en première ligne 7 Regards croisés sur l’évolution des services extérieurs de l’Environnement

Lors de la création du ministère de l’Environnement en 1971, Robert Poujade qui défi nira plus tard son département comme le « ministère de l’impossible », souhaita créer une structure de représentation de ses services au niveau régional. Ce furent les premiers Délégués Régionaux à l’Environnement (DRE). Pris pour la plupart parmi les ingénieurs généraux ou en chef des Ponts et Chaussées et du Génie Rural et des Eaux et Forêts, voire plus rarement parmi les administrateurs civils, ces représentants n’avaient que peu de moyens et leur rôle était plutôt celui d’un ambassa- deur et d’un observateur de nature à alerter le Ministre sur des dossiers sensibles.

C’est Michel d’Ornano qui, en fusionnant les Conservateurs régionaux des Bâtiments de et les DRE commencera à les doter de moyens leur donnant une plus grande lisibilité. Ces moyens seront encore renforcés à l’occasion des importants recrutements dans la fonction publique consécutif à l’arrivée de la gauche au pouvoir, notamment sous Michel Crépeau et .

La création des DIREN par , par fusion des DRAE avec les Services Régionaux d’Aménagement des Eaux (SRAE) et les Services Hydrologiques Centralisateurs (SHC), aboutira à la mise en place de véritables services régionaux n’ayant, tout au moins sur le plan des effectifs, plus rien à envier aux autres directions régionales des administrations centrales.

Pour retracer ce parcours « Pour mémoire » a demandé à Jean-Pierre Le Bourhis, enseignant- chercheur au CNRS, de bien vouloir dresser un tableau de l’évolution de ces services au cours de ces presque quarante ans. Nous avons simultanément sollicité le concours de grands témoins des différentes époques : conseillers des ministres à l’origine de la création ou du renforcement de ces services en régions dans ces cabinets ministériels et acteurs de terrain ayant été parfois successivement DRE, DRAE ou DIREN. Nous présenterons tous ses témoignages dans l’ordre chronologique de l’évolution de ces servi- ces tant en ce qui concerne les conseillers des ministres, que les délégués ou directeurs.

Nous tenons à cet égard à remercier tout particulièrement pour leurs témoignages Michel Boyon qui fut conseiller technique de Michel d’Ornano, Henri de Lassus qui tint le même rôle auprès de Michel Crépeau et Patrick Février en charge du dossier de la création des DIREN chez Brice Lalonde. Nous remercions de même, dans l’ordre d’apparition, les « régionaux de l’étape » : Bernard Glass ancien DRE d’Alsace au temps de Robert Poujade, George Ribière DRAE de Champagne-Ardennes

« pour mémoire » l n°6 été 2009 8 et de Midi-Pyrénées, Philippe Lagauterie, ancien DRAE de Haute-Normandie, Patrick Singelin DRAE de Bretagne, Francis Chassel DRAE d’Ile-de-France et Chef du Service Départemental d’Architecture de Paris, Alain Pialat chef de l’Atelier des Sites et Paysages de Picardie puis DRAE de Rhône-Alpes, puis DIREN de Bourgogne puis de Rhône-Alpes et enfi n Laurent Roy, DIREN de Picardie nommé l’an passé DREAL de Provence Alpes–Côte d’Azur.

Ayant été acteur au début de cette aventure, de 1977 à 1985 comme DRE de Franche-Comté, puis DRAE de Midi-Pyrénées et premier président de l’association des DRAE, je livrerai éga- lement mon expérience de ces années de passion, où l’on nous demandait de « montrer le pavillon » et de faire notre place au soleil administratif. Parce que cela n’était pas toujours évident ni facile, nous cessâmes rapidement d’être les « poils à gratter 1» du début : on nous appelait à cette époque les « DRAE de choc »... La mesure de la différence de contexte et de moyens entre ces années pionnières, comparées à la situation d’aujourd’hui, nous permet de mieux appréhender les progrès accomplis en quarante ans dans l’émergence et désormais l’affi rmation de la notion d’environnement, d’écologie et de développement durable, non seu- lement dans la gouvernance de notre pays mais également au niveau de ses préoccupations quotidiennes.

Alain Monferrand Secrétaire Délégué du comité d’histoire ,

1 Expression employé par André Jarrot, ministre de la Qualité de la Vie de 1974 à 1976 n°6 été 2009 l « pour mémoire » en première ligne 9 DRE 1, DRAE 2, DIREN 3, DREAL 4 : éléments pour une histoire de l’administration territoriale de l’Environnement en France

Jean-Pierre Le Bourhis chargé de recherche au CNRS-CURAPP (Centre de recherche sur l’action publique et politique)

En regard des très nombreux travaux D’autres recherches ont également porté tout d’abord une chronologie rapide consacrés aux enjeux et aux politiques de attention à l’administration, centrale des quarante dernières années, mettant l’environnement, les études centrées sur comme territoriale, et à ses liens avec le en lumière les articulations entre les l’administration, l’un des principaux ins- mouvement écologiste (Spanou, 1991), à évolutions politiques (changements de truments de cette action publique, restent la structuration des secteurs particuliers gouvernement) et les transformations peu développées (Lascoumes, 1998) 5. comme l’eau (Barraqué, 1999) ou au administratives des services extérieurs. Les juristes se sont très tôt, et les pre- processus de création et de mise en Nous proposerons ensuite une étude cen- miers, attachés à décrire les évolutions place d’un nouvel échelon territorial trée sur les deux formes principales qu’a institutionnelles en la matière, que ce (Lascoumes, Le Bourhis, 1996). Quel que prise l’administration territoriale de l’en- soit sur l’administration centrale ou soit leur intérêt, ces travaux restent iso- vironnement durant la période étudiée : sur les services extérieurs. Après les lés et ne fournissent pas de données et l’administration de mission à vocation premières études réalisées par Françoise d’analyses d’ensemble sur l’outil adminis- interministérielle (DRE et surtout DRAE) Billaudot (voir par exemple Billaudot, tratif environnemental, alors même que la et l’administration de gestion (DIREN). Besson-Guillaumot, 1979), les manuels jeunesse de ce secteur d’action publique Cela nous amènera en conclusion à nous de Michel Prieur et Raphaël Romi livrent (qui aura quarante ans en 2011) devrait poser quelques questions sur la forme la un panorama d’ensemble des principales permettre de dessiner une évolution plus récente d’administration territoriale mutations structurelles de l’adminis- complète, de la naissance du ministère de l’environnement, la DREAL et les tration environnementale depuis sa jusqu’au fonctionnement au concret de enjeux auxquels elle doit faire face. naissance en 1971 (Prieur, 2003 ; Romi, ses services extérieurs. Ce type d’analyse 1 2007). serait d’autant plus utile qu’il offrirait un délégué régional à l’Environnement 2 complément aux études traditionnelles délégué régional à l’Architecture et à l’Environnement Ce sont toutefois des travaux non juridi- sur les politiques d’environnement, qui 3 directeur régional à l’Environnement ques qui ont produit les premières ana- se focalisent de préférence sur d’autres 4 directeur régional à l’Architecture et lyses des processus d’émergence et de sujets que l’administration centrale ou à l’Environnement 5 développement de cette administration. territoriale (application de la loi, gouver- Le présent texte reprend et actualise des Certains se sont concentrés sur les éche- nance, acteurs locaux, etc...). éléments issus de travaux antérieurs, résultats d’une recherche menée avec Pierre Lascoumes lons centraux du ministère de l’Environ- et présentés plus en détail dans Lascoumes, Le Bourhis, 1996 et Le Bourhis, 1999. nement naissant, dans une perspective Le présent article se propose d’entamer 6 Pour des raisons de clarté d’expression, nous de science administrative (Bazin, 1973) ce travail en ce qui concerne les servi- désignerons par la suite le département en charge et sur la genèse de cet acteur et de la ces extérieurs de l’Environnement 6, à des questions d’environnement par « Ministère de l’Environnement » ou « l’Environnement », catégorie même d’« environnement » partir de recherches antérieures et de quelles que soient les appellations qu’il a prises qu’il institutionnalise (Charvolin, 2003). nouveaux matériaux. Nous présenterons successivement.

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I. Des DRE aux DREAL : éléments d’une chronologie des services extérieurs de l’Environnement

PRÉSIDENT Ministère : titulaire et intitulé Services extérieurs TABLEAU Premier Ministre 7 Création des Délégués régio- CHRONOLOGIQUE GEORGES POMPIDOU Robert Poujade, Ministre délégué auprès du Pre- naux à l’Environnement (DRE) (1969-1974) mier Ministre chargé de la Protection de la Nature (1971, offi cialisés en 1973) Jacques Chaban-Delmas et de l’Environnement (7.1.1971-5.7.1972) Ateliers régionaux des sites et (20.6.1969 - 5.7.1972) paysages (ARSP) (1972) Pierre Messmer (5.7.1972 Robert Poujade, Ministre de la Protection de la - 27.5.1974) nature et de l’Environnement (5.4.1973-27.2.1974) Création des délégations VALÉRY GISCARD Michel d’Ornano, Ministre de la Culture et l’Envi- régionales à l’Architecture et D’ESTAING (1974-1981) ronnement (30.3.1977-3.4.1978) l’Environnement (1978) Raymond Barre (25.8.1976- Michel d’Ornano, Ministre de l’Environnement et (fusion DRE et Conservatoires 21.5.1981) du Cadre de vie (5.4.1978-21.5.1981) régionaux des bâtiments de France) Michel Crépeau, Ministre de l’Environnement FRANÇOIS MITTERRAND (22.5.1981-22.3.1983) (1981-1995) Huguette Bourchardeau, Secrétaire d’État auprès (22.5.1981- du Premier Ministre, chargée de l’Environnement et de la Qualité de la vie (24.3.1983-17.7.1984) Accroissement des effectifs des 17.7.1984) DRAE (une centaine de postes) (17.7.1984- Huguette Bouchardeau, Ministre de l’Environne- 20.3.1986) ment (19.7.1984-20.3.1986) (20.3.1986- , Ministre délégué chargé de l’Envi- 10.5.1988) ronnement (20.3.1986-10.5.1988) (10.5.1988- Brice Lalonde, Secrétaire d’État auprès du Premier Ministre chargé de l’Environnement (13.5.1988- 15.5.1991) Création des Directions régio- Edith Cresson (15.5.1991- 1.10.1990) Brice Lalonde, Ministre de l’Environnement nales de l’environnement (1991) 2.4.1992) par fusion des DRAE, SRAE et Pierre Bérégovoy (2.4.1992- (16.5.1991-2.4.1992) SHC 29.3.1993) Ségolène Royal , Ministre de l’Environnement Édouard Balladur (29.3.1993- (2.4.1992-29.3.1993) 11.5.1995) Michel Barnier , Ministre de l’Environnement (30.3.1993-11.5.1995) Corinne Lepage, Ministre de l’Environnement JACQUES CHIRAC (18.5.1995-2.6.1997) (1995-2007) Dominique Voynet, Ministre de l’Aménagement Alain Juppé (17.5.1995- du territoire et de l’Environnement (4.6.1997- 2.6.1997) 10.7.2001) Expérimentation dans plusieurs Lionel Jospin (2.6.1997- Roselyne Bachelot, Ministre de l’Écologie et du régions du rapprochement et de 6.5.2002) Développement durable (7.5.2002-30.3.2004) la fusion DIREN - DRIRE Jean-Pierre Raffarin Serge Lepeltier, Ministre de l’Écologie et du Déve- (6.5.2002-31.5.2005) loppement durable (31.3.2004-31.5.2005) Dominique de Villepin Nelly Olin, Ministre de l’Écologie et du Développe- (31.5.2005-15.5.2007) ment durable (2.6.2005-15.5.2007) 7 Pour des raisons de simplifi cation, nous n’avons conservé que les Jean-Louis Borloo, Ministre d’État, Ministre de Ministres et ministères ayant duré l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables (19.6.2007-18.3.2008) plus de 12 mois. Ont de ce fait été Jean-Louis Borloo, Ministre d’État, Ministre de Création des Directions régio- exclus de cette chronologie Gabriel NICOLAS SARKOZY l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable nales de l’environnement, de Perronet, Paul Granet, Vincent (2007-) et de l’Aménagement du territoire (18.3.2008- l’aménagement et du logement François Fillon (17.5.2007-) (2009) par fusion des DIREN, Ansquer, Alain Bombard et Yves 23.6.2009) DRIRE, DR de l’Équipement. Cochet, comme André Jarrot et Jean-Louis Borloo, Ministre d’État, Ministre de André Fosset. l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer (23.6.2009-) n°6 été 2009 l « pour mémoire » 11

Concernant les relais territoriaux de son des dossiers particuliers. Les délégués action, Robert Poujade ne laisse pas de ne sont assistés, le cas échéant, que par place au doute quant aux objectifs visés : des services d’appui faisant fonction de « Soyons clairs : je n’ai jamais eu et je « bureaux d’études », les ateliers régio- n’ai pas l’intention de créer des services naux des sites et paysages, créés en 1972. extérieurs nouveaux ; je continue à La mise en place de ces derniers est penser que le concours des services de néanmoins relativement lente : en 1975, l’État mis à ma disposition [...] représente neuf régions seulement en sont dotées. le meilleur moyen de déconcentrer la Cette lenteur dans le déploiement des politique d’environnement sans l’isoler moyens d’action locaux se manifeste éga- des autres aspects de la politique de lement en ce qui concerne les « bureaux l’État [...] » 9. L’administration territoriale départementaux de l’environnement », s’appuie de ce fait moins sur des ser- services de conseil en matière d’environ- vices que sur des individus , les vingt nement en Préfecture, dont un tiers des délégués régionaux de l’Environnement, départements sont encore dépourvus qui sont progressivement envoyés dans en 1975. Usine d’incinération de résidus urbains d’Ivry- les régions à partir de 1971. Pratique sur-Seine, chaîne d’extraction du mâchefer (à droite, on aperçoit le silo à cendres volantes) informelle résultant d’une décision Dans l’ensemble, l’administration terri- ©MEEDDAT/DICOM – 1972 ministérielle, sans texte juridique fi xant toriale de l’Environnement reste donc leurs attributions, puisque ceux-ci ne fortement marquée dans cette première verront leur statut offi cialisé qu’à partir phase par son orientation missionnaire et 1971-1977 : les DRE de 1973, encore que de façon indirecte par les limites liées à l’émergence récente sous la forme d’une mention dans un du ministère, qui doit mettre en place et la naissance décret (Prieur, 2003). ses moyens d’action avec un budget très de l’administration limité (Poujade, 1975 : page 26). Ces délégués sont donc d’abord consi- territoriale dérés comme des représentants du ministre lui-même, des « missi dominici » 1977-1987 : le tournant La première phase de l’histoire des servi- selon un terme souvent utilisé, qui por- d’Ornano et la mise en ces extérieurs correspond aux premiers tent la parole du ministre et les valeurs pas du ministère de l’Environnement, créé de l’environnement dans les régions, « à place des DRAE en 1971 et qui conserve jusqu’en 1977 l’exclusion de toute tâche de gestion » 10 . une vocation essentiellement interminis- Majoritairement issus des corps techni- Six ans après la création du ministère, térielle, centrée sur la diffusion des nou- ques (Ponts et Chaussées, Génie rural et l’histoire administrative des services exté- velles logiques environnementales dans Eaux et forêts, urbanistes d’État), leurs rieurs de l’Environnement est marquée l’appareil d’État et la société. Pour Robert principales tâches s’articulent autour de par une seconde rupture avec l’arrivée à Poujade, premier détenteur de ce porte- cette fonction interministérielle : réaliser la tête de celui-ci d’une fi gure politique feuille, il s’agit avant tout d’un «ministère des missions d’inspection, conseiller nationale, Michel d’Ornano. Proche de de coordination et d’incitation [dont les] les autres administrations régionales et attributions propres de gestion dans des départementales, promouvoir les intérêts 8 Assemblée Nationale, compte rendu intégral des secteurs bien délimités sont au service de de protection de la nature au sein des débats, 20 novembre 1973, page 6064 9 l’action d’ensemble, qu’il doit orchestrer collectivités et de la société civile, éven- Assemblée Nationale, id. 10 au niveau du Gouvernement » 8. tuellement délivrer des avis d’experts sur Assemblée Nationale, id.

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tale ne connaît pas de suite réelle faute de crédits suffi sants, l’échelon régional s’installe dans la durée grâce au soutien affi rmé du niveau central. Outre l’appui politique direct du Ministre, les DRAE bénéfi cient d’un accroissement de leurs moyens d’intervention via des crédits d’origine diverse (fonds nationaux, régio- naux, partenariats).

