ANNALES S0C1ÉTÉ f r a k, çasse ds MaUcolog¡£

SCIENCES NATURELLES 55' RUE ßUFFON P Á R j S - 5 6 ZOOLOGIE ET BIOLOGIE ANIMALE

E XT FIA. I T

CONTRIBUTION A L’ETUDE DES METAMORPHOSES CHEZ LES

Par Jean TARDY

(Laboratoire de Zoologie, Faculté des Sciences, 40, avenue du Recteur-Pineau, 86-Poitiers.)

1 2 e S érie — T om e X I I — Fascicule 3 — 1 9 7 0

MASSON & Cie, ÉDITEURS 120. BOULEVARD SAINT-GERMAIN. PARIS (VI*)

Annales des Sciences Naturelles, Zoologie, Paris. 2441 5 12e Série, Tome XII, 1970, pp. 299-370.

Vlaams Instituut voor de Zee CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES CHEZ LES NUDIBRANCHES(1)

Par Jean TARDY (2) (Laboratoire de Zoologie, Faculté des Sciences, hO, avenue du Recteur-Pineau, 86-Poitiers.)

ABSTRACT

Contribution to the study of the metamorphosis in Nudi- branches. A careful study of the organogenesis ofÆolidiella alderi has been made. Other unknown ontogenic cases have been observed and compared with. Normal and teratological organogenesis, comparative anatomy lead to a discussion which particularly concerns phylogeny of Nudibranches.

RÉSUMÉ

A. — Le développement complet d’Aeolidiella, alderi étudié in vivo et à l’aide de coupes histologiques montre plus spéciale­ ment : I o La formation du système nerveux. 2" La torsion de 180°. 3° La réflexion du bourrelet palléal donnant le tégument dorsal et les papilles. 4° La réalisation de l’aspect limaciforme excluant toute possi­ bilité de détorsion. 5° La grande similitude d’organisation des véligères 1 des Nudibranches dont les œufs sont riches en vitellus.

(1) Ce mémoire constitue la deuxième partie, dans sa version intégrale, d’une thèse de doctorat d’Etat (Sciences naturelles), C.N.R.S. n° 3287. (2) Avec la collaboration technique de Mmc C h e v a l i e r et MIle C h o p i n (C.N.R.S.). Je tiens à rendre hommage à l’ensemble du personnel du Laboratoire qui m’a rendu de multiples services au cours de ce travail. 300 JEAN TARDY

B. — Comparaison avec les autres types de métamorphoses des Nudibranches : I o Aeolidiacea 7 à véligères planctotrophes : des véligères de Facelina coronata et d’une espèce indéterminée, à la métamor­ phose, montrent que la coquille croît de plus d’un tour durant leur vie pélagique. 2° Aeolidiacea 2. Chez toutes les véligères la portion du man­ teau qui délimite la cavité palléale a disparu à l’éclosion. La coquille larvaire ne peut donc croître pendant la phase péla­ gique. Le et les papilles naissent du plancher et des côtés de la cavité palléale. Les Aeolidiacea 2 sont plus évolués et la phase pélagique est plus courte que chez les Aeolidiacea i. 3° Pleurobranchacea : La morphogenèse deBerthella plumula est très semblable à celle observée chez les Nudibranches 1. C. — La discussion porte principalement sur : I o La torsion et sa signification adaptative. 2° La chronologie des processus de métamorphoses. 3° La tératologie, la morphogenèse naturelle et expérimentale chez les Nudibranches. 4" Le système nerveux. 5° Les conclusions phylogénétiques générales; l’évolution au sein des Nudibranches a) : à partir de l’embryologie et b) de la tératologie et de l’anatomie comparée : les observations abou­ tissent à considérer les Nudibranches comme constituant un ordre naturel clairement défini.

SUMMARY

All the life history of the sea-slug Æolidiella alderi has been observed. The embryology, the metamorphosis and the post- larval development have been studied in detail from life and with the help of seriated and orientated histological sections of various stages from the gastrula to the adult.

A. — This study shows especially : — Firstly, the structure of the nervous system and its evo­ lution. — Secondly, the reality of a 180° torsion. — Thirdly, in the inner part of the palliai fold a cellular proliferation arises, covering the visceral mass backward to give the definitive tegument and papillæ. — Fourthly, the realisation of a lengthened form, with a flat visceral mass closely linked with the cephalopodium shows the impossibility of an apparent complete detorsion as it is proved by normal and teratologic comparative morphogenesis. — Fifthly, the great similitarity of organisation in veligers with a protoconch of type I in , Dendronotacea and Æolidiacea which contain a large amount of yolk in their eggs. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES

B. — Comparison with the other kinds of metamorphosis in Nudibranches : I o Æolidiacea. I with planctotroph veligers. Some veligers crowling on their suitable prey have been obser­ ved just before they cast off their protoconch. These larval stages, which appeared to be those of Facelina coronata and of an undetermined , show that the shell grows more than one turn of spire during their pelagic life. This last period is longer than that of veligers from Æolidiacea 2. 2° Æolidiacea 2 (with veligers of type 2 protoconch). In this case, however they are planctotrophic or lecithotrophic veligers, the part of the mantle fold which delimits the palliai cavity withdraws at hatching. So, the larval shell cannot enlarge during the pelagic phase. The notum and dorsal papil­ lae arise from the floor and the lateral parts of the mantle cavity. Æolidiacea 2 are more evolved and the pelagic stage is shorter than inÆolidiacea I. 3° Pleurobranchacea : Morphogenesis in Berthella plumula is more progressive than in unshelled Nudibranches. It arises according a very similar process to the one observed in Nudi­ branches I.

C. — The discussion lies on : I o Torsion and its adaptative significance, 2° Chronology of metamorphosis process, 3° Teratology, natural and experimental morphogenesis in Nudibranches, 4° Nervous system (There is a true brain), 5° General phylogenetic conclusions; evolution within Nudi­ branches : a) From embryology : an early cleavage appears between Doridacea and other Nudibranches, but another one separates Nudibranches I and 2. These last ones would be more evolved. However, the Æolidiacea are probably not polyphyletic. b) From teratology and comparative anatomy : these facts show that branchiae is a true ctenidium inDoridacea, where all the steps from Pleurobranchacea to the most evolved Dori­ dacea can be found. We propose the sub-orderEuctenidiacea for the whole family Doridacea, which is opposed to the n. s/o Actenidiacea, covering all the other Nudibranches with secon­ dary or no branchial apparatus and a lateral anus. The Actenidiacea include the new superfamily Pseudoeucte­ nidiacea (for the genus Doridoxa which is not a Doridacea), and superfamilies Dendronotacea, Arminacea and Æolidiacea. The Nudibranches (includingPleurobranchacea) constitute a homogeneous whole from the evolutive point of view, and a clearly definite and natural order. 302 JEAN TARDY

SOMMAIRE

R é s u m é ...... 9 29

S u m m a r y ...... 300

I ntroduction ...... 30 3

I. M o y e n s e t m é t h o d e s ...... 305

II. O n t o g e n è s e d ’Æ o l i d i e l l a a l d e r i (à 19-21° C)...... 30 7

1 . Clivage et gastrulation ...... 30 7 2 . Evolution de l’embryon jusqu’à la mise en place des ébauchesoculaires.... 30 7 Stornodeum; vélum; pied; glande coquillière, manteau et bourrelet palléal; opercule; cellules anales; mésentéron; intestin; statocystes; « vésicules pulsátiles »; appareils excréteurs; muscles rétracteurs larvaires; tache violette; ganglions cérébro-pleuraux; ganglions buccaux; ganglions pédieux; commissures, connectifs et plaque sincipitale; ébauches oculaires. 3. Evolution de la véligère jusqu’à réversion complète du bourrelet palléal.... 316 Ganglions céphalo-pédieux; commissure viscérale; bulbe radulaire et arma­ ture buccale; mésentéron; intestin; cellules anales; protoconque; oper­ cule; « vésicules pulsátiles » ; canal réno-péricardique et cœur définitif; appareil excréteur; vélum; pied; gonade; manteau, formation de la cavité palléale; éversion; conséquences de Réversion : perte de la proto­ conque, position des orifices. 4 . Evolution jusqu’au stade pseudovermis ...... 3 2 3 Evolution morphologique : Achèvement du recouvrement de la masse viscérale par le tégument définitif et allongement. Conséquences de l’allongement : détorsion et réduction de la flexion ventrale; effacement de la masse viscérale; changements de position de certains organes. Evolution anatomique : Système nerveux : cérébralisation, télencéphalisa- tion; formation des ganglions rhinophoriens; innervation des palpes; ganglions pédieux; tube digestif : bulbe radulaire et glandes annexes; estomac et glandes digestives; vélum; rein; « vésicules pulsátiles »; cœur définitif; ébauche génitale; pied. 5 . Evolution ultérieure ...... 3 3 3 Evolution morphologique : et palpes; apparition des papilles; formation des rangées. Evolution anatomique: Tube digestif; appareil excréteur; appareil circu­ latoire; appareil génital.

III. Comparaison avec les autres types de métamorphoses chezles nudibranches. . 3 3 6 1. Etude des métamorphoses chez les AZolidiens i àvéligères planctotrophes. . . . 3 3 6 Facelina coronata et Æolis sp. 2 . Etude des métamorphoses chez les Æolidiens 2...... 3 39 Tenellia ventilabrum, Amphorina doriæ, Amphorina cingulata, Tergipes despectus. 3 . Métamorphoses chez les Pleurobranchacea ...... 3 40 Berthella plumula.

IV. Discussion ...... 3 4 2 1. Torsion. Signification adaptative de la torsion...... 3 42 2 . Chronologie des processus de métamorphose ...... 3-16 3 . Tétralogie et morphogenèse, morphogenèse expérimentale chez les Nudi­ branches ...... 3 48 4 . Système nerveux ...... 3 5 3 5 . Conclusions phylogénéliques générales : évolution chez les Nudibranches... 3 5 6 a) Conclusions tirées de l’embryologie...... 3 5 6 b) Conclusions tirées de la tératologie et de l’anatomiecomparée ...... 3 5 9

Bibliographie ...... 3 6 5 MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 303

INTRODUCTION

Chez les Nudibranches, la morphogenèse conduit à des organismes lima- ciformes — avec une apparence de symétrie bilatérale — qui s’écartent fortement du type fondamental des Gastéropodes à masse viscérale abritée dans une coquille univalve, hélicoïdale. Si l’œuf donne très généralement naissance à une larve véligcre classique, à protoconque bien développée, dans laquelle l’ peut en général se rétracter entièrement, l’oper­ cule obturant le péristome, l’adulte est totalement dépourvu de test protecteur. La transformation de véligère en adulte est en effet une véritable méta­ morphose nécessitant des remaniements profonds et complexes de l’orga­ nisme. Comment s’effectue cette métamorphose, à quel moment, sous quelles conditions ? Peu de réponses ont été fournies à ces questions, la quasi-totalité des observations rapportées sont fragmentaires, la majorité d’entre elles con­ signent seulement les premiers processus jusqu’à l’éclosion. Citons les travaux de Trínchese (1881), qui donnent de bonnes figures de véligères d’Æolidiens; Pelseneer (1911), qui a décrit jusqu’à l’éclosion le développe­ ment de divers Nudibranches et dans le cas exceptionnel du Sacog'losse Coenia cocksi, la métamorphose complète. Avant eux, de Nordm ann (1846) avait figuré quelques étapes de ce phénomène chez l’ÆolidienTergipes edwardsii, tandis que Fischer H. (1892) en décrivait quelques-unes pour Æolis exigua ( = Amphorina ?). Le premier, Tchang Si (1931) décrit som ­ mairement le développement d’unDoridacea : Dendrodoris limbata. Ras­ mussen (1944) a suivi le cycle complet de l’ÆolidienEmbletonia pallida ( = Tenellia ventilabrum). Thorson (1946), dans un remarquable ouvrage, a donné des dessins de nombreux stades larvaires d’invertébrés benthiques marins, malheureusement aucun Nudibranche déterminé ne figure parmi eux. Ensuite, Vannuci et Hosoe (1953) décrivirent succinctement la méta­ morphose d'Embletonia mediterranea. On doit à Gohar et Abul-Ela (1957) l’unique description de ces phénomènes chez un Pleurobranchidæ,Berthel­ lina citrina : ce cas est extrêmement intéressant et montre les différentes voies morphogénétiques conduisant à l’adulte chez les Nudibranches (1). Il faut attendre les travaux de Thom pson (1958, 1962 et 1967) pour con­ naître le cycle complet de deux Doridiens,( Adalaria proxima et Cadlina lævis) et d’un Tritonien(Tritonia hombergi) . Le premier, il fait une étude anatomique sur coupe, apportant une remarquable contribution à l’ana- tomie comparée, à la compréhension de ces phénomènes et au comporte­ ment des larves chez les Nudibranches. C’est à l’heure actuelle, à ma con­ naissance, le seul travail qui ai été fait en ce sens. A peu près en même

(1) Nous suivrons clans les grandes lignes la classification de Boettger (1952). 304 JEAN TARDY temps, K. V. Rao (1961) donnait une description du cycle complet de Cuthona adyarensis et partiel (1960), pour Eolidina mannarensis , mais sans faire d’études histologiques des embryons. De même, Roginsky (1962), décri­ vait le cycle de Cuthona pustulata, et Schmekel (1966) celui de Trinchesia granosa. On peut encore citer les travaux de Hamatani (1960-1963), sur le développement jusqu’à l’éclosion de différents Nudibranches du Japon et même, pour Dermatobranchus, les premiers stades benthiques; l’intéres­ sant essai de Hadüeld (1963), sur l’élevage de diverses larves de ces mêmes Mollusques; enfin, l’étude des pontes et des véligères d’une trentaine d’Opis- tobranches du nord-est du Pacifique par A. Hurst (1967). De cette énumé­ ration, retenons que les travaux sur ce sujet sont rares et pour la plupart récents; d’autre part, que les seules études satisfaisantes pour nos préoc­ cupations sont celles de Thompson sur unDendronotacea prim itif (Trito­ nia) et sur deux Doridacea (Adalaria et Cadlina). Rien de semblable n’a été fait chez les Æolidacea, justifiant l’orientation de ce travail. Pourquoi de telles lacunes dans ce domaine, alors que leurs proches parents, les Prosobranches et Pulmonés, ont depuis longtemps fait l’objet de nombreuses recherches et sont assez bien connus ? De nombreuses raisons pourraient être invoquées, parmi lesquelles il faut retenir la rareté ou la sporadicité de la plupart des espèces et le mode de reproduction larvaire. En effet, la très grande majorité d’entre elles (1) pondent des œufs très pauvres en réserves nutritives; par suite, la véligère qui éclôt n’est pas prête à se métamorphoser. Le plus souvent, elle a un pied très réduit et n’a pas d’yeux apparents; elle tournoie en pleine eau grâce à son vélum cilié. En effet, elle va mener une existence pélagique longue, se nourrissant de micro-organismes (surtout d’algues unicellulaires) qui lui permettront de se développer et d’emmagasiner peu à peu l’énergie nécessaire à la méta­ morphose. Cette phase planctonique et trophique, nécessaire à la majorité des espèces, n’a jamais pu être menée à terme en élevage, à ma connaissance, chez aucun Nudibranche, malgré les gros moyens mis en œuvre par de puissantes stations maritimes. Je n’ai donc pas tenté d’aborder ce pro­ blème de front, n’ayant à ma disposition qu’un aquarium marin en circuit fermé dans notre laboratoire situé à 150 km de la mer. Aussi ai-je recherché parmi les Æolidiens s’il existait des espèces possédant suffisam­ ment de réserves nutritives pour permettre de suivre tout leur cycle sans phase pélagique prolongée (comme c’est le cas pour Adalaria proxima et Tritonia hombergi). Pour quelques espèces à larves pélagiques, j’ai essayé d’obtenir les premiers stades benthiques afin d’avoir une idée plus géné­ rale de ces phénomènes, de leur conditionnement et du cycle de quelques- unes d’entre elles. L’induction des métamorphoses, le comportement ali­ mentaire ont été étudiés et feront l’objet d’un autre mémoire.

(1) 95 C,c des Nudibranches que j’ai pu récolter sur les côtes du Bas-Poitou. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 305

I. — MOYENS ET MÉTHODES

AQUARIUM

Nous possédons au laboratoire un aquarium marin en circuit fermé (1), dans lequel circulent environ 900 litres d’eau de mer naturelle, renouvelée partiellement de temps à autre (2). 11 est situé au sous-sol où les variations de température n’excèdent jamais 4 degrés entre l’hiver et l’été, s’étageant entre 18 et 22° C. La lumière naturelle, faible, est complétée par une rampe de tubes néon branchée sur une minuterie donnant un éclairage constant de 9 heures à 19 heures; pH et salinité sont vérifiés régulièrement et corrigés si nécessaire, le premier par addition de carbonate de chaux ou de débris coquilliers, la seconde par addition d’eau de pluie filtrée. Le bac de charge, situé à 2,50 m au-dessus des rampes de distribution, donne par simple gravité un courant d’eau sous une pression suffisante pour produire une oxygénation, très satisfaisante par entraînement de fines bulles d’air dans l’eau de chaque bac. Celle-ci, évacuée au travers des crépines vers le collecteur, se déverse dans un filtre, puis dans une cuve où elle est reprise par la pompe actionnée par un flotteur situé à la surface du bac de mise en charge. Cet aquarium est complété, pour les animaux de très petite taille ou pour des individus en expérience, par de petits bacs contenant de l’eau stagnante, renouvelée chaque fois que cela s’avère nécessaire, avec ou sans aération. Celle-ci est alors produite par de l’air comprimé grâce au compresseur du laboratoire ou à de petites pompes électri­ ques à cylindres oscillants. L’air est distribué par des robinets dont le débit est réglable avec une grande précision et insufflé au travers de plaques de verre fritté donnant des bulles très fines. Cet ensemble de dispositifs nous a donné entière satisfaction. Le grand aquarium nous a permis de stocker de grandes quantités de matériel dans des bacs de forte capacité (en particulier les Cnidaires, nourriture des Æolidiens) ; d’autres, plus petits, servant à l’élevage et nous permettant de mener à bien diverses expériences. Cependant, les bacs isolés sans circulation d’eau, avec ou sans aération, se sont avérés très pratiques pour l’expérimentation. Ce fut, d’autre part, une grande sécurité pour conserver des souches d’élevage lorsque se sont produites des épidémies tuant tous les Æolidiens vivant dans l’aquarium en circuit fermé et contaminant les Actinies quis’y trouvaient. Depuis 1967, un deuxième aquarium en circuit fermé, de conception différente, com­ portant deux parties indépendantes thermostatées et à programmation lumineuse variable, est venu compléter notre matériel d’élevage (3).

