VersVers uneune mobilitémobilité durabledurable enen EuropeEurope © IAU île-de-

N° 150 - mars 2009 trimestriel numéro double - 30 € ISSN 0153-6184 www.iau-idf.fr er PUBLICATION CRÉÉE EN 1964 Composition du conseil d’administration au 1 mars 2009 MARS 2009 Directeur de la publication Président François DUGENY M. Jean-Paul HUCHON Directrice de la communication Corinne GUILLEMOT (01 77 49 76 16) [email protected] Président du conseil régional d’Île-de-France Responsable des éditions Frédéric THEULÉ (01 77 49 78 83) [email protected] Rédactrice en chef Bureau Sophie MARIOTTE (01 77 49 75 28) [email protected] • 1er vice-président Coordinatrice Sophie LAURENT (01 77 49 75 74) [email protected] M. Daniel CANEPA Préfet de la région d’Île-de-France, préfet de Secrétaires de rédaction Marie-Anne PORTIER (01 77 49 79 52) [email protected] Agnès FERNANDEZ 2e vice-président Presse M. Jean-Claude BOUCHERAT Catherine GROLÉE-BRAMAT (01 77 49 79 05) [email protected] Président du conseil économique et social régional d’Île-de-France Fabrication Sylvie COULOMB (01 77 49 79 43) [email protected] 3e vice-présidente Maquette, illustrations Agnès CHARLES (01 77 49 79 46) [email protected] Mme Mireille FERRI, vice-présidente du conseil régional chargée Cartographie de l’Aménagement du territoire, de l’Égalité territoriale, des Contrats régionaux Jean-Eudes TILLOY (01 77 49 75 11) [email protected] et ruraux Indira SIVASOUBRAMANIANE (01 77 49 77 42) [email protected] Bibliographies Trésorier : M. Robert CADALBERT Christine ALMANZOR (01 77 49 79 20) [email protected] Linda GALLET (01 77 49 79 63) [email protected] Médiathèque – photothèque Secrétaire : M. François LABROILLE Claire GALOPIN (01 77 49 75 34) [email protected] Aurélie LACOUCHIE (01 77 49 75 18) [email protected] Impression Point 44 • Conseillers régionaux Couverture Titulaires : Suppléants : Olivier CRANSAC (01 77 49 75 16) [email protected] M. Gilles ALAYRAC Mme Jeanne CHEDHOMME Photo : © ZIR/SIGNATURES M. Robert CADALBERT Mme Aude ÉVIN Commission paritaire n° 811 AD ISSN 0153-6184 Mme Marianne LOUIS M. Olivier GALIANA © IAU île-de-France M. Stéphane PRIVÉ M. Daniel GUÉRIN Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés. Les copies, reproductions, citations Mme Christine REVAULT-d’ALLONNES M. Philippe KALTENBACH intégrales ou partielles, pour utilisation autre que strictement privée et individuelle, sont illicites sans Mme Mireille FERRI M. Jean-Félix BERNARD autorisation formelle de l’auteur ou de l’éditeur. La contrefaçon sera sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal (loi du 11-3-1957, art. 40 et 41). M. Guy BONNEAU Mme Francine BAVAY Dépôt légal : 1er trimestre 2009 M. François LABROILLE M. Alain ROMANDEL Diffusion, vente et abonnement : Mme Christine MAME M. Jean-Yves PERROT Olivier LANGE (01 77 49 79 38) [email protected] Mme Nathalie BOULAY-LAURENT Mme Sylviane TROPPER France Étranger Le numéro : 18 € 20 € M. Jean-Jacques LASSERRE M. Michel CAFFIN Le numéro double : 30 € 32 € M. Éric AZIÈRE M. Pierre Le GUERINEL Abonnement pour 4 numéros : 72 € 84 € Étudiants (Photocopie carte de l’année en cours, tarif 2008) : 50 € M. Jean-Michel DUBOIS M. Dominique JOLY Sur place : Librairie ÎLE-DE-FRANCE, accueil IAU - 15, rue Falguière, Paris 15e (01 77 49 77 40) Par correspondance : INSTITUT D’AMÉNAGEMENT ET D’URBANISME DE LA RÉGION D’ÎLE-DE-FRANCE • Le président du conseil économique et social régional 15, rue Falguière - 75740 Paris Cedex 15 M. Jean-Claude BOUCHERAT Abonnement et vente au numéro : http://www.iau-idf.fr • Deux membres du conseil économique et social régional Bulletin d’abonnement Titulaires : Suppléants : M. Michel LANGLOIS M. Jean-Pierre HUBERT Souhaite s’abonner pour un an (3 numéros + 1 numéro double) M. Pierre MOULIÉ Mme Nicole SMADJA aux Cahiers de l’IAU île-de-France Nom ------• Quatre représentants de l’État M. Daniel CANEPA, préfet de la Région d’Île-de-France, préfet de Paris ; Organisme ------Mme Sylvie MARCHAND, directrice régionale de l’Insee, représentant le ministre Adresse ------chargé du Budget ; Code postal ------Localité ------M. Pascal LELARGE, directeur régional de l’Équipement d’Île-de-France, préfet, Pays ------représentant le ministre chargé de l’Urbanisme ; Mél. - - - - -© ------IAU ------île-de-France ------Monsieur le représentant du ministre chargé des Transports : N. Tarifs abonnement • Quatre membres fondateurs France : 72 € Le gouverneur de la Banque de France, représenté par M. Guy CASTELNAU ; Étranger : 84 € Le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, Étudiant : 50 € (photocopie de la carte de l’année en cours) représenté par M. Claude BLANCHET, directeur interrégional ; Le gouverneur du Crédit foncier de France, Commande d’anciens numéros représenté par M. Patrick BAYON DE LA TOUR ; France : 18 € Étranger : 20 € Le président du directoire du Crédit de l’équipement des PME N° 149 N° 148 représenté par M. Henry SAVAJOL. France : 36 € Étranger : 38 € Le président de la chambre de commerce et d’industrie de Paris, N° 147 N° 146 N° 145 N° 144 • représenté par M. Jean-Claude KARPELES Éditorial

La mobilité : un enjeu métropolitain

L’Île-de-France est la première écorégion d’Europe. Relever ce défi nécessite de penser une métropole durable et robuste, de promouvoir une agglomération compacte, une qualité urbaine accrue, de renforcer les solidarités territoriales, de prendre en compte les problématiques environnementales, climatiques, énergétiques.

Dans tous ces domaines, la mobilité joue un rôle majeur. L’Île-de-France, à l’instar d’autres métropoles européennes, l’a bien compris.

Une nouvelle culture urbaine doit naître, adaptée aux différentes échelles de la métropole, de la proximité aux grands territoires, nécessitant d’améliorer desserte, performances et régularité, de promouvoir circulations douces et voies navigables, de développer une logistique urbaine efficace et respectueuse de son environnement.

En Île-de-France, les transports représentent le premier budget du conseil régional. Depuis sa décentralisation, le Stif, autorité organisatrice des transports, a pris des mesures sans précédent en termes de renouvellement de matériel, de fréquence et de qualité de service, de tarification sociale. La mise en service, à l’automne 2009, de la première rame du « train du futur », le Francilien, est un symbole fort du renouveau des transports publics en Île-de-France.

Face au défi de l’avenir, ces efforts considérables doivent être encore accélérés. C’est ce que j’ai indiqué aux équipes qui réfléchissent au devenir de notre métropole dans le cadre de la consultation du « Grand pari de l’agglomération parisienne ».

Pour améliorer le quotidien immédiat des Franciliens, j’ai proposé, dès le mois de juin 2008, un plan de mobilisation de 18 milliards d’euros pour les transports en commun en Île-de-France. Ce plan, élaboré avec la ville de Paris, les conseils généraux, la RATP, la SNCF et le réseau Optile, vise à mieux structurer la métropole et à anticiper la hausse prévisible de fréquentation des transports en commun.

Parallèlement, une attention particulière doit être apportée au développement des modes de transport de fret alternatifs à la route, garant d’un développement durable de notre région, au carrefour des communications nationales et internationales, dans le contexte de la construction d’un réseau transeuropéen de transports © IAU dontîle-de-France les Régions doivent être le principal moteur aux côtés des États. Pour que cette mobilité soit durable et accessible à tous.

Jean-Paul Huchon Président du conseil régional d’Île-de-France Président du Syndicat des transports d’Île-de-France Président de l’IAU île-de-France

1 Avant-propos

Pour une mobilité répondant aux défis de la métropole

« Les villes européennes sont toutes différentes. Mais elles font face à des défis similaires et sont à la recherche de solutions partagées. » Vers une nouvelle culture de la mobilité urbaine, Livre vert de la Commission européenne, 2007.

La mobilité est, certes, une question d’infrastructures. Mais c’est aussi une question de comportements, et de coordination de l’action, de régulation des flux par des moyens multiples, comme le stationnement ou le péage par exemple.

En Île-de-France, la dynamique de croissance du trafic routier des personnes est désormais inférieure à celle des transports en commun : les seniors sont motorisés, l’accession des femmes au marché du travail est acquise, la périurbanisation se ralentit, et on commence à tirer bénéfice de la politique mise en œuvre pour les transports en commun. Pour les marchandises, la dynamique est différente car elle est liée aux évolutions économiques et à la nature des biens transportés, avec un véritable enjeu pour la diffusion sur les lieux mêmes de consommation.

Aujourd’hui, à toutes les échelles de la métropole, le défi repose sur l’anticipation de comportements de mobilité prenant en considération les enjeux environnementaux, de cohésion sociale et d’accès à l’emploi des populations non motorisées, mais aussi les enjeux économiques face à la saturation des réseaux tant routiers que ferrés. C’est dans cet esprit que le projet de schéma directeur régional a intégré la nécessaire interaction entre formes urbaines, organisation des transports et manières de se déplacer. Cet objectif, qui préside aussi au plan de déplacements urbains d’Île-de-France, vise à diminuer le trafic automobile, à augmenter la part des transports collectifs, à favoriser la marche et le vélo comme modes de transport urbain à part entière.

Le défi consiste aussi à identifier et mettre en œuvre des solutions innovantes pour financer les projets d’infrastructures en Île-de-France.

Par sa bonne connaissance des différents aspects de la mobilité et des grands projets urbains dans nombre de métropoles européennes et du monde, l’IAU île-de-France s’attache à éclairer le cas francilien. Au moment où le projet de Sdrif promeut une politique des déplacements au service© du projet spatialIAU régional, il était opportunîle-de-France de consacrer un numéro des Cahiers à ce thème pour accompagner les différents acteurs dans la mise en œuvre d’une mobilité durable.

François Dugeny Directeur général de l’IAU île-de-France

2 Prologue Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150

Il y a presque dix ans…

En 2000, l’Iaurif consacrait deux numéros successifs de ses Cahiers (n° 127 et 128) aux «transports dans les grandes métropoles». Feuilleter ces documents aujourd’hui, c’est prendre conscience des permanences de notre vision des choses, mais aussi de ses évolutions. De quoi parlait-on à l’époque? Comme aujourd’hui, de gouvernance (on se conten- tait du terme «institutions») et de financement. On attendait beaucoup de la décen- tralisation des transports collectifs, qui venait de se produire à Londres et que l’on espérait encore pour l’Île-de-France. C’est chose faite et on peut juger de ses béné- fices. Les besoins financiers considérables des métropoles de rang mondial pour moderniser et étendre leurs réseaux de transport collectif, afin de conserver leur dynamisme économique, étaient illustrés par New York et Londres. Les plans de mobilisation de la Région Île-de-France ou du nouveau maire de Londres témoignent aujourd’hui d’un sujet toujours actuel et toujours sans véritable ressource nouvelle et pérenne. On attendait de l’introduction de la concurrence des fonctionnements plus efficaces. C’est ce qu’on escompte pour le ferroviaire, mais on sait pour les réseaux urbains que la clé se trouve du côté de la relation contractuelle entre l’au- torité publique et l’exploitant, qu’il soit public ou privé. Traitant du lien entre aménagement et déplacements, on constatait la part grandis- sante de la voiture particulière dans les déplacements des Franciliens, conséquence du desserrement spatial des populations. Pour des raisons démographiques et parce que nos efforts ont payé, ce phénomène est probablement enrayé, mais l’étalement urbain persiste et c’est aujourd’hui la croissance de la fréquentation des transports collectifs, avec les saturations qu’elle entraîne, qui est problématique. Le poids crois- sant des déplacements de banlieue conduisait à juste titre à mettre déjà l’accent sur les besoins de liaisons de rocade: Berlin et Tokyo venaient à l’appui des plaidoyers en ce . On est conscient, aujourd’hui, que les besoins des habitants de la ban- lieue ne relèvent pas uniquement des transports collectifs lourds et portent aussi sur des déplacements de plus courte portée, internes aux bassins de vie. Ceux qu’on avait commencé à appeler les modes doux trouvaient leur place dans ces Cahiers, mais, curieusement, le vélo était le seul représentant de cette catégorie: pas d’article sur les piétons, et l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite se limitait aux trans- ports collectifs. Depuis, c’est de code de la rue et de management de la mobilité dont il est question. Lorsqu’on parle d’alternatives à l’automobile «solo», c’est plus sous la forme de nouveaux services, Vélib ou autopartage, que de moyens de transport. Instrument de régulation des circulations automobiles ou moyen de financement complémentaire, les péages urbains apparaissaient plus exotiques qu’aujourd’hui, voire utopiques. Entre-temps, Londres, puis Stockholm leur ont donné crédibilité tout en confirmant leurs limites financières, mais la véritable nouveauté réside dans les péages environnementaux en service à Milan et à Londres encore. Enfin, le plus frappant est sans doute la place accordée aux transports de marchan- dises: trois courts articles dans la partie traitant des congestions routières! C’est en fait l’expression «mobilité durable» utilisée dans le titre de cet ouvrage qui © IAUreflète le mieux île-de-Francel’évolution des esprits. En 2000, elle ne se trouvait que dans l’arti- cle sur le projet de PDUIF.Considéré comme une innovation parce qu’il traitait pour la première fois de déplacements dans une région où «la tendance a longtemps été de confondre politique des transports et programmation d’investissements, […] ses chances de réussite, écrivait-on en conclusion, dépendront de la capacité [des institutions agissant au niveau départemental ou régional, des communes et du monde économique] à concrétiser, au sein de structures opérationnelles décentra- lisées, les grandes orientations». Quoi de plus actuel?

Alain Meyère IAU île-de-France 3 Sommaire

Éditorial : La mobilité : un enjeu métropolitain ORGANISER ET FINANCER LES TRANSPORTS COLLECTIFS Jean-Paul Huchon ...... 1 Gouvernance des transports publics urbains en Europe Alain Meyère ...... 34 Avant-propos : Pour une mobilité répondant aux défis de la métropole Tarification et morphologie urbaine : François Dugeny ...... 2 un choix francilien cohérent Caroline Lemoine ...... 38 Prologue : Il y a presque dix ans… À la recherche de ressources pour les transports Alain Meyère ...... 3 collectifs Alain Meyère ...... 39 Financer par les contrats PPP les ouvrages de transport Frédérique Prédali ...... 43

OPTIMISER LA CIRCULATION ET LE STATIONNEMENT Agir dans un contexte Optimiser l’exploitation routière en Île-de-France Jean-Paul Coindet, Denis Verrier ...... 47 qui évolue La gestion dynamique des voies : que se passe-t-il à l’étranger ? Île-de-France : des investissements Jacques Nouvier ...... 48 pour une mobilité durable Réguler les flux automobiles par le stationnement Interview de Serge Méry ...... 8 Éric Gantelet, Christophe Begon ...... 52 Mobilité durable : les autorités de transports européennes en marche PÉAGES URBAINS : UN INSTRUMENT POUR FAIRE QUOI ? Interview de Hannu Penttilä ...... 10 Péages urbains : des modalités adaptées La mobilité des Franciliens : aux objectifs recherchés une rupture des comportements ? Caroline Lemoine ...... 57 Jérémy Courel ...... 12 Grand Londres : deux péages, deux objectifs distincts Mobilité dans les pays européens : Caroline Lemoine ...... 60 des tendances similaires ? Interview de Jean-Marie Guidez ...... 13 RÉDUIRE LES NUISANCES LIÉES AU TRANSPORT Les grandes tendances de la mobilité des marchandises Bruit des transports : Lydia Mykolenko ...... 15 défi commun pour les agglomérations en Europe Erwan Cordeau ...... 62 La qualité de l’air dans les métropoles européennes Arthur de Pas, Karine Léger ...... 63 Changement climatique, un défi pour l’action locale Offrir un cadre Erwan Cordeau ...... 66 favorable

Accepter de vivre avec ce qu’on produit et ce dont on a besoin Interview de Mireille Ferri ...... 18 Offrir des services Le lien urbanisme-transport dans le projet de Sdrif Dominique© Riou ...... IAU...... île-de-France...... 20 attractifs et durables ARTICULER TRANSPORT ET AMÉNAGEMENT Des contextes institutionnels et financiers contrastés Les autorités de transport, garantes d’une offre durable Interview de Sophie Mougard ...... 72 Jean-Pierre Chauvel ...... 22 Articuler urbanisme et transport : quels outils ? FAIRE FACE AUX DEMANDES DE TRANSPORTS COLLECTIFS Sophie Laurent ...... 23 Londres, Paris : Après Kyoto, recherche ville écomobile… performance des transports collectifs Paul Lecroart ...... 27 Danièle Navarre ...... 75 Habiter ou travailler près d’une gare : Le bus dans l’offre de transports collectifs : effet sur le choix modal un rôle d’avenir ? Dany Nguyen-Luong, Jérémy Courel ...... 32 Sophie Laurent ...... 79 4 Sommaire

Mobilien : un concept en mal de réalisations Dominique Rascoll ...... 83 Sites propres bus sur autoroute : une solution d’avenir ? Accueillir le transport Robert Allio ...... 84 La desserte des aéroports en transports collectifs : des marchandises un besoin Danièle Navarre ...... 88 Le Grand Bassin parisien, une vision stratégique interrégionale Aéroport Berlin-Brandebourg International : Interview de Claude Gewerc ...... 124 desserte ferrée optimisée Jürgen-Peter Hiller ...... 92 LE COMMERCE MONDIAL ET LES PORTES D’ENTRÉE MARITIMES

DÉVELOPPER DES OFFRES ALTERNATIVES Le commerce mondial et l’enjeu des ports maritimes Lydia Mykolenko ...... 127 Management de la mobilité : perspectives franciliennes Conteneurisation, mondialisation et métropolisation Céline Meunier ...... 94 Antoine Frémont ...... 130 Management de la mobilité : Le port d’Anvers, porte d’entrée maritime de l’Europe une dynamique qui s’amplifie en Europe Annick Dirkx ...... 134 Interview de Karl-Heinz Posch ...... 96 CMA-CGM : un poids lourd dans l’industrie Gérer la mobilité à Londres du transport par conteneurs Matthew Prince ...... 100 Interview de CMA-CGM ...... 136 Vers des usages partagés de la voiture LA CONSTITUTION DES GRANDS CORRIDORS DE FRET Muriel Mariotto, Robert Clavel ...... 101 Les grands corridors européens de fret : Vélos partagés : quels enjeux ? une floraison d’initiatives dans le monde entier Lydia Mykolenko ...... 139 Didier Couval ...... 105 Vers une meilleure combinaison fer-fluvial Taxis et transports publics en Île-de-France : Interview de Jean-Damien Poncet ...... 143 quelle articulation ? Interview de Jean-Michel Paumier ...... 106 Quel avenir pour le transport routier de marchandises ? Taxis de Londres, Madrid, Berlin : Michel Savy ...... 146 des idées pour l’Île-de-France Frédérique Prédali ...... 107 Veolia Cargo : un acteur phare de l’activité fret en Europe Les automobiles de demain : Interview de Antoine Hurel ...... 151 des voitures propres et partagées ? Alain Morcheoine ...... 110 UNE LOGISTIQUE URBAINE INNOVANTE Des terminaux inland au cœur des villes CONTRIBUER À UNE VILLE PLUS ACCESSIBLE Lydia Mykolenko ...... 156 Quelles politiques d’accessibilité au transport Logistique urbaine, en Europe ? les villes européennes se mobilisent Éric Heyrman, Claude Marin-Lamellet ...... 112 Laetitia Dablanc ...... 158 Accessibilité des systèmes de transports : Le plan fret de Londres, un exemple d’action : le FORS un nivellement par le haut Corinne Ropital, Julie Raffaillac ...... 163 Interview de Christiane Briaux-Trouverie ...... 114 Monoprix : L’avenir des rues: un engagement en faveur d’une mobilité durable mixité et cohabitation de tous les usagers Interview de Catherine Rivoallon ...... 165 Jérôme Bertrand ...... 116 Livrer en zone urbaine par modes alternatifs : La marche, mode d’avenir deux cas nord-européens Véronique Michaud© ...... IAU ...... île-de-France ...... 118 Corinne Ropital ...... 167 Le port de Bruxelles teste le transport de palettes par voie d’eau Geneviève Origer ...... 168

Ressources

Bibliographie ...... 170 5 © IAU île-de-France Agir dans un contexte qui évolue

Les années qui viennent de s’écouler ont très clairement marqué une rupture dans la vision que les décideurs techniques et politiques ont des systèmes de déplacement et des réseaux de transport. Cette rupture se lit également dans les comportements de mobilité des personnes et s’est manifestée un peu plus tardivement dans le domaine du fret. Aux préoccupations d’équité sociale, de performance économique et d’aménagement du territoire sont venus s’ajouter les défis de l’environnement et du changement climatique. L’hégémonie automobile, dans les esprits comme dans les espaces publics des villes, a commencé à être remise en cause non seulement en France, mais aussi dans plusieurs autres pays européens comme en Allemagne ou en Suisse. Les acteurs des chaînes de transport, sans doute aiguillonnés par le contexte économique, sont plus disposés que par le passé à reconsidérer leurs choix modaux. En réalité, ce sont nos sociétés toutes entières, dont les modes de vie et les valeurs évoluent, qui font qu’on ne pense plus la mobilité aujourd’hui en Europe comme on concevait les transports © IAU île-de-Franceil y seulement dix ans.

7 Agir dans un contexte qui évolue Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150

Île-de-France : des investissements pour une mobilité durable

Les Cahiers – La Région d’Île-de-France 2006. Le syndicat a su également instaurer une a réagi au livre vert de la Commission vraie relation partenariale avec la RATP et la européenne Vers une nouvelle culture de la SNCF au travers des contrats conclus en 2008, mobilité urbaine. Pourquoi était-il qui prévoient un budget de transport de 7 mil- important de faire cette réponse ? liards d’euros, dont 2,5 milliards pour le maté-

Région Île-de-France Serge Méry – L’aménagement durable du ter- riel roulant. Ainsi, pour la SNCF, nous aurons ritoire régional francilien est une priorité forte renouvelé ou rénové, d’ici sept ans, l’ensemble Interview de la Région. Le secteur des transports est res- des trains circulant en Île-de-France, alors qu’un ponsable d’une part significative de la crois- retard colossal dans ce domaine avait été accu- sance des gaz à effet de serre en France. C’est mulé par l’État depuis plus de vingt ans. L’arri- pourquoi nous devons travailler sur une nou- vée du train du futur, le «Francilien», constitue Serge Méry est vice-président velle culture de la mobilité urbaine, en déve- également une démonstration de la politique du conseil régional loppant les transports en commun pour trouver ambitieuse menée. Sa mise en service commer- d’Île-de-France en charge une alternative à l’automobile, mais aussi en ciale est prévue avant la fin de l’année sur le des transports favorisant les circulations douces et en aména- réseau de Paris Nord. Je rappelle par ailleurs et de la circulation geant les voies d’eau. Dans un tel contexte, la que nous avons doublé les contributions depuis 1998, premier Région Île-de-France n’a pu que réagir favora- publiques depuis 2006, là où l’État les avait blo- vice-président du Syndicat blement au livre vert proposé par la Commis- quées. Toutes ces mesures participent grande- des transports d’Île-de-France sion européenne. Elle s’est associée au Syndicat ment au développement d’une mobilité dura- (Stif) et conseiller général des transports d’Île-de-France (Stif), l’autorité ble, dont nous recueillons déjà les premiers de Seine-Saint-Denis. organisatrice, pour faire pleinement entendre fruits par une hausse de fréquentation des trans- sa voix et exprimer la très forte nécessité de ports collectifs à un niveau très significatif. Pour traiter localement les questions de mobilité la première écorégion d’Europe que nous sous la responsabilité des élus directement sommes, l’amélioration de l’offre de transports concernés, ce qui est bien conforme à la collectifs est un enjeu majeur et un défi que logique de la décentralisation. Le 7 janvier der- nous sommes décidés à relever. nier, j’ai, à ce sujet, rencontré Gilles Savary, rap- porteur d’initiative sur la mobilité urbaine pour L. C. – Quelles sont, selon vous, les bases le Parlement européen, afin de lui rappeler les de la mobilité durable en Île-de-France ? contributions de nos deux institutions dans le Quels sont les principaux défis et les livre vert. principales questions que les transports collectifs franciliens devront affronter L. C. – Vous êtes premier vice-président dans les prochaines années ? du Stif. Le Stif était, jusqu’à une date S. M. – La mobilité durable en Île-de-France récente, un organisme de l’État avant repose avant tout sur le développement des d’être décentralisé au profit de la Région. transports collectifs et des modes doux, mais En quoi cette évolution permet-elle aussi du fret et de la logistique urbaine. S’agis- de mieux répondre aux défis sant du développement des transports en com- d’une mobilité durable ? mun, nous agissons sur deux champs: d’abord S. M. – Le Stif décentralisé est avant tout une sur l’amélioration immédiate du quotidien des «table» où les décisions sont prises par des élus Franciliens, puis sur les investissements à mener locaux qui connaissent parfaitement leur ter- pour préparer l’avenir et anticiper la hausse de ritoire et qui sont donc les mieux placés pour la fréquentation des prochaines années. Pour répondre aux problèmes posés. Depuis la répondre à ces deux objectifs, Jean-Paul © IAUdécentralisation île-de-France du Stif en 2006, le syndicat a Huchon a présenté, en juin dernier, un plan de mené une politique de développement de l’of- mobilisation pour les transports à réaliser d’ici fre, de modernisation des matériels roulants et 2020 et chiffré à 18 milliards d’euros. Ce plan d’amélioration de la tarification en faveur des conjugue trois programmes d’action, un pre- personnes les plus modestes qui s’est traduite mier plan pour répondre aux urgences concer- par la mise en place de mesures sans précé- nant, notamment, les schémas directeurs des dent. En premier lieu, je relèverais les mesures RER et la désaturation de la ligne 13 par le pro- exceptionnelles de développement de l’offre longement de la ligne 14, un plan à court et de transport, tant sur Mobilien que sur le métro, moyen terme visant à accélérer les projets des Transilien et Noctilien: le Stif a ainsi dédié près contrats de projets et des contrats entre la de 400 M€ à l’amélioration de l’offre depuis Région et les départements, comprenant en par- 8 ticulier les tangentielles ferrées Nord, Ouest et construire une nouvelle politique régionale Sud, le débranchement du tramway T4 à durable en faveur du développement des trans- Clichy-Montfermeil, le prolongement du tram- ports de fret et de la logistique. Ce sera sans way T1 à Val-de-Fontenay et à Asnières-Genne- aucun doute l’un des enjeux de la prochaine villiers, puis, enfin, un plan à moyen et long mandature. Nous devrons soutenir fortement terme comportant la réalisation des grands pro- les évolutions positives de la réglementation jets de demain comme Arc Express ou le RER nationale et européenne et nous servir des Eole prolongé jusqu’à la Défense et le Mantois. outils réglementaires La mobilité durable doit s’appuyer avant tout opposables dont nous » La mobilité durable doit s’appuyer sur une priorité donnée au développement des disposons, notamment avant tout sur une priorité donnée transports en commun, afin qu’ils soient plus le PDU (plan de dé - au développement des transports en commun, étendus, plus rapides, plus accessibles et moins placements urbains), afin qu’ils soient plus étendus, plus rapides, coûteux pour les personnes les moins favori- nouer des partenariats sées. innovants avec les col- plus accessibles et moins coûteux lectivités intéressées, pour les personnes les moins favorisées. « L. C. – Votre fonction de vice-président les aménageurs qui de la Région d’Île-de-France en charge sont forcément impliqués, les groupements de des transports et de la circulation inclut chargeurs qui sont les premiers intéressés, les le transport des marchandises. fédérations professionnelles. La Région partici- L’Île-de-France, avec son bassin pera notamment à la construction du RTE-T de presque 12 millions d’habitants, est (réseau transeuropéen de transports) dans sa l’une des principales régions logistiques dimension fret. européennes. Comment l’Île-de-France envisage-t-elle de renforcer L. C. – Dans vos activités à la Région son attractivité et d’accompagner Île-de-France et au Gart (Groupement la croissance de la mobilité des autorités responsables de transports des marchandises, tout en répondant publics), vous êtes amenés à côtoyer vos au défi d’une mobilité plus respectueuse homologues européens et de province. des contraintes environnementales ? Au-delà des spécificités de l’Île-de-France S. M. – Favoriser le développement des modes dues à sa taille, pensez-vous qu’il y ait de transport de fret alternatifs à la route consti- des expériences ou des façons de faire tue également un de nos objectifs majeurs pour dont nous pourrions nous inspirer ? garantir le développement durable de notre S. M. – Je suis totalement convaincu que les Région. La place de l’Île-de-France, au carrefour retours d’expériences de métropoles euro- des voies de communication nationales et inter- péennes, mais aussi des autres régions de nationales, l’oblige à développer directement France sont forcément des sources d’informa- des projets ambitieux de report modal sur son tion dont nous devons tirer profit. Nous devons, territoire. Nos efforts portent ainsi sur la pour- au sein du Gart, travailler dans ce sens en échan- suite de l’aménagement et de la modernisation geant avec tous les acteurs concernés, tant en des voies navigables et du réseau ferroviaire, France qu’en Europe et dans le monde entier, ainsi que sur le développement de plates- qui travaillent sur des problématiques similaires formes logistiques portuaires et ferroviaires. aux nôtres et qui apportent souvent des Nous mettons tout particulièrement l’accent réponses intelligentes, dont nous devrions bien sur leur insertion dans l’environnement sou- nous inspirer. Tel est le cas dans les domaines vent urbain, tant du point de vue visuel que de l’accessibilité, des matériels roulant, de l’in- sonore. Les objectifs sont donc multiples: nous termodalité, de la télébillétique. Je pense voulons garantir un développement optimal de notamment aux BHNS (bus à haut niveau de l’offre de service ferroviaire pour le fret, préser- service) qui constituent souvent une réponse 2008 © Communautés européennes, ver les sites embranchés au fer (c’est le cas rapide et efficace aux besoins des usagers. C’est Dans son Livre vert, intitulé notamment© du site de Bercy,IAU qui a permis à pourquoiîle-de-France le Gart doit jouer un rôle central dans Vers une nouvelle culture Monoprix de s’installer dans la halle Gabriel les échanges d’information, que les retours d’ex- de la mobilité urbaine, Lamé), aménager les infrastructures fluviales, périence soient positifs ou négatifs, comme c’est la Commission européenne expose et créer ou développer de nouveaux grands le cas pour la mise en place du péage urbain ou la vision qu’elle a de son propre rôle sites multimodaux. La Région a d’ailleurs prévu de PPP (partenariats public-privé), qui n’ont à dans le domaine des transports une contribution à hauteur de 175 millions ce jour pas montré de retour pertinent. et d’une possible articulation d’euros pour réaliser ces projets ambitieux. avec les actions des collectivités Avec une croissance des flux estimée à plus de locales. Après consultation 50 % d’ici à 2015, notre Région risque l’asphyxie publique, elle a recueilli plus par le mode routier. Nous n’avons pas d’autres Propos recueillis par Sophie Laurent de 430 contributions, choix que de réagir. Je suis donc décidé à et Alain Meyère dont une quarantaine en France. 9 Agir dans un contexte qui évolue Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150

Mobilité durable : les autorités de transports européennes en marche

Les Cahiers – Quel est le rôle de l’EMTA fort la nécessité d’une autorité à l’échelle métro- et pourquoi était-il important pour elle politaine, responsable de la planifiation des de faire une réponse au Livre vert transports et des déplacements, ainsi que de de l’Union européenne ? l’articulation avec le développement urbain. Hannu Penttilä – L’EMTA représente les auto- C’est la réponse clé à de nombreuses questions,

EMTA rités métropolitaines de transports publics euro- et notre principal message pour la Commission péennes. Son rôle est assez méconnu, particu- européenne dans le cadre du Livre vert. Je Interview lièrement à Bruxelles. C’est pourquoi nous pense que l’idée d’une planification des trans- avons essayé de faire entendre notre voix aussi ports à l’échelle métropolitaine devrait être la fort que possible, afin d’être entendus, en collec- condition à toute action, y compris en ce qui tant les idées communes auprès de nos mem- concerne les financements européens ou natio- Hannu Penttilä est adjoint bres et en les portant au niveau européen. naux. Le Livre vert a repris certaines de ces au maire d’Helsinki, en charge idées, mais nous pensons que l’UE doit dire de l’urbanisme et des affaires L. C. – Comment pensez-vous plus clairement que les subventions sont condi- domaniales. Il préside que les métropoles peuvent mettre en tionnées à la mise en place de cette autorité à l’association European œuvre la mobilité durable aujourd’hui ? l’échelle métropolitaine, et à la réalisation d’un Metropolitan Transport Quelles sont les actions clés à plan de mobilité pour le transport durable et Authorities (EMTA) depuis entreprendre afin d’améliorer la situation l’accessibilité à cette échelle. 2007. L’EMTA, créée en 1998, localement et en quoi les autorités regroupe 32 autorités de transports peuvent-elles y contribuer ? L. C. – Le Livre vert dit : « Toutes les villes organisatrices de transports H. P. – Ma première réponse à la question de sont différentes, mais font face collectifs en Europe. savoir comment les métropoles peuvent met- à des défis semblables et tentent Le Syndicat des transports tre en œuvre la mobilité durable est qu’elles de trouver des solutions communes. » d’Île-de-France (Stif) n’ont pas le choix: nous devons relever ce défi, Pouvez-vous commenter ? en assure la vice-présidence en peu de temps, en particulier dans les villes H. P. – Après dix ans d’existence de l’EMTA, je et le secrétariat général. et métropoles, où vivent un nombre croissant de pense que l’élément principal est que nous L’EMTA a pour objectif d’œuvrer personnes. Concernant les actions clés à entre- avons soulevé des questions communes, à Hel- pour améliorer les conditions prendre, je suis convaincu que le premier élé- sinki, Bilbao, Madrid, Vilnius, Varsovie ou Paris: de la mobilité urbaine ment et le plus difficile à réaliser consiste à nous évaluons les bonnes pratiques et essayons en Europe, où plus de 80 % mieux articuler l’aménagement du territoire et ainsi d’éviter les mauvaises décisions. Mais les des citoyens vivent les transports : nous devons adapter la dans les villes, à travers structure des métropoles en organisant » Nous avons essayé d’expliquer haut l’échange de bonnes pratiques, l’usage des sols en fonction des corridors et fort la nécessité d’une autorité la réalisation d’études de desserte. Une autre action importante à l’échelle métropolitaine, responsable et d’analyses comparatives est la mise en place de l’intégration tari- des modes d’organisation faire par les autorités de transports: quel de la planifiation des transports et de financement des systèmes que soit l’argent investi dans les transports et des déplacements, de transports collectifs, publics, du point de vue de l’usager, l’of- ainsi que de l’articulation la participation à la définition fre ne peut être attractive qu’avec un sys- avec le développement urbain. « de la politique européenne tème intégré, permettant d’utiliser un seul en matière de transport et même ticket dans tous les modes de trans- environnements, cultures, climats politiques et et d’environnement urbain, ports. Troisièmement, nous sommes confrontés organisations administratives nationales sont dans le domaine à d’importants besoins d’investissements : au très divers. Par exemple, les financements attri- de la recherche, total, nos trente membres européens ont besoin, bués aux zones métropolitaines proviennent dans le domaine© législatif IAU d’ici 2020, de île-de-France200 à 300 milliards d’euros pour de sources différentes: au nord de l’Europe, en et dans les autres initiatives des infrastructures et du matériel roulant. Nous Scandinavie (Danemark, Finlande), ils provien- communautaires. devons trouver la bonne manière d’investir cet nent des municipalités locales, alors que dans argent. d’autres cas ils proviennent du gouvernement central. Il existe également différents types de L. C. – En quoi les propositions taxes: par exemple, la taxe de mobilité française de l’Union européenne répondent-elles (versement transport) n’existe pas ailleurs. Ces à la question de la mobilité durable dans différences doivent être prises en compte avant les métropoles ? Quelle est la position de choisir une solution dans la boîte à outils de l’EMTA par rapport à ce Livre vert ? EMTA. Il n’y a pas de solution unique à tous les H. P. – Nous avons essayé d’expliquer haut et problèmes, bien que ceux-ci soient similaires. 10 L. C. – Croyez-vous possible de concilier cés par les ventes de titres, car ils ont un impact le contexte local et ses spécificités avec sur l’immobilier et le développement (dans cer- les objectifs généraux fixés à l’échelle taines zones de Barcelone, le niveau des prix de européenne ? Quel rôle doit jouer l’UE ? l’immobilier augmente de 50 % là où les trans- H. P. – D’un point de vue politique, les ques- ports publics sont attractifs), du fait de leur tions concernant la subsidiarité sont impor- dimension sociale (accès à la mobilité pour tantes. Le travail des autorités de transports, tous) et du manque d’espace (aucune ville en aujourd’hui, est fortement encadré par l’UE: il Europe ne peut être entièrement desservie par existe désormais des directives relatives au bruit, des voitures). Il est important de préserver la aux nuisances… De nombreux nouveaux stan- qualité du cadre de vie dans nos villes euro- dards techniques ont émergé, et la régulation péennes, voir de l’améliorer. des appels d’offres publics et des services de transports en commun a été renforcée. Ces L. C. – En conclusion, d’après votre thèmes peuvent être réglementés au niveau expérience à Helsinki, européen, car il s’agit d’un marché commun et quelle recommandation feriez-vous il est important que les autorités, les opérateurs à d’autres villes européennes ? et les industries bénéficient d’un cadre com- H. P. – À Helsinki, nous disposons de tous les mun d’un pays à l’autre. Ce qui peut également modes de transport : métro, tramways, bus, et être fait à l’échelle européenne – et l’EMTA a même une ligne de ferry. Je pense que nous proposé sa coopération sur ce thème – c’est n’avons pas réussi sur tous les plans, mais nous d’aider les usagers et les autorités à acquérir avons intégré la nécessité de donner la priorité un meilleur service et des standards de qualité. aux transports en commun dans l’aménage- Mais d’un autre côté, les solutions et les poli- ment du territoire. Ainsi, au conseil municipal tiques locales varient beaucoup en fonction d’Helsinki, nous avons décidé la création d’un des contextes, et doivent être réglementées loca- nouveau pont tramway qui reliera un quartier lement, au plus près de la connaissance des d’Helsinki au centre-ville en seulement 2 km besoins. (alors que la distance est de 10 km en voiture). C’est la première leçon et nous avons remar- L. C. – Quel sera le prochain engagement qué qu’avec ce type d’investissements, l’usage de l’EMTA dans ce processus ? des transports collectifs augmente. Un autre élé- H. P. – Aujourd’hui, nous avons appris que la ment important est que nous avons un système Commission européenne présenterait son plan tarifaire intégré: quand vous avez tout le temps Plan d’action pour les transports publics: la publication de ce plan d’action d’action pour les transports publics prochaine- un ticket valide dans votre poche, vous êtes plus par la Commission européenne, ment. La prochaine étape consistera à étudier susceptible de prendre les transports en com- prévue début 2009, a été reportée sine die ce plan d’action et coopérer avec la Commis- mun. C’est la seconde leçon à tirer de notre le 12 janvier 2009. sion, afin de concrétiser ces actions. Je suis expérience. convaincu que l’EMTA peut apporter son aide et son expérience. Nous devons également enta- Propos recueillis le 27 novembre 2008 mer des discussions sur deux sujets essentiels, par Alain Meyère et Sophie Laurent tous deux thèmes de notre conférence. Le premier est la nécessité de mettre en place des autorités de transports publics partout, et particulièrement dans les nouveaux États mem- bres. Cette mise en place à Varsovie, par exem- ple, s’avère difficile, car la population n’est pas favorable aux transports en commun. Avant d’instaurer une autorité, les usagers doivent être satisfaits et réaliser qu’ils ont besoin des trans- ports publics. Le second est© le besoin pressantIAU de finance- île-de-France ment des transports publics. Ils ne peuvent (et même ne doivent pas) être entièrement finan- Eoghan OLionnain/Flick’r

Helsinki dispose de tous les modes de transport et donne la priorité aux transports en commun dans l’aménagement de son territoire. MsEmma/Flick’r 11 Agir dans un contexte qui évolue Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150

La mobilité des Franciliens : une rupture des comportements ? Jérémy Courel(1) IAU île-de-France Après des décennies de croissance, de nouvelles tendances apparaissent en matière d’usage et de possession automobile. Celles-ci semblent indiquer une évolution vers de nouveaux comportements de mobilité.

oncernant la mobilité quotidienne, le azimuts de la voiture. Les années 1990 ont mar- dernier quart du XXe siècle a été marqué qué le retour de la marche et de l’usage des Cpar la très forte croissance de l’usage de deux roues, après des années de forte baisse, B. Raoux/IAU îdF l’automobile, que ce soit en termes de motori- tandis que les transports collectifs se mainte- La hausse des prix des carburants sation, de nombre de déplacements ou de dis- naient à une part stable (20 %) en nombre de contribue au changement des tances parcourues. On ne mesure pas toujours déplacements, tout en perdant du terrain sur la comportements de mobilité. l’ampleur de cette évolution: 80 % de l’accrois- voiture en termes de distances parcourues (en sement des distances parcourues par les Fran- revanche, depuis 2000, l’usage des transports ciliens dans leur région (1976-2001) est attri- collectifs a crû très significativement). buable aux seuls déplacements automobiles, qui génèrent en 2001 près de 100 millions de Des évolutions à confirmer km quotidiens sur un total de 170 millions. On En l’absence de données plus complètes, il est peut noter, par ailleurs, la progression impor- difficile de parler aujourd’hui d’une «révolu- tante de la part de la voiture dans les déplace- tion » des modes de déplacement, mais les ments pour se rendre à l’école primaire (de exemples d’autres agglomérations comme 13 % à 24 % en Île-de-France entre 1976 et 2001, et , avec une baisse sensible de la mobilité de 16 % à 44 % dans la communauté urbaine de en voiture dans des proportions importantes Lille entre 1976 et 1998), qui témoigne de la entre les années 1990 et les années 2000, sont pénétration forte de l’automobile dans nos encourageants. modes de vie dès le plus jeune âge. Les prochaines années permettront de clarifier ces enjeux et de confirmer ou d’infirmer d’au- La périurbanisation en cause tres tendances étroitement liées: quelle sera en Ces transformations ont de multiples causes 2010 la répartition par activité des déplace- dont, en Île-de-France notamment, le phéno- ments? La croissance du nombre de déplace- mène de périurbanisation, synonyme d’éloigne- ments provenait pour l’essentiel de celle des ment du centre et de son réseau de transports activités non liées au travail: cette tendance va- urbains dense. Il s’agit d’ailleurs de la seconde t-elle se confirmer? Les déplacements profes- évolution remarquable dans la structure des sionnels, désormais minoritaires en volume, L’Enquête globale de transport (EGT), réalisée en partenariat entre l’État, déplacements en Île-de-France pendant cette resteront-ils majoritaires en distances parcou- la Région Île-de-France, la ville de Paris, même période: la forte croissance des déplace- rues comme en 2001? Comment va évoluer la le Syndicat des transports d’Île-de-France ments internes à la banlieue, qui représentent, mobilité des populations économiquement les (Stif), la RATP, la SNCF et Cofiroute, en 2001, 70 % de l’ensemble des déplacements plus fragiles, les plus sensibles à la hausse du est une enquête de grande ampleur internes à la région contre 62 % vingt-cinq ans prix des logements, qui les oblige à s’éloigner de sur les déplacements des Franciliens. Depuis vingt-cinq ans, elle permet plus tôt. Plus précisément, cette période a sur- plus en plus ? Captives de la voiture et de suivre et d’interpréter les évolutions tout vu croître le poids de la grande couronne: contraintes à des déplacements plus longs, elles des pratiques des habitants de la région ses habitants sont, à eux seuls, responsables de sont d’autant plus vulnérables au renchérisse- en matière de déplacements: mobilité 75 % de la croissance des distances parcourues ment de l’énergie. Enfin, l’essentiel de la crois- individuelle, modes de transport utilisés, entre 1976 et 2001. Si le nombre de déplace- sance des déplacements se fait en heures temps consacré aux déplacements, etc. Elle constitue une source précieuse ments par personne dépend de moins en moins creuses, mais la charge en heures pleines conti- © IAUde l’éloignement île-de-France à Paris, les distances parcou- nue de s’accroître. Or c’est elle qui détermine le d’informations pour élaborer les politiques régionales d’aménagement et pour prévoir rues par les habitants de grande couronne sont, dimensionnement des infrastructures, particu- les services et les infrastructures en moyenne, deux fois plus élevées que celles lièrement dans les transports en commun. Si de transport. La dernière enquête des Parisiens. cette tendance venait à s’accélérer, comment le a été conduite en 2001-2002. La prochaine enquête, copilotée Les choses changent. Dès les années 1990, on a réseau actuel pourrait-il, sans augmentation de par le Stif et la Direction régionale assisté à un net infléchissement de la croissance capacité, absorber un éventuel transfert modal de l’équipement d’Île-de-France, devrait de l’usage de la voiture, même si celui-ci conti- de la voiture aux transports publics? se dérouler d’octobre 2009 à avril 2010. nuait d’augmenter. Certains indicateurs(2) sem- blaient confirmer, avant même la hausse du prix (1) Jérémy Courel est statisticien, économètre. des carburants et la crise de 2008, que l’on était (2) Comme ceux issus des données de trafic ou de l’analyse bien sorti de cette phase de croissance tous des ventes de voitures neuves. 12 Agir dans un contexte qui évolue Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150

Mobilité dans les pays européens : des tendances similaires ?

Les Cahiers – La mobilité est-elle prise peut inquiéter les politiques et la population en compte et mesurée de la même qui la corrèlent avec le PIB, l’efficacité écono- manière partout en Europe ? mique, la compétitivité, etc. On ne peut pas dire Jean-Marie Guidez – Premièrement, il n’existe si cette baisse va durer ou si elle est transitoire. pas de définition unique en Europe. Il y a des D’autres sources de données confirment la

Certu années qu’on le dit. Un exemple: la mobilité baisse observée: d’une part les comptes de la moyenne, en Grande-Bretagne, entre 2000 nation, avec le nombre de kilomètres parcourus Interview et 2005, au même sens que chez nous, c’est-à- par an et par Français en voiture: en 2005 ce dire le nombre de déplacements par personne nombre a baissé pour la première fois de 1,4 %. et par jour, était passée de 3,14 à 3,08, donc sta- D’autre part le volume d’essence vendu à la ble et proche de 3. Au même moment, la mobi- pompe qui, stable depuis plusieurs années, Jean-Marie Guidez est expert en lité en Hollande est passée de 3,79 à 3,7, stable baisse depuis quelques mois. Dans les autres mobilité urbaine (Département également, mais plutôt proche de 4. Or, je ne pays européens, d’après une étude du BIPE(1), i l déplacements durables) au vois pas pourquoi il y aurait un déplacement de semblerait que l’usage de la voiture soit aussi en Centre d’études sur les réseaux, plus en Hollande qu’en Angleterre. Les spécia- recul, depuis 2003, à peu près partout, sauf en les transports, l’urbanisme listes disent que, dans toutes les villes où on Espagne. Cette dernière, ayant démarré plus tard et les constructions (Certu), mesure la mobilité comme on la mesure dans sa croissance de la motorisation, part avec un ministère de l’Écologie, nos enquêtes ménages (Certu), la mobilité est peu de retard, ce qui veut dire qu’elle n’est pas du Développement partout entre 3,5 et 4. C’est même plus près de 4 encore dans la phase de palier comme les et de l’Aménagement durables. que de 3,5. Donc quand on trouve 3, c’est que autres pays. Au Royaume-Uni, la distance Il est également rédacteur les définitions sont sans doute différentes. Ce moyenne parcourue en miles par personne et en chef de Transflash n’est pas dramatique, car dans la mesure où par jour s’est stabilisée, après avoir augmenté, (newsletter éditée par le Certu, chaque pays garde sa définition, on peut analy- puis plafonné et être redescendue dans les diffusée auprès de ser les évolutions. C’est l’intérêt des enquêtes années 2000-2002. En Allemagne, les enquêtes 4700 abonnés volontaires) Certu en France, faites sur le même modèle montrent un nombre moyen de déplacements et organisateur des «clubs depuis trente ou quarante ans, avec une défini- par personne et par jour stable depuis quarante mobilité», journée-débat tion constante des déplacements. La deuxième ans, puis qui descend depuis 2003. En Suisse, le annuelle. chose, ce sont les comparaisons de parts de microrecensement(2) montre des résultats très marché, ce qui accentue certains problèmes détaillés qui vont dans le même sens, avec un de définition. Nous travaillons, en France, sur palier entre 2000 et 2005 en matière, par exem- les déplacements de la semaine; d’autres pays ple, de distance parcourue, tous modes par per- incluent le week-end. D’autre part, quels sont sonne et par jour, en semaine. Il semblerait qu’en les territoires considérés: milieu urbain ou zone contrepartie le temps augmente. Ce qui est éga- plus large? Certaines enquêtes sont à l’échelle lement très intéressant, c’est le nombre de kilo- d’un pays, d’autres à l’échelle d’une ville. Et mètres parcourus par personne et par an selon quand on dit «ville», parle-t-on de l’aggloméra- le mode de transport, qui montre une évolu- tion, de la ville-centre, du centre-ville? On a ten- tion forte: le kilométrage parcouru en voiture dance à comparer trop rapidement des parts baisse, alors qu’on observe une augmentation de marché, alors qu’on ne parle pas toujours du kilométrage à pied, bus-tramway et train. de la même chose. Aux États-Unis, pour la première fois, la distance parcourue annuellement par les automobilistes, L. C. – Quelles sont les tendances qui a toujours augmenté, s’est stabilisée vers en matière de mobilité aujourd’hui ? 2005 et baisse un peu. Dans tous ces pays, il Sont-elles semblables en France s’est passé quelque chose entre 2000 et 2003. © IAUet dans les autresîle-de-France pays européens ? Reste à l’expliquer. J.-M. G. – En France, on a constaté, à partir des Attention, il s’agit de la mobilité urbaine, ce qui enquêtes ménages, une stabilisation ou une est un peu différent de la mobilité longue dis- baisse de la mobilité voiture, d’abord à Lille, à tance. La mobilité urbaine plafonne ou baisse Lyon ensuite, puis à Reims, Rennes et . dans l’urbain au sens large. Mais ce n’est pas le Attention, il s’agit bien de la mobilité voiture et cas de la mobilité longue distance (voyageurs pas de la mobilité tous modes (qui baisse uni- au long cours, week-ends en TGV, avion, etc.). quement à Lille et Lyon). La baisse de la mobi- lité voiture va dans le sens de ce que disent la (1) Société de conseil en stratégie spécialisé dans la prévision loi ou les plans de déplacements urbains économique et la prospective appliquée. (PDU), alors que la baisse de la mobilité totale (2) Enquête au niveau national. 13 Agir dans un contexte qui évolue Mobilité dans les pays européens : des tendances similaires ? Les Cahiers n° 150

L’urbain est en avance, car la gouvernance est même manière par les pays riches et par les clairement identifiée dans les agglomérations, pays pauvres et par les gens riches et les gens et les autorités organisatrices peuvent dévelop- pauvres. Tous les experts s’accordent à dire qu’il per une politique globale. y aura accroissement des inégalités. Un dernier phénomène à l’œuvre concerne le changement L. C. – Quelles raisons voyez-vous de statut de la voiture: le découplage entre la à ces évolutions, et quelles sont, selon possession et l’usage. En Suisse, le nombre de vous, les perspectives pour les années kilomètres parcourus par véhicule et par an est à venir ? en baisse continue depuis vingt ans. À Lille et à J.-M. G. – Aujourd’hui, en Europe, dans le milieu Lyon, la mobilité par voiture et par jour, et non urbain au sens large, il y a une sorte de consen- pas par personne et par jour, est en baisse après sus autour de la nécessité de diminuer la mobi- avoir connu un pic. Cela veut dire qu’on observe lité voiture. Pourquoi ce pic et cette baisse de la peut-être, chez nous, un début de ce qui était mobilité depuis trois ou quatre ans? Les raisons visible depuis longtemps dans les villes qui nous à l’étranger sont les mêmes que chez nous. La servent de vitrines (Berne, Zurich, Amster- première raison, la plus évi- dam…). Ils ont autant de voitures à Berne ou à » Tout le monde appelle dente, est la raison écono- Zurich qu’à Grenoble ou à Lyon, mais elles ser- de ses vœux le “ report modal ”, mique. C’est la question du vent moins souvent, parce qu’ils ont un usage considéré comme “ vertueux ” coût de l’essence, qui depuis plus rationnel de la voiture. Il y a certaines des- quelques mois ou semaines tinations, à certaines heures, pour certains (de la voiture vers les modes baisse, mais dont on sait qu’il motifs, où il y a d’autres modes que la voiture alternatifs) mais il faut bien va remonter. Mais plus généra- qui sont largement aussi pertinents et efficaces voir que quelque part lement c’est la question du pour l’individu et la collectivité. Ce découplage on va dans le mur. « pouvoir d’achat disponible. est une transition en douceur de la « voiture Parmi les autres raisons évi- objet» vers la «voiture service». On ne dira plus dentes, on peut citer la politique menée (PDU «J’ai besoin d’une voiture», mais «J’ai besoin de et autres actions), ou l’augmentation de la 2 heures de voiture le mardi et le samedi», ce conscience environnementale. Enfin, l’effet du qui est tout à fait différent, puisqu’on n’est plus vieillissement de la population devrait prendre obligé d’en être propriétaire. On va vers le covoi- de plus en plus d’ampleur, car même si la mobi- turage ou la voiture partagée, qui font que, lité des retraités d’aujourd’hui est infiniment certes, on circule en voiture, mais plus en étant plus grande que la mobilité des retraités d’hier, seul et pas forcément avec «sa» voiture. elle reste moins importante que celle des actifs Enfin, tout le monde appelle de ses vœux le d’aujourd’hui. Du simple fait que la proportion «report modal», considéré comme «vertueux» actifs/retraités change, mécaniquement, la mobi- (de la voiture vers les modes alternatifs), mais lité ne peut que baisser. Le coût du pétrole a le il faut bien voir que, quelque part, on va dans le même impact partout. En revanche, les poli- mur. En effet, si on regarde les chiffres de la tiques, selon les pays, sont quand même un peu mobilité et des parts de marché, en France différentes, de même que la conscience envi- comme ailleurs, on voit qu’on n’a sans doute ronnementale. Ce qu’on peut dire, c’est qu’il y pas fait les investissements suffisants dans les a de grands décalages entre pays, entre villes et décennies précédentes pour absorber un report entre individus. Y compris en France où, entre modal important. J’ai un peu peur que, comme les villes en avance comme Grenoble, Stras- souvent, ce soit dos au mur que les choses se bourg, , Lyon, Montpellier, et d’autres, il y fassent. Il y a trente ans qu’on dit les mêmes a des décalages de dix, vingt ou trente ans! Cer- choses avec, jusqu’à aujourd’hui, un impact très taines villes démarrent des choses que d’autres limité. Une partie de la population a intégré des ont faites il y a trente ans. On observe aussi un choses sur la question écologique, mais de là à décalage extrêmement important entre les indi- changer ses habitudes, qui plus est en les péna- vidus: l’essence chère ne sera pas vécue de la lisant dans un premier temps… Il faut une © IAU île-de-Francevolonté politique forte, comme celle de Ken Quelques chiffres sur les tendances de mobilité en Suisse Livingstone à Londres, pour faire bouger les Année 1994 2000 2005 choses. S’il avait demandé son avis à tout le Distance tous modes parcourue/personne/jour (km) en semaine 33,7 37,7 37,7 monde, rien n’aurait été fait. Certaines villes Distance parcourue par jour (en km) en voiture 23,1 25,6 25,5 Durée de déplacement/jour (en min) 83,3 93,9 97,6 avancent vite, d’autres lentement, et d’autres km parcourus/personne/an: pas du tout. Que voulez-vous que je vous dise? en voiture 8431 9380 9324 C’est comme ça! La volonté politique et le dos à pied 547 623 754 au mur… en train 1715 1918 2272 en bus/tramway 474 505 547 Propos recueillis par Sophie Laurent Source: La mobilité en Suisse - Résultats du microrecensement 2005 sur le comportement de la population en matière de transports, Office fédéral de la statistique (OFS) et Jérémy Courel 14 Agir dans un contexte qui évolue Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150

Les grandes tendances de la mobilité des marchandises Lydia Mykolenko(1) IAU île-de-France Compte tenu du poids grandissant du prix du gazole sur le transport de marchandises, conjugué à la crise financière, on pourrait s’attendre à un report presque «naturel» du transport par camion sur les modes de transport alternatifs à la route, réputés plus vertueux en termes de développement durable.

n réalité, la relation entre le transport de site de prendre en compte l’ensemble de la

Sparticus/Flick’r marchandises et l’évolution de l’activité chaîne de transport, de la porte maritime Les problèmes liés à l’organisation E économique générale complexifie le jusqu’au « dernier kilomètre ». En outre, pour du transport de marchandises sont problème. Depuis une trentaine d’années, en être efficaces, les solutions devraient chercher cruciaux dans les agglomérations. effet, le mode de croissance et d’organisation à impliquer davantage les chargeurs, voire les En France, la loi relative économique a induit l’envol de la demande de consommateurs. à la mise en œuvre du Grenelle transport de fret, avec une augmentation des Il y a urgence. Certes, tous les experts s’accor- de l’environnement stipule distances parcourues. Ces dernières décennies dent pour dire que la croissance du transport de que la part des modes non routiers ont vu, en outre, une modification de la nature marchandises devrait se ralentir. Les prévisions devra atteindre 25 % du trafic du commerce international. Elle s’est traduite du SOeS (Service de l’observation et des statis- de marchandises à l’horizon 2022. par une augmentation très rapide du transport tiques) du ministère de l’Économie, de l’Éner- maritime, qui assure aujourd’hui plus des trois gie, du Développement durable et de l’Aména- quarts des tonnages échangés entre les pays. gement du territoire tablent sur une croissance avoisinant les 1,4 % par an à l’horizon 2025, Des flux plus nombreux et plus fréquents résultant d’une croissance sensiblement ralen- L’expansion du commerce international et tie du mode routier (+ 1,5 % par an contre l’évolution de la mondialisation se répercutent + 2,9 % pour la période 1980-2002). sur le transport de marchandises. En effet, parce que nous vivons dans une société fondée sur la Mais, malgré le net ralentissement du transport consommation au moindre coût, il faut pro- routier de marchandises observé aujourd’hui duire en masse, de moins en moins cher et donc partout en Europe, une croissance de 1,4 % par à l’autre bout du monde, où les coûts de main- an conduit à une hausse importante de la d’œuvre sont plus bas. Mais nous souhaitons demande de transport de marchandises. En aussi toujours plus de services et des produits France, la loi relative à la mise en œuvre du Gre- de plus en plus personnalisés, et sans attendre. nelle de l’environnement stipule que la part Les réponses logistiques à apporter à des sys- des modes non routiers devra atteindre 25 % tèmes de consommation très complexes se du trafic de marchandises à l’horizon 2022. Cet sont, elles aussi, complexifiées et ne peuvent se objectif ambitieux signifie que les modes non traduire autrement que par une augmentation routiers assureront 50 % de la croissance du considérable des flux, avec des envois moins transport de marchandises. Mais cela signifie lourds, plus nombreux, plus fréquents. donc aussi que, demain, le trafic de poids lourds Nous souhaitons légitimement vivre dans des sera plus important qu’aujourd’hui. Et, à l’hori- villes agréables et non congestionnées, non pol- zon 2050, dans leurs scénarios de mobilité, les luées, où l’on peut travailler, faire ses achats et prospectivistes n’envisagent pas, pour les poids se distraire. Or les problèmes liés à l’organisation lourds, la baisse du trafic routier qu’ils prévoient du transport de marchandises se révèlent de pour l’automobile. manière particulièrement cruciale dans les Pourtant, un nouveau contexte économique, © IAUagglomérations. île-de-FranceCertaines tentent, avec un iné- sociétal et environnemental semble infléchir gal succès, de mettre en œuvre des politiques de progressivement la mobilité des marchandises. gestion durable du transport de marchandises, L’ensemble des acteurs des chaînes de trans- en cherchant à améliorer le fonctionnement port (entreprises industrielles, transporteurs, du cœur de l’agglomération et à limiter les logisticiens, pouvoirs publics) qui ont su répon- impacts négatifs du transport de fret. dre à l’explosion considérable des échanges des trente dernières années, vont avoir à le pren- Vers une plus grande part des modes dre en compte. non routiers

Apporter des améliorations aux problèmes (1) Lydia Mykolenko est responsable des études «logistique croissants de congestion et de pollution néces- et marchandises». 15 © IAU île-de-France Offrir un cadre favorable

Les défis du développement durable s’appuient moins sur des mesures physiques que sur des manières différentes de faire, d’anticiper et de planifier, de s’organiser, de surveiller et de réagir. Comprendre ce qui se joue avec la mobilité des personnes, c’est tourner le regard vers les modes de vie, de consommer et de produire qui sont à l’origine du besoin de se déplacer. Côté planification, c’est concevoir un aménagement du territoire et de la ville moins dépendant de l’utilisation des modes routiers, en privilégiant une plus grande intensité urbaine, une proximité emplois/habitat, une meilleure mixité fonctionnelle et sociale. Les autorités organisatrices, qui ont vu le jour et se sont développées en Europe durant les dix dernières années, apportent une réponse, certes partielle, à la question de l’échelle pertinente pour l’organisation des déplacements des personnes. Dans le même temps, le nécessaire développement de l’offre de transports collectifs conduit à des besoins de financement d’une ampleur sans précédent. Offrir un cadre favorable dans les métropoles de demain, c’est aussi gérer les flux par des actions sur la circulation © IAU île-de-Franceet le stationnement et être attentif aux nuisances des déplacements, pour une meilleure qualité de vie plutôt que d’accroître l’offre routière.

17 Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150

Accepter de vivre avec ce qu’on produit et ce dont on a besoin

Les Cahiers – Que vous inspire le titre Si la mobilité n’est pas conçue uniquement de ce numéro des Cahiers « Vers une comme la variable d’ajustement, si elle n’est mobilité durable en Europe » ? pas réduite au fait de se déplacer dans l’espace Mireille Ferri – C’est l’emploi du terme «mobi- et si on l’aborde comme une sorte d’idéal: la lité» plutôt que «transport» qui m’intéresse le possibilité d’offrir la mobilité de l’emploi, d’ac-

Région Île-de-France plus dans votre question. Les mobilités cepter la mobilité affective et de permettre la aujourd’hui recouvrent des réalités bien diffé- mobilité résidentielle, alors oui, la mobilité est Interview rentes: la mobilité physique, la mobilité profes- durable et oui c’est un bel idéal de société. sionnelle, la mobilité résidentielle, un luxe et une aspiration en Île-de-France, et de plus en L. C. – En quoi les enjeux de la mobilité plus la mobilité affective. Ces mobilités compo- durable sont-ils liés à la planification Mireille Ferri est vice-présidente sent un territoire de la ville et un aménagement et à l’aménagement urbain chargée de l’Aménagement beaucoup plus complexes que la simple ques- des métropoles ? du territoire et de l’Égalité tion des transports. Le vrai conflit moderne n’est M. F. – Lier la mobilité durable à l’aménage- territoriale, des Contrats plus le conflit de voisinage mais le conflit ment conduit à se poser des questions sur ce régionaux et ruraux au conseil d’échelles et la mobilité en fournit qui doit ou non faire partie de la régional d’Île-de-France. une parfaite illustration en mon- » Peut-être que le lieu ville vécue, quotidienne. La ten- Depuis 2004, elle développe trant que c’est bien là-dessus que de réconciliation dance a été jusqu’ici d’éloigner une vision prospective doit porter l’arbitrage politique. de la ville ce qui était considéré comme de l'Île-de-France à l'horizon L’aspiration des populations à une et des transports bruyant, créateur de nuisances, 2030, traduit dans le schéma mobilité de proximité, donc lente, esthétiquement peu désirable, ou directeur de la Région sécurisée, douce, est totalement s’appelle l’espace moins cher à produire ailleurs. Île-de-France adopté contradictoire avec l’enjeu tout public ? « On a mis les hangars sur camions, par le conseil régional aussi légitime de la mobilité à une on a séparé le logement de l’acti- en septembre 2008. autre échelle, par exemple du grand territoire vité car on considérait que le transport ne coû- autour ou de la région. Il faut faire cohabiter tait ni ne valait rien. On s’est rendu compte les deux, ce qui est un magnifique exercice poli- depuis que le transport valait, qu’il coûtait en tique. énergie, en nuisances environnementales, en temps de transport et en autonomie des per- L. C. – Parler de mobilité durable, sonnes. Pour que la mobilité soit durable, il nous c’est souvent évoquer la proximité faut d’abord réinterroger la localisation et se ou l’énergie. Est-ce suffisant ? dire que les activités productives ne peuvent M. F. – La mobilité durable est une mobilité qui pas sans cesse être délocalisées. Il faut accep- retrouve le sens du lien d’un territoire avec d’au- ter que la zone urbaine vive un peu avec ce tres et lui permet de se situer comme un élé- qu’elle produit ou avec ce dont elle a besoin et ment d’un système. Un territoire est un lieu per- relocaliser à l’intérieur des villes des services manent d’ajustements dans un système et de urbains, des lieux artisanaux et des flux. Évi- liens avec les territoires qui le constituent demment, cela ne peut se faire qu’en négocia- comme les quartiers, et avec ceux dont il est tion avec la population. un élément, le grand territoire autour ou éven- tuellement l’Europe. On se déplace parce qu’on L. C. – Le Sdrif emploie un terme a besoin d’aller chercher des personnes res- inhabituel en matière d’aménagement sources, des approvisionnements, des informa- qui est celui de « robustesse ». tions ou de vendre des biens. Il faut donc savoir Pourriez-vous le commenter ? © IAUdéfinir le lien île-de-Francede dépendance ou d’autonomie M. F. – C’est un terme ancien qui, dans le lan- par rapport aux autres et ensuite seulement gage des ingénieurs, désigne la capacité d’un définir le transport. Ce n’est donc pas une ques- système technique de bien fonctionner en tion d’utilisation de l’énergie, mais de compré- toutes circonstances. Puisque nous allons entrer hension de ce qui motive les déplacements dans une période de turbulences qui va affec- pour pouvoir les organiser de manière efficace. ter l’ordre du monde, il m’a semblé intéressant La mobilité durable impose de réfléchir aux de le sortir de ce contexte et de garder l’idée. raisons de se déplacer, afin, justement, de préser- Dans une démocratie, la fonction du politique ver la liberté de déplacement à un coût sup- est une fonction d’assurance globale. Le risque portable pour le grand ou pour le petit terri- est grand de traverser ces bouleversements avec toire. «Vers une mobilité durable en Europe»? une insécurité sociale très forte. Il faut donc 18 que l’on ait une forme de robustesse qui ne soit avec la ville. Il y a un véritable enjeu de maî- pas qu’adaptée aux structures ou aux tech- trise foncière pour faire des quartiers de gare de niques, mais qui soit aussi une robustesse vrais lieux de centralité. Quels commerces y sociale. Nous avons également parlé de robus- implanter? Quels types d’emplois? Y aura-t-il tesse environnementale pour alerter sur le du logement? Autre question: celle du risque risque couru par nos écosystèmes et nos popu- d’effet pervers si l’augmentation de valeur des lations en raison du contexte environnemen- quartiers de gares se traduisait par l’éviction tal. Tout cela ne peux pas se faire sans produire des populations qui ont le moins accès à la et redistribuer de la richesse et de la protec- mobilité individuelle. Ces questions sont magni- tion, d’où la notion de robustesse économique. fiques, mais chaque cas nécessitera une négo- C’est le rapt d’un mot que j’ai trouvé beau en ciation technique et politique sur le type de raison de son double sens : celui du langage projet souhaité autour de ces pôles redevenus technique, et celui résultant de sa transposition centraux depuis que le transport n’est plus dans le domaine politique ou social. quelque chose de neutre et de gratuit.

L. C. – Cela ne réinterroge-t-il pas L. C. – Finalement vous souhaitez, la façon dont on fait de la planification ? avec les projets dans les quartiers M. F. – Nous devons nous préparer à faire face de gare, réconcilier la ville à des situations inédites. La robustesse, c’est de et ses transports… ne pas devoir se remettre en cause à tous M. F. – Pour réfléchir différemment, il faudrait moments parce qu’on n’a rien prévu. Nous aborder ces sujets non pas sous l’angle des devons repenser nos façons de planifier, qui transports, mais sous celui de l’espace public, seront forcément beaucoup plus complexes et ce qui permettrait de lier les différents modes plus malléables qu’auparavant. Dans le Sdrif, de transport, la sécurité de l’espace public, la nous avions associé deux termes: robustesse vitesse de déplacement ou le passage du code et souplesse, seul le premier a survécu. Être fort, de la route au code de la rue et de s’interroger c’est montrer réactivité et capacité d’adapta- sur les services, les commerces ou les activités tion, être à la fois robuste et souple. Il faudra qu’on met dans les limites de cet espace public nous adapter, réagir et peut-être infléchir, ce qui et la façon d’y accéder. J’aimerais bien, dans implique des outils d’évaluation et des les mois qui viennent, poursuivre ce débat sur moments pour des conférences avec les acteurs l’espace public, son utilité et son partage. Cela pour bien vérifier si ça fonctionne ou pas. Il fau- nous permettrait de réintégrer les transports dra apprendre à naviguer dans les échelles de dans quelque chose de plus urbain. Peut-être temps comme on doit le faire dans les échelles que le lieu de réconciliation de la ville et des de territoire. Pour assurer la pérennité de l’usage transports s’appelle l’espace public? agricole, il faut sécuriser les espaces agricoles Les quartiers de gare doivent et pour cela s’inscrire dans le long terme, devenir des lieux de centralités, comme c’est le cas si on pense infrastructures. Propos recueillis par Alain Meyère aménagés en considérant mobilité Mais si on traite des espaces publics ou de la et Sophie Laurent et intermodalité de manière globale. localisation des services, on va devoir penser adaptation plus rapide. Il faut faire l’exercice en pensant loin en raison de la durée de vie des bâtiments et des infrastructures et en même temps savoir encourager la mutabilité de ce que l’on a construit, sa transformation.

L. C. – En quoi l’intensification urbaine autour des quartiers de gare favorise-t-elle la mobilité durable ? M. F. – La densification© préférentielleIAU autour île-de-France des gares suppose d’une part que les projets urbains soient intrinsèquement liés aux projets de transport et d’autre part une intermodalité totale, absolue, et intégrée. Il faut cesser de rai- sonner par mode de transport, mais penser ser- vices, comme le préconisait déjà la loi Voynet, cesser de s’intéresser successivement au rail, à la route, au vélo, mais penser mobilité et inter- modalité. Le deuxième aspect est celui du pro- jet urbain et de la façon dont cela s’articule Lecroart/IAU îdF P. 19 Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150

Le lien urbanisme-transport dans le projet de Sdrif Dominique Riou(1) IAU île-de-France Le conseil régional d’Île-de-France a adopté, le 25 septembre 2008, le projet de nouveau schéma directeur de la région (Sdrif), document de planification qui projette à long terme (2030) le développement de la métropole .

isant la robustesse, la qualité de vie et la - préserver, dans un souci de compétitivité, les cohésion régionale, le projet de Sdrif se accessibilités à l’échelle métropolitaine; V fixe trois défis principaux qui sont la - rationaliser des fonctions logistiques et en cohésion sociale et territoriale au sein du terri- valorisant leur lieu d’implantation en faveur toire régional, les réponses aux enjeux clima- d’un report modal du transport de marchan- tiques et énergétiques, ainsi que le dynamisme dises. régional et le maintien du rang de l’Île-de- Cette stratégie des transports se place en pre- France parmi les métropoles mondiales. mier lieu au service du projet spatial régional et Dans ce contexte, les transports, élément natu- vise l’intégration des logiques de localisation rel majeur de la planification, revêtent dans le du développement urbain et de répartition des nouveau document une importance accrue. densités avec celles d’un développement hiérar- En effet, et contrairement aux situations pas- chisé des réseaux. Les orientations d’aménage- sées, les questions de déplacements et d’infra- ment intègrent tout particulièrement le quar- structures appellent aujourd’hui des réponses tier de gare comme lieu privilégié de la complexes, moins univoques, pour aller vers densification ou du développement urbain une mobilité durable des personnes et des (1000 m autour d’une gare ferroviaire ou d’une biens. Le projet de Sdrif prend le risque d’une station de métro et 500 m autour d’une station stratégie en grande partie novatrice en cher- de transport en commun en site propre - TCSP). chant à: Ainsi, l’intensification urbaine souhaitée du - créer des conditions d’une mobilité plus éco- cœur de l’agglomération centrale justifie et rend nome en distance parcourue et moins cen- indispensable un accroissement fort de la per- trée sur l’usage de l’automobile; formance des transports collectifs le desser- - réduire les inégalités sociales et territoriales vant. Outre l’amélioration de l’offre de service par le développement des réseaux, transports sur les lignes existantes, le maillage des réseaux collectifs et modes doux, mais aussi par l’amé- est développé grâce à de nouvelles liaisons de lioration de la qualité de l’offre; rocade. Le projet phare en est la rocade struc- - renforcer les capacités des réseaux pour qu’ils turante Arc-Express, dont l’intérêt réside dans Le projet spatial régional puissent desservir une ville, à terme, plus dense la capacité de mailler l’ensemble des lignes et plus compacte et faire face à une crois- radiales (métro, Transilien et RER), tout en irri- sance prévisible de leurs guant les quartiers denses mais mal desservis trafics; du cœur de l’agglomération ainsi que les terri- toires de projets. Pour l’agglomération dans son ensemble et les villes de l’espace rural d’Île-de-France, le pro- jet de Sdrif vise la maîtrise de l’urbanisation dif- fuse et le confortement du polycentrisme fran- cilien par l’intensification des polarités urbaines. Pour ce faire, il inscrit le nécessaire © IAU île-de-Francerenforcement des réseaux ferroviaires radiaux vers le cœur d’agglomération, mais aussi la créa- tion de nouvelles liaisons entre pôles voisins et au sein des bassins de vie. Plus de trente projets de TCSP, tramways et sites propres bus, sont ainsi ciblés.

(1) Dominique Riou est ingénieur transport. 20 Articuler transport et aménagement

Des contextes institutionnels et financiers contrastés 22

Articuler urbanisme et transport : quels outils ? 23

Après Kyoto, recherche ville écomobile… 27

Habiter ou travailler près d’une gare : effet sur le choix modal 32

© IAU île-de-France

21 Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150 Articuler transport et aménagement Des contextes institutionnels et financiers contrastés Jean-Pierre Chauvel(1) IAU île-de-France Aller vers une mobilité durable nécessite des actions de la part des acteurs du monde du transport, mais aussi de ceux de l’aménagement. Tous les niveaux de collectivité sont concernés. Mais les organisations administratives, les compétences et les ressources de ces différents niveaux diffèrent selon les pays, ce qui nécessite une vigilance dans l’analyse des cas étrangers, les solutions n’étant pas forcément comparables ni applicables en France. Tour d’horizon. Konrad Mostert/SxcHuKonrad Une certaine vigilance reste es modalités de financement et de ges- nal, par exemple, sont loin d’être uniformes. nécessaire quant à l’applicabilité tion des systèmes de transport et des pro- Dans les pays fédéraux, elles jouent un rôle très d’expériences étrangères réussies L jets d’aménagement dans les différents particulier. À l’intérieur de certains États, on en Île-de-France. pays européens apparaissent très diverses. Ceci peut trouver une autonomie « à plusieurs n’est le plus souvent que la conséquence de vitesses» (en Espagne, notamment). En matière choix en matière, d’une part, de partage entre de compétences, à l’échelle européenne, la pro- sphères publique et privée et, d’autre part, de tection sociale et l’enseignement sont les deux répartition de compétences entre l’État central principaux postes de dépenses des collectivités et les différents niveaux de collectivités. infra-nationales (21 % chacun). Le troisième poste de dépenses est celui des affaires écono- Des hiérarchies administratives variables miques (12 %),suivi par la santé, le logement et La France appartient au groupe des sept pays les équipements collectifs. européens disposant de trois niveaux de col- La taille budgétaire est très variable: le budget lectivités, qui rassemblent les trois quarts de la de la région Île-de-France est de 4,5 Md€, celui population totale. Elle regroupe 40 % des com- du Grand Londres de 11 Md€ et celui de la Com- munes européennes, et l’Allemagne 13 %. munauté autonome de Madrid de 16 Md€. Ceci Conséquence partielle: la population moyenne renvoie naturellement aux compétences exer- des communes varie de 1 720 habitants en cées. Parmi les recettes fiscales, certaines pro- France à près de 140 000 au Royaume-Uni. viennent des recettes d’impôts étatiques sur les- L’importance du secteur public territorial en quels les collectivités ne peuvent pas influer. proportion du PIB est également très variable, En moyenne, en 2005 en Europe, 57 % de la fis- allant de 5 % pour le Luxembourg à 33 % pour calité correspondait à de la fiscalité propre et le Danemark (et 11 % pour la France). En 2007, 43 % à de la fiscalité partagée(2) avec l’État. Les il représente en France 20 % de l’ensemble des trois impôts locaux les plus répandus en Europe dépenses publiques (collectivités, État et Sécu- sont l’impôt foncier, largement utilisé, l’impôt rité sociale). Au Danemark, le pourcentage simi- local sur les entreprises et l’impôt local sur le laire atteint 65 %, en Espagne 54 % et 13 % au revenu des personnes physiques. L’autonomie Luxembourg. Les collectivités constituent dans fiscale des collectivités locales varie en fonc- tous les grands pays européens un acteur clé en tion de l’importance de la fiscalité locale, mais matière d’investissement et d’emploi. Elles aussi du degré de liberté dont disposent les col- représentent plus des deux tiers des investisse- lectivités locales pour utiliser leurs ressources ments publics, même si parfois elles intervien- et pour déterminer les taux d’imposition. En nent essentiellement pour le compte de l’État 2005, l’autonomie fiscale(3) est maximale (plus (Irlande, Pays-Bas par exemple). Les collectivi- de 40 %) au Danemark, en Suède, en Finlande tés infranationales sont également un des plus et en France. Le pourcentage est, au contraire, © IAUimportants employeursîle-de-France (et souvent le plus inférieur à 10 % dans les pays baltes, en Irlande, important) : environ 18 millions de personnes en Autriche ou en Bulgarie. Ceci résulte le plus en Europe, soit 56 % des agents de l’adminis- souvent de l’incidence de transferts de compé- tration publique et 16 % de l’emploi total. tences aux entités locales.

Une répartition des compétences

et des ressources (1) Jean-Pierre Chauvel est économiste. Ces différences en termes de hiérarchie admi- (2) Fiscalité d’État sur le montant de laquelle la collectivité nistrative se recoupent avec la répartition des n’a aucune possibilité de modulation via une variation de taux d’imposition. compétences, et des ressources, entre les diffé- (3) Part des recettes fiscales propres dans les recettes totales rents niveaux. Les collectivités de niveau régio- des collectivités. 22 Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150 Articuler transport et aménagement Articuler urbanisme et transport : quels outils ? Sophie Laurent(1) IAU île-de-France

Articuler urbanisme et transport, en particulier intensifier l’urbanisation autour des axes de transports collectifs? L’objectif, largement partagé, s’avère difficile à mettre en œuvre. Quelques pistes de réflexion à travers l’exemple des outils et méthodes appliqués depuis plus de quinze ans en Rhénanie du Nord- Westphalie, pour une urbanisation «aux bons endroits», et des concepts innovants, aujourd’hui développés à Lille, Toulouse ou Grenoble. gTarded/Flick’r

L’Allemagne a développé hercher à articuler urbanisme et trans- des régions polycentriques »(2). Les actions des outils adaptés pour densifier port n’est pas une problématique nou- conjointes des Länder et communes, ou de l’urbanisation autour des axes C velle. Mais le contexte actuel (rareté de structures créées à des échelles intermédiaires, de transports collectifs. l’espace, réchauffement climatique, pollution ont permis la réalisation effective d’objectifs de liée aux transports...) donne d’autant plus d’im- concentration du développement autour des portance à cet objectif. Et au-delà de l’objectif, nœuds de transport et de sa limitation ailleurs. des méthodes et des outils sont aujourd’hui Outre son rôle d’orientation de l’activité des nécessaires.Toutes les métropoles sont confron- communes en matière d’urbanisation via le pro- tées à l’étalement urbain, à la spécialisation des gramme d’aménagement régional, dont les fonctions, au mitage, aux problématiques des déclinaisons à l’échelon communal restent très dessertes et de l’accessibilité, et cherchent à floues, le Land intervient par le biais de mesures rapprocher les zones d’habitat et d’emploi, à incitatives et de subventions destinées aux Lexique densifier les zones urbanisées, notamment zones situées «au bon endroit». Depuis plus de TCSP: transport en commun en site autour des axes structurants de transports col- dix ans déjà, le Land de Rhénanie du Nord- propre, système de site propre (voie lectifs, pour offrir des alternatives à l’automo- Westphalie a développé toute une série d’ac- dédiée) avec aménagements (stations, carrefours...) de qualité tramway, bile… L’Allemagne, active depuis une quinzaine tions concrètes et d’instruments de subvention sur lequel circule avec une fréquence forte d’années sur ce sujet, est un exemple intéres- en matière d’urbanisme, d’aménagement et de un matériel roulant de type bus. sant, notamment les actions mises en place par logement, très innovants à l’époque. Une large les Länder (dont celui de Rhénanie du Nord- concertation entre 1990 et 1998 (200 tables Westphalie) ou les autres échelons territoriaux rondes locales initiées par le Land avec les com- (dont les communes de Stuttgart, Bonn, munes et les districts) avait permis de dresser le Cologne, Münster).Aujourd’hui en France et ail- diagnostic des possibilités et contraintes. Le leurs en Europe, des actions se développent. Land a ensuite organisé, par le biais des direc- © IAUQu’en sera-t-il pourîle-de-France l’Île-de-France, qui propose tives pour le renouvellement urbain(3), qu’il a clairement dans le nouveau schéma directeur modifiées en 1998, des subventions pour amé- de la région Île-de-France une densification nager les quartiers de gare et développer de autour des axes de transports collectifs? nouveaux quartiers d’habitat situés aux arrêts ferrés, avec des financements favorisant l’habi- En Allemagne: un cadre fédéral relayé tat peu consommateur d’espace: attribution de par les Länder… Remerciements à Patricia Gout de la DRE L’Allemagne a développé depuis longtemps les (1) Sophie Laurent est architecte-urbaniste. Alsace, Julie Blais de l'Agence d'urbanisme notions de concentration décentralisée, de ville (2) Zukunft Stadt 2000, rapport de la Commission Zukunft de Grenoble, Jean-Louis Sehier et Céline Stadt 2000 du Bundesministeriums für Raumordnung, Bau- Depière de Lille Métropole Communauté dense, compacte. Dès 1993, l’État fédéral parle wesen und Städtebau, Bonn, 1993. Urbaine. de «ville compacte et multifonctionnelle dans (3) Förderrichtlinien Stadterneuerung du Land NRW. 23 Offrir un cadre favorable Articuler transport et aménagement Les Cahiers n° 150 Articuler urbanisme et transport : quels outils ?

Sources subventions forfaitaires pour les coûts d’aména- … Avec une action décisive de l’échelon Les paragraphes sur l’Allemagne sont gement et en fonction de la typologie des communal essentiellement tirés des travaux dirigés constructions pour les quartiers de plus de 150 Mais l’échelon communal, lieu de la planifica- par Patricia Gout, alors directrice d’études à l’Agence du développement urbain et logements situés à moins de 500 m d’un site tion de l’usage des sols, reste le niveau majeur régional du Land de la Rhénanie du Nord- propre (métro léger, tramway ou métro) ou en matière d’articulation urbanisme-transport, Westphalie: moins de 1 km d’une gare, au centre de l’ag- de densification autour des axes de transports - Institut für Landes- und glomération ou en première périphérie. Des collectifs, même si les communes ont besoin Stadtentwicklungsforschung des Landes subventions sont également allouées aux de l’aide financière des collectivités de niveau Nordrhein-Westfalen (Ils) Institut de (4) recherche pour le développement «zones d’aménagement» (type Zac), toujours supérieur qui peuvent agir par ce biais. régional et urbain du Land de la pour la mise en valeur de terrains à proximité Rhénanie du Nord-Westphalie, Mobilité des arrêts ferrés et TCSP, ainsi que des aides à la Les solutions, le contenu et urbanisme en Allemagne, Promouvoir réhabilitation pour les friches ferroviaires. Enfin, Les villes allemandes ont développé les l’urbanisation autour des dessertes les aides au logement locatif sont condition- concepts de «ville des courtes distances», urba- ferrées et des TCSP: . Tome 1: La politique du Land de la nées à la proximité (moins de 1,5 km) d’une nisation «aux bons endroits», «concentration Rhénanie du Nord-Westphalie, Ademe, gare ou d’une station de TCSP, tramway ou décentralisée ». Ils associent la densification Predit 2, Dortmund, 2001. métro. autour des gares, avec des programmes mixtes, . Tome 2: Des politiques locales En parallèle, le Land a mis en place des actions à une amélioration de leur desserte en trans- exemplaires, Drast, Predit/groupe 4.1 en faveur de la réhabilitation et de la requalifi- ports collectifs. Ailleurs, l’urbanisation est frei- (gestion des déplacements), 2001. -GOUT Patricia, L’Allemagne joue la carte cation des gares et des emprises ferroviaires née, voire gelée. Les constructions d’habitat des «courtes distances», in Recherches qui les jouxtent: un programme pour réhabili- semi-collectif, de maisons de villes sont favori- & synthèses, groupe thématique gestion ter les gares, avec un accord cadre Land- sées, et le nombre de places de stationnement des déplacements urbains, Predit 1996- DeutscheBahn (DB), le «programme d’action par logement réduit, par exemple, à une seule 2000. pour 100 gares»(5) ; un forum d’échange et un place de stationnement dans les quartiers bien Quelques éléments complémentaires sont tirés de l’ouvrage Développement d’un processus de médiation DB – communes sur desservis par les transports collectifs, afin de urbanisme orienté vers le rail et les problématiques des emprises ferroviaires. limiter le nombre de voitures par ménage. Des intermodalité dans les régions urbaines Par ailleurs, l’organisation de concours interré- opérations de réhabilitation des centres-ville et allemandes et françaises - Enseignements gionaux a permis d’encourager et de dévelop- de constructions dans les friches et dents du projet Bahn-Ville, janvier 2005, projets per l’innovation venant des communes, de creuses sont également menées en parallèle. 2001-2004 dans le cadre de la coopération franco-allemande DEUFRAKO renforcer le sentiment d’appartenance commu- Stuttgart a par exemple défini dans les années (voir http://www.bahn-ville.net/). nale/régionale et le dialogue intercommunal. 1990 des critères d’ouverture à l’urbanisation: Il ne s’agit donc pas seulement d’objectifs, mais celle-ci n’est possible que dans des secteurs aussi de toute une série d’actions concrètes bien délimités, situés à moins de 500 m d’une menées en parallèle et de manière coordon- gare ferroviaire ou d’un TCSP, dans un périmè- née, entre la planification régionale, l’urba- tre déjà urbanisé, pour une superficie supé- nisme, l’aménagement, l’habitat et les trans- rieure à dix hectares, hors zone de restriction ports. À travers ses critères de subvention du environnementale. En parallèle de l’urbanisa- logement et de l’urbanisme, le Land incite les tion à proximité des nœuds de transport, les collectivités locales à jouer la carte de la cohé- villes travaillent à l’attractivité et à l’efficacité rence entre l’urbanisme et les transports. Dans de l’offre de transports collectifs. C’est cette certains cas, des échelons intermédiaires com- action conjointe sur l’urbanisation et l’offre de binent la compétence urbanisme et transport, transport qui permet de répondre aux objec- ce qui leur permet d’agir de manière coordon- tifs de développement durable. Cette améliora- née sur ces deux sujets. C’est le cas par exem- tion passe à la fois par les aménagements de la ple de la grande agglomération de Stuttgart gare elle-même: accès, animation, sécurisation, (Verbandregion Stuttgart), créée en 1994, auto- stationnement pour vélos, organisation des rité organisatrice depuis 1996, chargée à la fois rabattements bus…, et par le renforcement des des transports régionaux (S-Bahn et bus régio- fréquences et vitesses de la desserte ferrée ou naux) et de l’aménagement du territoire. Dans du TCSP/tramway, ou encore des extensions de d’autres cas, des structures de coopération lignes existantes (Cologne) ou des réouvertures © IAUurbanisme-transport île-de-France informelles peuvent avoir de lignes ferroviaires périurbaines ou régionales un rôle important, comme c’est le cas du et/ou des stations (Münster). Les actions volon- groupe de travail régional Rak (Regionalarbeits- taristes engagées par ces villes ont eu des résul- kreis) à Bonn. Cette structure informelle de coo- tats encourageants: à Münster par exemple, 75 % pération intercommunale, mise en place dans des zones d’habitat construites entre 1992 la région au moment du déplacement du gou- et 2002 (plus de 17000 logements) l’ont été à vernement à Berlin, centralise par exemple les moins de 1500 m d’une gare, 75 % sont égale- aides financières à la construction de logement ment à moins de 800 m d’un centre secondaire. en provenance du Land et les redistribue. (4) Städtebauliche Entwicklungsmaßnahmen. (5) Initiative intitulée Bahnflächen und Bahnhöfe zur Stadt machen - Aktionsprogramm 100 Bahnhöfe in NRW. 24 La méthode, les outils pondant à une accessibilité théorique de 5 à Tout cela nécessite une forte volonté politique, 10 min à pied. Le PLU actuel intègre d’ores et des structures territoriales et une approche inté- déjà des normes de stationnement spécifiques grée de l’action urbaine. Les outils et méthodes dans le périmètre des Divat. À l’occasion de la diffèrent selon les villes étudiées, mais visent révision de son plan de déplacements urbains les mêmes objectifs. Cologne a utilisé par exem- (PDU), Lille Metropole souhaite aller plus loin ple la méthode de «l’analyse territoriale inté- et utiliser ces Divat pour remplir les objectifs grée», qui s’appuie sur une analyse écologique qu’elle s’est fixés en matière de développement La Mehrfamilienhaus (MFH): des entrées couplée d’une analyse socio-économique à durable, en articulant de manière efficace urba- séparées mais un toit commun C’est une typologie d’habitat très répandue l’échelle des grands secteurs territoriaux de nisme et transport, avec une intégration des en Allemagne, entre le petit collectif l’agglomération. Elle précise les potentiels d’évo- mesures définies tout d’abord dans le PDU, sui- et la maison individuelle, qui permet lution urbaine et conduit à formuler un ensem- vie d’une traduction dans le PLU sous forme d’envisager des densités non négligeables ble de recommandations pour l’évolution des de règles. L’objectif est également de définir tout en conservant un esprit d’habitat territoires urbains. Celles-ci sont utilisées pour des règles qui puissent s’appliquer en cas de «individuel». Il s’agit de grosses maisons mettre en cohérence la programmation des développement d’un nouvel axe structurant de de plusieurs étages constituées de plusieurs appartements transports, de l’habitat, du développement éco- transport collectif (comme c’est le cas du futur et dans lesquelles vivent plusieurs familles nomique et valoriser les qualités environne- tram-train). Elle envisage dans ce cadre de hié- ou ménages. mentales ou la politique foncière. Ce travail en rarchiser les Divat en fonction de la desserte La loi allemande sur la propriété continu forme à la fois un outil d’aide à la déci- dont ils bénéficient (Divat stratégiques et Divat (Wohnungseigentumsgesetz) prévoit sion déclinant territorialement le projet d’ag- ordinaires), de distinguer d’éventuelles sous- la possibilité de répartir la propriété de la maison et de sa parcelle glomération et une préfiguration de la révision zones, par exemple les premiers 250 m autour entre les propriétaires des différents du document d’urbanisme global (Flächennut- de la gare ou station, et de définir un Divat appartements. zungsplan). élargi, dit Divat cycliste, avec un rayon de 1500 m Certaines villes, comme Münster ou Cologne, au lieu des 500 m(7). En ce qui concerne l’urba- ont mené, par ailleurs, une politique foncière nisation, la réflexion porte sur le Cos à définir ambitieuse: grâce à une coordination étroite pour les Divat et les règles de composition entre planification et opérationnel, elles ciblent urbaine associées. Elle vise également à une leur action foncière sur les sites stratégiques de réflexion sur la valorisation des friches indus- développement et ont constitué des réserves trielles ou ferroviaires, avec une approche de foncières dans les zones ouvertes à l’urbanisa- projet urbain sur les grandes emprises, et à la tion (la moitié des surfaces constructibles leur mise en place d’un outil de veille foncière per- appartient). Cette politique a permis d’asseoir manente, afin que la collectivité soit en mesure l’action publique, pour modérer les prix du fon- de saisir toute opportunité, même sur une par- cier et proposer une offre urbaine au bon celle isolée. Côté mobilité, corollaire indispen- endroit. C’est un des outils clés pour maîtriser le (6) Seules les gares bénéficiant d’une desserte minimum de coût des logements dans les secteurs bien des- dix trains par jour et par sens sont considérées. servis par les transports collectifs, dans l’esprit (7) Correspondant à un trajet de 10 min en vélo. du volet social du développement durable. Enfin, les constructions ont, dans certains cas, été accompagnées, comme dans le programme local de l’habitat de Münster, d’actions de «mar- keting de l’habitat» mettant en avant les avan- tages de ces localisations: rapport qualité/prix, coûts réels et, notamment, économies d’énergie et de transport. Certains vendeurs ont eu recours à des actions complémentaires comme Après Euralille 1 autour de la gare l’intégration de l’abonnement aux transports de Lille Europe, Lille Métropole collectifs dans le prix de vente de la maison ou continue à densifier autour de l’appartement. S. Laurent/IAU îdF des nœuds de transports collectifs © IAU île-de-Franceavec le quartier Euralille 2, Des initiatives récentes en France, à 10 minutes de marche de la gare à suivre de Lille Flandres.

