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Les ammonites : des céphalopodes dimorphiques à coquille spiralée

Article in Revue Francaise de Pedagogie · January 2011

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Patrice Lebrun Philippe Courville Editions du Piat Université de Rennes 1

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Les ammonites : des céphalopodes dimorphiques à coquille spiralée

Patrice LEBRUN (1) & Philippe COURVILLE (2)

(1) 52B, rue Victor Hugo, 93500 Pantin – [email protected] (2) Université de Rennes 1, Géosciences Rennes UMR 6118, 263, avenue Général Leclerc, 35042 Rennes cedex – [email protected]

The ammonites: Dimorphic with a spiral shell. - Abstract: Ammonites first appeared during the Middle and represented an important group of marine invertebrates until their demise during the K-Pg extinction event, 65 million years ago. The shell usually take the form of a planispirally expanding cone with dividing walls (septa) that separate the chambers (camerae of the phragmocone) and a body chamber (occupied by the living ). All the chambers are connected by a narrow tubular structure (siphuncle) that passes through the septa along the outer rim (venter) in most ammonoids. Those cephalopods vary greatly in the ornamentation of their shells (growth lines, ribs, tubercles, spines, keels…) and the topology of the intersection of the septum with the outer shell (suture line, subdivided in lobes and saddles). In many species, mature specimens show a size variation (total number of whorls…) and pronounced shell modifications (uncoiling of the umbilical seam, modification of sculpture near the peristome, with often terminal constrictions, ventral collars, flares, horns, rostra, lateral lappets…, secondary approximation) according to gender. The larger shells (macroconch, [M]) are considered to be female because they would have required a larger body size for egg production; the smaller shells (microconch, [m]) with apertural modifications are considered to be males. This sexual dimorphism is well known in the . Those may also show a non-sexual polymorphism characterized by the presence of three associated ‘morphs’ (‘thin’, ‘medium’ and ‘thick’). Keywords: ammonites, , Cardioceratidae, shell morphology, shell ornamentation, suture line, ontogeny, sexual dimorphism, non-sexual polymorphism.

pparus au Dévonien moyen, les ammonites et leurs de côtes et de tubercules dont la forme et l’agencement jouent alliés (Ammonoidea) constituaient un groupe important souvent un rôle primordial dans la distinction des espèces. Ad’invertébrés exclusivement marins, jusqu’à leur L’ensemble des cameræ, délimitées par des cloisons (septa), disparition à la fin du Crétacé. Durant 340 millions d’années, compose le phragmocône qui prend naissance à partir d’une ces céphalopodes connurent une rapide évolution ponctuée de loge initiale embryonnaire. Prolongeant ce phragmocône, une nombreuses crises ; à plusieurs reprises, ils faillirent disparaître loge d’habitation héberge l’essentiel des parties molles ; à l’âge bien avant la fin du Mésozoïque. Ces mollusques se distinguent adulte, principalement chez les mâles, son bord libre par leur coquille externe cloisonnée et, en général, un siphon (péristome) peut subir de profondes transformations entraînant, situé près du bord marginal (siphon ventral). notamment, le développement d’apophyses. Chez ces céphalopodes, les sutures cloisonnaires, correspondant à La coquille : un appareil hydrostatique l’intersection des septa avec la surface interne de la coquille, peuvent atteindre une grande complexité par le développement Chez les ammonites, la coquille est constituée pour résister de nombreux plissements (lobes et selles). Les loges sont à la pression hydrostatique et agir comme un flotteur (appareil interconnectées par l’intermédiaire d’un siphon, un tube poreux hydrostatique). Formant un cône souvent enroulé suivant une permettant le pompage du liquide caméral contenu dans les spirale (fig. 1), elle est composée d’un nombre plus ou moins dernières loges entraînant la conservation des propriétés important de loges (cameræ) ; au fur et à mesure de la hydrostatiques de la coquille. croissance de la coquille à partir de son ouverture, l’animal Le diamètre des coquilles matures est généralement sécrète une nouvelle cloison qui isole le fond de la loge compris entre 4 et 10 cm chez les formes paléozoïques d’habitation et augmente ainsi le nombre de loges de son (paléoammonoïdes) et triasiques (mésoammonoïdes) et entre phragmocône. Sa surface externe est en principe ornée d’une 10 à 20 cm chez celles du Jurassique et du Crétacé (néoammo- grande variété de structures, allant de simples colorations noïdes). Il existe toutefois de nombreuses formes millimétriques (Mapes & Davis, 1996 ; Mapes & Hoare, 1987) à un système et quelques taxons crétacés gigantesques et plurimétriques. Diversité des formes : habituellement, la coquille univalve des ammonoïdes phragmocône s’enroule sur la loge initiale en une spirale ombilic logarithmique dans le plan de symétrie bilatérale de l’animal, autour d’un axe perpendiculaire à ce plan et suivant un apophyse rostre latérale ventre nombre de tours jointifs compris entre 3,5 et 12. Chez ces taxons, dits monomorphes, péristome la diversité des coquilles résulte principalement de la forme de la section du tour et celle de leur ombilic qui correspond à la surface concave latérale délimitée par le dernier tour (fig. 1-A). Ce dernier peut suture être large, chez les taxons à accroissement

côte loge Fig. 1 - Principaux composants de la coquille d’une d’habitation ammonite. A : vue latérale dont la loge d’habitation ABest sectionnée sagittalement ; B : vue ventrale (modifiée d’après Doguzhaeva & Mutvei, 1991).