TECHNIQUES

Les dessins des stades embryonnaires ont tous été faits à main levée d’après les individus vivants, non anesthésiés, à partir de nombreux croquis, parfois à partir d’em­ bryons fixés (pour les très jeunes stades). Les microphotographies ont été prises aux photomicroscopes Wild et Zeiss, les macrophotographies avec un Exacta à chambre à soufflet ou tubes rallonge et objectif Pancolar 2/50 à présélection automatique. Il est à noter que chez toutes les espèces dont j ’ai pu suivre le cycle, en plus du liquide albumineux limpide qui baigne l’embryon, les réserves nutritives sont très

(1) Offert par le C.N.R.S., monté avec M. le Professeur d e LARAMBEnGUE, réalisé par notre technicien du plastique M.B a u d u . (2) L’eau de mer provient surtout d’Arcachon, envoyée par bonbonnes grâce au soin du Personnel de laStation biologique; qu’il en soit ici remercié. (3) R éalisé p a r M. R. Coûtant (Saintes). 306 JEAN TARDY abondantes. L’embryon en est alors rempli jusqu’à des stades fort avancés de son déve­ loppement : c’est dans le mésentéron qu’il persiste en dernier. A tous les stades de l’ontogenèse, le vitellus se présente sous forme de globules de faible diamètre, extrême­ ment denses et réfringents, répartis dans tous les tissus. Ils rendent l’observation des processus internes quasi impossible sur le vivant et même sur les embryons fixés, éclaircis, colorés ou non, par suite de la diffraction qu’ils provoquent. D’autre part, ils deviennent très durs sous l’action des fixateurs classiques rendant la confection des coupes très difficile, même après fixation spéciale et imprégnation à la celluloïdine. Enfin, ils sont très chromophiles, prenant fortement l’azocarmin, l’orange G, l’hémalun, etc. Par suite, pour les coupes histologiques, j’ai utilisé différents fixateurs suivant que l’animal à inclure contenait ou non du vitellus. Lorsqu’il ne contenait pas ou que peu de vitellus, le Bouin aqueux et le Bouin alcoo­ lique, le formol salé sont excellents aussi bien à froid qu’à chaud. Cependant il est nécessaire, pour conserver la forme de la protoconque, d’employer des fixateurs sans acide, le sublimé alcoolique donne alors les meilleurs résultats. C’est à chaud que les fixateurs ont été le plus couramment utilisés, sans avoir recours à aucune anesthésie. L’eau de mer que contenait le godet était absorbée à la pipette de manière à en laisser juste assez pour que les larves n’aient pas leurs mouvements gênés. Le fixateur chauffé au bain-marie était alors brusquement versé dessus. La fixation, presque instantanée, conservait assez exactement la forme de l’animal vivant sans rétraction trop grande. Dans le cas des embryons et larves contenant encore beaucoup de réserves nutritives, les fixateurs classiques ne conviennent pas, car ces réserves deviennent très friables, cas­ santes et empêchent la confection de bonnes coupes qu’elles déchirent. Dans ce cas j’ai adapté la méthode de Fraser à des organismes marins : les embrjmns, débarrassés de la coquille ovigère, sont transportés à la pipette dans une solution de liquide de Carriker dans de l’eau de mer où ils séjournent quelques minutes. Le fixateur est le liquide de Kahle où l’eau distillée est remplacée par de l’eau de mer. Il a été employé, selon les besoins, à froid ou à chaud. Dans ces conditions, les coupes se font beaucoup mieux. La grosse difficulté est l’extraction des embry'ons, surtout lorsqu’ils sont jeunes : la technique imaginée pour effectuer cette opération est la suivante : les œufs sont aspirés par une pipette dont le diamètre interne est inférieur à celui de la coque de l’œuf, mais supérieur à celui de l’embryon. De cette façon, la coque se déforme et s’allonge sans que ce dernier soit maltraité. L’œuf est maintenu à l’entrée de la pipette; avec des minuties on perce cette coque et l’on extrait ensuite l’embryon. Cependant, les tissus sont d’une extrême fragilité et bien souvent l’embryon éclate. Leur petitesse (100-300 p) et celle des œufs (180 à 450 p environ) rendent ces opérations très délicates et décevantes. Lorsque la véligère a acquis ses yeux, la coque de l’œuf est moins rigide et plus facile à percer; d’autre part, la larve est beaucoup moins fragile : cette méthode donne moins de déchets que pour les stades antérieurs. Pour comprendre et interpréter les processus ontogéniques, il a été nécessaire de confectionner des coupes sériées d’embryons à orientation connue. C’est la méthode de Chatton (inclusion mixte gélose-paraffine) qui a été utilisée. Parfois, l’imprégnation à la celluloïdine, lors de la déshydratation, s’est avérée utile même lorsque la méthode de Fraser était employée pour la fixation. Pour chaque stade, des coupes de 5 p d’épaisseur ont été effectuées dans les trois plans de l’espace ainsi définis : — coupes longitudinales : parallèles au plan de symétrie apparent; — coupes transversales : perpendiculaires au pied de l’animal et au plan de symé­ trie apparent; — coupes frontales : parallèles à la sole pédieuse de l’animal. Les colorations suivantes ont été employées : Azan et variante au rouge solide, parfois le trichrome Azorubine S — jaune de mars — vert solide, ainsi que la triple colo­ ration de Prenant (variante Gabe) à la trioxyhématéine ferrique, et surtout le Feulgen suivi de bleu de Heidenhain qui est la coloration de loin la plus satisfaisante. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 307

II. — ONTOGENÈSE D ’ÆOLIDIELLA ALDERI (à 19-21° C)

lo CLIVAGE ET GASTRULATION

La description de la ponte a été donnée par ailleurs, avec le cycle vital (Tardy, 1969 a). Les processus de clivage des œufs ressemblent étroitement à ceux décrits pour d’autres Nudibranches : Casteel (1904), Pelseneer (1911), Thompson (1958 a). Il est à noter que la forte proportion de réserves nutri­ tives provoque une différence de taille très importante entre macromères et micromères. Les premiers clivages, à peu près synchrones (1), ont lieu comme suit : stade 2 : 3 heures après la ponte; stade 4 : 7 heures après la ponte; stade8:11 heures. On aboutit à une morula typique des Spiralia le deuxième jour. Puis les quatre macromères sont recouverts petit à petit par les micromères aboutissant par des mouvements d’épibolie à une sterro- blastula dépourvue de blastocœle. Ce stade est atteint environ 3 jours après la ponte. L’embryon a tout d’abord la forme d’un petit disque déprimé du côté de la zone blastoporale bordée par les micromères au cours de leur mouvement d’épibolie; cette zone est large et peu profonde. Peu à peu, l’embryon reprend une forme plus ou moins sphérique, tandis que le blasto­ pore se rétrécit et s’approfondit.

2o ÉVOLUTION I)E L’EMBRYON JUSQU’A LA MISE EN PLACE DES ÉBAUCHES OCULAIRES

Stomodeum. — Finalement, vers le 5e jour, le blastopore se ferme complètement, mais l’invagination stomodéale apparaît rapidement à peu près au même endroit (6e jour). Elle s’enfonce en direction de l’endoderme dont les macromères forment un massif central. A 7 ou 8 jours, se forme l’invagination radulaire flanquée des premiers éléments mésodermiques qui donneront la musculature du bulbe buccal (fig. 2, A). L’œsophage est fortement cilié et aboutit dès le 8e jour dans le mésentéron.

Vélum. — Il apparaît sous forme d’un renflement annulaire transversal, en avant ou au niveau de la bouche où il est large et saillant. Il s’amincit sur les flancs et reste incomplètement fermé du côté dorsal. L’embryon est ainsi superficiellement divisé en deux zones, antérieure et postérieure, cette dernière nettement plus volumineuse. Peu à peu, le vélum tendra à se refermer, délimitant ainsi une aire sincipitale nettement plus restreinte que dans les stades précédents (comparerA et B avec C, D, E, F, fig. 1).

(1) Avec cependant une légère avance pour les premiers œufs pondus. 308 JEAN TARDY

Pied. — Il est réduit mais se développe rapidement et vers le 8e jour, il est déjà cilié; il forme une saillie ventrale bien visible en arrière du vélum (fig. 1).

Glande coquillière, manteau et bourrelet palléal. — Dorsalement et vers l’arrière, légèrement à gauche, apparaît vers le 5e-6e jour une invagination qui s’enfonce vers la gauche. Elle est tapissée de grandes cellules claires allongées : c’est la glande coquillière, bordée en surface, d’un bourrelet annulaire, le bourrelet palléal (fig. 1; 2, D). L’invagination, profonde et

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F i g . 1. — Morphologie externe de jeunes véligères de 7 jours (A etB), de 8 jours (C, D, E, F). Taille 280-300 p,; la ciliature n’a pas été représentée. A, vue ventrale; B, vue par le côté droit; C, vue dorsale; D, vue de face; E, vue par le côté droit; F, vue postéro-ventrale. c. a, cellules anales; g. c, glande coquillière; i. c, invagination cérébroïde;p, pied; st, stomodeum; v, vélum.

étroite au début, va s’aplatir et s’élargir rapidement, les cellules du bour­ relet palléal migrant vers l’avant, entraînant les cellules de la glande coquillière qui s’étendent à la surface de la masse viscérale pour former le manteau (fig. 3 et 4). En même temps, les cellules bordantes sécrètent la protoconque qui croît avec leur déplacement. En forme de simple calotte au début, elle a l’aspect d’une coupe vers le 10e jour. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 309

Opercule. — Il est très difficile à distinguer, surtout au début, chez l’embryon vivant. Par contre, il est toujours très net sur coupe dès le 8e jour (date approximative de son apparition), contrairement à la proto­ conque. Il prend en effet fortement l’azocarmin lors des colorations à l’azan.

Cellules anales. — Les cellules anales se repèrent aisément sur coupe dès le 6e jour, grâce à leur affinité tinctoriale : elles sont parmi les pre-

E

Fig. 2. — A, coupe parallèle au pied d’un embryon de 7 jours (la droite et la gauche sont inversées); B, coupe passant par l’axe d’une protonéphridie d’un embryon de 14- 15 jours; C, détail de cette protonéphridie;D, invagination coquillière d’un embryon de 6 jours en coupe frontale (l’invagination est dirigée vers la gauche de l’embryon) ; E, coupe parasagittale d’un embryon de 7 jours. Les coupesA et E montrent l’inva­ gination responsable de la formation des ganglions buccaux(i. b). b. p, bourrelet palléal; c. a, cellules anales; ép, épithélium; h, hémocœle; i. b, initiales des ganglions buccaux; i. p, initiales des ganglions pédieux;n, proto­ néphridie; o, otolithe; op, opercule; p, pied; st, statocyste; sto, stomodeum; v, vélum; v. p, vésicule pulsatile.

mières à résorber leur vitellus et se colorent en bleu par la technique de l’azan. In vivo, elles ne seront visibles que vers le 7° ou le 8e jour. Elles font saillie, légèrement à droite, en arrière du pied. Lorsque les réserves nutri­ tives sont colorées (le géniteur ayant avalé, par exemple, desDyadumene cincta ), les cellules anales se teintent en brun, facilitant grandement leur repérage sur le vivant. Leur position est importante car elle indique la place où s’ouvrira l’anus (fig. 1; 2, A; 3, A). ANN. SCI. NATURELLES, ZOOL., 12e S., T. XII, 1970. 21 310 JEAN TARDY

Mésentéron. — Pour le moment, il est impossible de distinguer estomac, ébauches des glandes digestives droite et gauche. Le mésentéron est formé d’énormes cellules bourrées de réserves; elles ne laissent pas le moindre espace libre et leur contour est le plus souvent invisible.

Intestin. — Il est visible sur coupes dès le 1" jour et semble se former à partir de l’endoderme dont les cellules se multiplient juste au-dessus des cellules anales, délimitant ainsi peu à peu le tube intestinal. Il est très court et descend du mésentéron d’où il part ventralement, légèrement à droite : la torsion est encore à peine esquissée (fig. 3, d). Son extrémité distale est accolée aux cellules anales. On distingue une lumière large en haut, très étroite en bas de l’intestin. Les cellules qui le constituent sont d’assez grande taille, encore garnies de réserves nutritives qui se résorbent

100p

D Fig. 3. — .4, coupe parasagittale du côté droit d’un embryon de 8 jours, montrant l’abou­ chement encore ventral de l’intestin et du mésentéron;B, coupe parasagittale du côté droit d’un embryon de 9 jours, montrant l’abouchement de l’intestin et du mésentéron, devenu dorsal après torsion. h.p, bourrelet palléal; c. a, cellules anales; i, intestin; i. g. pn. D + s, initiales des ganglions pariétal droit et supra-intestinal;m, mésentéron; p, pied; r.2, rein secon­ daire; r. a, rein d’accumulation; v, vélum; u. p, vésicule pulsatile. assez vite. L’anus se perce peu après. Brusquement, vers le ÍP-IO* jour, un changement important intervient dans la position de l’intestin : ce dernier s’est en effet considérablement allongé et il est approximativement isodia- métrique tout au long de son parcours. Sa jonction avec le mésentéron n’est plus latéro-ventrale mais latéro-dorsale (fig. 3, B). C’est par ce phénomène que se manifeste le plus nettement la phase rapide de la torsion dont l’am­ plitude, ici, atteint près de son maximum (170° environ). Ce mouvement n’est pas explicable par la rétraction des muscles larvaires qui ont déjà à peu près leur position définitive. D’autre part, la richesse en vitellus doit MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 311 avoir tendance à freiner mécaniquement ce mouvement. Il eut été séduisant d’admettre que l’aspect ultérieur de l’intestin était dû à une rapide indivi­ dualisation à partir des cellules du mésentéron aboutissant à une pseudo­ torsion, réalisée d’emblée comme une réminiscence de caractères acquis par d’hypothétiques ancêtres, mais l’aspect de l’intestin avant et après le 9U-10° jour ne laisse que peu de chances qu’il en soit ainsi. Nous verrons que, par la suite, il y aura une augmentation de la torsion par croissance différentielle des tissus.

Statocystes. — Leur apparition est précoce et si brusque qu’il ne semble pas y avoir invagination; c’est cependant de ce mouvement qu’ils procèdent ainsi que le montrent des coupes pratiquées vers le 6'' jour. L’oto- lithe est sécrété par une des cellules de cet organe sensoriel qui apparaît avant tout ganglion nerveux organisé (üg. 2,A). Chez l’embryon vivant, ils ne seront visibles que beaucoup plus tard, lorsque les réserves nutritives, extrêmement abondantes et réparties en gouttelettes de taille variable dans toutes les cellules, auront disparu de la région pédieuse.

Vésicules pulsátiles (fig. 2, E; 3, A ; 6, A ; 7, A et B). — Il existe chez la véligère deux vésicules que je qualifie de « pulsátiles », car elles sont situées dans la zone où, précisément, l’on peut observer sur le vivant des batte­ ments assez lents et réguliers chez la jeune véligère dont les yeux ne sont pas encore apparents. Lors de réversion du manteau, ces battements devien­ nent sporadiques, sans rythme marqué. Je n’ai jamais pu cependant déter­ miner avec certitude sur le vivant si elles étaient réellement responsables des pulsations ou si elles les subissaient : cependant, je n’ai jamais pu déceler de cœur larvaire impair, analogue à celui que l’on rencontre chez les Prosobranches. Or, ces battements se produisent dans la région nucale, latéro-dorsalement, où aucune autre différenciation coordonnée ne semble exister, en dehors de ces deux vésicules. Celle de droite apparaît plus tôt que celle de gauche et elle est plus volumineuse. Elle est déjà bien déve­ loppée chez la véligère de 8 jours où elle fait parfois en partie saillie vers l’extérieur, en arrière du vélum, du côté droit, alors que la gauche n’appa­ raît pas encore. Cependant, dans certains cas il semble que ce soit l’inverse, la gauche apparaissant la première. Sur coupe, au fort grossissement, ce sont de vastes cavités sub-sphériques à l’intérieur desquelles on distingue un gros noyau excentré avec fort nucléole, entouré d’une masse de cyto­ plasme d’où partent dans toutes les directions des ponts cytoplasmiques la reliant à la paroi tapissée extérieurement de quelques cellules plus petites, de type conjonctif. La vésicule gauche est analogue d’aspect. Ces vésicules se forment séparément à partir de deux ébauches très éloignées l’une de l’autre. Au début, elles contiennent des globules vitellins assez vite résorbés. Elles présentent une structure qui rappelle de façon assez marquée les organes excréteurs nucaux des Prosobranches observés et représentés par 312 JEAN TARDY

Fioroni, mais ici ces vésicules, bien que partiellement ectodermiques, s’en­ foncent sous l’épithélium qui les recouvre alors qu’elles font saillie à l’exté­ rieur chez les Prosobranches. Leur rôle est énigmatique chez les Æolidiens : aucune technique de révélation de la fonction excrétrice n’a été positive. Je pense qu’il s’agit plutôt d’organe à fonction de régulation osmotique.

Appareils excréteurs.— Chez une seule véligère, et du côté droit unique­ ment, j’ai pu voir dans sa presque totalité un organe larvaire (fig. 2,B et C) qui est une protonéphridie semblable à celle des Pulmonés par sa forme : il y a, faisant saillie à la surface du tégument, une grosse cellule creusée d’une cavité qui se prolonge vers l’intérieur par un long canal

F i g . 4 . Coupe parasagittale du côté gauche d’un embryon de 10 jours mon­ trant le triangle de Lacaze-Du- thiers, alors que le ganglion céré­ bro-pleural n’est pas encore indi­ vidualisé. b. p, bourrelet palléal c.c.p, connectif cérébro-pédieux ; c.pl.p, connectif pleuro-pédieux ;i. i, inva­ gination intravélaire ; m, mésenté­ ron; V, vélum.

intracellulaire au bout duquel se trouve une petite cellule arrondie. Cette dernière est libre de toute adhérence, comme le canal intracellulaire dans une cavité hémocœlienne assez vaste du côté droit. La position de cet organe est tout à fait analogue à celle où l’on trouve les reins larvaires des Pulmonés. S’agit-il d’une réminiscence exceptionnelle ou bien, dans tous les autres cas, cet organe m’a-t-il échappé ? Bien que dans certains cas j’ai pu relever des formations qui pourraient lui être homologables, cette deuxième éven­ tualité n’a rien d’impossible, car il faut pour toute certitude que la coupe passe par l’axe du tube intracellulaire : les plans de coupe utilisés ne répondent pas à cette nécessité, et à l’observation de cet organe il est bien évident qu’il est illusoire de prétendre le reconnaître avec certitude en coupe transversale ou oblique tant il est peu développé. Il faut souligner que Vig'uier (1898) a décrit et figuré chez la véligère de Thethys fimbriata (— Fimbria fimbria), du côté droit et dans une position MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 313 identique, un organe tubulaire pluricellulaire qu’il assimile à un organe excréteur. Cet auteur pense qu’il s’agit d’un dérivé du bourrelet palléal, mais étant donné qu’il ne précise pas si c’est d’après l’observation de coupes histologiques, d’individus vivants ou fixés et colorésin toto qu’il se fonde pour énoncer cette opinion, on peut supposer qu’il y a peut-être là une mau­ vaise interprétation. En effet, dans les deux derniers cas, l’observation microscopique sup­ primant toute notion de profondeur, il est très plausible, étant donné la très faible distance qui sépare le manteau de la nuque, que la position de cet organe ait été l’objet d’une telle méprise. Il existe également deux grosses cellules dans l’épithélium nucal, à droite et à gauche, qui contiennent des concrétions comme on en rencontre chez des véligères de Prosobranches. Ce sont probablement des reins d’accu­ mulation dont la taille et le contenu s’accroîtront avec l’âge de cette larve (fig. 3, fi). Enfin, un rein larvaire impair, ectodermique, est situé juste au-dessus des cellules anales et en avant d’elles : c’est le « rein secondaire », constitué de quelques grandes cellules alvéolaires, à noyau basai d’assez grande taille, pourvu d’un gros nucléole. Il se différencie dès le 8° jour (fig. 3, fi). L’ébauche du rein définitif est un petit massif vraisemblablement mésodermique, situé au-dessus de l’intestin terminal, sous l’ectoderme, au-dessus du rein secondaire.

