Document generated on 09/30/2021 6:03 a.m.

24 images

Il n’y a plus d’Eldorados ou Les avatars du « road movie » Petit supplément au « cinéma de l’errance » pour Annie Goldman Michel Euvrard

Number 37, 1988

URI: https://id.erudit.org/iderudit/22286ac

See table of contents

Publisher(s) 24/30 I/S

ISSN 0707-9389 (print) 1923-5097 (digital)

Explore this journal

Cite this article Euvrard, M. (1988). Il n’y a plus d’Eldorados ou Les avatars du « road movie » : petit supplément au « cinéma de l’errance » pour Annie Goldman. 24 images, (37), 30–34.

Tous droits réservés © 24 images inc., 1988 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/

This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ IL N'Y A PLUS D'ELDORADOS OU LES AVATARS DU «ROAD MOVIE»

PETIT SUPPLEMENT AU «CINEMA DE L'ERRANCE» POUR ANNIE GOLDMAN

Ftùdiger vbgler dans Alice dans les villes de Wim Wenders Michel Euvrard

e «road movie» peut au même titre les vieux pays. n'est pas le vrai, qui n'apparaît qu'à la fin que le ou le film noir être du film, et le héros apparent est un faux considéré comme le cinéma améri­ Dans les films de la conquête de l'Ouest, le héros ou les héros partent vers la terre héros, incapable de changer et de s'ac­ cain par excellence; il est la forme complir, auquel doit tôt ou tard s'en substi­ américaine moderne de l'Odyssée, promise, l'Eldorado, la «grande montagne de sucre candi» de la chanson et du titre tuer un autre; à la limite, il n'y a plus Lune version sécularisée de la quête du d'enjeu du tout. du film de et Rudy Wurlitzer, Graal, l'héritier du roman picaresque et Ce n'est pas d'hier que le «road movie» du roman d'éducation. Thématiquement, pour accomplir la «destinée manifeste» des États-Unis; en même temps les incidents a essaimé: La strada et // bldone, ou structurellement sinon chronologiquement, L'angoisse du gardien de but, Alice il succède aux films sur la conquête de du voyage, les obstacles matériels rencon­ trés, faim, soif, froid, tempêtes, attaques dans les villes et Au fil du temps, ou l'Ouest: une fois effectuée la jonction ter­ L'une chante l'autre pas, Sans toit ni restre entre l'Est et l'Ouest du continent, des Indiens, sont autant d'épreuves dont ceux-ci doivent se montrer dignes; ils mar­ loi ou Messidor et quantité de films améri­ quand le Pacifique fut atteint et qu'il n'y cains des années correspondantes au­ eut plus de frontières, le parcours de l'es­ quent les étapes d'une ascèse, d'un par­ cours viril, d'un rite d'initiation au terme raient pu inspirer plus tôt ces réflexions. pace américain put cesser de se faire dans Ce sont quatre productions récentes qui une seule direction, vers une seule desti­ desquels les héros seront devenus des hommes véritables. l'ont fait, Candy Mountain de Robert nation; on pouvait désormais s'y déplacer Frank et Rudy Wurlitzer, Patti Rocks de dans tous les sens, revenir ou tenter de Dans le «road movie», l'enjeu se modifie; David Burton Morris, Sierra Leone de Uwe le faire. Ayant perdu son ancrage géogra­ la destination extérieure, l'objectif histo­ Schrader, et Doc's Kingdom de Robert phique et historique, les objectifs et les rique passent au second plan par rapport Kramer. valeurs qui le sous-tendaient, le genre pou­ à l'expérience, à l'épreuve et à la connais­ vait essaimer n'importe où, même dans sance de soi. À la limite, l'enjeu apparent 30 CANDY MOUNTAIN