Les Divat à Lille La communauté urbaine de Lille Metropole a développé dans son plan local d’urbanisme (PLU) actuellement en vigueur le concept des disques de valorisation des axes de transport (Divat), disques de 500 m de rayon centrés sur (6) les stations de métro/tramway ou gares , corres- S. Laurent/IAU îdF 25 Offrir un cadre favorable Articuler transport et aménagement Les Cahiers n° 150 Articuler urbanisme et transport : quels outils ?

structurants de transport. La ville est, aujourd’hui, en train d’élaborer son projet de ligne E de tramway selon ces principes. Il devrait aboutir prochainement à la signature du pre- mier «contrat d’axe», qui décline les principes de la charte en engagements opérationnels des À Grenoble, la communauté collectivités et du Syndicat mixte des transports d’agglomération a engagé collectifs (SMTC). Celui-ci a lancé une étude des démarches pour accélérer pour son élaboration, mobilisant un bureau

la densification urbaine naturelle H. Gaillardot/aurg d’études transport et un cabinet d’urbanisme. (ici mairie d’Échirolles le long Ce long travail, piloté par une équipe technique de la ligne A) autour de ses futures restreinte transversale(9), a associé les com- lignes de tramway. munes, mais aussi le département, la région, l’État, l’établissement public foncier… Il s’est déroulé sous forme de comités techniques asso- ciant tous les partenaires, de réunions spéci- fiques avec les communes, séparément et ensemble, pour des aller-retour sur le diagnos- tic et les propositions, de groupes de travail tech- niques thématiques composés d’experts, et de

Ben Ward/Flick’r comités de pilotage d’élus. Il a permis, après un diagnostic intégrant une analyse des potentiels Sources sable, elle prévoit un travail sur le maillage pié- fonciers et des enjeux urbains du territoire, de L’étude stratégique sur les disques tons/modes doux afin de rendre réellement définir le long de l’axe transport des zones de de valorisation des axes de transport accessible toutes les zones du Divat depuis la densification et de projets jusqu’à un stade pré- (Divat) réalisée par le groupement de bureaux d’études Spire-Transitec-Traces station ou la gare en moins de 10 min. Cette opérationnel. Un périmètre de veille foncière Urbains pour Lille Métropole Communauté mise en accessibilité passe par un travail sur le dans le corridor direct du tramway, mais aussi urbaine (LMCU) domaine privé (phénomènes de résidentialisa- de manière élargie dans les communes traver- en janvier 2009 sera disponible tion), afin de dégager des servitudes de pas- sées, a été mis en place afin que la collectivité au printemps 2009 auprès de la LMCU. sage. En ce qui concerne les vélos, il s’agit éga- soit en mesure de réagir dans le cas d’éven- La charte urbanisme et transport de Grenoble est téléchargeable sur lement d’améliorer l’accessibilité en proposant tuelles évolutions non conformes aux objec- www.smtc-grenoble.org/files/genese des solutions en matière de plan de circulation. tifs. L’année 2009 est une année de transition _charte_urbanisme. pdf (contacts Le travail sur la mobilité traite également du qui devrait permettre de préciser les pro- possibles: l’Agence d’urbanisme stationnement automobile sur le domaine privé, grammes des projets urbains associés, avant la de l’agglomération grenobloise à limiter, voire supprimer pour les bureaux situés signature du contrat d’axe. Le processus com- ou le Syndicat mixte des transports (8) collectifs). dans le périmètre , et à optimiser pour les loge- plet prévoit, à la suite des étapes d’élaboration Le guide méthodologique pour la mise ments. Il prévoit, en revanche, d’augmenter conjointe et de contractualisation, un suivi, une en œuvre des contrats d’axe de Toulouse l’offre en stationnement pour les vélos dans le évaluation et une valorisation des projets et réa- est téléchargeable sur http://www.auat- périmètre Divat élargi, à la fois aux abords lisations au regard des objectifs définis dans le toulouse.org/spip.php?article11513 immédiats de la station ou de la gare, mais aussi «contrat d’axe». (site de l’Agence d’urbanisme et d’aménagement du territoire dans le domaine privé. En Île-de-France, la complexité institutionnelle de Toulouse aire urbaine – AUAT). et les imbrications d’échelles ne facilitent pas Les contrats d’axe à Grenoble et Toulouse la mise en œuvre d’actions concrètes et systé- De leur côté, les communautés d’aggloméra- matiques d’articulation urbanisme-transport. Il tion de Toulouse (Grand Toulouse) et Greno- n’empêche que la déclinaison des objectifs du ble (Grenoble Alpes Métropole) développent Sdrif, le contexte actuel de révision du PDUIF en parallèle un outil d’articulation urbanisme permettent d’imaginer le développement d’ou- et transport intitulé «contrat d’axe». Celui-ci vise tils et de méthodes sur ce thème, qui peuvent à élaborer de manière conjointe un axe trans- s’inspirer des exemples européens comme celui © IAUport structurant île-de-France et l’urbanisation associée, et à de l’Allemagne, ou de province, à adapter aux contractualiser entre monde du transport et spécificités du contexte francilien. monde de l’aménagement, c’est-à-dire essen- tiellement la communauté d’agglomération, le syndicat des transports, les communes et autres collectivités concernées, autour d’un projet de

territoire commun intégrant l’ensemble. Greno- (8) Les personnes disposant d’une possibilité de se garer sur ble a élaboré, dans un premier temps, une leur lieu de travail ont tendance à s’y rendre en voiture (huit charte commune intégrée au PDU 2007-2012, personnes sur dix d’après l’enquête « ménages déplace- ments» de la communauté urbaine de 2006). portant sur des principes d’élaboration (9) Quatre personnes de l’agglomération, du SMTC et de conjointe et de densification autour des axes l’Agence d’urbanisme de la région grenobloise. 26 Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150 Articuler transport et aménagement Après Kyoto, recherche ville écomobile… Paul Lecroart(1) IAU île-de-France

Ville, transports et modes de vie se coproduisent dans le temps. Faire évoluer ces trois variables dans un sens plus «durable», c’est un peu comme tenter de fabriquer en même temps l’œuf, la poule et le coq. Ailleurs, en Europe et en Asie, des villes s’y essayent au travers de politiques et de projets qui inventent une «urbanité écomobile»: une forme de ville basée sur la marche, le train, le métro, le tram, le bus, le vélo, et… la voiture partagée. Daniel Shoenen

Dans le quartier Vauban (Fribourg), a forme d’une ville change plus vite que Ces exemples sont là pour donner envie d’aller la rue est un espace de jeu. le cœur d’un mortel, regrettait Baudelaire. plus loin, d’abord dans la compréhension des L Elle change en tous cas plus vite que son interactions entre urbanisme, transports et mobi- système de mobilité n’évolue, pourraient regret- lité, mais surtout dans l’action. Aucun cas n’est ter les Franciliens d’aujourd’hui, et d’abord les exemplaire : les tâtonnements vers une ville plus fragiles et les plus captifs, ceux qui ne sont moins dépendante de la voiture particulière Références bibliographiques pas en situation de choisir leur mode de trans- sont pavés de contradictions, tant «l’automobi- port ou leur lieu d’habitat. lité» s’est incrustée dans le temps et la matière • BONANOMI Lydia, Développement urbain D’où la nécessité de combiner différentes même des villes. On peut dire qu’elle fait partie et écomobilité, Irec, Lausanne, 1998. approches pour agir à la fois sur l’offre et sur la aujourd’hui de leur «patrimoine génétique». • BONANOMI Lydia, Vers un urbanisme de la demande, sur la structure et sur les comporte- proximité : coordonner développement ments, depuis l’échelle régionale – celle des Mais, à toutes les échelles et dans des contextes urbain et transports, Irec, Lausanne, 2000. décisions stratégiques d’aménagement et de la très divers, l’une des clés des expériences les • FAURE Anne et al., Forme urbaine programmation des grands réseaux de trans- plus abouties est l’organisation d’un dialogue et déplacements à l’échelle de port – jusqu’à l’échelle du quartier – celle de permanent constructif entre acteurs de mondes l’agglomération, Predit, Ademe, Mate, l’aménagement opérationnel, celle de la différents : élus régionaux, métropolitains et Arch’Urba, octobre 2001. conception et de la gestion des espaces publics, locaux, ingénieurs, urbanistes, transporteurs, • « Grands projets urbains en Europe », Cahiers de l’IAURIF, n° 146, Iaurif, mais aussi du stationnement. architectes, habitants, usagers, entrepreneurs, mars 2007. Les exemples qui suivent illustrent ces tenta- promoteurs, etc. • LECOMTE Dominique et al. Madrid, une tives de coproduction de la ville et des «écomo- De cette interaction émergent de nouveaux région en forte croissance. Aménagement bilités », à plusieurs échelles, autour de ques- outils, comme les «centrales de mobilité» en et planification, Iaurif, décembre 2006. tions qui se posent en Île-de-France: Allemagne ou en Autriche. Ces «guichets • LECROART Paul, Tokyo : Stratégies de développement urbain de la région - le «polycentrisme compact interconnecté», uniques de la mobilité», qui favorisent le chan- métropolitaine,©Iaurif, octobre 2002.IAU- le renforcement île-de-France de la centralité autour des gement dans les pratiques de déplacement, sont gares, les alliés précieux d’un urbanisme qui se vou- Remerciements à Anne-Sophie Fulda - les tramways et métros comme outils d’urba- drait plus écomobile. (Eifer), Kyoko Niira (TMG), nisme et d’inclusion sociale, Corina Lochmann (Eifer) et Corinne Tiry (LACTH-IPRAUS). - l’aménagement urbain et le financement d’un métro, À la mémoire de Lydia Bonanomi, - la multimotorisation dans les nouveaux quar- architecte-urbaniste, chercheure tiers périphériques, passionnée à l’École polytechnique - l’écomobilité dans un quartier urbain, fédérale de Lausanne, dont les travaux pionniers continuent d’inspirer - l’espace public pour les piétons, la recherche d’un urbanisme écomobile. - la «ville sans voitures». (1) Paul Lecroart est géographe-urbaniste. 27 Offrir un cadre favorable Articuler transport et aménagement Les Cahiers n° 150 Après Kyoto, recherche ville écomobile…

Tokyo : une ville de gares Un «polycentrisme compact interconnecté»: Tokyo Depuis son plan de 1963, Tokyo suit un modèle de développement polycentrique organisé autour des gares d’interconnexion d’une rocade ferrée de type RER (Yamanote) avec les réseaux régional et national (Shinkansen). Les fonctions métropolitaines se répartissent aujourd’hui sur neuf centres secondaires (ter- tiaire supérieur à Shinjuku, loisirs sur le Water- front, hi-tech à Akihabara…), lieux d’une inten- sification économique et commerciale portée par les compagnies ferroviaires propriétaires des sols. Depuis 2001, une deuxième rocade métro (Oedo) appuie la politique publique de reconversion urbaine des zones industrielles de l’Est pour l’habitat. Cas extrême, Tokyo mon- tre le rôle structurant de rocades ferrées qui relient les lieux forts de la métropole et desser- vent les tissus les plus denses et mutables. P. Lecroart/IAU îdf Intensification urbaine près de la gare Shimbashi.

Berlin : anciens et nouveaux centres autour des gares Renforcer la centralité autour des gares: Berlin Les gares sont les lieux privilégiés par le plan directeur de Berlin (2005) et le Plan Mobil2010 pour consolider les fonctions centrales au tra- vers des projets urbains, notamment le long de l’axe est-ouest Charlottenburg-Alexanderplatz. Comme la plupart des Länder allemands et des pays du nord de l’Europe, la législation berli- noise impose l’implantation des centres com- merciaux près des transports: celui de Gesund- brunnen est bâti sur une gare régionale qui croise la rocade RER. Contradictions d’une poli- © IAU île-de-Francetique: le stationnement y est gratuit…

Le centre commercial Gesundbrunnen. P. Lecroart/IAU îdf 28 P. Lecroart/IAU îdf P. Lecroart/IAU îdf

Tramways et métros, outils d’urbanisme les deux dernières décennies, les extensions du Station Alorcon Central en banlieue et d’inclusion sociale: Madrid réseau de métro et de tramway ont accompa- sud de Madrid (MetroSur). Les ménages socialement fragilisés ont, plus gné la croissance démographique très rapide de Quartier de Sanchinarro que d’autres, besoin de transports collectifs per- la région madrilène en rendant accessibles les au nord de Madrid. formants pour accéder aux possibilités d’em- nouveaux quartiers d’habitat périphériques. ploi, de loisirs, de culture de la métropole. Les Grâce à un effort spectaculaire d’investissement transports sont des leviers puissants pour la de la Communauté autonome de Madrid, les régénération des quartiers défavorisés. À transports publics assurent aujourd’hui plus de Madrid, la rocade métro périphérique Metro- la moitié des déplacements dans la métropole. Sur (L12), achevée en 2003, a révolutionné l’ac- Mais le modèle a ses limites : ces quartiers- cessibilité de cinq villes industrielles de la ban- dortoirs sans vie, coupés de la ville par les lieue sud (877000 habitants). Elle est devenue rocades autoroutières, et conçus comme une un outil de développement urbain partagé et de série d’îlots fermés sur eux-mêmes, risquent de mise en commun de grands équipements basculer vers «l’automobilité». comme les hôpitaux ou les universités. Durant P. Lecroart/IAU îdf Ville d’Utrecht P. Lecroart/IAU îdf

La mobilité, talon d’Achille le centre-ville, réseau cyclable, etc.). Mais la situa- Train régional à la gare de Terwijde des périphéries? Utrecht tion excentrée du quartier, la faible densité et les (Leidsche Rijn). L’ambitieux ©programme VinexIAU aux Pays-Bas a modesîle-de-France de vies éclatés des jeunes ménages, qui Stationnement en rez-de-chaussée conduit en dix ans (1995-2005) à la réalisation travaillent dans différentes villes de la Randstad, d’immeuble (Leidsche Rijn). d’environ 690000 logements sur 80 sites. Afin ont engendré une multimotorisation et un Maquette du projet (les tubes de limiter la mobilité automobile, le gouverne- usage intensif de la voiture. Les normes de sta- sont les lignes de bus!). ment a prôné le principe d’extensions urbaines tionnement ont été revues à la hausse (entre compactes proches des villes existantes. Le plus 1,45 et 1,75 place par logement) au détriment grand site Vinex est Leidsche Rijn, en périphé- de la qualité urbaine. Le pari de la ville rie d’Utrecht (30000 logements, 80000 habitants d’Utrecht est d’offrir services et emplois sur et 40000 emplois prévus en 2015 sur 2500 ha): place, grâce à la réalisation prochaine d’un cen- ici, l’offre de transport est assez étoffée (nou- tre urbain autour d’une nouvelle gare régio- velle gare de type TER, bus en site propre vers nale… 29 Offrir un cadre favorable Articuler transport et aménagement Les Cahiers n° 150 Après Kyoto, recherche ville écomobile…

Copenhague : aménagement urbain et transports (2005) L’aménagement peut-il financer le métro? Copenhague Depuis 1947, la région de Copenhague organise sa croissance autour des axes ferroviaires dans le cadre du fameux plan «en doigts de gants» (Finger Plan révisé en 2007) ; cette politique repose notamment sur une fiscalité défavora- ble à l’étalement urbain. Jusqu’en 2007, la construction du métro automatique de Copen- hague a été payée par les bénéfices de l’amé- nagement du quartier Ørestad, au sud de la ville, (20000 habitants et 60 000 emplois sur 310 ha à l’horizon 2017), réalisé concomitam- ment par la société publique d’aménagement d’Ørestad: lorsque le métro est arrivé en 2005, les immeubles n’étaient pas sortis de terre. L’im- possibilité d’asseoir le financement de la future rocade métro de la ville sur une seule opération a conduit à scinder les deux activités et à fusion- ner la société d’aménagement d’Ørestad avec le port de Copenhague, où se développent de nouveaux quartiers… à l’écart du métro ! La nouvelle société d’aménagement dont les actionnaires sont l’État (45 %) et la ville (55 %), n’apportera au final qu’une contribution finan- cière indirecte et minoritaire à la nouvelle ligne. P. Lecroart/IAU îdf Métro au cœur du futur centre urbain d’Ørestad.

Écomobilité dans un quartier urbain: Stockholm Stockholm est une référence pour la coordina- tion entre des politiques d’urbanisme et de transports, tant à l’échelle du comté (région) que de la ville. Limiter à 20 % à l’horizon 2010 la part des dépla- cements en voiture pour diminuer l’empreinte énergétique : tel était l’un des objectifs de la

P. Lecroart/IAU îdf ville pour le quartier Hammarby Sjöstad déve- loppé sur un ancien site industriel: 25000 habi- Navette fluviale du quartier tants et 8 000 emplois prévus pour 2017 sur Hammarby Sjöstad. 200 ha. Avec 70 % de déplacements « écolo- giques», l’objectif est en passe d’être atteint par le jeu d’une combinaison de mesures: tramway en rocade relié à un pôle d’échange, ferry (un quart des déplacements), bus, conception de l’espace favorable au piéton et au vélo, auto- partage (8 % des ménages membres du car- © IAU île-de-Francepool) et strictes normes de parking (0,55 place par logement + 0,1 place sur voirie). Mais ce résultat est surtout à mettre à l’actif d’un travail transdisciplinaire de conception urbaine inté- grée de l’amont à l’aval du projet.

Hammarby Sjöstad: une conception urbaine intégrée,

favorable au piéton. P. Lecroart/IAU îdf 30 Libérer l’espace public pour les piétons: Copenhague Copenhague est l’une des villes les plus éco- mobiles au monde: seuls 23 % des trajets domi- cile-travail se font en voiture, pour 36 % en vélo et 33 % en transports en commun. La municipa- lité développe une stratégie d’attractivité qui passe par la reconquête de l’espace public pour les piétons dans toute la ville dans le cadre d’un plan d’action, l’Urban Space Action Plan 2005 – d’ailleurs inspiré de la démarche du Grand Lyon. Espace public de qualité, Dans le quartier d’Ørestad, l’absence totale de urbanisme d’îlots fermés. stationnement sur voirie (il y aura à terme dix- P. Lecroart/IAU îdf Ørestad. sept parkings-silos) et la qualité de traitement des espaces publics devraient créer un envi- ronnement favorable à la marche à pied. Mais la conception même du quartier est anti- nomique avec l’urbanité piétonne : le centre commercial est fermé sur lui-même, les îlots bâtis sont trop grands, monofonctionnels et sans activités en rez-de-chaussé et le métro aérien en surplomb coupe le quartier en deux. Ce cas illustre la nécessité de penser ensemble toutes les échelles et les aspects d’un urbanisme éco- mobile. Quand le toit du parking devient la cour du lycée.

P. Lecroart/IAU îdf Ørestad.

Vers la ville sans voitures? «Car-free living» à Fribourg Vivre sans voiture, faire ses courses en vélo, lais- ser ses enfants jouer dans la rue, aménager des jardins dans les cours… Tel est le projet qu’ont voulu réaliser les initiateurs du quartier Vauban à Fribourg, et d’abord les associations regrou- pées au sein du Forum Vauban. La gestion de la mobilité dans ce quartier de 2000 logements (dont la moitié sociaux), créé sur le site d’une ancienne caserne française, s’appuie sur : un urbanisme des courtes dis- tances, un tramway sur l’axe principal, une zone Équipement public multimodal:

30 unique et des Spielstrassen (rues-jeu), des ADEUS le Solar Garage, Vauban. parcs à vélos en pied d’immeuble mais pas de stationnement pour les voitures, la construction en bordure du quartier d’un parking-silo pour les visiteurs et les ménages motorisés (le Solar Garage), un engagement juridique des ménages volontaires à© ne pas acquérir IAU de voiture. L’adhé- île-de-France sion à un Car-free Club est l’outil juridique qui permet de déroger à la réglementation du Land sur le stationnement résidentiel. Elle donne droit à un pass familial de transport urbain et régio- nal et accès à un système d’auto-partage. Aujourd’hui, 55 % des ménages du quartier n’ont pas de voiture (contre 40 % à Fribourg) et rares sont ceux qui envisagent d’en acquérir une. L’absence de voitures libère

ARENE l’espace. Vauban. 31 Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150 Articuler transport et aménagement Habiter ou travailler près d’une gare :

Dany Nguyen-Luong effet sur le choix modal Jérémy Courel(1) IAU île-de-France La tendance, aujourd’hui, est d’essayer de densifier autour des axes de transport collectif et en particulier autour des gares, afin d’offrir une meilleure accessibilité en transports collectifs et d’encourager leur utilisation. Cette densification favorise-t-elle l’utilisation des transports collectifs? Faut-il densifier dans le cœur de l’agglomération et/ou en dehors? Faut-il densifier avec de l’habitat et/ou des activités? J.-C. Pattacini/Urba Images/IAU îdF J.-C. Pattacini/Urba Travailler près d’une gare incite IAU île-de-France a réalisé une étude(2) l’âge, le sexe ou le taux de motorisation ont des à utiliser les transports collectifs. pour tenter de fournir des éléments effets plus marqués sur le choix modal, surtout C’est vrai aussi pour le fait d’habiter L’ d’appréciation sur les conséquences dans le cœur de l’agglomération. Le fait d’habi- près d’une gare, d’autant plus d’une densification autour des gares en matière ter près d’une gare n’influence pas significative- qu’on s’éloigne de Paris. de mobilité. L’étude a été menée en deux ment les distances parcourues en voiture, mais temps. les déterminants sont significativement diffé- Elle a porté tout d’abord sur une comparaison rents entre les individus qui habitent près des des caractéristiques socio-économiques et de la gares et ceux qui en sont éloignés. mobilité de deux groupes d’individus (hors Habiter ou travailler près d’une gare de ban- Lexique Paris) (3) : ceux habitant près des gares et ceux lieue s’accompagne donc, globalement, d’une Déterminant: caractéristiques qui en sont éloignés. La même comparaison a moindre mobilité automobile et d’un recours de l’individu ou du ménage (âge, sexe, été effectuée entre les actifs qui ont leur lieu plus fréquent aux transports collectifs. Il n’est taux de motorisation…) à l’origine de son comportement. de travail près d’une gare et ceux qui travail- pas possible de vérifier si cela est dû à la pré- Étude économétrique: étude de l’effet lent loin des gares. On observe que plus on se sence d’une gare, ou bien aux densités plus éle- de chacun des déterminants rapproche de Paris, plus les différences socio- vées et aux meilleurs niveaux d’équipement en sur la mobilité en neutralisant l’effet économiques et de mobilité entre les deux services et commerces qui caractérisent les des autres. groupes s’amenuisent. Par exemple, le nombre quartiers de gare. L’étude a permis de quantifier moyen de déplacements par personne et par les effets de l’étalement urbain sur les distances jour est de 3,5, que l’on habite près ou loin de moyennes parcourues quotidiennement (trois Paris, et près ou loin d’une gare. L’éloignement fois plus élevées en moyenne si l’on réside en de Paris a des effets sur les distances parcourues zone 6 de Carte orange plutôt qu’en zone 3), et dont le total passe de 10 km à 30 km entre la les conséquences d’une localisation dans les zone 2 et la zone 6 de Carte orange, alors que quartiers de gare sur le choix modal, toujours la proximité d’une gare ne joue pas. À mesure plus favorable au transport collectif. que le domicile s’éloigne de Paris, la motorisa- Elle montre également que la densification en tion augmente, l’utilisation de la voiture s’ac- habitat dans les quartiers de gares est, en termes croît et celle des transports collectifs diminue. de mobilité durable, d’autant plus intéressante La proximité d’une gare va avoir pour consé- que l’on réside loin de Paris, alors que la den- quence de moduler cet effet dans le sens d’un sification en activités économiques dans les moindre recours à la voiture et, inversement, quartiers de gare est intéressante, quel que soit d’un recours plus grand aux transports collec- l’éloignement par rapport à Paris. En particu- tifs, mais de façon moins marquée en zone lier, dans le cœur de l’agglomération déjà dense, dense (zones 2 et 3 de la Carte orange). Enfin, il est intéressant de continuer à densifier avec si le lieu de travail est situé à proximité d’une de l’habitat, mais pas nécessairement autour gare, alors l’actif prendra davantage les trans- des gares, où le coût du foncier est en moyenne © IAUports en commun, île-de-France aussi bien dans la zone plus élevé. En revanche, il est rentable de den- dense qu’au-delà. sifier en activités autour des gares dans le cœur Dans un deuxième temps, des analyses écono- de l’agglomération. métriques ont été réalisées pour expliquer le choix modal et les distances parcourues en voi- ture chez les individus non captifs(4). Ces ana- (1) Dany Nguyen-Luong est ingénieur,Jérémy Courel est sta- tisticien, économètre. lyses montrent que, toutes choses égales par ail- (2) Habiter ou travailler près d’une gare de banlieue, quels leurs, on a plus de chances d’utiliser sa voiture effets sur les comportements de mobilité? Dany Nguyen-Luong, si on habite loin d’une gare que si on en est Jérémy Courel, IAU îdF, novembre 2007. (3) À partir de l’enquête globale Transports 2001-2002. proche, et ce d’autant plus que l’on habite loin (4) Appartenant à un ménage motorisé et disposant d’un de Paris. Cependant, d’autres facteurs comme permis de conduire. 32 Organiser et financer les transports collectifs

Gouvernance des transports publics urbains en Europe 34

Tarification et morphologie urbaine : un choix francilien cohérent 38

À la recherche de ressources pour les transports collectifs 39

Financer par les contrats PPP les ouvrages de transport 43

© IAU île-de-France

33 Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150 Organiser et financer les transports collectifs Gouvernance des transports publics urbains en Europe Alain Meyère(1) IAU île-de-France

Les systèmes de gouvernance des transports publics dans les agglomérations présentent des similitudes, mais aussi des différences que devrait faire disparaître le récent règlement européen sur les obligations de service public, qui va généraliser en Europe le modèle de la concurrence régulée. Analyse des cas de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de la France, et des adaptations nécessaires des systèmes respectifs. Ian Bell/Tfl

À Londres comme en Île-de-France, e caractère public ou privé de l’entre- L’émergence des autorités organisatrices il y a quelques années encore, prise exploitante ne suffit généralement Le concept d’autorité publique de transport l’autorité organisatrice L pas pour décrire complètement le sys- urbain est relativement récent en Europe. Il s’est des transports dépendait tème complexe de gouvernance des transports imposé dans les années 1970 en France et 1980 de l’État central. publics dans une agglomération donnée d’un en Angleterre, où il recouvre des notions assez pays déterminé. Jusqu’au milieu des années voisines. La présence dans les deux cas (selon 1980 en Angleterre, les services de transport col- des modalités spécifiques à chacun des pays) lectifs de Londres et ceux des six plus grandes d’opérateurs extérieurs distincts des services agglomérations (les comtés métropolitains) techniques locaux a, en effet, conduit à distin- étaient assurés par des sortes de régies locales guer les fonctions liées à la définition et l’orga- de transport, les Passenger Transport Executives nisation des services de transport (la politique (PTE) ; dans le reste du pays, une entreprise de transport) de celles portant sur la fourniture publique unique, la National Bus Company, proprement dite de ces services. exploitait réseaux locaux d’autobus et services En province, en France, l’autorité organisatrice interurbains par autocar. En Allemagne, les (AO) est en charge de la définition de la consis- entreprises de transport locales étaient privées, tance générale du service (choix des lignes et mais leur capital était en totalité détenu par les des modes de transport, structure et niveaux pouvoirs publics locaux (à l’instar de Stras- tarifaires) et de son financement. Puis, elle a la bourg). En France, enfin, coexistaient deux possibilité soit de fournir le service par le biais modèles de gouvernance: celui de la province d’un opérateur interne (régie ou Epic), qu’elle où, dans la très grande majorité des cas, l’ex- contrôle entièrement, soit de faire appel à un ploitation était confiée pour une durée limitée, prestataire désigné après mise en concurrence, après mise en concurrence, à un transporteur avec lequel elle passera un contrat qui précisera © IAUprivé, et celui île-de-France de l’Île-de-France où l’exploita- en particulier la répartition des risques indus- tion faisait l’objet d’autorisations administra- triels et commerciaux entre autorité publique tives sans mise en concurrence ni limitation de et opérateur. L’autorité française intervient donc durée. La dérégulation des services d’autobus en amont du processus pour définir l’offre de en Angleterre a très probablement été à l’origine transport et réguler l’accès au marché par les de certaines des évolutions survenues dans dif- opérateurs qui n’y ont pas accès directement. férents pays depuis la fin des années 1990, mais Ceux-ci se voient attribuer un droit temporaire le récent règlement européen sur les obliga- de transporter, conformément à un cahier des tions de service public va généraliser en Europe charges établi par l’AO.

le modèle de la concurrence régulée. (1) Alain Meyère est directeur du département mobilité et transport de l’IAU îdF. 34 Le cas anglais de durée et de façon exceptionnelle après mise Lexique En Angleterre(2), les autorités de transport (PTA: en concurrence. Pour être complet, il faudrait AO: autorité organisatrice de transport. Passenger Transport Authorities) interviennent situer les autorités de transport par rapport aux EMTA: European Metropolitan Transport Authorities - association des autorités au contraire en aval d’un processus où les opé- différents niveaux de collectivités territoriales de transport européennes. rateurs de bus ont librement accès au marché. existant dans les pays examinés. Pour ce qui est PTA: Passenger Transport Authorities Ces derniers mettent en place, sur une base de l’Angleterre et de la France, c’est relative- – AO anglaise. commerciale, les services de bus qu’ils jugent ment simple, car nous sommes en présence PTE: Passenger Transport Executive opportun et rentable de proposer, et les PTA d’États unitaires. En province, c’est le niveau – agences techniques autonomes des AO anglaises. complètent ensuite le réseau commercial par local qui est responsable en France (établisse- GLA: Greater London Authority des services dits « socialement nécessaires », ments pluricommunaux ou syndicats mixtes) – autorité du Grand Londres dont ils attribuent l’exploitation par appel comme en Angleterre (anciens comtés métro- (transport et autres domaines). d’offres aux opérateurs privés. Pour mettre en politains). Dans l’agglomération capitale des TfL: Transport for London œuvre concrètement leur politique, les PTA dis- deux pays, l’autorité de transport dépendait, il – agence technique des transports du Grand Londres, par extension AO. posent d’agences techniques autonomes, les y a quelques années encore, de l’État central Verkehrsverbund: communauté PTE. À partir du budget alloué par la PTA, la et ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’examen de des transports en Allemagne; approchant PTE finance les services socialement néces- ces deux cas suggère deux variables d’analyse d’une AO, mais avec des formes saires mis en place, ainsi que les compensa- qui pourraient être utilisées pour examiner les et attributions variables tions tarifaires résultant d’obligations légales. Il autres autorités organisatrices: le lien avec l’État selon les Länder et villes. VBB: Verkehrsverbund Berlin-Brandenburg est propriétaire des arrêts et gares routières et central ou fédéré d’une part, et la relation avec – autorité pour Berlin-Brandebourg responsable de l’information à destination du l’exploitant principal d’autre part. en charge des services ferroviaires public. Enfin, il est responsable de la planifica- régionaux, de l’intégration tarifaire tion des infrastructures de transport collectif. Le cas allemand et de la coordination des horaires Pour ce qui est des lignes de tram, elles sont Le cas allemand va nous fournir une nouvelle et de l’information. CRTM: Consorcio Regional de Transportes réalisées grâce à des contrats de la famille des perspective en faisant apparaître une autre des de Madrid – AO région autonome, concessions entre la PTA et un consortium fonctions traditionnelles des autorités de trans- ville de Madrid et communes privé. Première remarque à partir de cet exa- port : l’intégration. Dans ce pays, les services de la région autonome. men sommaire: en Angleterre, les fonctions poli- publics locaux sont assurés généralement et tique et technique sont exercées par deux orga- depuis longtemps par des entreprises locales nismes distincts (PTA et PTE), ce qui n’est pas de droit privé à capitaux publics. Les collectivi- le cas en France. Deuxième remarque : en tés publiques qui contrôlent ces entreprises et France et en Angleterre, l’exécution proprement siègent à leur conseil d’administration n’ont dite des services (le fonctionnement) n’est pas jamais éprouvé le besoin de faire apparaître, une obligation réglementaire de l’autorité de dans ces conditions, un organisme indépen- transport. Troisième remarque: il n’y a relation dant exerçant la fonction d’autorité politique contractuelle entre l’autorité organisatrice et le des transports. C’est la nécessité de coordon- transporteur que dans la mesure où c’est l’au- ner des services de transport proposés par plu- torité de transport qui définit le service, c’est-à- sieurs opérateurs sur le même territoire étendu dire dans tous les cas en France, et seulement d’une grande métropole qui va conduire à ce pour les services socialement nécessaires et les que, à Hambourg en 1965, se constitue, pour la infrastructures concédées en Angleterre. première fois en Allemagne, une entité unique à l’échelon métropolitain, le Hamburger Ver- Un système différent entre les capitales kehrsverbund (HVV)(3). Non pas autorité poli- et la province tique mais organe technique, le HVV avait été En Angleterre comme en France, les modalités fondé par les différents transporteurs publics Définitions utilisées à Londres et en Île-de-France diffèrent exploitant des services sur le territoire métropo- Lois TPIL et Loti: L’organisation de celles qui s’appliquent en province. À Lon- litain (exploitant local, chemins de fer fédé- des transports collectifs a fait l’objet dres, la fonction de PTA est exercée par la Grea- raux, transporteurs régionaux) pour proposer de plusieurs dispositions législatives, dont certaines ont pris place dans des lois ter London Authority (GLA), et c’est Transport au public une offre coordonnée et intégrée du dont le transport n’était pas l’objet for London (TfL) qui joue le rôle de PTE, mais point de vue des horaires, des tarifs et de l’infor- principal. C’est le cas par exemple pour autant,© l’accès au marchéIAU n’est pas libre. mation.île-de-France Comme c’est de tradition en Alle- avec la loi Solidarité et renouvellement TfL exploite directement le métro par l’inter- magne, le HVV a pris la forme juridique d’une urbains (SRU). D’autres lois importantes médiaire de sa filiale London Underground et société de type SARL, filiale commune des ont pour objet unique les transports, comme la loi sur les Transport publics sous-traite à des exploitants privés sous contrat entreprises de transport. Cet exemple, repris par d’intérêt local (TPIL) de 1979 temporaire l’exécution de la quasi-totalité des Francfort et son FVV (association de trois trans- qui reconnaît le rôle d’autorité organisatrice services de bus dont elle a au préalable défini porteurs) en 1972, puis par Munich, s’est ensuite et codifie de façon précise les relations la consistance. En Île-de-France, jusqu’à la mise diffusé progressivement dans le reste du pays en contractuelles avec les transporteurs, en œuvre du futur règlement européen, l’attribu- et surtout la loi d’orientation des Transports intérieurs (Loti), de 1982, qui est la loi tion des droits de transport aux exploitants par (2) Seul est décrit ici le système qui s’applique aux anciens comtés métropolitains fondamentale d’organisation des services l’autorité organisatrice fait l’objet d’autorisa- (3) Terme que l’on peut traduire par «communauté des trans- publics de transport et qui a affirmé le droit tions administratives accordées sans condition ports de Hambourg». au transport. 35 Offrir un cadre favorable Organiser et financer les transports collectifs Les Cahiers n° 150 Gouvernance des transports publics urbains en Europe

conservant l’idée initiale d’intégration et en de certains États ou de parlementaires, du fait l’étendant à la planification du système de trans- du caractère très contraignant de certaines de ports collectifs. Des Verkehrsverbunden chargés ses dispositions et, en particulier, de l’obligation Définitions du pilotage politique du système ne sont appa- de mise en concurrence systématique. Régie et Epic. Gestion directe et gestion rus que plus tardivement, sous l’effet de l’exten- déléguée: Les conditions d’organisation sion géographique des périmètres de desserte, … proche du système français appliqué des transports publics réguliers de personnes sont fixés par l’article 7-II pour faire participer aux décisions des collec- en province de la loi Loti qui précise que «l’exécution tivités locales desservies, mais non représen- Le règlement européen est, dans son esprit, très du service est assurée soit en régie tées au capital des compagnies de transport. proche du système mis en place en France, en par une personne publique sous forme Aujourd’hui, on rencontre en Allemagne trois province, depuis la loi TPIL de 1979, puis la Loti d’un service public industriel et formes d’autorités: des associations de trans- de 1982. Ce dernier prévoit la possibilité pour les commercial, soit par une entreprise ayant passé à cet effet une convention à durée porteurs comme à Stuttgart, des autorités poli- autorités organisatrices de déléguer l’exploita- déterminée avec l’autorité compétente.» tiques comme le RMV de la région Rhin-Main tion des services à un opérateur extérieur après On parle de gestion directe ou le VBB de Berlin et des structures mixtes mise en concurrence, tout en leur laissant, en dans le premier cas et de gestion déléguée comme le MVV de Munich, la plupart étant juri- vertu du principe de libre administration des dans le second. Concernant le mode diquement équivalentes à des SARL. Parmi les collectivités locales, le soin de décider elles- de gestion directe, on peut distinguer la régie simple, dans laquelle la collectivité collectivités participantes, le cas le plus cou- mêmes de recourir à cette possibilité ou bien compétente assure avec son propre rant pour les grandes métropoles est celui où d’exploiter directement par l’intermédiaire personnel la gestion du service, l’on rencontre la ville centre, les villes et cantons d’une régie ou d’un Epic. Selon le vocabulaire de l’établissement public industriel de sa périphérie et le Land. Avec l’introduction employé par la Commission, il s’agit d’un sys- et commercial (Epic), qui reste progressive de la concurrence, l’idée que le tème de concurrence régulée, s’opposant au sous le contrôle de la collectivité, mais dispose de son propre conseil transporteur principal pourrait ne plus être obli- système non régulé en place au Royaume-Uni d’administration et parfois d’un directeur gatoirement cantonné au territoire considéré et dont les piètres résultats, en termes de fré- général. En dépit de leurs noms, la régie conduit les collectivités allemandes à adopter quentation notamment, n’ont pas convaincu des transports de Marseille (RTM) de plus en plus le principe en usage en Angle- les autres pays de l’adopter. Le nouveau dispo- et la régie autonome des transports terre et en France d’une autorité politique dis- sitif a été salué par de nombreuses associations, parisiens sont des Epic. Dérégulation: Suppression tincte du ou des transporteurs. Dans cette confi- françaises comme le Gart et européennes des contraintes légales ou réglementaires guration, on assiste à l’introduction progressive comme l’EMTA. Il repose sur plusieurs principes entravant la libre concurrence et le libre de contrats entre autorité politique et transpor- et prévoit une période de transition de dix ans accès au marché par une entreprise. teurs. à partir de son entrée en vigueur, prévue fin La dérégulation ne se confond pas 2009. avec la déréglementation, car elle peut au contraire nécessiter un surcroît de réglementation. … avec contractualisation entre autorité Comtés métropolitains (Metropolitan organisatrice et opérateur Counties): En Angleterre, pays qui Celle-ci, obligatoire dès lors que l’opérateur ne compte que quelques centaines bénéficie de droits exclusifs ou de compensa- de communes, la question de la coopération intercommunale tions financières, s’est mise en place dans la ne se pose véritablement plupart des villes depuis le début du siècle. En que dans les plus grandes agglomérations. Île-de-France, les premiers contrats ont été pas- Jusqu’en 1985, ces agglomérations sés en juillet 2000 entre le Stif et la RATP et la et le Grand Londres étaient constituées en comtés métropolitains qui disposaient SNCF, et le dispositif a été étendu aux opéra- de compétences étendues, analogues EC/Lensmen Limited teurs privés d’autobus en 2007, puis à RFF en à celles de nos communautés urbaines. La première version du règlement relatif 2008. Elle a eu pour objectif principal, indépen- Ils étaient administrés par un conseil élu aux services publics de transport au Parlement damment du statut du transporteur, de faire per- au suffrage universel direct. Leur abolition européen a suscité de fortes oppositions, du fait, dre aux participations publiques aux coûts de en 1985 s’est traduite par le transfert en particulier, de l’obligation de mise à l’échelon des districts de l’ensemble fonctionnement leur caractère automatique en de leurs compétences, à l’exception en concurrence systématique. les subordonnant au respect d’un cahier des importante et significative de celle portant charges et d’un service de référence. Dans de sur les transports collectifs, qui est donc nombreux cas, ces contrats ont complété la restée à l’échelle© géographique IAU La concurrence île-de-France régulée: rémunération du transporteur de primes ou de la plus large. Gart: Groupement des autorités le modèle commun européen… pénalités – d’un volume financier pouvant responsables de transport. Association La proposition de « règlement relatif aux ser- apparaître modeste, mais d’une valeur symbo- d’élus, le Gart regroupe plus de 250 vices publics de transport de voyageurs par che- lique élevée – pour tenir compte de ses perfor- autorités organisatrices de transport min de fer et par route», dit règlement OSP (obli- mances en termes de qualité du service réa- (agglomérations, départements gations de service public), a été votée en lisé. et régions) avec pour objectifs: l’amélioration des déplacements deuxième lecture du Parlement européen le et le développement des transports 10 mai 2007. Il s’agit de l’aboutissement d’un … et des possibilités d’attribution directe publics en France. débat très âpre débuté en septembre 2000 avec des services sous conditions une proposition de la Commission qui avait à La reconnaissance du libre choix de l’autorité l’époque suscité de fortes oppositions de la part organisatrice pour le mode de gestion des ser- 36 vices (autoproduction, recours à un opérateur interne ou bien à un opérateur extérieur) était une exigence française, mais aussi celle de nombreux autres pays, comme l’Allemagne par exemple, qui y voit la simple application du principe de subsidiarité, particulièrement cher aux États fédéraux. En contrepartie, l’attribution directe du service à un opérateur «interne» sous condition de cantonnement géographique de ce dernier est une sorte de clause de réciprocité introduite à la demande de transporteurs subis- sant la concurrence d’entreprises publiques françaises, elles-mêmes protégées sur leur mar- ché national. La possibilité d’attribuer directe- ment des contrats pour les services de transport ferroviaire lourd (trains de banlieue et RER) à caractère régional introduit au sein des réseaux de transport des grandes métropoles une dis- caravinagre/Flick’r tinction, fondée apparemment sur un critère technique (ferroviaire lourd opposé à métro et mais n’a pas compétence sur les trains de ban- À Madrid comme à Londres, tramway), alors qu’il s’agissait en réalité d’évi- lieue, qui sont du ressort de l’État. À Berlin, l’autorité organisatrice gère ter de traiter la question de l’ouverture à la l’autorité organisatrice (VBB) n’est de son côté les transports urbains, concurrence des services utilisant les réseaux responsable que des services ferroviaires régio- mais n’a pas compétence ferrés nationaux. Lorsque ces services relèvent naux, de l’intégration tarifaire et de la coordina- sur les trains de banlieue, de l’État central, comme c’est le cas à Madrid ou tion des horaires et de l’information, et les ser- qui sont du ressort de l’État. Londres, le règlement ne fait qu’entériner la vices d’autobus, de tramway et de métro lui situation. Il pourrait créer des difficultés d’appli- échappent, car ils relèvent, comme partout ail- cation dans le cas de réseaux plus intégrés, dont leurs en Allemagne, du niveau local (ville-État une partie seulement serait ainsi soumise à de Berlin et villes autonomes du Brandebourg). concurrence. Pour ce qui est de l’ensemble des déplace- ments, le cas de Londres est souvent mis à juste Le cas spécifique de quelques capitales titre en avant. TfL attribue les licences des taxis Comparer entre elles quelques grandes métro- londoniens et gère un réseau de voirie d’agglo- poles est un exercice difficile. La tentation de mération de 500 km environ, ce qui en fait une classer, en dépit de contextes locaux très diffé- sorte d’autorité organisatrice de la mobilité. rents, peut parfois conduire à confondre diffé- Remarquons au passage qu’il s’agit de fonc- rences de nature et différences de degré. C’est tions traditionnellement exercées par les com- pourquoi l’examen de Berlin, Londres, Madrid tés métropolitains avant leur dissolution, que se bornera ici à constater convergences ou la GLA a récupérées au moment de sa création. divergences avec l’Île-de-France. Si le territoire De façon analogue, la communauté autonome du Stif se confond avec celui de la région- de Madrid dispose de compétences opération- capitale, l’Île-de-France, c’est également le cas nelles en matière d’aménagement et d’urba- pour Madrid avec le CRTM et Londres avec TfL. nisme, dont bénéficie de façon indirecte le Pour Berlin, le territoire du VBB correspond à CRTM. celui de deux Länder, celui de Berlin étant enclavé dans le Brandebourg. Ces territoires administratifs sont généralement étendus et couvrent largement la zone agglomérée ou le bassin de déplacements de la métropole: plus de 8 000 km©2 à Madrid etIAU jusqu’à 30 000 km2 île-de-France pour Berlin-Brandebourg. TfL, à Londres, fait notablement exception : avec 1 600 km2 et 7,5 millions d’habitants, son territoire ne couvre pas le bassin de déplacements, qui concerne quant à lui 9,3 millions d’habitants. En matière de transports collectifs, seul le Stif dispose de compétences aussi larges, depuis les services À Berlin, les services d’autobus, de transport à la demande jusqu’aux trains de de tramway et de métro relèvent, banlieue et au RER. À Londres et à Madrid, l’au- comme partout ailleurs torité organisatrice gère les transports urbains, S. Laurent/IAU îdF en Allemagne, du niveau local. 37 Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150 Organiser et financer les transports collectifs Tarification et morphologie urbaine : un choix francilien cohérent Caroline Lemoine(1) IAU île-de-France Les systèmes de tarification des transports publics dans les agglomérations présentent des similitudes mais aussi des différences qui peuvent s’expliquer par leur histoire et leur morphologie urbaine. L’Île-de-France a choisi d’appliquer une tarification zonale concentrique pour les différents abonnements forfaitaires. Au vu de ce qui se pratique dans d’autres métropoles, est-ce cohérent avec sa morphologie urbaine? STIF ans les agglomérations étendues, il est de Brandebourg). Munich, de son côté, qui avait Aujourd’hui, le zonage francilien courant que la tarification des trans- tout d’abord opté pour une tarification alvéo- ne comporte que six zones, Dports collectifs tienne compte de la dis- laire durant les années 1980, a mis en place une les zones 6, 7 et 8 ayant été fusionnées tance parcourue. En dehors de la tarification tarification zonale concentrique. Les réseaux en 2007. kilométrique, les deux dispositions les plus nord-américains comme ceux de Chicago, Los répandues sont celle de la tarification zonale Angeles et Montréal proposent tous l’équiva- concentrique et celle de la tarification alvéo- lent d’une tarification zonale concentrique, laire. La tarification zonale concentrique prend mais avec un niveau d’intégration tarifaire moin- en compte la distance de façon simplifiée pour dre. Dans le cas du Grand Montréal, cette tari- Références bibliographiques les trajets radiaux, et de façon très imparfaite fication intégrée appliquée par l’autorité orga- pour les trajets en rocade. La tarification alvéo- nisatrice coexiste avec la tarification de chacun • LEMOINE C. et PRÉDALI F., Système tarifaire laire vise à corriger cette imperfection: le terri- des opérateurs locaux. des transports collectifs : éléments de toire est découpé en zones polygonales de taille Les territoires polynucléaires sont, quant à eux, réflexion (vol 2) - Relations entre tarification spatiale et morphologie comparable et le prix d’un trajet, indépendam- des territoires denses à urbanisation répartie. urbaine, Iaurif, avril 2007 ment de sa direction, est fonction du nombre de Les villes sont géographiquement distinctes. • LEMOINE C. et PRÉDALI F. « Urban structure zones traversées. Elles interagissent fortement, sans que l’une and public transport fare structure: Lorsqu’on confronte tarification spatiale et mor- d’entre elles n’exerce de domination. Les prin- Comparison between polycentric and phologie urbaine, on remarque que les terri- cipaux exemples de territoires polynucléaires multipolar structures ». EuroCities DATTA Workshop on Urban mobility in Europe, toires polycentriques, caractérisés par l’étale- sont la Randstad (Amsterdam, Rotterdam, Namur, 2009 ment spatial d’un centre dominant, font appel La Haye), la région Rhin-Ruhr (Essen, Düssel- à des tarifications zonales ou kilométriques. dorf), et, dans une moindre mesure, la région de C’est le cas des villes nord-américaines comme Glasgow. Ces trois territoires ont recours à un Montréal, Chicago et Los Angeles et des grandes système de type alvéolaire et présentent, métropoles européennes comme Londres, comme les autres cas européens, une forte inté- Berlin, Munich et l’Île-de-France. Parmi les gration tarifaire. Ainsi, le système tarifaire alvéo- grands réseaux européens de transport public, laire va de pair avec des territoires polynu- ceux de Berlin, Munich et Londres se caractéri- cléaires ou de faible densité comme le Les comparaisons internationales sent par une intégration tarifaire forte entre les Brandebourg. sont délicates, en raison notamment divers sous-réseaux qui les constituent et leurs À ce titre, le système zonal concentrique franci- de la diversité des contextes différents opérateurs. Ils appliquent une tarifica- lien paraît cohérent avec sa morphologie institutionnels, des découpages tion zonale concentrique, même si le réseau urbaine. administratifs, des aires géographiques berlinois présente une particularité intéressante et des compétences en proposant une tarification de type alvéolaire qui leur sont rattachées. sur la partie plus rurale de son territoire (Land (1) Caroline Lemoine est ingénieure transport.

Tableau des© différentes caractéristiquesIAU des cas étudiés île-de-France Superficie du Population Date données Zonage régional Nb max zones Tarif unique Tarif bassin Intégration Alvéolaire périmètre de l'AO (km2) pop. concentrique abonnement mensuel au centre tarifaire Île-de-France 12 012 11,3 millions 2004 oui 6 oui non oui non Londres 1 572 7,4 millions 2004 oui 6 oui non oui non villes polycentriques Chicago 9 710 8,1 millions 2006 oui 12 oui non oui non Los Angeles 10 565 9,8 millions 1999 oui 10 oui oui non non Montréal 4 360 3,5 millions 2006 oui 8 oui oui oui non Berlin 30 368 6,0 millions 2001 non --- non, 3 zones oui oui zone non dense Ruhr 5 027 7,2 millions 2004 oui 3 oui non oui plus aujourd'hui polynucléaires Amsterdam 1 000 1,3 million 2004 non --- oui oui oui oui villes Glasgow 6 500 2,2 millions 2004 non --- non, 8 alvéoles oui oui oui © IAU îdF 38 Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150 Organiser et financer les transports collectifs À la recherche de ressources pour les transports collectifs Alain Meyère(1) IAU île-de-France

Les grandes villes européennes sont toutes préoccupées par le financement de leurs transports collectifs. Une table ronde organisée par l’European Metropolitan Transport Authorities en novembre 2008, à l’occasion de son dixième anniversaire, en témoigne. Elle a examiné dans un premier temps les dispositifs susceptibles de procurer de nouvelles ressources, avant de porter attention aux moyens de dépenser de façon plus efficiente. É. Bénard/STIF

Table ronde organisée par l’EMTA ucun pays ne considère les transports tannique donnant priorité plutôt aux services pour ses dix ans, au conseil régional publics comme une activité marchande interurbains rapides qu’aux omnibus de ban- d’Île-de-France en novembre 2008. A banale. Intermédiaires obligés de toute lieue, TfL souhaiterait que l’État lui transfère le activité économique et sociale, leurs retombées réseau de chemin de fer de banlieue. C’est ce sur le fonctionnement urbain et leur impact sur qu’il a obtenu récemment pour la ligne de le cadre de vie sont tels que leur financement rocade existante en banlieue nord. Ce contexte ne repose jamais uniquement sur les recettes de pénurie, amplifié par les critères de conver- tarifaires: parmi les métropoles adhérentes à gence européens qui limitent le taux d’endet- l’European Metropolitan Transport Authorities tement des collectivités publiques, pousse les (EMTA), les subventions publiques représen- autorités locales à rechercher une participa- tent entre 20 % et 60 % des coûts de fonctionne- tion financière auprès de ce que les profession- ment des réseaux. nels ont coutume d’appeler les bénéficiaires indirects du transport collectif : propriétaires Faire face au désengagement de l’État fonciers et immobiliers d’un côté et automobi- La tendance générale en Europe est au désen- listes de l’autre. gagement financier de la part de l’État central ou fédéral, désengagement qui s’est fait en Récupérer les plus-values foncières direction des collectivités locales la plupart du et immobilières temps, sauf en Grande-Bretagne, pays encore En confiant dans les années 1990 la maîtrise fortement centralisé qui a eu plutôt recours à la d’ouvrage de la construction d’une infrastruc- privatisation. Ceci pose des problèmes particu- ture de transport à l’aménageur public, Londres liers aux grandes métropoles, car, dans tous les et Copenhague avaient imaginé de financer pays, les infrastructures de chemin de fer relè- l’ouvrage à partir de la vente des terrains desser- © IAUvent de l’État. Dansîle-de-France de nombreux cas, l’autorité vis. Les établissements publics avaient été, au de ce dernier s’étend également aux services moment de leur création, dotés de ces terrains, ferroviaires et en particulier aux trains de ban- constitués de friches et d’entrepôts désaffectés lieue qui ne bénéficient pas au sein de son bud- dans le cas des Docklands à Londres, d’espaces get national des priorités que les autorités non construits dans le cas du nouveau quar- locales voudraient lui voir attribuées. C’est ainsi tier d’Ørestadt à Copenhague. Le produit annuel qu’à Madrid, l’autorité organisatrice, le CRTM a de la vente des terrains valorisés ou des biens dû se substituer à l’État, déficient, et prolonger immobiliers devait rembourser les emprunts une ligne de banlieue par une ligne en corres-

pondance, de mêmes caractéristiques mais lui (1) Alain Meyère est directeur du département mobilité et appartenant. À Londres, le gouvernement bri- transport de l’IAU îdF. 39 Offrir un cadre favorable Organiser et financer les transports collectifs Les Cahiers n° 150 À la recherche de ressources pour les transports collectifs

engagés. Plus récemment, la commune de Parla, tionnelle à la taxe professionnelle, le Business dans la banlieue de Madrid, a imaginé un méca- Rate Supplement. Selon Dionisio Gonzalez, res- nisme analogue pour financer son tramway. ponsable des concessions au CRTM de Madrid, Copenhague n’aurait probablement pas pu se il serait parfaitement justifié de solliciter les doter d’un métro sans ce mécanisme qui a communes de manière accrue, car bien sou- assuré 60 % du besoin de financement (45 % de vent l’assiette de la fiscalité locale les rend béné- vente de terrains et 15 % de taxe foncière), mais ficiaires de ces hausses de valeur. les réalisations n’ont pas été à la hauteur des prévisions : la rénovation, au même moment, Des ressources en provenance Alain Meyère, des quartiers du port a fait concurrence à la de l’automobile directeur du département mobilité ville nouvelle. À Londres, le prolongement du Des automobilistes utilisant les transports col- et transport, IAU île-de-France. métro léger des Docklands à l’ouest, depuis lectifs et évitant de ce fait des embouteillages Canary Wharf jusqu’à Beckton aurait dû être supplémentaires; des voitures dont la présence intégralement financé de cette manière, mais en grand nombre ralentit la progression des le lancement des travaux s’est produit au autobus: deux arguments avancés depuis long- moment de l’effondrement du marché immobi- temps pour justifier de faire appel aux automo- lier londonien en 1993 et aucune transaction ne bilistes pour financer les transports collectifs. En s’est produite pendant dix ans. Les pouvoirs Île-de-France, la moitié du produit des amendes publics ont dû prendre le relais par des finan- de police sur le stationnement est attribuée au cements budgétaires classiques, alors qu’au- Stif, qui l’utilise pour financer des opérations jourd’hui chacun peut constater que les déve- ponctuelles de qualité de service. Si cette loppements urbains espérés se sont recette est marginale, il n’en est pas de même effectivement produits. Plus de dix ans plus tard, en Allemagne avec la taxe spéciale sur le car- c’est une crise analogue qui frappe l’immobilier burant qui procure chaque année plus de espagnol. Elle conduit à renégocier l’échelon- 3,5 milliards d’euros à l’État fédéral pour finan- Nina Kampmann, nement de la dette pour le tramway de Parla cer des infrastructures locales de transport (en métro de Copenhague, dans la banlieue de Madrid, dette qui devait, majorité transport collectif, mais également voi- ancienne directrice adjointe elle aussi, être couverte par les plus-values fon- rie communale). de la société de développement. cières. Comme celui de Londres quelques années Quelles leçons tirer de ces bilans en demi- auparavant, le péage urbain instauré à Stock- teinte? S’exposer aux incertitudes du marché holm n’a pas été conçu dans l’optique de rap- immobilier, c’était pour Copenhague un risque porter de l’argent, a rappelé Lennart Hallgren, nécessaire en raison de sa situation financière responsable de SL, l’autorité organisatrice de très dégradée à l’époque, a indiqué Nina Kamp- Stockholm. De ce fait, les recettes procurées ser- mann, ancienne directrice adjointe de la vent en grande partie à couvrir le coût de l’of- société de développement. Aucun des partici- fre supplémentaire de transport collectif (hors pants à la table ronde n’a remis, bien sûr, en investissement) nécessaire pour faire face au cause la réalité des plus-values. Ils ont en transfert modal qui s’est heureusement produit, revanche souhaité des mécanismes de capta- et dans le cas de Londres à couvrir des frais de tion permettant de récupérer dans la durée les fonctionnement particulièrement élevés. hausses de valeur et de mettre en partie à l’abri José Viegas, ces ressources des fluctuations d’un marché Peut-on augmenter les tarifs professeur à l’université technique très volatil, c’est-à-dire qu’ils ont plaidé, avec tout en évitant l’exclusion sociale? de Lisbonne. José Viegas, professeur à l’université technique Il s’agit de la question qui suscite le plus de de Lisbonne, pour des mécanismes fiscaux. débats. Alors qu’un représentant de l’autorité Le montage d’opérations conjointes aménage- de transport du South Yorkshire (Sheffield) plai- ment-transport pour capter la plus-value ne dait pour étendre aux scolaires, puis à l’ensem- devrait, selon Nicola Cox, associée senior auprès ble de la population, la gratuité des transports de TfL sur les questions financières, s’envisager publics, aujourd’hui réservée, en Angleterre, aux © IAUque comme unîle-de-France complément marginal de finan- personnes âgées, José Viegas s’étonnait que les cement et à condition que les circonstances transports publics puissent faire l’objet de s’y prêtent: terrains non pollués situés à proxi- réductions, alors que des biens répondant à mité immédiate des secteurs d’ores et déjà en des besoins aussi essentiels que l’alimentation développement. C’est ainsi que sur un budget ne bénéficient d’aucune subvention publique. total de plus de 15 milliards de livres, le projet Mme Maria Krausberger, vice-sénatrice de de liaison express est-ouest CrossRail à Londres Berlin en charge des transports, a souhaité pro-

É. Bénard/STIFsera financé pour seulement 500 millions É. Bénard/STIF (soit poser une approche plus stratégique É. Bénard/STIF de la ques- É. Bénard/STIF Nicola Cox, environ 3 %) directement par des opérations tion, visant à réduire le besoin de financement: Associée sénior auprès de TfL d’urbanisme contre 3,5 milliards sous forme bien séparer les fonctions d’autorité organisa- sur les questions financières. d’emprunts gagés sur le produit d’une taxe addi- trice de celles de transporteur; diversifier les 40 services pour mieux répondre aux attentes de cial vers l’opérateur privé, alors même que la la population, et en particulier ne pas hésiter à politique tarifaire restait du ressort du maire du proposer des services non traditionnels (taxis Grand Londres. Comme on pouvait le prévoir, collectifs, autobus à la demande, vélos urbains); objectifs de gestion sociale des autorités poli- mettre en place au niveau européen des tiques et impératifs économiques de l’entre- normes de qualité exigeantes pour accroître la prise de transport n’ont pas trouvé à se conci- qualité des services offerts. lier dans ce type de contrat et TfL s’est vu contraint de récupérer le tram de Croydon

Contrats d’objectifs pour maîtriser comme l’avait fait en son temps, mais pour d’au- É. Bénard/STIF le financement tres raisons, le Stif avec Orlyval. Par ailleurs, le Dionisio Gonzalez, Clarifier le partage des responsabilités entre recours à des montages de partenariats pour responsable des concessions pouvoirs publics et transporteurs s’est accom- la rénovation du métro de Londres a suscité au CRTM de Madrid. pagné de la mise en place progressive de nombre de questions en raison de son ampleur contrats pour définir les relations entre les deux (32 milliards de livres sur trente ans) et surtout partenaires(2). La préoccupation du financement de l’annonce, quelques années après l’entrée en n’a pas été sans influence sur la philosophie application du contrat, de la faillite d’un des générale et le contenu de ces contrats. L’expé- deux groupements partenaires. Nicola Cox a rience de Stockholm mérite à cet égard d’être avancé à ce sujet quelques explications: rapportée. Les premiers contrats introduits au - la rénovation d’actifs (tunnels et éléments début des années 1990 se sont focalisés sur la d’infrastructures) anciens ou très anciens dont réduction des coûts: ils appartenaient donc à la l’état de vétusté était largement inconnu au famille des contrats à prix forfaitaires (gross moment de la signature du contrat, ce qui a cost contracts). La deuxième génération de conduit à sous-estimer les investissements contrats est restée focalisée sur la réduction nécessaires; des coûts, mais a fixé en outre des objectifs de - un montage financier comportant une faible É. Bénard/STIF qualité de service à respecter : selon que ses part de capitaux propres et des emprunts Lennart Hallgren, résultats se situent en-deçà ou au-delà des garantis par le secteur public avec pour consé- responsable de SL, autorité objectifs, le transporteur pourra se voir attribuer quence un faible contrôle de la part des organisatrice de Stockholm. une prime ou une pénalité. Contrats de qualité, banques; contrats d’objectifs ou contrats de perfor- - l’existence dans le contrat d’une clause de mances, sous des appellations diverses, ces dis- revoyure (au bout de sept ans et demi) qui a positifs se généralisent pour l’exploitation des probablement incité certains des groupe- réseaux de transport urbain en Europe dans ments ayant concouru pour l’attribution du une perspective d’optimisation des finance- contrat à proposer des prix très avantageux ments publics. avec l’espoir de les renégocier à la hausse par la suite. Partenariats public-privé: oui mais… Plusieurs villes européennes ont eu recours à En revanche, d’autres PPP sont considérés un partenariat public-privé (PPP) pour leurs comme des succès par TfL,en particulier ceux transports collectifs, formule bien souvent pré- qui ont présidé à la construction du métro léger sentée comme susceptible d’aplanir les diffi- des Docklands. D’où la recommandation aux É. Bénard/STIF cultés de financement. Parce qu’elle comporte autres villes de bien spécifier le programme en Maria Krausberger, un transfert de risques vers le partenaire privé, cause ainsi que les apports et les produits atten- vice-sénatrice de Berlin c’est une disposition plus coûteuse que celle dus de la part du contractant. en charge des transports. qui consisterait simplement à passer un mar- Pour Mario Aymerich, directeur adjoint de la ché avec un groupe d’entreprises pour les tra- BEI (Banque européenne d’investissement), les vaux et la fourniture des équipements. La situa- échecs de certains PPP ne doivent pas pour tion où la rémunération du partenaire privé est autant faire condamner une technique d’inves- assise sur les recettes commerciales de l’exploi- tissement qui peut se révéler fort utile pour tation dont on© lui a confié IAU la responsabilité est mobiliserîle-de-France les capitaux privés prêts à s’investir. bien connue, en particulier en France où elle Ces échecs ont eu lieu chaque fois que les par- correspond à la concession classique. Ce sont ties n’ont pas suffisamment tenu compte du donc plutôt les partenariats sans transfert terme «partenariat», qui est le terme essentiel. de risque commercial qui constituent la nou- La BEI ne favorise aucun type de contrat en veauté sur laquelle s’interrogent les autorités particulier et elle est prête à s’impliquer dans publiques. À cet égard, l’expérience londo- tout projet ayant fait l’objet d’analyses de nienne se révèle une nouvelle fois fort éclai- É. Bénard/STIF rante. Le tramway de Croydon, dans la banlieue (2) À compter de décembre 2009 la directive européenne Mario Aymerich, directeur adjoint (EC) 1370/2007 fera obligation de conclure de tels contrats sud de Londres, avait fait l’objet d’une conces- entre autorités organisatrices et opérateurs de transport de la Banque européenne sion classique avec transfert du risque commer- public, dès lors qu’il existera des obligations de service public. d’investissement. 41 Offrir un cadre favorable Organiser et financer les transports collectifs Les Cahiers n° 150 À la recherche de ressources pour les transports collectifs

risques sérieuses portant sur la période d’ex- attentes d’une population plus exigeante en ploitation, mais aussi et surtout sur la période matière de qualité, il faut relever le défi d’une de construction. mobilité durable plus respectueuse de l’envi- ronnement et plus attentive aux solidarités Le financement: une question ancienne sociales et territoriales. Chaque métropole est et de nouveaux défis en recherche de ressources nouvelles ou de Une question ancienne, amplifiée par la diffu- techniques financières plus efficaces. L’EMTA, sion massive de la motorisation en Europe lieu privilégié pour l’échange d’expériences, durant la deuxième moitié du vingtième siècle atteste à la fois de la diversité des contextes et et qui, dès cette époque, avait donné lieu à des de la variété des approches, et de critères d’ap- réponses spécifiques à chaque pays. Mais le ver- préciation communs portant sur l’adéquation sement transport en France et la taxe spéciale du montant de la ressource aux besoins, son sur le carburant allemande imaginés alors caractère prévisible et sa stabilité, son accep- témoignent en fait d’une vision politique com- tabilité politique et sociale, ou encore les effets C’est de solutions de financement mune du transport collectif urbain, dont les pervers que sa mise en application pourrait robustes, applicables même en cas financements publics constituent et constitue- avoir sur le comportement des acteurs écono- de perturbations affectant ront encore à l’avenir la clé de voûte. Depuis, le miques. Finalement, c’est de solutions de finan- l’environnement économique contexte a évolué et les besoins se sont ampli- cement robustes, applicables même en cas de et urbain, dont les métropoles fiés: il faut remettre à niveau des infrastructures perturbations affectant l’environnement éco- européennes ont besoin. qui ont vieilli, il faut prendre en compte les nomique et urbain, dont les métropoles euro- péennes ont besoin avant tout.

© IAU île-de-France É. Bénard/STIF 42 Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150 Organiser et financer les transports collectifs Financer par les contrats PPP les ouvrages de transport Frédérique Prédali(1) IAU île-de-France

Quel que soit le pays européen, le recours au financement privé s’impose pour financer les infrastructures dans un contexte de capacité de financement public limitée. Le terme de partenariat public-privé (PPP) désigne tous les outils contractuels permettant un transfert de risques de construction et de performance ou de trafic au secteur privé. Mais il recouvre des réalités différentes selon le pays et les formules retenues. Exemples. J. Boulenouar/IAU îdF

L’expérience des PPP du métro lors que le budget du transport (essen- Le renouveau des contrats de partenariat de Londres montre que ce type tiellement destiné au financement de Les contrats partenariaux ont été revus et adap- de financement est davantage A nouvelles infrastructures) faisait sou- tés par les Britanniques, lorsque le pays essayait adapté à des biens dont la valeur vent l’objet de coupes au niveau des budgets de sortir de la crise au début des années 1990. et l’état sont parfaitement connus. nationaux, les besoins d’infrastructures sont Avec la politique de Private Finance Initiative désormais tels que les Etats cherchent des (PFI), le gouvernement de John Major lance moyens de financement adaptés. alors un outil qui présente l’avantage de finan- cer la construction ou la remise en état des La concession: un outil qui a ses limites équipements publics grâce aux capitaux pri- Traditionnellement, le financement d’ouvrages vés, tout en étalant sur plusieurs décennies la de transport par le privé se fait au moyen de dépense publique, considérée comme une concessions(2). Bien connu en France, notam- dépense de fonctionnement (et non plus d’in- ment avec les concessions d’autoroutes, ce type vestissement). Le respect du critère de Maas- de contrat permet de confier à un opérateur tricht qui impose aux États de conserver leur privé le préfinancement et la réalisation d’une dette en dessous de 60 % du PIB constitue l’un infrastructure publique, tout en lui accordant de ses avantages essentiels. Les autres atouts Private Finance Initiative: la gestion d’un service public. Bien que sa rému- des formules britanniques reposent, outre la La Private Finance Initiative (PFI) nération soit souvent régulée par une subven- mesure de la performance pour optimiser la est lancée par le gouvernement Major tion publique, le concessionnaire est rémunéré qualité de service et inciter à une gestion orien- en 1992, puis le terme Public Private Partnership (PPP) est créé par les recettes de l’exploitation. De fait, l’objet tée vers les résultats, sur l’évaluation et la répar- par le gouvernement Blair en 1997 du contrat ne peut porter que sur des services tition des risques entre les cocontractants, en pour se démarquer du précédent. publics délégables et rémunérateurs, ce qui fonction de la nature du risque et du partenaire Bien qu’employés indifféremment exclut en pratique l’instauration de péages vir- a priori le mieux à même de l’assumer. aujourd’hui, le ©terme PFI renvoie leIAU secteur tuels, ainsi que tousîle-de-France les ouvrages générant peu Contrairement aux partenariats public-privé bri- public à un rôle d’acheteur de service, alors que celui de PPP intègre la notion de recettes d’usagers. Les ouvrages qui ne rap- tanniques qui ne bénéficient d’aucune loi spé- de pouvoir de contrôle du secteur public portent pas suffisamment de recettes d’usagers cifique, les contrats de partenariat français nais- sur le service assuré par le prestataire. au concessionnaire, tels que les infrastructures sent encadrés par l’ordonnance de juin 2004. La de transports publics ou certains équipements raison de la création de ce nouveau dispositif (comme le système, ERTMS, devant être mis en de financement tient surtout au fait que la dis- place sur les réseaux ferroviaires), nécessitent donc de recourir à de nouvelles formules de (1) Frédérique Prédali est économiste des transports. financement… (2) Outre les concessions, les autres formes partenariales françaises traditionnelles sont les délégations de service public et les marchés publics (pour des contrats passés à court terme). 43 Offrir un cadre favorable Organiser et financer les transports collectifs Les Cahiers n° 150 Financer par les contrats PPP les ouvrages de transport

londonien, sans que cela soit un réel succès, le second espagnol, où une municipalité en ban- lieue de Madrid a décidé de construire une ligne de tramway et a imaginé un montage lui Contrairement aux partenariats permettant de financer l’investissement, aussi public-privé britanniques bien que l’exploitation, avec la participation de qui ne bénéficient d’aucune loi l’autorité organisatrice de transport. spécifique, les contrats de partenariat français naissent Remettre à niveau les installations encadrés par l’ordonnance du métro de Londres

de juin 2004. Daniel Jaeger Vendruscolo/sxc.hu London Undergound Ltd (LUL) est une filiale de TfL à 100 %. Elle est propriétaire et exploite tinction entre droit public et droit privé (inexis- les douze lignes de métro du réseau. Au tante dans le droit britannique) ne permet pas moment où le gouvernement décide de lancer d’élaborer des formules capables de répondre des partenariats publics-privés pour sa remise à aux besoins urgents d’équipements des collec- niveau dans les années 1990, le réseau nécessite tivités françaises. Le contrat de partenariat se de façon urgente de lourdes dépenses d’entre- distingue du montage concessif dans la mesure tien, de maintenance, de remplacement du où la rémunération du cocontractant se fait par matériel roulant et de rénovation des stations. la personne publique en fonction de la perfor- Les contrats sont passés en 1998 pour une mance tout au long du contrat. Cette rémunéra- période moyenne de trente ans et sont révisa- tion fait l’objet d’un loyer pour couvrir les frais bles. London Underground réorganise le réseau d’investissement et d’exploitation que supporte pour pouvoir confier les opérations sur l’infra- le prestataire privé, ainsi que les risques, excepté structure à trois groupes privés sélectionnés: celui de la demande. Le schéma suivant récapi- Metronet BCV (lignes Bakerloo, Central et Victo- tule les transferts et les niveaux de risques pris ria), Metronet SSL (pour Sub-Surface Lines : selon la formule choisie. lignes Circle, District, East London, Hammers- mith & City et Metropolitan) et Tube Lines JNP Risques, rémunération et obligation de la concession et du contrat de partenariat (lignes Jubilee, Northern et Picadilly). Les PPP visant à la modernisation du métro ont Risques de construction, Risques bénéficié d’un premier prêt de la BEI (Banque de performance de construction et de demande et de performance européenne d’investissement) de 180 millions de livres en 1998 et d’un second de 900 mil- Transfert de risques du public vers le privé lions en 2000. Les emprunts directs de TfL,auto- risés par le gouvernement pour une période de Coût/Bénéfices du financement des contrats globaux six ans, lui permettent de couvrir la moitié du financement des PPP. En 2006-2007, les deux Risques de surcoûts (côté public)/Probabilité de consolider (côté public) tiers de l’investissement de London Under- ground Ltd sont consacrés au financement des trois PPP (1,09 Md£).Après avoir annoncé publi- Concession à la française Contrat de partenariat quement la sous-estimation des coûts de réfec- tion des stations par TfL, Metronet(3), signataire Rémunération du partenaire Rémunération du partenaire des deux PPP d’une valeur de 30 milliards de par l’usager par le secteur public livres, évalue à deux milliards de livres le besoin (recettes) (pas/peu de recettes) de financement pour couvrir les dépassements refusés par ses actionnaires. En juillet 2007, après

Obligation de moyen Obligation de résultats IAU îdF d’après Dexia l’examen de ses performances sur les trois der- nières années, le régulateur des PPP (organisme Ainsi, du fait que le concessionnaire assume indépendant du gouvernement et des presta- © IAUdes risques surîle-de-France le niveau de la demande, il tire taires) ne lui accorde qu’une faible partie du ses revenus des recettes, alors que celui qui budget attendu. Ne pouvant plus faire face à passe un contrat de partenariat attend un ses engagements financiers, Metronet a été revenu déterminé à l’avance et s’engage sur placé sous administration judiciaire, jusqu’à son des résultats, que ce soit en termes de délais transfert à TfL en mai 2008. Dans un contexte de de réalisation, de performance ou de producti- demande de mobilité croissante, TfL s’est vu vité. dans l’obligation de poursuivre les travaux de Les deux exemples ci-après décrivent des expé- riences de partenariat: l’un britannique, où le (3) Metronet est constitué à part égale des groupes Balfour Beatty, Bombardier, EDF Energy, Thames Water et WS Atkins, gouvernement a décidé de recourir à un PPP il emploie 5000 personnes, dont la plupart travaillaient chez pour la mise à niveau du réseau métropolitain LUL avant le démantèlement. 44 modernisation du réseau métropolitain tout en mise en service du projet. Pour le reste du rem- Références bibliographiques exploitant le service en toute sécurité, et par boursement (70 %), la municipalité de Parla conséquent d’intégrer Metronet au sein de sa verse au prestataire un loyer annuel incluant • PRÉDALI Frédérique, Le financement des infrastructures de transport structure (en conservant légalement des struc- les frais financiers dès la mise en service de la avec des PPP, IAU île-de-France, 2007. tures distinctes LUL Nominee BCV Ltd et LUL ligne. Le financement de ces annuités devait • CHAUVEL Jean-Pierre, COINDET Jean-Paul, Nominee SSL Ltd). Il ferait de même pour Tube provenir des retombées foncières d’autres déve- PRÉDALI Frédérique, Les investissements Lines, si ce dernier rencontrait des difficultés loppements urbains. Cependant, en raison de la de transport collectif dans les métropoles analogues… conjoncture du marché immobilier espagnol, européennes. Le cas des extensions à Londres, IAU île-de-France, 2008. Même si les premières années ont permis d’ajus- Parla ne peut plus honorer les loyers prévus, ce • CHAUVEL Jean-Pierre, COINDET Jean-Paul, ter les contrats, l’ajustement restait sous-estimé qui a contraint le groupement à renégocier avec LEMOINE Caroline, PRÉDALI Frédérique, par le secteur public et les contrats âprement les banques l’échelonnement des paiements. Les investissements de transport collectif négociés ne laissaient pas assez de marge aux La ville de Parla assume l’investissement à hau- dans les métropoles européennes. consortiums engagés. D’après TfL, un des fac- teur de 83 % (hors frais de concession) et les Les investissements d’extension à Madrid, IAU île-de-France, 2008. teurs de l’échec tient à la forme même du 17 % restant sont à la charge de la CAM, via le contrat, qui annonce des périodes de révision: consortium urbanistique Parla Este. les soumissionnaires ont proposé des prix Quant au financement de l’exploitation, il fait attractifs, sachant qu’ils pourraient renégocier à l’objet, les cinq premières années correspon- court terme. Par ailleurs, les contrats passés rela- dant à la montée en charge du trafic, d’une tivement tard par rapport à l’état du réseau n’ont rémunération au kilomètre parcouru. Sur les pas permis de rattraper le retard d’investisse- trente-cinq années suivantes, la rémunération ment accumulé. L’expérience des PPP du métro du groupement couvre essentiellement ses de Londres montre que ce type de financement coûts d’exploitation et d’amortissement, soit est davantage adapté à des biens dont la valeur 0,90 euro par passager transporté, dont les deux et l’état sont parfaitement connus. tiers sont payés par la vente de titres et l’autre tiers est couvert à 50-50 par l’autorité organisa- Une ville de la banlieue madrilène réalise trice de transport et Parla. un tramway Ainsi, la participation du secteur privé dans les La municipalité de Parla(4) a décidé en 2001, projets d’infrastructure apparaît actuellement avec la Communauté autonome de Madrid nécessaire, mais ce type de recours doit être (CAM), la réalisation de 12000 logements. Ce envisagé avec prudence, comme le montrent projet de Parla Este, « ville nouvelle dans la les expériences des autres pays. Les atouts des ville», est confié au consortium créé entre la PPP tournent parfois en faiblesses à l’applica- commune de Parla et la CAM (45 %-55 %), avec tion, que ce soit l’exigence de raisonnement pour vocation de revendre des terrains viabili- sur la longue durée qui pose des problèmes sés. Afin de relier ce nouveau secteur au cœur d’anticipation, ou encore le partage des risques La formule espagnole, qui permet historique, la municipalité décide la création entre les secteurs public et privé qui se révèle au groupement de percevoir d’une ligne de tramway de huit kilomètres, cou- difficilement équitable en pratique. un «capital initial» d’un tiers rant 2003. Un contrat de type DBOT(5), p o r t a n t s u r du coût du projet pendant la construction, le financement et l’exploitation (4) Parla, située à une vingtaine de kilomètres au sud de les travaux, se distingue Madrid, compte environ 100000 habitants en 2007, contre du tramway est passé en mai 2005 entre la maî- 60000 avant le développement urbain de Parla Este. des contrats britanniques trise d’ouvrage conjointe autorité organisatrice (5) Design, Build, Operate and Transfer : une formule de type où le maître d’ouvrage régionale de transport-ville de Parla et le grou- britannique équivalente à notre contrat de partenariat. ne commence à payer (6) Le groupement Tranvia de Parla S.A. est composé à 75 % (6) pement retenu. Parla deviendra propriétaire par les constructeurs Acciona et FCC, à 15 % par Caja Castilla le groupement qu’à la mise de l’infrastructure au terme du contrat de qua- La Mancha et 10 % par Detren. en service du projet. Tramway, Parla. rante ans. Le projet nécessite un budget d’in- vestissement de 138 M€, taxes incluses. Le grou- pement apporte la totalité du budget grâce à des emprunts bancaires. Pendant la période des travaux, le groupement perçoit 42 M€ pro- venant des plus-values© d’opérationsIAU foncières et île-de-France des « charges urbanistiques » du consortium urbanistique Parla Este (soit 30 % du coût du projet). Les «charges urbanistiques » sont les taxes sur la vente de terrains viabilisés prévues par la loi espagnole sur les finances locales. La formule, qui permet au groupement de perce- voir un «capital initial» d’un tiers du coût du projet pendant les travaux, se distingue des contrats britanniques, où le maître d’ouvrage ne commence à payer le groupement qu’à la F. Prédali/IAU îdF 45 Optimiser la circulation et le stationnement

Optimiser l’exploitation routière en Île-de-France 47

La gestion dynamique des voies : que se passe-t-il à l’étranger ? 48

Réguler les flux automobiles par le stationnement 52

© IAU île-de-France Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150 Optimiser la circulation et le stationnement Optimiser l’exploitation routière

Jean-Paul Coindet en Île-de-France Denis Verrier(1) IAU île-de-France Le réseau routier francilien, de par son linéaire très développé, la variété des caractéristiques des voies et l’importance du trafic écoulé, se caractérise notamment par des durées de congestion importantes, dont la réduction passe, désormais, non plus par l’extension des réseaux, mais par l’optimisation de l’exploitation.

C. Doutre/BaSoH/IAU îdF exploitation du réseau routier francilien • A4-A86: le principe d’exploitation de ce tron- Sirius, un outil en faveur fait appel à plusieurs systèmes de ges- çon d’entrecroisement des autoroutes A4 et d’une régulation routière optimale L’ tion adaptés aux objectifs poursuivis, A86, sur une longueur de 2200 m, est d’ouvrir en Île-de-France. dont certains communs à l’ensemble du une cinquième voie, dite «voie auxiliaire », réseau: surveillance du trafic, information des aux heures et dans le sens de la pointe, en uti- usagers, amélioration de la sécurité… Concer- lisant la BAU. L’ouverture de cette cinquième Lexique nant les VRU, la fluidification relative du trafic, voie est liée dynamiquement à l’état du tra- MEEDDAT: ministère de l’Écologie, afin d’optimiser la capacité du réseau, la fiabi- fic, grâce à des capteurs. En dehors des heures de l’Énergie, du Développement durable lisation des temps de parcours et l’accélération de pointe, la BAU est rétablie. et de l’Aménagement du territoire. Dirif: direction interdépartementale des interventions de sécurité sont des objectifs • Régulation d’accès sur le réseau Sirius: la Dirif des routes Île-de-France, essentiels. met en place la régulation de 74 accès répar- service déconcentré du MEEDDAT. Concernant les voies départementales, dont le tis dans le corridor A86. Les véhicules, briève- BAU: bande d’arrêt d’urgence. linéaire et les fonctionnalités viennent d’être ment retenus par des feux sur les bretelles, VRU: voies rapides urbaines. sensiblement modifiés par la décentralisation, sont libérés par peloton, en fonction de l’état Sirius: système d’information pour un réseau intelligible aux usagers. ces mêmes objectifs peuvent être assignés, en local du trafic sur l’autoroute et sur la voirie plus des éléments relevant de l’environnement locale amont, sans coordination entre les urbain des voies: sécurité des autres usagers, accès. réduction des nuisances… Les voies départementales Les voies rapides Les systèmes de régulation en milieu urbain La gestion du trafic sur les voies rapides fait relèvent de la compétence départementale: Descriptif des outils appel d’une part à des systèmes d’exploitation - Surf, à Paris; Sirius a pour objectifs d’accroître extensifs, d’autre part à des opérations locali- - Siter, dans les Hauts-de-Seine; la sécurité, de stabiliser les temps sées. Deux systèmes extensifs y sont mis en - Gerfaut, en Seine-Saint-Denis; de parcours et de relayer l’information vers l’usager. Il porte sur le recueil œuvre: - Parcival, dans le Val-de-Marne. et le traitement des données de trafic, - Sirius, géré par la Dirif exploite 770 km de voi- Les systèmes d’exploitation départementaux, ainsi que sur les interventions. Outre 1100 rie nationale, essentiellement autoroutes et qui font parfois encore appel à des technologies bornes d’appel d’urgence, la collecte voies rapides, hors réseau autoroutier anciennes, ont à faire face à des enjeux de des informations sur le terrain est concédé; modernisation, d’harmonisation et d’extension. effectuée grâce à 770 caméras vidéo et 6000 boucles électromagnétiques, - le boulevard périphérique fait, quant à lui, Les stratégies d’exploitation, bien qu’éprouvées, en liaison avec la ville de Paris l’objet d’une gestion particulière, sous la maî- pourraient se voir soumises à l’épreuve de nou- et les sociétés d’autoroute. trise directe de la ville de Paris, avec le poste veaux objectifs d’environnement. Le boulevard périphérique est équipé central d’exploitation du corridor périphé- de capteurs au sol, d’un réseau d’appel rique, le PC Berlier. Les enjeux pour demain d’urgence et d’un système de vidéosurveillance comportant Les systèmes d’exploitation concernés sont Les gains de capacités attendus sur le réseau 100 caméras sur le périphérique constamment mis à niveau, et leur extension francilien, en raison des limites prévisibles en et les échangeurs© autoroutiers, IAUgéographique estîle-de-France quasi achevée. matière de réduction de trafic, sont aujourd’hui ainsi que 35 caméras sur les boulevards Par ailleurs, le réseau de voies rapides d’Île-de- à rechercher principalement sur le réseau des des Maréchaux. France fait actuellement l’objet de trois impor- voies rapides, comme résultat de l’homogénéi- tantes opérations d’exploitation: sation de leurs caractéristiques et surtout de la • A3-A86 (nœud de Rosny): depuis 2000, grâce gestion de la congestion. Sur les voies départe- à une réduction de largeur des voies et à l’uti- mentales, où la réduction du trafic pourrait se Références bibliographiques lisation de l’emprise de la BAU, la capacité de révéler plus conséquente, les outils de gestion ce tronc commun de 650 m, entrecroisement devront s’adapter à des exigences plus diversi- • COINDET Jean-Paul, VERRIER Denis, des autoroutes A3 et A86, point de congestion fiées. Exploitations routières innovantes en Île-de-France et en Europe, historique du réseau rapide francilien, est pas- (1) Jean-Paul Coindet est ingénieur-architecte, Denis Verrier Iaurif, décembre 2007. sée en permanence de 2x4 à 2x5 voies. est ingénieur. 47 Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150 Optimiser la circulation et le stationnement La gestion dynamique des voies : que se passe-t-il à l’étranger ? Jacques Nouvier(1) Certu

Répondre aux problématiques récurrentes liées aux flux automobiles ne se résume pas à construire des infrastructures routières nouvelles. D’autres solutions existent, comme le concept de gestion dynamique des voies(2), qui se développe en France et ailleurs depuis plusieurs années, et vise une optimisation de l’usage des voiries existantes. Zoom sur des exemples d’expériences étrangères. Mais ces systèmes sont-ils efficaces ? Et sont-ils transférables ? J.-M. le Dieu de Ville/DIRIF

En Italie, sur l’autoroute A4, lusieurs familles de gestion dynamique à l’aide d’une machine spécifique sont mises en la bande d’arrêt d’urgence des voies (GDV) sont testées ou utilisées place dans certaines villes comme Washington est ouverte à la circulation P dans le monde, parmi lesquelles les voies et San Diego. Ce concept de voie réversible est des véhicules légers, réversibles, les variations du nombre de voies également parfois utilisé sur des voies urbaines, mais aussi des poids lourds, dans un même sens, et les voies à accès régle- par exemple à Washington. À proximité de cette le matin dans un sens, menté. Ces systèmes sont plus ou moins répan- même ville, la chaussée centrale à trois voies, le soir dans l’autre, dus et souvent insuffisamment évalués, mais d’une autoroute à trois chaussées (chacune et de plus en plus dans la journée. leur analyse constitue une source d’informa- d’elles comprenant trois ou quatre voies), est tion à étoffer. entièrement réversible. L’Allemagne présente d’autres cas intéressants: Les voies réversibles à Hanovre par exemple, pendant la foire Il s’agit de voies dont le sens de circulation varie annuelle, une section d’autoroute (à 2x2 ou à en fonction du sens du trafic majoritaire. Ces 2x3 voies, suivant les sections) est transformée systèmes sont généralement mis en place en autoroute à quatre ou six voies, nécessitant lorsque le trafic est très fortement dissymétrique une signalisation (en général SAV) et des amé- entre l’heure de pointe du matin et celle du nagements adaptés, ainsi que l’attention de Lexique soir. Ils permettent un écoulement optimal du l’usager ! Autre exemple : une voie réversible BAU: bande d’arrêt d’urgence. trafic pendant ces périodes. Les voies réversibles d’une dizaine de kilomètres, sur la route d’ac- SAV: signaux d’affectation des voies. sont utilisées depuis longtemps, en de nom- cès à la station de ski de Garmisch-Partenkir- PMV: panneaux à messages variables. breux endroits du monde. On en trouve des chen, avec affectation par panneaux variables exemples emblématiques, notamment aux d’indication implantés sur l’accotement. Ce type États-Unis, en Allemagne, en Espagne, en Aus- de panneau a d’ailleurs été récemment intégré tralie, au Brésil… dans la Convention de Vienne sur la signalisa- © IAUAux États-Unis, île-de-France il s’agit le plus souvent de bar- tion routière. La voie de bus d’Heidelberg consti- rières, accompagnées de simples panneaux d’information sur les horaires d’activation, pla- (1) Jacques Nouvier est chargé de mission «Technologies cés sur l’accotement en début de voie. Cette pour une voirie durable» au Centre d’études sur les réseaux, information, peu visible et faisant largement les transports, l’urbanisme et les constructions. appel à du texte, est principalement connue ([email protected]) (2) L’acception retenue ici ne comprend que l’affectation des habitués, mais le système semble fonction- variable des voies. Dans certains pays, la GDV comprend la ner. Il existe également des signalisations verti- quasi-totalité des opérations de gestion avancée du trafic cales par feux et par panneaux variables, ou (régulation de la vitesse, interdictions dynamiques de dépas- ser, régulation d’accès…). Dans les pays de langue anglaise, par de simples balises au sol. Des systèmes de la GDV est appelée managed lanes ou advanced traffic mana- barrières mobiles, déplacées manuellement ou gement, ou encore active traffic management. 48 tue un autre cas intéressant: la faible fiabilité études d’impact (capacité et sécurité) ont mon- horaire des transports collectifs liée à l’impor- tré l’intérêt des peak lanes et plus lanes: gain de tance du trafic sur la route n° 37, entre Heidel- capacité pour les plus lanes de 35 % à 40 %, berg et Neckargemünd, a été améliorée par un avec une sécurité améliorée, en respectant une système de voie réversible centrale pour les bus limitation de vitesse à 70 km/h, sur des tron- (la faible largeur de la route ne permettant pas çons limités (huit à dix kilomètres), pour ne l’aménagement d’un double site propre), qui pas trop « peser » sur l’attention des conduc- permet d’isoler le bus du trafic routier dans le teurs. En revanche, pour les variable cross sec- sens le plus chargé. tions, les difficultés sont nombreuses, et les opé- En Espagne, on trouve plusieurs exemples de rations très gourmandes en énergie. Cependant, voies centrales réversibles: voies rapides à Bar- ce principe de gestion dynamique des profils en celone, ponts de Séville (cinq voies) et de Cadix travers semble intéressant ponctuellement, pour (trois voies)... Avec le cas du pont José León les zones difficiles, telles les zones de forts entre- De Carranza à Cadix, on peut parfois trouver croisements. plusieurs changements d’affectation dans la L’Allemagne utilise également les BAU en même heure, le souci d’optimisation de l’usage amont de certains échangeurs. Les expérimen- du pont s’accompagnant de celui d’éviter l’en- tations ont commencé à Göttingen et Holdorf gorgement du centre-ville. (Basse Saxe): lorsqu’il y a une congestion dans Il faudrait citer encore, en Australie, le cas d’Adé- la direction principale de l’autoroute, les usa- laïde, où une voie réversible de quatorze kilo- gers qui souhaitent sortir sont autorisés à utili- mètres de long a été mise en exploitation. Le ser la BAU sur une distance d’environ un kilo- Brésil a également mis en place des opérations mètre. Depuis ces premières expérimentations, très intéressantes, notamment en milieu urbain l’utilisation des BAU a été autorisée sur des lon- (par exemple, une section à 2x5 voies utilisée en gueurs allant jusqu’à vingt kilomètres environ, 7 + 3 ou 2 + 8 ou 4 + 6 selon les besoins!). et l’Allemagne a modifié sa réglementation, les aménagements et la signalisation en consé- Variation du nombre de voies quence. dans le même sens Une autre expérience, particulièrement intéres- Ces dispositifs, qui consistent à adapter le nom- sante, est menée en Italie, sur quelques kilomè- bre de voies au trafic en fonction des périodes, tres de l’autoroute A4 Trieste-Padoue suppor- sont particulièrement utilisés aux Pays-Bas et tant un trafic mixte important (transit également, mais à un degré moindre, en Alle- international et trafic local). La BAU est ouverte magne ou encore en Italie. Trois types de «pro- à la circulation des véhicules légers, mais aussi fils en travers variables» ont été testés aux Pays- et surtout des poids lourds (plus de 25 %)(3), l e Bas: matin dans un sens, le soir dans l’autre, et de • Les peak lanes ou voies supplémentaires «de plus en plus dans la journée. Le tronçon est sur- pointe» qui consistent à ouvrir la bande d’ar- veillé par vidéo et les ouvertures-fermetures rêt d’urgence (BAU) à la circulation, temporai- sont signalées par des panneaux à messages rement et uniquement aux heures de pointe. variables sur portiques, tous les 800 m environ. En Allemagne, lors de la foire L’inconvénient est qu’il n’y a plus de BAU pen- annuelle de Hanovre, une section

dant ces périodes. (3) Puisque ceux-ci sont tenus de rouler sur une seule file à d’autoroute est mise en sens • Les plus lanes ou voies supplémentaires «de droite, à 50 km/h, sans pouvoir doubler. unique. surcapacité», qui consistent à garder la BAU et réduire les largeurs de toutes les voies à la place, ce qui permet d’ajouter une voie à gauche utilisable en période de pointe. L’in- convénient est que le marquage est perma- nent, par conséquent les voies restent étroites, quelle que soit la période. • Les variable© cross sections IAUou «profils en tra- île-de-France vers variables» qui sont des plus lanes avec marquage au sol dynamique (bandes lumi- neuses variables) permettant d’adapter le nombre de voies au volume de trafic. À chacun de ces trois types d’aménagement sont associées des signalisations verticales et horizontales, en section courante et dans les zones d’insertion ou de sortie, et des conditions spécifiques de surveillance (vidéo) et de mise en œuvre (périodes, limitations de vitesse). Des SHP Ingenieure Bischoff, Peter 49 Offrir un cadre favorable Optimiser la circulation et le stationnement Les Cahiers n° 150 La gestion dynamique des voies : que se passe-t-il à l’étranger ?