Muscles rétracteurs larvaires. — Ils se différencient tardivement, vers le 8e jour. Ils sont rattachés d’emblée à gauche du sommet de la masse viscérale et se subdivisent dans la masse céphalo-pédieuse où ils pénètrent obliquement de gauche à droite. Les fibres sont grêles et renferment, dans d’énormes vacuoles, d’importantes réserves vitellines qui leur donnent un aspect tubulaire et localement renflé. Ces réserves ne disparaîtront que très lentement.

Tache violette (fig. 5, A, B et C). — Une tache pigmentaire, violet foncé, en forme de virgule, se dessine vers le 8°-9" jour en arrière de l’œil droit, sur le dessus de la nuque et le long du flanc droit; elle est constante bien que d’importance variable dans nos élevages et ne disparaîtra que peu à peu, longtemps après la métamorphose (fig. 12). Cette tache est carac­ téristique de l’espèce, elle n’est pas dissoute (sauf au tout début de son apparition) par les traitements histologiques et s’est avérée très pratique par sa dissymétrie pour orienter les coupes.

Ganglions cérébro-pleuraux. — Vers le 6C-7C jour apparaissent, dans l’aire intravélaire épithéliale, deux zones de prolifération symétriques par rapport au plan sagittal (fig. 1, D). La multiplication cellulaire y est intense et conduit à deux épaississements qui s’invaginent rapidement vers les côtés et l’arrière de la véligère. Ces invaginations s’approfondissent et se bilobent 314 JEAN TARDY progressivement. Chacun des lobes s’enfonce, l’un vers le bas, l’autre vers le haut dans le même plan (fig. 4). Le premier est à l’origine de la partie cérébroïde, le second de la partie pleurale du ganglion cérébro-pleural qui va se former d’emblée de chaque côté : des cellules se détachent en effet de l’assise ectodermique plus épaisse et pluri-stratifiée du fond des lobes

D

E

Fig. 5. — Véliconcha de 10-17 jours vue de dos(A), de profil (II); C, véligère de 14-15 jours (la ciliature n’a pas été représentée sur ce dessin). Remarquer les variations de la régression du vélum (.4 et D), et l’aspect en C provoqué par la rétraction de la véligère dans la protoconque, relevant celle-ci à droite par suite de l’accroissement du bourrelet palléal. Noter le développement du propodium, la tache violette et la forte ciliature de la cavité palléale à droite (A). D, opercule; E, F, aspect des premières dents radu- laires (stade limapontioïde). b, orifice buccal; b.v, bourrelet vélaire; c, forte ciliature de la cavité palléale; c. a, cellules anales; pr, propodium; st, statocyste; t. v, tache violette; y, yeux. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 315 invaginés et migrent sous ¡’épithélium; elles fusionnent en un amas aux contours primitivement très mal définis, ébauche du ganglion cérébro­ pleural de chaque côté.

Ganglions buccaux. — ils naissent à peu près simultanément aux ganglions cérébro-pleuraux, à partir de deux profondes invaginations situées de chaque côté du stomodeum (fig. 2,A et E). L’épithélium du fond de chacune de ces invaginations prolifère. Des cellules et amas de cellules s’en détachent, migrent et flanquent le stomodeum en arrière de la zone où se forme le bulbe radulaire. Ils vont être recouverts par des éléments mésodermiques qui sont à l’origine de la future musculature de cet organe, si bien qu’à des stades ultérieurs il est impossible de distinguer ce qui donnera les muscles de ce qui formera les ganglions : c’est ainsi que la majorité des auteurs concluent, en voyant se différencier les buccaux juste en dessous de l’épithélium stomodéal qui est alors en prolifération intense, que ces ganglions se forment par « délamination de cet épithélium », l’épais manchon musculaire qui entoure alors le stomodeum rend en effet impensable qu’il puisse en être autrement, ce qui est vraisemblablement erroné.

Ganglions pédieux (fig. 2, A et E). — Ils se dessinent eux aussi à peu près en même temps que les précédents; ils procèdent de la prolifération des cellules ectoderiniques des flancs et de la sole de l’ébauche pédieuse, par migration et délamination. Les statocystes s’appuient maintenant en avant et vers l’extérieur sur les pleuraux, vers l’intérieur et en arrière sur les pédieux. Vers le 8e jour, on ne distingue pas de différenciation en cortex et médulla, dans aucun des ganglions nerveux; d’autre part, leurs contours sont indistincts.

Commissures, connectifs et plaque sincipitale. — Dès le 7P jour, on peut discerner des liaisons qui s’établissent entre ces ébauches, esquissant les futurs commissures et connectifs. Entre les deux invaginations intra- vélaires, se forme peu à peu la commissure cérébroïde, mais dans le plan sagittal elle ne se séparera pas complètement de l’ectoderme où quelques grandes cellules à faible N/P forment un organe larvaire, sensoriel et impair, le ganglion apical. Les terminaisons nerveuses de ces cellules abou­ tissent à la surface de l’ectoderme, formant la plaque sincipitale (fig. 7,B). Celle-ci persistera, avec le ganglion apical, jusqu’à la métamorphose.

Ebauches oculaires. — L’invagination intravélaire qui se développe vers le haut provoque au-dessus du cérébro-pleural et sur son flanc, par mouvement différentiel et délamination, l’ébauche de l’œil. Au début, c’est un massif dans lequel apparaît rapidement une masse globuleuse et réfringente, l’ébauche du cristallin. Aucune des cellules qui l’entourent ne présente encore de pigmentation. 316 JEAN TARDY

> ÉVOLUTION DE LA VÉLIGÈRE JUSQU’A L’ÉVERSION COMPLÈTE DU BOURRELET PALLÉAL

Ganglions céphalo-pédieux. — Vers le 10°-lIe jour, on distingue, dans les ganglions cérébro-pleuraux et dans les pédieux, cortex et neuropilème, mais le contour de ces divers centres nerveux est encore mal délimité. Sur les coupes parasagittales ont peut voir le triangle de Lacaze- Duthiers très réduit (fig. 4; 8, A). En effet, bien qu’il n ’y ait pas à propre­ ment parler de connectif cérébro-pleural par suite de la fusion de ces ganglions dès leur formation, il existe une petite lumière triangulaire entre les connectifs pleuro-pédieux et cérébro-pédieux. Le premier passe juste en avant du statocyste. En même temps, les invaginations intravélaires subissent une constric­ tion tout en s’approfondissant. La lumière devient peu à peu inexistante. Les parois de l’invagination contiennent des cellules de fort N/P, à noyau de grande taille, clair et nucléole bien apparent. Les ganglions buccaux, eux, ont d’emblée leur position définitive. Ils ne sont pas encore bien différenciés et, par conséquent, difficiles à localiser car ils sont intimement accolés aux éléments qui prolifèrent pour donner le bulbe buccal. Les yeux ont maintenant un cristallin et se pigmentent. Le ganglion optique n’est pas encore discernable avec certitude, il ne le sera que vers le 14e jour, juste en arrière de l’œil, comme un petit massif nettement plus réduit que ce dernier, il est produit par la migration de quelques cellules de l’invagination intravélaire. Du 12e au 15e jour, les contours des divers ganglions s’affirment, car des éléments conjonctifs les enveloppent peu à peu, formant une véritable capsule autour de chacun d’eux et une gaine autour de chaque nerf. De toute part, à partir de l’épithélium du pied, de très nombreux néo- neuroblastes migrent vers les pédieux, tandis que de chaque côté de l’orifice buccal, un peu au-dessous, une intense prolifération cellulaire à l’intérieur du tégument dessine un massif saillant dans la cavité pédieuse (15e-l6e jour) : ce sont les prémices à la formation des palpes et à leur innervation. Les éléments les plus internes de ce massif tendent à se rapprocher des gan­ glions cérébro-pleuraux.

Commissure viscérale (fig. 6, A ; 7; 8 et 11). — Contrairement à ce que l’on constate chez l’adulte, il existe chez la véligère une commissure viscérale bien distincte avec des renflements ganglionnaires. Les premiers indices de sa formation sont discernables dès le 8e jour, sous forme de proliférations ectodermiques qui apparaissent en plusieurs points : c’est l’ébauche des divers ganglions qui y sont répartis. Leur formation résulte de processus identiques; prolifération, migration, délamination. A droite, MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 317 sur le flanc, un peu au-dessus du ganglion buccal, une masse donnera un ganglion assimilable au pariétal et, au-dessus de lui, un autre ganglion qui reste lié à l’ectoderme juste en arrière de la tache violette et de la vésicule pulsatile de droite. Il représente le ganglion supra-intestinal. Le ganglion viscéral naît légèrement à gauche de l’anus et du rein secondaire, au niveau de la jonction postérieure de la masse viscérale et du pied; il en est de même pour l’infra-intestinal dont l’ébauche n’est pas nettement distincte de celle du viscéral bien qu’elle s’étende un peu plus vers le flanc gauche.

b

r 2

a

Fig. 6. — A, coupe parasagittale passant par la droite d’une véligère de 14-15 jours, montrant la structure du système nerveux.B et C, détails de coupes parasagittales de la même véligère; la première à droite de A, montrant l’intestin(i), la gonade (g), le ganglion abdominal(g. a), les reins secondaire(r2 ) et définitif (r) et l’aspect du bourrelet palléal très différent de sa portion gauche(C). b. p, bourrelet palléal; c, protoconque; c. v, commissure viscérale; d. i, débouché de l’intestin dans le mésentéron;g, gonade; g. a, ganglion abdominal;g. c, ganglion cérébroïde; g.p, ganglion pédieux; g.pa.d, ganglion pariétal droit; g. pi, ganglion pleural; g.s, ganglion supra-intestinal;i, intestin; m, mésentéron; r, rein définitif; r 2, rein secondaire;st, statocyste; t, massif de télencéphalisation; v, vélum; v. p, vésicule pulsatile; y, ceil.

Le pariétal gauche apparail presque symétriquement au pariétal droit, mais un peu plus bas. La torsion amène peu de changement dans la position de ces divers éléments. Le pariétal gauche migre légèrement vers le bas, le pariétal droit, le ganglion supra-intestinal migrent vers le haut, le viscéral aussi, mais plus nettement, en même temps que l’anus et le pore excréteur. Primitivement, la commissure viscérale apparaît vite comme un cordon de neuroblastes agglomérés avec des zones plus renflées. Ce cordon relie les 318 JEAN TARDY deux cérébro-pleuraux. Le contour en est d’abord flou puis s’affirme, tandis que les neuroblastes se rassemblent en ganglions où ils se répartissent à la périphérie délimitant cortex, neuropilème et nerfs. En définitive, la commissure viscérale, chez la véligère prête à éclore, est constituée ainsi : au cérébro-pleural droit est relié par un connectif très court, le pariétal droit uni au-dessus de lui au ganglion supra-intestinal resté du côté droit. Du supra-intestinal, la commissure plonge vers la sole pédieuse puis se dirige brusquement à l’horizontale vers la gauche. Au point de changement de direction, elle traverse une masse ganglionnaire, le ganglion abdominal, dont la masse s’allonge postérieurement jusqu’en avant de l’anus où elle reste jusque vers le 15e jour accolée à l’ectoderme. L’autre portion, homologable à l’infra-intestinal, s’étend transversalement (presque à la hauteur des pédieux) sous la commissure buccale et légère­ ment en arrière d’elle. Puis la commissure viscérale rejoint le pariétal gauche qui est très tôt accolé au cérébro-pleural gauche, postérieurement, au niveau du statocyste. On peut donc affirmer qu’il existe une commissure viscérale typique chez la véligère; mais en ce qui la concerne, la torsion est peu importante, se traduisant par une simple différence de niveau des ganglions infra- et supra-intestinal, les ganglions de droite restant à droite, ceux de gauche à gauche, seul l’infra-intestinal s’étend transversalement.

Bulbe radulaire et armature buccale. — Les éléments mésodermiques qui s’étaient agglomérés autour de l’invagination radulaire se différencient en puissants faisceaux musculaires. Ils sont les principaux responsables de l’important volume du bulbe radulaire. Ce dernier est dirigé d’avant en arrière vers la droite, de bas en haut où il butte sur le mésentéron. Les cellules de l’épithélium qui tapissent l’intérieur du bulbe conti­ nuent de se multiplier activement, aboutissant à la formation du complexe radulaire où s’édifient les premières dents. A l’éclosion on en distingue quatre ou cinq; elles diffèrent sensiblement de celles des dents de l’adulte, car elles sont beaucoup moins larges et ne possèdent qu’un nombre restreint de denticules latéraux (4 à 7 de chaque côté) (fig. 5,F). Les mâchoires n’apparaissent pas encore.

Mésentéron (fig. 7). — Vers le 15° jour un cloisonnement apparaît dans le mésentéron et des constrictions dessinent peu à peu les diverticules digestifs. Celui de droite ne s’individualisera guère; il est situé entre l’intestin et l’œsophage; il est très petit, c’est une simple boursouflure du mésentéron en forme de calotte. Celui de gauche est au contraire très important; il s’étend non seulement à gauche, mais jusqu’à droite sous l’estomac. En avant, les limites entre ces deux organes sont indistinctes, comme le sont d’ailleurs celles du diverticule droit avec l’estomac. Le mésentéron tout entier est formé de grandes cellules histologiquement semblables, bourrées de réserves nutritives. A l’approche de l’éclosion, MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 319 leur résorption progressive laisse apparaître une lumière mixte, puisqu’elle correspond à celle de l’estomac et des diverticules bordée d’une paroi continue. L’intérieur est encore presque entièrement encombré de globules vitellins. Le mur stomacal postérieur est d’une extrême épaisseur, il forme une saillie vésiculeuse entièrement comblée de réserves nutritives au-dessus et en arrière du diverticule gauche.

Intestin (fig. 6 et 8, B). — Le diamètre de l’intestin a un peu diminué bien que la lumière ait légèrement grandi : en effet, la paroi est plus mince. Les cellules qui la composent ont un noyau assez petit, très chromophile. Le cytoplasme reste clair et vacuolaire.

Cellules anales. — Elles atteignent en général leur maximum de développement juste avant l’éclosion. La torsion leur fait effectuer une migration vers la droite et vers le haut (sans dcxtre) d’environ 45-50°.

Protoconque. — Elle reste toujours excessivement mince; dans nos élevages elle n’atteint sa forme définitive que dans l’aquarium en circuit fermé. Elle appartient au type 1 défini par Thompson. Dans des bacs isolés où l’eau n’est pas assez fréquemment renouvelée, la pauvreté en Ca4 + ou le pH trop bas empêchent vraisemblablement une constitution normale et elle reste en forme de simple calotte (1) d’aspect souvent chagriné (fig. 5, A); parfois la calcification se fait par points lenticulaires : la proto­ conque ressemble alors à une thèque de grains de sable agglomérés. La trame organique est également très ténue, et sur les coupes histologiques la trace du test de la véligère est extrêmement discrète et bien souvent invisible. D’ailleurs, la protoconque est fréquemment arrachée car elle est très peu adhérente à la larve, et les méthodes d’extraction, de fixation et de double inclusion favorisent cette perte.

Opercule. — Il se détache avant la coquille, vers le 15° jour. Il présente alors une ligne de croissance dessinant une spirale (fig. D). 5,

Vésicules pulsátiles. — Elles sont encore fonctionnelles (fig. 7).

Canal réno-péricardique et cœur définitif. — En même temps, à partir des cellules rénales de la région antérieure, s’édifie vers l’avant un conduit digitiforme reliant le rein à une cavité encore mal délimitée. C’est le canal réno-péricardique reliant le rein au péricarde. Ce dernier s’étend au-dessous du rein définitif (fig. 7, A).

Appareil excréteur. — Vers le 12C-13e jour sur le vivant, le rein secon­ daire est souvent coloré en jaune paille. Au moment où le bourrelet palléal

(1) C’est pourquoi, dans une note préliminaire, j’avais indiqué qu’elle appartenait au type C défini par Thorson (1946). 320 JEAN TARDY

Fig. 7. — A et B, coupes frontales d’une même véligère à l’éclosion (16-17 jours), montrant le bourrelet palléal déjà inversé du côté droit, tandis qu’il est encore en place à gauche. (La droite et la gauche sont inversées sur les deux figures.) a, anus; a. m . r, attache des muscles rétracteurs; h.p, bourrelet palléal; b. r, bulbe radulaire; c. a, cellules anales; c. c, commissure cérébroïde; c. r. p, canal réno-péri­ cardique; c. v, commissure viscérale; d, dent radulaire; d. d. d, diverticule digestif droit; d.d. g, diverticule digestif gauche; e, estomac; g, ébauche gonadique; g. b, gan­ glions buccaux; g. c, ganglion cérébro-pleural; g. pu. D, ganglion pariétal droit;g.s, ganglion supra-intestinal;i, intestin; o.a, organe apical; r, rein définitif;t, télencé- phalisation; u, pore urinaire; v.p, vésicule pulsatile; y, œil; z.c, zone ciliée; en hachuré, les réserves vitellines.

se relève à droite (14C-15° jour), il montre sur coupes histologiques des signes de dégénérescence (fig. 6,B); il disparaîtra peu après la métamor­ phose, lorsque le rein définitif sera capable de le suppléer (fig. 10). Les cellules qui constituent le rein définitif acquièrent rapidement la structure caractéristique de leur fonction. Peu à peu, apparaît entre elles une large lumière peut-être par suite de l’accumulation d’urine, car le pore excréteur n’est pas encore ouvert lors de réversion complète du manteau (fig. 7, A). Il s’ouvrira peu après.

Vélum. — Vers le 12°-l3“ jour, le vélum est à son maximum de développement. Cependant, extraite de l’œuf artificiellement, la véligère est incapable de nager. Normalement, lors de l’éclosion (17° jour) le vélum est déjà en nette régression. Quelques cils battent encore faiblement de façon désordonnée. Toute trace de cet organe disparaît normalement à la fin de réversion du bourrelet palléal. Par suite, tout le développement est benthique. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 321

Pied (fig. 5, A, B et C; 6 et 8, A). — Le pied s’est beaucoup développe, en particulier le propodium, fortement cilié, où débouchent d’importantes glandes propodiales. Les glandes métapodiales, de même nature, sont moins nombreuses et plus modestes. Entre elles, dans la cavité pédieuse, les éléments fibreux, musculaires et nerveux s’intriquent.

Gonade. — La première ébauche génitale ne se distingue avec certitude que tardivement. Elle apparaît chez la larve post-véligère, âgée d’environ 17 jours, sous la forme d’un petit massif arrondi de 15 ¡a de diamètre cons­ titué de 6 à 8 cellules. Sa position est strictement délimitée et constante : elle se situe dans le fond de la cavité hémocœlienne à la hauteur de l’orifice anal (fig. 6 et 7, B). Dans cette zone, l’intestin, après être descendu presque verticalement entre le mésentéron et le rein définitif un peu en arrière de celui-ci, fait un coude et se dirige obliquement vers l’avant de haut en bas et de gauche à droite. C’est au niveau de son abouchement avec le tégument que se trouve accolé, du côté interne, l’ébauche génitale. Le rein définitif la coiffe 20 à 25 [a au-dessus.

