primera vez los intereses de diferentes identidades como proyecto político y se admitió una nación multirracial y multicultural. Sin embargo, la invisibilidad y la segregación siguieron presentes impidiendo la verdadera inclusión de los afrocolombianos, lo que generó el aumento de las inequidades sociales y la erosión de la estructura social (AROCHA, 1998: s.p.). La Constitución de 1991 introdujo además cambios positivos con respecto a los principios constitucionales y los derechos fundamentales de las mujeres. Los artículos 40, 43 y 53,

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por ejemplo, pregonan la igualdad de derechos y oportunidades laborales, castiga cualquier clase de discriminación y otorga apoyo de manera especial a las mujeres. Reconociendo la existencia de un desnivel y de diferencias históricas entre hombres y mujeres, la Constitución deja de concebir la mujer como un sujeto para proteger, para admitirla más bien como un sujeto titular y autónomo (WILLIS, 2007: 187-188).

6 Los logros realizados por el movimiento de mujeres en Colombia para 1991 son herederos de las luchas comprometidas de los grupos feministas de la década de los setenta (GOMEZ CORREAL, 2011: 176-188). La conformación de los grupos feministas colombianos en un período de convulsión donde el hippismo se posicionaba como filosofía de vida, donde la liberación sexual lideraba uno nuevo gesto ante la sociedad y donde mayo de 1968 constituía un nuevo pensamiento político, fue esencial para que en los años posteriores se descolonizara el sistema patriarcal que había generado esos movimientos feministas. Para esa misma época, las afrodescendientes y las chicanas en los Estados Unidos comenzaron a cuestionar fuertemente el racismo del feminismo blanco “al plantear que en los análisis y en las estrategias del movimiento no se consideraban realidades de muchas mujeres que además del género, le atraviesa la “raza” y la clase”. Se dejó entonces de concebir la mujer como sujeto “universal”, para pensarlo dentro de una pluralidad mucho más compleja.

7 En su texto Under Western Eyes, Chandra Talpade Mohanty explica que muchos de los estudios feministas que pretenden comprender las dinámicas sociales de las mujeres de países en desarrollo continúan reproduciendo y autorizando el discurso occidental blanco (TALPADE MOHANTY, 1991: 52-53). Ella argumenta que la consolidación de un tipo de etnocentrismo universal y la inadecuada resonancia de los discursos occidentales han generado una noción reductiva y homogénea del “Otro” que ella denomina “Third World Difference”. Se ha académicamente asumido que la mujer del Tercer Mundo pertenece a un grupo históricamente constituido en donde no tiene poder, es explotada y menospreciada. Sin tener en cuenta las diferencias de clases, religiones, culturas, castas, etnias, etc., se ha encasillado a la mujer dentro de procesos de homogenización y sistematización que deben ser reevaluados y redefinidos.

8 Es dentro de esta redefinición académica que el libro de Gloria Anzaldúa, Crossing Borders: The new Mestiza, es importante. A lo largo del mismo, la académica resalta la implicación que las fronteras físicas, espirituales, raciales o políticas tienen sobre la conformación cultural de una identidad. Creadas y herederas de una colonización corrosiva, las fronteras que dividen la actual sociedad latinoamericana y por extensión la colombiana, constituyen el marco referencial de un estilo de vida particular donde la religión y la falsa moralidad dominan. Una “frontera”, dice Anzaldúa, es una línea divisoria que distingue un nosotros de un ellos. Una “zona fronteriza” es, por consecuencia, un lugar indeterminado creado por los residuos emocionales que produce la “frontera”. Tanto aquí como allá, lo prohibido y los “atravesados” es decir lo diferente, lo mulato, lo negro, lo indígena, el transexual, el inmigrante, el chicano, el homosexual, etc., conviven. Vedados de entrar y de salir, los “atravesados” están obligados a sobrevivir dentro de un entorno donde los paradigmas dominantes impuestos por el hombre y los conceptos predefinidos existen sin ser cuestionados. Un entorno donde las leyes hechas por los hombres son transmitidas por las mujeres y seguidas por los otros “atravesados” (ANZALDUA, 1987: 38-39). En concordancia con la visión de Anzaldúa y de Mohanty, la feminista brasileña Sueli Carneiro expone la importancia de concebir la mujer dentro su completa diversidad:

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Cuando hablamos del mito de la fragilidad femenina que justificó históricamente la protección paternalista de los hombres sobre las mujeres, ¿de qué mujeres se está hablando? Nosotras – las mujeres negras – formamos parte de un contingente de mujeres, probablemente mayoritario, que nunca reconocieron en sí mismas este mito, porque nunca fueron tratadas como frágiles. Somos parte de un contingente de mujeres que trabajaron durante siglos como esclavas labrando la tierra o en las calles como vendedoras o prostitutas. Somos parte de un contingente de mujeres con identidad de objeto. Ayer, al servicio de frágiles señoritas y de nobles señores tarados. Hoy, empleadas domésticas de las mujeres liberadas (CURIEL, 2002: 102).

9 Cuestionando la supuesta “fragilidad femenina”, Carneiro reflexiona a la par sobre la vigencia de los postulados que enmarcan a la mujer dentro de las mismas luchas haciendo caso omiso de sus múltiples diferencias e intereses. No es lo mismo ser una mujer afrodescendiente viviendo en los suburbios de Chicago o de la Habana que ser una mujer proveniente del Pacífico Colombiano. Compartiendo la crítica realizada por la brasileña, Ochy Curiel se interroga sobre la estrategia más políticamente correcta que, sin ser esencialista, desvanezca los estereotipos y fracture las posiciones marginales impuestas por el sistema patriarcal, blanco, heterosexual y burgués occidental. Para Curiel, una de las estrategias es la autoafirmación que aparece “como una parte importante en tanto reconocimiento de una historia de subordinación, de vínculos familiares y de construcciones de las subjetividades, siendo estos elementos constitutivos de la identidad.” (CURIEL, 2002: 106). En pocas palabras, la historia individual como colectiva y el reconocimiento positivo de un origen negro se convierten en elementos imprescindibles para un trabajo de autoafirmación.

10 Antes de entrar a analizar la obra de Liliana Angulo Castro es necesario traer a colación el reconocido texto de Linda Nochlin, Why have there been no great women artists? Escrito en 1971, la historiadora de arte americana se concentra en desmantelar el mito del artista genio mostrando que el sistema patriarcal y sexista occidental no ha permito a las mujeres artistas tener las mismas oportunidades que sus colegas masculinos. La mayoría de las artistas mujeres famosas, dice Nochlin, han tenido que rebelarse para delinear su camino profesional renunciando, muchas veces, al papel de ser madres, esposas e incluso hijas. Nochlin menciona, por ejemplo, el caso de Rosa Bonheur quien, a pesar de haber sido una de las artistas más reconocidas mundialmente fue fuertemente juzgada por haber rechazado numerosas propuestas de matrimonio (NOCHLIN, 1973: 30-37). Si para las artistas mujeres blancas ha sido largo y espinoso el camino hacia el éxito y al reconocimiento, ¿cómo ha sido el trayecto para las artistas afrodescendientes, para las chicanas, para las latinoamericanas, por nombrar sólo algunas? Dentro de un mundo globalizado en el cual la dicotomía centro/periferia (APPADURAI, 2010: 4-13) ha sido extensamente debatida, ¿en dónde se posicionaría la obra de una mujer afrocolombiana con respecto a la de una afroamericana o africana? En su libro Vision and Difference, Griselda Pollock considera que el énfasis en las representaciones culturales y en la construcción sexual de la diferencia son dos puntos claves para intervenir en la historia oficial del arte. Estos dos elementos de análisis permiten, según Pollock, el reconocimiento de los mecanismos y las relaciones de poder que sostienen y mantienen la diferencia sexual (POLLOCK, 1988: 9-17). La conjunción de estos dos elementos nos permitiría comprender, en el caso de mujeres artistas afrodescendientes, cómo la deconstrucción desde adentro, es decir desde el campo del arte, puede ser una estrategia discursiva para desmantelar los códigos socialmente establecidos y trastornar desde el interior del sistema patriarcal la manera en que la mujer del Tercer Mundo es concebida.

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11 Lo anterior nos permite tener un marco referencial para analizar la obra de Liliana Angulo Castro, quién ha desarrollado en la última década un trabajo plástico donde la exploración de la identidad afrocolombiana y su representación social se convierten en puntos centrales de cuestionamiento. Su trabajo se inscribe en un período en el cual “lo Otro interno”, es decir el indígena y la mujer afrodescendiente, entre otros, adquieren un cierto respaldo legal y una mediación mediática gracias a la Constitución de 1991. En su obra, Angulo rescata los elementos culturales de las comunidades afrocolombianas y se interroga sobre las representaciones sexistas y racistas que los cuerpos de las mujeres afrodescendientes han sido objeto desde la colonia hasta nuestros días. Desde la Grecia antigua el “cuerpo ejemplar” es aquel que corresponde a las pautas admitidas por las autoridades políticas y religiosas. El hombre joven blanco occidental constituye el paradigma a seguir y lo que es diferente es una completa herejía. Los cuerpos de mujeres afrodescendientes “re-presentados” por Angulo no corresponden al sistema occidental patriarcal legado por la colonización española. De esta manera, las mujeres de Angulo violan la supremacía masculina, su color de piel rompe con el dominio blanco y su origen popular fractura el modelo burgués occidental (GIRALDO, 2014: 11).

12 El artículo transitorio 55 de la Constitución Política de Colombia de 1991 permitió el reconocimiento de las comunidades negras del Pacífico como propietarias de territorios colectivos y aprobó la participación de sus representantes ante los diferentes estamentos oficiales. Con el artículo 55 y la subsiguiente Ley 70 de 1993 (CONSTITUCION POLITICA DE COLOMBIA, 1991: 212), la región del Pacífico Colombiano, conformada en su gran mayoría por comunidades afrodescendientes, experimentó la configuración de nuevas formas de identidades inexistentes anteriormente. Según Arturo Escobar, con la nueva Constitución hubo un “re-descubrimiento” tanto externo como interno de los afrodescendientes colombianos. Gobierno, activistas, ONGs, movimientos de mujeres y líderes locales comenzaron a reflexionar conjuntamente sobre el lugar que ocupan los afrodescendientes dentro de la nación colombiana. Hubo una “reubicación y reaparición de lo negro” que permitió paralelamente la construcción de un nuevo sujeto político, las “comunidades negras” (ESCOBAR, 2010: 232).

13 Como lo advierte Escobar, el Pacífico Colombiano adquiere también gran importancia durante la década de 1990 por el interés que los recursos naturales despertaron en las multinacionales. La Región del Pacífico Colombiano reúne cinco departamentos: Chocó, Valle del Cauca, Nariño, Cauca y una parte de Antioquia. Además de ser habitado por una importante población afrocolombiana, allí viven pueblos nativos como los Awa, Cañamomo, Emberá, los Wounann y los Kunas 2. La región concentra la segunda reserva natural más grande del planeta, después de la Amazonía (territorio colombiano compartido por Brasil y Perú). Denominada Chocó Biogeográfico, ésta región y sus riquezas biológicas han sido destruidas sistemáticamente a causa de la deforestación, de las prácticas agrarias insostenibles, la pesca ilícita y sobre todo el trabajo minero ilegal. A parte de la destrucción ecológica, los habitantes de esta región sufren incursiones violentas por parte de las guerrillas, los paramilitares y los diferentes grupos al margen de la ley. Una de las tantas irrupciones fue realizada el 2 de mayo de 2002, cuando la FARC (Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia) lanza un cilindro bomba dentro de la iglesia de Bojayá, pueblo del departamento del Chocó, matando 119 personas y ocasionando el desplazamiento de numerosas familias (INFORME DEL GRUPO DE MEMORIA HISTORICA, 2010: 35-80) 3.

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14 Dos años antes de la masacre y denunciando visualmente la grave situación de la población afrocolombiana, Liliana Angulo realiza Negra menta. Dividida en deciocho fotografías a color, la artista presenta las diferentes maneras a través de las cuales la sociedad colombiana identifica a la mujer afrodescendiente. La obra posee varios registros de lectura que reunidos cuestionan por un lado la construcción de una identidad nacional basada en la segregación racial, y por otro lado, señala los estereotipos sexistas anclados en la conciencia colectiva colombiana. Comenzando por el título Negra menta, Angulo juega con el significado de las palabras, al igual que lo hizo Joseph Kosuth en su obra One and three chairs de 1965. Mientras que Kosuth representa la silla en tres diferentes maneras (objeto, fotografía y el significado del diccionario) con la intención de explorar formas de concebir un solo objeto. Angulo, al contrario, toma una sola palabra que contiene tres significados distintos. Dentro del contexto social colombiano, Negramenta – en su modalidad pegada – es una palabra peyorativa que hace referencia a la comunidad negra en general. De hecho, el Diccionario de la Real Academia Española lo certifica: “conjunto de personas de raza negra” 4. Negra menta hace referencia, en segundo lugar, a un juego de palabras en donde la menta se convierte en un elemento de referencia geográfico puesto que la hierba proviene originalmente del Norte de África. A parte de sus beneficios higiénicos, la menta ha sido utilizada por sus propiedades curativas. Para la población afrocolombiana, la protección del territorio y todo lo que éste proporciona, incluyendo las hierbas medicinales, hace parte de su herencia ancestral. Tristemente, el modelo desarrollista impulsado por los Gobiernos ha generado una gran pérdida de recursos naturales renovables. El bosque húmedo del Pacífico y todas las plantas que éste produce se encuentra en amenaza de desaparición (BOTERO, 2010: 8-14).

15 Negra menta nos recuerda igualmente a Nieves quien es una caricatura creada en 1968 por Consuelo Lagos 5 y mostrada en los principales periódicos del país como El Espectador y El País. En su texto La “negra nieves” ou le racisme à fleur de peau. Regards croisés sur une caricature, Elisabeth Cunin realiza un estudio alrededor de esta caricatura en donde reflexiona sobre las categorías “raciales” en Colombia (CUNIN, 2016: s.p). Oponiendo su nombre “blanco” a su pertenencia racial “negra”, Nieves es una caricatura que representa una mujer afrodescendiente originaria de una región húmeda, probablemente del Pacífico Colombiano. Nieves – quién trabaja como una empleada de servicio en los años 1960 y quién se convierte en una estudiante de filosofía en la década de los 1990 – reúne todos los estereotipos que se tienen del afrodescendiente reduciéndolo a un habitante de tierras húmedas, calurosas y ejerciendo trabajos no muy bien remunerados. Las mujeres “re-presentadas” de Angulo en Negra menta y la caricatura de Nieves son personajes tomados de la realidad que nos recuerdan la carga segregacionista que porta la población afrocolombiana a pesar de los impulsos dados por la Constitución de 1991. Nieves y su arsenal imaginario “nos obligan a renunciar a toda definición unívoca e irreverente del otro y a tomar como objeto de análisis no una supuesta “identidad negra” sino los mecanismos relacionales, situacionales y parciales de atribución de estatus” (CUNIN, 2016: s.p.).

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El Espectador, 7 de Mayo 2016

Negra menta, 2000

Impresión a color, 50x40 cm. Colección Banco de la República de Colombia, Bogotá.

16 Para la realización de estas fotografías, Angulo se inspira de Nieves y retoma la vida cotidiana de una adolescente tumaqueña 6 quién trabaja como empleada doméstica en una casa de Bogotá. Angulo recuerda a través de su obra la realidad, muchas veces invisible, de numerosas niñas migrantes que se desplazan a las grandes urbes colombianas para trabajar en el servicio doméstico (PORTILLA, 2011: s.p.). Pintando de negro el rostro y el cuerpo de la tumaqueña, Angulo insiste en la importancia de este color como característica positiva, distintiva e identitaria. Para la artista, el negro no contiene ninguna connotación peyorativa como la mirada racista lo ha hecho entender vinculándolo a ciertas imágenes de raza y de lo exótico. El color negro engloba toda una historia personal, colectiva y ancestral que la identifica con una comunidad. Reforzando el color negro en el rostro y el cuerpo de la modelo, Angulo no hace nada

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más que enfatizar su procedencia decodificando los términos opuestos de blanco/negro tan presentes en Occidente, y en Colombia. Además, plantea una propuesta visual en la que siendo fiel al formato y a los colores de la caricatura de Nieves, reduce la profundidad de la imagen fotográfica, imitando de esta manera la bidimensionalidad del papel (SHOUSE TOURINO, 2009: 239).

17 Vestida como Nieves y encontrándose en un espacio indeterminado de color blanco, Angulo contrapone lo que para muchos es un espacio “puro” con la “impureza” del color de piel de la modelo. La dicotomía blanco/negro es utilizada por la artista como un medio para desestabilizar lo que tradicionalmente esta jerarquizado: lo blanco como símbolo de pureza, perfección, orden, civilización, modernidad es contrapuesto con el negro que cristaliza todo lo contrario. No es gratuito que el demonio sea vinculado al color negro desde los tiempos de la Colonia. El esclavo africano encarnó para el español el “deseo malo, el retoño de emociones pulsionales rechazadas, cuyas manifestaciones son culturalmente neuróticas” (BORJA, 1997: 161). En Negra menta, Angulo problematiza jerarquías históricas y discursivas a través del duplo blanco/negro interrogándose sobre “el estatus natural de los aparentes pares dicotómicos y visibiliza su interdependencia e inestabilidad internas” (GIRALDO, 2014: 22).

18 Negra menta puede ser relacionada con la obra de la afroamericana Adrian Piper llamada My calling card N1 (1986-1990, Walker Art Center). La artista, cansada de los comentarios racistas, extendía su mano y entregaba una carta de presentación en la que se encontraba escrito el siguiente mensaje: “Dear Friend/I am black. / I am sure you did not realice this when you made/laughed at/agreed with that racist remark.” La obra de estas dos artistas encuentra un interesante eco con el trabajo de la afroamericana Kara Walker, Insurrection ! Our Tools Were Rudimentary, Yet We Pressed On (2002, Solomon R. Guggenheim Museum, New York). Proyectando largas y delicadas siluetas negras sobre fondos blancos, Walker narra la historia de una revuelta en el sur de los Estados Unidos en la que los esclavos destripan a su amo con un gran cucharón. Walker y Angulo se refieren a la esclavitud y a los objetos utilizados tradicionalmente por las empleadas domésticas afrodescendientes (cucharón, trapero, escoba, delantal, pañoleta, etc.,) con el fin de denunciar éste estereotipo y afirmar una historia particular, la de la diáspora africana. 7

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Kara Walker, Insurrection! Our Tools Were Rudimentary, Yet We Pressed On, 2002

Papel y proyecciones de luz, dimensiones variables, Solomon R. Guggenheim Museum, New York.

19 El performance de Piper, la instalación de Walker y las fotografías de Angulo exponen una preocupación con respecto a la autoidentificación y a la autoafirmación identitaria. Procesos que se llevan a cabo interrogando y deconstruyendo jerarquías como las de los colores. A contrapelo de las acciones mencionadas, el blanqueamiento que se impuso el cantante Michael Jackson y el uso de productos estéticos para aclarar la piel prueban el peso que tiene la sociedad occidental sobre la mirada que el afrodescendiente tiene de sí mismo. Para aquellas personas, el blanqueado de piel es un proceso esencial para sertirse atractiva/o y aceptada/o. Además de convertirse en un fénomeno popular, el blanqueamiento de piel expone sobretodo “un complejo de negro, que pasó de ser motivo de orgullo en los años 1960, a motivo de vergüenza en la actualidad” (VARGAS, 2004: s.p). Mientras que las artistas sienten la necesidad de una doble autoafirmación (la de ser mujeres y ser afrodescendientes), para Jackson y los otros es la negación de su origen. Estos ejemplos muestran cómo la dicotomía blanco/negro y las categorías de género y de clase se encuentran interrelacionadas e inscritas en los cuerpos y en el imaginario colectivo de las comunidades que construyen à partir de éste último sus relatos individuales y nacionales.

20 Dentro de esta comunidad imaginada que es la Nación Colombiana (ANDERSON, 1993: 23-25) 8 se encuentra actualmente expresiones populares que resuenan con la propuesta de autoafirmación que desarrolló Angulo en Negra menta. Gracias a las dinámicas jurídicas originadas por la Constitución de 1991, el Pacífico Colombiano conoció un “régimen enteramente nuevo de la identidad” que fue formulado, según Escobar, en términos de etnicidad y del concepto de comunidades negras. Antes de la Constitución existía una incapacidad de articular los intereses de las comunidades

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negras del Pacífico, después de 1991 hubo una “ruptura que significó la reubicación de lo negro en el imaginario cultural y político de la nación junto con una nueva política de la representación.” Para ello, fue fundamental el artículo transitorio 55 y la Ley 70 de 1993 que promovieron prácticas institucionales como la creación de la Comisión Especial para las Comunidades Negras y de nuevas organizaciones sin ánimo de lucro (ESCOBAR, 2010: 241). Los afrocolombianos pasaron entonces de ser invisibles a ser protagonistas de una historia y cultura nacional que les había ignorado, maltratado y despreciado desde la colonización.

21 Las nuevas dinámicas sociales ofrecidas por la Constitución de 1991 dieron origen a expresiones artísticas como la de Angulo o como la de ChocQuibTown, grupo de Hip Hop que promueve, a través de la mezcla de la música electrónica, el funk y el reggae, los ritmos tradicionales del Pacífico Colombiano como el currulao, el bambazú y el aguabajo. Creado en el año 2000, ChocQuibTown lanza en el 2006 el sencillo Somos Pacífico que se convierte en un éxito nacional gracias al carácter apologético de su letra: Somos Pacífico, estamos unidos, Nos une la región. La pinta, la raza y el don del sabor. Es toda una conexión. Con un corrillo Chocó, Valle, Cauca. Y mis paisanos de Nariño. Todo este repertorio me produce orgullo. Y sí somos tantos. Porque estamos tan al cucho (* en la esquina). Unidos por siempre, por la sangre, el color. Y hasta por la tierra. No hay quien se me pierda. Con un vínculo familiar que aterra. Característico en muchos de nosotros. Que nos reconozcan por la mamá….

22 Tanto Negra menta como Somos Pacífico redescubren la identidad afrocolombiana a través de diversos elementos como el color negro, la procedencia regional, la historia común de la diáspora, la cultura y el papel cohesionador del sujeto femenino. El “re- descubrimiento” del elemento negro realizado por el Estado en 1991, y tiempo después dentro de las mismas comunidades del Pacífico Colombiano, permitió en consecuencia su reconocimiento dentro del campo del arte nacional como lo testimonia la exposición Viaje sin mapa. Partiendo de la pregunta de Raúl Cristancho sobre el porqué de la inexistencia de la presencia de artistas afrocolombianos en el panorama nacional, se realizó en 2004 el proyecto Viaje sin mapa que reunía la obra de diferentes artistas contemporáneos de color dentro de los cuales encontramos el trabajo de Angulo. Si bien es cierto que la música, la danza y las tradiciones orales han sido reconocidas como parte integral de la cultura nacional – dentro de su componente folklórico – las expresiones artísticas afrocolombianas (pintura, escultura, performance, instalación, video, etc.,) han sido excluidas del imaginario nacional (CRISTANCHO, 2006: 11-12). Es por esto que el trabajo de Angulo es tan importante puesto que se inserta y destabiliza desde el interior las jerarquías del arte.

Una imagen heredada de la mujer afrocolombiana

23 Si las mujeres afrocolombianas se encontraban organizadas alrededor de actividades comunitarias y cotidianas desde hacía mucho tiempo, después de la promulgación de la Constitución de 1991 tales organizaciones se institucionalizaron gracias al apoyo financiero estatal e internacional. Por primera vez, las comunidades negras y sobre todo sus mujeres hicieron parte de proyectos estatales que estuvieron mediados, sin embargo, por múltiples negociaciones y objeciones (ALVAREZ, 2012: 280). La preocupación por hacer visible la mujer afrocolombiana recorrió igualmente la obra de Angulo desde sus estudios de pregrado en la Universidad Nacional de Colombia. Reconociendo primero su origen negro, Angulo se interesó tiempo después en la

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manera cómo la mujer afrocolombiana era pensada, imaginada, mirada y representada. A lo largo de su obra, Angulo cuestiona las implicaciones de lo que es ser una mujer afrodescendiente en Colombia donde la inequidad de género, la violencia, la pobreza, el desplazamiento forzado y el racismo están cotidianamente presentes.

24 Sin tener en cuenta los contextos socio-políticos, simplificando y naturalizando las características de una identidad y otorgándole atributos negativos, los estereotipos han reducido a las mujeres afrocolombianas a objetos hipersexuales o a sujetos de segunda categoría. Nieves y la tumaqueña fotografiada por Angulo sosteniendo un trapero y una escoba, encarnan perfectamente la idea que se tiene de la mujer afrocolombiana: un sujeto doblemente subalterno por su origen y por su trabajo como empleadas de servicio. Además, sus cabellos rizados, el uso de vestido blanco, sus miradas nostálgicas y su posición de expectantes hacen referencia a los rasgos físicos y psicológicos que son otorgados a los afrocolombianos: personas simples, de buen humor, amables e inocentes con nariz chata y boca abultada (GIRALDO, 2014: 71). En una de las fotografías de la serie Negra menta, la modelo está degustando la sopa con un gran cucharón de metal haciendo referencia a esas grandes matronas negras que, desde la Colonia, ayudan a criar a los herederos blancos. Ésta fotografía resuena con la famosa obra de Betye Saar The Liberation of Aunt Jemima de 1972, en donde observamos una enorme replica sonriente de Aunt Jemima dentro de la cual se encuentra un imagen de la misma sosteniendo un bebé blanco en un jardín. Sobre un fondo que presenta imágenes publicitarias del personaje, a la manera de Warhol con sus Marilyns, la gran réplica de Aunt Jemima porta en su brazo derecho una escoba y en el izquierdo un fusil, transformando de esta manera a la feliz sirvienta en una mujer militante del black power (GIRALDO, 2014: 121).

Negra menta (versión cucharón y escoba), 2000

Impresión a color, 50x40 cm. Colección Banco de la República de Colombia, Bogotá.

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25 Mientras que The Liberation of Aunt Jemima se refiere a una situación de conmoción en los Estados Unidos relacionada con la lucha de los derechos civiles de las afroamericanos, Negra menta (versión cucharón y escoba) denuncia la creencia social de que el destino de las afrocolombianas es ser empleadas de servicio. Su obra provoca un dialogo ético con el público puesto que lo hace reflexionar, a través de los objetos como escobas, traperos, cucharón, etc., el lugar de la mujer afrocolombiana dentro de la constitución del imaginario nacional. Con esto me refiero a que Angulo desfamiliariza al púbico de los estereotipos subterráneos y lo aleja de los imaginarios de pobreza, ignorancia, subordinación que constituyen la mirada mestiza y blanca sobre el afrocolombiano. Angulo resalta igualmente la importancia del papel de las empleadas de servicio afrocolombianas en la constitución de la sociedad colombiana. Siendo un trabajo “invisible, repetitivo, improductivo” (DAVIS, 2005: 221), Angulo crea una nueva conciencia frente a esta actividad que es una realidad diaria para muchas mujeres de color.

26 En otra de las fotografías de Negra menta, la modelo con mirada nostálgica se encuentra sentada sobre una butaca, portando dos rulos de color azul sobre su cabello rizado y en su mano izquierda un cepillo. Ésta obra hace referencia a la importancia del cabello para las afrodescendientes quienes, en su gran mayoría, gastan una enorme cantidad de dinero para tenerlo liso, sedoso y brillante según los cánones de belleza occidental. Ellas se han visto obligadas a hacer concesiones en su cuerpo y en su cabello para encajar en el canon tradicional. Chris Rock en su documental Good Hair (2009) se concentra en mostrar lo que es una cabellera negra aceptable y deseable. Además, explora las diferentes técnicas que las afroamericanas adoptan para alisar sus cabellos y mantenerlo en ese estado a pesar de su naturaleza rizada.

Negra menta (versión rulos), 2000

Impresión a color, 50x40 cm. Colección Banco de la República de Colombia, Bogotá.

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Beautiful hair starts with DooGro

27 La fotografía de Angulo (versión rulos) y la película de Rock dialogan con la obra de Lorna Simpson, Stereo Styles de 1988, en donde la afroamericana muestra las diez maneras posibles de peinar un cabello rizado sin mostrar el rostro de la mujer. Utilizando flores, cintas, hebillas, cauchos, etc., y acompañando cada estilo con adjetivos calificativos como Daring, Sensible, Severe, Ageless, Silly, Magnetic, entre otros, Simpson invita al espectador a realizar diferentes conexiones entre imagen y texto. Tanto las fotografías de Angulo como las de Simpson critican el postulado de que el peinado define la identidad de una persona. El rostro nostálgico de la modelo de Angulo y el cambio constante de peinado que presenta Simpson reflejan el estado inestable y la soledad por el cual numerosas afrodescendientes pasan por sentirse avergonzadas de su cabello rizado (BELISLE, 2011: 160-161). La misma Angulo declara: “mi acto de afirmación al llegar a la adultez fue liberar el pelo, usarlo suelto o con peinado afro. Peinados afro considerados feos. Luego me calvée yo misma a los 20 años pero eso fue una acto más de rebeldía en protesta contra la supuesta feminidad” (GIRALDO, 2014: 161).

28 Dentro de la serie Negra menta, se observa otra fotografía en la que la modelo sentada sostiene y mira directamente la cabeza de un maniquí. Aquí Angulo declara no sólo su posición estética sino ética que asumirá plenamente en sus obras posteriores. La modelo observa atentamente la cabeza blanca de un maniquí – paradigma de la belleza occidental – dándose cuenta que no cumple con las proporciones y exigencias corporales dictadas por Occidente (GIRALDO, 2014: 63). Su color de piel, la forma de su cara, su nariz, sus ojos, su cabello no encajan ni empatan con las medidas y características del maniquí. Sin embargo, en Negra menta y en especial en ésta fotografía, la afrocolombiana se convierte en sujeto, ya que es ella quién recupera la mirada del espectador. La cabeza del maniquí, simbolizando la mujer blanca, es sólo un objeto más que desaparece con el fondo blanco de la fotografía.

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Negra menta (versión maniquí), 2000

Impresión a color, 50x40 cm. Colección Banco de la República de Colombia, Bogotá.

Carrie Mae Weems, Mirror Mirror, 1986

Looking into the mirror, the black woman asked,”Mirror, mirror on the wall, who’s the finest of them all?”. The mirror says,”Snow white, you black bitch, and don’t forget it!!!”. Impresión a color, 36.8 x 36.2 cm.International Center of Photograph, New York. International Center of Photograph, New York.

29 Negra menta (versión maniquí) hace eco con el trabajo de Carrie Mae Weems, Mirror Mirror (1986, International Center of Photograph), en el que la artista frente a un espejo pregunta: “mirror, who’s the finest of them all? The mirror says, “Snow White, you black bitch, and don’t you forget it !” A través de la mirada, las dos artistas cuestionan el sistema opresivo que autoriza y mantiene los cánones y valores de belleza occidentales. Más allá

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de criticar la mediatización de la mirada, ellas sitúan en el centro la visión que la mujer afrodescendiente tiene de ella misma y de cómo han sido vistas a lo largo del tiempo. Históricamente, las mujeres de color han sido encasilladas como buenas cocineras, ardientes amantes y excelentes bailarinas (LOZANO Y PEÑARANDA, 2007: 717). Desde una mirada erotizante y exotizante, ellas hacen parte del paisaje colombiano como palenqueras 9, vendedoras de frutas como lo ejemplifican las obras de Ana María Hoyos y de Enrique Grau.

30 Dos de las fotografías de la serie Negra menta hacen referencia a la trata de esclavos. La primera muestra a la modelo sosteniendo una reja y en la segunda se observa a la misma mujer encadenada con grilletes de hierro en el cuello y manos. En las dos fotografías, la mirada perdida y la posición impávida nos transportan al infierno que los esclavos tuvieron que vivir durante la trata. Las fotografías de Angulo adquieren aquí un carácter histórico puesto que se interroga sobre el papel del negro en la construcción de la nación colombiana.

Negra menta (versión reja y grilletes), 2000

Impresión a color, 50 x 40 cm. Colección Banco de la República de Colombia, Bogotá.

31 A diferencia de los indígenas, los africanos fueron considerados por los españoles como objetos sin valor humano y las mujeres como no-seres capaces de trabajar como los animales (GIRALDO, 2014: 55). El trabajo de Angulo se dirige a resaltar el lugar de la mujer afrodescendiente en la historia nacional. Ella se pregunta por la manera más efectiva de combatir el sexismo y el racismo, fenómenos sociales que impiden reconocer la participación de las afrocolombianas en la construcción del país. La nación colombiana se cimentó, desde sus albores coloniales, bajo un sistema de distinciones y jerarquías de identidades articuladas en función del color de la piel y de la pureza de sangre. A diferencia del feminismo europeo y norteamericano que se basó en la afirmación de Simon de Beauvoir “no se nace mujer, se llega a serlo”, las feministas afrodescendientes tuvieron que partir de una negación: no ser mujer (JABARDO, 2012:

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29). En 1851, la afroamericana Sojourner Truth pugna en su famoso texto Ain’t I a Woman?, la creencia de que las mujeres de color no son mujeres. Ella luchó por re- significar el término de mujer negra en su aspiración de ser libre tanto de la dominación sexista como racista. Esta lucha resuena con las dos fotografías de Angulo que retoman precisamente esa negación para establecer una protesta visual en la que se afirma la participación activa de la mujer africana en la edificación de la historia colombiana.

32 En una entrevista Angulo declara que “la identidad negra ha sido negada durante tanto tiempo por las élites que ahora se alimenta de lo que aparezca” (SHOUSE TOURINO, 2009: 228). Esta citación, que recuerda los postulados modernistas de Oswald de Andrade en su Manifiesto Antropófago de 1922, expone la necesidad de recuperar las tradiciones étnicas y culturales negras devorando lo impuesto por los blancos. Negra menta invierte la relación colonizador/colonizado haciendo que su modelo utilice un vestido blanco y se convierta en sujeto de la obra. Además, recurriendo a la fotografía, que fue un dispositivo utilizado para documentar la vida de los “Otros” desde una perspectiva científica, Angulo se apropia de este medio y digiere las imágenes capturadas por los antropólogos y etnógrafos de comienzos de siglo XX. La fotografía es utilizada para destruir el imaginario colonial que atraviesa la historia de las comunidades afrocolombianas (GIRALDO, 2014: 81). Angulo vuelve visible lo invisible alterando los usos que tenía la fotografía etnográfica.

33 Para terminar este análisis iconográfico, se toman dos de las deciocho fotografías de Negra menta. En una de ellas se observa a la modelo portando una pistola con mirada desafiante al estilo James Bond. En la otra, ella se encuentra de frente con casco y pala de minero. Las dos fotografías reenvían a dos clases diferentes de violencia. Mientras que en la primera la modelo parece defenderse de un ataque, en la segunda ella está obligada, por las circunstancias de pobreza y miseria, a trabajar como minera bajo condiciones infrahumanas. La idea del esclavo sumiso e inocente es subvertida por Angulo quien apodera a la mujer afrocolombiana con un arma (GIRALDO, 2014: 95). En el caso de la minera, la mujer es violentada por el escenario en el que ella se encuentra. Alrededor de las minas numerosas familias afrocolombianas se han ido constituyendo desde los tiempos de la Colonia. Sin embargo, la situación de violencia del país ha hecho que estas familias se dispersen y que las tradiciones ancestrales fundadas en el papel central de la mujer y en la actividad minera se pierdan. (FRIEDEMANN y ESPINOSA, 1998: s.p.).

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Negra menta (versión James Bond y minera), 2000.

Impresión a color, 50x40 cm. Colección Banco de la República de Colombia, Bogotá.

34 La minería en el litoral del Pacífico fue una actividad realizada por los indígenas con connotaciones rituales y simbólicas bien antes de la colonización. Lo que cambia cuando arriban los europeos son las condiciones de trabajo, la producción y el incremento de la actividad. El impacto ambiental y el deterioro humano que causa la sistematización de la extracción aurífera no han cambiado desde la Colonia, al contrario, Colombia se caracteriza por ser uno de los países con una importante actividad minera ilegal (MANGA, 2015: s.p. / RODRIGUEZ, 2011: s.p.). Mientras que en la colonia los esclavos eran obligados a trabajar, en la actualidad los afrodescendientes trabajan para sobrevivir, dos diferentes tipos de violencia. La ausencia de asistencia técnica, el abandono estatal y la presencia de grupos armados, han generado la degradación sistemática de los recursos naturales, el desplazamiento de varias familias y la creación de focos de miseria (GONZALEZ, 2003: s.p.). Las dos fotografías de Angulo despliegan la contradicción en la que las afrocolombianas son forzadas a vivir. Protegiéndose con armas y subsistiendo con las palas, las mujeres afrocolombianas siguen siendo invisibles, y lo que es lamentable, es reconocer que aquella invisibilidad parte, muchas veces, desde el interior de las comunidades negras en donde el hombre violenta y ataca a las mujeres (LOZANO Y PEÑARANDA, 2007: 722).

35 En conclusión, la obra de Angulo es pionera dentro del contexto artístico nacional primero porque ejerce un proceso de autoafirmación en el que la deconstrucción de códigos sociales se realiza a través de la dicotomía blanco/negro. Es decir, que opera una actitud transgresora desde los mismos presupuestos modernos del arte: la mujer negra ya no es objeto de representación ni de estudio, ella se convierte en sujeto activo. Segundo, porque hace parte de este grupo de artistas afrocolombianos que buscan un lugar dentro del sistema blanco de las artes plásticas reivindicando su origen y su cultura. Tercero, porque siendo mujer de color retoma los clichés y los estereotipos

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atribuidos a la mujer afrodescendiente para desestabilizar el sistema patriarcal y sexista que rige la sociedad colombiana.

36 Partiendo de una sola obra, Negra menta, vimos la manera cómo Liliana Angulo deconstruye los presupuestos racistas y cuestiona los estereotipos asociados a la mujer afrodescendiente. Utilizando la fotografía, Angulo muestra, a partir de la caricatura de Nieves y de la vida de la modelo tumaqueña, la historia de las mujeres afrocolombianas desde los tiempos de la Colonia hasta la actualidad. Ésta obra rastrea la construcción del imaginario colectivo sobre lo afrocolombiano teniendo como contexto el marco jurídico, político y social ofrecido por la Constitución de Colombia de 1991. Reconociendo que hubo ciertos adelantos con respecto a los derechos civiles de los afrocolombianos, el cuestionamiento que propone Angulo con Negra menta, expone ciertas contradicciones que la nueva Constitución no ha podido resolver puesto que el imaginario colectivo aún no ha aceptado el elemento negro dentro del componente nacional. Los cambios que introdujo la Constitución fueron radicales ya que el Estado aceptó proteger la diversidad étnica y cultural de la nación, además de garantizar los derechos específicos de las comunidades negras. Sin embargo, como lo menciona Jaime Arocha, en Colombia “se ha desarrollado una especie de consenso nacional en torno al posible valor terapéutico del silencio racial. O que ese silencio contribuyera a salvaguardar la idea de que el mestizaje es una fuerza democratizante, mito que fue ampliado en la década de 1980” (AROCHA, 1998: s.p.).

37 Luchando contra este “silencio terapéutico” y contra la doble subordinación a la que la mujer afrocolombiana se encuentra sometida, Angulo propone con su Negra menta las siguientes preguntas: ¿Cómo terminar con el racismo y el sexismo que afecta cotidianamente la vida de la mujer de color? ¿De qué manera se podría reparar a las comunidades negras del ostracismo al que han sido obligadas a vivir desde la Colonia? ¿Quién podría responder por los daños causados por la destrucción de millones de hectáreas de bosque húmedo en el Pacífico Colombiano y del desarraigo cultural del que están siendo víctimas a causa de la violencia? ¿De qué manera incluir la cultura afro dentro de un país que se considerada mestizo e incluso blanco? Lo que permitió la Constitución de 1991 fue el “re-descubrimiento” de lo negro en el panorama nacional, y tiempo después, en el campo artístico. Se aceptó entonces el carácter histórico de las identidades negras y fue precisamente este elemento el punto de partida de la obra de Angulo. Reflexionando sobre sus orígenes, la artista realizó su obra Negra menta en la que buscó afirmar su identidad afrocolombiana. Entendiendo la identidad “como una forma compleja del entendimiento de sí mismo e improvisada a partir de los recursos culturales a mano en un contexto histórico particular” (ESCOBAR, 2010: 246), Angulo hace uso de la caricatura de Nieves y de la vida de la tumaqueña para relacionar sus vivencias personales con la colectividad afrodescendiente.

38 Negra menta se constituye en un ejercicio de autoafirmación en la que Angulo interroga las creencias populares según las cuales la mujer afrodescendiente es por un lado atrasada, salvaje, ignorante, pobre e inculta, y por el otro, ardiente, sensual y provocativa. Contraponiendo estos adjetivos sobre la imagen de una caricatura recreada por una verdadera afrocolombiana, Angulo hace que el espectador reflexione sobre la manera cómo las dicotomías – esclavo/libre, mujer/hombre, mujer blanca/ mujer negra – sean “expresiones de una geografía imaginaria de relaciones de poder neocoloniales. Relaciones que son fragmentos de ideologías hegemónicas dispersas que desde tiempo atrás han colonizado las mentes hasta de los más puros de nuestros

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sujetos antropológicos” (ALVAREZ, 2012: 274). Las preguntas que se hace Angulo a través de Negra menta cristalizan la preocupación de varios artistas contemporáneos de relacionar la ética artística con la política. Realizando talleres con comunidades afrocolombianas y con colectivos de mujeres de color, Angulo parte de lo visual para hacernos interrogar sobre las maneras en que los estereotipos femeninos operan dentro de las mismas comunidades negras y nos invita a observar cómo éstos crean complejos personales que afectan finalmente el registro colectivo (APONTE, 2009: s.p.). En el caso colombiano, esos complejos son doblemente pesados puesto que el contexto de violencia y de pobreza refuerza aún más su condición de subalternos.

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WILLIS OBREGON, María Emma (2004). Las trayectorias femeninas y feministas hacia lo público en Colombia (1970-200), Tesis de Doctorado en Filosofía, dirigida por Henry Dietz, Austin, Universidad de Texas.

NOTAS

1. La ley 70 de 1993 define la Comunidad negra como el conjunto de familias de ascendencia afrocolombiana que poseen una cultura propia, comparten una historia y tienen sus propias tradiciones y costumbres dentro de la relación campo poblado, que revelan y conservan conciencia de identidad que las distinguen de otros grupos étnicos. (artículo 2, parágrafo 5). 2. Información tomada de la página web de El Observatorio, iniciativa de la Coordinación Regional del Pacífico Colombiano que cuenta con el soporte técnico y académico de la FUCLA y el apoyo técnico y conceptual del CINEP / Programa por la Paz. 3. No reconociendo las advertencias lanzadas por la Diócesis de Quibdó sobre la inminencia de confrontaciones armadas en Bojayá, el Estado no envía fuerzas de control para proteger este municipio considerado por las Autodefensas Unidas de Colombia –AUC- como un bastión de la gerrilla de las FARC. Desde finales de abril de 2002, los combates se desplazaron a zonas habitadas por civiles hasta llegar al municipio de Bojayá, donde 300 personas se refugiaron en la Iglesia, 100 en la casa cural y 100 más en la casa de las Misioneras Agustinas. El día 2 de mayo de 2002, un cilindro-bomba “rompió el techo de la iglesia, impacto contra el altar y estalló, detonando su carga de explosivos y de tralla y produciendo una gran devastación: en el suelo y hasta en los muros quedo la evidencia de los cuerpos desmembrados o totalmente deshechos, y la sangre manchó el lugar ; mezclándose y perdiéndose entre los escombros”. Valga resaltar que las la población del Pacífico no ha sido solamente atacada por la guerrilla, han sufrido también

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agresiones violentas por parte de los narcotraficantes y de los paramilitares como fue en el caso de las Casas de Pique en Buenaventura en el año 2000. Ver (MARTINEZ HERNANDEZ, 2014: s.p) 4. Diccionario de la Real Academia Española. Consultado en línea. 5. “Nieves es la empleada de servicio doméstico, de color – casi siempre, en este sector del país - que tiene la nobleza de su raza. Alegre y confiada, con esa ingenuidad propia de la muchacha crecida lejos de la ciudad y con la mentalidad del que solo alcanza dos años de escuela. Las escenas domésticas, trasladas al papel, las recibimos (amas de casa) con una sonrisa. Sentimiento de “reconciliación” y gran aprecio – en el fondo – de aquella sirvienta de color, que con su delantal a cuadros y sus “churquitos” en la cabeza, ha salido trazar un puente de simpatía, entre las amas de su casa y su gremio. Detrás de Nieves esta Consuelo Lago, dándole con su plumilla y su gran imaginación. Lago, Apellido español vinculado a Cali, hace muchos años, que al mencionarlo nos hace pensar a don Manuel y don Pepe, vinculados a la banca…” (MORRIS, 1968: 11). 6. Tumaqueña es el gentilicio utilizado para las personas nacidas en Tumaco, municipio del departamento de Nariño, al sur occidente de Colombia lindado con el océano Pacífico. 7. Para profundizar en la manera en qué la diáspora configuró la identidad afroamericana consultar Routes: Travel and Translation in the Late Twentieth Century de James Clifford y The Black Atlantic: modernity and double consciousness de Paul Gilroy. 8. “La nación es una comunidad política imaginada como inherentemente y limitada. Es imaginada porque aún los miembros de la nación más pequeña no conocerán jamás a la mayoría de sus compatriotas, no lo verá ni oirá siquiera hablar de ellos, pero en la mente de cada uno vive la imagen de una comunión. p. 23). La nación de imagina es limitada porque incluso la mayor de ellas, que alberga tal vez a mil millones de seres humanos vivos, tiene fronteras finitas, aunque elásticas, más allá de las cuales se encuentras otras naciones. Por último, se imagina como comunidad porque, independientemente de la desigualdad y al explotación que en efecto puedan prevalecer en cada caso, la nación se concibe siempre como un compañerismo profundo, horizontal. p. 25. 9. Las Palenqueras provienen de San Basilio de Palenque, uno de los primeros poblados fundados por esclavos fugitivos. Identificadas públicamente como aquellas mujeres que visten ropa de colores y venden frutas frescas, las palanqueras recogen, al lado de las abuelas y de las madres, toda una herencia ancestral transmitida a través de la oralidad y la congregación de redes familiares y comunitarias.

ÍNDICE

Mots-clés: art contemporain, photographie, identité afrocolombienne, genre, stéréotypes Palabras claves: arte contemporáneo, fotografía, identidad afrocolombiana, género, estereotipos

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AUTOR

ADRIANA PENA MEJÍA

Candidata a doctorado, actualmente realizo una tesis sobre la configuración de la identidad femenina en Colombia, bajo la dirección de la profesora Laurence Bertrand Dorléac. Sciences Po Paris: Historia del arte.

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Figures disparues, figures de la disparition dans les œuvres de Luis Caballero et d’Oscar Muñoz

Paul Bernard-Nouraud

L’auteur remercie vivement María Margarita Malagón-Kurka et Beatriz Caballero, sœur de l’artiste en charge de son œuvre, pour leur aimable concours à la réalisation de cet article ainsi que pour avoir permis la communication de textes autrement inaccessibles.

I

1 Si l’on admet que la bidimensionnalité caractérise la peinture, laquelle occupe une superficie généralement plane à laquelle l’artiste ajoute ce qu’on pourrait désigner comme une tierce dimension, conférant ainsi à l’œuvre une contenance propre, plus ou moins évidente, plus ou moins latente, mais une contenance tout de même, alors on pourrait envisager deux directions parmi les multiples voies au travers desquelles les œuvres excèdent leurs limites superficielles : soit en surface, soit en profondeur. Dans le premier cas, en effet, dès lors que les formes mises en œuvre débordent l’espace imparti, qu’une ligne interrompue par le cadre se prolonge au-delà et avec elle l’image qu’elle délimite, celle-ci, en s’écoulant hors du terrain de l’art, paraît empiéter sur le réel et gagner alors en « épaisseur » ; dans le langage typographique anglais, on dirait que l’image « saigne » de la page. Dans le second cas (et bien que, dans les faits, les deux débords puissent se combiner), le motif délinéé semble revenir au support d’où on ne le discerne qu’à demi, comme s’il tendait à s’abstraire, à se confondre avec lui, ou, pour mieux dire et quitte à risquer un néologisme, à s’y « profondre ». L’une direction étend l’image, l’autre l’intensifie.

2 Chacune à leur manière, l’œuvre de Luis Caballero et celle d’Oscar Muñoz usent respectivement de ces procédés d’extension et d’intension, et portent ainsi les images qu’ils produisent aux limites de leur disparition. Le premier n’a peint que des fragments de corps, la plupart sans visages ; le second nombre de visages sans corps,

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presque tous menacés d’effacement par le support qui les absorbe ou en lequel ils se dissolvent. En première approximation, rien ne permet donc de comparer, et moins encore d’associer, les deux œuvres : la carrière de Caballero a commencé au milieu des années 1960 et l’attention presque exclusive qu’il a porté au corps humain, en particulier au nu masculin, comme le rendu traditionnel de ses figures, indiquent qu’il n’a eu de cesse d’interroger les maîtres de la Renaissance et du maniérisme jusqu’à sa mort en 1995. Muñoz a quant à lui réalisé ses premières peintures à la fin des années 1970 sous l’influence du Pop art et de l’hyperréalisme, lesquels lui ont permis d’intégrer de manière critique la photographie dont s’était toujours défié pour sa part Caballero.

3 En seconde approximation, cependant, on aperçoit un goût commun aux deux artistes pour un certain graphisme qu’atteste l’usage récurrent, pour ne pas dire par moments exclusif, du noir et blanc, comme si le dessin demeurait sous-jacent aux deux œuvres, et cela même lorsque Muñoz paraît s’en éloigner tout à fait avec ses « protographies » des années 2010 ou que Caballero considère ses toiles de la seconde moitié des années 1980 comme plus « picturales » et par conséquent moins « dessinées », qu’auparavant. C’est qu’en réalité le style de Caballero connaît à cette période une inflexion apparemment minime, mais qui prend un tout autre relief lorsqu’elle est mise en regard des œuvres de ses contemporains : les formes qu’il emploie, plutôt que de s’étendre, s’intensifient. En s’inspirant ici en partie de l’analyse de l’art contemporain colombien proposée par Marίa Margarita Malagón-Kurka dans Arte como presencia indéxica (Malagon-Kurka, 2010), essai consacré notamment à l’œuvre d’Oscar Muñoz, on fait ici l’hypothèse que ce changement mineur dans l’œuvre de Caballero place celle-ci dans une situation transitionnelle entre les formes développées par l’art colombien dans les années 1950-1960 et celles qui apparaissent au cours des années 1980 et se développent au cours de la décennie suivante jusqu’à aujourd’hui.

4 Pour le dire de manière encore schématique, il s’opère alors un passage de représentations où les corps apparaissent souvent déformés, voire violentés, à des corps figurés disparaissant, comme si la figuration elle-même inquiétait la représentation et mettait celle-ci à l’épreuve de l’expérience. Par conséquent, la pointe de l’hypothèse que l’on formule est que l’on peut déceler dans cette instabilité des corps figurés les indices de formes nouvelles de violence qui s’abattent alors sur la Colombie, une évocation des disparus, mais aussi une mise en doute – voire en suspens – des possibilités de représenter cette mémoire conflictuelle, quitte, donc, à ce que le référent échappe à l’œuvre qui en serait informée. C’est pourquoi ce vaste mouvement de suspicion/suspension à l’égard des images par ceux-là mêmes qui les font pourrait bien finir par les emporter aussi, la révocation des images issues de l’histoire de l’art faisant pièce à leur évocation lorsqu’il s’est agi de rendre compte de la mémoire des disparus de Colombie.

II

5 Afin de saisir les implications de ces transformations diverses, il convient donc d’appréhender quelques-uns des contours de l’œuvre de Caballero. À première vue, elle est classique, voire néoclassique, non exempte aussi de quelques travers académiques. C’est que l’artiste peint effectivement des académies, des études de nus masculins extrêmement détaillées, minutieuses mêmes, où l’anatomie de chacun des muscles est d’autant plus saillante qu’elle est mise par l’artiste sous tension. Caballero peint des

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corps en extase, dont la puissance et la monumentalité proviennent explicitement des ignudi qu’a peints Michel-Ange au plafond de la Chapelle Sixtine et de L’Esclave mourant, sculpture conservée au Louvre (on retrouve dans nombre de ses nus le bandeau qui ceint la poitrine de l’esclave), et la sensualité des maniéristes, au premier rang desquels Pontormo. En recourant à ces figures, le peintre poursuit ici le périlleux rêve romantique qui consistait à modeler des figures, selon ses propres termes, « plus vives [vivas] que l’homme […] plus pleines de sa présence ; qui arrivent à être de véritables surhommes [superseres]. Des images avec leur pouvoir propre 1. » (Cité in Traba, 1984 : 161)

6 Mais un voile, pour partie issu lui aussi du romantisme, tombe déjà sur ces figures, c’est celui de Géricault, des cadavres du Radeau de la Méduse (1818-1819) ou de ses études de membres découpés copiés à la morgue de Paris ; celui également de Goya dont les nus suppliciés et dévêtus que l’on voit dans les Désastres de la guerre gravés dans les années 1810 sont les seuls corps figurés à recouvrer une forme de grandeur plastique et de précision anatomique 2. Si Caballero fut d’abord, comme beaucoup d’artistes latino- américains qui la découvrirent en 1959 à la Biennale de São Paulo, un fervent admirateur de la peinture de Francis Bacon, ce dont témoignent ses premières compositions, comme le polyptique de 1968 intitulé La Chambre de l’amour, il ne semble avoir conservé de lui que son refus de l’anecdote illustrée et retenu seulement plus tard l’idée que le hasard intervient positivement dans l’élaboration de l’œuvre.