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A B CD

Fig. 2 - Principales formes plani- spiralées (monomorphes). A : serpen- nettement plus grande que la première loge du phragmocône et ticône (Perisphinctes), B : sphérocône (Macrocephalites), C : platycône ses caractéristiques, notamment sa structure interne, diffèrent (Kosmoceras), D : cadicône (Erym- généralement de celles de la coquille post-embryonnaire. noceras), E : oxycône (Cardioceras). Cette loge initiale et le premier tour composent une (clichés : J. Plaine (A), A. Bonnot coquille embryonnaire, l’ammonitelle. D’un diamètre de 0,5 à E (B, C, E) et P. Courville (D)). 2,6 mm, elle est limitée adoralement par la constriction primaire. lent et régulier (espèces évolutes – fig. 2-A), ou étroit, chez L’essentiel de la coquille est constitué par le phragmocône ceux à accroissement rapide et tours embrassants (espèces qui lui donne sa forme compartimentée caractéristique. Suivant involutes – fig. 2-B). Suivant le degré de recouvrement des les espèces, à l’âge adulte, il peut posséder 40 à 150 loges tours, l’angle d’ouverture du cône théorique et le contour de sa délimitées par des cloisons plus ou moins régulièrement section, plusieurs types morphologiques sont classiquement espacées. Comme chez le nautile actuel, lorsque les ammonites considérés. La coquille est : deviennent matures (particulièrement les microconques, (1) sphérocône, lorsqu’elle est subglobulaire et que la loge considérés comme des mâles – cf. infra), les dernières cloisons d’habitation reste involute, avec un ombilic étroit ou occlus sont de plus en plus resserrées, délimitant ainsi des loges de (fig. 2-B) [elle est elliptosphérocône lorsque la loge plus en plus petites (approximation secondaire des septa). d’habitation devient évolute] ; L’essentiel de l’animal ammonoïde[1] occupe une loge (2) discocône, lorsqu’elle est involute avec un tour ovale ; d’habitation qui se distingue du reste de la coquille par (3) cadicône, en forme de tonneau, avec un enroulement l’absence de septum. Elle est rarement préservée dans son plus ou moins évolute, un large ventre et un ombilic intégralité en raison de son extrême fragilité. Chez les formes cratériforme (fig. 2-D) ; matures, sa section varie avec celle du tour et sa longueur offre (4) oxycône, lorsqu’elle est involute, discoïdale, avec un une grande variabilité. Les formes à loge d’habitation bord aigu et un ombilic étroit ou occlus (fig. 2-E) ; développée (au moins un tour) et celles à loge restreinte (5) platycône ou planulaire, lorsqu’elle est modérément (approximativement un demi tour) sont dénommées évolute et comprimée, de forme lenticulaire, aplatie, déprimée respectivement longidômes et brévidômes ; les formes et arrondie ventralement, avec un large ombilic et, en général, intermédiaires (approximativement trois quarts de tour) sont une carène (fig. 2-C) ; dites mésodômes. Sa longueur est généralement comprise entre (6) planorbicône, lorsque la coquille évolute possède un un demi tour à presque un tour complet, plus rarement entre un tour subcirculaire ou déprimé ; et deux tours ; elle est exceptionnellement inférieure à un quart (7) serpenticône ou tarphycône, lorsqu’elle est très de tour. A maturité, la loge d’habitation est affectée par des évolute, avec de nombreuses spires à faible recouvrement à la modifications plus ou moins importantes. Sa longueur, manière d’une corde ou d’un serpent enroulé (fig. 2-A) ; exprimée en arc de cercle, est généralement 10 % plus courte (8) dactylicône, évolute à tours tangents et ligne que les loges d’habitation précédentes et sa partie adorale est d’involution virtuelle ; habituellement dépourvue de niveau prismatique interne[2]. La (9) ellipticône, lorsque le dernier tour donne à la coquille loge d’habitation de nombreux individus adultes est aussi un aspect elliptique. limitée par une contraction généralement initialisée à partir du Dès le Dévonien et essentiellement à partir du Trias dos, qui s’accompagne souvent d’une modification ou d’une supérieur (Carnien et Rhétien), de nombreux ammonoïdes ont disparition de l’ornementation ; elle peut être géniculée, toutefois adopté une coquille qui s’éloigne partiellement ou rétrécie adoralement ou renflée localement. Chez la majorité totalement de l’enroulement planispiralé à tours jointifs des hétéromorphes, elle se décolle du tour précédent. A (hétéromorphes). l’inverse, elle l’enserre plus étroitement chez maintes formes planispiralées involutes. Section : la section des tours, tout comme l’enroulement, est éminemment variable. Exceptionnellement circulaire ou Péristome : l’ouverture de la loge d’habitation, ventro- subcirculaire (lytocône), elle peut s’accroître ou diminuer en postérieure (chez les formes monomorphes), possède un bord hauteur ou en largeur, voire devenir polygonale ; le tour peut être libre (péristome) correspondant à la zone de croissance de la comprimé, déprimé ou surbaissé. Classiquement, on distingue coquille. Chez les premiers ammonoïdes (Anarcestida, des tours lancéolés, ovoïdes élancés ou aplatis, lenticulaires, Goniatitida, Clymeniida), le péristome de la coquille mature circulaires, réniformes, subquadrangulaires, rectangulaires reste relativement simple et rappelle celui des nautiloïdes par la élancés ou aplatis, trapézoïdaux ou trapézoïdaux inverses. Enfin, présence d’une échancrure ventrale (sinus hyponomal) et d’un suivant le degré d’involution, les tours plus ou moins embrassants arborent une face dorsale plus ou moins concave. [1] A l’instar des céphalopodes récents, le corps de l’animal ammonoïde était Certains taxons peuvent présenter une zone marginale apparemment constitué de deux masses distinctes : un cephalopodium, séparant nettement la région ventrale des flancs. Cette zone formé de la tête pourvue de bras préhensiles, et un pallioviscerum, peut saillir en une crête, essentiellement lorsque les flancs, au regroupant le manteau ceinturant les viscères. Malheureusement, seules les mandibules et, dans une moindre mesure, la radula sont relativement bien lieu de converger vers la ligne siphonculaire, divergent. La connues. Les empreintes musculaires, présentes sur la paroi interne de la région siphonculaire peut être aiguë et tranchante, ou former un loge d’habitation, sont plus rares tandis que les restes d’œsophage, d’estomac, de branchies et de la poche du noir (?) sont exceptionnels. méplat ; plus rarement, elle est déprimée ou creusée par une [2] gouttière (sulquée). La partie post-embryonnaire (phragmocône et loge d’habitation) de cette coquille consiste généralement en une superposition de quatre couches (Kulicki, 1996) : (1) un périostracum externe, organique, très fin et chatoyant ; Subdivisions : la loge initiale représente la première (2) une couche prismatique externe, constituée de prismes réguliers de calcite coquille sécrétée par la jeune ammonite. Rarement observée à de section polygonale ; (3) une épaisse couche nacrée, formée de cristaux l’état isolé, elle est séparée adoralement du reste de la coquille tubulaires de section hexagonale ; (4) une couche prismatique interne, ne débutant pas avant le second ou le troisième septum, composée de prismes par un prosiphon et un proseptum. Elle est en principe réguliers peu différents de ceux de la couche prismatique externe.

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tube dépôts auxiliaires siphonculaire constriction

prosiphon cæcum

constriction primaire

proseptum

loge AB cloison initiale

Fig. 3 - Section sagittale de la région adapicale de la coquille d’une ammonite montrant schématiquement les diverses structures internes (d’après Miller & Unklesbay, 1943). C D