Manteau, formation de la cavité palléale. — Vers le 11e jour, le manteau recouvre plus de la moitié de la masse viscérale; il est intimement accolé avec le feuillet périviscéral externe qui devient rapidement indiscer­ nable. Il n’y a encore aucune invagination palléale. Le bourrelet palléal, formé de cellules assez plates, arrive à droite, en arrière de l’anus et du pore urinaire. Ce n’est que vers le 12° jour qu’apparait, par déborde­ ment progressif, la « cavité palléale » plus profonde à droite, où s’ouvrent dans le fond l’anus et le pore excréteur. En avant de ceux-ci, s’étend jusqu’au vélum un bourrelet épithélial fortement cilié (fig. 5, A ; 7 et 8, B) qui entretient un courant balayant cette cavité. Vers le 13e-l4e jour, manteau et protoconque ont atteint leur complet développement. Ils s’avancent jusqu’au-dessus de la nuque de la véligère qui peut s’y rétracter seulement jusqu’au niveau des yeux; ceci est impu­ table aux fortes réserves nutritives contenues dans la masse viscérale. Le bourrelet sécréteur de la coquille reste toujours très discret en raison vrai­ semblablement de sa faible activité.

Eversion. — Le bourrelet palléal, qui, lors de l’invagination, va tapisser le plafond de la cavité palléale, subit alors une forte multiplication cellulaire. Ces cellules deviennent plus hautes et se disposent en plusieurs couches. Peu à peu elles font saillie dans la cavité palléale (fig. 6). Vers le 15e jour, son volume devient tel que le bourrelet tend à sortir de la cavité palléale, relevant le bord du manteau qui finalement s’éverse, d’abord du côté droit (fig. 7), puis progressivement réversion gagne le côté gauche (fig. 8) et la protoconque tombe (17e jour). 322 JEAN TARDY

..jS Fia. 8. — Coupes de véligères fixées quelques heures après celle représentée fig. 7. La coupe A, parasagittale du côté gauche de la véligère, montre la réalisation de la télencéphalisation et le recouvrement de la masse viscérale; la coupeB, frontale, montre la commissure viscérale et réversion du bourrelet palléal réalisée maintenant à droite et à gauche. (La droite et la gauche sont inversées sur la figure 13.) b. b, bulbe buccal; b.p, bourrelet palléal; c. v, commissure viscérale; g. a, gan­ glion abdominal;g. c, ganglion cérébroïde;g. i-i, ganglion infra-intestinal;g.p, gan­ glion pédieux; g.pa.G, ganglion pariétal gauche; g. pi, ganglion pleural; i, intestin; m, mésentéron; pr, propodium; r 2, rein secondaire;sia, statocyste; t, télencéphali­ sation; t. LD, triangle de Lacaze-Duthiers; v, vélum; g, œil; z.c, zone ciliée.

Le déroulement en plusieurs étapes facilite le franchissement du plus grand diamètre de la masse viscérale, limitant l’étirement du bourrelet palléal. De même, tout le processus d’éversion peut s’expliquer par des enchaî­ nements mécaniques : la prolifération du bourrelet ne peut se faire vers l’intérieur qui est entièrement plein et limité par la coquille, elle se fait donc vers l’extérieur : c’est réversion. Le recouvrement est très rapide au début, puisque le tégument défi­ nitif est en grande partie « préformé ». Il s’effectue à la manière d’une vague qui déferle, glissant sur le manteau fusionné avec le feuillet péri- viscéral externe sur lequel il se délamine quelque peu avant de s’y fusionner à son tour (fig. 7 et 8). Ce dernier, par la suite, devient indistinct. Il faut noter que la portion postérieure du bourrelet palléal (située près de l’oper­ cule) ne participe pas à l’élaboration du tégument définitif, et que l’on n’y voit aucune prolifération. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 323

Conséquence de réversion. — Perte de la protoconque et position des orifices. Perte de la protoconque le: tégument définitif, en augmentant de volume, se retourne et tend à rejeter peu à peu la protoconque. Celle-ci, déjà peu solidaire de la larve, va s’en détacher lors du retournement du bourrelet palléal du côté gauche. Cette perte survient normalement 1 à 2 heures après l’éclosion (17° jour), lorsque la véligère, dont le vélum est en grande régression, rampe sur son pied bien développé. Position des orifices : réversion en elle-même amène peu de change­ ments dans la position des orifices qui migrent légèrement vers l’arrière et vers le bas. Leur direction d’abouchement est sensiblement la même au début de réversion que chez la véligère où ils s’ouvrent vers l’avant. Cependant, ce mouvement est nécessaire à la réalisation de change­ ments importants dans la disposition de certains organes qu’il amorce. En s’accolant au pied, le manteau éversé permettra la migration vers l’arrière de l’anus et du rein.

¥ ÉVOLUTION JUSQU’AU STADE PSEUDOVERMIS

Evolution morphologique achèvement : du recouvrement de la masse viscérale par le tégument définitif et allongement. Cette évolution est résumée par les schémas de la figure 11. La perte de la protoconque n’amène aucun changement immédiat dans l’aspect des petites larves qui ressemblent encore aux véligères. Elles continuent de ramper activement et se dispersent. L’ultime zone de la masse viscérale recouverte par le tégument définitif correspond à celle où aboutissent pos­ térieurement les muscles larvaires rétracteurs. Le tégument définitif se soude en arrière avec le tégument dorsal du pied où l’on assiste à une dimi­ nution de l’étranglement qui le sépare postérieurement de la masse viscé­ rale. Cette dernière subit en même temps uii léger aplatissement, consé­ quence, en partie du moins et au début, de réversion du bourrelet palléal. Cet affaissement va s’accentuer par suite de l’allongement du pied : bientôt, le sillon formé par la jonction de l’épithélium pédieux dorsal avec la masse viscérale se déplace vers l’arrière, s’évase et devient moins profond. Peu à peu il s’efface pour disparaître complètement lorsque la larve arrive au stade limapontioïde (1) où les cavités viscérale et pédieuse se confondent. Si l’extension du pied est surtout apparente vers l’arrière, on doit remarquer cependant que toute la zone pédieuse antérieure et le mufle

(1) J’ai proposé ce terme pour le premier stade larvaire allongé sans papille de Amphorina doriæ. Je considère en effet que l’expression « stade planariforme » prêtait à confusion quant à l’aspect de cette larve dont la ressemblance avec uneLimapontia est souvent frappante chez la plupart des Æolidiens étudiés ici, en particulier dans le cas d’Æolidiella alderi (nous verrons plus loin la raison de cette ressemblance). 326 JEAN TARDY phage dans l’estomac, qui est très haute chez la véligère et très basse chez la jeune larve, dès le début de la phase de grand accroissement du pied. Les viscères sont amenés à pénétrer dans la cavité céphalo-pédieuse dès que le passage est suffisant, ce qui est facilité par l’étirement du tégument dorsal définitif entre la nuque et son accolement, en arrière, avec le dessus du pied. Les muscles rétracteurs larvaires jouent d’ailleurs vraisemblable-

r. d

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g .U i

Fig. 11. — Reconstitution diaphragmatique d’après les coupes histologiques d’une véligère sur le point de se métamorphoser (A); les flèches indiquent le sens des principales migrations des organes et des orifices B,; larve dont le recouvrement est achevé ; C, limapontioïde. En grisé, le système nerveux; en pointillé la tache violette. a, anus; b, bulbe radulaire; h.p, bourrelet palléal; c. a, cellules anales; c.rp, canal réno-péricardique;g, gonade; g.rh, ganglion rhinophorien;i, intestin; m, mé- sentéron; r.d, rein définitif;r. 2, rein secondaire;t, télencéphalisation; u, pore uri­ naire; v.r. 2, vestige du rein secondaire;II,, ébauche de la première papille du deuxième rang de droite;IV ,, ébauche de la première papille du quatrième rang de droite.

ment un rôle important dans ces processus et s’allient au tégument définitif pour effacer la masse viscérale. En effet, le point d’insertion du faisceau de muscles après son décollement de la coquille devient solidaire du tégu­ ment définitif. Il est donc étiré et favorise de ce fait l’effacement de la saillie de la masse viscérale, d’autant plus qu’une partie des fibres passent par-dessus le mésentéron, de gauche à droite. En avant, les muscles rétrac- MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 327 tenrs se répartissent dans tout le pied, dans le vélum où les attaches sont particulièrement fortes dans le haut de cet organe larvaire, à droite et à gauche, tandis que des branches importantes vont s’accoler aux ganglions cérébro-pleuraux. Par endroits, ces fibres sont toujours tubulaires et con­ tiennent encore des réserves vitellines abondantes. Ces muscles ne sont plus repérables avec certitude dès la fin de l’effacement de la masse viscérale. Ils participent, dans la partie postérieure de cette dernière, à la formation d’un important organe transitoire en forme de tube, qui relie l’estomac et le diverticule digestif gauche à l’épithélium définitif postérieur, là où s’est achevé le recouvrement; peu à peu s’y substitueront des fibres muscu­ laires et conjonctives.

Changement de position de certains organes. — Brusquement, le tégu­ ment définitif, les muscles réfracteurs larvaires, des fibres musculaires transversales reliant le tégument latéral aux organes de la région cépha- lique, vraisemblablement sous l’influence de l’étirement qu’ils subissent, provoquent un changement catégorique dans la position relative de certains organes : c’est la troisième conséquence marquante de l’allongement. C’est ainsi qu’au stade limapontioïde le collier périœsophagien, qui était en avant du bulbe, émigre en arrière de lui, tandis que l’aire sincipitale devient dor­ sale (fig. 11, A et B). Le reste du vélum, qui subsiste sous forme d’un bour­ relet bien marqué, passe d’une position verticale à une position sub-hori- zontale : c’est de là que naît la ressemblance de ce stade larvaire (qui se retrouve, nous l’avons déjà dit, chez la plupart des Æolidiens étudiés ici) avec une Limapontia et justifie le nom proposé de stade limapontioïde. Le déplacement de l’aire sincipitale est aussi une conséquence du développe­ ment du mufle, comme nous le verrons plus loin. Par suite, les rhinophores seront dirigés dorsalement, vers l’avant, au lieu de pointer vers le sol, comme les tentacules homologues des Prosobranches.

Evolution anatomique.

Système nerveux. — A l’éclosion (17e jour), deux mouvements princi­ paux et simultanés s’amorcent. D’une part, les éléments de la commissure viscérale vont venir s’inté­ grer aux ganglions cérébro-pleuraux : c’est l’achèvement de la cérébrali- sation au sens de Wirz (1951), amorcée très précocement par la fusion des ganglions cérébroïdes avec les pleuraux. D’autre part, les masses cellulaires issues des invaginations intra- vélaires vont migrer dans les ganglions cérébro-pleuraux : ceci correspon­ drait, à mon sens, à la partie principale et initiale de la télencéphalisation telle qu’elle a été définie par ce même auteur. 328 JEAN TARDY

Cérébralisation. — Sur coupe, il est très net que le ganglion pariétal gauche et l’infra-intestinal viennent se fusionner avec le cérébro-pleural gauche, que le pariétal droit, le supra-intestinal et l’abdominal vont se fusionner avec le cérébro-pleural droit (fig. 8,B). On peut encore d’ailleurs retrouver, quelque temps après, les différentes zones du cerveau corres­ pondant aux ganglions fusionnés (1). Ces déplacements s’accompagnent du raccourcissement de la commissure viscérale. Elle double finalement la commissure buccale et reste très grêle. En même temps, se développe un important nerf abdominal, corrélati­ vement à la migration du ganglion viscéro-abdominal. Il semble que quelques neuroblastes de ce dernier se répartissent le long du nerf abdo­ minal et peut-être même vers l’arrière au fur et à mesure de l’allongement de l’animal. Ceci peut expliquer les phénomènes rapportés par K. Wirz (1951) qui écrit (p. 174) : « la taille des ganglions qui avancent ou reculent pour s’accoler ou se réunir avec un autre ganglion diminue ». Il s’établit vraisemblablement un système de « relais » entre centre nerveux et terri­ toire innervé, à partir de neuroblastes issus des ganglions qui se déplacent. Il n’a pas été facile d’observer les phases intermédiaires de la migration des ganglions, car la cérébralisation apparaît comme un phénomène rapide. D’autre part, il survient à des stades assez variables; ces processus sont parfois terminés au stade « pseudovermis » alors qu’à un stade à 16 papilles ils peuvent être encore à peine amorcés. Enfin, il peut arriver que le gan­ glion abdominal (ou une partie de ce dernier) reste à proximité de l’anse intestinale. Cette observation a été faite, il est vrai, sur des animaux de nos élevages : l’on ne peut pas dire s’il s’agit là de phénomène exceptionnel mais naturel, ou de processus dont le cours peut avoir été légèrement modifié par les conditions d’élevage.

Télencéphalisation (fig. 6, A; 7, B; 8, A). — Les massifs cellulaires issus des invaginations inlravélaires vont pénétrer dans les cérébro-pleu­ raux : une brèche s’ouvre dans la capsule conjonctive en avant de chaque cérébroïde, au contact des massifs, et les éléments de ces derniers pénètrent de chaque côté dans le « cerveau » où ils se localisent dans la partie anté­ rieure. Leurs cellules ont un gros noyau clair et un fort nucléole, ce qui les différencie des neuroblastes des ganglions primordiaux dont le noyau est plus petit, très chromophile et sans nucléole bien apparent. Cette fusion peut être interprétée comme représentant la partie la plus importante de la télencéphalisation, mais elle n’est pas seule : une petite fraction des neuroblastes qui naissent des bourgeons d’innervation des palpes migre aussi dans le cerveau en avant et par le bas. L’aspect caryologique de tous les éléments entrant dans les processus de téleneé-

(1) Ceci se traduit d’ailleurs, chez l’adulte, par un volume légèrement plus important de la partie droite du cerveau. Ce caractère se retrouve chez les espèces voisines Ae. sanguinea et Ae. glauca (voir fig. A-C, pi. VIII, p. 18) du mémoire sur les Æolidielles des côtes d’Europe. MÉTAMORPHOSES DES N U DIB RAN CHES 329 plialisation est semblable, de type S. Leur taille ne peut faire obstacle à cette interprétation, puisqu’il s’agit de cellules non encore différenciées défini­ tivement (1). D’ailleurs, par la suite, les noyaux des neuroblastes évoluent et il devient impossible de reconnaître les deux types primitivement dis­ tingués. Ainsi donc, il apparaît nettement que la formation du « cerveau » d’Æ. alderi est un phénomène complexe où des masses de neuroblastes d’origines diverses viennent peu à peu s’intégrer aux cérébroïdes sous l’effet d’une attraction centripète. Formation des ganglions rhinophoriens. — La partie supérieure du pédicule de l’invagination intravélaire s’épaissit par active multiplication cellulaire; elle donne un massif qui se délimite partiellement pour donner le ganglion rhinophorien, tandis que dans l’ectoderme sus-jacent la proli­ fération s’instaure et donnera les rhinophores. Le ganglion rhinophorien reste en relation continue avec le cerveau, mais on n’assiste pas à une migration centripète manifeste de neuroblastes comme dans le cas des palpes : la télencéphalisation de l’invagination intravélaire peut être vrai­ semblablement l’homologue de celle des neuroblastes provenant de la région où apparaîtront les palpes. Innervation des palpes. — Au stade « limapontioïde », il existe main­ tenant un gros nerf reliant le cerveau au massif de neuroblastes qui est à l’origine de l’innervation des palpes. Ce massif forme un ganglion séparé de l’ectoderme formatif où, d’ailleurs, une nouvelle poussée de multipli­ cation cellulaire se manifeste : elle est responsable de l’apparition des palpes. Ultérieurement, chaque ganglion fusionnera lui aussi avec le cerveau. Ganglions pédieux. — De l’ectoderme du pied, des neuroblastes de type S continuent de migrer en grand nombre vers les ganglions pédieux; ils forment, en particulier sur le nerf antérieur principal, un ganglion tem­ poraire mais qui apparaît régulièrement au stade limapontioïde. Il va ensuite se fusionner avec les pédieux. Les cellules de type S sont dispersées un peu partout dans l’animal, mais en certains points elles sont particulièrement nombreuses : au point de contact du ganglion supra-intestinal d’une part, et, d’autre part, à celui du ganglion abdominal avec le tégument, dans l’épithélium où naîtront rhinophores et palpes autour de l’orifice buccal. Ces observations m ’ont amené à considérer les cellules S comme les initiales des éléments sensitifs et plus particulièrement sensoriels lorsqu’elles restent à la périphérie. Peut-être sont-elles capables de donner naissance (pour certaines d’entre elles) aux petites cellules neurosécrétrices. C’est très possible étant donné leur localisation. Tube digestif. — Bulbe radulaire et glandes annexes. — L’épithélium de l’entonnoir buccal est le siège d’une active multiplication cellulaire; en

(1) Les éléments responsables de la télencéphalisation sont en effet, d’après Wirz, de plus petite taille que les autres, ce qui est l’inverse de ce que l’on observe ici. 330 JEAN TARDY bas, de part et d’autre de cet orifice, elle est particulièrem ent manifeste et forme deux massifs symétriques, première ébauche des glandes ptyalines. La prolifération cellulaire au sein de l’épithélium de l’entonnoir buccal et à sa périphérie conduit à la formation d’une invagination tubulaire, la trompe, qui sépare rapidement le mufle du bulbe, d’une distance égale

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Fig . 12. A-D, évolution de la larve pseudovermis lors des premiers stades de la vie prédatrice. c, cerveau; en, cnidosac;g. pi, glande ptyaline;i, intestin; rh, ; st, sta- toevstes; t. b, tache de pigment blanc; t. d, tissu digestif; t. st, tissu stomacal; t. v, tache de pigment violet; y, œil; h, première papille du premier rang; IL première papille du deuxième rang; III,, première papille du troisième rang; IV,, première papille du quatrième rang; V,, première papille du cinquième rang. Le tissu digestif est représenté en pointillé.

à la longueur de ce dernier. Dans sa partie antérieure, la lumière est large et ciliée, puis elle se resserre pour s’évaser en entonnoir et s’accoler au bulbe radulaire. Dans cette zone, l’épithélium n’est pas cilié, mais revêtu d’une très mince cuticule dès le stade limapontioïde. MÉTAMOHPHOSES DES NU DIB H ANCHES 331

L’ébauche des glandes ptyalines, qui se développe en même temps, se trouve rejetée vers l’arrière par la formation de cette trompe, et ceci d’autant plus que leur croissance s’effectue dans ce sens. Elles débouchent juste en avant de l’entonnoir à parois chitinisées où s’ouvre le bulbe, tout en bas, et s’enfoncent progressivement de chaque côté, de part et d’autre de ce dernier. Les cellules de ces glandes se différencient de bonne heure et sont caractérisées, avant même de revêtir leur aspect glandulaire, par leur noyau de grande taille contenant un volumineux nucléole, plus gros que celui des cellules S. Les glandes ptyalines seront fonctionnelles dès que la larve aura atteint le stade pseudovermis, moment où elle attaque sa première proie. Leur volume est alors très important comme l’atteste la figure 12, A, B et C. Les glandes dites salivaires font leur apparition au stade limapontioïde, comme deux petits massifs arrondis et isolés, en avant des ganglions buccaux. Leur différenciation et mise en fonction est très tardive puisque à des stades à 10 paires de papilles la différenciation commence juste à se produire avant qu’elles ne soient reliées au bulbe par les canaux salivaires. Il est donc bien évident que ces glandes ont un rôle très secondaire dans les phénomènes de nutrition chezÆolidiella alderi, puisqu’elles n’y parti­ cipent même pas dans les phases les plus critiques de sa vie, aux stades pseudovermis et juvéniles, alors que l’individu est particulièrement vulné­ rable. Plus tard, leur développement reste d’ailleurs toujours faible. Au contraire, l’intense activité des glandes ptyalines et leur grand volume dès le stade pseudovermis pouvait faire présumer de leur impor­ tance dans la vie de ces Mollusques. Cependant, les expériences d’ablation effectuées sur quelques individus presque adultes tendent cà laisser penser que leur rôle est assez secondaire au moins chez l’adulte, puisque cette ablation n’affecte apparemment pas leur comportement ni leur état général comparé aux témoins. Dès le recouvrement complet de la masse viscérale par le tégument définitif, les mâchoires sont apparentes. Elles s’épaississent rapidement et s’affrontent dans le plan sagittal. Le nombre des dents n’a guère augmenté; la cinquième ou sixième esl en formation.