7 Lorsqu’il reconnaît en effet dans un entretien accordé en 1992 « que le hasard est très important dans la peinture », qu’« il faut savoir tirer parti du hasard » afin de la « conduire au hasard lui-même » (Caballero, 1992 : 16), comme Bacon entendait manipuler le hasard (Sylvester, 1996 : 60), Caballero est déjà entré dans une nouvelle période de son art. La fragmentation des corps figurés sous forme de gros plans empêchait que leur représentation ne verse dans la narration de même qu’elle participait de leur équivoque en ce qu’on ne pouvait distinguer si leur torsion relevait de l’étreinte sexuelle ou du martyre. Mais en faisant droit au hasard, les lignes de structure de ses corps ont révélé qu’elles étaient aussi – et peut-être d’abord – des lignes de faille. Les corps figurés à partir des années 1980 ne sont pas moins monumentaux qu’avant, ils sont parfois même plus massifs encore, mais au sens géologique du terme : ses figures se minéralisent, on les arpente, elles ne sont plus cernées mais sillonnées, et pleines d’accidents qui font presque des taches (certains nus sont même parsemés de taches). Ces morceaux de corps nouvelle manière répondent aux morceaux de paysages qui, comme l’a remarqué Marta Traba, ont remplacé les plages de couleurs des décennies précédentes (Traba, 1984 : p. 162) 3. Ce ne sont plus seulement des corps à la renverse comme on les trouvait chez Goya ou Géricault, ils sont désormais abîmés, et ce que le cadrage serré comme l’absence des visages qui lui est corrélative ne permettait plus de distinguer, l’estompe des contours le rend cette fois quasiment indiscernable. Autrement dit, l’extension que donnait jusqu’à cette période l’artiste à ses images, allant jusqu’à des formats panoramiques, est dans les années 1980 traversée par une forme inédite d’intension.

8 Soit dit en passant, cette oblitération des corps figurés, leur résorption partielle dans les supports comme l’absence de titre de la plupart de ses œuvres à partir des années 1970, et par conséquent d’« histoire », explique en partie que les corps figurés de Caballero soient aujourd’hui encore quelquefois jugés scandaleux en Colombie 4. Sans doute, quoique de manière très ambiguë, ces images interfèrent-elles aussi sur le mode

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du sacrilège avec le fond catholique du pays. Plus profondément, cependant, la gêne qu’elles suscitent vient de ce qu’elles rappellent la mémoire récente du pays, coïncidant avec son histoire et, conséquemment, avec celle de son art. Ce rapport n’est certes pas causal, et on ne saurait trop se garder, lorsqu’il s’agit d’interpréter un exemplaire de l’art contemporain colombien, de recourir aux deux cadres interprétatifs surdéterminés par le fait qu’il s’agisse précisément d’un art fait en Colombie : l’exotisme d’une part, et la violence de l’autre, avec leur corollaire inévitable : la sensualité. Toutes choses à l’égard desquelles l’œuvre de Caballero se situe là encore à la limite, car ces facilités d’interprétation concernent potentiellement aussi bien la réception que les œuvres qui en sont l’objet. L’historien et critique d’art William Alfonso López Rosas a pu dénoncer en ce sens la « vulgate violentologique [vulgata violentológica] 5 » (López Rosas, 2006) qui s’empare de tous les niveaux de l’art contemporain colombien, vulgate qui tendrait finalement, selon lui, à faire des œuvres d’art montrant la violence des objets de luxe, et dont l’exotisme aurait pour dernière conséquence la désappropriation des formes de la culture populaire nationale. Si l’on veut effectivement mesurer la véritable prégnance de la violence politique dans de telles œuvres, c’est précisément en portant attention à leurs formes, car c’est en elle que se logent les effets de l’histoire, plus durablement qu’en leurs thèmes. Le rapport entre l’œuvre et son référent est en effet d’autant plus profond qu’il est implicite, souvent latent, nébuleux presque, et qu’elle incline, en toute fin de compte, à se soustraire à son emprise.

III

9 Dans son essai déjà cité, Malagón-Kurka a tenté de penser l’évolution des formes mises en œuvre dans l’art contemporain colombien des années 1980 sous ce rapport à la violence. Sans entrer dans le détail de sa démonstration, on se contentera de rappeler ici les grandes lignes des transformations à la fois politiques et artistiques qu’elle repère et telles qu’on peut les déceler dans l’œuvre de Caballero d’abord, laquelle n’est pas l’objet de l’analyse de Malagón-Kurka même si elle a par ailleurs été le commissaire de plusieurs expositions monographiques à son sujet 6. Sa démonstration se fonde sur le célèbre texte de Rosalind Krauss paru en 1977, « Notes sur l’index », dans lequel l’auteure fait de l’index la structure des œuvres états-uniennes de l’époque informées qu’elles sont désormais, même lorsqu’elles sont abstraites, par le paradigme photographique (Krauss, 1985 : 79 - 90). Malagón-Kurka, quant à elle, observe en effet une tendance similaire dans l’art colombien des années 1980, en particulier dans les œuvres de Beatriz González, très proche de Caballero 7, de Doria Salcedo et d’Oscar Muñoz.

10 L’art de la période dite de la Violence qui a ravagé le pays de 1946 à la fin des années 1950, et dont l’assassinat du dirigeant libéral Jorge Eliécer Gaitán le 9 avril 1948 marque le véritable déchaînement, se caractérisait par des œuvres très référées politiquement, et souvent influencées par les formes du Guernica (1937) de Picasso. Le Massacre – 10 avril (1948) d’Alejandro Obregón, lui-même présent au début du Bogotazo, en est l’exemple le plus connu et le tableau a rapidement acquis à l’intérieur du pays une notoriété comparable. Quelques années plus tard, on décèle cependant déjà dans Violence, qu’Obregón peint en 1962 et qui reçoit alors le premier Prix du Salon national des Artistes, une tendance intensive à l’absorption du corps figuré dans le paysage et de

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celui-ci dans le support. « Le tableau est absolument gris, écrit alors Traba, absolument sourd, absolument silencieux : pour la première fois, la tragédie a un interprète à son immense mesure. » (Cité in Malagón-Kurka, 2010 : 22) Sous ce rapport, les artistes postérieurs sont bien plus sûrement les héritiers de cette œuvre que de celle de 1948. La propension à l’allusion de Violence, de même que sa palette assourdie (quoique marquée d’une tache rouge sang), n’est d’ailleurs sans doute étrangère ni à Bacon ni aux photographies qui commencent à circuler sur la Violence 8. On ne sait si Obregón lui-même a emprunté son motif à l’une d’elles ; il est en revanche très probable que Caballero, qui avait alors dix-neuf ans, ait vu ces clichés et à peu près certain qu’il a ensuite étudié de près Violence où les reliefs du cadavre de femme dessinent une ligne d’horizon aussi bien que de séparation entre les deux plages chromatiques, et où le corps apparaît d’autant plus mutilé qu’il est cadré très serré. À condition de ne pas perdre de vue que l’interposition des prototypes classiques maintient les figures de Caballero sous tension plus qu’elle ne les distord, et que son faire traditionnel contrebalance toujours leur aspect fragmentaire (le gros plan participant de leur monumentalité sur le mode de l’extension, on l’a dit), on peut envisager l’œuvre de Caballero comme héritière de ces figures, mais l’héritière infidèle. D’abord proche de la « néo-figuration » qui caractérise selon Traba l’art de la « post-violence » (posviolencia), son œuvre s’apparente, à partir des années 1980, à cet art indiciel (indéxico) qui définit aux yeux de Malagón-Kurka l’art contemporain colombien ; l’index pouvant être tenu, sous le rapport qu’on a décrit au début, comme un signe intensionnel, ainsi qu’on l’examinera plus en détail d’après l’œuvre de Muñoz cette fois. Peu à peu, en effet, sous le coup des événements politiques comme de l’histoire de l’art, le torso se mue en spectre chez Caballero, et devient une figure de l’après-coup.

11 Tout l’intérêt de l’essai de Malagón-Kurka tient précisément au fait qu’elle parvient à mettre en relation changements artistiques et bouleversements politiques sans penser ces relations en termes de causalité. Cela ne l’empêche pas de considérer la prise du Palais de Justice de Bogota en 1985 comme un point de rupture (même si l’événement paraît avoir davantage affecté l’œuvre de Gonzalez et Salcedo que celle de Muñoz), ni d’envisager d’après les analyses sociopolitiques de Daniel Pécaut les formes nouvelles qu’ont prises les violences en Colombie à cette époque. Si la Violence bipartite des années 1940-1950 avait été marquée par des velléités exterminatrices et, subséquemment, par la commission d’atrocités et de massacres de masse (le conflit aurait fait entre 200 et 300 000 victimes), celle des années 1980 n’est certes pas moins extrême et n’a sans doute en rien soldé les comptes avec ce passé et avec « l’expérience » alors acquise, mais elle est devenue protéiforme et multidirectionnelle, et par conséquent moins représentable ou alors à découvrir de nouvelles formes.

12 Pécaut y a vu une banalisation de la violence, qu’elle soit d’origine politique ou criminelle, touchant tous les espaces (ruraux comme citadins) quoiqu’avec une intensité variable, au point qu’il a pu parler d’une déterritorialisation des phénomènes violents (Malagón-Kurka, 2010 : 36 - 37). De manière diffuse, cette propagation de la violence extrême à toutes les sphères de la société colombienne a provoqué une crise de ses représentations. Non plus, cependant, au sens où les images manquaient, comme ce fut pour partie le cas à l’époque de la Violence, la photographie que prit Sady González du cadavre de Gaitán en avril 1948 voilant alors pour partie toute autre mort en devenant le point de fixation iconique de la Violence, mais tout au contraire du fait de la profusion d’images de morts violentes ; profusion qui, comme le rappelle

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Malagón-Kurka, distingue le cas colombien de ceux des dictatures chilienne ou argentines contemporaines (Malagón-Kurka, 2010 : 39).

13 En ce phénomène réside le paradoxe colombien relatif à la représentabilité de la violence. En rendant invisibles les images des disparus, la censure des dictatures latino- américaines avait certes redoublé la violence de la disparition, mais elle avait aussi maintenu, même si c’était évidemment de manière frauduleuse, à la fois une norme du visible (ce qui ne se peut regarder, pour le dire en termes goyesques, demeurant effectivement soustrait à la vue) et un principe de droit, c’est-à-dire une autre forme de normalité (en l’absence de preuve – ni corps ni image du corps disparu – le crime est réputé n’avoir pas eu lieu). Paradoxalement donc, en Colombie, la surabondance d’images montrant des corps assassinés a produit par d’autres moyens des effets semblables à ceux recherchés par les dictatures dont les œuvres d’art permettent, à rebours de cette tendance, de mesurer les conséquences à long terme. Le commissaire d’exposition José Roca a ainsi parlé d’une « escalade [escalamiento] de la tolérance visuelle » analogue, selon lui, « à la dépendance que génère une drogue fortement addictive – ou à un effet d’immunisation ». Car en effet la répétition de ces images, écrit encore Roca, « transforme la violence en quelque chose de mythique et par conséquent d’inévitable » qui confère à la violence « un caractère d’étrangeté [otredad] 9 » (Roca, 2003).

14 Ainsi définie, la violence apparaît, sinon naturelle, au moins culturelle, inscrite dans les ressorts profonds de la société colombienne, et non plus comme un pan aberrant de la réalité quotidienne. L’expression par laquelle le langage désigne en Colombie le sort de ceux qui ont péri de mort violente illustre cette apparente banalisation : d’eux, on dit que la terre les a avalés – « se los tragó la tierra ». La voie passive de la formule entérine d’une certaine manière la fatalité de ce qui leur est arrivé, l’acceptation de leur destin, de même que la dépersonnalisation (Pécaut parle plus largement d’une désubjectivation de la violence) reporte sur la nature – la terre – la cause de leur disparition. Cependant, il est bien évident qu’une telle expression revêt aussi une valeur conjuratoire, et que l’euphémisme fait autant saillir la monstruosité de ce dont il rend compte qu’il en atténue la portée.

15 Cette contradiction, inhérente aux processus de traduction des phénomènes de violence extrême excédant les possibilités même du langage, participe ainsi d’un régime de confusion entre les disparus réels, si l’on ose dire, et les morts que l’on désigne de la sorte par euphémisme, précisément ; confusion qui se retrouve jusque dans les modèles qu’emploie Muñoz dans son œuvre, on va le voir. On ne saurait cependant réduire celle-ci, non plus que celle de Caballero, à une simple correspondance entre les formes qu’elles évoquent et celles prises par la violence généralisée des années 1980. Ce qui est en jeu ici, et qui fait écho de manière à la fois plus indirecte et pourtant plus significative à la réalité colombienne, c’est la mise en doute de la capacité de l’image à se fixer comme telle. La poussée intensionnelle que l’on peut observer tout particulièrement dans l’œuvre de Muñoz porte celle-ci aux limites de la disparition. En ce sens, son art paraît se tourner d’abord vers ses propres possibilités qu’il met radicalement à l’épreuve jusqu’à mettre en doute la capacité même du support artistique à soutenir durablement une image donnée, mais c’est ainsi qu’il rend compte de la prégnance du contexte dont apparemment il se détourne.

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IV

16 Les différents propos tenus par Muñoz en entretien tout au long des années 2000 manifestent la tension qui traverse son œuvre, prise entre le contexte qui est le sien (l’artiste n’a jamais cessé de vivre et de travailler à Cali) et la nécessité de s’y soustraire, soustraction qu’il faudrait dans ces conditions regarder moins comme un repli de l’art sur et pour l’art que comme un jeu, une façon de retrouver le jeu propre de l’art et d’y faire jouer ce contexte, précisément, au sens où l’on dit qu’il y a du jeu entre deux éléments d’une même structure – un interstice et du mouvement.

17 « Il n’est pas possible d’oublier la violence qui nous entoure », reconnaissait par exemple Muñoz en 2003 avant d’ajouter qu’il faut malgré tout « la porter sur un autre plan et l’élaborer. » (Cité in Malagón-Kurka, 2010, 99). L’année suivante, à Hans-Michael Herzog, il soutenait qu’« on ne peut parler d’une époque de la violence » en Colombie, dans la mesure où celle-ci dure toujours » (Herzog, 2004 : 240), allant jusqu’à avancer, lors d’une conférence donnée cette fois en 2006, que ses « travaux d’aujourd’hui partent de l’intérêt pour comprendre le mécanisme développé par une société qui a fini par vivre la routinisation [rutinización] d’une guerre, d’une succession de guerres qui ont plus de cinquante ans et qui ne se terminent toujours pas, avec de puissants secteurs de la société intéressés dans le fait de l’entretenir. » (Muñoz, 2006 : 203) L’œuvre de Muñoz est pourtant loin de correspondre tout uniment à ses propres analyses et si elle devait obéir à un programme artistique, celui-ci serait plus sûrement orienté par une déclaration du type de celle qui suit, faite dès 1991, que par ses considérations proprement politiques : « la profondeur, il faut la cacher dans la surface [superficie], soutenait ainsi l’artiste. Les choses sont toujours derrière les apparences. L’empreinte [huella] cache le visible. » (Cité en note in Malagón-Kurka, 2010 : 137). Là est aussi tout le sens de la recherche intensionnelle et indicielle qui motive le travail de Muñoz, lequel alterne ainsi, depuis les années 1970-1980 jusqu’à aujourd’hui, entre avancées et retraits de et vers la réalité contemporaine.

18 Les premières images que réalise l’artiste au milieu des années 1970 sont déjà symptomatiques de l’attitude ambivalente qu’il nourrit à l’égard de la capacité de l’art à transposer la réalité sociale du pays. Inquilinatos, que l’on pourrait traduire par « taudis », rend compte en 1975 en un style hyperréaliste (bien que déjà en noir et blanc du fait de l’emploi exclusif du graphite) de l’urbanisation galopante de Cali là où la série des Intérieurs (Interiores) de l’année suivante montre des lieux vides, parfois seulement occupés par une femme dont le modèle est la mère de l’artiste. D’une série l’autre, seul le thème donne aux images une valeur tantôt sociale, tantôt personnelle. On ne saurait du reste déceler entre elles de véritables différences de forme : une même atmosphère traverse des espaces à la fois intimes, voire teintés d’érotisme dans la première, et déshabités ; le vide y est encore représenté, il n’a pas pénétré la matière même de l’œuvre et entamé en proportion sa capacité à faire œuvre, précisément.

19 Ce n’est en effet que dix ans plus tard, avec la nouvelle série intitulée Rideaux de douche (Cortinas de baño, 1985-1986), que Muñoz entreprend d’intensifier son œuvre en ce sens, et change pour cela radicalement de technique. La mise au point de celle-ci a d’ailleurs requis un certain temps et exigé de très nombreux essais, alors même que le résultat paraît hautement aléatoire. Il s’agissait en effet de sérigraphier au pochoir des figures sur des rideaux de plastique encore humides : l’acrylique glissait alors nécessairement du support, n’y laissant que des traces instables et presque informes, lesquelles,

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cependant, une fois les œuvres installées dans l’espace, évoquent aux yeux du spectateur la silhouette reconnaissable d’un homme ou d’une femme au bain, feignant que l’image-rideau ne dissimule le corps véritable.

20 À tous points de vue, Cortinas de baño apparaît aujourd’hui dans l’œuvre de Muñoz comme une création séminale. Le mode de représentation tend à devenir forme de présence, et le procédé qui fait advenir ces présences prépare ses impressions sur l’eau des années 1990 de même que les dessins préparatoires qu’il réalise alors rompent avec l’esthétique hyperréaliste de ses débuts en introduisant dans ses formes l’informe : la trace, qui en devient le motif principal. Par lui, en recourant aux traces plutôt qu’aux lignes du dessin, son œuvre se fait véritablement intensive et elle peut alors déployer sa dimension évocatoire sans risquer de verser dans l’illustration, quitte, même, à s’approcher tout près de l’abstraction. Ainsi les baigneurs de Muñoz peuvent être vus comme des figures de disparus parce que l’image qui les fait apparaître les maintient dans l’indistinct et menace de les dissoudre tout à fait. Et cela bien qu’elles puissent tout aussi légitimement être reconnues comme les exemplaires d’une variation contemporaine sur le thème de la vénus anadyomène.

21 En recourant à la trace, qui constitue une catégorie originale d’indice en ce qu’elle n’est ni une empreinte ni une impression, ce qui la distingue aussi de la photographie (distinction lourde de conséquence dans l’œuvre de Muñoz, comme on va le voir), celle- ci se prémunit contre toute interprétation univoque. Dans ces conditions, il est tout à fait inattendu que ce soit dans la série la plus directement ancrée dans le contexte de la violence colombienne que l’artiste ait poussé le plus loin les potentialités inexpressives de la trace. « Tiznados fut motivée, rappelle en effet Malagón-Kurka, par les atrocités commises par un groupe de paramilitaires près de Cali » (Malagón-Kurka, 2010 : 115), lesquels s’étaient précisément surnommés « los Tiznados », approximativement « les noircis », ceux qui s’enduisent le visage d’un noir de suie (tizne) afin de terroriser leurs victimes et de ne pas être reconnus d’éventuels témoins. Muñoz n’a cependant pas figuré ces assassins, mais les traces de leurs crimes et celles des cadavres que leurs actions de « nettoyage social (limpieza social) » ont laissées derrière elles.

22 Il a recouru pour cela, non plus au graphite, ni même au fusain, mais à la poussière de charbon, faisant usage aussi bien de ses propriétés plastiques, en l’occurrence salissante, que de sa valeur symbolique dans la mesure où le charbon, rappelle Muñoz, « fut du bois, quelque chose de vivant qui a été réduit à mort. » (Cité in Malagón-Kurka, 2010 : 115) Là se dessine de manière intensive et indiciaire, donc, puisque ayant lieu en les replis mêmes de l’œuvre, un certain ordre des choses, en l’occurrence des matières employées, rendues de cette façon solidaires de son sujet. On n’est guère éloigné non plus, sous ce rapport, de l’idée d’un engloutissement par la terre de ces figures, l’« idée de quelque chose qui sort de la terre et retourne à la terre […], dit ainsi Muñoz, sort du fond et revient au fond. » (Herzog, 2004 : 246-247). Étalée sur du papier préalablement emplâtré que l’artiste a ensuite essuyé avec un morceau de tissu, la poudre de charbon tache la surface, révèle ses accidents et sa profondeur – ses interstices et son jeu –, en même temps que son effacement ménage un espace d’un blanc brouillon qui constitue la seule trace véritable des corps ainsi figurés au plus près du méconnaissable. Au regard de ceux que représentent à la même époque Caballero, les corps vestigiaux de Muñoz paraissent avoir franchi un degré supérieur d’intensification ; ils se situent tout près de l’indiscernable cette fois, vidés qu’ils sont de toute expressivité ; ce sont des Caballero dépouillés de toute geste artistique.

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V

23 Pourtant, le dépouillement qui caractérise Tiznados procède sensiblement du même constat que les nus fragmentaires que Caballero esquisse parfois sur ses toiles au fusain, c’est-à-dire là aussi au charbon de bois, constat d’un trop-plein d’images de la violence et de l’inadéquation formelle des photographies qui en rendent compte vis-à-vis de leur mise en mémoire. La position de Caballero sur le sujet est catégorique : « l’excès d’images que la photographie a déchaîné a produit une banalisation complète de l’image », jusqu’à produire à ses yeux une « banalisation de la beauté, de l’image, de tout. » Dans cette situation, le dessin apparaît alors comme l’anti-photographie, et il est significatif que l’artiste use, pour les distinguer, de la théorie des sacrifices chère au xixe siècle. « Dessiner, déclare-t-il, c’est analyser. C’est choisir [escoger]. ». Or, selon Caballero, qui fait donc fonds ici de tout un pan de la critique classique, la photographie ignore ce choix, elle est intrinsèquement incapable de sacrifier le réel pour l’art : « La photographie ne peut pas rejeter [desechar], elle ne peut pas choisir : elle voit tout. » (Caballero, 1984 : 159). Et c’est en ce sens qu’elle ne peut pas bâtir, qu’elle ne saurait posséder ce « pouvoir », ainsi que l’a senti Malagón-Kurka, de l’image non photographique. « L’œuvre de Caballero, écrit-elle, contient une dimension constructive » (Malagón, 2003 : 3), laquelle repose en fait sur le procédé de sélection lui-même, en tant qu’il est constitutif de ce procès de construction qui est aussi en partie fonction chez lui, et de plus en plus dans les années 1980, des matériaux qu’il choisit, et non seulement des formes qui sélectionne.

24 L’insatisfaction, voire la suspicion, de Muñoz à l’égard des photographies de la violence est moins radicale dans la mesure où elle ne vise pas le médium en tant que tel. Compte tenu de l’importance du photoréalisme à ses débuts comme des images photographiques dans toute son œuvre, on peut même considérer que la photographie est chez lui le socle de son art là où elle en est chez Caballero le repoussoir. En d’autres termes, les photographies jouent chez Muñoz le rôle de seuil entre la vision de la violence réelle, dont il a été à peu près épargné personnellement, et sa traduction plastique ; l’artiste demeurant à la fois tributaire et critique des images photographiques ou bien télévisuelles.

25 De même que les milliers d’instantanés d’anonymes réalisés à Cali par des photographes ambulants (les fotocineros) que Muñoz acquit au poids après que cette pratique soit tombée en désuétude ont donné lieu en 2004 à l’« action » artistique intitulé El Puente (la plupart de ces photographies avaient été prises sur le pont Ortiz et c’est depuis le même pont qu’il les avait projetées sur la rivière), de même les images photographiques de toutes natures, aussi bien journalistiques, nécrologiques que réalisées par des amis photographes, qui conforment à la fois son imagier personnel et un imaginaire collectif ont-elles assuré à l’ensemble de son œuvre une assise documentaire. En un sens barthésien, Muñoz voit en effet dans la photographie le moyen de donner à ses dessins « une charge de documentalité [una carga de documentalidad] », la considérant comme un médium au sens premier du terme. « Je n’avais pas encore vraiment d’intérêt conceptuel pour la photographie, explique-t-il ainsi à propos de son appétence précoce pour elle, je la voyais plus comme un intermédiaire entre le monde et le dessin, une traduction qui conférait un caractère nouveau de documentarisme atmosphérique à mon travail. » (Wills Londoño, 2014 : 84)

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26 Comme l’a relevé Marίa C. Gaztalbide, il s’agit moins de constituer une archive, au sens où Gerhard Richter élabore son Atlas, que de déployer depuis ces images son œuvre selon « une logique anti-archivistique » (Gaztalbide, 2015 : 147), où la mémoire est à la fois ordonnée et inquiétée par la retraduction des « documents » originaux. L’inquiétude provient alors du fait que les « actions » comme les œuvres de Muñoz mettent en évidence « l’impossibilité d’un confinement de l’image [impossibility of an image containment] » (Gaztalbide, 2015 : 148), laquelle excède en effet le présent en y déversant le passé – les passés. Dans cette perspective, il importe peu de savoir si les personnes figurant sur les photographies que détourne Muñoz sont des disparus au sens que l’on a donné à ce terme en Amérique latine ou bien en son sens euphémique, qu’il s’agisse de personnes tuées pour des raisons politiques ou non, l’artiste lui-même entretenant sur le sujet une certaine confusion 10. Dans tous les cas, en effet, « la terre les a engloutis », dans la mesure où l’accumulation de leurs images a fini par enfouir jusqu’à leur souvenir.

27 Paradoxalement, les images de Tiznados en particulier comme celles des œuvres postérieures de Muñoz en général entendent rendre aux événements qui en forment donc l’amorce une visibilité à laquelle nuisent, selon l’artiste, les clichés des photojournalistes dont il s’inspire. Ces images, écrit-il, « partent des photographies de cadavres faites sous l’implacable lumière du flash et publiées dans les pages rouges de la presse », or, « ces photographies, ajoute-t-il, qui, avec cet éclairage, prétendent mettre tout en évidence [evidenciarlo todo], aplanissent et invisibilisent à la fois [aplanan e invisibilizan a la vez]. » (Muñoz, 2006 : 202) L’enjeu qui motive leur reprise est donc de ruiner ces images afin d’en reconnaître les restes, les vestiges et les traces, lesquels peuvent éventuellement faire droit aussi à ces « petits indices et détails du sol qui entourent le cadavre dans ces images » (cité in Malagón-Kurka, 2010, 115), mais qui, plus profondément, vise à rendre en partie obsolète la photographie ; l’obsolescence de l’image chez Muñoz portant à un niveau plus profond encore la caducité des corps figurés de Caballero.

28 Cette tendance à considérer l’image donnée comme un fardeau et son opération de traduction artistique comme un moyen de la dépouiller de son « imagéité », si l’on peut dire, est un trait trop récurrent de l’art contemporain pour que l’on puisse ici en décrire ne serait-ce que quelques-uns des innombrables prolongements 11. Ce que l’on peut retenir, en revanche, c’est que Muñoz altère l’empreinte photographique en la transformant en trace, c’est-à-dire en signe informe (potentiellement méconnaissable donc) et non reproductible (la reproduction d’une trace devenant ipso facto une empreinte). Ces traces, comme les corps tracés de Caballero, quoique dans une moindre mesure, on l’a dit, sont ainsi envisagées comme des répliques au trop-plein d’image aussi bien qu’à leur netteté qui tend finalement à opacifier ce qu’elles prétendent pourtant rendre évidentes. Ce n’est pas tant que la figure évanescente, qui « a perduré comme leitmotiv dans ses œuvres » soit concomitante d’une diminution de « l’usage de photographies comme sources visuelles » (Malagón-Kurka, 2010 : 107), ainsi que le soutient Malagón-Kurka, mais davantage que ces sources se dissolvent à mesure qu’il s’est éloigné de la facture photographique de ses débuts, poussant le départ jusqu’à invoquer, comme l’a aperçu Roca, « la photographie sans l’utiliser comme support de l’image. » (Roca, 2014 : 10)

29 En l’occurrence, Roca commente des images que Muñoz a regroupées sous le terme de « protographies », insistant au passage sur l’ambivalence de leur situation à l’égard du

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dessin et de la photographie : à la fois d’avant et d’après cette dernière. Roca eût préféré le terme de « protophotographie » en ce que ces œuvres obligent à revenir à l’archè du dispositif photographique, pour le dire en les termes de Jean-Marie Schaeffer dans L’Image précaire (désignation qui conviendrait d’ailleurs assez aux images que Muñoz réalise), soit à reconsidérer finalement leur pragmatique (Schaeffer, 1987). Car en effet, « à strictement parler, écrit Roca, l’image photographique existe indépendamment de là où elle est fixée ». (Roca, 2014 : 14) Or c’est précisément ce qui fait sa précarité, ce qui définit sa substance processuelle, et, en définitive, sa propension à la disparition.

30 Parmi les protographies de Muñoz, la série des Narcisses (Narcisos), entamée en 1994 et poursuivie jusqu’au début des années 2000, est sans doute la plus emblématique de ce questionnement radicale de la formation des images et de la menace de dissolution qui pèse sur elles. Les premières œuvres montrent seulement le résultat du procédé employé : dans un caisson empli d’eau, Muñoz a dessiné à sa surface, au pochoir et à la poudre de charbon, un visage, le sien, lequel, après évaporation de l’eau, s’est déposé sur le support disposé au fond du bac, parfois de simples pages de journaux. Pour ses derniers Narcisses, l’artiste a filmé le processus en question et le spectateur voit l’image du visage se dissoudre plutôt que de se déposer au fond d’un évier tout à coup débondé, et le visage disparaître avec elle. Dans les deux cas, on assiste en fait à une déposition de l’image ; convoquée, elle se voit révoquée par cela même qui la fait advenir ; la présence de l’image entame d’autant sa capacité à représenter le réel, et c’est pourquoi Malagón- Kurka insiste sur la « présence indiciaire » de ce type d’œuvres afin de la distinguer de leur fonction représentationnelle.

31 Mais la remontée archéologique qu’autorise les protographies de Muñoz, aussi bien vers la photographie que vers le dessin, et par-là jusqu’à la peinture elle-même 12, comme la déposition de l’image qui en résulte et qui vaut pour une quasi-destitution, n’a été rendue possible qu’en raison du contexte de crise de la représentation de la violence qui distingue le cas colombien mais vaut bien entendu hors de ses limites géographiques et historiques. L’artiste lui-même formule cette critique qui constate, d’une part, que « jamais auparavant l’image visuelle n’avait atteint par le moyen de la technologie le degré de netteté [nitidez] et d’exactitude qu’elle a aujourd’hui », et, d’autre part, que « jamais auparavant on n’avait autant mis en doute sa capacité à montrer la réalité » (Cité in Malagón-Kurka, 2010 : 120). La mise en obsolescence, pour ne pas dire en crise, des médias de la représentation constitue, sous ce rapport, la réplique elle-même critique à cette situation. Le dispositif de mise en œuvre redevient archaïque et l’image qu’il produit, plus qu’un relevé du réel, se présente désormais comme sa déposition, aux sens à la fois documentaire (si ce n’est judiciaire) et esthétique du terme.

32 Cette fragilisation de l’acte artistique explique les titres de certaines des œuvres les plus récentes de Muñoz comme ses Impressions faibles (Impresiones débiles) de 2011 qui convoquent, selon ses propres mots, « trois photographies mythiques de la mémoire politique du pays » (Wills Londoño, 2014 : 108), parmi lesquelles le cliché du cadavre de Gaitan, tout en les altérant jusqu’à presque les effacer – user, jusqu’à les révoquer en les évoquant, donc. Muñoz réalise d’ailleurs la même année Sédimentations (Sedimentaciones) dont la forme, des clichés blancs projetées sur fond noir, rappelle explicitement celle des planches de l’Atlas Mnémosyne d’Aby Warburg à laquelle Muñoz emprunte aussi sa dynamique « polychronique » et analogique, à ceci près que les images qui sont tour à tour plongées dans le bain, au lieu d’y être « arrêtées » (on dit en espagnol « revelar »

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pour « développer ») s’y dissolvent avant de réapparaître dans un bain jumeau sur une feuille vierge. Ainsi passent et repassent infiniment ces images qui ne sédimentent que dans l’œil de celui qui le regarde, c’est-à-dire fugitivement.

33 Ce jeu permanent entre le visage (rostro) et la trace (rastro), l’image et sa dérobade, se fonde bien sur le contexte de violence extrême qui sous-tend l’histoire de la Colombie et son actualité. Néanmoins, il s’en dédit aussi et rejoint plus largement une mise en question des pouvoirs de l’image dont les formes sont non seulement indiciaires mais intensionnelles. L’absence y apparaît comme un mode de présence, allusif et détourné, et la trace comme signe que la disparition a eu lieu ; ce lieu fût-il désormais seulement celui de l’œuvre envisagée comme un « réceptacle de preuves » [receptáculo de evidencia] » (Malagón-Kurka, 2010 : 34), ou, pour mieux dire, comme un lieu de recueillement.

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NOTES

1. Sauf mention contraire, toutes les traductions sont de l’auteur. 2. On pense en particulier aux planches 27, 33, 37 et 39 de la série, intitulées respectivement Caridad, ¿Que hay que hacer más ?, Esto es peor, et ¡Grande Hazaña ! ¡Con muertos ! 3. On peut rappeler le rôle central qu’a joué Marta Traba dès la fin des années 1950 (elle fonde le musée d’art moderne de Bogota en 1957) et jusqu’à sa mort brutale en 1983 dans un accident d’avion, non seulement pour la promotion de l’œuvre de Caballero, dont elle fut aussi la professeure, mais pour celle de l’art contemporain colombien en général. L’essai qu’elle a fait paraître en 1965, intitulé Les Quatre monstres cardinaux (Los cuatro monstruos cardenales), dans lequel elle analyse les œuvres de Francis Bacon, de Willem de Kooning, de Jean Dubuffet et de José Luis Cuevas, a fortement contribué à la découverte de ces artistes en Colombie et favorisé l’émulation artistique du pays. Pour une approche plus critique de l’influence de Traba sur le milieu artistique colombien, et notamment bogotain, au cours de cette période, cf. Rodríguez Amaya, 2003 : 118 sqq. 4. Cela n’implique pas, loin s’en faut, que l’œuvre de Caballero ait été marginalisée. Traba l’a exposée dès 1966 alors qu’il n’avait que 23 ans, et il est décédé à Bogota en 1995 où il était revenu de Paris où il vivait et travaillait à l’occasion d’une importante rétrospective ; une salle lui est depuis longtemps entièrement consacrée dans les collections permanentes musée de la Banque de la République de Bogota et un prix à son nom a été créé dès 1996. 5. Cf. également sur ce sujet le dossier de Vie des Arts qui n’évite pas cependant certains des écueils que l’on décrit (Seleanu, 2007). On peut rappeler que la question des relations entre les arts plastiques et la violence a fait l’objet d’une exposition à Bogota dès 1958, organisée par la Société économique des amis du pays, puis en 1999 au musée d’art moderne. 6. Notamment au musée d’art moderne de Medellin en 2013, exposition intitulée « El tormento y el deseo en Luis Caballero ». 7. Les lettres de Caballero à González ont paru en 2014 (cf. Caballero, 2014).

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8. Un premier volume issu des travaux de la Commission d’enquête parlementaire paraît cette même année 1962 ; le volume complet du rapport est publié en 1968. Malagón-Kurka, qui accorde une grande importance aux photographies reproduites dans ses ouvrages quant à leur impact sur l’art de l’époque, est plus réservée sur la connaissance qu’avait pu en avoir Obregón lorsqu’il a réalisé Violencia. Sur ces points, cf. Malagón-Kurka, 2010 : 19-21. 9. D’après l’article de Roca, cf. également Álvarez, 2008. 10. Muñoz dit en effet s’intéresser d’abord au fait que les photographies qu’il utilise montrent des personnes mortes, « pas nécessairement pour des raisons de violence politique » (Herzog, 2004 : 246) Il a également suggéré que le rapport qu’entretient une œuvre comme Aliento (1995) à l’égard du thème des disparus, « avec la charge et le sens que nous donnons ici à ce terme », n’était pas tout à fait intentionnel. (Wills Londoño, 2014, 103) Comme l’a noté Malagón-Kurka, c’est pourtant bien en tant que figures de disparus (desaparecidos) et non comme les simples inconnus (desconocidos) qu’ils sont qu’elles ont été généralement interprétées par la critique étrangère (cf. sur ce point Malagón-Kurka, 2010, 141-142, notes). Il semble d’ailleurs que ce malentendu, si c’en est vraiment un, puisque Muñoz a par exemple participé en 2007 à une exposition intitulée The Disappeared / Los desaparecidos au Museo del Barrio de New York, ait trouvé des prolongements jusque dans la critique universitaire, cf. notamment Graham, 2012 : 65 et 71. 11. On pense en particulier à des artistes contemporains sud-africains ayant eux aussi travaillé sur la mémoire de la violence héritée de l’Apartheid comme Marlene Dumas, dont la dernière grande exposition en 2014 (Fondation Beyeler de Bâle et Stedelijk Museum d’Amsterdam) s’intitulait précisément L’Image comme fardeau (The Image as Burden), ou bien comme William Kentridge, dont les dessins sont parfois très proches de ceux de Muñoz, avec lequel il partage aussi une propension aux dispositifs archaïques et à la mise en obsolescence des moyens plastiques. Cf. notamment sur ce point Kentridge, 2002. 12. On peut en effet rappeler que, dans son De Pictura, Leon Battista Alberti fait de Narcisse « l’inventeur de la peinture ». Cf. sur ce point Alberti, 1435 : Livre ii, §25, 101.

RÉSUMÉS

En portant attention à l’œuvre de Luis Caballero d’abord, à celle d’Oscar Muñoz ensuite, cet article entend mettre en évidence les processus de figuration des disparus dans l’art contemporain colombien du tournant des années 1990 jusqu’à aujourd’hui. Les corps que figure Caballero à cette période montrent en effet une tendance intensive là où ils avaient d’abord semblé s’étendre au-delà des limites du tableau ; tendance intensive qui informe en revanche tout l’œuvre de Muñoz. Cette forme est voisine du paradigme indiciaire qu’a énoncé Rosalind Krauss à propos de l’art états-unien des années 1970 et que María Margareta Malagón-Kurka a transposé au contexte colombien cité, à ceci près qu’à partir des corps qu’il figure il produit des traces davantage que des indices, dans la mesure où leur figuration même est menacée de disparition.

Centrando nuestra atención primero sobre la obra de Luis Caballero, y luego sobre aquella de Oscar Muñoz, este artículo quiere poner de relieve los procesos de figuración de los desaparecidos en el arte contemporáneo colombiano en el cambio de los años 1990 hasta hoy. De hecho, los cuerpos que representa Caballero muestran una tendencia intensiva la cual había

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tendido previamente a sobrepasar los límites del cuadro. Dicha tendencia se destaca en toda la obra de Muñoz. Esta forma se acerca al paradigma indéxico que enunció Rosalind Krauss al respecto del arte estadounidense de los años 1970 y que María Margareta Malagón-Kurka transpuso al contexto colombiano, con la tenue diferencia que a partir de los cuerpos figurados se producen rastros más indiciales, en la medida de que su figuración misma se ve amenazada por la desaparición.

INDEX

Palabras claves : desaparecidos, Colombia, arte contemporáneo, Muñoz (Oscar), Caballero (Luis) Mots-clés : disparus, Colombie, art contemporain, Muñoz (Oscar), Caballero (Luis)

AUTEUR

PAUL BERNARD-NOURAUD

EHESS-CRAL

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Colombia y su interminable paternalismo feudal

Carlos Fajardo

El espíritu colombiano no ha logrado superar el paternalismo feudal Jorge Gaitán Durán

¿Un país de cafres?

1 «Este es un país de cafres», dijo el liberal Darío Echandía Olaya hacia 1979 ante la fogata histórica de una Colombia demente y desenfrenada en no terminar nunca su carrera de violencia. Es decir, un país bárbaro, cruel, rústico, safio, tosco, primario, incivil. Años después Echandía- en una entrevista concedida a Margarita Vidal se disculpó, no con los colombianos sino con los cafres, pues, dijo, «últimamente lo que me parece es que calumnié a los cafres». (VIDAl, 1979)

2 Bastantes décadas han pasado desde que dicha frase, casi diatriba, se estampara en nuestra pobre grandeza. Son años en los cuales más que mejorar la condición ético- moral de nuestra cultura ésta ha empeorado debido a la globalización de un neoliberalismo depredador, impuesto con perversidad universal. En el país, entonces, se han agudizado las tragedias éticas y fragmentado cada vez más los proyectos comunitarios.

3 Así, más de cien años de conflictos armados internos, de guerras atroces y desangres rutinarios nos han convertido en gente individualista, hostil, conservadora, tramposa, servil, envidiosa, oportunista, truhan, mentirosa, vivaracha, necrofílica, fundamentalista moral, a veces malandrines, otras exageradamente caritativas y amistosas. Tantas décadas destrozándonos entre nosotros y quedamos huérfanos de nosotros mismos. Esta es la sensibilidad del colombiano que ha atravesado el siglo XX y vive hoy por hoy en el XXI; es nuestra visión de vida, nuestra condición de época. Todo ello desemboca en una tradición trágica de la historia que legitima al sicariato mental – y hasta real-, al sicariato simbólico que se gerencia en todos los estrados, bajo cualquier circunstancia. Matar, real o simbólicamente, al semejante que se oponga a nuestros

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deseos es un hecho aceptado, una garantía de triunfo personal. La envidia y el resquemor pululan en la cotidianidad enferma, grave, casi terminal; son los resultados de no haber conocido el verdadero sentido de una sociedad democrática, de haber escuchado meras mentiras sobre ella y de contentarnos con su falacia y simulacro.

4 A Colombia le fue negada durante toda su historia, por las clases no dirigentes sino dominantes, dicha democracia. Han sido años duros, precarios, cuyo resultado es en este caso una enfermedad mental de cultura. Ignorantes de un verdadero proyecto moderno, solo transmitido - y a veces - a cuenta gotas por muy escasos gobernantes; ingenuos frente a los discursos neoconservadores y neoliberales de última hora; sumidos en la idiocia de adoctrinamientos exquisitos; propensos a aceptar nuestra tragedia como un destino cruel e inevitable; huérfanos de espacios para la realización ciudadana, los colombianos sobrevivimos entre la dicha y el azote, la alegría de una fugaz victoria nacional y las matanzas rutinarias. Así es nuestra vida, así también nuestras múltiples muertes. ¡Ah país, la sangre que derramas, la pasión que no mereces!

En el país del diablo

5 En 1928, en su libro Viaje a pie, Fernando González, el filósofo de Otraparte, escribió lo siguiente sobre la mentalidad de los colombianos: «No tenemos ideas; no tenemos sino opiniones; de vez en cuando hacemos un soneto a Cristo Rey y por ello nos envían como diputados» (GONZÁLEZ,1976: P. 77). Páginas más adelante su pluma se torna más incisiva: «¡Pobre país, país de miseria, país del diablo, país negroide, indio, español, sin rumbo y sin consciencia aún! ¡Pobre país en que son condóminos EL CURA, EL BACHILLER Y EL DIABLO!» (GONZÁLEZ,1976: P. 146).

6 La ironía es patética; el sarcasmo mordaz. Y es que la Colombia de principios del siglo XX no podía ser más tradicionalista, conservadora y provincial frente a las nuevas corrientes de pensamientos liberadores y libertarios como los que se establecían en otros territorios. «Colombia, escribía González, está marchita como planta en verano porque no hay partidos políticos y únicamente hay ladrones que gobiernan sin concepto de patria, que es el de solidaridad con los que conviven bajo el mismo cielo» (GONZÁLEZ, 1976: p.194). Este filósofo «aficionado», como gustaba llamarse, sabía que «cuando nuestros conciudadanos se ponen a pensar, producen un sonido de cerrojo oxidado» (1976: p.231), y que «la gran tristeza es nuestra Colombia de hoy, que ya no tiene energías siquiera para producir revolucionarios» (1976: p. 238). «El clero ha pastoreado estos almácigos de zambos y patizambos y ha creado cuerpos horribles, hipócritas» (1976: p.16).

7 Leer a Fernando González constituye un encuentro emocionante que nos muestra la ironía como arma sagaz y certera, sin asomo de «retórica jesuítica», aplicada a desenmascarar una Colombia que le temía al desnudo, al placer corporal y a las alegrías de los cuerpos llenos de «ánima interior». Sin temor al pecado y al goce carnal, Fernando canta y alaba los sentidos terrestres palpitantes. Así, el sexo toma fuerza y forma en su obra como respuesta a la caridad de confesionario de su época, ante el puritanismo regeneracionista de los curas jesuitas: Colombia, escribe, es el país del Diablo. Porque aquí se cree más en él y se le teme y ejerce oficio trascendental. Es el rey de los Andes. Colombia de hoy es un clan resucitado. Por todas partes, en los pueblos tristes, en los caminos retorcidos, en las selvas y en los puentes se percibe a este ser omnipotente. ¿Podrían existir el cura y

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el partido conservador si el Diablo no estuviera aquí, si no fuera con ellos condómino del país ?(1976: p. 145)

8 Y como una estocada final dice: «Así es Colombia: aquí el que da a luz algo bueno, queda completamente virgen. Pero si se le hace un soneto al Nuncio del Santo Padre, al gran elector, colocan al poeta en la Legación de París» (GONZÁLEZ, 1976: p. 257). 1

9 Fernando González retrata a la Colombia de principios del siglo XX, donde, bajo la llamada República Conservadora, el modelo de intelectual lo representaban el poeta, el gramático y el abogado, cuya finalidad era legitimar el régimen nacional vigente, limitando su producción a un esquema demasiado partidista. Desde 1886 esta situación se impulsó en el proyecto político y cultural llamado La Regeneración, que llegó a conformar una hegemonía conservadora hasta 1930. Los intelectuales y hombres de letras pusieron su pluma al servicio de las luchas ideológicas y partidistas, fundamentalmente oficiales. Esto da una idea de la estrecha relación entre el poder y la escritura como búsqueda de prestigio social, de puestos en la escena pública y política del país. Como consecuencia, la llamada Regeneración de finales del XIX se constituyó en un paradigma de conservación de los preceptos de la iglesia católica y de la educación conservadora, doctrinas e ideologías impuestas de forma totalitaria 2. Las instituciones asumían el orden y la defensa de la moral propuesta desde Roma por los papas Pío IX y León XIII. Así que el dominio de la iglesia se registró en todos los campos de la cotidianidad, de la cultura y la política, manteniendo su poder en los estamentos gubernamentales y educativos. A la vez, se condenaba y expulsaba todo pensamiento de índole liberal y socialista, toda vanguardia estética que se hiciera presente en el país. Para ello, la Iglesia y el Estado conservador se propusieron controlar la edición de los textos escolares y filosóficos, la organización del pensum académico y la educación moralizante de los docentes. Así, la represión de las ideas foráneas por la Iglesia fue el diario vivir en los ámbitos de la cultura colombiana.

10 En el campo del arte y la cultura, la hegemonía conservadora estableció que todo artista debería dedicarse a exaltar los valores de la herencia española, la moral católica y a conservar las tradiciones de raza, religión e idioma 3. Todo este programa estatal se oponía a las nuevas tendencias culturales y artísticas liberales y de vanguardia. De esta gama ideológica conservadora surgió el paradigma del intelectual gramático católico, entre cuyos principales representantes se cuentan los ex presidentes Rafael Núñez, José Manuel Marroquín, Miguel Antonio Caro (quien participó, junto a Núñez, en la redacción de la Constitución de 1886), el gramático Rufino José Cuervo, intelectuales que instauraron la utopía de volver a Colombia una República Heleno-católica – ya propuesta años atrás por José Eusebio Caro y Sergio Arboleda –, cuyo centro intelectual fuera Bogotá, considerada la «Atenas suramericana». Ansiosos por llevar a cabo su objetivo, se enfrentaron al discurso liberal radical, proceso que culminó en la guerra de los Mil Días (1899-1902), cuando los liberales se opusieron al férreo totalitarismo conservador del presidente Sanclemente y del vicepresidente Marroquín. Sin embargo, a pesar de la oposición, la anhelada «Arcadia» colombiana, heleno-católica, se fue imponiendo como modelo cultural, social y político.

11 La hegemonía conservadora institucionalizó también algunos mecanismos de control y vigilancia de las ideas de avanzada. Así, se impuso «la Ley de prensa que estableció la censura, la inspección eclesiástica de los periódicos liberales, los reglamentos de los colegios, el Index, el control sobre los textos escolares, etcétera» (URREGO, 2002: 43). En

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esas condiciones, Colombia se cerró a todo pensamiento foráneo innovador y se centró en un provincianismo radical que repercutió en la formación de sus intelectuales y de sus poetas. Este cierre de fronteras evidenció el atraso cultural del país frente a otros países latinoamericanos, como Chile, Argentina y México, que procedieron a abrir sus fronteras a nuevos aires culturales e ideológicos. En Colombia, dicho encierro «en el campo literario y artístico, el rechazo se expresó en la persecución a los más importantes miembros de algunas escuelas literarias, especialmente los románticos y los vanguardistas, que no solamente trastocaban las formas establecidas de usar el lenguaje sino que abordaban temas que a la luz de algunos amigos de la censura resultaban inaceptables y de ninguna manera adecuados para un buen católico» (URREGO, 2002: 44).

12 El miedo a las corrientes vanguardistas europeas y latinoamericanas, y el apego a la ideología hispanista, se manifiesta en la gran mayoría de intelectuales colombianos que asumieron la literatura española como modelo a seguir y paradigma estético político. La sumisión al hispanismo y a la iglesia, configuró a un intelectual nada autónomo frente a las ideologías dominantes, a un intelectual conciliador y colaborador con el establecimiento, de ninguna manera nada independiente en sus idearios políticos y estéticos. Al no tener autonomía crítica, la modernidad para el intelectual colombiano estaba todavía por construirse.

13 La crítica literaria y estética de estos años se preocupó por mantener el control ideológico, más que por realizar un análisis riguroso y serio de las obras. Era una crítica pastoril, tradicional, cerrada y jerárquica que legitimaba a escritores oficialistas. Distanciarse de la iglesia, de la moral y del conservatismo significaba impulsar la crisis de la nación y del Estado, la disolución de la verdad, y entrar a la caótica situación del libertino. Con estos argumentos se asumió que la libertad estética era pecado y el artista e intelectual vanguardista un culpable por ser corruptor de las costumbres y sensibilidades. Así, la idea del artista bohemio, sensualista, libertario, socialista, de vanguardia, fue considerada causa de expulsión del país y de excomunión.

14 De modo que los escritores aceptados por la institución eran los seguidores de los dos Caros (de José Eusebio y Miguel Antonio), de Rafael Núñez, de Rufino José Cuervo, entre los que se contaban el poeta erudito Rafael Pombo, la novelista conservadora y moralizante Soledad Acosta de Samper, el caucano oligarca Eustaquio Palacios –autor de El alférez real–, los conservadores José Manuel Marroquín y Marco Fidel Suárez. A su vez, la ideología de la república conservadora puso en la picota pública y en tela de juicio las obras de escritores contradictores como José Asunción Silva, José María Vargas Vila, Luis Carlos el Tuerto López y Tomás Carrasquilla, nada cercanos a las ideas de la Regeneración. El Tuerto López introduce en la poesía colombiana la ironía, el sarcasmo y la parodia crítica al ambiente pueblerino de su Cartagena natal. En el caso de José María Vargas Vila, sus obras fueron ubicadas en el Index o lista de libros prohibidos por la iglesia católica, por el tratamiento del tema erótico y de prácticas sexuales escandalosas. Aura o las violetas (1889), Flor de fango (1895), Ibis (1900), entre otras obras, expresan una ideología libertaria y maldita en medio de una cultura tradicional y retrógrada.

15 Negados a la libertad de expresión y de creación, a los artistas y poetas les quedaba, o bien fusionarse con la ideología hispano-católica conservadora o bien vivir a la intemperie, al margen, fomentando desde otras orillas un espíritu crítico, abierto a los aires de una estética renovadora. Esto último ocurrió en algunos escasos libertarios,

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solitarios y autónomos, marginados, en guerra abierta contra la tradición retardataria e inquisitorial.

16 En consecuencia, en la Regeneración se impulsó el centralismo político y cultural, legitimando a Bogotá como la Atenas Suramericana y al “cachaco” bogotano como el modelo nacional 4. Este centralismo excluyente impuesto por una aristocracia bogotana se desarrollará hasta bien entrado el siglo XX, promoviendo la diferencia entre el intelectual “culto” del altiplano andino con el “inculto” de las provincias de tierra caliente, de raza inferior y “salvaje”. Civilización frente a barbarie. La imagen del “cachaco”, conservador, católico y moralista va a promoverse en Colombia como única posibilidad de acceder a la cultura oficial en contra de lo popular. Esto, más que contribuir a la fundación de imaginarios de unidad nacional, genera procesos de fragmentación. Provincia versus centralismo; intelectualidad bogotana versus incultos provincianos. Tal es el imaginario que prosperó a lo largo del siglo XX.

