Thomas Corneille Au « Mercure Galant »
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Gustave REYNIER GustGUSTAVEave R EREYNIERYNIE R documentation - Théâtre TThhoommaass CCoorrnneeiillllee,, 1 ssaa vviiee eett ssoonn tthhééââttrree THOMAS CORNEILLE, SA VIE ET SON THÉÂTRE Gustave REYNIER 1859-1937 © Théâtre-documentation - Pézenas - 2016 2 GUSTAVE REYNIER Thomas Corneille, sa vie et son théâtre 1892 3 THOMAS CORNEILLE, SA VIE ET SON THÉÂTRE Gustave Reynier, ancien élève de l’École Normale Supérieure, professeur au Lycée Buffon, Docteur ès-Lettres. Libraire Hachette et Cie, Paris, 1892. À M. Petit de Julleville, Professeur à la Faculté des Lettres de Paris. Hommage de reconnaissance et de respect. 4 GUSTAVE REYNIER PREMIÈRE PARTIE : BIOGRAPHIE DE THOMAS CORNEILLE 5 THOMAS CORNEILLE, SA VIE ET SON THÉÂTRE Chapitre I : la jeunesse Jeunesse de Th. Corneille. – Ses succès au collège et au concours des Palinods. – Ses études de droit. – Ses débuts au théâtre. – Son mariage. – Le ménage des deux Corneille. – Suite de ses débuts ; il se trouve en concurrence avec Scarron et Boisrobert. – Il est soutenu par les dames et les cercles de beaux esprits. – Le Geôlier de soi-même. Thomas Corneille naquit à Rouen, le 20 août 1625, dans cette rue de la Pie où Pierre Corneille avait vu le jour, non pas dans la même maison, mais très probablement dans une maison contiguë qui appartenait aussi à sa famille1. Rappelons que Pierre Corneille, le père, maître particulier des eaux et forêts en la vicomté de Rouen, avait déjà cinq enfants et que celui qui devait être plus tard le grand Corneille avait alors dix-neuf ans. Thomas fut baptisé le 24 août. Son enfance s’écoula sans doute tantôt à Rouen, tantôt dans la propriété de Petit-Couronne, que ses parents avaient achetée en 1608. Comme son grand frère, il 1 Cf. P.-A. Corneille, Rapport sur le jour de la naissance de Pierre Corneille et sur la maison où il est né (Rouen, 1829), – et Tuschereau, Vie de Corneille, t. I, p. 181. 6 GUSTAVE REYNIER fit ses études au collège des jésuites de Rouen : il s’y fit remarquer par cette étonnante facilité qui devait être le trait distinctif de son talent. Il paraît que les premiers succès de son frère et sans doute aussi son goût particulier tournèrent de bonne heure ses idées du côté du théâtre : nous le voyons, dès l’école, s’essayer dans ce genre un peu puéril de la tragédie scolaire que les jésuites cultivèrent toujours avec prédilection. De Boze, qui tenait assurément l’anecdote de Thomas lui-même, raconte qu’étant en rhétorique « il composa en vers latins une pièce, que son régent trouva si fort à son gré, qu’il l’adopta et la substitua à celle qu’il devait faire représenter par ses écoliers, pour la distribution des prix de l’année1 ». À peu près à la même époque, Thomas Corneille prit part à un de ces concours poétiques des Palinods de Rouen, dans lesquels son frère Antoine avait déjà été plusieurs fois couronné : il obtint le prix du Miroir d’argent pour une ode en vers français, qui fut récitée, suivant l’usage, pendant les fêtes de l’Immaculée- Conception (7 et 8 décembre 1641). Cette pièce nous a été conservée2 : les souvenirs de l’Écriture et les allusions mythologiques s’y mêlent agréablement ; on y voit paraître, du commencement à la fin, cet enthousiasme artificiel, cette fureur poétique qui étaient les ornements obligés du genre ; il y a peu d’idées sans doute et la dernière strophe est à peu près 1 De Boze, Éloge de M. Corneille (prononcé dans l’Académie des Inscriptions, à la rentrée d’après Pâques (1710). Nous savons aussi que Thomas avait déjà joué un rôle dans une petite pièce de circonstance composée par P. de Valognes pour faire suite à sa tragédie latine de Jézabel. 2 Bibliothèque de l’Académie de Rouen, ms. n° 6 (ft 156). Elle a été imprimée dans le Recueil des Œuvres couronnées à Rouen, in-8 (1841). 7 THOMAS CORNEILLE, SA VIE ET SON THÉÂTRE incompréhensible, mais les vers sont corrects et parfois bien frappés : que pouvait-on demander de plus à un écolier de seize ans ? En sortant de rhétorique, Thomas voulut sans doute apprendre les éléments de la philosophie et des sciences : il ne dut quitter le collège qu’en 1642 ou 1643, après avoir fait sa « logique » et sa « physique ». Son père était mort depuis trois ans ; sa mère avait été nommée sa tutrice, mais ce fut en réalité son frère aîné qui devint son conseiller et son guide. Quoiqu’une partie de son temps fut prise par le soin de ses affaires particulières (il venait d’épouser, en 1640, Marie de Lempérière, fille de