La mutation n’est toutefois pas qu’institu- tionnelle. Le Ministre est attentif à recruter des profi ls nouveaux pour diriger les DRAE hors des corps techniques traditionnels pris dans le « carcan des carrières pîlotées » (selon les termes d’un ancien DRAE). Les nouveaux venus sont donc moins souvent des ingénieurs et davantage des architec- tes, des géographes ou des paysagistes, recrutés sous contrat. Cette tendance au recrutement de contractuels et de profi ls administratifs atypiques se prolongera lors de la principale vague de recrutement après la victoire de la gauche en 1981, qui amènera une centaine de nouveaux agents dans les DRAE (soit cinq à six par service). Deux exemples illustrent cette Construction d’un écran de 9 m. de hauteur à l’Hay-les-Roses double phase de croissance du service : ©extrait les cahiers de la Culture et de l’Environnement février 1978 en Franche-Comté, les effectifs passent de Valéry Giscard d’Estaing avec qui il a fondé Cette restructuration ambitieuse a des un en 1977 (le Délégué) à 12 en 1981 ; en les Républicains indépendants, d’Ornano conséquences importantes au plan terri- Midi-Pyrénées, la DRAE compte 30 agents obtient lors du remaniement de 1977 un torial. En région, les délégués régionaux en 1985 contre 15 en 1981. ministère rassemblant l’Environnement et de l’Environnement sont associés aux la Culture, qui évolue en avril 1978 vers un Conservateurs des Bâtiments de France, Cette politique de recrutement structure grand ministère de l’Environnement et du pour former des services à part entière, l’identité du service et ses relations aux Cadre de vie, regroupant des compéten- les délégations régionales à l’Architec- autres acteurs administratifs, dont les ces et des services issus de l’Equipement, ture et à l’Environnement (décret du agents sont issus de fi lières plus classi- de l’Environnement et de la Culture. 6 septembre 1978). Cette action de fusion ques. Si le Ministre d’Ornano parvient de services est complétée au niveau à constituer un service autonome et à 11 Assemblée Nationale, compte rendu intégral départemental par la mise en place de donner au secteur public de l’environne- des débats, 25 octobre 1978, page 6619 12 chargés de mission départementaux ment des « troupes » propres, celles-ci Circulaire du Premier ministre du 2 novem- bre 1989, relative au Plan national de l’Environne- à l’Environnement, placés auprès du occupent désormais une place à part ment Préfet 11 . Si cette tentative départemen- dans le concert administratif territorial. n°6 été 2009 l « pour mémoire » 13

environnementales », selon les termes D’autres modifi cations sont envisagées de Michel Rocard en 1989 12 . au niveau départemental, comme la création d’un service départemental Cette évolution résulte d’une modifi ca- de l’Environnement, mais n’aboutissent tion du contexte politique qui s’opère pas, bloquées au stade des négociations dans la seconde moitié des années 80. interministérielles. Les questions environnementales La mutation opérée prend comme gagnent alors le devant de la scène modèles les administrations techniques sociale et politique, avec la montée en traditionnelles (agriculture, équipement, puissance des forces écologistes et de industrie). Il s’agit de constituer une leur audience, qui se traduisent en pour- administration de l’Environnement verti- centages de vote et en mandats électifs cale avec un renforcement des capacités (entre 3 % et 8 % aux différentes élec- gestionnaires. tions de cette décennie). La pression L’eau politique et sociale culmine en 1988 avec Ce retour vers un modèle traditionnel ©extrait les cahiers de la Culture et de l’Environnement novembre 1977 l’élection présidentielle et la nomination d’administration se retrouve en partie du gouvernement Rocard, dans lequel dans les nominations des nouveaux 1988-2002 : Brice Lalonde, chef d’un parti écologi- DIREN, qui tendent vers un recrutement que, obtient le poste de Secrétaire d’État plus classique : seuls onze des anciens la « relance à l’Environnement. Il bénéfi cie donc du DRAE deviennent directeurs régionaux écologique » et soutien d’un parti, d’une base électorale de l’Environnement, les autres rejoignant suffi samment large pour peser dans les d’autres administrations ; sur les vingt et la création des DIREN arbitrages et d’une relation privilégiée un directeurs nommés, sept sont issus du avec le Premier Ministre. Ces évolutions corps du Génie rural et des Eaux et Forêts, Si le changement politique de 1981 se croisées permettent la mise en chantier, deux du corps des Ponts et Chaussées. traduit concrètement, comme on l’a vu, tant attendue dans les années 80, de la On trouve un agronome, un ingénieur par une croissance du nombre de postes réforme structurelle de l’administration divisionnaire des Travaux Publics, un ingé- attribués à l’Environnement mais aussi de l’Environnement. nieur du Génie Sanitaire, un sous-préfet et par le retour à un ministère de l’Environ- un administrateur civil (Romi, 2004). nement séparé de l’Équipement, sur le Cette réforme débouche sur une mutation plan des services extérieurs cependant, d’envergure des services extérieurs avec la situation évolue peu avant la fi n des la création des directions régionales de 2002- 2009 : réforme années 80, malgré la production de l’Environnement (DIREN) qui constituent de l’État, fusion de nombreux rapports (Holleaux, Suzanne, de véritables services régionaux com- Lorit) et audits (Quaternaire éducation) parables à leurs équivalents d’autres services et création concernant l’administration territoriale ministères (les DRAC notamment). Les des DREAL de l’Environnement. Après cette phase DIREN rassemblent en effet les DRAE, et de réfl exion, l’impulsion vers une nou- deux services ayant des missions dans velle réforme est de nouveau donnée le domaine de l’eau : les SRAE (Services Cette dernière période est marquée par par un pouvoir politique volontariste, régionaux à l’Aménagement des Eaux, deux évolutions des services extérieurs avec le lancement du « Plan national de issus du Ministère de l’Agriculture) et les d’ampleur différente, introduites par l’Environnement » et l’appel à un « chan- Services Hydrologiques Centralisateurs les changements de gouvernement de gement d’échelle dans les politiques (issus du Ministère de l’Équipement). 2002 (présidence de Jacques Chirac et

« pour mémoire » l n°6 été 2009 14 gouvernement de Jean-Pierre Raffarin) et de 2007 (présidence de N. Sarkozy et gouvernement de François Fillon). Elles s’inscrivent toutes deux dans un pro- gramme plus large de réforme de l’État qui se décline dans le domaine environ- nemental et se traduit principalement par des fusions entre services.

La première évolution reste mineure : engagée à partir de 2004 dans le cadre de la réforme de l’État, l’action de réforme vise à mettre en place huit pôles régionaux d’action publique autour du préfet de région, dont l’un est consacré à l’environnement et au développement durable. Ce dernier regroupe essentiellement la DRIRE, la DIREN et les établissements publics de Ferme éolienne dans la Beauce - © Laurent Mignaux – 2009 MEEDDAT l’État. Conformément à cette orienta- tion, en octobre 2004, le gouvernement s’agit de recréer un grand ministère cou- préparation. Les deux premiers change- lance une expérimentation de rappro- vrant les domaines de l’environnement, ments introduits ont pour leur part eu chement entre la DRIRE et la DIREN de l’équipement mais aussi de l’industrie. des conséquences importantes sur les qui a lieu dans cinq régions (Corse, Deuxièmement, dans le souci de ratio- services extérieurs de l’Environnement Haute-Normandie, Nord-Pas-de-Calais, naliser l’action de l’État et de réduire le avec la création des DREAL (directions Picardie et PACA) et doit conduire à nombre de fonctionnaires, suivant les régionales de l’environnement, de l’amé- une fusion des deux directions puis à la engagements présidentiels, une nouvelle nagement et du logement), associant les généralisation de l’expérience à toutes réforme de l’État est également lancée, DIREN, les DRE et les DRIRE et reprenant les régions. Cette restructuration ne au travers du processus dit de « Révision leurs compétences (à l’exception des peut cependant pas être menée à son générale des politiques publiques » missions relatives à la métrologie et terme, interrompue qu’elle est par le (RGPP). Celui-ci conduit à proposer en au développement industriel). Cette changement politique de 2007 et la matière d’environnement une fusion des restructuration dote le nouveau grand mise sur l’agenda de nouveaux projets services plus large qu’en 2002 (juillet ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du de réorganisation d’ampleur plus large. 2007). Enfi n, le gouvernement initie un Développement durable et de l’Aména- large processus de concertation autour gement du territoire (MEEDDAT) d’un Les changements introduits par la des politiques de l’environnement, service de poids au niveau régional nouvelle majorité en 2007 comprennent destiné à relancer l’action publique en la et d’une structure verticale complète trois volets en ce qui concerne l’en- matière (« Grenelle de l’Environnement », depuis le niveau central jusqu’en région. vironnement. En premier lieu, dans le octobre 2007). La transformation est cependant encore prolongement de l’idée défendue en 1978 Les effets de cette dernière opération trop récente - seules huit DREAL ont été (ministère D’Ornano) et partiellement ne sont pas encore repérables au plan créées début 2009 - pour que l’on puisse en 1986 (ministère Carignon délégué territorial, la loi Grenelle 2 fi xant des juger de ses conséquences. auprès du ministère de l’Équipement), il actions concrètes étant encore en n°6 été 2009 l « pour mémoire » 15

On peut néanmoins tenter de mieux sur une sélection de rapports et d’audits locaux par le biais d’ études destinées comprendre l’évolution d’ensemble produits durant les années 80 sur les à établir un état des lieux et à fi xer une de l’administration territoriale en DRAE 13 . position offi cielle. Elles remplissent donc focalisant l’attention sur les deux prin- là, dans la limite des moyens disponibles, cipales formes qu’ont pris les services Il convient de distinguer deux grands la fonction de « voix de l’environnement » extérieurs de l’environnement, la DRAE types d’activités du service : les tâches qui leur est impartie. et les DIREN. traditionnelles de gestion et celles, plus Le niveau d’activité et l’effi cacité du service originales, de mission, visant à agir sur les varient cependant fortement selon les II. Atouts et handicaps autres secteurs ministériels. L’évaluation régions. L’image et l’autorité de la DRAE successive de ces pôles fait apparaître auprès des autres acteurs locaux sont d’une administration un déséquilibre marqué entre les deux fortement liées au dynamisme du Délégué, types de missions. à sa volonté de promouvoir activement de mission : les DRAE les valeurs du ministère, et à l’aide qu’il peut recevoir de chargés de missions (1979-1990) L’exercice motivés. Le départ ou l’arrivée d’un agent des compétences ou d’une équipe peuvent ainsi avoir des Les missions des DRAE sont décrites conséquences positives ou négatives sur le dans le décret fi xant leur création de gestion positionnement et l’effi cacité du service. (6 mars 1979), texte complété par deux circulaires (15 avril et 15 septem- L’examen des pratiques concrètes des bre 1980) précisant leurs missions en DRAE montre le plein usage qu’elles font Les diffi cultés matière de sites, d’abords, de paysages du cadre juridique que leur offre le décret de l’administration et de protection de la nature et de l’en- du 6 mars 1979, ce malgré l’étendue du vironnement. Ces textes n’énumèrent champ couvert et sa relative indéfi nition. de mission cependant que de façon assez générale Les délégués ont en effet mobilisé pleine- leurs attributions dans les principaux ment les instruments (ZNIEFF et ZPPAU) La seconde facette de l’action de la domaines qu’ils couvrent (architecture, mis à leur disposition qui leur ont permis DRAE concerne leur mission générale de urbanisme, protection des sites naturels de renforcer leur assise règlementaire. diffusion des préoccupations environne- et construits, qualité de la vie et études L’intérêt de ces procédures, qui s’appa- mentales dans l’espace local, et plus par- d’impact). rentent à l’inscription ou au classement ticulièrement au sein de l’administration Pour comprendre l’activité au quotidien des sites, réside essentiellement pour de l’État. Elle concerne donc, aussi, la de ces services, l’examen d’autres sour- la DRAE dans le contrôle quasi exclusif prise en compte des orientations défi nies ces est nécessaire. On peut s’appuyer qu’elle peut en avoir, seule ou avec un par la DRAE et l’effectivité de son pouvoir ici à la fois sur le compte-rendu que font partenaire allié (les Architectes des règlementaire lorsqu’il s’applique aux les agents de leurs propres pratiques et Bâtiments de France pour les ZPPAU). autres secteurs de l’État. Cet aspect sup- Outre le travail réalisé autour des pose et nécessite un accueil favorable 13 Nous mobilisons ici deux types de sources : ZNIEFF et des ZPPAU, certaines DRAE et la participation des autres services d’une part, des entretiens réalisés auprès d’an- ciens DRAE lors d’une précédente enquête sur la développent une activité d’expertise administratifs. Or la DRAE ne se trouve création des DIREN (conduite en 1994 avec Pierre dans plusieurs domaines, soit par le biais généralement pas en position d’infl uer Lascoumes) complétés par des échanges avec des membres du comité d’histoire du MEEDDM ; des études d’impact, auxquelles elles sur ceux-ci pour trois raisons. d’autre part, des rapports administratifs issus de participent dans le cadre des procédures La première tient à la faiblesse structu- groupes de travail ou de missions d’inspection (rapports Holleaux, Suzanne, Lorit et contribution règlementaires, soit pour établir une relle du service : conforme à la défi nition des DRAE à ces réfl exions). position sur des enjeux d’environnement traditionnelle de ce type d’administra-

