n° 265 mars - avril 2012

le journal

Quand le cerveau est accro

w L’événement w Futurapolis Tara boucle Retour sur dépasser les frontières son tour le Sommet de du monde l’innovation

N° 265 I MARS-AVRIL 2012 Sommaire | 3

4 I 5 L’essentiel radioactifs ; quand la lumière 30 I 36 Stratégie Éditorial Le point sur les nominations, dompte la matière ; des primates La politique de la recherche, les les prix, les faits marquants… qui singent les voix ; le syndrome innovations, les partenariats et du bâtiment malsain… les collaborations internationales. 6 I 7 L’événement 17 I Décryptage Après deux ans et demi de mer, 37 I Un jour avec… Tara Oceans touche à sa fin. Le chercheur Bernard Legube Marie Chevais, réalisatrice. Premier bilan avec Éric Karsenti détaille le rôle joué par la chimie et Étienne Bourgois, les deux dans la dépollution de l’eau. 38 I 42 Culture directeurs de cette expédition. Livres, expositions, films…

DR 28 I 29 Portrait La sélection de la rédaction. PAR PHILIPPE VERNIER, DIRECTEUR DE L’INSTITUT 8 I 13 Actualités Retour sur le parcours 43 I Sur le vif DE NEUROBIOLOGIE ALFRED-FESSARD DU CNRS La police se livre ; une sensibilité d’Olivier Bousquet, lauréat à fleur de poil ; une nouvelle en 2011 du prestigieux titre Les coulisses étonnantes ET PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ DES NEUROSCIENCES piste pour traiter les déchets de Meilleur ouvrier de . d’une photo de science.

Il n’existe sans doute pas de meilleure illustration de l’unicité du corps et de l’esprit que les addictions, objet de la pré- 14 I 16 En images sente enquête de CNRS Le journal. Quand Au Zimbabwe, dans le parc national de Hwange, la pensée est tout entière tournée vers labellisé Zone atelier par le CNRS en 2011, l’envie irrépressible de la drogue, c’est le corps qui ressent et qui agit dans la néces- les scientifiques œuvrent pour une meilleure sité de la consommer. L’esprit initie le coexistence entre les hommes et la faune sauvage. corps à la recherche de sensations et, en © S. PÉRIQUET retour, le corps contraint l’esprit à se plier à la dépendance du manque à combler. 18 I 19 Le grand entretien Les recherches sur l’addiction et sur les mécanismes cérébraux de la dépen- Laurent Wauquiez, ministre de dance intéressent depuis longtemps les l’Enseignement supérieur et neurobiologistes, qui traquent, dans le de la Recherche, fait le point sur cerveau et les autres organes, les molé- les grands chantiers en cours. cules, les cellules et les circuits sous- © XR PICTURES tendant ces comportements obligatoires. Toutes les addictions ont quelques points communs qui empruntent les voies neu- ronales de la prise de décision et du plai- sir, mais aussi des différences qu’il faut aujourd’hui comprendre. Il n’y a pas la drogue, il y a des drogués. Chaque individu dépendant d’une subs- tance ou d’une conduite a son histoire, sa difficulté propre à vivre dans le déséqui- libre entre les fortes sensations et l’autodes- truction. Médecins et psychologues sont à son chevet pour en comprendre la part de fragilité intrinsèque – certains diraient la susceptibilité génétique –, mais aussi celle de l’éducation familiale, scolaire, sociale et culturelle. La réponse est aussi multiple

que les causes et doit croiser les prises en HARRIS/SPL/PHANIE R. : INFOGRAPHIE © charge médicamenteuse, psychothérapeu- 20 27 L’enquête tique, comportementale et sociétale. I Il s’agit donc de promouvoir l’échange d’informations, le dialogue entre disci- Quand le cerveau est accro plines, chercheurs, société, médecins et 21 I Le difficile diagnostic de l’addiction pouvoirs publics. C’est l’un des objectifs de 22 I Cinq pistes pour comprendre la dépendance la Semaine du cerveau, que la Société des neurosciences organise du 12 au 18 mars. 26 I Entretien avec Catherine Le Moine : Il y a en la matière des espoirs, des solutions « La recherche a réalisé beaucoup de progrès » en devenir et des pesanteurs à vaincre. Ces pictogrammes indiquent un contenu (texte, photo L’addiction est une histoire moderne. ou vidéo) à visionner sur le journal feuilletable en ligne. > www2.cnrs.fr/journal w 4 | L’essentiel CNRS I LE JOURNAL

À la une La seconde vague des Investissements d’avenir e 14 février, Laurent Wauquiez, haut niveau. Précédemment, le 3 février, ministre de l’Enseignement supé- les résultats de la seconde vague des Lrieur et de la Recherche, et Jean- appels à projets Initiatives d’excellence Luc Tavernier, commissaire général (Idex) ont été annoncés par le Premier adjoint à l’Investissement, ont dévoilé la ministre, François Fillon. Les projets liste des 71 projets retenus de la deuxième retenus par le jury international sont vague des Laboratoires d’excellence Aix-Marseille University Idex (A*Midex), (Labex) du programme d’Investisse- Université de Toulouse (Uniti), Idex ments d’avenir. En comptant ceux de la Paris-Saclay (IPS), Sorbonne Université première vague, ce sont en tout 171 Labex, (Super) et Université Sorbonne Paris répartis sur l’ensemble du territoire, qui Cité (USPC). En outre, la convention de ont été sélectionnés. L’objectif : donner financement de l’Idex Bordeaux a été

© F. MAIGROT/L’AMI© F. aux lauréats des moyens supplémentaires signée le même jour, et l’Idex Unistra, à q De gauche à droite, André Syrota, président-directeur pour accroître leur visibilité interna- Strasbourg, a été lancé officiellement général de l’Inserm, Alain Beretz, président de l’université de Strasbourg et Alain Fuchs, président du CNRS, lors tionale et marier leur recherche à une le 26 janvier en présence du président du lancement de l’Idex Unistra, à Strasbourg, le 26 janvier. formation et à une valorisation de très du CNRS, Alain Fuchs.

RESIF À L’ÉCOUTE DE LA PLANÈTE Fin de mission w Le 8 février a été lancée la métropolitain, auxquels de l’Enseignement supérieur pour HFI Très grande infrastructure s’ajouteront 150 nouveaux et de la Recherche, du q Vue de recherche Resif (Réseau appareils d’ici à 2020, ainsi ministère de l’Écologie et du d’artiste sismologique et géodésique qu’une batterie d’instruments Bureau central sismologique du satellite français). Réunissant mobiles, Resif constituera français, et coordonné par Planck. 750 instruments permanents une immense antenne le CNRS, Resif mobilisera (sismomètres large bande, d’observation du sous-sol une centaine de chercheurs accéléromètres, récepteurs français, et d’étude de la Terre et d’ingénieurs issus d’une

GPS, gravimètres) répartis et des risques telluriques. Placé vingtaine d’établissements © CNES sur l’ensemble du territoire sous les tutelles du ministère et organismes de recherche. w L’instrument haute fréquence (HFI) du satellite Planck s’est arrêté après 30 mois de fonctionnement, soit le double de sa durée de vie prévue. Grande Pascale Briand à la tête de l’ANR prouesse technologique, avec w Pascale Briand est depuis le 1er février la nouvelle directrice de son système de refroidissement l’Agence nationale de la recherche. Elle succède à Jacqueline Lecourtier, assurant une température de dont le mandat a pris fin. Directrice de recherche à l’Inserm, distinguée – 273,05 °C, HFI a rempli sa mission : par le Grand Prix de l’Académie de médecine, elle occupait jusqu’à présent cartographier l’Univers dans le poste de directrice générale de l’alimentation au ministère de l’Agriculture, le domaine des micro-ondes. après avoir été directrice générale de l’Agence française de sécurité L’objectif général de Planck, sanitaire des aliments, déléguée interministérielle pour la lutte contre le qui comprend un autre instrument cancer et directrice adjointe de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm. basse fréquence, est de mesurer le rayonnement fossile de l’Univers avec une précision inégalée. © AFSSA N° 265 I MARS-AVRIL 2012 L’essentiel | 5

À l’honneur Hugues de Thé w Professeur à l’université Paris-Diderot, médecin à l’hôpital Saint-Louis et actuel directeur de l’unité Pathologie et virologie moléculaire1, il a reçu le prix 2012 de la coopération

© P. TABURET/MÉTÉO-FRANCE P. © internationale scientifique et

q De gauche à technologique de la République GESLAIN P. © droite, les populaire de Chine. C’est la sixième fois À voir sur Le changement climatologues qu’un chercheur français est honoré le journal en David Salas y Melia, ligne : le film Stéphane par ce prix depuis sa création en 1995. Un mariage réussi, climatique se confirme Hallegatte, Jean 1. Unité CNRS/Université Paris-Diderot/Inserm. avec Hugues de Thé. Jouzel, Christophe w Des climatologues français, notamment du CNRS, Cassou et ont achevé un important exercice de simulation Jean-Louis Dario Autiero du climat passé et futur à l’échelle globale. Ces nouvelles Dufresne w Ce chercheur CNRS de l’Institut présentant 1 données, qui seront utilisées par le Groupe d’experts leurs résultats. de physique nucléaire de Lyon intergouvernemental sur l’évolution du climat pour son fait partie des dix personnalités rapport à paraître en 2013, confirment les conclusions scientifiques de l’année 2011 désignées du précédent rapport publié en 2007. En particulier, les par la revue Nature. Il a dirigé l’équipe simulations annoncent, à l’horizon 2100, une augmentation de la collaboration Opera, qui a réalisé des températures de 2 °C pour le scénario le plus optimiste une mesure montrant que les et de 3,5 à 5 °C pour le plus sévère. De plus, l’implication neutrinos pourraient se déplacer à une 2 des gaz à effet de serre rejetés par les activités de l’homme PHOTOTHÈQUE FRÉSILLON/CNRS C. © vitesse supérieure à celle de la lumière . 1. Unité CNRS/UCBL. devient manifeste : les seuls facteurs naturels n’expliquent 2. Lire CNRS Le journal, n° 262, novembre 2011, pp. 8-9. pas le réchauffement moyen constaté à partir de la seconde moitié du xxe siècle. Une intensification du cycle hydrologique se vérifie, de même qu’une fonte rapide de Julien Bobroff la banquise arctique. Pour la première fois, ces simulations w Chargé de mission à l’Institut de ont pris en compte des scénarios incluant des politiques physique du CNRS pour le centenaire de réduction des gaz à effet de serre. Résultat : de la supraconductivité, fêté en 2011, pour contrecarrer la hausse des températures, il faudrait ce physicien est le lauréat du prix rapidement diminuer les émissions anthropiques et surtout Jean-Perrin pour la popularisation mettre en place des actions pour prélever le dioxyde de de la science. Celui-ci lui a été attribué carbone de l’atmosphère d’ici à la fin du xxie siècle. par la Société française de physique pour ses actions de vulgarisation au Laboratoire de physique des solides1, dont il est membre, et pour l’ensemble du projet Supra 2011. 1. Unité CNRS/Université Paris-Sud. Naissance d’un © B. RAJAU/CNRS supercalculateur Ruwen Ogien w w Ce philosophe du Centre de Deux millions de milliards d’opérations par seconde : recherche sens, éthique, société1 telle est la capacité du supercalculateur Curie, qui est a reçu le prix Procope des Lumières désormais à la disposition des scientifiques. Conçu par Bull pour son essai L’Influence de l’odeur pour la société publique Genci (détenue entre autres par des croissants chauds sur la bonté humaine, paru en 2011 chez Grasset.

le CNRS), cet instrument situé dans le Très grand centre © K. HAUHTONEN Ce prix a été créé pour récompenser de calcul (TGCC) du CEA, à Bruyères-le-Châtel, va permettre « une réflexion qui jette un regard nouveau, des simulations à très grande échelle pour étudier nombre voire polémique, sur notre temps, dans la tradition de l’esprit critique, des libertés et de de phénomènes, de l’évolution du climat au rôle d’une l’humanisme des philosophes des Lumières ». molécule impliquée dans la maladie d’Alzheimer. 1. Unité CNRS/Université Paris-Descartes. w 6 | L’événement CNRS I LE JOURNAL

À voir sur le journal en ligne : un extrait de la série Tara Oceans.

Biodiversité Après deux ans et demi de mer, Tara Oceans touche à sa fin. Premier bilan avec les deux directeurs de cette expédition qui a mobilisé pas moins de vingt laboratoires.

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© S. BOLLET/TARA EXPÉDITIONS BOLLET/TARA S. © Tara boucle son tour du monde

PROPOS RECUEILLIS PAR LAURE CAILLOCE ce terme désigne toutes les formes de vie pour l’environnement. C’est pourquoi qui dérivent dans les océans sur de longues le projet de recherche proposé par Éric Le 31 mars, la goélette Tara reviendra à Lorient, son distances – des virus et bactéries aux Karsenti nous a séduits. À terme, la port d’attache, après plus de deux ans et demi de mer. méduses en passant par les algues unicel- modélisation des différents écosystè- Quel était l’objectif de l’expédition Tara Oceans ? lulaires. Notre objectif était ambitieux : mes planctoniques rencontrés en mers Éric Karsenti : Tara Oceans est la plus grande expédition scien- dans un premier temps, récolter des échan- froides, chaudes…, devrait nous per- tifique jamais organisée sur un domaine mal connu de la bio- tillons sur toutes les mers de la planète et mettre de mieux comprendre l’impact du diversité océanique : le plancton. Vaste sujet, quand on sait que utiliser les méthodes modernes de biolo- réchauffement cli matique et de l’acidifica- gie moléculaire et d’imagerie pour carac- tion des océans sur ces organismes essen- ÉRIC KARSENTI ET ÉTIENNE BOURGOIS tériser l’ensemble des organismes rencon- tiels pour la biodiversité. N’oubliez pas Éric Karsenti (à gauche), trés et retracer leur évolution ; et, dans un qu’ils représentent le premier maillon de directeur scientifique de second temps, mieux comprendre la struc- toute la chaîne alimentaire océanique. l’expédition Tara Oceans, est ture des écosystèmes planctoniques. La directeur de recherche au CNRS, détaché à l’EMBL (European température, la salinité, l’oxygénation et le Avez-vous déjà des résultats ? Molecular Biology Laboratory) pH de l’océan varient d’un endroit à l’autre. É. K. : Le travail d’analyse ne fait que de Heidelberg, en Allemagne. Il est donc logique qu’on n’y retrouve pas commencer et devrait durer une dizaine Étienne Bourgois, président de les mêmes combinaisons d’espèces. d’années. Les premiers résultats laissent la fondation Tara, est directeur déjà pré sager de sacrées découvertes. général de la société Agnès b. Étienne Bourgois : Tara est un bateau Alors qu’on s’attendait à trouver quel- et propriétaire avec sa mère, Agnès b., du bateau polaire Tara. à vocation scientifique, soutenu depuis ques dizai nes de milliers d’espèces de

© F. AURAT/TARA EXPÉDITIONS AURAT/TARA F. © 2004 par le programme des Nations unies plancton, on s’oriente plutôt, à partir N° 265 I MARS-AVRIL 2012 L’événement | 7

deux ans et demi, quand une mission Les scientifiques océanographique classique ne dure en ont sillonné les mers moyenne que trois mois. à bord de la goélette Tara (01), à la recherche d’organismes Une expédition comme Tara Oceans planctoniques, tels ne se prépare pas du jour au ces quelques lendemain. Quels ont été les moyens spécimens (02, 03). humains et techniques mobilisés ? É. K. : L’expédition a demandé une année de préparation, pendant laquelle nous longues périodes –, et en ressortent ravies avons mis sur pied un consortium scien- mais exténuées. En moyenne, chaque tifique rassemblant une vingtaine de station de prélèvements dure six jours : 02 labo ratoires pluridisciplinaires : des spé- trois jours de mer pour rallier le site préa- 03 cialistes des virus, des bactéries et du lablement identifié par satellite, pendant plancton animal, des professionnels de lesquels il faut préparer tout le matériel, l’imagerie, des biologistes moléculaires étiqueter les fioles, etc., suivis de trois ayant pour mission d’effectuer le séquen- jours de prélèvements intensifs, puis çage génomique des espèces rencontrées, c’est reparti pour un tour… Plus de etc. Il a également fallu équiper Tara du 20 000 échantillons ont déjà été collectés matériel adéquat. Un treuil pouvant des- et transmis aux laboratoires à terre. cendre jusqu’à 2 000 mètres de profon- É. B. : Côté technique, nous avons eu la deur était déjà à bord. On lui a adjoint chance d’être relativement épargnés. © 02 : M. ORMESTAD-KAHIKAI/TARA-OCEANS ; 03 : E. G. REYNAUD-UCD, M. ORMESTAD-KAHIKAI, ORMESTAD-KAHIKAI, M. REYNAUD-UCD, G. E. : 03 ; ORMESTAD-KAHIKAI/TARA-OCEANS M. : 02 © C. SARDET-CNRS PHOTOTHEQUE, E. ROETTINGER-KAHIKAI/TARA-OCEANS C. GUIGUAND, une rosette pour réaliser des prélève- Aucun matériel scientifique n’est tombé ments. Un laboratoire humide pour filtrer en panne pendant le voyage, ce qui relève des échantillons déjà prélevés, vers l’exis- ROSETTE. les organismes et préparer les échan- du miracle quand on sait les conditions tence de millions d’organismes différents. Instrument doté tillons a également été construit, ainsi de mer que le bateau a dû affronter. C’est une exceptionnelle diversité qu’il d’une dizaine de qu’un laboratoire sec équipé d’un micros- À l’heure où je vous parle, la rosette, qui bouteilles destinées nous faut encore classifier. Le génoscope à prélever des cope pour faire de l’imagerie à bord. a coûté la bagatelle de 300 000 euros, est du Commissariat à l’énergie atomique et échantillons d’eau Enfin, Tara a été dotée d’une batterie toujours solidement accrochée à son aux énergies alternatives, chargé du pro- à diverses d’instruments destinés à l’enregistrement treuil. Pourtant, tout le monde nous pré- gramme de séquençage génomique, a du profondeurs. de données en continu : température de disait qu’elle se décrocherait un jour ou pain sur la planche. Côté écosystèmes, on l’eau, salinité, pH, photosynthèse dans l’autre. Seule grosse réparation : il a fallu a déjà repéré des associations inté ressantes les eaux de surface, etc. changer l’un des moteurs du bateau, ce qui dans lesquelles interviennent régulière- É. B. : Au-delà du volet strictement scien- a demandé d’ouvrir le pont comme une ment les girus, ces virus géants de 10 à tifique, il a fallu gérer tous les aspects vulgaire boîte de conserve. 100 fois plus gros qu’un virus classique logistiques de l’expédition. Près de 200 sta- découverts par un laboratoire de Marseille1 tions de prélèvements ont été effectuées Quelle est la suite du programme il y a quelques années. au cours de 53 missions océanographi- pour la goélette ? ques, et ce tout autour de la planète. À É. B. : Tara ne va pas se reposer longtemps. Avant ce tour du monde, Tara n’était déjà pas chaque fois, on a dû demander une auto- Après quelques travaux de maintenance, tout à fait un bateau ordinaire… risation pour mouiller dans les eaux terri- elle va se lancer dans un tour de France É. B. : Tara a une histoire incroyable. Cette goélette polaire, tout toriales, mais aussi pour prélever et rame- destiné à partager l’aventure de Tara en aluminium, a été construite pour Jean-Louis Étienne, qui ner des échantillons. Il a aussi fallu Oceans avec le plus grand nombre, qui l’a utilisée de 1989 jusqu’à la fin des années 1990. Le bateau a organiser le roulement des équipes scien- s’achèvera cet automne sur les quais de ensuite été racheté par Sir Peter Blake, mais le marin a été assas- tifiques, sachant que les places sont Seine, à Paris. Il est par ailleurs envisagé siné à son bord alors qu’il remontait le fleuve Amazone. Nous chères : à peine une quinzaine, dont six à qu’elle parte en expédition en 2013 en l’avons repris avec ma mère, Agnès b., en 2003. Aujourd’hui, sept pour les scien tifiques au maximum. Arctique, seul océan à ne pas avoir été il est géré par la fondation Tara, financée par le mécénat. C’est visité dans le cadre du programme. un bateau assez lourd, ce qui lui permet d’affronter toutes les À quoi ressemble le quotidien à bord 1. Laboratoire Information génomique et structurale conditions de mer et la glace, bien sûr. Comme il est à faible du bateau ? Avez-vous rencontré des (Unité CNRS/Aix-Marseille Université). tirant d’eau, il a également l’avantage de pouvoir mouiller difficultés au cours de la mission ? dans des eaux peu profondes, tels les récifs coralliens. É. K. : S’embarquer à bord de Tara, cela É. K. : Avec ses 36 mètres de long, le bateau demeure néan- veut dire du boulot, du boulot et encore moins de petite taille comparé aux navires océano- du boulot ! Les équipes scientifiques sont CONTACT : European Molecular Biology Laboratory, gra phiques traditionnels, ce qui en diminue le coût généralement là pour un mois – à l’excep- Heidelberg d’exploitation et permet de faire des expéditions de très tion des deux ingénieurs qui assurent la Éric Karsenti > [email protected] longues durées. Imaginez plutôt : nous sommes partis maintenance des instruments sur de plus w 8 | ActualitésRubrique CNRS I LE JOURNAL

