Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. /José Gonçalves/Catalogue Modificatif 2019

Septembre 2019. Ce troisième modificatif, en deux parties, est l’occasion de plusieurs mises au point qui en plus de révéler deux tableaux inédits, modifie sensiblement notre connaissance de Philippe de Champaigne. On s’était fait l’idée d’un atelier de configuration assez modeste, et d’un maître solitaire secondé par deux élèves plutôt que des collaborateurs : or, la réattribution proposée ici (qui lève beaucoup de contradictions et d’approximations) de plusieurs tableaux à son cousin Claude de Champaigne et à son jeune frère Henry, inconnus parce que les traces de leur nom et de leur activité semble s’être effacée du vivant même de Philippe, place l’atelier au rang d’une petite entreprise familiale, à l’exemple de Simon Vouet, de le Brun, des Le Nain, sinon de Rubens. La première partie porte sur l’identification des portraits : avec les propositions déjà faites depuis la mise en ligne en 2008 de ce catalogue, soit un ensemble de plus de trente identifications à ajouter à celles de Bernard Dorival en 1976, c’est la quasi totalité des portraits de Philippe de Champaigne et de ses collaborateurs qui sont ainsi reconnus.

La seconde partie de ce Modificatif 2019 porte sur la reconstitution de l’oeuvre peint et dessiné de Claude de Champaigne, et de Henry de Champaigne.

Dans l’ordre : nouvelles attributions, nouvelles identifications, désattributions.

1 - ATTRIBUTIONS

Ma1901 - Portrait de François Pallu. V. 1653. Huile sur toile, 65 x 54 cm. Inscription : FRANCOIS PALLU EVESQUE. Au dos, sur le châssis, à la pierre noire, d’une écriture qui semble autographe : fecit Ph de Champaigne. Col. privée. Tableau inédit. Ordonné prêtre en 1650, son avenir se précise lorsqu’ en 1653 il est pressenti avec deux autres évêques pour une mission en Orient : le portrait s’inscrirait donc dans une période de grande exaltation. Deux personnalités ont pu faire le lien entre le fondateur des Missions Orientales de et Philippe de Champaigne : d’une part, il était le neveu de Victor Pallu, médecin de Port-Royal jusqu’à sa mort en mai 1650 : Jean Hamon lui succèdera dans cette fonction. D’autre part, le projet de mission en Orient trouva l’un de ses plus efficaces soutiens en la personne de Marie de Vignerot, la duchesse d’Aiguillon légataire du cardinal de Richelieu, dont Philippe et Claude de Champaigne avaient fait au moins deux fois le portrait (notices XP84- du catalogue 2009)

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. Ma1902- Portrait de Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran. Huile sur toile, Budapest, musée des Beaux-Arts. La qualité de l’écriture légère ne laisse pas de doute sur son statut d’original. Le cadre ovale est une surimpression. Il semble que cela participe d’une méthode de travail, tant ce genre d’ajout s’observe en plusieurs portraits, celui de la Petite fille en prière, comme avec la plupart des bords de pierre au premier plan, ce qui ne remettrait donc pas en cause la validité de la date 1645... D’autre part, entre l’année 1646 avancée par B. Dorival pour situer le début des relations du peintre avec Port-Royal et ce millésime 1645, la nuance a tout d’une confirmation. Considérant que la version de Grenoble propose une analyse plus massive de la stature, laquelle est la plus proche de la réalité ? A cette question, deux réponses : Philippe de Champaigne n'ayant pas connu le modèle, a peint le portrait de Budapest avec ce port de tête qu'il donne à la plupart de ses effigies, qui hausse fièrement la tête au dessus des épaules, ainsi les Jean-Pierre Camus et Pierre Berthier, Vincent Voiture, Lemercier, Martin de Barcos...etc…

Mais probablement sur les impressions et souvenirs de ses commanditaires, le peintre a abaissé la tête et étoffé la carrure ; la ratification de ce parti, sans doute plus conforme, serait donnée par la gravure de Jean Morin d’abord, à analyser dans ce sens, et le grand portrait de Versailles : les deux interprétations consignent significativement l'air avenant et disponible du portrait de Budapest avec la densité et l'assise du tableau de Grenoble.

Ma1903 - La Charité. Huile sur toile, 120 x 90 Col. part. Tableau inédit. A l’origine de même format que la version de Nancy, cette réplique autographe a été coupée, rentoilée et repeinte ; surtout, qu’elle ait perdu tous ses glacis lui confère le statut paradoxal de témoignage éloquent de l’art de Philippe de Champaigne, tant il est instructif d’apprécier ici le travail principal des dessous mis à nu, le modelé ferme et la couleur franche et contrastée, et par comparaison avec la peinture de Nancy, tout ce qu’apportent de nuances les glacis.

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. Ma1904 - Sainte Catherine.

Huile sur toile, 76 x 52. Ni signé ni daté. Musée des Beaux-Arts, Grenoble. B. Dorival (1957) a visiblement étudié ce tableau avant nettoyage et restauration : ainsi s’explique qu’il n’ait pas vu d’attribut, ni de fleurs de lys, et que les mains lui aient paru approximatives… Il s’agit bien de Sainte Catherine : à défaut des fleurs de lys, le manteau d’hermine, la couronne et la roue du supplice sont maintenant bien lisibles. Il est difficile de proposer une datation pour cette peinture : l’attitude et les mains rappellent le Portrait de Mme Montmor (Portrait de femme à la rose) : pour autant, en 1649, dans une période d’intense activité, un telle image faite, selon toute vraisembance, hors d’une commande précise aurait-elle sa place ? D’autant que le manteau oriente sur des temps distincts et tout aussi approximatifs, celui du Moise d’Amiens, daté de1663, ou celui d’Antoine Galland,vers 1670.

2 – IDENTIFICATIONS NOUVELLES

Tous les portraits qui suivent sont connus et répertoriés dans ce catalogue, soit depuis sa première édition en 2008, soit au fil des deux précédents Modificatifs, sous des dénominations traditionnelles mais contestables, ou sous le titre générique de « portrait d'homme ». Il y a aussi des identités contestées, du Groulart de la Court, du Valeron de Perrochel, du Remi Tronchot, sans oublier le Longueville, auxquelles j'oppose des noms plus plausibles. Ces vingt nouvelles identifications s'ajoutent aux quatorze précédentes : celles de Pierre Langlois de la Fortelle (notice 126 cat 2013) de Marie de Vignerod, duchesse d'Aiguillon (notice 30 cat 2013, n° 4 Modificatif 2016), de Louis Barbier de la Rivière (notice 245 cat 2013), de l'Autoportrait de Clermont-Ferrand (notice 67 cat 2013), des autoportraits inclus dans Le Mariage de la Vierge (notice 76 cat 2013), La Présentation au Temple de Dijon (notice 24 cat 2013) et le Gaston de Foix (notice 36 cat 2013), du Portrait de Jean-Baptiste dans La Visitation Noortman (notice 228 cat 2013), du Portrait de Henri de Guénégaud ( notice XLV cat 2013), du prévôt Antoine Le Fevre (notice 151 cat 2013), de Jacques Potier de Novion (notice 258 cat 2013), de Fréart de Chambray et de Paul Chantelou (notice XP 91 cat 2013), de Marie-Henriette de Buade de Frontenac, épouse Habert de Montmor (notice 124 cat 2013), etc...

Mi1905 - La Réception d’un chevalier (le marquis Charles du Combout ?) dans l’Ordre du Saint-Esprit par le roi Louis XIII, le 15 mai 1633. (dit par erreur La Réception du duc de Longueville). 26. 1634. Huile sur toile / Format : 293x400 cm

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. Signé et daté. LOCALISATION :Musée des Augustins, Toulouse. Inv. n° : RO 46 ; D.1812.6 Inscription : CEREMONIE FAITE A FONTAINEBLEAU EN 1633 REPRESENTEE PAR P.DE CHAMPAIGNE. HISTORIQUE Réplique du tableau (disparu) commandé en 1634 par le roi Louis XIII pour orner la chapelle du Saint-Esprit de l'église des grands Augustins à Paris ; Hôtel de ; offert en 1789 « à la nation » par André Pierre de Montmorency, duc de Laval ; envoyé en 1811 au musée des Augustins. Rentoilé en 1857 ; restauré en 1953, 1971, 1980. BIBLIOGRAPHIE (gravé par A. Delzers en 1902) Guillet de Saint Georges p. 240-241 ; Dezallier d’Argenville p. 370 ; Stein p. 16 ; cat. 1813 n° 128 ; cat. 1818 n° 143 ; cat. 1828 n° 144 ; cat. 1835 n° 134 ; cat. 1850 n° 123 ; cat. 1864 n° 149 ; cat. 1908 n° 46 ; Mabille de Poncheville p. 16 ; MP II p. 24 ; Thuillier et Châtelet 1964, p. 54 : Dorival 1974, Connaissance des Arts p. 133 ; Dorival 1976 n° 179 ; Gonçalves 1995 p. 40-41 ; Marin 1995 fig. 40 ; Péricolo 2002 p. 208 Philippe de Champaigne / José Gonçalves. Catalogue, 1 : Richelieu Page 38 EXPOSITIONS Portraits nationaux, Partis 1878, n° 125 ; Philippe de Champaigne 1952, Paris-Gand n° 7. Photo : Musée des Augustins, Toulouse. Voir notice Mi1905-c ci-dessous.

Mi1905-a - La Réception d’un chevalier (le marquis Charles du Combout ?) dans l’Ordre du Saint-Esprit par le roi Louis XIII, le 15 mai 1633. (dit par erreur La Réception du duc de Longueville). 48. v 1638-40. Huile sur toile / 290x358 cm. Ni signé ni daté Musée d'Art et d'Archéologie, Troyes. Inv. n° : 835.1 HISTORIQUE Château de Cl. Bouthillier à Pontsur- Seine ; saisie révolutionnaire ; affecté au musée de Troyes par décision du 11 Floréal An VI. BIBLIOGRAPHIE : annuaire de l'aube 1835 ; cat. 1850 n° 60 ; cat. 1864 n° 27 ; cat. 1879 n° 34 ; cat. 1882 n° 34 ; cat. 1886 n° 39 ; cat. 1897 n° 55 ; cat. 1907 n° 67 ; cat. 1911 n° 67Félibien, p.168 ; Stein, p. 16 ; Louis Gonse, Les chefs-d'œuvre des musées de , Paris 1900 ; Dorival 1976 n° 180 ; Gonçalves 1995 p. 38 ; Marin 1995 fig. ; Péricolo 2002 p. Photo : Jean-Marie Protte. Voir notice Mi1905-c ci-dessous.

Mi1905-b - La Réception d’un chevalier (le marquis Charles du Combout ?) dans l’Ordre du Saint-Esprit par le roi Louis XIII, le 15 mai 1633. (dit par erreur La Réception du duc de Longueville). 27- 1634 Huile sur toile / Format : 64,4 x 92 cm Ni signé ni daté LOCALISATION :Col. privée, Irlande.

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. HISTORIQUE Col. du roi de Pologne Stanislas Auguste ? Vente Robert Vernon, Londres 21 avril 1877. BIBLIOGRAPHIE : A. Ryszkiecvicz, Bulletin des Musées nationaux de Varsovie, 1963, p. 27-29 ; Dorival 1976 n° 134 ; EXPOSITIONS Saint-Petersbourg, 1797 ? Voir notice Mi1905-c ci-dessous.