« pour mémoire » l n°6 été 2009 16 tion, la DRAE doit « faire faire » plus gués ne bénéfi cient pas du prestige lié toujours une force d’appoint et de qu’elle ne fait elle-même. Elle dépend à l’appartenance à un grand corps. Leur légitimation suffi sante, parce que trop donc des autres services pour accéder parcours professionnel et leur formation locales, ou contestataires, trop lointaines aux données brutes ou aux informations sont dans la plupart des cas atypiques par rapport à la DRAE régionale. Elles ne nécessaires à la mise en œuvre des poli- par rapport à ceux de la grande majorité peuvent rivaliser en terme de capacité tiques. Cette dépendance est accrue par des chefs des autres services extérieurs de mobilisation, de moyens humains et la faiblesse numérique des équipes des de l’État. De plus, il semble que la mobi- fi nanciers, de relais politiques avec les DRAE et des moyens limités dont elles lité forte existante dans cette fonction, autres groupes, professionnels ou non, disposent. Administration de dossier, la qui fait se succéder les responsables, qui forment le soutien des grands ser- DRAE est généralement sans compétence et accroît le temps de vacance des vices de l’État (industriels, agriculteurs, particulière pour traiter les problèmes postes, ne contribue pas à donner de la élus locaux, etc.). techniques. Elle est pourtant chargée de DRAE l’image d’un service administratif faire ressortir et de prendre en compte « sérieux » disposant d’une autorité Une troisième raison découlant des deux les implications environnementales des reconnue. premières est la faiblesse de l’expertise politiques menées au plan local. Elle propre à la DRAE. La quasi absence d’ex- dispose par conséquent d’une large com- La seconde raison expliquant la diffi culté pertise exclusive de sa part s’explique pétence sans pouvoir s’appuyer sur une à peser dans le monde administratif est notamment par l’éclatement du secteur connaissance correspondante du terrain, liée au manque d’unité et de cohérence de l’environnement. Le domaine étant dont le monopole est conservé par les de « l’environnement » comme objet faiblement constitué, les disciplines et services départementaux, situation diffi - d’action publique. Les politiques relati- les connaissances relatives à l’environ- cile s’il en est. ves à l’environnement se caractérisent nement ne forment pas un tout cohérent, Le niveau d’action régional de la DRAE encore dans le courant des années 80 mais sont partagées entre différents a des effets structurels non négligea- par un certain fl ou. Le domaine de com- champs d’expertise dont les corps d’in- bles sur son activité et son effi cacité. pétence couvert est en outre hétérogène, génieurs gardent la maîtrise. Les savoirs L’éloignement et la diffi culté d’entretenir du fait de sa constitution par emprunts à centrés sur l’environnement considéré des relations suivies avec le niveau des secteurs administratifs préexistants dans sa globalité ne sont pas assez départemental mettent la DRAE à l’écart (Agriculture, Culture, Equipement). Sa objectifs ou fondés sur des données des réseaux d’information et d’action, nouveauté ne lui a pas encore permis de scientifi ques. et l’empêchent surtout d’avoir un accès s’organiser véritablement. direct au préfet de département, qui reste La DRAE ne peut en fait réellement se le véritable pivot de l’action de l’État. Il manque encore à cette époque une prévaloir que d’un seul type d’expertise Certains aspects plus techniques jouent base sociale ou un secteur professionnel sectorielle, limitée aux opérations en dans ce contexte le rôle de facteurs soutenant son action, comme c’est le cas matière de sites et exercée par le biais aggravants : l’insuffi sance, maintes fois pour d’autres ministères (Agriculture, de ses inspecteurs. Les autres domaines signalée, des crédits de déplacement Industrie). Les groupes sociaux sur les- lui échappent quasi intégralement, alloués aux DRAE en est un exemple quels la DRAE peut s’appuyer constituent qu’il s’agisse des rejets industriels, de (cette situation perdurera jusqu’à la fi n théoriquement le plus grand nombre, la ressource en eau, ou des grandes des années 80 pour certains services). puisque toute la population est concer- infrastructures. Les questions appelant Enfi n, le statut administratif des délé- née, mais comptent concrètement peu un traitement administratif étant défi - gués et leur profi l personnel en font d’acteurs mobilisés. Le seul relais exté- nies à l’origine par les autres services, généralement des personnalités à part rieur de la DRAE sont les associations dans leurs propres termes très souvent dans le monde administratif local. de protection de l’environnement (APE). spécialisés, la DRAE ne peut donner un Majoritairement contractuels, les délé- Celles-ci ne fournissent cependant pas avis suffi samment élaboré sur le plan n°6 été 2009 l « pour mémoire » 17 technique pour être recevable. Il arrive l’idée d’une restructuration nécessaire. qu’un DRAE puisse parvenir à formuler Selon ces diagnostics internes à l’ad- des contre-projets rigoureux, grâce à son ministration, les DRAE sont un service dynamisme propre, à une mobilisation jeune et à faible visibilité qui ne dispose spécifi que sur un dossier ou du fait de que d’une audience et d’une autorité la présence dans son personnel d’agents restreintes dans le concert administratif experts d’un domaine particulier. Ces local. Leur diffi culté à imposer ou même « coups » sont à l’origine de blocages à faire partager leur point de vue est liée qui débouchent parfois même sur des à l’existence de plusieurs handicaps : la revirements notables dans les politiques structure institutionnelle, notamment locales. Mais ces situations constituent quant au statut de son responsable, l’exception plutôt que la règle. n’est pas comparable à celle des autres services, et place le délégué à l’écart de l’administration traditionnelle ; leur Bilan de l’action cadre d’action juridique est tout à la fois des DRAE trop fl ou quant à ses objectifs et trop lâche quant à ses moyens, et rend ardue et propositions la conduite d’une politique cohérente et de réforme à la fi n ciblée ; les effectifs attribués demeurent largement insuffi sants ; les personnels des années 80 souffrent d’un manque de formation sur procédures (études d’impact et documents certains aspects de leurs activités ; la d’urbanisme, préparation et suivi des Cet éclairage sur les pratiques des DRAE capacité d’expertise du service est faible; contrats de plan État-Région) et assurer met en lumière la question essentielle enfi n, les crédits alloués sont largement une activité réglementaire (application des qui se pose à ces services : dans quelle inférieurs à ce que l’accomplissement lois de 1913 sur les abords des monuments mesure et par quelles voies peut se réali- des missions exigerait. historiques, de 1930 sur les sites, de 1962 ser la fonction de réorientation des logi- sur les secteurs sauvegardés, de 1976 ques d’action des services traditionnels Un bilan élaboré par les délégués eux- sur la protection de la nature, de 1977 de l’État - ici dans le sens d’une meilleure mêmes s’inscrit dans la même orientation sur la qualité architecturale, de 1979 sur prise en compte de l’environnement. tout en esquissant des pistes d’évolution 14 . la publicité). Les diffi cultés viennent du Autrement dit : comment sensibiliser Le diagnostic qui y est posé est double, décalage croissant entre l’accroissement l’administration de l’État aux problèmes admettant à la fois les problèmes de fonc- de la charge de travail liée à cet ensemble de l’environnement ? Cette question est tionnement de la DRAE tout en mettant de dispositions réglementaires à faire au cœur des projets de réformes qui en avant ses potentialités, qui pourraient appliquer et la « capacité de traitement des sont récurrents durant les années 80 et en faire le pivot d’une administration de missions » qui n’est pas au rendez-vous, du qui conduisent aux réformes qui seront l’environnement restructurée. Le pro- fait de l’absence de moyens supplémentai- mises en œuvre dans les années 90. blème central est clairement annoncé : res affectés à ces nouvelles tâches. la DRAE, pensée à l’origine comme une Les principaux bilans administratifs administration de mission, souffre avant Les conséquences de ce décalage pèsent réalisés entre 1986 et 1988 (notamment tout de l’évolution de ses activités qui en sur les agents : « la déviation et l’usure rapport Holleaux et rapport Suzanne) font de plus en plus un service au « poids de l’originalité du service », mais aussi concluent à un relatif échec de l’activité gestionnaire » affi rmé. Le service doit en 14 Association des DRAE, Contribution au rapport de mission des DRAE et introduisent effet rendre des avis dans de nombreuses Suzanne.

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« l’usure progressive et prématurée du Il met au contraire en valeur le « plus Cette revendication des DRAE sera satis- potentiel humain ». Dans un contexte de [...] la valeur ajoutée » par rapport à la faite avec la création des DIREN en 1991. stagnation des effectifs depuis les politi- structure administrative locale que peut Notre troisième partie est consacrée ques de rigueur de 1984, les contractuels, apporter une « vision de synthèse » de aux activités et au positionnement de ce fortement représentés parmi les DRAE l’environnement ; la DRAE seule peut, service. (50 % approximativement) souffrent d’un par son statut même, « rassembler les statut qui n’offre qu’une « mobilité de ser- acteurs autour d’une table, imaginer avec vice à service très limitée, des profi ls de eux et animer des politiques innovantes, III. L’autonomisation débouchés et de carrière assez restreints, mettre en synergie leurs moyens ». Mais et des contrats peu attractifs ». Sur un autre il ne s’agit pas seulement de réaffi rmer la inachevée d’une versant, leur « légitimité » n’est pas encore vocation interministérielle de l’Environ- établie, et reste « toujours en question », nement, il faut aussi l’imposer concrè- administration du fait, notamment, d’un « positionnement tement par un ensemble de mesures de en porte-à-faux, tant au niveau de l’image coordination qui font encore défaut. territoriale : les qu’au niveau des enjeux ». Le texte relève en effet les thèmes perçus comme priori- Ces mesures destinées à assurer une DIREN (1991-2008) taires par « l’opinion publique en matière coordination interministérielle de poids d’environnement » (d’après un sondage dans le cadre local apparaissent aux Le diagnostic de l’action des DRAE SOFRES de 1987). Les problèmes les plus auteurs nécessaires, mais insuffi santes. ouvre en 1991, au moment de la création cités sont la prévention des risques et des « L’expérience montre qu’il est illusoire des DIREN, sur un renforcement des pollutions industrielles, la préservation de prétendre ‘’animer’’ le travail d’autres capacités gestionnaires du service, qui des forêts, le maintien de la qualité de l’air, administrations, et d’assurer une fonc- n’abandonne cependant pas sa vocation des eaux du littoral et des rivières. Or ces tion ‘’transversale’’ si l’on ne pèse pas ancienne d’administration de mission. questions échappent en grande partie à la soi-même un poids gestionnaire mini- Il y a donc une forme d’hybridation DRAE dont le domaine de compétence se mum. La légalité des missions ne suffi t nouvelle entre les deux orientations, déploie autour de la protection de la nature pas à conférer les qualités requises pour que l’on voit apparaître clairement et des sites à un niveau régional. les exercer effi cacement ». Dit plus net- dans le décret instaurant les DIREN 15 , tement encore, le délégué régional ne celui-ci empruntant à la fois à l’un et à Pour rendre plus effi cace leur action, « peut se contenter d’être un ‘’agitateur l’autre de ces modèles. Des modifi ca- mais sans proposer de véritables d’idées’’ ou un ‘’poil à gratter’’ ». tions structurelles sont apportées avec solutions de rupture, le texte formule la création d’un service étoffé par la pour des DRAE restructurées des Il y a donc nécessité de conférer à ces ser- fusion de plusieurs unités (SRAE, SHC, propositions dans deux directions : vices une « dimension gestionnaire forte », DRAE), mais demeurent un système de d’un côté la réaffi rmation de leur rôle ce qui passe par un indispensable renfor- mise à disposition ainsi que des mis- d’administration de mission, voire son cement structurel en terme de moyens et sions d’animation et de coordination extension ; de l’autre, la consolidation de capacités juridiques. On voit ainsi se vis-à-vis des services départementaux. et l’offi cialisation de l’orientation ges- dessiner ce que pourrait être un service L’action publique environnementale se tionnaire qui est désormais la leur, par régional de l’environnement, pensé sur le redéploie donc dans le sens d’une plus l’attribution de nouveaux moyens - au modèle des autres directions à cet échelon grande autonomie, tout en conservant sens large du terme. territorial (DRE, DRIR, DRAF) : « un service sa transversalité traditionnelle. propre [au MEN], placé au niveau régional Le projet rédigé par les délégués ne 15 Décret 91-1139 du 4 novembre 1991 relatif à récuse pas en effet la possibilité d’agir et interdépartemental, en prise directe l’organisation et aux missions des directions régio- en tant qu’administration de mission. avec les services mis à disposition ». nales de l’environnement (J.O. du 5 novembre 1991) n°6 été 2009 l « pour mémoire » 19

les études d’impact dont elle est saisie, sion de l’ensemble des données et des elle « concourt » aux politiques de mise connaissances relatives à l’environne- en valeur des ensembles urbains et des ment, notamment dans le domaine de milieux naturels protégés... On trouve l’eau. Dans ce même secteur, elle est également la formule « sous réserve en outre chargée de la coordination des attributions des autres services des responsabilités de l’État en matière déconcentrés de l’État » appliquée de police et gestion des ressources en à toute une série de missions, ce qui eau. De fait, l’intégration des SRAE et montre bien l’absence d’un domaine des SHC dans le service et l’attribution réservé et la nécessité de travailler de la fonction de délégué de bassin avec les autres secteurs. donne à la DIREN un rôle de service régional de référence pour cette politi- En ce qui concerne l’activité de gestion que, avec une compétence technique, proprement dite, la DIREN reçoit des donc gestionnaire, reconnue. pouvoirs de police quoique limités. Elle exerce par l’intermédiaire de ses Les DIREN agents certains pouvoirs de police en matière de protection des sites au quotidien et monuments et de protection de la L’hybridation affi chée dans l’attribution nature hérités de la DRAE. En revan- des compétences se retrouve également Exposition d’affi ches en 1990 che, la police des eaux échappe à la dans les activités concrètes des agents ©MEEDDAT/DICOM – 1990 Bernard Suard DIREN. Ses agents n’ont pas le pouvoir de la DIREN et dans les tâches auxquelles de dresser des procès verbaux et la ils se consacrent au quotidien. circulaire du 7 mai 1992 rappelle que L’évolution la création des DIREN et en particulier En matière de gestion, les actions des attributions le transfert des personnels des SRAE concernées peuvent se regrouper en et des SHC n’ont pas eu pour effet trois domaines. S’agissant de la continuité avec la tra- « d’intégrer dans le transfert les dition de l’administration de mission, agents responsables de la police des La collecte et le traitement de l’infor- l’analyse du décret de 1991 permet de eaux. Les services départementaux mation sur les ressources naturelles voir que la DIREN n’a pas de monopole de l’équipement et de l’agriculture, aquatiques et sur les risques. C’est le dans nombre de ses activités. Elle ainsi que les services de navigation métier essentiel des « Services eau et « contribue » à la prise en considération continuent d’exercer les missions qui milieux aquatiques » (SEMA) des DIREN. de l’environnement dans les documents leur incombent en matière de police Ce travail suppose autant le stockage et de planifi cation locale, à promouvoir des eaux. » la mise en forme des données que leur un urbanisme et une architecture de traitement. Cette activité est centrale, qualité s’intégrant harmonieusement Le service est également explicite- à la fois par les moyens en personnels dans le milieu environnant ; elle ment chargé de coordonner certaines qui y sont consacrés (près de la moitié « participe » à la défi nition et à la actions en matière d’environnement : de l’effectif du service) et par ses pro- mise en œuvre des méthodes d’étude, l’action des services de l’État chargés longements : les données et les carto- d’aménagement, de gestion et de pro- de la cartographie et de l’information graphies produisent les bases objectives tection des milieux naturels et de leurs sur les risques naturels majeurs, le indispensables à l’action publique en ressources, elle « donne des avis » sur regroupement, l’exploitation et la diffu- matière de gestion de l’eau, s’imposant

« pour mémoire » l n°6 été 2009 20 aux décisions comme aux orientations nal de l’eau, Mission interservices de On peut évaluer quantitativement la d’autres acteurs. l’eau, Conférence administrative régio- part respective de ces activités, grâce à nale, chartes municipales ou départe- une enquête portant sur l’ensemble des mentales) ou à l’intérieur des réseaux personnels DIREN 16 . On note d’abord la Le suivi des procédures informels d’échange et de négociation prégnance des activités de production réglementaires locaux, où la DIREN peut infl uer sur les de connaissances, qui représentent arbitrages réalisés par le préfet ou par l’activité dominante, quelle que soit la Comme on l’a vu, la DIREN intervient ses services. La DIREN intervient égale- DIREN : le taux moyen s’établit autour dans la protection des sites, la protec- ment en réalisant des travaux d’études de 40 % du temps de service, avec une tion de la nature et la politique archi- pour le compte de collectivités locales variation entre DIREN entre 35 et 50 %. tecturale et d’urbanisme. L’inspection ou en délivrant des avis sur la base de Cet ensemble s’explique par la masse de sites, le classement en réserve son expertise spécifi que, principale- que représentent au sein de la DIREN les naturelle, les chartes de parcs natio- ment hydrologique, acquise grâce aux agents des ex-SRAE et des SHC et leurs naux, la défi nition des ZPPAU intègrent SEMA. Elle assure aussi la diffusion des missions de collecte des données en des activités de contrôle réglementaire, valeurs d’environnement à destination matière d’eau. Le chiffrage montre qu’il d’instruction de dossiers d’autorisation des acteurs privés, par la formation s’agit du véritable centre de gravité de la et de classement. et l’éducation à l’environnement, des DIREN. Les proportions varient ensuite, L’action redistributive concerne essen- opérations de communication, etc.. au sein de chaque service, entre les tiellement la gestion des crédits pro- activités de « suivi réglementaire » d’un pres du service et, dans une moindre Au croisement de ces deux grands côté, et celles de « guidage politique » de mesure, la participation à la défi nition types d’intervention (gestion et mis- l’autre. Si l’instruction des procédures de programmes d’investissement sion), la DIREN s’acquitte de tâches de occupe généralement la deuxième place (volet environnement des contrats de planifi cation territoriale. Les services en terme d’activité des agents, elle plans État-Région, restauration des s’investissent également beaucoup dans peut varier du simple au double (de 14 cours d’eau, emplois verts). Les crédits ce secteur d’activité qui est l’occasion à 32 %). Le guidage politique (animation, contrôlés, même s’ils demeurent limités, d’associer la production de connais- coordination, réseaux) quant à lui varie introduisent le service dans le cercle sances sur les milieux et ressources de 5 à 15 % selon les DIREN. des fi nanceurs potentiels et lui donnent (inventaire), la mise en réseau d’acteurs accès à des secteurs jusque là fermés diversifi és et la protection de l’environ- Au-delà de ces différences qui expriment (le monde agricole avec les mesures nement dans les schémas et les plans la diversité des situations locales, on agro-environnementales ; les collectivi- directeurs. La planifi cation territoriale peut tracer le portrait d’une DIREN-type : tés locales grâce aux contrats de rivière vise alors à l’intégration d’objectifs accent partagé sur la connaissance et la ou aux cartographies de risque). environnementaux dans la réalisation synthèse de l’état de l’environnement des documents, qu’il s’agisse d’urba- (prioritairement sur l’eau) ; présence En matière de mission, les activités de la nisme (SDAU essentiellement), d’eaux d’un pôle d’activités « réglementation », DIREN, de nature essentiellement inter- continentales (SAGE - schéma d’amé- avec le poids prépondérant de l’inspec- ministérielle, sont également plurielles. nagement et de gestion des eaux - et tion des sites ; enfi n, importance moin- Elles concernent d’abord les missions de SDAGE, schéma piscicole) ou littorales dre d’un ensemble d’actions relevant de « guidage » des politiques territoriales (schéma de mise en valeur de la mer), de l’administration de mission. pouvant s’opérer dans des lieux insti- déchets (plans départementaux de ges- 16 tutionnels spécifi ques (Commissions tion des déchets ménagers) ou encore Ces données nous ont été fournies par le départementales des sites, de l’hygiène, de carrières (schéma départemental des Collège des DIREN (M. Renon, « Analyse des activités des DIREN en 1994 », Collège des DIREN, des carrières), Comité technique régio- carrières). mai 1995). n°6 été 2009 l « pour mémoire » 21 Limitations et atouts pas été résolues par le regroupement des tion, actions menées en parallèle, refus de services. La DIREN dispose en moyenne l’action intersectorielle, etc. Ces confl its du service de dix agents par département pour subsistent aussi du fait des relations exercer l’ensemble de ses compétences entre niveaux régional et départemental. Le renforcement de la dimension gestion- (le nombre moyen d’agents par DIREN Le directeur régional n’a pas de position- naire ne résout cependant pas tous les est de 42, et celles-ci couvrent, selon nement départemental clair en l’absence problèmes que rencontraient les DRAE. les régions, de 2 à 8 départements). Les de services relais ou d’un représentant Les DIREN sont elles aussi confrontées à diffi cultés liées à la gestion du personnel exclusif et permanent auprès du préfet des limitations internes et externes qui grèvent également les moyens mis à dis- de département. Ce dernier consulte à entravent leurs possibilités d’action. Ces position : postes vacants, problèmes de l’occasion le DIREN, mais reste attaché limitations sont de trois types. qualifi cation des personnels en l’absence à son indépendance vis-à-vis du niveau Le premier groupe représente les d’un corps de l’environnement. régional. Il est aussi attentif à garder le contraintes indépassables qui limitent contrôle de l’intersectorialité qui est une structurellement l’action des DIREN. Ces Un deuxième ensemble de limitations des bases de son pouvoir sur les services limitations sont internes et de nature tient à la situation administrative locale : déconcentrés. Dans certains cas, les matérielle, dans la mesure où la réforme les clivages sectoriels restent forts entre entreprises intersectorielles et les tentati- s’est réalisée pour l’essentiel à budget ministères et les interventions de la DIREN ves de coordination du directeur peuvent constant. Par ailleurs, et contrairement sont parfois encore perçues comme des lui apparaître comme un contournement à ce qui avait été espéré, les carences ingérences ou des empiètements, qui de son autorité, par la constitution d’un en personnel et en crédits des DRAE, engendrent des rivalités ou des confl its pôle concurrent. mais aussi des SRAE et des SHC, n’ont de territoires avec rétention de l’informa- En troisième lieu, l’évolution rapide des enjeux saillants en matière d’environ- Parc animalier de l’Espace - Rambouillet - Hibou Grand Duc européen nement contribue également à affaiblir ©MEEDDAT/DICOM Laurent Mignaux la position de la DIREN au plan local. Le caractère mouvant des thématiques et des sujets de préoccupation a pour effet de mettre en diffi culté les services centrés sur des enjeux vidés tout à coup de leur contenu. Un exemple frappant de ce phénomène est l’écologie dite « urbaine », dont les enjeux (air, trans- ports, déchets, bruits, risques technolo- giques) provoquent dans les années 90 l’inquiétude du public. Or les DIREN ont en ce domaine peu de compétences spé- cifi ques. Celles-ci appartiennent en parti- culier aux administrations de l’Industrie, de l’Équipement, aux municipalités et à l’ADEME. On doit noter que la critique se rapproche de celle faite aux DRAE, de ne pas avoir traité les questions attachées, pour le grand public, à l’environnement (pollution des rivières, de l’air, nuisances