Estomac et glandes digestives. — A partir du stade limapontioïde, se différencient les parois de l’estomac. Leur structure cellulaire, classique, a été décrite par Henneguy (1925) et Graham (1938). Plus récemment, Schmekel et Wechsler (1968) en ont repris l’étude, en particulier au micro­ scope électronique. Le cytoplasme est vacuolaire, renfermant des vésicules ovoïdes. La surface bordant la lumière stomacale est fortement ciliée. Ces cellules sont semblables à celles qui constituent le tégument. Elles apparaissent d’abord dans la région antérieure et ventrale et sur les flancs. Elles vont séparer 334 JEAN TARDY

V i y

5 m m

Fig. 13. — A-D, évolution juvénile ultérieure de JE. alderi. Le tissu digestif est représenté en pointillé, sauf enI) où il n’est plus figuré. p, palpe; rh, rhinophores.

les quatre premières papilles apparues appartiennent en effet aux rangées II et IV (et non I et II) (1). Dans un rang quelconque, les papilles les plus dorsales sont les plus anciennement apparues, les plus jeunes se formant vers les flancs, l’avant et le bas au fur et à mesure du développement du diverticule. II est ainsi possible de dresser un petit tableau qui donne l’apparition des premières papilles en fonction de la taille approximative (2) des larves :

Taille en mm Appendices apparaissant

0,9 - 1,1 mm II. IV, 1,2 - 1,4 mm III. V. 1,5-2 mm V, VI, 2 - 3 mm III- IV,

(1) Je rappelle qu’arbitrairement j’ai numéroté en chiffres romains les rangées de papilles de I à n d’avant en arrière. Le chiffre en caractère arabe, placé après, indique le numéro d’ordre d’apparition des papilles dans une rangée donnée : par exemple I, = première papille du premier rang; IL = troisième papille du deuxième rang, etc. (2) Comme je l’ai déjà indiqué pour cette espèce et pour d’autres, dans mes élevages, la vitesse de croissance varie beaucoup d’un individu à l’autre issu de la même ponte. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 335

Les schémas représentant de très jeunesÆ . alderi de la limapontioïde à des stades de quelques millimètres montrent cette évolution (fig. 12 et 13). Vers 4 mm, l’aspect du jeune est déjà très voisin de celui de l’adulte; seuls, palpes et rhinophores n’ont pas atteint les proportions qu’ils auront chez l’adulte; les angles du pied commencent à se dessiner. Tube digestif. — La migration du tissu digestif vers les diverticules et vers l’arrière se poursuit; la poche stomacale se développe revêtue de l’épithélium stomacal typique, tandis que le tissu digestif migre dans les diverticules et vers l’arrière. Appareil excréteur. — Le rein prend peu à peu son aspect définitif; il n’est plus massif mais digi té et étend son réseau dans toute la zone dorsale des diverticules digestifs où il forme un lacis de plus en plus ramifié. Appareil circulatoire. — Le cœur et les vaisseaux atteignent rapide­ ment leur aspect définitif; l’artère bulbaire et l’artère génitale s’individua­ lisent précocement. A ppareil génital. — Nous avons vu que l’acquisition de l’aspect lima­ ciforme ne s’accompagne d’aucun changement de l’aspect de l’ébauche gona- dique. Il faut attendre que le stade que j’ai appelé pseudovermis ait atteint environ 1,2 mm et présente les bourgeons des quatre premières papilles de chaque côté pour déceler un début d’évolution : cette masse se creuse d’une lumière et devient ovoïde. Peu après, dans l’ectoderme sus-jacent, en arrière de la tache épidermique violette, une multiplication cellulaire s’instaure, délimitant un petit bourgeon qui enfonce bientôt la basale tandis que des fibres conjonctives, nerveuses et musculaires deviennent plus denses à son contact. Quelques-unes s’orientent déjà entre le bourgeon ectodermique e i l’ébauche gonadique. La liaison entre les parties ectodermiques et mésodermiques se réalise très rapidement près de l’ectoderme, grâce à une évolution rapide de la por­ tion mésodermique qui forme un tube vers l’avant. Un deuxième mouve­ ment devient alors très net. La partie profonde du massif mésodermique prolifère et s’enfonce vers l’arrière, entre le rein définitif et l’estomac, puis sous la glande digestive gauche où elle forme la gonade, d’abord sous forme d’une plage massive, arrondie et aplatie, bourrée de gonocytes, entre le pied et le tube digestif. Elle ne prendra sa forme lobée en follicules que progres­ sivement. En même temps que s’effectue cette migration vers l’arrière, la portion mésodermique responsable de la jonction devient plus grêle et s’étire considérablement. Elle formera le canal hermaphrodite et la vésicule séminale qui s’élargit très rapidement; cette dernière est alors en contact direct avec le bourgeon ectodermique. Ce bourgeon ectodermique se creuse très tôt d’une lumière qui s’ouvre peu après son accotement avec le tube mésodermique, en continuité avec la lumière de ce dernier. La prolifération du bourgeon ectodermique progresse assez lentement mais régulièrement, repoussant vers l’arrière la partie méso­ 336 JEAN TARDY dermique, pour former, avec l’adjonction d’éléments mésenchymateux, musculaires et nerveux, les glandes annexes femelles (glande de l’albumine, glande muqueuse) et la spcrmathèque, et, d’autre part, le tractus génital mâle. Le carrefour génital et la portion de canal mixte jusqu’à sa jonction avec la vésicule séminale sont aussi ectodermiques. Leur formation est tar­ dive comme d’ailleurs la différenciation de toutes les annexes ectodermiques, contemporaines de celle des premiers éléments sexuels, les spermatozoïdes, qui s’accumulent très tôt dans la vésicule séminale. Ainsi l’appareil génital a une double origine : une portion mésoder­ mique, qui correspond à la gonade, au canal hermaphrodite et à la vésicule séminale, et une portion ectodermique, responsable de la formation du reste du tractus. La maturité et les premières pontes interviennent comme j’ai pu le noter pour bien d’autres Nudibranches, pour des tailles extrêmement variables, plus ou moins précocement, pour des raisons que je ne peux encore préciser, mais qui relèvent de facteurs divers (température, lumière ?). Le groupement de nombreux individus accélère la maturation, l’isolement total la ralentit notablement.

III. — COMPARAISON AVEC LES AUTRES TYPES DE MÉTAMORPHOSES CHEZ LES NUDIBRANCHES

1» ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES CHEZ LES ÆOLIDIENS 1(1) A VÉLIGÈRES PLANCTOTROPHES

L’étude détaillée de l’ontogenèse d’Æalderi a été rendue possible grâce à la richesse des œufs en vitellus; il était intéressant de pouvoir comparer cette évolution exceptionnelle avec celle d’autres espèces dont les véligères sécrètent une protoconque appartenant au même type, mais dont la pau­ vreté en vitellus nécessite une phase de vie trophique et pélagique. C’est ainsi que j’ai pu faire des observations très intéressantes chez Facelina coronata et une autre espèce que je n’ai pu déterminer avec certi­ tude. Parm i les colonies de l’HydraireEudendrium capillare Aider, il arrive fréquemment de trouver des Facelina coronata (Forbes) jeunes et imma­ tures en assez grand nombre, avec des adultes et leurs pontes. Ces pontes sont en général déposées à plat sous les pierres immergées; elles sont formées d’un petit ruban fixé au substratum sur toute sa longueur et enroulé en spirale régulière et festonnée. Les œufs, pauvres en vitellus, donnent naissance, au bout de 5 à 6 jours à 15-20° C, à des véligères sans yeux, dont le pied est réduit et le vélum

(1) C’est-à-dire à véligère pourvues d’une protoconque de type 1. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 337 bilobé bien développé. La protoconque, du type 1 de Thompson, est transpa­ rente et laisse voir l’organisation interne de cette larve parfaitement adaptée à la vie planctonique qu’elle va mener pendant un laps de temps encore imposssible à évaluer de façon précise. A la loupe binoculaire, parmi les très jeunes Facelina coronata, j ’ai pu observer une véligère fixée par son pied sur un hydroeaule ’Euden­ d drium capillare, dans une position semi-rétractée. Elle s’est révélée par la suite être celle d’une Facelina coronata. Ceci n’est pas sans rappeler ce qui a été observé chez Amphorina doriæ (1) et Tergipes despectus. Cette véligère diffère profondément de celle qui sort de l’œuf. Le pied est en effet bien développé, les yeux bien visibles. Lors de sa capture le vélum était déjà complètement régressé et la masse viscérale, importante, rem-

1 0 0 [ J

Fig . 14. A Facelina coronata : proto­ conque de véligère après son rejet. A, vue du côté gauche; B, vue dorsale; C, vue ven­ trale; D, larve sur le point de perdre sa protoconque et son opercule.

plissait presque entièrement la protoconque, bien qu’elle ait été en voie de décollement. Le tissu hépatique apparaissait légèrement brunâtre, sans doute par suite d’ingestion de phytoplancton, mais il n’y avait aucune pig­ mentation tégumentairc (fig. 14,D). Un examen attentif de la protoconque montre qu’il y a eu une crois­ sance de plus de un tour, à voir la spirale sénestre que dessine la coquille en s’enroulant sur elle-même; mais toute la portion columellaire est très effacée; seule une mince lame triangulaire reliant l’apex au bord postérieur du péristome à droite subsiste (fig. 14).

(1) Que j ’ai appelé par erreur Capellinia exigua (1962 a). 338 JEAN TARDY

Sa forme régulière et arrondie n’est pas affectée par l’enroulement, au point que sans le dessin de la ligne de suture spiralée, on pourrait croire qu’elle appartient au type 2 de Thompson. J ’ai également trouvé, sur Eudendrium capillare, une véligère dont je n’ai malheureusement pas pu obtenir la croissance jusqu’à un stade per­ mettant une détermination sans équivoque, bien qu’elle soit parfaitement distincte de celle deF. coronata par une pigmentation brun-violet dans la région céphalique, sur les flancs, surtout à droite sur la nuque et un peu en arrière, ainsi qu’en avant sur le dessus du propodium. Les processus de la métamorphose sont très semblables. La proto­ conque rejetée par la limapontioïde est presque identique à celle de F. coronata, mais elle est légèrement plus déprimée transversalement. On remarque la même trace d’enroulement, l’effacement presque complet de la columelle. Cette larve est morte alors qu’elle avait acquis les deux pre­ mières paires de papilles. S’il est trop tôt pour pouvoir affirmer que la présence du genreEuden­ drium, ou même de l’espèce E. capillare est nécessaire à la métamorphose de F. coronata, il est assez troublant de constater que, sur aucun autre genre d’Hydraire examiné, je n’ai pu trouver le moindre jeune deF. coronata ou sa véligère, alors que j’ai pu en récolter deux autres un peu plus tard sur E. capillare (1). Pour cet Æolidien comme pour Tergipes despectus ou Amphorina doriæ, on peut donc envisager comme probable une telle spécificité. D’autre part, il est vraisemblable que la durée de la phase fixée, ou « diapause », est très courte comme celle deA. doriæ et peut-être de T. des­ pectus, étant donné la rareté des véligères fixées par rapport à l’ensemble des individus de tous âges récoltés sur ces colonies d’Hydraires.

Deux faits se dégagent de ces observations :

Io II semble donc que la dépendance d’une proie plus ou moins spéci­ fique pour la métamorphose soit un fait courant sinon obligatoire chez les Nudibranches planctotrophes; quelques espèces dont les œufs sont très riches en vitellus pouvant échapper à cette contingence (2).

2° La comparaison de la véligère à protoconque de type 1 juste éclose et à la métamorphose montre que la phase pélagique a une signification importante, elle correspond à des modifications profondes et à une crois­ sance très nette qui nécessitent une vie trophique plus active et plus longue dans le plancton, que pour les véligères à protoconques de type 2.

(1) L’étroite spécificité vis-à-vis des proies s’atténue par la suite et les adultes acceptent bien d’autres Hydraires. (2) La spécificité hôte-proie sera abordée, dans un mémoire ultérieur, avec la nutri­ tion et les phases desci'iptives de la croissance et des métamorphoses comparées chez les Nudibranches et Sacoglosses. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 339

Quant à la forme finale de la protoconque, il est évident que l’animal pourra s’en extraire plus facilement que d’une coquille à columelle bien saillante. Thorson (1946) a représenté la véligère de Limapontia capitata et la véligère d’une autre espèce qu’il présume être celle d’Elysia viridis sur le point de se métamorphoser : chez ces deux Sacoglosses il y a alors une analogie troublante de la forme de la protoconque avec celle deFacelina coronata ou celle de notre espèce indéterminée : cette protoconque est nettement plus grande qu’à l’éclosion et présente la spiralisation remar­ quée chez ces Æolidiens.

2° ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES CHEZ LES ÆOLIDIENS 2 (1)

L’étude de l’ontogenèse deTenellia ventilabrum et celle d’Amphorina doriæ ont été comparées avec quelques phases de celle deTergipes despectus et de Amphorina cingulata, espèces à véligères planctotrophes dont le cycle n’a pu être observé dans sa totalité. De cette étude, il ressort qu’il existe une grande homogénéité des pro­ cessus embryologiques et de métamorphose chez ces Æolidiens. Ces processus diffèrent fondamentalement de ceux que l’on a observés chez les formes à véligères dont la protoconque est de type 1. L’étude détaillée de l’ontogenèse de ces Æolidiens ne sera pas exposée ici, seuls seront rapportés trois faits généraux particulièrement intéressants : 1° Chez toutes les véligères planctotrophes ou lécithotrophes, la cavité palléale qui se forme est très profonde et s’étend en arrière jusqu’au niveau de l’insertion du muscle rétracteur. La torsion est toujours de 180° et se produit alors que la véligère achève la formation de sa protoconque. 2° Au fur et à mesure que cette cavité palléale apparaît, tous les élé­ ments figurés du pallium vont disparaître peu à peu à partir du plan sagittal. Toutes les cellules qui le constituent migrent de chaque côté vers les flancs. Ces phénomènes sont parfaitement visibles sur le vivant où, lors de l’éclosion, il ne semble subsister aucune trace du manteau. De fait, les coupes d’embryons d’âges différents confirment cette évolution; une simple membrane anhyste subsiste quelque temps sous la protoconque à l’éclo- sion (fig. 15). Il semble donc que le manteau primitif et le bourrelet palléal jouent un rôle restreint et transitoire : ils assurent l’achèvement du test protecteur puis semblent disparaître. Il est bien évident que la protoconque ne peut plus alors augmenter de dimension : c’est ce que confirment les mesures et l’aspect des protoconques de toutes les espèces de cette catégorie que j’ai pu observer à la métamorphose : Tergipes despectus, Amphorina cingulata, A. farrani, A. doriæ, Tenellia ventilabrum. On ne peut faire aucune distinc­

ta) C’est-à-dire à véligères pourvues d’une protoconque de tj'pe 2. 342 JEAN TARDY

IV. — DISCUSSION

I° TORSION

Si l’on est unanime actuellement à constater que « la torsion est l’acte de naissance de la classe des Gastéropodes », les modalités de cette torsion sont assez variables. Chez les Prosobranches, l’amplitude est d’environ 180°. Elle apparaît soit comme une crise de quelques minutes A ( cm ea ; Boutan, 1899), soit en deux temps de 90° chacun, de durée inégaleHaliotis, ( Patella-, Crofts, 1937, 1955), soit comme un mouvement lent : 10 jours environ chez Pomatias elegans (Creek, 1951). Même chez les formes à développement altéré, comme cette dernière, ou retardée commePila (Ranjah, 1942) et Pisania maculosa (Franc, 1943), il y a une torsion de 180° qui amène la cavité palléale d’arrière en avant en passant par la droite. Ce mouvement rend compte de la torsion en « 8 » de la commissure viscérale qui est longue : on qualifie de ce fait les Prosobranches de Strep- toneures par opposition aux Euthyneures où la commissure viscérale n’est plus tordue à quelques exceptions près, telles Acteon, Philine qui ont con­ servé des caractères archaïques. Cette euthyneurie peut être réalisée de deux façons différentes : soit par détorsion de la commissure viscérale encore longue (Céphalaspidés, Anaspidés), soit par céphalisation de la commis­ sure viscérale ainsi soustraite à l’influence de la torsionPleurobranchacea ( [= Notaspidés], Nudibranches, Sacoglosses et majorité des Pulmonés). Chez les Opisthobranches, l’amplitude de la torsion est considérée comme variable. Chez les Céphalaspidés, Anaspidés etPleurobranchacea, la cavité palléale s’ouvre en effet non plus en avant, mais à droite ou même en arrière. Chez les deux premiers, Guiart, (1901) a pu vérifier qu’il y avait bien détorsion après la torsion larvaire, comme Pelseneer (1894) l’avait supposé. Chez quelques Nudibranches, Pelseneer (1911) a pu montrer qu’il y a une torsion brusque de 180°. Thom pson (1958) indique (p. 53) : « Tor­ sion in Adalaria is no longer detectable as a mechanical process; all the organs which are involved in ontogenetical torsion are, from their first appearance, placed in their post-torsional positions » et, un peu plus loin : « Torsion as it affects the visceral organs in the opistobranch embryo never approaches the full 180° twisting found in livingDiotocardia ». Le même auteur, en 1962, écrit (p. 211), parlant du mouvement des cellules anales : « This movement is the sole vestige in Tritonia hombergi of the onto­ genetic mechanical processes of gastropod torsion and ventral flexure ». Hamatani (1960) a représenté, chez Catriona ornata et C. pinnifera, les véligères pré- et post-torsionnelles où l’on voit que la torsion atteint bien 180°. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 343