Mi1905-c - La Réception du Duc de Longueville dans l’Ordre du Saint-Esprit par le roi Louis XIII, le 15 mai 1633. II. 1633. Plume et lavis d'encre grise / Format : 27,5x35 cm. Non signé, non daté. LOCALISATION : Fogg Art Museum, the Harvard University, Cambridge. HISTORIQUE : don de Melvin R. Seiden et Marion H. P. Hinney Fund. BIBLIOGRAPHIE : Gazette des Beaux-Arts mars 1984 ; B. Dorival 92 n° 4 ; Pericolo p. 202 ; Lanoé n° 5

1 Un dessin copié fidèlement du tableau de l’Ordre. Les nombreuses différences entre le dessin de Cambridge et les tableaux de Toulouse et de Troyes ont fait passer le premier pour une étude préparatoire, sans qu’on se soit interrogé sur ces écarts : sont-ce des approximations, ou des choix assumés et des décisions ? La réponse nous est donnée par la miniature figurant dans le livre de l’Ordre, et pour cela même consignant le rituel. De fait, le dessin reprend une à une les dispositions de la miniature, celles-là même que la comparaison avec les peintures faisait passer pour des insuffisances : gestuelle de l’élu, avec sa main gauche en suspens, le livre ouvert sur deux pages de texte, la colombe plongeante, le coussin à même le sol… ce ne sont pas là des hésitations propres à une phase de recherche, mais des citations fidèles et symboliques d’un cérémonial. Du coup, c’est faire tomber le seul argument en faveur d’une étude préparatoire concernant le dessin. Autre originalité qui ne peut passer pour une hésitation est le modèle des poignets, différent de ce que montrent les deux toiles : là encore, une notation précise d’un motif vestimentaire renvoie à une peinture qui ne peut être identifiée. Seul Claude de Bullion a des manches sans collerette de dentelle : un dessin d’étude s’arrêterait-il à cette futilité ? Un dessin est généralement fait en une seule séance, contrairement à un portrait collectif, soumis, en plus de la complexité de la composition, à la disponibilité des personnes à représenter. Que ce dessin soit postérieur à la peinture originale, la fraise de Claude de Bullion, plus petite que celle des autres officiers, le confirme encore : dans un dessin d’étude, Philippe de Champaigne ne pouvait prévoir que ce détail vestimentaire distinguerait un personnage parmi les autres ; c’est après que le chancelier ait posé pour son portrait, directement sur le tableau collectif, que le peintre a pu noter cette particularité sur le dessin. Tous les officiers sont parfaitement reconnaissables, ce qui entraîne la même conclusion à propos du nouveau chevalier. Six portraits fidèles, sur un dessin, ne peuvent avoir été réunis que par la copie d’une autre source. Il n’y a aucune raison à pousser à ce point les portraits sur une feuille d’étude. Ce dessin apparaît donc non pas comme une étude préliminaire, appréciation sur laquelle

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. se fondait une attribution automatique et sans argument à Philippe de Champaigne, mais comme une copie fidèle. Cela pose avec plus d’acuité la question de l’autographie : si une copie amène logiquement le doute, en revanche la comparaison de style de ce dessin avec d’autres feuilles semble confirmer l’attribution. Philippe de Champaigne voulut-t-il conserver dans son atelier quelque trace précise d’une œuvre aussi emblématique que symbolique ? Ne manque ici que la couleur. L’exemple célèbre, quoique unique, du Liber Veritatis montre une semblable préoccupation chez les artistes. Notons que pour ce faire, Le Lorrain a usé de la même technique, le lavis relevé d’un travail à la plume. Mais une échéance plus prosaïque dicta certainement l’exécution de ce dessin. Philippe de Champaigne peignit La Réception du duc de Longueville dans l’Ordre du Saint-Esprit en 1634 pour le siège de l’Ordre dans la chapelle des Augustins. Le dessin a certainement été exécuté sur place, dans la chapelle des Augustins, à titre d’aide mémoire, lorsque l’artiste se vit chargé par Claude de Bullion de peindre une réplique du tableau original. Les nombreuses différences entre ce dessin et le tableau de Toulouse, puis entre ce dernier et la version de Troyes, témoignent d’un intervalle de temps entre chaque réalisation. Sans aucun doute restitution fidèle du tableau disparu du siège de l’Ordre, le dessin révèle de nombreuses approximations : Charles Duret paraît très grand auprès de Louis XIII assis, le roi lui-même dont les pieds et la tête sont au même niveau que ceux de Bullion debout alors que l’un est assis et l’autre debout, enfin les deux personnages extrêmes voient occultées leur croix du Saint-Esprit. Le tableau de Toulouse et plus encore celui de Troyes apporteront les modifications attendues que les intervalles de temps entre chaque réalisation auront fait paraître.

2 Contre Longueville. L’identification du duc de Longueville remonte à Félibien : « En 1634, le roi lui fit faire le tableau de la cérémonie des chevaliers de l'Ordre du saint esprit tenue en 1633, où M. de Longueville est représenté comme le Roi lui donne l'Ordre. Ce tableau est aux Grands Augustins, dans la chapelle à coté du choeur. Il en fit encore deux semblables, l'un pour M. de Bullion, et l'autre pour M. Bouthillier, tous deux de l'Ordre et surintendants des finances, qui sont aussi représentés dans le même tableau. » Remarquons que l’historiographe désigne le tableau du siège de l’Ordre, et que la mention deux semblables s’applique au sujet, sans nécessairement exclure quelque modification, du reste nombreuses entre les deux toiles qui nous sont parvenues. Le dessin montre un jeune chevalier, dont le profil allongé et la chevelure abondante correspond bien à l’apparence du duc de Longueville, né en 1595, qui avait donc 38 ans à la date de la cérémonie. Ce profil concorde parfaitement avec les portraits autonomes et une gravure d’après une effigie de Philippe de Champaigne. Or, ce n’est à l’évidence pas le même personnage qui figure sur les tableaux de Toulouse et de Troyes, avec son crâne dégarni qu’on ne saurait prendre pour un effet de mode, aucun portrait de cette époque ne met en avant un début de calvitie. De fait, l’identification de Longueville était pour le moins curieuse : comment admettre que Bullion et Claude Bouthillier, deux fidèles de Richelieu, aient accueilli dans leur château

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. une représentation de la cérémonie d’introduction d’un adversaire de leur politique ? Le tableau symbolique destiné au siège de l’ordre exigeait que soit représenté un grand du royaume faisant acte d’allégeance au roi, et sans doute nul mieux que le duc de Longueville n’était plus désigné ; mais que le même homme turbulent et comploteur entre dans les demeures privées de qui prétend limiter ses prérogatives de classe est fort peu vraisemblable. Le remplacement de Longueville du tableau officiel par un chevalier plus consensuel était non seulement prévisible, mais inévitable : il y avait le choix sur la trentaine de fidèles qui furent reçus ce 14 mai 1633, et dont la plupart, aux dires de Loménie de Brienne, étaient justement des hommes de Richelieu.

3 Un homme de Richelieu. Qui est représenté sur les deux tableaux de Troyes et de Toulouse ? C’est un noble d’épée, c’est à dire un militaire puisque le nouvel élu porte l’épée et on va lui remettre le collier : la noblesse de robe recevait le ruban bleu ; il a d’autre part plus de cinquante ans, au vu de son crâne dégarni. Parmi la trentaine de nouveaux chevaliers intronisés à cette séance, il y a tout de même plus de 15 candidats possibles : en voici la liste, tous sont de vieille noblesse, et nés avant 1585. Henri 1er de Saint-Nectaire, François-Annibal d’estrée, Charles- Henry de Clermont-Tonnerre, Philibert de Pompadour, René Aux-Epaules dit de Laval, Guillaume de Simiane, François de Nagu de Varennes, Jean Galard de Béarn, François de Noailles d’Ayen, Bernard de Baylens, Gaspard- Arnaud de Polignac, Charles du Cambout, Just-Henri de Tournon, Jean de Monchy de Montcavrel, et Georges de Brancas. Pour beaucoup je n’ai pu trouver de portrait qui permettrait d’affiner l’identification ; moins nombreux sont ceux dont la date de naissance reste indéterminée. Compte tenu de ces lacunes, un nom s’est toutefois dégagé, celui de Charles du Cambout, né en 1577 il a donc 57 ans sur le tableau ; un portrait indépendant, de face, montre des traits correspondant au profil des tableaux de Troyes et de Toulouse : longueur du nez, horizontalité des narines, lèvres fines, sourcils fins hauts sur les orbites, angle faiblement creusé de la ligne entre front et nez, un espace entre le menton et la lèvre inférieure ; enfin, il avait la faveur du cardinal de Richelieu son cousin germain, qui le fera nommer marquis dès l’année suivante. Proche de Richelieu, lui et sa famille ne sont pas inconnus de Philippe de Champaigne : L’Annonciation, également conservée au musée des Augustins à Toulouse, porte ses armes, le Moïse de l’Ermitage provient de sa succession, et d’une branche de la famille vient le Portrait du duc de Choiseul-Praslin.

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. Mi1906-a - Portrait d'une petite fille aux mains jointes. 194. . Huile sur toile Non signé. LOCALISATION :Col. Privée. HISTORIQUE Galerie Leegenhoeck, Paris BIBLIOGRAPHIE Dorival 1976 n° ; Dorival 1992 n° ; REPLIQUES ET COPIES : Musée du .

Mi1906-b - Portrait d'une petite fille aux mains jointes. 194A. Daté 1657 Huile sur toile / Format : 70 H ; 58 L Non signé. LOCALISATION : Paris, musée du Louvre Saisie révolutionnaire 1797 ; Inv. 1149. HISTORIQUE col. Philippe de Noailles ; col. Duc de Mouchy ; acquis en 1797. BIBLIOGRAPHIE Champaigne Philippe de (Villot ii) ; Champaigne Philippe de (cat. Somm.) ; c.p.i. 114 ; Villot ii 92 ; cat. Somm. 1942 Dorival 1976 n° ; Dorival 1992 n° ; REPLIQUES ET COPIES : col ; privée. Ce portrait est connu en deux versions, l’une au Louvre, l’autre en collection privée, vendue par la galerie Leegenhoeck. Selon Bernard Dorival, celle-ci porte une inscription en bas : « 1657, âgée de 18 mois ». L’information discréditée par l’absurde mention de l’âge, et par conséquent apocryphe, est absente du tableau du Louvre, si bien que l’on peut se demander s’il ne faut pas plutôt lire 1647. Le style de ce tableau qui n’a pas le moelleux des années 1655-57, est au contraire compatible avec la date 1647. C’est le situer dans le voisinage du Portrait dit de Valeron de Perrochel (notice Mi1908 de ce Modificatif 2019). D'apparence 10-12 ans, ce peut être une fille de Philippe de Champaigne. Mais force est de constater que nous manquons d’éléments d’appréciation : de fait, deux dessins passant pour représenter les filles du peintre sont problématiques, tant sur l’identification que sur l’autographie. D'une part le portrait dit de Francoise de Champaigne est plutôt une étude pour la Vierge de l'Annonciation, et il n’est pas concevable que Philippe de Champaigne ait fait poser dans ce but une fillette de 8 ans pour figurer la Vierge enceinte, et d'autre part la petite fille du tableau ne ressemble aucunement à celle du dessin dit de Catherine. D'autant que ce dernier est hautement problématique, portant une inscription tardive et sans valeur désignant Catherine, et parce que la prétendue fillette de 10 ans a tout d’une pré-adolescente. Si l'on ajoute que ce dessin (notice XXVI du catalogue 2009 et notice XXIII cat 2013), ne me semble aujourd’hui pas même revenir à Philippe de Champaigne, cela laisse toute latitude pour identifier l'une des filles du peintre dans le portrait peint du Louvre. Ses traits concordent étroitement avec le portrait de Soeur Catherine dans L'Ex-Voto : un évident air de famille avec ce visage large aux pommettes saillantes, le front horizontal, les yeux peu enfoncés, retour en douceur sous les arcades sourcillères, sourcils arqués, menton rond ; air de famille encore par comparaison avec l'Autoportrait du Louvre : à nouveau ce visage qui s'inscrit presque dans un carré, le triangle identique à la naissance du nez entre les orbites, une bouche pareillement dessinée...

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. L’encadrement ovale feint, équivalent des balustrades, a été peint après-coup, comme souvent chez Philippe de Champaigne.