17 Guardianes de la tradición, los intelectuales y artistas del periodo conservador se esforzaron por mantener las ideas del modelo estatal nacionalista, centralista, el orden institucional, la moral cristiana y los cánones del pasado 5. Su misión era moralizar al país y de educar en las “sanas costumbres. La literatura se presentaba como un proyecto pedagógico doctrinal, más que como propuesta crítica que reivindica a la duda, la sospecha y la ruptura con las realidades existentes. Un ejemplo de esto se halla en las revistas de la época, las cuales –faltas de crítica moderna y de autonomía de pensamiento – se presentan como beneficiarias de un régimen cerrado, provincial y premoderno 6.

18 Pero si este era el país del cual se burlaba Fernando González, la pintora Emma Reyes, en sus cartas a Germán Arciniegas, escritas entre 1969 y 1997, narra los horrores ideológicos, políticos y religiosos en la Colombia de la década del treinta. En dichas cartas retrata los resultados desastrosos de la Regeneración y de la República Conservadora, retardataria, clerical y patriarcal. Sus palabras son el testimonio más vivo y atroz de nuestra demencia cultural, del atraso no solo económico sino moral, del despotismo y dogmatismo de una doctrina religiosa en contra de la libertad individual y colectiva civil.

19 Emma Reyes es víctima de un país conventual, terrateniente, gamonal, ajeno a las voces externas de la modernidad y de las vanguardias político-culturales, educativas. Las narraciones de su paso por el convento son escabrosas y conmovedoras. Producen asombro, rabia y tristeza. Las monjas son retratadas como tiranas, explotadoras de niñas huérfanas y abandonadas, doctrinadas, con disciplina férrea, a través del miedo y del terror. Las religiosas, serviles de la ideología conservadora y simuladoras de caridad cristiana, provocan paranoia y maldad para justificar los castigos. Tal es el retrato del país de los años treinta, de aquel que le temía al diablo, como lo bautizó nuestro Fernando González. Escuchemos a Emma Reyes: Nuestras vidas estaban designadas a dos únicos fines que marchaban al mismo tiempo: trabajar al máximo para ganar lo que nos comíamos y, según las monjas, salvar nuestras almas, protegiéndonos de los pecados del mundo, pero el precio que pagábamos por salvar nuestras almas representaba para nosotras diez horas de trabajo por día (REYES, 2013: p. 111). En otro apartado comenta: Nuestro único enemigo era el Diablo. Del Diablo sabíamos todo, sabíamos más del Diablo que de Dios. Conocíamos todos sus trucos, todos los medios de los cuales se servía para hacernos caer en el pecado. El infierno también lo conocíamos hasta su

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último rincón. Teníamos la impresión que podíamos recorrerlo con los ojos cerrados, conocíamos cómo eran las pailas de aceite hirviendo donde el Diablo metía a los pecadores desnudos y luego los sacaba y les quitaba la piel a pedacitos (…). El Diablo era grande, muy ágil, podía dar saltos de varios metros, estaba siempre vestido de rojo o de un verde fosforescente, su pelo estaba siempre de punta hacia arriba y tenía además cuernos como los toros, sus ojos eran amarillos y lanzaban llamas. Si uno había pecado con los ojos, el Diablo le sacaba a uno los ojos con unas agujas calientes y, si había pecado con la boca, él le cortaba la lengua a uno a pedacitos. Nada ignorábamos del Diablo, además no nos lo dejaban olvidar (…) (REYES, 2013: p. 114).

20 Tal vez no hayamos superado en este siglo XXI al país monacal y conventual retratado por Emma Reyes. Quizás seguimos y seguiremos definiendo nuestra cultura con bases religiosas, mezcladas eso si con procesos racionalistas instrumentales del capitalismo neoliberal ecónomo, y con estructuras tecno-mediáticas tiránicas. Aún nos mantenemos como cultura mentalmente sumergida en el convento que describe Emma, llenos de paranoias e idiotizados por mitos de una pre-modernidad vigente, permanente y de reclusión. Emma Reyes al describir su vida en el convento nos relata: No teníamos derecho a pedir explicaciones de nada, lo del mundo era pecado y punto; por eso en nuestras oraciones, tanto a la hora de empezar a trabajar como a la noche, siempre decíamos unas cuantas Aves Marías por nuestros clientes pecadores que nos beneficiaban con sus trabajos para que nosotras pudiéramos comer y salvar nuestras almas (…) Por esa razón nunca se nos ocurrió ni protestar, ni reclamar justicia. Nuestras vidas no tenían porvenir y nuestra sola ambición era la de pasar del convento derecho al Cielo sin tocar el mundo” (p 113). (…) Las monjas hablaban del pecado, el Diablo, el Cielo, el Infierno, salvar nuestras almas, ganar indulgencias, arrepentirnos de nuestros pecados (…) Nosotras teníamos miedo que nos abandonaran por estar en pecado (REYES, 2013: págs. 102-103).

21 Llenas de miedo y de terribles castigos, las niñas en el convento se resignan, se persignan y se les culpabiliza por su condición. Es el horror de los horrores leer estas páginas maravillosas y crueles de una colombiana internada en el verdadero infierno secular de nuestra cultura monacal. Así fue la educación que recibimos durante años, a la cual debemos la pobreza cultural que padecemos. Bajo estas condiciones se levantó el país y aún sigue sobre estos cimientos. Un gran porcentaje de la miseria moral que padecemos se la debemos a la educación religiosa que recibimos durante más de un siglo, y a la institución clerical, pues nos alejó de la modernidad encerrándonos en un país provincial, creyente y paranoico, nada crítico e inquisidor, dogmático y resignado, violento por adoctrinamiento, esclavo por aturdimiento.

Una perpetua regeneración

La Regeneración, escribía Vargas Vila a sus 26 años, no puede existir ante la libertad de la prensa porque ¿cómo defender su origen, su constitución, sus leyes, sus cadalsos, sus robos, sus saqueos, todo ese arsenal de delitos, y sofismas que llama sus principios? Imposible (VARGAS VILA, 1998: p.193). Tal es el mapa de finales del siglo XIX, tal el mapa de esta segunda década del siglo XXI.

22 El dogma, el destierro de todo debate de ideas, la invisibilidad de los intelectuales a contracorriente, los predicadores políticos de aldea, la retórica bárbara de los medios y de los periodistas analfabetas, la negación al contradictor desde la academia, es nuestro sino contemporáneo. De allí que, prosigue Vargas Vila, “cuando en un país la libertad ha muerto, no queda ya una Nación, sino una ruina. – Hoy, Colombia es una tumba,

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sobre la cual ondea la bandera ensangrentada de los conservadores, agitada por todos los vendavales, desde el huracán de la ambición, hasta el huracán de la miseria” (VARGAS VILA, 1998: p. 197).

23 Hoy también el país sigue siendo una tumba, donde se impone el silencio en el cual se escuchan solo unas cuantas voces exigiendo romper el mutismo, mientras la mayoría de los ciudadanos calla, acepta, o se resigna.

24 En Pretéritas, primer libro político, “principiado en la guerra, concluido en la derrota y publicado en el destierro”, como lo escribió el autor en el prefacio, Vargas Vila ya había vislumbrado el futuro de una Colombia víctima de hombres mediocres y ruines, y presentido los años que le esperaban la patria en medio de los azotes de su historia partidista y sectaria. Lo había escrito en su Diario Íntimo en 23 de Julio de 1910: Consumí mi juventud, combatiendo hombres y partidos que no valían la pena de mi esfuerzo, y muchos de ellos, no vivirán en la historia, sino por el traje que yo les hice” (VARGAS VILA, 2000: p.54).

25 En medio de su destierro de un exilio perpetuo tanto espiritual como político, Vargas Vila escribió desde París, en junio de 1900: “mi corazón está poseído por el Amor a la Libertad; no ha conocido otro; él ha devorado mi Vida, y no ha permitido que ningún otro nazca, al lado suyo, para hacerle competencia (…) La libertad fue mi culto y mi lema” (VARGAS VILA, 2000: págs. 45 y 59).

26 Ese fue “el Divino” Vargas Vila, asediado, desterrado, amado, odiado, admirado por tantos y repudiado por muchos en un país que lo vio como ángel ácido y demonio; el que nació en “plena guerra, en una ciudad absolutamente bárbara en asuntos de arte” como bien la definió; quien en la última página de su Diario en 1932, año de su muerte, escribió: “Hay seres que nacen fuera de toda sociedad; yo he sido uno de esos…” (VARGAS VILA, 2000: P.215).

27 Férreo opositor de la Regeneración, y especialmente de Rafael Núñez de quien dijo que “tenía la densa oscuridad del abismo”, Vargas Vila arremetió con su pluma contra todo dogmatismo y mediocridad ética y política conservadora e hispano-católica, pues, en sus palabras, la Regeneración no es un principio sino la negación de todos los principios (…) Es la orgía del despotismo. En uno de esos momentos de seria ferocidad nos arrojó al rostro su Constitución de 1886, (la cual) vista de lejos tiene el aspecto de un castillo feudal en la sombra (…) De lejos inspira horror, de cerca risa (…) Aparición del siglo XVII en pleno siglo XIX, es un fenómeno” (VARGAS VILA, 1998: págs.124-125).

28 Las coincidencias con las condiciones histórico-políticas de principios del siglo XXI son grandes; las situaciones muy similares, mas, cuando el caudillismo presidencialista colombiano produce un tipo de gobernante retrógrado, dictatorial, doctrinario católico que, similar a Rafael Núñez, es “la personificación terrible de la venganza”, de la maquinación, o como lo escribe Vargas Vila, “hay tiranos de batalla y tiranos de sacristía. Tiberio era un tirano soldado, Núñez es un tirano jesuita” (1998: p.123). La Regeneración produjo estos despotismos demagógicos, oligarcas y racistas. Excluyó de toda posibilidad democrática al pueblo analfabeta, pobre, hambriento. La Regeneración y su constitución, que concentró el poder en un centralismo capitalino y en el clero fanático doctrinario, “no habla de derechos, porque no los reconoce. Pero habla de deberes, porque los impone” (VARGAS VILA, 1998: p.126).

29 Más aún creó “criminales sin responsabilidad, una monarquía disfrazada, la imprenta muda, nada de instrucción, nada de trabajo, nada de luz, retrocediendo casi a un estado

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primitivo” (VARGAS VILA, 1998: p.128). Es decir, al oscurantismo histórico que ha envuelto durante casi siglo y medio a Colombia. Tal es la radiografía de finales del siglo XIX: censuras, hogueras, cadalsos, fanatismos, conventos, asesinatos, sombres y más sombras, una “República tísica rodeada de bayonetas”, levantada con un pie en el ejército y otro en el clero, con la prensa y la opinión manipuladas, con “un tirano sin grandeza, déspota sin gloria”, que llamó a los Yankees en su ayuda y permitió que invadieran el territorio y acribillaran a balazos las tropas colombianas en Panamá; que hizo “retroceder al país un siglo”, que cerró las escuelas y abrió los conventos. Este fue, y todavía lo es, el país que retrató Vargas Vila hacia finales del XIX y principios del siglo XX, sobre las ruinas que dejaba la Regeneración 7..

Nuestro paternalismo feudal

30 La revolución invisible, ensayo del poeta Jorge Gaitán Durán, escrito en diferentes entregas entre mayo y diciembre de 1958, “era en última instancia, como lo afirma el poeta, la búsqueda de un apolítica”, en medio del Pacto Partidista que daría como resultado el llamado Frente Nacional entre 1958 y 1974. Para Gaitán Durán su ensayo invitaba a salir del feudalismo colombiano hacia una modernidad capitalista democrática. Tal fue su ejercicio de reflexión, su propuesta de renovación político- cultural. Industrialización y reforma agraria, según Gaitán Durán, eran dos formas de superar la “Edad Media Ladina” y la trágica violencia que ha sostenido la sociedad colombiana durante casi toda su historia republicana.

31 Nos interesan estas reflexiones, sobre todo porque introducen una aguja sobre la llaga de la cultura patriarcal, moralista, semi-feudal que en los años cincuenta se sostenía en los andamios jerárquicos y hegemónicos conservadores, los cuales todavía hoy son las piedras fundacionales de nuestra tradición política y social. Y nos interesan porque, como intelectual y poeta, Gaitán Durán sostuvo hasta el final de sus días la petición de levantar las creaciones estéticos-poéticas con bases en actitudes éticas, manifiestas en el compromiso por los otros, con la libertad, la crítica, la rebeldía y el inconformismo con lo establecido.

32 Esta correspondencia entre la obra artística y la vida del creador, nada indiferente a los sucesos de su tiempo, fue lo que impulsó el poeta a realizar una radiografía del país - y de su época - con una determinación independiente frente a los dogmatismos y fanatismos políticos y religiosos. Puso, como lo enunció en el primer número de la Revista Mito, sus palabras en situación. Precisamente la aventura intelectual de dicha revista sintetizó esas apuestas. Bajo la amenaza de la censura de prensa, consagrada en la Constitución Política desde 1886; frente al poder de la censura ejercida tanto por el gobierno como por la curia; entorno a las críticas a terratenientes e industriales como a la oligarquía retardataria y a una izquierda sectaria, Mito – y su fundador - prosiguieron en la tarea intelectual de llevar a cabo “la realización de la Reforma Ética del País, cuya estructura moral y cuyos estilos de conducta han sido implacablemente socavados”, como se lee en el editorial de la revista de octubre y noviembre de 1957.

33 Con una actitud independiente y crítica, en la cual, según sus propias palabras, existe una profunda unidad entre la labor crítica y la labor poética, donde reflexión y arrebato van juntas, el ensayo La Revolución Invisible analiza la situación colombiana bajo las hegemonías culturales provenientes de la Regeneración Conservadora del finales del

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siglo XIX. En el capítulo titulado “El Presidente y los Burgueses”, Gaitán Durán, en dura confrontación con las formas autoritarias imperantes escribe: No puedo admitir que Colombia sea desfigurada por un clericalismo energúmeno, rechazado por católicos tan eminentes y tan representativos del moderno pensamiento cristiano como Mauriac o La Pira y, más cerca de nosotros por Rafael Caldera. No es posible que, mientras el país se desarrolla y supera sus abrumadoras limitaciones estructurales, vayamos a ser modelados espiritualmente por la censura, la intolerancia y el fanatismo. Para mí, la libertad, aún en sus formas más extremas, no es una farsa o un recurso demagógico, sino una necesidad humana que hay que defender cotidianamente (GAITÁN DURÁN, 1999: págs. 24-25).

34 Escrito en el año 1959 suena muy actual y, por lo tanto, demasiado preocupante. Junto a ello, el poeta observa cómo la burguesía – en especial Alberto Lleras Camargo - posee una “adhesión irrestricta al modo de vida norteamericano”, como si la radiografía de la década del 1950 fuera la misma de la segunda década del siglo XXI. Y agrega, “dentro de cinco años el país debería aspirar a estar relativamente independizado del comercio exterior, lo que quiere decir que no importaríamos sino las materias primas que físicamente no pudiéramos producir, que no importaríamos alimentos, que solo importaríamos las máquinas que no produjera el país, pues es mucha la que podría ser colombiana (…) mientras esto no se logre continuaremos siendo Menores de Edad en el conjunto de las naciones del globo” (GAITÁN DURÁN,1999: pág. 32).

35 Como una premonición a la inversa de lo que pasaría con los Tratados de Libre Comercio (TLC), Gaitán Durán retrató en negativo de lo que Colombia haría cincuenta años después dominada por un neoliberalismo depredador y perverso, embarcándose así en una dependencia económico-cultural donde “la mentira, el conformismo, el desprecio por el pensamiento han sido elevados al rango de instituciones nacionales” (GAITÁN DURÁN,1999: pág. 33). La petición del poeta de construir un gran proyecto nacional centrado en dos grandes transformaciones: la Reforma Agraria y la Industrialización del País, hoy por hoy ha quedado sin bases y sin posibilidades. Des- industrializado el país y casi con el agro a punto de desaparecer, los prospectos político-económicos de una burguesía moderna y dirigente se disuelven sin pena ni gloria, quedan en la campana del vacío. Hace cincuenta años, Gaitán Durán todavía veía posible construir una Colombia acorde a las concepciones de la modernidad ético política, tal como en otros países del hemisferio se gestaba. Utopía o posibilidad, lo cierto es que el poeta apuntó con certeza a los blancos más sensibles de un país casi feudal, lleno de fanatismos religiosos, militares y partidistas. En medio de estos fundamentalismos ¿cómo lograr realizar el proyecto civil de una modernidad educativa, ético política?

36 Esta “feudalidad, hermética y reconcentrada”, al decir de Gaitán Durán, ha producido una violencia a gran escala durante casi toda nuestra historia. Sin embargo, hay que “preguntarse qué terreno de predisposición lleva al hombre colombiano a recurrir colectivamente al asesinato, al robo, a lo ilícito y lo monstruoso, en su búsqueda de poder y de riqueza; hay que preguntarse por qué la violencia se instala con tanta facilidad y por tan largo período en el carácter social del colombiano (…) rozamos así una dimensión abismal: las causas sociológicas y psicológicas de nuestra tragedia” (GAITÁN DURÁN, 1999: pág. 44).

37 Tanto las causas políticas, económicas y psicológicas de la violencia muestran el fracaso histórico de los proyectos colombianos. Son un mapa de frustraciones generacionales, “indican, como lo argumenta el poeta, que el hombre colombiano está reprimido,

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insatisfecho, angustiado, que no tiene posibilidades normales de amor, cultura, prosperidad y poder, y en consecuencia no consigue impedir que en él se desarrollen imperialmente, al menor estímulo exterior, las tendencias destructoras (…) más que en otra patria cualquiera en nuestro país el hombre ha sido una ‘pasión inútil’” (GAITÁN DURÁN, 1999: pág. 45).

38 Sin partidos políticos modernos, con estructuras conservadoras, con un país semi- feudal, clerical, militar, presidencialista, “la educación colombiana – en la escuela primaria, el bachillerato y la universidad – siguió siendo, durante los dieciséis años del gobierno liberal, retórica y clerical, correspondía a nuestra Edad Media, estaba en retardo sobre la historia” (GAITÁN DURÁN, 1999: pág. 60).

39 Esa es nuestra “burocracia feudal”, nuestro destino de país solo consumista, depósito o reserva de materias primas para los imperios. De esta manera, como en los tiempos de Gaitán Durán, “los malos humores invaden por todas partes la vida colombiana”, pues, “el espíritu colombiano no ha logrado superar el paternalismo feudal” (GAITÁN DURÁN, 1999: págs. 138-142).

40 Hasta esta segunda década del siglo XXI nuestros procuradores, periodistas, fiscales, algunos intelectuales, profesores y burócratas, siguen legitimando al país del Índex y prohibiendo discursos de la diferencia como hace más de cien años.

La ideología de la mediocridad

41 En 1987 el escritor colombiano R.H. Moreno-Durán publicó en el “Magazín Dominical” del Diario El Espectador el contundente y crítico ensayo “por una escritura disidente”. En él reflexionaba sobre las condiciones culturales del país hacia esos años. Pocas cosas han cambiado desde entonces. Todavía este país “parlanchín y legalista”, según lo denomina Moreno-Durán, “niega con el metódico cultivo de sus excesos una definición de lo que considera sus máximas virtudes (…). Por ello, en un país oscuro y charlatán, embriagado por el monocorde ritmo de su fantasía verbal, una voz propia suena a disidencia. (MORENO-DURÁN, 1987: p. 14).

42 Es el país de las rencillas parroquiales, de pactos de amistad y de sangre, proveniente de una cultura nada moderna, más bien mafiosa y provincial; un país que piensa la cultura - y a los creadores de la misma - con una noción de núcleo familiar de capilla, y que ejerce la exclusión al diferente, al que no pertenece al clan, al mismo tipo de sangre, a la misma cofradía. Pensado y construido con unos imaginarios retardatarios, la meritocracia es destrozada por una burocracia mediocre y utilitarista jerárquica, de “microempresa familiar” en términos de Moreno-Durán. El país de nuestra imagen se muestra entonces nuclear, vertical, autoritario, aldeano, retrógrado, que exilia al diferente.

43 “Las tareas del clan, dice Moreno-Durán, le dan rango antropológico a las compulsiones de un país temeroso de lo que resulta extraño, incomprensible o incómodo” (MORENO- DURÁN, 1987: p. 15).

44 Basta sólo ver las actitudes de los grandes medios para dar cuenta de dichos propósitos. Es como si el odio y la repulsión hacia el que piensa en contravía fuera el propósito último de la función cívica y pública. La estrategia es efectiva: se siente y se vive que todo el país, toda la cultura, junto al Estado, son enemigos del ciudadano, pues este es el culpable de las desgracias nacionales y, por lo tanto, debe purgar su culpa. Se nos

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condena a todos por lo que han cometido unos pocos. La máquina de culpabilidad opera y triunfa. Es una guerra interiorizada que se filtra en la mayoría de nuestras maneras de ser y de actuar en el día a día. Concebida la existencia de esta manera, sólo queda la esquizofrenia en red, la frustración total, la imposibilidad ante los límites de un país enemigo de todos y que alimenta la sensación del fracaso.

45 Así, favoreciendo unos intereses pseudo-feudales y desterrando otros al olvido, se ha instaurado entonces la llamada por Moreno-Durán “mediocridad como ideología”, (1987: P. 15) lo cual sentencia al opositor a un ostracismo físico o simbólico y a su muerte como pensador y ciudadano. Más aún, procede a realizar, con una actitud mordaz, perversa, la misión de hacer sentir extranjero, sátrapa, bastardo, hijo de otra raza, al diferente. Xenofobia cultural, exclusión permanente.

46 Con estas proyecciones históricas se oscurece el panorama, nuestro futuro. “Una de las características del colombiano es su obsesión monotemática, su discurso rutinario, su patético soliloquio, algo que en realidad constituye la versión cultural del monocultivo” (MORENO-DURÁN, 1987: p. 17). Las frases incisivas de Moreno-Durán dan cuenta de nuestra situación de atraso, del estatismo y del encierro ante las propuestas políticas y culturales renovadoras latinoamericanas y mundiales, siendo esto nuestro sino histórico. El macondo encantado

47 Esta misma concepción la sostiene Fernando Cruz Kronfly en su ensayo “Macondo: la aldea encantada”; aldea a la cual no ha llegado el “desencantamiento del mundo” efectuado por la modernidad. Si la aldea donde suceden los hechos y las historias de Cien Años de Soledad se encuentra aún encantada, esto significa que allí no ha ocurrido la secularización de la cultura y que sus personajes y los acontecimientos ligados a ellos se deben entender inscritos en una etapa de la historia de la humanidad anclada, en razón de sus mitos y premoniciones, en la pre-modernidad mental y cultural (CRUZ KRONFLY, 2016: págs. 215-216).

48 De manera que este mundo no moderno es el que les ha correspondido en suerte a los habitantes de Macondo. Metáfora de un país que se encerró a los procesos de la racionalidad secular, conociendo el aislamiento respecto a las concepciones ético-laicas de la modernidad. En cambio, se impuso el dominio de una ideología hispano-católica conservadora, con gran fuerza en el pensamiento mítico-mágico religioso. Para Cruz Kronfly ese es el nudo de nuestro anacronismo y desajuste histórico: “Los avances de la ciencia y de la técnica son vistos en la aldea encantada desde un mundo simbólico premoderno, desde un sistema mental encantado que se asombra y que atrapa y re- inscribe lo nuevo en lo mítico-mágico-agorero tradicional” (CRUZ KRONFLY, 2016: P. 224).

49 El aislamiento y el anacronismo han moldado entonces nuestra sensibilidad cultural e histórica, y donde las ideas de inutilidad y de fracaso son las que plenamente triunfan. “En la aldea encantada, escribe Cruz Kronfly, los mejores emprendimientos terminan en el fracaso, en lo contrario de lo previsto, casi siempre con efectos al revés de lo que se esperaba. El tiempo se muerde la cola, es cíclico y no se parece en nada al tiempo lineal que domina el mundo moderno” (2016: P. 231).

50 Un mundo circular, cerrado, vertical. Nunca horizontal, expansivo, liberador, libertario. Se vive en una no modernidad que en nuestra cultura se reactualiza y se hace vigente y utilizable, como también en una modernidad a medias y una globalización

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tecno-cultural mercantil. Por consiguiente los colombianos hemos quedado atrapados en una especie de sonambulismo histórico, fluctuando de un imaginario a otro. Para Cruz Kronfly esa es nuestra chifladura, nuestro despiste cultural.

Una cultura de siervos y señores

51 Muchos años de escasa o casi nula democracia, han preparado al colombiano para que posea una mentalidad de súbdito, siervo de la gleba, servil de los grandes poderes y señores del latifundio nacional. Estos patrones educativos gestaron un proceso de domesticación cultural durante décadas, desterrando la autonomía e independencia del colombiano en relación con las estructuras hegemónicas tradicionales. La proliferación mediática, junto a una educación doméstica, han retroalimentado los imaginarios de servidumbre, resignación, silencio y dependencia, promoviendo una mentalidad de obediencia y de seres sin proyecto nacional.

52 Entre una religión hispano-católica, dogmática, excluyente; unas clases conservadoras tradicionales, una burguesía industrial y financiera retardataria y antipopular, se ha movido la historia del país. El asunto se vuelve más horrendo cuando a la mentalidad de servidumbre se le acepta como algo natural, normal. Comisarios y agentes legitimadores de los regímenes defensores de verdades totales nos lo hacen sentir así, produciendo estos imaginarios muy rentables y terribles resultados. Bajo este ambiente, el desvío de la norma se constituyó siempre en un desafío, un peligro supremo. Décadas de sistemas represivos nos han acostumbrado a ubicar en el cadalso al diferente. A veces se le condena sin pruebas, con furia, crueldad y placer. Al descarriado, desobediente, que asume su derecho a disentir, se le expone ante la picota pública o se le “invisibiliza” de diversas y puntuales maneras. Esa fue y es todavía la táctica de nuestras jerarquías. Ha sido un proceso de disciplinarización mental y corporal. Controlar, judicializar, infantilizar, criminalizar al otro y al opositor ideológico, son formas de represión que asimiló el colombiano, el cual vio, y ve lejana - y hasta imposible - la rebeldía de una acción libertaria para ejercer su propio entendimiento.

53 Así las cosas, se diría que promover la resistencia y, aún más, la re-existencia, en nuestro país ha sido uno de los dramas históricos más traumáticos que hemos padecido. Por lo mismo, la sociedad colombiana ha aceptado la militarización policial como entidad salvadora. Los resultados son catastróficos: vigilancia y desconfianza entre unos y otros; dificultad para construir una ética del respeto y de la alteridad entre los ciudadanos; violencia simbólica, golpes reales. He aquí los imaginarios de nuestro Estado Nacional, impuestos como modelos de conducta colectiva.

54 De allí que bien lejos, y muy extraña, nos ha quedado la idea de una democracia participativa, pues a la gran mayoría se les expulsó de dichos procesos. Con desprecio por el pueblo, la clase dominante del país impidió tener unas condiciones económicas más justas y una educación ética moderna que superara la formación casi feudal hispano-católica nacional, es decir, puso trabas a un proyecto de nación más solidario e incluyente.

55 No fuimos educados para ser ciudadanos con ideas liberadoras, de alteridad y respeto a la diferencia. Al contrario, nos lanzaron al circo de la historia a devorarnos los unos a los otros, con antivalores de avaricia, odio, indiferencia, envidia, competencia individualista, obediencia servil, racismos, discriminación y destrucción al compatriota.

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De este modo, ¿qué se podrá esperar de una nación, terrible y bárbara, que nos deja náufragos y con una ignorancia antidemocrática e incivil suprema ?

56 Ya Estanislao Zuleta en la conferencia leída el viernes 21 de noviembre de 1980 en el acto en que la Universidad del Valle le otorgó el Doctorado Honoris Causa en psicología, anunciaba que: “la pobreza y la impotencia de la imaginación nunca se manifiestan de una manera tan clara como cuando se trata de imaginar la felicidad. Entonces comenzamos a inventar paraísos, islas afortunadas, países de cucaña. Una vida sin riesgos, sin lucha, sin búsqueda de superación y sin muerte. Y, por tanto, también sin carencias y sin deseo: un océano de mermelada sagrada, una eternidad de aburrición. Metas afortunadamente inalcanzables, paraísos afortunadamente inexistentes”. (ZULETA, 2016: P. 163). Texto incisivo, lúcido, irónico y peligroso para ciertos espíritus prisioneros del miedo, deseosos de respuestas y no de preguntas, introduce el dedo en la llaga en una cultura que más allá que desear construir el mundo, quiere recibirlo ya hecho.

57 De eso trata su ensayo “Elogio de la Dificultad”: un golpe bajo a nuestra dependencia y al resentimiento; un alegato a la falta de fuerza de voluntad, de autonomía crítica para pensar por nosotros mismos, en el lugar del otro y de ser consecuentes; es decir, una visión desgarrada de nuestra flaqueza y minoría de edad a la hora de construir democracia real.

58 Zuleta lo sabe y nos lo recuerda: “Deseamos mal. En lugar de desear una relación humana inquietante, compleja y perdible, que estimule nuestra capacidad de luchar y nos obligue a cambiar, deseamos un idilio sin sombras y sin peligros, un nido de amor, y por lo tanto, en última instancia un retorno al huevo”. (ZULETA, 2016: P. 163-164). Al unísono con otros escritores y pensadores seleccionados en este escrito, Zuleta pide tener una actitud analítica y contestataria que produzca rupturas en las estructuras del establecimiento, en los actos de fe y en los poderes tradicionales. Atreverse a pensar es iniciar el camino hacia la escisión que conduce a la duda y a la angustia, y esa es ya una postura soberana, valiente, lejos de solicitar libros y verdades totales, sagradas. De este modo, se superan los sectarismos y fundamentalismos últimos, los cuales suponen que el Otro es un enemigo cuando no comparte nuestros principios; síntoma de una de las enfermedades más crónicas que padece Colombia: aniquilamiento de toda diferencia.

59 La crítica a los espíritus sedentarios, que giran siempre en torno a certezas absolutas sin asumir la alteridad, no podría ser más mortífera en un país que ha impuesto barreras al pensamiento moderno y reflexivo.

La colombia que inventamos

60 Lo anterior ha hecho que desemboquemos en un espontaneísmo cultural siniestro y perverso. La improvisación nos consume, el “ahorismo” inmediatista nos asalta. He aquí dos concepciones vigentes entre nosotros: por una parte, la falta de una verdadera planeación racional, con una panorámica de los procesos institucionales, lo cual si existe, es solo a nivel formal; por otra, la posmoderna y líquida sentencia de que todo se hace para un “ahora”, todo se constituye en un “para ya”, lo que echa en saco roto la idea de organización proyectiva. Como consecuencia tenemos cierta neo-esclavitud constante, ejercida sobre el trabajador, pues éste debe dar cuenta de forma instantánea

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sobre tareas no planeadas e impuestas de manera inmediata. La planeación se hace, pero de forma instrumental, para el momento, para las necesidades del instante.

61 Esto retrata otro de nuestros rasgos: el despotismo administrativo. Hijos de una cultura autócrata y en guerra constante, nos hemos vuelto déspotas cotidianos. Al “otro”, al semejante, sólo se le piensa o bien para neo-esclavizarlo, o bien para sacarle provecho. De allí que nuestra burocracia sea abundante, ineficiente, servil y humillativa frente a los “subordinados”. Una burocracia sorda ante los reclamos del “otro”, al cual por lo general se le trata con indiferencia, dureza y negligencia. La indiferencia es su signo, el despotismo su condición y, por supuesto, la improvisación sus resultados. Ineptitud e intransigencia; lentitud e ineficacia mental, déspotas, improvisadores atroces somos los colombianos.

62 Con todos estos ingredientes hemos asumido una actitud estoica y miedosa, dos formas de ser que alimentan la sumisión. Tanto los golpes, como la desesperanza, los desengaños, los atropellos y el desencanto ante la imposibilidad de tener una existencia más digna y distinta, han llevado a soportar con resignación la carga histórica, los fracasos, a la vez que nos han dejado en el desierto con las cadenas puestas, única posibilidad para seguir vivos.

63 De manera que en Colombia tenemos la sensación de que el Estado es un enemigo del ciudadano, lo que imposibilita la confianza entre todos, sin lograr construir símbolos y narrativas solidarias. La constante renovación de la Regeneración sectaria y conservadora retarda día a día nuestra apertura ciudadana ético-política, próxima a una democracia real y participativa. Siendo hombres y mujeres de extremos, nos alimentamos de los fanatismos en todos los campos: deportivos, religiosos, morales, políticos, culturales y de engaños nacionales. En este país, los militares y policías aún saludan ante las cámaras y micrófonos con la frase de “Dios y Patria”; a los niños de algunos colegios oficiales se les obliga a rezar el rosario y a escuchar clases de religión católica; nuestros mandatarios se persignan en público y evocan a la Virgen de Chiquinquirá y al Sagrado Corazón como se acostumbraba bajo la Regeneración; la libertad de expresión solo es formal y de papel, pues aún, soterradamente, se aplica el artículo 42 de la Constitución del 86 donde se proclamaba que “la prensa es libre en tiempos de paz, pero responsable con arreglo a las leyes, cuando atente contra la honra de las personas, la tranquilidad pública y el orden social”. Todavía la censura simulada o directa a las voces de periodistas críticos, junto a su expulsión de los medios y su exilio, se gestan en Colombia como en la época de Rafael Núñez.

64 Bajo estas tragicomedias históricas, en torno a la espectacularización de las masacres y del tiro al blanco como deporte nacional, nuestro país se edifica con una cultura sin memoria, demasiado parroquial, donde el asesinato, la trampa, el engaño, la envidia, la cizaña, la sumisión, se han introducido como rituales cotidianos en nuestra canasta familiar.

65 El resultado de todos estos procesos es un sistema, citando a Octavio Paz, “Patrimonialista”, donde “el jefe de gobierno – Príncipe o Virrey, caudillo o presidente - dirige el Estado y a la Nación como una extensión de su patrimonio particular, esto es, como si fuera su casa” (PAZ, 1998: p. 169). Y no otras condiciones son las que se hacen visibles en Colombia: una burguesía que no asimiló – o asimiló mal - el espíritu moderno; una clase dominante semi-feudal, mafiosa y hacendaria, un dominio casi absoluto por parte del imperio y una parte de la intelectualidad colaboracionista, nada crítica, más bien coexistiendo pacíficamente en medio de las ruinas.

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66 Esa es la Colombia que inventamos, la Colombia que padecemos; la Colombia que desde hace décadas vive de sus miedos y sumisiones; el país que se cuida de todos y a todo teme, el que Fernando Vallejo nos describe en su novela Los días azules: En Colombia, por si usted va, sobran ladrones. ¡Con tanta ley y tanto desocupado! Uno va en un bus y lo bolsea un carterista; se baja, y le arranca el sombrero un ciclista. Si a usted lo atropella un carro, le cae una multitud a ver en qué lo pueden aligerar. Todo en Colombia se lo roban: se roban los postes del teléfono, se roban los cables de la luz; se roban las tejas de las casas, se roban un automóvil, se roban una gallina, se roban un marrano (…). En esta tierra mía de fracaso acumulado se maneja así: se ve a un peatón cruzando la calle y se acelera a ver si le alcanza a dar, como a conejo encandilado en noche oscura y ebria de carretera. -¡Quitate hijueputa!- le grita desde el carro el chofer, y se quita o muere. (VALLEJO, 2012: págs. 149 y 175).

BIBLIOGRAFÍA

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NOTAS

1. Viaje a pie fue prohibido bajo pecado mortal por los obispos de Medellín y de Manizales. Transcribimos una de las cartas de prohibición: El Arzobispo de Medellín: NOS MANUEL JOSÉ CAYZEDO por la gracia de Dios y de la Santa Sede Arzobispo de Medellín Asistente al Solio Pontificio Constituidos por nuestro cargo pastoral en guardián de la fe y de las buenas costumbres [c.336], apremiados por el deber de alejar el peligro de perversión que traen las malas lecturas [c.1395] y habiendo sido denunciado ante Nos como gravemente nocivo el libro intitulado “Viaje a pie” cuyo autor es el doctor Fernando González. Después de haberlo sometido a examen y haberlo hallado prohibido a iure, porque ataca los fundamentos de la Religión y la moral con ideas evolucionistas, hace burla sacrílega de los dogmas de la fe, es blasfemo de Nuestro Señor Jesucristo y con sarcasmos volterianos se propone ridiculizar las personas y las cosas santas, trata de asuntos lascivos y está caracterizado por un sensualismo brutal que respiran todas sus páginas. Decretamos: El libro del doctor Fernando González, “Viaje a pie”, está vetado por derecho natural y eclesiástico, y por tanto su lectura es prohibida bajo pecado mortal. El presente Decreto será leído en todas las iglesias y capillas de la ciudad arzobispal y publicado por la prensa para conocimiento de los fieles.Dado en Medellín, a 30 de diciembre de 1929Manuel José Arzobispo de Medellín 2. Podemos sintetizar el espíritu de la Regeneración y su manifestación en Colombia como el de la tradición que impone la clase terrateniente conservadora, acérrima defensora de la contrarreforma y el catolicismo españoles, con sus consecuencias de Estado confesional, que ataca al laicismo y a la educación laica. Su visión del mundo impone una lógica del respeto a los dogmas cristianos y una “igualdad de los hombres basada sobre categorías transcendentales y eternas”, según palabras de Laureano Gómez. (Citado por Uribe Celis, La mentalidad del colombiano, 1992, p. 118). Todo lo que significa cambio o impulso a la modernidad es repudiado por la Regeneración: la revolución francesa, el liberalismo burgués, el proceso del capitalismo con su revolución industrial, la libertad, la igualdad, la fraternidad, como también todos los sistemas filosóficos surgidos desde y por la Modernidad. “El púlpito fue en todo el país el aparato reproductor de esta ideología, masiva y prioritariamente más activo hasta bien entrado el siglo” (Uribe Celis: 122). 3. Al decir del crítico norteamericano Raymond L. Williams, “De acuerdo a la retórica oficial, la Regeneración buscaba unidad nacional y lugar preponderante para la Iglesia Católica como institución. El presidente Núñez expresó la esencia de la Regeneración en el tan frecuentemente citado mensaje al Congreso de 1888: ‘Pero para lo fundamental y permanente, los elementos cardinales serán el cultivo del sentimiento religioso, que regenera mostrando lo infinito, y la instrucción activamente propagada con la savia de ese mismo sentimiento’ ” (Williams, 1992, pp. 56-57). 4. “A diferencia de otros países, no se elaboró una reflexión filosófica o política ni se recreó simbólicamente la nación, simplemente se recurrió a una imagen que expresaba los valores de una elite y que no tenía nada que ver con la cultura ni con la realidad de nuestro país. Por ello en el periodo que estudiamos se renueva la imagen del ‘cachaco’ bogotano como tipo ideal nacional, y, paralelamente, se elabora una representación de lo popular desde una perspectiva racista y clasista” (URREGO, 2002: 57). 5. Así, por ejemplo, la llamada generación del Centenario (Centenario del grito de Independencia, 1810-1910) no generó ninguna ruptura con la tradición cultural ni política conservadora. Academicistas, neoclásicos e intelectualmente decimonónicos, apoyaron muy tímidamente los proyectos de la modernidad. Entre sus miembros se encuentran Enrique Olaya Herrera, el conservador Silvio Villegas, Luis Cano, el poeta Eduardo Castillo. 6. A pesar de que el analfabetismo hacia 1912 era del 83.1 por ciento y que en 1918 se redujo al 61 por ciento, “en las primeras décadas del siglo XX la poesía y la historia dominaban en los

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artículos de las revistas que se autodefinían como culturales o literarias. Si tomamos como ejemplo la revista Alpha, podemos encontrar que de los 440 artículos considerados, desde la edición número uno- que apareció en 1906- a la número 58-que se publicó en 1910- 125 fueron, en realidad, poemas; de los 103 artículos de la Revista Contemporánea (entre enero y septiembre de 1905), 32 fueron, efectivamente, poemas. Las temáticas centrales: el amor, la mujer y la muerte. De total de artículos de la revista Alpha, 36 correspondieron al tema del amor y 127 a la mujer. Esto no tendría nada de particular si dejamos de considerar que, en lo fundamental, estaban encaminados a dejar una moraleja, eran creados desde una reflexión moral” (URREGO, 2002: 78-79). 7. Las coincidencias son inmensas con la Colombia de hoy. Veamos la radiografía de finales del siglo XIX que realiza Vargas Vila en las siguientes líneas:“Se van a acabar los librepensadores y va haber quema de herejes. El Papa tiene aquí un hijo fidelísimo. Tenemos los Reverendos Padres Jesuitas; los conventos que la impiedad había quitado los padres, para cometer el sacrilegio de llenarlos de jardines y surtidores y balcones, volverán a ser casas de oración y en sus ventanas volverán a verse los poéticos tiestos con flores y los pajaritos enjaulados trinando alegremente. Ya no habrá tanto colegio Mazón, en que aprendían los muchachos esas groserías, que s e llaman lenguas extranjeras, y que no les sirven sino para leer malos libros, que aparta de Dios y de la Iglesia. Pero, en cambio habrá buenos conventos de Padres donde entrarán los niños de novicios, para enseñarles el camino al cielo (…). En la Universidad no se enseñarán ya ni Bentham, ni Tracy, ni Julio Simón, no ninguno de esos franceses herejes, sino las doctrinas del angélico Doctor, y los jóvenes ya no se ocuparán en resolver y meditar los grandes problemas filosóficos, ni esas vagabunderías sociales del progreso, y la miseria y el trabajo, pero se ocuparán con provecho sumo en estudiar los siete cielos, y lo que es aún más útil para la humanidad: la naturaleza de los ángeles. No se enseñará ya la filosofía de este maldito siglo XIX, sino la del siglo XIII, en que con tanto esplendor brilló Santo Tomás “(1998, págs… 181-182).

RESÚMENES

En este artículo se indaga cómo, desde la instauración de la llamada Regeneración, movimiento de ideología hispano-católica conservadora de finales del siglo XIX, Colombia no ha superado aquella tradición premoderna, acérrima defensora de las tradiciones, de la moral católica y de las instituciones hacendarias, llegando a constituirse en buena parte en un Estado casi confesional a pesar de la apertura que significó, en algunos aspectos, la Constitución de 1991. El texto aborda diferentes visiones de intelectuales y escritores colombianos del siglo XX que dieron cuenta de dicha condición político-cultural, a la cual el poeta Jorge Gaitán Durán denominó ya en 1959 «nuestro paternalismo feudal».

Dans cet article on s’inquérit de comment, depuis l’instauration de la Régéneration, mouvement d’idéologie hispano-cathólique conservatrice de la fin du XIXème siècle, la Colombie n’a pas encore dépassé la tradition prémoderne caracterisée par être une intrinsigeant défenseur des traditions, de la morale cathólique et des institutions du trésor publique, en se constituant dans un État presque confesionnel malgré l’ouverture qui a signifié, en quelques aspects, la Constitution de 1991. Le texte aborde des divers points de vue des intelectuels et des écrivains colombiens du XXème siècle qui ont montré la condition politique et culturelle à laquelle le poète Jorge Gaitán Durán a nommé en 1959 «Notre paternalisme féodal».

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ÍNDICE

Mots-clés: hégémonie conservatrice, régénération, hispano-catholicisme, violence partisane, état libéral, modernité Palabras claves: conservadora, regeneración, hispano-catolicismo, violencia partidista, estado liberal, modernidad

AUTOR

CARLOS FAJARDO

Magíster y Doctor en Literatura. Poeta, investigador y ensayista. Profesor Asociado de la Maestría en Comunicación-Educación de la Facultad de Ciencias y Educación, Universidad Distrital Francisco José de Caldas, Bogotá. Es colaborador del Periódico Le Monde diplomatique. Director de la "Colección Pensamiento Estético Siglos XX y XXI" editada por Desde abajo y Le Monde diplomatique, Colombia. Autor de varios libros, entre ellos: "Tierra de Sol" y "Navíos de Caronte".

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Choc Quib Town and the performance of Afro Colombian identity

Monica Gontovnik

Introduction

1 This essay performs a textual analysis of three music videos posted on You Tube by Choc Quib Town, at the beginning of the career of a Colombian hip-hop group that is currently encountering national and international success. The analysis of words, sounds and images will be the guide in the journey toward understanding Choc Quib Town’s artistic discourse pertaining to race. An art medium of this kind seems to be a privileged site of interrogation and of curiosity. Basic questions include: What are they saying? How do they construct their image as a Colombian Hip Hop group from the Pacific Coast? Why do they repeat certain types of images? What racial or ethnic identity is being constructed by their art making? Can this performance and construction teach us more about Colombia’s plural-ethnic national identity? Colors, bodies, objects, costumes, beats, instruments show us the meaning of their performance. Anything speculated here would be the result of an inquiry into the specificity of their performance in these three specific videos.

Naming

2 When one is confronted with the name they have chosen for their musical artistic project, and the titles they have chosen for their songs, one can see that Choc Quib Town is asserting their intention for identity performance. So, let us start with a name: Choc: they belong to Chocó, a department of Colombia, a centralist Republic divided into thirty-two departments. Quib: points to their location in Quibdó, the main city of the Chocó Department. With the use of the English word Town they align themselves

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with the global youth movement that is hip-hop, born in the United States in New York in the 1970s.

3 The three videos published by Choc Quib Town at the beginning of their career towards national and international recognition, have, accordingly, titles that speak about identity. The first, Somos Pacifico (2008), roughly translates We are Pacific. Any Colombian would immediately understand the pun ; they are really saying that they are from the Pacific Coast, even though they are also playing with being identified as pacifists in a country where violence is all-encompassing and where being black, poor and a rapper is associated with violence. Because they define themselves as artists, even without stating that they are pacifists, the connotation suggests that they have a seemingly innocent weapon: their songs. The second song and video is entitled De Donde Vengo Yo (2009). It translates exactly: Where I Come From, which plays again with their locality but at the same time with their cultural roots, the immaterial place of becoming. Colloquially, the phrase (de donde vengo yo) in Spanish can be used to indicate an emotional, a spiritual or intellectual point of departure. The third song, posted in April 2009, is simply titled Oro, Gold. Gold was one of the main reasons why African slaves were brought to Colombia. In Chocó, the largest and richest gold mines have been exploited since colonial times.

Viewing

Global identity

4 Hip hop has caught on as a performative identification tool for entire populations who see themselves facing the same problems as the black American culture that created it. In the first video, Somos Pacifico, we see a group of kids in a school classroom, sitting in uniform, using the hand movements that identify hip hop performance globally. They are saying the chorus lines of the song: la pinta, la raza, y el don del sabor (the look, the race and the gift of flavor). In the second video, De Donde Vengo Yo, kids sing along and even do solos for the camera, as well as many amateurs, that is, those who are not performers. In the third video, Oro, kids’ faces in close shots and many locals in their dwellings say the words of the chorus: “oro, oro te llevaste mi oro” (gold, gold, you have taken my gold). In the three videos analyzed for this essay, we can see children in different settings—in school, streets, houses, singing with the community in their choruses and attending football and basket ball games. This inclusion of the younger generation as well as the older in their videos signals something very akin to the beginnings of hip-hop in the USA ; it is the performance of blackness that has activated other performances across the globe in the last two decades. The words of one of its initiators, DJ Kool Herc point to the appeal of hip hop, as other cultures identify with the plight of blacks in the USA that gave rise to the hip hop movement in the seventies: Come as you are.” We are a family…It’s about you and me, connecting one to one…It has given young people a way to understand their world…It brings white kids together with black kids, brown kids with yellow kids…the way you walk, the way you talk, the way you look, the way you communicate…It has become a powerful force. Hip-hop binds all of these people, all of these nationalities, all over the world together. (Chang, 2005: Intro)

5 In the 20-plus years since it emerged in inner city New York as an alternative to violence and a way to escape harsh urban realities, hip-hop has become a worldwide

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musical and cultural force (Stapleton, 1998). Hip-hop scholar Tricia Rose argues that “alternative local identities were forged in fashions and language, street names, and most important, in establishing neighborhood crews or posses” (Rose, 1994: 34). Fernando further claims, “Instead of always fighting with fists, hip-hop gave youth the option of fighting with words, art, dance or the ability to produce good beats” (1994).

6 I will argue here that even though one could read this as the trickling down of yet another cultural force from the United States of America to the South of the continent, the specific musical form that is the hip hop performance of Choc Quib Town, has managed to not only cultivate an art form that helps them understand their world, but that actively helps them pursue their identity construction as a form of resistance while infusing the medium with their own particularities.

Locality

7 In accordance with hip-hop history, Choc Quib Town territorializes their identity (Bennett, 2004: 197). Locality has always been important, since the inception of hip- hop culture in the Bronx, New York (Forman, 2004: 202). Somos Pacifico, the first video addressed here, starts with the image of a body of water ; we see the Atrato River, which flows through Chocó and whose shores define the border with the neighboring department of Antioquia. This river is navigated all the way to Quibdó and its path is a narrow valley between the Cordillera mountain range and the coast. It reaches the Atlantic Ocean and defines transportation and the economy of this region that is rich in water resources. Water will be a constant in the videos of Choc Quib Town. This area of Colombia is the world’s rainiest lowland, with close to 400 hundred inches of annual precipitation. Much of the population thrives on fish, and their plentiful natural resources form a contradiction with the extremely poor living conditions of the majority of Chocó’s population. Accordingly, in the opening of the Somos Pacifico video, we see a canoe ; a man throwing a fishing net and a radio on the canoe later leads to a shot of a microphone and an announcer stating where we are located while listening. In De Donde Vengo Yo, we again are presented with the river—boats transporting people, fish being cleaned for sale—while in Oro the whole cast, singers and extras, sing with their legs deep in the water of a river where gold is being extracted.

8 In the group’s first and third videos (Somos Pacifico and Oro), marimbas are showcased and traditional drums are shown. In the second video (De Donde Vengo Yo), trombones and trumpets accompany a carnival-like troupe of dancers dressed in golden costumes through the town’s streets. In Oro, we are shown a traditional folkloric band playing for a group of dancers in the traditional white costume of the Currulao dance. These are not the instruments used in North American hip-hop. With their fusion of traditional sounds and hip hop sampling plus the rapping beat, they are telling the story of their identity. In an interview posted on their YouTube page, Band leader Carlos Valencia uses the artistic name Tostao, a pseudonym alluding to Toasting, the distinctive hip hop style of lyrical chanting (Samuels, 2004: 148) that is in direct lineage to the griots of West Africa (Tang, 2012: 80). In an interview posted on the group’s YouTube page 1, he states: Choc Quib Town is a group that mixes traditional music from the Pacific Coast, like, Bunde, Currulao, Bambazu, Levantapolvo, with elements of hip hop, dancehall and funky, besides the strong element of salsa which identifies Latino music around the

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world…. we are from the Africa that is inside Colombia, where all the prietos (dark skinned) live…2

9 As Valencia states, the group members belong to a region in Colombia where the highest percentages of the black population live. The rappers were childhood friends who met in Cali many years later and then moved to Bogotá, the capital of Colombia, where there are more opportunities for emerging artists. They all worked in other groups that were already professionalized. Tostao played with Mojarra Eléctrica, an experimental jazz-funk-folk band. Goyo (pseudonym for Gloria Martinez), originally from Condotó, sang with Sidestepper, an experimental electronic-folk fusion band. The group managed to get together money to assemble their own little studio and record their first CD, which they distributed themselves. Rappers in Colombia, in general, see themselves as a social movement. This is a characteristic of the Colombian hip-hop movement, one done in all the cities as voice for marginalized barrios of the main cities (Feiling, 2005). As such, many revel in bypassing the industrialization system (Dennis, 2008: 190-91).

10 As the video Somos Pacifico progresses, we see groups of folk dancers in their attire: colorful clothes worn in the Pacific region of Colombia. The dances and songs, still performed today, are the ones that the slaves developed while in contact with the white and indigenous cultures around them. Dances like Currulao, Aguabajo, Arrullo, Bunde, Bambara, and the Jota are visual clues to the heritage Choc Quib Town needs to accent, because the group talks about their history in this very specific part of Colombia. A common view about the music and dance from Colombia is stated in a way that accents the tri-ethnic mixing of the national identity:

11 The Spaniards brought the quadrille, danza, contradanza, and other dances. These were adopted by the Indians and the Negros but in the assimilation each race chose what was most in accord with its own preference in kinesthetic expression and introduced into them elements of their own folklore, thus creating new, hybrid forms. In some regions the mixture of all three races gave rise to a third type of folk dance, tri-ethnic in character, thus increasing the gamut of ancestral patrimony. (Zapata Olivella, 1967: 92)

12 In Somos Pacifico, a group of men and women in costumes pose as if for a photograph in front of a huge door of a building that seems to be a church. They sing and move to the chorus (Somos pacífico, estamos unidos/ We are pacific, we are united/ Nos une la región/ United by the region/ La pinta, la raza y el don del sabor The look, the race and the gift of flavor). The door opens ; the group moves aside, and the lead singer of the following rap lines emerges through the doors. She is Goyo, a young woman dressed in a contemporary way that signals her identification with blackness in the country of Colombia: a bright wraparound headscarf, bright yellow short dress and tights. She sings to the camera, to us. The next scene is of her in a balcony where the wooden walls and frames of door and veranda match the colors she is wearing. In the balcony with her, continuing her song, a group of folkloric dancers join in the singing and moving. With both scenes that interpolate folk attire and contemporary ones, they connect the very hip female singer, and thus the whole group, to a sense of pride in their ethnic heritage. In De Donde Vengo Yo, carnival dancers in golden costumes are portrayed as they parade in the center of the town and what looks like a Chirimia band plays ; here they use brass instruments like bombardino, clarinet and drums. In Oro, Goyo first appears in the muddy waters dressed as a miner and later in very contemporary clothes singing with children and other adults from the town. In this video, at the end,

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we see staged scenes of contemporary dancers in African-like vestments that portray a desire to dwell in their African ancestry.