léger ensellement adoral latéral. Chez de nombreuses formes Fig. 4 - Modèle de formation des membranes camérales chez les ammo- plus récentes, ce péristome est profondément modifié et noïdes brévidomes du Trias. A : dernière chambre complète pourvue de complexe. Son contour peut être conforme à la section du tour, pseudosepta ; B : liquide caméral découplé du siphon, excepté pour les ménisques situés sur les flancs du tube siphonculaire et entre le siphon et recourbé ventralement vers l’avant ou vers l’extérieur, plus les septa ; C : chambre vidangée pourvue de réservoirs caméraux rési- généralement sinueux avec des sinus et des convexités duels ; D : chambre vidangée présentant des membranes siphonculaires dénommées, suivant leur forme : lobes, languettes, éperons, longitudinales et obliques, des membranes transverses et des pseudosepta. oreillettes ou apophyses. Ventralement, le péristome peut aussi En noir, les membranes camérales (d’après Checa, 1996). développer, à l’emplacement du sinus hyponomal (entonnoir), une selle ou une languette rostriforme qui prolonge la carène. À septaux sont en continuité avec le reste du septum et sont partir de la fin du Lias, de plus en plus de formes ont un essentiellement constitués de nacre (Tanabe et al., 1993). Leur péristome pourvu d’une paire d’apophyses jugales latérales direction passe communément, au cours de l’ontogenèse, d’une parfois extrêmement développées. Une apophyse ventrale ou un direction adapicale à une orientation adorale (condition long rostre effilé est aussi parfois observé. Le développement de prochoanitique ou prosiphonée). telles apophyses peut enfin aboutir à une forte réduction et une partition de l’ouverture (Ebrayiceras, Oecoptychius). Complexe siphonculaire : Tanabe et al. (1993) ont introduit la locution de “complexe siphonculaire” afin de Cloisons : les cloisons (ou septa) sont des structures regrouper dans une même unité structurelle le cæcum, le internes complexes (fig. 3) constituant des squelettes successifs prosiphon, les tubes siphonculaires formant le siphon, les supportant et protégeant la région postérieure des parties dépôts auxiliaires, le revers septal et les membranes camérales. molles (Seilacher, 1988). À partir du premier tour, pourvu de Le cæcum bulbeux, situé dans la loge initiale, constitue la quatre septa ou moins, leur nombre par tour augmente partie adapicale du siphon (fig. 3). Initialement conchiolitique, graduellement jusqu’à se stabiliser entre le cinquième et le sa très fine paroi a été généralement phosphatisée lors de la septième tour. Chez les paléoammonoïdes, on dénombre fossilisation. Sa section sagittale peut être elliptique, semi- typiquement de 15 à 20 septa par tour. Leur surface est circulaire ou rectangulaire. Adapicalement, le cæcum est relié à grossièrement perpendiculaire au cône primordial. Leur la paroi interne de la loge initiale par un prosiphon organique. caractéristique principale réside dans leur plissement marginal Il peut être long et presque droit (plupart des ), se traduisant au niveau de leur contact avec la conothèque court et incurvé (Goniatitina, Prolecanitida, Lytoceratina, (suture septale) par le développement de plis individualisés Phylloceratina, certains Ancyloceratina) ou de forme et de dénommés, suivant leur polarité, lobes (convexes vers taille très variables (Ceratitida). l’arrière) et selles (convexes vers l’avant). Cette complication Les septa des ammonoïdes sont traversés par un siphon, un marginale décroît régulièrement vers le centre du septum, petit tube conchiolitique reliant la loge initiale à la loge lequel est légèrement ondulé ou plan (fig. 4-A). Chez les d’habitation. Sa position, toujours marginale chez les individus premiers ammonoïdes, les septa sont convexes adapicalement, matures, permet de différencier ces céphalopodes de la majorité comme chez la plupart des nautiloïdes. Chez les formes des nautiloïdes. Il s’étend en général le long de la face ventrale ultérieures, cette disposition originelle est obscurcie par de la coquille (siphon extrasiphoné), sauf chez les Clymeniida maintes inflexions et réversions. Le premier septum est du Dévonien supérieur où il est dorsal (siphon intrasiphoné). Au traditionnellement dénommé proseptum (fig. 3). début de l’ontogenèse de certains taxons à siphon extrasiphoné, Depuis les travaux de Pfaff (1911), ces septa sont cette structure peut être subcentrale (Leiophyllites, Lissoceras) considérés comme constituant une adaptation à la résistance à ou subdorsale (Strigoceras, Tropites). Le siphon est formé la pression hydrostatique et, chez certains taxons, renforcent d’une série de tubes siphonculaires qui relient, chacun, la face l’intégrité d’une coquille relativement fragile (Raup & Stanley, adapicale d’un col septal à la face adorale du col suivant et sont 1971 ; Seilacher, 1975 ; Wainwright et al., 1976 ; Ward, 1980 ; suspendus, périodiquement, à la conothèque via des membranes Westermann, 1975). Toutefois, certains auteurs ont émis organiques. l’hypothèse que les plis septaux auraient une fonction La face adorale des cols septaux présente fréquemment des organique interne, notamment celle d’augmenter la capillarité structures annulaires calcifiées (dépôts auxiliaires) (Kulicki, (Kulicki & Mutvei, 1988 ; Mutvei, 1975 ; Saunders, 1995 ; 1979 ; Kulicki & Mutvei, 1982 ; Tanabe et al., 1993). Ces Saunders et al., 1994) ou de découpler le liquide caméral agrégats sphérulitiques recouvrent la surface interne des cols (Ward, 1987 ; Weitschat & Bandel, 1991). septaux et sont remplacés adoralement par les membranes Comme chez le nautile actuel, le passage du siphon à conchiolitiques des tubes siphonculaires. Le revers septal travers chaque cloison se fait par l’intermédiaire d’un orifice constitue un autre dépôt prismatique sphérulitique apparaissant (foramen septal) autour duquel se développe une expansion fréquemment sur la face adapicale des cols prochoanitiques et annulaire calcaire, le col septal ou siphonculaire. Ces cols de certains cols rétrochoanitiques.