Mathieu de Lempérière, lieutenant particulier du bailli de Gisors, au siège d’Andely), quoiqu’il eût aussi l’esprit tout occupé par les grandes œuvres qu’il achevait ou qu’il préparait, Pierre Corneille s’imposa la tache de compléter l’instruction du jeune étudiant et de diriger son travail. Il lui fit apprendre l’espagnol, que beaucoup de gens parlaient à Rouen et dont la connaissance était alors indispensable à quiconque voulait se consacrer aux lettres ; il l’intéressa à ses propres ouvrages, il lui enseigna de son art ce qui pouvait s’enseigner et, sans doute, cette même main qui crayonnait L’âme du grand Pompée et celle de Cinna corrigea plus d’une fois les essais du débutant. Thomas se plaisait plus tard à reconnaître combien il devait aux bons avis de son aîné et il parlait des leçons « qu’il avait reçues de sa propre bouche1 ». Il n’est pas douteux que, dès cette époque, le jeune 1 Discours de réception à l’Académie française. 8 GUSTAVE REYNIER Corneille avait l’intention bien arrêtée de suivre la même voie que son frère et de rechercher ces succès du théâtre qui sont les plus séduisants de tous. Mais, comme la carrière poétique, toujours hasardeuse, l’était en ce temps plus qu’en aucun autre, il jugea prudent (on voit déjà paraître l’esprit pratique) d’obtenir un titre, qui lui fût, en cas d’insuccès, un moyen d’existence à peu près assuré : il songea à se faire recevoir avocat. Il alla faire son droit à l’université de Caen en compagnie d’un cousin germain, qui s’appelait Pierre Corneille1 et qui avait à peu près le même âge que lui. Il y passa sa licence le 26 mai 1646, devant le recteur Julien Le Maistre2. Quoiqu’il eut alors près de vingt et un ans et qu’on pût à cette époque être reçu avocat à dix- sept, il ne se pressa pourtant pas de rechercher le titre, auquel son grade lui donnait droit. Il ne fut reçu avocat que trois ans après, le 21 octobre 16493. Ce retard n’a pas lieu de nous surprendre : dans l’intervalle, Thomas Corneille avait subi une épreuve autrement redoutable que celle de la licence en droit : il avait débuté au théâtre. Comme son frère, il avait commencé par une comédie. En 1647, il avait fait représenter à l’Hôtel de Bourgogne les Engagements du hasard, traduction libre d’une pièce de Calderon (los Empeños de un acaso), dont il avait gardé le titre ; et cet ouvrage avait même assez bien réussi pour éveiller la jalousie des auteurs 1 Fils de François Corneille et d’Anne Briffault. – Cf. Bouquet, Points obscurs de la vie de Pierre Corneille, p. 42. 2 Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie, t. I, p. 408. 3 Nous le savons par une note du Registre secret du parlement de Rouen, recueillie par M. Gosselin et citée par M. Bouquet (Points obscurs..., Appendice I). 9 THOMAS CORNEILLE, SA VIE ET SON THÉÂTRE qui s’étaient partagé jusque-là la faveur du public1. Ces Engagements du hasard étaient une œuvre assez médiocre et on serait tenté de croire, en la lisant, que la recommandation du « grand frère » en avait seule assuré le succès : il n’en fut rien cependant. Pierre Corneille put intéresser ses amis les plus chauds aux débuts de son cadet ; mais le gros public applaudit la comédie sans en connaître l’auteur. Le jeune poète n’avait pas osé avouer son œuvre, soit qu’il se sentît capable de mieux faire et ne voulût pas se laisser juger sur ce premier essai, soit que, par un scrupule plus délicat, il craignît de compromettre par un échec un nom que son aîné avait déjà rendu illustre2. On pourrait s’étonner que la première pièce de Thomas ait été représentée par la troupe de l’Hôtel de Bourgogne et non par celle du Marais à laquelle Pierre avait été longtemps fidèle : il ne faut pas oublier que le célèbre acteur Floridor, qui était l’ami très intime de la famille3, avait quitté le Marais à la fin de 1643 pour acheter à l’Hôtel la place de Bellerose. Ce fut lui sans aucun doute qui porta aux comédiens la pièce du débutant et la leur fit 1 « Cette pièce, disent les frères Parfaict, attira à son auteur la jalousie de la plupart de ceux qui couraient la même carrière. » (Hist. du Théâtre Français, t. VII, Préface.) 2 Il ne permit pas non plus que sa pièce fut imprimée : ce ne fut que quatre ans après qu’il y consentit ; encore ne la donna-t-il au libraire qu’après lui avoir fait subir des modifications importantes. Plusieurs passages languissants furent supprimés et remplacés par de nouveaux épisodes empruntés à une autre comédie fie Calderon : Casa con dos puertas mala es de guardar (Une maison à deux portes est difficile à garder).