Ethnicity

13 Colombia has the third largest black population after Brazil and the US, but this is hardly acknowledged, since during the colonization the nation was constructed under an image of “colombianity” without racial differences and under the spell of mestizaje. This is a term promoted by the Colombian state since 1851, a term aiming at the whitening of the black population with the intention of erasing the signs of difference. A whole culture idealizing the mixed but not fixed race of Colombia in any color is still functioning in actuality: Blacks and especially indians were romanticized as part of a more or less glorious past, but the future held for them paternalistic guidance towards integration, which also ideally meant more race mixture and perhaps the erasure of blackness and indianness from the nation. The mestizo was idealized as of bi-ethnic or tri- ethnic origin, but the image held up was always at the lighter end of the mestizo spectrum. (Wade, 1993: 11)

14 A national identity was thus formed in the pride of a tri-ethnic heritage: white, black and indian. The idea of a nation built on mestizaje with no separate ethnic populations or races, is one of the reasons the black and indigenous populations tend to be geographically located and separated which at the same time makes them very vulnerable to becoming the targets of continued displacement from their lands as successive appropriation by powerful groups for their use in coffee, banana, sugar cane, oil palm and cocaine plantations occur. Traditionally the “indian” or indigenous population has been identified as a people in need of protection, as a minority that has been in continuous danger since the conquest. They have been granted land protection (on paper, because in reality they are continually displaced as their lands are needed for exploitation) and have gained many rights, especially since the last constitutional reform of 1991. The black population of Colombia has not been viewed in the same way, since they were brought to the Americas from different places in Africa by the conquistadores for the exploitation of their labor. According to the State, they do not have any real ancestral right to the land, since they were immigrants. From this assumption we can infer how difficult the situation has been for this minority, forever in limbo, not belonging to any land, not even the one where they were born. But, also in the last two decades, they have formed political clusters that have gained recognition as an ethnic group that has lived in areas like Chocó for generations and thus deserves to be treated according to their ancestral rights to the same. In order to do this, they have had to copy the political strategies of the indigenous minorities, sometimes even to gain representation through them and develop a new discourse that points to an “ethnicity,” that of Afro-Colombianity, which has allowed the process of visibility (Friedemman, 1995).

15 At the end of Oro phantom images of black contemporary African-like dancers, their bodies painted with pre-Columbian designs, appear in the mountainous background where Goyo is singing. The song closes with an image of an archeological gold piece from the Colombian Gold Museum. This image indicates alliance with the indigenous peoples of the land who also suffer displacement whenever a powerful entity needs their land for exploitation in the name of “progress” for the whole nation. In the

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context of the displacement that black communities suffer in Colombia, Chomsky writes, “Gold motivated the first large-scale displacement of Africans of Portuguese, Spanish, and British slave ships, to the Pacific Coast regions of Colombia” (2007: 173). Chomsky explains how these communities of descendants of the first slaves have been continually forced from their lands in order to accommodate mining when resources are depleted. The ideology of racial difference developed in the fifteenth century enabled the Europeans to justify continued exploitation with a “scientific” dogma that still permeates the modern nations formed after colonization including Colombia (2007: 173).

16 This ideology Chomsky refers to is again that of mestizaje, leading to the contemplation of yet another odd visual feature in that also points to political representation in Colombian racial and ethnic history. It is just as odd as the gold pre-Columbian piece at the end of the Oro video. Why would these artists introduce discursive elements of an ethnicity other than their own? This odd visual image in the video De Donde Vengo Yo (Where I Come From) is the appearance of an indigenous woman in her ethnic dress, dancing with a crowd of black people next to the lead female rapper, who embraces her. As the multitude dances, she sings “De donde vengo yo la cosa no es fácil pero siempre igual sobrevivimos.” (Where I come from it is not easy but all the same we survive). This is an odd feature because it is the only image of an indigenous person—otherwise, all we see in the three videos are people who can be identified as natives of Chocó, a vastly black population. The indigenous woman wears a dress that identifies her as part of the Embera tribe. The Embera people reside in the Darien region, a zone that used to be part of Colombia and the Chocó department but which is now part of Panamá. Now we know that they used the political strategies of the various indigenous tribes of Colombia, who had an older tradition of using those strategies in order to protect their rights to land and culture (Fals Borda, 1992). It becomes even more interesting to learn that this image is a direct reference to the fact that when the Afro-Colombians had no political representation rights as a minority in the ANC (National Constitutional Assembly), they managed to ally with the Embera constituent Francisco Rojas Birry, on the condition that he would also defend the Afro Colombian population and support the projects that would favor their claims (Hurtado, 2000).

Resistance

17 When the chorus of the song Somos Pacifico is again in the part that talks about unity related to race, color and flavor, we see the three rappers Goyo, Tostao and Slow walking down a public open market place, with people saluting and joining them. The three wear what can be identified as global hip-hop clothes, with a woman leading as they rap and are joined in the chorus. Their clothes, the dances and their hand gestures help identify their performance with the carnivalesque, as defined by Bakhtin (1968) who believes that the market place is a privileged site for celebration, for promoting the erasure of separateness and for types of communication not possible in everyday lives. The dance costumes in the three videos are also a clue directing the viewer to the same interpretation because they relate to the carnival festivities that take place in many Colombian cities and towns. These festivities always include regional dances and music that are the development of the purported mixing of the performance elements of the three races. Appearing inside the visual structure of a video perceived as a very contemporary hip hop performance, these images are definitely a wink to the group’s

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racial heritage, to their place in the mixed nationality and to the function of the carnivalesque so well described by Bakhtin. Carnival clothes, carnival dances that come from a folk heritage, dancing in the streets, hand gestures and words that belong to the global hip hop movement all corroborate this idea. These hand gestures, although alien to local inhabitants of Chocó, akin to the global movement, are also part of the carnivalesque function, the resistance function of global hip hop. .….[T]he carnival-grotesque form exercises the same function: to consecrate inventive freedom….to liberate from the prevailing point of view of the world, from convention and established truths, from clichés…carnival spirit offers the chance to have a new outlook on the world, to realize the relative nature of all that exists, and to enter a completely new order of things. (Bakhtin, 1968: 34)

18 Choc Quib Town intends to subvert the order of things, as they should for a young group of Afro Colombians in the twenty first century, and at the same time, they are also honoring their two lineages: one that talks about the distant past, tracing back to the development of folk music and dance, and the other related to the immediate past, that of their attachment to hip-hop as a global youth movement. Dress is an important part of their identity performance. We see them dress according to the different mise en scenes: they are rappers, they are a soccer team, they are miners, motorcyclists, “regulars,” etc. As Fanon (1997) states, The way people clothe themselves, together with the traditions of dress and finery that custom implies, constitutes the most distinctive form of society’s uniqueness, that is to say the one that is the most immediately perceptible…fact of belonging to a given cultural group is usually revealed by clothing traditions. (259)

19 The rappers who walk in the market during Somos Pacifico open the path to Tostao’s lyrics. Standing among a group of young black people who stare ahead seriously in the middle of a street, he raps the beginning of his strophe: unidos por siempre (united for ever) while we watch this silent group. He continues the song in various urban places: a basketball court where he will later be joined by kids, a dilapidated wall and then an open-air concert where rain pours down on him and on the audience. Urban spaces conflate with rural places, with the river, vegetation, towns and roads. Slowly, the third rapper says his lines as a woman inside a typical “Chocoan” home braids his hair. He later appears on a motorcycle, followed by a group of cyclers. Here the camera is in front of them as they advance through the streets and there are cuts to him singing on stage of the same concert where rain is pouring on the audience. Motorcycles are a clear reference to the media of transportation that is most accessible to populations that do not have enough money to own a car (in Colombia a car is a signifier of social status since they are highly taxed and very expensive) or that have to travel roads more easily accessible by this type of transportation. In De Donde Vengo Yo, this text is rapped by Tostao: “…everyone who has nothing uses rapi-moto…uncovered roads to travel…”

20 In actuality Colombia has developed a very interesting transportation alternative that is a non-official activity that has been targeted by bus and taxi owners in order to stop it. Nonetheless, this medium thrives on popular demand: it is called mototaxism. The choice to forefront motorcycles in their video is a way of identifying with the people and their chosen ways of getting away with not following the rules of an economy that eats all of their earned money in everyday normal activities. Moto-taxi drivers are usually unemployed or under-employed men who get hold of or rent motorcycles and

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transport anyone for a low price. They have been involved in many riots and incidents with the police in the last five years, as attested by the following newspaper article: Motorcycles are destroying public transportation in medium-sized cities. For example, in 2003 in Sucre, there were 260 public transportation vehicles. In 2004, that dropped to 241 and in 2007-it fell further to 180. In contrast, the number of motorcycles is growing at alarming rates. In 2003 there were 1,724. In 2007 that figure grew to 9,705…. Moto-taxis are dangers in terms of security and in addition they exclude children, the elderly and persons with physical disabilities. “The motorcycle is a viable option if it is used for one person, but not as public transportation,” the report states (“Columbia on the verge,” 2008).

21 During the first video Choc Quib Town published, as the third rapper finishes the line he had started on the motorcycle ride, he raps: Because Colombia is more than marihuana, coca and café. There is a cut back to him on stage and then just silence. This is the end of the concert, the end of the song and the end of the video. They have, for the first time, with this last line of lyrics, located themselves in the country of Colombia (although to a Colombian hearing the song it is obvious that their City is in the country.) Not only do they use a phrase that seems completely out of place with the rest of the song, but through it they assert that the country is more than these products that bring money and a bad name: the country is made of people like them, the ones who want to be visible, once and for all—the black people who populate the Pacific Coast of Colombia. They are in excess, they are the forgotten ones, but they are proud of their racial heritage: Todo el mundo toma whisky… aja Everybody drinks whiskey Todo el mundo anda en moto… aja Everybody has a motorcycle Todo el mundo tiene carro… aja They all have cars Menos nosotros… aja But us Todo el mundo come pollo… aja Everybody eats chicken Todo el mundo está embambao 3… aja Everyone is engoldened Todo mundo quiere irse de aquí They all want to leave Pero ninguno lo ha logrado But no one has been able to.

22 Us, nosotros—we are the forgotten ones, the ones located in this part of Colombia; we have less, and we are in excess. It is an excess that Choc Quib Town gladly sings about, as they have learned to embrace it, to own it and now, to enjoy it: “De la zona de los rapi mami papi/ Tenemos problemas pero andamos happy” (From the Zone of Rapi, Mami, Papi, We have problems but we are happy.)

23 The group plays with the slang word embambao, a Colombian slang term referring to someone who possesses and wears a lot of gold, the sign of wealth native to their land yet alien to those who live in poverty. Gold, one of the region’s riches, was plentiful and even excessive at one time, though now not so much, after constant exploitation. Gloria, the lead rapper in Choc Quib Town, is from Condoto (Ramirez, 2006) the richest mining region of Chocó. In “Oro,” the group becomes more overtly political and even more local in their musical sound, with fewer rap beats and lines. The images in the video talk of rebellion and assurance of power over the exploiters. Mining and wood exploitation are powerful forces of displacement in the country. As soon as the department of Chocó was created, the efforts of the black population to create their own independent exploitation of the natural resources were curtailed and boycotted by the national government. The pattern of state abandonment and continued displacement and impoverishment of the population has continued until today, despite

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the Constitution of 1991 (Friedemann, 1993). In their second video, they have already begun to say things like Invisibilidad nacional e internacional National and international invisibility Auto-discriminación sin razón Self-discrimination without reason Racismo inminente mucha corrupción Imminent racism, much corruption Monte culebra Woodland snake Máquina de guerra War machine Desplazamientos por intereses en la tierra Displacements due to land interests

24 In Oro (Gold) Gloria tells us in song that someone came to her land who took all her gold, that he was dressed in white and had a foreign accent. He promised money in exchange, but he took everything away with him and he never came back. She calls him “thief” as the chorus is sung by the miners in the scene and later repeated by children, older adults and local people throughout the song. In this video Tostao raps his lines and only then, we the audience, realize that he is one of the miners. He has abandoned his rapper’s garb and flows directly to the man who is here obviously a mestizo watching the sifting soil from above, from where the camera is placed, showing the lower position of the miners: “Go away, away from here papa, you will not steal again, go with your mirrors, thief.” Goyo continues with the sentiment, “From here I will not go, this is my land, my soul is like the river, it knows many roads…”

25 Mining here again speaks of identity, history, the pain of invisibility and the trauma of displacement and disenfranchisement, but with the intention to subvert this state of things with joy and pride. The music and movements are not sad; they are playful, joyful and assertive. Since the intended audience is the Colombian population as a whole, with this song that talks about the particularity of gold mining, they are, in a sense, giving an example of how locality should be a mirror for the other regions of Colombia: the protection of natural resources from foreign exploitation is an urgent political issue.

Visibility

26 Visibility is one sure thing Choc Quib Town desires. In the interview posted on YouTube, Goyo, the female lead singer of Choc Quib Town, is emphatic about her art, in part, being a response to the need to make her region of the country visible: “People don’t know that the Pacific exists. Many people did not know and now, with us, they know that our music can be mixed with other rhythms that are not from here, because our music is rich and multiple with many rhythms and sonorities.” 4 Some residents of Chocó, like these artists, need to leave poverty behind and move to capital cities of other departments, like Cali, Bogota and Medellin. Others less fortunate must leave due to the on-going violence that usually comes too near their lands, vulnerable as big companies move in to exploit their resources.

27 One image that is puzzling in the second video, Where I Come From, speaks to this. It could be puzzling to audiences who are not familiar with Colombian racist history. These images can be confounded with ways of commodification of black women. In this scene, we see images of young black girls who appear to be getting ready for a beauty contest. We see them applying makeup, posing in bathing suits, aligned. These are not the typical women’s images that we see in hip-hop video, where masculinity is displayed as a foil against sexy objectified women. These young girls are not playing the

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role of sexy, they are not displayed as a background against the males; they are entering beauty contests, almost innocently, watching us, the observers. Why? Colombia’s National Beauty Contest is an event celebrated every 11th of November, the date that also marks the revolt in Cartagena against the Spanish colonizers in 1811. Since the nineteenth century this date has been celebrated with a catholic mass and a parade presided by “a goddess of freedom.” In the twentieth century the celebration mutated, becoming a National Beauty Contest that lasts a whole week, a carnivalesque celebration that becomes a big partying occasion in Cartagena, with the whole country anxiously watching every one of the contestants’ moves. Since this pageant was established in 1934, it has captured the public’s imagination. The country is immobilized, watching every move each regional department’s contestant takes while competing for the crown. Pride in each department bursts when a girl is elected from a specific region, and the following reception in her hometown also becomes a holiday.

28 In November 2001, ten years after the blacks in Colombia were awarded representational rights in the Constitution as an ethnic minority, for the first time in the contest’s history, a black woman was elected the National Beauty Queen of Colombia. It is ironic that Cartagena, the city on the Atlantic Coast where the contest takes place, also has one of the largest concentrations of black citizens in the country. For decades the contest had been called racist because no black woman could earn the crown, even though many times they were obviously the most beautiful or popular. Colombia was not ready to accept such recognition for a black woman. In 2001 Vanessa Mendoza from Chocó promised her people to use her term as queen to call attention to their forgotten department. She also wanted visibility for her region. When she arrived home after the competition, the party went on for several days. The rappers who made this video in order to showcase their song about pride in their identity would have been about ten or twelve years old at this time. De Donde Vengo Yo, uses these images to remind the impoverished young girls of the Chocó region that they too are as beautiful as Gloria (Goyo) the singer and Vanessa, that they should be proud of the racial markings of their skin if that is how they are being defined by in a country where the lighter you are, the less black you become. Accordingly, in the video Somos Pacifico, two black women display their beauty, always appearing in bathing suits that show their skin, with very sensuous movements. In Colombia, these movements are identified with black dances developed by the descendants of the African slaves who escaped or bought their freedom and managed to build their own communities, settling in palenques where they kept a lot of their culture intact. These are not the sexual images that we tend to encounter in mainstream rap from the U.S. now. In these bodies of beautiful women they are placing racial pride. Pride in being black is somehow new in Colombia after centuries of marginalization, despite the discourse of mestizo, tri-ethnic official nationality, a discourse which has not stopped racial prejudice that regards lighter shades of skin as signals of desirability and upward class mobility.

29 When Colombia’s constitution was revised in 1991, the country’s diverse ethnic groups were given legal access to representation in the Congress and Senate. Even though the Constitution of 1991 recognizes the black population as a main component of Colombian society, the majority of this population still lives in poverty, suffers discrimination and endures forced displacement. Only about ten percent of Colombians see themselves as Afro-Colombian, but about thirty percent of the Colombian population has an African heritage. Visibility is something that the black population has been striving for since then, within a frame of supposed governmental inclusion.

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These efforts have culminated in events such as the naming of Paola Marcela Moreno as the first black Minister of Culture in 2007, a young woman born in Chocó who holds a degree in industrial engineering and a master from Cambridge University. In 2006, General Luis Alberto Moore was the first Afro-Colombian to be elected as Chief of Police of the third most important city in Colombia, Cali. In 190 years of Republican history, only three ministers, a vice-minister and a temporary president (in 1861) have been black (Salazar, 2007). In 2001 a federal law (Ley 725 de 2001) established the month of May as the National Afro-Colombianity Day in order to honor the objectives of the construction of a historical memory. This is in accordance with the promulgated Law 70 of 1993 that recognizes black communities as ancestral holders of the lands of Chocó, where they have formed communities since the 1800s and as such are under the protection of the State. Furthermore, Decree 1320 of 1998 states that the Afro Colombian community must be consulted whenever their territories’ natural resources might be exploited. Springing from Chocó, Choc Quib Town is part of a whole Afro Colombian movement for increased national participation as full-fledged citizens.

Conclusion

30 Choc Quib Town has chosen a very distinct way of making music, one that blends their locality with the global appeal that hip hop has for young people around the world who perceive themselves as marginalized. Doing their art, performing on stage nationally and now internationally and posting their video clips on the You Tube website is their way of producing a new identity in accordance with the times in which they live. While doing their art they can express pride in their racial heritage, their African ancestry, their multi-ethnic nationality and their natural resources in a land that has now been gained as a political right. The more visible they are, the more they can sing against racism, marginalization, poverty and displacement. They have chosen to reiterate their pride in what could be perceived as an essentializing racial discourse, but they also showcase all the traits that are particular to their location in time and space in order to resist though pride and self-determination. They determine who they are, they construct their own image and they contribute to their people’s identity, hopefully a strong one that will be able to stand against injustice. This injustice is long overdue for a reckoning in order to truly embrace the tri-ethnic composition of the Colombian nation. If art can empower, this is surely one example of the power that comes through claiming one’s whole identity—locality, history and race. At this moment, almost a decade later, one can see with preoccupation that Choc Quib Town has merged into mainstream and with increased notoriety, popularity and wealth, their lyrics and sounds have changed. The fact that capitalism has managed, yet again, to digest and tame subversive identity in artistic performances, should be the subject of further studies into Choc Quib Town´s trajectory. For now, one can only hope to remember their beginnings as superb performers of Afro Colombian identity.

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Songs and videos

Somos Pacifico http://www.youtube.com/watch?v=fjx5fg2pvFs

De Donde Vengo Yo http://www.youtube.com/watch?v=yb_jD—Yfp4&NR=1

Oro

NOTES

1. These videos can be accessed on YouTube at http://www.youtube.com/user/ ChocQuibTown#p/u/8/TAtOw8DHpDM 2. All translations of Choc Quib Town lyrics in this article are my own. 3. This Colombian slang term refers to a person who wears an excess of gold jewelry, to display his or her wealth. 4. My translation.

ABSTRACTS

This essay examines the work of the Colombia Hip Hop group called Choc Quib Town at the beginning of their career. In order to do so, three videos published between 2008 and 2009 are analyzed. These three videos show their desire for an performance that showcases their Afro Colombian identity that at the same time finds a way to vindicate the rights of this ethnicity to have a dignified and proud entry into Colombian mainstream. Their lyrics and images as seen in this virtual platform is a form of protest that deepens our understanding of the inequalities still suffered in the Chocó region of Colombia.

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Cet article étudie le travail du groupe de musique hip-hop colombien nommé Choc Quib Town au début de sa carrière. Nous allons prendre en compte trois vidéoclips du groupe publiés sur YouTube entre 2008 et 2009. Ces vidéos montrent le désir d’une performance d’identité afro- colombienne qui, en même temps, cherche à établir une revendication des droits pour une vie digne, vraiment insérée dans la nationalité colombienne. Les paroles et images de la plateforme virtuelle nous permettent de comprendre le message du groupe comme une proteste pacifique et édificatrice qui néanmoins approfondie dans la plupart des iniquités notre compréhension des inégalités encore subies dans la région du Pacifique colombien, le département du Chocó.

INDEX

Mots-clés: identité, performance, afro-colombianité, hip-hop, ethnicité Keywords: identity, performance, afrocolombianity, hip hop, ethnicity

AUTHOR

MONICA GONTOVNIK

PhD Interdisciplinary Arts. Universidad del Norte, Barranquilla, Colombia. Departamento de Humanidades y Filosofía. Her dissertation research centered on Colombian contemporary women artists. Her other degrees are: Contemporary Philosophy Specialization, Universidad del Norte (2005) ; Master of Interdisciplinary Studies in Arts and Psychology from Naropa University (2001) ; Bachelor of Science in Dance from Skidmore University Without Walls (1980). Monica writes an opinion column at El Heraldo, the main newspaper of the Colombian North Coast. Monica is a performer and a poet who created and directed Kore, a pioneer dance-theatre company form 1982-1997. She has published seven poetry books and is actually working on editing a novel.

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Entretiens

NOTE DE L’ÉDITEUR hola ouiaoooj ioearioerziouer

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Entrevista com Pablo José Montoya Buenos Aires, 2 de mayo de 2016

Pablo Cuartas, Iván Jiménez y Camilo Bogoya

Pablo Cuartas: ¿Qué importancia le concede a la escritura ensayística? Lo digo así para referirme no sólo a un género –que también usted ha cultivado– sino a un tono que se advierte incluso en su obra narrativa. Hace unos años Germán Espinosa me decía, en París, que a Colombia le faltaba una narrativa de ideas. Se quejaba del panorama novelístico, tan afianzado en el poder de la fábula y la anécdota, que nos dejaba como herencia García Márquez. Y, a su modo, Espinosa quiso llenar una suerte de vacío existente en nuestro ámbito con obras como El signo del pez y La tejedora de coronas. Espinosa, por supuesto, no ha sido el único. Otro caso atractivo, y bastante insular, es el de Ricardo Cano Gaviria con una novela como El pasajero Benjamin donde la filosofía se une tan intensa, conmovedora e inteligentemente con la literatura. Creo que una manera, y eso lo vemos con claridad en una literatura como la alemana (pienso en Thomas Mann, en Robert Musil, en Hermann Broch), para proponer una narrativa de ideas, con espesor intelectual, es acudir a la escritura ensayística y que ella se convierta, por momentos, en el centro estelar de la obra literaria. Y hacerlo sin pedanterías y sin posturas grandilocuentes y distantes de aquellas ideas equívocas de que los lectores de ahora no soportarían tales propuestas. Yo he tratado, por mi parte, de darle al ensayo el mismo valor que le doy a la poesía en mis novelas. Porque concibo la novela como esa posibilidad que lo permite todo y que es capaz de transmitirle al lector un mundo que, en mi caso, tiene fuerte pilares en la historia y las artes y sus diversas representaciones de la violencia. P. C. ¿Cuál es su percepción acerca de la tradición y de la actualidad del ensayo en Colombia? Colombia es un país que ha tenido notables ensayistas. Algunos creen que nuestro ensayo, y hablo aquí también del latinoamericano, inicia con los textos de nuestros primeros “prohombres”, o de aquellos que pensaron la identidad de nuestras torpes y farragosas naciones en el siglo XIX desde el ejercicio de la política y la religión. Yo, en la medida en que pienso que el ensayo es la máxima expresión estética del individuo, y ubicado en la tradición laica y despolitizada, o al menos lejana de cualquier militancia ideológica, que nos dejó Montaigne, prefiero pensar que el ensayo nace en

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Colombia con Baldomero Sanín Cano. Y nace con sus valientes y lúcidas críticas a la poesía de Rafael Núñez y con su lúcido combate contra las tendencias más retrógradas de los políticos gramáticos de la Atenas suramericana y de ese país del Sagrado Corazón de Jesús que le correspondió. Luego siguen los descendientes de él como Hernando Tellez, Jorge Gaitán Durán, Jorge Zalamea, Hernando Valencia Goelkel, Germán Arciniegas, Nicolás Gómez Dávila, Rafael H Moreno Durán y Rafael Gutiérrez Girardot, aunque este último tiene más proyección en los espacios académicos. Pero esta vitalísima tradición ensayística se ha debilitado bastante en los últimos tiempos. Hasta tal punto que el ensayo hoy día en Colombia es el género ceniciento. Ante el triunfo descomunal de la novela y la crónica periodística, el ensayo ha tenido que aislarse y seguir respirando, un poco maltrechamente, en las periferias literarias. Esto quizás le haga bien y es muy probable que presenciemos pronto un nuevo esplendor de este género. Porque no olvidemos que las mejores transformaciones de la literatura colombiana en el último siglo siempre han venido desde los márgenes y pocas veces desde el centro. La crítica literaria, que es una de las formas que más aprecio del ensayo, puede tener en un futuro inmediato momentos interesantes, pues hay antecedentes que me parecen brillantes. Piénsese, por ejemplo, en David Jiménez y su Historia de la crítica literaria en Colombia Ahora bien, ante el panorama actual colombiano, el ensayista más importante, en la medida en que es el más leído y el más publicitado, pero también en el sentido que es el escritor que más le ha apostado a este género en las últimas décadas, es William Ospina. En él confluyen varias tradiciones (la americanista, la ecológica, la política y la meramente poética) y esto lo convierte en un fenómeno digno de tener en cuenta, así no comulguemos con algunas de sus ideas. Justamente su última novela, El año del verano que nunca llegó, es un llamativo caso de novela ensayo sobre la poesía romántica inglesa. El hecho de que se escriban novelas así, en una Colombia que está tratando de superar el fantasma del gran padre que ha significado para nosotros García Márquez, es un signo de buena salud de esa narrativa ensayística de la que estamos hablando. Iván Jiménez: « Creo que el único tema que tenemos los escritores de este país es la violencia. No es fácil reconocerlo porque, de alguna manera, esa premisa es una condena ». La frase es de Pedro Cadavid, el escritor de Los derrotados (p. 145). ¿Qué diría Pablo Montoya de esta afirmación de su personaje, luego de haber escrito Los derrotados y Tríptico de la infamia? He abordado la violencia en varios de mis libros. La violencia vinculada a los procesos sociales colombianos, como es el caso de Los derrotados (2012) y de algunos de mis libros de cuentos (Cuentos de Niquía (1996), Réquiem por un fantasma (2006) y El beso de la noche (2010)) y la violencia digamos más universal como es el caso de Tríptico de la infamia (2014). Y lo he hecho con la certeza de que estaba haciendo una especie de exorcismo en tanto que individuo y en tanto que miembro de una colectividad. No es fácil nacer y vivir, y quizás morir, en un país tan turbio como Colombia. Basta pensar en sus vergonzosos índices de impunidad y en un caso como el de los falsos positivos, o en la gran cantidad de desplazados que ha generado su última violencia narcoparamilitar, estatal y guerrillera, o en la paramilitarización o criminalización de la sociedad, o en la incesante y grotesca corrupción en que vive sumida este país, para saber que ser colombiano significa cargar un peso bien singular, desde el punto de vista ético y moral. Yo me he sentido, en esta dirección, como un Atlas que lleva sobre sus hombros tal peso y he tratado con la escritura de

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penetrar en sus simas para horrorizarme y al mismo tiempo limpiarme. Pues, a la manera en que lo entendían los trágico griegos, creo que la escritura es una labor de catarsis. Ahora bien, luego de estas travesías literarias por la oscuridad, me gustaría sumergirme en proyectos más diáfanos y esperanzadores, pero termino inevitablemente topándome con las coyunturas de la degradación humana. Ahora, por ejemplo, estoy escribiendo una novela de formación que cuenta la historia de unos muchachos que estudian música en una pequeña ciudad del altiplano colombiano. Están allí como aislados de la vida tumultuosa del país en que viven. Es una novela que transcurre en los años ochenta del siglo XX y que trata de narrar un poco lo que pasó con mi generación, o al menos con ese grupo de jóvenes que me acompañaron cuando yo era estudiante de música en Tunja. En todo caso, estos chicos, que parecieran vivir en una especie de torre de cristal, se ven enfrentados a la violencia que vivió el país en esa década desastrosa. Quisiera alejarme de esas turbulencias sociales, pero siempre de un modo u otro me topo con ellas. Es como un estigma y salir de él resulta difícil. Si no mire lo que están escribiendo las generaciones de narradores colombianos de ahora. Un nuevo ajuste cuentas con esa llaga histórica que nos nombra. Camilo Bogoya : ¿Hasta dónde se podría decir que Tríptico de la infamia es una crítica formal de Los derrotados ? Lo que pienso, más bien, es que son novelas muy próximas. Complejas reflexiones, por la dimensión de su propuesta formal y por la imbricación de sus contenidos, sobre el mal histórico, sobre la violencia y su vínculo con el arte y los proyectos intelectuales de orden humanístico : En Los derrotados la confrontación entre disciplinas naturalistas y científicas y las militancias revolucionarias a lo largo de los siglos XIX y XX colombianos ; y en Tríptico de la infamia esos abrazos entre arte y exterminio movidos por las causas religiosas del siglo XVI. Pienso más bien en lo que las une: son apuestas por los cruces de géneros ; quiero decir, que ambas novelas son des-generadas. En Los derrotados se propone un vaivén de espacios y temporalidades y su esencia narrativa tiene que ver con la técnica del mosaico. En ella hay capítulos que son cartas, notas de diario, ensayos, cuentos, etc. En Tríptico de la infamia, igualmente, hay capítulos que se la juegan enteramente por la reflexión ensayística y por monólogos de índole poética. Y cuando hablo de la hermandad que las une, me refiero también a sus candentes núcleos visuales. En Los derrotados hay un capítulo que se aproxima a la última violencia colombiana a partir de una serie de fotografías de Jesús Abad Colorado. Y en Tríptico de la infamia hay un capítulo dedicado al exterminio indígena cometido durante la conquista española representado por los grabados que Théodore de Bry hizo sobre la Brevísima relación de la destrucción de las Indias de Bartolomé de Las Casas. I. J. ¿Con respecto al vínculo con el pasado histórico, qué continuidades o qué contrastes podría establecer entre la escritura de Los derrotados y la del Tríptico de la infamia? Ambas novelas significaron una larga, profunda y trashumante investigación. Visita a museos y archivos, conversaciones con especialistas en el asunto, lectura de numerosos libros sobre la historia de los eventos que tratan las obras. Son novelas que abordan dos periodos diferentes (la segunda mitad del siglo XVI en Europa y América en Tríptico de la infamia ; En Los derrotados la independencia y la patria boba y el surgimiento de los movimientos guerrilleros, es decir el siglo XIX en la nueva Granada y la Colombia de finales del siglo XX). Ambas novelas pretender

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mostrar lo que sucede cuando intelectuales, humanistas, pintores o naturalistas, se ven golpeados por la violencia social. En este sentido, todos estos personajes se tornan víctimas de la crueldad ejercida por los poderosos. Y es que viéndolo bien, la mayor parte de los personajes de mis novelas, cuentos, prosas poéticas y ensayos son artistas tocados por el ansia de una cierta búsqueda de la individualidad y la autonomía en territorios en donde prima la opresión. Todos ellos son, y me refiero muy especialmente a los personajes de estas dos novelas, disidentes y justifican sus acciones en la práctica de una cierta disidencia. Ahora bien, debo decir que ambas novelas son recreaciones e invenciones del pasado histórico y no reproducciones arqueológicas cuya pretensión sea mostrar la verdad de lo que aconteció. Y esta modalidad de escritura la he proyectado desde ángulos metaficcionales. Tanto Los derrotados como Tríptico de la infamia son ejercicios de escritura literaria que muestran, al mismo tiempo, la novela y cómo se elabora su escritura. I.J. Si habláramos del « deseo de pasado histórico en la obra de un novelista », ¿cuáles podrían ser los resortes que hacen surgir ese deseo? Teniendo en cuenta que soy un escritor colombiano, creo que son varios. He escrito sobre el pasado de mi país porque quiero saber de dónde viene nuestra anomalía social, para saber qué es ese adefesio nacionalista, casi siempre ridículo y rimbombante, que hemos convenido en llamar Colombia. Y he escrito esos libros que se llaman Adiós a los próceres (2010) y Los derrotados para decirle al lector cuál es el tamaño de nuestras mentiras y de nuestros yerros. Hay escritores que van al pasado nacional para cantarle y sentirse orgulloso de él. Yo lo hago para desentrañar las falacias con que se nos ha enseñado ese ayer y para indagar en sus profundos traumatismos. Frente al caso de Tríptico de la infamia, me empujó la idea de escudriñar en esas dos heridas fundacionales que marcan nuestros destinos en tanto que sociedades latinoamericanas: las guerras de religión, que de Europa se trasladaron rápidamente a América, y el exterminio de los indígenas americanos provocado por la conquista europea. Y quizás el resorte que me impulsó a escribir estas dos novelas fue el querer liberarme del yugo que significa saberse parte de una historia marcada con las capitulares del horror. Pero uno, a la postre, no se libera de nada. Queramos o no estamos atados a esta red de causas y efectos que llamamos historia, en la que creemos marchar hacia delante cuando en realidad vamos hacia atrás o no avanzamos, esencialmente, hacia ningún lado. Otro motivo, por último, que me ha llevado a escribir sobre el pasado es saber que este es enorme y desconocido; que el presente, en cambio, es una instancia escurridiza e inasible; y el futuro, un terreno anclado en lo improbable. I. J. ¿Por qué proponer una lectura del pasado histórico colombiano tomando a Francisco José de Caldas como punto de referencia? Por su trabajo crítico, usted conoce bien el caso de Simón Bolívar en las novelas colombianas. ¿Qué contraste establecería entre esas dos figuras: el Libertador y el Sabio? Al llegar a Medellín, luego de una larga estancia en París de casi diez años, me encontré a un país sumido en una especie de guerra civil entre narcoparamilitares asociados con el Estado contra unas guerrillas igualmente infiltradas con el narcotráfico. Pero también me topé con una naturaleza prodigiosa. Naturaleza, valga la pena decirlo, que los políticos y empresarios que nos gobiernan hoy, se la están entregando a las empresas multinacionales sin ningún tipo de vacilación para que aquellas la saqueen a su modo neoliberal. Entonces fue cuando me dije que un buen personaje para adentrarme en esa relación entre naturaleza y guerra en Colombia era

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el sabio Caldas. En principio, quería escribir una novela sobre este prócer; sin embargo, terminé escribiendo algo de eso pero también una historia del EPL, una de esas guerrillas que atravesaron el horizonte de nuestras luchas revolucionarias en la segunda mitad del siglo XX. La conclusión en Los derrotados es clara: en esos vínculos con las luchas armadas quienes terminan perdiendo son los intelectuales, los artistas, los hombres de conocimiento y los vencedores siempre son los guerreros. Y, repito, Caldas me sigue pareciendo el hombre más emblemático para entender el tamaño de esa derrota cognitiva. Evidentemente una novela así y una imagen de Caldas como la que se muestra en Los derrotados incomoda a quienes han ensalzado al sabio como prócer militar. Ahora bien, entre un científico como Caldas y un militar como Bolívar yo siempre preferiré, por mera simpatía personal, al primero. Sencillamente, me suscita más cariño y admiración la vida de un hombre que mira las estrellas para conocerlas y mide los montes y lleva herbarios, que la de un general megalómano que llevó una buena parte de su existencia montado en un caballo, enarbolando una espada y vociferando a diestra a siniestra sobre una libertad que a mí me parece bastante sospechosa. Por supuesto sé que tanto Caldas como Bolívar fueron figuras que sucumbieron ante las guerras de su tiempo. El uno fue fusilado por una reconquista brutal. El otro murió desengañado por ese mentiroso orden de cosas que ayudó a crear. El primero se arrepintió de sus labores guerreras y patrióticas y eso para mí es, aunque dramático, encomiable. El segundo justificó su vida en un heroísmo sangriento que me abruma. Pero ambos, en el fondo, señalan, el destino de lo que en Colombia significan las armas y las ciencias. Somos un país que gasta más dinero en guerras que en educación. I. J. Al plantear el tema de los fracasos de los proyectos revolucionarios en la historia colombiana (siglos XIX y XX), uno podría pensar que la recepción de Los derrotados ha suscitado debates en Colombia. Sin embargo, en el encuentro en l’École Normale Supérieure (16/11/15), usted aclaraba que no ha sido así. ¿Qué podría decirnos a este respecto? El premio Rómulo Gallegos que se le otorgó a Tríptico de la infamia en 2015 ha despertado interés, en Colombia, por mis otros libros. Pero antes Los derrotados, publicada en 2012, pasó casi que desapercibida del todo. Alfaguara y Random House la rechazaron con justificaciones que me parecieron reprochables: es una novela mal hecha (Alfaguara), no es comercial (Random House). Estos rechazos, lo confieso, me produjeron una crisis que me duró un buen tiempo y que superé escribiendo Tríptico de la infamia. Solo Sílaba Editores se interesó por ella y de la mano de esta editorial ha seguido su camino. Supe que Los derrotados casi queda de finalista en el premio Nacional de novela 2014 que convocó el Ministerio de Cultura para libro publicado. Me enteré también que el jurado no la consideró porque su título era deficiente y porque la novela tenía capítulos (como el diario botánico de Caldas y el capítulo dedicado a las fotografías de Jesús Abad Colorado, que son justamente los capítulos centrales de la obra) que sobraban. En fin, pongo estas consideraciones porque la novela, a pesar de algunas reseñas entusiastas, estaba, como los otros libros míos, sumergida en un limbo. Ahora siento que la situación han cambiado y Los derrotados acompaña a muchos lectores que se sienten conmovidos por los acontecimientos que se narran en esas páginas.

I. J. Según la « Nota » final de Los derrotados, la escritura de esta novela se apoya en un trabajo previo de consulta de fuentes, tales como la obra naturalista y la correspondencia de Caldas. ¿Podría hablarnos un poco de esta etapa de investigación? ¿Dónde se

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encuentran tales fuentes? ¿Algún hallazgo o algún momento especial en el trabajo de investigación en los archivos? Escribí Lo derrotados entre el 2008 y el 2012. La inicié en Medellín y la culminé en París. Viajé por diferentes partes de Colombia: fui a Popayán y recorrí los lugares de Caldas (su casa natal, las iglesias, los colegios, las calles, los parques y plazas que le concernieron, así como la hacienda de Paispamba y el volcán Puracé). Quise hacer el recorrido que él mismo hizo de Quito a Ibarra para encontrarse con Humboldt y Bonpland, pero el expresidente Álvaro Uribe ordenó a algunas unidades de su ejercito ingresar a Ecuador para atacar a un comando de las FARC y resultó peligroso pasearse por esos sitios. La verdad es que algunos amigos me recomendaron no hacerlo y por esos días algunos colombianos fueron linchados por ecuatorianos. Igualmente, fui a Bogotá a visitar el observatorio astronómico que Caldas dirigió. Estuve en Tunja y la parte de Antioquia que da al río Cauca en donde él diseñó algunas de las fortalezas militares para enfrentar los ejércitos de la reconquista española. De hecho, fue por esas fortalezas que Pablo Morillo lo mandó a fusilar. De Caldas leí toda su obra (sus monografías publicadas en vida del sabio y sus cartas publicadas después por la Academia colombiana de ciencias exactas). Igualmente, leí todas las biografías que hasta el momento (2012) se habían publicado. Casi todas ellas, valga la pena decirlo, son biografías plagadas de elogios patrióticos y casi todas dicen más o menos lo mismo. Y, por último, en lo que tiene que ver con este personaje histórico, leí la novela de Samuel Jaramillo Diario de la luz y las tinieblas que es una reescritura de las cartas de Caldas. La novela la terminé de escribir durante una estancia en París que duró un año. Por esos días visité muchas veces el Jardin des Plantes y sentía que era injusto que yo, un simple diletante de la botánica y la geografía, pudiera pasearme por esos espacios y gozara de este palacio de las ciencias, y que Caldas, que lo merecía holgadamente, no lo hubiera hecho. Recuerdo que siempre que veía un árbol grandioso, una orquídea hermosa, un herbario de algún botánico célebre, trataba de evocar la figura del malogrado Caldas para decirle, a ese recuerdo, a esa desbordante curiosidad asesinada tan vilmente, que lo que yo contemplaba también le pertenecía a él. Porque, la verdad sea dicha, yo creo en esas comunicaciones dadas entre los hombres por los pasadizos del tiempo y del espacio. I. J. ¿Por qué volver a escribir la carta de Caldas a Pascual Enriles que aparece en el capítulo 18 de Los derrotados? ¿Qué propósitos pueden confluir en una práctica de reescritura de este tipo? Sospecho que lo que hacemos en las novelas es, en cierta medida, reescrituras. Me encanta la técnica del palimpsesto y del anacronismo. No creo en la total originalidad. Escribimos en medio de una tradición literaria que se remonta a siglos y en ella nos movemos con la sensación de estar encadenados a sus presupuestos o liberados de ellos. En mis novelas y cuentos yo introduzco breves pasajes de obras anteriores, pero no las reproduzco enteramente sino que las reelaboro. En Los derrotados no solo retomo, para retocarla un poco, la conmovedora carta final de Caldas a Enriles, en la que pide perdón para que su vida no sea interrumpida por las armas, sino la carta de un amigo que militó en el EPL que me mandó cuándo nació su primera hija. Ambos documentos las utilicé en mi novela y me pareció pertinente decirlo en la nota de los editores para evitar malos entendidos. Considero que esos dos capítulos muestran el lado humano de estos dos personajes que amaron las flores y las estrellas y terminaron mezclando sus existencias al ejercicio de las armas.

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I. J. ¿Cómo llegó al archivo fotográfico de Jesús Abad Colorado? ¿Qué decir sobre el contacto con las imágenes de este fotógrafo? ¿Cómo ve usted la interacción entre texto e imagen cuando se trata de lo real de la violencia política? A Abad Colorado lo conocí por las fotografías que hizo cuando era corresponsal de El Colombiano en los municipios más fragorosos de Antioquia y Chocó. Vi después una selección de su trabajo en una publicación del Museo de Antioquia y más tarde en especiales de la guerra colombiana publicados por la revista Número. Luego lo conocí en una pasillo de la Universidad de Antioquia y le profesé mi admiración y le dije que estaba escribiendo algo sobre sus fotografías. Muy jovial, caudaloso en su manera de hablar, me ofreció su archivo y me dijo que estaba a mi disposición. Pensé que este ofrecimiento iba a cumplirse, pero jamás pude acceder directamente a sus fotografías. Abad Colorado no tardó en convertirse en una celebridad y lograr un encuentro con él me fue imposible. Cuando terminé la novela le pedí, a través de las editoras de Sílaba, una fotografía para la portada de la novela, aquella llamada “El espejo” y que funciona como una metáfora visual de Los derrotados y de Colombia, pero me la negó alegando cualquier cosa. Con todo, pienso que Abad Colorado es un fotógrafo extraordinario, además de valiente, y sus imágenes quedarán en la memoria de ese país cruel que hemos construido todos juntos. Porque la responsabilidad de lo que pasa en Colombia, y creo que esto lo manifiesta Abad Colorado en sus imágenes, y lo afirmo yo en mi novela, es responsabilidad de todos los colombianos. Pero aclaro que esta relación entre texto, imagen y violencia que se trabaja en Los derrotados, también está presente en otras partes de mi obra. Está reflejada en algunas minificciones de Trazos (2007) y ocupa un buen espacio en Tríptico de la infamia. Digamos que me la he jugado por esta vía, porque supuse que una manera más o menos nueva de abordar la violencia en la literatura colombiana tenía que ver con estas confluencias de imagen y texto. I. J. En el encuentro en la ENS, se habló de su pertenencia a distintos lugares: Medellín y Antioquia, París, Tunja… ¿Tiene usted algún vínculo particular con los lugares importantes en la vida de Caldas ? Fuera de que son sitios que visité, brevemente por lo demás, mientras escribía Los derrotados, no creo que haya ninguno. Aunque viéndolo bien hay un vínculo afectivo profundo con el volcán Puracé. Lo escalé cuando tenía 17 años en compañía de esos amigos de la adolescencia que, de algún modo, palpitan en la parte de mi novela dedicada a los jóvenes militantes del EPL. Es posible, incluso, que Los derrotados, en su va y viene temporal y espacial, haya comenzado a forjarse cuando vi el cráter del volcán Puracé que, como sabemos, Caldas también escaló.

C. B. Al final de sus libros suele fecharse el periodo de la escritura. Aparecen así lugares canónicos y desconocidos. ¿Por qué este gesto recurrente? Quiero dejarme a mí mismo, y a los lectores más cercanos en el afecto, estos referentes que son, en el fondo, tentativas vanas de fijar el tiempo y el espacio. La escritura, en mi caso, es una labor muy afianzada en el viaje y el desplazamiento de la imaginación. A veces, cuando tomo uno de mis libros publicados, miro esas fechas y esos lugares y se me viene en cascada todo ese pasado. Y concluyo, con el libro en mis manos, que todo ese esfuerzo que hice se justifica en esas páginas que hojeo.

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RESÚMENES

Pablo José Montoya es Primer Premio del Concurso Nacional de Cuento “Germán Vargas” (1993). En 1999 el Centro Nacional del Libro de Francia le otorgó una beca para escritores extranjeros por su libro Viajeros. El libro Habitantes ganó en el 2000 el premio Autores Antioqueños. Réquiem por un fantasma fue premiado por la Alcaldía de Medellín en el 2015 y el mismo año obtuvo el Premio Rómulo Gallegos con su novela "Tríptico de la Infamia". Ha participado en diferentes antologías de cuento y poesía colombiana y latinoamericana. Realizó estudios de música en la Escuela Superior de música de Tunja. Hizo la licenciatura en filosofía y letras en la Universidad Santo Tomás de Aquino en Bogotá. Igualmente, obtuvo la maestría y el doctorado en Estudios Hispánicos y Latinoamericanos en la Universidad de la Sorbonne Nouvelle (París III). Sus traducciones de escritores franceses y africanos, sus ensayos sobre música, literatura y pintura, han sido publicados en diferentes revistas y periódicos de América Latina y Europa. Actualmente es profesor de literatura en la Universidad de Antioquia. Es escritor asociado de la Red Nacional de Talleres de Literatura (Renata) del Ministerio de Cultura de Colombia. Ha publicado los siguientes libros: En cuento: Cuentos de Niquía (Vericuetos, París, 1996), La sinfónica y otros cuentos musicales (El propio bolsillo, Medellín, 1997), Habitantes (Indigo, París, 1999), Razia (Eafit, Medellín, 2001), Réquiem por un fantasma (Hombre Nuevo Editores, Medellín, 2006), El beso de la noche (Panamericana, Bogotá, 2010) y Adiós a los próceres (Random House-Mondadori, Bogotá, 2010). En poesía: Viajeros (Universidad de Antioquia, Medellín 1999, Tragaluz Editores, Medellín, 2011), Cuaderno de París (Eafit, Medellín, 2006), Trazos (Universidad de Antioquia, Medellín, 2007) y Solo una luz de agua : Francisco de Asís y Giotto (Tragaluz Editores, Medellín, 2009). En ensayo: Música de pájaros (Universidad de Antioquia, Medellín, 2005), Novela histórica en Colombia 1988-2008: entre la pompa y el fracaso (Universidad de Antioquia, Medellín, 2009), Un Robinson cercano, diez ensayos sobre literatura francesa del siglo XX (Eafit, Medellín, 2013) y La música en la obra de Alejo Carpentier (La carreta Editores, Medellín, 2013). En novela: La sed del ojo (Eafit, Medellín, 2004), Lejos de Roma (Alfaguara, Bogotá, 2008) y Los derrotados (Sílaba Editores, Medellín, 2012).

Pablo José Montoya gagne en 1993 le premier prix du Concours national de nouvelles "Germán Vargas". En 1999, le Centre National du Livre de France lui a décerné une bourse d’études pour les écrivains étrangers pour son livre Les voyageurs. Le livre "Habitantes" a remporté en 2000 le prix des auteurs "Antioqueños". "Requiem pour un fantôme" a reçu un prix de la part de la mairie de Medellín en 2015. Et la même année, son roman "Tríptico de la Infamia", remporte le prix Rómulo Gallegos. Il a participé à plusieurs anthologies de nouvelles et de poésies colombiennes et latino-américaines. Il a étudié la musique à l’Ecole Supérieure de Musique de Tunja. Il est diplômé en philosophie et lettres à l’Université St Thomas d’Aquin à Bogota et a aussi obtenu un doctorat d’études hispaniques et latino-américaines à l’Université de la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Il traduit les écrivains français et africains et ses essais sur la musique, la littérature et la peinture ont été publiés dans divers magazines et journaux en Amérique latine et en Europe. Il est actuellement professeur de littérature à l’Université d’Antioquia et professeur associé du Réseau national d’ateliers de littérature (Renata) du Ministère de la Culture de la Colombie. Il a publié des livres d’essais, de poésie et des romans. Les contes: Cuentos de Niquía (Vericuetos, París, 1996), La sinfónica y otros cuentos musicales (El propio bolsillo, Medellín, 1997), Habitantes (Indigo, París, 1999), Razia (Eafit, Medellín, 2001), Réquiem por un fantasma (Hombre Nuevo Editores, Medellín, 2006), El beso de la noche (Panamericana, Bogotá, 2010) y Adiós a los próceres (Random House-Mondadori, Bogotá, 2010).

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Poésie: Viajeros (Universidad de Antioquia, Medellín 1999, Tragaluz Editores, Medellín, 2011), Cuaderno de París (Eafit, Medellín, 2006), Trazos (Universidad de Antioquia, Medellín, 2007) y Solo una luz de agua : Francisco de Asís y Giotto (Tragaluz Editores, Medellín, 2009). Les essais: Música de pájaros (Universidad de Antioquia, Medellín, 2005), Novela histórica en Colombia 1988-2008: entre la pompa y el fracaso (Universidad de Antioquia, Medellín, 2009), Un Robinson cercano, diez ensayos sobre literatura francesa del siglo XX (Eafit, Medellín, 2013) y La música en la obra de Alejo Carpentier (La carreta Editores, Medellín, 2013). Les romans: La sed del ojo (Eafit, Medellín, 2004), Lejos de Roma (Alfaguara, Bogotá, 2008) y Los derrotados (Sílaba Editores, Medellín, 2012).

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Entrevista com Renato Janine Ribeiro

Gaspar Paz

1 Renato Janine Ribeiro é doutor em filosofia e professor titular de ética e filosofia política da Universidade de São Paulo. Conhecido e respeitado por empregar novas práticas político- pedagógicas que valorizam o diálogo e a formação de consensos, reiterou esses valores quando atuou como Diretor de avaliação da CAPES e, mais recentemente, como Ministro da Educação. Publicou, entre outros livros, Ao Leitor sem Medo. Hobbes escrevendo contra o seu Tempo, Belo Horizonte, Ed. UFMG, 1999 e A Marca do Leviatã – Linguagem e Poder em Hobbes, São Paulo, Ática, 2003. Nesta entrevista, Renato Janine Ribeiro fala sobre a transgressão nas artes e sua relação com a ética, com a estética, com a moral e a política. A partir de um panorama que perpassa as obras de Gustave Flaubert, Antonin Artaud, Marina Abramovic, Guimarães Rosa e o teatro brasileiro da década de 1960, o autor sublinha a importância da transgressão em seus momentos áureos (de 1850 até meados do século XX). Em seguida, discute a dificuldade e as limitações do ato transgressivo hoje, diante de um cenário no qual a inovação e a ruptura foram institucionalizadas. Nesse sentido, segundo o filósofo, a arte deixou de ser matéria de vida ou morte, como em algum momento o foi para Antonin Artaud ou para artistas que enfrentaram governos ditatoriais do século XX. Por fim, Renato Janine Ribeiro discorre sobre o atual momento da política brasileira e sobre os principais desafios nos campos da educação e da cultura.

2 Entrevista realizada por Gaspar Paz no dia 11 de março de 2016 na residência do filósofo Renato Janine Ribeiro, localizada no bairro Aclimação, em São Paulo. O áudio da entrevista foi editado por Daniel Tápia no estúdio de gravação do Centro de Artes da UFES.