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Les membranes camérales sont des structures plurimicro- selle 1e selle latérale 2e selle latérale métriques et feuilletées observées uniquement chez certaines ventrale ammonites puisque, du fait de leur structure délicate, elles li selle devaient être détruites peu après la mort de l’animal, ombilicale probablement par un agent bactérien ou fongique (fig. 4 – Weitschat & Bandel, 1991). Composées de microfibrilles de conchioline, elles présentent une très grande variabilité chez les formes du Paléozoïque et du Trias. Hydrophiles, elles pouvaient servir au transport du liquide caméral (Bandel & bord ventral Boletzky, 1979 ; Tanabe et al., 1982 ; Weitschat & Bandel, 1991) ou constituer des structures aidant au maintien de ce fluide dans certains réservoirs et prévenir l’ennoyage des loges. lobes accessoires lobe dorso-latéral Sutures septales : elles correspondent à l’expression de selle dorso-latérale l’intersection linéaire théorique des septa avec la paroi interne lobe 1er lobe de la coquille. En raison de leur variété typologique et de leur ventral latéral lobe dorsal complexité, elles constituent un caractère taxinomique de Fig. 5 - Terminologie morphographique de la suture septale premier ordre et permettent d’établir des homologies au sein des ammonoïdes. li : ligne d’involution (d’après Lebrun, 1996). des ammonites et d’envisager leurs relations phylogénétiques (Schindewolf, 1961-1968 ; Wiedmann & Kullmann, 1980). Toujours plus complexes que celles des nautiloïdes, elles sont intrasiphonés et maints Goniatitida et Prolecanitida. Dès le simples chez les paléoammonoïdes et les premiers stades Carbonifère, il devient trifide chez certains taxons. À partir de ontogénétiques des taxons mésozoïques. Elles tendent à devenir cette suture cloisonnaire trilobée, l’adjonction de nouveaux de plus en plus compliquées et ondulées chez les méso- lobes (métalobes) ne se fait qu’à partir de deux positions : sur et néoammonoïdes adultes, bien que celles de maints taxons le bord externe, entre les lobes E et L (lobes adventices A2, A3... présentent une simplification secondaire. des Goniatitida paléozoïques), ou sur le bord interne ou la ligne Chez les formes involutes, la portion suturale s’étendant à d’involution, entre les lobes L et I (lobes ombilicaux U1, U2... travers l’aire ventrale et les aires latérales jusqu’à la ligne des Prolecanitida et de toutes les ammonites mésozoïques). d’involution ombilicale est dénommée suture cloisonnaire Dans une lignée, les nouveaux éléments suturaux sont externe. La suture cloisonnaire interne correspond à son habituellement incorporés à la fin de l’ontogenèse et prolongement sur l’aire dorsale ; de grande valeur systématique apparaissent ultérieurement à un stade ontogénétique plus au niveau des familles et des superfamilles, son observation précoce. La suture primaire devient ainsi : (1) quadrilobée, à la nécessite une préparation destructive des tours recouvrants. limite permo-triasique, par adjonction du premier lobe Chaque suture cloisonnaire est constituée d’éléments suturaux ombilical U (type ELUI des Ceratitida et Phylloceratina) ; discrets se développant durant l’ontogenèse (fig. 5). Suivant (2) pentalobée, au Jurassique et au Crétacé (type ELU2U1I des leur convexité (polarité), ils sont dénommés lobes et selles et Phylloceratina, Lytoceratina et Ammonitina) ; (3) hexalobée, correspondent respectivement aux directions (inflexions) chez certains groupes du Crétacé supérieur (type ELU2U3U1I adapicales et adorales. Chez les néoammonoïdes où les sutures des Lytoceratidae et des Tetragonitidae). sont très différenciées, les lobes et les selles mineurs sont Sur la base de leur organisation générale et de la désignés respectivement lobules et folioles ou phyllites. subdivision des selles et des lobes, quatre types suturaux L’attribution de symboles aux divers lobes et selles fondamentaux sont généralement reconnus (fig. 6) : (1) la constituant une suture cloisonnaire permet d’établir une suture agoniatitique, composée de quelques lobes et selles formule suturale qui repose habituellement sur une simples dépourvus d’incisions superficielles ; (2) la suture nomenclature perfectionnée par Schindewolf (1923, 1927, goniatitique, formée d’un nombre plus élevé de lobes non 1929, 1951, 1961-1968). Dans cette nomenclature, E désigne le crénelés et de selles simples, étroitement arrondis ou fortement lobe externe (= lobe ventral), L, le lobe latéral, I, le lobe interne angulaires et généralement en zigzags ; (3) la suture (= lobe dorsal), Il, le lobe interne lituïde des Phylloceratidae cératitique, où la majorité des lobes a une extrémité dentelée (bifide et en forme de crosse), Is, le lobe septal des ou persillée et les selles sont arrondies ; (4) la suture Lytoceratidae, A1, A2..., les lobes adventices ou accessoires, U1, ammonitique, aux lobes et selles souvent finement persillés. U2..., les lobes ombilicaux, M, le lobe médian ; Un, le lobe Chez de nombreux ammonoïdes, la paroi interne des loges ombilical hétérochrone (Stephanoceratidae jurassiques) et U du phragmocône présente diverses traces en forme de bandes, (= S), le lobe sutural. Lorsque l’augmentation du nombre stries, rides, plis et lignes, sises entre deux sutures d’éléments suturaux se fait par subdivision de lobes, le cloisonnaires successives et, plus rarement, sur la portion symbole lobaire originel, conservé, se voit attribuer les indices postérieure de la loge d’habitation. Elles sont principalement d et v afin de désigner ses portions lobaires dorsale et ventrale. concentrées sur les flancs latéraux et le ventre. Les plus Lorsque cette subdivision est symétrique au niveau de la ligne importantes sont les pseudosutures concentriques, observées d’involution, la lettre S peut être additionnée pour désigner le chez tous les ammonoïdes, et les lignes de contact lobe sutural (par exemple U3 = S). Les lobes de la prosuture longitudinales des moules internes des Phylloceratina et sont symbolisés par les minuscles l, u1 et u2. Lytoceratina. Tous ces éléments sont sécrétés par la partie La prosuture, délimitant la loge initiale, se distingue des postérieure du manteau, lors de sa translocation, par une sutures subséquentes, principalement par l’absence de lobe augmentation de la pression hydrostatique du liquide caméral. externe ou interne et d’homologies directes entre ses éléments Les pseudosutures soulignent vraisemblablement les prosuturaux et ceux de la suture primaire. interruptions temporaires dans cette translocation. Chez les premiers ammonoïdes, la suture primaire, correspondant à la trace du septum limitant antérieurement la Ornementation : l’ammonitelle est généralement première loge, est caractérisée par la présence d’une unique et recouverte par une micro-ornementation représentée par des légère inflexion ventrale, le lobe externe E. À partir de cette liræ transverses (Agoniatitina, Tornoceratina, Anarcestina) condition unilobée, apparaît la suture cloisonnaire trilobée des ou longitudinales (Goniatitina) ou des tubercules d’un autres paléoammonoïdes, par l’ajout d’un lobe interne I sur le diamètre compris entre 2 et 10 μm (Ceratitida, Lytoceratina, dos, et d’un lobe latéral L sur le flanc. C’est ce type sutural qui Phylloceratina, Ammonitina, Ancyloceratina). persiste jusqu’au stade mature chez la plupart des Anarcestina. La conothèque des ammonoïdes, exceptionnellement lisse, Un lobe interne I, situé au milieu de la suture cloisonnaire présente en règle générale une ornementation post- interne, n’apparaît pour la première fois qu’avec l’adoption embryonnaire liée au développement de lignes d’accroissement, d’un enroulement à tours jointifs. Seul élément permanent de la de microsculptures, de côtes et costules, de tubercules et épines, suture cloisonnaire au cours de l’ontogenèse et de la de constrictions et bourrelets, voire d’une strigation spirale. Les phylogenèse, ce lobe est indivis chez les Clymeniida combinaisons de ces divers ornements sont nombreuses et, dans

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directions avant du tube A

rétroverse rectiradiée proverse B types

C convexe biconvexe concave biconcave sinueuse

flexueuse falciforme projetée primaire tertiaire secondaire

D

Fig. 6 - Principaux types suturaux chez les ammonoïdes. A : suture agoniatitique (Agoniatites) ; B : suture goniatitique (Dioboloceras) ; intercalaire en zigzags virgatoïde en boucles parabolique C : suture cératitique (Xenodiscus) ; D : suture ammonitique (Cardioceras). espacements certains groupes, il est fréquent que l’ornementation évolue au cours de l’ontogenèse, celle-ci pouvant s’estomper ou s’accentuer lorsque l’animal devient mature.

Les lignes d’accroissement soulignent l’évolution plissée distantes approximées fasciculées ontogénétique du péristome et sont observées uniquement sur les tests ayant conservé leur périostracum, ou sur la surface de Fig. 7 - Principaux types de costulation chez les ammonoïdes la couche prismatique externe. Les plus petites ont une largeur (modifiée d’après Arkell, 1957). micrométrique. Elles peuvent être linéaires, convexes, proverses (ou protractives) ou biconvexes. palmées ou paraboliques. Lorsque les côtes latérales sont Chez des spécimens bien conservés de Phylloceratina, branchues, la branche principale est dite primaire, les autres, Ancyloceratina et Ammonitina, divers types d’ornementation secondaires ou intercalaires si elles ont perdu le contact avec le microsculpturale ont été identifiés (Checa, 1994), faisceau originel. Lorsqu’à intervalles réguliers, certaines côtes principalement de minuscules rides longitudinales sont proéminentes, elles sont dites majeures. Une côte intercostales, des rides convergeant adoralement et sises secondaire redivisée près du bord ventral est dite tertiaire. Chez exclusivement entre les costules concaves, des rides associées certaines formes, les côtes latérales peuvent être interrompues à des côtes primaires concaves, des entailles et rides costales par un sillon spiral (Hildoceras). Parallèlement à cette grande plus ou moins longitudinales et donnant aux côtes une diversité de côtes latérales, les côtes ventrales, prolongement des apparence irrégulière et “dégonflée”, des plissements premières, présentent une importante variété de formes, elles intercostaux à profil en chevron et radialement allongés et, plus peuvent être radiales, bifurquées, trifurquées, en zig-zag, en fréquemment, des lignes longitudinales de faible relief ou des boucles et zigzags, opposées interrompues par un sillon, une bandes lisses longitudinales et rides arquées associées. carène, une carène et deux sillons, trois carènes et deux sillons, Chez les ammonites, les côtes et les costules (différenciées alternées interrompues par un sillon, bifurquées interrompues par leur finesse) constituent les éléments les plus importants par une bande lisse, en chevron, en chevron interrompues par (Ward, 1981). Elles correspondent habituellement à des replis une carène, voire former une carène cordée (fig. 7). du test et sont aussi prononcées sur les moules internes, La formation des côtes était contrôlée principalement par le quoique moins effilées. Suivant leur organisation, on distingue programme génétique plutôt que par des facteurs environ- communément trois types fondamentaux de costulations : nementaux. (1) une ornementation longitudinale (Goniatitida, Clymeniida), Les mégastries correspondent à d’épaisses lignes parallèle aux génératrices du cône primordial et constituée s’étendant d’une manière continue autour des flancs et du principalement par des stries délimitées latéralement par ventre. Différentes des lignes de croissance et des liræ, elles des crêtes spirales ou liræ égales et équidistantes ; (2) une représentent l’intersection externe de deux couches ornementation réticulée, résultant de la superposition de lignes conothécales superposées. Les mégastries sont associées à des d’accroissement ou d’une ornementation transverse formée de structures morphologiques particulières et se développent plus fines costules droites ou flexueuses (cf. infra) et d’une communément sur certaines portions de la conothèque que ornementation longitudinale représentée par des crêtes spirales d’autres. Typiquement, les tours juvéniles possèdent plus de (Goniatitida permo-carbonifères) ; (3) une ornementation mégastries que les tours matures. Elles représentent des sites de transverse, composée de côtes ou/et de costules correspondant résorptions périodiques de la coquille. généralement à des replis du test. Chez de nombreux ammonoïdes, la conothèque est ornée Classiquement, les côtes transverses sont dites latérales ou de tubercules associés ou non aux côtes (fig. 8). Fréquemment, ventrales lorsqu’elles sont situées respectivement sur les flancs les tubercules des moules internes correspondent, sur le test, à ou le ventre de la coquille. Stade ultime de l’évolution de la des épines dont les plus grandes sont souvent creuses. Lorsque costulation chez les ammonoïdes, suivant leur orientation et la ces tubercules sont allongés perpendiculairement ou nature de leur courbure, parmi les différents types de côtes parallèlement à la spire d’enroulement de la coquille, ils sont latérales on distingue principalement des côtes droites ou dénommés respectivement bullæ et clavi. Chez les formes à rectiradiées (perpendiculaires au bord ventral), convexes ou côtes polyfurquées, les tubercules sont généralement situés rétroverses (courbure adorale), concaves ou proverses (courbure aux points de division des côtes et forment des rangées adapicale), biconvexes, biconcaves ou sinueuses, flexueuses, longitudinales ou, plus exactement, des spirales. Au cours de falciformes, en zigzags, virgatoïdes, en boucles, en plis, l’ontogenèse, les côtes peuvent disparaître et seuls les infléchies vers l’arrière ou projetées vers l’avant, sigmoïdes, tubercules subsistent. Leur disposition peut être symétrique bifurquées ou dichotomes, trifurquées, polyfurquées, fibulées, d’un flanc à l’autre ou, au contraire, en quinconce.