Aux États-Unis, le système des High Occupancy Vehicles Lanes, voies de circulation à accès réservé aux véhicules transportant au moins deux personnes,

favorise le covoiturage. Hysterical Bertha/Flick’r

Voies à accès réglementé: pose le problème du contrôle du nombre de HOV et HOT lanes passagers, car il n’existe pas encore aujourd’hui Les HOV (High Occupancy Vehicles) lanes sont d’appareils automatiques adaptés. des voies de circulation à accès réservé aux Les HOT (High Occupancy Tolling) lanes sont véhicules transportant au moins deux (HOV2) des HOV sur lesquelles un péage est appliqué ou trois passagers (HOV3), l’objectif étant pour d’autres catégories de véhicules que les d’écouler plus de personnes, avec moins de HOV,pour «compléter» l’occupation. Ordinaire- véhicules, donc moins de perturbations de tra- ment, le système ne fonctionne qu’avec du télé- fic. Très répandues aux États-Unis, elles ont pour péage. Certaines HOT peuvent provenir de voies but initial de favoriser le covoiturage, en étant à péage, comme les voies de la SR91 (Califor- moins congestionnées que les voies adjacentes nie). Ces voies ont été aménagées sur le terre- ouvertes à tous les véhicules. Pour remédier à plein central de l’autoroute, initialement concé- un déficit de remplissage, mal accepté, l’accès dée à Cofiroute. Le système du value pricing À l’est de Londres, une voie de bus en est parfois autorisé aux voitures les moins permet de faire varier le montant du péage de est réservée sur la voie rapide polluantes, et notamment les hybrides (même manière dynamique, en fonction de la conges- de l’autoroute M4. avec le conducteur seul à bord). Ce système tion et/ou du montant que l’usager est prêt à payer, soit en fonction des heures de la journée, soit même en temps réel.

Autres exemples et systèmes Dans certains cas, des voies sont réservées (de manière permanente ou non) aux transports collectifs, bus ou tramway, comme la voie bus non permanente de La Haye aux Pays-Bas, réser- vée aux bus à certaines heures (à l’aide de diodes lumineuses inscrivant le mot «bus» sur © IAU île-de-Francele sol), ou la voie de bus non permanente du Portugal, activée ponctuellement quand un bus est détecté (les usagers sont informés grâce à des panneaux et à des plots clignotants). On peut également citer la voie de bus sur l’auto- route M4 en Angleterre, à l’est de Londres, et la voie de tramway de Melbourne (Australie): à l’approche du tramway, interdiction aux piétons et automobilistes de faire certains mouvements susceptibles de le gêner. D’autres systèmes tech-

nikoretro/Flick’r niques spécifiques intéressants sont à mention- 50 ner, comme le séparateur motorisé à Sydney ment autour des grandes agglomérations ou (Australie), qui se présente comme un îlot, mais sur les corridors sujets à de fortes pointes (à qui est capable de bouger, de manière à sépa- l’image des limites de vitesses variables en fonc- rer les voies de manière optimale. Un autre sys- tion des conditions météo et du trafic)? En ce tème ingénieux est mis en place à Sydney: les sens, les recherches conduites actuellement sur cabines rétractables de péage. Si les voies sont la «signalisation horizontale» variable, notam- affectées à l’entrée payante sur le pont, les ment aux Pays-Bas, sont à suivre avec attention, cabines sont déployées. Dans le cas où on veut de même que le système de limitation de se servir du pont pour une manifestation spor- vitesse variable appliqué au Japon sur l’auto- tive (marathon, par exemple), et donc suppri- route Kobe-Osaka (plus aucune signalisation mer le péage, toutes les cabines sont serrées les fixe de limite de vitesse), ou encore les notions unes contre les autres (un peu à la manière des de « carrefour intelligent » développées en cintres dans une penderie!). Suède. Les comportements actuels des automobilistes Des systèmes efficaces, adaptables, français incitent à une approche moins prag- compatibles? matique et moins rustique que dans certains Ces expérimentations et systèmes sont pays, comme les États-Unis ; cela nécessite aujourd’hui plus ou moins aboutis et leur effi- davantage d’explications et d’informations sur cacité n’est pas toujours prouvée. L’évaluation le terrain, et pour les gestionnaires plus de pré- des impacts de ces systèmes n’est pas toujours cautions dans le maintien de la sécurité que réalisée ou publiée, ou peu fiable. Par ailleurs, dans l’efficacité de la régulation. la question du périmètre géographique de l’éva- Cependant, il y a très certainement des cas en luation des impacts est un point délicat, encore France où les voies réversibles, d’une part, les trop rarement développé dans les évaluations HOV, d’autre part, apporteraient des solutions et qui devrait faire, à chaque fois, l’objet d’un intéressantes à certains problèmes de conges- consensus. Car augmenter la capacité d’une tion. Mais nous ne sommes probablement pas voie quelques kilomètres avant un point dur, «mûrs» pour les HOT,et encore moins pour les s’il n’y a pas de sortie importante avant ce point, HOT avec péage variable. ne fait que déplacer le problème. À l’inverse, Un élément de succès important, évoqué aux un périmètre trop large peut rendre toute éva- États-Unis, est de ne pas dégrader les conditions luation impossible. existantes. Il est notamment conseillé, là-bas, de La transférabilité des expériences n’est, par ail- ne pas «prendre» une voie normale existante leurs, pas évidente: une voie étroite, de 2,50 m pour la réserver à certains véhicules. Souve- de large par exemple, peut fonctionner dans nons-nous aussi du fait que les seuls essais des pays respectueux des limites de vitesse, et menés en France (Paris et Marseille) pour affec- se révéler catastrophique dans d’autres. La com- ter, sur autoroute, une voie normale (hors BAU) préhension de l’usager, quand les habitudes ne aux cars et aux taxis n’ont pas tenu longtemps! se sont pas encore créées ou quand des utilisa- La nouvelle voie réservée aux autobus et aux tions différentes sont envisagées à quelques taxis, prévue sur l’autoroute A1, sera donc à exa- kilomètres d’intervalle, ainsi que la variabilité miner avec attention. d’usages dans le temps de vingt-quatre heures, L’analyse des exemples étrangers et des problé- constituent un frein à la mise en œuvre de ces matiques que pose leur adaptabilité montre systèmes. En même temps, il faut vérifier que l’intérêt d’échanger nos réflexions et nos expé- de «mauvaises» habitudes ne se prennent pas, riences pour identifier et maîtriser les meilleures par laxisme ou par incompréhension. L’exploi- pratiques. Elle montre également la nécessité de tation en mode dégradé, les marges de manœu- progresser sur le plan de l’évaluation de tels vre et les capacités d’adaptation à la suite d’in- systèmes ou modes d’exploitation, que ce soit cidents plus ou moins graves sur le tronçon, ou en milieu urbain dense, sur les voies rapides de situations exceptionnelles bloquant un sec- périurbaines ou sur les corridors interurbains, teur entier (renversement© IAU d’un poids lourd, etîle-de-France la nécessité d’une articulation avec les poli- neige…), devraient aussi être systématiquement tiques générales, notamment avec les objectifs prises en compte, ce qui est loin d’être toujours généraux des plans de déplacements, afin de le cas. Par ailleurs, ces systèmes flexibles ne s’ar- valoriser sur le long terme les aménagements ticulent pas forcément bien avec les aménage- réalisés. ments plus «lourds» et fixes, tels par exemple les sites propres bus avec séparateurs fixes et «infranchissables» prévus par les aménageurs. La solution est-elle donc d’aller vers un espace totalement modulable : affectation de voies variables en fonction de la demande, notam- 51 Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150 Optimiser la circulation et le stationnement Réguler les flux automobiles

Éric Gantelet par le stationnement Christophe Begon(1) Sareco

Suite à une instauration très médiatisée à Londres, le péage urbain apparaît aujourd’hui comme un outil incontournable de régulation des flux automobiles. Le dispositif a fait des petits dans de nombreuses agglomérations européennes, mais n’est pas aujourd’hui une solution retenue en France. Plus discret, le stationnement constitue une véritable alternative pour la limitation des déplacements en voiture, qui peut se décliner sous différentes formes. Teepi/Flick’r

Dans le nouveau quartier de Zurich e stationnement payant est, depuis de tains. En favorisant la rotation des véhicules, Nord, Eschenpark, le nombre nombreuses années et partout en on a cherché à attirer davantage de visiteurs en de places de stationnement L Europe, une forme de péage très répan- voiture, ce qui a priori a engendré une augmen- sera volontairement très restreint, due et relativement bien acceptée par la popu- tation locale de la circulation routière. Pourtant, et les places non nominatives. lation et les décisionnaires politiques. La moti- la réalité n’est pas aussi simple. Des enquêtes vation première a été de réallouer l’espace «avant-après»(2) montrent que, dans certains cas, public aux visiteurs des commerces, afin de la mesure a permis de diminuer les temps de soutenir le dynamisme économique des cen- recherche de places, de résorber le stationne- tres-ville. Les usagers de stationnement longue ment interdit, voire de supprimer des places sur durée (automobilistes habitant ou travaillant voirie… sans augmentation du nombre de voi- dans le quartier) étant « invités » à stationner tures de visiteurs. Le stationnement payant: véri- ailleurs. Le stationnement payant a-t-il égale- table aspirateur à voitures ou simple outil pour ment un effet sur les flux automobiles? Quelles freiner le déclin des centres-ville ? Question sont les autres actions ou politiques complé- ardue. La réponse varie probablement d’un mentaires qui peuvent être efficaces? contexte urbain à l’autre. Mais la diminution des temps de recherche de places de stationne- Rendre payant le stationnement ment permet de réduire un peu le trafic routier sur voirie local: de l’ordre de 10 % du trafic total – c’est Le premier dispositif de stationnement payant toujours ça de pris! a probablement été installé aux États-Unis (des En fait, le péage a été jusqu’ici très largement parcmètres sont mentionnés à Oklahoma City conçu comme un moyen de financer le service dès 1935). En France, le concept est né à la fin public du stationnement (dont le budget est des années 1950, et apparu de façon significa- souvent plombé par de coûteux parkings © IAUtive autour deîle-de-France 1967. La zone bleue (gratuité du publics souterrains), mais rarement comme un stationnement avec limitation de la durée) exis- outil de dissuasion de l’accès en voiture. Le tarif tait depuis 1955, mais s’avérait souvent inadap- d’une heure de stationnement sur voirie tée: fraude importante et difficultés à financer dépasse rarement 1,60 € en France (à part dans la surveillance. Aujourd’hui, la plupart des quelques zones hypercentrales de Paris, Lyon agglomérations européennes ont mis en place ou ). Le tarif horaire maximal s’éta- le stationnement payant à des échelles plus ou blit même à 1,20 € à Rome et 1 € à Madrid. Pour- moins larges, transformant leurs trottoirs en pro- menades plantées… d’horodateurs. (1) Éric Gantelet est directeur général de Sareco, Christophe Begon est ingénieur d’études à Sareco. Sur le plan des flux automobiles, les effets du (2) Par exemple, Sareco-ville de Paris (1979): Les effets du sta- stationnement payant se révèlent assez incer- tionnement payant sur la voie publique – Rue d’Avron, Paris. 52 tant, certaines agglomérations du nord de l’Eu- Il peut s’agir d’un défaut de surveillance: mal- rope ont commencé à pratiquer des tarifs dis- gré la réglementation, des actifs continuent à suasifs, y compris pour les visiteurs: pour lais- stationner sur la voirie, tels les commerçants ser sa voiture garée pendant une heure dans le devant leur boutique, qui «s’arrangent » avec centre, il peut en coûter jusqu’à 4 £ à Londres, les agents de surveillance. Mais surtout, le sta- 4,80 € à Amsterdam ou encore 3,50 € à Copen- tionnement payant sur voirie trouve ici ses hague. limites : il épargne les actifs disposant d’un emplacement privatif dans leur entreprise ou bénéficiant d’une prise en charge par leur employeur d’un abonnement en parking public. Et, en France, leur part est fréquemment supé- rieure à 75 % des actifs utilisant leur voiture pour se rendre en zone dense.

Taxer le stationnement dans les parkings E.Gantelet/Sareco publics ou privés Sur le plan des flux automobiles, Alors, comment toucher les usagers stationnant les effets du stationnement payant hors voirie? Deux solutions peuvent être envi- se révèlent assez incertains. sagées: le péage urbain (on y revient…) ou la Dans le meilleur des cas, mise en place d’une taxe sur les parkings privés la réduction du trafic routier local et/ou publics déjà construits. Existant sous dif- atteindrait 10 % du trafic total. Variation des taux d’utilisation de la voiture férentes formes aux États-Unis, en Australie et au pour les déplacements domicile-travail en fonction Canada, les taxes sur le stationnement hors voi- de la disponibilité d’une place de stationnement rie semblent avoir été jusqu’ici dédaignées par sur le lieu de travail. les agglomérations européennes. Bien souvent, ces taxes sont limitées aux parkings de bureaux (encore une fois, ce sont les actifs qui trin- Le stationnement payant tel qu’il a été mis en quent…) situés en centre-ville, les équipements place au départ présentait un réel inconvénient périphériques tels que les centres commerciaux pour les résidents: ceux qui ne disposaient pas se trouvant épargnés. d’alternative à la voirie pour stationner leur En Grande-Bretagne, la loi prévoit la possibilité véhicule se voyaient obligés de libérer leur pour les villes de mettre en place une taxe sur place tous les matins, les tarifs horaires étant les parkings privatifs. Cependant, les collectivi- pour eux totalement prohibitifs. Cela poussait tés locales ne se sont pas précipitées… Seule la les résidents à aller travailler en voiture, ce qui ville de Nottingham envisage pour avril 2010 la Réguler les flux automobiles augmentait le trafic à l’heure de pointe. Cet effet mise en place d’une workplace parking tax, à pour faire de la place aux transports pervers a été corrigé par la mise en place de niveau de 185 £ par an et par emplacement…, collectifs peut passer par une taxe tarifs préférentiels à destination des résidents, montant amené à doubler d’ici 2015. Pourquoi sur le stationnement privatif. avec des formules de durée assez variables : ce peu d’engouement pour la taxe parking dans Nottingham, en Grande-Bretagne, 115 £ par an à Londres-Westminster (réduit à les villes britanniques ? Le péage londonien, devrait mettre en place en 2010

80 £ pour les véhicules peu émetteurs de CO2), très médiatisé, a probablement contribué à relé- une taxe sur le stationnement environ 260 € par an à Lausanne, 70 € par mois guer la taxe parking au second plan. Pourtant, au lieu de travail. à Rome (soit 840 € par an), 1 € par semaine à Barcelone (soit 52 € par an), 0,50 € par jour à Paris (soit environ 115 € par an). La facilitation du stationnement résidentiel peut aller encore plus loin, avec la création de voies réservées aux résidents, par exemple très répandues en Allemagne, en Angleterre ou encore en Espagne. On© en rencontre IAU quelques-unes en île-de-France France, mais le dispositif est assez discutable sur le plan juridique. Faciliter le stationnement des visiteurs et des résidents sur la voirie a impliqué la chasse aux actifs, qui ont fait les frais du stationnement payant. Ce qui est d’autant plus intéressant que la contrainte porte sur une catégorie d’usagers se déplaçant très majoritairement aux heures de pointe. Mais alors, pourquoi constate-t-on tou- jours des embouteillages aux heures de pointe? Consortium © 2004 Nottingham Tram 53 Offrir un cadre favorable Optimiser la circulation et le stationnement Les Cahiers n° 150 Réguler les flux automobiles par le stationnement

celle-ci présente de nombreux avantages: ger l’entreprise à donner le choix à ses • Elle est moins risquée sur le plan technolo- employés entre la prise en charge (totale ou gique que le si sophistiqué péage londonien, partielle) de la location d’une place de station- et peut donc être mise en place d’emblée à nement à proximité du lieu de travail, et le ver- grande échelle. sement mensuel d’une somme d’argent au • Ses charges de fonctionnement sont a priori moins équivalente. Selon une étude réalisée limitées. Ainsi, passées les premières années de auprès de huit entreprises(3), le kilométrage mise en place, elles représenteraient environ domicile-travail annuel a diminué de 12 % à la 5 % des recettes de la taxe parking de Vancou- suite de l’instauration du cash-out dans l’entre- ver. Le taux attendu à Nottingham est de l’or- prise. Cette diminution est notamment liée au dre de 10 % (par comparaison, ce taux développement du covoiturage. Cependant, les approche les 50 % pour le péage londonien). entreprises disposant de leur propre parking ne • Des extensions peuvent être assez facilement sont pas concernées par le dispositif. réalisées par modification du périmètre. • Par le jeu du zonage, des tarifs différenciés par Limiter le nombre de places secteurs peuvent être pratiqués, sans créer de stationnement privatives construites d’usine à gaz pour l’usager. Quitte à contraindre le stationnement, autant • Son indexation annuelle n’implique pas l’ac- agir à la racine en limitant le nombre de places tualisation lourde de supports de communica- construites… Et, dans beaucoup de pays euro- tion à destination du grand public. péens, c’est plutôt l’inverse qui s’est produit • Son acceptabilité est peut-être plus simple à jusqu’ici. Avant, les promoteurs construisaient obtenir sur le plan politique, puisqu’elle n’est des équipements sans forcément prévoir de pas directement perçue auprès du grand places de stationnement privatives, pour limi- public. ter les coûts. Les nouveaux utilisateurs pou- Cependant, elle présente un inconvénient non vaient stationner sur la voirie ou en parking négligeable : elle n’est pas obligatoirement public: l’addition était réglée par la collectivité! répercutée par les employeurs. Et si les La plupart des pays ont donc mis en place des employés n’acquittent pas leur stationnement, outils juridiques permettant aux collectivités la taxe devient alors pour la collectivité locale locales d’exiger du promoteur la construction une source de financement bienvenue, mais un d’un nombre minimal de places privatives, ce outil peu efficace de régulation des flux auto- qui a eu plusieurs conséquences négatives. Pre- mobiles. Deux alternatives s’apparentant à une mièrement, certaines collectivités locales ont taxe sur le stationnement sur le lieu de travail et fixé des normes planchers égales (voire supé- permettant de résoudre (partiellement) ce pro- rieures!) à la demande. Si bien que, dans cer- blème sont à considérer. Une première, en tains immeubles de logements, les parkings, La suppression totale vigueur en Suède, consiste à taxer directement chroniquement sous-occupés, ne peuvent être du stationnement privatif les contribuables, en intégrant dans le calcul entretenus de façon satisfaisante par manque serait sans doute efficace de l’impôt sur le revenu la mise à disposition de recettes, et les bailleurs en sont réduits à pour limiter l’usage de l’automobile. d’une place de parking sur le lieu de travail. louer des places aux entreprises du quartier! Or, il reste un facteur d’attractivité Une seconde solution est le cash-out, rendu Deuxièmement, (trop) sensibles aux préoccu- pour certaines opérations. obligatoire en 1992 pour une partie des pations de leurs prospects en matière de sta- Pour combien de temps? employeurs californiens. Le principe est d’obli- tionnement, les promoteurs se sont mis à construire plus de places que nécessaire avec, par exemple, des parkings de centres commer- ciaux calibrés sur des période «d’hyperpointe». Cette sur-construction de places a créé de véri- tables aspirateurs à voitures, sans même parler du surcoût, très lourd pour les opérations immo- bilières. © IAU île-de-FranceL’identification de ces effets pervers a amené certains pays ou agglomérations à adopter des mesures correctives. Ainsi, la mairie de Paris a fixé à zéro les normes planchers pour les immeubles de bureaux. Elle aurait souhaité aller plus loin en édictant dans son plan local d’urbanisme (PLU) des normes plafonds, mais n’a pas pu le faire car le plan de déplacements urbains d’Île-de-France (PDUIF) de 2000, éla-

(3) «Evaluating the effects of parking cash out: eight case

E. Cordeau/IAU îdF studies», Donald C.Shoup, Transport Policy, vol.4, n° 4, 1997. 54 boré avant la loi SRU qui autorise ces normes Une maîtrise totalement publique du station- Références bibliographiques plafonds, ne prévoyait pas cette possibilité. Vive- nement, c’est le choix qui a été fait pour le quar- ment sa révision! En Allemagne, les communes tier de Zurich Nord, Eschenpark, en Suisse. En • COUVRAT DESVERGNES Marie, DU CREST Thierry, « Les premières mises en place ont la possibilité de fixer des normes plafonds… 2011, la zone devrait compter 1800 résidents et du stationnement payant sur voirie », qui peuvent être inférieures aux normes plan- 7000 employés, et seulement 1750 places de CERTU, 2000 chers requises par l’État fédéral. Le promoteur stationnement (un tiers de la demande des pro- • GÜLLER P., The new Access Contingent s’acquitte alors de ses obligations minimales moteurs), soit neuf parkings publics à gestion- Model in the Zürich North development vis-à-vis du Land en versant une compensation naire unique desservant le quartier. L’accès à area, Synergo Cost 342, 2001 • LITMAN Todd, Parking taxes: evaluating financière correspondante aux places non ces parkings repose sur l’achat d’un ticket de options and impacts, Victoria Transport construites: de l’argent frais à investir dans les courte durée pour les occasionnels ou d’une Institute, 2006 modes alternatifs à la voiture. À titre d’exem- carte-code pour les abonnés. L’exploitation • SARECO, « Le temps de recherche d’une ple, la norme plafond pour les bureaux à Franc- s’appuie sur le principe d’un usage non affecté place de stationnement », Predit, 2004 fort est de une place pour 350 m2 de Shon(4) des places de stationnement : pas de places • SARECO, « L’impact des politiques de stationnement sur les émissions de gaz (soit 10 % de la norme plancher imposée par la nominatives mais un droit d’accès à un ou plu- à effet de serre », PREDIT, 2008 Hesse). Enfin, la Grande-Bretagne a poussé le sieurs parkings locaux, avec une logique de • SHOUP DONALD C., Evaluating the effects raisonnement un peu plus loin, allant jusqu’à «forfait à points». L’automobiliste dispose d’un of parking cash out: eight case studies, supprimer les normes planchers, considérant quota d’entrées-sorties du parking inclus dans Transport Policy, Vol.4, N° 4, pp. 201- celles-ci comme un gaspillage de l’espace son abonnement. En cas de dépassement de 216, 1997 • TAYLOR Adrian, ATKINS, Workplace parking urbain. son forfait, l’abonné passe au tarif «horaire», levies: the Macbeth of the demand nettement plus élevé. Après la deuxième année management world (intervention à Maîtriser totalement le stationnement d’ouverture, le gestionnaire des parkings doit l’European Transport Conference), 2008 dans un quartier payer des indemnités à la ville en cas de non • Transport for London, Central London La logique, poussée à l’extrême, consisterait à respect des maxima de déplacements prévus. Congestion Charging: impacts monitoring, sixth annual report, 2008 supprimer totalement le stationnement priva- • Sites internet officiels des villes tif. Autrement dit, pas d’alternative au station- Des solutions variées à articuler d’Amsterdam, Barcelone, Londres (City nement sur voirie ou en parking public. Cette Intervention via le stationnement sur voirie, en of Westminster), Lausanne, Madrid, solution, qui peut essentiellement s’envisager parcs publics ou en garages privés, dans des Nottingham, Vancouver [consultation dans de nouveaux quartiers en développement, quartiers existants ou en construction, en novembre 2008]. est probablement la plus aboutie pour réguler ciblant l’usager directement ou par des voies les flux automobiles. Elle suppose de mettre en détournées: on le voit, les façons par lesquelles œuvre différents dispositifs évoqués précédem- le stationnement peut participer à la régulation ment: péage pour le stationnement sur voirie des flux automobiles sont nombreuses. Ces (et, naturellement, en parc public) et totale interventions peuvent et doivent être mises en absence d’emplacements privatifs (des normes place à différents niveaux de décision: souvent plafonds égales à zéro, en quelque sorte). La local pour le stationnement payant sur voirie collectivité maîtrise alors totalement la res- et les prescriptions en matière d’urbanisme, à source stationnement: un dispositif tout à fait échelle intermédiaire (communauté urbaine, machiavélique du point de vue des automobi- département ou région) pour les taxes parking, listes. En effet, la collectivité peut disposer de à échelle nationale pour l’intégration du sta- moyens d’actions extrêmement puissants pour tionnement dans l’impôt sur le revenu… Com- limiter la circulation routière: fixation de quo- plémentaire ou alternatif au péage urbain, le tas d’abonnements par catégorie d’usagers et stationnement constitue, pour la mise en œuvre maîtrise totale de la tarification. des politiques de développement durable, un Au-delà du simple niveau des tarifs (qui peu- outil puissant et multiforme que l’on aurait tort vent aisément évoluer au gré des améliorations de dédaigner. De ce point de vue, les expé- apportées à la desserte dans les modes alter- riences de nos voisins européens peuvent beau- natifs), on peut donc également imaginer des coup nous apporter. formules tarifaires innovantes. Tout d’abord, Le stationnement a été jusqu’ici très majoritai- comme cela existe déjà dans certains parkings rement utilisé pour limiter l’usage de la voiture lyonnais et parisiens,© des IAUabonnements à tarif chezîle-de-France les actifs, ce qui est particulièrement inté- préférentiel pour les résidents «petits rouleurs»: ressant sur le plan de la régulation des flux aux plus les sorties sont nombreuses, plus le coût de heures de pointe. Cependant, l’effet de serre, la l’abonnement est élevé, ce qui incite à utiliser pollution atmosphérique et la raréfaction du son véhicule avec parcimonie. Autre possibi- pétrole vont probablement nous amener à lui lité: le remplacement des abonnements par des faire jouer un rôle grandissant, en ciblant toutes « cartes à décompte » pour les actifs ; au-delà les catégories d’usagers. d’un coût d’abonnement fixe limité, l’employé paie pour chaque entrée dans le parking. Troi- sième exemple: l’attribution de tarifs préféren- tiels pour les covoitureurs. (4) Surface hors œuvre nette. 55 Péages urbains : un instrument pour faire quoi ?

Péages urbains : des modalités adaptées aux objectifs recherchés 57

Grand Londres : deux péages, deux objectifs distincts 60

© IAU île-de-France Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150 Péages urbains : un instrument pour faire quoi ? Péages urbains : des modalités adaptées aux objectifs recherchés Caroline Lemoine(1) IAU île-de-France

André Lauer, directeur du Certu en 1997, définissait le péage urbain comme «toute forme quelconque de paiement imposé aux usagers de la route pour pouvoir circuler en certains endroits de certaines parties des zones urbaines». Il s’agit d’une tarification de l’usage des véhicules automobiles en ville. En pratique, ses modalités d’application sont variables et dépendent des objectifs recherchés. Ambrosiana/Flick’r

Le péage urbain a des modalités es péages urbains peuvent avoir plusieurs modes les plus polluants et en favorisant le d’application variables, visées: maîtrise de la congestion, soucis report sur d’autres moyens de transport, plus selon les villes, qui dépendent L environnementaux et besoins de finance- respectueux de l’environnement. Les péages des objectifs prioritaires recherchés. ment complémentaires. Les villes norvégiennes peuvent aussi être différenciés selon trois types sont pionnières en matière de péages de finan- morphologiques: le péage d’axe ou de réseau, cement, Singapour en matière de péage de le péage cordon et le péage de zone. Le péage congestion. Plus récemment, Londres ou encore d’axe ou de réseau, dit «d’infrastructure», per- Milan ont mis en place des péages à vocation met de faire payer aux usagers l’utilisation d’une environnementale. Aujourd’hui, dans les plus infrastructure, soit dans le but de la financer, grandes métropoles, des projets de péage urbain comme pour l’autoroute urbaine A14 aux sont à l’étude. Certains gouvernements centraux abords de Paris (1996), soit dans le but d’opti- proposent même des financements pour le lan- miser son utilisation pour éviter que les condi- cement d’expérimentations. C’est le cas des tions de circulation se dégradent, comme sur la États-Unis et du Royaume-uni. Ces péages ont- SR91 (1995) dans le comté d’Orange aux États- ils un réel impact ? Quelles sont les leçons à Unis. Dans le cas du péage cordon, l’usager doit tirer des expériences existantes? payer pour le franchir. Les trajets ayant leur ori- gine et leur destination à l’intérieur de l’aire Diversité des situations, délimitée par le cordon ne sont pas tarifiés. Au variété des dispositifs pratiques contraire, dans le cas du péage de zone, tout On peut définir trois catégories de péage selon véhicule passible du péage et présent dans la ce qu’on en attend. Le péage de financement zone doit payer, même s’il n’en franchit pas les permet de mieux répartir les besoins de finan- limites. Selon l’objectif recherché, la zone cou- cement des infrastructures de transport entre vre la partie du réseau la plus embouteillée © IAUl’utilisateur qui enîle-de-France bénéficie et le contribuable. (centre-ville, centre d’affaires) ou bien une zone Le péage dit «de décongestion» est utilisé pour permettant de maximiser les profits (cas des rendre l’usager conscient du coût externe de péages de financement). Pour les péages «envi- congestion(2) qu’il impose à la collectivité. Il ronnementaux», elle se déploie sur des terri- devient, de ce fait, un mécanisme de régulation toires plus étendus que pour ceux de déconges- de la demande par les prix. Le péage dit «envi- tion (ex: Low Emission Zone à Londres). ronnemental» est fondé sur l’internalisation des coûts environnementaux et le principe du «pol- lueur-payeur ». Son principal objectif est de (1) Caroline Lemoine est ingénieure transport. (2) Le dernier automobiliste qui emprunte la voie impose aux réduire les nuisances, en particulier la pollu- automobilistes déjà présents un coût supplémentaire repré- tion atmosphérique, en pénalisant l’usage des senté essentiellement par les pertes de temps. 57 Offrir un cadre favorable Péages urbains : un instrument pour faire quoi ? Les Cahiers n° 150 Péages urbains : des modalités adaptées aux objectifs recherchés

La marge de bénéfice est importante du fait des faibles coûts de fonctionnement: de l’or- dre de 20 % à Bergen, 10 % à Oslo et 7 % à Trond- heim. Les niveaux de péage, relativement bas (environ 2 €), et la zone d’application ont été définis de manière à maximiser les recettes et non à dissuader les usagers, contrairement au péage de décongestion. D’où les baisses relati- vement faibles de trafic: 3 % à 5 % à Oslo, 6 % à 7 % à Bergen ; à l’exception de Trondheim (10 %), du fait des modulations tarifaires (heure de pointe/heure creuse). Alors que la mise en place de péages comme source de financement est une pratique assez répandue (du moins sous la forme de péage Après une expérimentation réussie d’infrastructure), celle des péages de décon- et un résultat favorable gestion ne l’est pas. Même si de grands écono- au référendum organisé mistes du début du siècle, inspirés par Dupuit et auprès de la population de la ville Pigou, ont prôné le péage comme le moyen de Stockholm, le péage cordon optimal pour la régulation de la circulation avec modulation tarifaire automobile, ce n’est qu’en 1975 que Singapour

fut définitivement établi. Mikael Ullén/Vägverket met en place le premier péage de déconges- tion. Une vignette journalière, permettant de Quelques exemples remarquables contrôler l’accès au centre d’affaires, a entraîné Les cas les plus significatifs de péage de finan- une baisse du trafic de 45 %. Les coûts d’exploi- cement se trouvent en Norvège. Jusqu’au milieu tation étaient alors de l’ordre de 25 % des des années 1980, dans la plupart des pays, les recettes brutes. En 1998, grâce aux avancées péages de financement étaient des péages d’in- technologiques, la vignette a été remplacée par frastructure. L’argent collecté était affecté à l’ou- un péage électronique permettant de moduler vrage en question. Avec l’introduction du pre- les tarifs selon les itinéraires et le moment de la mier péage cordon en zone urbaine en Europe, journée, de manière à maintenir une vitesse Bergen (1986) a changé la vision de ce type de optimale sur le réseau. Cette évolution techno- péages. En faisant appel à une forme de péage logique a contribué à une baisse supplémen- différente et en élargissant l’assiette, Bergen a taire du trafic de 15 % et a permis de diminuer trouvé une source complémentaire pour finan- les coûts d’exploitation de 7 %. En pratique, la cer non pas un projet, mais tout un plan d’inves- première version du péage singapourien s’ap- tissements. C’est ainsi que d’autres villes nor- parentait à un péage cordon, tandis qu’au- végiennes ont fait appel à ce mécanisme de jourd’hui il comporte, en outre, des éléments financement pour leurs infrastructures. En 1990, d’un péage de réseau. Oslo a mis en place un péage cordon permet- Après Singapour, il faudra attendre février 2003 tant de financer 55 % du Oslo Package, un pro- pour qu’une grande métropole européenne gramme d’investissements comprenant une cin- comme Londres(3) s’engage sur cette voie et que Jules Dupuit et Arthur Cecil Pigou, € deux grands économistes quantaine de projets (1 800 M ) sur 18 ans d’autres suivent son exemple. C’est le cas de Jules Dupuit (1804-1866). Ingénieur (1990-2007), dont 20 % affectés aux projets de Stockholm qui a expérimenté durant sept mois, des Ponts et Chaussées et économiste, transports en commun. Il a été reconduit en à partir de janvier 2006, un péage cordon avec il est considéré comme le précurseur 2001 jusqu’en 2012, puis en 2008 jusqu’en 2027, modulation tarifaire selon l’heure de la jour- du calcul économique appliqué pour financer les Oslo packages 2 et 3 avec une née. Après cette expérimentation réussie et un aux infrastructures de transport au travers de deux concepts, celui de l’utilité part plus importante consacrée aux transports résultat favorable au référendum organisé et celui du surplus du consommateur. en commun. Pour ce faire, le tarif a été aug- auprès de la population de la ville de Stock- Ses deux articles© les plus célèbresIAU sont menté et, en 2008,île-de-France un cordon à péage supplé- holm (48 % pour, 43 % contre), le péage fut réta- «De la mesure de l’utilité des travaux mentaire a été mis en place. Trondheim a aussi bli le 1er août 2007. Le principal objectif a été lar- publics» publié en 1844 et suivi l’exemple, mais avec un objectif mixte : gement dépassé: le trafic routier traversant le «De l’influence des péages sur l’utilité des voies de communication» en 1849. financer à hauteur de 60 % le Trondheim cordon de péage a diminué de 22 % au lieu Arthur Cecil Pigou (1877-1959). Package (266 M€) sur quinze ans (1991-2005), des 10 % à 15 % espérés, sans qu’on observe Économiste britannique, il est considéré et réguler le trafic aux heures de pointe. Il n’a pour autant de report de trafic important (+ 1 %) comme le pionnier de l’économie cependant pas été reconduit en 2005. sur les rocades extérieures (non payantes). Le du bien-être (Welfare Economics) Une des particularités des péages norvégiens, péage seul est amorti financièrement en quatre et le précurseur de l’économie de l’environnement en introduisant voire même un des facteurs de leur acceptabi- ans et l’opération globale en six ans. Les coûts le premier ce que l’on appelle aujourd’hui lité, est leur identification à un programme d’in- de fonctionnement du péage représentent 29 % le principe pollueur-payeur. vestissement établi et une durée de vie limitée. des recettes. Même si l’objectif principal n’était 58 pas l’amélioration de la qualité de l’air, les De ce fait et indépendamment de son objectif Références bibliographiques modèles montrent que les diminutions d’émis- principal, il permet aussi d’améliorer la qualité sions de microparticules (PM10), de composés de l’air, grâce à la réduction des émissions de • Servant Louis, « Péage urbain en Île-de-France : scénarios et conditions organiques volatils (COV) et de gaz carbonique polluants (de l’ordre de 10 % à 15 %). Par ail- de mise en place », Cahiers de l’Iaurif (CO2) sont du même ordre que celle de la cir- leurs, il constitue, une fois les coûts d’investis- n° 128, Iaurif, 2000. culation (14 %). sement amortis, une source de financement • Servant Louis, « Péage urbain d’Oslo : La réduction des émissions de polluants atmo- complémentaire: la marge de bénéfice étant un programme pour financer sphériques et de gaz à effet de serre est devenue d’autant plus importante que les coûts d’ex- les infrastructures », Cahiers de l’Iaurif n° 128, Iaurif, 2000. un enjeu majeur des politiques de transport. ploitation sont faibles. Ces derniers sont varia- • SERVANT Louis, VINCENT Pascal, De plus, compte tenu des normes européennes bles en fonction des choix technologiques et de RAUX Charles, DE LANVERSIN Emmanuel, en la matière, la mise en place de zones à la typologie morphologique : de 46 % des Péages urbains en Norvège : Oslo faibles émissions de polluants se généralise recettes (pour le péage de décongestion à Lon- et Trondheim, Rapport des visites aujourd’hui. Dans ce contexte, le péage est un dres) à 7 % (pour Singapour et Trondheim). Les des 27 et 28 mai 2002, Iaurif, 2002. • SERVANT Louis, Péage urbain de Londres. outil destiné à orienter les comportements évolutions techniques et informatiques peu- Bilan après 6 mois de fonctionnement. d’achat et/ou d’utilisation de la voiture par les vent, à terme, conduire à une diminution de Les impacts sur les transports consommateurs, particuliers ou entreprises, ces coûts. et les activités londoniennes, Iaurif, 2003. grâce à une tarification sélective, modulée selon Le type morphologique (cordon, zone ou infra- • SERVANT Louis, Péage urbain de Stockholm. le niveau d’émission du véhicule. Parmi les pre- structure) est souvent mis en avant dans les des- Bilan de l’expérimentation (du 3 janvier au 31 juillet 2006), IAU île-de-France, mières expériences, on trouve celles de Lon- criptions d’expériences, mais ce sont l’étendue 2008. dres et de Milan, qui ont démarré début 2008. de la zone sous péage, la règle tarifaire appli- • SERVANT Louis, Péage urbain de Londres. Le principal effet attendu est une modification quée avec ses modulations et exemptions éven- Éléments pour un bilan coûts-avantages, du parc de véhicules. Sous le nom d’Ecopass et tuelles, et le niveau moyen du tarif qui permet- 2008. avec le slogan « moins de trafic et plus d’air tent au mieux de juger de la cohérence du pur », un péage écologique est en vigueur à dispositif avec l’objectif poursuivi. Ainsi, à Lon- Milan depuis le 2 janvier 2008. Il permet de limi- dres, deux péages avec des objectifs et des ter l’accès des véhicules les plus polluants au modalités d’applications différents coexistent. cœur historique de la ville. Le prix de la vignette C’est également le cas pour les péages de finan- journalière varie selon le niveau de pollution du cement norvégiens, qui combinent, sur un ter- véhicule, indiqué par sa norme Euro: de la gra- ritoire étendu, tarifs peu élevés et formules tuité à 10 €. L’objectif principal est de réduire les d’abonnements, de manière à maximiser les émissions des poussières fines (PM10) au sein recettes; ils sont également associés à un pro- de la zone: les résultats sur les onze premiers gramme d’investissement précis avec durée de mois montrent que leur concentration baisse de vie limitée. 20 % par rapport à la moyenne 2002-2007. La La mise en place d’un péage urbain est un réduction du nombre de véhicules entrants a choix politique difficile, qui se heurte à des réti- été de 12,3 % dans la zone à péage et de l’ordre cences et qui demande des compromis. Il est de 3 % à l’extérieur de celle-ci, ce qui consti- important d’en définir correctement les moda- tuait le deuxième objectif recherché. Le lités d’application pour mieux répondre à l’ob- troisième objectif est de pouvoir réinvestir les jectif principal et éviter des effets secondaires bénéfices dans le cadre du programme d’in- non désirés. vestissements en faveur de la mobilité durable cofinancé par le gouvernement, la région lom- (3) Voir article ci-après «Grand Londres: deux péages, deux barde et la province. Les recettes estimées sont objectifs distincts», Caroline Lemoine, Iau île-de-France. de l’ordre de 24 millions d’euros par an. Tel que le système a été conçu (gratuité pour les véhi- cules les moins polluants et les deux roues motorisés), on pourrait craindre, à terme, des effets indésirables sur la circulation, voire même sur les émissions© de polluants. IAU île-de-France Les leçons de l’expérience Le péage urbain n’est qu’un outil qui doit être utilisé dans le cadre d’une politique globale de transports et qui doit s’apprécier par compa- raison avec des mesures alternatives. Le péage urbain fonctionne bien Il fonctionne bien comme outil de régulation comme outil de régulation du trafic du trafic automobile. On constate des baisses du automobile. Singapour fait figure nombre de véhicules entrant dans les zones de bon élève, avec une baisse tarifiées allant de 4 % à 16 %; le cas de Singa- du nombre de véhicules entrant pour reste exceptionnel (45 %). Yosoynuts/Flick’r dans les zones tarifiées de 45 %. 59 Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150 Péages urbains : un instrument pour faire quoi ? Grand Londres : deux péages, deux objectifs distincts

(1) Caroline Lemoine Londres est pionnière en matière de péage urbain. En février 2003, IAU île-de-France Ken Livingstone a lancé le premier péage de décongestion dans une grande métropole démocratique après avoir été élu maire de Londres en 2002, le péage urbain étant une des mesures de son programme électoral. Depuis février 2008, Londres dispose, en outre, d’un péage environnemental.

la différence de la plupart des péages l’ouest, doublant ainsi sa superficie. Cette exten- urbains, ceux de Londres sont des sion, moins bien acceptée par les Londoniens À péages de zone. Le péage de déconges- que ne l’avait été le péage en 2003, a été récem- tion a été mis en place dans l’hypercentre de la ment remise en cause par le nouveau maire ville sur une superficie de 21 km2 puis étendu (Boris Johnson). La zone à péage devrait donc en 2007 à 38 km2. Le péage environnemental, reprendre sa forme initiale après 2010. quant à lui, couvre une grande partie du Grand Londres sur plus de 1 500 km2, ce qui en fait … auquel s’ajoute un péage

TfL aujourd’hui la zone à faibles émissions de pol- environnemental Le péage de décongestion luants payante la plus étendue d’Europe. Le péage de décongestion a permis de contri- (Congestion Charge) a permis buer à hauteur de 8 % à la réduction de 13 % une forte réduction du trafic Un péage de décongestion… des émissions de NOx entre 2002 et 2003, de automobile, une augmentation Il a été mis en place sur une faible partie du 6 % à la diminution de 16 % des PM10 et à la

de la fréquentation des bus Grand Londres (1,3 % de sa superficie), dans baisse de 16 % des émissions de CO2 (le reste et une diminution des émissions laquelle se trouvent 2,4 % de sa population et étant attribuable aux améliorations de perfor- de polluants. plus du quart des emplois londoniens (26 %). mance environnementale du parc de véhi- Le tarif est très élevé si on le compare aux autres cules). Toutefois, depuis le 4 février 2008, péages : fixé en 2003 à cinq livres par jour Londres dispose en outre d’un péage écolo- (6,20 €), il a été relevé en 2005 à huit (10 €). Le gique, la Low Emission Zone (LEZ), avec des Compte tenu des récentes variations choix d’un niveau de tarif élevé a porté ses objectifs et des moyens de mise en œuvre dis- du taux de change, le taux appliqué fruits, puisque le principal objectif a été atteint: tincts. Il s’applique à une grande partie du € par convention est 1 £ = 1,25 une baisse de 16 % du nombre de véhicules Grand Londres et ne concerne aujourd’hui que entrants (de 21 % pour les voitures particu- les poids lourds diesel non conformes aux lières), une diminution de 14 % des véhicules- normes d’émissions Euro III. L’extension aux kilomètres parcourus et une augmentation de autres véhicules utilitaires, minibus et grandes 37 % de la fréquentation des bus (dont la moi- camionnettes, prévue pour 2010, a été récem- tié attribuée directement au péage). Toutefois, ment remise en cause. À la différence du péage la forte dissuasion du trafic automobile a eu de décongestion, la LEZ est en application des conséquences négatives sur les revenus 24 h/24, chaque jour de l’année. Malgré une nets, sans compter la part importante que repré- redevance journalière élevée (200 £ soit 250 €), sentent les coûts de fonctionnement du sys- le revenu annuel n’atteint que 5 à 7 millions de tème (46 % des recettes des quatre premières livres (soit 6 à 9 M€). Compte tenu des coûts années). En fait, les dépenses d’exploitation d’exploitation de l’ordre de dix millions de sont de l’ordre de 90 millions de livres (112 M€) livres (12,5 M€), le système est déficitaire hors par an en raison du type de péage adopté (exi- amortissement des coûts d’implantation geant un contrôle dans toute la zone et pas aux (50 millions de livres). seules entrées), de la difficulté du contexte géo- En résumé, Londres semble avoir fait des choix © IAUgraphique (beaucoupîle-de-France de points d’entrée) et de cohérents avec les objectifs recherchés: d’un la technologie de contrôle choisie. Ainsi, le côté un péage de congestion sur une zone très péage dégage peu de ressources supplémen- réduite et des tarifs très élevés ne proposant taires: environ 100 millions de livres par an, soit aucun abonnement, et de l’autre un péage envi-

Ian Bell/TfL 125 millions d’euros après hausse du tarif jour- ronnemental (LEZ) appliqué à l’ensemble du La Low Emission Zone nalier et déduction faite de l’amortissement territoire du Grand Londres, et modulé selon qui s’applique à la quasi-totalité des coûts d’implantation du système (162 mil- les caractéristiques d’émissions des véhicules. du Grand Londres est aujourd’hui lions de livres). Il faut noter que les amendes la zone à faibles émissions constituent environ un tiers de ces recettes. Le de polluants payante 19 février 2007, après la réélection de Ken la plus étendue d’Europe. Livingstone, la zone de péage a été étendue à (1) Caroline Lemoine est ingénieure transport. 60 Réduire les nuisances liées au transport

Bruit des transports : défi commun pour les agglomérations en Europe 62

La qualité de l’air dans les métropoles européennes 63

Changement climatique, un défi pour l’action locale 66

© IAU île-de-France

61 Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150 Réduire les nuisances liées au transport Bruit des transports : défi commun pour les agglomérations en Europe Erwan Cordeau(1) IAU île-de-France Les Européens placent régulièrement le bruit comme la première des nuisances: en quoi les transports des agglomérations urbaines sont-ils responsables? Une directive européenne a impulsé, en 2002, un travail, harmonisé à l’échelle européenne, pour tenter de répondre à cette question, et définir pour l’avenir Lexique Lden (Level day evening night): une politique plus contraignante et efficace. Mais les résultats se font attendre… indicateur du niveau de bruit global pendant la journée, la soirée et la nuit utilisé pour qualifier la gêne liée a préoccupation de l’Union européenne qui ont été désignés pour traiter le volet agglo- à l’exposition au bruit. (UE) en matière de bruit des transports mération, l’État étant impliqué pour le volet EPCI: établissement public de coopération L est assez récente. Elle date de 1996, avec grandes infrastructures, la complexité institu- intercommunale qui désigne la parution du Livre vert de la Commission euro- tionnelle et le nombre d’intercommunalités en un regroupement de communes péenne sur la future politique du bruit. Le Île-de-France pèsent lourdement. L’échéance ayant pour objet l’élaboration de «projets communs de développement au sein constat était clair: un quart de la population de de publication des cartes fixée au 30 juin 2007 de périmètres de solidarité». l’Union européenne se plaignait d’être gêné n’a pu être respectée que par les collectivités Certains EPCI ont pris la compétence par le bruit, et en premier lieu par celui des qui s’étaient lancées dans l’élaboration des car- de la lutte contre le bruit. transports. Il s’avérait indispensable de combler tographies du bruit bien avant la transposition Rumeur (réseau urbain de mesure les carences en matière de connaissance des de la directive. de l’environnement sonore d’utilité régionale): réseau de mesure permanent nuisances, de compléter certaines législations du bruit dans l’environnement déployé nationales, de définir les bases d’une politique … mais une mobilisation incontestable prochainement par Bruitparif communautaire et d’amorcer un rapproche- à propos du bruit des transports sur le territoire de l’Île-de-France. ment des politiques nationales. Le Parlement À ce jour, l’UE n’a pas encore dressé de bilan européen a approuvé en 1997 les orientations européen sur les travaux des agglomérations proposées par le Livre vert et a demandé l’éla- urbaines concernées par la première échéance, boration rapide d’une directive-cadre: la direc- signe vraisemblablement de la très grande tive 2002/49/CE était née. Cette directive impose ambition du chantier lancé. Cette directive a, à toutes les agglomérations européennes de néanmoins, permis de définir un cadre euro- plus de 100 000 habitants une évaluation de péen en matière de bruit. Elle a ouvert un l’impact territorial sonore de leurs systèmes de espace de convergence pour les échanges et transport avec une méthodologie et des indi- les expérimentations au niveau des villes et des cateurs de bruit comparables, comme le Lden, régions européennes. En Île-de-France, un obser- indicateur de bruit pour le jour, le soir et la nuit, vatoire du bruit – Bruitparif – a été créé fin 2004, Directive 2002/49/CE sur l’évaluation associé globalement à la gêne pour la route, le pour aider, entre autres, les acteurs franciliens et la gestion du bruit fer et l’aérien. En fonction de l’importance du impliqués dans les travaux de la directive, et dans l’environnement trafic, deux volets sont distingués: grandes infra- pour développer un réseau permanent de La directive du 25 juin 2002 vise à poser structures pour les voies les plus fréquentées mesure du bruit (Rumeur). Un grand nombre les bases communautaires de lutte contre et agglomérations pour tout le reste. de projets européens ont été lancés ces der- le bruit des infrastructures de transports terrestres, des aéroports et des industries. nières années sur la question du bruit des trans- Elle s’applique au bruit perçu Des cartes du bruit et des plans d’action ports (Smile, Heaven, Imagine, Silence, Harmo- par les populations dans les espaces bâtis, qui se font attendre… noise, Gipsynoise…). «Silence» est par exemple dans les parcs publics ou dans d’autres La transposition de la directive par les États qui un projet de recherche sur le bruit des moyens lieux calmes d’une agglomération, devaient désigner les autorités compétentes de transport de surface en zone urbaine. dans les zones calmes en rase campagne, à proximité des écoles, aux abords pour l’établissement de cartes stratégiques du Financé par la Commission européenne, il a des hôpitaux ainsi que dans d’autres bruit et de plans d’actions associés n’a, parfois, regroupé, de février 2005 à mai 2008, 42 parte- bâtiments et© zones sensibles auIAU bruit. pas été sans mal.île-de-France En France, cette transposition naires, dont Bruitparif, afin de développer une Deux des principaux objectifs visés a été effectuée par voie d’ordonnance le méthodologie et une technologie qui permet- par le texte sont l’établissement 12 novembre 2004, la loi de ratification n’ayant tront, à terme, de réduire de 10 dB(A) le bruit d’un cadastre de l’exposition au bruit – les cartographies stratégiques de bruit – été adoptée que le 26 octobre 2005. En Île-de- des moyens de transport. Il est composé d’une et, sur la base de ces cartes, l’adoption France, la mise en œuvre de la directive euro- dizaine de sous-projets: perception de la gêne de plans d’action en matière de prévention péenne s’avère relativement compliquée, par les riverains, modélisation, génération et pro- et de réduction du bruit compte tenu du nombre de sources de bruit à pagation du bruit routier et du bruit ferroviaire, dans l’environnement ainsi prendre en compte, de la taille des territoires et urbanisme, formation et communication… que de préservation des zones calmes (PPBE). Les échéances sont différenciées des populations concernés, et plus encore, du selon la taille des agglomérations nombre d’acteurs impliqués. Comme ce sont et les trafics liés aux infrastructures. les communes et/ou EPCI à compétences bruit (1) Erwan Cordeau est environnementaliste. 62 Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150 Réduire les nuisances liées au transport La qualité de l’air

Arthur de Pas dans les métropoles européennes Karine Léger(1) Airparif

Toutes les grandes agglomérations sont concernées par la pollution atmosphérique. Le projet Citeair (Common information to European air) a ainsi été élaboré pour comparer les niveaux de qualité de l’air de différentes villes à travers l’Europe. Pour améliorer la qualité de l’air, celles-ci mettent en place des programmes d’action, conformément aux obligations réglementaires. Exemple à Paris, Londres et Berlin. J.-F. Mauboussin/RATP J.-F.

Les aménagements de sites propres a source de pollution la plus importante visualiser, pour un jour donné, l’évolution de la bus et tramway figurent dans la plupart des métropoles euro- pollution en fonction de la circulation ou des parmi les mesures choisies L péennes est le trafic automobile. Que ce changements météorologiques. Ils prennent en en Île-de-France pour réduire soit à Paris, à Londres ou à Berlin, trois polluants, compte les principaux polluants : dioxyde la pollution de l’air liée principalement, ne respectent pas les normes d’azote, ozone, particules, et dioxyde de soufre aux transports. européennes : le dioxyde d’azote et les parti- pour les villes à forte activité industrielle. Les cules (en situation de fond, selon les années, indices ont été fixés en fonction des seuils régle- mais systématiquement à proximité du trafic mentaires. Ils varient de très bon (vert), à très routier), et l’ozone (en situation de fond). Les mauvais (rouge), en passant par le jaune problèmes liés à la densité des trafics et à la et l’orange. À partir de 100 (rouge), on atteint congestion étant récurrents dans toutes les les seuils d’alerte européens. Par exemple, le métropoles, la surveillance et la gestion de la 6 novembre 2008 à 11 h, la qualité de l’air était qualité de l’air constituent un enjeu commun. médiocre à proximité du trafic de Paris, Berlin Le projet européen Citeair permet de comparer ou Bristol. Quant à la pollution de fond, elle Lexique quotidiennement la qualité de l’air dans les était également médiocre à Paris (à cause des Common information to European air villes participantes et d’informer simplement particules PM10), mais bonne à Berlin et très (Citeair): projet européen financé le public. Il renvoie à des outils, solutions et bonne à Bristol. Un indice journalier pour la par Interreg IVc rassemblant des indicateurs européens permettant actions d’amélioration de la qualité de l’air mis veille a également été mis au point : pour la une comparaison de la qualité de l’air en place dans chacun des pays ou villes. veille du 6 novembre, on pouvait ainsi consta- quotidienne des villes européennes ter que Berlin était dans le rouge, à proximité du (www.airqualitynow.eu). Citeair: un projet commun à plusieurs trafic, à cause des PM10. Enfin, l’indice annuel Situation de fond: concentration en dizaines de villes européennes Citeair met en lumière les polluants les plus polluants dans l’air ambiant, éloigné des voies de circulation Comparer la qualité de l’air des différentes villes problématiques au regard des seuils européens © IAUeuropéennes estîle-de-France aujourd’hui facilité par le pro- et leur évolution d’une année sur l’autre. Indice Atmo: indice utilisé pour caractériser la qualité de l’air jet Citeair. L’objectif de ce projet européen est Citeair a commencé en 2004. Depuis 2006, ses de l’agglomération parisienne grâce d’apporter pour la première fois une informa- indices sont diffusés sur Internet, et le réseau à un chiffre associé à une couleur tion simple et comparable pour le public sur de villes partenaires ne cesse d’augmenter. allant de 1: très bon (vert) à 10: très mauvais (rouge). la qualité de l’air dans la quarantaine de villes Depuis octobre 2008, le projet est entré dans participant au projet. Deux indices ont été éla- une deuxième phase de développement(2), afin borés: l’un près du trafic et l’autre pour la pol- lution de fond. C’est une évolution importante (1) Arthur de Pas est ingénieur communication et Karine par rapport à l’indice actuel français (indice Léger est adjointe au directeur en charge de la communica- tion à Airparif. Atmo), qui ne reflète que la pollution de fond. (2) Citeair II, cofinancé par Interreg IVc, qui rassemble onze Airparif Nouvelle grille de couleur de l’indice ATMO Il s’agit d’indices horaires qui permettent de partenaires européens, dont Airparif est le chef de file. 63 Offrir un cadre favorable Réduire les nuisances liées au transport Les Cahiers n° 150 La qualité de l’air dans les métropoles européennes

Lexique notamment de mettre en place une prévision du PPA prises en compte dans les calculs com- Dioxyde d’azote (NO2):issu de toutes pour ces indices et d’intégrer les PM2,5, confor- prennent par exemple la réduction de la valeur les combustions, à hautes températures, mément à la nouvelle directive de 2008. des émissions des usines d’incinération des de combustibles fossiles (charbon, fuel, pétrole...). Le secteur des transports ordures ménagères, la fermeture de certaines est responsable de 52 % des émissions La surveillance: un préalable à l’action usines EDF ou encore l’équipement en brû- de monoxyde d’azote qui, rejeté Afin de répondre aux objectifs et directives leurs faiblement émetteurs d’oxydes d’azote par les pots d’échappement, européennes, et pour alimenter le projet com- dans l’habitat (chaudières). Néanmoins, le res- est oxydé par l’ozone et se transforme mun d’information sur la qualité de l’air, les pect de la valeur limite de 2010 relative au en dioxyde d’azote. 3 PM10/PM2,5/PM (particules métropoles organisent leur propre surveillance dioxyde d’azote (40 (µg/m ) n’est pas garanti en suspension): issues du transport et mettent en place des solutions d’amélioration pour toutes les configurations météorologiques, routier, des combustions industrielles, qui varient de l’une à l’autre. en particulier dans le cas d’une année défavo- du chauffage domestique Toute stratégie de surveillance de la qualité de rable comme 2003. D’autre part, le problème et de l’incinération des déchets. l’air doit aujourd’hui combiner trois moyens ne paraît pas résolu au voisinage des princi- Le principal secteur d’émission des PM10 est le transport routier (36 %), d’évaluation: stations de mesure; mesures semi- paux aéroports franciliens, et il est loin d’être dont les véhicules diesel particuliers permanentes, campagnes de mesures ponc- résorbé à proximité du trafic routier, où les (13 %), suivi de près par l’industrie (33 %). tuelles ; modélisation. Paris, Londres et Berlin niveaux observés dépassent deux fois cette utilisent un réseau de mesure d’importance valeur réglementaires. Airparif (http://www.airparif.asso.fr): variable en fonction de leur stratégie: le réseau Dans le cadre du PDP, Airparif a mené une association type loi 1901 en charge, conformément à la loi sur l’Air de 1996, d’Île-de-France compte quarante-sept stations, étude d’évaluation de l’impact sur la qualité de la surveillance de la qualité de l’air quatre-vingt-dix-neuf pour celui de l’aggloméra- de l’air de l’ensemble des aménagements de en Île-de-France. Comme ses homologues tion londonienne et quinze pour Berlin. En voirie effectués dans Paris intra-muros entre des autres régions ou départements complément de ces mesures fixes, des mesures 2002 et 2007 (dont les sites propres bus et le français, Airparif regroupe au sein semi-permanentes sur des sites trafic et des tramway, réduisant la place dévolue à la circu- de son conseil d’administration l’ensemble des acteurs de la qualité de l’air: l’État, campagnes de mesure ponctuelles peuvent être lation automobile). Une baisse des rejets pri- les collectivités locales, les activités menées. Enfin, les outils de modélisation de la maires d’oxydes d’azote de 32 % a été évaluée émettrices de polluants et les associations qualité de l’air permettent une évaluation en entre ces deux dates, dont 6 % attribuables à de consommateurs et de protection tout point du territoire, notamment à proximité ces aménagements de voirie, le reste provenant de l’environnement. du trafic, la prévision des niveaux de pollution du renouvellement du parc automobile entre ERG (Environmental research group): fait partie du King’s college (université à venir, et l’évaluation de l’impact des plans ces deux dates. Une analyse plus détaillée mon- de Londres) et gère le réseau d’action mis en place ou envisagés. Ces outils tre que les niveaux de dioxyde d’azote sont de surveillance de la qualité de l’air sont donc largement utilisés pour appuyer les supérieurs aux objectifs de qualité de l’air dans de Londres. plans de réduction de la pollution. toutes les rues, en 2007 comme en 2002, mais avec une tendance à l’amélioration et des situa- PRQA (plan régional de la qualité de l’air): plan fixant les orientations En Île-de-France: plusieurs outils tions contrastées. En effet, les concentrations et recommandations en matière de réduction de la pollution ont diminué sur 780 km d’axes, et de manière de pollution de l’air, en vue d’atteindre La surveillance de la qualité de l’air en Île-de- plus forte sur les axes où le trafic a été réduit par les objectifs de qualité; le précédent France est réalisée par Airparif. L’amélioration les aménagements. En revanche, des reports de (2000) avait été réalisé par l’État de la qualité de l’air s’appuie sur trois outils de trafic ont été observés, avec une stagnation des (Drire Île-de-France). Sa révision est en cours à la Région. planification définis par la loi sur l’Air de 1996: concentrations de dioxyde d’azote sur 100 km PPA (plan de protection le plan de protection de l’atmosphère (PPA), d’axes et même une augmentation sur 20 km. de l’atmosphère): plan réalisé par l’État le plan régional de la qualité de l’air (PRQA) et L’étude d’Airparif a également porté sur les (Drire), qui définit les mesures le plan de déplacements urbains (PDU). Deux émissions de dioxyde de carbone, gaz à effet réglementaires devant concourir études menées par Airparif permettent un bilan de serre qui n’a pas d’impact direct sur la pol- à la réduction de la pollution (2006 en Île-de-France) et qui porte de l’impact sur la qualité de l’air des actions lution locale ni sur la santé. Une baisse de 9 % sur les polluants problématiques au regard mises en œuvre à travers ces outils, en Île-de- entre 2002 et 2007 a été évaluée pour ce gaz: du respect des réglementations. France pour le PPA et le PRQA, et dans Paris - 11 % dus aux aménagements de voirie dans pour le plan de déplacements de la ville de Paris, mais + 2 % dus à l’évolution du parc auto- Paris (PDP). mobile, avec une tendance vers des véhicules Dans le cadre du premier PPA réalisé en Île-de- plus lourds et plus consommateurs de carbu- © IAUFrance sous l’égideîle-de-France de l’État et approuvé en rant. 2006,Airparif a réalisé une évaluation de la qua- lité de l’air dans la région en 2010(3), en particu- lier pour le dioxyde d’azote, dont les niveaux ne respectent pas la réglementation(4). Une baisse (3) Évaluation de la qualité de l’air en Île-de-France à de 32 % des émissions d’oxydes d’azote entre l’échéance 2010 et impact du plan de protection de l’atmo- sphère, Airparif, novembre 2004 2000 et 2010 a été constatée en Île-de-France, en (4) L’année 2000 a été prise comme référence en termes de tenant compte des réductions d’ores et déjà rejets de polluants. Les concentrations de dioxyde d’azote engagées. Les mesures et objectifs prévus par les ont été calculées en se basant sur deux années météorolo- giques très différentes: une plutôt dispersive, comme en 2000 PRQA et PPA permettent d’espérer une réduc- ou en 2002, et une très défavorable à la dispersion de la pol- tion supplémentaire de près de 10 %. Les actions lution, comme en 2003. 64 Le Grand Londres et son plan délivrée par les autorités permettant de distin- La réglementation européenne de réduction du trafic guer les niveaux d’émission des véhicules, sur La pollution atmosphérique est Le réseau de surveillance de la qualité de l’air la base des normes d’émission européennes réglementée en Europe par des directives, et en France par la loi sur l’Air. de Londres est géré par l’Environmental research (normes Euro). Une directive cadre de 1996 définit group (ERG). En matière d’amélioration de la les grandes lignes de surveillance qualité de l’air, Londres a mis en place deux et de la gestion de la qualité de l’air systèmes successifs visant, pour le premier Type de vignette selon les niveaux d’émission ambiant. Quatre directives «filles» ont été (Congestion charging scheme), la limitation du des véhicules publiées entre 1999 et 2004, fusionnées (à l’exception de la dernière) depuis trafic routier en centre-ville, pour le second, moteur groupe vignette diesel mai 2008 avec la directive cadre, (LEZ: Low Emission Zone), la limitation de la Euro1 1 sans et complétée d’une réglementation circulation des véhicules polluants en zone Euro 2 2 rouge sur les particules fines PM2,5. urbaine. Une étude de l’ERG, à paraître au cou- Euro 3 3 jaune La réglementation fixe pour la pollution rant du premier semestre 2009, un bilan des Euro 4 4 verte chronique des valeurs limites, essence à ne pas dépasser, des valeurs cibles et impacts sur la qualité de l’air des premières des objectifs de qualité (notion française), Sous norme Euro1 1 sans mesures (Congestion Charge). Les impacts de à atteindre dans une période donnée, Euro 1 à 4 4 verte la LEZ seront évalués ultérieurement. et, en cas d’épisode, des seuils Source: Berlin - Senatsverwaltung für Gesundheit, Umwelt und Verbraucherschutz Le Congestion charging scheme a été mis en d’information et d’alerte. Les États place à partir de février 2003 avec un quota membres sont responsables de sa mise en œuvre. Pour les zones dépassant journalier de véhicules entrant dans la zone les valeurs limites, ils doivent établir centrale de 21 km2, entre 7 h et 18h30, tous les un programme permettant de les atteindre jours de la semaine. Les taxis, bus, motos, véhi- dans un certain délai (dont les PPA cules pour personnes handicapées, ou véhi- en France). Ils doivent également cules de neuf sièges et plus ne sont pas soumis en informer la population. à cette taxe, et les résidents de la zone en sont exonérés à 90 %. Dans cette zone, le trafic rou- tier a diminué de 15 %, la vitesse moyenne a augmenté de 20 % et les embouteillages ont Berlin a mis en place une zone baissé de 30 %. Les entrées en voiture dans la environnementale pour limiter zone ont baissé de 30 % et les véhicules utili- la circulation des véhicules les plus taires et poids lourds de 10 %, au bénéfice des Jojo659/Wikipedia polluants dans le centre. bus (+ 20 %), des taxis (+ 13 %). Depuis, le péri- À partir de 2010, seuls ceux mètre et les tarifs ont été augmentés. La LEZ a Pour les véhicules diesel, l’équipement d’un fil- disposant d’une vignette verte été mise en place en février 2008, sur une sur- tre à particules permet d’atteindre le groupe pourront y circuler. face de 1500 km2, avec un coût d’entrée prohi- supérieur. Cette sélection est aussi appliquée bitif pour les véhicules les plus polluants: les pour les véhicules étrangers, qui doivent éga- poids lourds de plus de douze tonnes, les lement disposer d’une vignette pour entrer dans camions, campings-cars, autocars… qui ne res- la zone de restriction. Trois vignettes sont actuel- pectent pas les normes européennes (Euro 3) lement autorisées : rouge, jaune, verte, corres- doivent désormais payer une taxe de 200 livres pondant aux groupes 2, 3 et 4. À partir du par jour. La LEZ est en fonction permanente, 1er janvier 2010, seules les vertes pourront cir- 24 h/24 toute l’année. L’objectif est de réduire les culer. Lors de cette deuxième phase, les émis- émissions de particules PM10 et de NOx liées au sions de particules liées aux véhicules diesel trafic automobile à l’intérieur et, par extension, seront quasiment réduites de moitié dans la au-delà des limites du Grand Londres. zone de restriction. Les particules PM10 et le dioxyde d’azote sont particulièrement visés par Berlin et la zone environnementale cette nouvelle réglementation, étant donné que C’est le Land de Berlin qui mesure la qualité les valeurs limites deviennent contraignantes Références bibliographiques de l’air dans cette région. Comme à Paris et à pour ces deux polluants début 2010, alors • Étude Airparif pour le PDP (L’évolution de la Londres, les fortes concentrations de polluants qu’elles sont actuellement dépassées dans de qualité de l’air à proximité des rues parisiennes liés au trafic© routier dans IAU le centre de Berlin nombreusesîle-de-France rues du centre de Berlin. Le trafic entre 2002 et 2007, Airparif, janvier 2007) : sont problématiques pour la santé des habi- routier est la principale source de ces polluants Cette étude, portant sur près de 900 km tants. Ainsi, depuis le 1er janvier 2008, les véhi- à Berlin (environ 40 % pour les particules et de voies, repose sur les données de trafic fournies par la Direction de la voirie de cules les plus polluants (inférieurs à la norme 80 % pour le dioxyde d’azote). Grâce à la zone Paris, qui ont alimenté les modèles Euro 2) n’ont plus le droit de circuler dans l’hy- environnementale, le nombre d’habitants tou- numériques d’Airparif. Dans Paris intra- percentre(5). Cette limitation permet de dimi- chés par les dépassements de qualité de l’air muros, on constate entre 2002 et 2007 nuer significativement les concentrations de devrait diminuer d’environ un quart. que l’usage des voitures particulières polluants. La restriction est appliquée en per- (- 15 %), des poids lourds (- 11 %) et des cars de tourisme (- 11 %) a diminué, au manence, indépendamment du niveau de qua- (5) Hundekopf, zone de 88 km2 délimitée par la rocade profit des deux roues motorisés (+ 25 %), lité de l’air, et aucune limite dans la durée n’est S-Bahn, correspondant à une population de un million d’ha- des bus (+ 10 %) et des véhicules de fixée. Les véhicules doivent porter une vignette bitants environ. livraison (+ 25 %). 65 Offrir un cadre favorable Vers une mobilité durable en Europe Les Cahiers n° 150 Réduire les nuisances liées au transport Changement climatique, un défi pour l’action locale Erwan Cordeau(1) IAU île-de-France

Veiller à assurer la durabilité des systèmes de transport est aujourd’hui incontournable. L’échelle des agglomérations urbaines en Europe est de plus en plus reconnue comme pertinente pour l’action. La question des inventaires locaux de gaz à effet de serre pour sensibiliser les acteurs métropolitains et pour partager, guider et suivre les actions à mettre en œuvre, est au cœur des préoccupations des Européens. M.-A. Portier/IAU îdF

La montée des prix du pétrole a Convention cadre des Nations réduire ses émissions de 20 % en 2020 par rap- devrait avoir un impact certain unies sur le changement climatique port à 1990. Or, ses émissions à 27 n’étaient en sur le choix modal de mobilité L (CCNUCC), adoptée en 1992 et entrée en 2005 inférieures que de 8 % par rapport à 1990. quotidienne en Europe, au bénéfice vigueur en 1994, reconnaît la responsabilité his- Dans la même période, les émissions des trans- des transports collectifs . torique des pays industrialisés dans le dérègle- ports ont augmenté de 26 %, représentant 22 % ment climatique. Elle exige de leur part qu’ils du total des émissions de GES de l’UE en 2005(3). élaborent des politiques nationales de réduc- Il en est de même pour la France, car si la sta- tion de leurs émissions, et de la part de tous les bilisation des émissions est globalement confir- pays qu’ils réalisent un inventaire national mée, les transports, qui en 2006 représentaient annuel de leurs rejets de gaz à effet de serre le premier secteur d’émission de GES du terri- (GES). toire avec 26,4 %, présentaient au contraire une augmentation de 20 % par rapport à 1990, Mobilité urbaine et changement devant le secteur résidentiel tertiaire(4). E n climatique: un contexte partagé quinze ans, les déplacements de personnes ont en Europe augmenté de plus de 40 % et, à l’heure actuelle, Découlant de la CCNUCC, le protocole de plus d’un déplacement automobile sur cinq est Kyoto, adopté en 1997 et entré en vigueur seu- inférieur à un kilomètre (sur de courtes dis- lement en 2005, a instauré pour trente-huit pays tances, le moteur thermique fonctionne avec de industrialisés un objectif global – qui s’avère très mauvais rendements et engendre plus de aujourd’hui peu ambitieux – de diminution de pollution locale et de GES). Le secteur des trans- leurs GES de 5,2 % en 2008-2012(2) par rapport ports a été trop longtemps exempt de régulation au niveau de 1990. Décliné pour l’Union euro- coercitive en ce qui concerne la lutte contre le péenne (UE), cet objectif de réduction est glo- réchauffement climatique de la planète et les © IAUbalement portéîle-de-France à 8 %, différencié selon les émissions de carbone. Les réglementations quinze États membres: la France se doit ainsi de européennes, par exemple, ont principalement maintenir le même niveau d’émission qu’en porté, jusqu’à présent, sur la limitation des émis- 1990. En 2005 par rapport à 1990, l’UE-15 a diminué ses rejets de seulement 1,5 %, et seuls (1) Erwan Cordeau est environnementaliste. la Suède (- 7,3 % pour un objectif assigné de (2) Fourchette de dates: chaque pays qui a souscrit un objec- tif doit y parvenir «en moyenne» entre 2008 et 2012, ou, plus + 4 %), la Finlande et la France (respectivement exactement, si l’on fait la moyenne de ses émissions sur la - 2,7 % et - 1,9 % pour un objectif de 0 %), et le période 2008-2012, cette moyenne doit être inférieure de X % Royaume-Uni (- 14,8 % pour - 12,5 %) attei- (X % étant l’engagement du pays) à la valeur de 1990. (3) Source: Climat for transport change, EEA, mars 2008. gnaient leurs objectifs respectifs. (4) Source : Citepa (Centre interprofessionnel technique Qui plus est, l’UE-27 s’est engagée en 2007 à d’études de la pollution atmosphérique), février 2007. 66 sions de polluants atmosphériques par des amé- nées descriptives des systèmes de transports liorations technologiques des véhicules et de la (données de consommation énergétique, de qualité des carburants. Alors qu’environ 12 % kilomètres parcourus par mode…), des facteurs des émissions de CO2 dans l’UE proviennent d’émissions pour les différents GES permettent du carburant consommé par des voitures par- d’estimer l’impact de ce secteur vis-à-vis du ticulières, les engagements volontaires des fabri- changement climatique. Encore faut-il que les cants automobiles à améliorer l’efficacité des approches retenues pour les inventaires locaux véhicules n’ont pas généré de gains suffisants. des émissions de GES soient comparables entre En outre, les taux d’occupation des véhicules les agglomérations. La base de référence offi- privés ont progressivement diminué. cielle pour les comparaisons reste, pour l’heure, l’inventaire national des émissions de gaz à effet En France, des orientations affirmées de serre que les États sont tenus, au titre de la Lexique pour l’action locale CCNUCC, d’établir dans un format précis, avec Convention cadre des Nations unies Pour stabiliser ses émissions, la France a mis en des facteurs d’émissions validés, et de mettre à sur le changement climatique (CCNUCC): adoptée en 1992, elle a pour objectif place, en janvier 2000, le programme national de jour. Cet inventaire décrit en particulier les émis- de stabiliser les émissions de gaz à effet lutte contre le changement climatique sions de gaz à effet de serre direct: dioxyde de de serre à un niveau qui ne met pas (PNLCC), qui comprend une centaine de carbone (CO2), méthane (CH4), protoxyde en péril le climat mondial. Gaz à effet de serre (GES): gaz présents mesures dans tous les secteurs d’activité. Un d’azote (N2O), hydrofluorocarbures (HFC…), «plan climat» en 2004, révisé en 2006, est venu perfluorocarbures (PFC…) et hexafluorure de dans l’atmosphère terrestre qui interceptent les radiations infrarouges le renforcer par un objectif de division par qua- soufre (SF6). Ils déterminent également le pou- émis par la surface terrestre, engendrant tre des émissions de GES à l’horizon 2050 voir de réchauffement global (PRG) qui aide à une augmentation de la chaleur. On peut («objectif facteur 4»), inscrit dans la loi de pro- évaluer l’impact relatif de chacun des polluants citer la vapeur d’eau (H2O), le dioxyde gramme de 2005 fixant les orientations de la sur le changement climatique (il s’agit de l’ef- de carbone (CO2), le méthane (CH4), politique énergétique française. Parmi les fet radiatif d’un polluant intégré sur une période l’ozone (O3), le protoxyde d’azote (N2O), les hydrofluorocarbures (HFC), mesures concernant le secteur transport, peu- de cent ans, comparativement au CO2 pour les perfluorocarbures (PFC) vent être cités les plans véhicule propre et bio- lequel le PRG est fixé à un). Pour la France, c’est et les hexafluorure de soufre (SF6). carburants, les mesures d’information, comme le Centre interprofessionnel technique d’études Protocole de Kyoto: traité fils la généralisation en 2006 de l’étiquetage éner- de la pollution atmosphérique (Citepa) qui a la de la CCNUCC, entré en vigueur gétique et CO à sept classes de A à G pour les charge de mettre à jour l’inventaire national. Si en février 2005, il contient des mesures 2 plus fortes en engageant les pays voitures, et les incitations fiscales comme la fis- la responsabilité du secteur transport dans les signataires à des objectifs individuels, calité des biocarburants. Le PNLCC et le plan cli- émissions de GES est déjà lourde (26 % en 2006 légalement contraignants, de réduction mat affirment que l’ancrage territorial est l’une et plus forte augmentation), elle est sous- ou de limitation de leurs émissions des conditions de la diminution des émissions évaluée, puisque les déplacements internatio- de gaz à effet de serre. nationales de GES, du respect des engagements naux ne sont pas pris en compte (en raison en UE-15/UE-27: désigne respectivement l’ensemble des pays qui appartenaient de Kyoto et du facteur 4. Ce principe est par- partie des difficultés à imputer les émissions à l’Union européenne entre 1995 et 2004 tagé par les grandes agglomérations et les villes des activités internationales de transports aérien (quinze) et à partir du 1er janvier 2007 européennes, comme en témoigne par exemple et maritime à un pays spécifique) et que les (vingt-sept). la Convention des maires, lancée en jan- émissions de GES liées à la réalisation d’infra- vier 2008 par la Commission européenne pour structures et d’équipements routiers, mais aussi engager des actions visant à l’efficacité éner- à la fabrication des véhicules et à l’extraction et gétique. Les documents d’orientation français au raffinage des carburants ne sont pas comp- invitent notamment les collectivités territoriales tabilisées. Les chiffres officiels ne reflètent donc à agir localement en mettant en place les plans que partiellement l’impact réel de ce secteur, climat territoriaux pour introduire dans leurs puisque la filière transport considérée dans son politiques d’urbanisme et d’aménagement du ensemble serait,selon les experts, à l’origine de territoire, des critères de sobriété énergétique et 30 % à 40 % des émissions françaises(6). La ques- d’adaptation aux effets des changements cli- tion du périmètre considéré par ces inventaires matiques. La phase diagnostic – connaissance – des approches globales comme les approches des émissions de GES du territoire et de leurs du type analyses de cycles de vie aux approches tendances d’évolution© – constitueIAU la première territorialesîle-de-France ou cadastrales – est au cœur de la phase avant celle de l’action(5). problématique de comparaisons et plus encore lorsqu’on se situe à l’échelle locale des grandes Une comparaison européenne encore agglomérations européennes. difficile des évaluations locales de GES La comparaison des systèmes de transports (5) Source: kit d’information et de formation sur les plans cli- dans les grandes agglomérations européennes mat-énergie territoriaux: «Comment réduire les émissions à l’heure du développement durable se doit de gaz à effet de serre au niveau local et adapter les territoires d’aborder l’impact des transports en matière aux effets des changements climatiques», Réseau action cli- mat France, novembre 2008. de consommation d’énergie et d’émissions de (6) Notamment J.-M. Jancovici, expert qui a travaillé pour gaz à effet de serre associées. À partir de don- l’Ademe, et est l’inventeur de la méthode Bilan Carbone(TM). 67 Offrir un cadre favorable Réduire les nuisances liées au transport Les Cahiers n° 150 Changement climatique, un défi pour l’action locale

L’inventaire des GES d’Airparif Si le Citepa s’exerce, périodiquement, à décliner cet inventaire au niveau régional, pour l’Île-de- France, Airparif, association chargée de la sur- veillance de la qualité de l’air en Île-de-France s’est aussi vu confier cette mission d’élaboration d’un inventaire territorial des GES. Le dernier en date, portant sur l’année 2005, met en évi- Lexique dence que le secteur routier est le deuxième Programme national de lutte secteur contributeur des émissions de gaz à contre le changement climatique effet de serre sur le territoire francilien, juste (PNLCC): programme dont l’objectif est de permettre à la France de respecter derrière le secteur résidentiel et tertiaire. Elles ses engagements internationaux s’élèvent à près de 16000 kt équivalent CO2, s o i t comme l’objectif défini près de 29 % du total des émissions franci- par l’IAU île-de-France, le conseil régional d’Île- par le protocole de Kyoto. liennes, en augmentation de plus de 6 % en de-France s’étant porté candidat dès 2005 à une Plan climat 2004: premier plan complet cinq ans, depuis le premier inventaire (14923 kt opération lancée par l’Ademe au niveau natio- définissant des actions nationales (7) de prévention du changement climatique. en 2000) . À ces estimations issues de modèles nal. La méthode a la particularité d’évaluer non Plans climat territoriaux (PCT): relativement élaborés, d’autres approches seulement les GES émis sur le territoire franci- orientation du Plan Climat, l’État basées directement sur le constat des ventes lien, mais aussi tous ceux dont la Région est encourage les collectivités à réaliser de carburants peuvent apporter des précisions responsable et qui sont liés à chaque étape de des PCT à tous les échelons de territoires complémentaires, compte tenu de la relation la vie d’un produit. Ainsi, pour les transports de compétence et de projet. Objectif Facteur 4: objectif de division directe entre énergie et émissions de CO2 pour individuels sont considérés tous les déplace- par quatre des émissions de GES le secteur transport. Dans le cadre de l’évalua- ments individuels par la route, le fer et l’avion à l’horizon 2050. tion du plan de déplacements urbains d’Île-de- – des résidents mais aussi des visiteurs (tou- Réseau METREX: réseau européen créé France, l’Institut d’aménagement et d’urba- ristes…) – autorisés par la présence des infra- en 1996 ayant pour objectifs de favoriser nisme île-de-France (IAU île-de-France) a structures routières, ferroviaires et aéropor- l’échange de connaissance sur la planification spatiale des métropoles montré, en s’appuyant sur les consommations tuaires d’Île-de-france, ainsi que tous les et sur les problématiques de carburant observées en Île-de-France entre déplacements liés à l’importation, l’exportation de développement, et de contribuer 2000 et 2005, une stabilisation des GES émis sur et au transit des marchandises assurés par la à la dimension métropolitaine en matière l’ensemble de la région à partir de 2003, recou- route, la voie d’eau, le ferroviaire et l’aérien. Les de planification au niveau européen. vrant deux phénomènes contradictoires: une ordres de grandeur dégagés par cette première Programme EUCO2 80/20: programme (TM) européen initié par METREX, baisse des émissions provenant des automo- étude du Bilan Carbone de la région d’Île- EU pour Europe, CO2 pour équivalent biles due à la baisse des taux moyens d’émis- de-France soulignent que le secteur des trans- dioxyde de carbone, 80/50 pour objectif sion des véhicules particuliers, et une hausse ports terrestres (près de 31000 kteq CO2) – avec de 80 % de réduction des gaz à effet concomitante de celles du transport de mar- une prédominance des déplacements en voi- de serre à l’horizon 2050. chandises à cause de la croissance des trafics ture particulière – se place bien après celui du GRIP (Greenhouse gas Regional Inventory Project): logiciel mis au point routiers. transport aérien (52300 kteq CO2, le cumul des par l’Université de Tyndall en Ecosse distances origine-destination de tous les mou- permettant d’évaluer les émissions de GES La méthode Bilan Carbone(TM) de l’Ademe vements enregistrés sur les plates-formes aéro- de l’ensemble d’un territoire, par secteurs D’une approche différente, la méthode Bilan portuaires franciliennes étant considéré), mais d’activités, et de tester des scénarii Carbone(TM) a été développée par l’Ademe devant tous les autres secteurs d’activité comme pour aider les décideurs. (Agence de l’environnement et de la maîtrise celui du secteur résidentiel-tertiaire

de l’énergie). Elle s’inscrit dans les préconisa- (27700 kteq CO2). Les émissions des transports tions du plan climat 2004 pour appuyer la réa- régionaux (soit transport aérien exclu), avec lisation des plans climat territoriaux. Cette méthode a été expérimentée en Île-de-France (7) Airparif - Inventaire 2005- version 2008. © IAU île-de-France

68 jusqu’à 42 % du total hors aérien, représentent plus du double des émissions comptabilisées dans l’inventaire territorial d’Airparif pour ce même secteur. La différence entre les deux approches est donc très significative.