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Entrevista com Renato Janine Ribeiro - Parte 1 (MP3 – 91.2 Mo): Os tempos áureos da transgressão e sua relação com a ética e a política Entrevista com Renato Janine Ribeiro - Parte 2 (MP3 – 94.4 Mo): A transgressão na arte contemporânea Entrevista com Renato Janine Ribeiro - Parte 3 (MP3 – 73.1 Mo): Os desafios da cultura e da educação no atual cenário político brasileiro

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Entretien avec Renato Janine Ribeiro

Gaspar Paz

1 Renato Janine Ribeiro est docteur en philosophie et professeur d’éthique et de philosophie politique à l’Université de São Paulo. Connu et respecté pour utiliser des nouvelles pratiques politiques- pédagogiques qui valorisent le dialogue et la formation de consensus, il a réaffirmé ces qualités lors de son actuation comme Directeur d’évaluation de la CAPES et, plus récemment, comme Ministre de l’Éducation. Il a publié, parmi d’autres livres, Ao Leitor sem Medo. Hobbes escrevendo contra o seu Tempo, Belo Horizonte, Ed. UFMG, 1999 et A Marca do Leviatã – Linguagem e Poder em Hobbes, São Paulo, Ática, 2003. Dans cet entretien, Renato Janine Ribeiro parle de la transgression dans les arts et sa relation avec l’éthique, l’esthétique, la morale et la politique. À partir des œuvres comme celles de Gustave Flaubert, Antonin Artaud, Marina Abramovic, Guimarães Rosa et le théâtre brésilien de la décennie de 1960, l’auteur souligne l’importance de la transgression dans son âge d’or (de 1850 aux milieux du xxe siècle). Ensuite, il traite de la difficulté et des limitations de l’acte transgressif aujourd’hui, dans un scénario où l’innovation et la rupture sont institutionnalisées. Dans ce sens, selon le philosophe, l’art n’est plus une question de vie ou mort, comme il a été à l’époque de Antonin Artaud ou pendant les dictatures militaires du xxe siècle. Finalement, Renato Janine Ribeiro parle du moment actuel de la politique brésilienne et des principaux défis dans les champs de l’éducation et de la culture.

2 Entretien réalisé par Gaspar Paz le 11 mars 2016, dans la résidence du philosophe Renato Janine Ribeiro à Sao Paulo. L’audio a été édité par Daniel Tápia dans le studio d’enregistrement du Centre des Arts de la UFES. Entretien avec Renato Janine Ribeiro - Partie 1 (MP3 – 91.2 Mo): L’âge d’or de la transgression et sa relation avec l’éthique et la politique

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Entretien avec Renato Janine Ribeiro - Partie 2 (MP3 – 94.4 Mo): La transgression dans l’art contemporain Entretien avec Renato Janine Ribeiro - Partie 3 (MP3 – 73.1 Mo): Les défis de la culture et de l’éducation dans l’actuel scénario politique brésilien

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Artelogie Expo Revue

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Erotismo y transgresión en la obra “El delirio de las monjas muertas” de Juan Antonio Roda

Aline Miklos

Introducción

“El delirio de las monjas muertas” (1972-1974), de Juan Antonio Roda1 (Valencia, España, 1921 – Bogotá, Colombia, 2003), fue considerada por muchos críticos como la obra de mayor aliento emprendida por el artista2. Adriana Navarro

Juan Antonio Roda, “El delirio de las monjas muertas”, 1972-74

aguafuerte, aguatinta y puntaseca, 49x64 cm. Fuente : http://www.juanantonioroda.com

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1 En este artículo, las 12 imágenes que componen la serie de grabados son analizadas a partir de tres paradojas principales: la de las palabras, la de las imágenes y la de los tiempos.

2 En cuanto a la primera, propuesta por el título, cabe preguntarse cómo es el delirio de las monjas muertas. ¿Las monjas muertas pueden delirar? ¿Cómo es el delirio de las monjas sobre la muerte? ¿Por qué delirio y muerte? Así, se observa que el título posee en realidad un grupo de palabras con significados yuxtapuestos que necesitan ser desmembrados para entenderlos.

3 La segunda paradoja, la de las imágenes, no es menos intrigante que la primera, pues por detrás de penachos, dedos, falos, ojos, manos y velos, existe un juego metafórico en el cual los sentidos originarios de estos referentes son transgredidos. De este modo se forman nuevas cadenas de significados.

4 La tercera paradoja está basada en la superposición de los tiempos (pasado, presente y futuro), que pueden ser entendidos en dos dimensiones. Por un lado, el tiempo individual, o el que cabe en la vida de una monja; por otro, el tiempo histórico, que relaciona la obra y su contenido a toda una tradición católica y occidental.

5 En cuanto al primero, aquí se demuestra de qué manera en la obra de Roda las experiencias místicas vividas por las monjas se mezclan y se deslizan una hacia la otra. Así, se observa que no existen fronteras determinadas entre éxtasis, fantasías, visiones, delirios y muerte. Además, tampoco existe una línea divisoria entre pasado y presente en las experiencias místicas narradas por el artista. Al llamarlas “delirio”, Roda considera que hay una mezcla inevitable y confusa entre estos dos tiempos en la vida de las monjas, pues este es el principio de la formación delirante.

6 En cuanto al tiempo histórico, aparece a través de las múltiples referencias externas encontradas en la obra que en este artículo se denominan “espectros”. Según Jacques Derrida, estos espectros perturban la cronología, ultrapasan la línea del presente, desincronizan y nos remiten a la anacronía. Todo esto se da porque el espectro no se encuadra en ninguna filosofía del sujeto, es un no objeto, un no lugar, ni presente ni ausente y que no se sabe si está vivo o muerto (DERRIDA, 1998: 20).

7 Los espectros permiten al espectador ir y volver en el tiempo. Ir a lugares y tiempos que, aunque dan la simple impresión de estar en el pasado, a la vez se relacionan con el presente. Por ello, con esta serie Roda impone un desafío en el cual obliga a evocar estas huellas para entender una obra de arte contemporáneo. Así, pasado y presente se encuentran conectados de una manera singular, lo que lleva a indagar sobre nuestras conexiones con concepciones y costumbres cristianas de tiempos anteriores.

8 La búsqueda de estas huellas también hace que el trabajo de la investigación sea entendido como el rastreo de los recuerdos, vestigios y memorias que son evocados por el artista. En una de sus conferencias sobre Derrida, Yves Hersant (HERSANT, 2014) advierte sobre el hecho de que nosotros todavía acogimos los fantasmas de nuestra sociedad solamente con el objetivo de vituperarlos. Pero los fantasmas son huellas que sobreviven, pese a todo, y cabe al investigador enfrentarlas de la manera que corresponde.

9 Uno de los grandes investigadores que abordó estas huellas presentes en las artes fue Georges Didi-Huberman. Partiendo de los escritos de Sigmund Freud y de Aby Warburg, Didi-Huberman denomina estos recuerdos olvidados “síntomas-visuales’, dado que el síntoma sería “la infernal escansión, el movimiento anadiomeno de lo visual en lo

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visible y de la presencia en la representación” (DIDI-HUBERMAN, 1990: 195). Así, para él, todo lo que describe una imagen es partido por un síntoma, y todo lo que le obsesiona es cruzado por un olvido (DIDI-HUBERMAN, 2005: 42). El principio del movimiento anadiomeno es crear una ruptura o una desfiguración en las imágenes a partir del momento en el cual él trae a la superficie estos olvidos, o estas huellas, antes que ellas emerjan de vuelta. Tener en cuenta los síntomas es rechazar cualquier síntesis simbólica o interpretación totalizante de la historia del arte, pues a través de estos síntomas es posible encontrar las infinitas grietas abiertas por los olvidos. Por lo tanto, para el autor, estar frente a una imagen es estar siempre ante un tiempo que nos excede (DIDI-HUBERMAN, 2011).

10 A partir de estas tres paradojas propuestas, se busca reflexionar sobre el problema de la transgresión y del erotismo en la obra de Roda. En cuanto a la transgresión, aquí ella no opone nada a nada, no rompe con un fundamento, ni derrumba una prohibición o quiebra una regla. En realidad, en la obra la transgresión debe ser entendida como un “gesto que concierne al límite”, como diría Michel Foucault (FOUCAULT, 2012 : 16), puesto que el objetivo del artista es jugar con los límites del bien y del mal, de lo sagrado y de lo profano, del lenguaje (verbal y visual) y de los tiempos.

11 Para eso, Roda utiliza la metáfora que, de por sí, es un juego de lenguaje transgresivo, pues viola el orden de la estructura del lenguaje y el límite del espacio significante (RICOEUR, 2006 : 168). Además, estos juegos de lenguaje producen lo que denominamos “movimientos de amor”, término acuñado por Paul Ricoeur, y a la vez generan el erotismo de la obra en la danza sensual entre los amados.

12 Vale recordar que erotismo y religión siempre estuvieron juntos, pese al intento de algunos religiosos de separarlos a lo largo de la historia. En este sentido, las planchas de Roda no subvierten la lógica de la religión, sino comparten con ella el hecho de que son movidas por la transgresión. El mecanismo, según Georges Bataille, sería el siguiente : Las transgresiones, aún multiplicadas, no pueden acabar con la prohibición, como si la prohibición fuera únicamente el medio de hacer caer una gloriosa maldición sobre lo rechazado por ella. Esta última frase contiene una verdad primera : la prohibición fundamentada en el pavor no nos propone solamente que la observemos. Nunca falta su contrapartida. Derribar una barrera es en sí mismo algo atractivo ; la acción prohibida toma un sentido que no tenía antes de que un terror, que nos aleja de ella, la envolviese en una aureola de gloria. (BATAILLE, 2009 : 52)

13 Para el autor, tanto lo sagrado como el sexo son envueltos por una aureola de gloria construida por las prohibiciones que los rodean. Gracias a estas prohibiciones, el impulso de transgredir la aureola para alcanzar el objeto prohibido es acompañado por los sentimientos de temblor y miedo. Por un lado, en la religión estos sentimientos introducen la confusión, sin la cual la religión es inconcebible (BATAILLE, 2009 : 74). Por otro, en el erotismo, su esencia se encuentra en la presencia de estos sentimientos y en la asociación inextricable del placer sexual con lo prohibido (BATAILLE, 2009 114).

14 Así, Bataille afirma que existen dos preceptos ineludibles en esta lógica. En primer lugar, estos sentimientos de miedo y temblor generan en un primer momento el deseo de transgredir lo prohibido. Sin embargo, la transgresión solo puede ser realizada, y el objeto prohibido alcanzado, cuando estos sentimientos son superados. En segundo lugar, no existe transgresión sin prohibición y viceversa. Por lo tanto, la transgresión solo es efectiva si es capaz de levantar las prohibiciones sin suprimirlas (BATAILLE, 2009 : 40). Teniendo en cuenta este último precepto, se podría concluir, como lo ha hecho Foucault, que la transgresión también es la afirmación de las prohibiciones, pues

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al mismo tiempo que se transgrede se afirma la existencia de la interdicción. Sin embargo, esta afirmación no tiene nada de positivo, pues lo que afirma es simplemente el hecho de que comparten una misma experiencia (FOUCAULT, 2012 : 20).

15 Las religiones, para Bataille, entran en este contexto con el objetivo de ordenar la transgresión. Sin embargo, mientras que en algunas religiones la transgresión no solo era permitida sino necesaria, en el cristianismo fue casi totalmente abolida. Así, las fiestas catárticas de las supuestas “religiones arcaicas”3, donde las transgresiones eran permitidas bajo algunas reglas, dio lugar a las misas y a las penitencias ; en otras palabras, al espacio racionalizado, utilitario, moralista y autoritario de la “versión moderna” del cristianismo.

16 Pese a esto, Bataille cree que es posible rescatar el lado transgresivo del cristianismo, que todavía existe, bajo una de las formas más sublimes : las experiencias místicas. Para él, en el cristianismo “el éxtasis se funda en la superación del horror. El acuerdo con el exceso que se lleva por delante toda cosa es a veces más agudo en las religiones en las cuales el pavor y la náusea han roído más profundamente el corazón” (BATAILLE, 2009 : 74).

17 Al escribir sobre el misticismo, Per Buvik señala acertadamente que Bataille se revela mucho más religioso que ateo, pues lo que él busca con esta experiencia es la recuperación de una versión medieval del cristianismo que sea “mucho más centrada sobre lo sagrado que sobre la moral, privilegiando así la mística y el éxtasis” [Traducción de la autora] (BUVIK, 2010 : 10-11). Para que esto sea posible, todo el aparato dogmático del cristianismo se torna necesario con el solo objetivo de poder transgredirlo. … a pesar de esta concesión al cristianismo, Bataille, aproximándose sensiblemente a la posición de Freud sobre el tema, critica el hecho de que para adaptarse a la civilización moderna el sistema de creencias cristianas creó prohibiciones absolutas, con el objetivo de disminuir la “dimensión transgresiva” de una forma originaria de religiosidad y, por consecuencia, de controlar sus aspectos más violentos : la muerte y la sexualidad. Precisamente estos dos últimos impases fundaron las propias raíces de la experiencia sensible, irracional y transgresiva que propone Bataille [Traducción de la autora] (DELLA CASA, 2014 : s/p)

18 En definitiva, es preciso dejar en claro que aquí se discute no la obra de un Bataille blasfemo y ateo, como suele ser conocido, sino la de un autor que no pretende romper con el cristianismo. Al contrario, pretende revitalizarlo en su forma “más auténtica”, como él mismo afirma4. Esta versión de Bataille es capaz de liberar la obra de Roda de sus interpretaciones freudianas, basadas en el arquetipo santo-penitente, hechas por críticos de arte que fueron bastante influenciados por el “psicoanálisis salvaje” que estaba en boga en los años 1970. Esto solo es posible porque, como se verá, existen muchos puntos en común entre las ideas del filósofo y la obra del artista. El principal es que los dos están en todo momento jugando con los límites de lo sagrado y del lenguaje.

19 La obra de Bataille, al igual que algunos textos de Ricoeur, de Freud, de Derrida y de Didi-Huberman, es de extrema importancia para entender la serie de grabados en cuestión. Así, el desafío propuesto es realizar algunas lecturas cruzadas que ayuden a reflexionar sobre esta obra, a partir de conceptos como el erotismo, la transgresión, el espectro y el síntoma visual. Para lograrlo, resulta necesario discutir sobre los juegos de lenguaje del título y los juegos visuales en los cuales las metáforas5, las yuxtaposiciones y las superposiciones son predominantes.

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20 A continuación, se segmenta la obra en diferentes partes para después proponer una interpretación. Siguiendo esta lógica, en el primer apartado se expone quiénes serían estas monjas que supuestamente estarían representadas. En el segundo, se presenta una breve reflexión sobre la idea de la muerte en el cristianismo para, en el tercer apartado, discutir sobre lo que sería el delirio según Freud, el cristianismo y Bataille. Una vez entendidos estos tres puntos, en el cuarto apartado se analizan las imágenes a partir de la idea de movimientos de amor, según Ricoeur, y de la idea de erotismo sagrado pensada por Bataille.

Los espectros de las monjas muertas y sus nupcias místicas

21 Según el artista, la obra es inspirada por algunos cuadros, sacados de un convento, que son retratos de monjas coronadas y muertas (RODA, 1988 : s/p). Probablemente estas obras hacían parte del convento de la Concepción6, que fue declarado en 1582 el primer convento de clausura de Santa Fe de Bogotá. Estos retratos, hechos justo después de la muerte del individuo, eran comunes en los conventos latinoamericanos hasta el siglo XIX y provenían de una práctica artística denominada “memento mori”, que significa “recuerda que vas a morir” (GUIOMAR, 1967). Con esta práctica, los cristianos tenían como objetivo recordar a los vivos la superficialidad de la vida relacionada al lujo y a las realizaciones terrestres, y hacerlos reflexionar sobre la muerte y la unión del espíritu con su Dios. La muerte era entonces entendida como la entrada al paraíso y la posibilidad de unirse con el Divino Esposo. Por eso llegaba a ser tan deseada.

22 Específicamente en cuanto a los retratos de las monjas coronadas, sus orígenes pueden ser encontrados en la tradición española de retratar monjas muertas, práctica que también ha tenido su desarrollo en Hispanoamérica. A esto se suma los retratos de monjas coronadas vivas, que surgieron en los virreinatos hispanoamericanos en el siglo XVI. Ambos retratos tuvieron su auge entre los siglos XVIII y XIX, inspirados en los retratos de Santa Rosa de Lima (1586-1617), difundidos por tierras americanas justo después de su beatificación en 1668 (SCOCCHERA, 2014 : 6).

23 Las monjas de Hispanoamérica, cuando era el caso, solían ser retratadas en las tres etapas de su coronación : en el día de su profesión, cuando se celebraban sus primeras bodas místicas con Cristo y su voto perpetuo de obediencia, pobreza y castidad ; en la conmemoración de sus nupcias místicas de 25 y 50 años, que eran realizadas con el objetivo de reconocer la labor espiritual de las monjas ; y justo después de su muerte, cuando el alma se separa del cuerpo para unirse en la eternidad con el Divino Esposo. Para llegar a ser coronada y devenir monja de una congregación, el camino era largo y consistía en diferentes etapas de formación que debían ser cumplidas. Las criollas, por ejemplo, tenían que vivir algunos años como novicias, probar que en su familia no había ni negros ni indios (MARTÍNEZ CUESTA, 1995 : 590-591), pagar una dote importante y, solo después, esperar por su profesión perpetua. Durante esta ceremonia, las monjas hacían sus votos, recibían su anillo matrimonial y, en la mayoría de los casos, recibían otro nombre. Así, celebraban no solo su matrimonio con Cristo, sino también su muerte social. Sin embargo, la consumación de las nupcias místicas, como se verá más adelante, acontecería solamente después de su muerte física (MURIEL, 1979).

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24 Pese al hecho de que los retratos de la última coronación se encuentran diseminados por todo el virreinato, estos encontraron su mayor expresión en Nueva Granada (MONTERO ALARCÓN, 2002). Las monjas solían ser representadas con su corona de rosas, una palma, una vela encendida, un Niño Dios, un anillo, un escudo y el velo. En la misma secuencia, según Adriana Almeida7, los significados de estos símbolos en la tradición católica son los siguientes: 1. La corona de rosas podría tener dos significados distintos: puede ser entendida como el signo de Cristo que recibe la monja durante la celebración de sus nupcias, o como el símbolo de la victoria, pues solo las monjas que tuvieron una vida ejemplar podrían ser coronadas en su muerte ; en estas pinturas, las rosas también podrían significar gracia y belleza ; dado que la rosa roja también podría ser símbolo del martirio, mientras la blanca evocaba pureza. 2. La palma, muchas veces remplazada por los ramilletes floridos en los retratos de las monjas, es la representación del martirio que se relaciona a la dura y sacrificada tarea de mantenerse casta. 3. La vela encendida, para los católicos, es un símbolo de Cristo, cuya cera es su carne, la mecha su alma y la luz de la llama, su divinidad. 4. El Niño Dios era una especie de muñeco que representaba a Jesús en su infancia y que tenían algunas monjas en sus celdas. Ellas lo cuidaban, le hacían nuevas vestimentas, etc., como si fuera su hijo. Así, Jesús niño y Jesús esposo criaban una gran paradoja en la vida de las monjas, pues las hacían ser madres y esposas a la vez. 5. El anillo, curiosamente poco representado en los retratos de las monjas coronadas, es un recordatorio de su matrimonio con Jesús. 6. El escudo era distintivo de las órdenes religiosas y pertenecía a los conventos. 7. El velo es el símbolo original y más antiguo de la consagración de las vírgenes. Sin embargo, en el virreinato fue tomando otras significaciones desde el momento en el cual las monjas pasaron a distinguirse por el color de sus velos. En muchos casos, las que portaban el velo negro eran las criollas, mientras quienes portaban el velo blanco eran las indias, mestizas, etc. Estos dos grupos poseían funciones distintas en el convento. En cuanto al convento de Bogotá, teniendo en cuenta que solo aceptaban “monjas de puro linaje”, los colores servían para distinguir las novicias (velo blanco) de las que ya habían hecho sus votos perpetuos (velo negro) (VARGAS, 2010: 179).

Anónimo, Sor María Gertrudis Teresa de Santa Inés, aprox.1730

Óleo sobre tela, 59 x 73 cm, Bogotá, colección particular. Fuente : http://www.museocolonial.gov.co/ exposiciones/permanentes/Paginas/Sor-Mar%C3%ADa-Gertrudis-Teresa-de-Santa-Inés.aspx. Última consulta : 30/05/2016

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25 En esta imagen de Sor María Gertrudis Teresa de Santa Inés, se observa la presencia de algunos de los símbolos tratados arriba, como la corona de rosas, el ramillete de flores y el velo. También se ve una inscripción explicativa donde se señala la fecha de nacimiento, de profesión y de muerte. Su expresión facial, como la de la mayoría de estas monjas que fueron retratadas, demuestra una cierta austeridad acompañada por un cansancio y un sufrimiento contenidos. Los ojos están casi del todo cerrados, lo que hace confundir su instante de muerte con un instante de dormición. Además, el cartel informa que ella “murió en olor de eminente Santidad”. Según la tradición católica, este olor puede ser emanado de cadáveres de personas que vivieron ejemplarmente y así pudieron alcanzar la santidad y la muerte ideal ; esto es, la que llevaría a estas personas al encuentro con Dios y a la consumación de las bodas místicas.

26 Considerando toda esta carga social y política de los retratos de las monjas muertas, se puede afirmar que, además de retratos, eran “imágenes ejemplificantes”. Una de sus funciones era retratar a una monja que tuvo una vida y una muerte ejemplar para que sus compañeras, o incluso las mujeres laicas, la tomaran como ejemplo de vida. Cada vez que se retrata un ejemplo, se lo actualiza en el espíritu de aquellas que lo deben seguir, como se verá más adelante.

27 Solo las monjas ejemplares podrían alcanzar la consumación de las nupcias místicas después de la muerte. ¿Cómo sería este encuentro ? Sobre este tema fueron escritos innúmeros textos considerados sagrados, donde los autores hacían analogías entre el matrimonio carnal y el matrimonio espiritual con el objetivo de entender cómo sería el encuentro místico. Para no confundir estos dos tipos de matrimonio, los intérpretes de estos textos intentaron de forma insistente realizar un análisis alegórico de estos escritos, construyendo redes semánticas capaces de reorientar los significados de las palabras hacia la esfera espiritual. El objetivo era alejar la relación entre Dios y sus fieles de su marco sexual y diferenciar, lo mejor posible, el amor carnal del amor divino. Las confusiones eran frecuentes y, por este motivo, uno de los textos más polémicos de la Biblia, el “Cantar de los Cantares”, fue considerado como de lectura restricta por muchos religiosos. Según Orígenes (185-254 d.C), uno de los principales padres de la Iglesia oriental, este texto solo podría ser comprendido por aquellos que hubiesen verdaderamente avanzado en el camino de la renuncia a los placeres carnales (RICOEUR, 2001 : 300).

28 Pese a todo este esfuerzo de “deserotización”, a partir del siglo XX, como afirma Ricoeur, las interpretaciones naturalistas o eróticas —como el autor prefiere nombrarlas— del “Cantar de los Cantares” fueron las que prevalecieron (RICOEUR, 2001 ; 301). Los adeptos a esta nueva vertiente están de acuerdo en al menos un punto : en el hecho de que la mística y la espiritualidad esponsales se alimentan del deseo. De esta manera, Dios y sus fieles, especialmente los que se dedican a la vida monástica, fueron vistos como seres deseantes y deseados. En esta relación de amor, lo que restaba a los ascetas en la vida era la práctica del martirio, de las penitencias y flagelaciones, pues era la manera que encontraban para permanecer en plena identificación con el sufrimiento de Jesús mientras esperaban alguna señal divina (DELUMEAU, 1983). Estas señales podrían aparecer en forma de sueños, visiones, fantasías y, en sus versiones más intensas, a través de la transverberación y el éxtasis. Después de mucho esperar, estos deseos solo serían contemplados después de la muerte del individuo.

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La transgresión de la muerte

29 El título de la obra ya indica de lo que se trata la serie : del delirio de las monjas muertas. Pero ¿en qué consistían estos delirios ? ¿Qué relación tenían la muerte y el delirio ? Para responder a estas preguntas, primero se presenta una reflexión sobre el significado de la muerte para los cristianos y, posteriormente, se indaga el significado del delirio en la tradición católica, en los escritos de Freud y de Bataille.

30 En su libro “Devant l’image”, Didi-Huberman afirma que, para los cristianos, la muerte funciona como el motor de “todo deseo religioso, de toda catarsis ritual, de toda transformación y, por lo tanto, de toda figurabilidad. Era necesario morir para poder semejarse” [Traducción de la autora] (DIDI-HUBERMAN, 1990 : 268). En otras palabras, la muerte era una oportunidad para los fieles de volver a semejarse a su Dios, puesto que este privilegio, según la mitología cristiana, se acabó cuando Adán y Eva cometieron el pecado y fueron expulsados del paraíso. Sin embargo, volver a semejarse no era una oportunidad para todos, pues “al final de la historia, el Juicio Final discrimina definitivamente las almas que permanecieran diferentes a su Padre, y aquellas que ganaron otra vez la perfección de su semejanza” [Traducción de la autora] (DIDI-HUBERMAN, 1990 : 268). Visto de esta manera, la muerte no es nada más que un ritual de pasaje, dado que ella en sí misma no significa el fin, sino el inicio de una nueva relación del hombre con su Dios.

31 Aquí se encuentra la gran paradoja de la muerte en el arte cristiano : el deseo de transgredirla estuvo siempre acompañado con el deseo de imitarla. El objetivo era “identificarse con la muerte de Dios en el imitatio Christi, para poder creer que se está matando su propia muerte, siempre a la imagen de su Dios que resucita” [Traducción de la autora] (DIDI-HUBERMAN, 1990 : 267). Así, la muerte en las pinturas cristianas siempre buscaba identificarse con la muerte de Jesús, visto como la víctima sacrificial que llegó para salvar a la humanidad de su pecado original. No obstante, la idea era que, si su muerte se semejara a la de Jesús, estos individuos también se semejarían a Él a la hora de la resurrección8.

32 Al analizar los escritos de San Bernardo y de Santa Teresa de Ávila, también se observa la presencia de este intento de matar la muerte en la medida que esta significaba simplemente la liberación del alma para ir al encuentro de Dios. Por esto, la muerte era muchas veces deseada y esperada fervientemente. En sus Sermones sobre el “Cantar de los Cantares”, San Bernardo afirma : En consecuencia, si para alguno de nosotros, como para el santo Profeta, lo bueno es estar junto a Dios ; o más claramente, si alguien entre nosotros es un hombre de deseos, que llega al extremo de desear la muerte para estar con Cristo, y lo desea con tal vehemencia que le abrasa esa sed y lo piensa sin cesar, ese, sin duda, recibirá al Verbo como esposo en el momento de su visita ; es decir, cuando se sienta abrazado interiormente como por los brazos de la sabiduría, y así se vea poseído por la dulzura del santo amor. (SC 32, 2)9.

33 Después de haber descripto lo que es el sufrimiento del alma en busca de Dios, cuando esta todavía está aprisionada por el cuerpo, San Bernardo continúa : Todo esto tiene que padecer la esposa hasta que, una vez abandonada la carga de este cuerpo pesado, vuele y sean las propias alas de sus deseos las que la lleven a recorrer las llanuras de la contemplación y con el espíritu totalmente libre siga al amado a donde quiera que vaya. (SC 32, 2).

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34 Para San Bernardo, la muerte era justamente el momento en el cual el devoto recibiría su “premio” por haber sido fiel a Dios durante toda su vida. Esta recompensa sería, más allá de la muerte, la vida eterna y la unión de su alma con Dios. De esta manera, podría afirmarse que esta tan deseada unión, así como las ansias de semejarse a Cristo, en realidad son dos lados de un mismo hecho, es decir, del deseo de transgredir la propia muerte. Así, los cristianos revelaron que no querían ser punidos por el pecado de Adán10, y los artistas que los representaban en el momento crucial de la muerte lo hacían de tal manera que esta pareciese tan digna como la que tuvo Jesús.

35 En las pinturas de las monjas muertas de siglos anteriores, así como en la versión contemporánea de estas monjas encontradas en los grabados de Roda, se observa el deseo de que estas muertes fuesen identificadas con el imitatio Mariae que, a su vez, sigue el mismo principio del imitatio Christi. Sobre la muerte (o dormición, término que aparece en muchos escritos hagiográficos) de la Virgen María y su resurrección (o Asunción), hay muchas versiones. La polémica está en si ella ascendió al cielo antes de haber muerto o tres días después de su muerte. Lo importante, en todo caso, es tener en cuenta que, según esta doctrina, María también burló la muerte y su alma fue directo al encuentro de Dios.

36 Según Ángel Peña Martín, este culto a la Asunción de la Virgen fue ampliamente difundido entre los conventos de la monarquía hispánica entre los siglos XVI y XVIII (PEÑA MARTÍN, apud SCOCCHERA, 2014 : 4). Con esta propagación del mito, también llegó a las Américas el deseo instaurado en las mujeres creyentes en semejarse a María, entendida como un exemplum de mujer, tanto en la vida cuanto en la muerte. Incluso mejor, habrían de semejarse en la vida para que pudiesen tener la gracia de semejarse a ella en la muerte y, en consecuencia, en la resurrección. Así, estas monjas llevaban, como la Virgen, una vida ejemplar11, y muchas entre ellas también se volvían exemplum antes mismo de sus muertes físicas.

37 Estos comportamientos, que revelan un profundo rechazo al cuerpo, pueden ser justificados por el hecho de que esta “vida” direccionada a Dios era una vida relativa, pues ya empezaba ella misma con la muerte. Como se ha visto, para vivir en la vida divina hay que morir para sí. Esta sería una muerte social en la cual el individuo abdica de su individualidad y de sus ambiciones terrenales (como el egoísmo, la vanidad, la ganancia, etc.) y carnales para dedicarse única y exclusivamente a los intereses de Dios. Según Bataille, esta muerte en la vida hace que los valores y los sentidos de la vida se transformen en su contrario (BATAILLE, 2009 : 236). Así, se puede observar que la muerte para los ascetas posee en realidad dos etapas distintas e inseparables, pues es la primera muerte (que acontece en la mente) la que cambiará todo el sentido de la segunda muerte, que está relacionada con la muerte física.

38 Considerando todas estas tentativas cristianas de transgredir y subvertir la muerte, se podría afirmar que la obra de Roda sigue aproximadamente estos movimientos. Aquí, las monjas están muertas, pero lo que el autor narra es su visión sobre las creencias de las monjas con relación a lo que les sucedería después de sus muertes. Estas creencias muchas veces cobraban influjo en sus acciones y producían los sueños, visiones y fantasías que las acompañaban durante todas sus vidas. Estos, a su vez, no son más que diferentes grados de experiencias que son generadas por esta idea de muerte, como se verá en el siguiente apartado.

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Los delirios de las monjas: entre Sigmund Freud, la tradición católica y Georges Bataille

39 Como se ha visto, la creencia de cómo sería el post mortem en la tradición católica estaba muchas veces basada en el texto bíblico “Cantar de los Cantares”. Por esto, los religiosos que narraban cómo sería esta vida post mortem y el encuentro del alma con Dios incluían en sus discursos metáforas, alegorías y juegos de lenguaje que rozaban de manera insistente el mundo de lo erótico. Aquí, el cuerpo y las sensaciones que generaban eran las principales fuentes de conocimiento sobre lo que podría ser este encuentro. La idea era que, como no había palabras para hablar de los placeres producidos por este momento místico, estos eran “traducidos” en lenguajes corporales para que pudiesen ser comprendidos. Estas “traducciones” generaron, como afirma Fernando Benítez, poesías eróticas de excelencia cuyos autores eran los santos españoles del siglo XVII (BENÍTEZ, 1989 : 135).

40 Sin embargo, el cuerpo que proporcionaba este entendimiento era el mismo que debía ser reprimido, olvidado y sacrificado, pues representaba la prisión del alma y la suciedad del mundo. En la confrontación entre placer, represión y necesidad de reemplazo del objeto deseado, se encuentra la formación del delirio. En este artículo se la entiende como una formación anímica cuyo origen se encuentra en el conflicto entre el deseo y las fuerzas que lo reprimen. Una de sus principales consecuencias es la generación de múltiples grados de deformación de la realidad, como afirma Freud en su libro “El delirio y los sueños en la Gradiva de W. Jensen” (FREUD, 2012, IX ; 23).

41 ¿Acaso Roda clasifica estas creencias de las monjas, acompañadas por sus sueños y fantasías sobre sus encuentros con Dios, como deformaciones de la realidad ? En principio, la respuesta es afirmativa, pues todas las tentativas de conceptualizar esta palabra llevan consigo el carácter de desvío o de confusión. Incluso, el significado etimológico de la palabra “delirar”, tomada del latín “delirare”, es “apartarse del surco” (COROMINAS et PASCUAL, 1984 : 440), “descarrilar”. Sin embargo, estas deformaciones o “descarrilamientos” están mucho más relacionados a la idea de transgresión “bataillana” que de enfermedad patológica, pues la experiencia del éxtasis, como se verá, es justamente este instante en el que la persona “sale de sí” y de todo su razonamiento cotidiano.

42 Se podría arriesgar que las imágenes de Roda son una tentativa de aproximación (con toda su carga interpretativa, por supuesto) a las imágenes producidas por los delirios, sueños y fantasías de estas monjas que fueron alimentadas por sus creencias sobre el encuentro con Dios. Para justificar esta afirmación, se hará una breve explicación de lo que sería el delirio para Freud. Antes, vale decir que fueron muchos los intelectuales que intentaron entender la vida de los Santos y sus experiencias místicas a la luz del psicoanálisis.

43 Gran parte de estas experiencias fueron consideradas como frutos de una patología — por ejemplo, de la psicosis o de la histeria— y fueron pensadas a partir de conceptos como sublimación, regresión, delirio, etc. Sin embargo, el presente estudio, así como la obra del artista en cuestión, no está basado en las fuentes de la vida anímica de estas devotas. Por esto, la tentativa de identificar lo que sería el delirio de las monjas es limitada y, al mismo tiempo, abierta. Limitada porque el hecho de no contar con estas fuentes impide realizar un análisis y una descripción más profunda sobre lo que sería el

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delirio en este contexto. Abierta porque esta falta de fuentes anímicas es lo que permite, tanto al espectador como al artista, reflexionar y realizar asociaciones con el objetivo de expandir el horizonte a nuevas y múltiples interpretaciones. Estas asociaciones están basadas en los desarrollos de Freud, de la tradición católica y de Bataille. A continuación, se aborda, primero, la reflexión sobre el delirio en el psicoanálisis.

44 Para Freud, sueño, fantasía y delirio provienen de una misma fuente : lo reprimido. el sueño es el delirio por así decir fisiológico del hombre normal. Lo reprimido, antes de adquirir suficiente fuerza para abrirse paso como delirio en la vida despierta, puede que alcance con facilidad su primer éxito, bajo las circunstancias más propicias del estado del dormir, en la forma de un sueño de prolongada eficacia. (FREUD, 2012, IX : 52)

45 Por su parte, considera a las fantasías del siguiente modo : Son sustitutos y retoños de unos recuerdos reprimidos a los que cierta resistencia no permite llegar a la consciencia, no obstante lo cual consiguen devenir conscientes toda vez que arreglan cuentas con esta censura de la resistencia mediante unas alteraciones y desfiguraciones. Luego de consumado este compromiso, aquellos recuerdos se convierten en estas fantasías, sobre las cuales la persona consciente incurre en un malentendido, esto es, puede entenderlas en el sentido de la corriente psíquica dominante. (FREUD, 2012, IX : 49)

46 El sueño sería el lugar donde se presenta lo reprimido cuando las actividades anímicas están rebajadas, es decir, cuando se está dormido. A su vez, en la fantasía lo reprimido puede manifestarse en tres dimensiones distintas que se relacionan con sus tres modalidades : fantasías conscientes o sueños diurnos (las que son formadas en los estados de vigilia), fantasías inconscientes (las que surgen como estructuras subyacentes al contenido manifiesto del sueño), y fantasías originarias (las que son transmitidas filogenéticamente) (LAPLANCHE y PONTALIS, 2013 : 138-145). Por fin, el delirio sería cuando “unas fantasías han alcanzado el gobierno supremo, vale decir, han hallado creencia y cobrado influjo sobre la acción” (FREUD, 2012, IX : 38). Estas, a su vez, también pueden ser llamadas fantasías delirantes. Cabe recordar que en estas tres dimensiones lo reprimido aparece de forma desfigurada, pues esta es la única manera que el individuo encuentra para enfrentar el objeto reprimido.

47 Freud afirma que el desarrollo del delirio se inicia cuando “una impresión causal despierta las vivencias infantiles olvidadas, que presentan al menos los rastros de un tinte erótico” (FREUD, 2012, IX : 40)12. Cuando estas vivencias infantiles retornan a la consciencia, provocan una nueva batalla entre consciente e inconsciente. En medio de esta batalla, el delirio surge como una tentativa del individuo de reorganizarse y deshacer el trabajo hecho por la represión. En otras palabras, si al reprimir esta última provoca el desprendimiento de la libido en relación con el mundo exterior, el delirio llega para intentar restablecer este vínculo. Por ello, esta formación anímica es entendida por el autor como una tentativa de curación.

48 Una vez entendido que sueños, fantasías y delirios son grados distintos de una misma formación, vale recordar la diferencia entre el concepto de sueño en la tradición católica —es decir, la que aparece en la Biblia y en los escritos hagiográficos— y en el psicoanálisis. Si bien las características apuntadas aquí son generales, lo importante es entender los fundamentos básicos que dieron origen a las innúmeras reflexiones sobre los sueños surgidas en estas dos vertientes.

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49 Mientras que para Freud las variantes del sueño son las fantasías y los delirios, para el catolicismo son las visiones y el éxtasis. Mientras que para Freud estas “formaciones” son consecuencias de una actividad psíquica referente al inconsciente del individuo, para los católicos la raíz de los sueños es exterior al individuo : … ella reside esencialmente en las fuerzas invisibles —positivas y negativas— que gobiernan el mundo y los hombres. Frente a ellas, el durmiente es pasivo, en beneficio de la intrusión de las imágenes venidas de afuera. Además, él que sueña no es el único concernido por su sueño. Su sueño dice respecto al grupo, a la sociedad entera. Él esclarece sobre el destino colectivo y no solamente el individual, sobre la hora de la muerte y la ida al más allá, sobre el futuro del rey y del país, sobre la legitimidad de una acción que tiene que ser puesta en práctica, sea una guerra o un peregrinaje. [Traducción de la autora] (SCHMITT, 2003 : 554)

50 En este caso, el sueño, como las visiones y el éxtasis, es un canal directo de comunicación entre el devoto y Dios. Según Jacques Le Goff (1999 : 691), en los escritos de tradición católica la frontera entre sueños y visiones es ambigua. A veces se hace una diferenciación entre visión clara y sueño a interpretar ; otras, entre “visio” y “somnium” ; pero, en una gran parte de los casos, visiones y sueños se mezclan. En cuanto al éxtasis, este sería una forma suprema de sueño generada por un intenso contacto con Dios. Según Tertuliano, “el sueño, en realidad, contribuye al reposo del cuerpo ; el éxtasis, al contrario, invade el alma para arrancarla del reposo : es así que el sueño se mezcla ordinariamente al éxtasis” [Traducción de la autora] (TERTULIANO, apud LE GOFF, 1999 : 705).

51 Debido a su potencial, el sueño fue muchas veces asociado con la herejía. En otras situaciones, la Iglesia también intentó separar lo que serían los sueños verdaderos (de origen divino) de los sueños falsos (de origen diabólico). Por fin, durante mucho tiempo los clérigos intentaron definir quién tenía y quién no tenía el derecho de producir sueños verdaderos. Estos eran designados a los mártires y a ellos mismos, dado que el sueño masculino era en su mayoría más válido que el femenino. En cuanto a esto, Jean- Claude Schmitt señala que los sueños y las visiones de las monjas eran definidos como legítimos solo después de haber pasado por el juicio de una autoridad masculina de la Iglesia. Como ejemplo, el autor recuerda la insistencia de Hildegarde de Bingen en comprobar que sus sueños o visiones espirituales no eran frutos de una locura o de alucinaciones causadas por la fiebre, mientras que el abad Rupert de Deutz, un hombre lleno de “auctoritas”, hablaba naturalmente de sus sueños cuyo enlace místico estaba repleto de sutilezas eróticas (SCHMITT, 2003 : 555).

52 Al intentar acercarse a los delirios de las monjas muertas y retratadas, Roda hace en realidad una superposición entre lo que sería la producción de imágenes de los sueños, fantasías, delirios, visiones y éxtasis, según la tradición católica y según la tradición psicoanalítica, que tiene su base en Freud. Como se verá a continuación, los delirios en la serie de grabados pueden ser entendidos como parte del éxtasis y las visiones, como fantasías ; mientras que los sueños también pueden ser entendidos como generados por un proceso psíquico interno o por un elemento externo. Por ahora, resulta necesario explorar un poco más la relación que hace Freud entre la religión y la represión de los instintos. Una relación que está íntimamente ligada con el imitatio Mariae y con el arquetipo santo-penitente.

53 Según Freud, gracias a los votos de castidad, condición necesaria para tornarse monja, se observa la represión de un instinto y la transferencia de un impulso hacia lo divino. Este proceso es constitutivo de lo que él denomina “arquetipo caso de represión en la

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vida del santo-penitente”. Este arquetipo puede ser verificado en las biografías y escritos de los santos católicos y aparece en diversas obras de arte, como la de Felicién Rops. Para Freud, uno de los grandes éxitos de este artista fue lograr representar este arquetipo en la pintura “La Tentación de Santo Antonio” (1878). Un monje asceta se ha refugiado —sin duda de las tentaciones del mundo— en la imagen del Redentor crucificado. Y hete aquí que la cruz se esfuma como una sombra, y en su lugar, en sustitución de ella, se eleva radiante la imagen de una voluptuosa mujer desnuda en la misma postura de crucifixión. (FREUD, 2012, IX : 30).

54 En su lectura sobre la obra, Freud concluye que la religión, presentada a través de la imagen del redentor crucificado, fue el recurso utilizado por San Antonio para reprimir alguna pulsión erótica. No obstante, justo a través del recurso represor surgió el elemento reprimido que otrora fue “crucificado” por el santo. En este caso, la mujer13.

55 Ahora bien, las reflexiones que hacen los psicoanalistas parecen, a los ojos de Georges Bataille, demasiado ingenuas puesto que suelen pensar el problema “desde fuera”. Así, Bataille propone analizar este amor divino de otra manera, es decir, no como una transferencia del amor carnal hacia lo sagrado. Para este autor, la efusión mística y la sexual, pese al hecho de que poseen sistemas similares y son dignas de comparación, son dos procesos distintos, puesto que en la primera estos movimientos son radicados en el ámbito interno de la consciencia y no dependen del juego real y voluntario de la materia. Sin embargo, el deseo sexual que otrora fue prohibido a los ascetas tiene un rol fundamental en la construcción del erotismo presente en la vida sagrada. ¿Cómo funciona esto ? Según Bataille, cuando el asceta decide “morir para sí” para poder vivir la vida sagrada, hace que determinados valores de la vida sean invertidos.

56 “En su deseo de morir para sí [el del asceta] se traduce su aspiración a la vida divina ; a partir de ahí empieza una mutación perpetua, donde cada elemento se transforma sin cesar en su contrario. La muerte, que el religioso ha querido, se transforma para él en la vida divina. Se opuso al orden genital que iba en el sentido de la vida, y vuelve a encontrar la seducción bajo un aspecto que ahora tiene el sentido de la muerte. Pero la maldición o la muerte, que la tentación de la sexualidad le propone, es también la muerte considerada desde el punto de vista de la vida divina buscada en la muerte de sí. Así la tentación tiene un doble valor de muerte” (BATAILLE, 2009 ; 236).

57 Siguiendo este raciocinio, si antes el sexo estaba relacionado con la vida, después pasa a estar relacionado con la tentación y la muerte. A partir de entonces, a través de la efusión sexual el religioso no puede perder su vida física, pero puede perder la vida divina a la que todos sus deseos son destinados. Si se tiene en cuenta que los deseos sexuales son una constante en la vida monástica —basta recordar los escritos de San Agustín o las tentaciones de San Antonio—, es posible afirmar que el religioso suele estar en contacto permanente con la tentación. Pero lo que le atrae no es exactamente lo genital, sino lo erótico generado por toda esta situación (BATAILLE, 2009 : 236).

58 Para Bataille, la tentación “es el deseo de desfallecer y de prodigar las reservas disponibles hasta el límite en que se pierda pie” (BATAILLE, 2009 : 245). Sin embargo, contra ella actúa el deseo del asceta en salvar su alma. Estos dos movimientos contradictorios generan lo que el autor denomina “vértigo de la pérdida” (BATAILLE, 2009 : 236) y “erotismo culpable” (BATAILLE, 2009 : 245). Según Bataille, el deseo sexual no desaparece de la vida de los ascetas y tampoco es transferido a la esfera religiosa. Este, incluso, es parte del erotismo existente en la relación entre Dios y sus fieles. La

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otra parte de este erotismo está basada en las experiencias místicas y en el erotismo sagrado, lo que tiene que ver con el éxtasis, con la tentación, la transgresión y con todas las formas de trance, tal como se verá más adelante. Por ahora, basta esclarecer que para Bataille el misticismo y la sexualidad son similares, comparables, y uno puede ayudar en la comprensión del otro, pero son dos cosas distintas. al ser análogas las intenciones y las imágenes claves en ambos campos, siempre cabe que un movimiento místico del pensamiento desencadene involuntariamente el mismo reflejo que una imagen erótica tiende a desencadenar. Si es así, debe de ser verdad la recíproca : los hindúes basan de hecho los ejercicios del tantrismo en la posibilidad de provocar una crisis por medio de una excitación sexual. (…) Así queda claro que entre la sensualidad y el misticismo, que obedecen a principios similares, siempre es posible la comunicación (BATAILLE, 2009 : 252-53).

59 Esta tercera vía abierta por Bataille sobre la experiencia mística solo fue posible después del análisis que hizo sobre las visiones psicoanalíticas y cristianas sobre el tema. Sin caer en la ingenuidad de uno o en la alienación del otro, Bataille ofrece una reflexión que contempla tanto la sensualidad como el misticismo en la vida monástica. Tal reflexión, como se ha visto, tiene como premisa la búsqueda de un “cristianismo original”, donde las transgresiones no solo son permitidas sino que hacen parte de lo sagrado.

60 Si se acepta el pensamiento de Bataille, el arquetipo del santo-penitente cae en desuso, pues este autor no admite que a partir de una represión de los deseos del cuerpo hubo una transferencia hacia el amor divino. Así, por más que el arquetipo santo-penitente se muestre bastante atrayente para entender la serie de grabados —de hecho, fue bastante utilizado por críticos de arte para analizar la obra (COBO BORBA, apud NAVARRO, 2012 : 123-124 ; MEDINA, apud TRABA, 1977 : 13)—, se debe considerar que el artista no tuvo acceso a la vida anímica de estas monjas y tampoco es posible lo que él entendía precisamente como delirio. El mismo autor de los grabados afirma lo siguiente : … influenciados por Freud, nos parece lógico el simbolismo de lo erótico con referencia al misticismo, y quien mire superficialmente esta serie corre el riesgo de quedarse ahí. Pero conociendo los antecedentes de la poesía mística española, que me parece maravillosa, creo que hay que ser absolutamente serios al analizar estos factores, porque para los místicos el matrimonio con Cristo es algo que tiene un sentido muy profundo. (RODA 1988, s/p)

61 En este sentido, puede ser forzosa la interpretación de una obra a partir de este arquetipo. Sin embargo, esto no invalida las reflexiones realizadas sobre el delirio y los sueños en Freud y en la tradición católica. Al describir estos dos puntos de vista sobre las experiencias místicas, se ha mostrado cómo las categorías sueños, fantasías, visiones, éxtasis y delirios son deslizantes, es decir, cómo una puede transformarse de golpe en la otra. Todas ellas, a su vez, están relacionadas al desenlace final de la unión eterna. Por eso, muchas veces estas experiencias fueron consideradas como un anticipo de lo que sería este encuentro definitivo con Dios.

Misticismo y erotismo: entre Paul Ricoeur y Georges Bataille

62 Han sido varias las interpretaciones naturalistas (o eróticas) de la obra “Delirio de las monjas muertas”, así como también las alegóricas. En este artículo, se elige la primera

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vertiente, pues se considera que lo erótico en las imágenes de Roda es el resultado no solo de los signos en sí mismos, sino del juego y de los movimientos que forman entre ellos. Tal interpretación no se contradice con la tradición católica, pues fueron innúmeros los devotos que escribieron textos que rozaban insistentemente el mundo de lo erótico.

63 En la obra en cuestión, así como en la Biblia, son abundantes los signos metafóricos. Aquí, estos símbolos no poseen significados intrínsecos. Por esto, solo pasan a tener sentido cuando son entendidos en su conjunto, es decir, en todos los grabados de la serie y en su interacción con cada elemento de un grabado en particular. A partir de esta interacción, se trabajará con la posibilidad de que un significante tenga múltiples significados a la vez. La idea es experimentar la dialéctica de Didi-Huberman, en la cual él afirma que es necesario “pensar la tesis con la antítesis, la arquitectura con sus fallas, la regla con su transgresión, el discurso con su lapsus, la función con su disfunción […], o el tejido con sus rupturas” [Traducción de la autora] (DIDI-HUBERMAN, 1990 : 175). Así, siguiendo esta dialéctica, lo que se intenta en este artículo es entender la imagen y los deseos implícitos a través de sus rupturas, de sus grietas abiertas y de sus signos desfigurados. El objetivo es reflexionar sobre cómo están figurados los deseos, las culpas, los amores y las pulsiones reprimidas de estas monjas, a través de la óptica del artista.

64 Esta óptica, a su vez, está construida a partir de una herencia, de las huellas de un pasado que aparecen en la obra. En estas imágenes se observa la presencia de signos que fueron bastante utilizados en las pinturas del barroco americano, de referencias a pinturas clásicas europeas y de alusiones a textos sagrados o textos clásicos sobre el erotismo. El artista, frente a todas estas huellas, las transforma, les cambia los significados, las reordena. En resumen, las transgrede.

65 Vale recordar que esta dialéctica no permite construir una narrativa racional y lineal de las imágenes, y tampoco entre ellas. Así, las subdivisiones efectuadas a continuación no son más que tentativas de ordenar las conclusiones sobre el material analizado, teniendo en cuenta que el material en sí mismo no sigue ninguna lógica de ordenamiento. Además, vale aclarar que los elementos que componen estas subdivisiones no son estables y se entremezclan constantemente.

66 Por fin, el eje central para comprender el juego metafórico de la obra es el erotismo14, entendido a través de los movimientos de amor de Ricoeur y del erotismo sagrado de Bataille. Para Ricoeur, lo erótico en el “Cantar de los Cantares” no es necesariamente “… el eufemismo que mantiene la referencia sexual sin nombrarla directamente, sino más bien la inclusión del cuerpo mismo dentro del juego metafórico general del poema” (RICOEUR, 2001 : 283). A su vez, para Bataille el erotismo sagrado se encuentra, sobre todo, en las prohibiciones religiosas y sus relaciones con la transgresion.

Los movimientos de amor y Paul Ricoeur

67 Si se observa con atención, los grabados de la serie “El delirio de las monjas muertas” son formados a partir del movimiento de todos los elementos ahí presentes. Ellos respetan la lógica clásica de composición de una obra (división en planos, cortes horizontales, puntos de fuga, etc.), al mismo tiempo que forman lo que se denomina movimientos de amor. Estos, según la lectura de Ricoeur sobre el poema Cantar de los

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Cantares, pueden ser divididos en dos tipos : el movimiento entre vigilia y sueño y el movimiento en el espacio.

68 Según lo observado en este artículo, estos movimientos también están presentes en los grabados y tienen como soporte, por un lado, el espacio virtual dado por el negro que funciona como un “estuche oscuro”, como afirma Marta Traba (TRABA, 1977 : 15) ; este espacio por sí mismo remite a la sensación de que las figuras no tienen un apoyo concreto y por esto están suspendidas en el aire, o en lo profundo de los pensamientos. Por otro lado, Navarro propone analizar este espacio a partir de la idea de espacio liso y estriado, acuñada por Gilles Deleuze y Félix Guattari. Para esta autora, los grabados son espacios lisos, continuos, donde se mueven los objetos (NAVARRO, 2012 : 120). Sin embargo, vale recordar que, como afirman Deleuze y Guattari, “el espacio liso no cesa de ser traducido, transvasado a un espacio estriado ; y el espacio estriado es constantemente restituido, devuelto a un espacio liso” (DELEUZE y GUATTARI, 2002 : 485).

69 En la obra de Roda también se observa este vaivén entre lo liso y lo estriado ; es decir, la fluidez de los movimientos y de las formas siempre cae en la técnica tradicional del grabado y en las limitaciones de los objetos, mientras estos dos últimos son los que abren los caminos para la existencia de los primeros. Así, es posible afirmar que el espacio estriado de las planchas prepara la danza sensual entre los amantes y permite la existencia de todo nomadismo existente en la serie. De la misma manera, las líneas figurativas de las imágenes dan espacio a la desfiguración, para que esta pueda traer a la luz el movimiento anadiomeno de lo visual en lo visible y de la presencia en la representación, como diría Didi-Huberman.

70 Respecto a los movimientos de vigilia y de sueño, para Ricoeur, en el poema “Cantar de los Cantares” ellos tienen que ver con el “va y viene”, jamás narrativo o lineal, entre el despertar (de la amada)15, la vigilia y el sueño, donde la vigilia pasa a ser fácilmente el comienzo de un sueño. Así, en el poema “estas alternancias entre sueño y vigilia, entre dormir y despertarse pertenecen a la misma dinámica de deseos entrelazados y a la interacción de distancias que se abren y cierran” (RICOEUR, 2001 : 282).