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A B CDE

Fig. 8 - Divers types de tuberculisation. A : épines ; B : bullæ ; C : nodosités ; D : tubercules ; E : clavi (d’après Arkell, 1957).

La coquille des ammonoïdes peut porter périodiquement des Des sphères creuses d’environ 0,5 mm ont été interprétées constrictions radiales plus prononcées sur le moule interne que comme des œufs d’ammonoïdes. Dépourvues de coquille sur l’extérieur du test. Elles forment des sillons sur la surface embryonnaire interne, ces sphères peuvent être dispersées dans conothécale qui correspondent parfois à la trace vestigiale la roche, en association avec des ammonitelles et des coquilles d’anciens péristomes. La première, népionique et présente chez juvéniles de petite taille ou former un amas dans la loge tous les ammonoïdes, limite adoralement l’ammonitelle. Ces d’habitation de macroconques. constrictions sont généralement interprétées comme des Le développement de l’ammonitelle (embryonnaire) peut structures reflétant des discontinuités dans la croissance de la être abordé à partir de l’examen de spécimens préservés à un coquille. Ces structures sont parfois accompagnées par un stade ontogénétique précoce et par l’étude morphologique et épaississement du test (varice) résultant de l’épaississement de microstructurale des premiers tours d’individus plus grands la couche nacrée. Ces varices peuvent aussi se développer sans après enlèvement des tours recouvrants. constriction associée ; elles sont alors dénommées crêtes La néanoconque, correspondant au premier stade post- internes ou pseudo-constrictions (Westermann, 1990). embryonnaire (stade néanique), est typiquement planorbicône ou Le bord ventral de nombreux ammonoïdes est pourvu d’une cadicône chez les ammonoïdes planispiralés et ne présente pas ou plusieurs crêtes longitudinales. Cette carène médiane est ou peu d’ornementation. Elle s’étend adoralement jusqu’à généralement unique, parfois tranchante. Elle peut être ceinturée quelque deux tours après la formation de l’ammonitelle et son latéralement par une paire de sillons au-delà desquels une paire diamètre est voisin de 3 à 5 mm. En général, les septa sont de fausses carènes peut se développer. La véritable carène largement espacés et, chez de nombreux taxons, il existe une recouvrait le siphon et devait vraisemblablement le protéger. Elle brusque augmentation de l’intervalle intercostal au début de la peut être continue et lisse, cordée (Cardioceratidae), festonnée... néanoconque et une brusque diminution équivalente à la fin du L’hypothèse la plus ancienne du rôle de l’ornementation stade néanique. La fin de ce stade est aussi souligné par chez les ammonoïdes soutient qu’elle servait principalement à plusieurs autres changements (forme du tour, degré de augmenter la résistance de la conothèque à la pression recouvrement des tours, ornementation, complexité suturale) hydrostatique (Spath, 1919), à la prédation ou aux chocs pouvant impliquer des modifications dans la résistance (Westermann, 1971). D’autres fonctions ont été proposées, mécanique de la coquille et ses caractéristiques hydro- notamment celle d’une régulation de la flottabilité (Teichert, dynamiques. Ce jeune ammonoïde post-embryonnaire devait 1967), d’une aide au camouflage (Cowen et al., 1973), d’une vivre dans le plancton, bien qu’à la fin du stade néanique il adaptation permettant une augmentation de la surface spécifique pouvait adopter un autre mode de vie dans un habitat distinct. aidant à la flottabilité (Kennedy & Cobban, 1976) ou d’un Au stade juvénile correspond la coquille juvénile qui se moyen d’augmenter l’efficacité hydrodynamique de ces termine avec la sécrétion de la loge d’habitation mature. organismes par induction d’une transformation du courant d’eau Classiquement, la coquille juvénile est plus comprimée et d’un régime laminaire à un régime turbulent pour les plus faibles involute que la néanoconque et presque toujours pourvue d’une vitesses de déplacement (Chamberlain & Westermann, 1976). ornementation. Chez de nombreux taxons, l’espacement interseptal est plus ou moins constant, mais le nombre de Ontogenèse cloisons peut varier au sein d’une même espèce. La loge d’habitation des individus matures est en général Au cours de son ontogenèse, la coquille des ammonoïdes affectée par diverses modifications ontogénétiques. Elles subit des transformations plus ou moins profondes qui peuvent interviennent, notamment, sur : se traduire par des variations de l’ornementation, des (1) l’enroulement (crochet et hampe des Scaphitidae) ; changements d’enroulement (hétéromorphes) et par (2) la section du tour (élargissement de la loge d’habitation) ; l’apparition de structures péristomiales singulières, comme les (3) l’ornementation (diminution ou augmentation de la apophyses latérales de nombreux néoammonoïdes mâles du costulation). Jurassique (Lebrun, 1997 + références). Parallèlement, on peut observer : Cette ontogenèse peut être décomposée en quatre stades (1) une constriction adorale et/ou un épaississement adoral principaux (Westermann, 1996) : (1) l’ammonitelle, de la conothèque ; embryonnaire, généralement subsphérique, consistant en une (2) la formation de structures propres au péristome ultime loge initiale et trois quarts à un tour et quart du phragmocône ; (rostre de certains néoammonoïdes jurassiques, apophyses (2) la néanoconque, généralement planorbicône et faiblement latérales) ; ornementée, faisant suite à l’éclosion, avec 2,5 à 3,5 tours (3) des transformations dans la constitution de la coquille ; supplémentaires ; (3) le stade juvénile, correspondant à la fin (4) une approximation septale secondaire correspondant à de l’ontogenèse juvénile ; (4) le stade adulte, se terminant par une réduction progressive de la distance interseptale pouvant l’acquisition de la loge d’habitation mature, en principe s’accompagner d’une simplification de la suture cloisonnaire ; pourvue d’un nombre plus ou moins élevé de caractéristiques (5) un épaississement de la dernière cloison (chez certains singulières (cf. infra). ammonoïdes, les deux derniers nacrosepta sont si proches Depuis la fin des années 1960, il paraît évident que le qu’ils sont difficiles à individualiser et ils forment alors un développement des ammonoïdes, tout comme celui des septum bifurqué) ; céphalopodes actuels, était direct, l’éclosion suivant (6) le développement d’empreintes musculaires qui peuvent immédiatement la formation de la constriction et de la varice apparaître pour la première fois ou être nettement plus primaires situées, approximativement, à un tour de la loge distinctes que sur le phragmocône. initiale. Comme chez le nautile récent, les modifications