Mi1907 - Portrait de Claude Bouthillier. 34-(65). 1635-1640 Huile sur toile Non signé, non daté. LOCALISATION : Norfolk, Virginie. HISTORIQUE Ancienne collection Robert Lebel. BIBLIOGRAPHIE Rosenberg, TOP Le Nain, Paris. Identification et attribution nouvelle. Les liens du peintre de Port-Royal avec la préciosité n'ont jamais fait l'objet de la moindre étude ; mais il y a dans la célèbre Réunion d'amateurs de Mathieu le Nain une rudesse, une truculence parfaitement absence du Portrait de Norfolk jusqu’à ce jour attribué hypothétiquement aux frères Le Nain, dont le maintien élégant et aristocratique relève au contraire de la clientèle spécifique de Philippe de Champaigne. Le doute n'est pas permis sur une œuvre foncièrement étrangère au style de Le Nain portraitiste (voir son Portrait de Jeune Homme, au musée du Puy) qui multiplie par contre les références à Philippe de Champaigne : la construction en pyramide évasée, la carrure des épaules, la tête nettement dégagée, l'éclairage habituel, l'ombre caractéristique sous l'œil et la fossette sous le nez, le fond sombre, la réserve psychologique enfin… Quant à la matière picturale, quelle relation établir entre sa transparence, la subtilité de son modelé, et l'opacité héritée du caravagisme des effigies des frères le Nain ? La couleur vive, qui semble absente de leur œuvre, se retrouve dans de nombreux portraits de Philippe de Champaigne : Portrait de Noël de Bullion (gal. Coatalem), Longueville de Troyes. Sur ces exemplaires, il y a une lumière contrastée, la note colorée, verts rouges, et l’opposition des blancs et des noirs. J'ai publié ce portrait dès la première édition de ce catalogue, en 2008, sous une attribution inédite à Philippe de Champaigne, sans m'être préoccupé, à l'époque, de son identification. Il semble finalement qu'il ne faille pas chercher bien loin : les traits sont ceux de Claude Bouthillier, tel qu'il apparaît dans La Vierge du Rosaire (église de Pont-sur- Seine), et dans La Réception de Longueville (Troyes). Cette identification inédite conduit à réviser la date de 1643-44, comme je l’ai d’abord proposé, une période de transition qui voit le peintre de Richelieu prendre ses distance avec l'aristocratie pour se rapprocher de la bourgeoisie. Ses portraits si caractéristiques commencent tout juste à voir le jour ; œuvres d'autre part à caractère privé, elles ne sauraient déjà faire école : ainsi l'hypothèse d'une toile de Mathieu Le Nain influencé par Philippe de Champaigne n'est pas recevable. La moustache appartient à la décennie 1630, ce que confirme encore l'habillement : à situer, en raison de l'âge apparent, entre La Réception de Toulouse, 1633, et la version de Troyes, vers 1640, soit vers 1635 à1638, date à laquelle Philippe de Champaigne peint aussi L'Assomption de Grenoble pour la chapelle des Bouthillier dans l'église Saint Germain-l'Auxerrois. Avant que Philippe de Champaigne ne soit en mesure d’entreprendre sa grande série de portraits du parti dévôt, vers 1644, son expérience s’est inévitablement formée sur des travaux parallèles qui ne peuvent se limiter à la trop exclusive, et spécifique, série des portraits de Richelieu.

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. Mi1908-a - Portrait de François de Perrochel, ou Portrait de Melchior de Gillier. 102. Daté 1647 Huile sur toile / Format : 72x60. Non signé, daté. LOCALISATION :Col privée. Armes de la famille de Perrochel HISTORIQUE Vente du marquis de Perrochel, 20-24 avril 1904, Le Mans, en provenance du château de Grand-Champ (Sarthe). BIBLIOGRAPHIE Dorival 1976 n° 199. REPLIQUES ET COPIES Musée des Beaux-Arts, Boston.

Mi1908-b - Portrait de François de Perrochel, ou Portrait de Melchior de Gillier. 102A. Daté 1647 Huile sur toile / Format : 73.7 x 60 cm Non signé, daté. LOCALISATION :Museum of Fine Arts, Boston. Inscription : 1647 BIBLIOGRAPHIE Dorival 1976 n° 199 EXPOSITIONS Philippe de Champaigne, Paris-Gand 1952 n° 25. REPLIQUES ET COPIES Col. Privée, Paris. HISTORIQUE Lieutenant Général Comte Despinoy (Comte Hyacinthe François Joseph d'Espinoy); January 14-February 9, 1850, Vente Despinoy 14 jan-9 fév., Versailles, lot 327 (vendu comme portrait de Robert Arnauld- d'Andilly). avant 1901, Marquis de Biencourt, Château Azay-le-Rideau ; vente Galerie Georges Petit, Paris 13-14 mai 1901,, lot 92 (portrait de R. Arnauld d'Andilly) ; Alfred de Chaignon des Lans ; Pierre de Chaignon la Rose, Cambridge, MA, 23 fév. 1905, vendu à Denman Waldo Ross, Cambridge, MA, 1906, succession de Denman Waldo Ross. 8 mars 1906. Le blason apposé sur le tableau en collection privée est celui de la famille Valeron de Perrochel : cependant, il peut aussi être un ajout postérieur, volonté tardive de s'approprier une belle effigie, cela d'autant qu'aucun autre exemple de Philippe de Champaigne ne situe les armoiries à cet endroit choisi fort mal à propos. Ajoutons : avec une telle exigence singulière des armes à cet emplacement, il est étonnant que le commanditaire n'ait pas exprimé le même désir pour la réplique de Boston. Une inscription au dos, rapportée par B. Dorival, désigne « Valeron de Perrochel, né en 1574 ». Le portrait serait donc d’un homme de 73 ans, ce qui est inacceptable ; serait-ce un fils, Guillaume, mort en 1658 ? Cette incertitude, cette contradiction sur l’âge apparent, au point qu'il ait fallu s'en tenir à une dénomination générique de « Portrait d'un membre de la famille Valeron de Perrochel » jette le doute sur l’identification proposée. Reste que ce personnage ressemble beaucoup à François de Perrochel, (1602-1682) évêque de Boulogne-sur-mer de 1643 à 1675, tel qu’il apparaît dans un autre portrait, anonyme. A moins que ce dernier ne soit une copie du premier, tant les deux effigies ont visiblement le même âge, et adoptent le même parti esthétique ;

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. auquel cas, le rapprochement n’est d’aucun secours, ni pour confirmer, ni pour infirmer. Mais l’absence singulière d’habits ecclésiastiques attendus chez un évêque dont les témoignages contemporains vantent l’humilité entretient le doute ; de fait, rien ici ne dit l’homme d’église. Si bien qu’il peut s'agir d'un tout autre individu : la comparaison avec une gravure de Nanteuil, représentant Melchior de Gillier, semble faire état du même homme. Entre la peinture datée de 1647 et la gravure portant le millésime 1652, un intervalle de cinq ans peut justifier d’infimes différences, accentuées d’ailleurs par le style et l'interprétation de chacun. Maître d'hôtel de la reine Anne d’Autriche, Melchior de Gillier fréquentait nécessairement Philippe de Champaigne. Cultivé : il commande à Poussin Le Frappement du Rocher de l’Ermitage (selon d’autres sources il l’aurait acquis auprès de Jacques Stella), autant que soucieux de représentation mondaine, il s’est fait construire par Le Vau, justement vers 1647, un hôtel particulier situé en face d’un autre probable client de Philippe de Champaigne, Blaise de Mélliand (voir notice Mi1920 de ce Modificatif 2019), sur l’Ile Saint Louis, à moins de 300 mètres de l’atelier et de la demeure du peintre. Cette identification du portrait avec Gillier conduit à s’interroger sur l’âge apparent du dit Valeron de Perrochel : reconnaît-on sur la peinture un soixantenaire, comme l’implique l’identification de François Perrochel, ou un trentenaire comme l’est en 1647 Melchior de Gillier ?

Mi1909 - 128A Portrait de Nicolas Potier de Novion, dit Blancmesnil. Huile sur toile, Vers 1648-50. Collection particulière. Identification inédite par comparaison avec une gravure de Pierre Giffard. La couleur verdâtre inscrit le tableau auprès de La Présentation au Temple et La Visitation Wildenstein, œuvres de 1648. couleur, modelé, économie des moyens rappellent aussi le Portrait (dit) de René Tronchot de Bruxelles (notice Mi1920 de ce Modificatif 2019), daté 1650, des indications qui concordent avec l’âge apparent du personnage d’une trentaine d’années. Nicolas Potier, 7ème du nom, naît en 1618. Il est conseiller du roi en 1637, Président à Mortier du de paris en 1645, puis greffier commandeur des Ordres du Roi en 1656, charge dont il se démet l’année suivante. Cette promotion, que lui vaut son ralliement tardif à Mazarin, normalise un passé récent et un comportement pour le moins ambigu. Son arrestation le 26 août 1649 (il se faisait appeler Blancmesnil) avec Pierre Broussel avait d’ailleurs marqué le début de la Fronde : c’est pour n’avoir pu obtenir d’Anne d’Autriche

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. leur libération immédiate que le président Mathieu Molé fut pris à partie par une foule déchaînée. L’Histoire a encore retenu de Nicolas Potier de Novion sa présidence des Grands Jours d’Auvergne, cette session extraordinaire du Parlement de Paris dépêché sur place en 1665 par Louis XIV pour juger les exactions des tyrans locaux. Accumulant les honneurs : il fut nommé premier Président du Parlement de Paris de 1678 à 1689, élu à l’Académie française en 1681, à la succession d’un autre magistrat célèbre, Ollivier Patru ; il s’éteignit le 1er septembre 1693 dans son château de Grignon près de Versailles, acquis six mois auparavant.

Mi1910 -180- Portrait présumé de Henri de Béthune. 180- Portrait dit de Colbert. 1656 Huile sur toile, 75x57,8 cm Inscription : « Signé et daté 1656 de façon indistincte » selon le cat. de la vente du 27 nov. 1903. LOCALISATION : Nat. Galleriet de Stockholm. HISTORIQUE Vente Vivant Danjeux, Paris 29 avril 1793 ; vente Dandas, Londres 30 mai 1794 ; vente Trunhall, Londres 17 avril 1797 ; col. Marquis de Stratford ; col. Ducs de Sutherland ; vente Sutherland, Londres 11 juillet 1913 ; col. Thorneycroft Ryle, New York ; vente du 27 nov. 1963, Londres. BIBLIOGRAPHIE (gravé par John Young) Dorival 1976 n° 166 ; Dorival 1992 n° 25 EXPOSITIONS , 1200-1900, Londres, 1932, n° 122. Aucune des nombreuses identifications que j’ai envisagées (Louis-Charles d'Albert, duc de Luynes, Henri III de la Trémoille, duc de Thouars, la famille Amelot en raison des yeux en amande...) ne s’est imposé avec autant de cohérence que celle de Henri de Béthune. L’un des représentants les plus illustres de la dynastie, Philippe de Béthune, né en 1565, est mort en 1649 ; son fils, Louis de Béthune, 1er duc de Charost, se fait représenter par Philippe de Champaigne, dans un portrait retrouvé récemment par van Acker (van-acker.over.blog.com). Il eut trois enfants, Marie, Henri et Hypolyte, né le 19 septembre 1603 ; ne gravure le représentant montre les yeux en amande de son père. Hypolyte de Béthune eut un fils prénommé Henri : comte de Selles, chevalier de Malte, évêque de Verdun, né en 1632 et mort en 1690, celui-ci aurait donc 24 ans à la date de ce portrait, ce qui peut correspondre. Il porte un solitaire à l'auriculaire gauche. Or c’est cette même année, 1656, qu’est peint (probablement par Henry de Champaigne comme je le soutiens dans l’autre partie de ce Modificatif 2019, notice MHe1921), le Portrait dit de deux architectes, que j’identifie comme représentant Paul Chantelou et son frère Fréart de Chambray. Chantelou commanditaire et possesseur de l'Autoportrait de Poussin, duquel la bague à l’auriculaire a inspiré les gloses les plus erratiques, a pu donner l'idée à Philippe de Champaigne de mettre une bague en évidence.