Management Les conditions de travail des policiers ont fait l’objet d’une étude de terrain inédite dont les premiers résultats viennent d’être dévoilés. La police se livre

PAR STÉPHANIE ARC janvier 20123, tous les grades de la police, en raison de la charge de travail ou parce des gardiens de la paix aux brigadiers qu’ils estiment que leurs rétributions ieux connaître les conditions majors, ont pu être sollicités, les hommes (salaire, reconnaissance…) ne reflètent de travail des policiers, en comme les femmes, sur l’ensemble du ter- pas leurs contributions (efforts, compé- Mparticulier sous l’angle de leur ritoire, bien qu’une majorité de réponses tences, rendement…). Enfin, tandis qu’ils rapport à la hiérarchie, voilà ce que permet proviennent d’Île-de-France. souffrent sur le terrain de leur relation l’enquête Management et bien-être au tra- avec le public (commentaires négatifs, fait vail au sein de la police, menée par Mathieu DES RÉSULTATS INSTRUCTIFS de devoir garder une bonne image…) Molines, du Centre de recherche en mana- Du point de vue managérial, l’enquête met plus que du danger de leur mission, ce gement (CRM)1, à Toulouse. Résultat au jour trois problèmes : « D’abord, le supé- sont surtout les facteurs organisationnels majeur : l’épuisement professionnel , bien ÉPUISEMENT. rieur hiérarchique ne se positionne pas qui leur pèsent (lourdeurs adminis- qu’il n’atteigne pas des niveaux alar- PROFESSIONNEL. comme un véritable manager, c’est-à-dire tratives, manque de ressources, équi- Détérioration mants, s’installe parmi les forces de de la santé à la suite un leader capable de fédérer ses équipes, de pements inadaptés…). Dernier point l’ordre, dont l’enthousiasme diminue. d’une exposition les aider et de les former », note Mathieu relevé par Mathieu Molines, et pas des Un constat contrebalancé par le fait que chronique au stress. Molines. Ensuite, les policiers ne se sentent moindres : « C’est sur le plan mental les policiers déclarent faire efficacement pas soutenus par leur organisation. Enfin, et émotionnel plus que physique que la leur métier malgré les difficultés. ils souffrent du manque de coopération fatigue l’emporte… » avec la justice et de l’opinion négative de la 1. Unité CNRS/Université de Toulouse-I Capitole. UNE ENQUÊTE INÉDITE 2. Discipline au croisement de la psychologie, presse et de la population. En contrepoint, de la sociologie et de l’économie. Ces informations inédites sont d’autant cependant, « les répondants déclarent être 3. Cette démarche dite longitudinale a permis plus importantes que les conditions de fiers d’appartenir à leur institution, et ils de suivre ces policiers sur les neuf derniers mois. travail des forces de l’ordre ont rarement évoquent une bonne cohésion au sein des q fait l’objet d’enquêtes en France. « Le Fiers de leur équipes », poursuit le chercheur. métier, les policiers CONTACT : stress au travail, s’il est un sujet souvent français n’échappent Du point de vue des risques psycho- Centre de recherche en management, Toulouse Mathieu Molines traité aujourd’hui, n’a jamais été mesuré toutefois pas sociaux, les policiers décrivent des condi- > [email protected] dans l’institution policière, remarque à l’épuisement tions d’exercice difficiles, et ce notamment Mathieu Molines. Il existe des travaux professionnel. en sociologie ou en épidémiologie, mais notre étude est la première en sciences de gestion2. » Et donc la première à mesurer l’impact, au sein de la police, du rôle joué par la hiérarchie sur le bien-être et sur l’efficacité au travail. Mais c’est aussi la première étude statistique d’une telle ampleur : plus de 6 500 poli- ciers y ont répondu. « Nous tenions à avoir accès au ter- rain, précise le chercheur, or c’était la plus grande difficulté. Les policiers sont deman- deurs mais très réservés. » C’est la raison pour laquelle, démarche originale, le doc- torant a eu l’idée de solliciter les syndicats. « C’est ainsi le syndicat Alliance qui s’est chargé de la diffusion du questionnaire anonyme, via Internet », indique-t-il. Et l’idée a pris : durant les trois périodes dis- tinctes au cours desquelles a été menée

l’enquête, entre la mi-mai 2011 et la fin © LUDOVIC/RÉA N° 265 I MARS-AVRIL 2012 Actualités | 9 w

LES MÉDIAS EN PARLENT À voir sur le journal en ligne : le film Le Sens du poil et un reportage photo sur ces recherches. DR wVu au journal de 13 heures de France 2 : comme nous l’annoncions en décembre, des scientifiques ont parcouru 1 400 kilomètres en Antarctique à la recherche de données q Les poils des précieuses, notamment pour l’étude du climat. grillons font partie des récepteurs les plus perfectionnés w Beaucoup de

© T. STEINMANN/CNRS T. © PHOTOTHÈQUE du monde animal. reprises dans les médias pour ce résultat Biologie à la une de Science : les albatros tireraient, Une sensibilité pour le moment, grand profit du changement climatique dans l’océan à fleur de poil Austral. La raison : ED WITH PERMISSION FROM AAAS FROM PERMISSION WITH ED des vents plus forts PAR LAURIANNE GEFFROY Jusqu’à présent, il était admis que, qui faciliteraient chez les arthropodes, chaque poil cap- REPRINT © leurs déplacements. w Si le frémissement des feuilles tait une fréquence donnée en fonction laisse le grillon impassible, l’agitation de sa longueur et que l’ensemble déce- d’une araignée le fait fuir à toute vitesse. lait les vibrations de l’air à la manière w Les supervolcans, À l’origine de cette réaction : les cen- d’une oreille. Cette étude prouve que comme le Santorin taines de poils qui recouvrent son corps. chaque poil réagit en fait à toute une pa- en Grèce ou celui Ces derniers, telles de petites oreilles lette de fréquences et fonctionne plutôt de Yellowstone aux hypersensibles, permettent à l’insecte comme une petite oreille à part entière. États-Unis, peuvent se de détecter les plus infimes déplace- Autre découverte : ces capteurs sont réveiller en seulement ments d’air et sont très efficaces lors- hypersensibles aux fréquences hautes, quelques dizaines qu’il s’agit de repérer des prédateurs. caractéristiques du vivant. Les poils se d’années. Cette découverte a été C’est le résultat d’une étude franco- focaliseraient sur les bruissements d’ori- publiée dans Nature autrichienne menée sur les poils des gine biologique, comme le glissement par des volcanologues grillons et des araignées, publiée en d’un serpent, et filtreraient les bruits de plusieurs DR ligne le 14 décembre dans Journal of parasites, tel le souffle du vent. laboratoires liés au CNRS. the Royal Society Interface. « Le grillon possède ainsi toutes les Pour étudier ces appendices de 1 mil- informations nécessaires pour savoir s’il limètre, les chercheurs ont imaginé un doit fuir ou non, résume Jérôme Casas. w Claudia Fritz, acousticienne au CNRS, et ses dispositif capable de les filmer en pleine En fonction de l’apparition des hautes collègues ont fait essayer en aveugle différents action : ils ont placé le grillon dans une fréquences, il peut savoir si le bruit pro- violons à des joueurs confirmés. D’après leur boîte et l’ont soumis à différents cou- vient d’un objet ou d’un animal vivant, étude parue dans PNAS et relayée dans le New rants d’air mimant le vent ou l’approche mais également si cet objet se rapproche York Times, les instruments modernes recueillent d’une araignée. « Les images obtenues et à quelle vitesse, alors même qu’il ne plus de suffrages que ceux des grands luthiers confirment que ces poils sont parmi les le voit pas encore ! » italiens, récepteurs les plus perfectionnés du 1. Unité CNRS/Université François-Rabelais. commes les règne animal, s’enthousiasme, Jérôme Stradivarius. Casas, écologue à l’Institut de recherche sur la biologie de l’insecte1, à Tours. On a montré que chacun d’entre eux pouvait CONTACT : Institut de recherche sur la biologie détecter des déplacements d’air quasi- de l’insecte, Tours ment nuls et une gamme de fréquences Jérôme Casas > [email protected]

allant de 40 à 600 hertz. » CHAPELAT/FOTOLIA M. © w 10 | Actualités CNRS I LE JOURNAL

Physique Une nouvelle piste pour traiter les déchets radioactifs

PAR SEBASTIÁN ESCALÓN coupé, le réacteur s’arrête. La preuve qui se forment lorsque l’uranium du com- expérimentale que ce genre de réacteur bustible capture des neutrons dans le cœur w Le premier réacteur nucléaire au est viable est désormais faite. Reste des centrales nucléaires », précise Annick plomb piloté par un accélérateur de par- à mieux maîtriser et modéliser certains Billebaud. Ce genre de réacteur permettra ticules vient d’être mis en marche en aspects physiques et techniques : de les traiter par une réaction dite de trans- Belgique. Baptisé Guinevere, il s’agit d’une « Guinevere est un outil de recherche qui mutation : les neutrons rapides produits maquette fonctionnelle d’un nouveau va nous servir à mettre au point les procé- dans son cœur seront utilisés pour briser type de réacteur qui, s’il ne produira dures pour contrôler le fonctionnement ces atomes lourds en d’autres atomes pas d’électricité, permettra de traiter les de ce type d’installation », explique moins radiotoxiques. déchets radioactifs produits par les cen- Annick Billebaud, responsable du projet D’autres applications attendent éga- trales nucléaires. Mené par le Centre belge à l’Institut national de physique nucléaire lement Myrrha. Il servira, par exemple, à d’étude de l’énergie nucléaire, ce projet et de physique des particules. fabriquer des isotopes radioactifs à usage À voir sur le journal en ligne : un film sur bénéficie d’une importante collaboration La phase suivante sera la construction médical ou à réaliser des expériences sur le projet Guinevere. du CNRS, qui a notamment construit son de Myrrha, toujours en Belgique, un réac- de nouveaux matériaux pour l’industrie et accélérateur de particules. teur plus grand qui devrait voir le jour les énergies renouvelables. On comprend Au cœur de Guinevere, à la différence en 2023. Son but principal sera de réaliser que la mise en fonction de Guinevere sus- des centrales nucléaires classiques, les des expériences sur la fission de déchets cite tant d’enthousiasme ! réactions de fission – lorsqu’un atome nucléaires très radioactifs, d’une vie supé- lourd est brisé – ne sont pas auto-entrete- rieure à mille ans, pour les convertir en nues : c’est le bombardement d’une cible déchets de moindre radioactivité et de CONTACT : Laboratoire de physique subatomique située au centre du réacteur par des parti- moindre durée de vie. « Ces déchets sont et de cosmologie, cules accélérées qui entretient la réaction principalement des atomes plus lourds que Annick Billebaud > [email protected] en chaîne. Lorsque l’accélérateur est le plutonium, tels le curium ou l’américium,

Optique q Ce dispositif expérimental permet Quand la lumière dompte la matière… de contrôler des ondes de matière avec de la lumière. PAR SEBASTIÁN ESCALÓN le principe des miroirs de Bragg qui, en optique photonique, peuvent réfléchir presque parfaite- w S’il est possible de manipuler la lumière à l’aide ment la lumière grâce à une succession de couches de lentilles et de miroirs – de la matière, en somme – de différents matériaux. l’inverse est également vrai : la matière peut se laisser Ici, ce sont plusieurs couches de lumière qui réflé- dompter par la lumière. Des chercheurs du Laboratoire chissent les atomes, comme le détaille David Guéry- collisions, agrégats, réactivité (LCAR)1, à Toulouse, vien- Odelin, du LCAR : « La superposition de deux faisceaux nent d’en faire une belle démonstration. Ils ont créé laser engendre, par interférences, une succession de des miroirs capables de réfléchir efficacement des jets plans lumineux séparés par des plans sombres. Les d’atomes froids guidés par laser. Leurs travaux ont été ondes de matière guidées interagissent avec ces plans publiés en décembre dans Physical Review Letters2. successifs et sont réfléchies. L’avantage est que l’on À quelques milliardièmes de degrés au-dessus peut contrôler l’intensité des lasers et le nombre de du zéro absolu, les atomes se comportent comme couches pour manipuler les propriétés du miroir. » des ondes. L’optique dite atomique peut alors entrer Si ces nouveaux miroirs sont encore trop comple- en scène : elle consiste à contrôler ces ondes, le plus xes à mettre en œuvre pour leur imaginer un usage souvent avec de la lumière, de la même manière que courant, ils pourront d’ores et déjà être mis à profit l’optique dite photonique contrôle les ondes lumi- pour réaliser des dispositifs de recherche appelés GUÉRY-ODELIN D. © neuses avec des dispositifs matériels. filtres de vitesse accordables, qui permettent d’obte- Le miroir mis au point par les chercheurs du LCAR nir des paquets d’atomes se déplaçant à une vitesse CONTACT : Laboratoire collisions, agrégats, réactivité, s’inscrit dans le domaine de l’optique atomique quasiment identique et modulable. Toulouse guidée : les atomes sont prisonniers d’un faisceau David Guéry-Odelin 1. Unité CNRS/Université Paul-Sabatier-Toulouse-III. > [email protected] laser qu’ils suivent docilement. Le dispositif reprend 2. Physical Review Letters, 16 décembre 2011, vol. 107, n° 25. N° 265 I MARS-AVRIL 2012 Actualités | 11 w

ingénierie i Lorsqu’un matériau fragile se casse, la vitesse des fissures s’avère quatre fois moins élevée que celle annoncée jusque-là. Les chercheurs français, dont certains du CNRS, qui ont étudié à l’échelle microscopique la propagation des fissures dans du Plexiglas estiment qu’une meilleure prise en compte de ce phénomène devrait permettre d’améliorer la résistance à la rupture des matériaux. q Cette femelle biodiversité i La diversité Mone de Campbell génétique des chèvres corses est capable d’imiter actuelles, race reconnue depuis les cris des femelles 2003, est comparable à celles de son groupe dont elle est le plus proche. de leurs aïeules du Moyen Âge. L’insularité de la Corse et le système d’élevage traditionnel en seraient la raison, selon les chercheurs du CNRS et de l’Inra Éthologie

qui ont fait cette découverte. A. LAURENCE© À l’heure où la variété des espèces Les primates singent les voix domestiques se réduit à cause de la sélection, cette étude prouve PAR LAURE CAILLOCE façon précise de crier des femelles avec l’intérêt de préserver les races lesquelles elle avait le plus d’affinités. » rustiques et l’élevage traditionnel. w Les cris émis par les singes sont-ils Pour parvenir à ce résultat, trois indica- biologie i un précurseur du langage chez l’homme ? teurs ont été construits : un indice de simi- Dans les années 1950, à la suite d’essais larité acoustique, obtenu grâce à un logi- Un gène-clé infructueux d’apprentissage du langage SONOGRAMME. ciel de comparaison des sonogrammes ; humain à de grands singes, les chercheurs Représentation un indice d’affinité sociale, déterminé par du rythme biologique serait graphique des impliqué dans le diabète avaient conclu à leur incapacité à contrô- différents éléments le temps passé à se toiletter mutuelle- de type 2. Une équipe franco- ler leur appareil phonatoire. Leurs cris caractéristiques ment ; et enfin un indice de proximité géné- britannique incluant des chercheurs résulteraient de l’expression réflexe de de la voix. tique, calculé grâce à l’ADN prélevé sur les du CNRS a découvert que des leurs émotions et seraient disponibles dès excréments des Mones. « Le plus dur a été mutations du gène MT2, codant la naissance dans leur forme définitive. de savoir à quel individu attribuer chaque pour le récepteur de la mélatonine, Une étude menée par le laboratoire cri enregistré, la forêt dense rendant l’hormone qui induit le sommeil, 1 augmentent de près de sept fois le Éthologie animale et humaine (Ethos) , à extrêmement difficile l’identification de risque de développer un diabète. Rennes, apporte un éclairage nouveau sur ces singes de 3 à 4 kilogrammes à peine », cette question. Deux groupes de 24 Mones confie Alban Lemasson. médecine i La structure de Campbell, une espèce de singes arbori- La plasticité vocale de la Mone vient et le mode d’action d’un coles, ont été écoutés durant seize mois s’ajouter aux résultats déjà obtenus sur les anticorps capable de dans la forêt ivoirienne. L’analyse des enre- cris d’alarme des mâles de la même espèce, neutraliser simultanément gistrements, publiée en décembre dans la qui révélaient leurs capacités sémantiques revue BMC Evolutionary Biology 2, atteste et syntaxiques, chaque cri ou succession les quatre formes du virus de la capacité de certaines espèces de de cris désignant un danger bien précis. de la dengue chez la souris singes à modifier leurs vocalisations au L’objectif, désormais, est d’utiliser la même ont été déterminés cours de leur vie sociale. méthodologie avec des singes plus ou par des équipes du CNRS, « Karim Ouatara, le thésard chargé du moins proches de l’homme afin de dessi- de l’Institut Pasteur projet, a pu montrer que les cris de contact ner progressivement un scénario évolutif. et de l’Inserm. Ce travail émis par les femelles pour réguler la vie 1. Unité CNRS/Université de Rennes-I. représente une avancée sociale du groupe copiaient les modu- 2. BMC Evolutionary Biology, 2011, vol. 11, n° 362. majeure pour la mise au lations de fréquence de leurs proches, point d’un vaccin efficace raconte Alban Lemasson, du laboratoire CONTACT : contre cette maladie. Ethos. Au-delà de la forme globale du Éthologie animale et humaine, Rennes Alban Lemasson cri, commune à tous les individus, c’est > [email protected] Plus d’actualités sur www2.cnrs.fr/presse/ comme si chaque femelle avait adopté la w 12 | Actualités CNRS I LE JOURNAL

Société Des sociologues rendent un rapport sur le phénomène des bâtiments qui rendent malades, caractérisé par l’apparition inexpliquée de symptômes collectifs. Enquête sur le syndrome des bâtiments malsains

PAR LAURE CAILLOCE Durant leurs deux années d’enquête, les chercheurs ont passé trois sites à la e jour de février 2004, un éton- loupe : le service de la mairie de Villejuif, nant phénomène touche le ser- le Centre de recherche en cancérologie C vice d’action sociale de la mairie de Nantes/Angers et un centre de psychothé- Villejuif : 63 personnes sentent une forte rapie de Compiègne. Une cinquantaine de odeur et éprouvent des irritations des personnes – victimes, experts et respon- voix respiratoires, des yeux, de la peau… ; sables des sites – ont été interrogées. « Ce 19 sont hospitalisées. Aucun agent patho- qui définit le syndrome du bâtiment mal- gène ni toxicologique n’est pourtant sain, c’est son caractère soudain et collectif, retrouvé dans l’air. La mairie étend son explique Yannick Barthe. Un groupe de enquête aux alentours du bâtiment – le personnes déclare les mêmes symptômes, site d’un ancien garage est un temps généralement bénins, au même moment. » suspecté – sans succès. L’événement se À Nantes, un premier pic de symptômes renou velle plusieurs fois jusqu’en 2007. en janvier 2007 a entraîné l’évacuation Ce phénomène porte un nom : le syn- des bureaux, mais aucune hospitalisation. drome du bâtiment malsain. Depuis une Les victimes témoignent d’irritations des vingtaine d’années, des cas similaires sont voies respiratoires, de rougeurs, de nau- régulièrement signalés en France et dans sées et de maux de tête. À Compiègne, où le monde dans des bâtiments récemment une épidémie se déclare en octobre 2007, construits, sans qu’aucune explication on recense des irritations de la peau et des médicale ou scientifique ne soit trouvée. yeux, des migraines, des vertiges… Comment les victimes de ces étonnantes À chaque fois, les toxicologues échouent épidémies vivent-elles cette situation ? à identifier un coupable. Quelles sont les explications données par les experts ? Comment ces deux groupes DES CAUSES PSYCHOLOGIQUES ? interagissent-ils ? Deux sociologues, « Dans les trois cas, les experts ont conclu Yannick Barthe et Catherine Rémy, du à des phénomènes psychosomatiques – ce Centre de sociologie de l’innovation1, à qu’ils nomment des syndromes psycho- Paris, ont tenté de répondre à ces questions gènes, raconte Catherine Rémy. La non- pour l’Anses, l’Agence natio nale de sécu- prise en compte de leurs maux a créé chez rité sanitaire de l’alimentation, de l’envi- les victimes une grande souffrance psycho- ronnement et du travail, à laquelle ils vien- logique, presque plus importante que les nent de rendre leurs conclusions. symptômes eux-mêmes. À la suite de l’évé- nement, soupçonnées d’être tire-au-flanc, q En 2009, à la voire hystériques, elles ont le sentiment, suite de nombreux d’être mises à l’écart dans leur travail. » malaises simultanés Surtout, elles restent orphelines d’une dans cet immeuble toulousain, explication qu’elles continuent parfois de on a suspecté chercher par elles-mêmes. « Ce qui nous un syndrome du a surpris, confie Yannick Barthe, c’est bâtiment malsain. bien souvent la rapidité avec laquelle les experts ont rendu leurs conclusions. Comme s’il fallait éviter la multiplication