Ainsi les opinions ne semblent pas concordantes ou varient selon les espèces étudiées. A la lumière de ce que nous avons observé, nous pouvons affirmer que, bien que la torsion ne dépende pas toujours d’un processus mécanique, elle existe cependant chez tous les Nudibranches et qu’elle est d’environ 180°. En effet, chez les Æolidiens 2, où la protoconque est suffisamment développée avant que n’intervienne la torsion, on constate que son apex est d’abord tourné vers l’avant, puis brusquement il prend une position posté­ rieure, l’ouverture étant dirigée vers l’avant. La réalisation de ces processus se prête parfaitement à l’observation grâce à l’allongement antéro-postérieur de la protoconque; les figures de véligères pré- et post-torsionnelles données par Pelseneer (1911) (Eolis concinna, Amphorina olivacea ) et par Hama- tani (1960) (Catriona ornata et C. pinnifera) montrent l’évidence de cette torsion. J’ai pu suivre ce processus chez Amphorina farrani, A. cingulata, A. doriæ, Tergipes despectus, Tenellia ventilabrum et Trinchesia aurantia où j’ai observé des figures très semblables. La torsion de 180° est par consé­ quent un phénomène particulièrement net chez les Æolidiens 2. Chez les Æolidiens Í, la torsion se déroule également très vite (un peu moins vite, semble-t-il, chez les véligères lécithotrophes), elle survient avant que la protoconque, telle qu’elle apparaît à l’éclosion, ne soit achevée. Dans les cas où la richesse en vitellus est grande dans l’embryon et permet l’observation de la métamorphose, la torsion est encore plus difficile à observer étant donné qu’elle se passeavant que ne soit développée la pro­ toconque et, partant, la cavité palléale : grossièrement, nous pouvons dire que l’axe autour duquel se fait la torsion est très voisin de l’axe de symétrie apparente de la masse viscérale qui est alors sub-sphérique, si bien qu’exté­ rieurement il est difficile de la soupçonner. Cependant une observation atten­ tive permet de constater que l’invagination coquillière, d’abord dorsale, passe à gauche puis devient ventrale comme j’ai pu le remarquer chez Aeolidiella alderi. D’autre part, chez la jeune véligère de cette espèce, le point de jonction du mésentéron et du proctodéum estventral avant la torsion (7-8e jour) et, très brusquement (moins de un jour plus tard), il devient dorsal et l’intestin descend le long du mésentéron, à droite, pour rejoindre l’anus dont il n’est pas possible de déceler dans le même temps une quelconque migration. La réalité de la torsion dextre et de 180° est de ce fait incontestable. Il est infiniment probable, à condition de pratiquer des coupes à des stades suffisamment précoces, qu’il en est de même chez Adalaria proxima et Tritonia hombergi (1). Il est facile d’expliquer pourquoi l’anus subit une simple migration de 45-50° chez l’embryon lors de la torsion. Entre le sommet de la masse vis­ cérale et le complexe céphalo-pédieux s’établit un gradiant de torsion : un point quelconque de la masse viscérale subira un déplacement d’autant

(1) Seule l’observation de coupes de très jeunes embryons peut permettre de s’en rendre compte. La réalisation et l’interprétation de telles coupes sont très délicates et expliquent le manque d’information à ce sujet. 344 JEAN TARDY moins important qu’il sera plus près du complexe céphalo-pédieux et vice versa (1). Ceci nous amène à parler de la protoconque et de la cavité pal­ léale. Il est bien évident que les divers points de la protoconque, unité rigide, ne peuvent obéir à la loi du gradiant de torsion. Effectivement, chez les véligères des Æolidiens 2, nous observons, comme nous venons de le voir, une rotation de 180° de la protoconque, ramenant la cavité palléale au-dessus de la région céphalique. Cette torsion n’est rendue possible mécaniquement que par la conformation de la larve : le diamètre du pédoncule unissant la masse viscérale et le complexe céphalo-pédieux est faible; la cavité palléale est très profonde et sépare entièrement protoconque et manteau du pédon­ cule. Ainsi, la protoconque solidaire du sommet de la masse viscérale subit la même torsion de 180°. Inversement, la conformation de la véligère lécithotrophe et pré- torsionnelle des Æolidiens 1 supprime toute possibilité de torsion par un processus mécanique : il suffit, pour s’en rendre compte, de se reporter aux dessins de la figure 1. En effet, il n’y a pas de cavité palléale et plus de pédoncule. Ce dernier est remplacé par une légère constriction entre les deux masses. Dans ce cas, ce ne sont plus la protoconque et le bourrelet palléal qui tournent avec la masse viscérale, mais leurs ébauches avant qu’elles ne la recouvrent. Il y a inversion ici de l’ordre chronologique de ces processus ontogénétiques et la torsion procède presque exclusivement d’une croissance différentielle. Ultérieurement, lors de la métamorphose, la masse viscérale s’intégre au complexe céphalo-pédieux. Ce phénomène, qui préside à l’acquisition de l’aspect limaciforme, n’aboutit en aucun cas à la détorsion; au contraire, il l’empêche : la masse viscérale est devenue solidaire du céphalopodium et l’axe de torsion se confond peu à peu avec celui du grand allongement de l’animal. Dans ces conditions, toute tentative de détorsion aboutirait à tordre en même temps le céphalopodium autour de son axe antéro-posté- rieur à la manière d’une hélice ! Un tel processus est inconcevable et, de fait, ne se produit pas : chez tous les Nudibranches adultes Vabouchement de l’intestin avec l’estomac est dorsal et décèle ainsi de façon catégorique que ces Mollusques ont subi et conservé la torsion de 180°, contrairement à ce que Morton (1958) affirme (p. 174). Par contre, l’effacement de la flexion sous l’effet de l’allongement antéro-postérieur est évident. Il ne faut donc pas parler de détorsion chez les Nudibranches, mais seulement de l’efface­ ment plus ou moins marqué de la flexion ventrale. Cet effacement n’est cependant jamais total, car au départ de l’estomac l’intestin se dirige tou­ jours vers l’avant et passe par la droite; d’autre part, l’anus reste le plus souvent à droite, solidaire du flanc droit.

(1) C’est pourquoi il ne faut pas considérer la migration de l’anus comme le fait prépondérant de la torsion chez les Nudibranches, car cet orifice est relativement près du céphalopodium et se déplace peu. En se fondant sur ce déplacement, on aboutit à des conclusions erronées en niant, par exemple, la torsion chezAmphorina ( = Eubran­ chus) exigua, Trinchesia aurantia comme l’a fait Thompson (1958), alors qu’elle est de 180° chez ces espèces. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 345

En résumé, chez les Æolidiens 2, que la véligère soit planctotrophe ou lécithotrophe, la torsion intervient comme un phénomène mécanique sur la masse viscérale recouverte d’une protoconque déjà achevée. Cette torsion est de 180°. Chez les Æolidiens 1, la torsion intervient aussi comme un phénomène mécanique, rapide chez les véligères planctotrophes, mais il porte sur la masse viscérale alors que la protoconque encore inachevée, est en forme de simple calotte. Chez les véligères lécithotrophes, la torsion procède presque exclusivement d’une croissance différentielle; elle est plus lente et porte sur la glande coquillière à peine évaginée. Dans les deux cas la torsion est cependant de 180°. Enfin, cette torsion persiste chez tous les Nudibranches à l’état adulte; la position dorsale de l’abouchement de l’intestin avec l’estomac en est la preuve irréfutable. La masse viscérale en s’intégrant au céphalopodium est responsable : I o de la conservation intégrale de la torsion de 180°; 2° de l’effacement partiel de la flexion, l’anus migrant vers l’arrière sous l’effet de l’allongement antéro-postérieur.

Signification adaptative de la torsion. — Bien des hypothèses ont été émises quant à la signification de la torsion. Celle qui a obtenu la plus large audience est bien celle de Garstang (1928). Elle offre en effet les explications les plus plausibles à ce phénomène fondamental et si particulier qu’est la torsion des Gastéropodes. Garstang suppose que la torsion est une muta­ tion brusque. Elle aurait eu pour principale conséquence de permettre la rétraction de la région céphalique la première, du pied ensuite à l’intérieur de la protoconque, alors qu’avant la torsion c’était l’inverse. Selon cet auteur, la région céphalique serait plus vulnérable que le pied. Ainsi, la larve qui a subi la torsion serait mieux protégée que si elle ne l’avait pas subie. Récemment, Ghiselin (1966) et Thom pson (1967) ont apporté des points de vue différents. Le premier ne croit pas à la possibilité d’une « macro­ mutation » aboutissant à une torsion d’emblée de 180°, mais plutôt à une torsion par étapes très progressives dans 1’ « histoire » des Gastéropodes. D’une part, nous devons nous en tenir aux faits; or nous n’avons aucun exemple, à ma connaissance, ni dans la faune actuelle, ni dans la paléonto­ logie, de Gastéropodes qui soient les représentants de l’une de ces étapes, graduelle et « raisonnable » de la torsion. De plus, Batten, Rollins et Gould (1967) critiquent la théorie de Ghiselin, car les Cyclomya, formes de Monoplacophores fossiles découverts récemment (Rollins; Horny, 1963, 1963 a, 1965, 1965 a), m ontrent des caractères qui les rapprochent des Gastéropodes mais pas le plus important, la torsion; or ces formes étaient parfaitement adaptées à leur mode de vie comme en témoi­ gnent leurs populations. Il est donc absolument indispensable d’intégrer ces Mollusques pour reconstituer la phylogénie aboutissant aux Gastéropodes. On ne peut dire que ces faits prêchent en faveur de la théorie de Ghiselin. 346 JEAN TARDY

Contrairement à la torsion, la détorsion ou rotation d’équilibre nous montre dans la seule faune malacologique actuelle tout un éventail de types intermédiaires entre la torsion de 180° et la détorsion complète — du moins apparente chez les Gastéropodes Opisthobranches (Minichev, 1967, et obser­ vations personnelles rapportées ici). De plus, nous venons de le montrer, la torsion de 180° est un phénomène constant, inscrit dans l’embryologie de tous les Gastéropodes comme une crise rapide. Aucune trace de degré ou de progression même chez les plus archaïques : dès qu’elle apparaît, la torsion est totale. Quant à la détorsion, elle ne peut être confondue avec un pro­ cessus ontogénique primaire de torsion incomplète. Elle se présente tou­ jours, en effet, comme un phénomène secondaire : elle ne s’acquiert qu’avec l’aspect définitif de ces Gastéropodes qui subissent tous la torsion de 180° dans la période embryonnaire. Par conséquent, il me semble qu’il faille de nouvelles investigations dans la faune malacologique actuelle et paléontologique pour étayer la théorie de Ghiselin. A ce titre, l’observation des phénomènes embryonnaires chez Neopilina revêtrait vraisemblablement une importance considérable. Il est fort possible que, chez la véligère, le pied et la tête soient aussi vulnérables l’un que l’autre, et je ne critiquerai pas Thompson pour cette assertion à l’encontre de la théorie de Garstang. Par contre, il est bien évi­ dent que ce n’est pas le manteau qui joue un rôle protecteur du céphalo­ podium lors de la rétraction : mes observations sur l’évolution de cet organe chez les véligères à protoconque de type 2 le montrent pleinement. Ce n’est pas ce que Garstang voulait dire et c’est, me semble-t-il, jouer sur les mots que de l’entendre ainsi : il est parfaitement clair que c’est l’espace ménagé sous la protoconque sécrétée par le manteau qui constitue l’abri du cépha­ lopodium. Cet espace peut, ou non, être confondu avec la cavité palléale.

2o CHRONOLOGIE DES PROCESSUS DE MÉTAMORPHOSE

Chez tous les Nudibranches où l’on a pu suivre ces phénomènes, la chronologie est toujours la même : l’histolyse des organes larvaires pré­ cède toujours l’histogenèse des appendices définitifs. Seul semble faire exception à cette règle Tergipes edwardsii dont les stades pélagiques, décrits en 1846 par de Nordmann, portent en même temps des papilles et un vélum. Pour T. despectus il n’en est pas de même. C’est pourquoi je n’accorde que peu de crédit à ce travail, l’auteur ayant probablement mal interprété ce qu’il voyait : peut-être s’agissait-il de larves nectochètes d’Annélides ? Les moyens ne devaient certainement pas, à l’époque, permettre des observa­ tions bien précises sur des organismes de cette taille. Enfin, les connais­ sances d’embryologie comparée chez les invertébrés étaient encore bien succinctes. Les organes larvaires disparaissent graduellement et leurs traces per­ sistent chez les jeunes larves où aucune poussée d’appendice ne se manifeste. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 347 aberrantes. Æ. Æ. alderi Fig. 17. — Fig. 17. — Photographies 1-7 : diverses vues de deux 348 JEAN TARDY

Cependant, la formation du bulbe radulaire et des premières dents, le propodium et les yeux, le rein définitif, sont acquis en général avant la perte du vélum : il est bien évident que pour survivre il faut que l’organisme qui va se métamorphoser soit préparé à son changement de vie.

3o TÉTRALOGIE ET MORPHOGENÈSE, MORPHOGENÈSE EXPÉRIMENTALE CHEZ LES NUDIBRANCHES

Dans certaines conditions d’élevage, j’ai obtenu desÆolidiella alderi adultes tout à fait aberrantes, comme le montrent les photographies de la figure 17. La sole pédieuse est aussi longue que chez un individu normal, mais elle n’est recouverte de papilles que dans la moitié antérieure de la longueur de l’animal. A l’exception de celles de la collerette céphalique, ces papilles sont assez nettement plus grosses que celles d’un individu normal. En y regardant de plus près, on s’aperçoit que la partie postérieure du pied ne reçoit pas ou que peu des organes viscéraux, ceux-ci sont contenus dans la partie antérieure du corps qui forme, vers l’arrière et sur le dos, une bosse séparée de la sole pédieuse par un profond sillon (fig. 18). Les papilles ne s’alignent que sur les cinq rangs correspondant aux premiers d’un individu normal. En arrière d’eux se trouve l’anus; mais il n’est pas situé sur le flanc droit de l’animal : il est dirigé vers l’arrière et vers la gauche, approxima­ tivement dans le plan de symétrie apparent de l’animal, flanqué de chaque côté par le cinquième rang de papilles (fig. 18). Aucun des diverticules pos­ térieurs à son ouverture ne se développe. Il y a donc un remodelage rame­ nant l’anus dans le plan de symétrie apparent de ces Æolidiens parfaite­ ment viables, puisqu’ils se sont même reproduits. Les individus adultes issus de ces parents aberrants étaient normaux. Il s’agit donc bien d’un accident au cours des processus de métamorphose modifiant la morphologie de l’adulte. J’ai pu m’assurer, en effet, que les Æolidielles aberrantes pro­ venaient de larves, qui, à la suite de l’évagination de la cavité palléale, pré­ sentaient, avant l’apparition de toute papille, un diverticule digitiforme plus ou moins long partant postérieurement à la masse viscérale, légèrement à droite et vers l’arrière, au-dessus de la partie postérieure du pied. L’étude histologique de certaines véligères et des larves anormales permet une interprétation satisfaisante des processus qui conduisent à ces adultes aberrants. Les coupes histologiques montrent en effet, chez certaines véligères sur le point d’éclore, une énorme vacuole sur le bord externe du bourrelet palléal, à droite, au niveau du rein secondaire. Cette vacuole n’apparaît que si le milieu est confiné; on peut donc penser qu’elle joue un rôle soit dans la régulation osmotique, soit dans le stockage des produits de déchets, peut-être même sert-elle à ces deux fins. Cette vacuole va se trouver englobée sous le manteau définitif lors de son éversion (fig. 19). Lorsque la vacuole est suffisamment grosse, le manteau définitif ne réussit MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 349

F ig . 18. — Une Æ . alderi aberrante adulte fixée, papilles sectionnées, afin de montrer la disposition des rangées et de l’anus.A, vue du côté droit;B, vue ventrale; la partie postérieure de la sole pédieuse est repliée ventralement vers l’avant. a, anus; b, orifice buccal; m. v, masse viscérale; p, palpe; pr, proctodéum; q, queue; rh, rhinophore.

Fig . 19. Schéma d’une coupe frontale de larve montrant réversion anor­ male du manteau. b, bulbe radulaire; b. p, bour­ relet palléal (en grisé) ; c. a, cel­ lules anales; e.p, épithélium pédieux dorsal; i, intestin; m. mésentéron; st, statocyste; v, va­ cuole.

pas à envelopper totalement la masse viscérale, car il lui a fallu auparavant englober cette vacuole. Le bord du manteau vient alors buter dans le sillon qu’il constitue en achevant d’entourer la vacuole avec la masse viscérale (fig. 19). L’angle ainsi formé est aigu et empêche vraisemblablement la résolution du manteau définitif en une lame proliférant vers l’arrière, au 350 JEAN TARDY fur et à mesure de rallongement de la sole pédieuse, pour former l’épithé­ lium dorsal et contribuer ainsi à l’allongement du corps chez les individus normaux. Au contraire, le mouvement de prolifération du bourrelet palléal, qui revient alors vers l’avant, s’oppose en direction très exactement à celui

'V

A /

G'

F ig . 20. — Evolution morphogénétique schématisée et comparée chez les Æolidiella alderi normale (A à G) et anormale (A' à G'). En grisé le notum; les flèches indiquent les mouvements présumés lors du recouvrement enA, A', B et B', qui représentent des larves vues par l’arrière; C. D. E , stades menant à la limapontioïde;C', D', E', leurs homologues anormaux ; F, G, extension du notum chez l’adulte normalF', ; G’, chez leur homologue aberrant. o, vacuole. de l’allongement pédieux antéro-postérieur. La vacuole ne se résorbant pas immédiatement, il se forme alors ce diverticule où, un peu plus tard, s’enga­ gera la masse viscérale faute de trouver de place ailleurs. La morphogenèse comparée des individus normaux et anormaux est résumée par les schémas de la figure 20. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 351

Il se forme un tube transitoire accolé à la masse viscérale dans sa partie profonde, dirigé d’avant en arrière, s’ouvrant sur l’extérieur dans l’épithé- lium définitif, entre le dessus du pied et le diverticule au fur et à mesure de l’allongement de la larve. Ce tube s’oblitère très tôt à la surface de l’épithélium et disparaît par la suite. L’orifice de cette invagination épithé­ liale marque la limite approximative de l’expansion du tégument définitif. Chez les adultes aberrants, il y a parfois un fin diverticule de la glande digestive qui pénètre dans le pied. Dans ce cas, je n’ai jamais observé de poussée de papilles sur l’épithélium dorsal de la sole pédieuse.

La portée de ces faits tératologiques est très importante à divers points de vue.

10 La remarque énoncée ci-dessus, l’emplacement des papilles en cor­ rélation avec la limitation du développement de l’épithélium dorsal définitif chez mes Æolidiellcs anormales — que corrobore l’étude histologique des processus de métamorphoses normaux et tératologiques — tendent à prouver que ces appendices dérivent du manteau et non des parois latérales du corps. Le tissu digestif ne peut produire à lui seul ces appendices s’il n’est pas associé à cet épithélium définitif comme le montre son absence sur le dessus, le dessous et les bords de la queue. Un autre exemple vient confirmer cela : chez deux individus adultes j’ai trouvé un diverticule digestif ventral; dans aucun de ces cas je n’ai constaté la moindre irrégu­ larité des téguments adjacents. Il ne semble donc pas y avoir une induction à la formation des papilles par le tissu digestif associé à un tégument quelconque.

Preuves expérimentales. — D’autre part, j ’ai pu m ontrer que le tissu digestif induisait cette formation dans l’épithélium définitif en réalisant les opérations suivantes. Sur un même individu, j’ai supprimé toutes les papilles de deux rangées consécutives et l’un des diverticules correspondant sauf son extré­ mité distale. Les individus ainsi opérés ont donné les résultats suivants : là où le diverticule a été supprimé aucune papille n’a repoussé; par contre, au-dessus de la portion distale du diverticule de nouvelles papilles se sont développées. Elles demeurent assez petites, ce qui s’explique peut-être par l’isolement de la portion du diverticule hépatique du reste du tube digestif. Par contre, comme on pouvait s’y attendre, le rang de papilles supprimé sans ablation du diverticule digestif redonne naissance à une rangée de papilles parfaitement constituées. 11 semble donc que ce soit l’association épithélium définitif-tissu digestif qui soit responsable de la formation de papilles. Il y aurait, en somme, une compétence du tissu notai qui aboutirait à l’élaboration de ces appendices 352 JEAN TARDY sous l’induction du tissu digestif. Ces faits réfutent l’hypothèse émise par certains auteurs (citation de Thompson, 1968, p. 55, sans référence, mais faisant sans doute allusion au travail de Hancock et Embleton [1849], qui ont cru voir une innervation partielle de la zone papillifère par les ganglions pédieux et concluaient à son homologie avec les parapodies innervées par les mêmes ganglions. Ces faits sont d’ailleurs déniés par Russell (1929); parlant d’/Eolidia papillosa, cet auteur écrit, p. 214 : « No pedal nerves were seen to enter the cerata ».