« pour mémoire » l n°6 été 2009 22 industrielles). Le caractère évolutif des gestion, d’autant plus forte qu’elle fait évoquée en 1978 par ceux qui criti- frontières du domaine de l’environ- désormais partie intégrante d’un grand quaient la fusion entre Environnement nement est un problème permanent ministère ; il forme aussi une adminis- et Équipement, cette question de pour une administration qui aspire à tration qui doit construire une action l’arbitrage est rendue plus épineuse du s’institutionnaliser. publique cohérente à partir de logiques fait du cadrage européen en matière de et de valeurs diversifi ées, voire aupara- politiques environnementales. L’enjeu Face à ces contraintes, les DIREN vant concurrentes. Cette évolution et est celui de la conformité avec les directi- bénéfi cient néanmoins d’un avantage son devenir posent au moins deux types ves européennes, demandant la mise en de position dû au contexte dans lequel de questions qui offriront sans doute place d’une autorité environnementale elles inscrivent leur action. L’affi rmation largement matière à réfl exion pour les autonome et, au niveau territorial, d’un du rôle de l’État dans le domaine de mois et les années à venir. « garant environnemental » réellement l’environnement et les carences encore indépendant au sein des DREAL. signifi catives des collectivités locales Tout d’abord, la question de la fusion jouent en faveur de l’administration. entre services : celle-ci rapproche L’État peut ainsi réaffi rmer régulièrement des organisations administratives son engagement dans la politique de dotées chacune de traditions propres l’environnement. Ces manifestations (les départements ministériels de d’intérêt montrent que l’État a encore l’Industrie, de l’Équipement et de l’En- une contribution majeure à apporter sur vironnement), ainsi que des personnels des fonctions que lui seul peut remplir : ayant une identité et une mémoire la production et le regroupement des liées à chaque service, aux missions connaissances, l’expertise technique, prises en charge et aux conceptions l’arbitrage entre intérêts divergents. du bien public défendues. La question des modalités de ce rapprochement entre cultures et personnels se posera Conclusion principalement dans deux cas : entre les services de l’Environnement et ceux En quoi la chronologie des évolutions de de l’Équipement, dont les relations ont l’administration territoriale et l’analyse été confl ictuelles dans le passé ; entre des activités des DRAE et des DIREN les services de l’Industrie et de l’Équi- peuvent-elles éclairer la dernière phase pement, essentiellement par défaut de de cette mutation ? Au moment où un collaboration antérieure et alors que premier groupe de DREAL est mis en la question de l’énergie et du climat place - premier semestre 2009 -, la com- demandent la formation d’une culture préhension des logiques antérieures peut commune. avant tout aider à diriger le regard et à poser à l’actualité des questions fondées En second lieu, la question de l’ar- sur la connaissance du passé. bitrage : comment seront forgés les La DREAL inaugure en effet une nouvelle compromis entre les grands types d’in- confi guration des services extérieurs térêts constitutifs du « développement qui se distingue des précédentes par durable » : croissance économique, deux traits : le nouveau service est maintien des équilibres environnemen- plus que jamais une administration de taux, respect de l’équité sociale. Déjà n°6 été 2009 l « pour mémoire » 23 Bibliographie Lascoumes, P. (dir.) , Instituer l’environ- nement. Vingt-cinq ans d’administration de l’environnement, Ed. L’Harmattan., Barraqué Bernard, « Les agences 1999 de l’eau », in Lascoumes, P. (dir.) , Instituer l’environnement. Vingt-cinq ans Poujade Robert, Le Ministère de d’administration de l’environnement, l’impossible, Ed. Calmann-Lévy, 1975 Ed. L’Harmattan., 1999 Prieur Michel, Droit de l’environnement, 5e Ed. Dalloz, 2003 Bazin Jean-François, La création du ministère de la protection de la nature et Romi Raphaël, Droit et adminis- de l’environnement : essai sur l’adap- tration de l’environnement, 6 e Ed. tation de la structure gouvernementale Montchrestien, 2007 à une mission nouvelle, thèse de droit, Université de Dijon, 1973 Spanou Calliope, Fonctionnaires et militants : étude des rapports entre Billaudot Franç oise, Michè le Besson- l’administration et les nouveaux Guillaumot, Environnement, urbanisme, mouvements sociaux, Ed. l’Harmattan, cadre de vie. Le droit et l’administration, 1991 1979-1984, Ed. Montchrestien, 765 et , 155 p. (avec addendum de 1984)

Charvolin Florian , L’invention de l’environnement en France : chroniques anthropologiques d’une institutionnali- sation, Ed. la Découverte, 2003

Lascoumes Pierre (dir.), Instituer l’environnement : vingt-cinq ans d’administration de l’environnement, Ed. l’Harmattan, 1999

Lascoumes Pierre, Le Bourhis Jean-Pierre, L’environnement ou L’administration des possibles : la création des directions régionales de l’environnement, Ed. l’Harmattan, 1997

Le Bourhis Jean-Pierre, « L’administration de l’environnement entre logiques verticale et transversale. La création des DIREN (1988-1992) », in

« pour mémoire » l n°6 été 2009 24 en première ligne témoignage de Bernard Glass, DRE d’Alsace, ancien directeur du Plan bleu

des Pyrénées dès 1967. Mais, en toile de fond, ère DRE de la 1 génération j’avais toujours été très intéressé par les activités de la DATAR en faveur d’une politique française en Alsace pour l’environnement, dont les fameuses “Cent mesures pour l’environnement” et la création C’est en 1971 que Robert Poujade, ministre d’un ministère responsable. délégué de la protection de la nature et de l’environnement, a décidé de mettre en place une Une fois en Alsace, j’ai réalisé l’originalité et inspection générale de l’environnement dont les l’ampleur de ma mission. membres assureraient une mission régionale. En premier lieu, l’indépendance administrative Il pensait mobiliser les plus expérimentés des du délégué, placé sous l’autorité du ministre ingénieurs d’État du corps des Mines, des Ponts et non du préfet de région, s’est traduite par et Chaussées et du Génie rural, des Eaux et des son installation “autonome”, hors des services Forêts. administratifs en place et à la charge du ministère d’origine du délégué, c’est-à-dire celui de En effet, il lui paraissait important de privilégier l’Agriculture. Ainsi, la délégation a été dotée par au niveau régional trois composantes majeures la DDA du Bas-Rhin d’un bureau dans le vieux de sa politique : le domaine de l’industrie et des Strasbourg ainsi que d’une secrétaire. pollutions, l’environnement urbain et les trans- ports, ainsi que la gestion des espaces ruraux Par ailleurs, se faire connaître et reconnaître et naturels. Son souhait ne s’est pas concrétisé s’est avéré d’emblée un tâche délicate. Il a fallu Secteur sauvegardé Strasbourg MEEDDAT/SG/Dicom -1993 car seuls deux ingénieurs généraux des Ponts et Chaussées ont répondu à l’appel. De fait, à défaut d’ingénieurs généraux et d’ingénieurs des Mines, une certaine ouverture s’est faite au profi t d’ingénieurs en chef des Ponts et Chaussées et du Génie rural, des Eaux et des Forêts, d’urbanis- tes en chef de l’État, d’administrateurs civil, voire de jeunes ingénieurs qui avaient candidaté sans espoir mais exprimé leur forte motivation pour la cause de l’environnement. Ce fut mon cas. J’avais 35 ans lorsque jai eu la surprise d’être nommé délégué régional chargé de mission d’inspection générale pour l’Alsace, ma région natale. Mon expérience se limitait à quatre années de gestion des forêts communales de la Tarentaise en Savoie... avec un intérêt marqué pour la création du Parc national de la Vanoise en 1963 et à cinq années en DDA des Hautes-Pyrénées... avec un suivi attentif de la mise en place du Parc national n°6 été 2009 l « pour mémoire » 25

d’une part, développer des relations de confi ance grandes zones industrielles au bord du Rhin, au avec les institutions publiques locales et la vie détriment de quelques milliers d’hectares de la associative, particulièrement active et exigeante forêt rhénane... sans voir s’installer depuis de dans le domaine de l’environnement, et d’autre nombreuses années la moindre industrie. part, cerner et hiérarchiser les enjeux environne- Peu de temps après, Robert Poujade, lors mentaux, et cela dans un contexte frontalier donc d’une réunion à Strasbourg en présence de international. Pierre Pflimlin, a répondu en ces termes : « Le ministère de la protection de la nature et de À noter le rôle essentiel de la presse régionale, l’environnement a besoin également d’échelons avec parfois le risque d’une “surmédiatisation” régionaux, à qui doivent être épargnées le plus de certains problèmes, au contact d’une opinion possibles les tâches de gestion quotidienne publique très mobilisée pour la qualité du pour qu’ils puissent mieux servir de conseillers cadre de vie. Les échanges avec les journalistes ou d’aiguillons. A titre d’exemple, et puisque “couvrant” l’environnement pour “Les dernières nous sommes en Alsace, je citerai en exemple Nouvelles d’Alsace” et “L’Alsace” étaient très fré- la conception qu’a de son rôle Bernard Glass, quents et cordiaux. À titre d’exemple, “L’Alsace” le plus jeune de mes délégués régionaux à a relaté mon rôle en ces termes : l’environnement et l’un de mes plus remarqua- “...une sorte de missi dominici, chargé d’une bles...». Je ne pouvais qu’être reconnaissant à mission vaste, très et peut-être trop vaste mon ministre d’avoir ainsi pris mon parti. pour un seul individu... cet Alsacien auquel Avec le peu de moyens dont disposait le DRE, Robert Poujade vient de confier le soin à ce la valeur ajoutée de son activité reposait sur que les directives gouvernementales en matière l’analyse, la clarification et le décloisonnement d’environnement ne demeurent pas au plan des des connaissances et des actions relevant textes mais s’inscrivent dans la pratique... Dans de l’environnement. Ainsi un montage avec leur position à l’écart de l’entité administrative 7 laboratoires de l’université de Strasbourg régionale, les délégués du ministère de l’Envi- coordonnés par un ingénieur civil des mines ronnement vont en effet être “l’oreille” autant a permis la publication rapide d’un atlas de que l’agent de celui-ci... Telle qu’elle est conçue, l’environnement «Aménagement et ressources leur mission d’information, de contrôle et de naturelles» dont l’intérêt, reconnu par les conseil suppose (on le voit), un certain enthou- partenaires scientifiques, administratifs, siasme, des convictions, beaucoup de doigté et politiques et associatifs, fut d’établir, pour un grand sens des relations humaines.” une trentaine de thèmes environnementaux, le triptyque «état-pression-réponse». «A l’inverse, un article des « Dernières Sans développer les grands dossiers de nouvelles d’Alsace» a failli provoquer mon l’environnement à l’origine d’une forte solidarité départ anticipé de la région, fin 1973. Ceci, et mobilisation régionales comme par exemple la suite à l’intervention du Président Pierre pollution du Rhin et de la nappe phréatique par Pflimlin auprès de Robert Poujade sollicitant le sel résiduaire des mines de potasse d’Alsace mon changement d’affectation pour avoir mis ou la préservation du patrimoine vosgien, en cause, par presse interposée, la création de je citerai une affaire symbolique largement

« pour mémoire » l n°6 été 2009 26 commentée par la presse nationale en de confiance et de respect mutuel au 1976. bénéfice de l’environnement régional. Celle de Marckolsheim, commune qui disposait d’une zone industrielle, vide Une autre opportunité a permis une prise depuis une dizaine d’années après son en compte renforcée de l’environnement aménagement dans la forêt rhénane dans l’aménagement régional : la mise défrichée sur plusieurs centaines d’hec- en place par la DATAR en 1972, à la tares. Lorsqu’une usine de fabrication demande des autorités régionales, d’une de stéarate de plomb que sa fermeture Organisation d’études de développement en banlieue munichoise avait rendue et d’aménagement de la région Alsace «baladeuse», envisageait de s’y implanter, (OEDA). un conflit a d’emblée opposé les prota- Une coopération permanente s’est gonistes du développement régional et instaurée entre l’équipe pluridisciplinaire ceux de l’environnement. L’avis réservé de l’OEDA et le DRE. du DRE, fondé sur l’expertise d’un grand spécialiste de la chimie organique, et Si bien que, lors du départ du directeur de sur l’hostilité croissante de la population l’OEDA fi n 1975, on m’a confi é la respon- locale se traduisant par la démission du sabilité de cet organisme. Cumulant deux conseil municipal, avec une réélection fonctions, j’ai eu à cœur de mener à bien, à l’origine de «la première municipalité sous l’autorité du président Pierre Pfl imlin écologiste de France», a amené le ministre au nom de la région, le schéma régional de la Qualité de Vie, André Jarrot, en visite d’aménagement et de développement en Alsace, à préconiser le refus de son d’Alsace où l’environnement a trouvé installation». toute sa place avec la bénédiction des responsables politiques, administratifs et En ce qui concerne les relations avec la socioprofessionnels. vie associative, un événement imprévu À l’issue de cette démarche, fi n 1977, m’a valu de bénéficier du concours mon parcours de 6 ans de DRE de la 1 ère permanent durant l’année 1973, d’une génération s’est achevé avec ma nomina- grande figure régionale de l’écologie : tion au poste de directeur du Parc national , jeune président de des Pyrénées. , l’Association régionale de la Protection de la Nature. L’intéressé, objecteur de conscience, a demandé d’effectuer une partie de son service national auprès du DRE. Cela s’est fait avec l’accord du directeur du cabinet du ministre et du préfet de région. La règle du jeu consis- tait à recueillir son avis, sans engager les associations où il militait, sur les dossiers suivis par le DRE et, réciproquement, il lui signalait les affaires qui préoccupaient la vie associative. Il en a résulté un climat n°6 été 2009 l « pour mémoire » 27 témoignage de Michel Boyon ancien conseiller technique au cabinet de Michel d’Ornano

Le ministère L’institution des délégués régionaux par un décret du 6 mars 1979 défi nissant leurs attri- de l’environnement butions, le renforcement immédiat des moyens grâce au rapprochement avec l’administration et du cadre de vie de l’équipement, la mise en place de pratiques nouvelles de travail avec les autres services La création d’un ministère de l’environnement territoriaux du ministère, ont rapidement permis et du cadre de vie, en avril 1978, sous l’autorité à ces nouveaux services de l’Etat, au-delà de du président Valéry Giscard d’Estaing, a été quelques diffi cultés inévitables, de s’affi rmer l’affi rmation d’une grande ambition politique, en dans leur région. réponse aux attentes exprimées par nos compa- triotes quant à la qualité de leur vie quotidienne. Parce qu’elle unifi ait les compétences gouver- nementales dans les domaines de l’architecture et de l’environnement, elle impliquait une refonte des structures administratives à tous les niveaux : national, régional, départemental. Michel d’Ornano, personnalité exceptionnelle par son autorité, sa détermination, sa cohérence de pensée et d’action, a su faire de cette réforme un succès.