71 En los grabados de Roda, este vaivén nómada está relacionado con la formación delirante y con la concepción cristiana de sueño discutida anteriormente, en las cuales un estado psíquico (para los psicoanalistas) o un momento místico (para los cristianos) puede convertirse repentinamente en otro. En este sentido, el artista condensa los momentos místicos o psíquicos vividos por las monjas. Por esto, es difícil distinguir cuándo se refiere a los sueños, al éxtasis o a la unión mística.

72 En cuanto a los movimientos de distancia, Ricoeur encuentra en el “Cantar de los Cantares” al menos tres tipos de movimientos que componen la relación entre los dos amados : de aproximación16, de alejamiento17 y de supuesta consumación del amor 18. Así, él afirma lo siguiente : esta movilidad, que a veces desconcierta al querer seguirla, por sus cambios de tono, es la señal de un juego, el juego del deseo, o mejor el de dos deseos que se mezclan. El entramado de estos deseos está hecho de movimientos recíprocos que, partiendo de uno van al otro, y vuelven luego al punto de partida para irse otra vez hacia el otro (RICOEUR, 2001 : 281).

73 Estos deseos y los movimientos en el espacio que les da vida aparecen en la obra de Roda al menos de dos maneras : La aproximación y el alejamiento

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74 En los grabados la presencia de los cuerpos genera una gran parte del erotismo existente. Aquí los cuerpos son fragmentados, transfigurados y a veces ocultados. Son fracciones de cuerpos que participan del juego metafórico de la obra, que se mezclan con el paisaje y que desorientan al espectador. En un contacto pleno entre dos amados, sus cuerpos se confunden y, muchas veces, se funden.

75 Al mismo tiempo, también son objetos metonímicos en los que la parte puede evocar el todo. Por esto, en los grabados no hay la presencia de una figura directa que represente a Dios o a la monja por entero, pero sí varios signos o fragmentos corporales que les hacen mención o que les pertenecen. Estos signos son los que principalmente realizan el movimiento de alejamiento y aproximación en relación a los cuerpos.

76 En cuanto a los signos de alejamiento, se observan dos principales. El primero es la tijera de la Fig. 12 que se presenta como si fuera una extensión de los dedos de la mano que la sostiene. Aquí, el hilo cortado sale de la boca de la monja. ¿Será este el hilo de la vida que, al ser cortado, la lleva al encuentro con Dios ? ¿O será el hilo que la separa de su divinidad y le muestra su carácter humano ? El segundo signo es el falo masculino, símbolo más evidente y al mismo tiempo más banal del amor profano, que va en dirección opuesta al cuerpo de las monjas en las Figs. 5 y 3, es decir, no lo penetra.

77 En contraposición, hay otros signos fálicos que van en dirección a sus cuerpos, como las plumas (Figs., 7, 8 y 10), la luz (Figs. 2 y 3) y los dedos (Figs. 2, 8 y 9). Así, estos hacen que los deseos se unan nuevamente. Como se observa, estos signos son derivaciones del falo y cumplen más o menos la misma función : la de aproximación y alejamiento. Por lo tanto, estos signos están insertados en lo que aquí se denomina “red metafórica del falo”. En algunas de estas imágenes el tinte erótico se encuentra a veces matizado y a veces bastante evidente, como en la Fig. 2 donde las plumas alcanzan los senos de la santa mientras los dedos los acarician, o en la Fig. 9, donde los dedos también acarician los labios de la monja. La Consumación

78 El anónimo autor del “Cantar de los Cantares”, o probablemente “autora”, según Ricoeur, no describe ni muestra la posesión o la consumación del acto entre los amantes, pero sutilmente la evoca a partir de los movimientos. En los grabados de Roda, a su vez, el encuentro místico y la consumación de la boda son aludidos en toda la serie, pues la obra está basada en estos momentos de la experiencia de las monjas. Sin embargo, este encuentro no se da de una sola vez, sino paulatinamente, con sus idas y venidas, sus insinuaciones, caricias y romanticismo.

79 Esta unión está más explícita en las Figs. 2, 4 y 7. En la 2, los dos amantes se unen a través de las manos que están a la derecha de la imagen, donde la mano, cuyo brazo sale desde el cuerpo de la monja, parece llevar la otra mano que viene de arriba hacia su cuerpo. En la 4, son los dedos de los amantes los que se entrelazan. Aquí, la monja está representada con las flores de la corona usada durante las ceremonias místicas y, además, estas flores están acompañadas por otra rosa en forma de antorcha, cuyo pistilo está en la sombra y posee una forma fálica. ¿La rosa-antorcha, en este caso, sería una nueva versión de lo que significaba la vela y la rosa antiguamente en los retratos de las monjas muertas ? Es decir, una mezcla entre el alma y el cuerpo de Jesús, por un lado, y la victoria, la pureza y el martirio de Cristo, por otro.

80 La Fig. 7 quizás sea la más enigmática de todas, pues la monja trae en sus entrañas la figura de una persona (¿el Niño Dios de los antiguos retratos de las monjas ?) y, además,

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posee un corazón en forma de rosa y con un pistilo fálico (¿una alusión al sagrado corazón de María ?), como en la Fig. 4. La unión se daría a través de los dedos que se confunden con las venas del cuerpo, o del cordón umbilical que une la madre a la criatura que está en sus entrañas. Esta es la única imagen que también hace referencia a la monja como madre, dado que en las otras ella aparece sobre todo como amante. Sin embargo, las formas fálicas no desaparecen de la figura, pues son ellas las que forman el Inmaculado corazón de María y las venas del cuerpo de la santa. Así, tienen el poder de tornar presente en la imagen no solo el erotismo que envuelve la relación entre Dios y sus devotos, sino también de mostrar la paradoja que existe en la construcción de la imagen de la Virgen madre y amante a la vez. Esta imagen está relacionada al gran deseo de estas monjas, e incluso de muchas otras mujeres devotas, de semejarse a la Virgen19.

81 Otra interpretación que podría darse a la Fig. 7, que de ninguna manera se contradice con la interpretación anterior, es que este ser que la monja porta en sus entrañas sería la presencia de lo que define la experiencia mística para Jacques Lacan. En su Seminario XX, dedicado a este tema, él afirma que en la experiencia mística uno experimenta la sensación de que en su intimidad existe algo exterior a ella, lo que él define como “extimo”. Esta sensación hace que se experimente una satisfacción irreconocible y casi indecible ; por ello, en el discurso místico las ambigüedades y la presencia de una tentativa de descripción de lo que no se puede describir es recurrente20 (LACAN, 1975). Así, esta “criatura interna” que se encuentra en la Fig. 7 estaría directamente relacionada con este “otro” que pasa a hacer parte de la intimidad de las monjas y que, muchas veces, ejerce un poder muy fuerte y impositivo sobre sus cuerpos.

82 Los movimientos de amor en la obra de Roda, comparables a los movimientos del “Cantar de los Cantares”, son los que dan vida a las imágenes, los que teatralizan este encuentro místico y demuestran a los mortales los placeres que puede llegar a tener un alma cautiva. Son ellos los que, incluso, generan una gran parte del erotismo que se encuentra alrededor del tema. La otra parte está relacionada con los espectros, es decir, con la propia lógica del erotismo presente en las religiones y en las innúmeras referencias a obras de arte y a escritos del pasado que fueron consagrados como eróticos.

El erotismo sagrado de Georges Bataille

83 Lo que está en juego en el erotismo sagrado, para Bataille, es siempre una disolución de las formas constituidas21 . Tal disolución es la única capaz de hacer que el erotismo alcance su objetivo principal : la fusión y la consecuente disolución de los seres discontinuos.Además, en este tipo de erotismo el objeto posee dos particularidades importantes : la primera es el hecho de que no es físico ; la segunda es que, como dice el propio nombre, es sagrado. Para Georges Bataille, el fundamento para que un objeto sea sagrado es que él sea cercado por una interdicción, lo que lo hace igualmente participar de la siguiente lógica : La prohibición, al señalar negativamente la cosa sagrada, no solamente tiene poder para producirnos – en el plano de la religión – un sentimiento de pavor y temblor. En el límite, ese sentimiento se transforma en devoción ; se convierte en adoración. Los dioses, que encarnan lo sagrado, hacen temblar a quienes los veneran ; pero no por ello dejan de venerarlos. Los hombres están sometidos a la vez a dos impulsos : uno de terror, que produce un movimiento de rechazo, y otro de atracción, que

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gobierna un respeto hecho de fascinación. La prohibición y la transgresión responden a esos dos movimientos contradictorios : la prohibición rechaza la transgresión, y la fascinación la introduce. Lo prohibido, el tabú, sólo se opone a lo divino en un sentido ; pero lo divino es el aspecto fascinante de lo prohibido : es la prohibición transfigurada. (BATAILLE, 2009 : 72)

84 Así, a partir del momento en que el religioso supera sus miedos y alcanza un cierto desapego respecto del mantenimiento de la vida, es capaz alcanzar el trance, o el sagrado. Fenómeno este en el cual sentimientos y atracciones opuestas – como el miedo y la fascinación, la obscenidad y el amor idílico, la delectación morosa y el apareamiento del zángano – se unifican y generan la liberación de movimientos de la vida que habitualmente están comprimidos, lo que provoca “el desbordamiento de un infinito gozo de ser” (BATAILLE, 2009 : 252). Este gozo, según G. Bataille, es el fruto de una transgresión “permitida”, es decir, la que hace parte del juego sagrado descripto arriba y que no huye a la normalidad (BATAILLE, 2009 ; 269).

85 En los grabados de Roda, la presencia de estas experiencias mística es evidente en algunas imágenes (Figs. 5, 6, 11, 12). Aquí, las expresiónes de las monjas, las posiciones de los cuellos y los movimientos de aproximación y alejamiento se semejan al éxtasis de Santa Teresa, inmortalizado en la escultura de Bernini (1647-1651), y a las propias palabras de la Santa. Quiso el Señor que viese aquí algunas veces esta visión : veía un ángel cabe mí hacia el lado izquierdo, en forma corporal, lo que no suelo ver sino por maravilla ; (…). Veíale en las manos un dardo de oro largo, y al fin del hierro me parecía tener un poco de fuego. Este me parecía meter por el corazón algunas veces y que me llegaba a las entrañas. Al sacarle, me parecía las llevaba consigo, y me dejaba toda abrasada en amor grande de Dios. Era tan grande el dolor, que me hacía dar aquellos quejidos, y tan excesiva la suavidad que me pone este grandísimo dolor, que no hay desear que se quite, ni se contenta el alma con menos que Dios. No es dolor corporal sino espiritual, aunque no deja de participar el cuerpo algo, y aun harto. (…) antes en comenzando esta pena de que ahora hablo, parece arrebata el Señor el alma y la pone en éxtasis, y así no hay lugar de tener pena ni de padecer, porque viene luego el gozar. (VIDA 29 : 13-14)22.

86 Podríamos entonces hacer un paralelo entre este relato y las Figs. 5 y 6, en las cuales la presencia del éxtasis se pone más evidente. En la Fig. 6, estos movimientos aparecen de una manera muy intensa, pues el alma es extraída violentamente del cuerpo, lo que genera en la monja una especie de sufrimiento y goce a la vez. En cuanto a la Fig. 5, el falo no está penetrando el cuerpo de la monja que está dormida. De este modo, él actuaría, así como el objeto que penetra el cuello de la monja en la Fig. 6, como el dardo de oro que, al salir del cuerpo de Teresa de Avila, lleva consigo todas sus entrañas y la deja toda “abrasada de amor”.

87 En la Fig. 12, la referencia al éxtasis o a la unión mística es más sutil y está relacionada a la posición del cuello y a la hora de la muerte, presente en el acto de cortar el hilo de la vida. A su vez, en la Fig. 11 está presente, sobre todo, el goce. En esta imagen la monja aparece, al contrario de las otras, con una sonrisa. Al lado de su rostro, encontramos una esfera partida por una línea vertical, signo que hace parte de la cadena metafórica de la esfera que sera analizada a continuación. Además, mientras se encuentra en esta composición la participación del cuerpo femenino, también se observa la presencia del alma que fue liberada de su “prisión” y ahora posee “alas para volar en dirección a su amado”, como diría San Bernardo. Así, se concluye que los movimientos entre la

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sonrisa, el ojo y el ala sugieren una relación entre la satisfacción de los deseos del cuerpo y aquellos del espíritu.

88 Sin embargo, como se ha visto anteriormente, para Bataille el goce nunca es puro en la experiencia mística, pues como es fruto de una transgresión, está siempre acompañado por la idea de tentación y de pecado. Así, también se observa en los grabados este otro lado de la experiéncia mística, a través de los juegos metafóricos que incluyen las figuras del penacho, del jaguar y de las formas esféricas

89 En cuanto a las dos primeras figuras, penacho y jaguar, están relacionadas a una de las grandes prohibiciones que rodearon la vida de las monjas latinoamericanas por muchos años : la cultura del “otro”, lo que podría ensuciar el camino sagrado elegido por ellas. Por más que la mayoría fuesen criollas y nacidas en las Américas, este “otro” eran sus propios conterráneos, es decir, los indígenas que no compartían la fe y los costumbres cristianos. Las monjas criollas de por si no podían tener sangre indígena. Además, eran educadas para no aceptar cualquier tipo de sincretismo cultural y religioso.

90 En este sentido, la Fig. 10 es la que más sintetiza estas prohibiciones. Aquí, la monja dormida es acariciada en la altura de los labios por una pena. En la cabeza están puestos un penacho a la izquierda y el velo a la derecha. Del otro lado de la imagen se observa una mano que sostiene un ojo y, al mismo tiempo, genera una sombra con la forma de un jaguar. Justo los dos signos que representan las Américas, que serían el penacho y el jaguar, se encuentran en la oscuridad, mientras las luces destacan los otros elementos. El juego de sombras hace que estos signos aparezcan de manera disimulada en los grabados, como se estuviesen “por detrás” de los referentes principales. La oscuridad también muestra “el otro lado” del ser, que en este caso sería el lado más profano o más misterioso del mundo sagrado.

91 El penacho en las sociedades indígenas es símbolo de estatus, de protección y de coraje. Muchas veces es usado solamente por los caciques y durante las ceremonias religiosas. En la Fig. 10, él aparece no solo como la marca del mestizaje prohibido para estas monjas, sino también como signo de algo que las acompaña por toda la vida si tenemos en cuenta el pasado colonial americano, conocido por la conversión y la masacre realizados por la Iglesia con los pueblos indígenas.

92 A su vez, los jaguares aparecen en las Figs. 10 y 1. En ambas están en segundo plano y son casi imperceptibles. En la Fig. 1, el animal está desfigurado y se encuentra detrás de la cabeza que es dibujada por una mano, mientras que en la Fig. 10 aparece como la sombra de la mano que sostiene el ojo. Estos animales son típicos de las Américas y son uno de los más presentes en las religiones indígenas. Además, muchas veces son usados por estas como tótem. De manera general, son vistos por las religiones indígenas como animales misteriosos y como símbolos de los poderes ocultos e incomprensibles (GARZA, 1987), de ahí surge la facilidad que los cristianos tuvieron en asociarlo al demonio23.

93 En este sentido, se puede deducir que los jaguares y el penacho son sinécdoques visuales, en las cuales la parte representa el todo. Aquí, los jaguares o los dioses indígenas, así como los penachos o los propios indígenas, fueron pueblos masacrados culturalmente y físicamente por los cristianos, pero no desaparecieron y por esto están presentes en los grabados como sombras y como la otra parte de los signos principales.

94 Los jaguares aparecen dos veces y están acompañados por la figura de un ojo. Aquí, el ojo no es más que parte de un juego metafórico constituido por figuras esféricas que se

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desplazan y se transforman en senos (Fig. 8), testículos (Figs. 3,5), huevos (Fig. 11) y rosas (Fig. 4). En esta cadena metafórica no existe un término generador y todos los signos poseen igual importancia. Además, como en el juego metafórico de las formas fálicas, la cadena esférica también es parte del erotismo entre los amantes. Por ende, se denomina esta cadena de “falismo redondo”, término que Roland Barthes utilizó para analizar la metáfora del ojo en el libro “Historia del ojo” de Georges Bataille (BATAILLE, 2003).

95 Es interesante observar que las formas esféricas pertenecen tanto al mundo femenino como al masculino, siendo todos ellos relacionados a la fertilidad. Los senos y las rosas son femeninos, siendo que el primero es sobre todo sensual (en oposición al seno maternal), puesto que es acariciado por los dedos ; y el segundo es el símbolo de las nupcias místicas, de la victoria, de la gracia, la belleza y el martirio, es decir, todo lo que acompañaba la monja en su vida religiosa. Los testículos, masculinos, en su acepción corriente también son llamados huevos. A su vez los ojos, tanto femeninos cuanto masculinos, son los que definen las reglas de este juego entre las formas presentes en las imágenes.

96 Ellos pueden ser asociados al pecado en estos grabados a partir de dos perspectivas. En la primera, este sería la puerta de entrada para las tentaciones y los deseos superfluos. San Mateo, por ejemplo, afirma : “Ahora bien, si ese ojo derecho tuyo te está haciendo tropezar, arráncalo y échalo de ti” (Mateo 5 :28-29). En la segunda, ellos serían los propios ojos de Dios, los que “observan los caminos del hombre, y Él ve todos sus pasos.” (Job 34, 21). Es decir, los ojos omnipresentes que vigilan la vida de los penitentes y que registran cada paso que dan hacia la tentación.

Conclusión

97 Los signos elegidos por Roda y sus cadenas de asociaciones poseen una multiplicidad de significados que no permiten cerrar una única interpretación a la obra. Por ello, fue necesario invocar sus innúmeras facetas, sus juegos de lenguaje y sus referenciales históricos, aquí considerados como espectros de la imagen. Del mismo modo, fue necesario desmembrar la obra en todas sus dimensiones y en diferentes etapas en busca de los síntomas visuales, de sus rupturas y de los caminos abiertos a la interpretación.

98 “El delirio de las monjas muertas” es un título que condensa múltiples sentidos. Incluso, se podrían proponer otros títulos para la obra que no estarían en desacuerdo con el título original. Por ejemplo, “El delirio de las monjas sobre el post mortem”, “El delirio en vida que tuvieron las monjas que fueron retratadas después de su muerte”, y así sucesivamente. Sin dudas, estos títulos serían menos poéticos y menos complejos que el original.

99 El juego metafórico del título también puede ser encontrado en las imágenes. Aquí, este se constituye a partir de los movimientos en el espacio, de la interacción entre las formas y de las conexiones que se pueden trazar entre estos signos y las referencias exteriores a la obra. Además, este juego metafórico permite que los tiempos se superpongan, mientras los objetos se funden, se reemplazan, se yuxtaponen y generan la ambigüedad y polisemia de los signos.

100 En este contexto, se observa que en las imágenes las categorías de sueños, fantasías, delirios, visiones y muerte se mezclan, pues nunca es muy claro si el autor se refiere a

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alguna de ellas o al momento de la unión eterna. Así, no sólo los tiempos históricos están yuxtapuestos en la obra a través de los espectros, sino también los tiempos individuales de las monjas. Ellas llevaban una vida en la que su principal preocupación era tener una “buena muerte” y en la que la unión eterna era vivida y sentida de a poco, como en las coronaciones realizadas en vida, o en las señales que tenían de haber sido elegidas. Tales señales aparecían en los sueños, delirios, fantasías, etc. Por ende, instante de muerte e instantes de vida se confundían. Además, la propia noción de delirio trae consigo la existencia de una confusión entre pasado y presente, como si fuera “una forma de anacronismo, [en la que] ciertos restos del pasado sobreviven y se reorganizan” (NAVARRO, 2012 : 118).

101 Todos estos movimientos están en la esencia de la relación entre las monjas y su divinidad. Ellos traducen el mutuo deseo de poseer, de ser poseído y evocan la danza sensual entre los amados. Asimismo, forman el conjunto de herramientas elegidas por el artista para transgredir, es decir, para jugar con los límites de los tiempos, de las formas, de lo sagrado y de lo profano. Finalmente, revelan los espectros presentes en la obra, que la hace dialogar con el pasado, que la fracciona y la desfigura, para darle nuevos sentidos.

102 Roda logra, a partir de los gestos construidos siempre al borde de los límites, tornar presente en su obra todo el movimiento erótico existente en las experiencias místicas. Su gesto artístico y poético hace recordar las palabras de Michel Foucault sobre el cristianismo y la sexualidad: Jamás la sexualidad tuvo un sentido más inmediatamente natural y jamás conoció, sin dudas, un gran ‘éxito de expresión’ que en el mundo cristiano de los cuerpos reprimidos y del pecado. Lo demuestran toda una mística, toda una espiritualidad que no podían absolutamente separar las formas continuas del deseo, de la embriaguez, de la penetración, del éxtasis y de la efusión que desvanece ; todos estos movimientos se los sentía transcurrir sin interrupción ni límite, hasta el corazón de un amor divino donde eran, al mismo tiempo, la última erupción y la fuente para el regreso. [Traducción de la autora] (FOUCAULT, 2012 : 7).

103 En los grabados, nada es separable y nada es discontinuo. Los diferentes modos de experiencia mística se funden, mientras las formas de los objetos se van juntando y deslizando una hacia la otra. Por ejemplo, el falo masculino se mezcla con la experiencia mística y se va transformando en diferentes símbolos fálicos relacionados o no con el mundo sagrado ; el jaguar, a su vez, se muestra como la otra faz del Dios cristiano ; mientras el ojo hace que tanto el pecado como la interdicción se tornen presentes en la imagen. Mediante estas transformaciones, Roda juega con las fronteras al desplazarlas y transgredirlas en todo momento. No obstante, al mismo tiempo que las desplaza, las afirma, lo que genera todo el erotismo presente en la obra y en la experiencia mística.

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NOTAS

1. Juan Antonio Roda hizo sus estudios en artes en la Escuela Massana de Barcelona. En 1955 se muda a Bogotá con su familia. En este país trabajó como profesor de dibujo en la Facultad de Arquitectura de la Universidad Nacional de Colombia, como director de la Facultad de Bellas Artes de la Universidad de los Andes y posteriormente como cónsul general de Colombia en España. Fue un artista de renombre en Colombia y maestro de otros artistas destacados como Beatriz González y Luis Caballero. Fuente : http://www.juanantonioroda.com/pdf/ cronologia.pdf , acceso 16 de junio de 2015. 2. Según Adriana Navarro, “la obra fue premiada en diversos eventos, como el XXIV Salón Nacional de Artistas (1973), la III Bienal de Puerto Rico (1974) y la I Bienal Americana de grabado, en Maracaibo, Venezuela (1977)” (NAVARRO 2012, 117). Todas las imágenes de la serie deben ser consultadas en la página web del artista : http://www.juanantonioroda.com. Ellas se presentan en el texto de acuerdo con su numeración en la página. 3. En sus escritos observamos una generalización inmensa cuando habla del paganismo o de las “religiones primitivas” o “arcaicas”, lo que nos hace concluir que al hablar del “otro”, Bataille en realidad habla de su propia cultura y nada más que esto. 4. Todavía sobre este tema, en el libro El verdadero barba azul, Bataille escribe sobre la transgresión y lo que denomina “la verdadera esencia del cristianismo” : “Ese desorden puede coexistir con el cristianismo más auténtico, siempre dispuesto a perdonar el crimen, aun el más atroz, aun el de Gilles de Rais. Tal vez, en el fondo, aquél exija el crimen, exija el horror : en cierto sentido, los necesita para poder perdonarlos. Así es, pienso, cómo debe entenderse la exclamación de San Agustín : Félix culpa ! ¡Dichosa falta !, que alcanza todo su sentido ante el crimen inexpiable. El cristianismo consiente una humanidad cargada de ese exceso delirante, que sólo el propio cristianismo ha permitido soportar.” (BATAILLE, 1972 : 36) 5. Marta Traba rechaza la utilización del termino “metáforas” y lo remplaza por “simbolizaciones”, que son “modos operativos de concretar ideas, de manera que su sentido se nos declare sin reticencias.” (TRABA, 1977 : 13-14). Para ella, no hay ninguna metáfora cuando se representan símbolos fálicos, es decir, no se permite una doble lectura. Sin embargo, en este artículo el termino “metáfora” es el más apropiado, pues por más que hayan falos, lo que define la metáfora son los juegos entre los signos presentes en la obra. 6. Adriana Navarro afirma que no se puede precisar exactamente de donde son estos retratos. No obstante, según lo que pudo averiguar, ella también cree que son del Convento de la Concepción (NAVARRO, 2012 : 117).

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7. Adriana Toledo de Almeida hizo un excelente análisis y resumen de la iconografía de las monjas coronadas en el barroco hispanoamericano, trabajo que nos sirvió de base para entender este tema. (TOLEDO DE ALMEIDA, 2013). 8. En la Biblia, una de las historias más emblemáticas sobre este tema es la resurrección de Lázaro de Betania dónde Jesús, además de probar la omnipotencia de Dios, alimenta la esperanza de los individuos en conquistar una vida eterna en su compañía. En el Evangelio según San Juan, cuando Marta, la hermana de Lázaro, le dijo a Jesús que si él hubiese estado, su hermano no habría muerto, Jesús le contestó : “ ‘Tu hermano resucitará’. Marta le respondió : ‘Sé que resucitará en la resurrección del último día’. Jesús le dijo : ‘Yo soy la Resurrección y la Vida. El que cree en mí, aunque muera, vivirá ; y todo el que vive y cree en mí, no morirá jamás. ¿Crees esto ?’” (Juan 11, 21-26). 9. Preferimos hacer las citas de textos religiosos de la forma tradicional y todas las citas de San Bernardo fueron extraídas de la edición que citamos en la bibliografía. 10. Pues la muerte, en la mitología cristiana, es el castigo de Dios para el pecado de Adán. Según la Biblia, ’Así pues, por medio de un solo hombre entró el pecado en el mundo, y con el pecado la muerte, y la muerte pasó a todos porque todos pecaron.’ (Romanos 5, 12). En cuanto a la voluntad de transgredir la muerte, ella aparece en el pasaje siguiente : ’El pago que da el pecado es la muerte ; pero el don que da Dios es vida eterna en unión con Cristo Jesús, nuestro Señor.’ (Romanos 6 :23). 11. Según Max Weber, en el mundo religioso existen dos tipos de profecía : (1) la ejemplar, que tiene como modelo “una vida dedicada a la salvación, una vida en regla general consagrada a la contemplación y al éxtasis apático” ; (2) la ética, o de misión, que “en nombre de un Dios, dirige al mundo exigencias provenidas naturalmente de la ética, y con frecuencia de la ascesis activa” (WEBER, 1996 : 355).. Sin embargo, Isacco Turina defiende que estas dos categorías no son inmóviles, pues en una misma religión y hasta en un mismo asceta se pueden encontrar estas dos modalidades de prácticas la fe (TURINA, 2006). En este estudio, se considera que estas monjas llevaban una vida más ejemplar que ética por el hecho de que, la mayor parte del tiempo estaban clausuradas en los monasterios cuidando de sus propias salvaciones. 12. En el romance Gradiva (1903), de Wilhelm Jensen, el arqueólogo alemán Hanold se enamora de una mujer retratada en un bajo-relieve romano, lo que le hace crear en su mente algunas fantasías sobre cómo fue la vida de esta persona, dónde vivía, qué hacia, cómo caminaba etc. Estas fantasías se tornaron tan intensas que él tuvo la idea de ir en búsqueda de más informaciones sobre la mujer que, según sus sueños, venía de las ruinas de Pompeya. Al llegar en las ruinas, él conoce una mujer que supuestamente sería Gradiva, su amada. Sin embargo al hablarle, la mujer se da cuenta de lo que está pasando y le dice al arqueólogo que ella no era Gradiva, sino su amiga de infancia que, de un instante a otro, en el pasado él empezó a ignorarla. Lo que Freud quiere demostrar con esta novela de W. Jensen es que Hanold tuvo un amor reprimido en la infancia que fue encendido nuevamente por algún detalle del bajo-relieve. (FREUD, 1907) 13. Freud, en otros estudios posteriores como en su libro Observaciones psicoanalíticas sobre un caso de paranoia, dónde analiza el caso de Schreber, abandona un poco esta idea en la cual el objeto reprimido vuelve a través el aparato utilizado para la represión. Sin embargo, no la deslegitima. 14. Como se ha explicado, las interpretaciones eróticas de las escrituras y pinturas sagradas han tomado una gran dimensión en la actualidad. Sin embargo, para no caer en una lectura superficial de estas obras, muchos de sus intérpretes hicieron una separación entre lo sexual y lo erótico. El primero —lo sexual— sería, grosso modo, todo lo que hace mención directa a la actividad sexual relacionada con la reproducción. El segundo —lo erótico— sería todo lo que surge alrededor del primero, pero de manera independiente. 15. El las palabras de Paul Ricoeur, estos movimientos entre vigilia y sueño pueden ser identificados en varias partes del poema : “cuatro veces leemos : ‘Hijas de Jerusalén, yo os conjuro

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por las gacelas y las ciervas de los campos : no despertéis ni desveléis a mi amada hasta que ella quisiere’ (2,7 ; 3,5 ; 5,8 ; 8,4). Y el despertar en 8,5 (‘Te desperté bajo el manzano, donde te concibió tu madre, donde la que te alumbró te había concebido’) no expresa propiamente una conclusión narrativa, por cuanto, como queda dicho, el despertar de 8,5 y el sello de 8,6 pertenecen a una misma economía de deseos mutuamente aceptados y reconocidos y, en este sentido, cumplidos. De modo parecido, los estados de vigilia – ‘Mi amado es para mi y yo soy para él ; él apacienta el rebaño entre los lirios’(2, 16) – pasan a ser fácilmente comienzo del sueño : ‘en mi lecho, en la noche, buscaba yo al amado de mi alma’ (3, 1), si es que no se convierten a las claras en un sueño entre 3, 2 y 5,1, como algunos comentaristas, como Daniel Lys, por ejemplo, han sugerido.” (RICOEUR, 2001 : 282) 16. Paul Ricoeur ordena estos pasajes de la manera siguiente : “Apenas ha exclamado la amada en el prólogo ‘¡bésame con los besos de tu boca !’, añade ‘¡llévame en pos de ti, corramos juntos !’. Hay luego la evocación de un andar vagabundo ‘tras la grey de tus zagales’. Y un poco más adelante, dice ella : ‘Me introdujo en la bodega, su enseña sobre mí es el amor’ (…)” (RICOEUR, 2001 : 283). 17. Estos pasajes son ordenados de la manera siguiente por el autor : “El amado llama a la puerta para entrar. Alcanza a entrar por la puerta entreabierta, pero entonces ‘abrí a mi amado ; mas mi amado se había ido ya, había pasado’. Y el coro, un poco después, se mofa : ‘¿Adónde fue tu amado, la hermosa entre mujeres ?’ ¿A que parte se tornó, que contigo lo busquemos ?’ (…)” (RICOEUR, 2001 : 281) 18. “ ‘Su izquierda por apoyo a mi cabeza ; con su diestra me abraza’ (2,6 y 8,2). Y de nuevo : ‘Mi amado es para mi y yo soy para él ; él apacienta el rebaño entre los lirios’ (2, 16 ; 6, 3). El amor carnal quizá se consuma en 5, 1 o 6, 3, pero no se dice esto de un modo descriptivo. Más bien se canta” (RICOEUR, 2001 : 281). 19. La autora hace una discusión sobre este tema en el texto “O interdito, a transgressão religiosa e a desobediência do corpo feminino na arte contemporânea e latinoamericana” (MIKLOS, 2014). 20. Sobre la obra El éxtasis de Santa Teresa de Bernini (1647-51), Lacan afirma : “Basta ir a Roma para ver la estatua de Bernini para entender rápidamente que ella goza, de esto no hay dudas. ¿Pero de qué goza ella ? Es evidente que el testimonio esencial de los místicos es decir que ellos experimentan, pero sobre eso no saben nada” (LACAN, 1975) 21. Estas formas constituidas serían las formas “de vida social, regular, que fundamentan el orden discontinuo de las individualidades que somos”. (BATAILLE, 2009 : 23) 22. Todas las citas de Santa Teresa fueron hechas según la manera clásica de citar textos religiosos y fueron extraídas del libro JESUS (JESUS, 2014). 23. Para este asunto, ver (GUILHEM, 2005) y (CHEVALIER y GHREERBRANT, 2001). Nos gustaría agradecer inmensamente a Elena Mazzetto y Mariza Bortoli que nos ayudó a desvendar el tema.

RESÚMENES

Este artículo analiza la obra “El delirio de las monjas muertas” (1972-74), de Juan Antonio Roda (Valencia 1921 – Bogotá 2003), constituida por una serie de 12 grabados en aguafuerte, aguatinta y punta seca. A partir de conceptos como erotismo, transgresión, espectro y síntoma visual se indaga sobre el juego de lenguaje presente en el título y los juegos visuales en los cuales predominan las metáforas, las yuxtaposiciones y las superposiciones. Todos estos movimientos son centrales en la obra en cuestión y en la visión del artista sobre la relación entre las monjas y

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su divinidad. Ellos traducen el mutuo deseo de poseer, de ser poseído y evocan la danza sensual entre los amados. Asimismo, forman el conjunto de herramientas elegidas por el artista para transgredir, es decir, para jugar con los límites de los tiempos, de las formas, de lo sagrado y de lo profano. Así, este artículo pretende contribuir, en particular, a la comprensión de esta obra que ha sido debatida entre los críticos de arte, y, en general, al estudio de la relación entre el arte contemporáneo y el cristianismo.

Cet article analise l’oeuvre Le délire des religieuses mortes (1972-74) de Juan Antonio Roda (Valence 1921 – Bogotá 2003) et constituée par une série de 12 gravures à l’eau-forte, aquatinte et pointe sèche. À partir des concepts comme l’érotisme, la transgression, le spectre et le symptôme visuel, l’oeuvre sera interrogée d’après le jeu de langage présent dans le titre et les jeux visuels dans lesquels prédominent les métaphores, les juxtapositions et les superpositions. Tous ces mouvements sont centraux dans l’œuvre en question et dans la vision de l’artiste sur la relation entre les religieuses et sa divinité. Ce sont eux qui traduisent le mutuel désir de posséder, d’être possédé et le rapport qu’évoque la danse sensuelle entre les êtres aimés. Ce sont eux aussi qui forment l’ensemble des outils choisis par l’artiste pour transgresser, autrement dit, pour jouer avec les limites des temps, des formes, du sacré et du profane. Ce sont eux, enfin, qui révèlent les spectres présents dans l’œuvre, qui la font dialoguer avec le passé, qui la fractionnent et la défigurent pour lui donner de nouveaux sens. Ainsi, cet article essaie d’être une nouvelle contribution à la compréhension de cette œuvre - encore très débattue chez les critiques d’art - et à l’étude de la relation entre l’art contemporain et le christianisme.

ÍNDICE

Palabras claves: grabado, latinoamericano, Roda (Juan Antonio), erotismo, arte y cristianismo, transgresión, monjas muertas, Colombia Mots-clés: gravure, latino-américaine, Roda (Juan Antonio), érotisme, art et christianisme, transgression, religieuses mortes, Colombie

AUTOR

ALINE MIKLOS

EHESS/USP alinemo[at]ehess.fr

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The 3rd Bienal da Bahia: Transgressive Archives

Adiva Lawrence

1 An initiative of the state of Bahia, the Bienal da Bahia was reinstituted in 2014, 46 years after its last edition in 1968. Entitled É Tudo Nordeste? (Is Everything Northeast?), it explored the political and cultural memories characterizing the Northeast region of Brazil, bringing back the spirit of transgression demonstrated by its first editions in the 1960s and promoting a distinctive local point of view. It was held between May 29 and September 7, 2014 in Salvador and 24 other Bahian municipalities. The Museum of Modern Art of Bahia (MAM-BA), run by Marcelo Rezende, an art critic and curator from São Paulo, was entrusted with the programming of the Bienal. The curatorial board included two principal curators, Ayrson Heráclito (artist and professor) and Ana Pato (researcher and art critic), as well as two assistant curators: Alejandra Muñoz (architect and researcher) and Fernando Oliva (art critic and researcher).

2 Two art biennials were organised in Salvador in 1966 and 1968, for the purpose of promoting local artistic production and establishing the Northeast region as an important and dynamic cultural hub inside Brazil. As Fernando Oliva points out, Bahia had only recently become an official part of the Northeastern region of Brazil in 1959, and the 1960s were consequently very important in helping the region define and position itself (OLIVA 2014: 48). The first biennial, which was led by two local artists, Juarez Paraiso and Riolan Coutinho, gathered approximately 800 works by 270 artists from various regions of the country, and included famous figures of the Brazilian avant-garde such as Hélio Oiticica and Lygia Clark, as well as established local artists like Mestre Didi and Mario Cravo, two sculptors from Salvador. It was held at a convent in Salvador, the Convento do Carmo, which had been restored especially for the event (OLIVA, 2014: 48). Hosted by another one of the city’s convents, the Convento da Lapa, the second edition displayed a more ambitious number of works. However, as curator Ayrson Heráclito explained, a greater proportion of local artists were chosen than in the first edition. The selection criteria was intentionally inclusive rather than exclusive, allowing far more local artists to participate, thus better reflecting the reality of the Northeastern artistic landscape (Personal communication; 2015)1.

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3 The biennials cycle was interrupted after the second edition. According to curator Alejandra Muñoz’s research, this occurred for structural and political reasons. (Muñoz, Bienal da Bahia, Manual du Professor: 2014: 16). Internal conflicts arose following the first edition and hampered the organisation of the second, exacerbated by violent censorship from the stiffening military regime (already in place since 1964), which led to its shutdown only two days after opening. It finally reopened one month later, minus many allegedly controversial works. Furthermore, the main organisers of the biennial were imprisoned. The extreme violence in which these acts of censorship occurred remains almost unparalleled in the cultural history of Brazil, as Muñoz writes (Muñoz; Bienal da Bahia, Manual do Professor; 2014: 16), which attests to the extent to which the event was perceived as transgressive, threatening the established order within the regime. Brazil’s military regime, like in many of the other dictatorships that emerged in South America throughout the 1970s and 1980s, was characterized by the systematic repression of all forms of internal subversion, considered harmful to national security (GREEN, 2014). At the time, the regime singled out São Paulo to showcase Brazilian modernity and economic power to the world and help position Brazil as an important international artistic centre by tolerating the organization of the São Paulo biennial (WHITE-TORO, Manual du Professor: 2014: 12). In contrast, the Bahian biennials may have represented the potential for an undesirable counter-discourse to the national art narrative, which up to that point was completely focused on the Southern region and its key figures – Oswald de Adrade and Tarsila do Amaral, to name the most famous (Heráclito; Personal communication: 2015)2. The divide between the North and South of Brazil may be traced back to the history of colonisation and slavery, and while a detailed analysis of this history is beyond the scope of this essay, I would suggest that it accounts in large part for the peripheral role of the Northeast region both economically and culturally. The tactical undermining of the importance of the Bahian biennials thus appears to be symptomatic of tangible tensions that were already extant within Brazil (OLIVA, 2014: 49).

4 As debates and criticisms surrounding the multiplication of biennials throughout the world, often referred to as “world biennialization,” grow more numerous and ferocious, largely pointing to their commercial, spectacle-oriented nature and to a supposed generalised vacuity of their artistic content, efforts to adopt alternative forms for such events have emerged. The adopted strategies often highlight the necessity of reconciling art display with social action and making biennials relevant to the communities that inhabit the spaces where they take place. An alternative model which is often cited is that of the Havana biennials of 1984, labelled the “biennial of the third world,” because of the emphasis it put on showing art from outside established international art networks, which at the time were largely dominated by Western artists. The first editions of this biennial represent significant instances of large-scale art events where dominant models were questioned, and their limitations made apparent. From a certain perspective, the Bahia biennials were the first to instigate this kind of attitude, given their emphasis on promoting local artistic production (Muñoz, Bienal da Bahia, Manual do Professor; 2014: 16). The Bahia biennials’s intention was thus based on a double transgression: on the one hand, it sought to oppose the assumed backwardness of the Northeast and domination of southern regions in Brazil; on the other hand, it provided a biennial model that aimed to subvert international codes with respect to what should or should not be displayed.

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5 While the 2014 Bahia biennial included international artists this time, it claimed a direct lineage with former editions, made clear by adopting the 3rd Bienal de Bahia name. In this paper, I attempt to analyse the legitimacy of this claim, by unpacking the ways in which the 3rd edition’s curators created an event that sought to embody the transgressive legacy of the 1960s. A process I would call “archival digging” was used to reassess the importance of the art produced at the time, as well as to critically readdress the questions that they raised. But this biennial also created new archives, purportedly for the benefit of future generations, to preserve contemporary history from oblivion. The archive is often an essential element of contemporary exhibitions, and I will look at some of the implications of such use. I will examine the archive as a theoretical concept and tool in order to show how the Bienal da Bahia chose to adhere or not to some of its attributes, thereby creating new forms of archives and traces of the present. These considerations are framed by a larger interrogation on the possibility of transgression in the current context of “world biennialization,” and if the archive, both resulting from and producing power, can legitimately be used as an instrument of resistance.

Working with the Archive

6 As expressed by Rezende, there was a strong need to rethink the past of Bahia, in the light of the history and legacy of the dictatorship, which is still a sensitive issue in Brazil (Rezende; Personal communication; 2014)3. A “duty to memory” was invoked by the curatorial board as being the “raison d’être” of the project (CURATORIAL TEAM; Journal of 100 Days), which was conceived as a platform to bring to light the existence of a biennial tradition that opposed the preconceptions associated with the region. Through the voluntaristic form of the biennial it appeared possible to bring this spirit back into the present. As suggested in the introduction, it seems that, for political reasons, the Northeast and its artistic production were to remain relegated to a provincial position. This does not suggest that the Northeast has been devoid of a cultural scene since the 1960’s. For instance, regional Salons have been organized consistently since 1949, and the biennials de São Felix and do Recôncavo, have contributed to the dynamism and visibility of art production in the region (Muñoz, Bienal da Bahia, Manual du Professor: 2014: 18). However, this Bahia biennial by symbolically wishing to bring back the spirit of the 1960’s, proposed an interesting take on the struggle for affirmation and valorisation of a Northeastern art circuit (Muñoz, Bienal da Bahia, Manual do Professor: 2014: 18). The curatorial team of the third edition considered urgent the need for Brazil to include the trajectory of Bahia in its official art history narrative, which up to this day remains focused on Rio de Janeiro and São Paulo, and to trigger a critical investigation of the region, its history, and the present state of its cultural scene. This necessary reclaiming thus entailed digging into the archives of the region, to find out more about the former biennials to begin with. But the question of how to work with archives that do not exist was a problem the curators had to solve (Ana Pato, Journal of 100 Days, 2014). Ayrson Heráclito described the process as resembling archaeological research, since very few documents remained, and reports that they had to work mainly with oral memories (Heráclito, Personal Communication: 2015). Fernando Oliva evokes the process of information recovery from artists, art professionals and people connected to the events that participated in

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the first editions, carried through with about twenty-two hours of interviews, and some testimonies recorded on film (Juarez Paraíso, Francisco and Alba Liberato, Lia Robatto, Pasqualino Magnavita, Juca Ferreira, Leonardo Alencar, Luís Henrique Dias Tavares, Glei Melo, J. Cunha and Nair de Carvalho, among others). Not all remembered the events clearly, but this shortcoming was part of the process (OLIVA; 2014: 53). The results were displayed in the opening work “A Reencenação”, which means “the re- enactment”, which I will describe in more length in another part of this essay.

7 There was a desire to make those archives durable and reusable, to prevent them from being forgotten again, and those newly constituted memories were thus donated to the public archives of Bahia, so as to be available to researchers in the future.

8 Following the same logic of recovering hidden memories of the events, the Museum of Modern Art displayed images of works that were destroyed or damaged when the biennial was shut down in 1968, in a show called Utopia-Distopia. The desire to bridge a gap between today and the 1960’s was evident in the number of important spaces that were dedicated to showing the works of artists working then, so as to create a reappraisal of the ideas they were promoting. In the Museum of Modern Art, part of the ground floor in the main building was dedicated to Juarez Paraiso, one of the founders of the first biennials, and major Brazilian xylogravure artist, whilst on the 1st floor works by Rogério Duarte, an emblematic figure of the 1960-70’s movement Tropicália, as well as images and films of key figures of the movement such as Glauber Rocha and Gilberto Gil were exhibited. All of these artists came from Bahia, and the display of their work brought to light the important Bahian contribution to Tropicália, a cultural movement that had nationwide importance. As demonstrated in the exhibitions showing the work of “Tropicália” artists, the movement and ideas it disseminated form an important conceptual framework for the 3rd Bienal da Bahia, and provide a good example of conceptual “archival digging.” The movement developed towards the end of the 1960s and throughout the 1970s, providing an image of Brazilian art that challenged the more traditional model supported by the military regime. It promoted an appreciation for Brazilian folk culture as a way to oppose the conservatism of the dictatorship. For example, in a Salvador museum, the Museu Carlos Costa Pinto, there was an exhibition devoted to two Bahian artists, Ednizio and Dicinho, whose roles were central in establishing the importance of the Bahian group within the Tropicália movement. The exhibits at the Palacete das Artes cultural centre also demonstrated how vibrant an art scene the Northeast possessed, and reminded us of how fundamental folk traditions can be in the search for authenticity, by showing the works of artists affiliated with Pernambuco’s PEBA movement. The idea of tropicality promoted by these artists entailed an acceptance and reclaiming of Northeastern tropical identity and way of life, highlighting its roots in folk traditions as a basis for a its distinct style. Displaying these works again in a contemporary context like that of the biennial is a way of bringing the poetics associated with these aesthetics into the present. Both of these exhibitions were curated by Ayrson Heráclito, a Bahian-born artist working with performance and photography, and who has tackled the issue of the cultural legacy of slavery in Bahia extensively. Exhibiting the works of important Bahian artists also contributes to forging another version of Brazilian art history, as Heraclito explains. In addition to his artistic practice, Heráclito also conducted research on the Bahian art scene that emerged in the 1960s, laying the foundations for a distinct artistic tradition, different from the modernist projects that evolved in São

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Paulo and Rio, and very much in tune with the latest issues emerging in the rest of the world (Heráclito cites the experimental films of Glauber Rocha and the opening of the first Brazilian contemporary dance school in Bahia (Heráclito, Personal communication; 2015). In order to raise questions about the failure of this period’s works and ideas to gain more traction in Brazil, Heráclito set out to give the forgotten artists of the Northeast a voice. The biennial enabled him to demonstrate how many artists working in the 1960s and 1970s deconstructed the images they were associated with, such as that of a Northeast frozen in tradition and incapable of evolving (Heráclito, Personal communication; 2015)4.

9 In keeping with the idea of reengaging with the past, the MAM-BA decided to revive the ideas of its first director, architect Lina Bo Bardi, who had renovated the building and written about how museums should first and foremost be spaces devoted to education, discussion and sharing knowledge (BO BARDI; 2005: 212). That was actually a starting point, says Rezende (REZENDE, Personal communication; 2014) []. A magazine, Contorno, was also launched to document the evolution of the biennial and to provide commentary on key themes addressed by the biennial. The educational department played a major role in the event. A team of museum educators from the region was trained in the Museu Escola Lina Bo Bardi program offered by the MAM-BA. They were to be present in all the exhibition spaces and act as intermediaries between the public and the works. In addition, a list of works shown in each exhibit and its associated Journal of Just One Day were also available. Anyone could sign up for the museum educator course, as long as they were at least 18 years old. As Felix White-Toro, an educational department coordinator explained to me, there was very little precedent for this kind of educational program in Bahia, despite the fact that it was one of Lina Bo Bardi’s founding principles for the Museum of Modern Art (WHITE-TORO, Personal communication, 2014). Her plan to democratize museum knowledge and authority was halted by the advent of the military dictatorship and its conservative approach to art in the region (Muñoz, Bienal da Bahia, Manual do Professor: 2014: 16).

10 Since the biennial was intended as a space for debate and discussion, it was preceded by open lectures organised by the MAM-BA about its history and content, and the kind of inquiries it wished to instigate. For example, a programme was set up to host discussions about some of the key texts that have marked Brazilian art history. One such text was the “Manifesto Antropófago” (1928), by Oswald de Andrade, which defines the concept of anthropophagy as the process by which, in Brazil, foreign cultural influences are swallowed up and digested, to be made locally relevant. The author’s intention was to have this kind of cultural cannibalism accepted as distinctively Brazilian and become the basis for Brazilian modernity.

11 Hélio Oiticica, an important figure of the Tropicália movement who participated in the first Bahia biennial, and who coined the term “Tropicália” in 1967, provides an interpretation of the imperatives of the period, which still resonates with current concerns about the state of culture in so-called “peripheries” in a text called “General Scheme for New Objectivity”. This essay marks an important moment in the articulation of “Brazilianness” in art, formulating an update of the notion of anthropophagy, which the 3rd Bienal da Bahia seemed to have transposed to the context of the Northeast. Furthermore, the biennial had been designed as a platform enabling Bahians to actively reflect on their position in the world. Its title, Is Everything Northeast?, questions the relationship between geographical and cultural identity in a

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way that resonates with Oiticica’s concerns about the state of Brazilian culture. The concept of “New Objectivity” does not imply a refutation of reason, but instead refers to a possible alternative, another locus of authority. In the same way Oiticica proposed to create a Brazilian objectivity, that is, to take Brazil and its particular aesthetic as a new standpoint from which to perceive the world, the Bienal de Bahia suggests that we grasp it from the point of view of the Northeast.

Creating the Archives of the Present

12 As Marcelo Rezende explained in an interview, the biennial considered the Northeast as a universal condition rather than a particular one (REZENDE, Personal communication: 2014)6. According to this position, global culture was to be integrated into Bahian reality, thereby taking on new meanings. And it inevitably presupposed a renegotiation of Bahia’s position within this global culture. The curatorial proposal clarifies this point: With Is everything Northeast? we aim to craft an archaeology of beliefs, ideas and fantasies, utopias and rituals, orders and commands, sensibilities, politics, perception and reactions that ended up defining, within Brazilian culture, what the Northeast is, or, in many instances, should be. (…)This curatorial process aligns itself with the main aim behind the two other editions of the Biennale of Bahia: instead of being historically and artistically read by the “Other”, it is the local experience, thought universally, that reads this ‘Other’. (Rezende; Curatorial project; 2014: 7)

13 Marcelo Rezende also insisted on the importance of engaging in this discussion at this particular time, because of the new position Brazil had secured on the global stage, and the renewed dynamism demonstrated by Bahia in the past few years (REZENDE, Personal communication: 2014). The biennial proposes to redefine what the Northeast is and means, within a setting that questions the influence of dominant cultures. “The Imaginary Museum of the Northeast”, the main exhibition ensemble, brought together exhibits divided into departments and subdivided into sections, with specific themes that could be directly or indirectly related to Northeastern culture, and displayed in various cultural and arts centres, mostly in Salvador. Among the exhibits that depicted Northeastern realities, there was for instance the Juraci Dórea installation in the chapel of the Museum of Modern Art called Sertão/Museus/Arqueologia, where a particular approach to Sertão aesthetics was on display. The Sertão is a sub-region of the Brazilian Northeast, characterised by an arid climate and a strong history of sugar cane agriculture. Juraci Dórea was born in Feira de Santana, in the interior of Bahia, and is an important figure of the Bahian art scene of the past decades. At the Palacete das Artes, an entire building was dedicated to an exploration of the concept of “Naturalismo Integral,” developed in 1970s by Pierre Restany, Sepp Baendereck and Frans Krajcberg in Amazônia and explained in “The Whole Naturalism Manifesto” (1978). The manifesto argues for a new mode of perception and understanding of the world that would be shaped by “nature’s logic.” In this exhibition space, various types of objects were collected, from old photographs of the Amazons and travel diaries to wooden sculptures. The exhibition’s key work was the Naturalismo Integral film that Restany made. The showcasing of these works raises questions about their possible meaning in a contemporary context of increased exploitation of Amazonian resources. The biennial’s program also included a visit to the Ilê Axé Opó Afonjá terreiro, an important

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place of worship for Candomblé practitioners. Candomblé is a religious tradition that originated amongst African slaves in Bahia and has become an emblematic element of Bahian life.