© T. BORDAS/MAXPPP/PHOTOPQR/LA MIDI DU T. © DÉPÊCHE des analyses et l’exploration prolongée des N° 265 I MARS-AVRIL 2012 Actualités | 13

À suivre

Volcanologie I Premier objectif : obtenir et Osamu Ishizuka, du Geological Du 3 mars au 17 avril, le navire un enregistrement complet Survey of Japan, ces recherches océanographique Joides de l’activité éruptive et de permettront d’évaluer les Resolution, du programme la sédimentation des dépôts risques liés aux déstabilisations international IODP volcaniques dans cette région des flancs des volcans antillais (Integrated Ocean Drilling au cours du dernier million et aux avalanches de débris Program), croisera au large d’années. Menées par Anne qui, en entrant dans la mer, des Petites Antilles pour Le Friant, de l’Institut de sont susceptibles de une campagne de forages. physique du globe de Paris, provoquer des tsunamis.

causes, par peur semble-t-il de déclencher Chimie un phénomène de panique ou de conta- gion dans les équipes. » Pour le sociologue, ce traitement est Un bel effort de synthèse ! symptomatique de la façon dont certains problèmes liés à la santé environnemen- PAR SEBASTIÁN ESCALÓN revue Science2. « Nous avons prouvé qu’il tale sont envisagés en France : « Tant est possible de former des cristaux de qu’aucune explication n’a été trouvée, w C’est l’une des dix découvertes zéolithe sans utiliser de templates, sim- alors le problème n’existe pas, et le facteur majeures de l’année 2011 d’après la plement en contrôlant les conditions psychologique est systématiquement mis revue Science : une équipe pilotée par thermodynamiques lors des premiers en avant. » Sans nier la possibilité d’une le Laboratoire catalyse et spectrochimie stades de croissance des cristaux », causalité psychosociale, il s’interroge : (LCS)1, à Caen, a réussi l’exploit de synthéti- explique Svetlana Mintova, du LCS. « Pourquoi ne pas faire évoluer les métho- ser, à température ambiante et sans addi- Les chercheurs sont en effet parve- des d’investigation, en ne prenant plus tifs organiques, des zéolithes, minéraux nus à synthétiser quatre zéolithes diffé- seulement en compte la dose limite au- riches en aluminium et en silicium. Les zéo- rentes, parmi lesquelles l’EMT (ELF delà de laquelle une substance est nocive, lithes pourraient trouver ainsi de multiples Mulhouse Two), une variété riche en comme c’est le cas actuellement, mais applications : grâce à leur structure en aluminium et dont la densité est l’une en étudiant aussi les effets des cocktails forme de tamis, elles ont des propriétés des plus faibles parmi ces minéraux. La de substances ? » catalytiques uniques et peuvent piéger méthode mise au point par les scien- ADSORPTION. par adsorption certains composés. tifiques a permis d’obtenir de façon MIEUX ÉCOUTER LES VICTIMES Phénomène de Jusqu’à présent, un verrou limitait propre des nanocristaux d’EMT, avec un fixation de Yannick Barthe et Catherine Rémy molécules de gaz leur utilisation : pour les produire, il fallait rendement exceptionnel de 60 %, en seu- suggè rent aussi que les victimes soient ou de liquides utiliser des additifs organiques, les tem- lement 4 minutes, contre plusieurs jours davantage associées aux investigations, sur la surface plates. Or ceux-ci étant toxiques et cancé- pour la réaction classique. « Ces parti- comme cela commence à se faire dans d’un solide. rogènes, ils rendaient la synthèse des cules d’EMT pourraient servir comme le domaine de la téléphonie mobile et zéolithes extrêmement polluante. Sans catalyseurs dans de nombreuses réac- de ses effets sur l’homme, où les asso- compter leur prix, pouvant monter tions chimiques, avance Svetlana ciations d’utilisateurs sont impliquées jusqu’à 50 euros le gramme. De quoi Mintova, ou être utilisées pour piéger des dans les enquêtes. « Ne pas du tout décourager la plupart des industriels… particules radioactives ou encore pour prendre en compte la parole des victimes Ce verrou est désormais levé, comme fabriquer des capteurs à usage industriel prive les experts de connaissances intéres- l’ont montré les chercheurs du LCS dans ou médical. » Les zéolithes vont enfin santes qui pourraient sans doute faire le numéro en ligne du 8 décembre de la pouvoir exprimer tout leur potentiel ! avancer le champ de la science sur ces 1. Unité CNRS/Ensicaen/Université de Caen-Basse- Normandie. Travaux en collaboration avec phénomènes », concluent-ils. le Laboratoire de cristallographie et sciences des 1. Unité CNRS/Mines ParisTech. matériaux et le Department of Chemistry and Center for Nanoscience de l’université de Munich. 2. Travaux publiés en version papier le 6 janvier 2012, vol. 335, n° 6064. pp. 70-73.

q Ces nanocristaux CONTACTS : hexagonaux de Centre de sociologie de l’innovation, Paris zéolithe EMT (ELF Yannick Barthe Mulhouse Two) CONTACT : > [email protected] Laboratoire catalyse et spectrochimie, Caen Catherine Rémy ont été synthétisés Svetlana Mintova > [email protected] 10 nm à 30 °C sans aucun > [email protected]

© LABORATOIRE© ET SPECTROCHIMIE CATALYSE additif organique. w 14 | En images CNRS I LE JOURNAL

01

MOZAMBIQUE ANGOLA ZAMBIE

Parc national de Hwange ZIMBBAABWEE NAMIBIE BOTSWANA Environnement Au Zimbabwe, dans le parc national de Hwange, labellisé Zone atelier par le CNRS en 2011,

SWAZILANZZILANNND les scientifiques œuvrent pour une meilleure coexistence entre les hommes et la faune sauvage. Leurs recherches LESOTHOO AFRIQUE DU SUD visent en particulier à apporter des réponses aux dégâts engendrés par les animaux dans les villages. Des animaux © L. DEMONGIN© et des hommes

02 N° 265 I MARS-AVRIL 2012 En images | 15 w

01 Le parc national de Hwange abrite l’une des plus fortes densités 03 Équiper un éléphant d’éléphants au monde. anesthésié avec un collier GPS demande 02 Il recèle aussi une organisation et incroyable diversité surveillance. Il faut, entre d’oiseaux et autres, l’arroser avec de de mammifères, telle l’eau pour maintenir sa cette antilope koudou. température corporelle.

© C. JOHNSON 03 © F. DÉBIAS/CNRS F. ©

04 05 06 PAR GAËLLE LAHOREAU

n éléphant de 5 tonnes dans un champ de sorgho, bonjour les dégâts ! Et qui plus est quand c’est tout le groupe familial qui vient s’y nourrir. Au parc national de © C. GUERBOIS © E. MIGUEL U © S. PÉRIQUET Hwange, au Zimbabwe, des chercheurs ont pris la mesure des conflits que les pachydermes engen- 04 Une centaine de draient à sa périphérie, lors d’enquêtes et grâce au Les éléphants ne sont pas les seules bêtes noires ruches ont été placées à la périphérie du parc suivi, 24 heures sur 24, d’une vingtaine d’entre eux des villageois. Ils se méfient également des lions et des dans l’espoir d’éloigner équipés de colliers GPS. « Les champs sont parfois hyènes, qui attaquent le bétail. La faune sauvage est, les éléphants des dévastés à plus de 80 %. Or la population vit, survit, de plus, susceptible de transmettre des maladies aux champs des villageois. grâce à l’agriculture », indique Hervé Fritz, écologue troupeaux domestiques. Rejoints par des sociologues, 05 Une chercheuse au laboratoire Biométrie et biologie évolutive1, qui des vétérinaires et des agronomes, les écologues se enquête auprès des officie depuis plus de dix ans à Hwange. sont donc mis à enquêter sur les zones de pâture du éleveurs sur les zones de Pour éloigner les éléphants des cultures, les scien- bétail et à étudier les parasites et les maladies portés pâturage du bétail et sur les problèmes rencontrés tifiques ont fait appel à des bataillons d’abeilles. Les à la fois par les vaches et par la faune sauvage. avec la faune sauvage. colosses à trompe en ont une peur bleue ! Depuis 2009, Quand ils sont arrivés à Hwange en 1999, le but 06 Munis de colliers des ruches ont ainsi été installées dans des champs. des écologues français n’était pourtant pas de répon- GPS, une trentaine « Cette expérience participative est toujours en cours, dre aux questions des fermiers, mais à celles des de lions sont suivis informe le chercheur. Mais les agriculteurs estiment gestionnaires du parc. À la suite de l’arrêt des abattages en permanence par déjà que cela fonctionne. Et ils y ont découvert un autre en 1986, la population d’éléphants était alors en pleine des équipes de l’université d’Oxford. intérêt : les abeilles leur fournissent du miel. » expansion. « En une quinzaine d’années, elle était passée de 15 000 à 35 000 individus, souligne Hervé Fritz. Aujourd’hui, Hwange a l’une des plus fortes den- sités d’éléphants au monde. » En parallèle, les autres 16 | En images CNRS I LE JOURNAL

07 Une équipe de chercheurs étudie la santé des vaches et leurs déplacements pour évaluer le niveau de transmission des maladies entre le bétail et la faune sauvage. 08 À gauche de la barrière, une zone inaccessible aux herbivores a été mise en place deux ans auparavant. L’effet sur la hauteur des herbes est déjà visible. 09 Des étudiants zimbabwéens examinent la végétation du parc (diversité des espèces, 07 hauteur, etc.). © E. MIGUEL

populations d’herbivores (impalas, koudous…) décli- Un autre enjeu attend déjà le parc : l’augmen- naient, bien qu’aucune preuve n’ait permis d’imputer tation des sécheresses ne va-t-elle pas exacerber cette diminution aux pachydermes. Grâce à la persé- les conflits homme-faune en limitant la quantité de vérance de quelques-uns, les comptages d’animaux fourrage disponible ? Pour répondre à cette ques- et les bases de données ont progres si vement pris tion, les chercheurs se sont lancés dans le projet corps. De trois écologues au début des années 2000, Savarid. « Notre objectif est de prédire comment la EN LIGNE. ils sont dorénavant plus de quarante scientifiques végétation, les animaux et les hommes vont réagir > www.za-hwange.org et étudiants à se pencher sur le fonctionnement de aux scénarios climatiques, explique Hervé Fritz. la savane arborée du parc : des Français, des Anglais, Cela nous permettra d’anticiper les changements des Zimbabwéens… Les recherches actuelles prou- drastiques d’environnement et, nous l’espérons, de vent que les populations d’éléphants, d’impalas et favoriser une meilleure coexistence entre les hommes de koudous se sont désormais stabilisées. et la faune sauvage. » En 2011, la labellisation du parc et de sa péri- 1. Unité CNRS/UCBL/Inria/VetAgro Sup. phérie comme Zone atelier (ZA) a apporté un nou- LES ZONES ATELIER (ZA) veau souffle aux projets en cours. « Les ZA sont des À voir sur le journal en ligne : une série Ce sont des dispositifs de recherche anthro posystèmes qui ne peuvent être étudiés sans de photos au parc national de Hwange. sur des systèmes naturels façonnés recherche sur le long terme. À Hwange, nous sommes par l’homme et confrontés à des typiquement dans ce cas, précise Yvan Lagadeuc, enjeux sociétaux : un bassin-versant, CONTACTS : direc teur adjoint scientifique de l’Institut écologie Biométrie et biologie évolutive, Villeurbanne un agro-écosystème, un massif et environnement du CNRS et responsable du Hervé Fritz montagneux, etc. Dix ZA sont > [email protected] programme. Et le chercheur d’ajouter : « Labelliser actuellement labellisées et Institut écologie et environnement, Paris Hwange, c’est aussi soutenir la gestion de la biodiver- Yvan Lagadeuc soutenues par le CNRS, parfois > [email protected] depuis plus de vingt ans. Elles sité avec une vocation de patrimoine mondial. » rassemblent plus de 500 chercheurs et ingénieurs issus de 88 laboratoires. 08 09 © J. MATHIEU/HERD/CNRS J. © PHOTOTHÈQUE DÉBIAS/HERD/CNRS F. © PHOTOTHÈQUE N° 265 I MARS-AVRIL 2012 Décryptage | 17

Chimie À l’occasion du Forum mondial de l’eau, le chimiste Bernard Legube détaille le rôle joué par sa discipline dans la dépollution de ce liquide vital. La chimie se mouille

BERNARD LLEGUBEEGUB Ce spécialiste de la pour l’eau pollutionpollut de l’eau mène ses rrecherchese à l’Institut de chcchimie des milieux et mammatériaux de Poitiers1. ProfesseurProfef d’université, il eseest aussi directeur PAR MATHIEU GROUSSON l’ensemble des méthodes de la physico- ded l’École nationale chimie, capables d’indiquer le devenir supérieures d’ingénieurs ’est sans doute l’un des plus grands défis de la chimie : d’un composé dans un environnement ded Poitiers. rendre l’eau potable. Alors que le 6e Forum mondial de donné. Ainsi, selon des recherches menées © UMR7285 Cl’eau se tient à Marseille du 12 au 17 mars prochains, notamment à Poitiers1, on sait que le l’occasion est belle de rappeler comment les chimistes contri- chlore, utilisé dans l’eau pour son effet an- chimistes poitevins : celle-ci permet de buent à relever les défis associés à cette précieuse ressource. tibactérien, peut former des produits orga- séparer les ions en solution des molécules nochlorés potentiellement cancérogènes d’eau grâce à la mise au point de mem- ELLE IDENTIFIE LES POLLUANTS par contact avec la matière orga nique na- branes de plus en plus high-tech. L’ensemble des cours d’eau de la planète turellement présente dans l’eau. Côté pollution, des chercheurs aixois charrient plus d’un million de tonnes de ont montré, il y a quelques années, que le polluants. En découle la première mission ELLE REND L’EAU POTABLE sulfate d’aluminium n’était pas le composé de la chimie : les identifier. Il est certes Pour que l’eau arrive jusqu’au robinet, reste le plus efficace pour dépolluer les eaux de encore difficile de cibler systématique- à en extraire tout ce qui la rend impropre consommation humaine. Mais qu’il valait ment tous les polluants, mais les pro- à la consommation. Les polluants, bien mieux utiliser un polymère à base d’alumi- duits prioritaires – pesticides, hydrocar- sûr, mais aussi le sel. Explosion démo- nium. « Depuis, celui-ci a été commercialisé bures et métaux – sont actuellement sous graphique oblige, le dessalement d’eau et il est presque davantage utilisé que le q Salle de contrôle. « On sait désormais détecter un commande d’une de mer apparaît comme une solution au sulfate d’aluminium », indique Bernard nanogramme de certains polluants dans expérience menée risque de pénurie d’eau douce. D’où l’essor Legube. Autre exemple de la vitalité de un litre d’eau », précise Bernard Legube, sur l’eau au sein de la technique dite d’osmose inverse, la chimie française en la matière : les bre- chimiste spécialiste de l’eau. À la pointe du laboratoire de sur laquelle planchent notamment des vets déposés en 2002 et en 2003 par des Bernard Legube. dans ce domaine figurent des chercheurs chimistes poitevins pour un catalyseur palois qui ont développé depuis les capa ble de booster une réaction connue, années 1990 une méthode, couramment dite d’ozonation, utilisée pour traiter les utilisée aujourd’hui, servant à caractériser eaux. « Ces brevets ont conduit à la création d’infimes traces de métaux dans l’eau. d’une start-up, Technavox, qui commercia- Ultime raffinement : selon leurs récents lise ce procédé pour la dépollution d’effluents travaux, il est possible que le même type de industriels », conclut le scientifique. méthode permette, à terme, de distinguer 1. Unité CNRS/Université de Poitiers. l’origine naturelle ou humaine d’une pré- sence métallique dans l’eau ! EN LIGNE. ELLE SURVEILLE LEUR ÉVOLUTION > www.worldwaterforum6.org Mais savoir qu’un polluant est présent dans l’eau ne suffit pas. Il faut pouvoir pré- dire son évolution par interaction avec le CONTACT : milieu aqueux. De fait, les produits qui Institut de chimie des milieux résultent de cette interaction peuvent se et des matériaux de Poitiers Bernard Legube révéler aussi néfastes, voire plus, que le > [email protected] composé qui en est à l’origine. « C’est le cas avec l’atrazine, l’un des pesticides les plus présents dans les rivières », signale Bernard À voir sur le journal en ligne : Legube, citant des travaux effectués par le film D’eau et de sel

des chercheurs lyonnais. D’où l’intérêt de C. FRÉSILLON/CNRS© PHOTOTHÈQUE et un album photo. w 18 | Le grand entretien CNRS I LE JOURNAL

Politique de la recherche Laurent Wauquiez, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, fait le point sur les grands chantiers en cours. « Il faut simplifier la vie des laboratoires »

PROPOS RECUEILLIS PAR LA RÉDACTION

Le 3 février, François Fillon a dévoilé les cinq lauréats de la seconde vague des appels à projet Initiatives d’excellence (Idex) (lire « L’essentiel », pp. 4-5). Quel bilan dressez-vous à ce stade du programme d’Investissements d’avenir (IA) ? Laurent Wauquiez : Au vu des résultats, je suis convaincu que les Investissements d’avenir vont permettre à la recherche française de rester compétitive au plus haut niveau mondial, en la positionnant à la pointe des technologies de rupture. Ils vont irriguer l’ensemble du territoire et tirer vers le haut toute la recherche française. Promouvoir l’excellence ne revient pas à faire émerger quelques mégalopoles concentrant tous les moyens. L’excellence, ce n’est pas l’élitisme. Les régions qui ont un potentiel scientifique très dense et varié, telles l’Île-de-France, les régions Rhône-Alpes ou Paca, ont obtenu de très nombreux projets dans la plupart des disciplines. Mais tous les territoires ont leurs pépites. Je pense, par exemple, au Laboratoire d’excellence (Labex) Sigma-LIM consacré aux composants céramiques dans le Limousin, au Labex Ceba sur la biodiversité en Guyane ou encore à l’Institut d’excellence dans le domaine des énergies décarbonées (IEED) Pivert en Picardie, où chercheurs et entreprises vont construire les bioraffineries de demain et que j’ai eu l’occasion de voir sur le terrain.

