Jean-Pierre Melville
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Jean Pierre Melville dans À bout de souffl e (1959) L’ADRC présente enu pour le père de la Nouvelle Vague Tau début des années 1960, Jean-Pierre Melville a subi par la suite le désamour de la critique, avant de devenir la référence JEAN-PIERRE majeure d’une nouvelle pléiade de réalisateurs européens, américains et asiatiques. Outre son statut d’auteur de fi lms cultes, il est le maître français qui a inspiré mieux que tout autre les tendances du cinéma contemporain. La réédition en salles de ses œuvres majeures permet à de nouvelles générations MELVILLE de (re)découvrir un cinéaste qui n’a jamais RÉTROSPECTIVE quitté les feux de l’actualité. LE FILM NOIR LE DOULOS LA TRILOGIE LE CERCLE ROUGE Un fi lm de Un fi lm de elville admirait le cinéma classique hollywoodien, et plus par- Jean-Pierre Melville elville s’intéresse à Delon dès 1958, envisageant de lui donner le Jean-Pierre Melville Mticulièrement le fi lm noir des années 1930. Conscient que cette France - 1962 - 108’ Mrôle principal de Deux hommes dans Manhattan. Quelques années France, Italie - 1970 - 150’ période appartient au passé, il cherche d’abord à renouveler le genre visa n° 36.164 plus tard, il voit en l’acteur déjà célèbre « la dernière star », l’équiva- visa n° 36.714 en mettant à distance son code. Dans Bob le fl ambeur, il montre le Scénario, adaptation lent des idoles hollywoodiennes des Scénario, adaptation décalage entre l’image d’un caïd et sa réalité, tout en fi lmant Pigalle et dialogues : années 1930, et il conçoit pour lui Le et dialogues : Jean-Pierre Melville Jean-Pierre Melville de façon quasi documentaire, sous prétexte de « suspense ». Samouraï. Il faudra attendre 1967 d’après le roman de Musique : Éric Demarsan Deux hommes dans Manhattan implique la même sorte de fl ânerie, Pierre Lesou pour réaliser ce fi lm, mais à partir Photographie : Henri Decaë à New York, et piège le spectateur en lui promettant une action Musique : Paul Misraki, de là, Alain Delon deviendra l’inter- spectaculaire qui n’aura jamais lieu. Jacques Loussier prète préféré de Melville et l’incar- Avec Alain Delon, Bourvil, Gian Maria Volonté, Photographie : Nicolas Hayer nation emblématique de ses fi lms Yves Montand, Avec Jean-Paul Belmondo, noirs, aux yeux du monde entier. François Périer. Serge Reggiani, Le Doulos, œuvre exemplaire mettant Distribution : Le Cercle rouge est un nouveau défi , Jean Desailly, Michel Piccoli. en place un nouveau type de fi lm noir, a Sophie Dulac Distribution son scénario étant des plus complexes, Distribution : pu infl uencer, de façon plus ou moins di- LE SAMOURAÏ organisé autour de cinq personnages Sophie Dulac Distribution recte, divers cinéastes. L’exemple le plus Un fi lm de «La perfection de la mise importants et impliquant un délicat notoire en est Quentin Tarantino affi rmant Jean-Pierre Melville en scène rend le fi lm constamment qu’on ne saurait concevoir équilibre entre les différentes lignes du France, Italie - 1967 - 95’ envoûtant malgré son un scénario aussi parfait, et le cas le récit. Des vedettes du fi lm, Delon était le visa n° 33.208 rythme lent et même pour moins connu, Léos Carax : la séquence seul initialement prévu ; les rôles de Gian Cette piste de travail, qui sera suivie par la Nouvelle Vague à ses débuts Avec Alain Delon, où Maurice, blessé, court en chancelant le public de l’époque qui Maria Volonté, Bourvil et Yves Montand (voir notamment À bout de souffl e), n’intéresse plus Melville à l’étape Nathalie Delon, le long d’un mur, est reprise dans n’en saisit que le premier où il conçoit le scénario du Doulos - radicalement différent du roman François Périer. leur ont été attribués assez tardivement, Mauvais sang où, appuyée, prolongée, degré – ce sera le succès Distribution : Pathé sans que cela empêche Melville d’en tirer adapté. Sa construction narrative permet au public de faire plusieurs une mise en scène similaire devient un Version numérique restaurée le plus retentissant de le meilleur. Le fi lm prolonge à travers une lectures successives des mêmes événements, lectures contradictoires moment clé. Melville.» mais irréductibles à une seule vérité fi nale. Sur le plan formel, le fi lm symbolique particulière – passant notam- déploie un esthétisme prononcé et une virtuosité « classique », tout en Dans Le Samouraï, Melville réduit le code du genre à son essence, en ment par la série d’éléments visuels qui démontrant, étape par étape, que les bases du genre - à commencer ritualisant et en stylisant l’action criminelle, avec un esthétisme pro- s’associent à son titre – la recherche par l’opposition entre « bons » et « méchants » ou « vrai » et « faux » - noncé. Irréaliste au possible, le fi lm est en même temps chargé d’un melvillienne sur le potentiel tragique et ne sont que des conventions dépourvues de sens. Selon une anecdote discours implicite sur la condition de l’homme moderne. Jef Costello, métaphysique du genre. Ici, le thème de révélatrice, Belmondo qui avait joué son rôle avec la conviction d’incar- solitaire énigmatique, à la fois tueur à gages et personnage de tragédie la fatalité qui conduit les protagonistes