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ontogénétiques affectant la coquille mature des ammonoïdes des groupes, plus ou moins analogues à ceux qui sont exprimés indiquent que les structures décrites précédemment étaient en fin de croissance chez le nautile adulte. On peut admettre liées à l’acquisition de la maturité sexuelle et que la croissance qu’une ammonite (ou n’importe quel autre organisme animal était déterminée (Callomon, 1963 ; Makowski, 1963 – cf. complexe) est adulte lorsque sa maturité sexuelle est atteinte ; à infra “Une coquille d’ammonite adulte”), sauf chez les cet état sont liés des caractères sexuels “secondaires”, Phylloceratina où les individus de très grande taille semblent en fondamentaux car ceux-ci correspondent à des modifications être totalement dépourvus (Stevens, 1988 ; Westermann, 1971). ornementales ou autres, directement visibles sur la coquille. Remarque : chez les ammonoïdes adultes, ces modifications Certains de ces caractères sont plutôt faciles à observer, car sont généralement interprétées comme des changements portés par la partie externe de la coquille. D’autres, dont le plus fonctionnels influençant le dernier stade ontogénétique, supposé fondamental, sont liés à l’observation de la suture (tracé fortement spécialisé et s’étendant souvent sur une longue externe de chaque cloison du phragmocône) ; il s’agit période. Selon Westermann (1996), chez les formes plani- évidemment d’une structure interne, et son observation dépend spiralées et de nombreux hétéromorphes, les modifications de la conservation du fossile : paradoxalement, les ammonites matures sont interprétées comme une amélioration ou une “trop bien conservées”, dont la coquille est présente et robuste, altération des adaptations juvéniles. Une augmentation de la ne permettent pas de trancher (cf. par ex. Courville & Lebrun, stabilité hydrostatique serait obtenue soit par une réduction de la 2010). L’idéal est d’avoir entre les mains de bons moulages longueur relative de la loge d’habitation et/ou un abaissement du internes, ce qui est le plus souvent le cas avec les ammonites centre de gravité par rapport au centre de flottabilité, soit par un callovo-oxfordiennes de l’Est de la France. déroulement partiel ou total, graduel ou brusque, une modification de la largeur et de courbure transverse de formes Modifications suturales : on sait que l’acquisition de l’état initialement carénées ou un épaississement terminal de la adulte se traduit par un fort ralentissement, ou un arrêt, de la coquille (varice). Une amélioration des caractéristiques croissance en taille. Chez les ammonites, ceci se traduit par une dynamiques (accélération, vitesse, freinage) résulterait d’une taille maximale (moyenne, avec une certaine variation comme réduction de la traînée, induite par un rétrécissement et un pour n’importe quel caractère, chez n’importe quel organisme). remaniement de l’aire ombilicale, ou d’une compression de la Le ralentissement ou l’arrêt de la production calcaire (de section du tour, par le développement d’un ventre aigu ou coquille), se traduit par une modification ou une atténuation faiblement arrondi et/ou par une réduction de l’ornementation. sensible, par exemple, de l’ornementation. Pour les ammonites, Une accentuation de l’ornementation, le développement d’une certains éléments sont fabriqués de façon “régulière” ou plutôt constriction péristomiale et d’un épaississement du test (varice) rythmique, notamment les cloisons (internes) et, dans une ainsi que de protubérances (apophyses, rostre, cornes) moindre mesure, la costulation. Ces structures cessent aboutiraient à un renforcement de la protection contre les également d’être fabriquées au moment de l’acquisition de la prédateurs. Enfin, un changement dans la direction de propulsion maturité sexuelle, mais plus tard que le reste de la coquille. Il en découlerait d’une rotation de l’ouverture : (a) de verticale à résulte “mécaniquement” une diminution de l’espace entre les horizontale, par réduction de la longueur de la loge d’habitation cloisons successives en fin de croissance chez les individus (de longidôme à mésodôme) ; (b) d’horizontale à verticale, par adultes. Ce rapprochement (“approximation”) peut affecter développement d’un crochet ; (c) progressive, par épaississement entre 2 et 7 des dernières cloisons du phragmocône adoral de la coquille afin d’abaisser son ouverture. (fig. 9-A2) ; dans beaucoup de cas, on observe que les deux ou trois dernières sont anastomosées l’une avec l’autre. Le plus Dimorphisme et polymorphisme souvent, les éléments suturaux des dernières cloisons sont très modifiés, avec des lobes et selles principaux aplatis et peu L’existence d’un dimorphisme sexuel chez les ammonites découpés. jurassiques et les problèmes qu’il pose ont été largement abordés depuis le 19e siècle (cf. les références historiques synthétisées in Modifications ornementales : dans une certaine mesure, Lebrun, 1997, 2011). Les illustrations principales sont surtout chez les formes ornées, les dernières côtes (structures incluses dans des travaux de la fin du 20e siècle (Makowski, “rythmiques”) peuvent être très modifiées, simplifiées et/ou 1963 : Cardioceratidae ; Tintant, 1963 : Kosmoceratidae ; montrer les mêmes sinuosités que les stries de croissance, et se Callomon, 1963 : Cardioceratidae et Kosmoceratidae). Pour les rapprocher fortement les une des autres. Ces modifications Cardioceratidae, c’est chez Marchand (1986) que l’on trouve les contribuent à épaissir la coquille à l’approche du péristome. développements qualitatifs et quantitatifs les plus détaillés sur le Chez les ammonites adultes, les altérations ornementales en polymorphisme intraspécifique en général et le dimorphisme en fin de croissance sont la règle : parfois une accentuation, sans particulier, même si l’essentiel des concepts développés par doute partiellement liée à la poursuite de la production l’auteur étaient déjà évoqués dans un travail presque synchrone carbonatée alors que celle-ci est de moins en moins utilisée de Callomon (1985). pour l’augmentation de taille de la coquille ; plus D’une manière très générale, les représentants mâles et généralement, la costulation tend à être simplifiée, très femelles des espèces montrant un dimorphisme sexuel évanescente, voire à disparaître totalement, notamment chez prononcé sont surtout faciles à identifier lorsqu’ils sont adultes. les formes de grande taille. Des bourrelets ou sur- Les individus juvéniles sont souvent d’autant plus difficiles à épaississements de la coquille peuvent “ré-apparaître” juste caractériser qu’ils sont jeunes. avant le péristome adulte, c’est-à-dire au moment où la Chez les espèces de céphalopodes actuels, de faibles coquille cesse de grandir. différences de taille adulte existent chez les coquilles de nautiles, en faveur des femelles. Par analogie, dans le cas des Modifications péristoméales : chez les coquilles adultes, ammonites, les coquilles microconques (“petites coquilles”, l’arrêt de la croissance couplée à la poursuite, même atténuée, [m]) sont typiquement rapportées aux mâles, et les de la production carbonatée, induit le développement de macroconques (“grandes coquilles”, [M]) aux femelles. En structures que l’on considère généralement comme des résumé, identifier le caractère [M] ou [m] d’une coquille ne se caractères sexuels secondaires, sans pouvoir évaluer vraiment limite pas à constater que celle-ci est grande ou petite : en l’aspect fonctionnel de celles-ci. Ces structures sont première approche, l’attribution ne sera certaine que si l’on particulièrement développées chez les petites ammonites possède une coquille complètement développée, c’est-à-dire (notamment les [m]) : péristome souvent très sinueux, avec ou qui conserve au moins l’essentiel de sa chambre d’habitation. non sillon et/ou bourrelet pré-péristoméal ; aplatissement et ou compression latérale et dorso-ventrale ; surtout prolongement Une coquille d’ammonite adulte : les critères évoqués ci- de la région latéro-ventrale par un rostre court (Kosmoceratidae) après (fig. 9) ont été largement discutés par Marchand (1986) ; ou très long (Cardioceratidae), et/ou développement de en outre, ils ont été clairement redéfinis pour les Kosmoceratinae prolongements latéraux parfois très longs (“oreillettes” = calloviens dans un travail récent (Courville, 2011). “lappets” des Kosmoceratidae). Pour déterminer une coquille adulte, il existe une batterie Les grandes formes (notamment les [M], chez les de caractères plus ou moins constants ou exprimés en fonction Kosmoceratidae comme chez les Cardioceratidae) sont