Selon vous, quel rôle doit jouer le CNRS dans ce paysage recomposé ? L. W. : Le CNRS a été l’un des acteurs-clés de cette phase ini- tiale. Il s’est beaucoup investi dans l’accompagnement des projets, notamment dans la mise en place des Idex. Son soutien a été, je crois, apprécié à sa juste valeur par le jury interna- tional du programme Investissements d’avenir. À présent, le

© XR PICTURES CNRS, au même titre que les autres organismes de recherche N° 265 I MARS-AVRIL 2012 Le grand entretien | 19

à vocation nationale, doit maintenir son engagement dans la construction des universités de taille mondiale, tout en assurant le continuum de la recherche sur le territoire. Encore une fois, l’absence d’Idex ne signifie pas que l’on facturation dématérialisée. Par ailleurs, nous allons créer un se trouve dans un désert scientifique. observatoire de la simplification, en vue d’améliorer les fonc- tions d’appui à la recherche, et l’Agence d’évaluation de la Lors de la Journée nationale d’accueil des nouveaux recherche et de l’enseignement supérieur (Aéres) devra intégrer directeurs d’unités de recherche, organisée les questions de simplification dans ses évaluations. conjointement pour la première fois par le CNRS et par la Conférence des présidents d’université (CPU) De nombreux chercheurs s’inquiètent de la multiplication le 17 janvier, vous avez déclaré vouloir « secouer les des sources de financement et de leur complexité. rigidités administratives » pour faciliter leur travail. Que proposez-vous pour simplifier là aussi les procédures ? Pourquoi est-ce une priorité pour vous ? L. W. : C’est un fait, le financement sur projet a donné une L. W. : Je veux redonner de l’oxygène aux chercheurs. Ces der- dynamique aux équipes, mais il est aussi source de lourdeurs nières années, la lourdeur administrative a contraint excessi- administratives. La simplification des appels à projet euro- vement le temps de la recherche. C’est pourquoi j’ai fait de ce péens est pour moi un objectif primordial. J’ai déjà eu chantier de simplification une priorité. Plusieurs mesures doi- l’occasion d’alerter à plusieurs reprises sur ce point Mme Máire vent permettre rapidement et concrètement de faciliter la ges- Geoghegan-Quinn, commissaire européenne à la Recherche, tion des unités de recherche. Parmi celles-ci : le déploiement, à l’Innovation et à la Science, et j’ai rassemblé à Bruxelles sur ce dans les mois à venir, de nouveaux systèmes d’information thème les organismes français. Mais les procédures peuvent pour simplifier le dialogue budgétaire, la gestion des projets des également être allégées en France. laboratoires et le compte rendu d’activité. Dans cette optique, j’ai demandé à la nouvelle directrice Le dialogue de gestion se fera désormais à partir des générale de l’Agence nationale de la recherche (ANR), Pascale mêmes données ; les budgets seront suivis dans le même Briand, d’explorer certaines pistes comme la simplification des format pour les organismes et l’Université ; et la description appels à projet. Je suis, par exemple, favorable à l’instauration de leurs activités scientifiques sera homogénéisée et unifiée. d’un dossier unique qui prendrait la forme d’un formulaire Un outil de gestion commun des laboratoires sera mis à leur Cerfa universel. Je souhaite que les chercheurs perdent moins dispo sition. Nous devons cette avancée au CNRS, qui a de temps sur les demandes initiales. Sur tous ces sujets, je sais mené un dialogue très constructif avec la CPU et l’Agence que je peux compter sur les réflexions menées au sein du CNRS. de mutua lisation des universités et établissements (Amue). Plus généralement, il nous faut réfléchir aux orientations à donner à la délégation globale de gestion. « Plusieurs mesures doivent permettre rapidement et concrètement de faciliter Quels autres savoir-faire le CNRS peut-il apporter à cette démarche de simplification ? la gestion des unités de recherche. » L. W. : Le CNRS est aujourd’hui dans une démarche commune avec les universités pour changer de manière concrète la vie des Un programme de résorption de la précarité dans la chercheurs. C’est le cas pour les nouveaux outils informatiques fonction publique va bientôt débuter. Comment qui sont au centre de l’accord CPU-Amue-CNRS, auxquels je souhaitez-vous qu’il se traduise dans les laboratoires ? faisais référence à l’instant, ou pour les plateformes de service L. W. : Le gouvernement a choisi de lutter contre la précarité partagé avec les universités, comme à Strasbourg. Les fonctions dans la fonction publique. Au sein de mon ministère, dans support du CNRS, dont les compétences sont largement recon- les universités comme dans les établissements de recherche, nues et dont le rôle pour la recherche française dépasse la seule j’ai également engagé une action déterminée. Le protocole signé gestion de l’organisme, peuvent y contribuer grandement. le 31 mars 2011 et le projet de loi en discussion au Parle- D’une part, les bonnes pratiques développées au sein de ment offrent de vrais leviers pour lutter contre la précarité, l’organisme, comme les cartes Affaires et les cartes Achats, soit en faisant passer des personnels en CDI, soit en organisant qui facilitent les commandes quotidiennes, doivent servir des dispositifs spécifiques de titularisation. Je suis décidé d’exemples et être généralisées dans un plus grand nombre à utiliser pleinement ces leviers. d’unités de recherche. J’invite les chefs d’établissement qui Notre volonté est d’offrir des possibilités à de nombreux n’y ont pas recours à les déployer, comme c’est aujourd’hui contractuels tout en évitant de reconstituer de nouvelles le cas au CNRS. Pour faciliter l’accès aux cartes Achats, l’Amue situations de précarité : ainsi le recours aux contractuels va d’ailleurs mettre en place un accord-cadre couplé à une pour tous les emplois pérennes de l’État est encadré et limité. Je demanderai d’ailleurs au CNRS de travailler sur une charte de déontologie à destination des laboratoires pour atteindre ensemble cet objectif. w 20 | L’enquête CNRS I LE JOURNAL

Drogues, tabac, alcool : l’addiction à ces substances pose un problème de santé publique majeur. En fait de vice ou de manque de volonté, on sait à présent que la dépendance est une maladie du cerveau. Les neurobiologistes qui la traquent sont tout près d’en percer les mécanismes. À l’occasion de la Semaine du cerveau, organisée du 12 au 18 mars par la Société des neurosciences, et de la Campagne nationale du neurodon, pour financer la recherche sur les maladies neurologiques, CNRS Le journal révèle les toutes dernières avancées pour comprendre et vaincre cette affection. UNE ENQUÊTE DE CHARLINE ZEITOUN

Quand le cerveau est accro

Le difficile diagnostic de l’addiction 21 i Cinq pistes pour comprendre la dépendance 22 i Entretien avec Catherine Le Moine :

© INFOGRAPHIE : BEB-DEUM POUR CNRS LE JOURNAL LE CNRS POUR BEB-DEUM INFOGRAPHIE : © « La recherche a réalisé beaucoup de progrès » 26 i N° 265 I MARS-AVRIL 2012 L’enquête | 21 w Le difficile diagnostic de l’addiction

lus de 2 millions de personnes QUEL RISQUE DE TABAC en France fument leur première 32 % DEVENIR ACCRO ? cigarette de la journée dans les HÉROÏNE cinq minutes qui suivent leur 23 % La probabilité de P1 développer une addiction réveil . Cinq petites minutes seulement COCAÏNE est très variable selon les avant de tirer une bouffée… devenue 17 % ALCOOL substances consommées. 15 % STIMULANTS indispensable ? « La brièveté de ce laps AUTRES QUE COCAÏNE « Les plus addictives, de temps est en effet un indicateur de (AMPHÉTAMINES, ETC.) autant sur le plan 11 % la dépendance au tabac », commente MÉDICAMENTS physique – qui implique PSYCHOTROPES François Beck, sociologue au Centre de CANNABIS ET ANALGÉSIQUES un phénomène 9 % 9 % de sevrage – que sur recherche, médecine, sciences, santé, SUBSTANCES le plan psychologique santé mentale, société2, à Villejuif. Quant HALLUCINOGÈNES 5 % POPPERS, – qui implique une envie à savoir si ces fumeurs matinaux souf- COLLES, irrépressible – sont de SOLVANTS, frent véritablement d’addiction, la ques- ETC. loin le tabac et l’héroïne », tion est complexe. « Il faut bien com- 4 % informe le sociologue prendre qu’il n’existe aujourd’hui aucun François Beck. Comme le montre ce graphique, critère objectif, biologique ou autre, per- près d’un fumeur sur mettant de diagnostiquer les addictions », trois développerait une

révèle Serge Ahmed, neurobiologiste à q Pourcentage d’usagers développant une addiction à la substance qu’ils consomment. SOURCE : EXP. CLIN. PSYCHOPHARMACOL. 1994 / © INFOGRAPHIE : CNRS addiction au tabac. l’Institut des maladies neurodégéné- ratives3, à Bordeaux. Pour l’heure, on ne dispose que de critères comportemen- qui suivent un traitement pour décro- Quant au tabac et à l’alcool, drogues taux liés à la notion de perte de contrôle cher d’un produit et les données des parfaitement licites, ce sont les plus à l’égard d’une substance psychoactive . SUBSTANCE. autorités répressives vis-à-vis des subs- consommées. « Selon notre dernière De plus, les personnes dépendantes sont PSYCHOACTIVE. tances illicites. L’ensemble est soumis enquête1, il y a en France environ 13,4 mil- Substance qui souvent les seules susceptibles de pouvoir agit sur le cerveau : à une marge d’extrapolation pour tenir lions de fumeurs quotidiens. Dès ce niveau décrire ces critères ! alcool, tabac, compte du carac tère caché de cer- d’usage, certains tabacologues les consi- cannabis, héroïne, tains cas, telles les personnes qui ne dèrent comme addicts, signale François SEPT CRITÈRES DÉTERMINANTS cocaïne, etc. cherchent en aucune façon à cesser Beck. Et il y a 5 millions de consom- Difficulté à s’abstenir ou à limiter sa leur consommation… mateurs quotidiens d’alcool dont on ne consommation, symptôme de manque Il y aurait aujourd’hui dans notre sait dire avec précision combien parmi en cas de sevrage, consommation plus pays entre 200 000 et 250 000 usagers eux sont dépendants. » Ce sont ces deux impor tante que prévue ou voulue, usage problématiques de drogues, à savoir substances qui ont les conséquences persistant malgré la connaissance de les usagers de drogues injectées et les sanitaires les plus lourdes avec des ris- conséquences gravement délétères sur consommateurs réguliers d’opiacés ques plus accrus de cancers et de patho- sa santé ou sur sa vie sociale… Il existe (morphine, héroïne, etc.), de cocaïne ou logies cardiovasculaires. ainsi sept critères d’addiction définis par d’amphétamines. Cette catégorie s’appli- la quatrième révision du DSM . « La DSM. que donc uniquement aux consomma- UN PROBLÈME DE SANTÉ PUBLIQUE mani festation d’au moins trois de ces Manuel statistique teurs de drogues qualifiées de dures. Au total, la consommation de substances et diagnostique critères est la seule façon de distinguer, des troubles « Repérer les situations problématiques va psychoactives est responsable par an, en au cas par cas, de manière clinique, les mentaux publié au-delà de la notion de dépendance, fait France, de plus de 100 000 décès par acci- consommations non pathologiques des par l’Association par ailleurs remarquer François Beck. dent et par maladie, dont près de 40 000 par addictions en tant que désordre psychia- américaine de Cela concerne aussi la désocialisation des cancer, selon le ministère du Travail, de psychiatrie. trique », complète Serge Ahmed. personnes, les usages à risque ponctuel l’Emploi et de la Santé. Les conduites ad- Côté statistiques, l’Observatoire important, les usages réguliers à risque de dictives interviennent ainsi dans environ français des drogues et des toxicomanies survenue de maladie chronique à moyen 30 % des décès dits prématurés, soit avant (OFDT) se fonde sur les seules sources terme ou à long terme, etc. » Enfin, ajoute 65 ans. Le problème de santé publique disponibles : le nombre de personnes le chercheur, « l’usage problématique de posé par les addictions est donc majeur. drogues concerne surtout des personnes Qu’en est-il pour le sexe, les jeux jeunes, et on dénombre quatre fois plus d’argent, le sport, Internet, etc., que l’on d’hommes que de femmes ». accuse aujourd’hui de provoquer de w 22 | L’enquête CNRS I LE JOURNAL Cinq pistes

e n’est ni un vice ni un manque de volonté. L’addiction est bel est C bien une maladie du cerveau recon- nue par l’Organisation mondiale de la santé et qui dépasse un problème compor- temental. Reste à comprendre le principal : pourquoi certains individus qui consom- ment des drogues deviennent-ils dépen- dants et d’autres pas ? Et quels effets cela provoque-t-il dans la neurocircuiterie que nous avons sous le crâne ?

© PLAINPICTURE01 Cette pathologie, pour laquelle les aspects psychologiques et sociaux sont 02 01 Le sucre est-il addictif ? C’est également essentiels, offre un vaste ter- une question que rain d’exploration aux neurobiologistes. pose aujourd’hui Leurs études, notamment d’imagerie, le neurobiologiste ont depuis longtemps permis d’observer Serge Ahmed. 02 Quant au jeu que, dans les cerveaux de sujets dépen- pathologique, dants, humains comme animaux, quan- il pourrait bientôt tité de zones subissent une foule de être reconnu comme une addiction.

1. REVOIR LES MODÈLES D’ÉTUDE

© K.© BLEIER/AFP Environ 80 % des rats préfèrent de l’eau au goût sucré (avec de l’édulcorant) plutôt que SENSIBILISÉ. de la cocaïne, même s’ils ont été sensibilisés nouvelles addictions ? « On observe en montré que la surconsommation chro- État évalué d’après à cette drogue durant des semaines en effet des cas cliniques de comportements nique de sucre pouvait conduire chez le la mesure de signes se l’auto-administrant à coup de levier ou de qui ressemblent à des addictions en l’ab- rat à un état comparable à la dépendance psychomoteurs bouton-poussoir ! Une découverte fracassante1 sence de substance psychoactive, mais aux drogues. Enfin, songez au parallèle (activité accrue, due aux chercheurs de l’équipe de Serge Ahmed, etc.) liés à la les études sont trop peu nombreuses avec le tabac : l’addiction existait bien de l’Institut des maladies neurodégénératives, consommation qui remet en cause certains modèles utilisés pour bien les décrire, indique François avant la découverte des dangers qui y sont d’une substance jusqu’à présent pour étudier la dépendance. Beck. De plus, même si elles peuvent liés, mais la société n’en a pris conscience psychoactive. Les scientifiques ont affiné leurs expériences avoir de graves conséquences sociales, que tardivement, lorsque des millions et publié, l’été dernier2, une bible des modèles elles ne sont pas associées à une surmor- de fumeurs ont cherché à s’abstenir, avec animaux mimant l’addiction. Dans l’une talité… » Seul le jeu pathologique, étu- les difficultés que l’on sait… » de ces expériences, l’édulcorant a été remplacé par du vrai sucre, c’est-à-dire par un élément dié grâce à l’IRM fonctionnelle du cer- 1. « Les niveaux d’usage des drogues en France cette fois nourrissant. Objectif : découvrir en 2010 », Tendances, n° 76, OFDT, juin 2011. veau, semble provoquer les mêmes 2. Unité CNRS/Inserm/Université Paris-Descartes/ si les 15 à 20 % de rats restés mordus de modifications biologiques que la dépen- EHESS. cocaïne persistaient dans leur choix. « Ce fut 3. Unité CNRS/Université Bordeaux-Segalen. effectivement le cas, même lorsque les rats dance aux drogues, d’où « sa probable 4. « Sucres, addictions et obésité », Obésité, entrée dans la prochaine révision du paru en ligne le 3 février 2012. n’avaient accès à aucune autre nourriture que le sucre et qu’ils devaient faire de plus en plus DSM », annonce Serge Ahmed. d’efforts pour obtenir la drogue, attitudes « On peut aussi s’interroger sur le représentatives de la notion de perte de contrôle sucre : de nombreux consommateurs évo- citée dans le DSM » (lire p. 21), commente le quent une perte de contrôle à son égard, neurobiologiste. D’où l’hypothèse actuelle : une et il pourrait être la substance addictive CONTACTS : grande partie des rats sensibilisés à la drogue ne François Beck sont pas dépendants, seuls ces fameux 15 à 20 % > [email protected] la plus répandue au monde, poursuit le le sont. Il s’agit justement de la même proportion Serge Ahmed neurobiologiste, qui vient de publier un > [email protected] d’humains qui, après exposition à la cocaïne, article à ce sujet4. Nous avons d’ailleurs N° 265 I MARS-AVRIL 2012 L’enquête | 23 w pour comprendre la dépendance

modifications. Mais cela n’avait conduit à 2. DÉSACTIVER UNE ZONE ASSOCIÉE À L’ADDICTION aucune théorie satisfaisante ni à aucun Pleins feux sur le noyau pour la cocaïne, sans perturber recouru à la stimulation haute traitement pharmacologique, en dehors subthalamique (NST), une zone leur motivation pour la nourriture2. fréquence. L’utilisera-t-on pour des traitements de substitution qui cor- du cerveau généralement associée « Ce point est fondamental, traiter la dépendance chez respondent plutôt à un encadrement de à la motricité, et plus récemment analyse Christelle Baunez, car les l’homme ? « Elle est déjà employée la prise de drogue. Pis : il semble qu’une à la motivation. Dans une étude toxicomanes souffrent justement contre la maladie de Parkinson, les partie de ces observations ne concerne à paraître, l’équipe de Christelle d’une motivation pathologique troubles obsessionnels compulsifs Baunez, de l’Institut des pour la drogue qui les détourne et l’épilepsie », commente Christelle pas des sujets réellement dépendants, car neurosciences de la Timone 1, des récompenses dites naturelles Baunez. Réversible puisqu’elle certains modèles animaux utilisés en à Marseille, a montré qu’une lésion – nourriture, sexe, etc. – favorisées permet d’inactiver la zone sans recherche fondamentale seraient inadé- de ce NST chez le rat permettait en temps normal par notre la détruire, elle nécessite tout de quats. Des experts sur le point de percer d’empêcher le comportement cerveau. » Le NST, zone jusqu’alors même de la chirurgie. Mais, comme les mécanismes de cette maladie aux d’escalade de consommation de complètement négligée dans le précise un récent rapport de conséquences délétères nous dévoilent cocaïne. En clair, les scientifiques le circuit de la récompense (voir la Société des neurosciences (lire ont éteint le désir effréné l’infographie p. 24) et la biologie pp. 26-27), cet aspect invasif doit être ici cinq pistes de recherche capitales. de cette substance chez des de l’addiction, est donc devenu évalué à l’aune des répercussions rongeurs auparavant prêts à faire l’objet de la plus haute attention. graves de certaines addictions. de plus en plus d’efforts pour « Il semble en effet pouvoir court- 1. Unité CNRS/Aix-Marseille Université. 03 04 En poussant s’en auto-administrer et jugés circuiter tout le reste des réseaux 2. Travaux publiés dansProceedings of the le bouton, ce rat National Academy of Sciences, vol. 107, dépendants selon les modèles de cérébraux classiquement impliqués n° 3, 19 janvier 2010, pp. 1196-1200. s’auto-injecte Serge Ahmed (lire ci-dessous). Il y a dans les processus motivationnels », de la cocaïne via un CONTACT : deux ans, ils avaient déjà prouvé avance la chercheuse. Pour inactiver Christelle Baunez cathéter posé sur que cela diminuait le désir des rats le NST, elle a, avec son équipe, > christelle.baunez@univ-.fr son dos. Un logiciel permet de suivre les étapes de cette auto-administration. 03 04

À voir sur le journal en ligne : un reportage à l’Institut des maladies neurodégénératives. © PHOTOS : F. VRIGNAUD/CNRS PHOTOTHÈQUE F. : PHOTOS ©

sont considérés comme addicts. Interprétation ? du Vietnam. « Et dont seuls 10 % ont poursuivi à partir duquel il conviendrait, selon Serge « Primo, la sensibilisation seule, encore souvent leur consommation à leur retour…, précise le Ahmed, de chercher à présent des modifications utilisée dans les études scientifiques, ne suffit neurobiologiste. Secundo, comme tous nos rats, biologiques liées à l’addiction. Et les rats qui pas à créer un comportement addictif », sains au départ, ont été exposés à la cocaïne ont préféré le sucre ? « Cela reste à prouver, souligne Serge Ahmed. Selon lui, en l’absence – situation inédite chez l’homme puisqu’on ne mais une partie d’entre eux est peut-être accro d’un autre choix possible, il ne s’agit que peut en offrir à des sujets vierges ! –, nous avons à cette substance… », conclut le chercheur. d’un comportement par défaut, pis-aller pour apporté la preuve que la population qui persiste 1. Plos One, publié en ligne le 1er août 2007. obtenir un peu de satisfaction dans une dans sa préférence présente une véritable 2. Neuroscience, publié en ligne le 10 août 2011. situation de détention somme toute stressante, vulnérabilité à cette drogue. » Ce tamis pour CONTACT : à l’instar des nombreux soldats américains distinguer les individus devrait permettre de Serge Ahmed devenus héroïnomanes pendant la guerre développer un meilleur modèle animal, le seul > [email protected] w 24 | L’enquête CNRS I LE JOURNAL

CIRCUIT DE LA RÉCOMPENSE COMPOSÉ DE DIFFÉRENTES CERVEAU HUMAIN STRUCTURES CÉRÉBRALES (A, B, C) ET EN INTERACTION AVEC DE NOMBREUSES AUTRES, LE CIRCUIT DE LA RÉCOMPENSE RENFORCE TOUS LES COMPORTEMENTS QUI CORTEX CONDUISENT À UNE GRATIFICATION. IL INCITE DONC À RÉPÉTER LES EXPÉRIENCES PLAISANTES. TOUTES LES SUBSTANCES ADDICTIVES AGISSENT SUR LUI.