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. Mi1911 - 8-151D- Portrait présumé de Jacques 1er Le Fèvre de Caumartin, dit Portrait d'un échevin. 161C 1654. Huile sur toile / Format : 80 x 65 cm. Non signé, non daté. Localisation The Toledo Museum of Art, Toledo, USA. Inv. 1933.325 BIBLIOGRAPHIE Dorival 1976 n° 226 ; Gonçalves 1995 p. 101. HISTORIQUE Hugot, Paris ; Felix Wildenstein, New York ; 1933 Toledo Museum of Art. Avec quatre autres portraits, c’est ici un vestige probable, agrandi par deux bandes latérales, du second portrait collectif du Prévôt des marchands et les Echevins de Paris, peint en 1654 sous la prévôté d’Antoine le Fèvre, ainsi que le suggère l’orientation commune de l’éclairage de la droite vers la gauche. Identification nouvelle. Une gravure de Montcornet, une autre de Louis Boudan, semblent représenter le même homme faisant l’objet du présent tableau : Jacques Ier Le Fèvre de Caumartin, marquis de Cailly né entre 1587 et 1592, mort en 1667. Mais je n'ai trouvé nulle part qu'il ait été échevin. L’aurait-il été durant la prévôté de son frère, au point d’être représenté sur le même tableau ? De fait, la période consécutive à la Fronde entraîna justement des modifications d’effectif et des ajustements dans la nomination et la durée des mandats des échevins.

Mi1912 - Portrait de Moïse Amyrault . 1660-1663. Huile sur toile. Musée des Beaux-Arts, Besançon. Identification nouvelle. Né en septembre 1596 et mort le 8 janvier 1664, Moïse Amyrault était un éminent pasteur de l’Université de Saumur. Cette effigie est à situer dans les dernières années de la vie du modèle, entre 1660 et 1663. Dorival a publié une gravure par Lombart, qui nous rappelle le souvenir d’un premier portrait par Philippe de Champaigne. Légèreté de la matière et sobriété de la couleur ajoutent à la présence matérielle de la peinture : Philippe de Champaigne a maintes fois exprimé son admiration pour Titien, auquel il se réfère avec autant de constance qu’à Raphaël. Aurait-il connu le dernier Autoportrait du Vénitien aujourd’hui au musée du Prado, tant ce Portrait de Moise Amyrault semble un hommage inspiré ? L’oeuvre, dans la collection de Rubens, fut acquise par l’Espagne lors de la dispersion de ses biens, en 1640.

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. Mi1913 - Portrait de Jérôme Vignier. 138- Portrait d'un Homme d'église 1650 Huile sur toile / Format : 75,5x60,5 cm Signé et daté. Localisation Col. part, Paris. Inscription : « Ph. Champaigne fecit, Anno 1650 » HISTORIQUE Vente Viollet, Paris 22-26 décembre 1881 ; col. Mame, Tours ; vente Christies, 7 décembre 1990, Monaco ; vente du 03 décembre 1997. BIBLIOGRAPHIE Dorival 1976 n° 225 ; Dorival 1992 n° XXI ; EXPOSITIONS Jamais exposé. Publié en 1976 par Dorival, et connu comme « Portrait d'un homme d'église » : semble devoir être identifié avec Jérôme Vignier, par comparaison avec une gravure de Jacques Lubin. Jérôme Vignier était un prêtre de l’Oratoire, plus zélé que rigoureux.

Mi1908 - Portrait de Séraphin de Mauroy. 246 (165) - Portrait d’Homme, (dit de Jean-Baptiste Colbert). 1665-70 Huile sur toile / Format ovale : 64,5 x 56 cm. Non signé, non daté. LOCALISATION : Kilgore gallery, New York. BIBLIOGRAPHIE Vente Hôtel Drouot, Paris 24 juin 2005. B. Dorival qui a justement démenti l’identification de Colbert a sans doute trop vite exclu ce beau portrait du corpus. Deux gravures, de Humbelot et de Gaspar de Isaac, permettent de reconnaître ici Seraphin de Mauroy, 1599-1668, intendant contrôleur général des finances de 1640 à 1658, seigneur de saint Ouen, 1640-1664, des Barres et de Château-Renaud... Baron de Germigny en Touraine… Chevalier de Saint-Michel. A. Mérot s’est penché sur sa personnalité : « Seraphin de Mauroy : un commanditaire dévôt ». Commis de Sublet des Noyers, il fut ainsi amené à fréquenter de nombreux artistes, dont il fut parfois client : La Sainte Famille avec Sainte Elisabeth et le petit saint Jean commandé à Simon Vouet, La Descente de Croix à Poussin, et du même, une Nativité, puis en 1653 une Adoration des Bergers et une Adoration des Mages... Plusieurs copies de ce portrait nous sont

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. connues, dont une, de belle qualité, (ici reconnue à Henry de Champaigne, voir notice MHe1922 de ce Modificatif 2019) au musée de Pau.

Mi1915 - Portrait d’Olivier Le Fèvre d’Ormesson . 12 – 224. v. 1662 Huile sur toile, Col. privée. Olivier Le Fèvre d’Ormesson est né le 28 décembre 1616, et mort le 4 novembre 1686. La coiffure appartient à une mode assez tardive, qui permet de reculer la datation du portrait dans les années 1660, vraisemblablement au moment du procès Fouquet. L’intégrité du magistrat dans cette affaire lui ayant valu d’être éloigné sur ses terres par Louis XIV, il est probable que le portrait soit antérieur à cet exil. En dépit de sa haute tenue, ce portrait fut de manière surprenante exclu par B. Dorival, qui n’y a pas reconnu le modèle d’une gravure d’Antoine Masson : or il n’y a aucun rapport entre les deux effigies, qualité et limite de l’une n’interférant nullement sur l’appréciation de l’autre.

Mi1916 - Portrait de Olivier le Fèvre d'Ormesson dit Portrait d'Homme au petit chien. 259 ; Numéro 12-224 du catalogue 2013. 1672-74. Huile sur toile / Format : D.102 cm. Non signé, non daté. LOCALISATION :Historical Society, New York. BIBLIOGRAPHIE Dorival 1976 n° 222 ; Péricolo 2002 p. 199. Identification inédite : il s’agit bien d’Olivier le Fèvre d'Ormesson. Il est pour le moins curieux qu’aucun historien ne se soit avisé de l’identité d’un tel personnage.Il existe un grand portrait de l'homme d'état, (notice précédente) dans la collection de ses descendants, qui a donné lieu à deux copies ; en dépit de son évidente qualité, il fut exclu par B. Dorival (1976, par comparaison avec une gravure d’Antoine Masson). L'identification du même personnage avec le portrait précédent est encore plus manifeste avec une gravure de Pierre Landry, qui montre Olivier le Fèvre d'Ormesson sensiblement au même âge. Ce second portrait, à ce jour connu comme « Portrait d'homme au petit chien » est plus tardif, la mode vestimentaire le situe dans les dernières années de

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. Philippe de Champaigne. Une datation dans les années 1670 confortée par la couleur du fond : on retrouve en une seule occasion dans l’oeuvre de Philippe de Champaigne la même ocre orangée et lumineuse, dans L'Assomption de Saint Julien-en-Beauchène, qui porte le millésime 1671. Entre les deux tableaux, c'est une commune harmonie de couleurs froides, noirs, gris, blancs et mauves du sujet, opposées au fond chaud d'ocre orangée, qui suggère une datation proche. L’oeuvre renoue avec une tradition de la peinture italienne, celle de l'animal symbolique : La Dame à l'Hermine, de Léonard de Vinci, La Dame à la Licorne de Raphael, La Simonetta de Piero di Cosimo… Mais nul symbolisme chez Philippe de Champaigne ; le petit chien est là pour développer l'éventail des sensations. Tout au plus verra-t-on dans cette irruption de l’intime, du foyer, la formulation symbolique de l’éloignement sur ses terres que valut à Olivier Le Fèvre d’Ormesson son opposition à la volonté revancharde de Louis XIV lors du procès de .

Mi1917 - Portrait présumé de Vincent Barthélémy. 14-208 bis Huile sur toile. Paris, collection privée. Tableau inédit. L’autographie pourrait sembler acquise : pourtant, j'ai dans un premier temps songé à Jean de Reyn, en raison notamment de la tonalité grise d'une médiocre photo, hypothèse somme toutes plus vraisemblable que celle de Nicolas de Plattemontagne qui est actuellement retenue, aux dires du collectionneur, on ne sait trop sur quel fondement autre qu’une gravure fort différente. C'est pourtant ici un exemple classique de l'art de Philippe de Champaigne, de la sobriété de sa mise en page comme de son coloris : le modelé fluide et moelleux pourrait désigner les années 1657 à 1665, conformément à la mode vestimentaire et à la coiffure. La gravure de Nicolas de Plattemontagne de1657 suggère une datation analogue pour ce portrait. Vincent Barthélémy était avocat au Parlement de Paris : on lui doit un Panégyrique de Sainte Radegonde.

Mi1918 - Portrait de François de Nesmond dit Portrait d'un homme d'église. SR 52 (M14) - Portrait d'un ecclésiastique Huile sur toile, Vers 1670. Musée Thomas Henry, Cherbourg BIBLIOGRAPHIE : Dorival 1976, n°

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. Identification nouvelle, par comparaison avec une gravure de Robert Nanteuil, une autre de Pierre van Schuppen en 1667 : François de Nesmond (1629-1715), fils de François- Thèodore de Nesmond, qui fut chevalier, conseiller ordinaire du roi, et second président au Parlement de Paris. D’après l'âge apparent, le tableau est indéniablement postérieur à la nomination de 1661 à l'évêché de Bayeux, peut-être même plus tardif d'une décennie, ce qui en ferait l'un des derniers portraits peints par Philippe de Champaigne ; à l'appui de cette appréciation, le style minutieux est sans équivalent dans son œuvre, ce qui peut expliquer les réticences de Dorival, et mes propres hésitations (notice 16 du modificatif 2016) à l’incorporer dans le catalogue.

Mi1919 - Portrait de Jean-Baptiste Amador de Vignerot, duc de Richelieu, dit Portrait de Jeune homme. H/T, 63 x 45 cm. Gand, musée des Beaux-Arts. Vers 1660. Portrait jusqu’à ce jour non identifié et connu sous une attribution inacceptable à Nicolas de Plattemontagne, qui n’a pourtant jamais fait preuve d’une telle acuité pour un portrait, et dont l’art montre une recherche de dynamisme inconnue ici. Sur l’identification, un rapprochement avec le double Portrait de Jean-Baptiste de Champaigne et de Nicolas de Plattemontagne, fait abandonner une hypothèse séduisante qui voudrait voir là un portrait du neveu. Une gravure par Claude Mellan, d’après un autre portrait par Philippe de Champaigne, montrant le modèle un peu plus jeune ne laisse cependant pas le moindre doute sur son identité : Jean-Baptiste Amador de Vignerot, duc de Richelieu, né en 1632 et mort en1662. Ce portrait date des dernières années.

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. Mi1920 - Portrait présumé de Blaise de Melliand, ou Portrait présumé de Gilles Ménage, dit par erreur Portrait de Remi Tronchot. 140- Portrait présumé de René Tronchot, échevin de la ville de Paris 1650 Huile sur toile / Format : 71,5x58,5 cm Non signé, daté sur le rebord de la pierre dans le bas à droite : A° 1650 Musées Royaux des Beaux-Arts, Bruxelles. Inventaire n° 6760 BIBLIOGRAPHIE Dorival 1976 n° 219 ; Pacco, Maïté : De Vouet à David : Peintures françaises du Musée d'art ancien XVIIe et XVIIIe siècles = Van Vouet tot David : Franse schilderkunst in het bezit van het Museum voor Oude Kunst 17de en 18de eeuw, Gonçalves 1995 p. 113 ; Péricolo 2002 p.192. 1 Contre l’identification de Remi Tronchot Le nom de Remi Tronchot a été avancé par comparaison avec une gravure de Claude Mellan représentant le corps de ville parisien agenouillé devant le jeune Louis XIV ; soit la représentation de dix personnages sur vingt centimètres : c'est peu de place pour faire des portraits fiables. D’autant que l’estampe en question représente la prévôté de Macé Boulanger, qui confia l’exécution d’un grand portrait collectif non pas à Philippe de Champaigne, mais à Bon Boulogne. D’autre part, le dit Remi Tronchot ne pose pas dans un costume d'échevin : il n'y a aucun rapport entre le portrait de Bruxelles et cette fonction.