Kevin O'Connor

ulius, jeune bassiste sans em­ Le film entier apparaît alors sous un ploi (et sans talent), est envoyé autre jour, on comprend qu'il était pa­ J par deux promoteurs du «music rodique et que la quête de Julius, business» à la recherche d'un certain entreprise pour les mauvaises rai­ Elmore Silk, disparu depuis des sons, ne pouvait, ne devait pas réus­ années et qu'il prétend (faussement) sir; que si son objet existait en effet avoir connu, avec mission de le rame­ et pouvait être rejoint, il n'en allait Kevin O'Connor et dans Candy Mountain ner à New York, et sinon lui, une des pas moins lui échapper. fabuleuses guitares qu'il fabriquait. En fait ce qui importe, ce n'est pas Tel est le point de départ de Candy que Julius retrouve Silk, c'est que Silk Mountain, de Robert Frank et Rudy échappe à Julius, car c'est Silk qui Wurlitzer(') . Des chutes du Niagara est authentiquement en quête de la jusqu'en... Nouvelle-Ecosse, Julius «grande montagne», et puisqu'il est suit la trace de Silk; d'épreuves en parvenu au bout du monde, au bout épreuves — en Ontario il est détenu de la route, la quête exige maintenant par un vieux shérif, et tout au long de lui cet ultime dépouillement. de la route il doit laisser derrière lui Ce film drôle, inattendu, libre et vaga­ les véhicules comme les chevaliers bond — c'est son charme — est donc tuaient sous eux leur monture — et aussi un film grave et désabusé, une de rencontres en rencontres — le critique sévère et sans appel de la frère (Tom Waits) et la fille de Silk, commercialisation de la musique, et une Indienne chasseuse de cerfs par extension de la culture et de la (Tantoo Cardinal), une ex-compagne société américaines; fidèle à l'esprit de Silk (Bulle Ogier) et sa maîtresse du surréalisme, Robert Frank y livre, actuelle (Jayne Eastwood), une mys­ avec cet humour qui est «la politesse térieuse Japonaise(l) — il le rejoint du désespoir», une manière de testa­ enfin, dans un chalet plein de guitares ment. au bord de la mer, au bout du monde. Mais rien dans les messages (sur cas­ sette) que lui fait écouter Julius ni dans la personne de celui-ci ne peut donner à Silk le goût de retourner à New York: les raisons pour lesquelles on veut qu'il revienne n'ont rien à voir avec la qualité de ses guitares ou l'essence de la musique, il ne s'agit que de valeur marchande, d'ar­ gent, de profit. Aussi, plutôt que d'ac­ cepter les propositions dont Julius est CANDY MOUNTAIN porteur, Silk accepte celles de la Ja­ États-Unis, 1987. Ré.: Robert Frank, Rudy Wurlitzer ponaise: une pension à vie contre See.: Rudy Wurlitzer. Pho.: Pio Corradi. Mon.: Jen­ douze guitares traditionnelles et la nifer Auge. Mus.: Dr John, David Johansen, Arto Lindsay, Leon Redbone, Joe Strummer et autres. promesse de détruire les autres et Int.: Kevin O'Connor, Harris Yulin, Tom Waits, Bulle de ne plus jamais en fabriquer. Ogier. 90 minutes, couleur. Dist.: Cinéma Plus. 31 SIERRA LEONE