A AIRE TEGMENTALE VENTRALE (ATV) THALAMUS NOYAU Elle reçoit de SUBTHALAMIQUE l’information d’autres régions (hippocampe, hypothalamus, etc.) sur le niveau de satisfaction des besoins fondamentaux (alimentation, repos, contact social, sexualité, etc.).

B STRIATUM et C CORTEX PRÉFRONTAL NOYAU ACCUMBENS Relié entre autres à l’ATV, Ils traitent les informations au striatum et au noyau transmises par l’ATV. Les actions accumbens, il joue un jugées intéressantes pour rôle dans la planification l’individu sont ensuite renforcées de l’action, le contrôle – ce qui libère notamment des impulsions, les choix, de la dopamine au niveau des la prise de décision, etc. connexions neuronales – dans Des fonctions qui seraient HIPPOCAMPE HYPOTHALAMUS le but de les voir se reproduire. altérées dans l’addiction.

3. DÉTECTER LA PRÉDISPOSITION À L’ADDICTION « On a longtemps cru que l’addiction Le second, lui, va induire un usage résultait de la prise chronique de addictif avec perte de contrôle. drogue », explique Pierre Vincenzo En clair : des mécanismes distincts Piazza, qui dirige le Neurocentre sous-tendent la vulnérabilité à Magendie, à Bordeaux. Il n’en est l’usage de drogues et la vulnérabilité rien. « Il existe une vulnérabilité à l’addiction. C’est cette dernière initiale, intrinsèque à certains que son équipe est sur le point de individus », affirme le chercheur décrypter. Les chercheurs ont utilisé PLASTICITÉ. PHÉNOTYPE. italien, qui débroussaille des critères inspirés du fameux DSM : Ensemble des SYNAPTIQUE. cette piste depuis plus de vingt des rats qui se sont notamment caractères Aptitude des ans. Son équipe a déjà montré révélés prêts à mettre leur nez dans observables d’un neurones à individu résultant modifier leurs l’existence de deux profils-types, un trou jusqu’à 2 000 fois pour obtenir de l’expression contacts ou plutôt deux phénotypes . une injection de cocaïne ont été des gènes, mais synaptiques en Le premier, interaction entre le considérés comme dépendants à la aussi des effets de fonction des stress et l’effet cocktail de quantité fin de l’expérience. « À différentes l’environnement. stimulations de de gènes1, prédispose uniquement étapes, nous avons enregistré

© INFOGRAPHIE© R. : HARRIS/SPL/PHANIE l’environnement. à la consommation chronique. la plasticité synaptique chez ces N° 265 I MARS-AVRIL 2012 L’enquête | 25 w

4. TENIR COMPTE DE L’ENVIRONNEMENT « Les études épidémiologiques striatum, une trop faible production de leur mère deviennent accrocs. « Tout montrent qu’un individu négligé par d’enképhalines. Ce neurotransmetteur se passe comme si le THC rétablissait NEUROTRANSMETTEUR. sa mère à la naissance a plus de risque chargé d’inhiber la propagation des un déséquilibre uniquement chez les Message chimique de développer une dépendance aux messages de la douleur fait également sujets vulnérabilisés dans l’enfance », libéré par les drogues », explique Valérie Daugé, partie de nos principaux systèmes analyse la chercheuse. D’où l’idée, peu neurones pour du laboratoire Physiopathologie des de récompense, telle une morphine orthodoxe, de sevrer les héroïnomanes assurer la maladies du système nerveux central 1, maison fabriquée à bon escient ayant eu des traumatismes communication à Paris. Il y a sept ans, une étude par notre corps. Plus récemment, dans l’enfance avec le cannabis. entre ceux-ci. de son équipe rendait déjà compte de en voulant tester la vulnérabilité au Reste à comprendre les défaillances modifications du cerveau liées à cette cannabis en fonction de l’âge, Valérie de la production d’enképhalines. éventuelle vulnérabilité aux drogues Daugé a fait une autre découverte Grâce à leurs tout derniers travaux, acquise durant l’enfance. Les sujets : surprenante. Des rats adolescents les chercheurs parisiens ont trouvé la des rats adultes mâles séparés de leur qui ont été séparés de leur mère selon cause : le gène qui code sa fabrication mère trois heures par jour pendant le même protocole que précédemment, est modifié, “hyperméthylé” en langage les deux premières semaines de leur mais auxquels on administre scientifique. « Nous sommes en train vie. « Quatre fois plus d’entre eux du THC (le principe actif du cannabis), de tester des composés agissant contre ont montré un comportement de ne développent aucune dépendance cette modification épigénétique », ÉPIGÉNÉTIQUE. dépendance à la morphine, comparé à la morphine. Et leur production achève Valérie Daugé. Qui modifie l’activité aux animaux qui étaient restés avec d’enképhalines retrouve un niveau 1. Unité CNRS/Inserm/UMPC. des gènes sans leur mère », commente la chercheuse. ordinaire. A contrario, comme lors des modifier les gènes CONTACT : eux-mêmes. Les observations ont aussi révélé, expériences sur les rats adultes, les rats Valérie Daugé dans leur cerveau, au niveau du adolescents qui ont juste été séparés > [email protected]

SYNAPSE “BOUTON DE CONNEXION” ENTRE LES NEURONES

5. ÉTABLIR LE RÔLE DES NEUROTRANSMETTEURS

NEUROTRANSMETTEUR « Depuis une trentaine d’années, liée à une perception déréglée de (dopamine, ou sérotonine, on met en cause un seul l’environnement. Il prend de la drogue ou noradrénaline, neurotransmetteur au sujet de pour remettre en phase les systèmes etc., selon le type l’addiction : la dopamine. Mais on et être soulagé le temps de son de synapse) se trompe », affirme Jean-Pol Tassin, action. » L’équipe a aussi découvert du laboratoire Physiopathologie que la nicotine ne provoque ce des maladies du système nerveux découplage que si elle est associée central. Certes, ce messager chimique à d’autres produits contenus dans du plaisir est libéré en plus grande le tabac. Cela pourrait expliquer quantité par le cerveau lors les résultats d’une récente étude de la prise de substances addictives. américaine1 remettant en cause « Mais cela ne suffit pas à expliquer l’efficacité des patchs de nicotine : RÉCEPTEURS le basculement vers la dépendance, ne contenant que cette substance, poursuit le chercheur. Pour preuve, ils ne peuvent servir efficacement

© INFOGRAPHIE : S. JACOPIN POUR CNRS LE JOURNAL aucun médicament bloquant les effets de produits de substitution. Surtout, de la libération de la dopamine, comme avec ses collègues, Jean-Pol Tassin les antipsychotiques, n’a d’effet curatif est sur le point d’identifier les sur l’addiction. » Avec son équipe, rouages de ce fameux découplage Jean-Pol Tassin pointe deux autres à l’échelle moléculaire, au niveau des neurotransmetteurs : la noradrénaline, récepteurs de la sérotonine et de la rats et chez ceux qui ne sont pas son équipe veulent mettre la main donneuse d’alerte qui relaie vers le noradrénaline, situés sur les neurones. devenus dépendants », indique sur la molécule qui, au niveau de cerveau les changements extérieurs « Nous mesurons les quantités Pierre Vincenzo Piazza. Lieu ces connexions neuronales, (variations de lumière, de bruit, etc.), de neurotransmetteurs grâce à des de l’enregistrement : le noyau fait basculer une personne vers la et la sérotonine qui, en régulant la sondes implantées dans le cerveau accumbens, un site-clé dans le dépendance, tandis qu’une autre première, protège d’une réaction trop de souris qui ont été sensibilisées circuit de la récompense. Résultat : non. « Nous avons déjà une piste, violente à ces changements. « Nous [lire définition de ce mot p. 22] cette fameuse plasticité, capacité et elle pourrait conduire à la mise avons montré que, lors de la prise par plusieurs injections de drogue », à s’adapter, est perdue chez les rats au point de nouveaux traitements, de drogues, ces deux systèmes sont commente le chercheur. Mais sur devenus dépendants. « Tandis confie le chercheur italien, mais activés de façon simultanée, explique l’homme, cette technique invasive que chez les rats qui ont contrôlé c’est encore un secret… » le chercheur. Or, si vous mettez est exclue. « Nous attendons donc leur consommation jusqu’à la en phase deux systèmes de façon beaucoup des futurs progrès en 1. Lire « Pourquoi tant de stress », Le journal fin de l’expérience, cette plasticité, du CNRS, n° 212, septembre 2007, p. 22. répétée et artificielle, le lien naturel, imagerie médicale », conclut-il. 2. Science, vol. 328, n° 5986, 25 juin 2010, estompée au départ, a ensuite physiologique, qui maintient 1. Publiée en ligne le 10 janvier 2012 sur : pp. 1709-1712. été complètement récupérée », leur synchronisation disparaît. http://tobaccocontrol.bmj.com/ explique le neurobiologiste. CONTACT : Le toxicomane en état de sevrage CONTACT : Depuis la publication de ce résultat Pierre Vincenzo Piazza souffre de ce découplage, qui Jean-Pol Tassin spectaculaire2, le chercheur et > [email protected] produit une sensation de malaise > [email protected] w 26 | L’enquête CNRS I LE JOURNAL

Entretien Catherine Le Moine, directrice de recherche au CNRS, a coordonné un rapport transmis cet automne à la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Bilan des propositions recueillies pour améliorer la recherche sur l’addiction. « La recherche a réalisé beaucoup de progrès »

PROPOS RECUEILLIS PAR CHARLINE ZEITOUN

Ce rapport, réalisé par la Société des neurosciences, présente les axes de recherche à développer pour mieux comprendre l’addiction, améliorer la prévention et les traitements. Quel est le point le plus saillant en recherche fondamentale ? Catherine Le Moine : Il s’agit sans doute des progrès faits ces dernières années sur les modèles animaux, notamment les ron- geurs, qui reproduisent de mieux en mieux la symptomatologie humaine, en particulier la perte de contrôle et la vulnérabilité à rechuter. Il faut bien sûr continuer à travailler avec tous les modèles – de la drosophile au primate –, qui pour certains ne miment pas l’addiction proprement dite, mais permettent l’ana- lyse des processus cellulaires élémentaires liés aux effets des drogues. L’objectif est d’identifier les facteurs de vulnérabilité à l’addiction et de comprendre les modifications induites par les drogues dans le cerveau pour mieux traiter cette pathologie.

À ce sujet, des gènes ont été identifiés… C. L. M. : Oui, des facteurs de susceptibilité génétique ont été identifiés pour certaines addictions, dont la dépendance à l’alcool. Mais l’addiction est une pathologie multifactorielle, les aspects psychosociaux en particulier y sont essentiels. Donc on ne peut la réduire à un dysfonctionnement génétique parti- culier. Pour étudier la vulnérabilité aux drogues, un autre aspect important est l’existence au cours de la vie de périodes critiques, telle l’adolescence. Il y a aussi des différences selon le sexe des individus. Ces aspects devraient donc être abordés de façon plus systématique dans les modèles animaux.

À l’échelle des neurones, une plasticité synaptique, des modifications liées aux neurotransmetteurs, des modifications épigénétiques, etc., ont récemment été mises en évidence. Quelles autres voies développer ? C. L. M. : Le bilan réalisé dans notre rapport souligne que les recherches en imagerie fonctionnelle chez les toxicomanes ne sont pas assez développées en France, au contraire des États- Unis et d’autres pays d’Europe. Autre constat : les résultats obtenus dans les domaines que vous citez sont souvent fondés

© F. VRIGNAUD/CNRS PHOTOTHÈQUE F. © sur une seule substance. Nous savons pourtant que les chan- gements neurobiologiques peuvent être différents en fonction du type de drogue consommée, mais aussi en fonction des voies d’administration et des fréquences de consommation. N° 265 I MARS-AVRIL 2012 L’enquête | 27

Il faudrait par conséquent solliciter des études comparant cérébrales liées à l’addiction. Cela est indispensable pour associer plus systématiquement différentes substances. efficacement la recherche fondamentale chez l’animal et la recher che appliquée chez l’homme, compte tenu de l’impossi- Toujours en recherche fondamentale, où en est-on bilité de pratiquer certaines mesures invasives chez ce dernier. des pistes thérapeutiques ? C. L. M. : Actuellement, le but est surtout de prévenir la rechute. L’épidémiologie souffre aussi de manques criants… Parmi les facteurs qui la provoquent, on connaît l’importance C. L. M. : En effet, nos collègues épidémiologistes ne disposent des stimuli conditionnés – par exemple revoir le lieu où l’on pas d’assez de cohortes de patients suivis au long cours, notam- achetait ou consommait la drogue –, du stress ou encore des ment dans la vie quotidienne, c’est-à-dire hors milieu hospita- difficultés psychologiques. Comme évoqué dans le rapport, la lier. Celles-ci permettraient de cerner au plus près les facteurs connaissance de ces facteurs environnementaux, ainsi que des qui poussent l’individu vers la drogue. Il faudrait ainsi mieux facteurs génétiques cités précédemment, pourrait permettre à développer en France la collecte de données en ambulatoire via terme des interventions personnalisées. Ainsi, l’association de les nouvelles technologies mobiles. La mise en place de cohortes thérapies comportementales et pharmacologiques pourrait chez les adolescents, population à risque, est également cruciale, donner des résultats intéressants. Quant au développement de tout comme la qualification plus précise d’autres facteurs de nouveaux médicaments, il est capital de les tester en admi- risque (sexe, niveau d’éducation, ressources financières, etc.), et nistration chronique pour mieux mimer les posologies chez ce à chacune des étapes du processus addictif, de l’exposition l’homme et aborder la possibilité d’effets secondaires négatifs. initiale jusqu’à la dépendance.

Un mot sur les progrès à faire en recherche clinique, En guise de conclusion ? trop peu développée en France ? C. L. M. : Beaucoup de progrès ont été réalisés ces dernières années C. L. M. : Les pistes proposées par les cliniciens concernent dif- par la recherche sur l’addiction aux drogues. Nous devons aussi férents axes. D’une part, le rapport mentionne la nécessité de développer l’étude des addictions sans drogue (le jeu, Internet…) mieux caractériser l’addiction, la limite n’étant pas toujours bien ou aux médicaments. Surtout, il faut poursuivre le dialogue des posée entre cette dernière et la consommation de grandes quan- neurobiologistes avec les psychiatres et les épidémiologistes, qui tités de substance. Le texte suggère aussi une meilleure utilisation ont une grande connaissance de la réalité humaine de la patholo- des thérapies cognitivo-comportementales, relativement sous- gie. Samenta (Santé mentale et addictions), l’appel d’offres lancé utilisées en France. À ce sujet, certains évoquent l’Implicit en 2011 par l’Agence nationale de la recherche, et qui a retenu Association Test, qui fait référence à des préférences, conscientes plusieurs équipes du CNRS, devrait dynamiser la mise en œuvre et inconscientes, fondées sur le temps de réaction des individus de projets collaboratifs et favoriser le transfert indispensable face à des choix simples. D’autres méthodes analysent la capacité des connaissances dans les deux sens. à recentrer l’attention et les émotions face aux stimuli de l’envi- ronnement. Ces approches pourraient aider à évaluer le niveau CONTACT : Institut de neurosciences cognitives de désir pour la drogue et diminuer la rechute. Par ailleurs, des et intégratives d’Aquitaine, Bordeaux Catherine Le Moine banques de cerveaux post-mortem de sujets toxicomanes seraient > [email protected] très utiles pour une analyse plus poussée des modifications

Pour en savoir +… sur le cerveau LA SEMAINE DU CERVEAU La 13e édition de la Semaine du cerveau se déroule à lire i à voir i du 12 au 18 mars dans plus de 20 villes en France. Le Cerveau sur mesure Les Chemins de la mémoire Organisée par la Société des neurosciences, en P.-M. Lledo et J.-D. Vincent, Odile (2012, 7 min), réalisé partenariat avec la Fédération pour la recherche Jacob, coll. « Sciences », 2012, 290 p. par Christophe Gombert, produit sur le cerveau (FRC) et l’Alliance européenne Creuser la cervelle par CNRS Images Dana pour le cerveau, elle offre de nombreuses Variations sur l’idée de cerveau Le Cerveau partagé animations grand public et gratuites : E. Fournier, PUF, coll. « Science, (2009, 6 min), réalisé par débats, ateliers, expositions et spectacles histoire et société », 2012, 296 p. pour comprendre le cerveau, ses maladies Christophe Gombert et Luc Ronat, et la recherche en cours. La Campagne nationale Pourquoi les filles sont produit par CNRS Images si bonnes en maths du neurodon, organisée par la FRC et destinée Et 40 autres histoires Traces de mémoire à recueillir des dons pour la recherche sur les sur le cerveau de l’homme (2008, 16 min), réalisé maladies neurologiques, aura lieu du 5 au 10 mars. L. Cohen, Odile Jacob, coll. par Marcel Dalaise, produit EN LIGNE. « Sciences », 2012, 304 p. par CNRS Images > www.semaineducerveau.fr > www.frc.asso.fr/Le-neurodon w 28 | Portrait CNRS I LE JOURNAL

Mécanique Retour sur le parcours de cet ingénieur d’études du CNRS, lauréat du prestigieux titre de Meilleur ouvrier de France 2011.