2 Portrait présumé de Blaise de Melliand. Une gravure de L. Spirins du jeune Louis XIV recevant une délégation du Parlement de Paris montre parmi les cinq magistrats un visage pouvant être rapproché, toutes réserves gardées, du portrait de Bruxelles : en 1645, le procureur était Blaise de Méliand, charge qu’il assuma de 1641 à 1651. Né après 1586, mort en 166, il fut conseiller d’état en1640, puis ambassadeur en Suisse. Racheté en 1644, son hôtel particulier de l’Isle Saint-Louis, 18-20 rue Pouletier et 19 quai d’Anjou, se situait non loin du domicile et de l’atelier de Philippe de Champaigne. En face de cet hôtel, au 9 rue Pouletier et 21 quai d’Anjou, Louis Le Vau construisait au même moment pour Melchior de Gillier, autre possible client de Philippe de Champaigne si l’on peut le reconnaître, comme je le propose, dans le Portrait (dit) de Valleron de Perrochel (voir notice Mi1908 de ce Modificatif).

3 Portrait présumé de Gilles Ménage . Le tableau de Philippe de Champaigne s’insère assez facilement, tenant de l’une et de l’autre,entre deux gravures, de R. Nanteuil, et de Van Schuppen, représentant Gilles Ménage, deux portraits du même homme qui ne donnent pourtant pas de lui le même visage. Il n’y aurait pas à s’étonner que Philippe de Champaigne ait pu portraiturer l’illustre écrivain : il a représenté son principal protecteur le cardinal de Retz, et plusieurs personnalités de la société précieuse, de Jean-Pierre Camus à Vincent Voiture et au Père Le Moyne. Que cette proposition d’identification ne tienne pas sur le long terme, elle n’est certainement pas aussi ridicule que celles qui prétendent identifier Vincent Voiture dans l’Autoportrait de Clermont-Ferrand, Colbert dans le Séraphin Mauroy (Kilgore Gallery,

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. notice Mi1908 de ce Modificatif 2019), ou Charlotte Duchesne dans le Portrait du Bowes Museum.

Mi1921 - Portrait présumé de Henry de Champaigne. 68- Portrait de Philippe de la Trémoille. v. 1644. Huile sur toile / Format : 64x55 cm. Non signé, non daté. LOCALISATION : Rijksmuseum, Amsterdam. HISTORIQUE Succession Edme Bouchardon ; Vente Legrand, Paris 21 nov. 1827 ; vente Despinoy, Paris 14-19 jan. 1850 ; vente Mailland, Paris 2-3 mai 1881. BIBLIOGRAPHIE Dorival, Bulletin on het Risjkmuseum, mai 1971.Dorival 1976 n° 172 ; Péricolo 2002 p. 189 EXPOSITIONS Philippe De Champaigne, Paris-Gand 1952 n° 29. Voir dans le texte, chapitre 5 : dévotion institutionnelle et privée. 1 – Contre l’identification de Philippe de la Trémoille. Issu d'une grande et vieille famille de France (son ancêtre Georges avait été ministre de Charles VII, et Louis se distingua durant les guerres d'Italie où il fut tué), Philippe de la Trémoille est-il l’homme de ce portrait ? Il n'y a pas d’autre Philippe parmi les enfants de Henri III de la Trémoille (1598- 1674), pas plus que de Henri-Charles de la Trémoille (1620-1672), fils du précédent. Quant à Philippe de la Trémoille, Marquis de Royan, Comte d'Olonne, fils de Guilbert de la Trémoille né en 1596, et mort en 1670, l’image qu’en donnerait le portrait vers 1644 ne correspond pas à un presque quinquagénaire. Précisons que ce nom fut avancé par comparaison avec une gravure de Humbelot, un rapprochement qui n’est guère concluant : ce ne sont pas les mêmes yeux, ni les mêmes sourcils, ni la naissance du nez, ni le front. En quête d’une identité plus vraisemblable, je me suis successivement arrêté, sans conviction, sur les noms de Jean-Ferdinand de Marchin (1601-1671) soldat belge ; de Maximilien Eschalart ; de Henri de Lorraine. Le nom de Denis Marin (1601-1678), par comparaison avec une gravure de Nanteuil en 1661, d’après un portrait de Dieu, a pu s’imposer un temps ; cependant, la bouche nettement plus petite ne semble pas être le fait des interprètes.

2 Un portrait de Henry de Champaigne ? Ce portrait identifié jusqu’à ce jour, sans convaincre, comme représentant Philippe de la Trémoille, d’après une gravure de Humbelot, me semble devoir être rapproché de l’Autoportrait de Clermont-Ferrand, visiblement contemporain, avec lequel il affiche un évident air de famille, qui pourrait justifier d’y reconnaître Henry de Champaigne, le jeune frère né en 1609 et collaborateur présent à ses cotés depuis le début de sa carrière. La reconstitution de son œuvre fait en partie l’objet de la la seconde partie de ce Modificatif 2019. Notons que le personnage ne porte pas la petite calotte sur la tête, un accessoire vestimentaire habituel aux conseillers du roi et autres avocats du parlement. Ont cette coiffure : Omer Talon, Antoine Vitré, Jacques Lemercier, Jean-Pierre Camus, Victor Bouthillier, Jacques Tubeuf, Pomponne de Bellièvre, Jean-Baptiste Colbert, Léon

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. Bouthillier, Antoine Singlin, Martin de Barcos, le prévôt des marchands (certains échevins oui, d’autres pas visible). Par contre aucun des deux autoportaits, de Clermont-Ferrand et du Louvre, n’ont cet accessoire ; pas davantage le dit Philippe de La Trémoille : ce n’est certainement pas un hasard si ces tableaux qui pourraient se rapporter aux deux frères n’ont pas cette coiffure.

Mi1922 - Portrait de Jacques de Souvré, dit Portrait de Henri Groulart de la Court. 159. Signé et daté 1654 . Huile sur toile / Format : 92;5x75,5 cm. Localisation Musée des Beaux-Arts, Budapest. HISTORIQUE vente Douzeux ?, Paris 29 avril n° 140 ; BIBLIOGRAPHIE gravure anonyme, pour l’ouvrage d’Anselmus Van Hulle, Rotterdam 1697 ; Dorival, Bulletin de la Galerie Nationale de Budapest 1971, p. 45-54 ; Dorival 1976 n° 170 ; Péricolo 2002 p. 195. En dépit du consensus passif de la critique, il est difficile de reconnaître le même homme sur ce portrait et sur la gravure de Jean Frosne représentant le gouverneur de Normandie Henri Groulart de la Court. En quête d’une identité plus vraisemblable, je me suis notamment arrêté sur les noms de François de Harlay, archevêque de Rouen, et du Marquis de Nerestang, sans toutefois parvenir à un résultat définitif. Finalement, le nom de Jacques de Souvré, grand maître de l’ordre de Malte en France, né en 1600 et mort en 1670, correspond le mieux à ce portrait ; une gravure de Jean Lenfant (1667) confirme le rapprochement. Il aurait donc 54 ans sur le portrait de Budapest, ce qui correspond parfaitement. Les pièces principales de son tombeau sculpté par Michel Anguier sont au Louvre.

Mi1923 - Portrait présumé de Dominique de Ligny dit Portrait de Jérôme II Lemaître. 15-214 . Huile sur toile. Bernard Dorival a publié ce portrait dans son supplément de 1992, en l’identifiant avec Jérôme II Lemaitre, lequel fait déjà l’objet du grand tableau de Karlsruhe daté de 1668. Un blason dessiné sur ce dernier a pu renvoyer sur Le Camus, hypothèse écartée avec justesse par l’historien en faisant état des liens de parenté avérés entre les deux familles. Reste que les deux tableaux ne

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. semblent pas montrer le même homme. D’après plusieurs gravures, et un pastel de Robert Nanteuil, il est possible de reconnaître ici l’évêque de Meaux Dominique de Ligny, 1623-1681. Quadragénaire dans les années 1660, cela correspond avec l’âge apparent de cette effigie.

Mi1924 - Philippe de Champaigne - Portrait d’homme, ici identifié comme Portrait de Claude de Champaigne. Huile sur toile, 69 x 54 cm. Vente du 4 juillet 1996. Col ; particulière. Un figurant dans Le Mariage de la Vierge est ici envisagé comme probable portrait de Claude de Champaigne ; cette première pierre m’a conduit à identifier l’inconnu d’un dessin de l’Ecole des Beaux- Arts : notice MCL1917 de ce modificatif. A son tour, ce tableau semble représenter le même homme : des multiples traits qui l’apparentent aux autoportraits de Philippe et au Portrait d’Henry de Champaigne (notice Mi1921 de ce Modificatif 2019), se démarquent la bouche plus petite et les sourcils plus fins.

Mi1925 - Portrait d'Omer II Talon JM 35 - Portrait d'homme nu-tête, de trois quarts vers la gauche. Pierre noire sur papier brun / 224 x 186 mm. Inscription : NO 90 (plume et encre brune) ; PHILIPPUS DE CHAMPAGNE (plume et encre noire dans le cartouche Mariette) LOCALISATION : Musée du Louvre, département des Arts graphiques. Inv. 19867, recto. HIST.: col. Mariette; col. Saint-Morys; ancienne attribution: Philippe de Champaigne EXPOSITIONS Trois maîtres du dessin : Philippe de Champaigne, Jean-Baptiste de Champaigne, Nicolas de Plattemontagne, Frédérique Lanoé et Pierre Rosenberg, Musée des Granges de Port-Royal, Magny-les- Hameaux, 24 mars-15 juin 2009. BIBLIOGRAPHIE : Dorival Philippe de Champaigne, Paris 1976 t ii n° 1837 pl.1837 ; Reiset n° 485 ; Lugt 1949 n°523 ; Lanoé n° 9. Plus que la ressemblance manifeste avec Omer Talon, et l'évident air de famille avec son fils Denis Talon, le sujet d’étonnement ne serait-il pas plutôt qu'une telle identité n'ait pas été envisagée ? Pourrait aussi représenter son frère aîné, Jacques Talon, né en 1585 et mort en 1648. A défaut d’éléments d'appréciation, restons sur l'identification avec Omer Talon : même volume cubique de la tête, le front large et haut, les cheveux

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. rares sur le front, les tempes creuses, la longueur du nez, les lèvres, le menton, les joues maigres, la structure osseuse partout affleurante. Pour autant, ce dessin serait-il de Philippe de Champaigne ? Je ne le crois pas, tant il présente les caractéristiques d'un dessin de graveur. Outre le format de cette tête qui est celui d'une gravure, la finesse de l'exécution (que l’on prétend sans argument renvoyer à Philippe de Champaigne), est en réalité une nécessité pour un graveur, habitué non seulement à travailler en petit, mais en s'aidant même d'une loupe ; les gravures de Jean Morin font montre d'une telle finesse d'exécution. Le style hachuré proscrit résolument tout contraste, toute zone noire, tout gris sombre, qui serait autant de risque de taches dans une gravure. Le modelé se fait par croisement des hachures, d’un trait toujours égal qui est celui d'un graveur, non par une densité du trait, non par la pression de l'instrument : Philippe de Champaigne, un peintre, aurait introduit des pleins et des déliés dans son trait. Le trait de contour est toujours unique : au contraire, dans les rares dessins que je reconnais à Philippe de Champaigne, le trait de contour est multiple, l'artiste tente de cerner la forme en multipliant les lignes improvisées et légères, desquelles ressort un dessin plus accentué, qui suggère le volume. La grande variété des textures, qui renvoie à l'art du graveur, et spécialement à celui de Jean Morin, ne se rencontre pas dans les dessins de Philippe de Champaigne, tous plus sobres d'effet. Le style de ce dessin repose sur l'accumulation, l'analyse pas à pas, non sur la synthèse. Pour un peintre portraitiste, le rôle d'un assistant est de recueillir un maximum d'informations durant la pose du modèle, qui seront ensuite ajoutées à l'eouvre en cours : comme d'un photographe multipliant les clichés purement documentaires, pour instruire le portrait à faire. Philippe de Champaigne travaillant au grand portrait d'Omer Talon pouvait ainsi bénéficier des avis,des observations et des notes dessinées d'un ou plusieurs assistants. Notons justement que le grand tableau de Washington présente le modèle de face, tel que le voyait donc Philippe de Champaigne ; un assistant assis a coté restitue logiquement avec un léger décalage le même visage tel qu’il apparaît sur la feuille du Louvre. Sur la peinture comme sur le dessin, la lumière provient de la gauche, les cheveux sont aussi longs : visiblement, le modèle assis face à Philippe de Champaigne devant son tableau, détourne momentanément le regard vers le dessinateur. Dessin et tableau consignent deux angles de vue d’une même attitude, le premier devant apporter quelque information complémentaire qui aurait échappé au peintre durant le temps de la pose.