red dans Sierra Leone de Uwe Rien ne retient donc Fred «chez lui», la nuit, et comme sans y penser à Schrader (dont on a vu au pré­ certainement pas l'hôtel minable où lever le bras et le premier camion qui F cédent Festival du nouveau ci­ il a loué une chambre, ni les charmes s'arrête, à y monter tandis que du néma le premier long métrage, Kana- d'Alma, la femme de chambre, qui même endroit de l'autre côté de la kerbraut), comme Billy dans Patti n'en est pas avare, sur ordre du pa­ route nous allons voir, le camion re­ Rocks, est un prolétaire. Les héros tron, pour les clients. Et comme il parti, derrière les vitres du café Aima des «road movies» sont pour la plu­ s'est acheté une voiture d'occasion, apparaître, échanger quelques mots part des ouvriers, des chômeurs, comme le siège de la compagnie pour avec le vieillard qui tient le bar puis dans les années trente des agricul­ le compte de laquelle il a travaillé en ressortir rassurée par la porte du fond teurs dépossédés de leur terre. Des Sierra Leone est dans une autre ville, vers la chambre. hommes en transit, nomadises par les il part. Rien non plus ne retenait Aima, Curieusement avec tout cela Sierra circonstances, hommes des confins, et elle part avec lui. Leone n'est pas un film déprimant, des terrains vagues, des gares de On a donc affaire ici à une variation c'est un film lourd et plein, imprégné marchandises, des entrepôts désaf­ sur le «road movie»: le héros est un de l'atmosphère des banlieues ou­ fectés, de ces zones indistinctes à la homme mûr, son «éducation» n'est vrières, des hôtels de passe, des ca­ lisière des villes qui mènent aux plus à faire, il est assuré dans son fés minables; l'acier, le ciment, le tra­ plaines vides, aux étendues sans comportement, sûr de ses aptitudes; vail, le bruit, la vie machinale pèsent; bornes que traverse la route — des il n'est plus à la recherche de son les couleur désassorties des papiers hommes parfois au bout de leur route, identité, — il sait, comme il dit, «quelle peints, des tentures, des couvre-lits, comme Doc dans Doc's Kingdom de gueule il a»; plus qu'à Gil Bias ou à les plis des vêtements et des draps Robert Kramer cet après-«road mo­ Wilhelm Meister, il ressemble à investissent l'œil, la présence des vie». Ulysse revenant à Ithaque, mais c'est lieux, des objets et des corps filmés Fred, lui, a quitté l'usine, sa ville, sa pour repartir; Thomas Wolfe, roman­ de près est forte, palpable; l'haleine femme; trois ans il a été chef de chan­ cier de la route avant Kerouac, disait aigre du ressentiment, l'appel muet tier en Sierra Leone; chaque mois il déjà: «Lock homeward Angel», puis de certains visages, de certains re­ envoyait un mandat, pour qu'elle paie «You can't go home again». Il n'y a gards atteint au vif. Fred (Christian ses traites, sans explication. Au début pas de retour, pas de port, seulement Redl) marque le film par sa carrure, du film il revient, avec de l'argent, la route. Et si d'abord Fred la prend ses silences, une espèce d'entête­ sans trop savoir ce qu'il attend, ce en voiture, s'il accepte — par indiffé­ ment massif; Alma (Ann Gisel Glass), qui l'attend. Sa femme, la première rence, ou avec quel espoir malgré sa compagne provisoire, à l'inverse, personne qu'il va voir, lui signifie sans tout? — qu'Aima l'accompagne, la lo­ le troue du passage de sa silhouette équivoque qu'il n'est pas question de gique de son histoire l'amène, dans mince, de son absence: la vraie pas­ reprendre la vie commune: «Tu ne la très belle séquence qui clôt le film, sante, la vraie nomade, égarée, ma­ t'imagines tout de même pas que je à faire quelques pas seul sur la route riée à la route, mais protégée peut- t'ai attendu!» Il revoit une ancienne devant l'hôtel où Aima et lui ont passé être, c'est elle. maîtresse, constate qu'ils ont encore le même goût l'un de l'autre — affaire de peau — mais elle vit maintenant avec un ouvrier de l'usine, qui lui assure une stabilité, une certaine sé­ curité. Fred est-il prêt à en faire au­ tant? m^\\\W'^.^k\\\\\\W\ m HHkv sMbf- ^vLjjijjjjvf^LMI Ê L^kaJsBsl Br t^lTi. -m» ^TIÉBBI Il revoit au vestiaire de l'usine ses anciens compagnons de travail qui l'emmènent au café; mais malgré les • S ^ IL.» * bourrades amicales, les plaisanteries, les bières, l'atmosphère n'est plus la même, elle s'est aigrie: moins de Éviter V J contrats, de l'inquiétude pour l'emploi qui se traduit en remarques racistes BF^'-**-'*' Jn&mMa*W?\. 1 sur les travailleurs immigrés.

•M. eamm * mVm ••M

% •L\ V J ^^^««*W ^F^"^ x -w Nr~ ^^r ^*^- •WV^B

Christian Redl et Ann Gisel Glass dans Sierra Leone

SIERRA LEONE R.F.A. 1987. Ré. et scé.: Uwe Schrader. Pho. et Mon.: Klaus Muller-Laue Int.: Christian Redl, Ann Gisel Glass, Rita Russek, Constance Engelbrecht. 92 minutes, couleur.

32 PATTI ROCKS

1 1 1 iw JÉ^feMsV 1 1 ^ r \k4 ^pl jHHk pour l'auto-destruction. Mais avec leur arrivée chez Patti, le «road movie» se termine; Patti, par sa présence, renverse la perspective skiV^M et rétablit la primauté du monde réel. Devant une bière dans un bistrot de La routiers, au volant de sa voiture, dans l'univers du «road movie», Billy peut bien jouer les gros bras, Patti le ra­ k 1 mène sur terre, fait apparaître ses ro­ domontades pour ce qu'elles sont. mrÂM Billy devant elle est tout petit garçon, tandis qu'à Eddy elle donne une •JPTJ chance de retrouver son humanité.

LVi r^^ >>.-•.