Olivier Bousquet L’as du métal

PAR STÉPHANIE ARC de millimètres. » Pour l’ingénieur qui Bousquet répond à une annonce du LMD, a consacré un millier d’heures à son qui cherche un apprenti. Il découvre alors lle trône sur son piédestal, ouvrage, sacrifiant soirées, congés et week- l’univers de la recherche : « C’était passion- rutilante, au beau milieu du ends, c’est une récompense des efforts nant, je fabriquais des prototypes, jamais bureau d’études du Laboratoire fournis, et surtout une reconnaissance de de séries. Et le LMD, qui étudie les phéno- de météorologie dynamique l’habileté technique qu’il a acquise au fil mènes météorologiques, se consacrait à E1 3 (LMD) , à Palaiseau. Elle, c’est l’œuvre qui de sa carrière. Mais, pour celui qui vient l’étude du réchauffement climatique à une a permis à Olivier Bousquet de décrocher de recevoir la médaille MOF au palais de époque où peu de gens s’en préoccupait ! » en 2011 le prestigieux titre de Meilleur l’Élysée, c’est aussi un rêve qui se réalise : ouvrier de France (MOF), catégorie outil- « Ce prix, j’y pense depuis toujours, confie- lage, prototypage mécanique, option t-il. Quand j’étais gamin, mon grand-oncle « La construction fraisage. Une année placée sous le signe était maréchal-ferrant et compagnon du du succès pour le responsable de l’atelier Tour de France. C’est lui qui m’a donné le d’appareils de mesure de mécanique du LMD : l’instrument goût du métal. » Il faut dire que la carrière peut s’étaler sur six ScaraB, sur lequel il a travaillé, s’est envolé d’Olivier Bousquet tient de la success story. pour l’espace à l’automne dernier. Aujourd’hui ingénieur d’études, il a mois… ou dix ans, comme débuté au CNRS en 1977 comme adjoint UN TRAVAIL DE HAUTE PRÉCISION technique mécanicien. Il a ensuite gravi cela a été le cas avec Si le néophyte ne voit dans cette œuvre les échelons grâce aux concours internes. l’instrument ScaraB. » qu’un ballon de rugby en métal poli, c’est « Quand je suis entré au CNRS, j’avais 02 bien d’une prouesse technique dont il 18 ans, et pour tout diplôme 5e + 3, précise- s’agit. Olivier Bousquet, qui a préparé t-il en riant. Comme l’a dit un jour Jean- Autre point positif : « Même si, au départ, le concours avec le soutien de son labora- Louis Monge, concepteur de l’instrument je construisais uniquement sur plan, car toire et de son directeur, Vincent Cassé, en ScaraB, ma scolarité tenait plutôt de l’école j’étais novice en sciences, il y a toujours eu, détaille le mécanisme : « C’est une tâche de buissonnière. Ce n’est que lorsque je suis au sein du LMD, un dialogue permanent haute précision. D’une part, les quinze entré en CAP mécanique que j’ai commen- entre le bureau d’études qui conçoit les ins- pièces qui composent l’objet sont interchan- cé à m’y mettre. Puis j’ai décroché un BEP truments en fonction des besoins des cher- geables2 et, d’autre part, elles sont assem- de micromécanique option outil lage. » cheurs et l’atelier où je les fabrique. » Et blées avec des jeux de seulement 3 centièmes Frais émoulu de l’école, le jeune Olivier Jacqueline Albert, du bureau d’études, de confirmer :« Mon collègue Olivier Godde et 01 Olivier Bousquet moi-même ne dessinons jamais les plans posant avec sa sans consulter au préalable Olivier Bousquet médaille de Meilleur ouvrier de France. sur les aspects usinage des instruments. » DES PROJETS VARIÉS Et le travail ne manque pas : l’ingénieur mécanicien fabrique presque tout, tout seul, intercalant, explique-t-il, « des manipulations qui prennent une semaine,

© O. BOUSQUET comme la fabrication d’une bride pour N° 265 I MARS-AVRIL 2012 Portrait | 29 w

OLIVIER BOUSQUET EN 5 DATES 1959 Naissance à 1977 Recrutement en tant qu’adjoint technique au Laboratoire de météorologie dynamique du CNRS 1986 Admission au concours de technicien du CNRS 2008 Admission au concours d’ingénieur d’études du CNRS 2011 Lauréat du concours « Un des meilleurs ouvriers de France »

aux instruments Saphir et Madras, desti- nés à mesurer la vapeur d’eau, l’instru- ment ScaraB, qui calcule le bilan radiatif de la Terre. J’ai donc été sollicité pour le rénover un peu », indique l’ingénieur, toujours sur la brèche. La période qui s’ouvre s’annonce heu- reusement un peu plus calme. Même si les projets continuent : « Nous travaillons au développement d’un nouvel instrument, Airflex, pour une équipe du LMD, un appareil qui a pour but d’évaluer la santé des plantes en mesurant leur fluorescence, c’est-à-dire la lumière qu’elles renvoient », complète son collègue Olivier Godde. Ce qui laisse le temps au champion du métal de s’investir dans le réseau des mécani- © P. LAVIALLE/EP P. © ciens du CNRS, qui s’attache à revaloriser 02 L’ingénieur aux côtés de son œuvre les techniciens du laboratoire, et la dans la modernisation des équipements », cette profession souvent méconnue dans dans son atelier. construction d’appareils de mesure plus racon te l’ingénieur. Un essai transformé, la recherche, et d’assurer des formations élaborés, qui peut s’étaler sur six mois… pour celui qui, depuis, a vu nombre pour transmettre son savoir. Mais aussi ou dix ans, comme cela a été le cas pour de ses “bébés” décoller… de suivre son œuvre, désormais exposée l’instrument ScaraB ! » Une question aux quatre coins de France. d’organisation : « Parfois, je fais marcher SUR TERRE ET DANS LES AIRS 1. Unité CNRS/ENS Paris/École polytechnique/UPMC. Comme Mars, la plupart des appareils 2. L’œuvre se compose de huit pièces principales en acier, jusqu’à trois machines en même temps de deux calottes en bronze à ses deux extrémités et, avec la programmation numérique. » de mesure qu’Olivier Bousquet produit à l’intérieur, d’un noyau hexagonal en aluminium qui tourne sur un axe dans une cavité carré. C’est d’ailleurs grâce à Olivier quittent en effet le plancher des vaches 3. Les chercheurs du LMD travaillent sur les mécanismes, Bousquet que l’atelier de mécanique une fois sortis du laboratoire, qu’ils l’évolution et la prévision des phénomènes météorologiques et du climat en France. du LMD s’est doté, dès les années 1980, soient envoyés dans l’espace, montés de ces machines-outils à commandes sous des ballons ou sur des avions. Son numé riques : « À ce moment-là, je fabri- petit dernier, le troisième ScaraB, s’est quais le radiomètre Mars, qui devait ainsi envolé, le 12 octobre 2011, sur une être installé à bord d’un avion sur des fusée franco-indienne depuis la base de machines conventionnelles. J’ai alors Sriharikota, en Inde : « Pour la mission CONTACT : Laboratoire de météorologie dynamique, proposé de construire toutes les pièces Megha-Tropiques, le Centre national Palaiseau moi-même au lieu de les sous-traiter et d’études spatiales, avec lequel le LMD Olivier Bousquet > [email protected] d’investir le financement ainsi économisé collabore très souvent, a voulu associer w 30 | Stratégie CNRS I LE JOURNAL

Événement Succès populaire pour la 1re édition du Sommet de l’innovation, dont le CNRS est partenaire, qui s’est déroulée à Toulouse le samedi 11 février. Retour vers Futurapolis

PAR JEAN-FRANÇOIS HAÏT pilote toute seule et se repère dans son NUTRITION : LE BIEN-MANGER envi ronnement… Les projets exposés FACE AU DÉFI DÉMOGRAPHIQUE n période de crise, parler d’inno- sont à la hauteur des enjeux : « La mobilité « Nous étions 3 milliards sur Terre en 1960, vation est bon pour le moral. est confrontée à la pollution, aux encom- nous serons 10 milliards en 2050. » Marion Et la 1re édition de Futurapolis, qui brements ou encore au vieillissement de la Guillou, présidente- directrice générale Es’est tenue le 11 février, à la Halle population », a rappelé Anne-Marie Idrac, de l’Inra, a tout de suite pointé le défi : aux grains de Toulouse, devant 3 000 per- ancienne secrétaire d’État aux Transports. nourrir toute la planète, et la nourrir bien. sonnes, en est la preuve. Organisée par Une chose est sûre, pas de mobilité « Avec la prospérité, une transition nutri- le magazine Le Point, avec la mairie de sans géolocalisation : « Les cartes réali- tionnelle s’opère dans certains pays, comme Toulouse et la Région Midi-Pyrénées, et sées avec l’aide des satellites sont sur tous la Chine ou l’Inde, avec pour consé- avec le soutien de multiples autres par- les smartphones, et demain les avions quence la consommation accrue de pro- tenaires, dont le CNRS1, elle a permis de atterriront de manière automatique à duits animaux », souligne Claude Fischler, présenter, lors de tables rondes, les pistes l’aide du GPS », souligne Marc Pircher, sociologue à l’Institut interdisciplinaire d’innovation les plus prometteuses dans directeur du Centre spatial de Toulouse d’anthropologie du contemporain3. Une des domaines au cœur des préoccupations du Cnes. Et, quand le GPS ne passe plus consommation légitime, mais aux consé- sociales : la mobilité, la nutrition, la longé- dans les bâtiments ou les ruelles, la quences importantes sur l’environ- vité et le cancer, et l’énergie. recher che prend le relais. Au Laboratoire nement et sur la santé. « Nous avons Les responsables politiques ne s’y sont des sciences et matériaux pour l’élec- construit un système alimentaire peu pas trompés. François Hollande, pour le tronique et d’automatique2, l’équipe de durable et nous sommes confrontés à une Parti socialiste, Nathalie Kosciusko- Michel Dhome a conçu un système qui Morizet, pour l’UMP, et François Bayrou, permet à un véhicule de se déplacer de pour le Modem, sont venus dire toute manière précise et autonome grâce à une l’importance qu’ils accordaient à l’inno- 01 caméra et à un ordinateur de bord. vation devant un public qui comprenait de nombreux chercheurs. Ces derniers, en 01 Agnès Buzyn, effet, lorsque leurs résultats sont valorisés, présidente de l’Inca. 02 Franz-Olivier sont très souvent à l’origine de ruptures Giesbert, directeur innovantes. Alain Fuchs, président du du Point, Pierre CNRS, a d’ailleurs insisté sur le fait que Cohen, maire de l’organisme dépose environ 500 brevets Toulouse, et Martin Malvy, président 03 par an et rappelé un nécessaire équilibre : de la Région « Les chercheurs contribuent à l’économie Midi-Pyrénées. de l’intelligence tout en faisant de la recher- 02 che fondamentale au meilleur niveau. » Les tables rondes en ont été de parfaites illustrations. Morceaux choisis.

MOBILITÉ : L’ÈRE DE LA GÉOLOCALISATION Un avion du futur hypersonique alimenté avec des biocarburants à base d’algues présenté par EADS, une voiture électri- que de Renault munie de caméras, qui se 04 05 06 07 N° 265 I MARS-AVRIL 2012 Stratégie | 31 w

3 QUESTIONS À… Jean-Marie Tarascon, Laboratoire de réactivité et chimie des solides1

épidémie mondiale d’obésité », constate le Vous travaillez sur les batteries qui des unités de transfert, dans lesquelles les nutritionniste Christian Rémésy. C’est équipent notamment les véhicules chercheurs sont assistés par des ingénieurs pourquoi l’innovation doit porter à la électriques. En quoi consiste du CEA, de l’IFP ou de l’Ineris, afin de convoyer l’innovation dans ce domaine ? l’innovation vers les entreprises. Dans ce fois sur l’agriculture et sur les régi- L.© LECARPENTIER/LE POINT Jean-Marie Tarascon : même esprit, les thèses et les post-doctorats mes alimentaires. Du côté des patholo- Le problème des véhicules électriques est leur autonomie, sont en cotutelles. gies, le séquençage des bactéries du tube qui ne dépasse guère les 150 kilomètres digestif a récemment révélé que certains et exclut de fait des trajets autoroutiers. Il faut Quelle impression conservez-vous types bactériens étaient corrélés à des donc trouver des batteries plus efficaces que de cette première édition problèmes d’obésité ou à la sensibilité les batteries lithium-ion classiques. Nous de Futurapolis ? J.-M. T. : à des maladies digestives. travaillons actuellement sur la technologie Elle est passée trop vite ! J’aurais aimé dite lithium-air, dans laquelle la cathode de la aborder d’autres aspects, comme les questions batterie utilise l’oxygène de l’air. Elle pourrait, de recyclage et de développement durable. LONGÉVITÉ, CANCER : VERS UNE Ainsi, nous réfléchissons à des batteries MÉDECINE PERSONNALISÉE dans quelques années, permettre de doubler l’autonomie des véhicules. à base de matériaux préparés par des Un robot qui aide les chirurgiens dans procédés éco-efficaces ou organiques, dont leurs opérations, présenté par Jean-Paul Comment faire diffuser la fabrication est beaucoup moins gourmande Laumond, du Laboratoire d’analyse et l’innovation ? en énergie que les batteries classiques d’architecture des systèmes du CNRS, ou J.-M. T. : En travaillant en réseau. C’est dans et qui sont faciles à recycler. J’espère qu’on en parlera lors de la prochaine édition. encore le terminal multimédia d’Ineo ce but que RS2E, le réseau de recherche et technologie sur les batteries, a vu le jour 1. Unité CNRS/Université de Picardie-Jules-Verne. GDF Suez, qui permet au patient de en 2010. Il permet un continuum entre CONTACT : communiquer avec les soignants depuis les chercheurs du CNRS, les Établissements Laboratoire de réactivité et chimie des solides, Amiens son lit d’hôpital… En santé, l’innovation publics à caractère industriel et commercial Jean-Marie Tarascon immédiate réside dans l’assistance aux (Épic) et l’industrie. Ainsi, nous avons créé > [email protected]

08 Le biologiste personnes. Mais la recherche fondamen- ÉNERGIE : LE DÉFI DU STOCKAGE Didier Raoult. tale recèle aussi de fascinantes perspec- ET DE LA PERFORMANCE 09 L’explorateur Jean-Louis Étienne. tives, avec l’usage des cellules souches « La prochaine révolution sera celle du 10 François Hollande, pour régénérer des organes défectueux, stockage de l’énergie », a prévenu Nathalie du Parti socialiste. comme l’a expliqué la biologiste Nicole Kosciusko-Morizet, ministre de l’Éco- 11 Le biologiste Le Douarin, Médaille d’or du CNRS logie, du Développement durable, des Miroslav Radman et le journaliste en 1986. Ou encore combattre le vieillis- Transports et du Logement. L’enjeu est du Point Christophe sement. Jean-Marc Lemaître, de l’Institut en effet de parvenir à stocker l’éner- 08 09 Ono Dit Bio. de génomique fonctionnelle4, a réussi gie électrique issue de l’éolien et du à faire rajeunir des cellules très âgées solaire, dont la production est inter- pour les transformer en cellules souches mittente. Et de fournir aux voitures pluripotentes, tandis que son confrère électriques une autonomie qui soit Miroslav Radman, de l’Inserm, s’inté- suffisante. La solution proposée par resse à des superbactéries qui réparent le chimiste Jean-Marie Tarascon : des leur ADN… Les applications sont cepen- batteries de nouvelle génération, beau- dant encore loin. coup plus performantes que celles exis- Plus actuelle, la lutte contre le can- tantes (lire l’encadré ci-dessus). cer. Le séquençage du génome humain, Autre objectif affiché : rendre les cel- aujourd’hui possible en quelques heures, lules photovoltaïques moins coûteuses en devrait permettre une médecine person- les fabriquant avec des matériaux orga- 10 nalisée, car chaque patient est unique. Et niques. Mais l’innovation passe aussi par les nanoparticules, présentées par Patrick une production beaucoup plus localisée, 03 La ministre Couvreur, du laboratoire Physico-chimie, assurée, par exemple, par « des réacteurs Nathalie pharmacotechnie, biopharmacie5, seront nucléaires de petite taille », imagine Kosciusko-Morizet . bientôt chargées de convoyer efficace- Bernard Bigot, administrateur général 04 Le sociologue Claude Fischler. ment les molécules thérapeutiques vers du CEA, pour répondre plus finement 05 Le roboticien les cellules cancéreuses. aux variations de la demande. Jean-Paul Laumond. 1. Les autres partenaires : université de Toulouse, Inserm, 06 Le biopharmacien INP-Enseeiht, IEP Toulouse, Inca, EADS et Total. Patrick Couvreur. 2. Unité CNRS/Université Blaise-Pascal. EN LIGNE. 3. Unité CNRS/EHESS/MCC. 07 François Bayrou, 4. Unité CNRS/Inserm/UM1/UM2.

du Modem. 11 > www.lepoint.fr/futurapolis/ 5. Unité CNRS/Université Paris-Sud. © PHOTOS 01-02-03-04-05-06-07-09-10-11 : L. LECARPENTIER/LE POINT LANCELOT/LE ; 08 : F. POINT w 32 | Stratégie CNRS I LE JOURNAL

Informatique Le point sur la toute nouvelle cellule Informatique et libertés du CNRS, dédiée à la protection des données personnelles, avec Raymond Duval, son directeur. Sécurité renforcée pour les données personnelles

PAR MORGANE TAQUET q Le correspondant Informatique fin d’améliorer la protection et libertés, Raymond Duval des données personnelles, (au centre), entouré A le CNRS a mis en place un service de son équipe. Informatique et libertés depuis le 1er jan- vier. Il est dirigé par Raymond Duval, nommé correspondant Informatique et libertés (CIL), assisté d’une équipe de quatre personnes. « Un projet de loi déjà voté au Sénat a prévu de rendre obligatoire la désignation d’un CIL dans toutes les PHOTOTHÈQUE L. PHIALY/CNRS © structures publiques ou privées », précise Raymond Duval. En Pour ce qui est des traitements de don- directeurs d’institut, etc.) ne remplissant pratique, ce service permet « d’enregistrer de manière exhaustive nées réalisés dans un cadre de recherche, pas ces conditions « s’exposent à des sanc- tous les traitements informatiques qui contiennent des données toutes les disciplines sont concernées, tions civiles et/ou pénales et sont sus- personnelles – c’est une obligation –, mais aussi de procéder aux mais l’épidémiologie, la recherche bio- ceptibles d’engager la responsabilité de démarches dans le cadre d’une demande d’autorisation à la médicale, la pharmaco-épidémiologie et la personne morale CNRS », informe Cnil pour des traitements de données dites sensibles », explique les sciences humaines et sociales sont Raymond Duval. Pour faciliter ce recen- Raymond Duval. Chaque direction, service ou délégation gère en évidemment au centre du dispositif. Les sement, un formulaire Excel est téléchar- effet de nombreux fichiers qui peuvent comporter des données traitements administratifs de données, geable sur le tout nouveau site du CIL. personnelles. « Auparavant, les directeurs de laboratoire décla- en particulier ceux en rapport avec la raient soit directement à la Cnil, soit à un coordonnateur situé à communication, les ressources humaines EN LIGNE. Toulouse qui transmettait ensuite les déclarations à la Cnil », et l’informatique, sont aussi concernés. > www.cil.cnrs.fr poursuit-il. Désormais, le CIL est l’interlocuteur unique de Le CIL procède actuellement à un l’ensemble des services, ce qui devrait « alléger grandement la recen sement des traitements de données procédure et réduire les délais d’autorisation par la Cnil ». en cours au CNRS afin de s’assurer de CONTACT : Correspondant Informatique et libertés du CNRS, la conformité des situations au regard de Vandœuvre-lès-Nancy La version intégrale de cet article est disponible Raymond Duval dans CNRS Hebdo du 3 février et sur la loi. Car les responsables des traitements > [email protected] > http://intranet.cnrs.fr/intranet/strategie/cil01022012.htm (directeurs d’unité, délégués régionaux,

En bref…

colloque i À l’occasion de la Journée de la femme, partenariat i Le Laboratoire le 8 mars, se tiendra à Paris le colloque de restitution des des sciences du climat et de premiers résultats du recensement national des recherches l’environnement et les entreprises sur le genre et/ou les femmes conduit par le CNRS. Veolia et Thales Alenia Space ont lancé le 1er janvier la chaire industrielle Ce recensement a été rendu possible grâce à une forte BridGES. D’une durée de quatre ans, mobilisation de la communauté : plus de 2 000 personnes ont ce programme de recherche portera répondu et plus de 1 000 fiches ont été publiées dans le sur le développement de méthodes premier annuaire en ligne consacré à cette problématique. innovantes de quantification des > https://recherche.genre.cnrs.fr/ émissions de gaz à effet de serre. N° 265 I MARS-AVRIL 2012 Stratégie | 33 w

