Histoires Francophones De Familles Le Familier, L'inquiétant Et Le Loufoque
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ACTA FACULTATIS PHILOSOPHICAE UNIVERSITATIS PREŠOVIENSIS Literárnovedný zborník 45 (AFPh UP 425/459) 2013 HISTOIRES FRANCOPHONES DE FAMILLES LE FAMILIER, L’INQUIÉTANT ET LE LOUFOQUE études rassemblées par Sylviane Coyault et Zuzana Malinovská Département de langue et de littérature françaises de l’Institut de philologie romane et de philologie classique de la Faculté des Lettres de l’Université de Prešov 2013 Cette publication s’inscrit dans le cadre du projet VEGA 1/0666/11 L’image de la famille dans la littérature conteporaine française et écrite en français Cette publication s’inscrit dans le cadre du projet APVV SK-FR 0011-11 La famille et le roman / Stefanik 26325PB. Zborník pôvodných vedeckých štúdií je výstupom z projektov VEGA 1/0666/11 OBRAZ RODINY V SÚ ČASNOM ROMÁNE PÍSANOM PO FRANCÚZSKY a APVV SK-FR 0011-11 ROMÁN A RODINA. Recenzenti: Prof. Dr. Arzu Etensel Ildem, PhD. Doc. Dr. Timo Obergöker, PhD. © Sylviane Coyault – Zuzana Malinovská (eds.) Návrh obálky: © Ing. arch. Viktor Malinovský, PhD. © Filozofická fakulta Prešovskej univerzity v Prešove v roku 2013 ISBN 978-80-555-0912-9 5 Table de matières INTRODUCTION : DES FAMILLES OU DÉ-FAMILLE Zuzana Malinovská – Sylviane Coyault ..................................................7 POUR UNE FAMILLE « LIQUIDE » : LE CAS DE NIKOLSKI DE NICOLAS DICKNER Petr Kyloušek .....................................................................................12 DÉMESURE, TRAIT INTRINSÈQUE DES HISTOIRES QUÉBÉCOISES CONTEMPORAINES DE FAMILLE Zuzana Malinovská .............................................................................29 LES FILIATIONS DE CATHERINE MAVRIKAKIS Veronika Černíková ............................................................................40 L’ÉTREINTE EN BLANC DE LA FAMILLE SELON PHILIPPE FOREST Julie Crohas Commans ........................................................................55 DE LA MORT DE L’INDIVIDU À LA MORT DE LA FAMILLE ET DE LA COMMUNAUTÉ Ján Drengubiak ...................................................................................71 TROUBLES DANS LA FAMILLE, TROUBLES DANS LA PHILOSOPHIE Pierre Jean La Vergne .........................................................................83 HISTOIRES DE FAMILLES DANS LA VIE ET DEMIE DE SONY LABOU TANSI Petr Vurm ........................................................................................113 RETOUR DU FILS PRODIGUE AU PAYS NATAL : MABANCKOU OU LE ROMAN PALIMPSESTE DE LA FAMILLE Laurence Olivier-Messonnier .............................................................127 LA LOI SUR LES INDIENS ET LA FAMILLE ANISH-NAH-BE Petra Stražovská ...............................................................................147 INSOUPÇONNABLE DE TANGUY VIEL OU « DANS QUELLE FRATRIE VÉREUSE ON AVAIT MIS LES PIEDS » Frédéric Clamens-Nanni ....................................................................157 QUAND LES FAMILLES DÉMÉNAGENT Sylviane Coyault ..............................................................................174 6 LUCIE CECCALDI VERSUS MICHEL HOUELLEBECQ : GUERRE FAMILIALE DES « POSTURES LITTÉRAIRES » Eva Vold řichová Beránková ..............................................................190 LA FAMILLE (DE J.-PH. TOUSSAINT) CHEZ J.-PH. TOUSSAINT Jovanka Šotolová ..............................................................................203 LA FAMILLE DANS L’ŒUVRE DE FRANÇOISE GIROUD Katarína Kup čihová ..........................................................................220 LA LANGUE EST-ELLE LE REFLET DE RAPPORTS FAMILIAUX ? (LA PUISSANCE DES MOUCHES DE LYDIE SALVAYRE) Daniel Vojtek ...................................................................................228 7 INTRODUCTION : DES FAMILLES OU DÉ-FAMILLE Zuzana Malinovská Université de Prešov Sylviane Coyault Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand ertes, la famille va mal, mais peut-être pas plus mal que dans les C décennies ou les siècles précédents. La promotion de la vie privée, aussi bien dans les sciences humaines que dans les médias oriente le pro- jecteur sur ses dysfonctionnements. Le discours sociologique est prudent, ou contradictoire, allant du pessimisme alarmiste à l’optimisme candide. Les médias de leur côté ont un intérêt de scandale à soulever les crimes en tous genres, liens pervers, aliénations et psychoses. Cet environnement médiatique, faussement ou véritablement scientifique, constitue le maté- riau du romancier. C’est donc non pas à la famille comme réalité mais comme puissant élément de fiction que nous allons nous intéresser. Or les conditions mêmes du récit romanesque obscurcissent peut-être autant la compréhension de cette entité qu’elles ne l’éclairent. Un ouvrage collectif a fait