Notice Sur La Vie Et L'oeuvre De Bernard Lyot
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NOTICE SUR LA VIE ET L'OEUVRE DE BERNARD LYOT Membre de la section d'Astronomie PAR M. LOUIS DE BROGLIE Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences. LECTURE FAITE EN LA SÉANCE ANNUELLE DES PRIX DU 8 DÉCEMBRE 1969. MESSIEURS, Il arrive assez rarement à l'un de vos Secrétaires perpétuels de no- d'être amené à prononcer devant vous l'éloge d'un Membre assez dramati- tre Académie mort jeune encore dans des conditions une œuvre d'une ques après avoir accompli scientifique qualité admirée dans le monde entier par exceptionnelle, unanimement Bernard tous les savants de sa spécialité. Ce fut le cas de Lyot BERNARD LYOT I897 I952 BERNARD LYOT 585 dont je voudrais évoquer aujourd'hui ici l'attachante personnalité et les remarquables travaux. Notre regretté Confrère André Danjon, qui a été pendant long- temps le grand animateur de l'Astronomie française et qui savait bien juger les hommes et leur valeur, avait pu suivre avec une admiration qu'il ne dissimulait pas toute la carrière de Bernard Lyot et après sa mort il lui a consacré une série de courtes études où il a fait ressortir d'une façon frappante tous les aspects de cette admi- rable figure de savant. Il a souligné tous les traits de son caractè- re, sa bonté, sa gentillesse, son constant désir de rendre service et aussi les contrastes qu'on pouvait relever dans son comportement, notamment entre la nature toujours très sérieuse et approfondie de toutes ses recherches et la véritable fougue, restée juvénile jusque dans sa maturité, qui l'animait dans toutes ses entreprises. Dans des termes d'une grande profondeur, Danjon a su exprimer quelques-uns des aspects remarquables de l'activité scientifique de Il a écrit: Lyot. «Sa vie scientifique fut une ascension continue, un épanouissement poussé jusqu'au génie de dons exceptionnel». Constatant que ce chercheur hardi s'était constamment attaqué à des questions que personne n'osait aborder, il a dit de lui que son but fut toujours de résoudre les problèmes réputés insolubles. Il a aussi insisté sur le fait que toutes les géniales découvertes de Lyot avaient toujours eu pour point de départ la mise en doute de ce qui était généralement admis et il écrit cette phrase d'une remar- quable profondeur: « Le génie est avant tout un non conformisme conscient et lucide » On ne saurait mieux dire et toute l'histoire de la science est là pour le prouver. aussi Remarquables sont deux autres aspects de l'oeuvre de Lyot sur il lesquels est bon de réfléchir. C'est d'abord la simplicité des moyens qu'il a souvent employés, après l'analyse minutieuse de phénomènes compliqués, pour obtenir d'admirables résultats. Danjon signale que souvent Lyot partait pour l'observatoire du Pic du Midi dans emportant un léger bagage ou même dans sa poche le petit Ac. des Sc. Notices et discours. V. — 74 586 BERNARDLYOT appareil qui allait lui servir à résoudre un problème que nul n'avait osé aborder avant lui. Et cela prouve que, même dans l'état actuel de la Science, il n'est pas toujours nécessaire d'avoir à sa disposi- tion des appareils compliqués et coûteux pour obtenir d'admirables résultats nouveaux. De plus, Bernard Lyot, dont l'esprit étant sans cesse en mouvement, a toujours travaillé dans une certaine solitude ce et, s'il eut parfois quelques collaborateurs, il ne pratiqua jamais le tra- qu'on nomme aujourd'hui le travail en équipe. Sans doute vail en équiqe dont on parle tant à l'heure actuelle est souvent uti- le ou même indispensable. Mais on ne doit pas perdre de vue que les plus grands progrès de la Science ont été accomplis par des esprits vigoureux qui, travaillant dans une certaine indépendance, ont cherché à ouvrir des voies nouvelles. Je pense que, contraire- ment à ce que l'on dit parfois de nos jours, ce qui à ce point de vue a été vrai dans le passé restera vrai dans l'avenir et que les d'idées nou- plus grands progrès scientifiques découleront toujours velles introduites par les réflexions de chercheurs particulièrement doués. Dans cet exorde, j'ai voulu dès l'abord souligner fortement le ca- ractère exceptionnel de la carrière de Bernard Lyot et ses princi- au habituel- pales caractéristiques. Me conformant désormais plan lement suivi dans des Notices telles que celle-ci, je vais maintenant étudier d'une façon plus détaillée la vie et l'œuvre de notre regret- té Confrère. fils d'un Bernard Lyot est né à Paris le 27 février 1897. Il était le médecin, Constant Lyot, qui après de brillantes études de Chirurgie avait été nommé Chirurgien des Hôpitaux de Paris, mais était mort prématurément à 33 ans, laissant une veuve et deux fils alors âgés de 