L’un des aspects les plus originaux de la nouvelle organisation a été la mise en place, sur l’ensemble du territoire, de délégués régionaux à l’architecture et à l’environnement, qui ont repris les attributions alors exercées par les conser- vateurs régionaux des bâtiments de France, qui relevaient du ministre chargé de la culture, et, de manière encore fragile et empirique, par les délégués régionaux à l’environnement.

C’était une expression très forte de la volonté Couverture revue ECV - mars 1981 de rassembler les ressources humaines et les outils administratifs au service d’une politique Le succès était dû pour l’ essentiel au talent globale du cadre de vie, intégrant aménagement, des délégués régionaux et de leurs équipes. J’ai protection de l’espace et environnement. De eu personnellement à les sélectionner. Ils ont tous les dossiers d’organisation administrative été choisis, de par leur compétence et leur dont j’avais la charge auprès du ministre, c’est motivation, parmi des fonctionnaires appartenant probablement celui qui a mobilisé le plus mon aux corps supérieurs de l’Etat, administratifs ou attention et mon temps. techniques, ou des agents liés par contrat à l’Etat.

« pour mémoire » l n°6 été 2009 28

Ils étaient très différents par leur formation, leur parcours professionnel, leur sensibilité...et leur âge. Mais tous étaient mus par une énergie et un enthousiasme étonnants. Le ministre lui-même avait reçu chacun d’eux avant sa nomination : il veillait constamment à la qualité de leurs relations avec l’administration centrale et ne manquait pas de s’assurer de leur présence dans ses innombrables déplacements.

Le ministère de l’environnement et du cadre de vie a disparu en 1981 alors qu’il était en plein essor. Probablement beaucoup plus pour des considérations de personnes que par l’effet d’un jugement critique sur l’action conduite pendant trois ans. Mais, si certaines de ses structures ont été cassées, l’esprit qui avait présidé à sa Affi che MECV - 1979 formation n’a pas disparu, comme on peut le constater dans l’organisation gouvernementale l’atténuation des confl its entre les « protecteurs » actuelle. et les « aménageurs ».

Je témoigne personnellement de la très haute Si les délégations régionales à l’architecture qualité de travail accompli par les délégués et à l’environnement ont disparu en 1991, les régionaux et leurs collaborateurs. Aidés par les directions régionales qui ont leur ont succédé inspecteurs des sites et les ateliers des sites ont su depuis dix-huit ans, rester les fi dèles et des paysages, ils ont favorisé la prise de dépositaires de leur héritage. ,! conscience des exigences nouvelles par les élus locaux, mais aussi par les entreprises ; avec l’administration centrale, avec les autres services territoriaux du ministère - directions régionales et départementales de l’équipement et services départementaux de l’architecture - comme avec les préfectures, ils ont établi des pratiques de travail en commun qui ont fait leur preuve ; ils ont contribué au développement du mouvement associatif, en particulier avec l’élaboration des « Livres blancs de l’environnement » ; ils ont obtenu des résultats fl atteurs dans le traitement de dossiers délicats et la promotion de politiques nouvelles, notamment celles qui étaient conduites par la délégation à la qualité de la vie et la délégation à l’architecture et à la construction ; ils ont fortement contribué à n°6 été 2009 l « pour mémoire » 29 témoignage de Alain Monferrand, ancien DRE et DRAE de Franche-Comté puis DRAE de Midi-Pyrénées, premier président de l’association des DRAE (1981-1985)

D’une décentralisation des collectivités territoriales majeures était considérable. Pour modeste que fut au début, le à l’autre de 1973 à 1985, budget de la région (15 fr par habitant), celui-ci permettait cependant, aidé par des crédits du souvenirs d’un DRE ministère de l’Environnement (FIANE puis FIQV), le lancement de politiques clairement orientées sur devenu DRAE la protection de la nature et de l’environnement.

De formation architecte-urbaniste et géographe, je Avec le soutien total du préfet de région et fus recruté en avril 1973 comme chargé de mission l’appui des élus qui furent d’emblée favorables par le préfet de la région de Franche-Comté qui toutes tendances confondues, à cette orientation souhaitait mettre en place au sein de sa mission nouvelle, je pus lancer notamment l’opération régionale (aujourd’hui le SGAR), une cellule « Sauvetage du Doubs » portant sur 400 km de « Environnement » et souhaitait pour ce faire cette belle rivière dont la qualité des eaux étaient un collaborateur ne relevant d’aucun de ce qu’il menacée par des rejets industriels (usine de appelait les « ministères pollueurs », mais qu’il construction automobile, papeteries), agricoles faut lire « ayant la tutelle de secteurs d’activités (laiteries, fromageries) et urbains, toutes les polluants » (Agriculture, Équipement, Industrie). agglomérations de la région ne disposant pas de stations d’épuration à la hauteur de leurs rejets. Ce préfet, Charles Schmitt, ancien directeur adjoint du cabinet du Ministre de l’Intérieur, Présentée comme un ensemble cohérent entendait ainsi traduire au niveau régional, les s’efforçant de répondre aux problèmes spéci- dispositions récentes qui avaient vu la création, fi ques de la région, cette « politique régionale au plan national, du ministère de l’Environnement de l’Environnement » adoptée à l’unanimité, confi é à Robert Poujade. comportait également des volets de résorption des plus polluantes des 4500 décharges sauvages, Profi tant à cet égard de la mise en place des un programme d’amélioration du cadre de vie des Etablissement Publics Régionaux crées par la loi de petites villes de Franche-Comté et de sensibilisa- 1972 et les décrets de 1973, il souhaitait orienter tion des habitants à la protection de la faune et de ce nouvel échelon de gouvernance régional la fl ore. qui allait disposer d’un budget propre quasi intégralement consacré à l’investissement, vers Cette politique régionale joua un rôle important des objectifs de lutte contre la pollution, d’amélio- pour orienter sur des objectifs précis et ration de la qualité de la vie et de protection de la cohérents, des programmes départementaux nature. d’assainissement dont la programmation se faisait essentiellement jusqu’alors, en fonction de La force de proposition que représentait le préfet l’arrivée à maturation de projets locaux transmis de région face aux EPR qui n’étaient pas encore par les services départementaux (DDE et DDA). Il

« pour mémoire » l n°6 été 2009 30 entraîna de la part des industriels et notamment DRE en novembre 1977, je vis les effectifs du Pont sur le Tech à Céret (Pyr. Orientales) du groupe Peugeot une politique d’investissement service atteindre 12 agents dont 8 cadres A ©MEEDDAT/Laurent Mignaux conséquente, qui permit en peu d’années une lorsque je quittais la région en juin 2001, pour amélioration sensible de la qualité de l’eau dans prendre la DRAE Midi-Pyrénées. le Doubs et ses principaux affl uents, et une prise Ainsi en peu d’années les services « environne- de conscience des élus des principales villes de ment » du MECV prenaient forme et commen- Franche-Comté de l’importance d’une élimination çaient à prendre une consistance et à jouer un rôle des rejets d’effl uents urbains et de traitement des croissant dans le paysage administratif régional. déchets. La période « Michel d’Ornano » s’était révélée décisive dans l’émergence au plan régional des Au contact des services centraux et des cabinets préoccupations d’environnement, non seulement du ministère de l’Environnement durant les au niveau des services mais, à la veille de l’étape années de mise en œuvre de cette politique, je importante de la décentralisation qui allait fus sollicité en 1977 par Michel d’Ornano alors intervenir avec les lois Deferre, au niveau des élus ministre de la Culture et de l’Environnement régionaux et départementaux. pour devenir délégué à l’Environnement de Franche-Comté. Cette proposition s’inscrivait Conscients de ces acquits le « club des DRAE » dans un souci de faire évoluer ce poste d’une décida de se constituer en association des DRAE, mission d’inspection générale permanente, pour en porter témoignage et sensibiliser les vers l’embryon d’un véritable service régional, futurs ministres en charge après mai 1981 afi n progressivement doté de moyens en personnels que ces acquits ne soient pas perdus dans les et en fonctionnement lui permettant de peser bouleversements qui ne manqueraient pas de se plus efficacement aux côtés des préfets et des produire. services des autres administrations dans les politiques locales pour les orienter vers une Elu par mes collègues président de cette meilleure prise en compte de l’environnement. association, et nommé entre-temps DRAE de Midi Pour garantir cette étroite implication le préfet Pyrénées, région ou résidait Henri de Lassus de région (Michel Denieul, ancien directeur de conseiller technique en charge des DRAE auprès l’Architecture, très motivé par l’environnement), du nouveau ministre de l’Environnement, Michel demanda que je demeure simultanément chargé Crépeau, je fus étroitement associé à la seconde de mission à temps partiel à la mission régio- étape de montée en puissance des DRAE qui nale, ce qui facilita grandement ma mission. bénéfi cièrent des recrutements conséquents que connu la fonction publique au début du premier La fusion entre les DRE et les Conservations septennat de François Mitterrand. Régionales des Bâtiments de France, permit rapidement de doter les nouvelles DRAE ainsi Avec la mise en place de la Région comme créées en 1979, de moyens plus importants grâce collectivité territoriale, les DRAE se trouvaient à un accroissement signifi catif de leurs effectifs, confrontées à une situation nouvelle. complété par une politique de création de postes En Midi-Pyrénées, le Conseil Régional n’ayant pas qui se développa lorsque Michel d’Ornano devint souhaité se doter de services propres dans ce Ministre de l’Environnement et du Cadre de Vie. secteur, proposa aux DRAE de mettre en œuvre En Franche-Comté, seul avec une secrétaire et la politique régionale de l’Environnement qui une voiture de fonction à ma nomination comme fut élaborée dans les commissions régionales n°6 été 2009 l « pour mémoire » 31 spécialisées et vit la mise en place de multiples l’intermédiaire du DRAE une position régionale sur mesures dont certaines mobilisèrent des crédits les différentes questions dont il se saisissait. importants, comme le programme de mise en valeur des espaces publiques des « bastides et Cette instance de dialogue était complété au villages pittoresques de Midi-Pyrénées » ou de niveau scientifi que par la constitution d’un Comité création d’une dizaine de centres permanents scientifi que régional pour l’environnement, d’initiation à l’environnement. réunissant les directeurs des principaux laboratoi- res des universités toulousaines aptes à apporter Ce programme mobilisait plusieurs dizaines de une expertise scientifi ques dans les différentes millions de francs sur le budget régional, crédits disciplines touchant à la protection de la nature et représentant jusqu’à 10 fois ceux que l’Etat affectait à l’environnement. aux programmes « environnement » dans la région Midi-Pyrénées. Ces deux organisations permettait à la DRAE de Les moyens du service s’accrurent simultanément s’appuyer dans le traitement des dossiers qui lui dans de fortes proportions. Trouvant la DRAE de étaient soumis au plan régional ou dont le ministre Midi-Pyrénées qui disposant d’un « atelier des sites de l’Environnement lui demandait de se saisir, sur et paysages » était la mieux dotée au plan national, une représentation organisée du monde associatif avec un effectif de 15 agents à mon arrivée en juin et scientifi que, de nature à augmenter le poids 1981, elle disposait de 30 agents dont 22 cadres A à des avis qu’elle exprimait. Se faisant elle trouvait mon départ en juin 1985. tant auprès des préfets et des administrations Ce nombre, dans une région étendue de 8 dépar- qu’auprès des élus départementaux et locaux tements permettait de réunir en son sein l’éventail une place qui ne lui fut pas contestée. Toutefois des spécialistes dans les différents domaines de dans des dossiers à incidence économique plus compétences (sites, architecture, paysages, faune, sensible tels qu’AZF ou le projet de ligne à haute fl ore, mais aussi qualité des eaux, traitement du tension du Louron, le DRAE mesurait les limites de bruit, voire protection des milieux souterrains). Cette ses capacités de convaincre et le soutien jamais capacité permettait de produire des avis motivés sur mesuré des ministres et de leur cabinet s’avérait les nombreux dossiers sur lesquels la DRAE était indispensable pour tenter de faire prévaloir ses sollicitée pour avis. positions. ,

Dans le même temps les associations de protection de la nature se multipliaient tant dans les départements qu’au niveau régional. Pour organiser leur représentativité, un Conseil permanent régional des associations d’envi- ronnement (COPRAE) fut mis en place. Il était composé de représentants élus chaque année par les associations de défense de l’environnement à raison de 4 représentants par département et de 4 représentants élus par les associations à vocation régionale comme l’Uminate. Ce comité se réunissait plusieurs fois par an pour exprimer dans des avis transmis au préfet de région par

« pour mémoire » l n°6 été 2009 32 témoignage de Henri de Lassus, conseiller technique au cabinet de Michel Crépeau ministre de

extérieurs du ministère et des relations avec La diffi cile mobilisation les associations de l’environnement. Celles-ci ne mesurent pas encore très bien l’importance de moyens humains du changement politique survenu et ce qu’elles peuvent en espérer. Elles se demandent si les pour les DRAE actes du nouveau ministre seront vraiment novateurs. De façon caractéristique, elles Pierre Mauroy annonce à la télévision la viennent me voir chacune sous forme d’une composition de son gouvernement, le premier délégation de deux personnes, un monsieur gouvernement de la gauche après l’élection décoré et un jeune barbu. Elles comprennent vite de François Mitterrand à la présidence de la que l’heure est à la détermination, à l’action et à République. Derrière lui parait son directeur de la simplicité. Mais le ministère n’a pas vraiment cabinet, Robert Lion, mon ami depuis l’époque les moyens humains de faire valoir les intérêts de du cabinet Pisani et de la première mise en la nature et des ressources environnementales : place d’un « grand » ministère de l’Equipement quelques architectes, quelques inspecteurs comprenant le Logement et les Transports. des sites et paysages, aucun contact organisé Michel Crépeau, maire de La Rochelle, grand avec les défenseurs de l’environnement, pas de partisan d’une évolution politique en faveur de contrôle sérieux sur les agressions chimiques de l’environnement, inventeur des « vélos libres » type industriel ou agricole. dans sa ville, est nommé ministre de l’environne- ment. Pour Michel Crépeau l’humaniste, qui vient Le principal problème réside donc dans la fai- de très mal vivre son échec en tant que radical de blesse de nos services extérieurs face à l’hyper- gauche au premier tour de la présidentielle, cette trophie des services prédateurs d’environnement nomination inespérée est une surprise et l’occa- que sont à nos yeux ceux de l’équipement et de sion d’un nouveau départ. Il prend rapidement les l’agriculture. Or le gouvernement lance à la fois commandes de cette jeune structure ministérielle l’idée d’une régionalisation approfondie, mais logée à Neuilly au bord de la Seine ; il rassemble aussi la création de milliers d’emplois nouveaux son équipe. de fonctionnaires. Les grands ministères se jettent immédiatement sur ce « gâteau » qui Je quitte mon entreprise toulousaine pour venir leur permettrait de ne pas trop dégraisser leurs aider Michel Crépeau dans ce qui semble pouvoir administrations centrales. proposer une ouverture sociétale forte. Les associations qui s’intéressent à l’environnement L’Environnement ne reçoit rien. Nous faisons ont été très remuantes pendant la campagne. valoir nos arguments, nous demandons que soit Même si leurs idées n’ont pas fait un gros score, respectée la logique politique qui nous a placé même si le mouvement écolo n’existe pas encore ici et maintenant. Peine perdue ! Nous gênons le véritablement, leurs objectifs représentent aux redémarrage espéré de l’économie traditionnelle yeux du ministre et de son cabinet un enjeu après le long marasme de l’époque du gouverne- crucial pour l’avenir du pays. ment Barre. On nous rit au nez. Faisant allusion Je reçois mission de m’occuper des services au défunt gouvernement général de l’Algérie, on n°6 été 2009 l « pour mémoire » 33 l’Environnement 1981-1983

nous accuse d’être – déjà - prisonniers de nos administrés. Bref, il s’agit – pour certains - de retrouver les vieilles recettes et de vite oublier les « 101 propositions ».