3 – DESATTRIBUTIONS

Md1926 - Sainte Julienne 88- La Vision de Sainte Julienne 1644-46 Huile sur toile / Format 47,5 x 38,7cm. Non signé, non daté. LOCALISATION :The Barber Institute of Fine Arts, Birmingham. Inv. n° : 63-4 HISTORIQUE Vente Andréol, Paris, 21-22 septembre 1614, n° 5 ; vente, Paris, 11 mars 1843, n°14 ; vente Jourdeuil, Paris, 8 avril 1858 n° 17 ; vente à Londres, 3 juillet 1963, n° 51. BIBLIOGRAPHIE (gravure de Jean Morin) Orcibal 1952, p. 26 ; Dorival 1972, p. 127 ; Dorival 1974 ; Dorival 1976 n° 128 ; Gonçalves 1995 p. 97 ; Péricolo 2002 p. 177 ; Nicolas Saint Fare Garnot 2007, p. 179. EXPOSITIONS Le Dieu caché : les peintres du Grand Siècle et la vision de Dieu, Académie de France à Rome, Rome, 19 oct. 2000- 28 jan. 2001 ; Philippe de Champaigne, entre politique et dévotion, LilleGenève 2007-2008, n° 42

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. Il est des décisions douloureuses : celle-ci en est une, tant on a fait de ce petit tableau une icône de l'art de Philippe de Champaigne. Son dépouillement, sa retenue, entrent en résonance avec notre sensibilité, autant que les références, réelle ou fantasmées, mais toujours affirmées, avec le raffinement et la rareté de Vermeer. On loue la sobriété de l'image, l'austérité du lieu : or, cette sobriété et cette austérité ne se rencontrent pas chez Philippe de Champaigne, du Saint Augustin multipliant les détails et les symboles, au Mariage de la Vierge si animé par delà sa rigueur de construction, et au Saint Arsène, modeste représentation d’un ermite, mais infiniment plus varié d'écriture que ne l'est la Sainte Julienne.

Minéralité et froideur du décor, sévérité de l'atmosphère, des corps qui se dressent, en contraste, sur un fond gris sombre, froid, matité de la couleur, qu'on retrouve dans la série des Saint Benoit : notamment La mort de saint Benoit, même ambiance, ou encore le paysage brun du Saint Benoit et l'ange, où les figures se découpent en contraste plus qu'elles ne s'insèrent, sont plus proches de La Crucifixion avec les soldats qu'avec quelque ouvrage de Philippe de Champaigne ; encore une fois, regardons Le Mariage de la Vierge, également de petit format, et fondé sur une architecture envahissante et des drapés : ce sont deux mondes distincts qui sautent aux yeux. Quelle différence avec La Fuite en Egypte, qui selon moi est contemporaine ; non pas matité, non pas découpage, mais insertion souple, couleurs fluides, brillance qui unifie.

Doit-on rappeler sur quoi se fonde l'attribution à Philippe de Champaigne de la Sainte Julienne ? Rien. Le tableau apparut sans nom d’auteur en 1814 sur le marché de l'art. Puis sur quels critères le nom de Jean-Baptiste fut-il avancé en 1843, à une époque où la distinction entre Jean-Baptiste et Philippe restait franchement subjective ? La gravure de Morin enfin entraîna une attribution à Philippe de Champaigne : là encore sur quelle base ? Elle reste muette sur le nom de l'inventeur du dessin, sinon de la composition, elle ne renvoie aucunement à Champaigne, elle peut tout aussi bien, sinon plus, être le fruit d'une invention personnelle.

C’est le plus petit tableau de Philippe de Champaigne, une observation certes anodine mais qui ajoute sa singularité aux nombreux doutes qu’il suscite. D’autant que la différence est loin d’être négligeable : pour prendre un exemple, L’Annonciation de New York et Le Mariage de la Vierge, qui comptent parmi les plus petits tableaux, ont pourtant une hauteur de 71 cm, fort peu comparable aux 40 cm de la Sainte Julienne ; il n’y a guère que La Sainte Face, où le visage néanmoins grandeur nature emplit toute la surface disponible, qui soit de dimensions inférieures. La fenêtre gothique serait le seul exemple dans tout l'oeuvre de Philippe de Champaigne : elle n'est en conséquence pas moins suspecte que la tenue des deux figurants dans le Paysage de Lille, que plus personne ne tient pour un Champaigne. Des repentirs sur le baldaquin et sur la fenêtre indiquent que le tableau a précédé la gravure. Elle en devance la monochromie : le brun introduit à peine

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. une différence, la note principale est le carmin du rideau, qui compte davantage pour le motif : en somme, une peinture faite en tenant compte des moyens réduits de la gravure. Celle-ci est de même format que le tableau : 40x38cm. Un tel format exclut le frontispice d'un livre, une gravure conçue pour elle-même, destinée à la vente en feuilles indépendantes. La précision de l’écriture devrait renvoyer à l’héritage flamand de Philippe de Champaigne : c’est oublier d’une part l’habitude de l’artiste de travailler sur des grands formats, et d’autre part, inversement, la pratique de Jean Morin affutée à la finesse exigée par la gravure ; Jean Morin n’est donc pas moins habilité à peindre finement que Philippe de Champaigne. Il n'y a dans cette petite scène aucune difficulté qui ne fut à la portée d'un peintre compétent : drapé, rideau, orfèvreries. La brillance des objets ciselés soutient la comparaison avec le casque et l'épée du soldat dans La Crucifixion avec la Vierge et saint Jean, dont la critique unanime ne la croit pas de Philippe de Champaigne, mais de Jean-Baptiste (K. Chastagnol), de Jean Morin selon moi.

Il n'y a aucun autre exemple chez Philippe de Champaigne d'une telle construction perspective latérale, ce n'est pas le cas par exemple du Saint Augustin ; L'Annonciation de New York, contemporaine, ne fait aucune place à la perspective ; pas davantage que Le Songe de Joseph fondé sur le collage, ni l'Annonciation de Montrésor, dont le sujet se prête pourtant idéalement à l'exercice. Autres exemples d'absence de perspective sur des tableaux sensiblement de même format : Le mariage de la Vierge, Saint Augustin, l’Annonciation, Saint Arsène, Anne d'Autriche et ses enfants, la Petite Cène.... Les seuls exemples avec perspective remontent à 10-15 ans : La Présentation au Temple de Dijon, La Pentecôte, d'un effet tout autre, et surtout plus scolaires quant à son utilisation. Aucune comparaison enfin avec des œuvres contemporaines : le Portrait de Lemercier, Le Mariage de la Vierge, pour prendre deux exemples parmi les plus structurés, où l'architecture est déterminante. Etc. Il n'a a que La messe de saint Benoit qui reprenne le même dispositif : or ce cycle de saint Benoit me semble revenir à Jean Morin, et rien ne permet de penser que le graveur aurait, pour La messe de saint Benoit, copié un dispositif crée par Philippe de Champaigne. La composition latérale se retrouve aussi dans L'Annonciation de Clermont-Ferrand, peinte deux à trois ans plus tôt ; on y retrouve aussi une dominante grise et froide, mais la ressemblance s'arrête là : l'espace est fondé sur la juxtaposition, aucun effort pour lier par des fuyantes le prie dieu, le lit et la chaise. Là encore, le drapé de la vierge enveloppe partiellement la petite estrade, ce qui n'est pas le cas avec la Sainte Julienne. L'insertion moelleuse des figures dans l'espace est dans L’Annonciation plus nuancée, qui indique une sensibilité distincte. Dans deux autres Annonciations : New York et Montrésor, le drapé de la vierge recouvre en partie le prie dieu : rien de cela dans la Sainte Julienne. Les plis de la robe qui se résorbent en une ligne droite horizontale au sol, motif inconnu chez Philippe de Champaigne, est au contraire fréquent dans les tableaux que j'attribue ici à Jean Morin, en premier lieu plusieurs qui appartiennent au même cycle : La Messe de saint Benoit, avec le groupe des moines, et l'un des sacristains ; l'Enfant ressuscité, avec les robes des moines ; Saint Benoit et l'Ange, où, à nouveau, les robes noires dessinent des segments courts et droits. Autre « tic », sur les visages, la minuscule touche de blanc juste à la commissure de la lèvre inférieure tant dans la série des saint Benoit que sur le profil de la Sainte Julienne. Avec quelle peinture de la même période, sinon de toute la décennie 1640, tenter un rapprochement formel ? Non pas avec la Vierge de Pitié de Metz, qui ne me semble plus

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. revenir à Philippe de Champaigne (voir notice SR49 du catalogue 2009, et notice SR81 du cat. 2013). Avec le cycle de Saint Benoit, certainement le rapprochement le plus évident ? Il serait pour le moins singulier, sinon contradictoire, que le seul rapprochement stylistique de la Sainte Julienne le soit au mieux avec un cycle d’une qualité inégale, au point d’être unanimement reconnu de l’atelier : soit de Nicolas de Plattemontagne selon D. Brème qui le date donc de 1656, ce qui interdit encore plus résolument toute comparaison ; soit de Jean Morin selon moi. Dit autrement : la Sainte Julienne n’entretient de liens qu’avec un cycle dont l’attribution à Philippe de Champaigne fut toujours débattue : que ce soit là la seule comparaison possible équivaut à une désattribution.

Aucun lien avec des tableaux de Philippe de Champaigne, pas même celui d'être d'inspiration janséniste : la référence à l'Institut du Saint Sacrement l'est surtout à une époque où, à suivre B. Dorival, Philippe de Champaigne n'avait encore aucun lien avec Port-Royal. Si Philippe de Champaigne n'aurait approché les cercles jansénistes qu'à partir de 1646, c'est attribuer à la Sainte Julienne une idéologie qu'elle ne peut avoir, soit qu'on la date de 1644, soit à peine plus tardivement, vers 1647 : les liens du peintre avec Port-Royal ne sont alors qu'embryonnaires, et l'on ne peut arguer de quelque profondeur de la pensée du tableau pour justifier l'autographie pleine et entière à Philippe de Champaigne.

Concrètement, par quel canal Philippe de Champaigne aurait-il été sollicité, vers 1644, pour peindre ce tableau ? Rappelons ici l’anecdote : déçus par le portrait posthume qu’en aurait fait Daniel Dumonstier, les disciples de Saint Cyran se seraient repliés sur Philippe de Champaigne pour une effigie plus convaincante de leur maître. C’est dire qu’il n’y avait donc avant 1645, date du Portrait de Saint Cyran de Budapest, aucun lien entre les jansénistes et le peintre de Richelieu. Philippe de Champaigne ne connaissait alors rien de Port-Royal, comme lui-même d’ailleurs le laissera entendre : c’est seulement en écoutant le portrait élogieux de Port-Royal par Jules Hardouin de Péréfixe « un jour que vous futes dans ma maison », que le peintre décida de confier l’éducation de ses filles à la mère Angélique Arnauld. Une entrevue à situer logiquement de peu antérieure à cette décision de 1648. Non seulement Philippe de Champaigne travaille alors pour des ordres puissants et bien implantés dans Paris : jésuites, chartreux et carmes, mais, dans l’autre bord, le très modeste Institut du Saint Sacrement se débattait, vainement, dans des soucis plus préoccupants pour sa survie que la commande d’un tableau.