14 Brazilians were not the only represented artists. There were also artists from other countries whose recent or older works led to multifaceted interactions. For example, at the Bahia Nautical Museum, in a small exhibit on revolutionary struggle, a film by French filmmaker Agnès Varda on the Black Panthers appeared alongside wood engravings by German-born Hansen Bahia, creating a dialogue about race. The racial issue remains complex and controversial in Brazilian culture, but the struggles it gave rise to resonate in many other parts of the world. There were also exhibition spaces dedicated to more general subjects, such as the history of conceptual art (at the Goethe Institute) and gender-related issues (at the MAM-BA), generating exchanges between local and international viewpoints. In general, the works were strategically selected for their relationships with local realities instead of the usual international biennial logic that focuses on programming international works. This translated into a desire to show works that were either created in the Northeast, or were to be redefined in the context of the Northeast. There were several locally based projects, such as those carried out by Camila Sposati and her Teatro Anatômico (Anatomical Theatre) on the island of Itaparica near Salvador, or Arthur Scovino in a church in Salvador, the Igreja dos Aflitos, which led to unprecedented encounters and highlighted local realities, forcing visitors to reconsider local history. As Marcelo Rezende explained, a biennial based on the São Paulo model would not be possible. It would have been considered a “luxury” that Bahia could not afford (REZENDE, Personal communication; 2014)7. This explains why one of the main organizing principles behind the biennial was to work with and for Bahia, and accentuate its own distinct reality. This was illustrated, for example, by choosing to create and exhibit copies of a piece by Lygia Clark, because it would have been too expensive to import the original. Lygia Clark was an eminent figure of the first edition, and the inclusion of her work was a necessary component of the biennial’s idea of re-enactment. However, it would have been impossible to show the original, because of the prohibitive insurance costs and also museological conditions her works now require. The curatorship thus asked Ayrson Heráclito to make a cardboard replica, which was then replaced by a plastic miniature purchased at the Clark Art Center store. The Clark Art Center is a contemporary art centre dedicated to making Lygia Clark’s achives accessible. This provocative attitude subverted one of the basic rules of the art exhibition’s organisation, which stipulates that only originals can be acquired and displayed. The educational department could therefore allow visitors to manipulate the object, and actively engage with the significance of Lygia Clark’s presence in the first edition, as well as the difficulties of exhibiting such important artworks in the Northeast today (OLIVA; 2014: 50)

15 The idea behind the biennial was thus less about putting together a shiny and polished event than creating one that would be faithful to the reality of Northeastern conditions, while simultaneously pointing out those conditions. And the biennial collected many aspects of what Bahia is and means in the form of archival materials, demonstrating a clear desire to document these elements for the purpose of creating new archives. This was immediately visible in the documentation available on the different sites of the biennial and the literature produced for the event. The Journals of Just One day distributed in each exhibition space, along with the maps and lists of

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displayed works, aesthetically imitated the archival document, and functioned as conceptual frameworks for each of the shows. They were sheets that looked like newsprint and included texts and images related to the exhibitions. The texts could be curator or artist statements, or theoretical writings about the ideas addressed in the exhibitions. The paper distributed at the entrance of the Solar Ferrão Gallery, for example, dedicated part to the question of post-racialism, consisted of a text by Ayrson Heráclito, the section’s curator, and contributions by Roberto Conduru and Achille Mbembe, two key thinkers on postcolonial African identity. The final e-book, called Journal of 100 Days, released a few months after the end of the biennial, contained similar information, mixing pictures and text, and recreated the event’s timeline. The aforementioned documents provide a theoretical framework for the exhibitions and also ground them within a tradition, the texts also functioning as archives, in the sense that they justify and legitimize the statements made throughout the exhibitions. While the biennial was an attempt to see the world from the perspective of the Bahia region, it seems like the inherent properties of the archive were exploited, conversely, to ensure the event was memorable and decipherable to the outside, and would remain so for future generations. The region backs up its claim that its point of view is universal by using investigative techniques that have been recognized as objective (research, science and archives). This last point, and the idea of “archaeology” formulated in Rezende’s curatorial proposal, also present in the title of Juraci Dórea’s exhibition, can also find echoes in Michel Foucault’s approach to the archive, expressed in The Archaeology of Knowledge (1969). The archive is the first law of what can be said, the system that governs the appearance of statements as unique events. But the archive is also that which determines that all these things do not accumulate endlessly in an amorphous mass (…): they are grouped together in distinct figures, composed together in accordance with multiple relations, maintained or blurred in accordance with specific regularities. (FOUCAULT, 2006)

16 The production of archives is thus organizational and leads to the emergence of epistemological categories.

The Authority of the Archive

17 There is an authority attached to the archive that generates discourse and produces meaning with regards to reality, whether past, present and even possibly future. By definition, an archive is a « collection of historical documents or records providing information about a place, institution, or group of people », according to Oxford Dictionaries 2016. Thus, by documenting a reality, one is also producing it, albeit a narrow version of it, restricted to what will be displayed to the outside world, thus limiting what can be said about it and imposing a hierarchy on it. The production of archives can help a place like Bahia establish a position from which it can speak to the world. It is also assumed that a biennial is a particular form of expression that is intelligible within the world of contemporary ideas and knowledge, as well as art market circuits, which allows for the formulation of certain representations to be officially recognized. The biennial’s heavy use of archival apparatus may be seen as a tool to add weight to the authority of its claims, setting the stage for the future validation of Bahia’s artistic production based on the visibility the biennial enabled it to benefit from. Moreover, by emphasising the existence of previous biennials, and by

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making it “archivally” clear, the organisers of this biennial prevent it from being relegated to the status of “yet-another-biennial-in-a-region-in-need-of-recognition,” and secures its right to speak. Therefore, despite the fact that the 3rd Bienal de Bahia sought to subvert the biennialization system, by adopting a different model and moving away from some of its classic strategies, it can be said that this biennial still operates within an international art framework and the legitimacy it requires to speak about itself is also grounded in the worldwide recognition (or disavowal) of the biennial format. This conclusion would cancel out any claim to its being transgressive, since its transgressive qualities would be thus seen as staged and thus fake.

18 Another argument that may be used to undermine the biennial’s attempt to be faithful to the Northeast’s current reality, and to have this reality be recognized, is that living culture, or living memory, does not need to appear in exhibitions or be “enshrined” in museums in the form of objects to legitimize its existence. This argument rests on the notion that museums are repositories, and that the objects they contain were chosen by a given generation to represent their idea of the past. French historian Pierre Nora provides an elaboration of this view in his article “Between Memory and History: Les Lieux de Mémoire” (1989). What he calls “lieux de mémoire” are all the objects and monuments that are invested with historical and symbolic meaning. Nora defines “lieux de mémoire” as “remains, ultimate embodiments of memorial consciousness”, which “make their appearance by virtue of the de-ritualization of our world – producing, manifesting, establishing, constructing, decreeing and maintaining by artifice and by will a society deeply absorbed in its own transformation and renewal” (1989: 12), and which “take the forms of Museums, archives, cemeteries etc.” (NORA, 1989: 12). He adds that “Lieux de mémoire originate with the sense that there is no spontaneous memory, that we must deliberately create archives” (12). Could the decision to mount a biennial to grant legitimacy to the culture of the Northeast be a sign of weakness, betraying the fear that without recognition these traditions face disappearance? As mentioned in the introduction, this biennial intended to oppose the discourses traditionally associated with the Northeast, by creating an event that would reassess the artistic history of the region and demonstrate its cultural vibrancy. And indeed, it can come off as an artificial historical construct, a way to force its way into world history in a position that differs from the one traditionally attributed to the region. The danger with historicizing culture is that living memory could be eradicated, “With the appearance of the trace, of mediation, of distance, we are not in the realm of true memory but of history” (1989: 8).

19 Also, as Ruth Rosengarten writes in her e-book essay “Between Memory and Document” (2013), the principle of indexicality on which the archive rests, “the trace of the unique, the differentiating imprint – not only governs the formation of an archive it also determines that which is archivable” (2013), and in accordance with Derrida’s “Archive Fever” (1996), she draws a parallel between the urgency of archive production and Freud’s death drive, defined as a “motion towards destruction as an awareness of the limits that time puts on us”, leading to the “archival desire as striving to halt the ineluctability of time’s passage, of destruction and death through erasure of difference between index as a sign and its referent” (2013). Because, according to Derrida’s reading of Freud, the “death drive” manifested by all civilizations, a tendency towards the repetition of trauma, leads to the erasure of internal memory, and the production of external stabilized archives comes to replace actual memory. She adds “The pitfalls

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faced by such endeavours are clear. Like the photograph, the archive itself may become a fetish when it ceases to be a repository of traces : in the inferential reconstruct of historical processes, becoming instead a surrogate for the missing thing itself” (2013). The danger with archives is thus twofold. The desire to openly build new archives in a thorough and careful way may be helpful in the sense that it allows for their meaning to be produced internally, provide insights as to how the documents should be interpreted and potentially prevents certain things from being forgotten. At the same time, building a catalogue that necessarily focuses on certain aspects at the expense of others, lending them more visibility and power, amounts to a display of arbitrary authority. Consequently, subjecting objects to such a process of exclusion leads to an incomplete representation of reality. Some of these objects might become fetishized, that is, become endowed with a sacred status, and through disproportionate respect, lose everyday relatability and their bond with social life.

“Repetition, not recollection”

20 The biennial curators seemed to be well aware of the controversial attributes of the archive, and tried to find ways to subvert its inflexibility. Suely Rolnik posits that archive politics have the “ability to enable the archived practices to activate sensible experiences in the present, necessarily different from those that were originally lived, but with an equivalent critical-poetic density” (2012 : 4). In this article, which deals specifically with Latin American examples, she argues that the fact that the repressive dictatorial regimes many Latin American countries had to face in the 1960s and 1970s led to the formation of specific modes of resistance and artistic expression, whose legacy is still relevant, and may still be re-actualised to fight contemporary battles (2012). I would like to focus here on this idea of translating past poetics into the present in order to revive a similar spirit of resistance, and the extent to which this was accomplished by the 3rd Bienal de Bahia. The idea of re-contextualising them in a contemporary setting is key. As expressed in Rolnik’s plea, these old fights have to be applied to contemporary reality, which comes with its fair share of challenges. In that sense, Oliva insists on it being a process of repetition, which implies active involvement, and not a recollection (OLIVA, 2014 : 51). The biennial’s opening exhibition, A Reencenação, which means the restaging/re-enactment, curated by Fernando Oliva was on display in the Mosteiro de São Bento, a monastery in Salvador, recasting some of the ideas that the previous editions of the biennial had originally put forth (Conselho Estadual de Cultura da Bahia ; 2014). Oliva insists that the point was not to create a show that presented objects as mere memorabilia, as an index of the period, which would objectify the events that took place in 1966 and 1968, reducing them to a set of relics. Instead, the show included new works by artists who participated in the former biennials, such as Almandrade, a visual poetry artists and major figure of the Bahian art scene since the 1960s, and the new generation of Bahian artists, such as Ana Verana, Arthur Scovino, Zé da Rocha, creating an active dialogue between past and present (2014 : 53).

21 Thus to re-enact the traumas of the period, through archival re-reading, was intended as more than a way to strong-arm their inclusion in official art history. By re- contextualizing the works of the period or publishing testimonies in a dialogue with contemporary productions, the re-enactment would perhaps allow the public to come

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to terms with these traumas. Thus, making the archives accessible to the public would hopefully encourage people to engage with them and deal with what they represent, granting visibility to some of the historical contradictions they reveal. One project, curated by Ana Pato under the Archive and Fiction Working Group and exhibited in the State Archives building, commissioned contemporary artists such as Eustaquio Neves, Gaio Matos and Paulo Bruscky, as well as researchers to work with materials from the Public Archives of the State of Bahia, the collection of the Anthropological and Ethnographic Museum Estácio de Lima, the Public Library of Barris and the Juracy Magalhaes Junior Library in Itaparica (CURATORIAL TEAM, Journal of 100 days ; 2014). Many judicial and legislative documents from the colonial period were re-appropriated and displayed, bringing to light some of the problems that forged Bahian society.

Ephemeral Truths and State of Creativity

22 In the biennial, there is also a clear desire to prevent tendencies to create fixed discourses about the Northeast. As previously mentioned, exhibitions sets were organized under the umbrella of “The Imaginary Museum of the Northeast.” One of the strategies the 3rd Bienal da Bahia used to avoid mounting a set of exhibitions that would act as an authoritative catalogue or folkloric showcase of the Northeast was to insist that the main exhibition device was “imaginary,” fictional. The exhibition themes were chosen because they addressed issues afflicting the Northeast, but as with the biennial’s statements in general, they are open-ended and their authority is intentionally ephemeral. They did not even coexist as a coherent and graspable whole, because they were scattered in spaces across various locations. In designing the imaginary museum, the curatorial team had a specific reference in mind (Rezende, Revista Contorno ; 2013 : 57), the Belgian artist Marcel Broodthaers and his Musée d’Art Moderne : Département des Aigles (1968-1971), which was also an imaginary museum that did not belong to a particular space. “It had neither permanent collection nor permanent location, and manifested itself in ’sections’ appearing at various locations between 1968 and 1971. These sections typically consisted of reproductions of works of art, fine-art crates, wall inscriptions, and film elements” (MoMA ; Artists pages, Broodthaers : 1999). The idea of an imaginary museum also stemmed from an examination of the role of museums as “heterotopias,” in Michel Foucault’s words, that is, as repositories for utopias, where an illusion of order and power over reality is created (rezende, Revista contorno ; 2013 : 57) (FOUCAULT ; “Of Other Spaces” 1986). Exhibition spaces were thus understood as temporary readings of certain realities, dependent on the objects that were shown and on contingent elements related to the manner in which they were displayed. The insistence on being allowed to incorporate fictitious archives in exhibitions has been widely discussed in recent times. Critic Hal foster formulated some of the leading thoughts on the subject. In his article “An Archival Impulse,” he writes that archival reconstruction takes as a given that its materials are “as found yet constructed, factual yet fictive, public yet private” while it “assumes its anomic fragmentation as a condition not only to represent but to work through, and proposes new orders of affective association, however partial and provisional, to this end, even as it also registers the difficulty, at times the absurdity of doing so” (FOSTER ; 2004 : 21). Instead of using the ar chive as a tool to make a statement authoritative, what is valued here is its capacity to generate relationships. It attests to a desire to find connections between things that may not be apparent and not even necessarily real, but which would amount

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to one of many poetic ways in which it is possible to see the world, but which should nonetheless be remembered, and therefore documented.

23 And, according to several critics, the particular shape this type of practice has taken in the last decades is often taken to be symptomatic of our times, which are characterised by an incessant flow of information and images, and inevitably linked to the forces of globalisation, as already expressed in 2002 by French art critic Nicolas Bourriaud in his much commented essay “Postproduction : Culture as Screenplay : How Art Reprograms the World” (2002). These factors account for the current tendency many artists have of using the archive to create narratives that are increasingly personal or removed from any notion of objectivity or truth, focusing instead on the present, the moment, on a given time and place, which is considered to be the only thing art can potentially have an impact on. By inscribing the work of art within a network of signs and meanings, instead of considering it as an autonomous or original form, by finding ways to fit it into countless production lines (BOURRIAUD ; 2002 : 18), through possible scenarios, the work gains clarity but not necessarily authority. Bourriaud adds that, more specifically, art tends to try to give shape to invisible processes, to shed light on the relationships between things, functions and processes, but no longer as objects, “which would be to fall into the trap of reification” (2002 : 32) and fetishization mentioned earlier in this essay, but as mediums of experience. Bourriaud adds that the work of art may thus consist of a formal arrangement that generate relationships between people, or be born of a social process and sees this tendency as a symptom of the “culture of activity” (2002 : 44) that we live in : It is a matter of seizing all the codes of the culture, all the forms of everyday life, the works of the global patrimony, and making them function. To learn how to use the forms, as the artists in question invite us all to do, is above all to know how to make them one’s own, to inhabit them (…) This recycling of sounds images, and forms implies incessant navigation within the meanderings of cultural history, navigation which itself becomes the subject of artistic practice (BOURRIAUD ; 2002 : 19).

24 This approach to artistic creation implies a belief in the power of artistic productions to embody or to express certain aspects of collective culture and cultural creativity, and by extension, in the power of biennials to unleash this potential in their deployment of artworks, in order to generate new social and cultural situations. In other words, in the case of the Bahia biennial, this would mean creating spaces for people to embrace creativity as a subversive tool through the exploration of past poetics of resistance in a way that is not dogmatic but open-ended, as an acknowledgment of the instability of contemporary reality.

25 The idea of inhabitable situations was fundamental to the 3rd Bienal de Bahia project. It required that the visitors be physically involved in the biennial, and this could be achieved by physically investing the spaces already inhabited by the population, leading to unavoidable interactions. The shows were not concentrated in one or a few big exhibition halls, but in various locations around the city, leading to a (re)discovery of Salvador as a spatial reality. This strategy consisted in invading space with art. The MAM-BA was the designated nucleus of the biennial, but its program consisted of the “Imaginary Museum of the Northeast” exhibits, film screenings, conferences, the artistic occupation of a church by artist Arthur Scovino, as well as artistic projects in Terreiros (Candomblé sites of worship) - by Nuno Ramos, all obeying the basic principle of a “living reality.” Visitors were invited to take an active part in their experience of

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the biennial, not just by visiting the exhibitions but also by participating in workshops, events such as concerts, shows, film screenings, in a context free of any hierarchy. Also, the duration of the biennial was divided in 3 periods (“temporadas”), each comprising different sets of events that were meant to embody the notion of active process rather than fixed discourse. All of this contributed to mapping out an archaeology of Bahia, but not a fixed one. Rather, these temporal divisions were meant to enhance potential encounters with Bahia as a place, each being potential scenarios. This emphasis on experiencing the biennial as a living process was an idea manifest in how the biennial unfolded, and expressed by artist Juarez Paraiso as “The Northeast is a human experience” (in Rezende ; Curatorial Project ; 2014 : 7). Rezende explained that, for example, the artistic occupation of a church by Arthur Scovino led to unusual encounters between the church community, the artist and contemporary art forms, which, in turn shaped the direction of the work (REZENDE, Personal communication ; 2014)8. The occupation of the Teatro Castro Alves by artist Luis Bérrios-Negron also illustrates this idea of “potentiating social doings” (JONES ; Catálogo Tear do Terreiro ; 2014 : 34). The artist developed The Weaver with help from a Terreiro leader as a way to question notions such as time, the relationship between men and nature, sacred space, etc. The concept consists of an urban garden on the rooftop of the Castro Alves theatre, where medicinal herbs were to be planted to heal society while also providing “a political re-imagination of public space in Salvador” (Berrios-Negron ; Catálogo Tear to Terreiro ; 2014 : 43). Berrios-Negron explains, “This potential, mental landscape and medicinal garden looks to instigate public reform for the benefit of the city”. What is suggested here is the capacity of art to act upon political and social reality, through the creation of community projects that make sense for the communities that get involved in them, to make participants more aware of these problems and willing to help solve them. This brings us back to this idea of fostering creative activity through the dissemination of art inside Bahian archaeological sites.

26 Both Arthur Scovino’s and Luis Berrios-Negron’s projects were curated by Alejandra Muñoz. Both entailed a fusion of art and spirituality, one in a church, the other through a collaboration with a religious leader. This blurs the limits between the realms of the sacred and the profane, in which contemporary art usually belongs. The biennial exhibits seems to imply that art possesses a certain potency for social healing. Through the re-enactment of memory in exhibitions, the creation of situations where visitors, and Bahian visitors in particular, are made to face the realities of the world they live in or take part in artistic activities that invade public space, contemporary art could lead to social transformation. Thus, the biennial also provided an opportunity for people to meet in public spaces and create meaning through their participation. The fact that this biennial exhibited works associated with contemporary art practices, yet took place in locations with no museum affiliations where contemporary art was not traditionally shown led to the participation of people that would not normally take part in artistic ventures. By involving the public and creating a narrative that could make sense to them, the biennial was also trying to break down the rigidity of Bahia’s social organisation, where museum attendance and other art-related activities are not traditionally accessible to all strata of society (REZENDE ; Personal communication, 2014). This explains the importance allotted to the educational department, and the central role it played in the biennial experience.

27 The biennial, following Bourriaud’s ideas, attempted to reprogram social forms and the exhibition as a production site (2002 : 74). Designed as an active social institution that is

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not restricted to the elite, the biennial sought to position the inhabitants of Bahia as conscious actors in a culture in the making. The biennial itself, then, acts as a stage where established cultural codes are transgressed through creativity, leading to various possible scenarios in which to better one’s life.

Conclusion

28 In this essay I have tried to examine some of the forms and implications of the extensive use of archives found in the 3rd Bienal da Bahia, and how this documenting process allowed for certain forms of transgression to occur in the contemporary context of Bahia. In some respects, when producing archives, it is very difficult to sidestep the adoption of a position of authority, even when it is precisely what they are meant to subvert, and the desire to stage transgression in such a way may appear paradoxical. This is also because, however fictional and unauthoritative the archival endeavours of the biennial were intended to be, they were nevertheless designed in accordance with a perceived reality in which certain elements were favoured over others. It remains to be seen whether such attempts are worthwhile, but the arguments for doing may sometimes appear stronger than the problems that arise from it, because at least, it allows for conversations to emerge. Suely Rolnik writes that “Artistic, critical, curatorial, museological and archiving activities must be thought through the forces that determine them at each moment” (2012 : 18), and this was certainly a precept that the curatorial team complied with. The 3rd Bienal da Bahia also raised questions about the ability of art and art events in general to really have an impact on community realities, as to the curatorial board of this biennial, it was worth harnessing art’s potency to produce a kind of “historical healing” through active remembrance of the past, and confrontation with the reality of the present. Gerardo Mosquera, one of the founders of the Havana biennial wrote that art is probably a “precious means of dealing with cultural disjunctions and finding orientations” (2008 : 91), and if anything, the biennial did in fact seek to provide Bahia with the opportunity to determine what it could contribute to the global art world : by seeking to involve the people of Bahia in this process, through important mediational and educational projects, the biennial provided a different biennial model, one that was grounded in the reality of life in the Northeast. By investing spaces used everyday by local inhabitants, ordinary configurations were altered and recombined in new ephemeral realities (REZENDE, Journal of 100 Days, 2014) Some actions by the biennial’s educational board also sought to get people actively involved through for instance the “Guerrilla Actions” undertaken by mediators to engage with people on the streets, in schools or restaurants, doing performances and getting them to react to the theme of the biennial (EDUCATIONAL DEPARTMENT OF THE 3RD BAHIA BIENNIAL, Journal of 100 days, 2014). It is possible to imagine that the traces of these unusual interactions will remain inscribed in the memory of the people who took part in it, and create new possibilities, or ways of seeing the world.

29 Moreover, people did get involved, in the biennial process. The recruitment of mediators allowed for people who were not familiar with discussions about art, history, society and education to get involved in a project about these questions for the first time, and to develop, together with the board, a new kind of knowledge appropriation (REZENDE, Journal of 100 Days, 2014). Similarly, as Itala Herta, in her commentary on

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the work she conducted in the suburbs of Salvador for the biennial, describes how it allowed for local inhabitants to make a visible contribution to the cultural life of the region. The aim was to make this usually invisible space visible on the map, and link the local inhabitants with the art circuit, which was unprecedented. Herta writes that there was a lot of mobilization and that the community got actively involved. A new way of working may have been implemented in Bahia. For instance, some workshops developed for the biennial, such as the gardening workshop, attended by hundreds of students during the biennial, have been integrated the permanent program of the Museum of Modern Art (WHITE-TORO, Journal of 100 Days, 2014).

30 Thus the 3rd Bienal da Bahia experience, through efforts to reflect on its own past, and by highlighting certain aspects of life in the Northeast, sought to convey the image of a multifaceted Northeast, but most of all a Northeast that is alive and active in the writing of its own history. With regards to the negotiation of the Northeast’s condition as universal, the biennial argued that the issues at play in the Northeast are universal and can legitimately resonate with other communities worldwide, despite the region’s peripheral location. Working with an existing reality allowed for the emergence of an artistic practice anchored to a place, with its specific history and distinctive cultural identity, but which is dynamic and alive. This is what Mosquera meant when he quoted Nigerian writer Wole Soyinka and his critique of Négritude : “the tiger does not shout its tigritude : it pounces” (MOSQUERA, 2008 : 91). What is on display is a cultural context embodied by the agents that have an active part in its construction rather than by fixed images. The result is unpredictable and the resulting archives should not become traces of the objects to be fetishized as remnants of the event that was the 3rd Bienal da Bahia, but traces of the thoughts that made it possible, in such a way that they may become rich source materials in the future (Curatorial Team ; Journal of 100 Days). The 3rd Bienal da Bahia can be interpreted as representative of a current trend in contemporary archival practices : a utopian will to create a state of active creativity, away from a notion of history as solely authoritative. This interpretation by Hal Foster seems to apply here : “Perhaps the paranoid dimension of archival art is the other side of its utopian ambition – its desire to turn belatedness into becomingness, to recoup failed visions in art, literature, philosophy, and everyday life into possible scenarios of alternative kinds of social relation, to transform the no-place of the archive into the no-place of the utopia” (FOSTER ; 2004 : 22). Thus by rectifying the tragedy of the censorship imposed on the past Bahia biennials, contemporary Bahia paves the way for the potential emergence of a brighter future, whose favourable outlook would be grounded in the space it created to enable individual creativity and criticality to emerge.

31 Suely Rolnik provides some insight on the matter : “What art can do is release the poetic virus out in the open air. And that is at least something, in the midst of struggle between the different forces that shape the provisional forms of reality in their never- ending process of construction” (2012 : 18). That the 3rd Bahia biennial intended to disseminate a critically poetic vision of the world seems evident. However, whether audiences and Bahian elites recognized the importance of doing so is debatable as, despite being originally programmed for summer 2016, the 4th Bahia biennial was cancelled. As Ana Pato explained, the biennale received little critical attention within Brazil, and it is almost as if the past oblivion it sought to rectify had instead been reenacted (PATO, Personal communication ; 2016)9. The website of the 2014 biennial is no longer online, although the ebooks associated to the exhibitions can still be

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downloaded on the platform Issuu. The digital traces of the event have thus been partially destroyed, bringing to light a structural unwillingness to give importance and credibility to the ideas the biennale sought to communicate in Bahia. The very fact that the event was once again denied visibility calls for more analysis of the current political context of Brazil in relation with the arts, and suggests that new strategies have to be found by those seeking to use art as a way to subvert traditional discourses. Only time will tell if the memories left by the biennial and the alternative model it sought to propose will prove useful to future generations in developing those strategies.

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NOTES

1. Personal interview with Ayrson Heráclito, 16/06/2015, Lisbon. 2. Personal interview with Ayrson Heráclito, 16/06/2015, Lisbon. 3. Personal interview with Marcelo Rezende 12/09/2014, Salvador. 4. Personal interview with Ayrson Heráclito, 16/06/2015, Lisbon. 5. Personal interview with Marcelo Rezende 12/09/2014, Salvador. 6. Personal interview with Marcelo Rezende 12/09/2014, Salvador. 7. Personal interview with Marcelo Rezende 12/09/2014, Salvador. 8. Personal interview with Marcelo Rezende 12/09/2014, Salvador. 9. Personal interview with Ana Pato 12/09/2016, São Paulo

ABSTRACTS

This article looks at the means deployed by the 3 Bienal da Bahia (2014) to re-enact the spirit of transgression that defined its previous editions, which took place in the 1960s at a time of political turmoil in Brazil, and questions the ability of artistic events to affect political resistance through the subversion of established codes. The Bienal was conceived as an archive-in-progress, and this article examines the potential of the archive as a transgressive tool. It provides an overview of the structure of the event, from its curatorial project to its actual execution, analysing it in the light of theoretical insights into contemporary exhibition making and archive politics.

Este articulo se interesa a los medios puesto en obra por la 3era Bienal de Bahia del 2014 para volver a poner en escena el espíritu de transgresión que caracterizaba sus ediciones precedentes, que tuvieron lugar en los años 1960, en un periodo especialmente delicado en la historia política brasileña ; surge la pregunta de saber si los eventos artísticos pueden o no contribuir a la resistencia politica, mediante la subversión de los códigos establecidos. Esta bienal esta pensada como un archivo en construcción, y se tratara de discutir sobre la capacidad del archivo para transgredir. Este articulo propone entregar una visión general de la estructura del evento, analizada a través de miradas teóricas sobre la organización de exposiciones contemporánea y de las políticas del archivo.

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INDEX

Palabras claves: archivo, transgresión, bienal, dictadura, creatividad, Bahia, Brazil Keywords: archive, transgression, biennial, dictatorship, creativity, Bahia, Brazil

AUTHOR

ADIVA LAWRENCE

École des Hautes Études en Sciences Sociales, Spécialité Arts et Langages adivalawrence[at]gmail.com

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Art vidéo, corps, espace public et télévision: les tranchées et les Institutions au Brésil et au Chili des années 1980

Tálisson Melo

Remerciements spéciaux à la PRO-PG/UFJF pour la bourse de stage ; à la directrice du Centro de Documentación de las Artes (Centro Cultural la Moneda, à Santiago du Chili), Soledad García, et son secrétaire, Sebastián Valenzuela Valdivia, pour l’aide avec la documentation ; et à mes amis, Isabela Bianchi, Danilo Lovisi et Gerardo Perfors-Barradas pour la révision attentive du texte.

Introduction

1 Cet article vise à rendre compte des premiers résultats issus d’une période de stage de recherche accomplie au Museo de Arte Contemporáneo de l’Université du Chili (MAC - U. Chile), pendant laquelle j’ai analysé des rapports consacrés aux discours à propos des arts visuels chez les critiques d’art chiliens pendant les années 1980. Pour l’instant, ceci n’est qu’un moyen de diffusion de mes premières réflexions sur le matériel rassemblé. Il s’agit d’un espace où les questionnements sont bienvenus et par lequel je structure de manière critique le contexte d’émergence de l’art vidéo au Brésil et au Chili.

2 Sachant que je réalise une recherche sur l’art brésilien, le contact avec des archives, des chercheurs et des textes sur l’art chilien m’ont incité à mettre en parallèle les réflexions sur les cas de ces deux pays. J’utilise les notions du « champ artistique » de Pierre Bourdieu et celles sur les « mondes de l’art » d’Howard Becker comme outils pour aborder les contextes de production, médiation, diffusion et légitimation artistiques. Le concept de “champ” comprend un espace de dispute entre les acteurs qui l’occupent. Autrement dit, l’idée de “mondes” soutient la perception des consensus érigés à partir d’un réseau d’actions collectives. Ayant en tête ces deux approches, l’art

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peut être vu comme inséré dans un espace de disputes et d’interactions où sont mis en cause le pouvoir de légitimation de ces objets et le consensus socialement construit.

3 Partant d’un groupe de manifestations qui utilisent la vidéo comme forme d’enregistrement et qui ont eu lieu dans la rue ou pendant des évènements institutionnels ouverts au public, je propose une réflexion sur la participation des critiques d’art dans la dynamique d’institutionnalisation de l’art vidéo à Rio de Janeiro (Brésil), São Paulo (Brésil) et Santiago du Chili. Les œuvres abordées ici ont été reconnues par des critiques d’art ou des institutions artistiques grâce à leur potentiel transgressif ou, comme le propose la sociologue Nathalie Heinich grâce au fait qu’elles aient été considérés comme des expériences des limites - dans ce cas, entre l’art, la politique et la morale. La conception de l’art contemporain comme un nouveau “paradigme”, proposée par Heinich, permet de voir les textes de ces critiques sous l’optique d’un processus de construction de l’identification de ces manifestations, avec la vidéo, comme des œuvres d’art, ou même comme « des icônes de l’art contemporain » (2014 : p. 320).

4 Dans la première partie du texte, j’observe l’art vidéo au Brésil et au Chili en rapport avec l’art contemporain international produit entre les années 1960 et 1970, en en mettant l’accent sur certains artistes et critiques d’art, et les institutions qui ont jouée des rôles importants dans ce processus. Ensuite, j’aborde et mets en parallèle les cas brésilien et chilien des années 1980.

Les voies de l’institutionnalisation

5 L’histoire de la présence de l’art vidéo en Amérique Latine est pleine de contaminations, nomadismes et marginalités ; ce parcours aux aléas divers est compréhensible si l’on observe l’atmosphère de conflit - censure, répression, résistance, dissidence, engagement et isolement - qui caractérisa l’environnement socio-politique, économique et culturel des différents pays de la région. La plurifonctionnalité et l’ambiguïté de la vidéo en tant que moyen d’expression et expérimentation artistiques lui ont permis de prendre la place de de « fils prodigue de l’espace audiovisuel »1 du sous-continent, selon l’historien de la communication Hernán Dinamarca (1990 : 15). Elle se rapporte simultanément à l’industrie culturelle et aux objectifs de promotion des groupes ethniques et sociaux subordonnés ainsi qu’à une pratique de communication innovante entreprise par des différents acteurs sociaux agissant au niveau de la production et de la circulation des images électroniques indépendantes des chaînes télé officielles.

6 Depuis la seconde moitié des années 1960, des artistes de différentes générations, actifs dans les centres urbains Latino-américains, ont exploré la vidéo dans leurs expérimentations (MACHADO, 2010 : 25). Cet intérêt a dégagé la voie d’un langage qui s’est vivement développé en dialogue avec les évolutions technologiques du médium, les manifestations de débordement des subjectivités et les conflits entre les interprétations publiques et les intentions privées.

7 Pendant les années 1980, la vidéo entame le processus d’occupation de l’espace public en Amérique du Sud. Cette décennie correspond à la période pendant laquelle des États sud-américains tels que l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, le Paraguay et l’Uruguay étaient sous l’emprise de dictatures civiles et militaires (la durée varie selon le pays). Les médias ont joué un rôle clé sur la propagation du discours officiel des

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gouvernements dictatoriaux au pouvoir. Le cas de la télévision est d’autant plus remarquable puisqu’elle est reçue par les citoyens au sein de leur foyer. Au Brésil et au Chili, l’investissement dans l’infrastructure des télécommunications s’accrut significativement tout au long des années 1970. En 1980, les dispositifs de télévision ont connu une importante expansion et se sont vite établis comme la principale source d’information, marquant ainsi leur suprématie dans la vie quotidienne, la mémoire et l’imagination collectives qui ont été reconfigurées à partir de ce nouveau moyen d’intégration nationale. Malgré l’effondrement des dictatures du Cône Sud au cours de cette décennie, on peut observer une transition vers le régime démocratique qui ne secoue pas le rapport idéalisé aux régimes dictatoriaux puisque l’image d’une dictature sans la mémoire des exilés, des persécutions, des autodafés, des tortures et des censures s’impose encore.

8 L’analyse de la production en art vidéo de la période en question m’a permis de diriger mes recherches sur le processus d’historisation qui a suivi l’institutionnalisation du médium vidéo dans le monde de l’art sud-américain. Tout en tenant en compte l’affirmation du vidéo artiste Bill Viola (États-Unis, 1951) : In 1974, people were already talking about history, and had been for a few years… Video may be the only art form ever to have a history before it had a history. Video was being invented, and simultaneously so were its myths and culture heroes. (VIOLA cité par STURKEN, 1990 : 102).

9 En fait, l’expérimentation avec la vidéo a connu une période d’intensification pendant les années 1960 et au cours de la décennie suivante. Connectée aux différentes notions d’art conceptuel et développée dans le champ élargi de la sculpture, la peinture, le théâtre, la danse et le cinéma, la vidéo a permis de donner vie à de nouvelles manifestations artistiques telles que le happening, la performance, l’art postal et les new media art. Ainsi, en plus de reconnaître cette nouvelle dynamique, je cherche à comprendre comment s’est érigé l’espace institutionnel propice à la circulation de l’art vidéo et comment ce processus était raconté à l’époque par des médiateurs, tels que des commissaires d’exposition, des critiques, des historiens et certains artistes porte- paroles.

10 Les études concernant à la vidéo dans une perspective historique font mention du groupe Fluxus (Allemagne, 1961-1978) qui apparaît comme étant l’un des grands diffuseurs des pratiques d’appropriation de la vidéo aux installations et performances. En effet, le tout premier développement de ce langage résulte de la rencontre de l’Amérique du Nord et de l’Europe Occidentale - un axe géopolitique où les institutions culturelles ont accueilli l’art vidéo, les installations et les performances élaborées au cours des années 1970 au sein de l’art contemporain (QUARANTA, 2013 : 37-39).

11 Quoique face à des conditions plus précaires qui ont peut-être ralenti le développement, la recherche et l’expérimentation artistique sur ce domaine, certains artistes et les médiateurs culturels en Amérique Latine ne sont pas restés à côté de ce nouveau mouvement : en prenant en compte le potentiel de ce médium, ils l’ont exploré comme ils pouvaient. Une réflexion consciente sur les aspects et les limites du médium, son rapport à l’industrie culturelle et les médias, les voies d’inclusion sociale et les différentes approches des questions d’ordre politique, esthétique et subjective, ont donné le ton des discussions autour de la vidéo, de sorte que l’écriture de l’histoire de l’art vidéo en Amérique Latine ne peut pas se passer de ce processus2.

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12 D’après le texte écrit par l’historien de l’art Walter Zanini3 (Brésil, 1925-2013) pour le catalogue de l’événement « Primeiro Encontro Internacional de Vídeo-arte » au MIS (Museu da Imagem e do Som, São Paulo) en 1978, la vidéo avait une portée universelle qui allait au-delà des pays développés. Il a aussi conclu ce texte en disant que les noms d’un ensemble d’artistes brésiliens et du « Grupo 13 » d’artistes argentins, par exemple, devraient être ajoutés à la liste des grands de la « génération classique » de l’art vidéo. Cela comprenait, en plus de Nam June Paik (Corée du Sud / États-Unis, 1932-2006) et Wolf Vostell (Allemagne, 1932-1998), une longue série d’artistes de différentes nationalités et d’une assez récente consécration dans la scène artistique internationale, « […] qui se sont engagés à des différentes échelles d’intérêt sur la communication par le biais de la vidéo »4 (Zanini, 1985 : 87-88) : parmi eux, Bill Viola (États-Unis, 1951) et Fred Forest (Algérie/France, 1933).

13 Son positionnement tout au long du texte met en évidence le besoin d’une déconstruction de l’historiographie de la production en art vidéo, à partir d’une réécriture qui engloberait la configuration géopolitique du champ artistique depuis d’autres points de vue (au delà de ceux des pays développés). Son avis s’ajoute à ceux d’autres critiques, théoriciens et historiens de l’art tels que Nelly Richard (France / Chili, 1948), Jorge Glusberg (Argentine, 1932-2012), Juan Acha (Pérou / Mexique, de 1916 à 1995) et Nestor Olhagaray (Chili, 1946), qui se sont consacrés à penser et à raconter l’art vidéo in process depuis les périphéries latino-américaines, véritables « arènes culturelles »5 (MORSE, 1984).

14 Ces agents médiateurs, critiques et historiens de l’art, ont souvent travaillé comme directeur de musées et de centres culturels, comme organisateurs de biennales et de festivals, et comme commissaires d’expositions : en même temps qu’ils cordonnaient l’ouverture des espaces à la circulation des nouveaux langages artistiques, ils s’investissaient à rendre visible ces œuvres, entreprenant, pour ce faire, la tracée de l’histoire de l’art vidéo en Amérique Latine. Ils ont considéré les spécificités du contexte politique et social, soit de la période dictatoriale, soit de la transition vers le régime démocratique, soit des premières années de la démocratie rétablie.

15 Si le récit composé par ces voix, « périphériques » par rapport aux échanges entre l’Europe et l’Amérique du Nord, a collaboré à fixer les contours généraux d’une histoire de la vidéo en tant que médium d’expression artistique, il n’a pas échappé au pouvoir normatif du récit hégémonique et « central »6. D’autant plus que la question de l’expérimentation en vidéo ne s’est posée qu’au fur et à mesure de l’incorporation de certains principes structurants du discours central, en élisant des « pionniers », des « héros » et des « héroïnes » dans chaque pays – à savoir : Juan Downey (1940-1993), Carlos Delpino Flores (1944) Lotty Rosenfeld (1943), Alfredo Jaar (1956), Diamela Eltit (1949) et Carlos Altamirano (1922), au Chili ; Analívia Cordeiro (1954), Leticia Parente (1930-1991), Anna Bella Geiger (1933), Gabriel Borba Filho (1942) et Antonio Dias (1944), au Brésil9. Ces voix ont retracé l’évolution de l’art vidéo à partir d’une perspective institutionnellement fondée et technologiquement déterministe, mettant en valeur les réalisations de certains artistes dans un domaine qui était extrêmement diversifié (STURKEN, 1990 : 102).

16 Beaucoup d’entre eux envisageaient la vidéo comme un outil pour lequel manifester leur révolte contre la mise en place de la télévision commerciale, un caractère idéologique propre à la production de l’art vidéo et à son historisation, soit du point de vue des artistes nord-américains et européens qui l’ont adoptée comme voie expressive

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de participation aux importantes transformations sociales qui ont eu lieu aux années 1960 et 1970, soit par la vision des artistes sud-américains qui ont assisté à la large diffusion de la télévision dans le pays, la télévision accaparer des vastes territoires et y véhicule du discours de légitimation du pouvoir discrétionnaire (COCCHIARALI, 2006 : 67).

17 Certains artistes et critiques ont émis une opinion défavorable vers ceux qui se sont investis dans les segments commerciaux de la télévision ; encore que l’idée du langage artistique comme expérimental et autonome eusse été dessinée le long des deux décennies précédentes (BAIGORI BALLARÍN, 1997 : 42 / FREIRE, 2006 : 53), elle a été défendue davantage aux années 1980. Entre les brésiliens et d’autres latino-américains on observe des intérêts soit sur les idéaux structurelles, soit (et spécialement) sur ce qui concerne l’approche des problèmes de contenu. […] tous deux tenant à critiquer la télévision et sa force d’impact sur des larges parties des populations culturellement défavorisées. (ZANINI, 1985 : 91, avec notre traduction).

18 Lors de leurs pérégrinations, ils ont mis en question la limite de la pratique de documentaristes, sculpteurs, chorégraphes, cinéastes, poètes, performers, photographes, musiciens, ingénieurs, cinéastes et groupes de théâtre, en défiant les catégories traditionnelles auxquelles les musées, les archives et les galeries étaient habitués. (VIDAL, 2012 : 48). Ce rapport est évident dans les discours de quelques-uns des médiateurs mentionnés7 : L’occupation réitérée au sein des vidéo-installations d’une télévision allumée avec la programmation régulière (notamment Leppe et Altamirano) et les citations de ces émissions (Dittborn) fait preuve de l’attention que ces artistes consacraient – dès le début -– au rapport vidéo / télévision. (RICHARD, 1986b : 18, avec notre traduction)

19 Les expérimentations en vidéo ont été incorporées aux pratiques conceptuelles des artistes qui cherchaient l’espace potentiel de projection de leurs corps, leurs voix, leurs désirs, leurs idéologies, leurs utopies et leurs cartographies. À travers des langages contingents, comme la performance, l’installation, l’art corporel et d’autres manifestations qui échappent à toute tentative de catégorisation, ces artistes énonçaient les multiples couches de signification qui ont stimulé le processus de création de leurs œuvres. La vidéo a souvent été employée comme un moyen d’enregistrer des actions éphémères et de les immortaliser, et non pas seulement comme des moments ad hoc – un nombre non négligeable de ces actions a été spécialement pensé pour la vidéo. Dans de nombreux cas, elle est devenue le principal vecteur de diffusion de ces oeuvres (éphémères à la base), ainsi qu’un élément de leur décor et même en tant une partie composante de l’espace des installations. L’accès aux nouvelles technologies, de plus en plus à la portée de tous, a considérablement impulsé le développement du langage vidéo qui a désormais été incorporé comme l’objet, le signe, le support, la surface et le stimulant de leurs poétiques.

20 Quand Nelly Richard propose une définition du terme « video-arte », elle souligne le privilège de la « valeur autosignificante de ses formes et procedure » (RICHARD, 1986b10 : 3). Cette valeur a imprégné le discours artistique au Chili, au Brésil et dans d’autres pays sud-américains à travers différents textes (certains déjà mentionnés ci-dessus) et s’est matérialisée sur les corps esthétiquement et politiquement actifs des artistes. Ils ont expérimenté les intersections entre l’homme et la machine, le subjectif et le collectif, le réprimé et le débordé, la tradition et les transgressions. « Ainsi, le discours difficile et

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tortueux, et le point de vue non-familier, empêchent la participation innocente et exigent l’engagement du lecteur / spectateur pour déchiffrer le ’texte’« (MACHADO, 1984 : 112, avec notre traduction).

21 Le langage hybride qui a surgi de l’émergence de l’art vidéo (remarquons la pluralité des définitions : vidéo-sculpture, vidéo-théâtre, vidéo-danse, vidéo-installation, vidéo- performance, vidéo-poème…), le place toujours à la lisière, le met dans un endroit de transit(ion), de médiation et de dialogue direct et intensif avec le contemporain. C’est pourquoi sa caractéristique de « pensamento ao vivo » (En traduction littérale : « pensée en direct », mais l’expression en portugais a aussi le sens de « pensée vivante ») (BRASIL, 2009 : 22), est intimement liée à l’essai, dans le sens proposé par Theodor Adorno dans son texte « Essai comme Forme » : « La loi formelle la plus profonde de l’essai est l’hérésie » (ADORNO, 1984 : 29).

22 Ces artistes qui ont eu la vidéo comme mode d’expression ont pu « l’attaquer de différents côtés » (BENSE cité par ADORNO, 1984 : 21), y penser, la (re)formuler, douter, la nier, la confirmer, la répéter, l’interroger et s’équivoquer dans un processus d’autocréation, concrétisé en forme d’action, d’image et de texte.

23 Afin de rendre notoire le rapport que j’identifie entre les expérimentations en vidéo et l’essai, je voudrais braquer le projecteur sur la puissance de l’écriture dans la production chilienne de la période concernée (GODOY VEGA, 2012 : 101-144) : la relation des critiques d’art, des essayistes, des romanciers, des dramaturges et des groupes de théâtre avec des plasticiens a mis en place une fructueuse réunion de poétiques, assimilant la lecture d’une théorie contemporaine encore méconnue pour exploiter des nouveaux enjeux esthétiques, politiques et subjectifs.

24 L’exemple fondamental de cette relation se trouvait dans les actions proposées conjointement par Jaar et l’essayiste Adriana Valdés (Chili, 1943), entre 1979 et 1981 comme Estudios Sobre la Felicidad qui a abouti à un ensemble composé d’interventions, d’installations vidéo et de leurs dossiers. Il a également compté sur un essai de 1981 signé par Valdés, Obra Abierta y de Registro Continuo (VALDÉS & JAAR, 1999), dans lequel apparaît minutieusement les éléments qui composent et articulent les interventions, donnant les clés de compréhension de la vidéo comme un mécanisme associé aux pratiques et aux valeurs de la structure sociale tout en renforçant la subjectivité humaine, dispositif central pour comprendre les relations fondamentales entre l’individu, la société et la culture dans un moment historique déterminé.

25 Pour confirmer la pertinence de la relation que je propose, je cite ci-dessous le fragment d’un des textes de l’artiste brésilienne Anna Bella Geiger, écrit à l’époque où elle a commencé à travailler avec la vidéo, à la fin des années 1970 : […] Il y a plusieurs manières d’aborder la vidéo. Dans le cas de mon travail, mon approche n’est pas esthétique, cela n’a aucun intérêt pour moi, de concevoir la vidéo par ce biais. Dans mes premières œuvres j’ai employé la vidéo comme un support qui me permettait de travailler certaines situations qui m’intéressaient à l’époque. Après, ce mode d’emploi a été remplacé par mon désir de faire de la vidéo le porte-parole d’une série d’idées que j’ai également développées hors du langage de la vidéo, comme par exemple les livres avec des cartes. Je tente de transmettre un certain nombre d’idées sur la situation de l’artiste dans le marché de l’art, parfois en utilisant un langage humoristique ou ironique. D’autre part, la vidéo démystifie encore plus la valeur du produit. En même temps, l’utilisation du temps présent dans la vidéo fonctionne en vertu d’une conscience critique de la télévision commerciale. (GEIGER, 1977, cité par JAREMTCHUCK, 2007 : 122. Avec notre traduction)

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26 Pour ces cas en question, les œuvres en art vidéo (vues comme des essais, des expériences critiques et poétiques) font partie d’une stratégie de démantèlement qui vise à creuser le discours étanche aux traumatismes de la violence et de la répression des régimes politiques. Par conséquent, ce sont des œuvres qui expriment le fort lien entre l’esthétique et la politique (MACHUCA 2006 : 65-71).

27 L’art vidéo entre les institutions et l’espace public :

28 Il est important de souligner, comme critère pour cette mise en parallèle, que les deux pays ont connu un processus de reprise de l’espace public par l’entremise de grandes manifestations populaires qui réclamaient la démocratie, en faisant la une des émissions des chaînes de la télévision nationale : le mouvement « Diretas já ! » qui s’est déroulé dans plusieurs villes brésiliennes a commencé en 1979, et ne cesse de gagner en force depuis 1983 ainsi que la campagne « NO + » organisée par l’opposition au gouvernement de Pinochet avant le plébiscite national de 1989 au Chili.

29 Au Brésil, la situation culturelle, économique et politique en vigueur était insoutenable ; parallèlement, les médias et l’industrie culturelle étaient de plus en plus présents aux foyers des citoyens (ORTIZ RAMOS ; BUENO, 2001). L’affaiblissement du pouvoir de négociation des syndicats et des associations face à des taux de chômage alarmants, déclenchent une série de manifestations en 1980. En plus de la pression d’entrepreneurs brésiliens, depuis 1974, contre la réduction de leur participation directe au processus décisionnel du gouvernement (CODATO, 1997 : 214-20), la mobilisation politique a été alimentée par l’insatisfaction populaire, par le dégât de la relation entre l’Église catholique et le gouvernement et par le rassemblement de divers partis politiques autour des élections directes contre le gouvernement autoritaire (COSTA, 1991 : 10).

30 Le champ de l’art brésilien laissait voire l’atmosphère de spontanéité et de liberté émergentes partout dans le pays. On observe un processus d’« oxygénation » des espaces consacrés à l’expression artistique (BULHÕES, 1990 : 221-229), et un accroissement de l’autonomie des commissaires d’expositions et des artistes, comme par exemple dans la transformation structurelle de la Fundação Bienal de São Paulo entre 1978 et 1987 (MELO, 2015)8. Après les événements tels que le « Topless Literário » organisé par le collectif « GANG » (de l’art porno) à Rio de Janeiro, pendant l’« été d’ouverture » en 1980, l’année 1984 a été marquée par un sentiment d’espérance renouvelée dans les signes d’une possible ouverture à la démocratie.

31 Ce sentiment est symbolisé dans l’historiographie de l’art brésilien par la réalisation de l’exposition « Como vai você, Geração 80 ? », également en 1984, qui a donné visibilité plus large à la production de jeunes artistes, qui pouvaient exposer leurs oeuvres dans l’espace du Parque Lage (lieu d’un centre de formation d’artistes, l’Escola de Artes Visuais), à Rio de Janeiro, où l’on trouvait de la peinture, l’installation et la performance. Sans être un manifeste au sens traditionnel du terme, le texte du commissaire d’exposition Marcus de Lontra Costa saluait la liberté avec laquelle ces jeunes artistes mêlaient leurs références et leurs appropriations – des bandes dessinées aux encyclopédies d’histoire de l’art et les magazines des tendances artistiques internationales (LONTRA COSTA, 1984). Cette caractéristique qui connectait leur production à celle de la Transavanguardia Italiana et Internazionale (proposées par le critique et historien de l’art , Achille Bonito Oliva), le néo-expressionisme allemand et le post-modernisme nord- américain (REINALDIM, 2012). Le « retour à la peinture » a été le fait le plus célébré

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dans les nouvelles galeries d’art et a aussi affecté les rues, à travers des expositions d’intervention dans l’espace public (telles que l’« Arte na Rua », à São Paulo en 1983, et l’« Arte na Rua 2 » à Brasília et à Rio), et les graffitis d’artistes qui ont rapidement été incorporés par les galeries et la Biennale de São Paulo.

32 C’est au MIS de São Paulo qu’a eu lieu, une année avant l’exposition susdite, le 1er Festival International « Vídeo Brasil » sous les auspices du « Cavalheiro do Apocalípse », une vidéo-performance9 d’Otávio Donasci (Brésil, 1954), qui s’est baladé depuis le centre de la ville jusqu’au musée monté sur un cheval blanc, vêtu d’un de ses « videocriaturas » 10 et empoignant un sabre de lumière. Selon l’historienne du cinéma Christiane Mello, des artistes tels que Donasci et Rafael França (Brésil, 1957-1991), ont cherché à étendre la perspective critique de la domination de la télévision qui a été inculqué dans le travail des générations pionnières, tout en essayant de créer des « alternatives esthétiques pour se rapporter à ce médium »(MELLO, 2007 : 9, avec notre traduction).

33 Pendant l’événement, un grand nombre d’oeuvres de vidéoartistes brésiliens, en particulier celles appartenant, selon Arlindo Machado, à la « génération de la vidéo indépendante »11 a été projeté, performé ou mis en installations. Il faut mentionner tout spécialement le travail du collectif des réalisateurs « TVDO » et « Olhar Eletrônico », ainsi que les œuvres de chacun de ces membres en particulier. Ces deux groupes ont joué un rôle clé dans la consolidation de l’art vidéo brésilien. Le premier a réuni des jeunes diplômés en cinéma de l’Escola de Comunicação e Artes (ECA-USP)12 - actifs depuis la moitié des années 1970 -, autour d’une production vraiment expérimentale en vidéo au sein du studio de l’université, aux festivals et aux expositions d’art. Le second, formé par des anciens élèves de la Faculdade de Arquitetura e Urbanismo (FAU-USP)13, avait pour caractéristique une forte interaction inventive avec la programmation de la télévision (également structuré pendant les années 1980). Parallèlement aux premières éditions du « Videobrasil », il a participé à la réalisation et conception de plusieurs émissions, telles que celles des chaînes TV Gazeta, Cultura, Globo et Abril Vídeos.