un premier état des lieux à propos de la littérature française contemporaine. Nous partirons donc des conclusions qui ont été établies dans cette somme, résultat d’un colloque tenu à Cler- mont-Ferrand en 2009 (Coyault et alii éd., 2013) 1. Il sera question ici à nouveau d’histoires de familles, sous l’angle du « familier », mais surtout de « l’nquiétant » et du « loufoque ». Le mot même « famille » permet en français une grande variété de créations verbales trahissant les faillites qui menacent de l’intérieur, concentrant les paradoxes et aberrations qui les habitent. Jean Bellemin-Noël traduit avec bonheur « Unheimlich » par « in famili arité ». Christophe Honoré intitule un récit « Infamille » ; Do- minique Rabaté parle de « défamiliarisation », et pastiche Gide en « fa- milles je vous haime » (2013). La famille « s’abîme », et « s’abyme » 1 Cette introduction reprend les grandes lignes du bilan établi dans cet ouvrage. 8 INTRODUCTION : DES FAMILLES OU DÉ-FAMILLE (Martin-Achard, 2013). Mais la déflagration n’est jamais qu’une étape provisoire vers de nouveaux amalgames ; des recompositions insolites se reforment aussitôt… Les liens horizontaux (fratries / couples) et verticaux (filiations) se substituent les uns aux autres, ou se brouillent joyeuse- ment : les exemples foisonnent, que l’on songe simplement dans la litté- rature française à Marie NDiaye, Anne-Marie Garat, Marie Redonnet et dans la littérature québécoise à Suzanne Jacob, Michel Tremblay, Maire- Claire Blais. On notera également que les deuils sont souvent les révéla- teurs des feux qui ont couvé sous la cendre. Ils déclenchent dès lors d’abondants récits familiaux. Loufoque, étrange, infamilier : c’est peut-être le moyen qu’invente aujourd’hui le roman pour relayer, interroger, et surtout distancer les représentations communes, en recourant souvent à l’hyperbole. Poussée jusqu’à ses conséquences les plus absurdes – du fantastique au loufoque –, l’hyperbole est une des figures de prédilection dans le roman de la fa- mille 2, exhibant des monstruosités en tous genres. Ainsi, Régis Jauffret, Christophe Honoré, pour le volet français, et Gaétan Soucy du côté qué- bécois, ne lésinent ni sur la férocité de la langue ni sur le cynisme du regard. Est désignée alors une animalité fondamentale dans les rapports humains, précisément observés en « Rapport aux bêtes » : tel est le titre particulièrement éloquent d’un roman de l’écrivain suisse, Noëlle Revaz. Cette monstruosité repose souvent sur la sexualité au sein des familles : celle des parents principalement et les secrets y afférents constituent la première source de l’effroi qui motive la création romanesque, la fascine, voire la méduse au risque du ressassement. Une autre cible favorite de ces réquisitoires romanesques est à coup sûr la mère, et sa « passion gloutonne » (Jérusalem, 2013) dont on ne cesse de renverser l’imagerie mièvre ou pathétique. Enfin, il n’est sans doute pas indifférent que la Gorgone paraisse si souvent en filigrane, comme concentré d’effroi, de féminité et de sexualité. Dans tous les cas, la frontière entre le monstre et la victime est mince : la mère est tantôt mater dolorosa ou ogresse ( Ibid. )... Ailleurs, la mère se dérobe ou fait défaut. Dans toutes ces défaillances maternelles, se profile d’ailleurs un malaise vis-à-vis de la procréation, compensée par des amours adoptives ; 2 Voir Turin, 2013. Zuzana Malinovská – Sylviane Coyault 9 dès lors, la relation mère enfant est dissociée de la question des origines et de l’engendrement » (Dangy, 2013). Conséquence ou non de la désertion maternelle – ou parentale –, se dessine donc un renforcement des relations horizontales, en particulier de la fratrie. Celle-ci connaît en effet une promotion flagrante dans un grand nombre de romans, de Marie NDiaye à Marie Redonnet, de Richard Mil- let à Sylvie Germain ; il faudrait aussi penser à Tanguy Viel, et à Cathe- rine Mavrikakis. Il n’en résulte pas pour autant des relations apaisées car la fratrie, entretient des rapports tout aussi ambivalents : conflictuels et fusionnels à la fois, souvent pathologiques. Viol, haine, inceste, y voisi- nent avec gémellité rassurante ou protectrice. Il ne s’en dessine pas moins une ligne de partage assez inattendue entre les récits relativement optimistes et les œuvres définitivement cyni- ques ; si Honoré, Carrère, Jauffret, NDiaye, Redonnet ou Viel peignent un monde d’une cruauté sans appel, des éclaircies humanistes se dessi- nent ailleurs. Et –la chose est assez rare pour être soulignée– aux côtés de Richard Millet et de Sylvie Germain, de Louise Desjardins et de Nicolas Dickner, un François Bon entr’apercevrait un possible « vivre ensem- ble » : il tiendrait ici à une confiance dans les familles matrilinéaires, mieux adaptées à la société contemporaine (François Bon, Suzanne Ja- cob), là à une compassion sororale