La Sainte Julienne est à ce titre importante parce que se situant aux origines des relations entre Philippe de Champaigne et Port-Royal. En effet, le lien avec l'Institut du Saint Sacrement situe l'oeuvre avant 1646-47, tandis que son format domestique, sinon confidentiel, suggère l'entremise d'un particulier : Jean Morin aurait donc ouvert à Philippe de Champaigne le milieu janséniste.

Md1927 - La messe de saint Benoit JM 20. 1644-45. Huile sur toile, 93 x 148 cm. Non signé, non daté. col. part. Paris JM 14-19 - Episodes de la vie de saint Benoît. L'enfant ressuscité, 108 x 149 cm. inventaire 34 ; Saint Benoît nourri par frère Romain, 108 x 149 cm. inventaire n° 26 ; La fontaine miraculeuse, 108 x 149 cm. inventaire

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. 29 ; Maur retirant Placide de l'eau, 108 x 219 cm. inventaire 30 ; La hache rattachée à son manche, 108 x 222 cm. inventaire 31 ; La pierre exorcisée, 109,8 x 84 cm. Inventaire 32 (à l'origine de format octogonal). HISTORIQUE Cycle peint vers 1644 pour les appartements d'Anne d'Autriche au Val-de-Grâce ; réutilisé en 1656 dans la chambre du Pavillon de la reine ; inventaire du 11 juin 1790 ; saisie révolutionnaire en 1793 ; dépôt des Petits-Augustins ; inventaires 1794 (où il est précisé 12 tableaux) et 1795 ; acquis à la vente X, Bruxelles, 1838, ou 1830 ?, avec une ‘attribution ancienne à Louis de Silvestre BIBLIOGRAPHIE Félibien 1666-88, p. 174 ; Guillet de Saint Georges 1693, p. 242 ; Dezallier d’Argenville 1749 p. 210 ; Lenoir 1865 p. 82 n° 155 ; Réau 1955-59 p. 199 ; Montgolfier 1962 p. 285-303 ; Dorival 1976 n° 100-108 ; Brême 1988 p. 156-163 n° 65 ; Dorival 1992 n° 12 et 13 ; Mignot 1994 p. 41 ; Gonçalves 1995 p. 94-95 ; Sainte Fare Garnot 1996, p 27-37 ; Péricolo 2002 p. 144-152 Sainte Fare Garnot 2007 p. 101. EXPOSITIONS Gand 1980-81, n°23 ; Le Grand Siècle au Quartier Latin, Paris 1982 ; Paris 1988 ; Philippe de Champaigne, entre politique et dévotion, Lille- Genève 2007-2008, n° 62-63 ; A l’école de Philippe de Champaigne, Evreux, Musée des Beaux-Arts 18 novembre 2007-17 février 2008. Suite de 12 toiles pour les appartements d'Anne d'Autriche au Val-de-Grâce, dont 10 retrouvées ; des modifications de format attestent de changements d'affectation. Un autre tableau (col. anglaise) apparu dernièrement, et reconnu dans ce catalogue comme peinture de Philippe de Champaigne (cat. n° 194, partie Mazarin) ne saurait être adjoint à ce cycle, même s’il provient certainement du Val-de-Grâce. J'ai proposé dès la parution de mon catalogue en 2009 (notices JM1-JM21) cette attribution à Jean Morin du cycle de saint Benoit, qui entraîne une datation conséquente vers 1644. Depuis, La Messe, ou La Mort de saint Benoit, est passé en vente, et a été affectée au musée des Granges de Port-Royal. Pour des considération complémentaires d'attribution, voir, dans ce même Modificatif 2019, la notice précédente, Md1926, sur la Sainte Julienne.

Md1928 - L'Assomption. Jean Morin. Huile sur toile, église saint Etienne, Beauvais. Que l'on ne puisse attribuer ce tableau à l'art de Philippe de Champaigne, le nom de Jean-Baptiste serait-il plus convaincant ? C'est une proposition par défaut, tant la couleur mate et claire et la maigreur des figures ne trouvent pas d'écho dans sa production personnelle. Cela correspond au contraire à ce que je discerne de l'art de Jean Morin. Rappelons que l'oeuvre multiplie les références à des peintures de Philippe de Champaigne, l’Assomption du Louvre : point de vue au niveau du tombeau sans linceul visible, apôtre qui s’appuie dessus, position et gestuelle de saint Pierre, et de Gréoux-les-Bains, sans oublier comme l'a signalé S. Kerspern. celle de Grenoble. Sans doute faut-il rappeler un autre tableau, qui autorise une datation au plus prés, La Cène de

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. 1648 pour Port-Royal de Paris : le tableau du musée de Lyon a certainement inspiré l'harmonie colorée, avec notamment l'accord de vert éteint et de blanc crème. Ce drapé blanc associé à une tunique vert-clair reprend la même harmonie de l’apôtre de droite, que j’identifie avec saint Philippe, et suppose donc une connaissance de l’oeuvre de Philippe de Champaigne, ce qui ne serait pas le cas d’un copiste travaillant exclusivement, en le réinterprétant, d’après le tableau du Louvre ou celui de Gréoux les Bains. Cette Assomption de Beauvais serait en conséquence l'une des dernières peintures de Jean Morin.

Md1929 - La Lapidation de saint Etienne. Jean Morin. Huile sur toile. Ce tableau passé en vente sous une attribution par défaut à l'atelier de Philippe de Champaigne ne peut pas revenir à Jean-Baptiste, encore moins, avec ses couleurs claires et plates, à Nicolas de Plattemontagne. Ce sont au contraire des caractéristiques de la peinture de Jean Morin : importance des surfaces claires, absence de contrastes : en l'occurrence, il s'agit ici davantage d'oppositions de couleurs que de contrastes de lumière ; présence de ces ombres linéaires et parallèles, comme attachées aux pieds, comme sur La Sainte Famille sur le chemin de Jérusalem, ou Saint Benoit et l'enfant ressuscité, une profondeur restreinte, la peinture mate et opaque, tout cela oriente sur l'art de Jean Morin.

Md1930 - La Vierge avec l'enfant emmailloté. Jean Morin. Huile sur bois. Opacité de la matière, absence de glacis, alors que le support de bois aurait favorisé cette technique, le paysage sans profondeur, non traité ; juste des bandes comme on les trouve chez Morin Le choix peu classique de deux visages de face, leur joliesse, une toute petite tête de Marie qui n'est pas le canon de Philippe de Champaigne, la physionomie de la Vierge avec ce petit menton qu'on retrouve dans l'ange du Saint Benoit du Carnavalet, tout comme le cou réduit à un cylindre, les mouvements pas clairs du drapé : sur la tête de Marie, sur le motif en pointe à gauche, l'axe décentré des deux visages, l'arbre qui n'est pas dans le style de Philippe de Champaigne, pas plus que la couleur, sont autant d’observations qui

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. orientent sur ce que je discerne de l’art de Jean Morin. Ajoutons que le dessin (Louvre, notices DS 101 et DS 120 de mon catalogue 2009 ) tient de l'étude plutôt que de la copie : or ce dessin, par lequel j’avais avancé le nom de Jean Morin, ne peut donc que préparer une peinture de Jean Morin.

Md1931 - Philippe de Champaigne : Adam et Eve pleurant la mort d’Abel. 181 Signé et daté 1656 Huile sur toile / Format : 312 x 394 cm. LOCALISATION :Kunsthistorisches Muséum, Vienne, Autriche. Inscription :"Phils. De Champaigne Faciebat 1656" HISTORIQUE Col Archiduc Léopold Guillaume, Bruxelles, puis Vienne ; ramené à Paris en 1809 : musée Napoléon jusqu'en 1815 ; repris par l'Autriche. BIBLIOGRAPHIE Félibien p.175-176 ; Guillet de Saint-Georges p. 242 ; Dezallier d'Argenville p. 369 ; Dorival 1976 n° 8. Ce sujet tiré de l'Ancien Testament constitue une exception dans l’oeuvre de Philippe de Champaigne. Un sujet plus proche de Rubens, qui implique une composition dynamique. La conviction est dans le paysage, et dans l'attentive observation des animaux, tandis que les figures peinent à trouver une cohérence de groupe. C’est un tableau pour collectionneur, qui multiplie les citations et justifie la priorité esthétisante des années 1650, un tableau collage. La partie gauche tient de La Déploration du Christ : le corps d’Abel est une citation du Christ mort de La Mise au Tombeau gravée par S. Bernard, d'après, selon moi, le tableau d'autel de l'oratoire de Marie de Médicis au Luxembourg dû à Nicolas Duchesne ; Adam dérive du Christ des Ames du Purgatoire ; l'enfant à l'oiseau est un poncif éprouvé avec le Portrait de trois enfants habillés en romains, et qui remonte déjà à Rubens…

Md1932 - Philippe de Champaigne : Adam et Eve pleurant la mort d’Abel. 181A 1656 Huile sur toile / Format : 52x62 cm. Non signé, non daté. LOCALISATION :Kunsthistorisches Muséum, Vienne, Autriche. Inv. n° : HISTORIQUE col Czernin, Vienne ; acheté en 1970 par le musée. BIBLIOGRAPHIE Dorival 1976 n° 9 ; Péricolo 2002 p. 272. Le nombre de versions de Adam et Eve pleurant la mort d’Abel pourrait attester du

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. succès de cette composition, ce qui est pour le moins curieux, s'agissant d'une commande étrangère au cercle de clientèle de Philippe de Champaigne. Des cinq tableaux connus, au mieux doit-on retenir, outre l'original aujourd'hui à Vienne, (notice précédente) une probable étude, ou modello, et une possible réplique, un ricordo, si l’on se réfère à l'inventaire de 1674 : n° 66. Une coppie d’Adam et Eve, ouvrage dudit deffunt, prisé 30 l.

L’esquisse de Vienne qui a, à priori, les caractères d’une étude : petit format, écriture légère, détails de la composition qui ne sont pas encore fixés, pourrait-elle être un modello ? Le tableau aurait-il été fait à Bruxelles, en 1655, pour être soumis au commanditaire ? Philippe de Champaigne l'aurait-il ramené à Paris, pour agrandir la toile définitive sur les bases de cette première esquisse ? Mais on peut aussi répondre que le peindre aurait mémorisé sa composition, ou qu'il ait conservé quelque autre esquisse peinte ou dessinée pour en rappeler les grandes lignes. Quelle que soit l'explication, ce petit panneau est certainement resté à Bruxelles, pour pouvoir ensuite se retrouver à Vienne.

Reste que le statut possible de modello n'implique pas nécessairement que Philippe de Champaigne l'ait exécuté à Bruxelles : le tableau, fait à Paris, aurait été envoyé en Belgique pour accord avec le commanditaire ; les ressemblances formelles avec d'autres tableaux accréditent cette idée, soit, dans ce cas une datation qui ne serait pas de 1654, mais du retour à Paris. Noter le peu de couleurs, l'harmonie très sobre, une simplicité que l'on retrouve dans le portrait des Trois enfants en romains de 1655. Autre lien formel entre les deux tableaux, la seule touche de dynamisme est tenue par une même figure, celle du plus jeune enfant présenté marchant de profil attiré par un oiseau. Les rochers au second plan à droite, ont été repris dans le Paysage avec Paphnuce délivrant Thais, peint en 1656, c'est à dire quand Philippe de Champaigne mettait justement la dernière main à L'Adam et Eve.

Mais peinte à Bruxelles ou à Paris, l'esquisse a transité par Bruxelles : ainsi s'explique qu'elle se retrouve à Vienne, comme le tableau définitif ; le chemin culturel de Bruxelles vers Vienne est plus rationalisé et logique qu'entre Paris et Vienne. Datation conséquente de cette peinture durant le voyage à Bruxelles : 1654 selon Félibien, plus logiquement 1655. Mais le statut de modello s’oppose à son identification sur l'Inventaire de 1674 : il ne peut y figurer s'il a été soumis comme modèle à Léopold Guillaume à Bruxelles. D’autant que l’estimation : 30 l. semble élevée pour une très modeste esquisse.