Alors nous apprenons l’habileté bureaucratique et la manœuvre de couloir. Robert Lion nous couvre amicalement. Fin 1981, il convainc Pierre Mauroy que l’heure n’est pas à se déjuger. Le Premier Ministre accorde 100 postes. Nous nous précipitons pour faire venir depuis d’autres ministères des fonctionnaires qui croient dans les valeurs de l’environnement. Nous faisons entrer dans la carrière publique des hommes et des femmes de compétence : ils apporteront à la fois un sang nouveau ; leur ferveur fera rempart à un trop rapide retour vers les anciennes routines.

Le ministère franchit ainsi sur le terrain un premier seuil de crédibilité : il va désormais pouvoir accompagner puissamment l’essor des idées écologiques dans la société française. ,

« pour mémoire » l n°6 été 2009 34 témoignage de Georges Ribière, délégué régional à l’environnement Nord-Pas-de-Calais p.i. 1978-1979

les premiers pédagogues environnementaux de l’administration déconcentrée, faisaient remonter au Ministre des dossiers sensibles, tout en étant introduits progressivement dans un certain nombre de circuits d’instruction administrative (études d’impact à partir de 1977 notamment).

Toutefois, contrairement aux DRE, les DRAE intervenaient pour le compte de trois départe- ments ministériels : l’environnement, l’équipement pour l’architecture, la culture pour les sites, ce qui correspondait bien à la logique du ministère de l’Environnement et du Cadre de vie de l’époque (1978/1981). Ce positionnement original et les moyens supplémentaires correspondant à ce rapprochement leur ont permis d’augmenter rapidement leurs effectifs (environ 250 cadres A et B au bout de cinq ans) et leurs capacités d’actions, tout en restant comme leur nom l’indiquait services de mission, comme les anciens DRE, délégués, et non directeurs.

Cette mise en cohérence patrimoniale, qui s’est Fort - Mahon-la Slack (Pas-de-Calais) poursuivie après le MECV, leur a permis en une ©MEEDDAT/Laurent Mignaux dizaine d’années d’acquérir, avec d’autres, une vision synthétique de l’état de l’environnement naturel et DRAE aux DIREN : bâti régional, de constituer un réseau informel de partenaires administratifs et associatifs, et de réaliser de services de mission à un certain nombres d’opérations exemplaires.

directions gestionnaires A cette mission d’impulsion correspondait encore les moyens, même augmentés par rapport aux Institués par décret du 6 mars 1979, les délégués DRE, d’une administration voulue au départ régionaux à l’Architecture et à l’Environnement comme « légère ». Mais ces moyens modestes (DRAE) ont été substitués aux délégués régionaux trouvèrent progressivement leurs limites, avec les à l’environnement (DRE), « missi dominici » du effets conjugués de la montée en puissance des ministre chargé de l’Environnement, mis en place préoccupations d’environnement - qui prirent au en 1971 dans chaque région par Robert Poujade. fi nal le pas sur les sites et l’architecture - et de la Ces délégués, assistés d’un secrétariat et quel- décentralisation : dès 1982, des politiques contrac- quefois d’un adjoint, avaient pour mission d’être tuelles sur l’environnement avec certaines régions

n°6 été 2009 l « pour mémoire » 35

DRAE de 1982 à 1990 en Champagne-Ardenne puis Midi-Pyrénées, président de l’association des DRAE de 1985 à 1990

furent engagées pour lesquelles les DRAE jouèrent ronnement, les autres, sans doute plus réalistes, un rôle actif et la qualité d’ordonnateur secondaire mais pas moins nostalgiques, considérant qu’on délégué qui leur fut confi ée en 1984, furent les ne peut se contenter d’être éternellement un premiers marqueurs d’un passage de mission à « agitateur d’idées » ou un « poil à gratter » et gestion et d’une légitimité administrative, non qu’il était illusoire de prétendre animer le travail acquise au départ sinon sur le papier, conférée par d’autres administrations et assurer une fonction les préfets, par les administrations centrales et par transversale si on ne pèse pas soi-même un poids le pouvoir politique. gestionnaire minimum.

Parallèlement, le caractère « novateur/mission- Après de nombreux travaux et rapports, cette évo- naire » des actions impulsées par les DRAE s’est lution s’est fi nalement traduite par la création des au fi l des ans logiquement atténué, au fur et à Directions régionales de l’environnement (DIREN), mesure de l’adoption et de la mise en oeuvre dans ne dépendant plus que du seul ministère en charge les années 80 des politiques de l’environnement de l’environnement (décret du 4 novembre 1991), (protection de la nature, eau et déchets, pollutions et qui s’inscrivait dans le cadre du Plan national et risques, environnement urbain…), que les pour l’environnement (PNE) débattu et mis en différents services déconcentrés de niveaux oeuvre à partir de fi n 1990. régional et départemental, dont les DRAE, ont été chargés de gérer. Avec la volonté politique de « changer l’échelle » des politiques de l’environnement, l’engagement Dès le milieu des années 80, la simple lecture de moyens fi nanciers accrus, l’affi rmation d’une des rapports d’activité des DRAE démontraient certaine interministérialité et l’institution de une antinomie manifeste entre la spécifi cité d’une nouveaux outils administratifs, le PNE a modifi é administration de mission et la réalité « classique » en profondeur la dimension administrative de de services administratifs déconcentrés, constat l’environnement. Il a « boosté » l’infl uence vérifi é par l’explosion des sollicitations, la surcharge administrative des nouvelles directions régionales, de travail et une certaine lassitude des agents. au prix de la perte d’un caractère missionnaire, sans doute séduisant, mais qui n’était plus viable. Dès lors, les DRAE et leurs personnels, en étroite liaison avec leur administration centrale, En cela, la vie des structures administratives suit notamment la Délégation à la qualité de la vie, qui une évolution « humaine » : après l’adolescence et animait le réseau, entreprirent réfl exion et débats ses passions (les DRE puis les DRAE) viennent la sur l’évolution des services. majorité et sa raison (les DIREN). Cette évolution historique se poursuit avec la création des DRIREN Les délégués eux-mêmes étaient partagés sur cette et maintenant des DREAL dont on peut dire qu’ils évolution, certains regrettant le « bon temps » correspondent aujourd’hui à l’âge adulte de nos et la liberté conférée par l’action missionnaire et services déconcentrés. , souhaitant sauvegarder ce caractère, seul selon eux susceptible de faciliter par la pédagogie et l’action volontaire la prise en compte de l’envi-

« pour mémoire » l n°6 été 2009 36 témoignage de Philippe Lagauterie, DRAE de Haute-Normandie

Les ministères de la Culture et de l’Equipement Les délégués régionaux disposaient de leurs directions régionales. Le ministère de l’Environnement, par contre, n’avait à l’Architecture et pas de service déconcentré en propre et tout naturellement les DRAE se sont rapprochés de ce à l’Environnement : ministère. Il faut cependant rappeler que les direc- tions centrales du ministère de l’Environnement, une grande idée sauf la délégation à la qualité de la vie, préféraient s’appuyer sur les DII (ex DRIRE), les DDE, les DDAF interministérielle … pour gérer les procédures environnementales, pour des raisons liées la plupart du temps à au service du ministère l’origine de leurs responsables.

de l’Environnement J’ai été nommé délégué régional à l’Architecture et à l’Environnement de Haute-Normandie le Les délégués régionaux à l’Architecture et à 27 mai 1982 et trois ans après leur création, l’Environnement ont été créés par décret du le gouvernement ayant changé, il a fallu pour 6 mars 1979 par Michel d’Ornano, alors Ministre ma nomination pas moins de trois signatures du grand Ministère de l’Environnement et du de ministres. Très vite, les DRAE ont travaillé Cadre de Vie regroupant l’Environnement, en réseau avec leurs partenaires locaux (admi- l’Equipement et la Culture, par regroupement nistrations, élus, associations) mais aussi avec des délégués régionaux à l’environnement l’administration centrale en créant un « club des (Inspecteurs généraux créés en 1973 par Robert DRAE », ancêtre lointain du collège des DIREN. Poujade), des conservateurs régionaux des Leur position était originale dans l’administration monuments historiques et, quand ils existaient, locale car ils avaient assez facilement accès au des ateliers régionaux des paysages et des sites. ministre de l’environnement qui venait parfois leur parler en séance plénière ou qu’ils rencontraient Il ne s’agissait pas d’un service extérieur lors des déplacements ministériels auxquels ils (déconcentré), mais bien d’un délégué régional participaient. assisté de collaborateurs. Les compétences propres des DRAE concernaient les abords des Les DRAE ont réussi, dans la plupart des régions, monuments historiques, les sites et paysages, à se rendre indispensables aux préfets. Ces les secteurs sauvegardés, la tutelle de l’Ordre derniers, même s’ils avaient la crainte de « ces des architectes, les études d’impact, la vie trublions écologistes », leur reconnaissaient une associative, les contrats de plan et la commu- certaine compétence et un rôle important de nication. Ils ne disposaient d’aucune com- portage d’une demande sociale grandissante. Les pétence dans le domaine de l’eau, du fait de DRAE n’ont eu de cesse de rechercher aussi une l’existence des SRAE appartenant au ministère légitimité verticale avec l’administration centrale de l’Agriculture et quasiment d’aucune sur la du ministère de l’Environnement. C’est ainsi que nature. les DRAE, sans renfort de personnel la plupart du

n°6 été 2009 l « pour mémoire » 37

Transport de conteneurs sur la Seine - Chaland automoteur - Rouen ©MEEDDAT/Laurent Mignaux temps, ont eu le souci d’élargir leurs compétences fortement environnementalisées et des services en acceptant de nouvelles missions comme l’or- régionaux de l’aménagement des eaux (SRAE) donnancement secondaire des dépenses et et pour les DIREN de bassin des délégations de l’inventaire des zones naturelles (ZNIEFF) en bassin et des services hydrologiques centralisa- 1984, le bruit, la coordination environnementale teurs. Parmi les premiers DIREN, on a dénombré 7 pour les CPER et la création et la gestion des PNR anciens DRAE, dont j’étais, et 4 anciens SRAE et 15 vers 1985, le début de l’application de la directive nouveaux entrants. Les DRAE ont duré 12 ans, les oiseaux vers 1988 ... DIREN vont durer 18 ans. Mais ceci est une autre histoire. , A l’origine, en 1979, la sociologie des DRAE était très marquée par l’architecture et l’urbanisme. En 1990, le plan national de l’environnement de Brice Lalonde a fait le constat que le ministère de l’En- vironnement manquait de services déconcentrés. Les DIREN ont donc été créées le 21 novembre 1991 à partir de la fusion des DRAE qui s’étaient

« pour mémoire » l n°6 été 2009 38 témoignage de Patrick Singelin, DRAE de Bretagne

l’étaient moins ; sa R16 était sur cale et il ne DRAE en Bretagne restait qu’une R5 avec 150 000 km, qui eut l’honneur d’être évoquée en conseil des ministres Lorsque le 24 mars 1986, je prenais mes fonctions en exemple de nos problèmes de moyens de de délégué régional à l’architecture et à l’environ- fonctionnement. nement de Bretagne, je n’imaginais pas l’aventure administrative qui m’attendait ; je quittais des C’était alors pour le ministère le temps de fonctions de directeur adjoint d’un parc national l’administration de missions ; qualité de la vie, particulièrement cadrées s’exerçant sur un cadre de vie, vie associative, autant de thèmes territoire délimité avec précision ; un métier qui permettaient d’expérimenter, d’inventer des classique d’ingénieur de l’Etat dans le cadre de politiques publiques de l’environnement. règles du jeu admises de tous. Heureusement, le DRAE disposait dans son décret Mon nouveau métier commençait avec un arrêté vague et ambitieux de quelques compétences plus de nomination signé de trois ministres, ce précises qui lui permettait de s’insérer dans les qui n’était pas commun (Culture, Equipement, politiques publiques départementales et régiona- Environnement) et des missions étonnamment les. Et surtout il pouvait mobiliser les crédits d’un ambitieuses défi nies par un décret dont j’avais fond interministériel, le FIANE, devenu le fond en son temps résumé le contenu ainsi : apporter d‘intervention pour la qualité de la vie ! aux hommes la qualité de la vie grâce un cadre Presqu’île de Crozon de vie naturel, rural, urbain de grande qualité ; En Bretagne, compte tenu des menaces qui ©MEEDDAT/Laurent Mignaux autrement dit contribuer à établir le paradis sur pesaient sur le littoral, ce fut le classement des terre ! sites qui allaient permettre d’asseoir le DRAE, Un décret dont les maitres mots étaient : tandis que la forte vitalité des associations promouvoir, contribuer, participer…. naturalistes lui apportait une influence déterminante. Pour cela le DRAE disposait en Bretagne d’une petite équipe pluridisciplinaire motivée, militante, Il faut se rappeler qu’à cette époque la loi de compétente sur le plan technique, mais bien 1976 avait à peine dix ans, (sa mise en œuvre décidée à inventer de nouvelles façon d’agir dans était encore à son début) et que l’Environnement la sphère publique, peu orthodoxe aux yeux d’un n’était pas encore une des politiques de l’Eu- appareil d’Etat local fort de ses traditions et de rope. Pas de pressantes directives européennes ses convictions. à mettre en œuvre (à l’exception de la directive « oiseaux » qui était alors largement enlisée), Héritage de la fusion des délégués régionaux à et donc pas de légitimité forte et évidente de ce l’environnement et d’une partie des conservations nouveau service auprès des préfets. Par exemple régionales des bâtiments de France, nous étions la création de réserves naturelles étaient logés dans une vielle demeure médiévale, et le largement facultatives et ne s’imposaient guère bureau du DRAE, avec son parquet du 18 ème siècle à l’administration territoriale… on était loin de était très envié. Ses moyens de déplacement Natura 2000 ! n°6 été 2009 l « pour mémoire » 39

Heureusement pour moi j’arrivais dans une Dans ce domaine il fallait contribuer à convaincre région où s’était développée une réelle prise de les préfets de la gravité du problème avec la conscience environnementale. seule force de la conviction, et contribuer à soutenir les associations compétentes : un métier Pour qui relirait les travaux préparatoires d’équilibriste facile à imaginer ! aux journées régionales de l’environnement de 1972, il serait surpris de la pertinence du Je ne voudrais pas achever cette brève évocation diagnostic apporté alors par tous les acteurs sans parler de ce qui fut pour moi, ingénieur de l’aménagement (DDE notamment) et les agronome et du génie rural, une vraie ouverture associations naturalistes et du cadre de vie : sur d’autres enjeux plus culturels : le DRAE urbanisation massive du littoral, destruction était commissaire du gouvernement auprès de du bocage, mitage de l’espace rural, pollution l’ordre des architectes ; son implication dans des eaux douces, et diminution des stocks de l’architecture était des plus passionnantes, saumon,…. notamment dans la mise en œuvre de campagnes d’information comme « Oser l’architecture » ; Fort de sa compétence en matière de sites et cela m’a permis de découvrir les diffi cultés propre de vie associatives, le DRAE pouvait agir dans à une profession très attachante ; en Bretagne le cadre de ce diagnostic : la protection du notre rôle en matière de secteurs sauvegardés littoral fut sa priorité avec une équipe de trois et d’abords des monuments historiques était inspecteurs des sites motivés et tenaces et une essentiel car nous disposions alors d’un enveloppe collaboration (méconnue) avec les services budétaire signifi cative (la plus importante de la chargés d’urbanisme dans les DDE. Cette DRAE) ; la motivation des élus pour ces politiques collaboration se poursuivra avec la loi littorale de patrimoine urbain en Bretagne contribuait et a permis de sauver les grands sites littoraux à fortement positionner le délégué régional et breton. (Pointe du Raz, baie d’Audierne, baie du à développer un vrai travail d’équipe avec les mont Saint-Michel….) architectes des Bâtiments de France et la DRAC.

C’est hélas sur la question de la qualité de Pour conclure je qualifi erais de pionnier le métier l’eau que le DRAE devait trouver ses limites : de DRAE : l’environnement n’avait pas la légitimité l’ensemble des compétences administratives administrative et sociale d’aujourd’hui ; il fallait étaient alors localement exercé par les services donc, dans le cadre de missions très larges (qui de l’Agriculture, et la compétence technique permettaient de se mêler de tout) et de quelques était dans les SRAE (services régionaux trop rares compétences précises, peu à peu d’aménagement des eaux), qui ne rejoignirent convaincre les décideurs locaux (préfets, collecti- les DRAE qu’en 1992, à l’occasion de la création vités, services de l’Etat) de l’intérêt de développer des DIREN. La crainte largement partagée des politiques publiques environnementales, tout par les acteurs locaux que la mise en place en contribuant, avec des moyens pragmatiques, à de normes environnementales allait casser prévenir des décisions aux conséquences graves le moteur économique de la région en a fait pour l’environnement régional. , longtemps un sujet tabou.