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A : Kosmoceratidae [M] = “Catasigaloceras” enodatum (NIKITIN 1881), Callovien inférieur, Haute-Marne ; Dmax = 62 mm ; A1, vue latérale d’un adulte complet ; A2, agrandissement de la jonction phragmocône-chambre d’habitation, montrant l’“approximation” cloisonnaire. B : Kosmoceratidae [m] = “Gulielmiceras” gulielmii (SOWERBY 1821), Callovien moyen, Haute-Marne ; Dmax = 45 mm ; B1, vue latérale ; B2, vue ventrale. C : Cardioceratinae [M] = lamberti (SOWERBY 1819), Callovien supérieur, Dijon, Côte-d’Or ; Dmax = 142 mm. D : Cardioceras bukowskii MAIRE 1938 [m], Oxfordien inférieur, Nord de la Côte-d’Or ; Dmax = 50 mm.

Fig. 9 - Caractères adultes des ammonites. Leur identification est souvent facile sur les moulages internes. Rv, rostre ventral ; Ps, péristome sinueux ; Oo, ouverture de l’ombilic ; Mo, modification de l’ornementation ; Ac, approximation cloisonnaire ; Cln(d), dernière cloison, … Cln-4, 5e cloison avant la fin du phragmocône ; Ch Hab, chambre d’habitation ; Ll : “lappet” latéral. m : début de la chambre d’habitation.

généralement lisses en fin de croissance ; le péristome est parler de “pincement dorso-ventral” : typiquement, la chambre souvent légèrement épaissi, évasé, avec une légère dépression semble se décoller progressivement mais rapidement de pré-péristoméale ; la région ventrale est prolongée par un léger l’avant-dernier tour. En fait, on remarque souvent que seul rostre, et le tracé latéral du péristome est simplement sinueux change la position du côté dorsal du flanc, le côté ventral et parallèle aux stries de croissance ordinaires, sans lappets. poursuivant l’enroulement existant dans les tours précédents. Chez les Kosmoceratidae comme chez les Cardioceratidae, Modifications de la forme générale : la coquille de cette tendance “scaphitoïde” de la chambre est nette, aussi bien l’ammonite adulte montre parfois des changements pour les [M] que les [m]. Sa perception est cependant parfois considérables dans ses proportions, sans doute en partie délicate, notamment pour des coquilles évolutes à enroulement contrôlés par la diminution progressive de la quantité de lent (serpenticônes). carbonate produite par l’animal : (1) le taux de croissance en épaisseur change et diminue, et Notons que les modifications évoquées ci-dessus ne le “tube” est de plus en plus comprimé latéralement à s’expriment pas (par définition !) chez les coquilles juvéniles : l’approche du rostre ; il n’est pas rare d’observer une épaisseur ces dernières auront normalement des proportions comparables maximale de la coquille située un demi-tour avant le péristome, jusqu’à la fin de leur croissance, associées d’ailleurs à une c’est-à-dire à la fin du phragmocône ou au début de la chambre chambre de longueur différente de l’adulte (plus longue ou plus d’habitation, selon les taxons. Cette compression existe chez courte selon les groupes). Chez eux, l’ornementation ne change tous les groupes d’ammonites, mais elle est toujours pas en fin de croissance, et il n’y a pas de véritables plus perceptible à l’œil si les coquilles sont renflées modifications péristoméales. Enfin, naturellement, il n’y a pas (Cardioceratidae épais, par exemple) ; d’approximation des cloisons à la fin du phragmocône. (2) le taux de croissance en hauteur du tour diminue Ces critères utilisables pour reconnaître une ammonite également parfois de façon spectaculaire. On évoque adulte sont donc nombreux, mais ils ne s’expriment pas tous généralement l’ouverture finale de l’ombilic en fin de avec la même acuité chez tous les groupes ; également, en croissance chez la coquille adulte, mais il serait plus correct de fonction de la morphologie, certains caractères seront plus

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1 : Cardioceras bukowskii MAIRE 1938 [m], Oxfordien inférieur, Nord de la Côte-d’Or ; Dmax = 50 mm. Typiquement, les coquilles des microconques complets et adultes sont caractérisées par un ombilic plus ouvert que les macroconques (Oo), une ornementation simplifiée à la fin de la chambre d’habitation (Mo), un péristome sinueux (Ps), et un long rostre ventral (Rv). 2, 3 : dimorphes probables chez C. vertebrale (SOWERBY 1817) [Vertebriceras Auct.], début de l’Oxfordien moyen, Nord de la Côte-d’Or ; 2 : [m] = “Vertebriceras” vertebrale str. s., individu incomplet avec début de la chambre, Dmax = 69 mm ; 3 : [M] probable = “Goliathiceras” microtypa BUCKMAN 1923 ; phragmocône adulte complet, Dmax = 216 mm. Fig. 10 - Expression du dimorphisme sexuel chez les Cardioceratinae.

faciles à observer ou à percevoir que d’autres. En définitive, espèces (parfois chez les sous-genres ou les genres) co-présents l’approximation cloisonnaire est le meilleur argument pour dans un même niveau et dans tous les gisements. En résumé, identifier une coquille adulte. de petites coquilles [m] côtoient des grandes [M]. Chez les Les modifications morphologiques liées à l’état adulte Cardioceratidae, la proportion [m]/[M] (= sex-ratio) varie induisent parfois de fortes convergences entre des groupes souvent d’un gisement à l’autre, en fonction de leur âge ou des différents ; si ces caractères sont, comme tous les autres, contraintes environnementales locales. Normalement, les importants pour identifier un taxon, il faut bien peser leur coquilles se distinguent par leur taille, avec un ratio oscillant impact avant de les utiliser pour une détermination. entre 1:4 et 1:7 chez les Cardioceratidae. Dans quelques cas (cf. les formes de la fin de l’Oxfordien inférieur), [M] et [m] Dimorphisme chez les Cardioceratinae : une fois sont très difficiles à distinguer. Les différences morphologiques identifiées les coquilles adultes, on constate qu’il existe apparentes sont évidemment fortes (fig. 10) : seules les petites normalement deux sous-ensembles à l’intérieur de chacune des formes sont ornées (les [m]), tandis que les grandes perdent