2° La comparaison des positions occupées par l’anus chez des animaux normaux d’une part, et anormaux d’autre part, prouve de façon indiscutable que, chez les premiers, l’allongement du céphalopodium, après avoir favorisé l’effacement de la flexion ventrale, empêchait sa disparition complète (qui n’est qu’apparente) en maintenant cet orifice solidaire du flanc droit, alors que, chez les seconds, l’effacement de la flexion ventrale est bien favorisée par l’allongement du céphalopodium, mais par la suite, l’anus n’étant pas solidaire de ce complexe, migre pour prendre une « position d’équilibre » approximativement dans le plan sagittal apparent. Mes observations ont porté sur une dizaine d’individus aberrants qui montrèrent tous les mêmes dispositions anatomiques. D’autre part, j’ai récolté sur le terrain une Æolidiella sanguinea qui présentait la même ano­ malie, ce qui confirme que ces cas tératologiques ne sont pas uniquement dus à des conditions artificielles défectueuses et prouve que, lorsque la masse viscérale reste saillante, l’anus débouche postérieurement, dans le plan de symétrie de l’animal.

3° Ces deux phénomènes sont liés et nous suggèrent une séduisante théorie explicative de la position de l’anus chez lesDoridacea : en effet, chez ces Nudibranches le pied reste séparé du manteau définitif par un profond sillon; par conséquent, l’allongement du pied n’empêche pas l’anus de prendre une position d’équilibre dans le plan de symétrie apparent de l’animal comme chez nos Æolidielles aberrantes. Chez les formes où il ne subsiste pas de sillon à l’état adulte ,( Palio, Limacina et autres), il doit vraisemblablement y en avoir un lors de la morphogenèse. D’autre part, l’aspect des jeunes individus anormaux n’est pas sans rappeler la structure des Acochlidiacés où le sac viscéral pourrait fort bien être l’homologue du diverticule dorsal de mes Æolidielles aberrantes. La position de l’anus, qui reste latéral, peut parfaitement s’expliquer si cet ori­ fice est placé chez la véligère plus près du céphalopodium qu’il ne l’est chez celles des Nudibranches étudiées ici.

Enfin Simroth (1905) et Kiinkel (1916) ont décrit, chez un individu d’Arion rufus (Pulmoné), une anomalie de constitution tout à fait analogue à celles que je viens de rapporter, mais les orifices ne subissent pas de migration, vraisemblablement, pour les mêmes raisons que celles que j’ai invoquées pour les Acochlidiacés. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 353

En résumé, la comparaison de l’évolution morphogénétique normale et tératologique ainsi que l’expérimentation montrent : — Que la poussée des papilles semble être induite, chez les Æolidiens, par l’association du tissu digestif avec le tégument dorsal définitif issu de la prolifération du bourrelet palléal. — Que la zone papillifère est bien l’homologue du manteau définitif des Dendronotacea et Doridacea. Il n’y a pas à ce point de vue, comme le préconise Thompson, de scission entre ces divers Nudibranchus. Enfin l’examen des Æolidielles aberrantes suggère : Io Que la position de l’anus chez les Doridacea est la conséquence d’une certaine indépendance de la masse viscérale par rapport au pied lors de la métamorphose. 2° Que le recouvrement de la masse viscérale chez des formes aussi variées que les Acochlidiacés et les Arionidés procède d’un mécanisme très semblable. 3° Que les Acochlidiacés sont, comme les Pseudovermidés, des formes qui, bien que très évoluées, ont conservé un aspect larvaire qui peut relever de la néoténie.

¥ SYSTÈME NERVEUX

Comme j ’ai pu le montrer, chez la véligère d’Æ. alderi et jusqu’au stade pseudovermis, parfois même à des stades ultérieurs, on retrouve, assez bien individualisées, la plupart des masses ganglionnaires de la commissure viscérale. Les ganglions pleuraux sont fusionnés aux céré- broïdes dès leur formation. C’est pourquoi je suis persuadé que les masses ganglionnaires, appelées ganglions pleuraux chez la véligèred ’Adalaria proxima par Thompson, n’y correspondent pas. Elles sont très certaine­ ment les homologues des masses de cellules nerveuses que j’ai pu observer chez des stades analogues et aux mêmes emplacements chez la véligère d'Æolidiella alderi. Ces massifs neuroblastiques naissent au niveau des bourgeons de palpes et migrent, comme nous l’avons dit page 329, pour se fusionner à la base des cérébroïdes, participant par là à la télencépha- lisation. Chez Tritonia hombergi, Thompson indique qu’il n’a pas vu les ébauches des ganglions pleuraux; par contre, quelques semaines après la métamorphose, une constriction transversale apparaît dans le ganglion cérébroïde primordial, délimitant ainsi le pleural et le cérébroïde. Ici, l’absence de palpes véritables, remplacés par un voile, exclut peut-être la formation des massifs neuroblastiques et expliquerait ainsi la première observation de cet auteur. Je suis persuadé que chez les véligères d’Adalaria proxima et Tritonia hombergi la fusion cérébro-pleurale s’effectue très tôt, probablement dès 354 JEAN TARDY la formation comme je l’ai observé chez Æ. alderi, où cérébroïdes et pleu­ raux naissent de chaque côté à partir d’une seule invagination bilobée, contrairement à ce qui est admis d’une façon assez générale chez les Gastéropodes (Raven, 1966, p. 217). Il est vrai que la fusion du cérébroïde et du pleural est impossible à observer : on peut dire qu’il n’y a jamais d’individualisation des pleuraux ni des cérébroïdes. En effet, sur les coupes parasagittales on peut constater la présence des connectifs cérébro-pédieux et pleuro-pédieux avant que le contour du cérébro-pleural ne se dessine (fig. 4). La fusion des ganglions cérébroïdes avec les pleuraux se fait donc d’emblée et se déduit catégoriquement de la présence des connectifs cérébro- et pleuro-pédieux apparus le 8° jour. L’ensemble du système nerveux central est très céphalisé dès sa for­ mation puisque même le ganglion abdominal est adjacent au bulbe buccal, les pariétaux droit et gauche sont au niveau des buccaux avec lesquels ils sont plus ou moins en contact. Le supra-intestinal n’est séparé du pariétal droit que par une faible constriction (fig. 6, A, et 9, A et B). Cette structure, que j’ai pu observer également en un peu plus condensée chez les véligères à protoconque de type 2, telles que celles de Tenellia ventilabrum, Amphorina doriæ, doit être un phénomène général chez les Nudibranches : en effet, les excellents dessins de coupes para­ sagittales du côté droit des véligères ’Adalaria d proxima et de Tritonia hombergi scrupuleusement représentées par Thom pson (1958, p. 43, fig. 39, et 1962, p. 182, fig. 8), m ontrent à mon avis une erreur d’interprétation : la masse ganglionnaire dénommée « ganglion buccal droit » est très certai­ nement le ganglion pariétal. Quant à ce que cet auteur appelle le ganglion optique, je suis persuadé qu’il s’agit du massif issu de l’invagination intra- vélaire qui se fusionne au cérébro-pleural de chaque côté pour réaliser la partie la plus importante de la télencéphalisation. D’ailleurs, sur les figures de Thompson, cette masse est plus ou moins fusionnée à l’avant du cérébroïde et sa taille, par rapport à ce ganglion, serait énorme s’il s’agissait bien du ganglion optique : enfin, il serait situé en avant des yeux, ce qui est contraire à la réalité. Cependant, l’on doit reconnaître comme Thompson et moi l’avons décrit précédemment, que c’est à partir de cette invagination que se forme l’œil, et, très vraisemblablement, le ganglion optique. Il semble que cet aspect de la télencéphalisation soit un phénomène général sinon à tous les Gastéropodes (1), du moins à tous les Euthyneures : en effet, on peut considérer que ce processus (indécelable chez l’adulte des Nudibranches par suite de la fusion complète avec les cérébroïdes et de l’aspect semblable des péricaryons de l’invagination et des cérébroïdes) est l’homologue organogénétique rigoureux du proeérébrum des Pulmonés.

(1) A ma connaissance, si l’on a reconnu l’existence d’invaginations intravélaires (plaques céphaliques) chez les Prosobranches (Patella, Vermetus), nul n’a signalé sa fusion ultérieure avec les cérébroïdes. La vérification de la réalisation ou de l’absence de ce processus est donc souhaitable. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 355

Que la différenciation et la complexité évolutive soient moindres chez les Nudibranches, semble un fait difficilement contestable, mais l’on ne peut nier cette homologie comme l’a fait J. J. Van Mol (1967), parce qu’elle n’est pas décelable chez l’adulte. Chez l’adulte de Goniodoris nodosa, espèce de Nudibranches dont le système nerveux a été comparé par cet auteur avec celui des Pulmonés, la nodosité en laquelle il voyait un homologue possible du procérébrum ne lui correspond pas, mais correspond plutôt aux ganglions rhinophoriens qui, chez cette espèce, sont accolés aux cérébro-pleuraux. Mais chez les Pulmonés comme chez les Nudibranches, il y a une inva­ gination intravélaire qui vient secondairement se fusionner avec le ganglion cérébroïde de chaque côté. Chez les premiers, cette invagination persiste chez l’adulte où elle forme le tube cérébral et la glande cérébrale, sauf chez Amphibola (Basommatophore), en plus du procérébrum. Chez les seconds, il y a fusion complète de l’homologue du procérébrum avec le cérébroïde, ce qui correspond à la partie la plus importante de la télen­ céphalisation telle que l’entend K. Wirz (1951), et qui pourrait également l’être pour les Pulmonés. Mais chez les Nudibranches comme chez les Basommatophores, il n’y a pas de petits neurones d’association, les « globi- neurones » sans doute pour les mêmes raisons invoquées par J. J. Van Mol pour les Basommatophores, et qui tiennent au mode de vie essentiellement aquatique de ces Mollusques. D’autre part, il ne se forme pas de glande cérébrale et il ne semble même pas persister le moindre vestige de l’inva­ gination intravélaire. Malgré cela, je crois possible d’affirmer, avec Boettg'er (1952), que la valeur systématique des Euthyneures comme sous-classe se trouve confir­ mée par les données embryologiques. En résumé, l’étude organogénétique du système nerveux des Nudi­ branches montre : Io qu’il existe chez la véligère un système nerveux central assez céphalisé, avec une commissure viscérale bien développée portant les principaux ganglions que l’on retrouve chez les autres Gastéropodes; 2° que cette commissure viscérale est à peine affectée par la torsion du fait de sa localisation très antérieure; 3° que ces ganglions vont se fusionner avec les cérébro-pleuraux pour réaliser la cérébralisation; 4“ qu’il se produit un phénomène de télencéphalisation très net dont une partie tout au moins présente une homologie remarquable avec la formation du procérébrum des Pulmonés, renforçant la valeur systématique attribuée aux Euthyneures. 356 JEAN TARDY

5o CONCLUSIONS PHYLOGÉNÉTIQUES GÉNÉRALES : ÉVOLUTION CHEZ LES NUDIBRANCHES

Io Conclusions tirées de l’embryologie.

Comme nos observations nous ont permis de le constater, les méta­ morphoses chez les Nudibranches semblent suivre des voies sensiblement différentes selon que l’on s’adresse à telle ou telle espèce. Les larves à développement de type 2 (lécithotrophes) ou de type 3 (à développement direct), tels que les a définis Thompson (1967), sont des exceptions très intéressantes, puisque c’est presque exclusivement par elles que l’on a pu suivre les diverses étapes des métamorphoses et en comprendre les mécanismes. Les Nudibranches I (1), appartenant aux deux catégories ci-dessus, telles Adalaria proxima, Tritonia hombergi, Cadlina lævis et Æolidiella alderi, présentent une remarquable homogénéité des processus de méta­ morphose : en particulier la prolifération et le retournement du bourrelet palléal donnant le manteau, la structure du système nerveux, etc. Ces faits embryologiques s’inscrivent en faveur d’une origine monophylétique des différentes superfamilles auxquelles ces Mollusques appartiennent, malgré la différence fondamentale qui sépare lesDoridacea des autres Nudi­ branches sans coquille. 95 % des Nudibranches récoltés le long de nos côtes donnent naissance à des véligères planctotrophes. Comme nous l’avons vu pour les véligères à protoconque de type 1, nos observations, bien que fragmentaires, puisque rapportées à deux seules espèces dont une indéterminée, montrent qu’il y a une importante croissance de la protoconque lors de la vie planctotrophique. Cette croissance aboutit à la formation d’un test de structure nouvelle, équi­ valant à une protoconque de type 1, car la columelle est très réduite. Il est utile de rappeler, bien que les Sacoglosses n’entrent pas dans le cadre de ce travail, que Thorson, en 1946, a décrit les protoconques de type 1 des véligères de Limapontia nigra et d’Elysia viridis à la méta­ morphose, où l’on retrouve à peu près les mêmes structures d’enroulement de la protoconque et de la réduction plus ou moins nette de la columelle.

D’autre part, à l’éclosion, toutes les véligères de ce type que j’ai pu observer montrent un bourrelet palléal et un manteau bien développé aussi longtemps que j ’ai pu m aintenir ces larves en vie. Ces formations sont indépendantes de la protoconque ainsi que Thompson a pu l’observer chez la véligère d’Aplysia. Chez les Nudibranches 2 (2), qu’il s’agisse de formes planctotrophes

(1) Dont les véligères possèdent une protoeonque de type 1. (2) Dont les véligères ont une protoconque de type 2. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 357 ou lécithotrophes, il est remarquable de noter qu’à l’éclosion la proto­ conque est achevée. Le manteau et le bourrelet palléal sont déjà fortement régressés. Le recouvrement de la masse viscérale ne s’effectue pas par éversion de ce dernier. C’est au plancher de la cavité palléale que se forme le tégument définitif, vraisemblablement par glissement des tissus du manteau sur les flancs puis sur le plancher de la cavité palléale. Les Nudibranches 2 semblent donc, du point de vue de l’ontogénie, résumer ou supprimer certaines étapes décelées chez les formes à véligères de protoconque de type 1. Il me semble donc logique d’en déduire que ces dernières sont moins évoluées que celles où la protoconque est d’emblée de type 2 et qu’elles dérivent des précédentes ou d’une souche commune. Nous pouvons formuler deux hypothèses : 10 Les Æolidiens 2 sont directement issus de ceux de type 1. Cette hypothèse implique que nous admettions de la même façon que ces pro­ cessus évolutifs ont été acquis parallèlement dans des groupes différents, car la protoconque de type 2 existe chez les Dendronotacea : Dendronotus et Fimbria. 2° Ou bien les Æolidiens 2 dérivent desDendronotacea 2 (1) et les Æolidiens 1 dérivent desDendronotacea i. Dans cette hypothèse nous sommes obligés d’admettre que ces deux ensembles sont polyphylétiques et artificiels. Quels sont les arguments justifiant la première hypothèse ? Les Æolidiens forment un groupe bien homogène par leurs caractères anatomiques : armature buccale, système nerveux, ramification de la glande digestive en diverticules dans les papilles, possession quasi générale de cnidosacs, palpes et rhinophores presque toujours bien individualisés, estomac au-dessus de la glande génitale. Les Æolidiens 2 sont plus évolués que les autres par la position plus dorsale de l’anus, parce qu’ils renferment les genres les plus spécialisés (Fiona, Calma ) alors qu’au contraire les autres contiennent des formes parmi les plus archaïques Coryphellidae ( , par exemple). Les Dendronotacea représentent un ensemble bien moins homogène, mais il est incontestable que les deux seuls genres à protoconque de type 2 sont de très loin les plus évolués parmi eux. Quels sont ceux qui sont en faveur de la deuxième hypothèse ? Ils sont moins nombreux et discutables. Les Tethydæ forment une lignée à part, un aboutissement phylogénique par suite de particularités excessivement évoluées : système nerveux, voile buccal et mode de nutrition. 11 ne peut être question d’en faire un chaînon entre lesDendronotacea et les Æolidiacea. Par contre, Dendronotus peut s’inscrire assez bien comme une étape entre ces ensembles à protoconque de type 2 : au point de vue anatomique, les ramifications hépatiques pénètrent dans les touffes

(1) Dont les véligères ont une protoconque de type 2. ANN. SCI. NATURELLES, ZOOL., 12« S., T. XII, 1970. 24 358 JEAN TARDY branchiales (mais ceci d’une façon moins marquée chez les adultes que chez les jeunes) (1). Enfin, le mode de vie, la nourriture sont les mêmes que ceux des Æolidiens 2. Malheureusement, des Æolidiens 1 ont aussi une nourriture semblable : Coryphellidæ, Facelinidae. Sans pouvoir trancher le problème par manque de données anato­ miques et éthologiques (surtout chez les Dendronotacea), il me semble que la première hypothèse est plus vraisemblable. Cependant lesDendronotacea forment un ensemble systématique peu homogène, par conséquent peu satisfaisant. En définitive, les deux types de protoconque distingués par Thompson (1961) sont particulièrement importants du point de vue phylogénétique. Par contre, la distinction de 3 types de développement chez les Nudibranches par ce même auteur, en 1967, me semble trop artificielle : en effet, il y a par exemple une ressemblance remarquable entre les véligères deTritonia hombergi et Aeolidiella alderi. Si cette dernière a un développement direct, c’est que la quantité de vitellus y est un peu supérieure, ce que montre le diamètre respectif de leurs œufs. Il n’est d’ailleurs pas impossible que cette variation de richesse en vitellus à l’intérieur d’une espèce, bien qu’excep­ tionnelle (2) et qui peut être considérée comme une véritable pœcilogonie, permette, suivant des conditions extrinsèques ou intrinsèques inconnues, le passage d’une espèce du groupe de développement de type 2 au groupe de type 3 définis par Thompson. D’autre part, elle ne correspond pas à la réalité profonde des processus embryologiques qui sont liés aux types des protoconques 1 ou 2. Les cas exceptionnels qui ont été décrits peuvent se rattacher à l’un ou l’autre de ces types. Je propose donc une classification nouvelle des types de métamorphose chez les Nudibranches (3) suivant les procédés qui y conduisent :

rType î : correspond aux processus de métamorphose des véligères à protoconque de tj’pe 1 ; se subdivise en : 1 A, processus correspondant à l’acquisition de la sjunétrie apparente des Doridiens avec deux possibilités : 1 A h véligères planctotrophes : majorité des Doridiens : aucune observation sur ces formes; 1 A2, véligères lécithotrophes : Adalaria proxima. 1 B, processus de recouvrement semblable à 1 A, mais l’anus reste latéral : 1 Bt, véligères planctotrophes : Facelina coronata; 1 B¡, véligères lécithotrophes : Tritonia hombergi.

*Type 2, Nudibranches à protoconque de type 2, avec divisions: 2/1, véligères planctotrophes : Tergipes despectus ; 2/2, véligères lécithotrophes : Tenellia ventilabrum.