International 01 Arabinda Mitra, du Department of Science and Le CNRS se déploie en Inde Technology indien, et Joël Bertrand officialisant la PAR JEAN-PHILIPPE BRALY Passé avec trois partenaires indiens3, création du Centre franco-indien pour le deuxième accord met l’informatique les mathématiques w C’est une année qui a démarré sur à l’honneur. Objectif : la création du appliquées. les chapeaux de roues pour le bureau Laboratoire international associé (LIA) du CNRS à New Delhi, à peine plus d’un Informel, qui associera vingt chercheurs 1 01

an après sa création . En 2012, l’orga- travaillant, entre autres, sur la sécurisation PHOTOS KAPOOR/KAPOOR D. © nisme signe en effet plusieurs nouveaux des réseaux informatiques et sur la théorie 02 accords avec des partenaires indiens. des jeux et des automates. « En janvier, le « Des mathé matiques appliquées à l’in- CNRS a également signé un accord avec formatique en passant par l’étude des le Département de biotechnologie du maladies infectieuses, ces nouvelles ministère indien de la Science et de la collaborations couvriront des théma- Technologie, poursuit Dominique Aymer. tiques variées », indique Dominique Dans un avenir proche, cet accord devrait Aymer, qui dirige le bureau. déboucher sur la création d’un autre LIA. » Au début du mois de janvier, tout Ce dernier sera consacré à trois types de d’abord, une délégation du CNRS emme- maladies infectieuses : le paludisme, la née par Joël Bertrand, directeur général leishmaniose et les infections helmin- délégué à la science, s’est rendue en Inde thiques, causées par certains vers. Enfin, le pour signer quatre accords. Le premier CNRS a renouvelé l’accord général de coo- l’a été avec le Department of Science pération scientifique passé avec le Council and Technology (DST) indien2 pour la of Scientific and Industrial Research (CSIR) M. LYNCH/WIKIMEDIACOMMONS© création du Centre franco-indien pour les qui, avec près de 5 000 chercheurs tra- s’ajoutent à d’autres déjà en cours4 et ren- 02 L’Indian Institute of Science, mathématiques appliquées (Unité mixte vaillant sur des domaines très différents, forcent un partenariat initié de longue à Bangalore. internationale [UMI] Ifcam). Ingénierie est considéré comme son alter ego indien. date entre le CNRS et les acteurs scien- aérospatiale, biologie, astrophysique, D’autres projets sont également à tifiques indiens. En effet, le tout premier environnement, science des matériaux, l’étude. Parmi eux, la création d’un nou- accord, avec le CSIR, fut signé en… 1975 ! réseaux numériques… Les domaines veau LIA en mathématiques. « Pour le 1. Lire CNRS Le journal, n° 255, p. 32. d’application des recherches menées au CNRS, l’année 2012 sera également l’occa- 2. Un des départements du ministère de la Science et de la Technologie indien. sein de cette unité seront aussi nombreux sion de renouveler un autre LIA créé en 3. Le Chennai Mathematical Institute, l’Institute of Mathematical Sciences que variés . Installée au sein de l’Indian 2008 : le Joint Laboratory for Sustainable et l’Indian Institute of Science. Institute of Science à Bangalore, l’Ifcam Chemistry at Interfaces », complète 4. Trois autres LIA créés en 2009, quatre programmes de recherche New Indigo sera portée par le DST, le CNRS, l’ENS Dominique Aymer. Une quarantaine de et de nombreuses collaborations Paris, Inria et les universités Paul-Sabatier- chercheurs français et indiens y collabo- menées dans le cadre du Cefripa. Toulouse-III et Nice-Sophia-Antipolis. « Le rent pour développer de nouvelles techno- centre impliquera pas moins de sept logies dans les domaines de la chimie du- CONTACT : structures de recherche indiennes et près rable et médicinale, des produits naturels Bureau du CNRS, New Delhi Dominique Aymer d’une vingtaine de laboratoires français », bioactifs, de la biologie et de la photonique > [email protected] précise Dominique Aymer. moléculaire. Toutes ces collaborations

publication i L’édition 2010 du livret « La parité certification i dans les métiers du CNRS » est disponible en ligne. Fait exceptionnel, Réalisé par la Mission pour la place des femmes au l’Institut de science des matériaux de CNRS et la Direction des ressources humaines, il dresse Mulhouse vient d’obtenir la certification ISO 9001 pour l’ensemble de ses huit un état des lieux de la parité dans l’organisme. Comme plateformes technologiques, démontrant pour le « Bilan social » paru à la fin 2011, il est possible la qualité et l’efficacité des services fournis par cet important dispositif de consulter et de télécharger l’ensemble des données. expérimental dédié aux recherches en > http://bilansocial.dsi.cnrs.fr/ physique et en chimie des matériaux. w 34 | Stratégie CNRS I LE JOURNAL

Organisation Le CNRS réorganise ses fonctions support. Revue de détail avec Xavier Inglebert, directeur général délégué aux ressources. « Optimiser les fonctions support »

PROPOS RECUEILLIS PAR FABRICE DEMARTHON des agents du CNRS. Sur tout le territoire, plus de 4 000 agents des services de l’organisme et des laboratoires, dont 150 direc- Le 17 février, le conseil d’administration teurs d’unité, ont été sollicités et ont produit plus de 600 pages du CNRS a approuvé le Plan d’action 2012-2015 de documents exprimant leurs analyses et leurs préoccupations. pour une organisation rénovée des fonctions Les comptes rendus de ces deux concertations ont été diffusés support. Pourquoi mettre en place un tel plan ? à l’ensemble des agents du CNRS. De tous les établissements Xavier Inglebert : La recherche scientifique fran- publics audités par l’IGAENR dans le cadre de la révision çaise est en profonde mutation, et le CNRS s’est générale des politiques publiques, le CNRS est le seul à avoir mis engagé à accompagner cette évolution, sans renier en place une méthodologie totalement transparente qui implique sa vocation première de conduire des recherches fon- autant ses personnels. Et toujours par souci de transparence, le damentales au meilleur niveau. Or une recherche Plan d’action comprend les explications de vote formulées par les efficace demande une administration efficace. Ces organisations syndicales lors des comités techniques. deux logiques, scientifiques et administratives, néces-

© F. PLAS/CNRS F. © PHOTOTHÈQUE sitent d’être en relation étroite. Pour s’adapter aux Concrètement, que propose ce Plan d’action ? nouvelles donnes de la recherche, le CNRS se devait d’optimiser X. I. : Avec ce plan, la direction du CNRS prend trois enga- ses fonctions support. Tel est l’objet de ce Plan d’action qui doit gements majeurs. D’abord, en accord avec nos tutelles, la part être pris pour ce qu’il est : le regroupement en un seul document des fonctions support est stabilisée pour les trois ans à venir de mesures concrètes, articulées autour d’une thématique simple mais ambitieuse, le service de proximité à rendre aux unités de recherche, dans un environnement scientifique nouveau. QU’EST-CE QUE LES FONCTIONS SUPPORT ? Au CNRS, les fonctions support viennent en appui à la Comment ce plan a-t-il été élaboré ? recherche scientifique, le cœur de métier de l’établissement. X. I. : Ce plan se fonde sur l’audit des fonctions support conduit Il s’agit en fait de toutes les compétences qui fournissent des services aux laboratoires : finances, achat, systèmes par l’Inspection générale de l’administration de l’Éducation d’information, services généraux, communication, affaires natio nale et de la Recherche (IGAENR) entre décembre 2010 et juridiques, restauration collective, etc. octobre 2011, ainsi que sur les deux concertations menées auprès

En bref…

environnement i L’Observatoire hommes- instrumentinstr i milieux (OHM) du littoral méditerranéen a vu le jour le 1er janvier. Créé conjointement par l’Institut Le nouveau microscope écologie et environnement et l’Institut des électroniqueéle Super TEM a été inauguré sciences humaines et sociales du CNRS, cet OHM le 3 féfévrierv au sein de la plateforme Nanotechnologie de l’université permettra de fédérer les spécialistes issus de PariParis-Diderot.s- Unique au monde, cet appareil de dernière génération différents champs disciplinaires autour de l’étude C. FRÉSILLON/CNRS© PHOTOTHÈQUE de la façade maritime méditerranéenne de la seservirarv aux recherches sur les nanomatériaux. Il a été financé France, aire géographique remarquable en termes papar le CNRS, le ministère de l’Enseignement supérieur et de de richesses écologiques, d’urbanisation littorale la Recherche, l’université Paris-Diderot, la Région Île-de-France et de pressions anthropiques de toutes sortes. ete l’Agence national de la recherche. N° 265 I MARS-AVRIL 2012 Stratégie | 35 w

au taux de 11,8 % de l’ensemble des équivalents temps plein travaillés (ETPT)1 de l’établissement, ce qui correspond au maintien du niveau actuel. Ensuite, les économies réa- lisées grâce aux mesures d’optimisation, issues de l’audit de l’IGAENR et des concertations, seront réaffectées aux fonctions support ; ainsi, des redéploiements internes auront lieu afin d’améliorer la qualité de service au profit des labo- ratoires, selon le principe de proximité de relation. Enfin, ces redéploiements tiendront évidemment compte des départs à la retraite, des demandes des agents concernés, de leur situation personnelle, et s’accompagneront de formations si besoin. Nous nous engageons à rechercher l’accord des agents avant toute affectation. PHOTOTHÈQUE CHAMPFAY/CNRS M. HÉMERY/C. © q Une nouvelle électroniquement aux services et aux unités concernées. Les délégation régionale Pouvez-vous nous détailler les mesures d’optimisation autres mesures du Plan d’action concernent les outils de ges- va être installée que vous venez de mentionner ? tion des laboratoires, notamment le projet Geslab, l’organi- sur le campus du X. I. : Le Plan d’action comprend trois mesures phares. La sation des concours et des examens, la restauration collective CNRS à Villejuif. première est la création d’une nouvelle délégation régio- ou encore la for mation professionnelle. Le Plan d’action est nale à Villejuif, dans un bâtiment inoccupé dont le CNRS disponible sur l’Intranet. J’invite tous les agents du CNRS est propriétaire. Elle réunira les actuelles délégations fran- à le consulter et à se forger leur propre avis. ciliennes d’Ivry-sur-Seine (DR1) et de Thiais (DR3). La 1. Unité de mesure permettant de rendre compte des effectifs, deuxième mesure concerne l’allocation des ressources aux à temps plein ou partiel, sur une année. délégations régionales. Aujourd’hui, l’organisation du CNRS repose sur 19 délégations, hors siège, dont les missions et les tâches varient énormément. L’idée est de rééquilibrer leurs ressources de manière équitable, non pas en fixant de manière arbitraire un effectif cible, mais en prenant en compte les spé- cificités régionales, au cas par cas. Enfin, la troisième mesure est la dématérialisation des factures. Dans le cadre de la CONTACT : Direction générale déléguée aux ressources, moder nisation de notre gestion financière, un service unique Paris Xavier Inglebert sera mis en place à Nancy pour réceptionner et scanner les > [email protected] factures de nos prestataires, qui seront ensuite transmises

international i Eujo-Limms (Europe-Japan Opening of Limms), le vie interne i Afin d’améliorer l’offre en premier laboratoire international de la Commission européenne au Japon, matière de transport et d’hébergement, a été créé le 2 février. Il est issu du Limms (Laboratory for Integrated la Direction déléguée aux achats et à l’innovation (DDAI) du CNRS organise une Micro- Mechatronic Systems), une Unité mixte internationale enquête de satisfaction auprès des entre le CNRS et l’université de Tokyo dans les domaines des micro- et utilisateurs du portail Simbad, l’outil dédié des nanotechnologies appliquées à l’ingénierie et à la biologie. Le projet à la gestion des missions. Pour y répondre, Eujo-Limms s’ouvre à trois nouveaux partenaires européens : l’École il suffit de flasher le QR Code ci-contre ou polytechnique fédérale de Lausanne, l’université Albert-Ludwigs de de se rendre à l’adresse Internet suivante : Fribourg et le Valtion Teknillinen Tutkimuskeskus en Finlande. > http://cnrs.myfeelback.com/qrcode/dep/98/obj/80 36 | Stratégie CNRS I LE JOURNAL

À suivre Trois questionsstions à Michel Blay, Conférence I Du 16 au 20 avril, Lyon et avec le support, entre autres, du CNRS, président du Comitémité deviendra la capitale du Web. La ville cette conférence annuelle attirera près de pour l’histoire duu CCNRSNRS accueillera en effet la conférence mondiale du 1 500 participants venus du monde entier Web www2012. Organisée par l’université de pour discuter de l’évolution future Lyon, pour le compte de l’IW3C2 (International du Web. La France n’avait plus accueilli cet « Une nouvellevelle revue sur World Wide Web Conference Committee) important rendez-vous depuis seize ans. l’histoire de la recherche » En mars, La Revue pour l’histoire du CNRS, publiée chez CNRS Éditions, devient Histoire de la recherche contemporaine. Quel objectif cible cette nouvelle formule ? C. FRÉSILLON/CNRS© PHOTOTHÈQUE Conservation Michel Blay : Histoire de la recherche contemporaine vise à être “la” revue de l’histoire dans le domaine scientifique, de la Seconde Guerre mondiale Le plastique, à aujourd’hui. Dans un esprit d’ouverture à tous les acteurs de la recherche, elle prend le relais c’est artistique ! de La Revue pour l’histoire du CNRS qui, depuis plus de dix ans, œuvre pour faire reconnaître l’importance de ce domaine de recherche historique. Publiée q Expertise au par le Comité pour l’histoire du CNRS, elle paraîtra Musée d’art moderne d’abord au rythme de deux numéros par an. et d’art contemporain de Nice pour vérifier Quels sont ses points forts ? l’état de dégradation M. B. : Précieux outil de travail pour les historiens, d’une œuvre en la revue couvre un large spectre d’approches plastique. – de l’histoire des découvertes à celle des institutions – et n’ignore ni l’histoire récente des sciences sociales et humaines ni celle de la recherche médicale. EN LIGNE. L’ouverture internationale est amplifiée, et ce dès > http://popart.mnhn.fr le premier numéro de mars, avec un dossier sur la construction de l’espace européen de la recherche. Tous les articles soumis sont examinés par des experts Lavédrine. Or celui-ci arrive à son terme. avant acceptation. Il n’existe pas de revue semblable Les résultats de Popart seront dévoilés en France ni, semble-t-il, à l’échelle internationale. à Paris, du 7 au 9 mars, lors d’une confé- Quelles autres nouvelles activités rence internationale organisée par le le Comité développe-t-il en ce moment ? CRCC, en collaboration avec le CNRS et M. B. : Depuis quelques mois, le Comité s’est engagé l’Institut national du patrimoine2. dans une politique d’édition régulière sur l’histoire des ©CRCC « Les chercheurs impliqués dans sciences et de la recherche. Nous venons ainsi de publier PAR JEAN-PHILIPPE BRALY Popart ont évalué, par exemple, divers ap- deux ouvrages chez Armand Colin dans la collection 1 pareils d’analyse portables permettant « Le sens de la recherche » . Nous démarrons aussi une politique de séminaires plus réguliers : une première w e Au cours du xx siècle, le plastique d’identifier la nature des polymères série sur l’histoire du séquençage du génome humain a fait une entrée remarquée dans le constitutifs d’une œuvre sans faire de pré- a démarré à la fin octobre, et nous comptons lancer monde de l’art : de nombreux artistes ont lèvements », signale Bertrand Lavédrine. un cycle sur l’histoire de l’énergie solaire. utilisé des polymères synthétiques – acé- Le projet, géré par le CNRS, coordonné Propos recueillis par J.-P. B. tate de cellulose, mousse de polyuréthane, par le CRCC et associant des partenaires 1. Quand la recherche était une République. La recherche PVC, etc. – pour créer des chefs-d’œuvre issus de sept pays européens et des États- scientifique à la Libération, Michel Blay et Une course pour la vie. L’AFM et la recherche biologique et médicale, Denis Guthleben aujourd’hui conservés dans les plus grands Unis, visait aussi à étudier l’état de dégra- et Odile Le Faou (lire CNRS Le journal, n° 263 et n° 264, p. 43). musées. « Mais certains polymères syn- dation des collections, à déterminer les CONTACT : thétiques se dégradent rapidement, par- risques associés aux types de polymères Comité pour l’histoire du CNRS, Paris Michel Blay fois au bout de quelques mois, provoquant qui réclament le plus d’attention et à tes- > [email protected] décolorations, fissures, craquelures… », ter divers traitements de conservation. explique Bertrand Lavédrine, directeur du 1. Unité CNRS/MNHN/MCC. EN LIGNE. Centre de recherche sur la conservation 2. Un ouvrage sur le sujet sera également publié > www.cnrs.fr/ComiHistoCNRS/ par les éditions du Comité des travaux des collections (CRCC)1, à Paris. historiques et scientifiques. Alors comment exposer, entretenir et conserver ces œuvres ? « Face au manque de données et de consensus en la matière, CONTACT : Centre de recherche sur la conservation la Commission européenne a lancé en des collections, Paris 2008 un projet de recherche d’enver- Bertrand Lavédrine > [email protected] gure nommé Popart », indique Bertrand N° 265 I MARS-AVRIL 2012 Un jour avec… | 37

01 02 SA MISSION © PHOTOS : H. COLOMBANI ; J. BERTON Réaliser et tourner des films scientifiques – des documentaires comme Marie Chevais des reportages d’actualité – … pour expliquer et valoriser VEC les recherches menées A Réalisatrice au sein du CNRS.

PAR LAURIANNE GEFFROY des documentaires face à l’engouement 17 H 00 MISE EN MUSIQUE du Web pour la vidéo. Tous les thèmes Retour en salle de montage, où s’achève 9 H 30 SÉANCE DE MONTAGE d’actualité sont minutieu sement passés en la fabrication du documentaire. Jacquie « On pourrait commencer le film avec cette séquence, en voix off, revue. « C’est un défi de parvenir à expliquer Chavance, chargée de production, arrive dans laquelle Alicia parle de la disparition des oiseaux », suggère une découverte scientifique en seulement discrètement pour suivre l’évolution du Marie Chevais, réalisatrice à CNRS Images, à Marielle Babinet, 5 minutes tout en prenant le temps de faire film et délivrer, avec bienveillance, ses der- sa monteuse. Dans la pénombre de la salle de montage, les deux de belles images », souligne Marie Chevais. niers conseils. « En 2009, Jacquie Chavance femmes visionnent les images tournées quelques mois plus tôt a encadré des ateliers d’écriture mis en dans le village de Périgné, dans les Deux-Sèvres. On peut y suivre 14 H 30 FINALISATION DE DVD place par Catherine Balladur, directrice de l’éthologue Sylvie Houte, du CNRS, partie sur les traces de la Cet après-midi, Marie Chevais doit régler CNRS Images, se souvient Marie Chevais. chouette, de la huppe et du hibou. Comme dans un jeu de les derniers détails avant la fabrication du À l’époque, j’avais plutôt la casquette de construction, les séquences sont sélectionnées, coupées et assem- DVD qu’elle a réalisé sur Jules Hoffmann. chef opérateur [le responsable de l’image, blées sur la table de montage virtuelle pour faire émerger des Du Prix Nobel de médecine et Médaille ndlr] et je n’avais alors réalisé qu’un ou 10 heures de rushes – les images brutes – d’or du CNRS en 2011, elle garde le souve- deux films. Cette formation m’a réellement une histoire cohérente de 26 minutes : nir d’un homme « chaleureux et plein soutenue dans mon désir de passer à la Les Nichoirs dans la plaine. « Chaque docu- d’humour ». Sur son bureau, à côté du por- réalisation de documentaires. » Le len- mentaire, qu’il se déroule au cœur de la trait du biologiste, s’empilent des dizai nes demain matin, le film Les Nichoirs dans forêt ama zonienne ou dans un petit vil- de livres et de DVD sur l’exode des répu- la plaine sera visionné par l’équipe de lage français, est une aventure au cours de À voir sur le journal blicains espagnols en France en 1939, direction. Mais, avant cela, un dernier en ligne : un extrait laquelle se créent des liens avec les cher- du film Les Nichoirs le thème de son prochain docu mentaire. détail reste à régler : le choix des musi- cheurs, raconte Marie Chevais. Et, si le dans la plaine. La réalisatrice y travaille avec Véronique ques qui accompagneront le chant de tournage est une période d’action excitante, Moulinié et Sylvie Sagnes, deux ethno- la chouette, de la huppe et du hibou. j’apprécie énormément la phase de montage logues du CNRS, qui observent que la où le récit se construit petit à petit. » mémoire de l’exode se transforme au fil du temps, célébrant désormais davantage ses EN LIGNE. 11 H 00 RÉUNION ÉDITORIALE victimes que ses héros. « Il est intéressant > Retrouvez toute l’actualité de CNRS Images Marie Chevais abandonne la salle de 01 Tournage en d’essayer de mettre en images la réflexion, sur : www.cnrs.fr/cnrs-images/ Amazonie sur le montage pour se rendre à une réunion édi- mouvement religieux plutôt abstraite, de ces chercheuses, témoi- toriale. Régulièrement, l’équipe de réali- des Israelitas. gne Marie Chevais. Je vais notamment sation du CNRS se réunit autour du direc- 02 Réalisation aller filmer des commémorations dans les en Méditerranée d’un CONTACT : teur de production, Jean-Jacques Guérard, Pyrénées, comme celle de la Retirada, qui CNRS Images, Meudon film sur le premier Marie Chevais pour définir les sujets des prochains télescope sous-marin célèbre le passage de la frontière par les > [email protected] reportages courts conçus en parallèle à neutrinos. républicains espagnols. » w 38 | Culture CNRS I LE JOURNAL