L’approche Grip pour une comparaison européenne Force est de constater que nous manquons aujourd’hui de références comparables entre les agglomérations européennes en matière de données d’émissions réelles de GES du secteur des transports, du fait vraisemblablement qu’il n’y a pour l’heure pas d’obligation à établir des inventaires à l’échelle locale. Cependant, des initiatives se mettent en place, comme celle ini- tiée par le réseau européen Metrex avec le lan- Si c’est l’une des indications à retenir, c’est plus cement, fin 2008 (achèvement prévu en 2012), encore l’échange entre Européens sur les expé- du programme EUCO2 80/20. Le but est de met- rimentations innovantes, transposables ou non, tre à disposition des décideurs un outil simple les bonnes pratiques, les scénarios, les straté- permettant d’évaluer l’impact des politiques de gies à adopter, qui est l’objectif pertinent de ce réduction des GES qui seront mises en œuvre projet. Il permettra d’établir plus finement des en milieu urbain. Le logiciel Grip (Greenhouse comparaisons sur l’impact des systèmes de gas Regional Inventory Project) a été mis au transport des agglomérations européennes vis- point par l’université de Tyndall en Écosse et a à-vis du changement climatique et s’inscrit ainsi déjà été testé dans quatre villes ou régions en toute complémentarité par rapport à d’autres (Glasgow, Bologne, Stockholm, Vénétie), à l’oc- approches locales ou plus globales comme le casion d’un programme interrégional (InterMe- Bilan Carbone(TM) d’un territoire. trex+). Dans le cadre d’EUCO2, dix-sept métro- poles ou régions utiliseront Grip : Athènes, Bruxelles, Francfort, Glasgow, Hambourg, Helsinki, Ljubljana, Madrid, Naples, Oslo, Paris Île-de-France, Porto, Rotterdam, Stockholm, Stuttgart, Turin, et Venise. Grip est basé sur la méthodologie des inventaires nationaux des émissions de gaz à effet de serre de la CCNUCC et propose d’intégrer, selon ce cadre prédéfini, les données statistiques descriptives régionales ou locales. Pour les transports, sont considérées les émissions de la combustion directe de liquides fossiles à base de pétrole (essence moteur, gasoil pour véhicule diesel, gaz natu- rel, kérosène avion, fuel bateau) et de la consommation électrique (la plupart du temps celle du transport ferroviaire). Pour ce qui concerne l’introduction des données statis- tiques, l’entrée principale est souvent énergé- tique, avec comme garde-fou les définitions et les données de l’inventaire national (facteurs d’émission, données© de consommationIAU d’éner- île-de-France gie…) qui sont intégrées pour l’occasion. Dans le cadre du projet InterMetrex+, la comparai- son des résultats des systèmes de transports ter- restres métropolitains rapportés par personne a montré que les émissions de CO2 de la province de Bologne sont les plus élevées, suivies des régions de la Vénétie et de Glasgow; celles de la région de Stockholm sont les plus faibles en C. Doutre/BaSoH/IAU îdF raison du niveau plus élevé d’utilisation des Les collectivités locales doivent veiller à favoriser une véritable complémentarité transports publics. des modes doux et des transports collectifs pour une moindre émission de CO2. 69 © IAU île-de-France Offrir des services attractifs et durables

Offrir aux habitants des métropoles une alternative crédible à l’utilisation de l’automobile, c’est proposer des services variés, performants et adaptés et, en premier lieu, une offre de transports collectifs capable d’absorber les trafics actuels et à venir. Des adaptations, une augmentation de la capacité des réseaux existants et la construction de nouvelles infrastructures sont nécessaires, mais pas seulement. Développer les transports collectifs ne signifie pas uniquement investir dans des infrastructures lourdes, mais proposer également des services diversifiés. Par ailleurs, tout ne passe pas par les transports collectifs. Doivent s’ajouter des services alternatifs qui se développent et font appel à d’autres modes, de la marche au taxi, en passant par le développement de véhicules moins polluants. Il faut penser diversité, complémentarité et transversalité, adaptation au plus juste de l’offre aux besoins. Et réfléchir à l’accessibilité de la ville pour tous, aux différentes échelles et de manière intégrée. © IAU île-de-France

71 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Les autorités de transport, garantes d’une offre durable

Les Cahiers – Vous êtes vice-présidente L. C. – L’entrée en vigueur du règlement de l’EMTA(1), association européenne européen sur les obligations de service d’autorités métropolitaines de transport. public (OSP) dans les transports urbains Quelles leçons tirez-vous est-elle pour le Stif une contrainte de la confrontation avec vos homologues ou une opportunité ?

STIF d’autres pays ? S. M. – En exigeant un contrat entre l’autorité Sophie Mougard – L’EMTA est une association organisatrice et les entreprises de transport, le Interview qui permet la mise en commun d’expériences règlement a le mérite d’identifier clairement le et l’échange de bonnes pratiques. Nos propos rôle d’une autorité organisatrice de transport. sont très libres car nous sommes entre pairs, C’est, de ce point de vue, une opportunité pour chargés de dossiers concrets et opérationnels, le Stif dont la légitimité avait déjà été renforcée Sophie Mougard est directrice capables de faire état de nos difficultés, voire de par la décentralisation qui lui avait donné un générale du Syndicat nos échecs.Avec mes homologues, nous échan- conseil d’administration composé essentielle- des transports d’Île-de-France geons beaucoup, notamment sur la qualité de ment d’élus. Les premiers contrats passés avec depuis mars 2006. Le Stif, service et la façon de la prendre en compte la RATP et la SNCF ne datent que de 2001 et autorité organisatrice dans les différents contrats. Nous menons nous en sommes aujourd’hui à la troisième des transports d’Île-de-France, actuellement une analyse sur la façon dont les génération. Grâce au poids et au soutien des est devenu, en vertu de la loi autorités organisatrices contractualisent les indi- élus, nous avons pu affirmer, dans les nouveaux du 13 août 2004, cateurs et les processus utilisés, le recours ou contrats, des exigences en matière d’offre et de un établissement public sui non à l’allotissement. Nous échangeons sur la qualité de service, ou encore des objectifs par- generis dirigé par un conseil télé-billettique et les possibilités offertes par la tagés avec les entreprises en matière d’investis- de 29 membres, comportant nouvelle technologie RFID(2). sements. Avec les entre- 15 représentants de la région, Chaque année, nous mettons » La mobilité durable suppose prises d’Optile(4), n o u s 5 représentants de la ville à jour le baromètre(3) qui de faire le lien entre avons signé nos premiers de Paris, un représentant nous permet de nous situer aménagement des territoires, contrats fin 2006, ce qui de chacun des 7 autres par rapport aux autres métro- nous a permis de mettre efficacité du système de départements d’Île-de-France, poles et de montrer par en place les fondamen- un représentant de la Chambre exemple aux élus de notre transport et qualité de vie, taux qui alimenteront la régionale de commerce conseil d’administration où dans une agglomération négociation des contrats et d’industrie de Paris-Île-de- se situent nos marges plus dense et plus compacte «. de type 2. Le règlement France et un représentant élu de manœuvre. L’association OSP nous offre une double par les présidents peut également être une instance de lobbying opportunité. D’abord, celle de pouvoir vérita- des établissements publics de efficace vis-à-vis de nos propres États membres blement contractualiser sous la forme d’une coopération intercommunale. et de l’UE sur nos problématiques communes. délégation de service public. Ensuite, celle de Son conseil est présidé Nos réseaux sont anciens et nécessitent des réfléchir à la réorganisation des réseaux de bus par le président du conseil investissements importants de remise à niveau en grande couronne, constitués par l’histoire et régional. Il fixe les relations qui ont été trop longtemps retardés sur l’infra- aujourd’hui pas nécessairement en parfaite à desservir, désigne structure et sur le matériel roulant, et le dévelop- cohérence avec les bassins de déplacement, les exploitants, est responsable pement d’outils techniques nouveaux. Nous comme l’ont montré des analyses de l’IAU île- de la politique tarifaire, devons en outre offrir des réseaux accessibles de-France. Nous disposons d’une période de et assure le financement à tous. Enfin, grâce à une offre qui s’améliore et transition de dix ans prévue par le règlement du système des transports des pratiques qui évoluent, nous devons faire afin de mettre en œuvre ces évolutions. Nous en commun en Île-de-France. face à une saturation de nos réseaux que la souhaitons que l’État clarifie d’abord le cadre À ce titre, il verse chaque année hausse du prix du pétrole a accéléré. Face à ce national et adapte le droit. Il y a des enjeux forts environ 3,9© milliards d’eurosIAUdéfi, nous avons île-de-France un besoin considérable de res- à une mise en concurrence, encore faut-il que aux entreprises exploitantes. sources. Pour le Grenelle de l’Environnement et ce processus procure des gains. Et des gains Il coordonne par ailleurs avec l’aide de l’IAU, nous l’avons évalué à 27 mil- pas seulement économiques mais aussi en les investissements du contrat liards d’euros pour l’ensemble des réseaux fran- matière d’efficacité et de qualité du service de plan. ciliens. Les autres métropoles européennes ont public. les mêmes préoccupations et des besoins com-

parables, rapportés à leur population: le plan de (1) European Metropolitan Transport Authorities. Londres se monte à 46 milliards d’euros d’ici (2) Technologie d’identification par radiofréquence. 2022, celui de Madrid à 26 milliards et celui de (3) Directory of public transport in the European metropolitan areas, édité chaque année par l’EMTA. Bruxelles à 8,5 milliards. (4) Organisation professionnelle regroupant les entreprises privées de transport par autobus d’Île-de-France. 72 L. C. – Que vous inspire le titre Réseau structurant de transports collectifs d’Île-de-France (2009) de ce cahier « Vers une mobilité durable en Europe » ? Comment les métropoles peuvent-elles répondre aux objectifs de mobilité durable ? S. M. – Ce titre est particulièrement bien choisi. Il est au cœur des préoccupations des grandes agglomérations comme Paris-Île-de-France mais aussi Londres, Madrid, Berlin, etc. La révision du plan de déplacement urbain (PDU) que le STIF engage, nous permettra de fixer un cadre global traitant de l’ensemble des déplacements selon les trois dimensions du développement dura- ble: le volet économique avec la question des besoins et des outils de financement, le volet environnemental et l’objectif d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici 2020, et, enfin, le volet social avec l’ambi- tion de servir des logiques d’équilibre et de soli- darité des territoires. Plus largement, la mobi- lité durable suppose de faire le lien entre aménagement des territoires, efficacité du sys- tème de transport et qualité de vie, dans une agglomération plus dense et plus compacte. Cela suppose que nous soyons capables aussi d’évaluer l’efficacité de notre politique. En Île- de-France, il s’agit en premier lieu de répondre à la croissance prévisible du trafic due aux évo- lutions urbaines et aux nouveaux modes de 400 millions d’euros depuis mars 2006 pour ren- vie. Pour cela, il faut s’assurer de l’efficacité du forcer l’offre, tous modes confondus. Il doit réseau existant, le compléter, notamment pour poursuivre ses efforts. les déplacements de banlieue à banlieue en mode lourd (Arc Express), le développer en L. C. – Diverses instances ont évoqué grande couronne sans systématiquement faire l’idée d’une autorité organisatrice appel à des modes lourds, mais en offrant une de la mobilité. Quel est votre sentiment véritable alternative à la voiture particulière. Il à ce sujet ? faut répondre de façon diversifiée et adaptée à S. M. – Une autorité organisatrice forte, garante chaque type de besoin de déplacement. Par de la mise en œuvre d’une politique de dépla- exemple, les aménagements entre Les Mureaux cements à l’échelle de la région, est une des et La Défense ou sur l’autoroute A10 à Briis- conditions de la mobilité durable. L’utilité de sous-Forges ont permis, sans investissements la révision du PDU est d’inviter l’ensemble de considérables, un partage de l’espace plus favo- nos partenaires à s’engager à nos côtés, non rable aux transports collectifs. De la même seulement financièrement, mais au travers de manière, les modes doux doivent être pris en leurs compétences propres et de l’organisation compte, et tout particulièrement la marche, y des déplacements à leur échelle. Nous avons compris en dehors de Paris, et de nouvelles fait le constat, lors de l’évaluation du PDU de modalités d’utilisation de la voiture envisagées. 2000, que l’organisation actuelle de la gouver- Par ailleurs, il faut développer les bus à haut nance des déplacements pouvait, dans certains niveau de service (BHNS), comme entre Sénart cas, être un frein à sa mise en œuvre. Pour et Corbeil où© nous allons engagerIAU les travaux du autant,île-de-France il faut éviter des redistributions de com- premier BHNS francilien. Il s’agit également de pétences a priori pouvant ouvrir la porte à des prendre en compte l’évolution des temps de la querelles entre collectivités qui paralyseraient vie et c’est ce que nous avons fait par des ren- leurs actions. Cette question se reposera avec la forcements de l’offre le soir, le week-end et aux révision en cours du PDU et des changements heures creuses. Le cadencement des trains pré- ne pourront être envisagés efficacement que si voit aussi de renforcer les fréquences tout au ceux qui sont concernés partagent le constat et long de la journée. Nous agissons aussi pour le la même vision des évolutions. désenclavement des quartiers en politique de la ville avec des renforts importants sur les Propos recueillis par Alain Meyère lignes de bus. Au total, le Stif a déjà engagé et Sophie Laurent 73 Faire face aux demandes de transports collectifs

Londres, Paris : performance des transports collectifs 75

Le bus dans l’offre de transports collectifs : un rôle d’avenir ? 79

Mobilien : un concept en mal de réalisations 83

Sites propres bus sur autoroute : une solution d’avenir ? 84

La desserte des aéroports en transports collectifs : un besoin 88

Aéroport Berlin-Brandebourg International : © IAU île-de-Francedesserte ferrée optimisée 92 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Faire face aux demandes de transports collectifs Londres, Paris : performance des transports collectifs Danièle Navarre(1) IAU île-de-France

À la base de l’attractivité des lignes de transport en commun, la fréquence et la régularité des services sont variables selon les métropoles. À Londres et Paris, elles font l’objet de contrats d’objectifs de qualité de service, difficiles à atteindre en matière de régularité. Comparaison entre les deux métropoles. Région Île-de-France

Améliorer la régularité ondres et Paris ont élaboré des contrats sein de l’Île-de-France un premier territoire des transports collectifs d’objectifs de qualité de service afin s’étendant jusqu’à 20-25 km du centre de Paris est un objectif partagé par Londres L d’améliorer la fréquence et la régularité comparable à l’ensemble du Greater London et Paris. des services de train, métro, tramway et bus. À (surface équivalente et couverture de l’essentiel Londres, les contrats lient les exploitants au de la zone urbaine). À l’instar des profession- ministère des Transports (Department for Trans- nels anglais qui distinguent Inner London port) pour les chemins de fer et à la ville de (321 km2), cœur dense du Greater London et Londres (Transport for London) pour les trans- Outer London (1 258 km2), sa couronne péri- ports urbains autres que le métro classique(2), phérique, nous avons délimité des territoires tandis qu’à Paris, c’est entre les exploitants et le équivalents en superficie en Île-de-France avec Syndicat des transports d’Île-de-France (Stif) un noyau central de 338 km2, constitué de la que les contrats sont passés. Dans ces deux ville de Paris et de la proche banlieue, et une métropoles, les limites de capacité des réseaux couronne périphérique (1241 km2) débordant sont atteintes (notamment aux heures de sensiblement de la limite de la zone 4 de la pointe), ce qui impacte la qualité du service Carte orange. offert. Cette dernière varie selon les métropoles, en fonction du développement des réseaux, de leur structure, des moyens financiers mis en place pour la maintenance des infrastructures, du renouvellement du matériel roulant et de l’adaptation de l’offre à la demande.Les réseaux (1) Danièle Navarre est ingénieure transport. lourds londoniens souffrent notamment de (2) Exploité par Transport for London pour son propre plusieurs années de sous-investissement par compte. La superficie de© Greater London IAUmanque de fonds île-de-France publics. (1579 km2) représente 15 fois celle de la ville de Paris (105 km2) Analyser des territoires comparables Comparaison statistique des territoires et celle de l’Île-de-France (12000 km2) La comparaison de l’offre de transport des 7,6 fois celle de Greater London. Superficie Population Emplois En termes de poids démographique réseaux de Londres et de Paris ne peut être (km2) et économique, l’agglomération de Paris significative que si elle concerne des territoires Inner London 321 2 859 000 2 2168 000 LONDRES au sens de l’Insee comptait plus relativement semblables en taille, tissu urbain et Outer London 1 258 4 463 000 1 637 000 2 (2001) de 9,6 millions d’habitants sur 2723 km situation au sein de la métropole. Or, les entités Greater London 1 579 7 322 000 3 805 000 en 1999, tandis que selon l’Office for administratives existantes ne sont pas équiva- Noyau central 338 4 417 712 2 900 618 National Statistics, l’aire urbaine PARIS Couronne périphérique 1 241 4 162 901 1 431 040 de Londres comprenait 8,2 millions lentes comme le montre le tableau ci-contre. (2005) 2 Territoire aggloméré 1 579 8 580 613 4 331 658

d’habitants répartis sur 1623 km . Nous avons donc délimité par convention au Sources: ONS – Insee 75 Offrir des services attractifs Faire face aux demandes de transports collectifs et durables Les Cahiers n° 150 Londres, Paris : performance des transports collectifs

Les territoires comparables

Les zones centrales ou périphériques Des structures de réseaux et des niveaux à la fréquence moyenne de 8 trains par heure respectives comparées diffèrent de desserte différents et par sens durant les heures de pointe, cette en densité de population ou d’emplois: On observe une meilleure desserte ferrée du fréquence moyenne étant de 11 pour les gares le noyau central de Paris accueille centre de l’agglomération à Paris, et de l’agglo- d’Inner London et de 6 pour les gares d’Outer 1,5 fois plus d’habitants et 1,3 fois plus mération périphérique à Londres. Les niveaux London. À Paris, la SNCF et la RATP assurent d’emplois qu’Inner London tandis de desserte sont plus ou moins importants selon une meilleure desserte, avec 11 trains par heure qu’Outer London est 1,07 plus dense les modes de transport collectifs. et par sens en moyenne durant les heures de en habitants et 1,14 fois plus dense pointe dans les gares du territoire aggloméré, en emplois que la couronne Nombre de gares et fréquences des trains cette fréquence moyenne étant de 16 trains périphérique francilienne Les gares ferroviaires sont plus nombreuses à dans le noyau central et de 8 trains dans la cou- correspondante. Londres qu’à Paris, mais les trains sont plus fré- ronne périphérique, les écarts de desserte entre quents à Paris qu’à Londres, en particulier dans les deux zones étant plus importants à Paris le noyau central. Le réseau de chemins de fer qu’à Londres. londonien présente une architecture compli- quée, en particulier au sud de la Tamise, où l’im- Desserte métro: stations et fréquences brication des lignes dessine une véritable toile La desserte métro est plus fine et plus fréquente d’araignée. Malgré le maillage du réseau, l’ex- à Paris qu’à Londres, mais concentrée sur le ploitation est essentiellement radiale, avec des noyau central. Le réseau de métro classique de services qui convergent vers la dizaine de gares Londres, ou Underground (408 km), comprend terminus situées dans le centre de Londres. 12 lignes qui se prolongent jusqu’aux limites Seule la ligne Thameslink assure une liaison de Greater London, à l’exception de la rocade régionale nord-sud via le centre de Londres où Circle Line qui maille l’ensemble des lignes à la elle dessert cinq gares de passage. Le réseau de périphérie de l’hypercentre londonien. La chemins de fer francilien présente une struc- maille de desserte de ce réseau est assez large ture moins complexe, avec des lignes radiales car l’interstation moyenne est élevée (1300 m) plus indépendantes, dont les cinq lignes du et il existe des troncs communs entre plusieurs réseau express régional (RER) qui traversent lignes et la Circle Line. Le réseau de métro de Paris de part en part en desservant une tren- Paris (212 km) comprend 16 lignes qui assu- taine de gares de passage dans la capitale. Cette rent une desserte très fine de la ville de Paris, © IAUdifférence deîle-de-France structure entre les réseaux des notamment des onze arrondissements cen- deux métropoles a un impact sur le nombre de traux, car elles sont toutes indépendantes et gares: sur le territoire de Greater London (316 l’inter-station moyenne n’est que de 600 m. Par gares dont 13 gares terminus dans le centre), on contre, les lignes ne se prolongent guère compte 1,3 fois le nombre de gares du territoire au-delà de la proche banlieue, d’où une des- aggloméré francilien. Cet écart en faveur de serte concentrée sur le noyau central. De ces Londres concerne aussi bien le noyau central différences entre les deux réseaux résultent de (120 gares à Londres et 78 à Paris), que la cou- gros écarts de finesse de desserte selon les ronne périphérique (196 gares à Londres et 156 zones, avec: à Paris). Les gares de Greater London sont des- - un noyau central desservi par 167 stations à servies par 12 compagnies privées principales, Londres et 297 à Paris, 76 - une couronne périphérique desservie par 119 Londres possède en revanche un réseau de bus stations à Londres et seulement 3 à Paris. étoffé et fréquent, composé de 617 lignes dont Les réseaux présentent également des écarts 368 lignes à haute fréquence (intervalle moyen importants de fréquences durant les heures de de 5 à 6 min sans effet de pointe marqué), qui pointe. La ramification du métro de Londres, suppléent au manque de finesse de la desserte l’existence des troncs communs et la vétusté ferrée. L’offre s’élève à 458 millions de kilo- de la signalisation sur plusieurs lignes font que mètres-voitures par an, soit 3 fois l’offre du la fréquence moyenne offerte par ligne et par réseau RATP (153 millions de kilomètres-voi- Définition de la régularité à Londres sens n’est que de 23 trains contre 38 pour le tures annuels) qui ne compte que 352 lignes, et Paris: métro de Paris. La fréquence londonienne dont 64 desservant la ville de Paris. La fréquen- Les indicateurs de régularité à Paris et à Londres sont identiques pour les réseaux atteint cependant 28 à 30 trains sur la plupart tation des lignes de bus de la RATP est d’ail- ferrés mais diffèrent pour les transports des stations située dans l’hypercentre ou sur la leurs anormalement élevée par rapport à l’offre, urbains (métro, tram, bus). La comparaison Circle line. l’adaptation de l’offre à la demande se révélant doit donc être relativisée. être un enjeu majeur. • Régularité fer Londres et Paris: Desserte ferrée (train + métro) aux heures pourcentage des trains ayant moins de 5 min de retard. de pointe Régularité: Londres rattrape son retard, • Régularité métro Londres: pourcentage On dénombre plus de trains s’arrêtant dans les Paris s’accroche de kilomètres réalisés par rapport gares ferroviaires et les stations de métro de Les transports en commun sont plus irréguliers au kilométrage prévu. Paris que dans celles de Londres durant les à Londres qu’à Paris mais la situation est en • Régularité métro Paris: pourcentage heures de pointe. Ce contraste est lié aux diffé- voie d’amélioration: les plans d’investissements de voyageurs attendant moins de 3 min en heure de pointe, 6 min en heure rences de densité de gares ou de stations et aux dans les transports mis en place dès l’an 2000 creuse et 10 min la nuit. écarts de fréquence sur les réseaux avec (en par l’État, puis par la ville de Londres (Greater • Régularité tramway et bus Londres: nombre d’arrêts de trains par sens dans les gares London Authority) intègrent des crédits de pourcentage de kilomètres réalisés et stations de métro): remise à niveau des réseaux dont les effets com- par rapport au kilométrage prévu. - 6130 arrêts pour Inner London contre 12560 mencent à être bénéfiques pour la régularité. • Régularité tramway et bus Paris: pourcentage de voyageurs n’attendant pour le noyau central de Paris, pas plus de 2 min de plus que l’intervalle - 3050 arrêts pour Outer London contre 1350 Des trains plus ponctuels à Paris qu’à Londres prévu. pour la couronne périphérique de Paris. On observe une meilleure régularité des che- Sur l’ensemble des deux zones, la desserte est mins de fer à Paris qu’à Londres. Celle-ci va de meilleure à Paris: 9120 trains dans Greater Lon- pair avec une tendance à la dégradation à Paris don, 13910 trains pour le territoire aggloméré de et une amélioration à Londres. La régularité des Paris. La prise en compte des populations et chemins de fer londoniens s’améliore progres- emplois desservis réduit sensiblement l’écart sivement au fur et à mesure du renouvellement entre les deux agglomérations avec (en nombre des voies suite au déraillement d’Hatfields de de trains pour 100000 habitants + emplois): 2001, et de la modernisation des installations - 119 trains dans Inner London contre 172 dans et du matériel roulant; elle atteint désormais le noyau central de Paris, 86,1 % pour les heures de pointe et 88,8 % pour - 50 trains dans Outer London contre 24 dans la la journée en 2007. Les causes d’irrégularité couronne périphérique de Paris. incombent pour 55 % au gestionnaire d’infra- Malgré la faible performance pour la couronne structures Network Rail (défaillance des périphérique, les gares et stations de métro du réseaux pour 30 %, gestion des réseaux pour territoire parisien aggloméré de Paris offrent 1,3 30 %, causes externes pour 24 %) et pour 45 % fois plus de trains par sens à l’heure de aux exploitants privés (dont 47 % liées au maté- pointe pour 100000 habitants + emplois (108 trains) que celles de Greater London (81 trains).

Desserte de surface: tramway et bus L’unique réseau de tramway de Londres, le Croy- don Tramlink, est constitué de trois lignes qui offrent un intervalle© de 7 IAUà 10 min durant les île-de-France heures de pointe. Ces lignes convergent vers un tronc commun dans le centre de Croydon, où l’intervalle est réduit à 3 min. Paris dispose de 4 lignes de tramway, plus urbaines que le Croy- don Tramlink, dont le Tram-Train T4 qui offre un niveau de desserte semblable à celui des lignes T1, T2 et T3 durant les heures de pointe (inter- valle de 4 à 6 min), mais une meilleure desserte de soirée (intervalle de 9 à 12 min) que les trois autres lignes pourtant plus proches du centre. 77 Offrir des services attractifs Faire face aux demandes de transports collectifs et durables Les Cahiers n° 150 Londres, Paris : performance des transports collectifs

Références bibliographiques riel roulant, les causes externes ne représentant réseau. Les contraintes d’exploitation, liées à la que 10 %). La régularité 2007 des chemins de fer surcharge et à l’interférence des lignes, comp- • Stif, Rapport d’activités 2006. franciliens est meilleure (90,3 % à 94,7 % selon tent pour 65 % dans les causes d’irrégularité, le • Ratp, Statistiques annuelles 2007. les heures et les exploitants), mais elle a ten- matériel roulant pour 11 % et les causes • Department for Transport, Annual report 2007. dance à se dégrader. Cette dégradation traduit externes seulement pour 3 % à 4 %. La régula- • Network Rail, Annual Return 2007. une augmentation continue du nombre de rité globale du métro de Paris est de 99 %, mais • Transport for London, London Travel trains pour faire face à la croissance du trafic, certaines lignes (2, 6, 9, 13) présentent des pour- Report 2007. sur des infrastructures saturées et interdépen- centages de régularité inférieurs de 2 à 3 points. dantes (RER notamment). Pour le RER SNCF et Les incidents techniques (signalisation, appa- le Transilien, les événements sociaux et la mal- reils de voie, matériel roulant) et les incidents veillance totalisent 47 % des causes en 2008, voyageurs sont les premières causes de l’irré- devant les causes liées aux infrastructures gularité, celle-ci étant aggravée sur certaines (17 %) et celles liées au matériel roulant (15 %), lignes par des contraintes liées à la charge ou encore ancien sur certaines lignes. à la gestion des terminus.

Réseaux de surface: des divergences tramway/autobus On observe une meilleure régularité des tram- ways à Paris qu’à Londres, et l’inverse pour les bus. Le tramway de Croydon présente une bonne régularité (98,7 %), bien qu’inférieure à celle des tramways T1, T2 et T3 de Paris qui approche 100 %. La régularité des bus londo- niens s’améliore progressivement: de 95,3 % en 2000 à 97,5 % en 2007. Ceci résulte d’une réduc- tion de l’ensemble des causes précitées, celles liées aux conditions de circulation totalisant 1,9 % sur les 2,5 % de kilomètres non réalisés en 2007 et les causes externes 0,6 %. À Paris, la régu- larité des bus RATP a gagné 1 à 1,5 points depuis 2004, les valeurs 2008 s’élevant à 95 % pour les lignes figurant au PDU, 95,2 % pour les autres lignes du réseau de Paris et 96,5 % pour les autres lignes de banlieue. En forte progres- sion de 1995 à 2005, le nombre de kilomètres Métros: Londres s’améliore sensiblement perdus pour causes externes (problèmes de cir- La régularité du métro londonien s’améliore culation dans la majorité des cas) a été divisé sensiblement mais reste inférieure à celle du par 1,5 entre 2005 et 2008 sur le réseau de Paris, métro parisien. Le métro de Londres affiche une et n’a été réduit que de 15 % sur le réseau de régularité de 96 % en 2008,soit un point de plus banlieue (stabilité des causes liées aux condi- qu’en 2002, date de démarrage des travaux de tions de circulation). Ces pertes kilométriques rénovation engagés dans le cadre d’un partena- et la dispersion des temps de parcours tradui- riat public-privé (contrats entre Transport for sent les très mauvaises conditions de circulation London et trois entreprises privées). Les travaux dans l’agglomération centrale. de voies, la modernisation de la signalisation, le renouvellement du matériel roulant déjà réa- La comparaison montre des structures de lisés sur certaines lignes se traduisent par une réseaux et des niveaux d’offre comparables sur légère amélioration de la régularité globale du les territoires définis, malgré une hiérarchisa- tion différente, notamment dans l’équilibre © IAU île-de-Franceréseaux ferrés et métro/offre de surface bus. Quant à la régularité, primordiale pour l’attrac- tivité des réseaux, elle constitue un enjeu fort pour les métropoles, avec des solutions à trou- ver en Île-de-France pour minimiser les causes externes et pallier aux insuffisances des réseaux lourds (saturation des lignes, vieillissement des La régularité des bus londoniens infrastructures), et aux conditions de circula- s’améliore, notamment, tion pour les réseaux de surface. par de meilleures conditions

de circulation. Dugeny/IAU îdF F. 78 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Faire face aux demandes de transports collectifs Le bus dans l’offre de transports collectifs : un rôle d’avenir ? Sophie Laurent(1) IAU île-de-France

Quel rôle peut jouer le bus, à l’heure du développement durable, dans l’ensemble du réseau de transports collectifs d’une métropole? Londres, Berlin, Madrid et leur région métropolitaine ont des manières différentes de l’intégrer et de l’organiser, souvent héritées de l’histoire. Elles sont riches d’enseignement, qu’il s’agisse de la gouvernance, de la définition de l’offre et de sa place dans l’ensemble des modes, des aménagements… Essai d’analyse comparative. Stefan Vorberg

À Berlin, les lignes Métrotram l est nécessaire de continuer à accroître l’of- trains de banlieue et RER partagent avec les et Metrobus, lignes de tramway fre de transports collectifs pour apporter une trains grandes lignes ou le fret le réseau ferré et de bus structurantes de surface, Ialternative crédible et adaptée aux besoins national qui appartient à l’État), Transport for complètent depuis 2005 le réseau de déplacement des personnes. Pour des rai- London (TfL) a, comme le Consorcio Regional principal (métro et S-Bahn). sons d’ajustement de l’offre à la demande, ainsi de Transportes de Madrid (CRTM), la compé- que de coût, développer des infrastructures tence sur les bus mais dans ces deux métro- lourdes n’est pas envisageable partout. poles, le fer reste de la compétence de l’État, ce Aujourd’hui, le bus et ses diverses déclinaisons qui pose des problèmes d’équilibrage de l’offre jouent un rôle plus ou moins central dans globale, et n’est pas sans incidence sur la place l’offre de déplacement selon les métropoles importante du bus dans ces territoires. (rôle principal ou complémentaire de des- Dans la région de Berlin-Brandebourg, la situa- serte). Dans le Grand Londres, dans la région de tion est différente car le système est plus décen- Berlin-Brandebourg et dans celle de Madrid par tralisé. Le Verkehrsverbund Berlin-Brandebourg Lexique exemple, le rôle et l’organisation de l’offre bus (VBB), l’autorité organisatrice, n’a la compé- TfL: Transport for London - présentent des spécificités qu’il est intéressant tence complète, notamment la définition de autorité organisatrice des transports d’analyser. Comprendre quel est ce rôle, quelles l’offre (infrastructure et réseaux), que pour les du Grand Londres. VBB: Verkehrsverbund en sont les raisons, ainsi que les avantages et modes ferroviaires (trains régionaux, S-Bahn), et Berlin-Brandenburg. contraintes, permet d’éclairer la réflexion sur ne gère pour l’ensemble des modes que la tari- Autorité pour Berlin-Brandebourg ce thème en Île-de-France. fication et la coordination horaire. Ce sont les en charge des services ferroviaires districts et villes autonomes en Brandebourg régionaux, de l’intégration tarifaire Des compétences réparties différemment et la ville de Berlin qui ont la compétence et de la coordination des horaires et de l’information. La place et le rôle du bus dans l’offre de trans- «transports collectifs non ferroviaires» (donc CRTM: Consorcio Regional de Transportes port sont souvent liés au système de gouver- le bus, mais aussi le métro, le tramway, le trolley- de Madrid© - autorité organisatrice IAU nance et à la manièreîle-de-France dont l’offre est définie. bus et les navettes fluviales). des transports de la Région autonome, Alors que la compétence bus est généralement de la ville de Madrid et des communes exercée par l’autorité organisatrice qui plani- Transporteurs/autorité organisatrice: de la région autonome. Stif: Syndicat des transports fie et gère l’ensemble des transports collectifs quelles relations? d’Île-de-France - autorité organisatrice pour le compte de la ou des collectivités qui la Le réseau d’autobus de la ville centre relève en des transports de la Région Île-de-France. composent, comme à Londres, Madrid ou en général d’un seul exploitant qui est souvent BVG: Berliner Verkehrsbetriebe - exploitant Île-de-France, ce n’est pas le cas à Berlin-Bran- l’exploitant historique, de statut public ou para- des bus de Berlin, également exploitant debourg. Le Syndicat des transports d’Île-de- public(2), lié par contrat à l’autorité responsa- du métro, des tramways, des trolleybus et des navettes fluviales de Berlin. France (Stif) a l’avantage d’être responsable de EMT: Empresa Municipal de Transportes - la définition de l’offre de transports collectifs sur (1) Sophie Laurent est architecte-urbaniste. exploitant des bus de Madrid. l’ensemble des réseaux régionaux (même si les (2) De type régie autonome ou EPCI. 79 Offrir des services attractifs Faire face aux demandes de transports collectifs et durables Les Cahiers n° 150 Le bus dans l’offre de transports collectifs : un rôle d’avenir ?

Éléments de comparaison de l’offre et de la demande bus QIC) portant essentiellement sur la régularité Paris + petite couronne* Madrid Grand Londres Berlin des services, qui leur permet, s’ils parviennent Superficie (km2) 762 606 1580 892 à une grande efficacité, d’augmenter de Nombre d'habitants 6,2 3,1 7,5 3,4 manière significative leur rémunération (jusqu’à Nombre de lignes 346 209 617 193 + 15 % de celle prévue au contrat, mais jusqu’à dont lignes de jour 315 171 549 147 km de lignes 3794 3209 3730 2230 - 10 %, en revanche, si les résultats sont trop en km de lignes (jour)/1000 hab. 0,6 1,0 0,5 0,7 deçà des objectifs). Ce système a permis une Millions de véhicules-km 150,5 99,9 458,0 89,3 amélioration importante de la qualité de ser- Véhicules-km/habitant 24,3 32,2 61,1 26,3 vice, qui a eu des conséquences sur la fréquen- Véhicules-km/km de lignes 39670 31131 122788 40045 tation du réseau. Une nouvelle génération de Milliards de places-km 10,2 7,8 - 7,1 Millions de voyages/an 932,9 481,0 1800,0 403,8 contrats (QIC II) est en préparation, qui tiendra Millions de voyages-km/an 2,6 1,8 7,0 1,3 compte de critères complémentaires tels que la Source: IAU à partir des données exploitants et STIF. RATP CRTM, BVG, TfL, de * zone RATP propreté du bus ou l’attitude du conducteur, à l’instar du contrat entre le Stif et la RATP. Une comparaison à relativiser ble: ainsi à Madrid (EMT), Berlin (BVG), Paris Il est toujours délicat de comparer (RATP). Dans le cas de Berlin et de Paris, il Place dans l’offre globale: des statistiques entre les réseaux exploite aussi les autres modes de surface et le Londres mise sur le bus car il est presque impossible de trouver des zones comparables, a fortiori quatre métro, ainsi qu’une partie du RER pour Paris. Ramenée à la population, et malgré un réseau à quatre. Les éléments de comparaison À Madrid, EMT était aussi l’exploitant tram- peu développé en linéaire de lignes, l’offre bus (tableau) portent sur les entités way/trolleybus jusqu’à ce que ceux-ci soient à Londres apparaît largement supérieure à celle administratives les plus proches possibles supprimés, mais le métro a toujours été exploité des autres métropoles. Les véhicules-km offerts en termes de superficie et de population par un opérateur distinct. par habitant y sont deux à trois fois plus élevés soit: Paris et la Petite Couronne (correspondant aux chiffres Ratp/hors En dehors de la ville centre, les situations sont (61 contre la moitié à Madrid et autour de 25 Optile), la ville de Madrid (chiffres EMT), variables: en Brandebourg, la compétence étant pour Paris-petite couronne et Berlin) et l’inten- le Grand Londres (chiffres TfL) et la ville aux districts et villes autonomes, les réseaux de sité de l’offre en véhicules-km/km de lignes y est de Berlin (chiffres BVG). bus sont distincts et exploités chacun par un quatre fois plus forte. Alors qu’à Berlin, Madrid opérateur spécifique (mais souvent unique), et Paris, on compte moins (et parfois largement appartenant la plupart du temps à 100 % au dis- moins) de voyageurs dans les autobus que dans trict ou à la ville autonome correspondante, le métro, c’est l’inverse pour le Grand Londres avec parfois des exploitants privés complémen- avec presque autant de voyageurs-km annuels taires. En Île-de-France, le réseau de bus exploité en bus qu’en métro (respectivement 7 et 7,6 mil- par la RATP s’étend au-delà des limites de Paris, lions) et plus de voyageurs au total (1,8 mil- mais il est complété, en particulier en grande liard en bus, 1,1 milliard en métro). Comment couronne, par les lignes du réseau Optile, auto- expliquer cette singularité? Le réseau ferré lon- risées par le Stif et exploitées par des compa- donien, très présent mais mal connecté, occupe gnies privées. À Madrid, en dehors des bus une place moins importante dans les déplace- urbains, l’offre se compose de réseaux commu- ments internes au Grand Londres que le RER à naux exploités soit par des entreprises Paris; le réseau de métro est ancien (problèmes publiques communales, soit par des exploitants techniques), mais aussi sous-dimensionné, les privés de bus interurbains, exploités par 33 com- interstations longues (1 500 m en moyenne pagnies privées, liés à CRTM par des conces- contre 500 m par exemple à Paris). Mais, au- sions administratives ou DSP(3). Ce contexte delà de raisons techniques qui tiennent à l’his- devrait évoluer avec l’introduction du règle- toire, ce résultat est aussi le fruit d’une volonté ment européen sur les obligations de service politique forte et des plans d’action associés public (OSP). successifs qui ont focalisé les investissements Londres constitue un cas à part: chaque ligne sur le réseau de bus. Dès 1994, la définition du de bus fait l’objet d’un contrat spécifique (Fra- London Bus Priority Network (LBPN) a permis, mework Agreement), attribué par appel d’offre par des améliorations de l’offre sur une sélec- lancé par TfL, sur un cahier des charges très tion de lignes, de doubler leur fréquentation en © IAUprécis, à un exploitantîle-de-France distinct et la plupart du dix ans. En 2000, dans le souci d’obtenir un temps privé, pour cinq ans (extensible à sept). résultat rapide, l’accent mis sur le réseau de bus Le contrat stipule une rémunération forfaitaire a été renforcé à travers le document The Mayor’s proposée par l’exploitant pour la réalisation du Transport Strategy, qui prévoyait d’améliorer la service demandé. Tout en reposant sur la capacité, la ponctualité et les fréquences des concurrence entre opérateurs, cette organisa- bus. Il visait notamment + 40 % d’augmentation tion permet à TfL de garder la main sur l’équi- du niveau de service d’ici 2010 et un accès pour libre entre les exploitants et la définition de l’of- tous les Londoniens à un bus en moins de fre et des services. D’autant que les exploitants 5min. sont soumis depuis 2001 à un système de bonus–malus (Quality Incentive Contracts – (3) Délégation de service public. 80 Berlin et le secteur Paris-petite couronne en Île- Hiérarchisation de l’offre bus: de-France, qui disposent d’une offre ferroviaire une réussite à Berlin abondante et attractive (notamment métro Le réseau de bus de la Communauté autonome + RER en Île-de-France et S-Bahn à Berlin), sont, de Madrid offre une répartition claire entre les parmi les quatre métropoles considérées, celles bus urbains, interurbains et municipaux, distin- qui font le moins appel au bus. Madrid se trouve gués par un code couleur (rouge pour les bus dans une situation intermédiaire avec une offre EMT(4), vert pour les bus interurbains). Pour de bus relativement développée, face à une autant, l’offre bus n’est pas véritablement hiérar- offre insuffisante sur le réseau ferré, mais une chisée. À Londres, le réseau est réparti entre offre métro qui s’est récemment accrue à des lignes haute fréquence, au nombre de 368, grande allure, plaçant ainsi la ville au rang des parmi lesquelles 60 fonctionnent 24h/24, 181 capitales européennes les mieux dotées en lignes basse fréquence et 68 lignes de nuit. Mais métro. Le métro est donc le mode majoritaire en il n’y a pas de communication particulière de milliards de places-km offertes (27,5 milliards), TfL autour de ces catégories de lignes qui ne même si le bus conserve une place importante sont pas «labellisées». En Île-de-France, la pro- (7,8 milliards pour les bus urbains, mais 18,8 mil- grammation et la mise en œuvre des lignes liards pour l’ensemble des réseaux de bus de la Mobilien, qui avaient pour but initial, dans le Communauté autonome). En fréquentation, le plan de déplacements urbains (PDU) de 2000, mode bus est le plus utilisé en nombre de une amélioration des fréquences et de la régu- voyages (802 millions de voyageurs par an). larité sur ces lignes, permet une hiérarchisation Dans cet ensemble, le réseau de bus de la RATP, de l’offre. Mais le Stif ne communique que qui irrigue le cœur de l’agglomération franci- depuis peu sur l’«identité» Mobilien. lienne, présente, par rapport aux autres réseaux, Berlin se distingue sur ce thème avec la mise en une particularité importante. Le nombre de place depuis 2005 des lignes Metrotram et voyageurs montants lorsqu’un autobus parcourt Metrobus. BVG, l’exploitant bus, métro, tramway, 1 km est en moyenne supérieur à 6, alors qu’il navettes fluviales de Berlin a modifié fortement n’est que de 3,5 dans les autres réseaux français son réseau par la mise en œuvre du programme et toujours inférieur à 5 à Berlin, Londres ou BVG 2005 Plus, dont l’objectif était d’optimiser Madrid. Deux interprétations non exclusives de l’offre, par concentration sur les axes princi- cette différence sont possibles, qui ont toutes paux, afin de réaliser des gains d’exploitation, deux des implications en termes d’actions: le tout en donnant une meilleure lisibilité au réseau de bus du cœur de l’Île-de-France est réseau, et de gagner des parts de marché. Ce plus sollicité que celui des autres villes, ce qui programme portait notamment sur la création peut être lié au dimensionnement de l’offre, et de deux nouveaux «produits» dans l’offre de on y rencontre une proportion plus grande transports collectifs : les lignes Metrotram et qu’ailleurs de trajets courts, ce qui peut être lié Metrobus, lignes de tramway et de métro struc- à l’effet Carte orange ou à l’importance des temps de parcours sur des longues distances. (4) Les bus rouges EMT sont peu à peu remplacés par des bus La structure de l’offre peut avoir aussi une inci- bleus à la demande de la municipalité. dence sur la fréquentation. Par exemple, l’offre sur les lignes de bus de Londres est pratique- ment la même tout au long de la journée, avec un intervalle moyen de 5-6 minutes pour les lignes haute fréquence. À Berlin, les lignes haute fréquence (Metrobus) présentent également une structure d’offre journalière élevée à peu près constante. En Île-de-France, les différences heure de pointe/heure creuse sont plus mar- quées, et les fréquences davantage différen- ciées entre les© lignes de busIAU de Paris et les lignes île-de-France de bus de banlieue (intervalles de 7 à 9 minutes pour les bus de Paris, de 9 à 15 pour la ban- lieue). Les réseaux de bus de Londres et de Berlin présentent par ailleurs l’avantage d’of- frir sur les lignes haute fréquence une ampli- Ramenée à la population, tude importante et même des services 24/24 h, et malgré un réseau peu développé ce qui n’est pas le cas de l’offre francilienne. en linéaire de lignes, l’offre de bus à Londres apparaît largement supérieure à celle des autres

TfL métropoles. 81 Offrir des services attractifs Faire face aux demandes de transports collectifs et durables Les Cahiers n° 150 Le bus dans l’offre de transports collectifs : un rôle d’avenir ?

Références bibliographiques turantes de surface, associées à l’offre princi- La plupart des pôles d’échanges principaux pale déjà en place de métro et S-Bahn. L’ajout sont aménagés au débouché des radiales auto- • PRÉDALI Frédérique, LEMOINE Caroline, des lignes Metrotram et Metrobus au réseau routières et au croisement avec la ligne de MESSENET Agnès, La place des bus principal a permis de faire passer son taux de métro en rocade n° 6, et généralement d’une ou dans les transports collectifs de Madrid, étude IAU îdF, octobre 2008. desserte des Berlinois de 73 % à 87 %. Le nou- plusieurs autres lignes de métro. Ils forment ainsi • La place des bus dans les transports veau réseau a été élaboré sur la base du réseau une couronne autour du centre ville de Madrid, collectifs de Londres, étude IAU îdF existant en transformant ou modifiant certaines offrant un maillage idéal avec le réseau de trans- à paraître au printemps 2009. lignes à forte fréquence (intervalle inférieur à ports collectifs structurant. Les pôles sont par ail- • La place des bus dans les transports 10 min) pour en faire des lignes Metro. Le prin- leurs aménagés en souterrain de manière ver- collectifs de Berlin-Brandebourg, étude IAU îdF à paraître cipe du programme est de définir des familles ticale en un empilement des fonctions : une au printemps 2009. de fréquences plutôt qu’une offre spécifique à couche pour le métro, une couche de com- chaque ligne: famille moins de 10 min sur le merces, une ou plusieurs couches de bus et réseau principal, Metrotram et Metrobus (à l’in- des accès piétons en surface, permettant des térieur de laquelle on peut trouver seulement correspondances rapides et efficaces. Notam- trois intervalles: 4, 5 et 10 min), famille moins de ment avec les bus interurbains et les bus 20 min ou moins de 60 min sur le réseau com- urbains. Les bus disposent d’une voie d’accès plémentaire. Ces grandes familles donnent une souterraine directe au niveau dédié à la gare forte lisibilité à l’offre proposée et facilitent la routière. Ce type de pôle d’échange apparaît communication. Toutes les lignes Métro s’arrê- en 1995 avec la conception de la station de bus tent à tous les arrêts, il n’y a pas de tronçons de Moncloa, aménagée en souterrain faute d’es- express. Leur efficacité est liée à la forte densité pace en surface. Ils ont été réalisés dans le cadre de services et aux temps d’attente réduits et le d’un montage de type partenariat public-privé gain est dans le cadencement. (PPP) portant sur la conception, la construc- tion et l’exploitation de l’ouvrage pendant vingt- Aménagements bus: le rôle majeur cinq ans (cinquante ans pour les parkings rési- des pôles d’échanges à Madrid dentiels). La rémunération du groupement Londres a développé un réseau de lignes prio- d’investisseurs provient de trois sources : ritaires de bus et des gares routières permettant facturation de droits d’accès aux opérateurs de des correspondances directes bus/métro ou bus et de cars, baux pour les commerces et DLR ; Berlin a construit des sites propres bus bureaux, autres revenus (publicité, etc.), et dans le cadre de la mise en place de son pro- places de stationnement public. Le Ministerio gramme de hiérarchisation BVG 2005 Plus ; de Fomento (Développement) a par ailleurs l’Île-de-France associe le développement du réalisé une voie réservée aux bus (type BHNS: Mobilien à des sites propres pour les lignes bus à haut niveau de service) et aux véhicules concernées. Mais elles ne vont pas aussi loin pratiquant le co-voiturage sur l’A6, autoroute que la Communauté autonome de Madrid, la radiale d’accès au centre ville depuis la périphé- mairie de Madrid et le CRTM qui mènent une rie, donnant directement accès à ce pôle. politique de localisation et d’aménagement Aujourd’hui le CRTM envisage de poursuivre à fonctionnel des pôles d’échanges bus/autres son compte le développement de ce type modes sur leur territoire. d’aménagement, qui permet, associé aux pôles d’échanges, d’optimiser encore l’efficacité de la Les pôles d’échanges principaux à Madrid desserte bus. La construction de cinq autres sites propres menant aux pôles d’échanges de Madrid est prévue d’ici 2011.

Le bus présente l’avantage de se décliner selon différentes catégories de services afin de répon- dre au mieux aux besoins et aux objectifs, depuis le transport à la demande en zone rurale © IAU île-de-Franceau bus à haut niveau de service, approchant, à un coût moindre, les performances d’une ligne de tramway. Il offre une palette large pour un coût réduit et des caractéristiques tout à fait adaptées au contexte actuel de développement des réseaux et de l’offre. Il occupe une place Les pôles d’échanges forment variable dans les métropoles dont les approches une couronne autour du centre ville sont souvent éclairantes pour notre propre ter- de Madrid, offrant un maillage idéal ritoire. avec le réseau de transports collectifs

structurant. 2008. Source: Reference, A World Plaquette du CRTM, 82 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Faire face aux demandes de transports collectifs Mobilien : un concept en mal de réalisations Dominique Rascoll(1) Stif Afin de rendre le bus crédible comme alternative à la voiture, le plan de déplacements urbains de l’Île-de-France (PDUIF) arrêté en 2000 a procédé à une hiérarchisation du réseau d’autobus en créant le réseau principal Mobilien.

e PDUIF arrêté en 2000 distingue trois encore moins avancée : moins de 20 % des catégories de lignes Mobilien: projets d’axe y ont été lancés, seuls 6 % des C. Doutre/BaSoH/IAU îdF L contrats sont validés. Sur les montants pro- La ligne Mobilien n° 91 à Paris, - une à Paris et zone dense: lignes du réseau grammés pour les projets validés (320 M€, site propre bus à double sens bus armature, qui complète le réseau ferré dont 240 M€ financés au titre du PDU), seule avec piste cyclable, relie notamment magistral; la moitié a été consommée; trois gares SNCF. - deux en dehors de la zone agglomérée:lignes - la multiplicité des acteurs et des maîtrises structurant les centres anciens et villes nou- d’ouvrage complique cette mise en œuvre: velles et liaisons entre pôles urbains (lignes les contrats d’axe ont été pilotés par les ges- express). tionnaires de voirie concernées, soit par 149 axes, dont 16 projetés, sont inscrits au PDUIF cinq types différents de structures; pour l’ensemble de l’Île-de-France (lignes du - les limites de capacité des rocades de réseau armature et lignes pôle à pôle), dont la banlieue (voies faiblement dimensionnées) Lexique mise en œuvre est prévue dans le cadre de entraînent des difficultés d’insertion des sites PDUIF: plan de déplacements urbains comités d’axes regroupant l’ensemble des propres; d’Île-de-France. acteurs concernés, y compris les associations - la validation du projet d’axe se fait sur pro- En application de la loi sur l’Air et l’utilisation rationnelle de l’énergie de représentant les usagers. Les lignes structurant gramme d’aménagement, ce qui permet des 1996, le PDUIF a été approuvé par arrêté les centres anciens et villes nouvelles sont à ajustements en phase de mise en oeuvre, mais interpréfectoral le 15 décembre 2000, définir quant à elles par les comités locaux des reste un engagement moral dont peuvent se à l’issue de près de trois ans d’élaboration plans locaux de déplacements (PLD). délier ultérieurement les partenaires. Ce fut en concertation avec les différents acteurs Le PDUIF précise le niveau d’offre attendu sur notamment le cas, avec le désengagement de impliqués dans la gestion et l’organisation des transports et des déplacements ces lignes: l’État fin 2005, tant sur le pilotage de projets en Île-de-France. Il a le statut - amélioration du fonctionnement, avec un d’axe, que sur le financement global du PDU, de document d’urbanisme opposable objectif de vitesse commerciale de 18 km/h qui a fortement pénalisé l’émergence des pro- à des documents de niveau ou un gain de vitesse d’au moins 20 %; jets et conduit le Stif et la Région à reprendre de compétence inférieur, comme les plans - niveau de fréquence de 10 min (y compris en la part financière non assumée par l’État; locaux d’urbanisme (PLU) ou les schémas de cohérence territoriale (Scot). heures creuses) pour les lignes de Paris et la - mais les données d’évaluation, encore insuffi- À l’inverse, le PDUIF doit être compatible zone dense, de 30 min pour les lignes de pôle santes, montrent une réelle efficacité des réa- avec le schéma directeur à pôle; lisations avec des gains de vitesse intéressants de la région Île-de-France (Sdrif). - fonctionnement tous les jours, avec élargisse- sur les tronçons aménagés (de + 3,5 % à Le PDUIF, élaboré et mis en œuvre ment de l’amplitude aux horaires du métro + 18 %) et une forte croissance de la fréquen- sous l’autorité de l’État, est, depuis la promulgation en 2004 de la loi information aux arrêts et dans les véhicules; tation (+ 15 % en 3 ans sur la ligne 170). sur les Responsabilités et libertés locales, - accessibilité aux personnes à mobilité réduite Alors que peu d’aménagements avaient été sous la responsabilité du Stif, (véhicules et points d’arrêts). achevés, le Stif a procédé, dès 2006, à un renfor- présidé par le conseil régional. cement de l’offre, à hauteur de 110 M€ financé Stif: Syndicat des transports Des lenteurs de mise en œuvre par la Région. Cet effort s’est poursuivi en 2008. d’Île-de-France. PLD: plan locaux de déplacements. Le Stif a mené en 2007 l’évaluation du Plan de Au-delà de ce que prévoyait le PDUIF,ce réseau déplacements urbains (PDU), permettant un Mobilien renforcé bénéficiera d’une identité © IAUbilan de la démarche: île-de-Francevisuelle propre, telle que décidé par le conseil - en 2008, un peu moins de la moitié des axes du Stif en juillet 2007, dont le déploiement sera inscrits (56 projets) ont été lancés, seulement progressif. un quart validés et 5 % achevés. C’est à Paris La mise en révision du PDUIF,engagée en 2008, que la démarche a le plus avancé : près du sera accompagnée d’une relance des actions tiers des axes inscrits est achevé et la moitié opérationnelles, tels les comités d’axes Mobi- validée. En petite couronne, la phase travaux lien. est nettement moins engagée: 14 projets d’axe ont vu leur exécution débuter par les premiers (1) Dominique Rascoll est chargé de projets des plans de aménagements, mais un seul est totalement déplacements urbains (PDU), direction de l’exploitation au achevé. En grande couronne, la démarche est sein du Syndicat des Transports d’Île-de-France (Stif). 83 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Faire face aux demandes de transports collectifs Sites propres bus sur autoroute : une solution d’avenir ? Robert Allio(1) IAU île-de-France

Si le besoin de se déplacer est universel, les réponses apportées aux usagers par les autorités organisatrices de transports varient d’une métropole à l’autre. Pour répondre aux problématiques de congestion et d’accessibilité aux centres des agglomérations, notamment aux heures de pointe, des systèmes de voies réservées aux bus sur autoroute se développent: des États-Unis à Madrid, quelques exemples. OC Transpo/City of Ottawa-Ville d’Ottawa OC Transpo/City

À Ottawa, l’accès aux stations epuis quelques années, on assiste au des lignes de BRT. La plupart des sites propres, du réseau Transitway se fait développement des sites propres sur dont au départ certains étaient de vrais cou- par des ouvrages d’art aériens. Dautoroutes destinés aux autobus, aux loirs bus avec séparateurs, ont été convertis en Les sites propres comportent autocars et au covoiturage. Ce type de partage HOV lanes (voies réservées aux autobus et aux 2x2 voies, permettant des voiries rapides s’est particulièrement déve- véhicules pratiquant le covoiturage). Les véhi- ainsi la desserte de bus express loppé aux États-Unis, au Canada, en Australie. En cules, à finition souvent soignée et conforta- et de services omnibus. Europe, les voies de bus sur autoroutes ont com- bles, peuvent être équipés de systèmes leur mencé à se développer, notamment à Madrid. donnant la priorité aux feux. En France, sur l’autoroute A48 à l’entrée de Gre- Les voies réservées aux bus sur autoroutes sont noble, quelques kilomètres de site réservé sont soit des voies de droite dédiées, soit des voies en cours d’expérimentation. Dans tous les cas, centrales. Elles peuvent être fixes ou réversi- le niveau et la qualité du service offerts garan- bles. Les voies de droite dédiées sont aména- tissent le succès des projets, qui doivent être gées en plus ou à la place de la bande d’arrêt conçus de manière systémique, la séparation d’urgence(2). Pour les voies centrales, des sta- Lexique physique des voies n’étant qu’un des nombreux tions spécifiques sont nécessaires, avec circula- BRT: Bus Rapid Transit: éléments d’un projet plus global. tions verticales et passerelles et/ou souterrains. lignes d’autobus à haut niveau de service, Certaines voies réservées sont réversibles, éven- assurant un débit important, et circulant sur des voies réservées. Une idée née en Amérique du Nord… tuellement à contre-sens de la circulation géné- HOV lanes: High Occupancy Vehicles Les États-Unis ont développé, depuis les années rale, avec ou sans séparateurs physiques, per- lanes: voies réservées aux autobus 1970, le concept des lignes de Bus Rapid Tran- mettant d’être en voie réservée dans une et aux véhicules pratiquant le covoiturage. sit (BRT) : des lignes d’autobus très perfor- direction le matin et dans le sens inverse le soir. VAO: vía de alta ocupación: mantes, assurant un débit important, et circulant Lorsque l’emprise au sol est large, ce qui est HOV espagnoles. HOT lanes: High Occupancy Tolling Lanes: sur des voies réservées. Le BRT, généralement souvent le cas aux États-Unis, les voies réser- © IAUimplanté surîle-de-France autoroute, peut également vées aux autobus sont à double sens, à 2x1 voie, HOV avec accès à tout véhicule moyennant paiement. emprunter un site propre indépendant ou des ou parfois 2x2 voies, ce qui permet également couloirs réservés le long des routes classiques. aux covoitureurs de les emprunter (cas des La labellisation BRT implique que les stations ne HOV lanes). Dans certains cas, elles sont soient pas de simples arrêts, mais de vraies sta- ouvertes aux véhicules s’acquittant d’un péage tions de transport collectif accessibles, équi- (HOT lanes), permettant de satisfaire les auto- pées de guichets, de quais, de passerelles d’ac- cès, de panneaux d’affichage dynamiques et (1) Robert Allio est économiste des transports. autres services liés à l’accueil et au confort des (2) Dans ce cas, la bande d’arrêt d’urgence est utilisée de manière permanente car son utilisation temporaire, aux usagers. Plusieurs dizaines d’agglomérations heures de pointe par exemple, est jugée dangereuse aux États- aux États-Unis sont aujourd’hui desservies par Unis. 84 mobilistes qui souhaitent bénéficier de ces vingt ans et transporte plus de 200 000 voya- voies HOV sans pratiquer le covoiturage. geurs/jour. Les lignes du réseau Transitway sont Ces sites sont souvent implantés sur des liai- insérées en grande partie sur des sites propres sons radiales, et peuvent être aménagés sur plu- situés dans l’axe d’autoroutes et parfois sur des sieurs dizaines de kilomètres. Ils sont en effet sites propres indépendants. Dans les deux cas, très souvent destinés à relier les principaux cen- l’accès aux stations se fait par des ouvrages tres d’activité (les Central Business Districts) d’art aériens. Au droit de certaines stations, les aux quartiers résidentiels éloignés. Il est remar- sites propres comportent 2x2 voies, permettant quable de constater, dans de nombreux cas, la ainsi la desserte de bus express et de services fréquence très élevée des lignes: des intervalles omnibus. Sur d’autres sections, les autobus de inférieurs à la minute ne sont pas rares sur des ce réseau utilisent les bandes d’arrêt d’urgence sections d’autoroutes accueillant plusieurs converties en couloirs réservés. Enfin, dans la lignes sur leur site propre. Plus on se rapproche traversée du centre dense, les autobus utilisent du centre-ville, plus le tronc commun comporte des couloirs réservés sur la chaussée. de lignes. Les fréquences très élevées sont ren- À Montréal, l’autoroute urbaine A10 est le sup- dues possibles soit par l’absence de station, soit port de plusieurs lignes d’autobus. Ces dernières par l’équipement des stations en voies d’évite- relient la banlieue extérieure au centre-ville, où ment, permettant ainsi le passage sans arrêt des se trouve leur terminus. La séparation des auto- lignes directes. Pour atteindre ces objectifs de bus de la circulation générale y est assurée régularité et de fréquence, des investissements selon les tronçons, par des couloirs réservés sur conséquents, en particulier des ouvrages d’art la bande d’arrêt d’urgence, par un site propre et des stations voyageurs ou des pôles axial ou encore par un couloir réversible à d’échanges multimodaux en bout de lignes sont contre-sens. nécessaires. C’est particulièrement le cas pour le site propre axial. On trouve des ouvrages … puis qui s’est diffusée en Europe, aériens «en arête de poisson» (fishbones), uti- et plus particulièrement à Madrid lisés dans le cas des sites propres réversibles, ou Depuis 1995, l’agglomération de Madrid est «en T» lorsqu’il s’agit de faire accéder les auto- équipée d’une autoroute comportant une bus à un complexe d’échange ou à un centre chaussée réservée aux autobus et aux véhicules commercial important situé à proximité de l’au- pratiquant le covoiturage (VAO – Vía de alta toroute. D’autres réalisations utilisent des accès ocupación). Cette chaussée est insérée dans en souterrain, comprenant des trémies situées l’axe de l’autoroute radiale A6 qui relie les quar- dans l’axe de l’autoroute, et des franchissements tiers résidentiels situés au nord-ouest de l’ag- situés sous les chaussées. glomération et le centre de Madrid. Cette infra- À Ottawa, le réseau de desserte de l’aggloméra- structure est réversible: elle fonctionne le matin tion comporte essentiellement trois corridors dans le sens de l’accès vers le centre, et le soir d’autobus BRT (réseau Transitway) et une ligne en sens inverse. D’une longueur de 16 km, elle de tram-train. Le réseau Transitway fait actuelle- aboutit au sein du complexe multimodal ment environ 60 km. Il existe depuis plus de de Moncloa qui est un important nœud

© IAU île-de-France

Les États-Unis, précurseurs en la matière, ont développé depuis les années 1970 le concept des lignes de Bus Rapid Transit, circulant sur des voies réservées,

Charlotte Area Transit System Charlotte Area Transit notamment sur autoroute. 85 Offrir des services attractifs Faire face aux demandes de transports collectifs et durables Les Cahiers n° 150 Sites propres bus sur autoroute : une solution d’avenir ?

Grenoble expérimente un site propre bus sur la bande d’arrêt d’urgence, activé quand l’autoroute

est saturée. CG38

d’échanges composé de nombreuses lignes Que retenir de ces bonnes pratiques? d’autobus et de deux lignes de métro. Sur les Les exemples évoqués décrivent des lignes de douze premiers kilomètres situés en périphé- bus rapides sur autoroute assurant essentielle- rie, le site propre (sans station) comporte deux ment des liaisons radiales périphérie/centre files réversibles réservées aux autobus et aux ville. Le terminus est généralement un point covoitureurs. La section la plus proche du cen- d’échange unique, maillé avec les transports tre, d’environ 4 km, ne comporte qu’une seule ferrés urbains. Côté périphérie, les zones subur- file réversible, strictement réservée aux auto- baines sont desservies par les lignes empruntant bus. (totalement ou partiellement) le site propre sur l’autoroute. Pendant la période de pointe du matin (7 h- 10 h), 478 autobus empruntent le couloir et Les concepteurs de projet de ligne d’autobus en transportent plus de 14000 passagers. L’inter- site propre intégral ont souvent recherché la valle moyen est proche des vingt-cinq secondes. réversibilité de l’aménagement, qui est opéra- Le gain de temps (15 min sur un trajet en bus tionnel dans le sens périphérie-centre à la par rapport à l’automobile) a fortement encou- pointe du matin, et dans le sens inverse à la ragé le report modal et le développement à pointe du soir. Ce dispositif d’insertion a sur- grande échelle de ce système est aujourd’hui tout l’avantage appréciable d’être moins programmé. Ce sont, à terme, sept voies VAO consommateur d’espace. Les stations sont sou- radiales réversibles qui devraient être réalisées vent aménagées de manière soignée et qualita- selon ce modèle. Les stations terminales des tive: les quais y sont larges, munis d’abris confor- voies de bus sont prévues au sein de complexes tables et équipés d’informations électroniques d’échanges. en temps réel, accessibles aux usagers en fau- © IAU île-de-France

À Madrid, la voie réservée aux bus et véhicules pratiquant le covoiturage permet aux bus d’accéder directement, par un ouvrage souterrain,

au complexe multimodal de Marchoa. © IAU ÎdF Les autres véhicules doivent la quitter avant. 86 teuil roulant. L’accès aux véhicules, souvent arti- sur un trajet Briis-sous-Forges-Massy) qui culés, se fait simultanément par toutes les portes empruntaient auparavant le réseau départe- après prépaiement sur le quai, afin de limiter le mental faute d’accès à l’A10. Cette réalisation temps d’arrêt en station. Les stations intermé- connaît un franc succès et l’extension récente diaires peuvent aussi servir de point d’entrée à du parc-relais l’a démontré. Elle a d’ailleurs été des lignes utilisant le site propre ou de point primée par Ville et transport,magazine spécia- de rabattement pour des lignes secondaires. lisé, en 2008. Enfin, pour inciter le report modal vers les trans- ports en commun, certaines stations sont équi- pées de parcs de rabattement gardiennés pour les véhicules particuliers. En Île-de-France, un parking de rabattement est mis à la disposition des usagers qui utilisent la gare autoroutière de Briis-sous-Forges sur l’autoroute A10. Les sites propres exclusivement réservés aux transports en commun peuvent être mal perçus par des automobilistes souvent ralentis aux heures de La gare routière, créée en 2006 pointe. C’est pourquoi, aux États-Unis notam- sur l’A10 à Briis-sous-Forges ment, les HOV lanes pour bus et covoitureurs (Essonne), rencontre un franc ont souvent été transformées en HOT lanes, succès. HOV ouvertes aux véhicules ayant acquitté un péage. Mais cette cohabitation peut devenir gênante à l’approche des centres ville, la solu- tion est alors de prévoir, à l’instar de Madrid, un ouvrage de sortie pour les véhicules particu- liers.

En France, deux expériences à suivre: Grenoble et Briis-sous-Forges Depuis 2002, le conseil général de l’Isère a mis en place un réseau de lignes express, dont la Transisère Voiron-Grenoble-Crolles. Celle-ci emprunte depuis septembre 2007 la bande d’ar- rêt d’urgence de l’A48, appelée VSP (voie spé- cialisée partagée). Elle est activée quand l’auto- route est saturée, ouverte aux lignes régulières autorisées sur un tronçon de 4,2 km. La pre- mière phase d’expérimentation d’un an, réalisée dans des conditions de sécurité strictes défi- nies par le ministère des Transports, est prolon- gée en 2009. Cela permettra d’intégrer des amé- liorations au dispositif, puis de tirer le bilan socio-économique de l’opération. Les hausses de fréquentation de cette ligne express (+ 90 % de progression par an depuis 2004) encoura- gent le conseil général, qui envisage d’utiliser ce dispositif, pour le déploiement du «RER rou- tier», sur les trois autoroutes d’accès à l’agglo- mération grenobloise: A48 depuis le péage de Voreppe, A41© depuis celui IAUde Crolles, et A51 au île-de-France sud. Depuis le mois de mai 2006, en Essonne, les usa- gers des lignes 91-03 Dourdan-Massy et 91-02 Dourdan-Courtabœuf-Orsay peuvent prendre leur bus au bord de l’autoroute A10 à hauteur de Briis-sous-Forges. L’ouverture d’une gare rou- tière sur une autoroute est une première en Europe. Et bien qu’il n’y ait pas de files réser- vées, ces lignes express font gagner beaucoup de temps aux anciens automobilistes (30 min C. Doutre/BaSoH/IAU îdF 87 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Faire face aux demandes de transports collectifs La desserte des aéroports en transports collectifs : un besoin Danièle Navarre(1) IAU île-de-France

Le fonctionnement des aéroports internationaux génère de forts trafics routiers, apportant congestion et pollution environnementale. Développer l’accès en transports collectifs à ces aéroports permettrait de limiter le phénomène. Quelle est la situation actuelle? Comment concevoir des services attractifs? Comment les aéroports franciliens se positionnent-ils dans ce contexte? Flughafen Zürich AG Flughafen

Une bonne desserte es aéroports internationaux sont de forts Research Program : par les transports collectifs générateurs de trafic au sein des grandes - les résidents affaires utilisent plutôt les trans- permettrait d’agir sur la saturation L métropoles. À l’importante circulation ports en commun, car ils connaissent bien les routière des accès et l’impact aérienne s’ajoutent en effet les transports de modes d’accès à l’aéroport, ont peu de environnemental du trafic. surface liés au fonctionnement de la plate- bagages, et sont très sensibles à la fiabilité du forme aéroportuaire: acheminement des passa- transport, d’autant que le parcours a souvent gers aériens et du fret, livraisons des entreprises, lieu durant les heures de pointe; déplacements des employés et des visiteurs. Le - les non résidents affaires préfèrent prendre mode individuel étant majoritaire, le fonction- un taxi ou louer une voiture car ils se rendent nement des aéroports contribue à la saturation dans des endroits particuliers (hôtel, centre des réseaux routiers d’accès et génère une pol- de congrès) et privilégient la souplesse du lution environnementale qui s’ajoute à celle mode de transport; du transport aérien. Des mesures effectuées - les résidents non affaires utilisent plutôt la voi- auprès des aéroports de Londres-Gatwick et ture particulière (dépose notamment), car ils

Stockholm-Arlanda montrent que 50 % du CO2 sont munis de bagages, sont plus sensibles au émis par les deux plate-formes provient des coût du transport que les passagers voyageant transports de surface. D’où la nécessité de favo- pour affaires et sont moins familiarisés avec riser l’usage des transports collectifs, notam- les modes d’accès en transport en commun à ment par les passagers aériens, en améliorant l’aéroport; l’accessiblité des aéroports par ce mode. - les non résidents non affaires utilisent plutôt le taxi (ou la dépose par des amis ou la Les passagers aériens: famille), car ils connaissent mal la région et les une clientèle spécifique réseaux de transport desservant l’aéroport. © IAULe comportement île-de-France des passagers aériens se dis- L’amélioration de l’accessibilité en transports en tingue de celui des utilisateurs réguliers des commun aux aéroports nécessite ainsi d’iden- transports en commun urbains. Ils privilégient tifier au préalable les différents segments de en effet la fiabilité du transport, le côté pratique clientèle afin d’adapter au mieux l’offre à la (les changements et les longs parcours à pied demande. sont mal perçus, surtout avec des bagages) et le confort dans les véhicules. Le mode de trans- port utilisé pour accéder aux aéroports diffère par ailleurs selon la nature du voyage et le lieu de résidence du voyageur. C’est ainsi que, d’après le Rapport 4 de l’Airport Cooperative (1) Danielle Navarre est ingénieure transport. 88 Diversifier la desserte en privilégiant reliée aux lignes ferrées environnantes (clas- le mode ferroviaire siques ou à grande vitesse) par des lignes traver- La comparaison de la desserte en transport en sant la plate-forme aéroportuaire, et non par de commun d’une quarantaine d’aéroports inter- simples branches ne desservant qu’une direc- nationaux et des modes d’accès utilisés par les tion, comme cela est parfois le cas. Les aéro- passagers aériens permet de tirer plusieurs ports de la catégorie 1 (Shanghai excepté) enseignements sur l’efficacité de l’offre. Le clas- bénéficient ainsi de plusieurs types de services sement de ces aéroports par ordre de taux d’uti- ferroviaires assurant des connections avec le lisation des transports en commun décroissant centre (dont des services directs dédiés pour la permet d’identifier l’efficacité de leur desserte plupart d’entre eux), plusieurs secteurs de la en transports collectifs, et de les répartir en trois région, des grandes villes des régions voisines et catégories selon que la part des transports col- du reste du pays (aéroports d’Oslo, de Zurich, lectifs est: de Londres-Stansted, de Paris-Charles-de- - comprise entre 40 % et 60 % (catégorie 1); Gaulle). L’aéroport de Shanghai doit son taux - comprise entre 20 % et 40 % (catégorie 2); d’usage des transports en commun de 51 % à la - inférieure à 20 % (catégorie 3). qualité de desserte d’un réseau d’autobus et Un certain nombre de recommandations peu- d’autocars très étoffé qui le relie à différents vent ainsi être formulées en vue d’optimiser points du centre et de la région, et compense les l’accessibilité en transport en commun aux lacunes de la desserte ferrée (ligne à grande aéroports. vitesse de 30 km reliant l’aéroport à une station de métro excentrée). Les aéroports de la caté- Prévoir une desserte ferrée la plus diversifiée gorie 2 présentent soit une bonne desserte fer- possible roviaire mais une desserte bus déficiente (aéro- L’obtention d’un choix modal favorable aux ports d’Amsterdam, de Copenhague), soit une transports collectifs demande à ce que l’aéro- desserte ferroviaire limitée, soit une liaison port soit desservi par un mode ferré (chemin de peu performante avec le centre (aéroports de fer ou métro). Les aéroports qui présentent un Munich, d’Orly, de Düsseldorf). taux d’utilisation des transports collectifs supé- rieur ou égal à 20 % (catégories 1 et 2) sont Ne pas négliger la desserte par autobus tous accessibles par le mode ferroviaire. En et autocar revanche, les aéroports qui présentent un pour- La souplesse de l’autobus et de l’autocar per- centage d’utilisation des transports en commun met de compléter la desserte ferroviaire sur les inférieur à 20 % (catégorie 3), tous situés aux liaisons ne pouvant être assurées par ce der- États-Unis, ne sont pas ou sont mal desservis nier mode, pour des raisons de niveau de clien- par le mode ferré. Mais pour être efficace, la tèle ou de configuration des réseaux ferrés. Le desserte ferroviaire doit être multiple, de façon mode routier peut ainsi être déployé avec de à ce que l’aéroport soit accessible, non seule- bonnes fréquences (aéroports de Hong Kong, ment depuis le centre (à partir de plusieurs Tokyo, Shanghai, Stockholm) sur des liaisons gares ou d’un nœud d’échanges central), mais entre l’aéroport et: depuis le plus grand nombre de territoires pos- - un certain nombre de points particuliers du sibles. Pour cela, la gare de l’aéroport doit être centre, tels que hôtels, gares, centres d’affaires,

© IAU île-de-France

89 Offrir des services attractifs Faire face aux demandes de transports collectifs et durables Les Cahiers n° 150 La desserte des aéroports en transports collectifs : un besoin

bagages (liaison par escalator); - Oslo, Zurich: gare ferroviaire implantée sous le hall d’enregistrement (liaison par escalator); - Vienne: gare ferroviaire implantée au niveau du hall de livraison des bagages. Une bonne information est également néces- saire pour favoriser l’usage des transports col- lectifs (le taux d’utilisation de ces derniers est plus élevé pour les passagers résidents de la région que pour les non résidents). Cela va de l’information à l’aéroport, où l’accès aux sta- tions de transports en commun doit être claire- ment signalé dès le hall d’arrivée, jusqu’à l’infor- mation par Internet sur les services de desserte de l’aéroport.

C. Doutre/BaSoH/IAU îdF L’apport des liaisons express dédiées et de l’intermodalité air-fer De plus en plus d’aéroports pôles touristiques (navettes, services publics, De plus en plus d’aéroports internationaux sont internationaux sont dotés à la fois autocars des compagnies aériennes); dotés de liaisons express dédiées avec le cen- d’une liaison express avec le centre - le secteur environnant (lignes publiques assu- tre et d’une desserte par les trains à grande et d’une desserte grande ligne. rant la desserte locale et le maillage avec le vitesse afin d’améliorer et de diversifier leur réseau ferré voisin); accessibilité ferrée. - les villes ou pôles importants de la région ou des régions voisines (lignes d’autocars Les liaisons express dédiées avec le centre publiques ou privées). Il existe une dizaine de liaisons de ce type dans Par ailleurs, ce mode permet d’offrir des liai- le monde et une dizaine d’autres sont à l’étude, sons attractives pour les passagers aériens: par- dont celles concernant les aéroports de Paris- cours directs, dédiés, assurant du porte-à-porte Charles-de-Gaulle (CDG Express), Bangkok et entre l’aéroport et différents points stratégiques Sao Paulo. Conçues pour prolonger le voyage de la métropole. aérien, ces liaisons sont: - directes entre l’aéroport et le centre, car Assurer les meilleures connexions possibles dédiées aux passagers aériens; et optimiser l’information - fréquentes : généralement toutes les 10 ou L’attractivité des services de transport en com- 15 min tout au long de la journée; mun desservant les aéroports passe par la mini- - exploitées par un matériel adapté au trans- misation des parcours piétonniers entre les port des passagers aériens: confort, informa- gares routières ou ferroviaires et les terminaux tions embarquées sur le trafic aérien, espaces aériens. Une attention particulière doit être pour les bagages. apportée aux gares ferroviaires car leur implan- Les deux gares terminales sont situées de façon tation sur la plate-forme aéroportuaire est moins à offrir les meilleures connections: aisée que celle des gares routières. La meilleure - avec les terminaux aériens (gare de l’aéro- implantation est généralement à proximité port); du hall d’enregistrement ou du hall de livrai- - avec les réseaux de transport en commun son des bagages, avec mécanisation des che- urbains (gare du centre). minements piétons. Plusieurs aéroports inter- La gare du centre offre parfois la possibilité nationaux présentent de bons exemples de d’enregistrer les bagages pour le vol aérien, connexions entre gares et terminaux: mais ce service de pré-enregistrement connaît - Hong Kong: arrivée des trains au niveau du un succès mitigé auprès des usagers et coûte © IAUhall d’enregistrement île-de-France (niveau supérieur de cher aux compagnies aériennes, d’où sa sup- l’aéroport) et départ des trains au niveau du pression dans un certain nombre de gares : hall de livraison des bagages (niveau infé- Victoria et Paddington à Londres, Nuevos Minis- rieur); terios à Madrid, gares centrales de Vienne, - Londres-Stansted: gare implantée au sous-sol Munich, Moscou, Hong Kong. Réalisées la plu- de l’aéroport et liaison par escalator entre le part du temps dans le cadre de partenariats quai d’arrivée des trains et le hall d’enregistre- public-privé, ces liaisons express offrent des ment et entre le hall de livraison des bagages tarifs plus élevés que ceux des transports et la quai de départ des trains; publics régionaux, le prix du billet étant déter- - Amsterdam: gare implantée sous le hall com- miné à l’avance en fonction des estimations de mun à l’enregistrement et à la livraison des trafic. Compte tenu du niveau des tarifs appli- 90 qués, ce type de liaison devrait être envisagé pour la plupart des terminaux. D’où un usage en complément de liaisons existantes moins modéré des transports collectifs par les passa- chères et moins performantes, et non en subs- gers aériens (40 % pour Paris-CDG et 26 % pour titution ou comme seul moyen d’accéder à la Paris-Orly) et une concurrence marquée des zone centrale. S’adressant en premier lieu à la taxis, vu la situation des aéroports au sein de clientèle des taxis, les liaisons express dédiées l’agglomération francilienne. Le pourcentage sont de nature à augmenter de façon non négli- de 40 % pour l’aéroport de Paris-CDG se décom- geable la clientèle des transports collectifs: à pose en fait en 34 % pour les transports régio- Londres, la réalisation de Heathrow Express, en naux et 6 % pour la desserte TGV assurée par 54 complément de la desserte assurée par la ligne trains quotidiens. Le pourcentage des transports Picadilly du métro, a permis d’augmenter de régionaux devrait augmenter à la mise en ser- 33 % la part d’utilisation des modes ferrés par vice (2012-2015) du projet de liaison dédiée les passagers aériens. CDG Express (640 millions d’euros), laquelle pourrait réduire de plusieurs points la part des L’intermodalité air-fer taxis (actuellement de 30 %). Quatre trains Les premières gares d’intermodalité entre directs par heure et par sens relieront en 20 min l’avion et les trains grandes lignes (trains à l’aéroport à la gare de l’Est dans Paris, sur des grande vitesse notamment) ont vu le jour en voies indépendantes de celles du RER B dont Europe, et désormais plusieurs aéroports en la fréquence et la régularité seront améliorées. sont équipés: Par ailleurs, un projet de raccordement ferro- - Paris-Charles-de-Gaulle et Lyon-Satolas en viaire au réseau Nord SNCF devrait faciliter l’ac- France; cès à l’aéroport depuis la région Picardie voi- - Amsterdam aux Pays-Bas; sine. La desserte de l’aéroport de Paris-Orly sera - Francfort, Düsseldorf, Cologne-Bonn et Leip- étoffée par la ligne de tramway en cours de réa- zig en Allemagne; lisation sur la RN 7, mais ce projet intéresse plus - Genève et Zurich en Suisse. les employés de la plate-forme que les passagers La complémentarité avion-train, optimale entre aériens. L’aéroport pourrait également bénéfi- les vols long-courrier et les trajets en train d’une cier d’une gare TGV, implantée sur un nouveau durée inférieure à trois heures, permet d’ache- tracé à l’étude de la ligne d’interconnexion sud miner par chemin de fer une part non négli- des TGV. geable de passagers aériens (13 % à Düssel- dorf). Elle permet par ailleurs d’accroître la clientèle aérienne du fait: - de l’élargissement du marché de l’avion sur des liaisons ne pouvant être assurées par ce dernier; - de l’augmentation de la capacité de l’aéro- port, suite à la suppression des vols court cour- rier nouvellement assurés par fer. Le succès de ces gares d’intermodalité passe par une bonne coopération entre les compa- gnies aériennes et les exploitants ferroviaires, afin d’optimiser les services offerts: coordina- tion des horaires, billet combiné avion-train, enregistrement des bagages dans les gares de départ comme cela est le cas dans les gares suisses et dans celles de Cologne, Stuttgart et Bruxelles.