ner un personnage positif, a découvert que Silien était un indicateur, prêt au sacrifi ce, est joué par Delon avec une intensité et une fi nesse vers « le cercle rouge » s’associe avec une seulement en voyant le fi lm déjà monté. qui en feront l’icône d’une nouvelle mythologie. vision de la société comme règne du Mal. n fl i cachève la trilogie qu’il forme avec Le Samouraï et Le Cercle L’ARMÉE DES OMBRES UN FLIC Urouge, aussi bien chronologiquement parlant qu’à travers une LA RÉSISTANCE forme et une thématique qui portent à l’extrême le travail melvillien Un fi lm de Un fi lm de ’est en devenant résistant que le jeune Jean-Pierre Grumbach Jean-Pierre Melville Jean-Pierre Melville sur les apparences. En outre, deux de ces trois fi lms reprennent et Cprend le nom de Melville, la Résistance transforme son identité. France, Italie - 1969 France - 1972 – 92’ développent le propos de tel autre moment de la fi lmographie du Elle restera l’expérience décisive de sa vie, une infl uence majeure sur 144’ - visa n° 35.415 visa n° 39.101 cinéaste : Le Cercle Rouge traite des liens entre truands comme sa vision du monde et le fondement de son œuvre : l’idée de fi lmer Scénario, adaptation Scénario, adaptation Le Deuxième souffl e alors que Le Doulos et Un fl ic explorent deux et dialogues : Le Silence de la mer lui vient dès la parution clandestine du roman de et dialogues : versions possibles d’un même problème en changeant de point de vue, Jean-Pierre Melville, Jean-Pierre Melville Vercors. La thématique de la résistance parcourt toute son œuvre, d’après le roman éponyme en prenant le fl ic comme protagoniste. Musique : Michel Colombier de façon explicite ou implicitement (dans les fi lms noirs). de Joseph Kessel Photographie : Walter Wottitz Le Silence de la mer permet de mesurer le talent de Melville débu- Musique : Éric Demarsan Avec Alain Delon, Photographie : tant, se distinguant radicalement des autres fi lms faits à l’époque sur Catherine Deneuve, Pierre Lhomme Un fl ic la même thématique, par ses choix formels (épure, stylisation) et en Richard Crenna, représentant les trois protagonistes - l’oncle, la nièce et l’offi cier alle- Avec Lino Ventura, Riccardo Cucciola. Simone Signoret, À sa sortie, le fi lm a été attaqué pour sa Distribution : Ce fi lm donne à Delon l’occasion de choisir mand qu’ils doivent héberger - avec la même fi nesse psychologique. Paul Meurisse, Sophie Dulac distribution Jean-Pierre Cassel. « noirceur » et pour l’image qu’il donne le rôle du policier, après les truands des résistants – comparables, selon cer- magnifi ques des volets précédents. Dans LE SILENCE Distribution : «Mal reçu à sa sortie, Sophie Dulac Distribution tains critiques, à des gangsters. Depuis, ce fi lm crépusculaire, les gangsters sont Un fl ic s’impose progres- DE LA MER il s’est imposé comme le chef-d’œuvre montrés tantôt comme les fantômes d’une Le Cercle rouge Un fi lm de sivement comme une incontesté sur cette thématique, grâce à tradition criminelle, tantôt comme les Jean-Pierre Melville étape dans l’histoire du la complexité de son propos, jointe à une derniers êtres vivants d’un univers en car- France - 1947 - 86’ genre et comme l‘un des visa n° 8312 mise en scène d’une éloquence tragique ton-pâte – à plusieurs étapes de l’action, premiers fi lms postmo- Avec Howard Vernon, intemporelle. Fait sans précédent : sa sor- Melville utilise sciemment des décors, Jean-Marie Robain, dernes. Son infl uence tie tardive aux Etats-Unis lui a valu le Prix des maquettes ou des peintures qui font Nicole Stéphane. n’a pas fi ni de du meilleur fi lm étranger de l’année 2006, remarquer l’artifi ce fi lmique. L’alternance Distribution : Gaumont croître» Au fi l de l’œuvre de Melville, son univers épure les schémas de la tra- décerné par la critique new-yorkaise. visuelle entre « vrai » et « faux » va de pair Version numérique restaurée dition dont il se détache, rend de plus en plus évidents ses mécanismes avec la double vie ou la duplicité des per- dramatiques et ses pièges, déplace l’enjeu de l’intrigue vers une Dans L’Armée des ombres, Melville se démarque d’une nouvelle sonnages. Paradoxalement, l’inspecteur Version restaurée par StudioCanal synthèse emblématique des mythes du cinéma policier. Si la critique de manière du « cinéma de l’Occupation » qui est devenu entre-temps une et le CNC en collaboration avec Coleman est sans doute le plus « faux » et tradition : au lieu de l’aspect héroïque, il privilégie les épreuves de la l’époque a souvent mal réagi à l’elliptisme stylisé de sa maturité, c’est Pierre Lhomme le plus immoral des personnages, s’ins- vie clandestine, les cas de conscience qu’elle peut impliquer - notam- justement cette manière du cinéaste qui s’est révélée plus inspiratrice, crivant ainsi dans la logique commune ment lorsqu’il s’agit de tuer un traître ou de sacrifi er des camarades -, pour une génération ultérieure du cinéma, que des œuvres moins à la trilogie, selon laquelle les forces de et les mécanismes de la lutte armée, susceptibles de déshumaniser audacieuses sur le plan formel comme Léon Morin, prêtre ou L’A r mé e l’ordre propagent inévitablement le mal même des êtres parmi les plus nobles.