Événement L’élection présidentielle en librairie

qui vont alimenter le débat politique de ces élections : protection sociale, emploi, budget, laïcité… Autrement, 186 p. – 19 €

wDans l’essai sur Les Partis politiques fran- çais, dirigé par Pierre Bréchon, les scienti- fiques explicitent les spécificités de chaque w Médias et élections, une étude dirigée parti, leurs traditions idéologiques, les évo- par Isabelle Veyrat-Masson, présente les lutions de leurs programmes et leur rôle processus de circulation de l’information dans le système politique. durant la campagne présidentielle de 2007. Les ouvra ges de sciences politiques, La Documentation française, L’Harmattan/INA Éditions, 250 p. – 24,50 € élection présidentielle oblige, fleuris- nouvelle éd., 212 p. – 14,50 € sent en librairie. De nombreux cher- wL’ouvrage Minorités visibles en politique, cheurs associés à des laboratoires du w Écrit par des universitaires nord-améri- dirigé par Ester Benbassa, s’interroge CNRS analysent ce moment majeur de la cains et par le sociologue français Bruno sur les populations que l’on qualifie en vie politique française. Voici une sélec- Cautrès, Le Vote des Français de Mitterrand France de minorités, leur moindre parti- tion de ces parutions. à Sarkozy reprend des données accumu- cipation aux scrutins de vote et le man- lées durant les trois dernières décennies que d’intérêt, en général, des politiciens à w Dans Le Choix de Marianne, le politolo- pour radiographier les comportements de leur égard. CNRS Éditions, 364 p. – 24 € gue Pascal Perrineau sonde « les attentes, l’électorat français. SciencesPo. les clivages et les lignes de partage qui Les Presses, 302 p. – 26 € w À noter, pour clore cette sélection, que vont donner sens au combat politique de le chercheur Dominique Reynié s’est vu la présidentielle ». Fayard, 288 p. – 19 € wL’abécédaire de Paul Bacot, Les Mots des attribuer, pour l’année 2012, le Prix du livre élections, décrypte le vocabulaire des can- politique et le Prix des députés pour son w Pascal Perrineau a également codirigé, didats, des élus, des citoyens, ceux de la ouvrage intitulé Populismes : la pente avec Luc Rouban, le livre La Solitude de lutte pour le pouvoir et de la compétition fatale , qui analyse les raisons de l’essor l’isoloir, dans lequel une dizaine de cher- électorale. Presses universitaires actuel des partis populistes et xéno- cheurs proposent leur lecture des thèmes du Mirail, 128 p. – 10 € phobes en Europe. Plon, 278 p. – 19,50 € N° 265 I MARS-AVRIL Culture | 39 w

livre i livres i La Science et le Débat public Collectif, Actes Sud/IHEST, coll. « Questions vives », 348 p. – 29 € Sacrées familles ! Changements familiaux, w Née d’échanges entre scientifiques et public averti, cette changements religieux synthèse de l’université d’été de l’Institut des hautes études pour Martine Gross, Séverine la science et la technologie pose la question des sciences dans Mathieu et Sophie Nizard (dir.), l’espace public. En cinq chapitres, elle reprend des discussions Éditions Érès, 264 p. – 23 € portant sur les liens qui unissent démocratie, vérité et démarche Cette étude sur les évolutions scientifique et sur les polémiques autour du changement de la famille et sur les avancées climatique, des nanotechnologies ou des OGM. Un dialogue en matière de procréation nécessaire pour mieux intégrer la science dans la société. montre en quoi la dissociation entre filiation et engendrement interroge les institutions, tant religieuses, sociales que conférence i politiques. Cousu de fil rouge. Un texte, un mathématicien Voyages des intellectuels français en Union soviétique Le 14 mars et le 4 avril, à 18 h 30, BNF, Paris (75) – Entrée libre – Sophie Cœuré et Rachel Mazuy, http://smf.emath.fr/content/colloques CNRS Éditions, 380 p. – 25 € w Carl-Friedrich Gauss a ouvert la voie Des années 1920 aux années de la théorie des nombres, Joseph-Louis 1980, les intellectuels français Lagrange fut le créateur du calcul des variations. ont beaucoup voyagé en Union En quoi les textes laissés par ces prestigieux soviétique. Deux historiens publient 150 documents inédits mathématiciens ont-ils conduit aux recherches des archives russes pour contemporaines et comment ont-ils influencé comprendre les logiques et les chercheurs d’aujourd’hui ? C’est ce que les ambiguïtés de ces voyages. Jean-Benoît Bost et Sylvia Serfaty, mathématiciens dans des laboratoires associés au CNRS, Histoire de la consommation vont démontrer lors des conférences du cycle Marie-Emmanuelle Chessel, « Un texte, un mathématicien ». La Découverte, coll. « Repères », 126 p. – 10 €

HTTP://COMMONS.WIKIMEDIA.ORG Quand a commencé la q Carl-Friedrich Gauss et Joseph-Louis Lagrange. consommation de masse ? Qui en sont les acteurs ? dvd i Quelles en sont les évolutions ? La Boue et le Roseau Cet ouvrage offre une synthèse inédite de la genèse et du q Le rhizome de livre i développement de la société roseau contient Nouveaux mondes de consommation en France. de l’oxygène pur, Carnets d’après Guerre froide d’où l’efficacité de cette plante Bertrand Badie, CNRS Éditions Tout ce que vous avez toujours pour dépolluer et Le Monde.fr, 348 p. – 20 € voulu savoir sur le big bang les eaux usées. w De la puissance des Philippe Tamic, Hatier, coll. États-Unis aux crises du « Guide visuel », 220 p. – 10,90 € Moyen-Orient, de la tourmente En images et en textes courts, la théorie de l’origine de l’Univers © CNRS IMAGES qui touche l’Europe à la montée se dévoile à tous dans ce petit des pays émergents, un expert en Réalisé par Claude Delhaye, produit par CNRS Images, livre étonnamment accessible et relations internationales répond préfacé par Marc Lachièze-Rey, 18 min – 15 € (usage privé) – http://videotheque.cnrs.fr aux questions des internautes w astrophysicien au CNRS. Ce film s’intéresse à la technologie des jardins du Monde.fr. CNRS Éditions et filtrants développés par la société Phytorestore, Le Monde interactif ont recueilli Les Emblèmes de la République en collaboration avec le CNRS. Celle-ci consiste une sélection Bernard Richard, CNRS Éditions, à utiliser les plantes pour décontaminer de ces 430 p. – 27 € des milieux pollués par les déchets industriels. chats pour « Faire voir, ou entendre, Comment s’effectue cette dépollution ? Quels permettre la République pour la faire rôles jouent la racine des plantes et les tourbes ? aimer, voilà le rôle, aujourd’hui à chacun de comme hier, des emblèmes Voilà quelques-unes des questions auxquelles mieux saisir répondent Alain Manceau, biominéralogiste abordés ici », écrit l’auteur de les enjeux cette vaste fresque qui retrace au CNRS, et Thierry Jacquet, fondateur de politiques l’origine, la signification et les Phytorestore, sur cette technologie d’avenir. mondiaux. métamorphoses des symboles À voir sur le journal en ligne : incarnant la République et le film La Boue et le Roseau. ses valeurs, tels que Marianne ou La Marseillaise. w 40 | Culture CNRS I LE JOURNAL

livre audio i livre i La Théorie du chaos Étienne Ghys, De Vive Voix, coll. « L’Académie raconte les sciences », Indiscipliné 61 min – 9,90 € 35 ans de recherches w « S’il y a un concept dont tout le monde parle, c’est le fameux effet Dominique Wolton, Odile Jacob, 460 p. – 25,90 € papillon : la théorie du chaos. » Ainsi w « J’aurai finalement consacré ma vie débute l’agréable récit d’Étienne Ghys, scientifique à valoriser le concept de mathématicien au CNRS, dans ce livre communication, pour moi inséparable de tous audio où il narre l’histoire de cette théorie les mouvements d’émancipation depuis trois et pour lequel il vient d’obtenir le prix 2011 siècles », écrit le sociologue Dominique Wolton, Lire dans directeur de recherche au CNRS, dans l’avant- le noir, qui propos de son dernier ouvrage. Ce dernier réunit récompense soixante textes rédigés à différentes époques chaque année et qui permettent de revenir sur les dix grands un livre audio. thèmes qu’il a explorés en trente-cinq années de recherche : l’individu, le couple et la famille ; le syndicalisme, la et l’organisation du travail ; les médias ; l’espace public et la communication politique ; l’information et le journalisme ; Internet et la société de l’information ; l’Europe ; la diversité culturelle et la mondialisation ; les rapports entre sciences, techniques et société ; la connaissance et la communication. Autant de sujets qui ont fait de lui un contributeur privilégié de nombreux débats contemporains.

exposition i Radio : ouvrez grand vos oreilles ! Jusqu’au 2 septembre, musée des Arts et Métiers, Paris (75) – Entrée : 5,50 € – www.arts-et-metiers.net w L’histoire de la radiodiffusion commence en France en 1921, le soir de Noël, sur les ondes de Radio Tour Eiffel. Cette exposition, festival i qui a pour commissaire Hervé 7e art et Glevarec, sociologue au CNRS, sciences propose d’en découvrir Du 24 au 28 avril, Noirmoutier (85) – les grandes étapes : son invention, Entrée libre – http://cap.sciences.free.fr son rôle pendant la guerre, w Pénétrez au cœur du monde végétal son impact dans le développement à l’occasion de la 9e édition du festival 7e art

© L. JOYEUX/INA© de la musique populaire ou encore et sciences de Noirmoutier, co-organisée par q Famille écoutant une son devenir face au numérique. le CNRS et l’association Cap aux sciences. Une émission à la radio dans Deux parcours, chronologique cinquantaine de films sont au programme, ainsi les années 1950. et thématique, guident le visiteur que des expositions de photos sur l’Amazonie, vers des cabinets d’écoute diffusant les forêts tropicales ; des conférences sur des émissions emblématiques, le plancton, les algues, la lune ; des ateliers de comme Salut les copains, découverte des espèces végétales du littoral… ou la voix de l’humoriste Pierre C’est une grande bouffée d’oxygène que ce festival Dac. Des conférences, un site Web offre à ses spectateurs, qui pourront par ailleurs et des ateliers jeune public sont admirer, dans un décor exotique, un dinosaure proposés en parallèle. végétal : le fameux pin australien de Wollemi. N° 265 I MARS-AVRIL Culture | 41 w

livres et dvd i livres i Chants de la terre aux trois sangs Musiques rituelles des Toraja de l’île de Sulawesi, Indonésie La biologie de synthèse plus forte que la nature ? Dana Rappoport, Maisons des sciences de l’homme, François Képés, Éditions coffret comprenant deux livres et un DVD – 59 € Le Pommier, coll. « Les petites w Dana Rappoport, ethnomusicologue au CNRS, a passé dix-huit ans à pommes du savoir », 64 p. – 4,90 € étudier les musiques, aujourd’hui quasiment disparues, des Toraja, montagnards De la nouvelle génération de de l’île indonésienne de Sulawesi. Sa recherche, qui s’apparente, selon ses mots, médicaments aux textiles « à une urgence afin qu’il reste une trace de cette somptueuse culture orale » régénérant les organes malades est désormais archivée dans un coffret comprenant deux livres et un DVD. Récits en passant par les biocarburants psalmodiés, grands chœurs, chants de transe, chants courtois et flûtes de guérison fabriqués à partir de déchets, révèlent l’histoire d’un peuple transformé par les évangélismes. « Comprendre la C. FRÉSILLON/CNRS© PHOTOTHÈQUE ce petit livre décrit les bienfaits de la biologie de synthèse musique des Toraja, ce n’est pas recueillir seulement les sons, c’est aussi accéder à une et pose la question du choix langue, […] une conception du monde, un système de pensées », souligne la chercheuse. de société offert par celle-ci.

Preuve scientifique, preuve juridique livre i livre i Ève Truilhé-Marengo, Larcier, Identités à la dérive Nucléaire : coll. « Droit des technologies », Collectif, Éditions Parenthèses, coll. quels scénarios 358 p. – 55 € « Savoirs à l’œuvre », 410 p. – 18 € pour le futur ? Cette analyse collective et w Des chercheurs de nombreuses Michel Chatelier, Patrick poussée des rapports entre disciplines sont réunis dans cet Criqui, Daniel Heuer science et droit soulève des questions comme : qu’est-ce ouvrage autour du thème de et Sylvestre Huet, qui définit la preuve scientifique ? l’identité, une notion souvent à la une La Ville Brûle, coll. « 360 », quel est le rôle de l’expertise ? de l’actualité. Leurs contributions, 222 p. – 20,30 € le droit est-il juge de la science ? recueillies lors d’un cycle de w Des physiciens, les deux s’opposent-ils ? conférences, éclairent le lecteur un économiste et un sur les significations journaliste scientifique Les Extraterrestres expliqués sociales et historiques livrent leurs réflexions sur le sujet sensible à mes enfants de ce mot, ainsi et complexe du nucléaire. Constitué de Roland Lehoucq, Seuil, 102 p. – 8 € que sur sa définition discussions à bâtons rompus, cet ouvrage Entre science et fiction, un astrophysicien mène l’enquête soulève nombre d’interrogations : peut-on anthropologique sur les extraterrestres, qu’il et philosophique. se passer du nucléaire ? où en sommes-nous examine à la lumière des L’ouvrage explore en matière de sûreté et de risque ? quelles connaissances actuelles également les diversités sont les politiques de recherche ? Au-delà en astronomie et en biologie. de l’identité et le du conflit pour ou contre, cet essai fournit Ou comment expliquer la modèle d’intégration des éléments précieux pour se forger une science à partir du film Avatar ! à la française. opinion objective sur la question. Des tuyaux et des hommes. Les réseaux d’eau en France Gabrielle Bouleau et Lætitia Guérin-Schneider, Quæ, film i coll. « Indisciplines », 200 p. – 28 € Coût de l’eau, rôle des collectivités, partenariat À voir sur le journal public-privé, urbain-rural, Implants du futur en ligne : le film Implants du futur. durabilité des services… Cet ouvrage décrit l’histoire, Réalisé par Christophe Gombert, le contexte institutionnel et produit par CNRS Images, 15 min – les défis de la gestion de l’eau, http://videotheque.cnrs.fr qui ne se cantonnent pas à la w Que ce soit pour suppléer des organes usés, question des infrastructures. réparer des os fracturés, ou consolider des veines bouchées, les implants et les prothèses servent Archéologie, à soulager la douleur, améliorer la vie ou la prolonger. sciences humaines Ce documentaire dense et instructif présente Jean Guilaine, Entretiens avec les recherches de trois laboratoires de chimie qui Anne Lehoërff, Actes Sud, coll. « Errance », 240 p. – 22 € concoivent et étudient des biomatériaux pensés pour Une conversation à deux voix interagir avec le vivant. Toujours biocompatibles dans laquelle l’archéologue Jean pour éviter les rejets, parfois biodégradables quand ils L. SEDEL/CNRS© PHOTOTHÈQUE q On distingue, à droite, Guilaine, à partir de sa pratique jouent un rôle de distributeur de médicament, les sur cette radio, une du terrain, présente ses implants peuvent aussi régénérer les tissus et les cellules. prothèse de hanche en réflexions sur l’archéologie d’hier, Plongée au cœur d’une science en pleine révolution. céramique d’alumine. d’aujourd’hui et de demain. 42 | Culture CNRS I LE JOURNAL

exposition i Les territoires de l’eau Irrigation et partage de l’eau en Méditerranée Jusqu’au 13 juillet, ABD Gaston-Deferre, Marseille (13) – Entrée libre – www.culture-13.fr w Comment, dans le Bassin méditerranéen, les sociétés, l’environnement et l’agriculture ont organisé la culture de l’eau et partagé cette ressource ? Quelles sont les spécificités de l’irrigation selon © CAMERA LUCIDA/ARTE le type de territoire : montagne, fleuve, delta, oasis ? C’est tout le sujet de cette exposition, à laquelle ont participé plusieurs chercheurs du CNRS, en ligne i qui vise à approfondir les connaissances sur le rôle crucial de l’irrigation

Missions printemps pour une gestion plus durable et plus équitable de l’eau en Méditerranée. SIMONNEAUX/IRD V. © Jusqu’en juin – q Murets, terrasses et levées de terre missionsprintemps.arte.tv typiques de l’irrigation en Méditerranée. w Cartographier des vers de terre ou l’éclosion exposition i des fleurs de lilas, recenser des algues brunes ou des bigorneaux, étudier les Toit et moi plantes sauvages des villes… En tout, ce sont douze 100 ans de logement social missions, une par semaine, Jusqu’au 30 mai, salle de la Légion d’honneur, Saint-Denis (93) – que vous pouvez relever Entrée libre – www.toitetmoi.org sur ce site Internet w Il y a cent ans, la loi Bonnevay créait les offices publics d’habitation à bon marché participatif réalisé par pour loger les classes populaires. La vaste exposition Toit et moi retrace l’histoire du Arte, en collaboration avec logement social depuis cette étape fondatrice. À découvrir : des textes de loi, des articles de presse, Camera Lucida et CNRS des photos, des chansons, des films et même des reconstitutions d’intérieurs. Des conférences, Images. Des vidéos des promenades urbaines et des actions présentent les protocoles culturelles sont également proposées. et les espèces à étudier. « Aujourd’hui se pose la question du choix But de l’opération : aider entre l’universalité du modèle français du les scientifiques à collecter logement social pensé pour la majorité des un maximum d’informations salariés et un modèle résiduel ne logeant afin d’évaluer les évolutions plus que des populations en grande difficulté, du climat. Les résultats expliquent deux des commissaires de seront présentés sur Arte, l’exposition, Danièle Voldman et Emmanuel notamment lors de la Bellanger, historiens au CNRS. L’exposition diffusion d’un documentaire permet à chacun de se forger une opinion au mois de juin. dans ce débat essentiel, alors que s’étalent sous nos yeux les conséquences dramatiques

© COLL. KAMOUN PART P. du retour de la crise du logement. »

Rédaction : 1, place Aristide-Briand – 92195 Meudon Cedex Téléphone : 01 45 07 53 75 Télécopie : 01 45 07 56 68 Mél : [email protected] Le journal en ligne : www2.cnrs.fr/journal/ CNRS (siège) : 3, rue Michel-Ange – 75794 Paris Cedex 16

Directeur de la publication : Alain Fuchs Directrice de la rédaction : Brigitte Perucca le journal Directeur adjoint de la rédaction : Fabrice Impériali

Rédacteur en chef adjoint : Matthieu Ravaud Chefs de rubrique : Fabrice Demarthon, Frédérique Laubenheimer, Charline Zeitoun Assistante de la rédaction et fabrication : Laurence Winter Ont participé à ce numéro : Stéphanie Arc, Jean-Philippe Braly, Laure Cailloce, Sebastián Escalón, Laurianne Geffroy, Mathieu Grousson, Jean-François Haït, Gaëlle Lahoreau, Morgane Taquet Secrétaire de rédaction : Isabelle Grandrieux Conception graphique : Céline Hein Iconographes : Audrey Diguet, Marie Mabrouk, Stéphanie Tritz Couverture : Beb Deum pour CNRS Le journal Photogravure : Scoop Communication Impression : Groupe Morault, Imprimerie de Compiègne – 2, avenue Berthelot – Zac de Mercières – BP 60524 – 60205 Compiègne Cedex ISSN 0994-7647 AIP 0001309 Dépôt légal : à parution Photos CNRS disponibles à : [email protected] ; http://phototheque.cnrs.fr/ La reproduction intégrale ou partielle des textes et des illustrations doit faire obligatoirement l’objet d’une demande auprès de la rédaction. N° 265 I MARS-AVRIL 2012 Sur le vif | 43

À voir sur le journal « Nous sommes en août 2009 en ligne : une série de photos au cœur de la région subarctique de la Russie sur ces fouilles. occidentale. J’examine un fémur de mammouth provenant du site de Byzovaya, tout proche : de nombreux outils en silex typiques de la période moustérienne – entre 300 000 et 33 000 ans avant notre ère – y ont été retrouvés, aux côtés d’os de mammouths. Les stries sur ces os confirment une exploitation humaine des carcasses des animaux. Mais par qui ? La culture moustérienne, en Europe, a toujours été associée à Neandertal. Or le site de Byzovaya a été daté à 28 500 ans, soit des milliers d’années après sa disparition théorique ! De deux choses l’une : soit Neandertal a vécu plus longtemps et dans un environnement plus extrême que ce que l’on pensait ; soit c’est Homo sapiens qui s’est aventuré jusque-là, préservant ainsi une culture qu’on ne lui connaissait pas en Europe. Seule la découverte d’os humains permettrait de trancher. J’ai hâte de retourner fouiller ! »

ALEXIS BRUGÈRE, ARCHÉOZOOLOGUE, POST-DOCTORANT AU SEIN DE L’UNITÉ ARCHÉOLOGIES ET SCIENCES DE L’ANTIQUITÉ

© H. PLISSON/CNRS H. © PHOTOTHÈQUE (CNRS/UNIVERSITÉ PARIS-I/UNIVERSITÉ PARIS-OUEST/MCC).