Le cas des ©deux aéroports IAU de Paris île-de-France Les aéroports de Paris-Orly et Paris-Charles-de- Gaulle bénéficient d’une desserte par le réseau RER, d’où une accessibilité depuis les secteurs de banlieue traversés et, ce qui est un avantage, depuis plusieurs gares parisiennes. Ces services manquent cependant de performance, du fait Les aéroports franciliens bénéficient des arrêts nécessaires à la desserte régionale d’une bonne desserte ferrée, et de l’inconfort des trains durant les heures de comme Orlyval pour Orly, pointe. Par ailleurs, la connexion à l’aéroport mais l’offre gagnerait à être se fait par l’intermédiaire de navettes Val ou bus Dumax RATP/Gérard améliorée. 91 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Faire face aux demandes de transports collectifs

Jürgen-Peter Hiller(1) Ministère Aéroport Berlin-Brandebourg des Infrastructures et de l’Aménagement International : desserte ferrée optimisée du territoire du Land Brandenburg Les besoins du transport aérien national et international des Länder de Berlin et du Brandebourg ont conduit ces derniers à décider la construction d’un nouvel aéroport international pour la région: Berlin-Brandebourg International (BBI). Avec une volonté d’optimisation de la desserte ferrée en transports collectifs.

e futur aéroport devrait employer 19000 font l’objet de plus gros investissements, dont: personnes et accueillir 22,5 millions de - la construction d’une gare à six voies et trois L passagers aériens et un million de visi- quais en dessous du terminal aérien du BBI; teurs au cours de l’année 2013-2014. Après de - la construction de 15 km de double voie fer- nombreuses discussions, les deux Länder ont rée électrifiée reliant la ligne de Görlitz à la décidé d’agrandir et de moderniser l’actuel rocade extérieure, via la gare de l’aéroport aéroport de Berlin-Schönefeld, autour duquel BBI et un tunnel creusé sous la plate-forme un plan de développement urbain et régional aéroportuaire; commun (Landesentwicklungsplan) a été dé- - le prolongement de la ligne S-Bahn desser- fini. Ce site, au sud-est de Berlin, a été retenu vant l’aéroport actuel de Schönefeld jusqu’à du fait de la disponibilité des terrains, mais aussi la gare du futur aéroport. de sa proximité avec la métropole, lieu d’ori- La conception du schéma de desserte ferro- gine de la majorité des déplacements aériens, viaire permettra de desservir la gare de l’aéro- afin de limiter la dispersion des parcours ter - port par: - un service Airport Express, exploité par au Implantation et desserte du futur aéroport moins quatre trains par heure qui relieront de Berlin-Brandebourg International l’aéroport à la gare centrale de Berlin en 20 min, en desservant deux gares intermé- diaires importantes (Südkreuz et Potsdamer Platz); - les services de deux lignes de S-Bahn, qui assu- reront toutes les 10 min des connexions entre l’aéroport et les réseaux de transport en com- mun de la métropole; - des trains régionaux et longue distance, natio- naux ou internationaux (liaisons avec la Pologne et la République tchèque notam- ment), dont les Inter City Express (ICE), trains à grande vitesse. Cette desserte ferroviaire étoffée et diversifiée sera complétée par de nombreux services d’au- tobus. La mise en place de la desserte ferro- viaire s’effectuera en plusieurs étapes, étant donné l’importance des travaux à réaliser et les délais des travaux en cours sur certaines parties restres des passagers aériens et de réduire la du réseau ferré régional, notamment la ligne pollution et la consommation d’énergie. de Dresde: par exemple, à l’ouverture de l’aéro- © IAULes planificateurs île-de-France se sont donné comme objec- port en 2011, l’Airport Express ne circulera que tif d’atteindre un taux d’utilisation des trans- toutes les 30 min, et deux trains régionaux par ports en commun par les passagers aériens de heure compléteront la desserte en reliant l’aé- 50 %. La conception et la desserte du futur aéro- roport à l’axe ferré traversant le centre de Ber- port BBI prennent en compte cette ambition. lin (Stadtbahn). Le pourcentage d’utilisation Les aménagements routiers sont relativement des transports en commun devrait augmenter réduits: un raccordement à l’A113 assurera l’ac- progressivement et passer de 23 % à 32 % à la cès au centre de Berlin et au reste de la métro- fin des travaux sur la ligne de Dresde. pole (via les rocades A100 et A10), et un élargis- (1) Responsable du département des chemins de fer, minis- sement de la B96 bis, la liaison avec Potsdam. tère des Infrastructures et de l’Aménagement du territoire L’accent est mis sur les réseaux ferroviaires qui du Land de Brandebourg. 92 Développer des offres alternatives

Management de la mobilité : perspectives franciliennes 94

Management de la mobilité : une dynamique qui s’amplifie en Europe 96

Gérer la mobilité à Londres 100

Vers des usages partagés de la voiture 101

Vélos partagés : une floraison d’initiatives dans le monde entier 105

Taxis et transports publics en Île-de-France : quelle articulation ? 106

Taxis de Londres, Madrid, Berlin : © IAU île-de-Francedes idées pour l’Île-de-France 107

Les automobiles de demain : des voitures propres et partagées ? 110

93 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Développer des offres alternatives Management de la mobilité : perspectives franciliennes Céline Meunier(1) Arene Île-de-France

Le management de la mobilité a été introduit en Île-de-France à la fin des années 1990, avec l’objectif principal de rationaliser l’usage de la voiture au profit des modes alternatifs. Renforcé dans le cadre du plan de déplacements urbains de 2000, il continue de se développer aujourd’hui. Comment? Avec quel objectif? Zoom sur les dispositifs et actions menées en Île-de-France. C. Meunier/ARENE

Le conseil régional d’Île-de-France, e management de la mobilité (MM) a port mais de compléter celle-ci par des mesures l’Ademe et l’Arene Île-de-France pour objectif principal de rationaliser dites «souples ou douces», généralement peu co-animent le réseau francilien L l’usage de la voiture au profit des modes coûteuses et rapides à mettre en place. Il a voca- «Partenaires pour l’écomobilité» alternatifs. Moins consommateurs d’énergie, tion à dépasser le cadre strict du transport pour de l’école à l’université, moins émetteurs de polluants et de gaz à effet interagir avec d’autres domaines comme l’urba- qui compte aujourd’hui plus de serre, ces derniers sont aussi plus favorables nisme, l’organisation des entreprises, etc. de quatre-vingt membres. à la santé, à la sécurité et à la convivialité, et Ici, le Pédibus à Nanterre. souvent moins coûteux. Les modes et champs d’intervention D’un point de vue plus opérationnel, le MM Une nouvelle approche prend appui sur: Pour ce faire, le MM part du constat qu’agir sur - le conseiller en mobilité, facteur décisif pour l’offre ne suffit pas et qu’il faut également assurer une interface entre les acteurs; réorienter la demande et faciliter l’accès à une - une méthode d’intervention participative et mobilité alternative pour tous. Le MM implique ciblée: diagnostic et plan d’actions concerté; en ce sens un changement de culture et de pra- - une articulation des interventions publiques tiques en matière de déplacements, tant pour et privées aux différentes échelles. les usagers de transport que pour les décideurs publics. Il nécessite une meilleure connaissance Il repose sur six principaux champs d’action: et compréhension des usages et des usagers, - améliorer l’information multimodale; afin de définir des actions adaptées pour modi- - conseiller les acteurs du territoire; fier les pratiques de transport. Il privilégie deux - optimiser l’usage de l’offre existante; grandes familles de cibles: - créer de nouveaux services de mobilité; - l’usager de transport (personne physique), - aider l’usage des modes alternatifs; © IAUqu’il soit résidentîle-de-France ou de passage; - comprendre et anticiper les besoins de mobi- - le générateur de trafic (personne morale) : lité. entreprise, zone d’activités, centre commer- cial, centre administratif, école… Fondé sur une action partenariale, le MM néces- site de coordonner les différents acteurs(2) afin de mener des actions d’ensemble, chacun assu- mant sa responsabilité à son niveau (responsa- (1) Céline Meunier est chargée de mission mobilité durable bilité solidaire). Il se distingue également par au sein de l’Arene Île-de-France. (2) Par exemple autorité organisatrice/entreprise/mairie/ son approche transversale et souple: il n’a pas transporteur, ou encore mairie/parents d’élèves/directeurs pour but d’enrichir l’offre « lourde » de trans- d’école. 94 Le développement du MM tion faite par le plan de protection de l’atmo- Lexique en Île-de-France sphère, pour environ 150 établissements franci- Management de la mobilité (MM): Le MM est encouragé depuis la fin des années liens, de mettre en place un PDE. En juillet 2008, le terme désigne l’approche adoptée par un acteur public ou privé 1990 grâce à l’action pionnière de l’Ademe et l’Ademe dénombrait une soixantaine de PDE (une collectivité, une entreprise, un centre de l’Arene Île-de-France. Ces actions sont confor- en cours dans la Région, incluant ceux en phase administratif, un opérateur de transports tées depuis 2000 par le plan de déplacements de lancement(6). collectifs, etc.) pour rationaliser les urbains de l’Île-de-France (PDUIF) et ses pres- pratiques de déplacement des publics criptions en matière de gestion de la mobilité Les agences locales de mobilité qu’il cible (habitants, écoliers, employés, clients, usagers de transport, etc.) pour les déplacements des écoliers et des L’agence locale de mobilité (ALM) est l’instru- en intervenant essentiellement employés. ment par excellence du MM à l’échelle territo- sur la demande (information, conseils, riale. Elle permet de coordonner et centraliser organisation, marketing, etc.) et en L’écomobilité scolaire en plein essor les actions de MM menées sur un territoire et privilégiant les partenariats et la participation Impulsée par le PDUIF(3), l’éco-mobilité scolaire d’en mutualiser les coûts (notamment en res- des publics ciblés. est apparue en 2002 via un groupe de villes sources humaines). Cette activité reste encore Ademe: Agence de l’environnement pilotes lancé par l’Ademe et l’Arene. Rejoints peu développée en Île-de-France avec deux et de la maîtrise de l’énergie. en 2006 par le conseil régional d’Île-de-France, agences en activité (association Voiture&co, Arene: Agence régionale ils co-animent, ensemble, depuis 2005 le réseau une agence à Nanterre, une à Paris). Cinq ALM de l’environnement et des nouvelles francilien Partenaires pour l’écomobilité de sont développées au niveau national. Mais de énergies. Commerce: Creating optimal mobility l’école à l’université, qui compte aujourd’hui nombreux projets, majoritairement portés par measures to enable reduced commuter plus de 80 membres, dont environ 70 collectivi- des collectivités sont en gestation : treize en emissions. Projet de trois ans cofinancé tés locales. Ce réseau apporte à ses membres: France, dont neuf en Île-de-France. par la Commission européenne - des aides financières (Ademe et Région) pour à travers le programme Énergie intelligente la réalisation d’études (plans) ou d’actions; Le conseiller en mobilité, une clé de la réussite Europe. (www.commerce-eu.org) - des ressources: informations et échanges d’ex- Le recrutement d’un conseiller en mobilité est périences, formations, outils (programme indispensable pour développer une politique annuel d’activités, lettre d’informations, kit efficace et pérenne de MM sur un territoire, le pédagogique, kit Marchons vers l’école…); retour d’expérience le prouve. Il remplit des - un accompagnement des membres dans leur missions de promotion, d’information, de coor- projet et leur évaluation. dination des acteurs, de marketing, et d’assis- En 2008, 161 démarches ont été recensées en tance sur les plans de déplacements et offre Île-de-France dont soixante-dix bus pédestres, des conseils personnalisés. En Île-de-France, cinquante plans de déplacements scolaires l’activité se développe progressivement dans (PDES) ainsi que des actions pédagogiques(4). les ALM, les collectivités, les associations et les Tous les ans, plus d’une trentaine de collectivi- chambres de commerce et d’industrie. tés participe à «Marchons vers l’école» opéra- tion internationale de sensibilisation à la pra- Vers une mobilité durable tique des modes actifs sur le trajet de l’école. En Le MM représente une réelle opportunité pour octobre 2008, quarante-trois participants(5) ont les acteurs régionaux (Région, Stif, Ademe, mobilisé environ 250 écoles et 50000 écoliers. collectivités…) de conforter leurs initiatives pour réduire la consommation d’énergie et les Pro’Mobilité: la dynamique régionale émissions de gaz à effet de serre associés au autour des déplacements des salariés transport. Par ailleurs, le MM met en cohérence Depuis près de dix ans, l’Ademe et l’Arene met- les usages avec les évolutions de l’offre en trans- tent en place des actions de promotion (forums port alternatif, et donc avec les investissements d’échanges, visites de terrain) des plans de réalisés en infrastructures, équipements ou déplacements d’entreprise (PDE). En outre, services. Il est complémentaire aux politiques l’Ademe accorde des aides financières aux d’offre et indispensable à l’efficacité écono- entreprises pour réaliser leur PDE. Fin 2007, la mique, sociale et environnementale du système Région Île-de-France s’est engagée dans le pro- de transport. En ce sens, il contribue directe- jet européen© Commerce quiIAU a pour but de faci- mentîle-de-France aux politiques de développement dura- liter le développement des PDE en Europe. Ce ble. projet a permis de redynamiser les actions en Île-de-France en fédérant les acteurs concernés à l’échelle régionale sous une bannière com- (3) Le PDUIF vise notamment à réduire de 10 % la part de mune: Pro’Mobilité. En parallèle, l’Ademe Île- dépose en voiture au profit de la marche pour les trajets C. Meunier/ARENE domicile-école. de-France a créé un réseau PDE, le Club capitale (4) Évaluation réalisée par l’Ademe à l’échelle nationale en Le projet européen Commerce mobilité, pour améliorer la diffusion d’informa- 2007-2008. a pour but de faciliter tions vers les porteurs de projet PDE et faciliter (5) Dont trente-six communes, des associations de parents le développement des plans d’élèves et des écoles. leurs échanges. Enfin, il faut souligner une évo- (6) Source: Club mobilité capitale animé par l’Ademe Île- de déplacements d’entreprise lution réglementaire encourageante: l’obliga- de-France, juillet 2008. en Europe. 95 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Développer des offres alternatives Management de la mobilité : une dynamique qui s’amplifie en Europe

Les Cahiers – D’où vient le concept villes pratiquant le MM. Londres a notamment de management de la mobilité (MM), développé une approche systématique auprès quand et où a-t-il été créé ? Comment des écoles, des entreprises et des administra- est-il répandu aujourd’hui et existe-t-il tions. Le MM est également très utilisé en Suède, MOR une définition commune ? où l’administration des routes soutient ces

FGM-A Karl-Heinz Posch – Le management de la actions dans le but d’éviter les voyages inutiles, mobilité, sous l’appellation management de la et, de ce fait, la construction de certaines infra- Interview demande de transports, a été appliqué pour la structures. Le gouvernement apporte un sou- première fois par les Américains dans les tien financier pour les opérations qui utilisent années 1970, lors de la crise pétrolière. L’objec- la méthode d’évaluation préconisée(3). Les Pays- tif était de diminuer l’usage de la voiture parti- Bas ont également développé de nombreuses Karl-Heinz Posch est culière au profit du covoiturage et des trans- actions, particulièrement pour les entreprises, coordinateur de la plate-forme ports en commun, ce qui a mal fonctionné du car une loi stipule que celles de plus de 300 européenne sur le management fait d’une offre en transport collectifs insuffi- employés doivent appliquer un plan de mobi- de la mobilité (Epomm) sante et de systèmes de covoiturage encore dif- lité. Les travaux de reconstruction des auto- et du Max Project depuis 2006. ficiles à maintenir sur la durée. Au début des routes sont toujours accompagnés de mesures Diplômé en planification années 1990, des opérations similaires ont de MM, afin que les usagers utilisent d’autres des transports de l’université émergé en Europe, particulièrement aux Pays- moyens de transport pendant les travaux. Le de Graz (Autriche), Bas, sur le modèle américain, mais sous le nom gouvernement hollandais teste également un il est, depuis 1999, directeur de management des transports. À la même dispositif qui permet aux usagers de recevoir de scientifique chez FGM-Amor, période, l’Allemagne a développé un système l’argent s’ils utilisent leur véhicule en dehors le centre de recherches de regroupement de l’information sur les trans- des heures de pointe. sur la mobilité autrichienne ports. L’institution, appelée Centrale de mobilité, L’Allemagne est LE pays des centrales de mobi- (Amor). FGM-Amor est a été progressivement chargée, d’inciter les lité avec plus de soixante centrales en fonction- une organisation indépendante entreprises à favoriser l’usage des transports en nement aujourd’hui. Le pays vient juste de lan- à but non lucratif, proposant commun. Cette nouvelle action a donné nais- cer une plate-forme nationale dans l’objectif conseils, formation et aide sance au concept de management de la mobi- de rendre les actions systématiques. à la réalisation de projets lité en 1992. Cette formule s’est ensuite éten- L’Autriche a également une plate-forme natio- s’inscrivant dans le cadre due à d’autres activités influençant les nale nommée Klima Aktiv Mobil,qui présente de du management de la mobilité comportements de mobilité. L’expression s’est nombreux projets et soutient les mesures de auprès des institutions répandue hors d’Allemagne et a gagné d’au- gestion de la mobilité dans le domaine des publiques et des entreprises tres pays européens. En 1994, l’Union euro- administrations, des écoles et des entreprises. privées, pour promouvoir péenne a lancé un programme qui visait à La France est très active en matière de création les bonnes expériences encourager le MM, avec deux grands projets: de plans de déplacements urbains (PDU), mais de mobilité internationales Momentum et Mosaic, regroupant les princi- le MM systématique n’est pas très répandu, et européennes. paux pays actifs en matière de MM, notamment excepté dans quelques villes. En Italie, de nom- la Suisse, l’Autriche, l’Allemagne, les Pays-Bas et breux plans de mobilité ont été réalisés parce le Royaume-Uni. Tous ces pays avaient lancé qu’obligatoires, particulièrement pour les entre- des opérations qui pouvaient être regroupées prises, mais souvent sans suites concrètes, sous la dénomination MM. À la fin du projet excepté dans quelques villes (notamment Momentum en 1997, a été créée la Conférence Parme). L’Espagne était peu active mais elle le européenne sur le management de la mobilité devient : elle a mis en place un programme (Ecomm) qui est devenue un rendez-vous national de soutien depuis un an, avec encore annuel. La Plate-forme européenne sur le mana- peu de résultats. © IAUgement de la île-de-Francemobilité (Epomm)(1), créée pour Durant toutes ces années, le concept de MM a la gestion de cette conférence sous forme d’as- mûri et bénéficie aujourd’hui d’une définition sociation internationale, a notamment un objec- partagée: il s’agit de promouvoir un transport tif de lobbying auprès de la Commission euro- durable tout en gérant la demande et en péenne, qui soutient financièrement les œuvrant pour un changement des comporte- actions(2).Aujourd’hui, le concept est actif dans

plusieurs pays. Le Royaume-Uni possède un (1) http://www.epomm.org/ réseau national nommé Association for Com- (2) Particulièrement l’Intelligent Energy Agency. muter Transport Travelwise (ACT-Travelwise). (3) Sumo est un outil d’évaluation développé en tant que projet européen, par la suite traduit en suédois et adapté à la Cette plate-forme nationale regroupe des entre- situation du pays. Une centaine de projets suédois ont été éva- prises appliquant des plans de mobilité et des lués grâce à cette méthode. 96 ments. Le MM recouvre le plus souvent des promotion de la bicyclette: assurer la présence Max Project: une définition mesures soft dans tous les domaines, au-delà d’espaces pour le stationnement des vélos au «européenne» du management des transports, avec une bonne coordination domicile et sur le lieu de travail ainsi que les de la mobilité Max est le dernier programme européen entre les différents partenaires. Il peut ainsi être moyens de les réparer aisément à proximité. de recherche sur le MM. Il a débuté pris en compte dans les processus de planifica- Certaines entreprises offrent des services de en octobre 2006 et devrait se terminer tion urbaine. réparation et une révision de bicyclette au prin- en 2009 à Cracovie. Les participants temps. Je trouve cette initiative très positive. ont proposé une définition commune L. C. – Quels sont les acteurs de la ville Une nouvelle tendance consiste à appliquer le du management de la mobilité comme base de leur travail: le MM est un concept impliqués et les différentes approches MM au logement, partant du principe qu’une visant à promouvoir la mobilité durable du MM dans les métropoles grande majorité des déplacements a pour ori- et optimiser l’usage de l’automobile européennes ? gine ou destination le domicile, et qu’agir à la par un changement des comportements K.-H. P. – Le MM consiste à se rendre là où est source rendra les actions plus efficaces. Celles- des usagers. Il consiste essentiellement généré le trafic et à tenter de changer le com- ci pourraient être intégrées au processus de à mettre en place des mesures soft (4) comme l’information et la communication, portement des usagers sur place. À l’origine, les planification de l’aménagement du territoire . l’organisation de services actions étaient concentrées sur les entreprises, C’est le cas par exemple d’un projet immobilier et la coordination des différents acteurs. et visaient à changer les modes de déplace- pour un nouveau quartier visant à loger 20000 Ces mesures améliorent souvent l’efficacité ment des employés. Désormais, elles sont élar- personnes à Vienne. des mesures hard mises en place gies à toutes les institutions. Les administrations, dans les transports urbains. Les mesures MM (en comparaison des mesures hard) notamment municipales, font la promotion du L. C. – Quel est le rôle de la plate-forme ne nécessitent pas forcément MM et essayent en premier lieu de se l’appli- européenne sur le MM (Epomm) des investissements financiers importants quer à elles-mêmes (incitations à l’usage des et quels sont ses objectifs ? et peuvent avoir un ratio coût-bénéfice transports en commun ou des bicyclettes, prêt K.-H. P.– Epomm vise à promouvoir le dévelop- élevé. de vélos d’entreprise pour les courts trajets, co- pement du MM et soutenir l’échange d’infor- http://www.max-success.eu/ voiturage pour les voyages d’affaires et de loi- mations et d’expériences entre les différents sirs, etc.). Par ailleurs, les actions portent de pays européens. Elle est censée être la plate- plus en plus sur les écoles, afin de combattre la forme des plates-formes nationales, même si tendance à l’accompagnement des enfants en celles-ci sont encore rares. Nous tentons d’ai- voiture: bus pédestre ou pédibus, réorganisa- der au développement du MM en organisant tion de l’offre bus, ou même covoiturage. des ateliers et en regroupant des représentants de chacun des sept pays représentés. Nous nous réunissons deux fois par an et débattons de Epomm, la plate-forme européenne questions précises comme les nouveautés euro- sur le management de la mobilité, péennes, ou bâtissons des équipes sur des sujets regroupe aujourd’hui sept pays spécifiques comme la manière d’instaurer le européens. L’objectif est de tous co-voiturage. Nous essayons aussi de standar- les rassembler à terme. diser certains éléments tels que la définition du MM ou son évaluation. Epomm organise aussi la conférence annuelle Ecomm. Le déve- loppement d’Epomm continue: sept pays euro- péens en sont actuellement membres. L’objec-

wonderferret/Flick’r tif est, à terme, de tous les rassembler. Partout dans le monde, et en particulier en Europe, des métropoles font la promotion du management. L. C. – Pouvez-vous nous fournir quelques exemples de bonnes pratiques (organisation, actions, etc.) de MM en Europe et nous expliquer leur intérêt, Des actions de MM sont également engagées leurs avantages et leurs limites ? lors de grands événements sportifs, tels que des K.-H. P.– Munich, Londres, Brême, Bruxelles, Graz, matches de football, avec par exemple un titre les exemples sont nombreux et variés. La ville de transport© intégré auIAU prix du billet. De deîle-de-France Munich distribue un kit mobilité de bienve- manière générale, la promotion des transports nue à tous les nouveaux habitants, comprenant en commun est un point central du MM. Agir des informations sur l’organisation des trans- auprès des personnes qui déménagent ou qui ports, un ticket-test gratuit valable une semaine changent de travail, période favorable à une pour tous les transports en commun, un guide réflexion sur la mobilité, peut entraîner un chan- horaire personnalisé et des renseignements pré- gement de comportement, surtout si cette cis en fonction du lieu d’habitation. Dans un action est appuyée par des informations sur les deuxième temps, la ville établit un contact per- transports en commun et un ticket-test, valable une semaine, pour sensibiliser à l’efficacité du (4) Ce point est développé dans le Max Project (lire aussi la système. Une autre priorité du MM concerne la note ci-dessus, à droite). 97 Offrir des services attractifs Développer des offres alternatives et durables Les Cahiers n° 150 Management de la mobilité : une dynamique qui s’amplifie en Europe

sonnel par téléphone afin de s’assurer que les tation de leur usage, tout autant que la hausse personnes disposent des informations suffi- du prix du pétrole. Par ailleurs, la qualité intrin- santes. Cette démarche s’est révélée fructueuse sèque des réseaux de transports publics et a conduit à un accroissement de l’usage des influence l’impact des actions, de même que la transports en commun de ces nouveaux habi- part des comportements à modifier: dans une tants. Beaucoup d’argent a été dépensé dans école où 50 % des enfants sont conduits en voi- cette action mais, en contrepartie, de moindres ture, les actions mises en place ont plus de sommes ont été dépensées pour les transports chance de se faire sentir que s’ils ne représen- publics. La ville supervise cette opération avec tent que 10 % des élèves. On estime qu’après la un budget d’environ un million d’euros par an. mise en place d’un plan de mobilité dans une Londres a une approche systématique du MM école ou une entreprise, l’usage de la voiture dans les entreprises. Une équipe de vingt baisse en moyenne de 5 % à 25 %. Si les condi- » Le concept de management personnes travaille sur le management de tions sont très favorables à ce changement, de la mobilité vise la demande de transports, appellation vous pouvez atteindre des résultats bien meil- locale, et met en place des plans de mobi- leurs. à promouvoir un transport lité, analysant les déplacements domicile- durable tout en gérant travail des employés des entreprises et pro- L. C. – Comment les actions de MM la demande et en œuvrant posant des actions et objectifs ciblés pour sont-elles intégrées dans le processus pour un changement chacune d’entre-elles. Il en est de même global de planification et d’organisation des comportements. maintenant pour les écoles: l’objectif est des autres modes de transport ? Recouvrant plusieurs de réaliser un plan de mobilité pour K.-H. P.– Je peux seulement vous dire comment chaque école en 2009. elles devraient être intégrées! À Vienne, pour domaines, il peut s’inscrire Brême a instauré un ticket qui peut être un nouveau quartier de 5000 habitants, nous dans les processus utilisé pour les transports en commun mais souhaitons prévoir l’ensemble des alternatives de planification urbaine. « aussi pour le co-voiturage, qu’elle promeut dès la conception: transports en commun, co- activement comme partie intégrante de la voiturage, emplacements pour garer les bicy- mobilité. Bruxelles pousse encore plus loin l’ex- clettes, afin de réduire au minimum l’offre en périence: la municipalité bruxelloise soutient stationnement automobile. Ces alternatives doi- une initiative en faveur des usagers qui se débar- vent être mises en avant auprès des futurs nou- rassent de leur voiture pour modifier leurs habi- veaux habitants du quartier, mais aussi auprès tudes de mobilité.Ils obtiennent, en échange, un des promoteurs et aménageurs, qui doivent inté- ticket annuel pour les transports en commun et grer ces nouveaux enjeux et les faire valoir une adhésion pour bénéficier de covoiturage (notamment dans les brochures de vente). gratuit toute l’année (pour le propriétaire). Ils La ville doit, en parallèle, négocier avec les entre- peuvent également obtenir 400 € de subven- prises de transport qui fournissent les différents tion pour l’achat d’une bicyclette. Dans le cen- services. Cet exemple concerne un projet tre de mobilité de Graz, on trouve des informa- d’aménagement de quartier, mais le même prin- tions sur les soixante entreprises de transports cipe d’anticipation serait à appliquer à tous les en commun de la région. Ce centre vend des permis de construire (y compris les centres tickets pour les transports publics, les transports commerciaux et les entreprises). À ce sujet, on ferroviaires dans toute l’Europe et propose des peut citer l’exemple d’un nouveau centre com- locations de vélos et remorques. Il regroupe mercial (Sihl City), construit récemment à toutes les informations nécessaires sur le co- Zurich, où la ville a demandé une forte réduc-

Steirische Verkehrsverbund GmbH Steirische Verkehrsverbund voiturage et délivre les adhésions. Le nombre tion de l’offre de stationnement afin de limiter Le centre de mobilité de Graz d’usagers a augmenté de 20 % par an. Le coût l’impact de cet équipement sur le trafic. Le pro- (Autriche) centralise l’information du centre de mobilité est compensé par l’aug- jet prévoit la mise en place d’arrêts de trans- sur les transports collectifs mentation des ventes des tickets de transports ports publics, d’un service de livraison des de la région mais aussi en commun. achats à domicile, de places de parking pour les sur le covoiturage. bicyclettes et de quelques places de parking On peut y acheter© des ticketsIAU L. C. – Le MMîle-de-France a-t-il un réel impact payantes pour les voitures, ainsi qu’une large de train et y louer des vélos. sur la mobilité en général ? Les mesures campagne d’information. L’opération a été un soft pèsent-elles véritablement succès. Le centre commercial a accepté toutes sur la mobilité globale et améliorent-elles ces contraintes et il s’est même avéré que les incidemment l’impact des mesures hard places de parking, en nombre réduit, n’étaient (métro, lignes de tramway…) ? pas toutes utilisées. K.-H. P.– Les méthodes d’évaluation ne sont pas Ce type de démarche devrait être entrepris à la très approfondies et il s’avère difficile de surveil- mise en service d’une nouvelle ligne de bus ou ler les changements et surtout d’isoler les de tramway. L’entreprise de transport devrait y causes : une campagne de publicité pour les associer une campagne marketing, en particu- transports publics peut induire une augmen- lier auprès des riverains (prospectus, etc.) et, 98 pourquoi pas, leur offrir un service gratuit pen- dant quelques jours pour susciter des change- ments de comportement. Cela a été le cas à Leipzig, où la municipalité a dû reconstruire en 2000-2001 une partie de son réseau de tramway pour adapter l’écartement des rails aux normes du tramway moderne. Cela a causé un immense désordre et une très mauvaise image, contre laquelle la ville a décidé de réagir en mettant en place une action de MM: publicité en faveur des améliorations à venir et information auprès des usagers sur la démarche à suivre pendant la période de travaux, action auprès des com- merçants dans les rues affectées par les travaux, etc. L’opération s’est avérée si réussie que le mécontentement a cessé et les services intro- duits pendant la période de travaux ont été lar- À Zurich, la réduction de l’offre gement utilisés. de stationnement dans le nouveau centre commercial Sihl City, L. C. – Quels sont, selon vous, accompagnée de mesures favorisant les éléments clés pour que les métropoles d’autres modes (service de livraison passent un cap en matière de MM ? Sihlcity des achats), a été un succès. Se dirige-t-on aujourd’hui vers une reconnaissance générale ner. Mais cela est en train de changer. Il est très du concept ? important d’échanger des idées. De plus en plus K.-H. P.– Je pense que le premier élément clé est de personnes issues de ces pays participent celui des ressources. L’argent reste un aspect à la conférence annuelle (Ecomm), et aux primordial. Mais la mise en place des actions réseaux européens. Ils réalisent que les trans- nécessite également des ressources humaines ports peuvent être envisagés différemment avec affectées aux projets. Dans la plupart des villes, de petits budgets, et pas nécessairement avec le budget affecté aux mesures de MM est des infrastructures lourdes. minime ou inexistant. Il paraît normal de dépen- Pour les années à venir, je crois que l’une des ser des millions en infrastructures routières ou principales actions consistera à consacrer ferroviaires, et impensable de dépenser 30000 € davantage de moyens au MM. Nous devons pour une campagne en faveur de la circulation aussi encourager les échanges, afin que les habi- des vélos! Le deuxième élément consiste à ren- tants d’une ville puissent aller découvrir direc- dre systématique cette approche, à l’image des tement sur place la qualité des projets d’autres villes qui ont décidé d’avoir un plan de mobi- villes. Cette méthode constitue la meilleure lité pour chaque entreprise, chaque école et manière de véhiculer une nouvelle idée. Par ail- chaque événement sportif. Peut-être qu’un pas leurs, il me semble primordial de développer la supplémentaire consisterait à introduire le MM standardisation dans l’évaluation, afin de per- dans le processus de planification urbaine, en mettre les comparaisons entre projets. Ce sera fournissant des informations relatives à la mobi- un des principaux thèmes de la prochaine lité à tous les acteurs concernés, et en intégrant conférence annuelle (Ecomm) en mai 2009(5). la réflexion sur l’évolution des comportements au processus global d’élaboration des projets. Propos recueillis par Sophie Laurent Je pense que seules quelques villes ont franchi et Dominique Riou ce seuil. La plupart d’entre elles n’appliquent pas cette démarche dans sa totalité ou ne l’ap- pliquent pas© du tout. Comme IAU vous l’avez sans île-de-France doute remarqué, les membres d’Epomm sont uniquement des pays d’Europe de l’Ouest. Le processus d’intégration des pays d’Europe de l’Est est très long. Il m’est arrivé, lors d’un cours sur le MM, de proposer le défi suivant: «Si vous disposez d’un million d’euros, mais que vous ne pouvez pas les dépenser dans des infrastruc- tures, comment pouvez-vous l’utiliser?» Pour de nombreuses personnes issues des nouveaux pays membres de l’UE, c’était difficile à imagi- (5) http://www.ecomm2009.eu/ 99 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Développer des offres alternatives Gérer la mobilité à Londres

Le management de la mobilité se développe partout en Europe sous diverses Matthew Prince(1) formes. Londres présente la particularité d’avoir intégré cette compétence Transport for London au sein de l’autorité organisatrice des transports, avec un département spécifique, la Smarter Travel Unit. Description.

e développement du management de la • Plans de déplacements d’écoles : 71 % des mobilité (MM) a commencé à Londres, écoles de Londres ont un plan en activité. L il y a quinze ans environ, dans les • Vélo: cours de pratique du vélo, information boroughs qui travaillaient avec les associations. à destination des usagers. Lexique Au départ, il s’agissait surtout d’agir sur les • Une expérimentation de projet de déplace- Borough: circonscription administrative déplacements en lien avec les établissements ment personnalisé(2) a été réalisée dans le de Londres correspondant scolaires et les lieux de travail. En 2004, le minis- borough de Camden : rencontre entre des aux arrondissements. TfL: Transport for London, tère des Transports (DfT) a produit le rapport ménages pour discuter de leurs choix de autorité organisatrice des transports Smarter Choices qui a mis en avant l’impact déplacement et de la manière de les rendre du Grand Londres. bénéfique que pouvait avoir le MM sur la réduc- plus durables. Elle sera poursuivie ailleurs. DFT: Department for Transport, ministère tion de l’usage de la voiture et de la conges- • Des campagnes marketing et d’information des Transports. tion en Grande-Bretagne. Transport for London sont organisées, par exemple pour des événe- Smarter Travel Officers: correspondants MM locaux. (TfL) a mis en place une petite équipe dédiée ments de type «semaine de la mobilité». School Travel Advisors: correspondants pour soutenir les actions des trente- • Programmes intégrés: concentration simulta- locaux pour les déplacements trois boroughs dans ce domaine. Elle a grossi et née de tous les types d’actions sur une aire de/vers les écoles. est devenue le département Smarter Travel Unit. géographique limitée, afin d’observer l’impact DCSF: Department for Children, De leur côté, les trente-trois boroughs ont mis- sur les choix modaux; la première expérimen- Schools and Families, ministère de l’Enfance, de l’Éducation sionné, avec l’aide de TfL,des correspondants tation réussie dans la ville de Sutton sera pour- et des Familles. MM locaux, assistés de correspondants sub- suivie à Richmond upon Thames. régionaux (un pour sept boroughs environ) • Mise en œuvre et financement de Liftshare, financés par TfL. Des correspondants pour les site de covoiturage et de systèmes d’autopar- déplacements vers les écoles ont également tage (Car Clubs) par borough (plus de 1000 été placés dans chaque borough avec l’aide de véhicules et 50000 membres). TfL, du DfT et du ministère de l’Enfance, de • Prise en compte du MM dans les opérations l’Éducation et des Familles (DCSF).Ces dispo- d’aménagement: TfL a réalisé un guide à des- sitifs ont permis l’élaboration, dans tous les tination des aménageurs, qui ont l’obligation boroughs, de plans de déplacements d’entre- pour les opérations de bureau ou de logement prises (PDE) et de plans de déplacements de grande ampleur de réaliser un plan de d’écoles, ainsi que l’organisation de campagnes déplacements spécifique. en faveur du MM. Les effets des actions sont suivis de manière L’objectif de TfL est d’inciter les Londoniens à systématique par TfL, principalement via le logi- Résultats iTrace réfléchir sur les raisons et les modalités de leur ciel de modélisation iTrace (objectifs: observer - Plus de 1625 PDE recensés, mobilité, et de rendre plus durables leurs choix les changements de choix modal et vérifier l’ef- dont 150 Corporate et 300 Enterprise. modaux. Quatre principes guident les actions ficacité des plans de déplacement). On observe une baisse de 13 % de l’utilisation d’un véhicule par le seul de la Smarter Travel Unit : utiliser les transports L’équipe de TfL intervient en interne, à l’échelle conducteur. collectifs (TC), le vélo ou la marche à la place régionale auprès des boroughs, et auprès des - Plus de 2100 plans de déplacements de la voiture ; éviter les zones et périodes acteurs extérieurs comme les associations ou écoles et, depuis 2004, une baisse congestionnées ; marcher ou pédaler au lieu entreprises. En interne, elle participe aux études de 6,4 % de l’utilisation d’un véhicule d’utiliser les TC; adopter des comportements de planification et intervient dans l’élaboration par le seul conducteur pour un déplacement vers l’école. d’achat et d’usage des véhicules plus durables. des réglementations locales. Auprès des © IAUL’ensemble desîle-de-France modes est pris en considéra- boroughs, outre le support financier, elle tion. Les leviers d’action sont les suivants: apporte un soutien pour la réalisation des plans • Legible London (Londres lisible): système de de déplacements, des campagnes d’informa- repérage piéton pour favoriser le choix de la tion et journées d’action, des aménagements marche plutôt que les transports collectifs. pour les vélos ou les piétons. Elle assure aussi • PDE: deux packages, l’un pour les entreprises la coordination des actions à l’échelle du Grand de plus de 250 employés (Corporate), l’autre Londres, afin d’éviter les coupures d’un borough pour les entreprises de 20 à 250 employés à l’autre. (Enterprise). Plus de 10 % des 450000 actifs

londoniens travaillent dans une entreprise qui (1) Land Use Planning Manager, Smarter Travel Unit, TfL. développe ou a développé un PDE. (2) Personalised Travel Planning Project. 100 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Développer des offres alternatives Vers des usages partagés

Muriel Mariotto de la voiture Robert Clavel(1) Certu

Maîtriser l’usage de la voiture particulière est devenu un objectif fort des politiques publiques, mais les transports collectifs ne peuvent répondre à toutes les demandes de déplacements. Entre ces deux modes, il n’existait pas, jusqu’à présent, d’offre intermédiaire. Mais, depuis quelques années, de nouveaux services se développent. L’autopartage et le covoiturage commencent à offrir une alternative réelle à l’usage de la voiture en solo. V. Descamps/IAU îdF V.

Le covoiturage n 1996, la loi sur l’Air et l’utilisation L’autopartage: accéder à l’usage est une des alternatives à l’usage rationnelle de l’énergie a énoncé l’ob- d’une voiture sans en être propriétaire de la voiture en solo. E jectif d’une «diminution de la circula- «L’activité d’autopartage est définie par la mise tion automobile» dans les agglomérations. La en commun au profit d’utilisateurs abonnés nécessité de réduire les nuisances sonores, la d’une flotte de véhicules de transports terrestres pollution de l’air, la consommation énergétique à moteur. Chaque abonné peut accéder à un et les émissions de gaz à effet de serre, a conduit véhicule sans conducteur pour le trajet de son d’une part, à réaffirmer la volonté de maîtriser choix et pour une durée limitée ». C’est ainsi l’usage de la voiture particulière et, d’autre part, que le projet de loi Engagement national pour à mettre en œuvre des alternatives. Ainsi, le Gre- l’environnement (Grenelle 2) définit l’autopar- nelle de l’environnement s’est prononcé pour tage. la promotion de l’usage du vélo, de l’écomobi- Les enquêtes ménages déplacements les plus lité scolaire, du transport à la demande, de l’au- récentes (2007) ont révélé, sur plusieurs agglo- topartage et du covoiturage, au sein des plans mérations françaises, une réduction de l’usage de déplacements d’entreprises (PDE) et des de la voiture, alors même que l’équipement des plans de déplacements urbains (PDU). Il s’agit ménages en automobile continue de progresser. aujourd’hui de mettre en place une gamme Les modes alternatifs sont donc de plus en plus continue de services à la mobilité permettant crédibles, et l’usage de la voiture plus raisonné. de répondre à la diversité des demandes de Pour un usage ponctuel, une utilisation en déplacements, dans «les conditions écono- temps partagé, incluse dans un «bouquet» de miques et sociales les plus avantageuses pour services à la mobilité, avec un véhicule non la collectivité», conformément aux dispositions possédé, est possible. Toutefois, les expérimen- de la loi sur les transports intérieurs. tations démontrent l’existence de freins au © IAUL’autopartage etîle-de-France le covoiturage allient certains développement de l’autopartage. L’automobi- avantages de la voiture individuelle, comme la liste recherche une intensification d’usage pour finesse de desserte, le confort et l’intimité, et «amortir» son achat initial, sa méconnaissance d’autres avantages propres au transport collec- tif: moindre consommation d’espace, meilleure (1) Muriel Mariotto est chargée de projets management de performance énergétique, économique et envi- la mobilité et Robert Clavel est chargé de projets transports innovants au Centre d’études sur les réseaux, les transports, ronnementale par passager. Ils constituent ainsi l’urbanisme et les constructions publiques (Certu). Ce cen- une alternative crédible à l’usage de la voiture tre conduit des études dans le domaine des réseaux urbains, en solo. des transports, de l’urbanisme et des constructions publiques, pour le compte de l’État ou au bénéfice des collectivités locales, établissements publics ou entreprises chargés de mis- sions de service public ou des professions en cause… 101 Offrir des services attractifs Développer des offres alternative et durables Les Cahiers n° 150 Vers des usages partagés de la voiture

Lexique du coût réel d’usage et de possession d’une ment des ménages ayant recours à cette solu- Covoiturage: utilisation en commun voiture particulière faussant la comparaison tion. En outre, le développement des services d’une voiture particulière. coûts-avantages avec les autres modes. Or, en d’autopartage représente pour les collectivités Autopartage: mise en commun d’une flotte de véhicules de transports facturant à l’usage, l’autopartage permet une un potentiel de gain en termes d’occupation terrestres à moteur au profit d’utilisateurs optimisation du comportement économique de l’espace et de congestion. L’offre publique de abonnés. Chaque abonné peut accéder de l’utilisateur grâce à une meilleure percep- transports, en se conjuguant avec l’autopartage, à un véhicule sans conducteur tion de ce coût. Il porte ainsi les germes d’une garantit une offre plus efficace pour l’usager pour le trajet de son choix rationalisation de l’usage de la voiture, favorise intermodal et multimodal. L’autopartage per- et pour une durée limitée. PDE: plan de déplacements d’entreprises. l’usage des modes alternatifs et participe aux met donc une accessibilité optimisée aux lieux Un ensemble d’actions mises en œuvre conditions de réussite de services intégrés en d’activité, renforçant l’attractivité et la compéti- par une entreprise pour limiter l’usage matière de mobilité. tivité de certains territoires. individuel de la voiture dans les déplacements quotidiens Un développement aux retombées En France, des freins au développement à lever des salariés au profit de mode de déplacements alternatifs. prometteuses en Suisse et Allemagne On compte dix-neuf services d’autopartage en PDU: plan de déplacements urbains L’autopartage est aujourd’hui particulièrement France, présents principalement dans les cen- Centrale de mobilité: lieu d’information, développé en Suisse et en Allemagne, où tres urbains des agglomérations de plus de physique et/ou virtuel, destiné à fournir les densités d’utilisateurs sont les plus 100000 habitants. Ils comptent près de 10000 aux usagers des transports l’information élevées d’Europe (respectivement 972 et 122 adhérents, 60 % d’entre eux résidant à Paris, multimodale d’une agglomération. Le centre propose ses services utilisateurs pour 100000 habitants contre 7 en avec un ratio moyen de quinze adhérents par pour faciliter les déplacements de l’usager France). En Suisse, il existe un seul opérateur, véhicule sur l’ensemble des services. Les opéra- et peut constituer un observatoire Mobility Carsharing,présent sur l’ensemble du teurs sont essentiellement des entreprises com- des déplacements pour adapter territoire avec 2000 voitures et 80000 abonnés, merciales ou des sociétés coopératives d’inté- les services à la demande exprimée. soit environ 1 % de la population (le plus fort rêt collectif. Le développement de l’autopartage Projet européen Moses: projet de recherche collaboratif taux de pénétration au niveau d’un pays). À en France se heurte à des problèmes organisa- sur la période 2001-2004 pour développer Zurich, en particulier, 4 % de la population uti- tionnels. L’offre est encore trop peu dévelop- des services d’autopartage lise l’autopartage. En Allemagne, l’offre est plus pée pour permettre des économies d’échelle. et analyser le potentiel du marché éclatée et portée par des structures locales. L’équilibre financier des structures est contraint à l’échelle de l’Europe. L’autopartage regroupe 100000 usagers sur 250 par la faible adhésion des entreprises aux ser- villes. vices pour les déplacements professionnels, qui Le projet européen Moses a montré que les permettrait une utilisation des véhicules aux véhicules d’autopartage sont généralement uti- heures creuses. La méconnaissance des ser- lisés pour des déplacements liés aux loisirs et vices d’autopartage (une enquête(2) a indiqué aux achats. On observe une évolution vers une que seuls 8 % des Parisiens en 2007 pouvaient plus grande occupation des véhicules de l’au- définir le terme) et sa faible visibilité sont autant topartage, une moindre utilisation des modes de freins à son développement. La loi Engage- motorisés par les autopartageurs, un déséquipe- ment national pour l’environnement créera un nouveau cadre juridique indispensable au déve- loppement de l’autopartage: définition de l’ac- tivité, création par décret d’un label et possibi- lité de réserver des places de stationnement en surface pour les véhicules d’autopartage.

Le covoiturage: regrouper les usagers pour réduire la circulation Le covoiturage est défini dès juillet 1989(3) comme « l’utilisation en commun d’une voi- ture». Le covoiturage entre personnes privées ne doit pas donner lieu à une rémunération du conducteur, celui-ci partageant simplement © IAU île-de-Franceavec le(s) passager(s) les frais (carburants, péages, etc.) liés à l’utilisation de son véhicule. Le covoiturage est évoqué par la loi sur l’Air et l’utilisation rationnelle de l’énergie de 1996, puis par la loi Solidarité et renouvellement L’autopartage permet urbains de 2000, comme un moyen de réduire une accessibilité optimisée aux lieux d’activité, (2) Étude relative à l’autopartage à Paris: Analyse des compor- renforçant l’attractivité tements et des représentations qui lui sont associés, mairie de Paris, Ademe, 6-T, décembre 2007. et la compétitivité (3) Arrêté du 18 juillet 1989 relatif à l’enrichissement du voca-

de certains territoires. - Manolo Mylonas Photothèque Veolia bulaire des transports. 102 la circulation automobile, essentiellement à tra- vers les PDE, que les PDU doivent encourager au sein des administrations et des entreprises pri- vées. Plus récemment, le Grenelle de l’environ- nement préconise la suppression des obstacles Les dix-neuf services d’autopartage juridiques à son développement. en France comptent près de 10000 adhérents En France, une offre de services dont 60 % résident à Paris, qui croît rapidement et se structure avec un ratio moyen En 2007, on peut recenser près de 80 sites Inter- de quinze adhérents par véhicule (4) net de covoiturage en France , ouverts à tous, - Manolo Mylonas Photothèque Veolia sur l’ensemble des services. qui concentrent 430 000 inscrits et 500 000 annonces. Le nombre de sites a été multiplié cile (taxis, navettes) en cas de désistement ou au moins par quatre depuis 1990. La croissance d’empêchement du conducteur. Dans certains du nombre d’inscrits a été importante sur l’an- cas, une gratification financière ou matérielle est née 2008, les sites les plus importants gagnant apportée par l’entreprise aux salariés faisant chaque jour entre 400 et 800 nouveaux mem- leur trajet domicile-travail en covoiturant. L’éva- bres. Plus de la moitié de ces sites, mis en œuvre luation nationale des PDE de juillet 2005, principalement par des associations dédiées, réalisée par l’Ademe, précisait que sur 240 proposent à la fois des trajets réguliers (domi- démarches recensées, le covoiturage représen- cile-travail ou domicile-école) et des trajets tait 19 % des actions. On observe entre 50 et occasionnels, notamment sur de longues dis- 600 inscrits selon les entreprises(6) mais il est tances, avec une majorité de trajets réguliers difficile d’avoir un retour précis de l’utilisation dans 32 % des cas. Le mode de mise en rela- réelle du covoiturage, qui nécessiterait une tion va du simple affichage des coordonnées enquête auprès des salariés. par les covoitureurs, avec prise de contact directe, à des systèmes d’alerte par courriel indi- Le covoiturage et les collectivités locales quant aux inscrits les offres correspondant à Depuis 2005, le covoiturage suscite un grand leur demande de trajet. Dans 84 % des cas, une intérêt de la part des collectivités locales. Les charte fixe un minimum de règles pour que le conseils généraux, les intercommunalités et les covoiturage se passe dans de bonnes condi- communes sont très actifs pour mettre en place tions. Il existe également des opérateurs de des sites Internet de mise en relation pour le covoiturage sous la forme d’entreprises privées covoiturage (24 % des sites recensés), une (Comuto, La Roue verte, Greencove, etc.) qui mesure peu coûteuse. Néanmoins, la création sont spécialisés dans des prestations de four- d’un tel site suppose un suivi et une actualisa- niture de sites à des collectivités ou entreprises. tion des données, afin que les offres proposées Certains opérateurs proposent en outre un ser- soient pertinentes et que le covoiturage soit un vice de sensibilisation et d’accompagnement service fiable. Certaines collectivités mettent de la mise en place de la démarche covoitu- également en place des aires de covoiturage rage en entreprise. Une Fédération nationale aux abords de certains échangeurs autorou- du covoiturage (Feduco)(5) s’est constituée en tiers, souvent en réponse à du stationnement septembre 2008, regroupant les principaux sauvage de véhicules dans ces zones. Ces aires acteurs associatifs et privés du covoiturage en peuvent éventuellement être multimodales France. Elle s’est donnée pour mission la promo- (arrêts des cars, etc). tion du covoiturage auprès des instances publiques et privées. Un de ses objectifs priori- Un département pilote en France: le Finistère taires est notamment de faire évoluer la régle- Le conseil général du Finistère est le premier à mentation en matière de covoiturage afin que avoir mis en œuvre une politique complète en cette pratique soit facilitée. faveur du covoiturage. Elle s’appuie sur trois © IAU piliers:île-de-France la sécurisation de la pratique (aires de L’entreprise, un lieu privilégié pour organiser covoiturage), la mise en relation (site Internet) le covoiturage et la sensibilisation (campagnes de communi- Le fait d’appartenir à une même structure cation). Le conseil général a pris à sa charge apporte une certaine confiance aux covoitu- l’intégralité des investissements, l’entretien des reurs. Par ailleurs, la saturation des parkings aires étant assuré par les collectivités compé- pousse les entreprises à mettre en place du tentes sur le territoire concerné. Lancé en covoiturage, à travers leur PDE. Elles peuvent par exemple réserver les places les mieux (4) Le covoiturage en France et en Europe - État des lieux et perspectives, Certu, 2007. situées aux covoitureurs, ou assurer aux passa- (5) http://www.feduco.org/ gers un service de garantie de retour au domi- (6) Op. cit. 103 Offrir des services attractifs Développer des offres alternatives et durables Les Cahiers n° 150 Vers des usages partagés de la voiture

Références bibliographiques septembre 2005, le site Internet de covoiturage(7) Les perspectives de développement est agrémenté d’une cartographie dynamique du covoiturage • Le covoiturage en France et en Europe - pour un repérage visuel de l’offre et de la Tout d’abord, pour augmenter les chances d’ap- État des lieux et perspectives, Certu, 2007. demande. Il a fait l’objet d’une importante cam- pariement entre les covoitureurs, le regroupe- • L’autopartage en France et en Europe - État des lieux et perspectives, Certu, 2008. pagne de communication trois mois avant son ment des offres de covoiturage et la mutualisa- • Projet européen Moses, Commission lancement. En janvier 2007, il a enregistré 2200 tion des bases de données seraient nécessaires, européenne, 2005. inscrits, dont 85 % résidant dans le département, afin de permettre à l’utilisateur de trouver un • Projet européen Civitas, Commission 157000 visiteurs et pas moins de 2500 mises en covoitureur sans pour autant être obligé de européenne : http://www.civitas-initiative.net relation effectives. s’inscrire sur plusieurs sites. Cette interopérabi- lité implique le soutien et l’engagement de Les bons élèves du covoiturage en Europe: divers acteurs (collectivités, entreprises, etc). l’Allemagne et l’Angleterre Pour faciliter la pratique du covoiturage, la col- Depuis la fin des années 1990, le covoiturage lectivité dispose de plusieurs moyens d’action suscite un intérêt particulièrement important sur l’infrastructure, dont la mise en place d’aires en Allemagne et en Angleterre, pays qui comp- de covoiturage au niveau d’échangeurs auto- tent les plus forts nombres d’inscrits sur les sites routiers. En outre, la création de voies réservées de covoiturage. L’Italie, la Belgique et certains aux véhicules en covoiturage(11), comme c’est le pays d’Europe de l’Est ont également mis en cas aux Etats-Unis(12), permettrait des gains de place des initiatives, dans le cadre de projets temps de trajets en évitant les situations de européens (Civitas). Néanmoins, sur l’ensem- congestion routière. Enfin, la notion de covoitu- ble de ces pays, comme en France, il manque rage dynamique (aujourd’hui au stade de des données précises sur la réalité des usages. concept) est à développer. Il se caractérise par En Allemagne, de nombreux sites Internet pro- une grande souplesse d’utilisation et moins d’in- posent des trajets longue distance avec au pre- terdépendance que le covoiturage classique. mier plan le site national Mitfahrzentrale(8) qui Il s’agit de pouvoir trouver une course dans un compte 700000 inscrits. Ces sites nationaux réfé- délai rapide (moins d’une demi-heure par rencent aussi les trajets réguliers, dits Pendler- exemple) pour un trajet donné et en fonction netz, mais de manière indirecte à travers les de la position des véhicules des conducteurs collectivités locales à qui ils vendent leur plate- potentiels. L’accès au service et son mode de forme. Par exemple, le service Pendlernetz du fonctionnement doivent être faciles et souples. Land de Rhénanie du Nord-Westphalie est un Sous réserve d’une inscription préalable, le tra- site de covoiturage disponible dans les 165 jet peut être proposé quasiment instantanément municipalités qui composent cette région de et traité en quelques minutes seulement. L’orga- l’ouest de l’Allemagne. Le service est accessible nisation de ce service en temps réel et en en passant par un site central(9) ou par ceux des réseau est rendue possible grâce aux technolo- différentes municipalités, l’ensemble étant mis gies de l’information et de la communication. en réseau. Les personnes n’ayant pas d’accès Des expérimentations ont eu lieu à San Fran- Internet peuvent y avoir accès par l’intermé- cisco, sur des durées limitées, pour des trajets de diaire de centrales de mobilité et des adminis- rabattement sur la station terminale d’une ligne trations locales. Entre 8000 et 9000 trajets sont de métro automatique. Elles ont montré la proposés chaque jour sur le site national. nécessité de communiquer en amont et de met- En Angleterre, Liftshare(10) est un service de tre en place des mesures incitatives (stationne- covoiturage d’ampleur nationale dont l’accès ment réservé par exemple). peut se faire par le site national ou par des sites Autopartage et covoiturage se développent en locaux. Ce service compte plus de 200000 ins- France et partout ailleurs, portés par le contexte crits et environ 34 % des trajets proposés sur le et les politiques actuelles. Il est important de site national sont effectivement réalisés en ne pas les isoler des autres modes alternatifs, car covoiturage. Au niveau des sites locaux, ce taux ils ne peuvent être efficaces à eux seuls. Pour est de 43 %. Liftshare estime que le service per- développer une alternative crédible à la voi- © IAUmet d’économiser île-de-France environ 29 millions de kilo- ture solo, il faut s’appuyer sur l’ensemble des mètres en voiture chaque année. Liftshare peut modes (transports en commun, autopartage, également être considéré comme un opérateur covoiturage, vélo, marche, etc), chacun d’entre de covoiturage puisqu’il propose ses services eux ayant son domaine de pertinence. aux entreprises, aux autorités locales, aux éta- blissements scolaires, aux hôpitaux, aux univer-

sités, aux services de l’État et aux parcs d’acti- (7) http://www.covoiturage-finistere.fr vités. (8) http://www.mitfahrzentrale.de (9) http://www.nrw.pendlernetz.de (10) http://www.liftshare.com (11) Il n’en existe aucune en France pour le moment. (12) Washington, Los Angeles, Houston, Seattle, etc. 104 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Développer des offres alternatives Vélos partagés : une floraison d’initiatives dans le monde entier Didier Couval(1) Mairie de Paris Les vélos en libre-service (VLS) occupent aujourd’hui une place de choix dans les politiques cyclables. Les premières expériences datent pourtant des années 1970, aux Pays-Bas, au Danemark, ou encore, en France, à La Rochelle, mais elles ont connu récemment un essor considérable grâce à de nouvelles technologies permettant d’emprunter un vélo à un endroit et de le restituer à un autre.

jphilipg/Flick’r yon, Paris et Barcelone forment le trio par chaque territoire, pourraient encore voir le jour. Les vélos en libre-service qui tout a changé. Le nouveau vélo en La déferlante VLS a, en outre, occulté la perfor- connaissent aujourd’hui L libre-service (VLS) arrive en 2004 à Lyon, mance d’offres plus conventionnelles de prêt un essor considérable. avec le programme Vélo’v,sur un concept iné- ou de location de vélos longue durée. Certes dit: large couverture de la ville, nouvelle tech- moins sophistiqués technologiquement, donc Principales expériences de vélos partagés nologie et financement adossé à des recettes de peu médiatiques, ces dispositifs offrent pour- dans le monde publicité. tant un rapport efficacité-prix imbattable(3). B o r - Allemagne deaux a ouvert une voie alternative en lançant Berlin: juillet 2002, 1650 vélos. Espagne Lyon, Paris, Barcelone, dès 2002 un service qui compte désormais 4000 Barcelone: mars 2007, 6000 vélos. le trio qui a tout changé vélos, imité depuis par la ville d’Angers, selon le France L’histoire à succès se poursuit en 2007 avec le principe du prêt gratuit d’un vélo pour une Bordeaux: 2002, 4000 vélos. lancement de Bicing à Barcelone et de Vélib’à durée renouvelable de trois mois. De même, la Lyon: octobre 2004, 4000 vélos. Paris. Plus qu’une question d’échelle, ce sont le communauté urbaine du Grand Lyon, au lieu Montpellier: juin 2007, 600 vélos. Paris: juillet 2007, 20600 vélos. changement d’ambition et la pertinence des d’étendre son système Vélo’v,proposera pour Pays-Bas choix retenus pour ces trois expériences qui ses quartiers périphériques la location de vélos 2004, 200 gares du réseau NS, constituent la clé de leur réussite. Le contre- longue durée. 4000 vélos. exemple est l’expérience de Bruxelles, au sys- tème identique à celui de Paris, mais pénalisé L’apparition de challengers de poids par un périmètre trop réduit. Les opérateurs historiques des transports Références bibliographiques urbains, jusqu’ici très en retrait, se positionnent Les limites du financement sur ce marché considéré comme un prolonge- • Paris - Apur. Étude de localisation des par la publicité et l’émergence ment naturel de leurs métiers: après Transdev à stations de vélos en libre-service. de nouveaux modèles Montpellier, c’est au tour de Kéolis et de Véolia Rapport décembre 2006. Également De nombreuses villes ont succombé à la for- d’élaborer des offres de vélos partagés. De disponible : Note de 4 pages n° 27, septembre 2007. Implanter 1 451 mule vélos + publicité mise en avant par le Fran- même, les compagnies ferroviaires expérimen- stations Vélib’ dans Paris. www.apur.org çais Jean-Claude Decaux et l’Américain Clear tent des services susceptibles de favoriser l’in- • Londres - Transport for London (TfL). Channel, pour développer leur offre VLS. Mais termodalité avec leurs propres réseaux, comme Étude de définition du dispositif des dispositifs tel que Vélib’ ne se financent inté- la Deutsche Bahn, avec Call a Bike, ou la com- londonien : Feasibility study for a central gralement par le marché publicitaire que dans pagnie NS (Pays-Bas), avec un service de vélos London cycle hire scheme. Rapport dans des gares de zone urbaine peu dense. novembre 2008. www.tfl.gov.uk les très grandes villes. Des collectivités locales • France - Comparaison entre dispositifs de taille plus modeste, ayant choisi ce système, La liste de nouvelles villes prévoyant de se doter de vélostations et de vélos en libre-service. sont souvent amenées à apporter des complé- d’un dispositif de vélos partagés devrait s’allon- Actes de la 9e Journée d’étude ments financiers. ger: Milan, Montréal, Chicago, Tel-Aviv, Brisbane d’avril 2007. www.fubicy.org C’est pourquoi d’autres villes ont souhaité dis- ou Sydney.On évoque même des projets basés • Espagne - Instituto para la socier le service VLS de la gestion de l’affichage sur l’usage de vélos à assistance électrique à diversificacion y el ahorro de la energia (Idae). Répertoire des expériences publicitaire. En France, la ville d’Orléans a confié Monaco ou à San Francisco, option testée avec espagnoles : Guía© metodológica paraIAU la son réseau VLS àîle-de-France Effia(2) et assume l’intégralité bonheur à Clermont-Ferrand ! Gageons que implantación de sistemas de bicicletas de la charge financière en échange d’une plus cette floraison sera entretenue par les membres públicas en España. 2007. www.idae.es grande capacité de contrôle. C’est également du Club des villes cyclables, à l’initiative d’un • International - Communauté réseau international d’échanges d’expériences européenne. Panorama des systèmes de le choix de Montpellier qui a privilégié l’intégra- vélos en libre-service existants dans tion de Vélomagg dans son offre globale de lancé en juin 2008 autour de la Charte des villes diverses villes européennes, pour le transports urbains. À Barcelone, les coûts du à vélos partagés. programme Niches de mobilité durable service Bicing sont couverts par un nouveau en ville, par Sébastien Bührmann. régime de stationnement payant. Ces différentes (1) Ingénieur terrritorial, en poste à la direction de la Voirie www.niches-transport.org alternatives montrent que les possibilités sont et des Déplacements de la ville de Paris. • Réseau des villes à vélos partagés du (2) Filiale de la SNCF. Club des villes cyclables. plus vastes qu’il n’y paraît et que de nouveaux (3) Enquête de la Fédération française des usagers de la www.villes-cyclables.org acteurs et de nouveaux montages, adaptés à bicyclette (FUBicy) présentée en avril 2007. 105 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Développer des offres alternatives Taxis et transports publics en Île-de-France : quelle articulation ?

Les Cahiers – Le rapport que vous avez port francilien. Pourtant des organisations inté- présenté sur l’avenir du rôle de l’autorité grées existent ailleurs et fonctionnent à la satis- organisatrice de transport faction des utilisateurs. Ainsi, la mairie de Lon- en Île-de-France a eu un certain écho dres supervise Transport for London, autorité dans la presse… sur la question des taxis. qui, en plus des transports collectifs, exerce sa

J.-F. Bernard-Sugy J.-F. Pourquoi vouloir changer la gouvernance responsabilité sur la voirie principale, les feux des taxis en Île-de-France ? de signalisation et la régulation des taxis, au Interview Jean-Michel Paumier – Dans un sondage bénéfice d’une coordination assez poussée des récent Sofres pour l’Observatoire de la ville différents modes de déplacement. auprès d’un millier de Franciliens, la question On peut donc se poser légitimement la question des transports et de la circulation est apparue de la pertinence du cadre actuel en Île-de- Jean-Michel Paumier a réalisé comme le principal défi à relever pour conci- France, où coexistent les taxis communaux en l’essentiel de sa carrière lier mobilité et développement durable. Si le grande couronne, ceux de la petite couronne, à la RATP dont il est, développement des réseaux de transports col- ceux d’Orly et les taxis parisiens. Cette situation depuis 2001, le représentant lectifs est jugé comme le moyen le plus perti- ne va pas dans le sens d’une gestion intégrée de au Conseil économique nent pour progresser dans cette voie, les moyens l’activité ni d’une intermodalité avec les trans- et social de la région alternatifs sont considérés comme des solu- ports collectifs, le Syndicat des transports d’Île- Île-de-France. Dans ce cadre, tions efficaces pour répondre à la fois à la forte de-France (Stif) étant actuellement tenu à il a préparé avec Daniel préoccupation environnementale des Franci- l’écart de cette problématique. Rabardel, au titre de la liens et aux enjeux d’une mobilité facilitée et Commission des transports, rationalisée à l’échelle régionale. L. C. – Selon vous, étant donné un rapport sur les perspectives Dans ce contexte, il est important de considérer la complexité du paysage institutionnel d’évolution du rôle la place que peuvent occuper les taxis et les et l’organisation de la profession, et des compétences du Stif conditions nécessaires pour leur faire jouer plei- à quelle échéance cette préconisation approuvé par le CESR nement un rôle dans le système de transport pourrait-elle être mise en œuvre ? en octobre 2007. Entretien public francilien, alors qu’aujourd’hui la part J.-M. P. – Alors que viennent de s’engager les tra- sur la gouvernance des taxis qu’ils assurent dans les déplacements motorisés vaux d’élaboration d’un nouveau plan de dépla- en Ile-de-France. représente moins de 1 % (quatre fois moins cements urbains en Île-de-France dont la res- qu’à Londres). ponsabilité incombe désormais à l’autorité Le taxi constitue par sa souplesse et son adap- organisatrice des transports, le Stif, la question tabilité un maillon indispensable entre trans- de placer l’organisation des taxis sous cette port collectif et transport individuel et un outil autorité publique unique se pose en des termes nécessaire à la mobilité urbaine. À l’exemple d’autant plus légitimes que, s’agissant d’une de ce qui est mis en œuvre dans certaines villes activité réglementée, il y aurait là une voie vers comme La Rochelle ou Poitiers, le service des plus d’exigence de qualité de service, de trans- taxis peut venir en complément des transports parence et d’écoresponsabilité, assortie d’obli- collectifs, sur certaines relations où la demande gations de service public plus affirmées. est faible, à certaines Une telle évolution ne Les institutions en Île-de-France heures de moindre tra- » Le taxi constitue par sa souplesse peut se concevoir que en charge des taxis fic ou pour participer au et son adaptabilité un maillon progressivement, en parte- La profession des taxis en France désenclavement de cer- indispensable entre transport nariat notamment avec est sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Les taxis parisiens tains quartiers périphé- collectif et transport individuel les diverses organisations dépendent de la Préfecture de police riques dont la desserte et un outil nécessaire professionnelles concer- de Paris. Leur périmètre, défini légalement se prête mal à un trans- à la mobilité urbaine. « nées, dans une relation en 1966, est© moins étendu IAUport public traditionnel.île-de-France« gagnant-gagnant ». Elle que celui de la petite couronne. Ainsi, transports collectifs et taxis ont partie liée, pourrait faire l’objet d’expérimentations à l’oc- Il s’étend sur 480 km2 (territoire de près de 5,5 millions d’habitants), ces derniers bénéficiant d’ailleurs des aména- casion, par exemple, d’événements mobilisant et inclut la desserte du parc gements de voirie (couloirs réservés, sites pro- des moyens de transport d’une exceptionnelle des expositions de Villepinte pres) en partage avec les autobus. En matière de importance, ou dans le cadre d’une desserte et des aéroports d’Orly et Roissy. gouvernance cependant, il n’existe pas de réelle de pôles multimodaux mobilisant une large Dans le reste de la région, d’autres taxis coordination et encore moins de synergie entre gamme de moyens de transport, à planifier et ont obtenu leur autorisation par la mairie. Ils sont encadrés par les préfectures ces activités de service public pourtant toutes coordonner en synergie. de leurs départements respectifs. deux dédiées à la mobilité, situation préjudi- ciable à une contribution efficace et structu- rée à l’efficacité globale du système de trans- Propos recueillis par Frédérique Prédali 106 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Développer des offres alternatives Taxis de Londres, Madrid, Berlin : des idées pour l’Île-de-France Frédérique Prédali(1) IAU île-de-France

Un taxi est, par définition, un mode hybride, ni totalement privé, ni totalement public, destiné à transporter une à quelques personnes. Ce mode particulier devrait trouver une place complémentaire aux transports publics mieux établie dans les grandes métropoles. F. Prédali/IAU îDF

À Londres, Madrid, Berlin ou Paris, Londres, Madrid et Berlin, les taxis pré- … et une gouvernance simplifiée les taxis n’occupent pas tous sentent des différences avec les taxis en lien avec les transports la même place entre la voiture À parisiens. Ces contextes variés donnent Un vaste panel d’acteurs intervient dans le sec- particulière et les transports un éclairage pour faire évoluer la situation en teur des taxis de notre région: différents niveaux collectifs. Île-de-France où l’absence de liens entre le Syn- de collectivités (départements, communes et dicat des transports d’Île-de-France (Stif) et la ville de Paris) et plusieurs acteurs représentant profession ne favorise pas la complémentarité l’État (ministère de l’Intérieur, des Finances, et avec l’offre de transport public. les préfectures départementales et de police de Paris). Les taxis ne faisant pas partie des Pour un périmètre cohérent… transports régis par la Loti(2), le Stif n’est pas Rappelons tout d’abord que le périmètre des impliqué dans leur gestion et aucune adminis- taxis parisiens date de la fin des années 1960 et tration n’a le souci ni la compétence pour pro- n’a jamais évolué depuis. Il ne couvre pas l’ag- poser une offre de transport cohérente sur l’en- Lexique glomération ni l’ensemble de la zone dense, semble du territoire régional et complémentaire Taxi : l’appellation taxi est réservée comme c’est le cas pour le Grand Londres où avec l’offre de transport public. À l’opposé, à aux véhicules quatre-roues équipés les taxis couvrent un territoire trois fois plus Londres, c’est la même entité, contrôlée par le d’un taximètre. Les taxis bénéficient d’espaces réservés sur la voie publique vaste que le périmètre des taxis parisiens. Moins maire de Londres, qui est en charge des trans- et peuvent travailler sans réservation, de la moitié de la population francilienne est ports publics, des taxis et de la remise, ce qui contrairement à l’activité de remise. directement incluse dans le périmètre des taxis, permet d’intégrer ces modes en amont de toute Petite remise (PR): location de véhicule alors que cette part est plus élevée dans les réflexion sur la desserte d’un site ou d’un évé- banalisé avec chauffeur sur réservation autres régions examinées. Par exemple, Madrid nement. pour le transport de personne, qui ne peut être loué à la place. a étendu régulièrement le périmètre des taxis Le manque de cohérence du cadre réglemen- Grande remise (GR): location de véhicule madrilènes jusqu’à desservir aujourd’hui plus taire francilien se traduit par une multiplicité haut de© gamme, sur réservationIAU de 80 % des habitantsîle-de-France de la Communauté. Les des grilles tarifaires (une par département). Ces et selon des conditions fixées à l’avance taxis parisiens ne fournissent qu’une partie de grilles proposées n’entraînent pas de diffé- entre les parties. Elle dépend du ministère l’offre en Île-de-France, le ministère de l’Inté- rences majeures pour des courses de faible du Tourisme et des préfectures (Préfecture de police de Paris en Île-de-France) rieur dénombrant 2140 taxis communaux en ampleur, mais cette multiplication contribue à qui accordent les licences dehors de ce périmètre (2004). Même si ce par- renforcer le sentiment de confusion que res- aux entrepreneurs pour un nombre défini tage des rôles et des territoires ressemble à celui sent le client qui a des difficultés à connaître ses de voitures. D’après le ministère, il y aurait des taxis à Berlin-Brandebourg ou Madrid, l’ef- droits ou tout simplement à identifier l’offre: 180 entreprises et 1400 véhicules ficacité des systèmes n’est pas la même, notam- certifiés en Île-de-France. ment à cause d’un manque de lisibilité de l’of- (1) Frédérique Prédali est économiste des transports. fre en Île-de-France. (2) Loi d’orientation sur les transports intérieurs du 30 décem- bre 1982. 107 Offrir des services attractifs Développer des offres alternatives et durables Les Cahiers n° 150 Taxis de Londres, Madrid, Berlin : des idées pour l’Île-de-France

Les taxis et remises en Île-de-France: visibilité des bornes, plan mentionnant les sta- véhicules spécifiques comme les véhicules un contexte institutionnel complexe tions, accès et différences avec la remise… Les luxueux ou plus capacitaires, et parfois même En Île-de-France, la situation est complexe autres métropoles proposent des véhicules de les ambulances, l’activité de remise est mieux avec la Préfecture de police de Paris qui contrôle les taxis parisiens, les autres taxi aux couleurs uniformisées. Enfin, les sta- perçue qu’en Île-de-France. En France, en dis- préfectures encadrant les taxis tuts sont plus homogènes dans les autres métro- tinguant la petite et la grande remise, on ren- communaux en périphérie du périmètre poles où les conducteurs de taxis sont surtout force le sentiment que l’on autorise aux véhi- dédié aux taxis parisiens. Le ministère des travailleurs indépendants, alors qu’en Île-de- cules de la petite remise, aux dimensions de l’Intérieur est le ministère de tutelle France, quatre statuts coexistent (locataire, équivalentes à celles des taxis, plus de permis- pour la profession des taxis et de la petite remise, mais pas celui de la grande remise actionnaire, salarié et artisan) et divisent la pro- sivité et moins de sécurité. qui est encadrée par le ministère fession. du Tourisme. Enfin, le ministère des De cette multiplicité de statuts et enchevêtre- Finances intervient pour la définition ment d’acteurs aux préoccupations diverses, des barèmes de prix. et pas forcément en lien avec le transport public, ressort une difficulté à poser un constat étayé sur l’activité, que ce soit en termes d’offre, ou de demande pour l’ensemble de la région.

Taxis et remise, complémentaires ou concurrents? État de la remise en IDF L’activité de remise est relativement méconnue, Les données statistiques actualisées il s’agit d’une location de véhicule avec chauf- sur l’offre de taxis sont difficiles à obtenir feur, sur réservation et selon des conditions de façon exhaustive, et cela est encore plus aigu pour les véhicules de remise. fixées à l’avance entre les parties. Contraire- En Île-de-France, on peut estimer ment au taxi, le véhicule de remise est bana- que l’activité de remise – au sens strict lisé et ne dispose pas de compteur. Les licences Pour une offre en rapport et assimilé, et exercée légalement – sont différentes pour les taxis et la remise et les avec la demande concernerait au moins 7400 véhicules situations sont contrastées selon les métropoles: Avec une offre totale de 1,5 taxis pour dont les véhicules luxueux, minibus et navettes, et plus de 300 motos-taxis si la licence de remise ne fait nulle part l’objet 1000 Franciliens (et 3 pour 1000 habitants dans (terme impropre puisqu’un taxi de marchandage, celle de taxi est négociable et le seul périmètre des taxis parisiens), l’Île-de- est un véhicule à quatre roues obéissant cessible à Madrid et en Île-de-France alors France n’est pas a priori la mieux placée en à certaines normes de taille, confort qu’elle n’a pas de valeur patrimoniale à Berlin termes de niveau d’offre. Cet indicateur très glo- et sécurité). Faute de statut légal clair, et Londres. bal a cependant ses limites car une comparai- ces motos sont assimilées aux véhicules de grande remise. En pleine expansion, Dans les autres métropoles, moins d’acteurs ins- son complète nécessiterait la prise en considé- elles gagnent des clients aux aéroports, titutionnels sont impliqués: ce sont souvent les ration du temps de travail des chauffeurs, de la aux gares parisiennes et dans Paris. mêmes pour les taxis et la remise. Ils sont aussi taille des périmètres d’activité(3), de l’étalement Les motos-taxis n’existent pas à Madrid ou en lien avec les transports publics, directement de l’urbanisation et des activités… Berlin mais sont présentes depuis (Londres) ou indirectement (Madrid, Berlin). Juger de l’adéquation de l’offre à la demande plusieurs années dans le Grand Londres avec une licence temporaire de À Londres, les taxis et la remise dépendent de mériterait de tenir compte de la satisfaction de Transport for London (TfL) l’autorité organisatrice de transport, Transport la demande selon l’heure ou la zone, et du (les régularisera-t-il vraiment?). for London (TfL), organisme sous l’égide du niveau de desserte des transports publics, du maire de Londres. Les taxis sont davantage pré- maillage et leur tarification… Si les profession- sents dans le cœur de Londres, tandis que les nels parisiens connaissent les lieux et les heures mini cabs (remises) sont actifs dans l’Outer où la demande s’exprime, ils se concentrent London. En Allemagne et en Espagne, la gouver- aux points les plus attractifs comme les aéro- nance de type fédérale permet aux régions de ports. Le développement des outils de localisa- légiférer, et donc d’agir sur ces activités. Tandis tion et de communication et l’affiliation aux qu’à Madrid, la remise a été intégrée à l’offre de centraux radio permettent de mieux connaître Quelques chiffres taxi lors d’une réforme en 1979, la remise est à les attentes des clients et aident à faire coïnci- • Nombre moyen de passagers par course: Londres et à Berlin davantage perçue comme der l’offre et la demande. Ces moyens contri- 1,12 (enquête© aux bornes - VilleIAU de Paris un complément île-de-France d’offre (ce qui porte l’offre bueraient à diminuer le temps où le taxi roule - 2007). totale de taxis et remise à un niveau très élevé). à vide (environ 40 % du temps selon les taxis • Distance moyenne d’une course à Paris: Dans le Land de Brandebourg, les chauffeurs parisiens de la compagnie G7). 4,8 km. ont la possibilité de demander des licences Évaluer le niveau de demande, par lieu, horaire • Durée moyenne d’une course entre 7 h - 21 h un jour ouvrable: 25 min mixtes (remise-taxi), alors que le nombre de ou motif, est également une gageure. En tant (source: syndicat professionnel des licences de taxis est plafonné dans ce Land. qu’autorité gestionnaire, les mairies de Madrid centraux radio taxi de Paris, et la région Les tarifs de la remise y sont plus élevés que et Londres réalisent des enquêtes de satisfaction parisienne pour 2006 et 2007). ceux des taxis, notamment en raison d’un taux • Consulter les statistiques sur les taxis de TVA différent (la remise est taxée à 19 % à Paris: http://www.paris.fr/ (3) Pour les licences des chauffeurs de taxi à Londres, le péri- Rubrique: déplacements/voitures contre 7 % pour les taxis). mètre d’action peut être limité à une zone, équivalente à un et deux roues motorisés/taxis. Dans ces métropoles où la remise englobe des ou deux boroughs, située en périphérie du Grand Londres. 108 auprès des clients et des statistiques sur les (tarification unifiée, forfait ou ordre de prix) et courses. Deux tiers de la clientèle francilienne disponibles aux heures et aux lieux où les bus serait une clientèle d’affaire, alors qu’à Londres, se font rares. La mise en œuvre de ces exigences la clientèle d’affaires est moins prépondérante, en Île-de-France se heurte à la fois à la com- et les taxis et mini cabs sont très utilisés pour les plexité du paysage institutionnel et au morcel- motifs «achats et loisirs». À Madrid, les achats- lement de la profession (statuts et réticences loisirs représentent autant de courses en aux réformes) et dépend de fait de la bonne volume que les motifs professionnels. Viennent volonté des professionnels, notamment des S. îdF Vorberg/IAU ensuite «santé-affaires personnelles». Là encore, groupes qui occupent le marché des taxis pari- À Berlin, on compte en moyenne la performance et la couverture des réseaux de siens. deux chauffeurs par véhicule. transport en commun peuvent expliquer en Londres, Madrid et Berlin présentent une orga- Ces derniers peuvent donc rouler partie ces différences d’usage des taxis selon les nisation plus claire et cohérente du secteur des potentiellement 24 h sur 24, villes, mais aussi le niveau de prix des taxis. En taxis. La comparaison nous enseigne que l’exis- ce qui double l’offre. fait, leurs tarifs sont perçus comme élevés dans tence d’une autorité unique sur un périmètre À Paris, moins de 800 taxis les métropoles où les tarifs des transports régional, et compétente en matière de trans- sont autorisés à faire deux sorties publics sont attractifs, comme c’est le cas en port (autre que taxi), évite l’obsolescence des par jour. Île-de-France. Ils sont moins ressentis comme règlements et facilite l’amélioration de ces ser- coûteux à Londres au regard des prix élevés vices au fil du temps… du métro (quatre livres le ticket simple). Outre le niveau de prix, les tarifications propo- sées par les taxis des différentes métropoles sont assez similaires dans leur structure excepté sur la facturation du parcours d’approche. Lorsque le client réserve (à une borne, sur appel téléphonique ou via le site web d’un central) à F. Prédali/IAU îdF Madrid ou en Île-de-France, le compteur du taxi La couleur des taxis (ici à Madrid) le plus proche tourne dès qu’il a fini sa course participe de leur bonne visibilité précédente, alors que les taxis londoniens et par les clients. berlinois facturent un forfait qui met le client à l’abri d’une mauvaise surprise.

Vers une nouvelle gouvernance?

Pour constituer une véritable alternative ou un F. Prédali/IAU îdF Références bibliographiques complément au transport public, les taxis Les fameux Black Cabs sont parfois peints • Consulter les études de l’IAU sur les taxis à devraient au moins être visibles (couleur du pour des raisons publicitaires, mais ils restent Londres, Madrid et Berlin, à paraître en véhicule et lisibilité du lumineux), attractifs reconnaissables par leur forme. 2009.

L’offre de taxis dans les capitales européennes Taxis Parisiens Madrilènes Londoniens Berlinois Autorité Préfecture de police de Paris Ville de Madrid (délégation de la Cam) Transport for London (TfL) Land de Berlin (ministère des Transports) Tutelle État (min. Intérieur et Minéfi pour tarifs) État et Communauté autonome État (DfT) et Grand Londres (maire) État et Land Périmètre partie de Paris-petite couronne zone dense Grand Londres Land de Berlin En km2 480 1766 1580 892 Part du territoire régional 4 % (des 12012 km2) 22 % (des 8022 km2) 100 % (des 1580 km2) 100 % (des 892 km2) Part de la population 47 % (des 5453138 Franciliens) 83 % (des 5074275 hab. CAM) 100 % (des 7512400 Londoniens) 100 % (des 3404000 Berlinois) Nombre de taxis 15600 (05/2008) 15646 21729 6936 Quotas ou seuils numerus clausus numerus clausus illimité illimité Taxis/1000 hab. 3 3 3 2 Taxis/km2 © 33IAU île-de-France9 14 8 pour un véhicule, sur le périmètre, pour un véhicule, sur le périmètre, licence pour le chauffeur, à renouveler tous les permis et licence du chauffeur valables 5 ans Licence à vie et cessible à vie et cessible 3 ans, sur un périmètre donné, incessible sur un périmètre donné, incessibles artisans, coopérateurs, salariés indépendants en majorité, salariés Statut des taxis indépendants, titulaires ou non, salariés indépendants en majorité et loueurs-locataires (locataire interdit) pas pour les artisans (les salariés peuvent Temps de travail contrôlé, 10 à 11 h d’amplitude par jour roulement imposé par l’autorité (5 jours/7) aucun contrôle travailler sur une amplitude de 10 h) Remise distinction petite (PR) ou grande (GR) pas de distinction pas de distinction pas de distinction N. R. (en Île-de-France: 94 entreprises 1150 Nombre de véhicules de remise 569 48607 autorisées PR et 1400 véh. recensés GR) (inclut transport spécialisé et GR) PR: ministère de l’Intérieur Ville de Madrid Land de Berlin Autorité/tutelle TfL GR: ministère du Tourisme (délégation de la CAM) (ministère des Transports) Source: IAU île-de-France, à partir des données relatives aux taxis à Paris, Londres, Berlin et Madrid Source: Londres, à partir des données relatives aux taxis à Paris, IAU île-de-France, 109 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Développer des offres alternatives Les automobiles de demain : des voitures propres et partagées ? Alain Morcheoine(1) Ademe La récente envolée des prix du pétrole nous a rappelé brutalement la très forte dépendance du secteur des transports à l’égard des produits pétroliers. Elle fragilise une économie fortement basée sur les échanges. Par ailleurs, leur utilisation massive fait du secteur des transports un des principaux contributeurs de l’effet de serre et de nuisances locales. Comment les choses peuvent-elles évoluer?

e secteur des transports représente Développer les motorisations alternatives aujourd’hui 37 % des émissions natio- Le moteur électrique présente l’avantage, par L nales de CO2 avec 50,8 mégatonne équi- rapport au moteur thermique, d’avoir son cou- valent pétrole (Mtep), 31,3 % de la consomma- ple maximum dès le démarrage, la capacité de tion énergétique nationale, dont 47 % pour le récupérer l’énergie au freinage sous forme

London Permaculture/Flick’r transport routier de personnes. d’électricité, et d’être silencieux. Il est donc inté- Le moteur électrique présente ressant dès lors que les accélérations et frei- des avantages par rapport Constructeurs automobiles: nages sont fréquents (en ville, sur route…). L’ali- au moteur thermique, notamment peuvent mieux faire! mentation en électricité de ce moteur peut être en ville. Mais dans le cas Malgré les accords de réduction des émissions assurée par un ensemble moteur à explosion/

de moteurs non hybrides, de CO2 des voitures mises sur le marché à alternateur/batterie tampon (hybridation), par la capacité de stockage à bord 140 g/km en 2008 en Europe, les constructeurs une batterie, ou par une pile à combustible. limite l’autonomie. n’atteindront pas l’objectif. Les progrès faits sur Dans le premier cas, les combustibles sont fos- les moteurs, alliés à une forte diésélisation des siles ou des biocarburants(2). L’autonomie et la

ventes, ont fait passer l’émission de CO2/km des polyvalence sont analogues à celle d’un véhi- voitures neuves en Europe de 185 g/km en 1995 cule thermique. Dans les deux autres cas, la à seulement 160 g/km en 2006. Depuis 1970, les capacité de stockage à bord limite l’autonomie émissions de polluants locaux ont diminué de (actuellement de l’ordre de 200 km). Par ail-

15 % à 50 %, selon les polluants, grâce aux leurs, le bilan global en CO2 peut s’avérer néga- normes Euros successives. Mais les gains sur les tif selon la nature de la production d’électricité

émissions CO2/km ne sont pas aussi importants ou d’hydrogène. qu’ils auraient pu l’être car, pendant ce temps, les voitures se sont alourdies d’un peu plus de Adapter l’offre aux nouveaux usages 20 kg/an, soit plus de 250 kg depuis 1995 ; la La tendance au recul de la possession de l’au- puissance des moteurs a crû de 45 %, ce qui tomobile au profit des services de mobilité permet à 96 % des voitures neuves de pouvoir (autopartage, libre-service, covoiturage…) impli- rouler à plus de 150 km/h, et les accessoires de querait une autre manière de concevoir les confort, climatisation en particulier, sont deve- véhicules, pour les adapter au mieux aux nou- nus la règle. La négociation acharnée autour velles caractéristiques de la demande. Pour

de l’objectif de 120 gCO2/km en 2012 s’est tra- l’usage en agglomération, ou des déplacements duite par… un objectif porté à 130 g/km en courts, ils pourraient être électriques, petits, 2015, et un système permettant d’introduire la maniables, à deux, trois ou quatre roues. Alors masse du véhicule dans le système de péna- que pour des usages routiers, il faut plutôt pri- lité. vilégier des véhicules confortables, hybrides et économes. © IAUAdapter les performancesîle-de-France des véhicules La panoplie des solutions techniques à dévelop- Il faut réduire la vitesse maximale des véhi- per reste très ouverte. Il n’y aura pas de solu- cules. Alors qu’environ un tiers des kilomètres tion unique, mais la cohabitation de plusieurs parcourus par an en voiture le sont dans des éléments apportant chacun une contribution zones agglomérées, les véhicules sont conçus pourrait se révéler payante. Ne dit-on pas que les pour rouler sur autoroute. Pollution de l’air, petits ruisseaux font les grandes rivières? consommation exagérée d’espace public, ainsi que nuisances sonores, en sont les consé- (1) Alain Morcheoine est directeur de l’air, du bruit, et de quences. Il est donc nécessaire de traiter les l’efficacité énergétique à l’Agence de l’environnement et la maîtrise de l’énergie. deux types d’utilisation de manière séparée, (2) La disponibilité limitée des biocarburants pouvant impli- avec une offre urbaine à développer. quer une dépendance. 110 Contribuer à une ville plus accessible

Quelles politiques d’accessibilité au transport en Europe ? 112

Accessibilité des systèmes de transports : un nivellement par le haut 114

L’avenir des rues: mixité et cohabitation de tous les usagers 116

La marche, mode d’avenir 118

© IAU île-de-France

111 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Contribuer à une ville plus accessible Quelles politiques d’accessibilité

Éric Heyrman au transport en Europe ? Claude Marin-Lamellet(1) INRETS-LESCOT

L’accessibilité au transport pour tous, y compris aux personnes à mobilité réduite, est devenue une priorité, en Europe comme ailleurs. Mais si le cadre général, les ambitions et les valeurs sont communes, les moyens utilisés, et leur déclinaison dans les textes législatifs, sont parfois différents. RATP/Gérard Dumax RATP/Gérard

La France est l’un des rares pays epuis la fin des années 1990, l’Union les critères d’accessibilité pour les personnes européens à avoir fixé une date européenne multiplie les initiatives en handicapées ou la conception pour tous les limite pour l’accessibilité Dmatière d’accessibilité des services de utilisateurs». On peut également citer la déci- des transports collectifs: transport pour favoriser la libre circulation des sion de la Commission européenne du février 2015. personnes et la libre concurrence au sein de 21 décembre 2007 concernant la spécification son marché commun, avec la volonté d’amé- technique d’interopérabilité relative aux per- nager les services de transport aux besoins de sonnes à mobilité réduite dans le système fer- toute la population. Cette volonté s’inscrit dans roviaire transeuropéen conventionnel et à une démarche plus globale de lutte contre grande vitesse qui définit, comme la directive toutes les formes de discrimination – l’inacces- sur les autobus, un niveau minimal de prestation sibilité pouvant être perçue comme une forme garanti partout en Europe. Enfin, l’Union euro- de discrimination indirecte –, et d’égalité des péenne facilite l’accès au transport des per- droits et des chances. Ceci afin d’assurer la par- sonnes à mobilité réduite en poursuivant sa ticipation «à part entière» des personnes han- lutte contre les discriminations débutée en 1997 dicapées, leur autonomie et la réalisation de avec l’adoption du traité d’Amsterdam. leur potentiel social et professionnel. La création L’ambition d’un monde adapté à tous est d’un environnement « positif et bienveillant » désormais partagée: la quasi-totalité des pays de pour tous permet ainsi de valoriser au mieux la l’Union européenne soutiennent des politiques différence entre les individus et la diversité de d’accessibilité. En France, la loi n° 2005-102 du la population européenne. 11 février 2005 impose la mise en accessibilité des services de transport collectif d’ici 2015. Un cadre européen pour une ambition L’État français répond ainsi à une demande partagée sociétale. Il s’inscrit également dans le cadre © IAULa directive européenneîle-de-France 2001/85 précise les des politiques européennes et tient ses enga- caractéristiques d’accessibilité des autobus gements vis-à-vis d’organisations internationales valables dans toute l’Europe, pour éviter qu’un telles la Conférence européenne des ministres pays n’instaure des barrières à l’entrée de son des transports ou l’Organisation des nations Références bibliographiques marché domestique. Dans le même esprit, la unies (Onu), qui a adopté la convention sur les directive 2004/17 fixe les conditions de passa- droits des personnes handicapées en 2007. • TENNOY Aud, LEIREN Merethe Dotterud, tion des marchés avec les opérateurs de trans- (1) Éric Heyrman est ingénieur des TPE, reconnu spécialiste Accessible public transport. A view of port. Elle indique que les spécifications tech- par le comité de domaine «Transport, sécurité» du MEEDAT, Europe today - policy, laws and guidelines, niques du cahier des charges de ces marchés doctorant en sciences politiques. Claude Marin-Lamellet est Deliverable of WP 1 of Euro-Access chargé de recherche en ergonomie-sciences cognitives, res- Project, 6th framework programme, DG doivent «chaque fois que possible [...] être éta- ponsable de l’équipe de recherche Vieillissement, handicaps RTD, 2008. blies de manière à prendre en considération et mobilité. 112 Des moyens variables selon les pays ment des instruments financiers pour inciter Définitions Malgré une volonté commune de se diriger vers les acteurs locaux à ne pas oublier les besoins • La discrimination directe Selon la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, des services de transport accessibles, les des personnes handicapées dans leurs diffé- la discrimination directe est «la situation moyens utilisés varient selon les pays. rents projets de transport. Depuis 2005, la loi dans laquelle, sur le fondement française interdit l’octroi de toute subvention de son handicap, une personne est traitée Les échéances publique à un projet de transport non accessi- de manière moins favorable qu’une autre Si les pays européens s’accordent sur le fait que ble aux personnes à mobilité réduite. L’accessi- ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable». les nouvelles constructions d’infrastructures, bilité est également une condition d’éligibilité • La discrimination indirecte les rénovations importantes, et l’achat de nou- aux subventions publiques en Allemagne, en Selon cette même loi, la discrimination veaux véhicules sont autant d’opportunités Autriche, en Norvège, au Portugal et en Irlande. indirecte est «une disposition, un critère pour améliorer la qualité du système de trans- Des budgets spécifiques peuvent être attribués ou une pratique neutre en apparence, port, peu de pays ont introduit dans leur légis- pour aménager les services existants, parfois à mais susceptible d’entraîner un désavantage particulier lation une date limite. La France fait figure d’ex- travers des contrats État-collectivités territoriales pour des personnes par rapport à d’autres ception avec l’obligation de rendre accessibles comme aux Pays-Bas. personnes, à moins que cette disposition, les services de transports collectifs avant le ce critère ou cette pratique ne soit 11 février 2015. Le gouvernement du Royaume- La formation des professionnels objectivement justifié par un but légitime Uni a lui aussi imposé des dates limites : les La connaissance des besoins des personnes et que les moyens pour réaliser ce but échéances de 2015 et de 2020 ont été respecti- handicapées par les professionnels du cadre ne soient nécessaires et appropriés». • La conception universelle (universal vement adoptées comme dates limites de circu- bâti et des transports étant souvent jugée insuf- design) lation pour les autobus de moins de 7,5 tonnes fisante, l’État français a rendu obligatoire la for- Le conseil de l’Europe a défini et les autocars. mation à l’accessibilité de ces professionnels la «conception universelle (universal lors de leur cursus initial. Cette initiative existe design) comme une stratégie qui vise L’intégration de l’accessibilité dans les dans d’autres pays sans être imposée par la loi. à concevoir et à composer différents produits et environnements qui soient, contrats autorités locales/exploitants Seule exception: l’Irlande qui a créé un centre autant que faire se peut et de la manière Les gouvernements nationaux ont cherché à d’excellence sur la conception universelle ; la plus indépendante et naturelle possible, orienter le comportement des acteurs locaux cette autorité publique a compétence pour s’as- accessibles, compréhensibles et utilisables en imposant un certain contenu aux contrats surer que les formations des professionnels par tous, sans devoir recourir liant les autorités locales et les exploitants. En comportent effectivement des modules sur la à des solutions nécessitant une adaptation ou une conception spéciale». Italie, ces contrats doivent obligatoirement conception universelle et pour définir le contenir une «charte de la mobilité» qui décrit contenu minimal de ces formations. notamment les mesures prises pour satisfaire les besoins des personnes handicapées. Aux La mise en place d’indicateurs Pays-Bas, ces contrats doivent spécifier un Un dernier instrument, encore peu utilisé par les niveau minimal d’accessibilité pour être légaux. pays européens – la Norvège l’explore actuel- Dans les économies à forte dérégulation, les lement –, consiste à définir des indicateurs d’ac- opérateurs de transport doivent obtenir une cessibilité. Les États européens devront, en licence d’exploitation… qui ne peut être accor- application de la convention sur les droits des dée que si ces opérateurs précisent leur poli- personnes handicapées de l’Onu, signée par tique d’accessibilité, comme en Slovaquie et tous les membres de l’Union européenne, au Royaume-Uni. contrôler l’application de leur politique natio- nale. Ces indicateurs permettraient d’évaluer La planification des aménagements l’état de l’accessibilité sur leur territoire et inci- En raison des investissements importants néces- teraient les acteurs locaux à agir. saires, les États européens ont fréquemment adopté la programmation et la planification L’attribution de subventions comme logique d’action. Ils ont imposé aux publiques est souvent conditionnée collectivités locales responsables des transports à la mise en accessibilité ou aux opérateurs de transport de préparer des des systèmes pour les personnes plans stratégiques d’accessibilité, qu’il s’agisse à mobilité réduite. d’un document© spécifique IAU (tel le schéma direc- île-de-France teur d’accessibilité en France), ou d’un docu- ment consacré de manière plus globale à la programmation des services de transport. Le Royaume-Uni (2000), l’Allemagne (2002), l’Ita- lie (1997) et la Slovaquie (1996) avaient déjà, entre autres, imposé l’élaboration de tels sché- mas directeurs à leurs collectivités territoriales.