34 Le discours d’ouverture du Festival « Vídeo Brasil » (1983), signé par Ivan Ísola (Brésil, 1949), à l’époque directeur du MIS, permet de vérifier ce qui a motivé la réalisation du Festival : ‘Vídeo Brasil’ a été pensé pour être beaucoup plus qu’un festival éphémère ; ce moment exige l’établissement de structures permanentes pour la production et la diffusion de la culture, et les nouveaux médias devraient concevoir de nouvelles politiques pour la démocratisation de l’accès à la connaissance et pour faciliter l’accès aux outils qui nous permettront d’engendrer de nouveaux signes, en matérialisant une partie de l’utopie possible ; enfin, bref, faire du « village planétaire » un village qui puisse dialoguer avec le village lui-même, avec les villages, avec le globe, par son propre accent et par tous les accents, en Direct Broadcasting Sistem, en Narrowcast, la télévision en deux sens, interactive. (ÍSOLA, 1983 : 1, avec notre traduction)

35 Au Chili, la relation entre la production audiovisuelle et le contexte sociopolitique et culturel des années 1980 s’est développée dans une fort climat de répression ; l’imposition d’un couvre-feu appelé « apagón cultural » ayant vidé la vie nocturne et l’intervention militaire dans les espaces universitaires impliquant même l’autocensure. En 1983, quand les artistes, intellectuels et politiques exilés sont retournés au pays, un processus d’organisation civile commence à se dessiner afin de faire face au gouvernement de Pinochet.

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36 Dans ce contexte, une véritable « bataille audiovisuelle »14 a été lancée, selon l’historien chilien German Liñero (2010 : 147), avec la vidéo comme moyen préféré des opposants au régime. Le service culturel de l’ambassade de France servait de « tranchée » aux artistes, en abritant leur production et en favorisant son développement, notamment grâce à la création des « Encuentros Franco-Chilienos de Video Arte », qui ont duré tout le long de la décennie grâce à la consolidation et à l’expansion des pratiques expérimentales. L’événement accueillait des cinéastes, des documentaristes et des performers, et stimulait le sentiment de liberté parmi eux. Sous l’égide de l’institution française, ils ont élaboré un tas de métaphores complexes de dénonciation et de transgression : chez les chiliens l’engagement face à la situation humaine et sociale du pays primait sur n’importe quel autre sujet. De 1984 à 1988, par l’initiative de Flores Delpino, une émission pour la diffusion, l’expérimentation et l’enseignement de la vidéo, « En torno al video », a été incluse dans la programmation de la télévision publique (la chaîne universitaire UCV TV) et a été la vitrine de la diffusion massive du matériel présenté aux « Encuentros Franco-Chilienos de Video Arte » (VIDAL, 2012 : 98-107).

37 Plus on avance vers la deuxième moitié de la décennie, plus le paysage des arts visuels change et à tous les niveaux : critique d’art, institutions et marché. La campagne du plébiscite national d’octobre 1988, par lequel le peuple chilien a pu choisir entre le « sí » (en faveur du gouvernement au pouvoir) et le « no » (pour la sortie de Pinochet) a eu son apothéose lors de l’insertion en réseau national d’un espace pour la propagande électorale. Cela a été la principale situation de mise en évidence du rapport des artistes chiliens à l’art vidéo : la campagne « NO + », qui a réuni dans le backstage un groupe d’artistes qui travaillaient avec la vidéo depuis la décennie précédente (tels que Flores Delpino, Downey et Rosenfeld), était désignée comme la propagatrice d’un environnement de joie, de spontanéité et d’espérance en opposition au malaise des dix- sept ans de dictature. « NO + » était le pari sur la possibilité d’une « nouvelle ère » : La participation réelle des vidéastes eu lieu pendant le déroulement de la bande électorale. Cela a été conçu comme la télévision que les Chiliens ne regardaient pas : inclusive, visuellement attrayant, aimable, vivante, positive et pleine de contenu. (LIÑERO, 2010 : 158)

38 Dans ce paysage, le duo de performers autodésigné « Yeguas del Apocalipsis », composé par Francisco Casas (Chili, 1959) et Pedro Lemebel (Chili, 1952-2015), débute avec le happening Coronación de Espinas en 1988, quand ils s’infiltrent dans la maison-musée « La Chascona » pendant la cérémonie de remise du prix « Pablo Neruda » au poète chilien Raúl Zurita (Chili, 1950). L’année suivante, ils ont fait la performance La Última Cena de San Camilo, dont le registre a été inclus dans l’oeuvre vidéo/documentaire Casa Particular (1990), de Gloria Camiruaga (Chili, 1941-2006) tournée dans une maison de prostitution de travestis, suivant le mouvement de la « noche capitalina »15. Les actions de « Yeguas » ont introduit une nouvelle place à l’énonciation de ces essais / expérimentations, liées au féminisme et au proto-queer (CARJAVAL, 2011 : 28-31), une forme burlesque d’exposer et de dénuder l’oppression. Quant à la détente de la censure et à la répression gouvernementale, des nouvelles problématiques ont « explosé » par leur répertoire interventionniste, telles que le désir homosexuel, le travestissement, d’autres impulsions refoulées et des styles de vie marginalisés par la coercition des deux dernières décennies, y compris la déconstruction de l’image gauchiste hétéronormative et la visibilité du VIH/sida.

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En guise de conclusion : une question

39 Les images ici mises en relief se situent parmi une série de pratiques artistiques et politiques où le corps déguisé, dénudé, suturé et répliqué s’est présenté comme dispositif de transgression, de dissidence et de résistance, pour rompre avec la répression tentaculaire des dictatures du Cône Sud. La vidéo a été différemment employé par quelques artistes et son rôle a été très important dans le processus de distribution des discours subversifs (toujours dans un rapport ambigu et tendu avec son institutionnalisation au monde de l’art contemporain), au Brésil et au Chili.

40 Les transgressions des artistes mentionnés dans cet article ont pénétré le tissu culturel comme les gazouillements et les murmures de l’« Apocalypse » ou d’une « révélation divine » dans une atmosphère politique et culturelle très tendue, où le risque n’était pas seulement ce de ne pas faire partie du monde de l’art, mais plutôt d’être arrêté par les militaires. Je comprends que ces transgressions, en plus de rendre visible la frontière entre l’art et la morale (les limites de la religion, du civisme, de la dignité et la décence), comme indiqué par la sociologue Nathalie Heinich (1998 : 146-157), ont problématisé un dur système de violences physiques et symboliques (de répression politique, manutention de l’ordre social et contrôle de la vie culturelle), en y impliquant l’espace public, l’espace domestique et les recoins intimes.

41 Face au régime politique de plus en plus asphyxiant, ces actes et images ont ouvert la possibilité de stimuler, d’annoncer et de vivre une nouvelle sensibilité : l’enjeu idéal sur une ouverture, un avenir qui pourrait être à la fois performatif et réflexif, clandestin et institutionnel, public et intime, résistant et vulnérable, désenchanté et désirable, apocalyptique et utopique. Un avenir libre de l’obsession sur un ennemi idéologique et de censure, ouvert à la diversité et au dialogue.

42 En tant que jeune chercheur dédié aux arts visuels produits pendant les dernières années de dictature militaire dans l’Amérique du Sud, je me demande comment comprendre les conditions de la production, la circulation et la réception de ces œuvres d’art afin que les analyses ne réduisent pas la puissance réflexive et transgressive de ces mêmes œuvres, placées dans les « tranchées » de la frontière entre les champs politique et artistique ?

43 Cette question apparaît souvent quand quelqu’un est confronté à des œuvres d’arts visuels, des trajectoires des artistes ou des voies institutionnelles dans de nombreux contextes. Mais, dans le cas de ces dictatures, en particulier, il y a un autre facteur, le chercheur est immergé dans la turbulence des pulsations et des contaminations provoquées par l’ouverture des archives, en même temps qu’en construisant les mémoires des dictatures en Amérique du Sud. Cet article suit alors le chemin de la réflexion de l’essai pour essayer, en même temps, de partager des idées et de dialoguer avec d’autres chercheurs qui se confrontent aux mêmes problèmes.

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NOTES

1. Avec notre traduction. 2. « The history of video has been turned into narrative according to a particular ‘hierarchy of significance’, and it differs from many conventional histories only that it has been so actively written by many of its participants even as they are participating in it. »(STURKEN, 1990: 102) 3. Zanini a dirigé le Museu de Arte Contemporânea de l’Universté de São Paulo (MAC-USP) entre 1963 et 1978, au sein duquel a eu lieu le projet de l’exposition annuelle « Jovem Arte Contemporânea » (« Jeune Art Contemporain », ou JAC ), un événement d’importance nationale. La 8e édition, réalisée en 1974, comprenait pour la première fois des œuvres d’art vidéo ce qui a motivé, trois ans plus tard, la création d’un “ laboratoire” de vidéo au MAC. 4. Avec notre traduction. 5. Avec notre traduction. 6. « In her seminal paper on the myths of video, ‘Video: Shedding the Utopian Moment’, Martha Rosler states, ‘The elements of the myth thus include an Eastern visitor [Paik] from a country ravaged by war (our war) inoculated by the leading U.S. avant-garde master [John Cage] while in the technology heaven (Germany), who once in the States repeatedly violated the central shrine, TV, and then goes to face representative of God on earth, capturing his image to the avant-garde…’. »(STURKEN, 1990 : 105-6) 7. « Parce qu’en se déclarant l’ennemi de la télévision commerciale et officielle, la vidéo est venue partager les principes des conceptualismes, des actions corporelles, des environnements et d’autres tendances artistiques qui nient et rejettent l’objet comme son produit et répudient aussi les attributs matériels et formels. » (ACHA, 1981 : 32, avec notre traduction) « Mais tant dans les pays développés qu’en Amérique Latine, les groupes d’opérateurs visuels tentent de rompre l’utilisation ordinaire de la télévision et du cinéma, en montrant des formes électroniques et de la documentation électronique et visuelle différentes. » (GLUSBERG, 1985 : 1, avec notre traduction) 8. Cette question a constituée le thème de mon mémoire de Master intitulé « 18ª e 19ª Bienais de São Paulo : Curadoria entre a Prática e o Debate no Brasil », dirigé par Prof. Dr. Maria Lucia Bueno (UFJF), et défendu en 2015. 9. Donasci lui-même l’appelle « vídeo-teatro » (« vidéo-théâtre »). 10. En traduction littérale : « Vidéo-créatures ». 11. Avec notre traduction 12. Les membres : Tadeu Jungle, Walter Silveira, Ney Marcondes, Paulo Priolli, e Pedro Vieira. 13. Les membres : Fernando Meirelles, Marcelo Machado, Paulo Morelli e Beto Salatini, Dario Vizeu, Marcelo Tas, Renato Barbieri e Toniko Melo. 14. Avec notre traduction. 15. L’approche de « Yeguas » aux espaces publics est ce qui les différencie d’autres manifestations qui ont traitée les mêmes thématiques au Chili. Et aussi au Brésil, comme le collectif brésilien « GANG » au début des années 1980, à Rio, qui se sont installés publiquement comme actions esthétiques et politiques, avec forte référence à la sexualité, la libération sexuelle et la déconstruction des valeurs conservatrices.

RÉSUMÉS

Cet article vise à rendre compte des premiers résultats issus d’une période de stage de recherche accomplie au Museo de Arte Contemporáneo de l’Université du Chili (MAC-U.Chile). Je pars d’un

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groupe de manifestations artistiques qui ont eu lieu dans la rue ou pendant des évènements institutionnels ouverts au public, où la vidéo a été utilisée comme forme d’enregistrement et expérimentation. Je propose une réflexion sur la participation des critiques d’art dans la dynamique d’institutionnalisation de l’art vidéo à Rio de Janeiro, São Paulo et Santiago, à travers la circulation de leurs idées et leur contact avec les artistes. La présente analyse vise à mettre en parallèle les réflexions sur le contexte d’émergence de l’art vidéo au Brésil et au Chili ; ainsi qu’à appréhender la dynamique de transgression et d’institutionnalisation de ce nouveau langage qui émergeait sous la dictature. Le corps, l’espace public et la télévision sont ici les points de connexion entre ces pratiques artistiques.

Neste artigo apresento os primeiros resultados de um período em estágio de pesquisa realizado no M. Parto de um grupo de manifestações artísticas que se deram na rua ou durante eventos institucionais abertos ao público, nos quais o vídeo foi utilizado como forma de registro e experimentação. Proponho uma reflexão sobre a participação dos críticos de arte na dinâmica de institucionalização da vídeo arte nas cidades do Rio de Janeiro, São Paulo e Santiago do Chile, através da circulação de suas idéias e contato com os artistas. A análise busca colocar em paralelo as reflexões sobre o contexto de emergência da vídeo arte no Brasil e no Chile, bem como compreender a dinâmica de transgressão e institucionalização dessa nova linguagem que emergia sob o regime autoritário. O corpo, o espaço público e a televisão são tomados aqui como os pontos de conexão entre essas práticas artísticas.

INDEX

Palavras-chave : vídeoarte, arte brasileira, arte chilena, performance, crítica de arte, ditadura, Brazil, Chile Mots-clés : art vidéo, art brésilien, art chilien, performance, critique d’art, dictature, Brésil, Chili

AUTEUR

TÁLISSON MELO Instituto de Artes e Design - Universidade Federal de Juiz de Fora, Brésil Master en Arts, Culture et Langage talissonmelo[at]yahoo.com.br

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Etudes, chroniques et documents

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Notas sobre la danza contemporánea en Colombia

Iván Jiménez

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1 El presente artículo es un intento de organizar algunas “notas sueltas” que hemos venido tomando a lo largo de nuestras investigaciones sobre la danza contemporánea en Colombia 1. Aunque estos apuntes cobren el aspecto de un gran repertorio – de nombres de artistas y formadores, de títulos de obras, de experiencias y enfoques, de documentos y objetos de estudio –, nuestro propósito no es la exhaustividad, sino ofrecer una mirada de conjunto, que dé cuenta de la vitalidad de los estudios sobre la danza en el país. Por lo tanto, las posibles omisiones, que esperamos poder compensar en trabajos posteriores, no obedecen a los efectos del olvido, sino a los límites de nuestro conocimiento de las fuentes. Asumiendo el riesgo de incurrir en énfasis cuestionables, proponemos una lectura transversal de cuatro textos panorámicos : Cuerpo entre líneas (2010), Danza contemporánea. Cuerpo y Universidad (2012), Programa de mano. Coreografías colombianas que hicieron historia (2012) y Huellas y Tejidos. Historias de la danza contemporánea en Colombia (2014). En nuestra aproximación a estos textos, y a otros estudios más o menos recientes, quisiéramos mostrar los caminos a través de los cuales se ha intentado asir la diversidad de prácticas gestuales y de formas

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coreográficas que han surgido en la Colombia contemporánea ; también consideramos los relatos históricos y las reflexiones en torno al cuerpo que tales prácticas han generado en la última década.

2 En Colombia, la danza contemporánea, aquella en la que la elaboración de los gestos no depende del sometimiento de los cuerpos a una norma preestablecida, ha ganado su lugar en los grandes festivales de las capitales – Festival Iberoamericano de Teatro y Danza en la ciudad en Bogotá, Bienal de danza de Cali, Festival de Teatro de Manizales, Al Borde Danza Contemporánea en Medellín –, y en espacios más alternativos como el Festival Universitario de la Jorge Tadeo Lozano, o el Festival Pliegues y Despliegues de las Artes Vivas en Bogotá. En la última década, la constancia de las becas y los premios para la investigación habla del interés de las instituciones oficiales, sobre todo el Ministerio de Cultura y el IDARTES (Instituto Distrital de las Artes), en incluir la danza dentro del patrimonio artístico nacional. Una muestra reciente de este reconocimiento oficial del rico acervo dancístico del país es Danza Colombia : En Escena, serie de televisión transmitida entre el 25 y el 29 de abril del 2016, por Señal Colombia. Para empezar a trazar los puntos de referencia de nuestra mirada panorámica, podríamos partir del siguiente balance realizado por la dramaturga e investigadora Juliana Reyes :

3 « A finales de los años setenta, las posibilidades de formación, promoción y creación en danza eran prácticamente inexistentes. Cuarenta años después, los avances son significativos : hay opciones de formación, agrupaciones jóvenes y otras con un trabajo y trayectoria consolidados, apoyos a la creación y a la circulación de las obras, etc., que nos permiten decir que existe un movimiento dancístico en Colombia, que está fortaleciéndose y reflexionando sobre su propio oficio. » (VERGARA et al., 2012 : 35)

4 Esta síntesis podría ser ampliada a la luz de la mirada retrospectiva que la bailarina Lina María Gaviria desarrolla 2, a partir de su trayectoria profesional y de su experiencia como Gerente de Danza del IDARTES. Desde su punto de vista, en medio de una interacción permanente con las danzas folclóricas y con otras manifestaciones de alcance global, como el tango, el flamenco y el hip hop, la danza contemporánea en Colombia ha ido encontrando gestos que dan visibilidad a « las críticas sociales, a la pluralidad de individualidades », y a temas políticos o existenciales como « la problematización del género, el exilio, lo baldío y la muerte ». De acuerdo con su periodización, Carlos Jaramillo y la compañía Triknia Khábelioz, Mónica Gontovnik y el grupo Kore Danza Teatro, María Teresa Hincapié y Álvaro Restrepo, aparecen entre las figuras pioneras de los años 80. En la década siguiente, los años 90, destaca la consolidación de la trayectoria de otro grupo de artistas : Peter Palacio, Bellaluz Gutiérrez y Danza Común, Humberto Canessa, Tino Fernández y L’Explôse, Carlos Latorre y Elizabeth Ladrón de Guevara (Om-Tri), Rafael Palacios y Sankofa Danza Afro. Los años 2000 verían la “entrada en escena” de Eduardo Ruiz y Vivian Nuñez (Estrantes), de Natalia Orozco (Tercero Excluido), de Vladimir Rodríguez (Cortocinesis) y María Fernanda Garzón, entre muchos otros.

5 La formación y el recorrido profesional de cada uno de estos artistas, nos remiten a circuitos de transmisión en los que las tradiciones del baile de Colombia entran en interacción con otras tradiciones y prácticas occidentales : el ballet clásico, la llamada danza moderna – en sus vertientes alemana, estadonunidense y francesa –, la post- modern dance newyorkina, la danza contacto, la improvisación, etc. Con respecto a la formación en la ASAB (Academia Superior de Artes de Bogotá) a finales de los 90, el bailarín e historiador Raúl Parra (2005 : 39) había señalado la vigencia del modelo del

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cuerpo filiforme de la danza clásica, y de la figura del bailarín como un « buen técnico » ; su reflexión crítica señalaba también la falta de reconocimiento hacia un « cuerpo cultural colombiano », cuyo origen estaría en la mezcla de lo indio, lo negro y lo blanco. Sin lugar a dudas, los espacios escénicos colombianos han abierto un lugar para la pluralidad y el cuestionamiento de las normas estéticas imperantes. No obstante, la dimensión de lo cultural, es decir, los modos de definir o reconocer lo propio, aparece más como un horizonte problemático que como una cuestión resuelta. Es, en todo caso, lo que observa la psicóloga y artista escénica Laisvie Andrea Ochoa a partir de su labor en ConCuerpos, corporación que se dedica a la danza integrada de personas con y sin discapacidad : En Colombia, a pesar de estar orgullosos de nuestra diversidad natural y cultural, en la experiencia cotidiana seguimos replicando un modelo colonialista de distinción. Además, estamos tan asustados los unos de los otros, por la profunda huella de violencia que nos aplasta, que dedicamos muchos esfuerzos a diferenciarnos, a separarnos, a no “untarnos”. La interacción social está marcada todavía por el racismo y la división de clases, de niveles educativos, económicos y culturales ; que han aprendido a pervivir paralelamente pero sin mezclarse. El mestizaje se ha quedado como eslogan, en tanto que hace parte de nosotros, casi únicamente en el ámbito genético, pero sin una influencia sólida en la manera en la que nos relacionamos . (VERGARA et al., 2012 : 107).

6 En la siguiente sección, veremos cómo esta diversidad cultural ha sido en cuenta para la construcción de una memoria patrimonial, basada en una definición dinámica y compleja del concepto de obra coreográfica.

De las obras

7 Articulando la labor de divulgación cultural con las cuestiones historiográficas, en Programa de mano (2012), la fundación Alambique, el Ministerio de Cultura y el IDARTES han realizado « una antología de escrituras corporales », con miras a dinamizar la memoria de las obras coreográficas. La publicación reúne entrevistas, testimonios, breves artículos, fotografías y reproducciones de los programas de mano de 32 piezas escogidas a través de un proceso de selección interactivo. El concepto de obra en el cual se basa la investigación no sólo se refiere a la composición y a la interpretación de los gestos, sino que también remite a los vínculos que artistas y espectadores pueden establecer a través de sus recuerdos. Dicho de otro modo, lo que se denomina « obra » comprende también las huellas que las danzas han dejado en las sensibilidades de quienes las crearon, las interpretaron y las vieron bailar. Por consiguiente, los rasgos formales se consideran tan relevantes como la apropiación social de las piezas o los cambios que éstas hayan podido generar en los modos de percibir la danza. Ya sea con documentos relativos a la recepción del público o con análisis críticos, los espectáculos de gran envergadura – La leyenda del dorado (1973-1975) de Sonia Osorio y el Ballet de Colombia, o el musical La mujer del año (1990) de David Estivel y Rob Barron – cohabitan con obras que ponen de realce las experiencias de mujeres – Tiempo de luna creciente (1992) de Mónica Gontovnik y Koré Danza Teatro, o Réquiem de arena (1995) de Marta Ruiz y Adra Danza –, y con solos intimistas como Rebis (1986) de Álvaro Restrepo o Esa vana costumbre del bolero de Peter Palacio (1998). Más allá del eclectisismo que reflejan, los títulos de las distintas secciones constituyen puntos de referencia que facilitan el

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acceso a la antología : « territorios », « dislocaciones », « soledades », « sincretismos », « empirismos », « esplendores », « ritualidades » y « resistencias ».

8 En nuestro acercamiento a este vasto campo coreográfico, quisiéramos destacar dos ejes transversales : la valorización de los bailes regionales y los vínculos de la danza con lo político. Con respecto al primer eje, Programa de mano ofrece una rica documentación sobre el lugar que las danzas tradicionales han tenido en el trabajo artístico y pedagógico de varios bailarines y coreógrafos colombianos : la herencia de los esclavos negros e indígenas en Cabildo en Carnaval (1976) de Delia Zapata Olivella ; la revindicación política de las tradiciones populares en el trabajo de Carlos Franco con las comparsas del Carnaval de Barranquilla (1981-1983) ; el ritmo del merengue campesino y la esgrima con machete en Los macheteros del Quindío (1992) de Fundanza Armenia ; el andar de las mulas de los arrieros y el paisaje de las fincas en Testamento paisa (2005) de la compañía Orkéseos ; los ritos de las culturas andinas e indígenas amazónicas en torno al ayahuasca, ritos que están presentes en La toma del yagé (2005), del Grupo Folclórico La Tierra Mocoa ; la incorporación de las fiestas chocoanas en honor de San Francisco de Asís, en San Pacho… ¡bendito ! (2005), pieza de Rafael Palacios y Sankofa Danza Afro.

9 Además de este énfasis en las tradiciones regionales, Programa de mano promueve el recuerdo de las formas en las que el arte coreográfico ha encarado la realidad política colombiana. Desde esta perspectiva, Raúl Parra confiere un lugar central a El potro azul (1975), de Jacinto Jaramillo ; en esta pieza cuyo argumento remite a la guerra entre liberales y conservadores – la Violencia de los años cincuenta –, el zapatear de la danza del joropo, « que nos recuerda el cabalgar y las diversas faenas de los jinetes en el llano » (PARRA, OROZCO, 2012 : 185), se articula con la danza moderna por medio del trabajo de liberación de la parte superior del cuerpo. Casi medio siglo después de esa guerra bipartidista en la que suele situarse el comienzo del conflicto armado actual, vemos que lo real de la violencia sigue siendo un punto de partida para la creación coreográfica en Colombia. Prueba de ello es Plan Vía (2000), una colaboración entre el coreógrafo austríaco Johan Kresnik, el bailarín Gustavo Llano y el dramaturgo Víctor Viviescas, que apunta a un cuestionamiento abierto y radical sobre el Plan Colombia y sobre la injerencia de los Estados Unidos en la erradicación de los cultivos ilícitos. Presente en Programa de mano, este eje de las relaciones de la danza contemporánea con lo político, estructura otros trabajos de investigación como el estudio que la bailarina Martha Dueñas (2012) ha realizado sobre la « estética de la desaparición » en tres piezas de los años 2000 : La mirada del avestruz (2002) de Tino Fernández y L’Explôse, Campo muerto (2007) de Danza Común y Homo Sacer (2008) del Teatro de Occidente. En este mismo marco, ubicamos también nuestros análisis (Jiménez, 2013 y 2015) sobre las formas del gesto de la marcha – desfiles, errancias, procesiones – en INXILIO (2010), la sinfonía coreográfica que El Cuerpo de Indias ha consagrado a la experiencia del desplazamiento forzado. Lo que percibimos a través de este corpus de obras, es que la larga duración de la guerra – más de cinco décadas – ha generado una proliferación de imaginarios mortíferos en torno al « cuerpo », esa palabra que solemos utilizar para designar « la dimensión material y sensible de nuestra experiencia » (BERNARD, 2001 : 19).

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De los enfoques

Recuerdo mucho el primer día de ensayo cuando Tino [Fernández] y [Juliana Reyes] nos pidieron que pensáramos en el recuerdo más triste que tuviéramos, el que más nos hubiera impresionado. […] Cuando llegó mi turno, caminé hasta adelante como los demás, pero cuando iba a empezar a hablar, las palabras no pudieron salir de mi boca. Estaba realmente impresionada por el recuerdo y lo único que salió de mí fue une explosión de movimiento ; fue tan vivo y real, que algo cambió en mi forma de asumir la danza. La pauta que nos habían dado había sido capaz de hacer explotar el cuerpo de esa forma ; y por primera vez sentí que el movimiento podía venir de otro lugar distinto al cuerpo. En ese instante dejé de sentirme una bailarina contemporánea para ser una mujer que vivía todas las cosas de que hablaba la obra. Marvel Benavides, sobre La mirada del avestruz, diálogo con Juliana Reyes (BENAVIDES, ESTRADA, 2010 : 194-195) Creo que lo que busco es que la alteración haga experimentar directamente el objetivo que nos lleva a bailar. ¿Para qué ? Quizás para que el cuerpo haga uso de sus sentidos para percibirse y percibir qué está pasando y luego poder expresarse. Así, cada bailarín puede ser el detonante de otras motivaciones que, entrelazadas con las de otros bailarines, hacen de la danza un gran cuerpo que se fuga a través de sus sentidos. Más que una coreografía, sería entralazar estados subversivos que continuamente están transformando la idea inicial ; buscar continuamente multiplicar las reacciones, las propuestas, las opciones. Bellaluz Gutiérrez (GUTIÉRREZ, ESTRADA, 2010 : 229-230)

10 Estos dos testimonios artísticos, el primero sobre las pautas que impulsan la gestación de la obra, y el segundo sobre la permeabilidad de la escritura coreográfica a los aportes perceptivos de los intérpretes, han sido extraídos de Cuerpo entre líneas (2010), un conjunto de diálogos, fotografías y textos ensayísticos, reunidos bajo la coordinación editorial de Rodrigo Estrada, con el fin de abordar la danza y el arte coreográfico desde distintos frentes : la creación y la interpretación, las prácticas pedagógicas, la interdisciplinariedad (videodanza), las cuestiones históricas… Esta misma pluralidad de enfoques volvemos a encontrarla en Danza contemporánea. Cuerpo y Universidad, el número 77 de la revista La Tadeo (2012) : a lo largo de sus seis capítulos – « las posibilidades », « los parámetros », « las asimilaciones », « las intermitencias », « los amateurs profesionales » y « nuestras construcciones » –, y gracias a un diálogo fructífero con otras disciplinas – el teatro, las artes visuales, la literatura, la psicología, la pedagogía, la historia, la filosofía y la antropología –, los autores adoptan una postura reflexiva con respecto a su experiencia como coreógrafos, intérpretes o docentes. Algunos – Isabel Cuesta, Coque Salcedo, Zoitsa Noriega, Álvaro Restrepo y Carlos Eduardo Sanabria – entran de manera abierta en la problemática del cuerpo, aludiendo a todo lo este término puede evocar en materia de experiencias sensoriales, de vivencias propias del espacio, o de conflictos entre la vida íntima y el orden social (patrones de conducta, normas de comportamiento). En otros casos, el discurso se organiza en torno a un aspecto específico de las artes escénicas : el vínculo de la dramaturgia con el oficio del intérprete (Álvaro Fuentes y Juliana Reyes), el espacio escénico como problema (Nadia Lartigue), el performance (Mónica Gontovnik), la improvisación como gesto de escucha (Eduardo Oramas y Natalia Orozco), la interdisciplinariedad en las obras colectivas (Jenny Fonseca), la danza contacto y el concepto de autoría en relación con el momento de la representación (Margarita Roa). Otros artículos se centran en las prácticas discursivas, como la pedagogía (Consuelo Giraldo) o el ejercicio de la crítica (Rodrigo Estrada), que también determinan el curso de la creación de las obras y de su recepción por parte del púlbico. En el contexto de

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esta reflexión colectiva acerca de las relaciones entre la danza y la universidad, Raúl Parra pone de relieve la experiencia de los amateurs ; su repaso de las dos décadas del Festival Universitario de Danza Contemporánea, nos permite hacer la transición hacia el último punto que hemos escogido para desarrollar esta mirada panorámica, a saber, las investigaciones sobre la historia de la danza en Colombia.

De las historias

11 En una entrevista para la revista Nouvelles de danse, el improvisador venezolano David Zambrano decía que la incorporación de gestos venidos de otros lugares, es un elemento constitutivo del oficio de los bailarines 3, a pesar de su arraigo a los saberes gestuales de su lugar de origen. En el mismo sentido, inscribiéndose en la línea de lo que podríamos llamar una historia transcultural de la danza 4, Raúl Parra (2005) había subrayado el rol motor de las experiencias de viaje en el desarrollo de la danza en Colombia : « [éste] ha estado marcado por la presencia de profesores, bailarines y coreógrafos extranjeros, así como por colombianos que luego de una estadía en el extranjero, volvieron a su país para transmitir lo que habían aprendido 5 » (PARRA, 2005 : 46-47). En el estado actual de las investigaciones, los nombres y las migraciones que han impulsado el devenir de la danza contemporánea en Colombia aparecen con bastante nitidez : además de los artistas mencionados por Lina María Gaviria, encontramos la experiencia pionera de Jacinto Jaramillo y su encuentro con la danza moderna de Isadora Duncan, por medio de Irma Erich-Grimme ; también está la interacción entre danza clásica, jazz y danza moderna en los Ballets Modernos del español Luis Ruffo ; la llegada de la rumana Irina Brecher a principios de los 70, y el lugar central de su academia El Estudio en la transmisión de varios saberes (ballet clásico, técnicas modernas de Graham y Limón, Jazz-Luigui, movimiento creativo) ; la formación de Katy Chamorro en la técnica moderna de Katherine Dunham ; más tarde, en los años 90, el arribo de la bailarina, coreógrafa y pedagoga Marie-France Delieuvin – co-directora con Álvaro Restrepo del Colegio del Cuerpo –, cuya trayectoria profesional está marcada por el contacto con varias las figuras de la danza moderna de los dos lados del Atlántico (Jerome Andrews, Françoise y Dominique Dupuy, entre otros) ; en Francia, el encuentro de Ricardo Rozo con la técnica de Merce Cunningham y con el trabajo de la vanguardia postmoderna estadounidense, o el de Bellaluz Gutiérrez con la danza contacto…

12 Entre los aportes de lo que podría ser una historia transcultural de la danza contemporánea en Colombia, cabe mencionar el estudio de María del Pilar Naranjo (2005) sobre « la emergencia de una danza contemporánea en Medellín entre 1984 y 2005 ». Este proceso de « emergencia » es asociado a un imperativo político y estético : la necesidad de mostrar cuerpos que no sean los de la muerte violenta, ni los de la mercantilización de las relaciones interpersonales. En los recuerdos y testimonios de los artistas entrevistados, se hace palpable la fuerza de la violencia política como factor de la migración. Tales relatos autobiográficos hablan de similitudes y contrastes entre prácticas gestuales identificadas bajo rótulos distintos – « danza moderna », « danza contemporánea », « expresión corporal » – ; también revelan algunos matices de la experiencia de formación en el extranjero, como por ejemplo, el hecho de que los artistas colombianos descubrieran que lo que ya hacían « intuitivamente » en Medellín, tenía un nombre propio en el lugar al que acababan de llegar. Doris Arias, Elsa Borrero,

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Wilson Cano, Lindaria Espinoza, Henry Lou Gómez, Beatriz Gutiérrez, Gustavo Llano, Peter Palacio, Darío Parra, Beatriz Vélez, María Sara Villa y Fernando Zapata son los protagonistas de esta otra historia de la danza, elaborada fuera del centro de la capital del país.

13 Huellas y Tejidos. Historias de la danza en Colombia (2014) es otro trabajo historiográfico de gran envergadura. Bajo la tutoría de Sofía Mejía Arias, de Danza Común, un equipo de investigadores ha entrevistado a varias personalidades del campo coreográfico colombiano : Leonor Agudelo, Ángela Bello, Leyla Castillo, Olga Lucía Cruz, Hernando Eljaiek, Carlos Latorre, Edgard Sandino, Norma Suárez, Saraya Vargas, María Cristina Vergara y muchos otros, a los cuales ya nos hemos referido. Los textos introductorios presentan las bases epistemológicas y metodológicas de la investigación. Con respecto a la contrucción de las fuentes, Andrés Lagos explica que a través de las entrevistas, se buscaba una « [aproximación] a la historia desde la propia voz de cada protagonista, sobre sus procesos de formación, de creación, y la manera como el contexto sociocultural influenció y sigue influenciando su práctica artística » (2014 : 13). Juliana Atuesta explica los interrogantes que el carácter efímero de la danza le plantea a la historiografía ; sus argumentos confieren legitimidad a una historia hecha de memoria y oralidad, a una historia « abierta, subjetiva, móvil » (2014 : 23), que subvierta la cronología de la mentalidad progresista, es decir, a una historia que deje escuchar « los relatos de la danza y las voces de la danza […], que se entretejen como un complejo de historias plurivalentes y suceden en una compilación de tiempos diversos, de percepciones y de preguntas que surgen ante la necesidad de vivenciar el complejo contexto de la danza del cual participamos » (2014 : 22). Por su parte, Bibiana Carvajal destaca los debates en torno a la identidad, punto álgido en el contexto de la globalización uniformadora de nuestro tiempo. Uno de los interrogantes tiene que ver con los modos de asumir la diversidad cultural de Colombia : « Pensar en “ese cuerpo que somos” es pensar en los diferentes orígenes y diferentes mestizajes que caracterizan la cultura del país » (2014 : 32). Y a este respecto, las posiciones pueden ser divergentes : mientras algunos bailarines y coreógrafos revindican la existencia de un « cuerpo colombiano », reconocible por distintos niveles de pertenencia – geográfico, histórico, cultural –, otros viven y conciben el cuerpo como un mero lugar de tránsito de herencias sociales – códigos, lenguajes, esquemas perceptivos, técnicas –, es decir, un espacio de contacto con « saberes culturales » que en última instancia conducen a una « pluralidad de realidades y formas de percibir el mundo » (2014 : 31). A la luz de los estudios consultados, y al cierre de estas “notas sueltas”, vemos que la contemporanediad de la danza en Colombia no sólo se elabora por el rescate y la valorización de las herencias del mestizaje, sino también por la interacción de estas herencias con « todo lo que coexiste 6 » en el tiempo actual, incluidos los saberes culturales venidos de otras partes. La tendencia a definir o identificar lo propio colombiano, cohabita entonces, necesariamente, con la experiencia de la alteridad gestual.

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BIBLIOGRAFÍA

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NOTAS

1. Luego de dos artículos sobre INXILIO, pieza coreográfica del Cuerpo de Indias que encara la problemática del desplazamiento forzado, nuestras investigaciones actuales se centran en la interacción entre ciencia y danza en el marco del Festival Átomos por la Paz (Bogotá, octubre del 2016), en la práctica de las danzas tradicionales de Ofelia Betancourt y Darío Arboleda, y en la obra de la bailarina y coreógrafa barranquillera Mónica Gontovnik. 2. Entrevista realizada en Bogotá, el viernes 25 de septiembre del 2015. Nuestros agradecimientos sinceros a Lina María Gaviria por haber puesto a nuestra disposición algunas de las publicaciones aquí referenciadas.

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3. « Pienso que está bien que, cada vez que hagamos llegar nuestros pensamientos a nuestros brazos y piernas, estos se extiendan, pero que también está bien saber que igualmente podemos doblarlos de múltiples maneras, y que podemos transformarlos de numerosas formas. Como bailarines, debemos ejercer todas estas posibilidades. ». En francés : « je pense que c’est bien que, lorsque nous étendons nos pensées à travers nos bras et jambes, ceux-ci se tendent, mais c’est tout aussi bien de savoir que nous pouvons également les fléchir d’une multitude de façons différentes, et que nous pouvons les transformer de très nombreuses façons. En tant que danseurs, nous devons nous exercer à ces possibilités » (CARRIE, 1998 : 146). 4. Sobre una historia cultural de la danza, centrada en las circulaciones, las transferencias gestuales y la captación de prácticas y saberes exógenos, remitimos al artículo de Emmanuelle Delattre-Destemberg, Marie Glon y Vannina Olivesi (2013). 5. « [Celui-ci] a été marqué par la présence de professeurs, danseurs et chorégraphes étrangers, ainsi que par des Colombiens qui, après avoir fait un séjour à l’étranger, sont retournés dans leur pays pour transmettre ce qu’ils avaient appris ». 6. Retomamos aquí el concepto de contemporaneidad propuesto por el filósofo de la danza Frédéric Pouillaude (2014 : 357) : « es “contemporáneo”, en su sentido más general y sin que ninguna época específica sea designada, todo lo que coexiste, todo lo que pertenece a un mismo tiempo ». En francés : « est “contemporain”, en son sens le plus général et sans qu’aucune époque ne soit par là désignée, tout ce qui coexiste, tout ce qui appartient à un même temps ».

RESÚMENES

A partir de una lectura transversal de cuatro textos panorámicos – Cuerpo entre líneas (2010), Danza contemporánea. Cuerpo y Universidad (2012), Programa de mano (2012) y Huellas y Tejidos (2014) – quisiéramos mostrar los caminos a través de los cuales se ha intentado asir la diversidad de prácticas gestuales y de formas coreográficas que han surgido en la Colombia contemporánea; también consideramos los relatos históricos y las reflexiones en torno al cuerpo que tales prácticas han generado en la última década.

ÍNDICE

Palabras claves: danza contemporánea, Colombia, cuerpo, investigación, historia

AUTOR

IVÁN JIMÉNEZ

Docente-investigador del Laboratorio IMAGER Universidad París-Este Créteil

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Colombia: a través de los espejos de India

Arundhati Bhattacharya

1 ¿Qué le saldría a usted al escuchar el nombre del país, Colombia? Ummm, droga, narcotráfico, Escobar, y fútbol, por supuesto.

2 Hasta esto, bien. Pero si alguien responde: Universidad de Columbia o Nave espacial Columbia o Columbia Pictures, ¿que podríamos pensar? La frente se va a llenar de arrugas, al orgullo de sabiduría le seria propinada una bofetada, y al final, entendemos que deberíamos recapacitar.

3 Pues, esta ha sido la primordial reacción entre unos cientos de indios a quienes propuse dicha pregunta y algunas más relacionadas con Colombia como una encuesta personal a través de los medios de comunicación social. La mayoría de ellos, los indicadores de mi encuesta, son jóvenes bien educados de la clase media o media alta, y el área de este estudio abarca principalmente el este, norte y sur de la India. Según esta encuesta, el 34,8% sabe del mundo oscuro de los narcos, el 23,9% de Fútbol, el 13% de Gabriel García Márquez, el 8,7% de Shakira, el 12% del café y un pequeñísimo porcentaje tiene una idea de la biodiversidad, el rio Amazonas, varias guerras civiles etc. aparte de una buena cantidad de gente con el conocimiento incorrecto por lo que mezclaban entre Colombia y Columbia, el hecho que refleja claramente la intensidad de la influencia de EE.UU en nuestro país. Pero hay que tener en cuenta también otra gran parte de gente (no incluida en los resultados de esta encuesta) que estaba silenciosa al principio por responder al cuestionario y que admitió luego su ignorancia completa de este país al insistirles de nuevo que contestaran.

4 Al hallar la fuente de la impresión del Narcomundo que surge involuntariamente a los indios al escuchar el nombre de Colombia, mi encuesta me dirigió a algunas películas y series estadounidenses, en particular de Hollywood. El éxito de las películas de Hollywood en la India ha mostrado un crecimiento constante año tras año y el año 2015 resultó ser uno de los años más exitosos en recaudación de la taquilla con solo cinco películas famosas de Hollywood, la cifra alcanzó los $ 75 millones. En la larga cola de esas películas se destacan los títulos como María, llena eres de gracia, Clear and present

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danger, Once upon a time in Mexico, Blow, Machete, Sicario y muchas más que representan la omnipresencia de drogas no solo en Colombia sino en México, Brasil, y casi en toda Sudamérica. También las películas subtituladas en ingles como Colombiana, Sins of my father, Sin nombre etc. con sus hazañas y aventuras satisfacen la parte curiosa de la audiencia india que quisiera disfrutar de un mundo desconocido o poco conocido y fuera de las reglas sociales. Por eso en el momento actual las series “Narcos” son una de las favoritas entre los jóvenes de la India. La globalización ya ha traído el mundo al hogar, pero en el caso de India este globo nos lo han presentado los norteamericanos y abrimos la ventana a esa dirección que nos dirige el poder de su propaganda. El pacto económico entre el mundo del cine de la India y del de EE.UU al final, deja una huella muy profunda en nuestra mente acerca de Colombia como un pueblo cubierto sólo por un chal tejido con cocaína y marihuana.

5 Conocer la historia y la realidad de la Tierra nunca causaría ningún daño hasta que se pudiera saber todas las facetas de su cara y no solo de una. Pero una parte de mi encuesta demuestra claramente el conocimiento parcial y negativo de Colombia, desafortunadamente es la percepción real de Colombia generalmente en la India aparte del Fútbol, por supuesto. Cuando se habla de futbol en cualquier parte de la India, América Latina es un gran héroe en el campo, sin duda. Si contamos la historia del fútbol, Pele es el nombre más adorado en nuestro mundo desde siempre. Cuando vinieron Maradona y Messi a nuestro país lo celebramos como una fiesta. Esta pasión tiene una raíz profunda desde la época colonial. La historia del deporte en el subcontinente se remonta al siglo XIX, cuando fue introducido por los administradores coloniales británicos, que ya quedó reflejado también en mi encuesta. Al responder a mis preguntas contaron desde el “Scorpion kick” de René Higuita hasta el “pelo sagrado” de “El Pibe”, Carlos Valderrama. Aunque la posición actual de India en la clasificación mundial de la FIFA es un desastroso puesto número 154, el tamaño del público futbolístico del país es enorme y su crecimiento se traduce hoy en una audiencia de 83 millones de televidentes y, además en algunas partes de India el fútbol tiene la misma popularidad que el cricket, como en Goa, Calcuta, Kerala, Bangalore, partes de Delhi y la zona noreste del país. En 1911, el Mohun Bagan, un equipo de Bengala Occidental se enfrentó con el Regimiento de Yorkshire del Este en la final. Mohun Bagan ganó la final 2-1 cosa que molestó bastante a los británicos que no podían comprender como “unos comedores de arroz, descalzos, pudieron vencer a los británicos en su propio deporte”. Después de nuestra independencia en 1947 cuando la FIFA reinició la competencia internacional tras la II Guerra Mundial, en 1950 y All Indian Football Federation, que dirige este deporte en India, decidió abandonar el torneo debido a algunas razones, se rumoreaba que fue porque los jugadores estaban acostumbrados a jugar descalzos y la FIFA insistió en que usaran botines. A partir de este hecho fue decayendo la idea de construir un equipo indio bastante fuerte y competitivo para ganar las ligas internacionales, aun así va aumentando cada vez más la audiencia potencial con el apoyo tecnológico, y con una pasión viva a esta audiencia le toca el alma del fútbol colombiano y lo admira. Los aficionados al fútbol indios prefieren el estilo del juego latinoamericano y los jugadores colombianos son seguidos aquí como sus ídolos.

6 Por otro lado, lejos del campo de fútbol y del mundo del narcotráfico, existe Macondo. El nombre de Gabriel García Márquez ya tenía su propio espacio entre los intelectuales aun antes de que ganara el Premio Nobel. Cien años de soledad, su obra más famosa, fue incluida en el programa de estudios de la Universidad de Jadavpur, Calcuta, en 1977.

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Luego a partir del año 1982 su nombre llegó a ser un tema vivo entre los estudiantes y lectores que le conocían primero a través de las traducciones en ingles de sus obras y luego, poco a poco, por las traducciones de Cien años de soledad, El amor en los tiempos de cólera, El coronel no tiene quien le escriba etc. en las lenguas regionales de India. Es una experiencia sorprendente, viajar por Macondo, conocer a Úrsula, cruzar el rio Magdalena, esperar la carta del Coronel hasta llegar a la mierda, sudar en el calor del Caribe, llamar a Rosa Cabarcas en el cumple de 90 años. Es la otra cara de Colombia, la otra realidad mágica de América Latina que ha causado un temblor intenso entre los lectores indios. El 19 de abril de 2014, cuando murió él, todos los periódicos nacionales y regionales dieron homenaje a ese gran autor publicando la noticia en las primeras páginas. Fue una herida irrecuperable para sus seguidores de la India. También se han publicado artículos al año siguiente recordando el primer aniversario de su muerte. Pero la cantidad de lectores es solo de un13% de la clase educada según la revelación de mi encuesta personal. Además, las obras de García Márquez nos representan más la cultura sudamericana en total que la de Colombia, en particular. ¿Quién sabe que Cien años de soledad, por lo que dice el autor, es un Vallenato de 350 páginas? Espero que muy poca. La región- la región de García Márquez- está llena de leyendas, tradiciones y colores de Colombia, si ella no hubiera tenido una gran magia no habría podido nacer el ritmo tan perfecto del realismo mágico de Gabo. El rio Magdalena es el protagonista en dos de sus novelas: El amor en los tiempos de cólera y El general en su laberinto y también describía en su autobiografía, Vivir para contarla, sus varios viajes durante su época de estudiante, yendo y viniendo por ese rio a su internado en Zipaquirá, a más de dos mil metros por encima de su natal Aracataca. La memoria perdurable de ese rio le dio al autor un espacio para desarrollar un fondo extenso del olvido y la esperanza, del amor y la violencia hasta el devastador efecto ecológico sobre la flora y la fauna del rio lo que le lleva a decir: “Los peces tendrán que aprender a caminar sobre la tierra porque las aguas se acabarán” (El General en su Laberinto). El gallo de pelea, otro protagonista importante de sus novelas, es una metáfora ideal de confluencia literaria de todas las clases sociales, de todas las violencias. La circularidad de la gallera era el símbolo del ciclo de la vida y muerte. El autor mexicano Carlos Fuentes al contar su amistad con Gabriel García Márquez, recordaba: “Escribimos juntos el libreto de El gallo de oro, que dirigiría Roberto Gavaldón, realizador tan en demanda que durante el día escribía un guión para Libertad Lamarque y de noche, con nosotros, El gallo de oro, de suerte que, confundidos, a veces poníamos al gallo a cantar tangos y a doña Liber a cacarear”. Una pelea de gallos o riña de gallos es una tradición tanto en la Costa Caribe y en algunas zonas del interior andino de Colombia como en otros muchos países del continente y todavía existen más de 3.600 galleras en este país según la Federación Colombiana de Criadores de Gallos de Combate. Es su patrimonio con la historia del sueño bolivariano de la Gran Colombia, el tráfico de esclavos negros por los puertos de Cartagena de Indias, la masacre de United fruit Company, la Guerra de Los Mil Días y su líder socialista Rafael Uribe Uribe, La Violencia, los desaparecidos y muertos políticos – una realidad descomunal desde el legado colonial hasta la cultura mestiza de costumbres y tradiciones europeas e indígenas, que le inspiró a cavar su propia tierra para sacar la esmeralda “que abre su luz verde sobre el austral océano.”

7 Un aspecto de esa realidad oculta con todas sus dimensiones, la podríamos conocer a través de las relaciones bilaterales entre Colombia y la India. Las relaciones diplomáticas entre estos dos países se iniciaron el19 de enero de 1959. En marzo de 1972, Colombia abrió su Embajada en Nueva Delhi, y la India, en Bogotá en el año

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siguiente. Se cumplieron 50 años de las relaciones diplomáticas entre India y Colombia en 2009 y además India tiene un Consulado Honorario en la ciudad de Medellín y recientemente se abrió uno nuevo en Barranquilla. Actualmente las relaciones bilaterales siguen siendo muy amistosas y cordiales. Colombia es un miembro importante de Non-Aligned Movement (NAM) y fue la anfitriona de la cumbre del NAM en 1995. Ambos países están de acuerdo en diferentes puntos de vista sobre temas globales y han colaborado en diversos foros multilaterales. En los últimos años la relación entre los dos países ha aumentado extraordinariamente en el campo político, comercial y cultural. La India está entre las 10 primeras economías del mundo, es el segundo país después de EE.UU. destinatario de las exportaciones colombianas. En 2009 el comercio entre los dos países era de 946, 95 Millones de $ USA. en el 2013 ascendieron hasta 4.187, 11 Millones $. por lo que India se ha convertido en uno de los países que más importan productos y materias primas de Colombia, por su parte India también ha aumentado sus exportaciones a Colombia, principalmente vehículos a motor, químicos orgánicos, telas de algodón y sintéticas y productos farmacéuticos. Varias empresas indias han establecido operaciones en Colombia. Algunas de estas empresas son: TICs : Tata Consultancy Services (TCS), Wipro ; Tech Mahindra, Man India y Sutherland. El embajador de la India Prabhat Kumar declaró que desde hace 6 años Latinoamérica está considerada zona estratégica para su gobierno, explicó: ’En India se pueden poner 100 tiendas Juan Valdes sin problemas, refiriéndose al gran tamaño de su país que supera los 1.200 millones de habitantes.” Algunos de los tratados y acuerdos entre ambos países son: Relaciones Comerciales (descritas anteriormente). Cooperación Técnica y Económica: India dono en 2002 una planta de energía solar valorada en 200.000 $, envió técnicos en asuntos políticos y de defensa para asesorar al gobierno, dono 1 millón $ por la ola invernal. Relaciones Culturales: Programas de intercambio de estudiantes, becas para estudiantes de danza Odissi y Kathak, se organizaron festivales, presentaciones, exhibiciones y muestras de cine. El busto de Mahatma Gandhi se colocó en Medellín el 21 de Mayo de 2013. Con motivo del 154 aniversario del nacimiento de Tagore se celebró el 7 de Mayo de 2015 por el Instituto de Caro y Cuervo de Colombia, donde ya se instaló su estatua en el 2012 en honor de los 150 años de su nacimiento. En cambio, también se celebraron las semanas culturales colombianas en India en 2008 y 2009, en que se llevaron a cabo los conciertos musicales, los festivales de cine y las tertulias literarias en diferentes ciudades como, Chennai, Delhi, , Mumbai y Bhubaneswar por la Embajada de Colombia.

8 No obstante, estos eventos culturales no tuvieron la suficiente difusión necesaria para que trascendiera hasta la población de la India. Al final todo quedó reducido en un pequeño grupo de espectadores y participantes del ámbito diplomático. La gran diversidad étnica y folclórica de Colombia todavía está fuera nuestro alcance que ya había contado García Márquez hace muchos años: “…los progresos de la navegación que han reducido tantas distancias entre nuestras Américas y Europa, parecen haber aumentado en cambio nuestra distancia cultural.” (La soledad de América Latina: Discurso del Nobel de García Márquez) Todavía no hemos podido cruzar esa distancia de solitarios. La danza de la Cabrita y de la Chicha Maya en La Guajira, el Bambuco y el Pasillo, el Arrullo (canción de cuna) o el Canto Alabao: todavía son de un mundo muy ajeno que está lleno de misterio y magia al otro lado del océano pacifico. Al contrario, lo que está cruzando el Pacifico es la multipremiada serie de Netflix, Narcos que también habla del “Realismo mágico”, cada episodio de estas series comienza con unas líneas dibujadas en el cielo: “El realismo mágico se define como un entorno realista y

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detallado que se ve invadido por algo tan extraño que resulta increíble. Hay una razón por la que el realismo mágico nació en Colombia”. Esto es el realismo de la parte oscura del país a quien otorgan la magia unos nuevos cronistas que quieren contar ahora el cuento de beneficio aprovechando el desconocimiento de la gente.

9 Esta riqueza cultural india y colombiana debería ser potenciada y divulgada como un gran tesoro que poseen ambos países de manera compensatoria ante la uniformidad que el mundo globalizado nos inunda. No solo hay que cruzar la distancia en millas náuticas, sino también el retraimiento del aislamiento durante siglos. Y sobre todo, debería romper la tradición de ver el mundo a través del pensamiento occidental y necesitaríamos comenzar el discurso directo e independiente para que la luz verde de la esmeralda ilumine a ambos lados.

AUTOR

ARUNDHATI BHATTACHARYA

Profesora asistente (por contrato) del departamento de español de Doon University, Deharadun, India

Artelogie, 9 | 2016