John Jenkins et Chris Mulkey dans Petti Rocks

illy et Eddy, les deux person­ sur le véhicule dans lequel on le par­ nages principaux de Patti court, sur la situation très particulière BRocks avec Patti elle-même, dans laquelle se trouvent deux indivi­ qui n'apparaît que dans la deuxième dus enfermés dans une voiture, rap­ partie du film, se connaissent depuis prochés par la nuit et par le déroule­ douze ans et plus, puisqu'ils étaient ment monotone de la route. On peut déjà les personnages principaux du tout se dire, et de fait le dialogue premier long métrage de David Burton entre Billy et Eddy pendant le trajet Morris, Loose Ends (1975). Au début qui les mène vers Patti, le monologue du film, Billy convainc Eddy de venir de Billy plutôt, nourri par un flot de avec lui expliquer à Patti, sa maî­ bière, charrie les vantardises, les dé­ tresse enceinte, qu'il est marié et nonciations misogynes, les profes­ qu'elle ne peut garder l'enfant. On sions de foi phallocrates. Billy est un est au Minnesota, c'est l'hiver, ils ont de ces grands Américains sportifs qui cinq bonnes heures de route à faire. ont tendance à devenir gras et mous «Comme le «covered wagon» de la avec la trentaine, et à se vanter d'ex­ ruée vers l'Ouest, l'automobile est le ploits sexuels vrais ou imaginaires véhicule du rêve américain. Quand pour cacher, et se cacher leurs deux personnages y font un long tra­ échecs. jet, leurs mécanismes de défense Il forme avec Eddy, son complice hon­ s'en trouvent peu à peu neutralisés, teux, un couple d'opposés complé­ Karen Landry dans Patti Rocks et elle devient une sorte de confes­ mentaires et conflictuels; l'un pour sionnal mobile: ce qui se dit là est l'autre Don Juan et Sganarelle, Don souvent intense, émouvant, dégueu­ Quichotte et Sancho Pança, acteur, PATTI ROCKS lasse, révoltant, à la fois dur et vrai». spectateur et spectacle, ils sont liés Étals-Unis, 1987. Scé.: David Burton Morris. Scé.: David Burton Morris, Chris Mulkey, John Jenkins, Cet extrait des «Notes de production» par le besoin de dominer de Billy, le Karen Landry. Pho. et mon.: Gregory M. Cummings. indique bien que dans Patti Rocks sentiment de supériorité d'Eddy, leur Mu Doug Maynard. Int.: Chris Mulkey, John Jen­ l'accent porte moins sur l'espace que commun mépris de soi, leur penchant kins, Karen Landry. 86 minutes, couleur.

33 DOC'S KINGDOM Dock's Kingdom: un après «road movie» u premier degré, Doc's King­ En ce sens, Doc's Kingdom est dom est tout le contraire d'un moins le contraire d'un «road movie» A «road movie», puisque le per­ qu'un après «road movie» (par le fait sonnage principal ,Doc, semble s'être même qu'il est fondé sur la possibilité échoué à cette «extrémité de l'Eu­ de prendre la route, le «road movie» rope» qui n'est pas autrement nom­ postule l'existence d'un bout-de-la- mée dans le film et qui est le Portugal, route et l'éventualité que le héros que ses déplacements sont limités au meure, comme dans Sans toit ni loi, trajet à pied entre son domicile, une au bord de la route). espèce d'entrepôt sur le quai du port De fait, Robert Kramer est en train industriel (mais l'on reconnaît là un de tourner une suite à Doc's King­ «lieu» de «road movie»), et l'hôpital dom dans laquelle Doc, de retour aux où il exerce, qu'il est malade, que États-Unis — il n'est donc pas mort sans doute il va mourir. Arrivé au bout du choléra au Portugal — entreprend du monde et au bout du rouleau, Doc un périple qui le mène de Nouvelle- ne peut aller plus loin, alors que le Angleterre au Sud, bouclant ainsi la «road movie» est fondé sur la possibi­ boucle qui l'a conduit dans les lité toujours présente de prendre la années 70, après l'échec (ou le reflux) route, poussé par derrière ou tiré par du mouvement contestataire dont ii devant, sur le déplacement comme avait été un des acteurs, à faire des mode de vie. études de médecine et à quitter DOC'S KINGDOM Mais c'est un homme qui a été, de l'Amérique pour le tiers-monde; Doc's États-Unis, 1987. Ré.: Robert Kramer. Scé.: Robert toute évidence, un errant, un homme Kingdom n'aura été qu'une halte Kramer. Pho.: Robert Mahover Mon.: Sandrine Ca- dans le long «road movie» de la vie vafian. Mus.: Barre Philips. Int.: Paul Mclsaac, Vin­ de la route, et qui trimballe encore cent Gallo, Joao César Monteiro, Ruy Furtado. 90 toutes ses affaires dans une serviette. de Doc, et dans celle de son auteur. minutes, couleur. Dist.:

un homme seul relayé par un homme plus âgé (Candy Mountain), un homme et une femme (The Sugarland Express, Pierrot le fou), une femme seule (Sans toit ni loi), deux femmes (Messidor), un homme seul auquel se joint un enfant, fille (Alice dans les villes) ou garçon (Paris, Texas) etc. Capable d'essaimer de l'Amérique de ses origines (Patti Rocks), via la coproduction (Candy Mountain), vers le sud du conti­ nent (Iracema) et l'Europe: allemand en Allemagne (Au fil du temps, Sierra Leo­ ne), allemand en Amérique (Alice dans les villes, Paris, Texas), suisse (Messi­ dor), italien (La strada. Il bldone, Vermis- sat), français (Sans toit ni loi) et même... Sandrine Bonnaire dans Sans toit ni loi de Agnès Varda: l'errance au féminin taïwanais aux États-Unis (Just Like Wea­ ther), sans oublier les exemples québé­ cois, du Retour de l'immaculée concep­ Universalité des «road movies» domicile, du statut familial, déracinement. tion, à Ti-Cul Tougas et Contrecœur... • L'autre est intrinsèque, c'est la souplesse NOTES Lié aux conditions et à l'évolution histo­ et l'adaptabilité du genre, qui lui permet­ riques particulières de I'«expérience» amé­ tent d'être à la fois une forme, une struc­ ricaine, le «road movie» n'en rejoint pas (') Rudy Wurlitzer, écrivain, scénariste, entre ture d'accueil, et un symptôme; de mainte­ autres, de Two-lane Black-Top (), moins l'universel dans sa structure — le nir le lien avec son origine et de procéder Pat Garrett and Billy the kid () et voyage, l'itinéraire — dans sa thématique à sa propre critique, sa propre subversion; de deux autres films coréalisés avec Robert Frank, — opposition culture/nature et aspiration Keep Busy (1975) et Energy and How to Get It de rejoindre, sans se diluer totalement, le (1981). utopique à la liberté et au paradis sur la thème plus général de l'errance; de perdre terre — et dans ses ressorts narratifs — certaines de ses caractéristiques (destina­ Robert Frank, né en Suisse en 1924, établi à New les rencontres. York en 1947, photographe mondialement connu, tion, itinéraire...) sans se dénaturer. Il se nombreuses publications ('Les Américains», 1959) Sa vitalité et son expansion géographique montre capable aussi d'élargir son «per­ et expositions, dont deux à Montréal (1977 & rétros­ récentes, attestées par les films dont il a sonnel» à des personnages plus âgés (et pective à l'ONF, 1978), réalisateur d'une douzaine été question ci-dessus entre autres, tien­ à leurs animaux) (Harry and Tonto) aux de films dont le premier, Pull my Daisy (1959), est un classique du cinéma indépendant et un who's nent sans doute à deux facteurs; l'un est femmes (The Sugarland Express, Sans who du mouvement «beat». Il y a quelques années, extrinsèque, c'est la standardisation des toit ni loi, Messidor), à un punk rocker Frank a quitté New York qu'il trouvait «dur, impi­ modes de vie dans les pays industrialisés, new-yorkais (Candy Mountain), et de par­ toyable», pour la Nouvelle-Ecosse; il a enseigné au leur alignement, relatif et superficiel mais courir toute la gamme des combinaisons, Nova Scotia College of art and design et possède, comme Wurlitzer, une maison au Cap-Breton. Ceci spectaculaire, sur le modèle américain: additions et substitutions: deux hommes explique que Candy Mountain soit une coproduc­ économie dominée par l'industrie automo­ (Midnight Cowboy, Scarecrow, Patti tion franco-canado-suisse et que Tantoo Cardinal bile et ses dérivés, autoroutes, restoroutes, Rocks, Au fil du temps), un homme seul (Loyalties), Jayne Eastwood (One Man) et Bulle stations-service, instabilité de l'emploi, du à qui se joint une femme (Sierra Leone), Ogier fassent partie de la distribution. 34