Le conditionnement des subventions publiques INRETS Les différents États européens utilisent égale- 113 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Contribuer à une ville plus accessible Accessibilité des systèmes de transports : un nivellement par le haut

Les Cahiers – Comment les métropoles réaliser. La mise en accessibilité d’une ligne de européennes prennent-elles en compte surface commence souvent par le matériel rou- la problématique de l’accessibilité aux lant. L’adaptation des arrêts se faisant dans un personnes à mobilité réduite (PMR) ? deuxième temps pour permettre une accessibi- Comment la mettent-elles en œuvre lité progressive sur tout le réseau. Le renouveau

P. Thiot/IAU îdF depuis ces dix dernières années ? du tramway apporte une autre dimension, car Christiane Briaux-Trouverie – Le changement matériel et stations sont accessibles dès leur Interview majeur de ces dix dernières années repose sur mise en œuvre. La programmation ne passe pas le fait qu’aujourd’hui, l’accessibilité des sys- toujours par un schéma directeur comme cela tèmes de transports pour les personnes à mobi- est demandé par la législation française. Elle lité réduite dépend davantage de la législation dépend de l’exploitant, des fonds publics, des Christiane Briaux-Trouverie européenne que des textes nationaux. Par exem- subventions complémentaires données à l’ex- est consultante spécialisée ple les normes pour la construction des cars et ploitant. Il y a autant de méthodes que de pays, dans l’accessibilité des bus sont issues de la directive européenne, l’accessibilité est gérée comme sont gérés les des personnes à mobilité qui doit être systématiquement reprise dans les modes de transport. réduite (femmes avec législations nationales. Le problème du finance- poussette, personnes âgées, ment est lui aussi généralisé. Dans le domaine L. C. – Selon vous, quels sont handicapés physiques, du métro, les priorités sont actuellement de ren- les éléments clés pour la mise sensoriels, mentaux). dre accessibles les grosses correspondances en accessibilité des réseaux ? Quels Consultante permanente auprès métro, avec un relais bus en surface. Mais l’âge en sont les freins et les différences ? des grands groupes exploitants des métros, leur profondeur, leurs caractéris- C. B.-T. – Le gros frein est financier… À ma de transports urbains, tiques, leur environnement rendent impossible connaissance, il n’y a pas eu d’innovations en elle a été conseil auprès la comparaison entre par exemple le métro pari- matière de financement de ce type d’aménage- des constructeurs de matériel sien, qui a plus d’un siècle, et ment (taxe spécifique, etc.). ferroviaire (trains, tramways) un métro inauguré voici trois » Aujourd’hui, Dans certains pays, l’État s’im- et d’autobus. Membre du Coliac ans.Aujourd’hui, en Europe, la l’accessibilité des personnes plique dans l’investissement (Comité de liaison prise en compte de l’accessi- à mobilité réduite dépend neuf puis donne en gestion à pour l’accessibilité des bilité est systématiquement davantage de la législation l’exploitant, qui a notamment transports et du cadre bâti), intégrée dans les cahiers européenne que des textes en charge la maintenance et qui remplace le Colitrah des charges. Cette prise de le renouvellement. Dans d’au- nationaux. « (Comité de Liaison pour conscience est due à la tres pays, comme l’Allemagne le transport des personnes conjonction de la pression des associations, et par exemple, les collectivités locales et territo- handicapées) dont d’une évolution des mentalités, que l’on trouve riales s’impliquent plus, tant dans la création elle a présidé la Commission également dans l’aide aux voyageurs handica- que dans la maintenance. Les actions de mise permanente «Accessibilité pés, de la part des autres usagers. en accessibilité sont en général intégrées dans des réseaux de surface», le financement global des systèmes de elle participe depuis 1995 L. C. – Quelles sont les méthodes utilisées transports. Le deuxième frein, récurrent, est la au groupe de réflexion par les différentes métropoles en matière maintenance des ascenseurs, des systèmes d’ac- «Insertion des lignes de bus» de programmation de la mise cès, etc. La mise en accessibilité repose essen- auprès du Centre d’études sur en accessibilité des réseaux ? tiellement sur la généralisation de la technique, les réseaux, les transports, C. B.-T. – Cela dépend vraiment de la géogra- et en particulier sur le plancher bas (dont le l’urbanisme et les constructions phie de la ville, et de l’histoire de ses transports. développement a été le «Cap» vers une meil- publiques (Certu). Le choix des pôles à rendre accessibles se fait leure accessibilité) pour les autobus, puis pour Elle a également participé par hiérarchisation: en priorité les pôles d’em- les tramways et maintenant pour le ferré lourd. à divers ouvrages© avec leIAU Certu. ploi, de commerce île-de-France et d’habitat qui les compo- On observe peu de différences entre les pays sent. En général, pour les réseaux de surface dans les méthodes de mise en accessibilité, à (les bus), la mise en accessibilité se fait par l’exception de l’usage de repères podotactiles ligne (un arrêt éventuellement non accessible pour les personnes aveugles. De manière géné- étant signalé), alors que pour les réseaux sou- rale, la mise en accessibilité bénéficie à tout le terrains existants, elle se fait plutôt par points. La monde. Les métropoles l’intègrent dans la pla- mise en accessibilité de ces réseaux passe nification générale des déplacements et de nécessairement par l’ascenseur et l’aménage- l’aménagement, avec très souvent une forte ment de l’interface quai-train. La priorité de la concertation avec les associations locales. mise en accessibilité est généralement donnée L. C. – Les différentes catégories au réseau de surface car elle est plus simple à de handicap sont-elles toutes prises 114 en compte de la même manière ? En cas âgées et par les touristes. Le pass sans contact, d’absence de solution technique le système d’information par portable (très à la satisfaisante, les autorités organisatrices pointe au Japon) se développent en France, ont-elles recours à l’aide humaine ? notamment pour les abonnés et les usagers C. B.-T. – Les premières actions ont été desti- réguliers. C’est intéressant pour un grand nom- nées aux personnes ayant un handicap moteur bre de personnes handicapées. Pour les per- (usagers en fauteuil roulant), impliquant des sonnes non-voyantes, des expérimentations rela- solutions techniques spécifiques. Progressive- tives au repérage, au guidage, au système sonore Marguerite RATP/Bruno ment, d’autres formes de handicap ont été avec des balises sont menées dans certains La mise en accessibilité des réseaux prises en compte, engendrant le développe- pays, comme la France. Mais c’est assez limité. souterrains passe nécessairement ment de solutions sonores, visuelles. Certains Les pays commencent à y réfléchir et testent par l’ascenseur et l’aménagement pays (Amérique latine), qui ont un taux d’anal- des systèmes par balise, par GPS, etc.Afin d’évi- de l’interface quai-train. phabétisation important, utilisent par ailleurs ter que les voyageurs sourds, aveugles ou en les couleurs et les dessins. Les mesures prises en fauteuil roulant, ne pénètrent dans un système matière d’accessibilité reposent principalement dégradé ou perturbé, des tests d’information sur la connaissance qu’a l’exploitant de la sur portable sont effectués (par exemple en population, du terrain, et sur les spécificités Allemagne et en France): envois de SMS pour locales (culture, histoire, climat…). Les direc- les sourds, et informations sonores pour les tives européennes intègrent tous les types de aveugles. C’est, à mon sens, la seule formule effi- handicap. On assiste à un vrai nivellement vers cace pour une information en temps réel, mais le haut de l’accessibilité, notamment sur le à terme il faudra envisager une approche euro- réseau de surface bus, mais pas seulement: Lon- péenne. En matière de préparation de voyage, dres par exemple a commencé à aménager son d’information, du choix des itinéraires et des métro. En Europe, pour le ferré lourd, en cas modes, tous les pays sont soumis à la réglemen- d’absence de solution technique satisfaisante, tation européenne sur l’accessibilité des sites les autorités organisatrices ont systématique- Internet. On arrive aussi désormais à une cer- ment recours à l’aide humaine. Sur le ferré de taine uniformisation de fonctionnement du banlieue, la présence de personnel en gare transport à la demande (TAD) et du transport dépend des pays et des lignes. Les trains de personnes à mobilité réduite (TPMR). Reste modernes de la banlieue londonienne sont à prévoir leur accès pour tous les Européens! accessibles sans besoin d’aide humaine, ce qui devrait être le cas bientôt en Île-de-France L. C. – Quelles sont les grandes puisque tous les marchés des nouveaux trains tendances, les évolutions, les enjeux de banlieue exigent l’accessibilité par au moins pour les années à venir ? une porte, ce qui entraînera une rehausse par- C. B.-T. – Le grand enjeu pour les années à venir tielle de quai, à l’instar des réseaux allemands. va être le retour sur investissements. Est-ce que Une autre approche: à Stuttgart, le tramway a le surcoût lié à l’accessibilité est compensé par une rampe manuelle, que le chauffeur pose à la un nombre plus important de voyageurs, une demande, ce qui est interdit dans d’autres pays. meilleure fluidité, par une vitesse commerciale accélérée, un meilleur confort et un meilleur L. C. – Dans quel domaine manque t-on service aux voyageurs? Je pense que les exploi- de solutions techniques en matière tants et les investisseurs vont sérieusement y de mise en accessibilité ? Quelles sont les réfléchir au regard de systèmes qui commen- métropoles particulièrement innovantes ? cent à s’uniformiser. Quelques études impor- C. B.-T. – Techniquement, tout est possible main- tantes ont été faites en Angleterre, démontrant tenant. En matière de solutions techniques que l’augmentation de la clientèle permettait de innovantes, je pense à un train de banlieue sué- financer les intérêts des prêts contractés. Des dois qui a une plate-forme élévatrice intégrée études sur des tramways à plancher bas, prêtés pivotante permettant une accessibilité facile entre métropoles ont montré une économie de des fauteuils© roulants. PourIAU les bus, un des pro- troisîle-de-France rames dans la journée grâce à une meil- blèmes est l’accostage et l’aménagement des leure rotation due à la fluidité des montées et arrêts. Les Espagnols (Barcelone, Figueras, des descentes des voyageurs. Néanmoins, l’ac- Madrid) avaient mis au point des arrêts préfa- cessibilité dans l’exploitation sera un plus dans briqués à rajouter au trottoir: c’est une formule certains systèmes (par exemple les systèmes intéressante. De même, en billettique, un sys- urbains) et une contrainte dans d’autres (par tème généralisé à Barcelone pour le rachat de exemple l’interurbain), et pour ceux-ci les com- Meremans sxcHu Ward ticket de métro est intéressant: vous introdui- pensations sont à rechercher. L’accessibilité des personnes sez votre ticket usagé et la machine vous en res- à mobilité réduite, titue un nouveau aux caractéristiques iden- Propos recueillis par Sophie Laurent quel que soit le type de handicap, tiques. C’est très apprécié par les personnes et Jérôme Bertrand doit être une priorité. 115 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Contribuer à une ville plus accessible L’avenir des rues: mixité et cohabitation de tous les usagers Jérôme Bertrand(1) IAU île-de-France

La place de l’automobile ne peut plus être hégémonique comme elle l’a été pendant la seconde moitié du XXe siècle. L’organisation globale des déplacements passe par un urbanisme de proximité, un système de transport public intégrant la mobilité douce et une politique de stationnement plus restrictive. Les zones de circulation apaisée en ville peuvent contribuer à encourager la mobilité durable et à réduire l’usage des véhicules motorisés. Marketing de la Ville de Bienne (Rolf Gilomen)

La réduction du trafic motorisé epuis une trentaine d’années, les dispo- liorer la sécurité des usagers vulnérables et favorise la convivialité sitions réglementaires visant à modérer l’usage des modes doux. En parallèle, la régle- dans l’espace public et l’animation Dla vitesse en milieu urbain se dévelop- mentation pour la protection de l’environne- dans les quartiers. Ici, Bienne pent dans de nombreux pays européens afin ment préconise des actions en faveur de la (Suisse). de répondre le plus efficacement possible à modération de la vitesse et du trafic automo- l’insécurité routière en ville et de protéger les bile. usagers les plus vulnérables (cyclistes et pié- tons, notamment les enfants, les personnes Une succession de concepts âgées et handicapées). Par ailleurs, ces mesures et de réglementations participent à la mise en valeur des quartiers et La première disposition réglementaire s’oppo- à leur animation par la réduction des nuisances sant à la prédominance de l’automobile dans Pas de sécurité routière sans limitation liées au trafic motorisé et une distribution de l’espace public urbain fut l’aire piétonne, à des vitesses autorisées l’espace public plus équitable. l’image de celle de Munich en 1972, qui donne Les études de tous les observatoires priorité aux piétons en soumettant la circulation nationaux de la sécurité routière démontrent que le nombre d’accidents Une prise en compte nécessaire et le stationnement des véhicules à des pres- et leur gravité sont directement des usagers vulnérables criptions restrictives (vitesse au pas et desserte proportionnels à la vitesse. À une vitesse La convention internationale de Vienne sur la interne uniquement pour les riverains, livrai- de 30 km/h au lieu de 50 km/h, circulation routière du 8 novembre 1968 pose, sons ou services urbains). Mais l’aire piétonne un véhicule motorisé raccourcit de moitié pour la première fois, le principe de prudence est surtout adaptée aux centre-villes anciens sa distance de freinage. Le risque de mortalité pour les piétons en cas du conducteur d’un véhicule motorisé envers ou commerciaux, où la vie locale se manifeste de collision passe alors de 85 % à 10 %. les usagers les plus vulnérables. Vingt ans plus fortement, et reste une réponse défensive face D’autre part, le champ visuel tard, la Commission européenne adopte une à l’automobile, car l’espace n’est pas partagé du conducteur s’élargit et le différentiel résolution sur la protection des piétons et la mais séparé. de vitesse avec© les autres usagersIAU charte européenne île-de-France des droits des piétons, appli- S’inspirant des travaux de Colin Buchanan de l’espace public devient propice à un comportement plus respectueux. quées parfois dans le cadre des politiques natio- publiés en 1963, la cour urbaine ou rue rési- nales de sécurité routière. Depuis les années dentielle fut le premier concept de zone à 1990, les pays du nord de l’Europe comme la vitesse limitée permettant la cohabitation de Suède ou les Pays-Bas mènent des politiques tous les modes de déplacement. Initié en 1969 publiques volontaristes et ambitieuses. Au cours à Delft, aux Pays-Bas, et intégré dans la régle- des années 2000, la Belgique et la France ont mentation néerlandaise en 1976, ce concept engagé des démarches de «code de la rue», pris son essor dans les années 1970, puis 1980, visant à mieux faire connaître la réglementa- essentiellement en Hollande, en Allemagne, en tion existante en milieu urbain et à apporter des évolutions au code de la route afin d’amé- (1) Jérôme Bertrand est géographe-urbaniste. 116 Suède et au Danemark. La cour urbaine a pour sant des comportements d’usagers plus pru- Piétons et cyclistes, objectif d’améliorer le cadre de vie des zones dents et respectueux : l’usager devient plus les usagers les plus vulnérables résidentielles par un aménagement de plain- attentif à l’environnement et recherche le Selon l’Irtad (International Road Traffic and Accident Database), pour les dix-huit pays pied de l’espace rue sur toute sa largeur, où la contact visuel avec les autres usagers de la rue, européens dont les données priorité est donnée aux piétons, et les condi- ce qui réduit les vitesses des véhicules et les sont disponibles, en 2006, en moyenne, tions sont propices aux jeux d’enfants. Le sta- risques d’accidents. les deux tiers des accidents corporels tionnement y est autorisé uniquement aux se sont produits en milieu urbain emplacements marqués au sol et la vitesse des Cadre, outils, méthode et ont représenté un tiers des victimes (tués à 30 jours). Parmi les 37000 véhicules correspond à l’allure du pas aux Pays- Après un temps d’expérimentation technique, victimes d’un accident de la route, Bas et en Allemagne, ou doit être inférieure à les règlements nationaux de circulation rou- près d’un quart sont des piétons 20 km/h en Belgique, en Espagne ou en Suisse. tière évoluent en intégrant les concepts de ou des cyclistes. À Paris, ces catégories Du fait du coût du traitement de façade à modération de la vitesse, offrant aux gestion- d’usagers représentent 45 % des tués façade, leur emploi est généralement limité à naires de voirie un cadre juridique pour des (en moyenne de 2002 à 2007, selon l’Observatoire national quelques voies de quartier. aménagements profitables à tous les usagers. interministériel de sécurité routière). Par un souci de simplification et de diffusion à Cependant, toute réflexion sur les mesures res- grande échelle de zones à vitesse modérée, le trictives de circulation ou un aménagement concept de zone 30 a émergé à partir du milieu suppose une hiérarchisation préalable du des années 1980 et s’est développé dans les réseau de voirie : routes principales (suppor- années 1990 partout en Europe. Il diffère de la tant le trafic de transit et jouant le rôle de liai- cour urbaine par des aménagements légers (la son indispensable au système du transport rou- chaussée et le trottoir se distinguent toujours), tier), et voies d’intérêt local ou de desserte des l’absence de règles de circulation spécifiques, quartiers, qui se prêtent plus particulièrement et une vitesse limitée à 30 km/h permettant aux mesures de limitation de vitesse. Selon les d’améliorer nettement la sécurité tout en main- dysfonctionnements constatés, leurs objectifs IBSR tenant un fort volume de trafic. Compte tenu et leurs moyens, les gestionnaires de voirie peu- de l’efficacité, du coût et de la facilité de leur vent ensuite agir sur le trafic, la vitesse, la com- mise en œuvre, de nombreuses villes d’Europe munication ou l’évaluation. Concernant le du Nord et germaniques décident, à partir des report du trafic de transit sur des voies princi- années 1990, de systématiser la réalisation de pales, il peut s’agir d’une modification des sens ces zones à l’ensemble des voies locales ou du de circulation ou de carrefour, de la création réseau de la ville (concept de «ville 30» à Graz, de sens unique, de boucles, d’une zone de tra- en Autriche, en 1992). En 2004, le code de la fic limité, ou bien d’un péage urbain zonal. IBSR route allemand rend obligatoire la zone 30 en Quant à la modération de la vitesse des véhi- agglomération à l’exception des voies priori- cules motorisés, il peut s’agir de dispositifs géo- IBSR taires et, la même année, la réglementation métriques induisant un changement de trajec- Dans les années 2000, la Belgique belge offre la possibilité d’aménager une ville toire de la circulation (rétrécissement, chicanes et la France ont engagé ou un village entier en zone 30. ou giratoires), de résistance au sol (dénivelés des démarches de «code Le dernier concept de circulation apaisée en verticaux et revêtements rugueux ou réson- de la rue», visant à améliorer ville, introduit dans la réglementation belge, nants), ou de signalisation (panneaux et mar- la sécurité des usagers vulnérables française et helvétique dans les années 2000, est quage au sol). Ces aménagements doivent être et l’usage des modes doux. la zone de rencontre. Apparu en 1996 à Ber- adaptés selon les spécificités des lieux (entrée thoud, en Suisse, et influencé par les expé- de zone, intersection, proximité d’équipement), riences menées à Chambéry depuis les années assurer la circulation des véhicules d’urgence 1980, ce concept constitue une solution inter- ou de transport public, ainsi que l’accessibilité médiaire entre l’aire piétonne et la zone 30. La à tous, particulièrement aux personnes mal zone de rencontre, qui présente des similitudes voyantes ou aveugles dont la sécurité, l’orienta- avec la cour urbaine, est un espace public où le tion et le guidage est primordial. piéton est prioritaire, mais ne doit pas faire obs- La concertation sur le projet est fortement tacle à la circulation des véhicules dont la conseillée afin de s’assurer de l’acceptation de vitesse est limitée© à 20 km/h.IAU Elle peut être des- tousîle-de-France les usagers, accompagnée d’une sensibili- tinée aussi bien aux centres historiques, aux sation du public aux bienfaits de la modéra- rues résidentielles, étroites, commerciales tion des vitesses, et d’une information des usa- qu’aux lieux à forte présence piétonne, tels que gers sur les opérations d’aménagement. Enfin, les places de gare. Pour le moment, ce statut se l’évaluation de l’efficacité des dispositifs doit développe surtout en Suisse, comme à Bâle ou être mesurée par le contrôle des vitesses et du Moins de trafic: moins de bruit à Zurich. trafic. Diviser le trafic par deux équivaut D’autres concepts sont également à considé- à une réduction du bruit de 3 dB(A), soit une diminution du bruit de moitié. rer, bien que ne faisant pas l’objet d’une régle- Par ailleurs, la baisse de la vitesse de (2) mentation, comme le Shared Space , qui se (2) Développé par Hans Monderman, le Shared space est à circulation des véhicules de 50 à 30 km/h caractérise par l’absence de signalisation, indui- l’origine d’un programme européen du même nom. permet d’atténuer le bruit de 2,5 dB(A). 117 Offrir des services attractifs Vers une mobilité durable en Europe et durables Les Cahiers n° 150 Contribuer à une ville plus accessible La marche, mode d’avenir Véronique Michaud(1) Prospective RATP

Socle de la mobilité, la marche fait depuis quelques années son entrée dans l’agenda des politiques publiques de transport et d’urbanisme. Le piéton, véritable acteur urbain, bénéficie aujourd’hui d’une attention nouvelle, en lien avec les exigences du développement durable. Dans un contexte technique renouvelé et multidisciplinaire, avec un portage politique fort, la marche peut devenir une source d’innovation au service des politiques de mobilité. Explications. Ian Bell/TfL

La reconquête de l’espace public a marche, mode de déplacement très marche est dispersée dans les différents ser- au profit de tous les usagers majoritaire il y a trente ans, serait-elle en vices d’une collectivité. Les associations de pié- de la ville, et non des seuls flux L passe de redevenir centrale dans un sys- tons existent, mais sont souvent postées sur une automobiles, requiert une prise tème global de mobilité durable? L’intérêt pour ligne de défense des droits du piéton et d’un ter- en compte des spécificités la marche touche, en effet, beaucoup d’acteurs ritoire menacé. La marche ne dispose pas, non des différents usages et usagers de notre société. La Commission européenne(2) plus, d’un réseau économique d’opérateurs de de la rue, et notamment les piétons. insiste sur la marche et le vélo comme condi- service et de fournisseurs de matériels. Enfin, le tions de la «comodalité». Plusieurs programmes piéton inquiète l’aménageur: il a accès à tout ou européens de recherche(3) mettent en avant les presque, il s’arrête sans arrêt, il change de direc- modes doux. Des villes européennes, comme tion, choisit le trajet le plus court, traverse où et Genève ou Londres, commencent à bien inté- quand il veut(5).Aujourd’hui, les préoccupations grer les enjeux de la marche. Des villes améri- liées au développement durable, la nécessité caines lancent des programmes dits active de concevoir et de mettre en œuvre un service living, très ouverts à la marche et au vélo. Les global de mobilité alternative à la voiture indi- acteurs du monde de la santé et des équipe- viduelle, offrent un contexte favorable, incitant Durées de marches observées, ments sportifs ont également repéré les enjeux les acteurs de la mobilité à prendre en compte durées de marche préconisées de la marche urbaine. Enfin, la montée en puis- les modes doux, dont la marche. En outre, l’en- Huit minutes, c’est la durée moyenne sance d’outils d’aide à la navigation piétonne, couragement de la marche et des modes doux quotidienne de marche des automobilistes, dont la moitié comme Evadeo de l’IGN, participe de cet essor en général est un enjeu de santé publique: 11 % est consacrée à rejoindre ou quitter et de cet engouement pour la marche. de la population française est obèse, 30 % en leur véhicule(1). C’est trois fois moins surpoids. Si l’obésité continue de se propager, que pour les non-automobilistes et six fois Le retour du piéton? l’essentiel des améliorations observées depuis moins que la durée préconisée d’activité Transversale, mais rarement perçue comme un quelques décennies sur la santé des personnes physique quotidienne par l’OMS © IAUmode, peu médiatisée,île-de-France la marche a, pendant de plus de cinquante ans serait annulé par les et les plans français nutrition et santé. longtemps, faiblement intéressé les décideurs, (1) Francis Papon, Inrets. alors que tous leurs administrés sont des pié- (1) Véronique Michaud est chercheuse associée, prospec- tive RATP. Elle est également secrétaire générale du Club des tons. Bien qu’elle représente une part impor- villes et territoires cyclables. tante des déplacements urbains dans toutes les (2) Livre vert européen, Vers une nouvelle culture de la mobi- villes (54 % à Paris, 33 % en Île-de-France)(4), elle lité urbaine. (3) Programmes européens de R&D: Adonis, Prompt, Cost. n’a pas, jusqu’à ce jour, fait l’objet d’une (4) Cette part a baissé: en un quart de siècle, elle est passée approche ciblée dans notre pays. Les aména- d’un tiers à un quart des déplacements en France et, en Île- geurs ont considéré la sécurité du piéton, plu- de-France, de plus de 40 % à un tiers! (5) Cf. J.-M. Offner «Trente ans de pas perdus!», Urbanisme, tôt que ses attentes et la spécificité du déplace- mars-avril 2008 n° 359 et «Les piétons, nouveaux enjeux, nou- ment pédestre. Par ailleurs, la question de la veaux savoir-faire», Métropolis, n° 75, 3e trimestre 1986. 118 conséquences du surpoids. Et il ne faut pas dit, en se demandant si on peut volontairement Le plan marche de Londres oublier le sentiment de bien-être qu’apporte augmenter la distance de marche pour attein- Dans la perspective de l’accueil des JO une activité physique quotidienne devenue peu dre sa voiture, afin de favoriser les transports de 2012, Londres souhaite devenir une walking-friendly city. Après le plan à peu étrangère à nos modes de vie. Il faut donc collectifs. La démarche actuelle d’évolution vers piétons de 2004, le programme Legible redonner le goût de marcher aux citadins, pour un code de la rue, engagée par le ministre des London (Londres lisible)(1) est un ensemble leur bénéfice individuel et celui de la collecti- Transports en 2006, vise à intégrer à ce disposi- de mesures pour créer un nouveau réseau vité. tif réglementaire un changement profond de de trajets sûrs, simples et rapides vision, une inversion des priorités, afin de faci- pour les piétons. Après une phase d’études préalables(2), une expérimentation Conflit d’usages, conflit d’échelles: liter et accompagner le rééquilibrage en cours a été menée en novembre 2007 sur Oxford un contexte à faire évoluer dans les agglomérations(8). Mais on ne peut trai- Street avec évaluation en 2008. L’essor de la voiture dans nos villes s’est exercé ter les circulations douces à la seule échelle Il concerne la part des déplacements aux dépens de tous les autres modes de dépla- du quartier ou du centre-ville en les confinant accessibles à pied de moins cements. Il a créé un système délétère (pollu- à ces territoires. Les outils de planification de deux kilomètres ou vingt-cinq minutes environ. Pour le métro, un trajet sur dix tion, insécurité routière) et destructeur de l’es- urbaine doivent permettre de construire un pro- fait moins de deux kilomètres pace public. Comme le montre Jacques Lévy(6), jet de territoire partagé, intégrant les différentes et 109 trajets entre stations de métro l’automobile privatise l’espace tandis que les échelles et les différents espaces de vie. Le lien sont plus rapides à la marche qu’en métro, métriques pédestres – la marche et les trans- entre ces espaces et ces échelles sera toujours soit 55 % du total des trajets inférieurs (3) ports collectifs – créent de l’espace public, y l’infrastructure mais, selon son gabarit, sa géo- à deux kilomètres . Une expérimentation a été menée sur Oxford Street autour compris dans le réseau de transport. Le (bien métrie, son traitement paysager, elle rappro- de la station de métro Bond Street, nommé) code de la route a entériné, dès 1922, chera, reliera ou au contraire séparera, éloi- forte zone de chalandise (200 millions le primat de la circulation sur les autres fonc- gnera(9)… Dans toutes ces démarches de de visiteurs par an dont 87 % à pied). tions de la rue. Ses modifications successives rééquilibrage de l’espace public et de nouvelles La démarche s’est concentrée ont certes permis de mieux prendre en compte civilités est également en jeu notre capacité à sur les questions d’orientation (cartes de vie quotidienne) et de navigation l’ensemble des usagers, mais sans jamais remet- lutter contre l’étalement urbain et à densifier (signalétique urbaine) à partir de différents tre en cause ce référent. Depuis une vingtaine la ville, en transposant dans le périurbain les scénarios d’usage. Une signalétique d’années, les aménageurs disposent d’une boîte mêmes «remèdes» que dans les centres-villes et a été conçue sous des formats à outils en faveur d’un meilleur partage de la en faisant le chemin inverse de celui du code et sur des supports suffisamment diversifié voirie et de l’espace public, qui leur permet, (totems, panneaux, mobiles, plans,...) pour permettre à chacun de marcher avant tout, de réduire les vitesses. On privilégie (6) Jacques Lévy est professeur de géographie et d’aména- gement de l’espace à l’École polytechnique fédérale de Lau- et s’orienter. Elle associe information encore trop souvent les seuls aspects défensifs. sanne depuis octobre 2004 et directeur du laboratoire Chô- verbale et visuelle en recourant Comme le fait observer Anne Faure (urbaniste), ros. à des représentations mixant une carte «bien souvent, la méthode ne questionne ni la (7) Ronan Golias, «Utiliser l’accessibilité piétonne pour un en perspective avec des objets en relief, transfert modal de la voiture vers les transports en commun: dans un style inspiré des Google maps. logique de conception d’ensemble de l’espace, le cas de Paris» in Transports urbains, n° 111, septembre 2007. ni la logique du vécu des différents usagers: (8) Le premier train de modifications réglementaires, principe (1) Il est initié en commun par la ville de Londres, elle juxtapose des dispositifs physiques contrai- de prudence, zone de rencontre et généralisation des double- Transport for London et London Development Agency sens cyclables dans les zones apaisées, a été adopté par sur la zone du péage urbain (Congestion Charge gnants», sans remettre en cause la hiérarchie décret du 30 juillet 2008. Zone) - site web: du plus fort sur le plus faible! La reconquête (9) Geneviève Laferrère, Certu, 2003. http://www.legiblelondon.info/wp01/index.php (2) Deux enquêtes quantitatives ont été réalisées de l’espace public au profit de tous les usagers Walkable journeys (AIG/LES) et Walking Tube Study de la ville, et non des seuls flux automobiles, (AIG). (3) Pour le réseau bus, environ la moitié requiert une prise en compte des spécificités des déplacements font moins de deux kilomètres. des différents usages et usagers de la rue. Encourager la marche, c’est retrouver les itiné- raires directs, confortables, accueillants que la voiture leur a confisqués. Le développement de la marche profite aussi aux autres modes, vélo, bus, tram, métro… Ne sont-ils pas en quelque sorte les « bottes de sept lieues » du marcheur, lui permettant d’aller plus vite et sur- tout plus loin ? L’excellence des réseaux de transports est© indissociable IAU du traitement des île-de-France espaces urbains, et la qualité des itinéraires pédestres conditionne largement le succès de l’offre de transports publics. La ville de Paris, dans le cadre de son plan local de déplace- Le piéton, acteur urbain total, ments (PLD), va plus loin en agissant non seu- devrait occuper une position lement sur les conditions du cheminement à privilégiée dans le processus pied vers le réseau de transport public pour en de concertation et de décision, améliorer l’attractivité, mais aussi en intégrant car il emprunte les cheminements cette dimension de l’accessibilité piétonnière à les plus simples, agréables (7) la réflexion sur le report modal . Autrement Images/IAU îdF J.-C. Pattacini/Urba et directs. 119 Offrir des services attractifs Contribuer à une ville plus accessible et durables Les Cahiers n° 150 La marche, mode d’avenir

Genève et son plan piétons de la route en 1922 qui a contribué à faire ren- Les indications en temps et en distance sont Programme global de valorisation trer la route dans la ville. Pour ces raisons, le également précieuses. L’édition de plans pié- de la marche, il fédère sur le territoire piéton, acteur urbain total, devrait occuper une tons avec le temps des trajets à pied offre une de Genève toutes les actions d’amélioration de l’espace public en faveur position privilégiée dans le processus de autre lecture de la ville (et du réseau de sur- des piétons pour leur assurer sécurité, concertation et de décision alors qu’au- face). L’établissement de cartes isochrones des continuité et attractivité des parcours jourd’hui les pouvoirs constitués dialoguent déplacements à pied autour d’un pôle généra- depuis 1995. Sans base réglementaire, avec l’une ou l’autre des figures sectorielles. teur de trafic (station de transports publics, équi- il vise à redonner aux piétons «droit Passer à côté de la globalité du piéton, c’est se pement sportif, université, lycée, centre com- de cité» et à encourager la marche avec une mobilisation de la ville en faveur priver de son expertise de citoyen, de son expé- mercial, etc.) permet de vérifier l’accessibilité de son environnement, du développement rience de la ville. d’un lieu, le taux de desserte d’une station ou des modes alternatifs à la voiture, d’une gare… et d’intervenir pour améliorer de la lutte contre le bruit. Il a été suivi Agir sur la demande pour développer l’existant. La sécurité des déplacements se en 2000 d’un plan directeur des chemins la marche comme mode trouve renforcée par des flux mieux signalés et pour piétons, outil de planification opposable, composé de cinq volets: On voit bien l’importance de la distance de canalisés. Et on augmente la sécurité subjec- encourager les promenades, valoriser marche ainsi que des conditions de confort et tive en évitant les endroits inhospitaliers. En pri- des lieux par quartier, faciliter de sécurité du trajet à pied qui pèse sur les vilégiant les rues commerçantes par exemple. les mouvements piétons, éliminer conditions de compétition entre les modes de La rue n’est pas qu’un lieu où l’on circule mais les obstacles, modérer le trafic à l’échelle déplacement ! Ces approches posent, par ail- un espace aux multiples usages. S’y arrêter, flâ- du quartier. Il dispose d’un très important volet de communication leurs, la question de l’efficacité de la marche, ner, rencontrer un ami, téléphoner sans incom- avec des campagnes de promotion, de la rapidité. Le PLD de Paris prévoit d’élabo- moder les autres, se reposer… autant de besoins d’information et de marketing urbain. rer un schéma directeur piétons, destiné à aug- que peu de lieux permettent. Les micro-jardins Depuis 1995, un dépliant présentant menter le confort mais aussi l’efficacité de la à Lyon, les jardins de poche à Genève, les micro- une promenade thématique paraît marche (longueur des trajets, temps d’attente oasis nocturnes de Rome (Notte bianca 2004), chaque année, l’occasion de poser chaque fois un nouveau regard sur Genève. aux carrefours…). Quels sont les moyens effi- etc., autant d’exemples qui prouvent que nos Site web: http://www.ville-ge.ch/geneve/ caces? villes disposent de nombreux «lieux en panne» plan-pietons/index.html L’infrastructure – un trottoir large et confortable à qui on redonne ainsi une destination, une uti- – est une des conditions majeures pour redon- lité. ner envie de marcher. Mais si la rue n’est pas Les touristes sont de grands marcheurs, mais agréable, l’environnement inhospitalier, ce les territoires du quotidien se prêtent aussi à contexte ne suffira pas. Sonia Lavadinho(10) et des usages inattendus, des explorations, l’intro- Yves Winkin(11) ont montré combien il faut pro- duction occasionnelle de pratiques vacan- curer au marcheur des aménagements maté- cières. À preuve les randonnées pédestres dans riels – un ensemble d’infrastructures et d’ac- Paris, best seller de la Fédération de randonnée cessoires matériels (de la chaussure à l’i-pod) pédestre, les visites à roller, la varappe dans des – mais aussi des accessoires symboliques sus- lieux non destinés à ce sport, les balades gui- ceptibles de donner à la marche un statut de dées à vélo…, ce que Jean-Didier Urbain ras- mode de transport à part entière. L’approche semble dans la formule du City break, l’exo- fonctionnelle ayant dominé nos cahiers des tisme du quotidien et du furtif. charges et envahit nos modes de pensée, les

Service d’urbanisme-ville de Genève démarches symboliques autour de la marche se La marche, mode innovant font encore rares. Mais les aménagements La marche, parce qu’elle est à la fois un mode La carte «Genève en temps urbains qui permettent au piéton de ne plus à part entière et davantage qu’un mode (le seul piéton» est un des outils du plan être sur la défensive, de partager l’espace public mode qui n’a pas comme vocation unique le piétons. Elle indique les distances à égalité avec les autres modes – et bien sûr en déplacement), parce qu’elle conjugue le mou- en minutes à la vitesse moyenne sécurité – agissent fortement sur cette montée vement et l’arrêt, peut également devenir un de 5 km/h entre les grands points en grade. L’association suisse Mobilité piétonne champ d’innovation. C’est le parti pris de la de repère (équipements, a expérimenté dans des villes suisses (Bienne, prospective de la RATP dans la démarche de carrefours, …) de la ville. Burgdorf) une signalisation piétonne avec, par réflexion et de conception autour de la marche exemple, des indications à destination des pié- qu’elle a engagée depuis 2006. La marche peut © IAUtons (un pictogramme île-de-France piéton et/ou cycliste à son tour, à l’image de l’impact sur les choix quand ceux-ci sont effectivement concernés) modaux des vélos en libre service à Lyon en sur les panneaux voie sans issue. Une idée à mai 2005 et Paris en juin 2007, aider à relever de suivre, pour la perméabilité du réseau viaire, en facilitant aussi la traversée de lieux publics (10) Sonia Lavadinho est collaboratrice scientifique à l’École (comme en Suisse), des parcs par les cyclistes, polytechnique fédérale de Lausanne. (11) Yves Winkin est professeur des universités en sciences en luttant contre la privatisation des espaces, en de l’information et de la communication. Spécialisé en retrouvant les chemins, les venelles, les esca- anthropologie de la communication, il enseigne la sociolo- liers, les cours… Le jalonnement des itinéraires gie des interactions et l’histoire sociale des cultural studies anglo-saxonnes à l’École normale supérieure de Fontenay- pédestres, l’indication des lieux, monuments, Saint-CLoud. Voir notamment «Du marcheur urbain», Urba- services publics, etc. est un élément essentiel. nisme, n° 359, mars-avril 2008. 120 nouveaux défis, d’autant plus que ses atouts sont aujourd’hui relayés par la saturation des réseaux de transports collectifs. À Londres, TfL a décidé de consacrer des investissements importants dans le domaine de la marche et du vélo pour contribuer à la désaturation du métro, partant de l’observation que près de 20 % des trajets en métro seraient plus rapides à pied! L’oubli qui frappe la marche, depuis plus de vingt-cinq ans en France, restreint la quantité de données disponibles. Cependant, quelques calculs réalisés récemment sur le réseau RATP nous donnent des indications déjà précieuses: 49 % des parcours métro de moins de un kilo- mètre sont plus rapides à pied. La signalétique expérimentée Les travaux de la prospective RATP ont rencon- dans le cadre du programme tré un écho grandissant. Un séminaire sur «la Legible London, associe information marche au cœur des mobilités» a été organisé verbale et visuelle. en 2007 et a réuni chercheurs, collaborateurs de L’objectif est de développer la RATP, partenaires institutionnels (ville de le recours à de la marche

Paris, Région Île-de-France, Certu, Predit, CNT, Ian Bell/TfL pour les trajets de moins de 2 km. Coliac)(12). Cette démarche a mis en évidence qu’il existe à la RATP un grand savoir-faire service. Proposer des trajets par la rue, alterna- autour du piéton, mais que celui-ci est dispersé: tifs aux correspondances en sous-sol ou à des calculs d’évacuation, gestion des flux, signalé- courts trajets en métro, augmenter la connecti- tique, calcul d’itinériaires… Une discipline vité du réseau avec de nouvelles «correspon- transversale s’est ainsi constituée à la RATP,une dances par la ville», en guidant le voyageur sur «piétonique» qu’il s’agit de valoriser. son trajet (jalonnement, signalétique, infomo- La RATP est aussi impliquée dans un proces- bilité), cheminements faciles et agréables… sus général de rééquilibrage de l’usage de la sont des pistes qui peuvent intéresser les spécia- voirie. Les problématiques de marchabilité listes de l’exploitation. La ligne 10 du métro pari- (englobant l’accessibilité) deviennent détermi- sien et ses agents étudient d’ailleurs actuelle- nantes dans la conception des espaces et des ment plusieurs de ces possibilités. Soulignons offres de transport. À titre d’exemple, la ques- également qu’au quotidien, les questions des tion des circulations piétonnes sera placée au usagers portent autant sur les transports eux- centre de la conception des futurs terminaux de mêmes que sur l’accès à un lieu donné qui, l’extension du tramway des Maréchaux. Ce prin- bien sûr, intègre la marche. La prise en compte Références Bibliographiques cipe de réalisation à l’échelle du piéton devrait des besoins du marcheur participe donc de la

être systématisé pour toutes les réalisations de relation de service au voyageur. • DEMERS Marie, Pour une ville qui marche. sites propres: c’est la condition de leur intégra- Marcher, ce n’est pas seulement accéder à une Aménagement urbain et santé. tion urbaine, de leur capacité à créer de nou- destination, à un autre mode de transport. C’est Les éditions Ecosociété. velles centralités en proche couronne, à assurer aussi une expérience multisensorielle, un • « La marche au cœur des mobilités » - une démarche innovante, Véronique des continuités en retissant la maille fine des iti- espace-temps aux mille et une sensations! Le Michaud, Blanche Segrestin, collection néraires piétons, à favoriser de nouvelles mobi- marcheur configure l’espace dans lequel il che- Prospective RATP, n° 152, juin 2008. lités et de nouvelles habitudes. La responsabilité mine. Il recompose, en marchant, l’espace de • THOMAS Rachel, « Les territoires de de l’opérateur de mobilité porte aussi sur l’am- son déplacement. L’enjeu consiste à amplifier l’accessibilité », Bernin, À la croisée, biance des espaces publics et des lieux du ce potentiel de conception dont dispose le pié- 2005. • PAQUOT Thierry, Des corps urbains, transport, qui conditionne les comportements ton. Après avoir voulu le canaliser pendant ces sensibilités entre béton et les usages. Les voyageurs marchent dans le trente dernières années, il s’agit de redonner et bitume, Paris, éditions Autrement, métro et en sortent© pour rejoindreIAU leur destina- auîle-de-France piéton toutes ses capacités d’action grâce 2006. tion: la qualité de cette marche est un élément à une marche plus performante, plus agréable, • SOLNIT Rebecca, L’art essentiel du confort et de la qualité de service. plus confortable. Le marcheur urbain aura alors de marcher, Paris, Actes sud, 2002. • « La rue entre réseaux et territoires », accès à toutes les ressources de la ville ou n° 66-67 de la revue Flux, La marche, outil d’intermodalité presque. Il surfera ainsi sur les différentes octobre 2006-mars 2007. La marche est, par excellence, le mode des cor- échelles du déplacement: à pied, en transports • « Marcher », in Urbanisme, n° 359, respondances. C’est un champ de conception collectifs ou encore à vélo. mars-avril 2008. important si on considère le déplacement à • Zone 30, des exemples à partager, coll. Une voirie pour tous, Certu, 2006. pied non pas comme une fatalité mais comme • Certu, Gart, Ademe, Bonnes pratiques un élément à intégrer dans l’expérience des (12) Rapport Prospective RATP n° 152, «La marche au cœur pour des villes à vivre : à pied, à vélo…, voyageurs. Et une composante importante du des mobilités». Paris, Gart, 2000. 121 © IAU île-de-France Accueillir le transport des marchandises

Le transport de marchandises, par nature, comporte une dimension internationale forte. Il n’y a, pour ainsi dire, plus de produit que nous achetons qui n’ait été fabriqué, en totalité ou en partie, dans un autre pays, voire sur un autre continent que celui où ils sont consommés. L’organisation des flux de marchandises s’est profondément modifiée au cours des dernières décennies, y compris pour une partie de nos produits alimentaires.

Comprendre les évolutions qui ont abouti à cette extraordinaire multiplication des échanges – et aux problèmes générés dans toutes les grandes agglomérations – nécessite une prise en compte globale des chaînes logistiques, depuis l’échelle internationale des grands flux intercontinentaux jusqu’à l’échelle locale de la distribution des marchandises dans nos grandes surfaces et nos commerces de proximité.

Cette démarche globale permettra une meilleure anticipation des évolutions à venir par les pouvoirs publics. Les réponses apportées seront d’autant plus importantes © IAU île-de-Franceque, aux termes du protocole de Kyoto, l’Europe s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8 % d’ici 2008-2012 par rapport aux émissions de 1990, et d’au moins 20 % d’ici 2020. L’enjeu, de taille, consistera à concilier le développement de la demande de transports de marchandises avec les nouveaux impératifs de développement durable.

123 Accueillir le transport Vers une mobilité durable en Europe des marchandises Les Cahiers n° 150 Le Grand Bassin parisien, une vision stratégique interrégionale

Les Cahiers – Vous êtes président Il y a donc des solutions pour ce domaine de de la conférence permanente compétence qui est le nôtre. Mais pour ce qui des présidents du Grand Bassin parisien. est du réseau ferroviaire par exemple, l’État est Pouvez-vous nous présenter la démarche en train de se désengager. Que pouvons-nous «C8»? faire, face à cela, alors que nous n’avons pas la

com des images-B. Teisseidre/CRP Claude Gewerc – Les huit régions qui compo- maîtrise de ce domaine, et que les sommes en sent la conférence du Grand Bassin parisien jeu sont considérables? Interview représentent environ 40 % de la population et On ne retrouve pas cette contradiction partout plus de 50 % de la richesse française. Il a donc en Europe. En Allemagne, en Italie, en Espagne, été essentiel d’appréhender cette échelle de les Régions peuvent dialoguer directement avec territoire dès la conception de la « C8 » : elle les institutions européennes, parce qu’elles sont Claude Gewerc est président nous permet de traiter les pro- autorités organisatrices, » Une véritable politique de la conférence permanente blèmes que nous subissons et et ont donc une capa- interrégionale des présidents qui résultent, en grande par- des échanges internationaux cité de faire et d’organi- du Grand Bassin parisien tie, des conséquences d’une devrait organiser ser. Pour ce qui nous («C8») et président du conseil organisation spatiale en l’acheminement des flux concerne, nous n’avons régional de Picardie. étoile, centrée sur Paris. de marchandises vers les lieux pas autorité dans un À l’initiative du président Il s’agit donc aujourd’hui de de destination, sans que certain nombre de du conseil régional rechercher des solutions à domaines, alors que les réseaux soient engorgés. « et du président du conseil l’échelle de la «C8» et d’en- nous devrions l’avoir économique et social régional visager les contournements de la région pari- pour pourvoir mettre en œuvre notre vision de d’Île-de-France, les présidents sienne que nous pourrons mettre en place, tout l’organisation territoriale. de conseil régional en conservant et en développant les relations Ceci vaut pour la problématique fret. Nous et de conseil économique économiques que les sept régions entretien- avons une vision géostratégique pour chaque et social de Bourgogne, nent avec l’Île-de-France. La «C8» porte un pro- mode (ferré, fluvial, maritime, aérien), mais ceci du Centre, de Champagne- jet global commun aux huit régions. Il respecte n’est pas dans notre champ de compétences. Il Ardenne, de Basse la capacité de chacune des régions de traiter y a un hiatus entre notre volonté d’agir et nos et de Haute-Normandie, elle-même les problèmes qui lui sont spéci- moyens d’actions. des Pays de la Loire, fiques. Le Grand Bassin parisien est situé au et de Picardie se sont réunis cœur de la partie de l’Europe la plus riche et la L. C. – Dans le contexte de structuration le 22 mai 2006 plus développée: le rôle de la «C8» est de lui des grands flux de marchandises pour la première conférence permettre de poursuivre une politique de déve- à l’échelle internationale, quel devrait interrégionale des présidents loppement extrêmement active, en cohérence être le positionnement du Bassin parisien du Bassin parisien. avec cette échelle interrégionale. dans le Nord-Ouest européen ? Une deuxième conférence C. G. – Une véritable politique des échanges a eu lieu le 23 janvier 2008. internationaux devrait organiser l’achemine- L. C. – De quelle marge de manœuvre ment des flux de marchandises vers les lieux de disposez-vous pour aboutir destination, sans que les réseaux soient engor- au positionnement souhaité gés. Il faut, au contraire, favoriser la fluidité, pour pour le Grand Bassin parisien, les marchandises, comme pour les personnes. notamment pour ce qui concerne Une telle politique doit intégrer tous les modes le transport de marchandises ? de transport, pour que l’ensemble du territoire C. G. – À l’échelle française, nous sommes en du Grand Bassin parisien vive et échange avec pleine contradiction, quant au rôle et à l’action le reste de l’Europe et du monde. Cela dit, on © IAUdes collectivités île-de-France territoriales: c’est l’État central, considère trop souvent que les ports maritimes en effet, qui décide. Les Régions ont compé- ne sont que des portes d’entrée des marchan- tence en matière d’aménagement du territoire dises sur notre continent. Le renchérissement et, tout du moins en partie, en matière d’action très probable du coût de l’énergie, et le très pro- économique. Dans le domaine du transport de bable redéploiement des outils de production voyageurs, nous «avons la main ». La Région industrielle en Europe (notamment dans le Picardie a ainsi fortement investi dans ce Grand Bassin parisien, où l’activité industrielle domaine et, aujourd’hui, 80 % des trains qui cir- est largement présente) et dans les pays d’Eu- culent en Picardie sont neufs ou rénovés. En rope centrale et orientale, pourraient renforcer conséquence, le trafic voyageurs a augmenté la vocation d’exportation de ces grands ports de 20 % depuis 2004. maritimes. 124 Il faut également penser aux évolutions des L. C. – Quelle stratégie la « C8 » fonctions logistiques. Nous nous acheminons va-t-elle mettre en œuvre à l’avenir vers la troisième génération de plate-forme, où pour une meilleure prise en compte les produits et composants sont assemblés et du Grand Bassin parisien conditionnés, puis réexpédiés vers les lieux de dans les programmes d’investissement ? consommation sur le territoire national et inter- C. G. – La première étape de la stratégie de la national. Dans cette nouvelle organisation des «C8» est aujourd’hui achevée. Les huit régions chaînes de transport, qui s’appuieront sur des du Grand Bassin parisien se sont remises autour plates-formes de «logistique avancée», la fonc- d’une table et ont évoqué leurs problématiques, tion des ports maritimes et fluviaux, des réseaux leurs enjeux, leurs projets structurants et leurs d’infrastructures, des lignes ferroviaires prend priorités, dans un esprit d’ouverture et de toute son importance. coopération. Ce premier travail, qui s’est traduit par un document d’orientation, a permis de L. C. – Sur quel réseau d’infrastructures refonder une volonté d’agir ensemble. le Grand Bassin parisien devrait-il Ensuite, la stratégie de la «C8» doit se traduire s’appuyer ? par la sélection d’un certain nombre de champs C. G. – Le monde est en train de changer. Il faut opérationnels qui sont déjà déclinés dans le en tenir compte dès aujourd’hui pour imaginer pré-projet. des solutions pérennes à long terme. D’autant Ce que nous avons commencé à mettre en que le délai de réalisation des projets d’infra- place s’inscrit dans une réflexion à l’échelle structures peut être de vingt ans! internationale et repose sur le constat que le Un projet d’infrastructure doit être réfléchi dans Grand Bassin parisien n’est pas pris en compte son ensemble: la problématique des intercon- à l’échelle européenne. Il faut donc que la «C8» nexions doit être appréhendée, de même que négocie avec l’Union européenne et que les les perspectives de report de trafic de la route premières pistes évoquées dans le pré-projet vers le fer et la voie d’eau, mais aussi entre ces soient discutées. deux modes alternatifs. La question de l’opti- misation de l’usage des infrastructures exis- Propos recueillis par Lydia Mykolenko tantes est, elle aussi, importante. et Corinne Ropital Une question se pose, celle de l’organisation de la réception et de l’expédition des marchan- dises par voie d’eau, en tenant compte d’un certain nombre d’éléments: le développement de Port 2000, de l’axe Le Havre-Rouen et, plus Les grands enjeux et territoires logistiques globalement, de notre façade maritime allant du Nord-Ouest européen du Havre à Dunkerque, et le projet Seine-Nord Europe. S’agissant du mode ferroviaire, il faut, certes, permettre aux trains de marchandises de tra- verser l’Île-de-France. Cela doit être le cas pour certains trains en provenance du Havre et pour ceux empruntant l’autoroute ferroviaire Nord- Sud, laquelle pourrait contribuer à résorber la croissance du trafic routier de l’A1. Mais l’itiné- raire principal doit être un itinéraire de contour- nement complété par un réseau de plates- formes multimodales. Avec l’ouverture de l’Europe à l’est, le transport ferroviaire est amené à jouer un rôle considéra- ble. Les marchandises© arriveraientIAU par voie fer- île-de-France rée et pourraient rentrer au cœur des villes par voie fluviale. C’est pourquoi la question des plates-formes logistiques, en lien avec les infrastructures actuelles et futures est importante. Il faudra amé- nager les zones logistiques, les raccorder aux voies ferrées. Le problème – et il est de taille! – est de trouver les financements.

125 Le commerce mondial et les portes d’entrée maritimes

Le commerce mondial et l’enjeu des ports maritimes 127

Conteneurisation, mondialisation et métropolisation 130

Le port d’Anvers, porte d’entrée maritime de l’Europe 134

CMA-CGM : un poids lourd dans l’industrie du transport par conteneurs 136

© IAU île-de-France Accueillir le transport Vers une mobilité durable en Europe des marchandises Les Cahiers n° 150 Le commerce mondial et les portes d’entrée maritimes Le commerce mondial et l’enjeu des ports maritimes Lydia Mykolenko(1) IAU île-de-France

Le développement du transport maritime, notamment à partir des années 1960, a été sans aucun doute l’un des principaux facteurs contribuant à la formidable augmentation des échanges mondiaux et à l’accélération de la mondialisation de l’économie. Maersk Line

Le porte-conteneurs géant Eugen andis que les nouveaux pays émergents 2000) d’une capacité totale de 10,9 M EVP Maersk fait son entrée à Port 2000. comme la Chine et l’Inde se sont posi- (8,2 M en 2006 et 4,5 M en 2000). Compte tenu T tionnés pour accueillir les délocalisa- des navires en commande (plus de 1 000 tions industrielles, la conteneurisation – qui navires), la flotte devrait compter 5800 unités en concerne aujourd’hui plus de 80 % des pro- janvier 2012, représentant une capacité nou- duits manufacturés – et la mise en service de velle de 7 M EVP et une capacité totale de navires porte-conteneurs de plus en plus grands 18 M EVP(2). Au cours des quatre prochaines ont permis de produire massivement à des mil- années, la flotte devrait croître à un rythme liers de kilomètres des lieux de consommation. moyen de 14 % par an en termes d’EVP, offrant De fait, un conteneur peut être chargé rapide- une capacité de plus de 18 M EVP (contre ment à bord d’un navire puis déposé sur un 10,9 M EVP en 2008), malgré un contexte éco- Transport maritime: train, une barge ou un camion sans qu’il y ait nomique très difficile. La plupart des experts la primauté des ports asiatiques besoin d’intervenir sur le contenu. Il a rendu semblent s’accorder à penser que la crise Aujourd’hui, le transport maritime assure possible la mise en place d’une nouvelle orga- actuelle affectera peu la croissance mondiale en tonnage plus des trois-quarts des importations et exportations nisation logistique fondée sur la connexion des des échanges et que la chute du trafic conte- de marchandises entre les pays. continents entre eux. neurisé qui a pu s’observer dès septembre 2008 Il a atteint 7,4 milliards de tonnes Le transport maritime mondial de conteneurs dans les ports internationaux serait passagère. en 2006. Quinze ports, dont douze s’est élevé à 110 millions équivalent vingt pieds Parallèlement à cette croissance de la flotte, la * sont asiatiques , ont assuré à eux seuls (EVP) en 2006 et 121,7 M EVP en 2007, soit un taille des navires augmente. L’évolution la plus plus de la moitié de ces tonnages. Shanghai est de loin le premier port doublement par rapport à 2000 (60,5 M EVP). remarquable concerne les VLCS (Ver y Large mondial, avec plus de 500 millions Il croît de plus de 10 % par an depuis la fin des Container Ships, navires de plus de 7500 EVP), de tonnes traitées. années 1990 et de 13 % depuis le début des dont la flotte compte actuellement 188 unités Le port de Rotterdam, premier port années 2000. Son développement s’est effec- (dont 7 de plus de 10000 EVP). Le nombre des européen avec ©420 Mt de marchandises IAUtué en priorité surîle-de-France les axes Asie-Europe, Europe- VLCS devrait presque tripler en l’espace de qua- traitées en 2008, est le troisième port mondial. Le port d’Anvers, deuxième port Amérique du Nord et Amérique du Nord-Asie. tre ans (514 unités en 2012 dont 158 de plus de européen, figure pour sa part 10000 EVP). Conséquence de cette évolution de au dix-septième rang mondial Les navires porte-conteneurs: la taille des navires, les ports maritimes ont dû avec 186 Mt traitées en 2007, un doublement de la flotte mondiale se lancer dans des travaux gigantesques pour loin derrière Rotterdam. Hambourg, en dix ans pouvoir accueillir ces navires de plus en plus troisième port européen, n’arrive qu’au vingt-deuxième rang, Le Havre Pour répondre à la croissance du trafic, notam- au quarante-cinquième rang. ment de la dernière décennie, la flotte mon- (1) Lydia Mykolenko est responsable des études «logistique diale de navires porte-conteneurs a considéra- et marchandises». * Shanghai, Singapour, Ningbo, Guangzhou, Tianjin, (2) Il est possible que ces prévisions soient revues à la baisse Hong Kong, Qingdao, Pusan, Nagoya, Qinhuangdao, blement augmenté. En janvier 2008, elle ou décalées dans le temps, du fait du report de certaines Kwangyang et Dalian. comptait 4300 unités (3600 en 2006 et 2600 en commandes. 127 Accueillir le transport Le commerce mondial et les portes d’entrée maritimes des marchandises Les Cahiers n° 150 Le commerce mondial et l’enjeu des ports maritimes

Le port du Havre accueille Évolution de la structure de la flotte des navires 2007, Rotterdam est le 6e port mondial à conte- les mastodontes des mers porte-conteneurs neurs (7e en 2002), Hambourg conserve sa 9e Début 2007, le plus grand janvier 2008 janvier 2012 place. Anvers, au 14e rang, a marqué le pas par porte-conteneurs du moment, MSC Pamela Navires Capacité Navires Capacité e de Mediterranean Shipping Company, (nb) EVP (nb) EVP rapport à 2002 (10 ). Le Havre avec 2,6 M EVP escalait au port du Havre. D’une longueur > 10000 EVP 7 106400 158 2044900 traités en 2007 est au 36e rang. La mise en service de 336 mètres pour une largeur 7500 - 10000 EVP 181 1546400 356 3103500 des premiers terminaux de Port 2000 lui ont de 45 mètres et un tirant d’eau 5000 - 7500 EVP 333 2002000 505 3107000 juste permis de garder son rang par rapport à de 13 mètres, le MSC Pamela transporte 3000 - 5000 EVP 779 3177500 1163 4800700 2002 (37e place). Marseille, premier port fran- 9200 EVP. 1000 - 3000 EVP 1869 3397200 2362 4279800 En février 2008, c’est l’Eugen Maersk < 1000 EVP 1142 691800 1292 820700 çais avec 100 Mt de marchandises traitées en qui a fait son entrée à Port 2000. Total 4311 10921300 5836 18156600 2007 et 1 M EVP, arrive loin derrière au regard Source: BRS-Alphaliner L’empilement des conteneurs se fait de son trafic de conteneurs. sur 10 étages en cale et 8 en pontée. gros, nécessitant un tirant d’eau minimal de Sa longueur est de 397,7 mètres, 16 m, voire 20 m pour les VLCS de plus de 10000 Les grands travaux du «range» Nord sa largeur de 56,40 mètres et il nécessite un tirant d’eau de 16 mètres. EVP, des longueurs de quais de 400 m, des équi- Rotterdam, premier port européen, réalise un Enfin, en novembre 2008 c’est au tour pements de manutention pouvant couvrir au nouveau terminal, Maasvlakte II, d’un coût d’en- du CMA-CGM Vela d’escaler moins vingt-deux rangées de conteneurs… viron 3 Md €, dont la capacité sera de 8,5 M EVP. pour la première fois en France. Il envisage d’engager, dès 2013, un nouveau pro- Ce nouveau géant de 11000 EVP Les ports asiatiques sont devenus jet qui poussera à 32-35 M EVP, voire 38 M EVP est le plus gros porte-conteneurs mis en service chez CMA-CGM. Il mesure les plus grands ports du monde les capacités portuaires en 2035. 347 mètres de long pour une largeur La Chine, qui est devenue l’un des principaux Le port de Hambourg avait projeté, en 1997, de de 45,2 mètres. Son tirant d’eau atteint moteurs du trafic maritime mondial, a entrepris manipuler 5 M EVP en 2005; cet objectif a été 15,5 mètres. La valeur marchande la modernisation de ses ports maritimes à par- atteint dès 2002. En 2007, il a pratiquement de sa cargaison est d’environ un milliard tir des années 1980 et, en 2007, après Singapour, atteint les 10 M EVP et prévoit, avec le dévelop- de dollars. les trois premiers ports mondiaux à conteneurs pement des futurs terminaux, 13 M EVP en 2010 sont chinois (les cinq premiers étant asia- et 18 M EVP en 2015. tiques). Anvers a inauguré en 2005 son nouveau termi- nal Deurgangdock d’une capacité de 4 M EVP Le «range» Nord dans la course pour un coût d’un peu plus d’un milliard d’eu- À l’autre bout de la planète, les grands courants ros. Une extension est déjà prévue sur la partie d’échange avec l’Asie se sont donc fortement est (le terminal Antwerp Gateway). Avec 2450 m structurés par les ports de la mer du Nord qui de quai, il aura une capacité de 3,5 M EVP. traitent environ les deux tiers du trafic euro- Au Havre, «Port 2000» devrait porter la capa- péen de conteneurs. Les ports de Rotterdam, cité de traitement à 6 M EVP. Deux des douze Hambourg et Anvers(3) sont devenus les grandes quais prévus au total ont été mis en service: le portes d’entrée et de sortie maritimes du conti- terminal de France en mars 2006 et le terminal nent européen. Grands importateurs des pro- de la Porte Océane en novembre 2007. La mise duits fabriqués en Chine et dans les pays émer- à disposition des futurs postes à quai est prévue gents, ils tentent de suivre le mouvement et de entre mi-2009 et mi-2010. s’adapter car, dorénavant, seuls les ports euro- Les ports de la rangée Nord (du Havre à Ham- péens capables d’accueillir les plus gros navires bourg) ont traité 34 M EVP en 2007 et ont déjà peuvent se situer sur les grandes lignes mari- à faire face à une saturation de leurs capacités times régulières «tour du monde» est-ouest. En de traitement et à la congestion de leurs zones de stockage, voire à celle de leur desserte terres- Les 15 principaux ports mondiaux à conteneurs (en millions d'EVP) – classement par rapport à 2007 tre. Conséquence de la poursuite annoncée sur (4) Pays 2002 2005 2007 Variation annuelle les années à venir de la croissance du trans- 2002-2007 port maritime et des investissements récents 1 Singapour Singapour 16,9 23,2 27,9 10,5 % ou en cours pour adapter leurs installations et 2 Shanghai Chine 8,6 18,1 26,1 24,9 % construire de nouveaux terminaux, ils pour- 3 Hong Kong Chine 19,1 22,4 23,9 4,6 % raient traiter 77 M EVP en 2015. Les projets de 4 Shenzhen Chine 7,6 16,2 21,1 22,7 % © IAU île-de-Francedéveloppement de la dizaine de ports de la ran- 5 Pusan Corée Sud 9,4 11,8 13,3 7,2 % 6 Rotterdam Pays-Bas 6,5 9,3 10,8 10,7 % gée Nord représentent un potentiel d’une tren- 7 Dubaï Émirats A.U. 4,1 7,6 10,6 20,9 % taine de millions d’EVP. 8 Kaohsiung Taïwan 8,5 9,5 10,3 3,9 % 9 Hambourg Allemagne 5,4 8,1 9,9 12,9 % 10 Qingdao Chine 3,4 6,3 9,5 22,8 % 11 Ningbo Chine 1,9 5,2 9,3 37,4 % (3) Trafic en 2007 : Rotterdam : 400 Mt, 10,8 M EVP ; Ham- 12 Guangzhou Chine 2,2 4,7 9,2 33,1 % bourg: 135 Mt, 8,8 M EVP (18 M EVP prévus en 2015); Anvers: 13 Los Angeles États-Unis 6,1 7,5 8,4 6,6 % 186 Mt, 8,2 M EVP. 14 Anvers Belgique 4,8 6,5 8,2 11,3 % (4) D’après une étude allemande de la banque Hypovereins- 15 Long Beach États-Unis 4,5 6,7 7,3 10,2 % bank(HVB) présentée en 2008, la croissance annuelle sur les lignes Asie-Europe de la rangée Nord serait de 13,3 % par Total 15 ports 109,0 163,1 205,8 13,6 %

Source : compilation IAU îdF an jusqu’en 2015. 128 Les ports méditerranéens, Les grandes lignes maritimes Asie-Europe une alternative pour demain? Pourtant, si les ports de la façade Nord traitent environ les deux tiers du trafic conteneurs euro- péen, l’évolution récente a également été favo- rable au développement des ports de la façade méditerranéenne. La part de marché des ports de la façade Nord a diminué au profit des ports de l’Europe du Sud dont l’expansion est favori- sée par la croissance des échanges en prove- nance d’Extrême Orient.Les ports de la façade méditerranéenne se veulent être une alterna- tive pour irriguer l’hinterland centre-européen, en particulier quand il s’agit des flux venant d’Asie où le gain en transit time(5) devient très intéressant pour les lignes passant par le canal de Suez. à conteneurs d’Afrique et de Méditerranée. À la croisée des lignes Europe-Asie, Europe- Sur longue période, le trafic de conteneurs a Afrique et Méditerranée-Amérique du Nord, les crû trois fois plus vite que la production mon- principaux armateurs mondiaux ont mis en diale et cette évolution devrait se poursuivre place, en Méditerranée, des hubs maritimes, au cours des prochaines années à un taux de notamment à Malte, dans le Sud de l’Italie progression annuel situé autour de 10 %. Elle (Gioia Tauro), dans le Sud de l’Espagne (Algé- devrait entraîner au minimum, à l’horizon 2015, siras) et tout récemment au Maroc (Tanger un nouveau doublement de trafic. Med)(6). Ils pourraient juger pertinent, à terme, Alors que les grands ports sont confrontés à d’abréger leurs parcours en déchargeant en des besoins en terre-pleins et en zones de Méditerranée une partie de ce qui est stockage de conteneurs croissants et à un aujourd’hui débarqué en Europe du Nord. manque de place chronique, ces perspectives Algésiras, avec 20 % des parts de marché de la nous amènent à poser la question de la perti- façade, a connu une augmentation de 2 M EVP nence de cette spirale qui impose de dévelop- au cours des quinze dernières années. Un nou- per sans cesse de nouvelles capacités de traite- veau terminal à conteneurs, Isla Verde Exterior, ment des conteneurs à coup d’investissements est en cours de construction. Il offrira un quai considérables. Les ports méditerranéens pour- de 1900 m de long et un tirant d’eau compris raient bien prendre le relais des ports du Nord. entre 17,50 et 18,50 m de profondeur. Il devrait D’autres modes de transport – en particulier le entrer en fonction au 1er juillet 2010.Gioia Tauro, transport ferroviaire – pourraient peut-être aussi en Calabre, totalement dépourvu d’arrière pays, redessiner une nouvelle géographie des grands traite 3 M EVP. À Malte, Marsaxlokk traite plus flux intercontinentaux et faire émerger de nou- d’1,5 M EVP. velles portes d’entrée, continentales cette fois. À Marseille, les deux nouveaux terminaux de Déjà, alors que la Deutsche Bahn a réceptionné Fos 2XL permettront de traiter 2 M EVP à l’ho- son premier train Pékin-Hambourg en jan- rizon 2011, contre une capacité actuelle de vier 2008, d’autres opérateurs étudient ce mar- 700 000 EVP. Puis suivront Fos 3XL (800 m de ché, dont le potentiel serait estimé au quart des quai et 50 ha de terre-pleins) et Fos 4XL flux acheminés par voie maritime. Certes, ce (entre 1000 et 1200 m de quai et entre 60 ha et véritable «pont terrestre eurasiatique» sur plus 80 ha de terre-pleins). Leur mise en service est de 10 000 km ne pourra pas remplacer les prévue à l’horizon 2014. À cette date, le port de navires, même si le transit time est inférieur au Marseille-Fos espère pouvoir traiter jusqu’à parcours maritime. La capacité d’un train est 6 millions d’EVP par an,soit six fois plus que le au mieux de 80 conteneurs (ou de 130 conte- trafic réalisé© l’an passé. IAU neursîle-de-France superposés sur deux niveaux comme les De l’autre coté du détroit de Gibraltar, juste en grands trains «double stack» américains), ce face d’Algésiras, le nouveau port à conteneurs qui est bien peu en comparaison de la taille Tanger Med a été inauguré en 2007. Le premier des VLCS. Mais le mouvement est lancé… terminal en activité compte 800 m de quai, 16 m à 18 m de profondeur, huit portiques « super- panamax » et permettra de manutentionner 1,4 M EVP par an à l’horizon 2011. En 2009, deux nouveaux terminaux permettront de porter à

8,5 M EVP les capacités du nouveau port d’ici (5) Durée d’acheminement d’un conteneur entre le terminal 2015 et de faire de Tanger Med le premier port de départ et le terminal d’arrivée. 129 Accueillir le transport Vers une mobilité durable en Europe des marchandises Les Cahiers n° 150 Le commerce mondial et les portes d’entrée maritimes Conteneurisation, mondialisation et métropolisation Antoine Frémont(1) Inrets

La conteneurisation est née il y a cinquante ans. Simple innovation technique à l’origine, elle participe à la dynamique de mondialisation et de métropolisation de nos sociétés. La compréhension des logiques des acteurs qui organisent ces flux internationaux est essentielle pour définir des politiques pertinentes d’aménagement des territoires de la logistique métropolitaine. Maersk Line

La conteneurisation offre a conteneurisation permet une très forte tale. Le marché intra-asiatique est aujourd’hui aux industriels un très faible coût productivité lors des opérations de manu- le premier marché mondial des conteneurs. du transport international associé L tention portuaire, la mise en œuvre d’éco- À partir de ce cœur asiatique se déploient vers à une très grande fiabilité. nomies d’échelle par l’augmentation de la taille l’est la route transpacifique à destination de des navires et un transport multimodal porte-à- l’Amérique du Nord et vers l’ouest la route à porte. De ce fait, elle offre aux industriels ou destination de l’Europe. Depuis les années 1980, aux distributeurs un très faible coût du transport l’Atlantique Nord n’est plus qu’un segment international associé à une très grande fiabi- secondaire de l’artère circumterrestre de cir- lité. Cela explique sa croissance exponentielle culation des marchandises qui relie les trois de 7 % à 8 % par an. pôles mondiaux. Le long de cette autoroute est-ouest s’égrènent des ports de transborde- La conteneurisation: ment qui se situent de part et d’autre du canal épine dorsale de la mondialisation de Panama, en Méditerranée sur l’axe Suez- 80 % des conteneurs circulent entre l’Amérique Gibraltar (Algésiras, Gioia Tauro), et de la mer du Nord, l’Europe et l’Asie orientale et plus de (1) Antoine Frémont est agrégé de géographie et directeur de la moitié des conteneurs manutentionnés dans recherche à l’Institut national de recherche sur les transports le monde le sont dans les ports d’Asie orien- et leur sécurité. [email protected].

Les neufs principales régions portuaires dans le monde Trafic annuel(1) Population(2) en Région portuaire Ports à conteneurs en millions d'EVP Agglomérations millions d'habitants 1980 2005 1980 2005 Delta de la rivière des Perles Hong Kong, Shenzhen, Guangzhou 1,5 43,3 Hong Kong, Shenzhen, Guangzhou-Guangdong 8,0 22,7 © IAURégion de Singapour île-de-FranceSingapour, Tanjung Pelepas 0,9 27,4 Singapour 2,4 4,3 Delta du Yangtze Shanghai, Ningbo 0,0 23,3 Shanghai, Ningbo 8,5 16,3 Delta du Rhin Rotterdam, Anvers, Zeebrugge 2,8 17,2 Randstad Holland, Flandres belges et Bruxelles - 10,0 Baie de San Pedro Los Angeles, Long Beach 1,2 14,2 Los Angeles-Long Beach-Santa Ana 9,5 12,3 Taïwan Kaohsiung, Keelung 1,6 11,6 Kaohsiung 1,2 1,5 Corée du Sud Pusan, Gwangyang 0,6 13,3 Pusan 3,1 3,6 Baie d'Helgoland Hambourg, Brême 1,5 11,8 Hambourg, Brême(3) - 2,9 Baie de Tokyo Tokyo, Yokohama 1,4 6,5 Tokyo 28,5 35,2 Trafic des neuf principales régions portuaires 11,5 168,5 % par rapport au trafic mondial 32,8 44,0 Sources : (1) CI-Online ; (2) United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division (2006). World Urbanization Prospects: The 2005 Revision. New York: United Nations sauf (3). 130 Rouge à Singapour (Dubaï, Colombo au Sri Les dix premiers armements de lignes régulières Lanka ou Port Klang en Malaisie). Les trafics en novembre 2008. nord-sud ne cessent de prendre de l’importance En % de la capacité de la flotte mondiale en EVP* en valeur absolue, justifiant de nouvelles routes Rang Opérateur Nationalité % directes entre l’Asie orientale et l’Afrique par 1 Maersk Danois 15,7 exemple. Reflétant les profonds déséquilibres 2 Mediterranean Shg Co Italo-suisse 11,1 3 CMA-CGM Français 7,6 du commerce international, les trafics conte- 4 Evergreen Line Taïwanais 4,8 neurisés sont totalement asymétriques: nom- 5 Hapag-Lloyd Allemand 3,8 bre de navires au départ d’Europe ou d’Amé- 6 COSCO Container L. Chinois 3,8 rique du Nord repartent vers l’Asie orientale 7 APL Singapourien 3,8 avec des conteneurs vides! 8 CSCL Chinois 3,4 9 NYK Japonais 3,2 10 Hanjin/Senator Coréen du Sud 2,9 Conteneurisation et métropolisation Part des dix premiers 60,2 En 2005, neuf très grandes régions portuaires Part des vingt premiers 82,0 concentrent 44 % des trafics conteneurs manu- Total monde 100,0 tentionnés dans les ports mondiaux contre 33 % Dont Armements européens 40,6 en 1980. À l’exception des hubs de transborde- Armements asiatiques 35,8 Source : Alphaliner Source : ment, les plus grands ensembles portuaires * La capacité de la flotte mondiale est évaluée à 12,9 millions d’EVP. mondiaux se situent tous dans des aggloméra- tions multimillionnaires qui représentent le mar- ché de destination de ces marchandises. La Des opérateurs mondiaux conteneurisation va aussi de pair avec la métro- Trois acteurs essentiels ont participé à la mise polisation. en place de ce système conteneurisé mondial, Dans ces régions métropolitaines, les complexes en réponse à la demande des chargeurs : les portuaires sont un facteur supplémentaire de armements de lignes régulières, les manuten- nuisances (congestion, pollution), dans un tionnaires et les commissionnaires de transport. contexte de montée des contraintes environ- Depuis les années 1990, ces trois acteurs se sont nementales. Mais pour répondre aux exigences globalisés. Les armements cherchent à être pré- de compétitivité et de fiabilité des chaînes de sents simultanément sur les trois principaux transport ainsi qu’à la hausse des trafics, les marchés: Asie, Europe, Amérique du Nord. Pour ports doivent développer leurs infrastructures et assurer une vaste desserte géographique avec de nouveaux services de transport, tant sur leur de fortes fréquences, les armements asiatiques territoire que dans l’hinterland. D’importantes sont, à quelques exceptions près, regroupés au réserves foncières sont nécessaires. Elles devien- sein de trois alliances, essentiellement investies nent une variable clé des développements por- sur l’axe est-ouest. Les réseaux maritimes des tuaires futurs, qui s’insèrent dans la probléma- armements asiatiques sont très dépendants du tique plus vaste de l’aménagement du territoire commerce extérieur de leur pays. Ce sont des de ces régions métropolitaines. armements « chargeurs ». Ils se heurtent à la

Trafic des principaux ports à conteneurs dans le monde en 2006

© IAU île-de-France

131 Accueillir le transport Le commerce mondial et les portes d’entrée maritimes des marchandises Les Cahiers n° 150 Conteneurisation, mondialisation et métropolisation

croissance continue des trois armements euro- manutentionnaires, l’activité des commission- péens Maersk, MSC et CMA-CGM, qui, indépen- naires n’est pas capitalistique. damment de leur nationalité, exploitent des réseaux de dimension véritablement mondiale, Les logiques d’intégration verticale articulant les grands marchés est-ouest avec les La conteneurisation incite à l’intégration verti- marchés nord-sud via les hubs de transborde- cale pour tirer tout le parti de l’intermodalité. ment. Un unique opérateur de transport intermodal Les opérateurs de manutention portuaire ont peut théoriquement se substituer à l’ensemble eux aussi développé des réseaux globaux de des acteurs pour organiser la chaîne de trans- terminaux, à la faveur du recentrage des auto- port porte-à-porte. Mais, le plus souvent, ces Lexique rités portuaires sur leurs fonctions régaliennes logiques d’intégration verticale visent à confor- EVP: équivalent vingt pieds. et d’aménagement. 70 % de la manutention por- ter les cœurs de métier, comme le montre Unité de mesure standard d’un conteneur tuaire mondiale est désormais effectuée par de l’exemple des armements. permettant d’élaborer des statistiques. Hinterland: dans le domaine du transport grandes compagnies internationales qui ont maritime, arrière-pays continental une énorme capacité de financement et contrô- L’intégration de la chaîne de transport d’un port que ce dernier approvisionne lent un grand nombre de terminaux à travers le à travers l’exemple de l’armateur ou dont il tire les marchandises monde. Ce faisant, elles réalisent d’importantes ARMATEURS qu’il expédie. économies d’échelle en négociant au mieux, A B C D E Hubs: zones de concentration Armateur Intégration verticale et d’éclatement des conteneurs à l’échelle auprès de leurs fournisseurs, le matériel stan- Agent maritime d’un pays, voire d’un continent. dardisé nécessaire à l’équipement des termi- Singapour fait exception: 80 % naux, optimisent le matériel entre les différents Manutentionnaire de son activité est liée au transbordement, terminaux, la gestion informatique des parcs à Commissionnaire bien que le port se situe conteneurs et la maîtrise d’un carnet de clients Transporteur terrestre dans une grande métropole. Carrier haulage: réalisation du transport armateurs et améliorent ainsi leurs perfor- Intégration horizontale par fusion de D et E terrestre de pré-post acheminement mances en matière de productivité. Elles sous la responsabilité de l’armement. concentrent leurs efforts d’investissements sur Les armateurs cherchent à intégrer les fonc- Merchant haulage: le transport terrestre l’artère circumterrestre est-ouest de circulation tions de manutention, afin de sécuriser leurs de pré-post acheminement des marchandises, même si elles s’intéressent de opérations portuaires, notamment dans les ports est du ressort du transitaire. plus en plus aux ports du Sud. où ils ont une forte activité, liée par exemple Enfin, quelques commissionnaires de transport aux transbordements. De la bonne coordina- offrent à leurs clients des prestations logistiques tion des escales dans les ports pivots dépend la à l’échelle de la planète, grâce à un vaste réseau fiabilité de l’ensemble du réseau maritime. C’est d’agences. Ces groupes diversifient leurs acti- pourquoi certains armements créent leur pro- vités pour être en mesure de proposer toute pre filiale de manutention ou s’allient avec des solution de transport en utilisant les différents opérateurs de manutention. Ils sont dans un modes ou en les combinant. Leurs activités rapport de compétition/coopération avec ces peuvent s’étendre de la messagerie express à la derniers. Les armements cherchent aussi à opti- gestion d’ensemble de la supply chain d’un miser la gestion du parc des conteneurs. Ces chargeur. À l’inverse des armements et des derniers sont un élément de la cale du navire et constituent un important capital fixe immo- bilisé. Un navire nécessite théoriquement trois Les dix premiers manutentionnaires mondiaux fois sa capacité en conteneurs, sans doute plus en 2006. En % du nombre d’EVP manutentionnés dans les faits. Plus un conteneur effectuera de dans les ports mondiaux* voyages par an, moins le capital immobilisé sera Rang Opérateur Nationalité Cœur de métier % OT/A** important. Les temps de voyage en mer étant incompressibles, c’est aussi en contrôlant les 1 HPH Hongkongais OT 13,8 2 APMT*** Danois OT 11,8 flux terrestres de leurs conteneurs que les arme- 3 PSA Singapourien OT 10,7 ments parviennent à comprimer leurs coûts. 4 DPW Dubaïote OT 9,4 Cela leur permet en outre d’offrir de nouvelles © IAU5 Cosco île-de-France Chinois A 5 prestations à leurs clients chargeurs et de drai- 6 Eurogate Allemand OT 2,7 ner des hinterlands plus vastes. C’est ce qui 7 Evergreen Taiwanais A 2,1 8 MSC Italo-suisse A 2 explique le développement du carrier haulage, 9 SSA Marine États-unien OT 1,7 c’est-à-dire la réalisation du transport terrestre 10 HHLA Allemand OT 1,5 de pré- ou post-acheminement sous la respon- Part des dix premiers 60,7 sabilité effective de l’armement de lignes régu- Part des opérateurs globaux 70,7 Source: 2007 Drewry, lières. Ils le font lorsqu’ils maîtrisent des * 443 millions d’EVP ont été manutentionnés en 2006 dans le monde. ** OT = Opérateur de manutention volumes suffisants de conteneurs FCL (Full A = Armement de lignes régulières Container Load). Par opposition aux conteneurs ***APMT est la filiale manutention du groupe AP Möller qui détient aussi Maersk, premier armement mondial de lignes régulières. Les terminaux APMT LCL (Less than Container Load) qui nécessitent travaillent d’une façon privilégiée pour Maersk, pas exclusivement cependant. le regroupement de petits lots en provenance 132 de différents chargeurs et qui sont l’apanage Principaux opérateurs de terminaux dans les ports d’Europe du Nord des commissionnaires de transport, les conte- Opérateur Le Opérateur Nationalité de terminal Hambourg Bremerhaven Rotterdam Anvers Zeebrugge neurs FCL dépendent de gros chargeurs (auto- Havre ou armement mobile, grande distribution), capables d’assurer DPW Dubaïote OT • des volumes et des flux réguliers. Les armateurs PSA Singapourien OT • • organisent alors directement l’ensemble du MSC Italo-suisse A • • transport porte-à-porte pour le compte de ces APMT Danois OT • • • • gros chargeurs. Avec le carrier haulage, ils cher- Hutchison* Hong Kongais OT • chent à réduire les coûts du transport terrestre. Eurogate Allemand OT • • Les triangulations consistent à trouver un fret HHLA Allemand OT • retour pour un conteneur import à partir de CMA-CGM Français A • • son point d’acheminement intérieur, au lieu de * Hutchison est détenu à 20 % par PSA. le ramener vide directement au port. Le recours à des modes massifiés comme le rail ou les barges fluviales permet de baisser les coûts du tres, mais ne participent en rien à la «logistique transport. Mais il nécessite une organisation de la marchandise». plus complexe que la route, afin d’offrir une prestation porte-à-porte, notamment par la mise L’exemple de la rangée Nord-Europe en place de terminaux intérieurs, fluviaux ou En Europe du Nord, le mouvement d’interna- ferroviaires, à proximité immédiate ou dans l’es- tionalisation s’est traduit par une répartition pace urbain des métropoles. À partir de ces ter- des terminaux entre les armements et les opé- minaux intérieurs s’organisent les derniers kilo- rateurs de manutention. L’activité des ports est mètres routiers vers les entrepôts ou les usines. dominée par une poignée d’acteurs. Le mar- Plus les réseaux maritimes et terrestres sont étof- ché tend à devenir oligopolistique. fés et maillés, plus il est pertinent de mettre en L’organisation de la desserte terrestre varie en œuvre ces solutions qui nécessitent des fonction des ports et des acteurs. Seuls, volumes importants. Lorsque les armements ne quelques armateurs disposent des volumes suf- contrôlent pas le porte-à-porte, mais qu’il est fisants de conteneurs FCL pour maîtriser un du ressort du transitaire (merchant haulage), segment terrestre. Le groupe danois Möller, qui ils perdent la maîtrise de leurs boîtes. En déve- détient à la fois le second manutentionnaire loppant le carrier haulage, ils entrent en concur- mondial (APMT) et le premier armement mon- rence avec les transitaires. Mais leur perspec- dial de lignes régulières (Maersk), est celui qui tive n’est pas tant de les contester que est allé le plus loin dans le processus d’intégra- Références bibliographiques d’optimiser leurs flux de conteneurs en amont tion verticale. À partir des ports de Rotterdam et en aval du trajet maritime. De plus, les réali- et de Bremerhaven, il a mis en place des • Conférence des Nations unies sur le tés sont différentes d’un marché à l’autre, le navettes ferroviaires via ses filiales ERS et commerce et le développement, Étude plus souvent pour des raisons historiques. Le BoxXpress vers l’Allemagne rhénane et du Sud sur les transports maritimes 2007, Genève. carrier haulage domine en Amérique du Nord, ainsi que vers l’Europe orientale. MSC, second • DEBRIE J., GOUVERNAL E., Services ferroviaires grâce à l’importance des services ferroviaires armement mondial, a fait de même à partir et acteurs des dessertes portuaires, dédiés au fret, ou au Royaume-Uni. Ailleurs, en d’Anvers, grâce à des navettes ferroviaires Rapport n° 263, Paris, Inrets, 2005. Europe et en Asie, les transitaires et les char- dédiées dont il assure la gestion commerciale. • FRÉMONT A., Le monde en boîtes. geurs continuent de jouer le rôle dominant Au Havre, l’ouverture récente de Port 2000 s’est Conteneurisation et mondialisation, Synthèse n° 53, Paris, Inrets, 2007. dans l’organisation terrestre du transport, la part traduite par l’implication des trois premiers • FRÉMONT A., SOPPÉ M. « Port du transport terrestre directement maîtrisée par armements mondiaux dans la manutention et concentration, shipping line les armements pouvant être raisonnablement dans la mise en place de navettes fluviales. concentration and port hierarchy. The évaluée environ à 30 %. Mais cette moyenne Les flux conteneurisés participent au «ravitail- example of the Northern European cache de profondes différences entre les arme- lement » des grandes métropoles. La maîtrise range », in WANG J., NOTTEBOOM T., SLACK B. (dir) : Ports, Cities and Global ments, chacun jouant sa propre partition. de ces flux internationaux s’avère d’autant plus Supply Chains, Ashgate, 2007. Cette implication des armements dans la partie nécessaire qu’ils ne cessent d’augmenter, qu’ils • NOTTEBOOM T., «Container Shipping and terrestre du ©transport se limiteIAU souvent à des dépendentîle-de-France d’un grand nombre d’acteurs diffé- Ports: An Overview », Review of Network contrats de sous-traitance à plus ou moins long rents, chacun avec leur propre logique et qu’ils Economics, vol. 3, n° 2, 2004. terme avec des entreprises spécialisées dans nécessitent des réserves foncières aussi bien • SONG D.-W., Panayides P. M., « Global Supply Chain and port/terminal: les modes routiers, ferroviaires ou fluviaux. Si dans les ports que dans l’espace métropolitain integration and competitiveness », les armements prennent en charge la presta- qui souvent ne font qu’un. Maritime Policy and Management, vol. 35, tion commerciale et l’organisation du transport n° 1, 2008. porte-à-porte, en revanche ils s’impliquent peu, • VAN DER HORST M., W DE LANGEN P., sauf exception, dans le capital des sociétés de « Coordination in Hinterland Transport Chains: A Major Challenge for the transport terrestre. Ils se limitent donc à une Seaport Community », Maritime « logistique du conteneur » qui concourt au Economics and Logistics, vol. 10, n° 1-2, fonctionnement des réseaux maritimes et terres- 2008. 133 Accueillir le transport Vers une mobilité durable en Europe des marchandises Les Cahiers n° 150 Le commerce mondial et les portes d’entrée maritimes Le port d’Anvers, porte d’entrée maritime de l’Europe Annick Dirkx(1) Autorité portuaire d’Anvers

En Europe, les grands courants d’échange, notamment avec l’Asie, sont fortement structurés par les ports de la mer du Nord, qui traitent environ les deux tiers du trafic européen de conteneurs. Grâce à sa stratégie commerciale et à ses investissements, le port d’Anvers est devenu le deuxième port européen après Rotterdam, le troisième pour ce qui concerne le trafic de conteneurs. Autorité portuaireAutorité d’Anvers

Grâce à sa stratégie commerciale e port d’Anvers se situe à 80 kilomètres tenu de la compétition que se livrent les ports et à ses investissements, de la mer, sur l’Escaut. Il s’étend sur maritimes de la façade Nord, l’autorité portuaire le port d’Anvers est devenu L 13000 hectares dont 3700 sont dédiés à d’Anvers doit en permanence démontrer aux le deuxième port européen l’activité industrielle. Anvers héberge le plus armateurs et aux chargeurs qu’ils ont intérêt à après Rotterdam. grand complexe pétrochimique européen. Le choisir Anvers comme premier port d’escale. port d’Anvers, c’est aussi cinq millions de mètres carrés de stockage couvert. De nombreux cen- Anvers, un grand port vraquier tres de distribution européens sont implantés à et un pôle chimique de premier ordre Anvers, parmi lesquels ceux de Volvo, Pioneer, Port polyvalent, Anvers ne traite pas que des Panasonic…Une extension de 1400 hectares conteneurs et sa vocation de grand port d’im- est projetée en rive droite. Pour les marchan- portation de matières premières en vrac devient dises destinées ou en provenance de l’hinter- de plus en plus importante. De fait, avec ses land ouest-européen, la localisation du port vingt-quatre millions de tonnes de transborde- d’Anvers, à l’intérieur du continent, apparaît ment de vracs secs,Anvers est un port vraquier comme un avantage précieux pour maîtriser de premier ordre. Par ailleurs, le port anversois les coûts et desservir le marché de façon effi- est fortement spécialisé dans la distribution de cace. Mais cet avantage ne suffit pas et, compte produits chimiques, secteur dans lequel il occupe la première place sur le marché d’Eu- rope occidentale. La présence des plus grands groupes pétrochimiques multinationaux (Total, BASF, ExxonMobil…) et la constitution de toute une filière industrielle chimique dans son hin- terland ont fait du port d’Anvers l’un des grands © IAU île-de-Francepôles mondiaux de la chimie et du raffinage. L’agencement des terminaux vraquiers, la per- formance de leurs équipements (par exemple, le port met à disposition des transitaires et chargeurs anversois une gamme complète de citernes construites pour le stockage de vracs liquides d’une capacité de 30 000 m3 à 50000 m3, adaptés à tous types de vracs et de gaz En trente ans, le trafic maritime d’Anvers a été multiplié par trois.