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Quenstedtoceras du début de la Zone à Lamberti (Callovien supérieur) de Haute-Marne. 1, 2, 3 : [M] ; respectivement, a = vue latérale ; b = vue ventrale. 1 : “morphe mince” sensu Marchand 1986 = Q. praelamberti DOUVILLÉ 1912, phragmocône adulte complet, Dmax = 115 mm ; 2 : “morphe moyen” = Q. cf. ordinarium LECKENBY 1859, adulte complet, Dmax = 153 mm ; 3 : “morphe épais” = Q. sutherlandiae SOWERBY 1827, adulte avec une partie de la chambre d’habitation, Dmax = 142 mm ; 4, 5 : [m] correspondants ; 4 : “morphe mince” = Q. cf. lamberti (SOWERBY 1819), adulte presque complet, Dmax = 52 mm ; 5 : “morphe épais” = Q. cf. vertumnum LECKENBY 1859, adulte presque complet, Dmax = 45 mm. Toutes ces formes “faciles” à distinguer morphologiquement, peuvent illustrer la variabilité intraspécifique d’une seule espèce biologique ; au sens moderne, il s’agit de Q. praelamberti DOUVILLÉ 1912 sensu Marchand, 1986 ; toutes ammonites récoltées dans un même banc caractérisant l’Horizon à Praelamberti.

Fig. 11 - Expression du polymorphisme non sexuel (épaisseur relative de la coquille) chez les Cardioceratinae (sensu Marchand, 1986).

totalement leur ornementation, en général entre 80 et 150 mm. Remarque : il va de soit que le traitement des différences Des modifications ornementales importantes peuvent morphologiques évidentes entre [M] et [m] a induit l’utilisation caractériser la fin de la croissance des [m] également (côtes de noms différents pour désigner des ammonites en principe simplifiées et rapprochées). dimorphes, appartenant donc à la même espèce (biologique). Au Proportionnellement, l’ombilic des [m] est plus ouvert que fil des révisions et des ré-interprétations, la systématique devrait celui des [M], particulièrement lorsque ces derniers n’ont pas donc se simplifier et le nombre de noms utilisés diminuer conservé leur chambre d’habitation (caractère adulte, cf. supra). fortement : cette tendance a été souvent suivie, notamment après Egalement, l’aspect des péristomes est très différent, les les travaux de Callomon (1985) et les riches illustrations péristomes adultes des [M] étant simplement sinueux avec un apportées par Marchand (1986). Pourtant, si cette tendance court rostre ventral ; par contre, ceux des [m] montrent un répond bien à une contrainte imposée par les règles concernant rostre fin et étroit, atteignant chez certaines formes un demi la nomenclature zoologique (cf. in Lebrun, 1997, 2011), elle est tour et tendant à se replier sur le tour précédent (Arkell, 1946). peu respectée dans les travaux récents. La raison semble Pour “apparier” deux coquilles ou formes récoltées double : d’abord, grande difficulté pour apparier deux formes ensemble dans un même banc et systématiquement dans les strictement ; ensuite et surtout, utilisation plus commode des autres gisements, il faut être en mesure de montrer qu’elles noms très typologiques (espèces, mais aussi, éventuellement, peuvent être morphologiquement identiques au moins lors sous-genres ou genres), chez un des groupes les plus d’une étape de leur croissance. Pour ce faire, il faut performants pour la datation bio- et chronostratigraphique. évidemment “démonter” les [M] et les comparer aux [m] à un diamètre équivalent ; à une même taille, les ornementations Polymorphisme non sexuel : chez les Cardioceratidae, une sont en principe comparables. On n’oublie pas que les tendance récente (ibidem), liée aux travaux de Callomon (1985) différenciations portées par la chambre de la coquille adulte et surtout Marchand (1986) a souvent consisté à désigner toutes altèrent l’ornementation comme la forme : la comparaison sera les formes présentes dans un même horizon biostratigraphique plus pertinente si elle est réalisée sur des phragmocônes sans indivisible, par un seul nom d’espèce. De fait, chaque espèce est chambre d’habitation. extrêmement (excessivement ?) polymorphe, et correspond à un

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transiant n’ayant qu’une réalité conceptuelle, chronologique. Le ci existe toujours, comme l’a parfaitement illustré Callomon problème essentiel de cette approche (particulièrement si elle (1985). Comme l’avait envisagé déjà Makowski (1963), la est basée sur un traitement purement quantitatif ou morphologie finale des adultes dépend de variations morphométrique) est qu’elle masque la présence simultanée intervenant pendant la croissance (disharmonies fortes pour le éventuelle de plusieurs taxons très proches, et qu’elle permet taux de croissance en épaisseur) : les minces gardent les difficilement de distinguer des formes ou taxons allochtones, mêmes proportions au cours de toute leur croissance ; chez les issus de régions plus ou moins lointaines. moyens, ce taux augmente vers 40-50 mm, puis se stabilise ; Ceci dit, l’approche la plus aboutie est celle qui a été chez les épais, ce taux tend à augmenter pendant l’essentiel de proposée par Marchand (1986). Appliquée à tous les la croissance. Cardioceratinae d’Europe occidentale et particulièrement Le polymorphisme lié à l’épaisseur existe également chez pertinente pour les Quenstedtoceras de la fin de la Zone à les [m] (fig. 11-4,5), mais il est moins nettement exprimé. Lamberti (Callovien supérieur), elle est basée sur l’étude Comme Marchand l’a montré, on rencontre des formes [m] simultanée des nombreux individus constitutifs de plusieurs d’épaisseur variable, mais pratiquement toutes sont minces ; populations séparées dans le temps, dont certaines issues de les épais sont rares ou exceptionnels, et leurs proportions l’Est du Bassin parisien. relatives n’atteignent pas celles des [M] épais. Dans la mesure Entre autre résultat, l’auteur admet que toutes les où les [m] n’excèdent que rarement 40-50 mm, on peut justifier populations de Quenstedtoceras sont structurées autour de trois cette observation en notant qu’à 50 mm, les Quenstedtoceras ensembles principaux ayant le statut de “morphes”, bien [M] possèdent les mêmes proportions… On peut noter que caractérisés par leur épaisseur (fig. 11). Ce “trimorphisme” chez les Cardioceratidae de l’Oxfordien inférieur et moyen, il intraspécifique, traduit la coexistence et la surreprésentation de existe parfois des [m] très épais (fig. 10-2), morphologie trois types morphologiques que résument bien les termes absente du registre callovien. Ce fait est à relier avec “mince”, “moyen” et “épais”. Si ces pôles sont tous trois sur- l’existence de [M] géants dans les mêmes périodes, ammonites représentés parmi les récoltes, elles ne le sont pas de façon beaucoup plus grandes que leurs homologues calloviennes. équivalente : en général, les minces sont très abondants, les Comme pour le dimorphisme sexuel, ce type d’approche moyens plus rares, et les épais rares ou exceptionnels. Les devrait induire une modification forte de la nomenclature et de proportions peuvent évidemment varier d’un prélèvement à la systématique des groupes considérés : en général, l’épaisseur l’autre, en fonction de contraintes “écologiques”. Bien sûr, est un critère essentiel pour distinguer les espèces, mais aussi l’étendue de la variabilité intraspécifique induite par la et surtout les sous-genres et même les genres qui sont toujours structuration autour de trois morphes ne doit pas masquer la utilisés à des fins bio-chronologiques (cf. 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