(1) Par conséquent, il semble y avoir une involution écartantDendronotus des Æolidiace g. (2) Seul à ma connaissance le cas d'Embletonia pallida (= Tenellia ventilabrum) (Rasmussen, 1944) des côtes de Scandinavie a été rapporté. (3) Pleurobranchacea exclus. MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 359

Voici actuellement les représentants des divers types de métamorphose connus chez les Nudibranches.

1 Ai Aucune observation.

1 A a Adalaria proxima Thompson, 1958. 0 Cadlina lœvis Thompson, 1965. • Dendrodoris limbata Tchang-Si, 1931.

I Bí + Facelina coronata Personnel. +Æolidien sp. Personnel.

1 Bt Tritonia hombergi Thompson, 1962. ® Æolidiella mannarensis Rao, K.V., 1960. ® Æolidiella alderi Personnel, 1962 b. • Dermatobranchus striatellus Hamatani, 1967.

2 / 1 -{-Tergipes edwardsii De Nordmann, 1846. -{-Tergipes despectus Personnel, 1964. -{-Amphorina cingulata Personnel. -{-Amphorina exigua Fischer, 1892.

2 2 ® Cuthona pustulata Roginsky, 1962. ® Cuthona adgarensis Rao K. V., 1961. ® Trinchesia granosa Schmeke), 1966. Tenellia ventilabrum Rasmussen, 1944 et Pers. Tenellia mediterranea Vannuci et Hosoc, 1953. Amphorina doriœ Personnel, 1962 a. (= Capellinia exigua)

Le point en face du nom indique qu’il n’y a aucune phase pélagique. La croix en face du nom indique que les connaissances des processus de métamor­ phose sont fragmentaires pour ces espèces.

2° Conclusions tirées de la tératologie et de Vanatomie comparée.

Les Nudibranches dérivent desPleurobranchacea, tel est Favis quasi unanime des auteurs modernes, conclusion logique d’études anatomiques comparées. Quelle famille actuelle pourrait être plus précisément à l’origine de ces formes sans coquille ? Ici les opinions divergent, les uns penchant pour lesUmbraculidae, les autres pour les Pleurobranchidae, d’autres enfin pensent à une souche ances­ trale commune et disparue. Cette dernière hypothèse me semble la seule acceptable car aucune de ces deux familles ne peut, isolément, satisfaire à une relation de filiation directe. Nous ne nous attarderons pas sur ce point un peu spécieux qui ne présente en lui-même que peu d’intérêt. L’étude de l’ontogenèse comparée desPleurobranchacea (voir Gohar et Abul Ela, 1957, pour Berthellina citrina ; Thompson, 1962, pour Berthella plumula, et mes propres observations sur cette espèce dont j’ai obtenu la métamorphose complète, non publié), comme l’étude desDoridacea eux-mêmes, montre 360 JEAN TARDY de façon peremptoire, si besoin en esl, le bien-fondé de l’hypothèse de la filiation directe de tous les Nudibranches à partir desPleurobranchacea. Cependant, l’analyse du développement normal et tératologique chez Æolidiella alderi amène à penser qu’il y a une scission précoce entre les Doridacea, qui dérivent directement desPleurobranchacea, et les autres Nudibranches (Dendronotacea, Arminacea, Æolidiacea). Cette séparation se justifie par deux faits fondamentaux : d’une part, des processus de métamorphose différents qui amènent, chez les premiers, l’anus dans le plan de symétrie apparent de l’animal, tandis qu’au contraire ils le maintiennent latéral chez tous les autres; d’autre part, la persistance d’une véritable branchie (sinon par la forme du moins par l’origine) chez tous les Doridacea, comme nous allons le montrer, alors qu’elle disparait chez les autres Nudibranches où elle est en général remplacée par des expansions issues du manteau (sauf peut-être chez les Arminidae). C’est pourquoi je propose de rassembler ces derniers dans un ensemble qui porterait le nom de «Actenidiacea », et s’opposerait aux « Euctenidiacea » qui possèdent une vraie branchie, comme en est persuadée Mmc Pruvot-Fol (1954, p. 31), et sont représentés par les seuls Doridacea. Chez les Doridacea, la relative indépendance du pied et du manteau, après son éversion, permet une détorsion apparente complète ramenant ces orifices et le territoire palléal adjacent (responsable, chez les Pleuro­ branchacea, de la formation de la branchie) dans le plan de symétrie apparent du Mollusque. Les lobes du notum, en se développant, entourent l’anus, le néphroprocte et l’aire branchiale; ainsi, la branchie qui va se développer est bien l’homologue d’une cténidie véritable sinon par la forme, du moins par l’origine, car elle naît de la région où potentiellement est induite la cténidie typique desPleurobranchacea et, d’une façon beaucoup plus générale, de tous les Gastéropodes. Elle est d’ailleurs innervée par un nerf issu de la masse ganglionnaire regroupant les ganglions abdominal, supra-intestinal et pariétal droit, ce qui confirme cette homologie. Nous allons d’ailleurs pouvoir étayer ceci par l’étude anatomique desDoridacea actuels eux-mèmes, qui montrent que la réalisation d’une branchie symé­ trique s’acquiert secondairement et progressivement. Les Doridacea se subdivisent en effet enGnathodoridacea et Eudo­ ridacea. Tous les spécialistes s’accordent à considérer les premiers comme les plus primitifs : rhinophores et branchies ne sont pas rétractiles, le bord du notum est peu saillant ou indistinct, il y a de fortes mâchoires, une dent rachidienne et absence de connexion interne entre la poche copulatrice et l’oviducte. Enfin, il existe une cavité sous le notum en avant de l’anus, qui rappelle par sa structure le manteau primitif avec un bourrelet résiduel qui serait l’homologue du bourrelet sécréteur de la coquille des Cephala­ spidea. Or les Pleurobranchacea ont conservé beaucoup de traits caracté­ ristiques des Cephalaspidea (Minichev, 1967, p. 148 et 177). D ’autre part, deux de ces espèces, Bathydoris obliqua et B. clavigera, montrent plusieurs MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 361

touffes branchiales toutes localisées à droite de l’anus. Or, cet orifice, comme chez nos Æolidielles aberrantes, est dirigé obliquement vers la gauche, caractère que l’on retrouve chez des Eudoridacea primitifs, comme Hexa­ branchus. De telles formes me semblent donc constituer les maillons qui prouvent la filiation directe desDoridacea à partir des Pleurobranchacea. L’accumulation de faits d’ordre aussi divers, relevant de l’embryologie, de l’anatomie comparée et de la tératologie, constitue en effet à mes yeux l’équivalent d’une preuve. Il faut remarquer, de plus, que les Gnathodoridacea sont des formes hautes, à masse viscérale bien saillante au-dessus du pied. L’aplatissement de la plupart des Eudoridacea est un phénomène secondaire à caractère adaptatif, et les petites larves d’Adalaria proxima et de Cadlina lævis, juste après la métamorphose, ont une masse viscérale relativement beaucoup plus saillante qu’elle ne le sera chez l’adulte (Thompson, 1958, fig. 40-41; 1967, fig. 2). Ainsi, l’anus peut aisément devenir médio-dorsal alors qu’il serait difficile de concevoir la possibilité d’une telle migration en ne consi­ dérant que l’état adulte. D’autre part, chez les Eudoridacea, le genre Corambe possède des bran­ chies qui sont appendues sous le notum; elles se trouvent dans le sillon entre pied et manteau. La face inférieure du notum a la même structure histologique que le dessus du pied et que la base des branchies; H. Fischer (1892) précise, grâce à l’étude histologique, p. 368 : « Ils (ces deux tégu­ ments) doivent être envisagés comme deux parties d’une seule et même surface, comparable dans son ensemble, à la paroi latérale du corps des Nudibranches qui ne présentent pas, comme leCorambe, un notaeum pourvu d’expansions latérales. » Dans ce cas, anus et branchie restent dans un sillon que l’on peut qualifier de palléal. Le genreCorambella est un autre exemple de ce type de variation chez les Eudoridacea, mais il n’y a pas d’échancrure du manteau au-dessus de l’anus. C’est aussi le cas deFryeria, où les branchies sont très réduites. Chez lesPhyllidia, il n’y a pas non plus d’échancrure du notum qui entoure l’anus dorsal comme chez les Doridiens typiques, mais il n’est pas entouré de branchies. Ces dernières rap­ pellent celles de certaines espèces deCorambe par leur forme et leur posi­ tion, mais elles remontent de chaque côté presque jusqu’à la région cépha- lique. Il est bien évident qu’avec Corambe, et surtout Fryeria et , nous nous élevons dans la hiérarchie évolutive, mais ces diversDoridacea nous montrent ainsi les variations qui peuvent se réaliser : chez lesGna­ thodoridacea et la majorité des Eudoridacea, la région anale et le tégument adjacent qui a puissance de donner la branchie, après avoir subi leur migra­ tion, sont entourés par le notum et formeront à sa surface, postérieure­ ment, la rosette branchiale entourant l’anus. D’abord dissymétrique (rosette à droite et rectum dirigé A-ers la gauche), elle se régularise chez les formes plus évoluées. Dans certains cas (cf. Corambe), le notum s’échancre au niveau de l’anus sans que la zone branchifère ni cet orifice deviennent dor­ saux; chez Corambella, Fryeria, il n’y a pas d’échancrure; enfin, chez les 362 JEAN TARDY

Phyllidia, formes très évoluées, le notum entoure l’anus qui s’ouvre par conséquent dorsalement, tandis que la zone branchifère se désolidarise quelque peu de l’anus et se développe dans le sillon sous-notal que l’on peut assimiler à la cavité palléale. Il est intéressant de noter l’analogie générale d’aspect de ces formes avec certains Mollusques primitifs, tels les Chitons.

En conséquence, nous pouvons définir lesDoridacea comme des Nudi­ branches possédant : Io Un anus s’ouvrant postérieurement dans le plan de symétrie appa­ rent de l’animal (cet anus est en général dorsal et complètement entouré par le manteau). 2° L’homologue d’une vraie branchie qui a tendance à devenir symé­ trique, soit en dessinant plus ou moins une rosette autour de l’anus, dor­ salement, soit en formant une rangée de feuillets branchiaux de chaque côté du plan de symétrie apparent de l’animal, sous le manteau, dans un sillon que l’on peut qualifier de palléal. Malgré la présence d’une glande sanguine et d’un appareil digestif holohépatiquc, le genre Doridoxa, Bergh, doit être rejeté des Doridacea, car il ne répond à aucun des deux critères énoncés ci-dessus et les définis­ sant. Pour les mêmes raisons, je ne considère pas les très aberrantsRhodo - pacea comme appartenant aux Doridacea. Les Rhodopacea se nourrissent d’ailleurs de Trichoplax, planilla ou Cnidaire dégénéré, ce qui est un argu­ ment de plus pour les éloigner desDoridacea. (Je suis de l’avis de nom­ breux auteurs qui s’accordent pour en faire un ordre à pari.) Contrairement aux Doridacea qui possèdent une véritable branchie, les papilles des Æolidiacea et les appendices dorsaux desDendronotacea sont, eux, des branchies secondaires provenant d’expansions du manteau, comparables à celles que l’on trouve chez certains Eudoridacea Phanero- branchiata : , Limacia, Idulia et autres. Chez ces derniers, cepen­ dant, les glandes digestives ne pénètrent jamais dans ces expansions et restent massives. Les Dendronotacea englobent un ensemble de formes à caractères variés, en particulier en ce qui concerne les glandes digestives. On y ren­ contre des Nudibranches holohépatiques (Tritoniidae) et des cladohépa- tiques (Dendronotidae, Bornellidae, Tethydæ), avec toutes les transitions possibles entre les deux. Ce sous-ordre est, vraisemblablement, celui qui a donné naissance auxÆolidiacea et peut-être également aux Arminacea. Certains genres ont d’ailleurs été classés, suivant les auteurs, parmi les Æolidiacea ou les Dendronotacea (Doto). Si les Dendronotacea contiennent des formes archaïques, d’autres sont incontestablement très évoluées, telleDendronotus, Tethys. Ces deux genres sont d’ailleurs les seuls connus pour donner naissance à des véligères à pro­ toconque de type 2. Or, comme nous venons de le voir, les Æolidiens à pro- MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES .363 toconque de ce type sont les plus évolués et dérivent directement et natu­ rellement de ceux à protoconque de type 1. La distinction faite par Thompson (1961) à ce propos me semble un critère de très grande valeur phylogénique; mais rien n’empêche que ce caractère hautement évolué ne soit acquis par des familles de sous-ordres différents; ce serait le cas de Dendronotus, Tethys chez les Dendronotacea, des Eubranchus, Tergipes, Tenellia, Cratena, Trinchesia, Fiona, Calma, chez les Æolidiacea.

Cependant, cet état de fait peut être invoqué à l’appui de l’hypothèse de l’origine polyphylétique des Æolidiacea, comme le prétend Ghiselin (1965), en se basant sur l’anatomie comparée de l’appareil génital; pour­ tant, si chez les Doridacea il est aisé de caractériser l’appareil génital, chez les Æolidiacea l’on doit reconnaître qu’il est extrêmement délicat d’affir­ mer que telle espèce est di- ou triaulique si l’on se réfère aux descriptions données. En effet, la région considérée est très restreinte. Il est difficile de suivre les voies génitales intim em ent accolées et enveloppées dans les glandes nidamentaires; d’autre part, la taille souvent très réduite des Æo­ lidiens interdit la dissection, surtout s’il s’agit d’échantillons conservés. L’importance de ce caractère échappant aux systématiciens descripteurs, je ne crois pas que l’on puisse à l’heure actuelle, par compilation biblio­ graphique, aboutir à des conclusions valables (1). Il faudrait pour cela refaire systématiquement, sur tous les genres, des examens minutieux.

Chez les Æolidiacea, Odhner (1934 et 1939), pour établir sa classifi­ cation, se préoccupa des caractères apportés par la radula, l’agencement des ramifications de la glande digestive et tout particulièrement de la posi­ tion de l’anus dont il fait un critère évolutif : plus cet orifice est latéral, plus l’Æolidien est archaïque, plus il est dorsal, plus il est évolué. Sur ces bases et considérant les rapports de position de l’anus et des ramifications hépatiques, il établit une classification qui, étant donné nos connaissances actuelles de l’anatomie de ces Mollusques, a été plus ou moins adoptée par les spécialistes. A la lumière des travaux récents (Tardy, 1965), il semble qu’il faille accorder moins d’importance à ces dispositions que ne l’a fait Odhner, faute de quoi l’on aboutirait à une classification artificielle. La valeur du critère évolutif de la position de l’anus n’est cependant pas en cause, car il s’accorde dans son ensemble avec la réalité des faits d’observation connus à ce jour, mais comme la plupart de ces critères, l’acquisition d’un carac­ tère peut se faire dans des familles différentes, indépendamment.

Restent les Arminacea; c’est un sous-ordre renfermant des familles très évoluées. Les Arminidae sont adaptées à des conditions de vie bien par­ ticulières.

(1) Ghiselin (1965), p. 351, reconnaît lui-même : « The triaulic condition can easily be overlooked. » 364 JEAN TARDY

Ce sont en effet vraisemblablement presque toutes des formes fouis­ seuses. L’homologie de leurs branchies (quand il y en a) avec un cténidium est difficilement concevable. Il existe deux types de lamelles, les unes pos-

F

Fig. 21. — Evolution des Euctenidiacea à partir des Pleurobranchacea. A, Pleurobran­ chacea; B, Bathydoris ; C, Hexabranchus; D, Polycera; E, ; F, Corambe testu­ dinaria; G, Corambe pacifica; H, Phyllidia.

térieures à l’anus, dans lesquelles s’engagent des ramifications hépatiques, et une touffe antérieure à cet orifice. Les premières sont sans aucun doute des branchies secondaires par leur structure et aussi parce qu’il est diffi­ cile d’admettre qu’elles puissent provenir du territoire dont est issue la cté- MÉTAMORPHOSES DES NUDIBRANCHES 365 nidie des Gastéropodes : en effet, l’anus reste latéral et ces lamelles sont développées des deux côtés de l’animal, sous le notum. Quant à la touffe antérieure, si sa position par rapport à l’anus permet une assimilation avec une véritable branchie, comment peut-on expliquer alors qu’il existe du côté gauche, symétriquement, un organe semblable ? Cet ensemble de faits m’incite à penser que les Arm inidæ n’ont vraisemblablement pas de véri­ table cténidie, pas plus que les Madrellidae, Dironidae, Antiopellidæ (1), etc., dont les papilles sont manifestement des expansions secondaires issues du notum, comme chez les Dendronotacea et les Æolidiacea. Enfin, des Nudi­ branches n’entrent à mon avis dans aucune des super-familles établies à ce jour; il s’agit de Doridoxa ingolfiana et de « sa variété ». De nouvelles études devraient permettre de vérifier les caractères de cet animal; s’ils se confirmaient, comme cela est vraisemblable, je crois qu’il faudrait créer un groupe à part intermédiaire entre lesDoridacea et les Dendronotacea. Je propose donc la création, pour le genreDoridoxa, de la super-famille des Pseudoeuctenidiacea, dans laquelle on pourrait voir l’origine desDen­ dronotacea. La phylogénie des Nudibranches pourrait se concevoir comme l’indique le tableau suivant :

Supcr-fam. Arminacea Super-fam. Æolidiacea

Super-fa m. Doridacea Super-fam. Pseudoeuctenidiacea Super-fam. Dendronotacea (Doridoxa)

S,s O Euctenidiacea S.'s O Actenidiacea

S/c O Pleurobranchacea

En résumé, on distingue maintenant deux grandes lignées évolutives qui se sont séparées précocement et fondamentalement chez les Nudi­ branches à partir des Pleurobranchacea : D’une part, les Euctenidiacea, représentés par les seuls Doridacea, descendants directs par évolution progressive d’unPleurobranchacea ancestral hypothétique. Ils ont conservé une branchie cténidiale plus ou moins modifiée et, grâce à des processus de métamorphose particuliers, l’anus s’est placé dans le plan de symétrie apparent de l’animal. On retrouve,

(1) La position de l’anus près du plan médian est une acquisition secondaire chez ces formes comme chez certains Æolidiacea. 366 JEAN TARDY dans les formes actuelles deDoridacea, diverses étapes de la régularisation de la symétrie de cet orifice et de la branchie. D’autre part, les Actenidiacea, qui ne possèdent pas l’équivalent d’une véritable branchie, remplacée, la plupart du temps (pas toujours) par des expansions secondaires issues du notum, ou peut-être des flancsi Arm i­ nidae). Des mécanismes de métamorphose différents mais homogènes con­ traignent l’anus à demeurer en position latérale. Il ne s’agit donc point là d’un maintien de la disposition « notaspidienne », mais d’un phénomène secondaire consécutif à une divergence fondamentale des processus de méta­ morphose aboutissant, d’une part, aux Euctenidiacea, d’autre part aux Actenidiacea. Enfin, il est peu probable que les Æolidiacea soient d’origine polyphylé- tique malgré l’aspect différent des processus de métamorphose chez les véligères 1 et 2. En effet, le type 2 peut être considéré comme une condensation, une évolution plus poussée qui peut très bien se concevoir à l’intérieur des Æolidiacea eux-mêmes parallèlement à ce qui se passe chez les Dendro­ notacea. Il ne me semble pas y avoir, de ce point de vue du moins, un clivage chez ces deux super-familles. Des vérifications concernant leur anatomie comparée et leur biologie devraient permettre d’en décider.

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