Pour le trafic conteneurisé, le cap du million d’équivalent vingt pieds (EVP) a été passé (1) Annick Dirkx est porte-parole de l’autorité portuaire d’An- dans les années 1980. Entre 2000 et 2007, ce même trafic a doublé en passant de 4 à 8 millions d’EVP. vers. 134 liquides), la localisation centrale du port sur la marchandises transportées. Pour répondre à Le port d’Anvers en quelques chiffres façade maritime de la mer du Nord et la qualité cette croissance, le port d’Anvers s’est lancé En 2008, le port d’Anvers a manutentionné de la desserte de son arrière-pays font d’Anvers dans d’importants investissements. Avec la près de 190 millions de tonnes de marchandises, dont 101 millions une alternative de premier choix pour l’impor- construction d’un nouveau bassin, le Deur- de tonnes transportées par conteneurs tation et la distribution de vracs dans toute l’Eu- ganck, d’une capacité de traitement de sept ou 8,6 millions d’EVP, 40 millions rope de l’Ouest. L’avenir, pour Anvers, se situe millions d’EVP, il dispose maintenant d’un de tonnes de vracs liquides, 27 millions dans sa capacité de traiter tous types de trafic sérieux atout. En outre, un plan de développe- de tonnes de vracs secs et 17 millions et, notamment, les vracs qui restent une compo- ment stratégique a été élaboré, il définit les de tonnes de marchandises générales. À l’échelle européenne, Anvers sante essentielle du système d’échanges, four- capacités de traitement supplémentaires qui est le deuxième port pour le trafic global nissant les matières premières nécessaires au devront être réalisées dans les années à venir. et troisième port pour les conteneurs fonctionnement de l’industrie mondiale. Pour l’élaboration de ce master plan, il a été derrière Rotterdam (10,8 millions d’EVP) tenu compte d’une croissance encore soute- et Hambourg (10 millions d’EVP). Une capacité de traitement nue pour les années à venir. À partir de 2010, un Anvers est le hub européen pour les échanges de produits des conteneurs en extension ralentissement progressif de la croissance a sidérurgiques. En 2008, Anvers a reçu À coté des vracs, le trafic de conteneurs, dont la cependant été intégré dans les calculs. Bien 16400 navires et 61359 barges. croissance a été spectaculaire au cours des que la croissance demeure très élevée (envi- Il possède 160 kilomètres de quais, quinze dernières années, est devenu un enjeu ron 5 % annuellement), se fonder sur des pour- 400 kilomètres de routes, majeur pour le port d’Anvers comme pour tous centages de croissance de 10 % et plus pour plus de 1000 kilomètres de voies ferrées. La plus grande partie des pré- et post- les ports maritimes. Parce qu’ils peuvent être les dix à vingt ans à venir n’aurait pas été réa- acheminements est assurée expédiés par divers modes de transport et liste. par la voie d’eau (32 % du tonnage). faciles à transborder, les conteneurs sont deve- La route représente 31 % des pré- et post- nus le contenant idéal. Leurs dimensions acheminements, les pipelines 21 %, standardisées permettent leur transport en flux le fer 12 % et la voie maritime 4 %. massifiés, de manière efficace et donc écono- miquement rentable. Leur usage ne se limite pas au transport de marchandises diverses. Les marchandises autrefois transportées en vrac le sont de plus en plus par conteneur. Au plan international, on constate aussi que le volume Lexique de marchandises transportées par conteneur EVP: équivalent vingt pieds. croît plus rapidement que le volume total de Unité de mesure standard d’un conteneur permettant d’élaborer des statistiques. Autorité portuaireAutorité d’Anvers Hinterland: dans le domaine du transport La croissance du trafic de conteneurs maritime, arrière-pays continental a été spectaculaire. d’un port que ce dernier approvisionne ou dont il tire les marchandises qu’il expédie. Hubs: zones de concentration et d’éclatement des conteneurs à l’échelle Vers un transport maritime plus vertueux d’un pays, voire d’un continent. sur le plan environnemental Singapour fait exception: 80 % En raison de la globalisation, les volumes trans- de son activité est liée au transbordement, portés augmentent plus vite que la croissance bien que le port se situe dans une grande métropole. économique. Le transport – notamment mari- Slow steaming: navigation time – et la logistique internationale ont encore à vitesse réduite. amélioré leur efficacité économique ces der- nières années avec comme conséquence une tendance à la réduction du prix des prestations. Dans ce contexte, le renchérissement du prix de l’énergie pèse parfois lourdement, mais il ne Développement portuaire faut pas perdre de vue que le transport maritime et développement durable © IAU demeureîle-de-France de loin moins coûteux et plus écolo- Le projet de construction du bassin gique que le transport terrestre. Deurganck a reposé sur une intégration Ceci étant, pour compenser la hausse impor- complète de l’économie et de l’écologie. Les espaces naturels qu’il a fallu prélever tante du prix du pétrole, les armateurs ont réduit pour la réalisation du projet leur vitesse de navigation et ont réorganisé leurs ont été reconstitués à proximité

Autorité portuaireAutorité d’Anvers services, notamment en augmentant le nombre de façon équivalente. Lors des prochains Avec la construction d’un nouveau bassin, de navires sur une ligne pour conserver les travaux d’aménagement et d’extension le Deurganck, d’une capacité de traitement mêmes fréquences.Aujourd’hui, par suite de la du port, ce concept sera étendu et un développement des espaces naturels de sept millions d’EVP, le port d’Anvers crise économique, le prix des combustibles a de proactif ira dorénavant toujours de pair pourra faire face à la croissance du volume nouveau diminué, mais les armateurs conti- avec le développement économique de marchandises transportées par conteneur. nuent d’appliquer le slow steaming. du port. 135 Accueillir le transport Vers une mobilité durable en Europe des marchandises Les Cahiers n° 150 Le commerce mondial et les portes d’entrée maritimes

Interview CMA-CGM : un poids lourd dans l’industrie du transport par conteneurs Cet entretien est le fruit d’un travail à plusieurs mains Les Cahiers – Avec ses 377 navires d’une escale dans un port et notamment la effectué au sein du groupe et 77 autres en commande, quelle est demande exprimée par les clients. Dans le cas CMA-CGM. Compte tenu la stratégie déployée par CMA-CGM, de Dunkerque, nous avions promis aux char- du caractère transversal 3e armateur mondial, pour répondre geurs une escale de notre service FAL 3 le des sujets traités, à la croissance du commerce mondial ? 5 août 2008, nous avons tenu parole. Cette escale mais également du nombre Groupe CMA-CGM – Le transport par conte- nous permettra notamment d’étendre l’hinter- de personnes ayant contribué neurs joue un rôle prépondérant dans les land du port, grâce à des solutions de pré- et à cet entretien, nous avons pris échanges économiques, représentant plus de post-acheminement adaptées. La mise en place le parti de regrouper 80 % des marchandises échangées dans le de l’escale à Zeebrugge répond à la même ces dernières sous le vocable monde. Au cours des trois dernières années, le logique. Il s’agit pour le groupe d’offrir à ses «groupe CMA-CGM». trafic maritime mondial de conteneurs a aug- clients le meilleur service possible, grâce à la Fondé et dirigé par Jacques R. menté en moyenne de 12 % par an. Pour répon- grande facilité d’accès à ce port, sa capacité Saadé, le groupe CMA-CGM dre à cette croissance, CMA-CGM a investi dans de manutention et son excellent réseau de est aujourd’hui le troisième une flotte moderne et performante, lancé de connexions vers l’hinterland. armement mondial de transport nouvelles lignes et renforcé ses services exis- maritime en conteneurs tants sur l’ensemble de son périmètre mondial. L. C. – Pourquoi le contrôle et le premier français. Le groupe a également pris des participations des terminaux maritimes est-il devenu Desservant plus de 400 ports dans des terminaux portuaires, développé le un enjeu aussi important ? dans le monde, le groupe transport combiné, afin d’offrir des solutions CMA-CGM – La croissance du trafic conteneu- emploie 16000 personnes, porte-à-porte à ses clients, et il a consolidé sa risé, doublée de l’arrivée de navires de très dont 4200 en France. politique de croissance externe au travers d’ac- grande capacité, imposent aux terminaux por- Il poursuit son développement quisitions de plusieurs sociétés expertes sur tuaires un développement dynamique et une international, appuyé leurs marchés, intensifiant ainsi sa présence sur réorganisation rapide, à l’aide de vastes pro- sur une stratégie combinant tous les marchés du monde. grammes d’extension et de modernisation de la création de nouvelles lignes leurs infrastructures. Le groupe CMA-CGM mène maritimes, des opérations L. C. – Comment sont choisis les ports depuis 2003 une politique de participations, de croissance externe européens desservis par CMA-CGM ? d’acquisitions et d’exploitations de terminaux et d’alliances, une politique CMA-CGM – Afin de répondre aux demandes maritimes dans les principaux ports mondiaux. de diversification de ses clients, CMA-CGM est présent dans plus Cette démarche vise à sécuriser l’accostage de dans le transport multimodal de 50 ports européens. De nombreux critères ses navires et à limiter le temps nécessaire aux et les terminaux portuaires peuvent justifier la mise en place d’une escale opérations de chargement/déchargement, pour ainsi que l’extension dans un port, tels que le potentiel commercial un meilleur service dans un contexte de de son patrimoine immobilier. de ce port (volumes, qualité du fret, etc.), ses congestion portuaire grandissant. Les retards Son objectif est d’être connexions vers l’intérieur, le coût de l’escale, dans un port peuvent compromettre les autres un des premiers groupes l’efficacité opérationnelle, ou encore l’existence escales de la rotation d’une ligne régulière. En maritimes mondiaux à maîtriser ou non de congestion portuaire. De même, la investissant dans des terminaux, le groupe opti- toute la chaîne logistique demande exprimée par un client peut parfois mise l’utilisation des quais, des équipements et pour apporter à ses clients donner lieu à une escale. En ce qui concerne des aires de stockage, en vue de maintenir les un service complet l’hinterland, il n’y a pas de minimum. La zone horaires et contrôler les coûts. Ce gain de pro- et performant, offrant portuaire, de par l’importance de son activité ou ductivité obtenu est profitable non seulement à des solutions ferroviaires, encore sa proximité à une grande ville, peut suf- la clientèle de CMA-CGM, mais aussi à l’ensem- routières et fluviales intégrées. fire à justifier une escale. ble des utilisateurs des ports. À Marseille, une tour haute de 147 mètres dessinée L. C. – Alors que le maître mot L. C. – CMA-CGM développe maintenant par l’architecte© Zaha HadidIAUdu commerce île-de-France international des offres de transport terrestre en abritera, fin 2009, le siège est la massification, avec pour corollaire Europe et en France. Quelles sont-elles social du groupe. la course aux navires porte-conteneurs et quelles en sont les raisons ? de plus en plus grands et la réduction CMA-CGM – L’objectif de CMA-CGM est d’être du nombre d’escales, pourquoi un des premiers groupes maritimes mondiaux la CMA-CGM a-t-elle introduit des ports à maîtriser toute la chaîne logistique afin de « outsiders » tels Zeebrugge garantir à ses clients un service complet et per- et plus récemment Dunkerque formant, offrant des solutions ferroviaires, rou- sur ses lignes « tour du monde » ? tières et fluviales intégrées. Par ailleurs, le déve- CMA-CGM – Comme évoqué précédemment, loppement du transport intermodal s’inscrit, de nombreux critères justifient la mise en place encore une fois, dans une démarche de déve- 136 loppement durable qui fait partie des engage- permettre de réduire nos coûts d’exploitation. ments et des valeurs de CMA-CGM. En Europe, Nous continuons également à lancer de nou- la filiale rail de CMA-CGM, Rail Link Europe, veaux services sur les marchés en croissance, développe ainsi l’activité rail du groupe au et mobilisons toutes nos équipes sur le terrain niveau européen et dessert plus de vingt desti- au travers de notre réseau de 650 bureaux. nations. Elle propose des solutions ferroviaires Aujourd’hui, nous sommes donc confiants dans innovantes avec un système de trains réguliers l’avenir. L’industrie du transport par conteneurs entre les grands terminaux portuaires et les prin- est une industrie en croissance (prévisions de cipales régions économiques européennes. + 5 % à + 8 % en 2009 selon les experts), et nous Trois hubs ferroviaires ont été créés à Ludwigs- pensons qu’elle sera amenée à se développer » L’objectif de CMA-CGM hafen (Allemagne), Lille (France) et Lyon encore, car de plus en plus de marchandises, est d’être un des premiers (France). Du côté du transport fluvial, la filiale comme les produits réfrigérés par exemple, ont groupes maritimes River Shuttle Container (RSC), spécialisée dans recours à la conteneurisation. mondiaux à maîtriser le transport fluvial combiné fleuve-rail-route, assure le transport entre Fos, Lyon, Mâcon et L. C. – Un repositionnement à plus toute la chaîne logistique, Chalon-sur-Saône, entre Le Havre, Rouen et Paris- ou moins long terme des armateurs afin de garantir Gennevilliers ainsi qu’entre Dunkerque et Lille- sur les ports méditerranéens (Marseille, à ses clients un service Dourges. RSC est aujourd’hui le premier trans- Algésiras, Malte, Tanger Med…) complet et performant, porteur fluvial de conteneurs en France, et le au détriment des ports du « range » Nord offrant des solutions seul prestataire présent sur l’ensemble des prin- est-il envisageable ? ferroviaires, routières cipaux bassins français à grand gabarit que sont CMA-CGM – D’une manière générale, il y a peu la Seine, le Rhône, la Saône et les canaux du d’intérêt à supprimer une escale commerciale. et fluviales intégrées. « Nord-France. En période de ralentissement de la croissance, l’idée est, au contraire, d’aller chercher des nou- L. C. – Quelle stratégie le groupe velles opportunités dans de nouveaux ports. CMA-CGM envisage-t-il pour faire face C’est la démarche du groupe CMA-CGM, qui à la crise financière et économique continue à se positionner sur tous les marchés actuelle et à un prix du pétrole plus élevé porteurs en ouvrant de nouvelles lignes mari- à l’avenir ? times, là où la demande le justifie. En revanche, CMA-CGM – La crise n’a pas touché toutes les le nombre de services concurrents escalant le régions de façon comparable. Il est vrai que même port peut être réduit, en cas de dispari- nous subissons un ralentissement sur le mar- tion d’un ou de plusieurs de ces services. On ne ché Asie-Europe, mais d’autres marchés restent peut pas parler de « repositionnement » des stables et la croissance est encore forte sur cer- armateurs. Ce qui est vrai est que de nombreux taines zones (Amérique du Sud, Afrique de ports méditerranéens, à l’instar de Marseille, ont l’Ouest, Europe de l’Est, Asie du Sud-Est). CMA- une carte à jouer en tant que portes d’entrée CGM est une entreprise mondiale qui dispose sud vers le continent européen. Déjà, de nom- d’un savoir-faire régional, grâce notamment aux breux ports, comme Trieste, Koper ou Rijeka, rachats successifs de plusieurs sociétés expertes captent ou tentent de capter une part crois- sur leurs marchés. Le groupe est de plus en plus sante des trafics à destination des régions du présent, au travers de ses filiales (Delmas sur centre de l’Europe (Bavière, Suisse, Autriche, Europe-Afrique, Asie-Afrique), USL sur Austra- République tchèque, Hongrie, Slovaquie…). lie-Asie-Amérique, CNC sur l’intra-Asie) dans ces régions en croissance qui viennent Propos recueillis par Lydia Mykolenko aujourd’hui compenser le ralentissement entre l’Asie, l’Europe ou la Méditerranée et, dans une moindre mesure, les États-Unis. Le groupe CMA CGM s’est bien préparé à la situation et a su prendre les mesures adaptées: nous avons ratio- nalisé ou fusionné© certaines IAU lignes pour mieux île-de-France répondre aux évolutions de la demande, et développé des partenariats stratégiques généra- teurs d’importantes économies d’échelle. Dans le même temps, nous privilégions la maîtrise des coûts dans tous les secteurs, en réduisant notamment la vitesse de nos navires (ce qui nous permet non seulement d’abaisser notre consommation énergétique mais également de réduire les émissions de CO2), et nous recevons de nouveaux navires performants qui vont nous Plisson © P. 137 La constitution des grands corridors de fret

Les grands corridors européens de fret : quels enjeux ? 139

Vers une meilleure combinaison fer-fluvial 143

Quel avenir pour le transport routier de marchandises ? 146

Veolia Cargo : un acteur phare de l’activité fret en Europe 151

© IAU île-de-France Accueillir le transport Vers une mobilité durable en Europe des marchandises Les Cahiers n° 150 La constitution des grands corridors de fret Les grands corridors européens de fret : quels enjeux ? Lydia Mykolenko(1) IAU île-de-France

Conséquence du développement des échanges économiques mondiaux qui a promu les grands ports d’Europe au rang de porte d’entrée des marchandises, le paysage des flux européens s’est profondément modifié. En 2015, 77 millions de conteneurs pourraient passer par les ports de la rangée Nord, soit le double d’aujourd’hui. La constitution de grands corridors de fret au départ des ports maritimes est ainsi devenue un enjeu de première importance. dios_com/sxc.hu

La constitution de grands corridors u fait de la formidable croissance des Répartition modale du trafic d’hinterland de fret au départ des grands ports échanges conteneurisés, les grands dans les principaux ports d’Europe du Nord en 2005 maritimes est devenue un enjeu Dports sont confrontés à une saturation de première importance. chronique et croissante de leurs terminaux à Route Rail Fleuve conteneurs. Les conséquences de cette satura- Rotterdam 59,6 % 9,3 % 31,1 % Anvers 59,9 % 9,1 % 31,0 % tion pour les armateurs peuvent être très Le Havre 87,4 % 6,2 % 6,4 % lourdes: l’absence de disponibilité de quai a Hambourg 67,4 % 30,2 % 2,4 % un coût, selon la taille du navire et la cargaison Bremerhaven 55,0 % 43,0 % 2,0 % concernée, de plusieurs dizaines de milliers de Source: A. Frémont, P.Franc, Voies navigables et desserte portuaire - Predit - Inrets 2008. dollars par jour d’attente. Cette saturation touche aussi les grands axes routiers qui desser- l’offre terrestre est devenue, elle aussi, l’un des vent les ports, avec des conséquences impor- principaux facteurs d’efficacité portuaire. L’en- tantes, puisque la part des coûts de desserte jeu est désormais de modifier les parts modales terrestre à partir d’un port représente approxi- terrestres. mativement 30 % de l’ensemble des coûts de transport. La répartition modale terrestre Ainsi, aux cotés de la qualité, de la fiabilité et de Dans le port de Rotterdam, la part du rail est l’efficacité des services aux navires et des ser- encore très minoritaire et n’atteignait pas les vices de manutention, qui doivent être en 10 % de conteneurs transportés de et vers l’hin- mesure de traiter des escales de plus en plus terland en 2005. L’autorité portuaire vise, toute- massives dans un temps le plus bref possible, fois, à faire passer la part du rail à 20 % en 2035 avec le déploiement de la Betuwe Lijn. Cette ligne ferroviaire de 160 km qui relie Rotterdam © IAU île-de-Franceà la frontière allemande est dédiée au trans- port de marchandises. Inaugurée en 2007, elle pourrait accueillir 480 trains par jour si, coté allemand où les capacités sont plus limitées, une troisième voie était construite. La ville de Hambourg va, pour sa part, investir 500 millions d’euros au cours des sept prochaines années dans le développement de l’infrastructure fer-

(1) Lydia Mykolenko est responsable des études « logistique et marchandises ». 139 Accueillir le transport La constitution des grands corridors de fret des marchandises Les Cahiers n° 150 Les grands corridors européens de fret : quels enjeux ?

Lexique roviaire de son port. Sur les 18,1 millions d’équi- lité de l’armateur. C’est ainsi que, au Havre, Carrier haulage: réalisation du transport valent vingt pieds (EVP) que le port de Ham- emboîtant le pas à Logiseine(4) qui a mis en terrestre de pré- et post-acheminement bourg traitera en 2015, 4,5 M EVP devraient pou- place le premier service fluvial entre Le Havre sous la responsabilité de l’armement. EVP: équivalent vingt pieds. voir être transportés via le rail. À Anvers, la part et Gennevilliers (1994), les compagnies mari- Unité de mesure standard d’un conteneur fluviale est de 31 % et celle du rail de 9 %. La times ont développé de nouvelles navettes permettant d’élaborer des statistiques. réouverture et la modernisation du Rhin d’acier fluviales à destination de l’Île-de-France; CMA- Hinterland: arrière-pays d’un port, à l’horizon 2015 créera un trajet Anvers-Ruhr CGM et MSC dès 2004, suivies de Maersk et de qui correspond à son aire de marché. plus court que l’itinéraire actuel (162 km au Marfret en 2006. Les nouveaux services de trans- Hub: plate-forme (port) vers laquelle convergent des flux de marchandises lieu de 211 km). Mais, avec 110 trains prévus port que les compagnies maritimes dévelop- massifiées qui sont ensuite dispatchés. par jour, il sera saturé en 2020. Aussi, un projet pent viennent ainsi renforcer les axes lourds Les hubs permettent de concentrer les flux prévoit une nouvelle traversée ferroviaire sou- historiques qui se sont constitués au départ des et d’utiliser de manière optimale des terraine de l’Escaut. Par ailleurs, l’autorité por- grands ports de la mer du Nord. C’est donc tout moyens de transport. Le principe de hub tuaire d’Anvers a élaboré un « schéma direc- naturellement que les plates-formes de distri- s’applique à tout équipement logistique de grande échelle comme les ports teur pour la navigation intérieure », l’objectif bution d’envergure européenne s’installent maritimes majeurs (Anvers…), étant d’accroître d’un tiers, à l’horizon 2018, les dorénavant de préférence à proximité des ports les aéroports, ou les plates-formes tonnages acheminés de et vers le port d’An- maritimes et aux nœuds des axes lourds qui les multimodales dont la vocation vers. Au Havre, la part du mode routier est desservent, c’est-à-dire là où se concentrent les est territoriale. encore très importante (près de 90 % du trafic services de transport les plus performants. Réseau transeuropéen de transport (RTE-T): programme de développement terrestre). Conscient de cette faiblesse qui limite des infrastructures de transport de l’Union la compétitivité du port, le grand port maritime Le renforcement des corridors en France européenne arrêté par le Parlement du Havre (GPMH)(2) s’est inscrit dans une et dans l’Ouest européen et le Conseil européen. Il concerne à la fois démarche lourde de traitement de ses raccor- C’est dans le corridor central européen, de la le transport routier et combiné, les voies dements terrestres, ferroviaires et fluviaux, dont Ruhr à Milan, que se trouvent les grandes zones navigables et les ports maritimes ainsi que le réseau européen des trains l’aménagement de l’écluse fluviale de Port 2000 de concentration logistique et les grandes à grande vitesse. Les premières en particulier. À Marseille, le port joue la carte plates-formes destinées à approvisionner des orientations du programme du fluvial. Le Rhône apparaît comme la meil- espaces de consommation transnationaux. Tou- ont été adoptées en 1996, leure solution pour éviter la congestion du GPM tefois, un nouveau contexte en matière de flux puis ont été révisées à plusieurs reprises, de Marseille, la vallée du Rhône étant déjà de marchandises est en cours d’émergence. Le notamment en 2001 et 2004. asphyxiée par les 15 000 camions circulant développement du port du Havre est l’une de chaque jour. Parmi les aménagements prévus, ces nouvelles donnes, avec la constitution d’un deux quais seront réservés pour les barges, une nouveau grand corridor de fret ouest-est. Paral- liaison fluviale en fond de darse 2 sera percée lèlement, le développement en cours du port pour mettre en relation directe les terminaux de de Marseille-Fos contribuera à la constitution conteneurs et le canal du Rhône à Fos. Au total, d’un nouveau grand flux de marchandises sud- 20 M€ de travaux seront investis. À l’autre bout nord. Premier port de France, Marseille a traité, de la chaîne fluviale, le port Édouard-Herriot l’an passé, près de 100 millions de tonnes de de Lyon double sa capacité de stockage et sera marchandises et un million d’EVP. À l’avenir, il saturé dans cinq ou six ans, justifiant le projet de va bénéficier de nombreux investissements, construction d’un troisième terminal d’ici 2014 dont la construction des terminaux à conte- au sud de Lyon, à Solaize, sur une zone d’amé- neurs de Fos. Son trafic devrait atteindre, grâce nagement concerté de 300 ha en création. aux projets en cours, 152 à 155 millions de tonnes et cinq à six millions d’EVP à l’horizon Les compagnies maritimes, 2015. Si les grands armateurs n’envisagent pas, nouveaux acteurs du transport terrestre pour le moment, de bouleverser leurs pra- De leur coté, les compagnies maritimes s’enga- gent dans la création de filiales de transport (2) Avec la réforme portuaire adoptée en 2008, qui s’est notamment traduite par le transfert de la manutention au (3) fluvial ou ferroviaire qui offrent de nouveaux secteur privé et la mise en place d’opérateurs intégrés de services de transport terrestre. L’enjeu est, pour terminaux responsables de l’ensemble des opérations et des elles, particulièrement stratégique, car si elles outillages, les ports autonomes sont devenus les grands ports maritimes (GPM).Sont concernés les ports de Dunkerque, du © IAUgèrent leurs flottesîle-de-France de navires, elles gèrent aussi Havre, de Rouen, de Nantes-Saint-Nazaire, de Bordeaux, de un important parc de conteneurs et ont intérêt La Rochelle et de Marseille. à ce que leur rotation et leur repositionnement (3) Cette création de filiales opérateurs de transport ferro- viaire a été rendue possible par l’ouverture du marché du fret soient le plus rapide possible. Par ailleurs, la à la concurrence. Cette ouverture mise en place par l’Europe demande des chargeurs a changé; ces derniers pour redynamiser le fret ferroviaire a été rendue effective attendent désormais un service de transport de par le «premier paquet ferroviaire», qui prévoyait l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire international à partir du bout en bout. Ce nouvel enjeu nécessite que 15 mars 2003, et par le «deuxième paquet ferroviaire», qui a les armateurs maîtrisent l’ensemble des chaînes fixé au 1er janvier 2007 l’ouverture des réseaux nationaux. logistiques – et donc la desserte terrestre – et (4) Logiseine est un groupement d’intérêt économique (GIE) créé en 1994 par la compagnie fluviale de transport (CFT), qu’ils pratiquent le carrier haulage, le transport les Terminaux de Normandie, et la société gestionnaire du ter- terrestre étant dans ce cas sous la responsabi- minal à conteneurs de Gennevilliers: Paris Terminal SA. 140 tiques(5), ils pourraient juger pertinent, à plus ou Les trente axes du réseau RTE-T moins long terme, d’abréger leurs parcours en déchargeant dans les hubs qu’ils ont mis en place en Méditerranée (à Malte, à Algésiras, dans le nouveau port de Tanger Med et, demain, à Marseille). Les deux grands axes sud-nord qui traversent la France seront alors particulière- ment sollicités. Un autre élément marquant du contexte de ces quinze dernières années et de demain se situe dans l’évolution du trafic transpyrénéen, qui s’est vivement développé à la suite de l’intégra- tion de l’Espagne dans l’espace européen. Sur la période récente, le rythme moyen est moins rapide, mais la progression reste forte: + 28 % entre 1999 et 2004. En 2004, d’après le SOeS(6),six millions de poids lourds (représentant 80 Mt de marchandises) ont franchi les Pyrénées ; 50 % de ces camions étaient en transit sur le territoire français. À Biriatou (frontière coté Atlantique), 2,8 millions de poids lourds (soit 7 600 PL/j dont 42 % en transit à travers la France) ont franchi les Pyrénées. À l’horizon 2020, les estimations montrent que ce trafic pourrait atteindre 12000 PL/j sur ce passage. Au Perthus (coté méditerranéen), on comptait 3,2 millions de poids lourds (8400 PL/j). La pro- gression devrait être identique à celle du coté Atlantique. Tandis que les experts prévoient un doublement de ces flux à l’horizon 2020, le développement de l’autoroute ferroviaire entre Perpignan et Bettembourg, près de Luxem- Les réponses de l’Union européenne bourg, et le projet d’autoroute ferroviaire atlan- face aux congestions des réseaux tique ne concerneront, ensemble, qu’un trafic Pour répondre à ces évolutions attendues des de 600000 à 900000 PL/an(7), soit l’équivalent trafics, les réseaux ferroviaires ont besoin de se d’une dizaine de millions de tonnes : une moderniser et de se développer et certains pro- réponse partielle à la croissance de ces trafics. jets font l’objet d’un soutien de la part de Un projet d’envergure, la construction d’une l’Union européenne. Dès la fin des 1990, toutes liaison ferroviaire à grande capacité à travers les les réflexions européennes faisaient état d’une Rail Link, l’offre ferroviaire de CMA-CGM Pyrénées, est inscrit dans la liste 2 des projets forte croissance de la demande future en trans- Le premier train a été mis en service prioritaires du réseau RTE-T. D’après les pre- port. Le Livre blanc de la Commission euro- en janvier 2007 entre Marseille mières pré-études, cette ligne aurait le poten- péenne, en 2001, annonçait une croissance à et Mannheim en Allemagne. Ce train représente un gain de temps appréciable tiel de prendre en charge 30 % du trafic terres- l’horizon 2010 de 38 % pour les marchandises par rapport à un déchargement tre, soit 60 Mt à l’horizon 2020. et pointait «un risque croissant de dysfonction- dans les ports du nord de l’Europe Outre ces trafics croissants entre l’Espagne et la nement et de blocage du système européen de pour des navires en provenance d’Asie. France, il faut également prendre en compte le transport à l’horizon 2010». Considérant la crois- Rail Link dessert à fréquence développement en cours du nouveau hub mari- sance attendue du trafic entre les États mem- plurihebdomadaire plus de vingt destinations en Europe, grâce à time de Tanger Med et le projet de liaison fixe bres, l’Union européenne a adopté, dès 1990, un un système de trains réguliers et directs entre le Maroc et l’Espagne par Gibraltar qui a premier plan d’actions, qui englobe tous les entre les grands terminaux portuaires été présenté© à l’Union européenneIAU en octo- modesîle-de-France de transport, sur les réseaux transeuro- et les principales régions économiques bre 2008. Ces projets auront des conséquences péens de transport (RTE-T). En 2004, une révi- européennes. Marseille, Le Havre, Paris, importantes sur les échanges entre le Maroc et Lyon, Anvers, Rotterdam, Zeebrugge et Ludwigshafen-Mannheim sont l’Europe, notamment sur la circulation des mar- (5) Voir l’étude allemande présentée par la banque Hypove- ainsi desservies. CMA-CGM a décidé chandises en France, principal partenaire éco- reinsbank (HVB) sur les besoins en capacités des ports du de poursuivre son expansion sur le marché nomique du Maroc, et terre de transit pour les Nord-Ouest européen, ou l’article «L’Asie pousse l’Europe à du fret ferroviaire grâce au lancement investir dans ses ports », Transports Actualités, n° 887-888, flux sud-nord. de trois nouvelles navettes opérées mars 2008. en traction privée. Elles sont déployées (6) Service de l’observation et des statistiques du ministère de l’Économie, de l’Énergie, du Développement durable et de sur les axes Dourges-Zeebrugge (trois l’Aménagement du territoire. rotations par semaine), Lyon-Fos (7) À raison de 20 allers-retours par jour et 40 remorques par et Le Havre-Bonneuil (respectivement train. deux rotations par semaine). 141 Accueillir le transport La constitution des grands corridors de fret des marchandises Les Cahiers n° 150 Les grands corridors européens de fret : quels enjeux ?

sion du RTE-T a été faite pour tenir compte de et un plan d’investissement de 100 M€ est des- « l’aggravation inquiétante de l’engorgement tiné à l’amélioration de la desserte ferroviaire. des réseaux due à la persistance de goulets C’est la carte aussi que joue le port de Lille avec d’étranglement, aux chaînons manquants, au le développement de sa plate-forme trimodale manque d’interopérabilité»(8). Une liste de trente Delta 3, située à 20 km au sud de Lille. Ouverte axes et projets prioritaires(9) – de laquelle le Bas- à l’activité logistique fin 2003, elle s’étend sur sin parisien est absent, à l’exception de la liai- 300 ha et accueille dans ses 330000 m2 d’entre- Les autoroutes de la mer son fluviale à grand gabarit Seine-Escaut(10) – a pôts des centres de distribution européens. Une Les projets d’autoroute de la mer été arrêtée. Or il est évident que, pour très impor- extension sur 115 ha (et 230000 m2 d’entrepôts) supposent une réorganisation des chaînes tant que soit ce projet fluvial, il ne pourra à lui attenants au site actuel est prévue et deux nou- logistiques dont la mise en œuvre est complexe pour les chargeurs, seul apporter une réponse à l’engorgement veaux entrepôts seront livrés courant 2011. Le les logisticiens et les transporteurs croissant des réseaux routiers et ferroviaires qui terminal de transport combiné est équipé de et nécessite notamment des ruptures traversent l’Île-de-France. sept voies ferrées de 750 m et quatorze trains par de charges et des augmentations L’importance de la desserte ferroviaire est deve- jour relient Delta 3 à Mannheim, Le Havre, le de stockage. C’est pourquoi de nombreux nue capitale, tant pour l’élargissement de l’hin- sud de la France, le nord de l’Italie, l’Espagne, projets de lignes régulières ont échoué dès le début ou au bout de quelques mois terland à des zones lointaines que pour la «dé- Anvers et Zeebrugge. D’autres destinations sont d’exploitation. La liaison Toulon- saturation» des accès routiers au port. Et, là où à l’étude, ainsi que l’autoroute ferroviaire atlan- Civitavecchia, lancée en février 2005, a été la géographie le permet, le transport par barges tique Dourges-Hendaye. L’accès fluvial repose la première autoroute de la mer française. est une solution compétitive. Certains ports se sur un quai de 250 m bordant le canal à grand La ligne desservie par un ferry, sont aussi tournés depuis quelques temps vers gabarit Dunkerque-Valenciennes. Encore peu pouvant embarquer jusqu’à 800 passagers, 160 voitures le cabotage maritime, qui prend une part de développé aujourd’hui, le transport fluvial de et entre 130 et 150 remorques marché croissante, et l’on parle, depuis peu, conteneurs bénéficiera de l’ouverture du canal ou camions, s’est appuyée sur un fonds d’autoroutes de la mer. Soutenues par l’Union à grand gabarit Seine-Nord. de cale industriel de voitures neuves européenne, les autoroutes maritimes le sont Pour l’avenir, on peut penser que les conges- (trafic de GEFCO). aussi en France, par la loi de programmation tions observées dans les grands ports ne vont sur la mise en œuvre du Grenelle de l’environ- pas disparaître rapidement. C’est sans doute nement, et par l’Espagne. Ces deux pays ont une chance à saisir pour le port du Havre: de lancé, en avril 2007, un appel à projets destiné nouveaux services ferroviaires partiront de ce à créer une première autoroute maritime entre port, dès lors que les goulets d’étranglement les deux pays. L’objectif est de transférer de sur le réseau francilien seront résorbés et qu’un 100000 à 150000 remorques par an sur le mode contournement ferroviaire de l’Île-de-France maritime. Les Pays-Bas, le Royaume-Uni, le Dane- sera opérationnel. C’est aussi une chance pour mark, la Suède et la Norvège ont aussi lancé le port de Marseille. L’Allemagne du Sud est, des appels à projets. La Commission euro- d’ores et déjà, desservie aisément par le port péenne a réservé (2007-2013) une enveloppe de de Trieste et des trains remontent la vallée du 310 M€ pour le financement d’autoroutes de la Rhône en direction de l’Allemagne rhénane. mer. La création d’un nombre limité de plates-formes multimodales d’envergure européenne, dont Les ports inland, un nouveau maillon certaines devront être situées en Île-de-France, essentiel des grandes chaînes permettrait d’orienter et de structurer les grands logistiques internationales flux internationaux de marchandises. Grâce à Pour accompagner l’évolution des flux interna- leur taille importante et leur desserte nécessai- tionaux, les grands ports, mais aussi les arma- rement trimodale, ces ports inland pourront teurs et les opérateurs de transport, investissent massifier les flux et jouer un rôle de levier dans désormais dans des ports inland qui devien- le report modal en faveur des modes alternatifs nent des maillons essentiels dans les chaînes à la route. logistiques du transport maritime et continen- Duisbourg, premier port inland d’Europe tal. Ce sont eux désormais qui orientent et struc- Le port de Duisbourg a manutentionné turent les grands flux internationaux de mar- 900000 EVP en 2007. © IAUchandises. C’estîle-de-France la carte qu’a jouée Duisbourg Il est desservi par une liaison fluviale (8) Livre blanc de la Commission européenne: La politique à grand gabarit et par 300 mouvements en Allemagne, qui est devenu le plus grand port européenne des transports à l’horizon 2010: l’heure des choix, de trains par semaine. inland du monde. La CMA-CGM y a investi 20 M€ publié en 2001. (9) Voir le rapport de la Commission européenne: «Réseau en partenariat avec le japonais NYK et entend transeuropéen de transport, axes et projets prioritaires 2005». y traiter 100000 EVP d’ici deux ans. Cette plate- (10) Ce projet a été déclaré d’utilité publique en septem- forme logistique de plus de 2000 ha (dont une bre 2007. Il vise à relier la Seine au canal Dunkerque-Escaut et au réseau du Benelux par une voie navigable à grand zone logistique trimodale, Logport, de 650 ha) gabarit de 105 km. L’étude économique estime un trafic com- est située à la confluence Rhin-Ruhr, à environ pris entre 13 Mt et 15 Mt (dont 250000 conteneurs) en 2020 200 km des terminaux de Rotterdam, Anvers et et montre qu’il améliorera les conditions de transport du corridor nord-sud en provenance des ports de la mer du Zeebrugge. De nouveaux travaux vont faire pas- Nord en augmentant de cinq points la part de marché du flu- ser la capacité du port de Duisbourg à 2,5 MEVP vial (3,6 % en 2000, 8,4 % en 2020). 142 Accueillir le transport Vers une mobilité durable en Europe des marchandises Les Cahiers n° 150 La constitution des grands corridors de fret Vers une meilleure combinaison fer-fluvial

Les Cahiers – Le Port du Havre de transports massifiés alternatifs à la route, est le premier port français pour le trafic comme le canal fluvial ou le futur chantier de conteneurs. Les développements multimodal. de Port 2000 en renforceront la place La réforme portuaire doit donc permettre de parmi les grands ports du « range » Nord. répondre aux attentes de productivité liées à

Grand Port maritime du Havre En quoi la réforme des grands ports la manutention et à la cohérence d’un com- maritimes constitue-t-elle une chance mandement unique de l’ensemble des opéra- Interview pour les ports français, celui du Havre tions maritimes et terrestres. Cette réforme en particulier, par rapport aux ports assigne aux grands ports maritimes la mission concurrents du nord de l’Europe ? de développer la performance du transfert des Jean-Damien Poncet – L’objectif du plan de trafics vers les modes terrestres et d’augmenter Jean-Damien Poncet est relance(1) consiste à permettre à chaque parte- l’hinterland terrestre, condition impérative pour directeur du développement naire de la communauté portuaire de jouer développer les escales et attirer davantage les du port du Havre. pleinement et clairement son rôle dans son services maritimes des armateurs de premier Depuis plusieurs années, domaine de compétence. Le plan de relance rang. La taille des navires augmente considéra- le port du Havre est le premier repose sur quatre orientations majeures: blement et limite le nombre d’escales dans les port français pour le trafic - conforter les grands ports maritimes dans ports pivots. Ceci conduit à accroître considé- des conteneurs et le cinquième leurs missions de développement durable, rablement le volume des conteneurs traités par port européen. Ce trafic d’aménagement et de catalyseur du dévelop- escale (record actuel au Havre: 4000 mouve- est amplifié pour un tiers pement des transports massifiés, au-delà des ments, soit 6000 EVP). Ceci signifie que la com- de transbordements maritimes missions régaliennes ; pétitivité d’un port, pour attirer les plus grands et pour deux tiers d’échanges - moderniser la gouvernance des ports pour porte-conteneurs, sera fonction à la fois de la avec l’hinterland. permettre un pilotage pertinent et concerté ; capacité de traiter dans un temps court un nom- La plate-forme havraise s’inscrit - faciliter les investissements portuaires et de bre très élevé de mouvements, de la disponibi- dans une forte dynamique dessertes ; lité d’espaces importants de stockage, de la de structuration de la filière - transférer vers les opérateurs privés toutes les capacité d’évacuation adaptée à ces grandes logistique régionale normande. activités d’outillage et les personnels. quantités, et de la connexion avec un hinter- Le port du Havre connaît land suffisamment vaste pour que l’armateur un essor significatif des projets Les opérateurs auront ainsi la pleine maîtrise concerné ait effectivement accès au trafic voulu ou implantations logistiques, des terminaux, tant au niveau des équipements pour justifier l’escale de son navire. Les capaci- en lien avec les perspectives que des personnels (porti- tés d’accueil pour ouvertes par les récents queurs et dockers). En ce qui les plus grands développements portuaires concerne plus particulière- » La réforme portuaire doit navires sont en et, en particulier, le nouveau ment les conteneurs, le plan permettre de répondre aux attentes constant dévelop- port à conteneurs Port 2000. de relance permet de confir- de productivité liées pement depuis L’économie portuaire mer un objectif de développe- à la manutention et à la cohérence l’ouverture, en est également une véritable avril 2006, par Ter- ment important et rapide, pour d’un commandement unique locomotive pour la zone atteindre un volume de trafic minal de France, d’emploi du Havre, ayant permis de 5 millions équivalent vingt de l’ensemble des opérations adossé à CMA- une bonne part de créations pieds (EVP) en 2015 et plus de maritimes et terrestres. « CGM, des deux pre- d’emplois par des entreprises 6 M EVP en 2020. Pour cela, le miers postes à quai directement liées aux activités port du Havre dispose de leviers essentiels pour de Port 2000. Depuis novembre 2007, Terminal maritimes et portuaires. atteindre ces objectifs: Port Océane et l’armateur Maersk opèrent deux - la présence de trois armements leaders mon- nouveaux postes à quais et d’ici 2012, six autres © IAUdiaux (CMA-CGM, île-de-France MSC et Maersk) qui sont postes à quais seront en service. À terme, douze impliqués dans l’exploitation de terminaux postes à quai sur 4200 mètres linéaires seront en association avec des partenaires de taille opérationnels à l’horizon 2020, permettant ainsi mondiale comme DP World ; de traiter 4,2 M EVP. Tous ces terminaux sont - des investissements pour le développement accessibles sans limite de tirant d’eau 365 jours et la modernisation des terminaux (terminaux par an.

Nord, terminaux Sud – postes onze et douze (1) Il s’agit du plan de relance de l’économie, qui vient abon- de Port 2000), pour répondre notamment à der les engagements financiers de l’État pour les ports mari- l’augmentation de la taille des navires et au times, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi portant sur la réforme portuaire adoptée le 4 juillet 2008 (depuis cette loi, volume des transbordements ; les ports autonomes sont devenus des grands ports mari- - des investissements d’amélioration des modes times). 143 Accueillir le transport La constitution des grands corridors de fret des marchandises Les Cahiers n° 150 Vers une meilleure combinaison fer-fluvial

Lexique L. C. – La compétitivité des ports se joue quels les volumes pour un seul terminal ne sont EVP: équivalent vingt pieds. dorénavant à terre… Or, le port du Havre pas assez réguliers et importants pour constituer Unité de mesure standard d’un conteneur se caractérise par une part encore très un train ont vocation à passer par ce chantier. qui permet d’élaborer des statistiques. Hinterland: arrière-pays d’un port, faible du ferroviaire et du fluvial (environ Pour le mode fluvial, l’un des handicaps actuels qui correspond à son aire de marché. 10 %) dans la desserte de son hinterland est l’obligation de desservir, sur une plage de Hub: plate-forme (port) à comparer avec Anvers, Rotterdam temps limitée, plusieurs terminaux maritimes. vers laquelle convergent des flux ou Hambourg (part supérieure à 40 %). Cette méthode présente trop d’aléas pour assu- de marchandises massifiées Pourquoi cette part des modes alternatifs rer des taux de remplissage conformes aux cri- qui sont ensuite dispatchés. Les hubs permettent de concentrer les flux à la route est-elle restée si faible tères de rentabilité, freinant ainsi l’offre com- et d’utiliser de manière optimale en France ? À quelles conditions, merciale et l’augmentation des fréquences. Ce des moyens de transport. Le principe pour le mode fluvial et ferroviaire, chantier, qui permettra d’augmenter la produc- de hub s’applique à tout équipement pourrait-elle être significativement tivité des modes massifiés, est un composant logistique de grande échelle accrue ? Le port du Havre projette essentiel du système industriel de massification comme les ports maritimes majeurs (Anvers…), les aéroports, d’aménager un chantier multimodal du port du Havre, indispensable pour permettre ou les plates-formes multimodales. sur le site portuaire. Quels sont les enjeux la croissance souhaitée des trafics massifiés. Hub maritime: il s’agit des ports de cette future interface mer-terre Complémentaire à cette plate-forme multimo- maritimes capables d’accueillir du port du Havre ? dale, le prolongement du grand canal, maillon les très grands navires effectuant J.-D. P. – S’il est exact que la part modale pour important du système de transports massifiés les lignes tour du monde et à partir desquels sont ensuite desservis les ports le fluvial et le ferroviaire reste inférieure à celles du port, doit en particulier permettre de répon- plus petits par des navires collecteurs. de nos voisins, celle-ci évolue positivement dre à l’enjeu de la fluidité des différents modes Range Nord-Ouest: ensemble des ports (14 %) fin 2008, particulièrement grâce à une de transport sur le domaine portuaire (notam- maritimes de la façade Nord-Ouest, forte progression du combiné rail-route (+ 80 % ment au regard de la croissance du mode flu- du Havre à Hambourg par rapport à 2006). Le combiné fluvial a aussi vial), en limitant les manœuvres de ponts sur le Terminaux «inland»: parfois appelés «ports secs», il s’agit de grandes fortement progressé depuis 2006 (+ 30 %), grâce canal du Havre à Tancarville et, par conséquent, plates-formes multimodales situées à l’augmentation du nombre d’opérateurs flu- les encombrements. L’ensemble de ces outils dans l’hinterland des ports maritimes viaux, dont les filiales des trois premiers arma- de massification et de fluidification implique vers lesquelles sont évacués les trafics, teurs mondiaux. L’une des clés de réussite pour des moyens financiers et des aides publiques à notamment par les modes massifiés. atteindre notre objectif d’1 M EVP en transport la hauteur des enjeux. combiné fer et fluvial est de massifier tant sur le port du Havre que sur les terminaux ferro- L. C. – Les ports maritimes sont devenus viaires ou ports intérieurs. les portes d’entrée des marchandises sur le continent européen. Les grandes Cette massification peut s’opérer sur le port plates-formes de distribution du Havre sur un chantier dédié au transport européennes cherchent à s’installer combiné, permettant d’élargir l’offre terrestre à proximité ou aux nœuds des axes et offrant à tous les opérateurs de transports de transport massifiés qui desservent combinés fluviaux et ferroviaires la possibilité les ports maritimes. Quel serait le réseau de desservir tous les terminaux maritimes. européen de terminaux inland dont Cependant, seuls les trafics ferroviaires pour les- le port du Havre aurait besoin ? Les compagnies maritimes CMA-CGM et NYK vont investir dans un terminal intérieur dans le port de Duisbourg et l’Ocean Carrier Terminal du port de Duisbourg sera ainsi le premier terminal intérieur en Europe exploité par des armements maritimes. Le port du Havre envisagerait-il d’investir dans des terminaux fluviaux ou ferroviaires en France ou en Europe ? © IAU île-de-FranceJ.-D. P. – Rappelons d’abord que grâce au trans- port maritime à courte distance, Le Havre joue un rôle de hub maritime pour tous les ports de la façade atlantique française, les Îles britan- niques et la péninsule ibérique. Par les modes terrestres, le port du Havre est déjà relié à d’im- portantes plates-formes multimodales sur le ter-

Grand Port maritime du Havre ritoire français et en Europe, comme Rouen, Sur le port du Havre, la massification peut s’opérer sur un chantier dédié aux transports Gennevilliers, Lyon, Strasbourg, Dourges et combinés, permettant d’élargir l’offre terrestre et offrant à tous les opérateurs de transports Mannheim. Le port du Havre se veut un parte- combinés fluviaux et ferroviaires la possibilité de desservir tous les terminaux maritimes. naire actif des principaux terminaux inland aux- 144 Complémentaire à la plate-forme multimodale, le prolongement du grand canal, maillon important du système de transports massifiés du port, doit permettre de répondre à l’enjeu de la fluidité des différents modes de transport sur le domaine

Grand Port maritime du Havre portuaire. quels il est relié. La coopération est basée sur Prévisions d’activité portuaire à moyen terme des échanges d’information, sur des actions de En millions d’EVP 2007 2010 2013 promotion concertées et sur le développement Monde (millions d’EVP) 496,6 637,9 824,3 de l’offre de transport massifié. Avant la mise Monde, TCAM* + 8,7 %/an + 8,9 %/an Nord Ouest Europe (millions d’EVP) 55,9 67,5 81,2 en service du canal Seine-Nord Europe, les ports Nord Ouest Europe, TCAM* + 6,5 %/an + 6,4 %/an de la vallée de la Seine (ports du Havre, de * Taux de croissance annuel moyen Rouen, et de Paris) vont structurer un réseau Source: Drewry Shipping Consultants Ltd 2008 de plates-formes sur l’axe Seine qui augmen- tera encore le maillage du territoire du nord de 2008), tablent sur une poursuite de la croissance la France. Il est impératif de développer ce de l’activité portuaire dans le domaine des réseau de plates-formes, notamment sur l’axe conteneurs. Seine, en cohérence avec les capacités des axes Les flux de conteneurs sont déterminés par de ferroviaires de conforter, et avec un schéma de nombreux paramètres du commerce interna- grandes zones logistiques propices à un déve- tional: relations géopolitiques, croissance éco- loppement conjoint du port et son hinterland nomique des zones géographiques, développe- proche. Un projet de connexion au port de Duis- ment économique de l’hinterland, notamment bourg permettra au Havre de trouver sa place sur les activités logistiques, règles de fonction- dans le réseau paneuropéen de transport ferro- nement du commerce mondial et régional. À viaire et fluvial et de desservir un hinterland ceci s’ajoutent les évolutions propres du trans- beaucoup plus vaste. D’autres projets sont à port maritime conteneurisé qui impactent plus l’étude en Suisse et dans le nord de l’Italie. Une particulièrement tel ou tel port sur un range réflexion est en cours afin de formaliser une donné: augmentation de la taille des navires, stratégie plus offensive de connexion aux plates- développement du transbordement et des fonc- formes européennes en partenariat avec les tions de hub, concentration… On peut néan- Les hypothèses de trafic du port du Havre autres acteurs du secteur portuaire. moins évaluer à long terme le « gabarit » des se fondent sur deux éléments: développements futurs du Havre. Ainsi retient- 1 • Un marché en Europe avec une croissance modérée qui se réduit L. C. – Les experts s’accordent à penser on 14 M EVP comme chiffrage de dimensionne- au cours du temps: que la croissance du transport maritime ment à l’horizon 2030. Il ne s’agit pas tant d’éta- - 6,5 % par an sur la période 2005 à se poursuivra© à un rythme IAU soutenu blirîle-de-France des prévisions précises sur un tel horizon, 2010. au cours des deux prochaines décennies. que de nous assurer dès maintenant que nous - 5,3 % sur la période 2010 à 2015. Quelle place pourrait être celle du Havre pourrons disposer des espaces nécessaires, et - 4,4 % sur la période 2015 à 2020. 2 • Un objectif raisonnable d’évolution au-delà de la réalisation de Port 2000 de réfléchir aux scénarios d’aménagement et de part de marché du Havre sur le range et des 6 millions d’EVP qui seront traités de partenariats qui nous permettront de rester Nord-Ouest: à terme ? dans la compétition. - 7,9 % sur la période 2005/2010. J.-D. P. – Sur le moyen terme, soit d’ici à 2015- - 9 % sur la période 2010/2015. 2020, les perspectives de trafic établies par les - 9,3 % sur la période 2015/2020. En moyenne, la part de transbordement principaux consultants spécialisés, en l’occur- devrait s’établir autour de 40 % du trafic rence Drewry Shipping Consultants Ltd pour global, les 60 % restants correspondraient les prévisions les plus récentes (septembre Propos recueillis par Lydia Mykolenko au trafic hinterland. 145 Accueillir le transport Vers une mobilité durable en Europe des marchandises Les Cahiers n° 150 La constitution des grands corridors de fret Quel avenir pour le transport routier de marchandises ? Michel Savy(1) Université de Paris-Est

Le rôle du transport routier de marchandises est dominant et croissant dans la plupart des pays d’Europe occidentale. Pourtant, les politiques de transport entendent depuis de longues années rééquilibrer le partage modal. L’augmentation de la congestion, la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, les fluctuations des prix du pétrole renforcent ces préoccupations. Quel est alors l’avenir du transport routier de marchandises? DREIF/GUIHO

Il faut diminuer l’usage du mode our «rééquilibrer le partage modal», il de la route ne cesse de croître. Cette évolution routier pour le transport faudrait diminuer l’usage du mode rou- est engagée depuis fort longtemps, depuis la fin de marchandises et renforcer P tier et renforcer celui des modes alter- de la Première Guerre mondiale, avec l’avène- celui des modes alternatifs. natifs que sont le chemin de fer, la voie fluviale ment de la route moderne et de la traction auto- ou la voie maritime ainsi que des combinai- mobile. Mais ce type de répartition modale n’est sons multimodales ou intermodales. Le discours pas universel. L’Europe, et en particulier l’Eu- politique voudrait davantage affecter l’usage rope occidentale, fait un usage bien plus intense du transport routier à la desserte fine du terri- de la route que d’autres grands ensembles éco- toire (enlèvements et livraisons), les achemine- nomiques de par le monde. ments longue distance étant assurés par les À l’intérieur même de l’Union européenne modes alternatifs (ferrés notamment). (sans parler de l’Europe de l’Atlantique à l’Ou- ral), les différences sont très grandes. Elles résul- La part de la route ne cesse de croître tent de raisons multiples: taille, spécialisation Pour l’heure, les statistiques évoluent en sens économique, politique des transports des pays. inverse de celui souhaité par les responsables De cette diversité, on peut tirer une conclusion politiques: parmi les modes terrestres, la part politique, ou du moins une hypothèse: le par- tage modal évolue sans doute lentement, mais n’est pas immuable et ne répond pas à une loi unique. Les politiques de transport, si les gouver- nements leur donnent les moyens de leurs objectifs, peuvent avoir un effet. Le cas de la Suisse ou de l’Autriche, par exemple, montre que l’on peut conserver une part notable au © IAU île-de-Francetransport ferré de fret, même dans des pays de taille modeste.

Volume de transport et partage modal à l’horizon 2030 L’avenir du mode routier ne saurait donc être envisagé indépendamment de celui des autres modes: le transport de fret forme un système, même si ses diverses composantes ne fonction-

(1) Michel Savy est professeur à l’université de Paris-Est. 146 nent pas suffisamment de manière complémen- sance de son activité se situerait entre 6 % et taire. Dans la recherche intitulée Prospective 60 %, entre 2002 (année de base du calcul) et fret 2030(2), le degré du «couplage»(3) entre crois- 2030. Aucun scénario ne projette un déclin, ni sance économique et croissance des transports même une stagnation du transport routier de a été établi selon quatre scénarios contrastés marchandises. En termes de part modale, la correspondant à une combinaison d’hypo- route se situerait entre 72 % et 88 % du total du thèses macroéconomiques d’une part, relatives fret terrestre (pour une situation de départ de aux politiques de transport d’autre part (plus ou 82 %). La domination routière peut s’accentuer moins soucieuses de régulation et de diminu- ou se restreindre, elle ne disparaît dans aucune tion des émissions de gaz à effet de serre). Cette hypothèse. Quels que soient les discours ou les recherche établit le spectre des possibles à l’ho- espoirs relatifs à l’intermodalité, parfois présen- rizon de 2030 : la «fourchette» à l’intérieur de tée comme le remède à tous les maux, la route laquelle, sauf événement de crise majeur restera indispensable, ne serait-ce que pour les (conflit armé de grande ampleur, épidémie transports à courte distance. Or, plus de la moi- mondiale, etc.), le volume de transport en tié des tonnages de marchandises en Europe France devrait se situer. sont transportées sur des distances inférieures à 50 km… Toute politique de développement Transport de marchandises en France durable dans le champ du transport peut sans à l'horizon 2030 doute viser à élargir la part des modes alterna- En milliards 2002 2030 2030 2030 2030 tifs à la route. Il demeure que le gisement de de tonnes-km S1 S2 S3 S4 progrès principal réside dans l’amélioration du Transport routier 257 412 340 296 272 transport routier lui-même. Transport ferroviaire 50 50 80 76 87 Transport fluvial 6,9 7 20 15 20 Total 314 469 440 387 379 Route et développement durable (avec SSS)* (427) (419) Les scénarios de Prospective fret 2030 montrent Source: Prospective Fret 2030 * SSS: cabotage maritime que la gamme des possibilités est étendue et désigne le champ de politiques plus ou moins Partage modal en France à l'horizon 2030 ambitieuses et puissantes. L’avenir est plastique En % 2002 2030 2030 2030 2030 et l’enjeu du développement durable justifie S1 S2 S3 S4 pleinement une intervention volontaire dans Transport routier 82 88 77 76 72 le domaine du transport. En Europe, en 2004, Transport ferroviaire 16 11 18 20 23 la part du transport était, en effet, de 21 % du Transport fluvial 2 1 5 4 5 Total 100 100 100 100 100 Source: Prospective Fret 2030 (2) Prospective fret 2030 (Philippe Duong et Michel Savy, rap- Comme on le voit, les hypothèses sont suffisam- porteurs), Predit et Meeddat, 2008. ment contrastées pour que le volume de fret et (3) Pour reprendre ici le terme du Livre blanc de la Commis- sion européenne en 2001, qui proposait de «découpler» les le partage modal soient fort différents d’un scé- deux grandeurs de manière à promouvoir un mode de déve- nario à l’autre. Pour s’en tenir à la route, la crois- loppement plus soutenable.

© IAU île-de-France

Seule une combinaison de mesures opérationnelles, organisationnelles, technologiques, économiques et règlementaires permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre du transport routier

DREIF/GUIHO de marchandises. 147 Accueillir le transport La constitution des grands corridors de fret des marchandises Les Cahiers n° 150 Quel avenir pour le transport routier de marchandises ?

total de la consommation d’énergie primaire, de et dans l’espace, pour tenir compte de l’état de 24 %(4) dans les émissions de gaz carbonique congestion du réseau mais aussi des possibi- et de 31 % dans la consommation d’énergie lités de report modal sur tel ou tel itinéraire), finale (dont 82,5 % pour la route). Dans l’en- modulation de la taxe à l’essieu. semble du transport routier, les poids lourds Dans l’hypothèse où la croissance est celle des représentent, en France, 28 % des émissions, les projections centrales (au fil de l’eau) à l’horizon automobiles 55 %, les véhicules utilitaires légers 2025 du service des études du ministère chargé (camionnettes de toutes sortes) 17 %. Parmi des Transports et en supposant que l’ensemble tous les secteurs économiques, le transport est de ces mesures de réduction soit mis en œuvre, le seul à avoir augmenté ses émissions pendant on peut espérer ramener les émissions dues au les dernières années. Un travail de prospective transport routier de marchandises de 27 mil- mené dans le cadre du Conseil d’analyse stra- lions de tonnes en 1990 (année de référence tégique centré sur les émissions de gaz carbo- des accords de Kyoto) à 21 millions en 2025. Si nique par le transport routier de marchandises(5) l’on prolonge la tendance, on obtiendrait un a répertorié les principaux moyens pour réduire volume d’émission de 15 millions de tonnes en les émissions de gaz à effet de serre du transport 2050, soit une division par un facteur un peu routier de marchandises et évalué leur impact(6). inférieur à deux par rapport au niveau initial Il apparaît qu’il n’y a pas de solution technolo- de référence. On est loin de la réduction par gique miracle suffisant à résoudre le problème un «facteur 4», fixée comme objectif par la loi et qu’il faudra cumuler de multiples mesures d’orientation pour l’énergie votée en 2005. partielles, d’une efficacité limitée, pour atteindre Si l’on veut atteindre les objectifs de la loi, des un résultat substantiel: mesures plus radicales devront être appliquées, - mesures opérationnelles et organisationnelles:

incitation à l’organisation du stockage, mar- (4) Source: Panorama of transport, Eurostat, 2007. quage du prix du transport, label «produit éco- (5) Michel Savy, président, Caroline Daude, rapporteuse, Trans- logique», aménagement du territoire, report port routier de marchandises et gaz à effet de serre, Centre d’analyse stratégique, avril 2008. Résumé dans la revue Trans- modal, formation à la conduite écologique, port, n° 449, mai-juin 2008.

label «transporteur écologique», mesures por- (6) cf. Transport et émissions de CO2 : quel progrès ?, CEMT, tant sur la logistique urbaine; février 2007. (7) On remarque que l’augmentation de la taille des véhi- - mesures technologiques : amélioration des cules ou ensembles routiers ne figure pas parmi les mesures moteurs, amélioration des composants des prises en compte. On expérimente aujourd’hui dans plusieurs véhicules, introduction des biocarburants, pays d’Europe des trains routiers composés de trois éléments attelés les uns derrière les autres, les «EMS» (European Modu- développement et incitations aux véhicules lar System) d’une longueur totale de quelque 25 m contre hybrides, développement et incitations aux 18 m selon la réglementation actuelle. S’il est incontestable véhicules au gaz, amélioration de la conduite que de tels ensembles soient plus efficaces en termes éner- gétiques et donc d’émission de gaz carbonique, le bilan glo- (7) et de la logistique grâce aux NTIC ; bal de l’introduction de ces engins n’est pas fait et semble - mesures économiques et réglementaires : incertain. D’une part, l’accessibilité de ces engins à l’ensem- normes réglementaires sur les émissions de ble du territoire n’est pas étudiée et les conséquences éco- nomiques et sociales d’une discrimination spatiale de la des- CO2, accords volontaires avec les construc- serte ne sont pas mesurées. D’autre part, le transport routier teurs, marchés de quotas d’émissions, taxe pourrait ainsi abaisser ses coûts et élargirait donc sa part de spécifique sur le carbone, hausse de la TIPP, marché, et l’on ne sait pas si les gains énergétiques directs accomplis ne seraient pas annulés par la perte de compéti- tarification de l’usage de l’infrastructure rou- tivité que subiraient les autres modes de transport encore tière, modulation des péages (dans le temps moins consommateurs d’énergie: rail, fleuve, voie maritime. © IAU île-de-France

148 sortant de la logique de simple inflexion de ten- teurs à choisir des produits transportés de dance envisagée jusqu’alors: substitution mas- manière écologiquement efficace, l’améliora- sive d’énergie électrique d’origine non fossile tion de l’efficacité du transport par la mutuali- ou nucléaire à l’énergie pétrolière consommée sation des installations et des organisations dans les véhicules, limitation du volume de logistiques (y compris dans le domaine de la transport lui-même en accomplissant un réel logistique urbaine), la recherche de fournis- découplage entre niveau d’activité économique seurs et de clients moins lointains, etc. En termes et transport, etc. De telles perspectives mérite- géographiques, on peut ainsi s’attendre à une raient bien sûr d’être explorées, selon une poursuite du regroupement des activités logis- méthode de backcasting partant de l’image tiques dans des zones dédiées, situées le plus finale pour identifier les chemins susceptibles souvent à la périphérie des grandes aggloméra- d’y mener, à l’inverse des méthodes de forecas- tions(8) (évitant le mitage du territoire, la «plate- ting qui identifient les tendances existantes ou formisation» de la logistique et du fret permet susceptibles d’émerger pour en déduire des de mieux résoudre les problèmes de services images finales. aux entreprises et de sécurité ainsi que les pro- blèmes sociaux pour l’accès des travailleurs à Perspectives leur emploi, la formation professionnelle, etc.). Les incertitudes pesant sur l’avenir de l’écono- La massification des flux est, en outre, un facteur mie française, européenne et mondiale se sont favorable à l’usage de modes alternatifs à la encore accrues avec l’éclatement de la crise route, surtout si les activités logistiques se voient financière, qui se répercute aujourd’hui sur réserver les sites bénéficiant d’une desserte l’économie toute entière. On a vu, en outre, que multimodale. les variables déterminant le fonctionnement À l’intérieur de l’Île-de-France, fonctionnelle- du système de transport de fret sont nom- ment élargie aux départements de l’Oise et du breuses et, comme le montrent les comparai- Loiret, la réservation de vastes espaces logis- sons internationales, peuvent aboutir à des dis- tiques dans les plans de développement est positifs très différents. Il n’est donc pas question indispensable, d’autant plus que, contrairement de dresser ici une image unique et donc «pro- à d’autres activités, la logistique se prête mal à bable» du transport routier de marchandises à la mixité urbaine, souvent préconisée par les moyen et long terme. Quelques traits essentiels urbanistes. De grandes plates-formes peuvent du transport routier de l’avenir se dessinent continuer à créer un emploi productif pérenne, cependant. Quel que soit le succès des poli- non soumis aux délocalisations, près de bas- tiques de transfert modal, celles-ci n’ont de sins de main-d’œuvre en manque d’emploi. De chance de réussir que sur quelques segments nouveaux types d’équipement, plus légers (des assez limités du marché: il y faut des flux de «hôtels logistiques» à l’articulation de la logis- marchandises massifs, équilibrés, sur d’assez tique interrégionale et internationale et de la longues distances, en supposant bien sûr logistique urbaine), doivent aussi être dévelop- qu’existent les infrastructures et l’offre de ser- pés au sein de l’agglomération pour assurer vices pour les acheminer par d’autres modes l’activité de messagerie qui, avec la croissance que la route. La route restera l’élément domi- du e-commerce, irrigue le tissu professionnel et nant et indispensable du système de fret, ne la consommation urbaine. La multimodalité est, serait-ce que pour les transports de courte dis- en Île-de-France, un enjeu spécifique, compte tance, les plus massifs. Croissant ou à tout le tenu de la concurrence pour l’usage des sols. moins stagnant en volume, le transport routier Les terrains bordant les voies d’eau ou reliés de fret ne sera pas pour autant identique à ce au chemin de fer sont des ressources rares à qu’il est aujourd’hui. Il changera bien sûr dans ne pas gaspiller. De nouveaux chantiers rail- sa technique, avec des véhicules plus économes route doivent être créés, pour profiter du redé- (structure allégée, meilleure chaîne cinéma- marrage imminent du fret ferroviaire et com- tique, moteurs plus efficaces consommant des biné. Les ports fluviaux devront accueillir la biocarburants© de deuxième IAU génération, usage croissanceîle-de-France des trafics de conteneurs, mais aussi exclusif ou hybride de l’électricité, utilisation de trafics traditionnels de pondéreux (comme massive des TIC pour optimiser le fonctionne- à Montereau, pour les matériaux de construc- ment des engins). Les méthodes d’exploitation tion). Le développement de la logistique du seront également très différentes d’aujourd’hui, fret aérien à Roissy (30 % de la valeur du com- en matière d’utilisation directe des engins et merce entre l’Union européenne et le reste du de mise en œuvre dans des circuits logistiques. monde passe par voie aérienne) est un atout On peut citer la conduite plus économe et plus national majeur. sûre, la réduction des vitesses limites, l’optimi- sation des tournées, la mise en place de labels (8) cf. SAVY Michel, Logistique et territoire, La Documentation sensibilisant les chargeurs et les consomma- française, 2006. 149 Accueillir le transport La constitution des grands corridors de fret des marchandises Les Cahiers n° 150 Quel avenir pour le transport routier de marchandises ?

Le cadre réglementaire du transport routier évo- encore si les politiques de rééquilibrage modal luera aussi, pour accélérer et diffuser ces chan- se montrent aussi inefficaces que par le passé, gements. Une normalisation européenne devra faute de moyens et de volonté. organiser la diminution de la consommation Pour autant, il sera amené à coopérer davan- des poids lourds et des véhicules utilitaires tage avec les autres modes. Il utilisera un maté- légers, comme il a été fait avec succès pour la riel profondément renouvelé, moins exclusive- pollution locale des moteurs diesel et pour la ment dépendant de l’énergie pétrolière. Il consommation des automobiles. La fiscalité et s’insèrera dans des gestions logistiques mieux la tarification seront sollicitées: mise en place intégrées, allant jusqu’à la mutualisation des d’un marché de quotas d’émissions dans le sec- flux relevant d’entreprises différentes, voire teur du fret, instauration d’une taxe spécifique concurrentes par ailleurs. sur le carbone, hausse de la TIPP, tarification de Le transport routier ne cessera pas d’être un LKW Maut: taxe kilométrique qui a été l’usage de l’infrastructure routière (LKW Maut milieu traversé de contradictions permanentes introduite sur les autoroutes allemandes à la française), modulation des péages selon et de conflits. Les organisations professionnelles en 2005 pour les camions des critères environnementaux. De telles évolu- représentant les transporteurs ont bien du mal de plus de 12 tonnes. tions supposeront un cadre industriel adéquat. à s’accorder avec celles représentant les com- Le mouvement de concentration du capital qui missionnaires de transport, puisque leurs inté- restructure l’industrie du transport de fret et de rêts sont souvent opposés, sans évoquer les la logistique à l’échelle européenne et mon- limites du dialogue social entre employeurs et diale laisse, pour l’heure, subsister un vaste sec- salariés. Le respect inégal de la réglementation teur de PME du transport routier, utilisé massi- crée de permanentes distorsions de concur- vement comme sous-traitant par les grands rence, où les fraudeurs gagnent une compétiti- donneurs d’ordres (commissionnaires de trans- vité illégitime face aux entreprises vertueuses. port, prestataires logistiques). La «bipolarisa- L’élévation de la qualification vient buter sur tion» qui s’ensuit ne devrait pas, à notre avis, être le niveau de rémunération des salariés. remise en cause, à condition que les PME de La coopération entre entreprises est subordon- transport routier aient accès aux innovations née aux rapports de force asymétriques de la techniques et organisationnelles nécessaires à «bipolarisation». L’extrême concurrence sur le la promotion d’une mobilité durable(9). Cette marché routier est avivée par l’élargissement perspective a enfin une dimension sociale cru- de l’Union et, faute d’harmonisation euro- ciale. Pour schématiser les choses, deux direc- péenne dans un marché unique, le dumping tions sont possibles. La première serait que le social et fiscal a abouti au quasi-retrait du transport routier se rapproche du modèle du pavillon français du marché du transport routier transport maritime, où les pavillons de complai- international en Europe. La sensibilité à la sance autorisent trop souvent l’usage d’une conjoncture générale met souvent les entre- main-d’œuvre sous-qualifiée et sous-payée. Une prises de transport en difficulté et, en dépit telle évolution serait une régression sociale, elle d’une attitude volontiers antiétatique, celles-ci ne serait pas non plus compatible avec les exi- se tournent vers les pouvoirs publics pour gences de qualité d’une logistique moderne. demander protection et secours, parfois au La seconde direction serait de sortir de la situa- moyen de la grève (y compris la grève des chefs tion actuelle par le haut, alors que les entre- d’entreprise!) et des barrages routiers. Si l’on prises se plaignent de leur difficulté à recruter s’est efforcé de dégager des perspectives géné- des jeunes conducteurs, en élevant la profes- rales à long terme, il ne faut donc pas s’attendre sionnalisation, la compétence et la rémunéra- à ce que l’évolution s’opère, au niveau événe- tion de ses métiers. Entre ces deux avenirs pos- mentiel, de manière continue et harmonieuse. sibles, gris ou rose, le choix est largement ouvert, Les crises sont souvent le passage obligé des il relève d’arbitrages politiques à l’échelle de changements… l’Europe (une option purement nationale ayant peu de chance de réussir au sein du marché © IAUunique du transport,île-de-France aujourd’hui en place). Le transport routier de marchandises est, en somme, amené à évoluer intensément dans les temps à venir, sous l’influence réciproque des changements de la consommation de transport (selon la composition et le volume de la pro- duction et des échanges nationaux et interna- tionaux, les modes de gestion des flux, etc.) et des changements de son organisation propre. Sa

place dans le dispositif français et européen de (9) cf. SAVY Michel, Le transport de marchandises, Paris, transport restera dominante, voire se renforcera Eyrolles-Éditions d’organisation, 2006. 150 Accueillir le transport Vers une mobilité durable en Europe des marchandises Les Cahiers n° 150 La constitution des grands corridors de fret Veolia Cargo : un acteur phare de l’activité fret en Europe

Les Cahiers – Vous êtes l’un des grands roviaire sur sites: sur des terminaux portuaires, nouveaux entrants ferroviaires en France sur des ports secs, sur des sites industriels privés. et aussi en Europe. Pouvez-vous nous Et nous offrons aussi des services associés qui présenter l’activité de Veolia Cargo ? ne sont pas directement de la traction ferro- Antoine Hurel – Veolia Environnement a réalisé viaire : fourniture de wagons, notamment en

Veolia Transport Veolia en 2007 un chiffre d’affaires de 32,6 milliards Allemagne, prestations logistiques, de conseil d’euros et intervient dans quatre activités com- en logistique ferroviaire pour aider les clients à Interview plémentaires: la gestion de l’eau, des déchets, optimiser leur flux, services de maintenance… énergétique et des transports de voyageurs. Au sein du groupe Veolia Environnement, Veolia L. C. – Votre activité présente-t-elle Transport représente un chiffre d’affaires de six des spécificités selon les pays ? Antoine Hurel est directeur milliards d’euros dont 200 millions d’euros pour A. H. – En Allemagne, où nous avons acquis général adjoint de Veolia Veolia Cargo. Bien que son portefeuille indus- notre filiale allemande de Veolia Cargo en 1997, Transport et président de Veolia triel ne soit pas très développé, l’activité de Veo- nous faisons du fret ferroviaire depuis dix ans Cargo, filiale de Veolia Transport lia Cargo est stratégique, car c’est un métier du et notre marché est relativement stabilisé. Nous spécialisée dans le fret développement durable, dans le cœur de cible y sommes très présents sur l’acier, parce que ferroviaire. Antoine Hurel de la stratégie de Veolia Environnement. nous avons fait l’acquisition en 2005 d’une est également président, société, Dortmunder Eisenbahn, qui était une depuis 2005, de la Commission L. C. – Comment s’organise votre activité filiale du port de Dortmund et de Thyssen ferroviaire de l’Union fret en France et en Europe ? Krupp. Cette acquisition a permis de développer des transports publics (UTP), A. H. – Il y a deux schémas dans le fret ferro- notre activité dans la Ruhr sur des trafics de fédération représentative viaire. Dans le premier schéma, l’entreprise fer- charbon et d’acier. En France, notre premier du secteur et vice-président roviaire passe des contrats directement avec le train n’a circulé qu’en juin 2005. Il s’agissait de la Communauté européenne chargeur qui organise sa propre logistique et d’un train de chaux qui partait des fours à du rail (CER). Veolia Cargo commande lui-même des trains complets ou chaux dans la Meuse vers des aciéries de la a été la première entreprise des wagons isolés à l’entreprise ferroviaire. Les Sarre. Actuellement, du fait de notre alliance ferroviaire privée chargeurs, qui sont nos clients directs, sont posi- avec CMA-CGM, le marché des conteneurs à être autorisée à circuler tionnés sur le fret conventionnel, plutôt domes- représente une part de plus en plus importante sur le marché français en 2005, tique ou transfrontalier. Les prestations portent de notre activité, en complément de notre cœur en concurrence de la SNCF. sur des trafics de papier, d’acier, de matériaux de de cible, le secteur industriel. Veolia Cargo est aujourd’hui construction, etc. Dans le deuxième schéma, un groupe européen de plus en plus fréquent, le chargeur s’adresse L. C. – Quelles difficultés avez-vous qui développe ses activités à un organisateur de transport, qui est en rencontrées pour mettre en place dans près d’une dizaine quelque sorte l’intégrateur de tous les modes de vos trafics ? de pays en Europe. transport – le ferroviaire étant l’un des maillons. A. H. – Tout nouvel entrant se heurte à trois Dans ce deuxième schéma, l’entreprise ferro- types d’obstacles. Le premier se situe au niveau viaire n’est pas en contact direct avec le char- de sa capacité de mettre en place des res- geur, mais avec le logisticien qui organise le sources propres. Dans la plupart des pays d’Eu- transport. Le transport ferroviaire de conteneurs rope, l’ouverture du marché du fret ferroviaire maritimes s’organise selon ce schéma. Nous ne s’est faite avec le maintien en place de l’opéra- vendons pas de prestations de transport de teur historique. Or ce n’est pas le cas partout: les conteneurs point à point, sauf via notre partici- Anglais ont ouvert leur marché en remplace- pation minoritaire à Rail Link Europe (filiale ment de l’opérateur historique. Tout le patri- de l’armateur CMA-CGM). Schématiquement, moine ferroviaire national (les locomotives, les © IAUnotre activité seîle-de-France répartit en un tiers de conte- dépôts, les ateliers de maintenance, etc.) a été neurs, un tiers de charbon-acier et un tiers d’au- mis à disposition des opérateurs privés. Dans tres produits (automobile, chimie, matériaux de les autres pays, la libéralisation a consisté à construction, agroalimentaire…). Nous déve- maintenir l’opérateur historique et à placer à loppons notre activité fret dans cinq pays en côté de lui des opérateurs indépendants qui direct. Il s’agit, outre la France, de l’Allemagne, lui font concurrence. Or, il faut comprendre que de l’Italie et du Benelux où nous intervenons cette situation est extrêmement difficile pour avec nos propres matériels. Notre plus grosse les nouveaux entrants, qui ont à construire une activité a lieu en Allemagne, qui a ouvert son activité qui nécessite des investissements consi- réseau dès 1994, bien avant la France. Nous fai- dérables à partir de zéro et cela sous contrainte sons également des prestations de traction fer- d’une rentabilité du capital à court terme. Le 151 Accueillir le transport La constitution des grands corridors de fret des marchandises Les Cahiers n° 150 Veolia Cargo : un acteur phare de l’activité fret en Europe

deuxième obstacle, lié au premier, est spéci- régulier et très progressif, plus agréable à fique à la France et résulte de la complexité du conduire et moins bruyante. Mais il y a des obs- système d’organisation de la production : les tacles à l’usage des locomotives électriques, car nouveaux entrants dépendent de Réseau ferré toutes les lignes ne sont pas électrifiées. Lorsque de France (RFF) pour l’attribution des sillons. l’on tracte des trains dans une région où les Mais RFF n’est pas pour autant maître des cinquante derniers kilomètres à parcourir sont » L’Europe du fret sillons qu’il vend, du fait du rôle que joue la en diesel, on est obligé de tout faire en diesel. a toujours existé. SNCF en tant que gestionnaire d’infrastructure Il faut trouver les bonnes solutions au cas par Il y a toujours eu délégué (GID). Cette situation rend les choses cas. Ceci dit, la traction électrique a bonne des trafics difficiles d’un point de vue commercial, parce presse en France, parce que nous avons recours que RFF dépend de la SNCF pour pouvoir faire au nucléaire. En Allemagne, si on fait le bilan transfrontaliers une offre. La SNCF possède, ainsi, toute l’infor- carbone global d’une traction électrique, celle- et les grands corridors mation commerciale et entre en concurrence ci a un bilan qui n’est pas meilleur que le die- européens de fret avec le nouvel entrant pour l’attribution du sel. Il est même parfois moins bon, car la plupart se mettent en place. sillon. La séparation entre le gestionnaire de des centrales électriques sont à charbon et le Mais il est vrai l’infrastructure et l’opérateur historique n’est rendement du transport du courant de la cen- qu’il y a des conflits pas satisfaisante. Il faudrait confier au gestion- trale jusqu’au pantographe de la locomotive naire de l’infrastructure toutes les fonctions – n’est pas très élevé. Le diesel est quant à lui d’usage à régler, depuis la planification pluriannuelle des tra- consommé sur place et il s’agit, de plus en plus notamment vaux et des capacités jusqu’à la gestion quoti- souvent, de diesel filtré. entre les capacités dienne des sillons et des situations perturbées attribuées au fret – pour assurer la continuité dans un contexte L. C. – Peut-on dire dans ce contexte et les capacités attribuées d’indépendance par rapport à la SNCF pour que l’Europe du fret ferroviaire existe ? aux voyageurs. « l’attribution des capacités et pour les rétablisse- A. H. – L’Europe du fret a toujours existé. Il y a ments de trafic en cas de perturbations. Or, le fait toujours eu des trafics transfrontaliers et les que la SNCF soit à la fois juge et partie pénalise grands corridors européens de fret se mettent les nouveaux entrants malgré les décisions des en place. Mais il est vrai qu’il y a des conflits dirigeants, qui, eux, voient dans la libéralisation d’usage à régler, notamment entre les capacités un facteur de progrès. Ce fonctionnement attribuées au fret et les capacités attribuées RFF/SNCF devrait être considérablement amé- aux voyageurs. Dans les années 1970 en lioré par la mise en place d’un régulateur – la France, la SNCF réalisait 70 milliards de tonnes- Commission de régulation des activités ferro- kilomètre, contre 40 milliards de tonnes- viaires (CRAF)(1) – doté de larges compétences kilomètre aujourd’hui… Pourtant, on a construit et d’un pouvoir de sanction et d’arbitrage. Le des infrastructures nouvelles pour le train à troisième obstacle est la crédibilité commer- grande vitesse (TGV), ce qui aurait dû libérer ciale vis-à-vis des clients chargeurs – qui consta- des capacités pour le fret sur le réseau conven- tent qu’il a fallu plus de dix ans aux nouveaux tionnel. Cela ne s’est pas produit du fait de entrants en Allemagne pour atteindre à peu l’explosion de la circulation des trains express près 20 % du marché… Peut-être qu’en France régionaux, posant la question du partage des les choses iront un peu plus vite, du fait d’une sillons entre les trains de fret et de voyageurs, meilleure maîtrise de la libéralisation, mais les problèmatique nationale comme internatio- parts de marché des nouveaux entrants ne vont nale. croître que très progressivement. Dans ce contexte, les chargeurs qui ont recours au fer- L. C. – Comment peut-on gérer les sillons roviaire en France ne veulent pas prendre le fret et voyageurs de manière risque de se détourner de la SNCF et de s’enga- à ne pas pénaliser systématiquement ger avec un nouvel entrant ne pouvant pas assu- les trains de marchandises ? rer une part suffisamment importante de leur A. H. – La solution à long terme, ce serait de trafic, faute de moyens et de sillons. Au total, créer de nouvelles infrastructures et, notam- © IAUbeaucoup d’offresîle-de-France ont été faites par les nou- ment, des voies de contournement des grandes veaux entrants auxquelles les clients n’ont pas agglomérations. Mais, en fait, je ne suis pas par- donné suite. tisan de la séparation voyageurs-fret parce que cela réduit les capacités et semble totalement L. C. – Quelle est la stratégie de Veolia irréaliste aujourd’hui. Il y a d’autres moyens que Veolia Transport Veolia Cargo en matière de parc l’investissement lourd dans les infrastructures La locomotive électrique présente de locomotives, compte tenu pour traiter le problème de la saturation, dont plusieurs avantages, mais de la diversité des réseaux en Europe ? nécessite que la totalité d’un axe A. H. – La locomotive électrique présente plu- (1) La Commission de régulation des activités ferroviaires (CRAF), qui devrait être mise en place en 2009, sera une auto- soit électrifiée, ce qui ne rend pas sieurs avantages du point de vue de l’exploita- rité administrative indépendante chargée de garantir « un son utilisation envisageable partout. tion : plus puissante, dotée d’un couple plus accès non discriminatoire au réseau ferroviaire». 152 par exemple le cadencement. C’est le travail structures sont déjà un élément de saturation en que mène actuellement RFF. S’agissant de la soi, puisque vous êtes obligés de mobiliser des «compétition» entre les voyageurs et les mar- plages horaires et des tronçons pour faire les tra- chandises, il faut aussi un changement de cul- vaux. Mais, s’ils ne sont pas planifiés à l’avance, ture en France. Les élus, en tant qu’autorités il n’est plus possible de modifier les sillons de organisatrices et au nom de l’aménagement du manière à faire passer les trains. La saturation est territoire, doivent comprendre l’importance de alors liée à un manque d’anticipation. Environnement Photothèque Veolia laisser des capacités disponibles pour les trains On ne pourra assurer de transfert de marchandises. L. C. – Selon vous, quelles actions doivent modal de la route sur le rail C’est une idée absolument pas répandue, être mises en place pour favoriser que si les sillons sont fiables puisque les autorités organisatrices n’ont pas un développement significatif du fret et pérennes. la charge de la mobilité des marchandises. Je ne ferroviaire ? suis pas du tout en train de plaider pour que, au A. H. – La première chose qui me vient à l’es- niveau régional, elles s’occupent aussi des mar- prit, c’est le régulateur. Il faut qu’il y ait un régu- chandises, encore que le débat soit parfaite- lateur, de façon à assurer une bonne fluidité et ment ouvert. Mais il y a une responsabilité des une bonne équité des circulations. L’Europe du élus à ce niveau-là. RFF a, en permanence, à fret repose aussi beaucoup sur les bons rap- gérer des demandes de la part des élus, de ports entre le gestionnaire d’infrastructures et modifications des horaires des trains de voya- les différents utilisateurs du réseau. Cela com- geurs pour gagner une ou deux minutes sur un mence à bien se passer en Allemagne et en trajet. Faire gagner deux minutes à un TER sur Hollande, mais ce n’est pas encore très clair en un trajet de quinze minutes, c’est considérable France. Et puis il y a aussi les questions écono- et c’est tout à fait fondamental pour un élu. miques. Parce qu’on ne pourra pas transférer Mais quand vous faites ça, vous consommez un 25 % du tonnage routier sur des modes de trans- sillon qui aurait pu être attribué au fret. Donc la port moins polluants, s’il n’y a pas d’incitation notion de saturation est relative et peut se résou- économique pour le faire. Les chargeurs sont dre, sans nécessairement mobiliser d’énormes des entreprises privées qui ont un profit à justi- ressources financières. fier en fin d’année. S’agissant du principe de l’eurovignette – ou du principe des pol- L. C. – Lorsque vous demandez des sillons lueurs/payeurs –, on peut continuer à débattre et que vous n’obtenez pas ceux indéfiniment pour savoir si le transport routier que vous voulez, est-ce parce que paie déjà ses impacts environnementaux avec le réseau est réellement saturé ? la taxe intérieure de consommation sur les pro- A. H. – En fait, l’infrastructure en ligne n’est pas duits pétroliers (TIPP) ou s’il faut ajouter d’au- saturée, sauf à de rares exceptions près. Mais il tres taxes. Mais si on veut transférer des mar- y a un phénomène de concentration des tra- chandises de la route vers le rail, il faut que le fics sur un certain nombre de zones sur le ter- rail soit économiquement compétitif pour que ritoire, qui sont les grandes agglomérations, où les chargeurs y aient recours. Ce ne sont pas se concentrent à la fois le trafic fret et le trafic des philanthropes. Tout au plus accepteront-ils voyageurs. Les trains de fret ont parfois à traver- de payer 1 ou 1,5 % de plus pour dire: «c’est ma ser plusieurs de ces nœuds ferroviaires parti- contribution…». La mise en place d’une euro- culièrement saturés à certaines périodes de la vignette présenterait deux avantages; celui de journée, pendant lesquelles ils sont mis sur des rééquilibrer économiquement les prix de trans- voies de garage pour laisser passer les circula- port et, surtout, celui de générer des sources de tions voyageurs. On ne pourra pas non plus assu- financement qui seraient a priori affectées aux rer de transfert modal de la route sur le rail, si infrastructures de transport. S’il n’y a pas de nous avons des sillons de mauvaise qualité. Ce rééquilibrage des coûts ni une bonne qualité de qui est très important, c’est que nous puissions circulation sur l’infrastructure, le transfert des disposer, pour nos clients, de sillons fiables, iden- marchandises de la route sur le rail restera un tifiés et de qualité,© qu’ils IAU puissent avoir une vœuîle-de-France pieux pendant de nombreuses années vitesse, de l’ordre de 80 km/h en moyenne sur parce que, en définitive, ce sont les chargeurs le trajet, et être pérennes pour nous permettre qui prennent la décision en fonction d’un rap- d’être compétitif. Or, parce que les sillons sont port qualité/prix qui leur est offert. attribués deux ans à l’avance pour les voya- geurs, il est important qu’il y ait des sillons L. C. – Avez-vous senti une évolution disponibles «réservés fret». Autres éléments per- de la part des chargeurs, ces dernières turbateurs, susceptibles de générer des satura- années, dans le sens d’une demande plus tions, sont les plages travaux et l’absence de importante en faveur du ferroviaire ? programmation pluriannuelle des travaux et A. H. – Il y a une évolution. Nous observons des plages horaires. Des travaux sur les infra- que les chargeurs ont tout de même une cer- 153 Accueillir le transport La constitution des grands corridors de fret des marchandises Les Cahiers n° 150 Veolia Cargo : un acteur phare de l’activité fret en Europe

taine latitude pour organiser leurs stocks et leurs où nous sommes déjà bien implantés, nous pou- expéditions de façon à pouvoir utiliser un mode vons faire des économies d’échelle en utilisant massifié dans des conditions où le ferroviaire mieux les locomotives, en les faisant passer d’un devient plus compétitif que la route. Les nou- trafic à l’autre. En France, le trafic n’est pas assez veaux entrants sont probablement un des fac- dense pour pouvoir optimiser. Nous envisa- teurs de cette évolution. Les chargeurs com- geons également un scénario de développe- mencent à se sentir responsables par rapport ment selon lequel nous pourrions devenir opé- aux émissions de gaz à effet de serre et à remet- rateur de transport combiné. tre en cause le stock zéro, le flux tendu… L. C. – Vous n’avez pas parlé L. C. – Quel impact peut avoir la crise des opérateurs ferroviaires de proximité. actuelle sur cette évolution ? Ce n’est pas un marché sur lequel A. H. – Je n’arrive pas à bien voir les consé- vous souhaitez vous positionner ? quences qu’elle pourrait avoir. Cela peut avoir A. H. – Beaucoup d’études ont été faites sur le deux conséquences contradictoires. La pre- sujet. La mise en place d’un opérateur ferro- mière serait qu’il y ait moins de recettes, donc viaire de proximité n’est possible que si, dans la moins de trafics. Mais, en même temps, cette zone où il va opérer, les trafics sont suffisam- situation de crise peut favoriser des expéditions ment importants pour justifier la mise en œuvre beaucoup plus massifiées, et donc favoriser le de locomotives, de personnels présents à plein rail, et être l’occasion d’une redistribution entre temps, donc des recettes supérieures aux la route et les autres modes… Pour ce qui nous charges fixes. Plusieurs pistes ont été envisa- concerne, nous avions jusqu’à maintenant des gées pour tenter de rentrer dans cette équation. plans à six ans. Nous avons envisagé une crois- Sur le plan des infrastructures, on pourrait faire sance qui nous permettait d’atteindre un chif- en sorte qu’elles ne relèvent pas de la même fre d’affaires d’un milliard d’euros en 2015, ce classe que les lignes du réseau principal; dès qui était un très beau challenge… Mais compte lors, le prix des sillons pourrait être moins élevé, tenu de la conjoncture, je ne sais pas si nous les trains pourraient circuler moins vite, les per- allons atteindre 250 millions d’euros en 2009. sonnels être polyvalents et les coûts de mainte- Nous avons revu nos hypothèses de croissance nance moins élevés… On pourrait envisager à la baisse et envisageons un objectif de 500 mil- que, au titre de l’aménagement des territoires, lions d’euros de chiffre d’affaires en 2013-14. les Régions prennent en charge le matériel rou- lant, comme c’est le cas pour les voyageurs, L. C. – À l’avenir, envisagez-vous de bâtir dans le cadre de contrats à trois ou cinq ans. votre stratégie sur des segments Mais il faut savoir que, juridiquement, cela pose de marché particuliers ? un problème, parce que, sur le réseau ferré A. H. – Nous sommes déjà positionnés sur l’in- national, on ne peut pas garantir d’exclusivité à dustrie lourde, l’automobile, la chimie, le bois et un opérateur. Si dans cette zone-là, un chargeur papier, l’agroalimentaire (eau minérale, trouve une solution qui est moins chère que céréales…), les produits pétroliers. Nous déve- celle de l’opérateur de proximité sélectionné, loppons ces marchés au cas par cas en propo- rien ne peut s’opposer à ce que le chargeur sant des solutions sur-mesure. En Allemagne, fasse appel à un autre opérateur… Enfin, il faut qu’il y ait une certaine coordination entre les chargeurs, de façon à avoir des flux suffisam- ment massifiés, permettant de justifier le ferro- viaire, qui est un mode lourd, très efficace pour les grosses expéditions, mais qui l’est beaucoup moins sur des petits volumes. Les pistes ne man- quent pas. Il faudrait un exemple concret

Photothèque Veolia Environnement Photothèque Veolia d’équilibre des comptes dans une activité de ce © IAU île-de-Francetype. Aujourd’hui, nous ne voyons pas de mar- ché pour ce type d’activité; mais nous sommes tout à fait prêts à travailler sur un projet en tant que partenaire, sous réserve des contraintes économiques que nous avons indiquées.