Md1933 - Philippe de Champaigne : Adam et Eve pleurant la mort d’Abel. 181D 1656 Huile sur toile / Format : 97x132 cm. Non signé, non daté. LOCALISATION :Col. privée, France. HISTORIQUE Vente du 28 janvier 2000. BIBLIOGRAPHIE Dorival 1976 n° ; Dorival 1992 n° . Philippe de Champaigne a vraisemblablement exécuté une réplique

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. réduite du grand tableau qui allait partir pour la Belgique : est-elle à identifier avec cette version de 97 x 132, un format souvent utilisé par le peintre --L'Assomption, USA col. privée, La Madeleine de Rennes et le Saint Jean Baptiste de Grenoble, le Portrait d'Angélique Arnauld de 1654, le Richelieu de Versailles, etc. ? Des trois possibles répliques, celle-ci offre le plus de convergences avec le style de Philippe de Champaigne : une écriture foisonnante, une belle luminosité de la couleur. Cette réplique correspond-elle au numéro 66 de l’Inventaire de 1674 ? Rien n’est moins sûr, tant l’estimation de 30 livres, trop élevée pour la petite esquisse de Vienne, semble, cette fois, anormalement basse pour une peinture achevée, complexe, de 97 par 132 cm. Si bien que l’on doit se demander si la mention dans l’inventaire après-décès ne se rapporte pas à une toute autre image : la désignation laconique d’Adam et Eve, qui renvoie aussitôt au jardin d’Eden, recouvre-t-elle ici la scène autrement plus complexe du premier meurtre ? C’est fort peu probable, en tout état de cause le nom et l’estimation basse laissent sur le doute.

Md1934 - Adam et Eve pleurant la mort d’Abel. 181B 1656 Huile sur toile / Format : 130x172 cm. Non signé, non daté. LOCALISATION :Col. privée, France. HISTORIQUE vente du 07 déc. 1987. BIBLIOGRAPHIE Dorival 1992 n° 22 ; L’exécution plate de cette toile en collection privée, de 130 x 172,cm. procédant par plans, qui privilégie les zones plus que l'espace ou les volumes, indique la copie. Parfaitement fidèle au tableau original, elle s’en distingue par son écriture sèche, sans le foisonnement caractéristique : voir par exemple les nuages, ou les pentes de végétation à l'arrière plan, ou encore la sensation du massif rocheux, la raideur des volumes, l’espace atténué, décoratif dominant, etc. Le nom de Jean-Baptiste a été avancé à la faveur d’une attribution par défaut, tant la connaissance de son style ne repose, en l’état actuel des connaissances, sur aucun argument. Rappelons que l’appréciation assignant Jean-Baptiste à un imitateur docile de son oncle ne repose sur aucune observation sinon la seule prétendue et très subjective différence entre les Vierge de Douleur du Louvre et des Granges, que je tiens, moi, comme de Philippe de Champaigne ; les réalisations personnelles attestent au contraire d’une technique et d’un style aussi différenciés que peuvent l’être ceux de Plattemontagne. Jean-Baptiste est le co-auteur du Double Portrait de Rotterdam : dans ce tableau à quatre mains d’une parfaite unité, la part revenant à Nicolas de Plattemontagne ne se distingue pas, si bien qu’il peut tout aussi bien être un candidat pour le Adam et Eve. Mais c’est là encore ne pas tenir compte de Henry de Champaigne, lui homme d’expérience, dont une part de l’activité spécialement en cette décennie 1650, serait de répliquer les tableaux issus de l’atelier (voir le catalogue de ses œuvres dans ce même Modificatif 2019)..

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. Md1935 - Adam et Eve pleurant la mort d’Abel. 181C 1656 Huile sur bois, 41 x 55 cm. LOCALISATION :Musée des Granges de Port-Royal, Magny-les-Hameaux. Historique : Vente Kaunitz, Vienne ; Vente Goldman, Paris 23-24 mars 1841 ; vente d'Hios, Paris 11 mars 1865 ; BIBLIOGRAPHIE Dorival 1976 n°10 . Expositions : Ile de France, Brabant, Sceaux-Bruxelles 1962, n° 166. Le petit panneau ayant appartenu à Bernard Dorival, et conservé aujourd’hui au Musée des Granges de Port-Royal, semble lui aussi une copie. En tous points identique au tableau de Vienne, contrairement à la petite étude à laquelle l'apparente pourtant le format, son apparition dans une vente à Vienne, le désigne logiquement comme une copie exécutée en Autriche, d'après l'original du musée.

Md1936 - Vanité SR 85 (M13 ; SR38). Vers 1620-30 Huile sur bois / 28x37 cm. Non signé, non daté. LOCALISATION :Musée Tessé, Le Mans. Inv. n° : 10.572 HISTORIQUE Achat du musée en 1888 BIBLIOGRAPHIE Rosenberg, Chefs-d’œuvre de L'Art, Milan, Paris, 1968 ; Dorival 1976 n° 1699; Gonçalves 1995 p. 78 ; Marin 1995 fig. 25 ; Evreux fig. 16. EXPOSITIONS Le Dieu caché : les peintres du Grand Siècle et la vision de Dieu, Académie de France à Rome, Rome, 19 oct. 2000- 28 jan. 2001 ; Melancolia, Paris 2005-2006 ; Philippe de Champaigne, entre politique et dévotion, Lille-Genève 2007-2008, n° 28. Il m’aura fallu 34 ans de complicité avec l’art de Philippe de Champaigne pour recourir à une méthodologie toute simple, mais dont aucun auteur ne s’était pas davantage avisé, sur cette Vanité du Mans qui n’a pourtant cessé d’être interrogée avec les arguments les plus spécieux. Après en avoir moi aussi soutenu et défendu l’attribution à Philippe de Champaigne, j’ai fini par me rendre à l’avis opposé de monsieur Dorival (notice SR38 de mon catalogue 2009, et SR 85, cat. 2013). Ce qui m’apparaît aujourd’hui évident ne l’est pas pour tous, de Pierre Rosenberg et Louis Marin aux organisateurs des expositions de Lille-Genève et d’Evreux. Seul Pericolo a prudemment suivi Dorival.

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. Observons le crâne dans le panneau du Mans pour reconnaître que son auteur a d’évidence travaillé d’après nature ; c’est aussi la méthode de Philippe de Champaigne, telle qu’elle ressort de l’observation de ses nombreux tableaux incluant ce motif. Récolons-en attentivement toutes les occurrences : Le Christ mort sur la croix de Grenoble (détail ci-contre), Le Christ sur la croix du Louvre (détail ci- contre), La Madeleine de Houston (détail ci- contre) et La Madeleine de Rennes que neuf ans séparent, le Saint Bruno de Stockholm, le Saint Jérôme de Cincinatti (détail ci- contre), Saint Arsène, La cruche empoisonnée du cycle de saint Benoît ; sans oublier le seul crâne peint comprenant la mâchoire inférieure, du Saint Jérôme de l’ancienne collection Lagerfeld ; ni celui, également complet, de la gravure de Jean Morin : soit un panel de 10 exemples couvrant une période de 1644 à 1674, qui démontre sans une exception que Philippe de Champaigne et son atelier ont systématiquement utilisé un seul crâne comme modèle pour les représentations successives qu’impliquaient les sujets à peindre. Mentionnons le cas particulier et combien révélateur du Christ sur la croix de Chaumes- en-Brie, tableau exécuté sur place sans doute en remerciement de Philippe de Champaigne pour l’abbaye où, selon B. Dorival, il s’était momentanément retiré. Or dans la plus grande Crucifixion qu’il ait faite, loin de son atelier et ne disposant donc pas d’un crâne, le peintre n’en a tout simplement pas représenté. Le crâne qui apparaît sur la Vanité du Mans est visiblement différend du modèle utilisé par Philippe de Champaigne : la dentition, le profil du nez plus court et plus redressé chez Philippe de Champaigne, son attache nettement anguleuse sous le front proéminent, son orifice plus ramassé, l’épine nasale antérieure nettement détachée et fine sur la Vanité du Mans mais fusionnée dans un relief vertical sur la gravure de Morin, la ligne inférieure des orbites passant au dessus des fosses nasales alors qu’elle est à mi-hauteur chez Philippe de Champaigne, la forme générale enfin, le modèle de Philippe de Champaigne étant plus ramassé, composant un portrait plus carré que celui du Mans nettement allongé. La gravure de Morin et le détail du Saint Jérôme Lagerfeld, en ajoutant la mâchoire inférieure, confortent l’observation : à nouveau ressemblances contre différences ne laissent pas le moindre doute. L’auteur de la Vanité du Mans s’est servi d’un modèle distinct de l’unique crâne, reproduit chaque fois que nécessaire, que possédait Philippe de Champaigne : en conséquence, il n’est pas même à rechercher parmi les peintres gravitant dans son atelier. J’ai enfin défendu une datation du tableau dans le début des années 20 (notice SR38 du catalogue 2009).

Md1937 - La Pentecôte. Nicolas de Plattemontagne. Huile sur toile, Caen, Eglise Saint-Sauveur. Le clair obscur, les silhouettes massives, la densité des drapés, les couleurs fortes mais

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. sans éclat sont autant d’indications de l’art de Nicolas de Plattemontagne. La composition se souvient de La Cène de Philippe de Champaigne : horizontalité, accentuée par la marche, construction par parenthèses, de trois figures centrales encadrées par deux de dos (une seule chez Philippe de Champaigne) ; cette disposition double des parenthèses rappelle aussi La Cène de Pourbus, qui fut justement le modèle de Philippe de Champaigne. José Gonçalves, Sept. 2019.

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019. José Gonçalves, Philippe de Champaigne.

Avant même de commencer à écrire sur l’oeuvre de Philippe de Champaigne en juillet 1983, nombre de mes peintures et dessins présentés au diplôme de L’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris portaient l’empreinte de son influence. En septembre 1984, un premier texte envoyé à Bernard Dorival, sur le conseil du directeur de l’Ecole monsieur Wherlin, suscitait sa curiosité : depuis cette date, je le rencontrais deux fois par an, en moyenne, jusqu’à sa mort en décembre 2003 ; je garde un souvenir ému de la dernière entrevue, en juin de cette année, au cours de laquelle nous avions fait une lecture critique du livre de L. Pericolo. En janvier 1987, monsieur Georges Adhémar accueillait mon premier article dans La Gazette des Beaux-Arts, sur un sujet parfaitement inédit, les plaies toujours vives du Christ mort du Louvre, observation originale dont Tapié, Pericolo, Brière, etc. parmi d’autres, se sont depuis faits l‘écho. En 1995, Mon livre sur Philippe de Champaigne, préfacé par Monsieur Dorival, était le premier à présenter l’artiste au grand public. Des conférences (musée de Troyes, Musée Poussin des Andelys, société historique de Tours, etc...) et des articles, comme dans L’Estampille/L’Objet d’Art, ont suivi. Mon admiration pour l’art et la personnalité de Philippe de Champaigne s’étend sur plus de 35 ans. Une connaissance qui me permet aujourd’hui de dégager de la production de l’atelier la part de Jean Morin, de Claude de Champaigne le cousin, et de Henry de Champaigne le petit frère. Peintre-portraitiste, je tends mes toiles et fabrique mes couleurs, suivant la pratique et la philosophie des anciens, je ne peins pas d’après photo, cette plaie de la peinture, je pense être légitime autant que qualifié pour faire aimer et me prononcer sur l’art de Philippe de Champaigne.

Toutes les notices de ce Modificatif 2019, avec leurs conclusions d'attribution, de localisation et d'identification seront prochainement intégrées dans le catalogue raisonné mis en ligne. www.josegoncalves.fr

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PHILIPPE DE CHAMPAIGNE / José Gonçalves Supplément 2019 au catalogue de l'oeuvre peint et dessiné, mis en ligne le 10 septembre 2019

Philippe de Champaigne/José Gonçalves/Modificatif, septembre 2019.