8 et 7 ans. L'aîné de ces deux fils est mort pendant la guerre de 1914 d'une maladie contractée au front. Le second fut Bernard Lyot. BERNARDLYOT 587 Après la mort de son mari, Madame Constant Lyot, avec l'aide :de deux de ses parents Monsieur et Madame Lhuillier Leureux avait élevé ses enfants avec tendresse et dévouement. Bernard Lyot fit ses études secondaires au Lycée Janson de Sailly, puis il entra brillamment à l'École supérieure d'Électricité dont il sortit avec le diplôme d'Ingénieur en 1917. La guerre de 1914-18 battait alors son plein et Lyot fut affecté au laboratoire que dirigeait le Général Ferrié à l'Établissement central de la Télégraphie militaire. Il y rencontre le physicien Pérot, professeur à l'École Polytechni- que qui, frappé par son intelligence, le prend comme préparateur de son cours. Soit seul, soit avec M. Pérot, il réalise divers dispo- sitifs permettant à un bateau ou à un avion de suivre la nuit ou par brume épaisse une direction déterminée sans émettre aucun si- gnal que l'ennemi puisse recevoir. En 1919, la guerre se termine et Lyot, qui n'a que 22 ans, ne pa- rait pas encore engagé dans une voie qui le conduise à devenir as- tronome. Mais en réalité il s'est déjà alors et depuis plusieurs an- nées passionné pour l'Astronomie. Il avait installé une lunette astronomique dans une pièce du sixième étage de l'immeuble qu'il habitait et construit dans la propriété de son oncle en Touraine une petite coupole dont il s'est souvent servi. Plus tard en 4928, il pu- blia dans la revue l'Astronomie un article intitulé «Comment cons- truire soi-même son Observatoire» où il raconte sa carrière d'au- todidacte dans l'observation des astres. Mais ce fut le Professeur Pérot qui l'introduisit dans le milieu des astronomes de profession. Pérot était, en effet, attaché à l'Ob- servatoire de Meudon et, en 1920, il y emmène Lyot et le présente au Directeur de l'Oberservatoire qui était alors Henri Deslandres. Son intelligence, l'originalité de ses idées, sa véritable vocation d'astronome furent immédiatement reconnues et il est délégué dans les fonctions d'Assistant à l'Observatoire de Meudon. Là, tout en complétant sa formation d'astronome et en terminant les études 588 BERNARD LYOT d'obtenir la licence ès scien- qu'il avait entreprises dès 1919 en vue dans ses recherches fai- ces, il montre déjà une grande originalité sant dès 4923-24 des notes aux Comptes rendus sur la polarisation de la lumière réfléchie par la Lune et diverses planètes et déposant dans les Archives de notre Académie deux plis cachetés qui ne fu- contenant le rent ouverts qu'après sa mort, plis cachetés principe de la construction d'un polarimètre photoélectrique d'une très haute sensibilité dont il ne put réaliser la construction que 23 ans plus titularisé tard. C'est en 1925 à l'âge de 28 ans que Bernard Lyot fut Assistant à l'Observatoire de Meudon. Il entrait ainsi définitivement dans cet Observatoire où il allait passer tout le reste de sa carrière tous les de la hiérachie en y franchissant successivement degrés titulaire. Mais il des Astronomes jusqu'au grade d'Astronome déjà série de ses ad- est arrivé au plein développement de la première mirables recherches, celle qui porte sur l'étude de la polarisation C'est de la lumière réfléchie par divers corps du système solaire. recherches fit de sa thèse de ce premier ensemble de qui l'objet Doctorat soutenue en 1929 et je dois maintenant en résumer rapide- ment les principaux résultats. on sa- Au moment où Lyot commençait sa carrière d'astronome, réfléchie la Lune était vait depuis longtemps que la lumière par les travaux celle polarisée, mais on admettait depuis d'Arago que ne aucune trace de que refléchissent les planètes présentait polari- sation. Avec sa tendance à toujours mettre en doute les affirmations réalité les il a de courantes, Lyot eut l'idée qu'en pour planètes y est faible être mise la polarisation, mais qu'elle trop pour pouvoir Aussi son en évidence par les appareils jusqu'alors utilisés. premier et très soin fut-il de mettre au point un polarimètre très lumineux contra- sensible. Abordant ce problème avec ce mélange presque dictoire de hâte fébrile et de minutieux examen de tous les détails caractériser tous ses il compare tous qui devait dès lors travaux, retient comme le meilleur le les polarimètres existant et polarimè- subir des transformations tre à franges de Savart, mais il lui fait BERNARDLYOT 58- profondes qui en font un nouvel appareil d'une bien plus grande sensibilité. Il est dès lors capable de déceler dans une lumière une polarisation de l'ordre du millième et il est vite en état d'affirmer qu'il existe une certaine polarisation de la lumière réfléchie par les planètes.