« pour mémoire » l n°6 été 2009 40 témoignage de Francis Chassel, DRAE Ile-de-France et chef du SDA de Paris

les faits. Ce fut le cas en particulier de la possibilité DRAE et SDA donnée aux DRAE d’organiser au niveau régional, à la demande des SDA, des réunions consacrées C’est en 1985 que je succédais à Bernadette à l’examen de problèmes surgis en abords de Prévost-Macilhacy dans cette double fonction monuments historiques. Les ABF franciliens ont Paysage du canal de l’Ourcq qu’elle assumait déjà. Dans l’esprit de M.Duport utilisé à de nombreuses reprises cette possibilité MEEDDAT photo Laurent directeur de l’Architecture, la fonction de DRAE qu’ils préféraient dans doute à la voie plus lourde Mignaux était la seule à m’être confi ée, mais j’ai insisté pour des demandes d’évocations auprès des ministères être nommé en même temps chef du SDA de Paris, compétents et qui leur permettait en quelque sorte pérennisant ainsi, pour la seule Ile-de-France, de rester en famille, entre SDA. Ces problèmes une situation singulière. Il faut dire qu’à cette étaient traités en « réunion de concertation », époque le SDA de Paris était éclaté en six ou cinq pratique institutionnelle que j’avais héritée de agences dispersées dans la ville. Il eût été diffi cile Bernadette Prévost-Marcilhany et à laquelle j’avais de nommer comme chef de SDA de Paris l’un des donné un lustre particulier, y conviant autour de chef d’agence et encore plus diffi cile d’imaginer un moi-même et de mes conseillers, non seulement ABF isolé, sans territoire propre et coupé de ses les ABF et les maîtres d’œuvre dont les projets troupes. Mon profi l de fonctionnaire non architecte faisaient problème, mais aussi les représentants des permettait de mettre en place une solution en maîtres d’ouvrage et des municipalités concernés. quelque sorte confédérale sans bouleverser les L’objectif de ces réunions de concertation étaient équilibres internes du corps des ABF parisiens de débloquer les situations, en s’en sortant « par le et, dès lors, rien n’interdisait que cette fonction, haut », par l’élaboration de solutions alternatives. a priori plutôt arbitrale, ne soit confi ée au même Ces réunions étaient d’ailleurs mélangées avec homme, par ailleurs DRAE. Cette confusion de l’examen de problèmes relevant strictement du casquettes n’a à aucun moment entraîné de fusion SDA de Paris, que je traitais de la même façon, ce des services. La DRAE et le SDA avaient chacun qui permettrait d’ailleurs à certains chefs d’agence leurs effectifs propres, leur budget propre et leurs parisiens de maintenir la fonction de leur autonomie tutelles propres. Il me revenait donc la délicate en prétendant « monter en DRAE » alors qu’en fait mission de jongler entre les trois tutelles de ils se rendaient à l’invitation du chef du SDA. l’Environnement, de l’Équipement, et de la Culture, ce qui, dans les faits, me donnait une réelle limite S’il est un domaine où ma fonction de chef du d’action, face à la redoutable et pesante proximité SDA de Paris fut utile à mes missions de DRAE ce des services centraux et d’une puissante Mairie de fut bien dans celle de représenter l’Etat comme Paris installée alors en contre pouvoir. commissaire du gouvernement du Conseil régional de l’ordre des architectes d’Ile-de-France. Ce La sorte d’aura qui m’était apportée par mes conseil, considéré comme le tremplin vers le fonctions parisiennes a certainement contribué à conseil national, du fait qu’il représentait 40 % des permettre à la DRAE d’Ile-de-France d’être parti- architectes formateurs, était périodiquement agité culièrement présente sur un champ architectural d’humeurs aigres, de récriminations, d’intrigues, explicitement précisé par les textes d’organisation qui faisaient de ma mission, à la fois partiale (je des DRAE de 1979, mais diffi cile à matérialiser dans représentais le gouvernement) et impartiale (je n°6 été 2009 l « pour mémoire » 41

représentais la loi) un exercice diffi cile, parfois à se déplacer à Neuilly pour traiter des affaires assommant, en tout cas nécessaire et prenant. architecturales de la ville de Paris, ils renâclèrent Notamment lors des périodes des élections qui se d’avantage à se déplacer en banlieue rouge. C’est terminaient tard dans la nuit, en présence de deux pourquoi je décidai de faire mes réunions de huissiers (un pour chaque camp) dont la mission concertation parisiennes à l’hôtel de Sully dans devait être combinée avec la mienne. Nul doute que le Marais. La décision prise en juillet 1995 de le fait d’être le chef du SDA de Paris ne renforçât transférer l’architecture à la Culture, en dissociant pour ces architectes le plus souvent parisiens, ma mes tutelles Culture et Environnement, m’imposa légitimité. d’organiser une sortie du système. J’abandonnai en En tout cas c’est une mission que je ne déléguais 1996 mes fonctions ASPN à la DIREN Ile-de-Fance jamais et qui, loin de se limiter à une présence tous et devins ainsi seulement SDA de Paris, logé il est les six mois, me prenait beaucoup de temps. vrai en dehors de son département d’exercice et qui plus est par un service ne dépendant pas de ma Je dois enfi n noter que j’attachais une grande tutelle. Je gardai cependant jusqu’à la fi n de 1997 la importance à la mission DRAE qui consistait à mission de commissaire du gouvernement auprès spécialiser un de mes agents dans l’aide à la mise du CRDAIF, sans que la base juridique en soit bien en place de la loi de 1979 sur la publicité et les précisée. Et parallèlement en 1997 le ministère de la enseignes. Je n’étais sans doute pas le seul DRAE Culture trouvait enfi n à me reloger provisoirement à le faire, mais les diffi cultés de cette mission à dans des préfabriqués sur le domaine du Louvre, Paris, alors en pleine période Decaux et « pro-pub » solution qui par le regroupement partiel dont elle à tout va, me rendaient spécialement attentif aux était l’occasion, préfi gurait la fusion du SDA devenu responsabilités des ABF dans ce domaine. Je n’en SDAP, en un service unique, que j’avais préconisée ai que plus déploré à partir des années 1990 le lent l’année précédente. désinvestissement des DIREN sur cette Loi. La création des DIREN en 1991 ne pourrait que Il ne me revient pas de juger le bilan de cette remettre en cause cette situation si particulière, expérience, mais je peux donner mon avis. Il est la DIREN n’étant plus une délégation, mais une que cette solution était utile en 1985 et qu’elle direction régionale à part entière dont les missions a bien fonctionné au moins jusqu’en 1992. Mes environnementales devaient être renforcées. fonctions du SDA de Paris étaient rehaussées par C’est ainsi qu’en 1992 je devins adjoint ASPN ma casquette régionale et mes fonctions architectu- (architecte, site, paysage, protection de la nature) rales à la DRAE étaient renforcées par ma casquette du nouveau DIREN, Alain Truchot. Je dois d’ailleurs parisienne. La DRAE a pendant cette période reconnaître que Truchot a respecté l’autonomie de protection de la nature une brillante activité, de mes fonctions DRAE et que j’ai pu continuer à notamment en matière de protection des sites de exercer pendant quatre ans encore un exercice ZNIEFF. J’y accordai un intérêt tout particulier. Mais d’équilibrisme qui était cependant condamné à cette expérience ne fut possible que parce que, terme. De complexe la situation devint paradoxale pendant les années 1980-90 les tutelles étaient lorsque la DIREN, et donc moi-même, déména- encore très entremêlées. J’y ai trouvé en tout cas geâmes à Cachan en Val-de-Marne. Car si les un vif plaisir. , fonctionnaires parisiens n’avaient pas d’états d’âme

« pour mémoire » l n°6 été 2009 42 témoignage de Patrick Février, ancien conseiller budgétaire au cabinet de Brice Lalonde (1988-1992)

La création 1988 à 1992 est due au premier chef à cette démarche globale d’élaboration d’objectifs des directions politiques à moyen et long terme, à la ténacité d’un régionales de même ministre pendant quatre ans et à une série d’arbitrages politiques complémentaires au sein l’Environnement du gouvernement : un doublement des moyens budgétaires d’intervention, le rapatriement dans Lorsque Brice LALONDE fut nommé secrétaire le budget de tous les crédits de personnel et de d’Etat à l’environnement, à l’issue des élections fonctionnement, la création de l’ADEME par fusion législatives de 1988, il fut placé directement auprès de trois agences préexistantes, le doublement des du nouveau Premier Ministre pour manifester à programmes des agences de l’eau, une réforme de la fois une volonté politique d’ouverture verts les l’administration centrale visant à mieux assurer la milieux écologistes et l’importance politique de tutelle d’agences puissantes et à créer un embryon mener une action gouvernementale active en faveur de direction générale de l’administration. de l’environnement. Cette transformation est aussi explicable par la Cet objectif politique se trouvait contrarié par une montée de la dimension européenne des politiques faiblesse de l’administration centrale mais surtout environnementales et aussi par l’émergence locale de l’environnement : un budget faible, une d’un consensus international sur le concept de gestion des crédits et des ressources humaines par développement durable, symbolisé par le succès de le ministère de l’équipement pour les DRAE et par la conférence mondiale de Rio en 1992. celui des fi nances pour les DRIRE, un pîlotage inégal des établissements publics, une autorité faible dans Sans ce contexte européen et mondial et sans la les arbitrages gouvernementaux. simultanéité d’autres mesures de constitution d’un ministère de plein exercice, dirigé en propre par Tout comme le ministre, le premier directeur de un ministre et non plus par un secrétaire d’État, la cabinet, Lucien Chabason, était convaincu qu’il création des DIREN n’aurait pas pu avoir lieu. fallait changer de dimension, mener une réfl exion globale sur les moyens d’insuffl er davantage L’idée de regrouper dans une même structure d’écologie dans la société et dans l’appareil d’État régionale des services n’effectuant que des mis- et constituer un ministère de plein exercice. La sions environnementales, les délégués régionaux création des directions régionales de l’environne- à l’architecture et à l’environnement (DRAE) et ment (DIREN) en 1991 s’est donc inscrite dans le les services régionaux d’aménagement des eaux cadre d’une ambition politique plus vaste qui a été (SRAE), relevant des DRAF, avait déjà été avancée concrétisée dans l’écriture puis dans l’approbation avant 1988 et reprise dans des rapports fi n 1988 par le gouvernement d’un plan national pour puis en 1990. En revanche, l’inclusion dans un tel l’environnement (PNE). ensemble régional de l’inspection des installations classées apparaissait alors, y compris au sein du La transformation profonde qu’a connu le ministère, comme inimaginable. ministère de l’Environnement dans les années La première mesure consista à donner au ministre n°6 été 2009 l « pour mémoire » 43

la responsabilité budgétaire des emplois des de réunions interministérielles où les ministères DRAE au lieu d’avoir à supplier que des mesures de l’Équipement et de l’Agriculture s’efforçaient de réduction d’effectifs ne fussent applicables de contester les nombres d’emplois à transférer qu’aux DDE et non à de « petits » services comme dans le budget de l’Environnement ou bien le statut les DRAE. Mais l’essentiel consista à saisir au et la rémunération des futurs directeurs. Las des bond un contexte où, pour des raisons politiques marchandages entre ministères, il advint même que du moment, le gouvernement souhaitait affi cher des conseillers de Matignon quittent une salle de devant l’opinion qu’il prenait à bras le corps des réunion en disant aux protagonistes de trouver tout décisions environnementales ambitieuses. Le seuls un accord de compromis. C’est ce qui fut fait, Premier ministre était fortement demandeur de par lassitude, un soir de canicule. décider des mesures en ce sens, dans un plan national pour l’environnement, et de le faire savoir. La dernière phase consista au choix en 1992 de 26 directeurs régionaux d’un coup, en essayant de C’était donc une opportunité politique de faire trouver un équilibre entre les délégués régionaux approuver la fusion des DRAE, des SRAE et de sortants, des responsables issus des ministères services d’annonce de crues rattachés au ministère de l’équipement et de l’agriculture et des agents de l’Équipement, renforçant ainsi la dimension provenant d’autres horizons tels que la préfectorale d’ingénierie de l’environnement pour la gestion de ou les ingénieurs sanitaires. crises telles que les inondations ou des épisodes de sécheresse. Ce fut aussi l’occasion de faire trancher Lors des arbitrages sur les principes, le ministre de favorablement des principes : l’expression des l’Environnement s’était efforcé d’intégrer les DRIR enjeux environnementaux dans la région et celle de dans une direction régionale de l’Environnement demandes d’arbitrage des préfets de région devait unique mais le choix fi nal consista à laisser à part être assumée par une direction régionale comme l’inspection des installations classées tout en les autres et non par un simple délégué régional. ajoutant le terme « environnement » à l’intitulé d’où La DIREN devait se voir reconnaître une mission les DRIRE. Cette coexistence de deux directions interdépartementale pour certaines politiques, régionales « environnementales » aura duré moins comme c’était le cas des DRIRE, à côté des missions de vingt ans : la création des directions régionales traditionnelles des DDE et des DDAF. de l’Environnement, de l’Aménagement et du Simultanément à la création d’une direction de Logement (DREAL) à partir de 2009 parachève une l’eau mieux armée pour exercer une tutelle sur évolution entamée en 1992. , les agences de l’eau, un renforcement de l’État au niveau des grands bassins hydrographiques devait donner lieu à la création des DIREN de bassin.

Pour passer de ces principes à des mesures et à des textes concrets d’application, il fallut, au cours des années 1990 à 1991 de très longues heures de négociations bilatérales, de recueil d’avis divers, de concertation avec les organisations syndicales,

« pour mémoire » l n°6 été 2009 44 témoignage de Alain Pialat, DRAE de Rhône-Alpes, DIREN de Bourgogne et de Rhône-Alpes, directeur

solide expérience et saura vite apprendre les bases L’évolution du métier à tous ces jeunes débutants (toute l’équipe avait moins de 30 ans) et communiquer son enthou- des structures siasme pour faire avancer les idées d’environnement (il sera ultérieurement à l’origine de la compagnie régionales nationale des commissaires enquêteurs). du ministère chargé A l’époque, paysage et nature sont les axes principaux des activités de l’atelier : mon premier de l’environnement travail consistera à rédiger le cahier de recomman- dations accompagnant l’inscription à l’inventaire 1973, deux ans après sa création, le tout jeune des sites de la Côte Picarde, afi n de donner un ministère de l’environnement décide de créer une cadre de référence pour l’instruction des permis deuxième vague d’ateliers de sites et des paysages, de construire, rassurant à la fois, l’architecte des services techniques placé auprès des Délégués Bâtiments de France et les élus. régionaux à l’environnement. En matière de paysage, une attention toute particu- Mon parcours professionnel au sein du ministère lière était portée à la défense des paysages ruraux : chargé de l’environnement, va m’amener à exercer châteaux d’eau, lignes de distribution de l’électricité, des fonctions de responsable au sein des différents carrières, et bien évidemment remembrement, … services déconcentrés régionaux du ministère Mais la protection de la nature prendra vite sa place : avant de prendre la tête de l’agence de l’eau Rhône premières projets de réserves naturelles (étang de Méditerranée Corse, être à la fois acteur et témoin l’Isle à Saint-Quentin). des évolutions. A l époque, nous étions des pionniers…mais parler protection de la nature, des paysages dans les 1973 à 1976 réunions de POS en monde rural n’était pas une sinécure… diffi cile de ne pas se sentir isolé surtout Juin 1973, l’atelier des sites et paysages de Picardie quand il fallait faire changer les habitudes …. est créé, il s’agit d’une petite équipe de 4 agents Un des événements illustrant bien les préoccupa- placée auprès d’un délégué régional à l’environne- tion de l’époque : je pîlotais en vallée et baie de ment. Ce dernier, nommé par le ministre, sorte de Somme, une équipe de la « France défi gurée », « missi dominici » placé dans la ville préfecture de émission TV pionnière qui symbolise la montée en région, ne dépendait alors pas du Préfet de région, puissance des idées d’environnement patrimonial il ne recevait ses instructions et ne rendait compte dans l’opinion publique : il s’agit alors de dénoncer qu’au Ministre (en pratique, le Cabinet, les services les fameux cabanons, les carrières, les extractions centraux étant alors en cours de constitution). Il de galets sur le cordon littoral… On s’en doute, fallait tout inventer, élaborer des modes d’actions, l’émission ne fut guère appréciée localement trouver sa place dans un contexte institutionnel ou et cela nous révéla l’ampleur du décalage entre local complexe. Heureusement le DRE à l’origine une sensibilité nationale naissante et la réalité du Vallée dans les Hautes-Alpes de la création de l’atelier, René Bourny, ICPC a une terrain. Ce fut un révélateur de l’énergie et de la Photo Xavier Hindermeyer n°6 été 2009 l « pour mémoire » 45 de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse

patience qu’il faudrait consacrer à la progression des idées environnementales. Pour favoriser la prise en compte des préoccupations d’environ- nement, l’équipe va commencer à réaliser les premières cartes au 1/100.000 e repérant les zones écologiques et paysagère intéressantes, le tout avec un dessinateur sur une planche à dessin, bien avant qu’on parle de SIG.