Propos recueillis par Lydia Mykolenko et Corinne Ropital

Veolia Cargo est fortement actif aujourd’hui en Europe du Nord. 154 Une logistique urbaine innovante

Des terminaux inland au cœur des villes 156

Logistique urbaine, les villes européennes se mobilisent 158

Le plan fret de Londres, un exemple d’action : le FORS 163

Monoprix : un engagement en faveur d’une mobilité durable 165

Livrer en zone urbaine par modes alternatifs : deux cas nord-européens 167

Le port de Bruxelles teste le transport © IAU île-de-Francede palettes par voie d’eau 168

155 Accueillir le transport Vers une mobilité durable en Europe des marchandises Les Cahiers n° 150 Une logistique urbaine innovante Des terminaux inland au cœur des villes Lydia Mykolenko(1) IAU île-de-France

Nos nouvelles exigences en tant que consommateurs habitués à obtenir tout de suite et au moindre coût, et de plus en plus sans même nous déplacer, ont généré une explosion des flux de marchandises. Dans les grandes métropoles, tous les flux de marchandises se superposent et interfèrent avec la mobilité locale quotidienne des personnes, exacerbant la concurrence pour l’usage de la voirie et de l’espace public. alistairmcmillan/Flick’r

La livraison des marchandises lors que les évolutions économiques et afin de pouvoir desservir des aires de marché en centre-ville interfère technologiques ont permis aux entre- très larges le plus efficacement possible à par- avec les besoins de mobilité A prises de se libérer en grande partie des tir du plus petit nombre possible d’interfaces. quotidienne des personnes. impératifs de proximité (proximité des fournis- Les stratégies des grands chargeurs européens seurs, des sous-traitants, voire même proximité ont convergé vers une réduction du nombre des marchés), un certain nombre d’interfaces des portes d’entrée maritimes et le regroupe- physiques de traitement des marchandises doi- ment des importations sur un seul port, le vent toujours être assurées. L’externalisation de stockage des marchandises sur un seul site l’activité logistique, traditionnellement accom- logistique européen (non plus sur un site par plie au sein des entreprises industrielles et réa- pays) et la desserte de grandes zones transna- lisée de plus en plus souvent par des spécia- tionales à partir de quelques plates-formes (par listes, s’est traduite par la constitution de grands exemple, l’une, située dans le nord de la France groupes internationaux dans les domaines de approvisionnant ce secteur et les pays du Bene- la messagerie, de la logistique et de l’organisa- lux, l’autre, située dans le sud, approvisionnant tion du transport. Cette structuration du secteur ce secteur ainsi que l’Espagne, le Portugal et de la logistique, qui s’est opérée au cours des l’Italie), plutôt qu’à partir d’une dizaine ou trente dernières années, s’est caractérisée par la d’une quinzaine de plates-formes nationales. mise en place de nouveaux schémas d’organi- Pour la livraison urbaine, ces grandes plates- sation et de recomposition des flux de mar- formes sont relayées par des plates-formes de chandises et par des systèmes de livraisons en distribution urbaine de plus petite dimension, flux tendus et en «juste à temps», d’une extra- plus proches des lieux de consommation. Mais, ordinaire efficacité, s’appuyant sur le dévelop- compte tenu de l’urbanisation et des pressions pement d’un parc d’entrepôts considérable. foncières s’exerçant notamment dans les cœurs © IAU île-de-Franced’agglomération, on assiste à un desserrement Un engouement pour les grandes progressif de ces fonctions logistiques urbaines plates-formes à vocation internationale vers des secteurs géographiques de plus en plus Plus récemment, ce mouvement s’est traduit, éloignés du centre de l’agglomération. en France comme en Europe, par l’implanta- Les grands réseaux de distribution comportent tion de grandes plates-formes à vocation inter- ainsi plusieurs niveaux d’implantation aux rôles nationale sur des sites disposant d’une très emboîtés: des pôles centraux alimentant l’en- bonne desserte routière, parfois ferroviaire et, semble du dispositif, des centres secondaires dans certains cas, aéroportuaire ou portuaire. La

meilleure localisation se situait à proximité des (1) Lydia Mykolenko est responsable des études «logistique nœuds des grands réseaux de communication, et marchandises». 156 d’envergure régionale, des centres locaux marchandises hors voirie; réduits à une fonction de transfert rapide (sans - les « espaces logistiques urbains », point de immobilisation ni traitement approfondi des rupture de charge obligatoire pour tout véhi- marchandises). En termes de distance, trois cule de livraison supérieur à un certain ton- rayons d’action se dégagent: nage visant à rationaliser les tournées de livrai- - un rayon de 700 km et plus: rayon d’action son; des entrepôts centraux d’entreprises à voca- - l’utilisation des modes ferroviaire et fluvial tion européenne; pour le «dernier kilomètre»… - un rayon de 30 km à 250 km: celui de la dis- Pour que les expérimentations intervenant sur tribution régionale. (cinq à dix implantations le «dernier kilomètre» puissent être plus effi- en France suffisent à atteindre chaque jour caces et trouver leur rentabilité économique, par la route les points de vente de la grande elles doivent s’accompagner d’actions plus glo- distribution); bales, portant sur l’organisation de l’ensemble - un rayon de 0 km à 30 km: celui de la distri- des chaînes logistiques, depuis les grands cen- bution urbaine de proximité. tres de distribution européens jusqu’aux plates- Mais la tendance à la polarisation des réseaux, formes relais des transporteurs. Dans le contexte avec la réduction du nombre de nœuds et l’aug- de crise financière et économique qui ébranle mentation de la taille de chacun d’eux, induit depuis quelques mois les entreprises de trans- une très forte augmentation du nombre de véhi- port de marchandises et de logistique, de nou- cules-km parcourus pour desservir ce «dernier veaux schémas logistiques vont nécessairement kilomètre » qui constitue le maillon le plus se mettre en place. Fondés sur moins de trans- contraint des chaînes logistiques et le plus nui- port, plus de stocks et donc sur une augmenta- sible en termes environnementaux. L’augmen- tion du nombre d’implantations pour diminuer tation des distances parcourues par les mar- les tonnes-km, sur un approvisionnement des chandises qui en résulte (dans l’UE-15, la plates-formes logistiques en plus grande quan- distance moyenne en transport terrestre, par- tité, sur de la mutualisation et de la collabora- courue par une tonne de marchandises est tion, y compris entre concurrents, ces nouveaux passé de 89,4 km en 1982 à 106 km en 2006(2)) schémas induiront plus de massification et favo- génère, outre des nuisances environnementales, riseront le recours aux modes de transport alter- des difficultés chez les professionnels pour natifs à la route. Il reviendra alors aux aména- leurs tournées de livraison en centre-ville. C’est geurs de leur offrir des plates-formes pourquoi, dans un contexte de prix de l’énergie multimodales plus proches des consomma- tendanciellement à la hausse et de contraintes teurs. Mais, sans l’action des pouvoirs publics, réglementaires grandissantes, ce modèle logis- le risque est réel de voir l’aliénation des rares tique, qui a fait ses preuves, mais se révèle coû- sites logistiques existant encore en zone dense, teux en énergie et en congestion, commence à multimodaux comme uniquement routiers, être remis en cause. On voit se manifester un alors que leur nécessité est dorénavant avérée nouvel intérêt des logisticiens mais aussi des pour répondre aux exigences du développe- chargeurs pour des sites moins éloignés du ment durable. cœur de l’agglomération et pour les modes de L’organisation de la logistique devrait s’appuyer transport alternatifs à la route qui permettraient sur un ensemble cohérent de structures d’ac- d’accéder directement à la zone dense en s’af- cueil, localisées tant dans les zones urbaines franchissant des territoires congestionnés. denses des agglomérations que dans des zones périphériques plus éloignées. Elle devrait privi- Les actions développées en Europe légier la recherche de sites d’implantation mul- et les perspectives alternatives timodaux route et fer ou voie navigable, et cela Confrontées à ces problèmes de congestion et y compris en zone dense, et contribuer ainsi, de protection de l’environnement, de nom- par la limitation de la croissance des flux de breuses villes européennes ont mis en place poids lourds que cette multimodalité autorise, des actions destinées© à réglementerIAU les condi- à île-de-Franceprendre en compte les préoccupations envi- tions d’accès à la ville. Elles portent la plupart ronnementales largement partagées par les du temps sur les points suivants: décideurs aujourd’hui. - les types de véhicules autorisés à pénétrer en centre-ville (poids, taille, norme Euro d’émis-

sion de polluants…); S. Mariotte/IAU îdF - les périodes d’accès à des secteurs détermi- L’organisation de la logistique nés; en Europe devrait privilégier • les itinéraires préférentiels pour les poids (2) Source : GUILBAULT M., SOPPÉ M., Les grandes tendances la recherche de sites d’implantation d’évolution des pratiques de transport et logistique au travers lourds; des enquêtes « chargeur 88 » et « ECHO 2004 ». Inrets, septem- multimodaux route et fer ou voie - les zones de desserte et d’enlèvement des bre 2007. navigable, y compris en zone dense. 157 Accueillir le transport Vers une mobilité durable en Europe des marchandises Les Cahiers n° 150 Une logistique urbaine innovante Logistique urbaine, les villes européennes se mobilisent Laetitia Dablanc(1) Inrets

Parce que la ville est un espace contraint et très partagé, l’intervention publique y prend une place importante. De plus, face à l’accroissement des contraintes environnementales, les villes ont dorénavant pour objectif l’amélioration du bilan énergétique de leurs transports, notamment de celui des marchandises. Reste à trouver les bons outils pour le faire. sigurdga/Flick’r

À Stockholm, le chantier ous les jours, pour servir ses 700000 éta- de livraison, les types de véhicules ne se modi- du nouveau «quartier durable» blissements, ses onze millions d’habi- fient pas au travers de simples décisions locales, de Hammarby bénéficie T tants et ses plates-formes d’échanges, car les différents secteurs économiques qui les d’une gestion collective plus d’un million de livraisons et d’enlèvements mettent en œuvre sont organisés, sur un plan des approvisionnements sont effectués en Île-de-France. Ce chiffre illus- logistique, par des forces extérieures aux terri- et de l’évacuation des matériaux tre une réalité fondamentale de la mobilité des toires locaux. de construction. marchandises dans les agglomérations: c’est la composition du tissu économique d’une ville Des terrains métropolitains, qui détermine directement la mobilité du fret. vecteurs d’innovations logistiques Chacun des (très nombreux) secteurs écono- Le transport urbain des marchandises et la logis- miques qui composent une ville possède ses tique urbaine restent des mondes sous optimi- propres caractéristiques logistiques, qui elles- sés où quelques secteurs innovants coexistent mêmes déterminent presque mécaniquement avec beaucoup d’opérations routinières. Une les types de véhicules, les heures et les fré- part non négligeable de la mobilité des mar- quences de livraison qui seront nécessaires aux chandises est peu efficace, c’est-à-dire qu’elle approvisionnements de ce secteur. Par ailleurs, met en œuvre plus de véhicules-km que néces- avant d’être livré ou enlevé dans une zone saire pour approvisionner les agents écono- urbaine, un produit a toutes les chances de tran- miques urbains. Malgré un fonctionnement glo- siter par une plate-forme (entrepôt, agence de bal du transport de marchandises dans les messagerie, terminal, chantier de transport com- grandes villes qui pose d’importants problèmes biné…), c’est-à-dire un lieu nodal où la mar- environnementaux, un certain nombre de nou- chandise va être au minimum transférée d’un veaux services de logistique urbaine innovants véhicule à un autre, et bien souvent va subir un dans les parties les plus urbanisées des grandes © IAUcertain nombre île-de-France de transformations (stockage, métropoles sont apparus. C’est le cas tout réemballage)(2). La mise en œuvre d’une chaîne de transport particulière pour les premiers et (1) Laetitia Dablanc est chargée de recherche à l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité. Labo- les derniers kilomètres constitue ainsi l’un des ratoire Systèmes productifs, logistique, organisation des trans- principaux signes distinctifs de la mobilité des ports et travail. marchandises dans les grandes métropoles. Ces (2) Les enquêtes «chargeurs» de l’Inrets ont montré qu’en- tre 1988 et 2004, le taux de passage par une plate-forme d’un caractéristiques structurantes posent une pre- envoi de marchandises est passé de 66 % à 85 % pour les mière limite à l’intervention publique: il est dif- envois sortant de l’agglomération parisienne, et de 50 % à ficile, par des politiques publiques, de faire évo- 62 % pour les envois arrivant dans l’agglomération parisienne. Beaudoux E., Dablanc L., Guibault M., Routhier J.-L.(2008) « La luer la façon dont s’organisent les flux urbains partie urbaine de la chaîne de transport », Enquête Écho des marchandises. Les horaires, les fréquences 2004, Actes de la journée spécialisée Inrets (à paraître). 158 d’abord de la logistique du e-commerce qui La France a été l’un des premiers pays à géné- constitue aujourd’hui près de 5 % du chiffre raliser la prise en compte des marchandises d’affaires du commerce de détail en Europe. dans les divers documents d’aménagement La zone dense parisienne, comme d’autres urbain. L’article 28-1 de la loi d’orientation des agglomérations européennes, concentre les transports intérieurs de décembre 1982 donne innovations qui sont liées à ce nouveau mode mandat aux agglomérations, lorsqu’elles élabo- de consommation. Une entreprise comme Star’s rent leurs plans de déplacements urbains, de Services, l’une des sociétés de transport fran- «traiter des transports de marchandises et des çaises les plus innovantes apparues ces der- livraisons tout en rationalisant les conditions nières années sur le créneau réputé difficile de d’approvisionnement de l’agglomération afin la livraison à domicile des produits alimentaires, de maintenir les activités commerciales et arti- est née et s’est d’abord développée en région sanales […]». Dans d’autres pays européens, parisienne. C’est là qu’elle fait circuler l’établissement de plans de transport, de docu- quotidiennement la grande majorité de ses ments d’aménagement ou de plans climat se 1 200 véhicules, tous frigorifiques et équipés fait, également, en y intégrant les enjeux du d’informatique embarquée communicante. transport des marchandises. Les pratiques de C’est dans les grandes villes allemandes que la concertation y sont souvent plus anciennes Deutsche Post a installé un réseau aujourd’hui qu’en France et très bien établies. Les Freight très important de consignes automatiques Quality Partnerships dans les villes anglaises urbaines, les Packstationen, destinées à facili- sont, par exemple, des lieux où s’engagent de ter les transactions des particuliers qui com- véritables négociations définissant les règles du mandent ou vendent par internet. Sur le même jeu réglementaires et financières de la circula- modèle, La Poste a installé la plupart de ses nou- tion des véhicules utilitaires en ville. Point velles consignes automatiques «Cityssimo» en d’orgue à plusieurs années de discussion avec Île-de-France, et plus particulièrement à Paris. les transporteurs, le London Freight Plan, qui D’autres secteurs que le e-commerce génèrent définit la stratégie du Grand Londres à court et des innovations techniques ou organisation- moyen termes sur ces questions, a été adopté en nelles dans les très grandes villes. La société novembre 2007. Les villes hollandaises, de leur Chronopost a conçu et développé son système côté, se sont regroupées avec les représentants de « chronocity », un conteneur à assistance des transporteurs dans un réseau national, le électrique, pour livrer les centres des grandes « comité pour la distribution urbaine » (Com- agglomérations françaises. À Amsterdam, Vos- missie Stedelijke Distributie), une structure sou- Logistics avec d’autres partenaires a développé ple qui est lieu de concertation, force de propo- le River Hopper, une unité fluviale en partie sition et soutien aux initiatives innovantes. autodéchargeante qui assure la distribution par voie d’eau de fret palettisé (notamment de bois- sons). C’est aussi à Amsterdam qu’un bateau DHL parcourt les canaux de la ville et sert de base centrale pour des coursiers en vélo, équi- pés de systèmes d’information reliés aux ordi- nateurs du bateau.

Des leviers d’action multiples testés par les grandes villes européennes Devant les réalités économiques et environne- mentales du transport de fret, les villes d’Eu- rope, depuis une vingtaine d’années, se sont progressivement lancées dans l’action. Elle peut prendre une forme traditionnelle (réglementa- tion de la circulation© et duIAU stationnement) ou île-de-France audacieuse : contrôles automatisés, péages urbains, gestion intelligente du trafic, nouveaux partages de voirie, promotion de matériels et de véhicules innovants, développement du transport fluvial ou ferroviaire. En Île-de-France, des systèmes innovants liés à la logistique La planification stratégique du e-commerce se développent, et la concertation comme Cityssimo, Les villes sont désormais nombreuses à inté- nouvelles consignes automatiques grer dans leur planification le transport de fret. Cityssimo installées par La Poste. 159 Accueillir le transport Une logistique urbaine innovante des marchandises Les Cahiers n° 150 Logistique urbaine, les villes européennes se mobilisent

Les difficultés des plates-formes sont réticentes à financer ce type de service. urbaines de distribution De nouvelles plates-formes ont néanmoins vu le des marchandises jour depuis quelques années, qui prennent des Dès les années 1980, les enjeux environnemen- formes très spécifiques. Certaines d’entre elles taux ont suscité des démarches expérimentales sont spécialisées et ne traitent qu’un type de de logistique urbaine, dans lesquelles les villes produits, comme les centres de distribution des ont cherché à dépasser les simples politiques de matériaux de construction desservant les gros réglementation. Les municipalités se sont essayé chantiers urbains à Londres et Stockholm. À en particulier à la mise en place de services de Stockholm, le chantier du nouveau «quartier distribution urbaine centralisée des marchan- durable» de Hammarby, démarré en 2001, béné- dises, avec pour objectif la rationalisation des ficie d’une gestion collective des approvision- tournées de livraisons au centre-ville. Plusieurs nements et de l’évacuation des matériaux de études de consultants ou d’universitaires construction. Toutes les livraisons passent par la avaient, en effet, démontré qu’il existe sur le centrale de distribution où les produits sont papier un bénéfice net, en termes d’économie identifiés et mis en attente pour être livrés sur

de véhicules-km et donc de CO2, apporté par le chantier en juste à temps. Le gros vrac, des schémas de massification et de mutualisa- comme le ciment ou l’acier, ne passe pas par la tion (ou consolidation selon le terme anglo- plate-forme, mais la livraison est coordonnée saxon) de la distribution urbaine des marchan- par un système de rendez-vous sur internet, afin dises. Ces expérimentations ont permis d’éviter les déchargements de camions simul- parallèlement de tester l’usage de véhicules de tanés. La plate-forme emploie dix personnes, livraison peu polluants. Certaines avaient même utilise huit véhicules aux normes Euro IV(3) et un fort contenu social à travers l’emploi de per- une aire de stockage de 8000 m2. Cette gestion sonnes handicapées ou en réinsertion. Mais centralisée des matériaux a permis de diviser l’application de ces schémas sur le terrain s’est par trois le nombre de camions desservant la révélée difficile, coûteuse, décevante sur le plan zone de chantier. De son côté, le Grand Lon- des résultats. dres a cofinancé, avec des partenaires privés, le Une centaine de petites plates-formes urbaines London Construction Consolidation Centre de livraison de marchandises ont été mises en (LCCC) qui est opérationnel depuis 2006 et est place ces quinze dernières années, notamment géré par le logisticien Wilson James. Selon un dans les villes d’Europe du Nord, des Pays-Bas, bilan effectué en 2007, cette plate-forme a per- de Suisse, d’Allemagne et dans quelques villes mis de réduire de près de 70 % le nombre de françaises (La Rochelle, où la plate-forme est véhicules lourds circulant sur les zones de tra- toujours en activité, sous forme d’une déléga- vaux, se traduisant par une diminution non

tion de service public attribuée en 2006 au négligeable des émissions de CO2. groupe Veolia) ainsi que Monaco. Il en reste Un certain nombre de villes d’Italie du Nord aujourd’hui moins d’une dizaine réellement ont également œuvré, ces dernières années, à la opérationnelles. Le logisticien Exel (groupe mise en place de nouveaux types de plates- DHL) gère l’une de ces plates-formes, qui des- formes de livraison urbaine. Ces petites struc- Elcidis, à La Rochelle, sert de façon collective le centre-ville de Bristol. tures (City Porto Padova, Mestre City Logistics, est l’une des plates-formes urbaines Pour l’entreprise, le constat est clair: il ne peut Vicenza Veloce, etc.) desservent les centres-ville de livraison de marchandises exister de modèle économique à ces plates- historiques, désormais fermés au trafic général. encore en activité. formes, sans subventions publiques. Or, les villes Elles sont financièrement soutenues par la municipalité, ce qui suscite réactions et oppo- sitions de la part de certains transporteurs. Une décision récente du tribunal administratif de Vénétie, saisi par un groupe de grands messa- gers parmi lesquels UPS et DHL, pourrait d’ail- leurs remettre en cause ces organisations muni- © IAU île-de-Francecipales. Les juges ont en effet estimé que la municipalité de Vicenza n’avait pas le droit de se substituer aux professionnels du transport ni de restreindre trop fortement leur accès au centre-ville pour la distribution urbaine des marchandises.

(3) Les normes Euro sont des normes européennes d’émis- sions maximales de polluants que doivent respecter les nou- veaux véhicules vendus dans l’Union européenne. La norme actuelle des poids lourds neufs est Euro IV, la norme Euro V

F. Le Lan/Communauté d’Agglomération de LaF. Rochelle entre en vigueur en octobre 2009. 160 Paris offre des espaces logistiques à des sociétés comme La Petite Reine, transporteur qui utilise exclusivement des triporteurs à assistance électrique, et agit en sous-traitance dans les quartiers centraux de la capitale pour le compte de grands

www.lapetitereine.com messagers.

Très médiatisées en Europe et valorisées par les l’amélioration progressive de la gestion de la grands programmes de recherche et de coopé- voirie en faveur des livraisons. Les aires de livrai- ration comme Civitas, ces expérimentations de son ont été repensées et beaucoup mieux plates-formes urbaines de distribution des mar- contrôlées grâce à la mise en place d’agents chandises présentent néanmoins des résultats de surveillance dédiés circulant en scooter. Des modestes, sur le plan climatique, à l’échelle disques de stationnement ont été distribués aux d’une agglomération: le City Porto de Padoue, livreurs (le système a depuis été imité par Paris), par exemple, permet l’économie de trente qui leur assurent ainsi une identification facile tonnes de CO2 par an. par les agents. Par ailleurs, plusieurs boulevards de la ville ont été rendus multi uso: les voies de Des politiques de soutien à la logistique circulation latérales changent d’usage en fonc- de proximité tion du temps, devenant des aires de livraison Plusieurs grandes villes ont mis en place des aux heures creuses de la journée, des zones de services innovants de logistique urbaine, de stationnement résidentiel la nuit et des voies taille et d’ambition plus mesurées que les plates- de circulation générale aux heures de pointe. formes urbaines – mais néanmoins promet- Une action spécifique sur les livraisons noc- teurs. Paris et Barcelone sont intéressantes à ce turnes (avec la promotion de matériels de titre, car leurs projets s’inscrivent dans une poli- manutention et de transport silencieux) est éga- tique de gestion globale et diversifiée des trans- lement entreprise par la capitale catalane. Rete- ports de marchandises. Paris offre des espaces nons un dernier élément très original de la poli- logistiques de 500 m2 à 1000 m2 dans les parcs tique barcelonaise sur les marchandises, à de stationnement publics à des sociétés comme travers le règlement municipal d’urbanisme qui La Petite Reine, un transporteur qui utilise exclu- impose à certains commerces (les bars et res- sivement des triporteurs à assistance électrique, taurants) de réserver 5 % de leur surface au et agit en sous-traitance dans les quartiers cen- stockage de bouteilles. La municipalité espère traux de la capitale© pour leIAU compte de grands ainsiîle-de-France limiter le nombre de livraisons quoti- messagers. diennes de boissons pour ces établissements. De la même manière, Chronopost bénéficie Dans ce cas, la ville agit à la source sur la d’un espace de gestion de ses colis sous la demande et donc sur la fréquence des livrai- place de la Concorde, qu’elle livre par véhicules sons et sur la circulation quotidienne des de livraison électriques et au gaz naturel. Ces camions. expérimentations ont de bons résultats sur le Peu de villes européennes, en revanche, se dis- plan énergétique, même s’ils restent marginaux tinguent par l’introduction des technologies de en termes d’amélioration globale du bilan CO2 l’information et de la communication pour la de la ville de Paris. De son côté, Barcelone a gestion du fret. L’information embarquée à des- engagé une politique des petits pas visant à tination des transporteurs sur le trafic en temps 161 Accueillir le transport Une logistique urbaine innovante des marchandises Les Cahiers n° 150 Logistique urbaine, les villes européennes se mobilisent

réel et sur les perturbations, par exemple, est mentation, qui relève davantage d’un signal relativement peu développée. La ville de informatif envoyé aux transporteurs que d’une Bologne vient de se lancer dans la mise en règle impérative. À l’inverse, à Londres, Rome place expérimentale d’un système d’informa- ou Madrid, ces mesures sont strictement appli- tion par GPS adapté à son nouveau service de quées, grâce à des systèmes de contrôle auto- distribution urbaine mis en place dans la zone matisé(4). à accès réservé du centre-ville. Un projet euro- Pour conclure, il faut savoir que, si les municipa- péen, SmartFreight,est aujourd’hui entièrement lités ont toutes aujourd’hui mis en place des dédié aux questions de collecte et partage d’in- procédures de concertation avec les transpor- formation trafic au bénéfice des chauffeurs- teurs, seules certaines comme les villes britan- livreurs (www.smartfreight.info). Mais ces deux niques ont fait de ces tribunes de véritables exemples en sont au stade expérimental. Du lieux de négociation aboutissant à des déci- côté des opérateurs de transport eux-mêmes, sions de compromis entre les différents parte- l’équipement technologique des véhicules est naires. Les villes européennes sont de plus en encore aujourd’hui à un niveau minimal. Une plus nombreuses à adopter des critères envi- société comme Stars’ Services, dont l’ensemble ronnementaux, délaissant les règles tradition- de la flotte est équipée de GPS, demeure encore nelles d’accès fondées sur les tonnages ou les aujourd’hui une exception. gabarits. Poussant la logique à son terme, les villes suédoises souhaitent aujourd’hui inclure L’introduction du facteur un objectif climatique dans ces mesures d’ac- environnemental cès, en favorisant les camions à faibles émis-

dans les réglementations locales sions de CO2. De nombreuses villes, au sud L’un des éléments sans doute les plus intéres- comme au nord de l’Europe, introduisent des sants des politiques des grandes villes euro- systèmes sophistiqués comme le contrôle sanc- péennes sur le transport de marchandises tion automatique pour l’accès aux zones cen- relève de l’introduction de facteurs environne- trales. D’autres, comme les villes allemandes et mentaux dans les règles d’accès des camions françaises, sont beaucoup plus prudentes quant aux zones urbaines. Les réglementations locales à ce type de mesures coercitives. Les réactions favorisent ainsi les camions récents et « bien face à la tarification des infrastructures rou- chargés», abandonnant de fait les références tières urbaines sont également variables: si Lon- aux gabarits et tonnages. Par exemple, à Amster- dres, Stockholm ou Oslo ont décidé une pra- dam, seuls les camions de moins de huit ans tique généralisée du péage urbain, pour les qui chargent ou livrent au moins 80 % de leurs voitures comme pour les camions, en revanche marchandises dans le périmètre central peu- nombre de villes européennes restent pru- vent pénétrer dans la zone centrale. Ces règles dentes, ou ne ciblent, dans un premier temps, sont souvent associées à la mise en place de que les camions. zones environnementales. Aucun camion ni Il est en revanche surprenant de constater que aucune camionnette ne peuvent entrer dans le les villes européennes, à de rares exceptions Grand Londres s’ils ne sont pas «Euro III», sous près, ne portent qu’une faible attention à la col- peine de très fortes redevances d’accès. Ces lecte de données, à la mise en place d’enquêtes nouvelles mesures d’accès liés à l’âge des véhi- et aux travaux de modélisation sur le transport cules utilitaires ne concernent pas seulement des marchandises. Elles sont peu nombreuses, l’Europe du Nord, mais aussi l’Italie (notam- également, à se préoccuper de l’inscription spa- ment les plus grandes villes), l’Espagne (Madrid, tiale régionale des équipements logistiques. Barcelone), et même les grandes villes alle- Pourtant, l’urbanisme logistique pourrait consti- mandes, qui, récemment, ont mis en place des tuer l’un des domaines les plus prometteurs interdictions de circulation pour les véhicules des politiques des collectivités locales à l’ave- les plus polluants. Au-delà des pollutions nir. locales, l’adjoint aux transports de la ville sué- © IAUdoise de Göteborg île-de-France a, depuis peu, identifié le

bilan CO2 des véhicules utilitaires comme l’un de ses objectifs réglementaires privilégiés pour les prochaines années. En France, peu de villes se sont lancées dans ce type de mesures. Depuis 2007, la ville de Paris (4) Les transporteurs (et le cas échéant les automobilistes) réserve aux seuls véhicules Euro III (depuis le doivent inscrire leur numéro d’immatriculation dans la base 1er janvier 2009, aux véhicules Euro IV), la pos- de données du centre de contrôle de trafic. Des caméras ins- sibilité de livrer entre 17 heures et 22 heures. Il tallées sur la voirie enregistrent les plaques d’immatriculation des véhicules qui pénètrent dans la zone, et émettent auto- est néanmoins encore difficile pour la munici- matiquement un avertissement, une facture ou une amende palité de faire connaître et appliquer cette régle- aux véhicules dont le numéro n’a pas été reconnu. 162 Accueillir le transport Vers une mobilité durable en Europe des marchandises Les Cahiers n° 150 Une logistique urbaine innovante Le plan fret de Londres, Corinne Ropital IAU île-de-France un exemple d’action : le FORS Julie Raffaillac(1) MEEDDAT/CGDD/CLORA

Pour accompagner son développement économique dans le respect de ses habitants et de l’environnement, Londres a mis en œuvre une réflexion sur le transport de marchandises. Elle a abouti au plan fret de Londres, élaboré par Transport for London (TfL) puis publié, après consultation et approbation, en 2007. pollobarca2/Flick’r

Le FORS, un des quatre projets n 1999, le document «Une stratégie pour exemple, Marks & Spencer)… Le plan fret et les phare du plan fret de Londres, la distribution durable » (Sustainable documents qui en découlent n’ont pas de sta- vise à encourager la mise en œuvre E Transport: a Strategy) publié par le minis- tut juridique et ne sont donc pas opposables. Il de meilleures pratiques tère des Transports affichait l’objectif d’amélio- s’agit d’outils d’information et de recomman- pour une distribution plus durable rer l’efficacité de la distribution du fret routier dation destinés aux boroughs pour l’élabora- du fret à Londres. et de développer le report modal. Cette poli- tion de leurs plans locaux de transport(2). L e tique à visée nationale s’est déclinée à d’autres plan fret doit être cohérent avec les documents échelles du territoire. de développement et d’urbanisme (Develop- ment Plan Documents : DPDs) et avec le Strate- Le plan fret de Londres gic Freight Network 25, réseau fret stratégique, À Londres, la politique en matière de marchan- qui concerne le réseau ferré national. Les prio- dises a été initiée en 2001, avec pour ambition rités du plan fret ont été identifiées et sont por- «d’aboutir à un système de distribution de mar- tées à travers quatre projets clés qui visent la

chandises efficace et durable […]». En 2004- réduction des émissions de CO2 : 2005, les choix stratégiques relatifs aux actions • Les plans de livraison et de service (DSPs). Ils en matière de fret ont été arrêtés par le LSDP – engendrent la mise en oeuvre d’un planning Les actions du plan doivent bénéficier: - au secteur économique: contribuer London Sustainable Partnership. Depuis, le LSDP de livraison et l’utilisation de véhicules pro- à la croissance des activités a été conforté et relayé par la création de FQPs pres lors de la réalisation d’opérations de économiques et de la population – Freight Quality Partnerships –, structures asso- construction. de Londres par l’amélioration ciant des acteurs publics et privés. • Les plans logistique de construction (CLPs). de la circulation générée par l’activité La stratégie fret vient en appui du plan d’action Ils se traduisent par l’engagement d’utiliser économique (transport de marchandises, entretien, dépannage, climat de Londres.Le plan fret englobe le trans- des véhicules propres et les modes alternatifs services…) à l’intérieur de Londres; port de marchandises tous modes confondus, (ferré ou voie d’eau) dès le stade de la - à l’environnement:© améliorer la IAUqualité pour les secteurs île-de-France privé et public, ainsi que le conception des grands projets d’aménage- de l’air en réduisant les émissions transport spécifique des déchets. Il couvre le ment et d’urbanisme (par exemple les Jeux polluantes liées au transport territoire du Grand Londres, ce qui correspond Olympiques). de marchandises et aux activités de services, améliorer la qualité de vie aux trente-deux boroughs de Londres et à la • Le portail d’information sur le fret (FIP). Il vise en réduisant l’impact du bruit corporation de Londres, autrement connue sous à partager des informations pour une meil- et les vibrations causées par le transport le nom de City de Londres. Pour mettre en leure pratique du transport, à simplifier les for- de marchandises; œuvre cette stratégie fret, TfL s’appuie sur divers - à la collectivité: améliorer la santé, partenaires, notamment les opérateurs de trans- (1) Corinne Ropital est chargée d’études « logistique et mar- la sécurité et la qualité de vie port, les boroughs, les associations de transport chandises » et Julie Raffaillac travaille au sein de la direction des Londoniens en réduisant le nombre de la Recherche et de l’Innovation, MEEDDAT/CGDD. Elle est, d’accidents et les nuisances liées de fret et les destinataires (essentiellement les également, représentante permanente auprès de l’Union au fret. grandes enseignes commerciales comme, par européenne, CLORA. 163 Accueillir le transport Une logistique urbaine innovante des marchandises Les Cahiers n° 150 Le plan fret de Londres, un exemple d’action : le FORS

Les critères d’éligibilité au FORS recevoir le prix bronze. Cela correspond res- Domaines d’intervention Objectifs pectivement à 10 % et 6 % des véhicules Améliorer la sécurité, la réduction de CO commerciaux immatriculés sur Londres. En Formation des conducteurs 2 et des émissions de polluants décembre 2008, on comptait quatre-vingt-onze Améliorer la sécurité, réduire la consommation, Maintenance des véhicules adhérents (représentant 13500 véhicules) au le CO2 et les émissions de polluants programme. Quarante-deux transporteurs Gestion du risque routier Améliorer la sécurité des cyclistes et des piétons (représentant 10000 véhicules) ont reçu le prix Réduire les coûts, le CO et les émissions Carburant 2 bronze pour avoir appliqué les pratiques du de polluants FORS. Ils représentent respectivement 11 % et Réduire la consommation de carburant, 8 % de la flotte des véhicules commerciaux L’utilisation de nouvelles le CO2 et les émissions de polluants en utilisant enregistrés à Londres. Le plan d’entreprise 2009- technologies des véhicules hybrides ou électriques, des technologies hydrogène ou le biocarburant 2018 de TfL a identifié le partenariat FORS Source: TfL comme un nouvel indicateur clé de perfor- malités administratives, et à augmenter l’effica- mance du fret et fixe comme objectif d’avoir cité des transports. Cet outil facilite la 300 adhérents en 2009 et 500 nouveaux adhé- recherche d’informations relatives aux livrai- rents les années suivantes. Plus globalement, sons dans Londres. l’action du plan fret de Londres s’inscrit dans les Le Grand Londres et l’Île-de-France -• Le projet de reconnaissance des opérateurs trente ans à venir. En s’ajoutant aux autres en quelques chiffres de fret – le FORS. mesures envisagées ou en cours, sa mise en En 2005, 155 millions de tonnes de fret Ces quatre projets sont relayés par trois axes de œuvre pourrait aboutir à une économie de ont été transportées à Londres, tous modes confondus. La route assure travail: 1,21 million de tonnes de CO2 à l’horizon 2025, 88 % du trafic et la distance moyenne - le développement du partenariat (dont le soit une division par deux de la quantité de des transports effectués par la route LSDP et les FQPs sous-régionaux); CO2 émise par le fret routier en 2006. s’élève à vingt-six kilomètres. - des projets majeurs pour le report modal; - la production de statistiques, de modèles et En décembre 2008, le plan fret de Londres a de guides de bonnes pratiques. initié une nouvelle réflexion en vue d’une éven- tuelle réorientation. Le FORS, un des quatre projets phares Indépendamment de la mise en œuvre du plan du plan fret fret, les tendances en cours et la mise en place Le FORS a pour objectif d’encourager les opé- d’un plan de péage routier au niveau national

rateurs de fret à utiliser des véhicules propres, aboutiraient à une économie de 0,46 Mt de CO2 à améliorer les compétences des conducteurs par an, dont près de 45 % seraient à imputer à et des opérateurs, à mettre en œuvre de meil- la taxation de l’usage du réseau routier. La mise leures pratiques pour une distribution plus dura- en œuvre du plan fret permettrait l’économie de En 2006, Londres a émis 44,3 millions ble du fret à Londres et à améliorer la sécurité 1,21 Mt de CO2 (soit 0,75 Mt de CO2 supplémen- de tonnes de CO2 (soit 5,98 tonnes par habitant par an), dont 22 % des transports, les rendre plus efficaces et plus taires par rapport à une évolution sans plan ont été générés par les transports durables. Pour optimiser les résultats, le FORS fret). Un quart de cette réduction proviendrait terrestres. Le fret routier représente 23 % intègre la diversité du monde du transport de des actions portant sur les véhicules et un tiers des émissions de l’activité de transport marchandises et s’adresse aux petits comme d’actions portant sur les carburants. terrestre. Rapportées à la population, aux grands opérateurs. Le programme FORS a ces 2,24 millions de tonnes de CO2 émis par le fret routier représentent 0,30 tonne trois caractéristiques principales: (2) Chaque borough doit développer son plan transport en de CO /hab./an. En 2025, le London Plan • Reconnaître et récompenser la qualité du tra- cohérence avec le niveau supérieur, celui du Grand Londres, 2 et avec les règlements de gestion du réseau d’infrastructures (plan stratégique de développement vail des opérateurs. Il existe trois niveaux de et de voiries. Ce plan local permet de solliciter des finance- et d’aménagement du Grand Londres) récompense (bronze, argent et or), les opéra- ments à TfL et aux structures de développement local. prévoit une croissance de la population teurs les plus performants, identifiés à travers de 900000 habitants (atteignant alors un total de 8,3 millions d’habitants) une évaluation, étant éligibles aux niveaux Réduction potentielle de CO à l'horizon 2025 et de 847000 emplois, engendrant argent et or. 2 une augmentation de la demande • Améliorer les standards. FORS forme et sensi- CO2 économisé de transport de marchandises de 15 %. bilise les opérateurs à suivre de meilleures Actions Sans plan fret Avec le plan fret mises en œuvre en Mt/an en Mt/an En Île-de-France,© les émissions IAUde gaz pratiques enîle-de-France accord avec la législation. à effet de serre pour l’année 2005 Taxation de l'usage de la route 0,2 0,2 représentent 54,8 milions de tonnes • Favoriser un comportement durable. FORS Transfert modal 0 0,08 en équivalent CO2, soit 4,76 tonnes soutient les transporteurs qui améliorent la Flotte des véhicules 0,06 0,29 CO2/hab./an. 29 % de ces émissions sécurité dans leurs activités, augmentent l’ef- Horaires de livraison 0 0,01 sont générées par le trafic routier dont ficacité de leur organisation tout en réduisant BTP: centres de consolidation 0 0,13 Commerces et bureaux: 31 % par les véhicules utilitaires légers leur impact sur l’environnement. (VUL) et les poids lourds (PL). Le fret centres de consolidation 0 0,1 routier a ainsi émis 4,93 millions Le 7 octobre dernier, le projet FORS comptait Déchets (véhicules) 0 0,002 de tonnes de CO2, soit 0,43 tonne soixante adhérents, totalisant 12000 véhicules. Carburants «propres» et véh. de CO2/hab./an. Vingt-trois d’entre eux, représentant une flotte de à faible émission de carbone 0,1 0,2 7 000 véhicules de fret (véhicules utilitaires Biocarburants 0,1 0,2 Total 0,46 1,21

légers et poids lourds), ont été les premiers à Source: TfL 164 Accueillir le transport Vers une mobilité durable en Europe des marchandises Les Cahiers n° 150 Une logistique urbaine innovante Monoprix : un engagement en faveur d’une mobilité durable

Les Cahiers – Monoprix est l’un culation pour arriver jusqu’à Combs-la-Ville. des pionniers de l’utilisation du mode C’est pourquoi, en 2005, nous avons recherché de transport fluvial pour l’acheminement une solution alternative à la voie d’eau. L’étude de ses produits en provenance du grand que nous avons menée nous a conduit, en import. Pourquoi avoir fait ce choix août 2007, à expérimenter le mode combiné

P. Thiot/IAU îdF à un moment où le transport fluvial rail-route via le chantier combiné de Valenton. n’avait pas vraiment le vent en poupe ? Mais nous ne sommes pas parvenus à fiabiliser Interview Catherine Rivoallon – Tout le monde connaît les rendez-vous en entrepôt, du fait de pro- les enseignes du groupe : Monoprix, Monop’, blèmes d’organisation au niveau de la récupé- beauty monop et plus récemment dailymonop’. ration des conteneurs arrivant du Havre par fer Monoprix, c’est aussi 20000 collaborateurs et au chantier combiné de Valenton. Catherine Rivoallon est chef plus de 300 magasins dans toute la France. Depuis 2006, le port de Bonneuil-sur-Marne s’est de département International Les produits alimentaires représentent une part équipé et peut recevoir des barges de conte- chez Monoprix. importante de notre chiffre d’affaires, mais le neurs; nous y déchargeons depuis la majorité textile et les produits pour la maison et les loi- de nos importations. Il reste toutefois une diffi- Le groupe Monoprix sirs sont des secteurs qui se développent forte- culté: certaines compagnies maritimes refusent • 5 enseignes: Monoprix, Inno, ment et c’est un élément majeur dans notre que nous restituions les conteneurs une fois Monop’, beauty monop choix de recourir aux modes fluvial et ferro- vidés au port de Bonneuil-sur-Marne et exigent et dailymonop’. viaire. Nous avons démarré le transport fluvial qu’ils soient ramenés soit au port de Gennevil- • Chiffre d’affaires 2007: en 2003, avec comme objectif de transporter liers, soit directement au port du Havre. 3575 millions d’euros HT. par voie fluviale 60 % de la marchandise conte- • Capital détenu à 50/50 neurisée arrivant d’Asie, d’Inde, du Bangladesh, L. C. – Quel bilan dressez-vous, par les groupes etc.À cette époque, Monoprix était déjà engagé aujourd’hui, de votre nouvelle Galeries Lafayette et Casino. dans le développement durable depuis plus de organisation logistique sur le plan • Une utilisation de modes dix ans et avait souhaité inscrire cette démarche économique et environnemental ? de transport alternatifs dans la stratégie du groupe à tous les niveaux C. R. – Aujourd’hui, 75 % de nos marchandises (transport fluvial, de l’entreprise : architecture et équipement, arrivant au Havre sont transportées par voie flu- transport ferroviaire logistique, ressources humaines, etc. viale. Pour les 25 % restants, qui correspondent et de véhicules au gaz essentiellement à des retards fournisseurs ou à naturel). L. C. – Quels ont été les obstacles des problèmes de contrôle qualité ou de qua- que vous avez dû surmonter lité au départ, nous utilisons la route. pour imposer ce mode de transport ? À la lumière de cette expérience qui dure C. R. – Il s’agissait d’un véritable pari, puisqu’il depuis cinq ans, nous pouvons montrer que fallait transporter par voie fluviale – donc par un nous avons réussi non seulement à économiser mode réputé lent – des marchandises qui sont sur notre facture de transport, mais aussi à réor- essentiellement saisonnières et dont les cycles ganiser l’ensemble du processus opérationnel, de production en magasin changent tous les depuis la passation de commande et la fabrica- douze à quinze jours. tion dans les usines, jusqu’à la fiabilisation des Lorsque nous avons démarré le transport flu- rendez-vous de livraison en entrepôt. vial, nous avons dû réorganiser toute la logis- Dans le passé, lorsqu’un camion partait tique de grand import de Monoprix et revoir du Havre et livrait directement notre entrepôt l’implantation de nos entrepôts. Nous avons national de Combs-la-Ville, les rendez-vous posi- recentré tous nos trafics – qui arrivaient aupa- tionnés au niveau de l’entrepôt n’étaient pas ravant sur différents ports en Europe – sur le souvent respectés du fait des problèmes de © IAUport du Havre etîle-de-France avons concentré notre activité congestion routière rencontrés dans la traversée logistique sur un seul entrepôt que nous avons de l’agglomération parisienne. Depuis l’utilisa- décidé de positionner le plus près possible tion du mode fluvial, nous avons pu fiabiliser les d’une voie fluviale. Le site de Combs-la-Ville en rendez-vous, ce qui est essentiel pour le fonc- Seine et Marne a été choisi. tionnement de l’entrepôt, et organiser de façon Jusqu’en 2006, l’organisation n’était pas opti- différente et beaucoup plus soutenue la livrai- male, puisque, faute d’une desserte fluviale du son de nos magasins. port de Bonneuil-sur-Marne, nos conteneurs En 2007, nous avons continué à mettre en œuvre étaient déchargés à Gennevilliers. Nos camions une chaîne logistique plus respectueuse de l’en- devaient alors traverser l’agglomération pari- vironnement: nous avons inauguré une liaison sienne et subir tous les aléas en termes de cir- ferroviaire entre notre plate-forme de Combs-la- 165 Accueillir le transport Une logistique urbaine innovante des marchandises Les Cahiers n° 150 Monoprix : un engagement en faveur d’une mobilité durable

Ville et nos magasins, via la halle Gabriel Lamé la localisation géographique de l’ensemble de à Bercy, à partir de laquelle les magasins sont nos magasins. Ceux-ci sont surtout situés dans livrés par véhicules roulant au gaz naturel pour les grandes agglomérations et en région pari- véhicules (GNV). Ce faisant, nous avons réalisé sienne. Nous avons également souhaité être le un gain annuel de 337 tonnes plus proche possible de la voie d’eau pour pou- » Aujourd’hui, de dioxyde de carbone (CO2), voir utiliser le mode fluvial. L’entrepôt de 75 % de nos marchandises 25 tonnes d’oxydes d’azote Combs-la-Ville répondait bien à ces critères. (NOx) et supprimé l’entrée Pour ce qui est de la halle Gabriel Lamé à arrivant au Havre sont transportées dans Paris de 12000 camions. Bercy – où sont acheminées par mode ferro- par voie fluviale. Nous avons également mis en viaire les marchandises de l’entrepôt de Combs- Le recours aux modes fluvial place un cahier des charges la-Ville avant livraison dans les magasins –, ce et ferroviaire, lié à la localisation en nous engageant, avec site est très pertinent au regard de l’épicentre de de nos entrepôts et magasins nos transitaires, dans une nos magasins en région parisienne. Nous y et à une réorganisation du processus démarche environnementale avons installé une station GNV, qui a été inaugu- et sociale pour pouvoir effec- rée en novembre 2008, pour que la livraison de opérationnel, a permis d’économiser tivement remplir toutes les nos magasins soit faite avec des véhicules rou- sur notre facture de transport. « conditions d’un transport ver- lant au GNV. La mise en place de cette liaison tueux et respectueux de son ferroviaire entre Combs-la-Ville et Bercy a été environnement. possible parce que les magasins Monoprix sont Aujourd’hui, 75 % de nos marchandises arrivant en grande majorité situés à Paris et dans la au Havre sont transportées par voie fluviale. Le proche banlieue. recours aux modes fluvial et ferroviaire, lié à la Dans le cas des hypermarchés implantés en localisation de nos entrepôts et magasins et à périphérie éloignée, la livraison des derniers une réorganisation du processus opérationnel, kilomètres par un mode de transport massifié a permis d’économiser sur notre facture de n’est pas forcément envisageable. En revanche, transport. l’utilisation d’un mode de transport alternatif pour leur approvisionnement amont, depuis les L. C. – Votre expérience en matière zones export jusqu’à un entrepôt central posi- de recours aux modes de transport tionné près de la voie d’eau ou embranché fer, alternatifs est remarquable. Peut-elle être reste possible. C’est une question de culture transposable et servir de modèle d’entreprise, de volonté et d’engagement par à d’autres enseignes ? rapport à une démarche de développement C. R. – Notre réussite dans le recours aux modes durable. Et nous étions fortement engagés dans fluvial et ferroviaire est totalement liée à la loca- cette démarche. lisation de nos entrepôts et de nos magasins. Le choix d’implanter notre plate-forme natio- Propos recueillis par Lydia Mykolenko nale en Seine-et-Marne a été fait par rapport à et Corinne Ropital

© IAU île-de-France Depuis 2007, une liaison ferroviaire permet de transporter les marchandises à la halle Gabriel Lamé (gare de Bercy), de laquelle 85 magasins sont livrés par véhicules GNV. Gain annuel:

337 tonnes de CO2, 25 tonnes de NOx et 12000 camions en moins

dans Paris. C. Doutre/BaSoH/IAU îdF 166 Accueillir le transport Vers une mobilité durable en Europe des marchandises Les Cahiers n° 150 Une logistique urbaine innovante Livrer en zone urbaine par modes alternatifs : deux cas nord-européens Corinne Ropital(1) IAU île-de-France En réponse aux enjeux de la circulation des marchandises, de nombreuses villes européennes mettent en œuvre des actions pour améliorer le bilan environnemental de leur distribution urbaine et pour rationaliser cette activité. Utrecht et Amsterdam en font partie.

eurs actions portent sur la réglementa- moins deux jours de plus. La ville d’Utrecht réa- tion, le développement de plates-formes lise une étude de marché pour mettre en ser- L de groupage et l’usage de modes massi- vice un deuxième bateau. Pour l’instant, le pre- fiés et moins polluants, tels que la voie d’eau et mier bierboot a été remplacé par un bateau le tramway. Utrecht et Amsterdam s’inscrivent électrique. dans ces démarches. Un tramway pour le fret à Amsterdam Le bierboot d’Utrecht pour la logistique En mars 2007, la société City Cargo a testé à urbaine fluviale Amsterdam, durant quatre semaines, le projet Le bierboot a été mis en service en 1997. Peu pilote de livraison des marchandises dans le de temps avant, des grossistes de la brasserie centre-ville à l’aide d’un tramway. La logistique avaient contacté le port d’Utrecht pour trans- s’exécute en quatre étapes: porter leurs marchandises par voie d’eau. Leur - les marchandises sont acheminées par motivation étaient liées aux conditions de cir- camions dans un centre de distribution; culation routière et à leurs difficultés de livrai- - elles sont conteneurisées puis chargées dans

M. Garrido/PAP sons sur les axes du centre historique d’Utrecht le tramway; Le bierboot est équipé d’une grue qui longent les canaux: - les conteneurs sont débarqués du tramway dotée d’un bras de huit mètres - la réglementation interdisant la circulation sur des points de transfert; prolongé d’une cage. aux véhicules de plus de deux tonnes, élé- - ils sont chargés dans des véhicules utilitaires ment déclencheur du projet; légers électriques – les e-cars – et acheminés - la réglementation réduisant les horaires de jusqu’au client final. livraison sur une partie du secteur d’Oude- Pour la phase test, un tramway «classique» a gracht (le vieux canal au cœur d’Utrecht); été utilisé. Mais le concept repose sur l’utilisa- - la congestion routière; tion de tramways spécifiques fret, pouvant trans- - la législation sociale de la manutention. porter trente tonnes de marchandises mises en En 1997, un bateau est disponible. La ville «mini-conteneurs». Le but affiché est de réduire d’Utrecht décide de l’utiliser et de devenir opé- de moitié le nombre de camions circulant dans rateur du bierboot. L’opération pilote est lan- la ville, soit 2500 véhicules par jour de moins cée. Pour optimiser l’organisation du service, selon les estimations de City Cargo.Amsterdam une plate-forme située au nord-est d’Utrecht est a des caractéristiques bien particulières qui ouverte en 2006. En trente minutes de naviga- pourraient permettre le développement de ce tion, le bierboot accède au centre historique. service. C’est une ville fortement contrainte en Équipé d’une grue, il peut transporter trente matière de circulation routière, sur le plan «rolls» ou trente tonnes. Quatre grossistes tra- urbain (étroitesse de la voirie, nombreux vaillant pour les plus grands brasseurs sont les canaux et ponts…) et réglementaire (livraisons utilisateurs du bierboot. Au démarrage du ser- autorisées uniquement entre 7 heures et vice, pour des raisons de concurrence, il n’était 11 heures – réglementation stricte de la qualité © IAUpas possible deîle-de-France grouper les produits de plu- de l’air…). Ce concept permettrait, selon City sieurs brasseurs, ce qui complexifiait le rem- Cargo, de réduire de 15 % à 20 % la pollution de plissage du bierboot. Aujourd’hui, le service l’air d’Amsterdam. Le projet de City Cargo pour- fonctionne à plein: chaque grossiste dispose rait débuter sa phase opérationnelle en 2009 d’un jour de bateau par semaine et souhaiterait avec une mise en service de cinq trams fret, le louer davantage. Un cinquième grossiste uti- quarante-sept véhicules électriques et un cen- lise le bierboot pour livrer des bars et des restau- tre de distribution. À terme, il est prévu qua- rants en produits frais, ultrafrais et surgelés. rante-deux trams fret, 611 véhicules électriques Le bierboot effectue en moyenne soixante-sept et deux centres de distribution.

livraisons par jour, cinq jours sur sept. Avec la (1) Corinne Ropital est chargée d’études «logistique et mar- demande croissante, il pourrait fonctionner au chandises». 167 Accueillir le transport Vers une mobilité durable en Europe des marchandises Les Cahiers n° 150 Une logistique urbaine innovante Le port de Bruxelles teste le transport de palettes par voie d’eau Geneviève Origer(1) Port de Bruxelles Le port de Bruxelles a organisé, en septembre 2008, un test du transport de palettes par la voie d’eau, dans les installations de la société Mpro (groupe Saint-Gobain), implantée dans le bassin Vergote du port de Bruxelles. Proche du centre-ville, ce bassin accueille principalement des entreprises spécialisées dans les matériaux de construction et le béton. Au cours de ce test, 310 palettes de matériaux de construction ont été transportées jusqu’à Bruxelles. Le bateau d’une capacité de 600 tonnes avait été chargé la veille à Niel, près de Wintam(2) par Coeck et Wienerberger, deux producteurs de matériaux de construction.

objectif de cette opération était de tes- Les perspectives ter le système utilisé pour le décharge- Le transport palettisé représente une évolution L’ ment, ainsi que la viabilité économique comparable au transport par conteneurs, mode du transport palettisé par voie d’eau. Cette opé- de transport en développement rapide. Mais ration pilote cadre parfaitement avec l’une des contrairement aux conteneurs, le transport des missions du port de Bruxelles, celle de favoriser palettes par voie d’eau est encore trop rare, la un transfert modal de la route vers les modes route en a l’exclusivité. Pour autant, les perspec- moins polluants. Laurence Bovy, présidente du tives du transport palettisé par la voie d’eau port de Bruxelles, a déclaré : «Le test auquel sont très positives, notamment pour le centre vous assistez aujourd’hui illustre parfaitement TIR – Transport international routier – et le futur la volonté d’évoluer vers un mode de transport BILC – Brussels International Logistics Centre – plus respectueux de l’environnement, mais qui qui sont dédiés à la distribution urbaine. Ce tra- doit rester tout aussi performant économique- fic permettra de relier le TIR et le BILC presque ment que les modes de transport plus tradition- directement à la voie d’eau, afin d’en faire des nels (…). Nous sommes convaincus au port de centres logistiques bimodaux, voire trimodaux Bruxelles que le transport par la voie d’eau doit grâce au projet du port de Bruxelles permet- devenir l’un des modes de transport privilégiés tant de réactiver la liaison ferroviaire. Les perspectives du transport pour ce type de conditionnement (les palettes). palettisé par voie d’eau, C’est la raison pour laquelle nous avons décidé Les partenariats en test par le port de Bruxelles, d’appuyer son développement en organisant Ce test a été possible grâce à un subside de la semblent positives, cette opération pilote.» Région de Bruxelles-Capitale (différence du notamment pour les entreprises prix du transport palettisé par voie d’eau par de distribution urbaine. rapport à la route) et par une collaboration étroite entre la Région de Bruxelles-Capitale et la Région flamande. Les avancées obtenues dans le transport de palettes par la voie d’eau sont en effet la conséquence d’une initiative de la ministre flamande des Travaux publics, mise en œuvre par les sociétés De Scheepvaart et Waterwegen & Zeekanaal, les experts en trans- © IAU île-de-Franceport et les entreprises concernées par ce type de transport.

Cette expérience fera l’objet d’une évaluation, en termes de prix, de fiabilité, de gains environ- nementaux, de possibilités d’étendre le réseau de distribution, etc.

(1) Geneviève Origer est directrice marketing et développe- ment au port de Bruxelles. (2) Wintam se situe à quarante kilomètres au nord de

Port Vanhulst de Bruxelles/Marcel Bruxelles. 168 Ressources

© IAU île-de-France Bibliographie

Les références bibliographiques AGIR DANS UN CONTEXTE QUI ÉVOLUE OFFRIR UN CADRE FAVORABLE sont issues de la base de données Urbamet. La cote permet de localiser SAVY Michel (dir.) PAUMIER Jean-Michel; RABARDEL Daniel le ou les centres de documentation Questions clés pour le transport en Europe Perspectives d’évolution du rôle où consulter l’ouvrage. Paris, La documentation Française, 2009. et des compétences du STIF IA (Iau-Idf) ; CDU (Centre de Alors que l’Europe des transports n’existe Paris, Cesrif, 2007. documentation sur l’Urbanisme) ; DCN ; encore que de manière imparfaite et inaboutie, Après un rappel du rôle et des compétences DRE (Direction régionale de le projet ou le défi qu’elle constitue appellent du Syndicat des transports d’Île-de-France (Stif), l’équipement ) ; CGPC (Ponts et Chaussées) ; CTM (CETE méditerranée) ; une approche organisée à son échelle. C’est le rapport traite du cadre organisationnel et ins- TU (Certu) l’objet des questions clefs traitées par quinze titutionnel actuel et de ses perspectives d’évo- Une bibliographie plus complète experts européens du domaine des transports. lution à moyen terme, en particulier, celle liée est disponible sur le site Les domaines abordés portent sur le système à l’adoption du règlement européen relatif aux de l’IAU île-de-France. européen des transports, l’analyse comparative «Services publics de transports de voyageurs des systèmes de transport, les différents modes par chemin de fer et par route». Il aborde les Nous recommandons la lecture de transport, le rôle de l’État et des régions dans problématiques de délégation à des autorités de certaines revues telles que les politiques de transport, le service public de organisatrices de proximité et celle de l’élargis- Transports urbains, Transport public transport, la mobilité durable, la politique euro- sement des compétences du Stif aux questions international, Ville et Transports, péenne des transports. touchant à la mobilité. Des recommandations pour leur approche comparative IA 49570 sont formulées en vue d’une organisation plus avec l’étranger. cohérente de la mobilité et des déplacements, Livre vert: Vers une nouvelle culture de la mobilité tant individuels que collectifs. Le principe et urbaine les bases d’une expérimentation au niveau d’un Bruxelles, Commission des Communautés européennes, 2007 bassin de déplacement sont développés. Après avoir rappelé l’importance du milieu IA 48778 urbain en termes de localisation des popula- tions et de production économique, les pro- COUREL Jérémy; NGUYEN-LUONG Dany; PRETARI,Alexia blèmes que cela génère (pollution atmosphé- Habiter ou travailler près d’une gare de banlieue. rique, accidents de la route), et se proposant Quels effets sur les comportements de mobilité? de planter les jalons d’une stratégie européenne Paris, Iaurif, 2007. de la mobilité urbaine, ce livre vert expose les Le projet de schéma directeur de la Région Île- défis qui doivent être relevés dans le cadre de-France arrêté au 15 février 2007 accorde une d’une approche intégrée: des villes fluides (pro- importance majeure aux quartiers de gare. En blème de congestion, solutions possibles, pro- effet, en les rendant attractifs, la densification motion de la marche à pied et du vélo, optimi- autour de ces quartiers permettrait à terme sation du recours à la voiture particulière, d’optimiser l’utilisation des transports en com- transport de marchandises), des villes moins mun. Cette étude a pour objectif d’analyser les polluées (pollution par les transports, solutions comportements de mobilité des habitants de possibles par l’utilisation de nouvelles techno- ces territoires. Pour cela, les auteurs exploitent logies, de politiques d’achats respectueuses de les données de l’enquête globale Transports de l’environnement, de marchés publics verts, 2001-2002 et procèdent à des analyses descrip- par la promotion de nouveaux modes de tives et économétriques, selon les caractéris- conduites, par de possibles restrictions de circu- tiques des ménages concernés et selon des lation), des transports urbains plus intelligents caractéristiques géographiques. À l’issue de (face à l’augmentation des flux de fret et de cette étude, trois enseignements sont dégagés: passagers, utilisation de péages intelligents, meil- – la proximité d’une gare influence la décision leure information), des transports urbains acces- de recourir à la voiture pour se déplacer, d’au- sibles (pour toutes les catégories de personnes, tant plus que l’on habite loin de Paris ; – il avec un cadre juridique approprié et des solu- n’existe pas de corrélation directe entre la dis- tions innovantes, un maillage équilibré des ter- tance parcourue lors d’un déplacement et le ritoires), des transports urbains sûrs et sécuri- fait d’habiter près d’une gare; – le nombre de sants (risques d’accident, promotion de kilomètres parcourus en voiture ne se déter- comportements moins dangereux, infrastruc- mine pas de la même manière pour les indivi- © IAUtures plus sûresîle-de-France et sécurisantes, véhicules plus dus habitant à proximité d’une gare et pour les sûrs). Le rapport souligne ensuite l’importance autres. du développement d’une nouvelle culture de la IA 48837 mobilité urbaine en s’appuyant sur l’améliora- tion des connaissances et de la collecte des GUIGOU Brigitte; LECOMTE Dominique; LECROART Paul; données. Est enfin abordée la question du finan- PALISSE Jean-Pierre; NAVARRE Danièle cement avec le concours européen. Madrid, une région en forte croissance. CDU 61368; DCN 58-1299 Aménagement et planification. Compte-rendu de visite (3-5 mai 2006) Paris, Iaurif, 2006. Moins médiatique que Barcelone ou Bilbao, Madrid connaît depuis dix ans une croissance urbaine et économique accélérées. Pendant la 170 Bibliographie

dernière décennie, le territoire de la Commu- vée de la cohérence et de l’efficacité de l’action nauté autonome de Madrid a gagné près d’un publique. Deux principes permettront de dépas- million d’habitants et l’emploi y a crû de 4,3 % ser ces démarches par trop sectorielles: l’éla- par an. Ce développement s’appuie sur une boration de référentiels, aptes à formaliser une extension très rapide des réseaux de transports, vision mobilisatrice du monde que les acteurs notamment du métro et des rocades autorou- entendent transformer; l’attention aux modali- tières, et sur la réalisation de grands quartiers tés concrètes du travail au sein des instances d’habitat périphériques. Madrid dispose main- technico-administratives. Dans cette œuvre idéo- tenant d’un niveau d’équipements de qualité logique et pragmatique de «repolitisation», l’ex- digne d’une grande région-capitale euro- pertise tant savante que participante constitue péenne. Mais ce modèle atteint ses limites, en une ressource stratégique pour l’État et les pou- l’absence d’une planification régionale : voirs locaux. consommation d’espace naturel, congestion du IA 47344; CDU 59942; DRE 9978 réseau de voirie, ségrégation sociale par l’habi- tat, etc. Et la Communauté de Madrid, institu- FEDOU Daniel; LHOSTIS Alain; RAYMOND Michel; tion régionale aux compétences étendues, SYLVESTRE Gérard cherche à se doter d’une stratégie et des La tarification sociale dans les transports urbains, moyens d’un développement plus durable. Quoi la mise en œuvre de l’article 123 de la loi SRU qu’il en soit, par ses réussites, mais aussi par les Paris, CGPC, 2006. questions qu’elle soulève, l’expérience de Le droit au transport selon l’article 123 de la Madrid offre des éléments précieux de réflexion loi Solidarité et renouvellement urbains du pour l’aménagement de l’Île-de-France. 13 décembre 2000 garantit aux personnes en IA 48005 difficulté une réduction d’au moins 50 % dans les transports urbains de voyageurs. Toutefois, la GOUT Patricia loi est inégalement appliquée par les autorités Mobilité et urbanisme en Allemagne. organisatrices de transport urbain, d’où l’exper- Promouvoir l’urbanisation autour des dessertes tise de la mission sur ce sujet. Après un rappel ferrées et des TCSP: la politique du Land de l’organisation administrative en matière de de la Rhénanie du Nord-Westphalie transport de voyageurs, le rapport examine la Dortmund, ILS, 2001. situation en matière de tarification sociale. Puis Compte rendu d’une recherche visant à analy- il analyse les difficultés d’application de l’arti- ser la cohérence de l’urbanisme et des trans- cle 123 de la loi SRU et, enfin, émet des propo- ports à l’échelle du Land de Rhénanie du Nord- sitions et recommandations, en vue d’une Westphalie. Des mesures ont été mises en place bonne application généralisée de cet l’article. pour développer une offre urbaine de qualité à CGPC 004551-01 travers une large concertation, des subventions (pour l’aménagement des quartiers de gare, le ORFEUIL Jean-Pierre développement de nouveaux quartiers d’habi- Une approche laïque de la mobilité tat situés aux arrêts du réseau de transport fer- Paris, Descartes & Cie, 2008. roviaire et du réseau de transport en commun Après une présentation des éléments essentiels en site propre), des financements favorisant à la compréhension de la mobilité aujourd’hui l’habitat peu consommateur d’espace, un pro- et à ses évolutions passées et à venir, les gramme de réhabilitation des gares, un proces- concepts et indicateurs qui sont nécessaires à sus de médiation entre la DB (Deutsche Bun- l’élaboration de connaissances sont présentés. desbahn) et les communes pour requalifier les Avec l’évolution des conditions de la mobilité anciennes emprises ferroviaires. et de nos pratiques, on aborde ce que celle-ci CDU 61182 a apporté à la construction de nos vies. Enfin, l’état des lieux fait apparaître des perspectives OFFNER Jean-Marc de développement de la mobilité en ville plus Les plans de déplacements urbains limitées qu’on ne le pense, du moins dans les Paris, La Documentation Française, 2006. pays développés. La seconde partie est consa- Relancés par la loi sur l’air de 1996, les PDU crée au renversement des objectifs des poli- sont un outil© majeur de laIAU conduite des poli- tiquesîle-de-France de mobilité. On s’attache à évaluer si les tiques publiques locales. Par-delà les aspects solutions qui font aujourd’hui consensus dans sociaux, économiques et environnementaux le champ politique sont susceptibles de du transport, cette procédure de planification conduire à la société de grande sobriété éner- met en cause pratiques et structures urbaines. gétique qu’impliquent les difficultés croissantes Les impératifs du développement durable lui d’accès à la ressource pétrolière et la menace confèrent des enjeux aussi bien locaux que glo- du changement climatique. Enfin, une réflexion baux. Mieux articuler gestion de la mobilité et prospective sur l’avenir possible des systèmes organisation des territoires agite les institutions de déplacement dans un contexte d’exigence publiques depuis plusieurs décennies. C’est à croissante de durabilité est présentée. l’aune de ces apprentissages que doit s’analyser IA 49569 le mode de fabrication actuel des PDU. Les recherches concluent à une enquête inache- 171 Bibliographie

REINER Daniel; BILLOUT Michel; BIWER Claude PAUL-DUBOIS-TAINE Olivier Rapport d’information sur le fonctionnement et le Péage urbain: principes pour une loi financement des infrastructures des transports Paris, Centre d’analyse stratégique, 2008. Paris, Sénat, 2008. Le rapport a pour objectif de présenter les Après avoir constaté que le sous-investissement points de repère utiles à la préparation d’un en infrastructures de transport menace la projet de loi et du débat parlementaire consé- modernisation et le développement de l’éco- cutif. Abordant l’intérêt socio-économique et nomie française, le rapport formule des propo- environnemental du péage urbain ainsi que les sitions qui suivent deux axes. En premier lieu, conditions d’acceptabilité, il souligne que le il est vital, dans un contexte de finances péage urbain devrait reposer sur les avantages publiques très contraintes, de mieux dépenser socio-économiques globaux qu’il apporte à la les ressources existantes; en second lieu, il faut collectivité. Il examine l’encadrement législatif trouver d’importantes ressources supplémen- nécessaire et précise les conditions adminis- taires pour les infrastructures de transport, c’est- tratives de sa mise en œuvre. Il propose des à-dire que le financement des transports doit mesures destinées à faciliter les modalités pra- être assuré tant par le contribuable que par tiques de perception, de contrôle et de recou- l’usager. Le système français de transport et avec vrement des infractions ainsi que les possibili- lui la richesse de la France seraient en danger, tés de délégation à des opérateurs spécialisés. si un consensus politique fort ne se dégageait IA 49334 pas très rapidement pour sanctuariser les inves- tissements en infrastructures de transport. SERVANT Louis IA 49052 Le péage urbain de Londres. Éléments pour un bilan coûts-avantages CHAUVEL Jean-Pierre; COINDET Jean-Paul; LEMOINE Paris, IAU îdF, 2008. Caroline, PRÉDALI Frédérique Ce document présente la méthode et les prin- Les investissements de transport collectif cipaux résultats de la mise en place d’un péage dans les métropoles européennes. urbain à Londres. Cet équipement a été intro- Les investissement d’extension à Londres, Madrid duit le 17 février 2003 dans la partie centrale Paris, IAU îdF, 2008. de l’agglomération londonienne, afin de réduire L’IAU île-de-France, à l’initiative de la Région la congestion routière de ce territoire. Au bout Île-de-France, étudie les investissement de trans- de quelques semaines, une baisse de 15 % du ports collectifs des grandes métropoles euro- nombre de véhicules entrant dans cette zone a péennes Londres, Madrid, Berlin et Paris. été observée, et le niveau de circulation a stagné IA 49170; DRE 10429(1) ; IA 49490 par la suite. Mais ce dispositif coûte très cher en fonctionnement: 45 % des recettes TTC du COINDET Jean-Paul; VERRIER Denis péage hors amortissements. Cette note se fonde Exploitations routières innovantes en France sur les données du cinquième rapport annuel et en Europe 2007 d’évaluation du TfL (Transport For Lon- Paris, Iaurif, 2007. don), promoteur du péage. Elle présente suc- Cette étude dresse un état des lieux des tech- cessivement l’impact du péage sur la circulation niques utilisées pour la gestion du trafic routière, le bilan financier et le bilan socio- routier. Les auteurs s’inspirent d’expériences économique du péage. étrangères, afin d’en tirer des enseignements IA 49169 pour l’Île-de-France. Les mesures strictement réglementaires et administratives de contrôle Le péage urbain de Stockholm. de la circulation ne sont pas abordées. Dans un Bilan de l’expérimentation premier temps, les auteurs dressent une nomen- (du 3 janvier au 31 juillet 2006), clature des différents moyens techniques utili- (SERVANt Louis, 2008), IA 49018 sés dans l’exploitation routière : les capteurs, Les péages urbains en Norvège: les caméras, les transmissions…, mais égale- Oslo et Trondheim. Rapport des visites des 27 ment les principaux dispositifs de gestion du et 28 mai 2002 trafic (régulation de la vitesse, l’utilisation de (SERVANT Louis; VINCENT Pascal; RAUX Charles; © IAUvoies auxiliaires, île-de-France etc.). La partie suivante est LANVERSIN Emmanuel de, 2002) consacrée aux mesures franciliennes de régu- IA 44165 lation du trafic, et évoque les mesures histo- riques jusqu’aux expériences récentes. Une par- MÉYÈRE Alain tie est également consacrée aux expériences Les Franciliens et l’automobile: deux ou trois en province, et le dernier chapitre évoque la choses à savoir pour faire face au défi climatique situation dans différents pays étrangers: la Répu- Cahiers de l’Iaurif, n° 147, fév. 2008. blique d’Irlande, l’Allemagne, le Royaume-Uni, Avec 27 % du total, les transports terrestres sont les Pays-Bas et les États-Unis. le premier secteur d’activité à l’origine des émis- IA 49003 sions de gaz à effet de serre en Île-de-France devant le secteur résidentiel (24 %). La circula- tion des voitures particulières représente à elle seule plus de la moitié de ces émissions dues 172 Bibliographie

aux transports et elle est très largement le fait en trois phases: l’analyse d’exemples étrangers; des Franciliens eux-mêmes. Depuis 25 ans, la les enseignements de ces expériences pour l’Île- place occupée par l’automobile au sein des de-France; la faisabilité de l’implantation de ce déplacements des Franciliens s’est accrue. La concept en Île-de-France. poursuite éventuelle de ce phénomène et les IA 48168; DRE 10107 conditions à réunir pour infléchir les évolutions du partage modal sont abordées en tentant de Bus à haut niveau de service: mieux cerner les marges de manœuvre pour concept et recommandations faire face au changement climatique. Il semble Lyon, Certu, 2005. qu’aucun domaine d’action n’est en mesure à Le concept de bus à haut niveau de service lui seul de fournir la solution permettant de (BHNS) est une approche globale du système réduire les émissions de gaz à effet de serre bus incluant l’infrastructure, l’insertion urbaine dans les transports. et les modalités d’exploitation. Il s’inspire de la IA P.117 démarche Bus Rapid Transit (BRT) mise en œuvre en Amérique et se veut un outil métho- dologique et pédagogique visant à souligner les points clés pour réussir un projet de bus effi- OFFRIR DES SERVICES ATTRACTIFS ET DURABLES cace et structurant. Il s’applique aux véhicules routiers, guidés ou non, thermique ou trolley- PRÉDALI Frédérique; LEMOINE Caroline; MESSENET bus, bus ou autocar. Ce document présente: les Agnès définitions et objectifs du concept; les notions La place des bus dans les transports collectifs de niveau de service, qualité de service, attentes de Madrid du voyageur et contractualisation avec l’exploi- Paris, Iau-Idf, 2008. tant; l’utilisation du concept pour développer le Cette étude offre l’opportunité de comparer la réseau de transports collectifs, son inscription part du bus dans l’offre globale et la demande dans les démarches de planification de dépla- de transports en commun dans les régions fran- cements et son opportunité pour développer cilienne et madrilène. Selon les critères de la ville; l’approche globale du système en utili- l’étude, le réseau de bus francilien est deux fois sant le concept BHNS ; la conception d’une moins dense que le réseau mis en place par ligne BHNS: tracé, stations, insertion en section l’autorité organisatrice des transports de la courante, séparateurs de voies, géométrie, fran- métropole espagnole. L’Île-de-France est cepen- chissement des carrefours, règles de circulation dant couverte par un important réseau ferré et signalisation, le matériel courant; le cas d’un (RER et trains de banlieue), ce qui lui permet de tronc commun de plusieurs lignes – le cas des conserver une offre de transport plus élevée dessertes périurbaines ou interurbaines ; les que celle de la Communauté autonome madri- besoins en recherches et évaluations; les réfé- lène. rences à l’étranger et en France. IA 49432 IA 46748; TU CEDO 166; CDU 59491; DRE 9894; CTM 17649

NAVARRE Danièle; JACOB Christian Déplacements: ces villes qui innovent Étude de cas étrangers de transports collectifs Dunkerque, AGUR, 2006. de banlieue. Cas n° 1: Madrid (2006); Cas n° 2: Des agglomérations françaises et européennes Londres (2007); Cas n° 3: Berlin (2007) ont expérimenté avec succès des réponses L’IAU île-de-France a réalisé une série de trois innovantes au problème des déplacements études sur des capitales européennes ayant un urbains. Dans un premier temps, l’exemple de développement urbain similaire à celui de l’Île- Münster (Allemagne) démontre l’importance de-France: Madrid, Londres, et Berlin. Elles ont de combiner et de bien articuler politique pour objet de faire le point sur les besoins en urbaine, stratégie foncière et transports. La pro- moyens de transports desservant les zones péri- blématique de la qualité urbaine et les solu- phériques des grandes agglomérations. tions rendant la place au piéton dans la ville Sur Londres: IA 48437; DRE 10083(2) sur Berlin: IA 48772; sont examinées à travers l’analyse de la poli- DRE 10083(3) ; sur Madrid: IA 47842 tique espaces publics à Lyon. Les réponses pro- © IAU poséesîle-de-France en matière de parking relais sont abor- ALLIO Robert; GALLAND Jean-Claude dées. L’exemple du plan de déplacement Transports en commun sur autoroutes et voies d’entreprises de Chambéry et des plans de rapides déplacement des écoles à Angers et à Caen Paris, Iaurif, 2007. montre que l’on peut aussi agir sur la demande. Ce rapport étudie des expériences étrangères Enfin, l’exemple du conseil en mobilité de Saint- d’implantation de ligne de bus à haut niveau de Etienne illustre l’intérêt d’un lieu de réunion service sur les autoroutes et les voies rapides. Ce pour réfléchir et innover sur la question des concept n’existe pas encore en Île-de-France. Il déplacements. est donc pertinent d’analyser les différentes IA 47969 expériences étrangères, afin de savoir s’il serait judicieux d’implanter cette pratique sur les routes franciliennes. Le rapport se déroule donc 173 Bibliographie

CHALAS Yves (dir.); PAULHIAC Florence (dir.) lation. Cette étude dresse un état des lieux des La mobilité qui fait la ville. Actes des 3e services de covoiturage en France et à l’étran- rencontres internationales en urbanisme ger, en analysant l’ampleur du phénomène par de l’Institut d’urbanisme de Grenoble le biais d’éléments quantitatifs. Ce rapport pro- Lyon, Certu, 2008. pose: historique et définition du covoiturage, Trois dimensions de la relation entre ville et état, lieux de services tout public, état des lieux mobilité sont plus précisément abordées. Dans des services en entreprises et administrations, la première (les nouvelles configurations socio- le covoiturage en Europe et ailleurs, vers un spatiales des pratiques de mobilité quoti- covoiturage dynamique: quelques exemples, dienne), Marie-Hélène Massot et Jean-Pierre barrières à franchir et recommandations pour Orfeuil retracent l’évolution des paradigmes de un service de covoiturage efficace. En annexes la mobilité dans son rapport à la forme urbaine; figurent une bibliographie et les éléments de Vincent Kaufmann examine les mouvements la base de données covoiturage. pendulaires de longue distance au cours des- TU CE02 10686; DRE 1026 quels le temps de déplacement devient du temps social; Sonia Chardonnel s’appuie sur La (Dé-)réglementation du secteur des taxis: les résultats statistiques des enquêtes-ménages- Conclusion de la Table ronde 133 d’économie déplacements grenobloises pour aborder les des transports mobilités et montre que les programmes jour- Paris, OCDE, 2007. naliers des individus conditionnent leurs mobi- Ce rapport traite du rôle des taxis dans les trans- lités; Richard Shearmur s’interroge sur les dépla- ports publics au Québec, de la déréglementa- cements domicile-travail à Montréal à partir du tion de ce secteur en Europe, avec l’expérience lieu où se trouve l’emploi. Dans la deuxième des Pays-Bas. Puis il aborde le sujet de la régle- (les enjeux des nouvelles approches théoriques mentation de ce secteur au Royaume-Uni et et méthodologiques pour les comprendre), conclut sur l’étude de ce secteur en France et Jean-Charles Castel examine l’articulation des en Irlande. champs d’action de l’urbanisme et des trans- IA 48752; DCN 57-949 ports; Antoine Brès cherche à faire comprendre comment le mouvement fait lieu ; Jean- MORCHEOINE Alain; DOUAUD André François Doulet montre que le développement «Quel avenir pour l’automobile et la mobilité de la mobilité chinoise est révélateur des muta- automobile?» tions profondes de la ville postmaoïste ; Infrastructures et mobilité, n° 81, sept. 2008. Guy Burgel souligne les ambiguïtés nombreuses Un représentant de l’Ademe et le directeur tech- qui pèsent sur l’organisation rationnelle et effi- nique du Comité des constructeurs français cace des villes contemporaines qui sont à l’ori- d’automobiles s’interrogent sur l’impact du gine d’un urbanisme à pensée faible; Georges bonus-malus sur les comportements d’achat Amar affirme qu’il faudra inventer de nouvelles des consommateurs, sur l’apparition à grande formes de mobilités d’échanges, ce qui laisse échelle d’une voiture propre et sur le rôle de supposer que les transports vont fortement évo- l’industrie automobile française dans ce cas, luer et Marc Wiel revient sur les ambivalences sur la part de marché de l’automobile dans les de la mobilité dans une vision prospective mais déplacements en France, sur la gestion du tra- orientée vers l’aide à la décision. Dans la troi- fic urbain, sur les biocarburants et sur la sième (le renouvellement de l’action publique conduite respectueuse de l’environnement. urbaine relative à la gestion des déplacements IA P.742 et de la mobilité), Bruno Faivre d’Arcier retrace l’évolution des politiques de transport et de ges- JAUMIN François tion des déplacements pour mettre en évidence «Les enjeux de l’industrie automobile face l’émergence actuelle d’un nouveau type d’ac- au réchauffement climatique» tion publique qu’il appelle management de la Problèmes économiques, n° 2947, 7 mai 2008. mobilité; Florence Paulhiac s’interroge aussi La Commission européenne a récemment sur l’action publique dans le domaine des trans- rendu public son plan de réduction des émis- ports et Philippe Zittoun analyse les expertises sions de dioxyde de carbone, dont l’objectif est © IAUqui participent île-de-France de la culture des transports et d’atteindre, en 2012, la barre des 130 g/km. celles qui participent de la culture de l’urba- Le secteur des transports est considéré comme nisme. l’un des principaux responsables des émissions IA 49548 de gaz à effet de serre (14 %) et diverses mesures ont été prises au sein de l’Union euro- BALLET Jean-Christophe; CLAVEL Robert péenne. Le gouvernement français, par exem- Le covoiturage en France et en Europe: ple, a mis en place un dispositif de bonus-malus état des lieux et perspectives qui constitue un élément majeur du Grenelle de Lyon, Certu, 2008. l’environnement. Les principales actions envisa- Face à l’augmentation de l’utilisation de l’auto- gées par l’industrie automobile pour réduire mobile et ses conséquences sur l’énergie et la les émissions de CO2 sont exposées. Article paru pollution atmosphérique, le covoiturage peut dans Accomex, n° 78, novembre-décembre 2007 être une solution efficace pour limiter la circu- IA P.323; CDU 61854 174 Bibliographie

BERTRAND Jérôme ACCUEILLIR LE TRANSPORT DES MARCHANDISES État de l’art en matière de transport spécialisé. Enquête sur les services de transports adaptés Loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 portant des grandes agglomérations françaises réforme portuaire Paris: Iaurif, 2007.- 57 p. Les dispositions de la loi concernent environ Cette étude dresse une typologie des services 2000 personnes, essentiellement les grutiers et de transports adaptés à la demande pour les portiqueurs déchargeant les bateaux des ports personnes handicapées dans plusieurs grandes de Marseille, Le Havre, Rouen, La Rochelle, Bor- agglomérations françaises. Après un état des deaux, Nantes-Saint-Nazaire et Dunkerque. Elle lieux de la législation en la matière, l’auteur s’articule autour de quatre axes: l’évolution des expose les résultats de l’enquête réalisée auprès missions des sept ports autonomes (rebaptisés de 65 autorités organisatrices de transport fran- «grands ports maritimes»), l’organisation de la çaises, en discernant l’analyse selon les théma- manutention portuaire, la modernisation de la tiques suivantes: les usagers des services; l’offre gouvernance des grands ports maritimes et la de service; l’organisation du service; les résul- définition d’un plan d’investissement. tats d’exploitation des services. http://www.legifrance.gouv.fr IA 48487 Forum international des transporteurs BAILLARD Michel; BOUTRY Britta Tirer parti de la mondialisation. Contribution «Du code de la route au code de la rue: dossier» du secteur des transports et enjeux politiques. Vélocité, n° 90, avr. 2007. Rapports introductifs et synthèse des discussions. Quels sont les enjeux du code de la rue? Coup 17e symposium international FIT/OCDE de comm’, petit toilettage ou début d’une sur l’économie des transports et la politique, Berlin, grande réforme ? Après avoir balayé l’état 25-27 octobre 2006 d’avancement du travail préparatoire français Paris, OCDE, 2008. sur le sujet, ce dossier fait un petit tour d’hori- Les transports sont au cœur de la mondialisa- zon des aménagements et dispositions qui tion – car ce terme n’aurait aucun sens s’il étayent et favorisent le code de la rue en Bel- n’était pas possible de transporter les produits gique: les zones de rencontre, les «SUL» (sens et les personnes autour de la planète. Les entre- uniques limités), les trottoirs traversants, le cous- prises et les personnes peuvent d’autant plus sin, la ville entière à 30 km/h, les contresens profiter de la mondialisation que les réseaux belges tels qu’on les vit à Liège et Herstal (Wal- de transport sont efficaces et rentables. Par une lonie). politique rendant le secteur des transports plus IA P.640 compétitif, plus réactif et mieux organisé, il serait possible d’être efficace et rentable : tel était «Marcher» la thématique principale du 17e symposium Urbanisme, n° 359, mars-avr. 2008. FIT/OCDE. Cette publication reprend l’ensemble À l’heure de la sobriété énergétique et de la des rapports introductifs ainsi qu’une synthèse chasse aux gaz à effet de serre, vélo et marche de ses débats. Le lecteur trouvera dans ce rap- ont la cote. Après l’histoire du piéton par port l’aboutissement des réflexions les plus Jean-Marc Offner, Sonia Lavandinho et Yves Win- récentes sur le thème de la mondialisation et kin dégagent quelques-unes des incitations à des transports. la marche urbaine. Ensuite, Marie-José Wied- DCN 61-1258 mer-Dozio expose les actions mises en place par la municipalité de Genève pour promou- ROPITAL Corinne; HEMINGWAY Alice voir la marche et Sonia Lavandinho présente La place de l’Île-de-France dans l’hinterland le plan piétons de cette même ville. du Havre: le maillon fluvial. Bengt Kayser demande une adaptation de notre Résultats des entretiens auprès des chargeurs environnement construit à la marche et au et des opérateurs de transport fluvial vélo alors que Jacques Lévy montre que la Paris, Iau-Idf, 2007. marche est d’abord un moyen de transport. Ce rapport s’inscrit dans un ensemble d’études Georges Amar et Véronique Michaud appréhen- sur la place de l’Île-de-France dans l’hinterland dent la marche© comme unIAU champ de concep- duîle-de-France Havre. Ce document s’attache plus particu- tion. Jean-Paul Thibaud aborde la marche aux lièrement au volet fluvial. Il s’appuie sur des trois personnes (je, tu, il), articulant les pratiques entretiens auprès de sept opérateurs de trans- de la marche en ville à l’expérience des port fluvial et de terminaux fluviaux situés prin- ambiances urbaines. S.Lavandinho évoque les cipalement dans le sud-est de l’Île-de-France et choix d’itinéraires du marcheur urbain, alors utilisant particulièrement la voie d’eau pour que Rob Methorst expose les conditions de acheminer la marchandise en Île-de-France. Ces naissance du réseau de recherche européen acteurs représentent près des trois quarts des sur la marche en ville, que Jean-Pierre Charbon- conteneurs acheminés depuis Le Havre vers neau revient sur l’intérêt accordé à la marche l’Île-de-France.Après une première partie décri- en ville et que Thierry Paquot cite des auteurs vant le schéma d’importation de ces sept char- qui ont étudié la marche en ville. geurs, l’étude s’appuie sur l’analyse des entre- IA P.414 tiens pour déterminer quels sont les facteurs 175 Bibliographie

qui favorisent le choix de la voie d’eau pour du secteur et en s’interrogeant sur l’action de ces chargeurs, quelles sont les limites de ce ses différents acteurs. mode de transport et quels sont les atouts et IA 49213 contraintes des terminaux existants et futurs. IA 49171 DABLANC Laetitia La notion de développement urbain durable ROPITAL Corinne appliquée au transport des marchandises Les portes d’entrée marchandises Cahiers scientifiques du transport, n° 51, sept. 2007. de l’Île-de-France. Peut-on dire que le développement durable est Premier volet: la plate-forme portuaire de Zeebrugge. un moteur de l’action locale sur le transport de Deuxième volet: la plate-forme portuaire d’Anvers. marchandises? À l’évidence pas encore. Certes, Troisième volet: Quatre exemples et terminaux le développement durable n’est plus un fluviaux intérieurs: Liège, Bruxelles, Meerhout, concept incantatoire, il a désormais sa place Willebroek dans la planification des transports à moyen et Paris, Iaurif, 2006. long termes des villes. Un certain nombre d’ex- IA 48034(1) ; IA 48034(2) ; IA 48034(3) périmentations de logistique urbaine durable ont été menées, et certaines avec succès. Mais SAVY Michel; DAUDÉ Caroline au-delà de ces expériences, l’action effective et Pour une régulation durable du transport routier concrète des villes en matière de transport dura- de marchandises. «Transport routier ble des marchandises est très limitée. Cette de marchandises et gaz à effet de serre» action est évaluée à travers l’analyse des actes Paris, Centre d’analyse stratégique, 2008. réglementaires les plus banals qui soient; les Dans un premier temps, la situation actuelle du arrêtés municipaux de circulation et de station- trafic et des émissions du secteur du transport nement. Ces réglementations à destination des routier de marchandises, la situation projetée véhicules de livraison sont routinières, fragmen- à l’horizon 2025 et les conclusions qui peuvent tées et peu efficaces. Les motifs de protection de en être tirées pour une projection à l’horizon l’environnement, notamment d’amélioration de 2050 sont présentées. Dans un second temps, la qualité de l’air, en sont encore aujourd’hui l’ensemble des mesures techniques et organisa- absents. Ce résultat est d’autant plus surprenant tionnelles qui peuvent être mises en œuvre afin qu’aujourd’hui l’arsenal législatif relatif au déve- de réduire les émissions de gaz à effet de serre loppement durable n’est plus négligeable. L’ar- du secteur du transport routier de marchan- ticle fait le point sur les textes s’appliquant aux dises est analysé. En appliquant ces mesures collectivités locales relatifs au développement aux projections de trafic actuellement établies, durable. Il analyse les contentieux des tribu- le bilan de ces mesures est présenté en termes naux liés à la circulation des camions, avec une de réduction des émissions de CO2, leur impact attention particulière portée aux obligations est chiffré et elles sont classées. Enfin, le volume des villes concernant la qualité de l’air. Il détaille de trafic et l’organisation du transport néces- les innovations récentes des villes européennes, saires pour respecter les objectifs de réduction qui intègrent des critères environnementaux des émissions envisagés par la loi sont analysés. dans leur législation municipale sur les livrai- IA 49207 sons. IA P.122; CDU ABRAHAM Claude Pour une régulation durable du transport routier MYKOLENKO Lydia de marchandises. «Le transport de marchandises par véhicule Rapport de synthèse utilitaire léger en Île-de-France» Paris, Centre d’analyse stratégique, 2008. Note rapide, n° 362, oct. 2004. Le rapport de synthèse est fondé sur les rap- Les transports routiers de marchandises sont ports de quatre groupes de travail: développe- l’objet d’un intérêt accru des collectivités ment, compétitivité et emploi; l’acceptabilité locales et des pouvoirs publics soucieux d’of- sociale des poids lourds; les relations et les évo- frir une meilleure qualité de vie aux Franciliens. lutions sociales; transport routier de marchan- Si l’attention se focalise encore sur les poids © IAUdises et gaz à île-de-Franceeffet de serre. La création d’em- lourds, ils ne sont pas les seuls véhicules à inter- plois, la compétitivité du pavillon français, la venir dans le transport routier de marchandises. lutte contre le réchauffement climatique consti- Le recours aux véhicules utilitaires légers (VUL) tuent les trois enjeux majeurs du transport rou- s’est fortement développé ces dernières années tier de marchandises et les trois thèmes princi- avec, notamment, la limitation d’accès aux cen- paux de réflexion de la mission. Après une tres-ville fondée sur la taille des véhicules. Afin introduction, le rapport rappelle, dans trois cha- de mieux comprendre cette augmentation Crédits photographiques p. 169 pitres, les évolutions récentes du secteur, les récente (PTAC) ne dépassant pas 3,5 tonnes. Tomisti/Wikipedia A. Lacouchie/IAU îdF enjeux associés et les recommandations consi- État des lieux et principaux renseignements TfL dérées comme prioritaires pour un développe- sont présentés. Ian Bell/TfL ment durable du secteur. Chacun des chapitres IA P.246/6 Philip Jackson/SxcHu Svenwert/Flick’r cherche à mettre en perspective l’ensemble des Maersk Line recommandations en envisageant la régulation 176 La Médiathèque de l’IAU île-de-France

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