1976 : mon expérience en matière de cartographie environnementale, de paysage me vaut d’être recruté à l’atelier central de l’environnement à Paris, équipe créée spécialement pour défi nir la doctrine en matière d’études d’impact sur l’environnement. J’occuperai jusqu’en 1990 diverses fonctions dans les services centraux du ministère, à l’époque localisé à Neuilly, où j’aurais l’occasion de suivre l’évolution des services régionaux puisque je participai à l’élaboration des commandes qui leur étaient faites en matière de vie associative, d’emploi, et d’éducation à l’environnement. 1990 à 1992 DRAE Rhône-Alpes

Le retour dans un service déconcentré, la déléga- tion régionale à l’architecture et à l’environnement de Rhône-Alpes me fi t apparaître avec plus d’acuité l’importance de l’évolution en une quinzaine d’années : un effectif plus développé (plus de 60 agents), une structuration plus complexe refl était l’augmentation et l’extension du champ des interventions. Les ateliers des sites et paysages, devenus des délégations régionales à l’Architecture et à l’Environnement sont maintenant des services sous l’autorité du préfet de région, celui-ci souhai- tant qu’après ses arbitrages, l’État parle d’une seule voix. Les DRAE sont maintenant des services bien reconnus, en contact régulier avec les préfets ou

« pour mémoire » l n°6 été 2009 46 les secrétaires généraux des préfectures et leur avis qui garantissait une collaboration fructueuse pour pèse sur un nombre grandissant de décisions. commencer à mettre en place les bases de la future Cette intégration est favorisée en fournissant DIREN mais entraînait de facto ma mobilité ce qui aux services de l’État s’occupant de planifi cation explique qu’en 1992, je devenais DIREN Bourgogne, spatiale des données de plus en plus nombreuses découvrant une nouvelle dimension avec les enjeux et faisant référence : c’est le moment où les DRAE liés à l’eau. passent sur informatique leurs données cartographi- ques manuelles avec la création de leur SIG. 1992 à 1995 Autre évolution forte, maintenant, les procédures d’avis sur les études d’impact, les POS sont bien DIREN Bourgogne établis, la DRAE est bien insérée dans les circuits décisionnels, avec un revers de la médaille : l’accumu- Création de la DIREN Bourgogne ; le rapproche- lation de dossiers à traiter : impossible d’aller partout, ment est facilité par la proximité géographique il faut déjà prioriser, s’appuyer sur des relais… à Dijon du SRAE, l’arrivée d’un nouveau chef de Autre point singulier des DRAE : leurs contacts per- SEMA (service de l’eau et des milieux aquatiques) manents avec les réseaux d’associations : protection qui recalera progressivement les nouveaux objectifs de la nature avec la FRAPNA, réseau CPIE… avec et créera une petite revue mensuelle bulletin de en retour une image d’agents de l’Etat, suspectés situation hydrologique « inf’eau »qui, grâce à sa a priori d’un certain militantisme notamment en qualité pédagogique sera pour beaucoup dans la matière de protection de la nature. Les liens avec valorisation et l’utilisation de données quantifi ées un autre réseau, celui des parcs naturels régionaux, par le responsable ; le cœur de métier « histori- vont apporter une autre dimension que celle des que » : sites et paysages, architecture, qui pèse d’un zones protégées par voie réglementaires et montrer poids particulier en Bourgogne grâce à la richesse l’implication grandissante des collectivités locales. exceptionnelle du patrimoine de son territoire, Autant les ateliers des sites pouvaient se sentir a dû faire un peu de place à la protection de la isolés dans un contexte leur paraissant alors souvent nature puis aux études d’impact et doit maintenant hostile, autant les DRAE s’ouvrent aux partenariats partager les arbitrages internes avec la prise en avec les services déconcentrés de l’équipement et de compte des enjeux de l’eau. l’agriculture, les collectivités, les réseaux associatifs. La reconnaissance de l’expertise de la DRAE sur les L’élargissement du champ d’activité va entraîner impacts sur l’environnement lui vaut de participer un fort accroissement de la demande de données à la mise au point d’une méthodologie d’évaluation et d’information cartographique de qualité en des impacts des unités touristiques nouvelles en particulier de la part du conseil régional. La montagne pour la commission UTN du Comité de Bourgogne va ainsi créer le premier observatoire massif des Alpes du Nord. régional de l’environnement, les moyens humains et fi nancier du conseil régional permettant enfi n de Pendant les 18 mois de mon passage, le grand tirer parti de toutes les informations jusqu’à présent chantier qui montera progressivement en puissance dispersées au sein des services de l’Etat. sera bien évidemment le projet de création des DIREN (1991) avec la fusion des Services Régionaux La création des DIREN sera l’occasion pour les d’ Aménagement des Eaux venant de l’agriculture services centraux (qui eux aussi, entre-temps, se avec les DRAE. Les chefs de service voulant devenir sont largement développés) de mieux préparer DIREN ne pouvaient être nommés sur place, ce les nouveaux directeurs au management de leur n°6 été 2009 l « pour mémoire » 47 service, à l’évolution de la défi nition des méti ers en Au niveau bassin, la DIREN contribue fortement DIREN dans un champ d’intervention en expansion : avec l’agence de l’eau à mettre en place un des les DIREN seront impliqués plus fortement dans premiers serveurs Internet pour le Réseau des les opérations nationales de communication du données du bassin. L’informatique va permettre en ministère qui élargissent encore le cœur de métier : fi n de relier les données entre DIREN et services nettoyage de printemps, emplois verts… L’opération centraux du ministère. 1000 cantines sera la première occasion de La DIREN sera aussi impliquée dans l’émergence découvrir le domaine des nuisances sonores... et la de la protection des zones humides en aidant avec relation santé environnement. l’agence de l’eau, le préfet Paul Bernard, préfet de région Rhône-Alpes à publier un rapport (1994) 1995 à 2000 qui fait toujours référence actuellement. Suivra avec l’agence de l’eau, une des premières cartes DIREN Rhône-Alpes de localisation des zones humides intégrée dans le SDAGE de 1996. Le retour en Rhône-Alpes comme DIREN est De plus, les enjeux de la montagne se sont bien évidemment facilité par ma connaissance renforcés avec un nombre croissant de dossiers du contexte mais déjà en 3 ans, les enjeux ont d’UTN présentés en commission UTN du comité de évolué, la dimension de DIREN de bassin a pris de massif. Les avis de la DIREN auprès du préfet de l’ampleur mais heureusement la motivation des région ont pris une grande importance, et souvent, agents est toujours aussi forte. en mesure de compensation des projets UTN, En interne, là encore, les évolutions sont faciles des sites classés ou des réserves naturelles sont à percevoir, après 3 ans de phase pionnière, créées (classement du site du Thabor…). un projet de service est mis en œuvre pour Grace à ses données et ses experts, la DIREN mieux organiser la synergie interne, entre eau et est maintenant bien associée à la réalisation des territoire, travailler davantage en relation avec les documents de planifi cation organisés par l’Etat, services régionaux notamment DRE et DRAF. elle participera de façon active aux premiers travaux d’élaboration des directives territoriales Côté protection de la nature, de 1996 à 98, la d’aménagement des Alpes du Nord et de l’aire modernisation des ZNIEFF est lancée, la cartographie urbaine de Lyon animés par la DRE. De même, revue avec le poids que la jurisprudence leur a elle assurera la mise au point de la méthode du donné au niveau de l’état initial des documents Schéma de service des espaces naturels et ruraux d’urbanisme. Les premières réfl exions sur la mise avec la DRAF Rhône-Alpes. en place de Natura 2000 sont perturbées… par La dimension DIREN de bassin s’est développée : l’arrivée du loup dans les Alpes du Nord. L’Etat, avec les relations avec l’agence de l’eau se renforcent, son remarquable réseau de parcs nationaux, de avec la préparation du premier SDAGE. La dimen- réserves naturelles n’est plus le seul à s’intéresser sion hydrologique traditionnelle (sécheresse) aux espaces naturels, les conseils généraux avec la s’étend au domaine des crues avec une étude taxe sur les espaces naturels sensibles vont favoriser globale pour la prévention des crues du Rhône, la création de conservatoires de départements en prémices au Plan de modernisation de l’annonce Isère, Savoie, Haute-Savoie. Le Conseil régional de de crues sur le bassin RMC. Rhône-Alpes s’est impliqué dans les parcs naturels A ce stade, les DIREN ont trouvé leur place régionaux, autant de lieux d’échanges, d’implication dans l’organisation des services de l’Etat, elles pour les agents de la DIREN. participent à l’élaboration des grandes décisions

« pour mémoire » l n°6 été 2009 48 d’aménagement du territoire, le DIREN est des simulations des effets d’une crue exceptionnelle régulièrement en contact avec les préfets sur type 1910 dans une capitale concentrant un grand les dossiers délicats à cause de leur impact sur nombres de centre de décisions, des musées… : l’environnement. Par rapport aux DRAE, elles se participation au plan zonal de secours inondation, sont largement professionnalisées mais peut-être coordination régionale des Plans de Prévention des trop assagies pour les nostalgiques de l’esprit risques inondation, participation au plan de secours pionnier des premiers ARSP. pour l’alimentation en eau potable de l’Ile-de-France.

2000 à 2004 La DIREN sera la seule à assurer la coordination régionale sur les plans départementaux des DIREN Ile-de-France déchets ménagers avec les délicats problèmes de répartition des usines d’incinération, la promotion La gestion des directeurs leur imposant de ne pas de la méthanisation…. rester dans la même région plus de 5 ans, me vaut La dimension bassin comporte l’habituel participa- la découverte en 2000 de l’Ile-de-France avec les tion au secrétariat technique avec l’agence de l’eau spécifi cités d’une région capitale, une complexité Seine Normandie avec les premières réfl exions des enjeux accrue avec la présence simultanée des sur l’application de la directive cadre sur l’eau. grands centres de décision, centraux et régionaux. Mais pour la DIREN, la prévision des inondations Si la DIREN IDF est impliquée comme les autres restera l’axe dominant en matière d’eau : schéma dans les enjeux milieux naturels, paysages… bien des services de prévision des crues du bassin évidemment, l’environnement urbain y prend une Seine Normandie, conception du futur service de place tout à fait particulière. C’est une des régions prévision des crues Seine moyenne-Yonne-Loing ; où les premiers agendas 21 vont être mis au point, refl ets du fort dynamisme des collectivités locales Ainsi de 1973 avec les ateliers des sites et paysages pour la prise en compte du développement durable. jusqu’en 2004 avant mon passage à l’agence de La montée en puissance de NATURA 2000 avec pas- l’eau Rhône Méditerranée Corse, j’aurai eu la sage des démarches de protection par procédure à chance de voir les services régionaux s’étoffer une phase conventionnelle est une vraie révolution. sur le plan des missions, des effectifs, prendre Mais c’est une dimension bien particulière de parallèlement à l’augmentation des préoccupations la nature qui sera confi ée à la DIREN avec la d’environnement au niveau de l’Etat, des collec- déconcentration de la procédure CITES (contrôle du tivités, des associations…, plus de poids dans les commerce des espèces protégées), l’Ile-de-France décisions, passer d’un petit service pionnier à une accordant plus de 30.000 permis par an ; institution reconnue. La DIREN a développé la mise en valeur d’une Pour un directeur, le plus remarquable dans cette grande quantité d’informations stratégiques pour série d’expérience, reste, outre la motivation les enjeux environnementaux. Pour les paysages, constante des agents, l’amélioration progressive de le stock d’information cartographique sera mis en la reconnaissance des structures et l’augmentation valeur sous la forme informatique (CD ROM puis site du périmètre du « cœur de métier » qui a rendu internet), pour la prévention des crues, diffusion des à la fois plus complexes et plus intéressants les cartes des plus hautes eaux connues ; La maîtrise de arbitrages entre intérêts sectoriels divergents… ces données expliquent les missions très particuliè- mais les DREAL auront bientôt encore bien plus à res confi ée à la DIREN par la préfecture de région et dire sur ce thème…. , la préfecture de police de Paris, notamment à partir n°6 été 2009 l « pour mémoire » 49 témoignage de Laurent Roy, DIREN de Picardie, DREAL Provence-Alpes-Côte d’Azur

De la DIREN Picardie Nommé en janvier 2001 DIREN en Picardie, j’avais sous ma responsabilité moins de 30 à la DREAL Provence- agents. Devenu en mars 2009 DREAL PACA, je suis désormais à la tête de 530 agents. Les Alpes-Côte d’Azur : agents de la DIREN Picardie formaient une petite équipe d’agents motivés pour la protection de de « l’artisanat l’environnement : les différences culturelles entre les anciens de la DRAE et ceux du SRAE y étaient environnemental » encore très perceptibles, mais globalement, c’était un fonctionnement familial. Les missions à la « production de de la DREAL PACA occupent quant à elles un champ très vaste, qui excède très largement masse de développement les seules questions environnementales pour s’inscrire dans l’ambition de traduire dans les durable » ? faits les concepts du développement durable, qu’il s’agisse de logement social ou de biodiversité, de la maîtrise d’ouvrage de projets routiers ou de la sécurité autour des sites Seveso, en passant par

Baie de Somme MEEDDAT photo Laurent Mignaux

« pour mémoire » l n°6 été 2009 50 les contrôles des transporteurs ou la politique de matière dangereuse ; ou pour dégager un tracé l’eau. Les agents de la DREAL ne se connaissent pour un projet de LGV le plus pertinent possible pas tous et l’organisation des fonctions support en matière de politique des déplacements tout en cherche désormais à optimiser les processus respectant le mieux possible les milieux naturels et au sein d’un pôle support intégré, dans une les paysages. recherche d’économies d’échelle. Bref, beaucoup La DREAL ainsi créée en peu de temps a une feuille de chemin a été parcouru de la petite entreprise de route ambitieuse mais motivante, traduite environnementale qu’était la DIREN au grand dans un projet de service fortement inspiré par le service régional qu’aspire à être la DREAL. Grenelle de l’Environnement. C’est en travaillant En Picardie comme en PACA, cette évolution de au quotidien sur des projets communs que ses la DIREN à la DREAL est passée par une phase de agents pourront petit à petit dégager un sentiment rapprochement de près de 4 ans avec la DRIRE. d’appartenance, construire une nouvelle culture, Cette phase a permis un premier rapprochement non pas en niant les cultures fortes de l’Equipe- culturel, entre une DIREN parfois plus militante, ment, de l’Environnement et de l’Industrie, mais mais aussi recherchant assidûment le partenariat, en combinant la culture technique, aménageuse, et une DRIRE plus « normative », fi ère de sa héritée de l’Equipement, la capacité des DIREN à culture régalienne. s’intégrer dans des projets complexes de protec- tion de l’environnement et celle des DRIRE à faire Certains parlaient même alors des « men in respecter les normes sans perdre la confi ance des black » de la DRIRE, perçue comme masculine face milieux économiques. à une DIREN qui aurait été plus féminine dans ses L’organisation de la DREAL PACA cherche à approches. En langage plus administratif, associer relever ce défi en identifi ant des chefs de projet par ce mariage les capacités d’écoute de la DIREN transversaux s’appuyant sur une organisation en ou le professionnalisme technico-juridique de services-métiers plus verticaux : il conviendra la DRIRE, rechercher les convergences entre les d’analyser à l’épreuve des faits la pertinence spécialistes des processus industriels et ceux des de cette organisation. Il reste aussi à réussir milieux naturels a été une intéressante expérience l’intégration des fonctions support voulue par le de construction d’un service déconcentré unique ministère pour répondre aux exigences de la RGPP, pour ce qui était alors le MEDD. Mais les fi an- ce qui veut dire construire des pôles support çailles ont été bien longues et fi nalement, pas de intégrés, des plates-formes RH et Chorus, dont la DRIREN au bout de la démarche mais une DREAL. grande taille ne soit pas synonyme d’ineffi cacité. Cette fois, la phase de préfi guration a été Ce défi -ci vaut bien le précédent : c’est en effet raccourcie à l’extrême, 6-7 mois au plus. Des d’abord en gagnant la bataille de la logistique, de convergences entre les politiques à conduire sont la comptabilité, de l’informatique, et évidemment cependant vite apparues : autour de la notion de d’une véritable gestion prévisionnelle des emplois développement durable des territoires, entre les et compétences, que nous pourrons espérer « aménageurs » de la DRE et les « durabilistes » construire une DREAL performante, effi cace, de la DIREN ; sur les questions de mobilisation du apte à répondre aux attentes considérables de foncier, qu’il s’agisse de produire des logements nos concitoyens en matière de développement sociaux ou de réduire la vulnérabilité dans les durable . , zones exposées à un risque majeur ; pour amélio- rer la sécurité routière par un contrôle crédible des transporteurs, des centres de contrôle technique des véhicules ou des transports de n°6 été 2009 l « pour mémoire »