Hebdomadaire indépendant d’analyses et de commentaires | Année 1, N°12 | 13 août 2017 Contacts : 0995167443 | Rédaction : 0993838508 | 0994283459 Prix: 1600 FC

Dossier

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page 3 Page 4 Pygmées et Bantus se tuent dans le Tanganyika

page 3 RDC : un taux de A Kasenga, les jeunes change politique sont plus zambiens pour faire passer de bas salaires des que Congolais fonctionnaires page 11 page 5 Environnement Décimer les léopards pour un caprice! page 10

Editorial, Actus Ces violences chères aux politiciens

rois crises alternent de résurgence saugrenue, en République démocratique du Congo, depuis un T an ou plus. A éclatent des violences, généralement attribuées au mouvement politico- religieux Bundu dia Mayala, dans le Tanganyika, Pygmées et Bantu s’attaquent ! Presqu’automati- quement. Et, dans les Kasaï, les insurgés Kamuina Nsapu ou les forces de sécurité qui les traquent font parler d’eux. Curieuse coïncidence, comme c’est Pygmées. Aussi, un camp de dépla- pacifiques en RDC, mais encadre arrivé entre les 4 et le 9 août. Dans cés a brûlé sans explication à Kale- les présumés Bundu dia Mayala. les Kasaï, l’ONU a dénoncé une mie. Curieuses coïncidence ! Du coup, se renforce l’hypothèse crise qui prend une tournure eth- A l’apparition de ces mouvements des violences voulues, entretenues nique. Des gens ont été tués sur (moins celui du Tanganyika, plus ou du moins, tolérées. Des vio- base de leur appartenance tribale. ancien), une année plus tôt, ou lences presque sacrées, dénoncées Un conflit né de la tuerie, par les presque, de nombreux observa- au jour, et embrassées au noir. Si- services de sécurités, du chef tradi- teurs redoutaient qu’ils ne nourris- non, comment que comprendre tionnel Kamuina Nsapu. En 2016. sent le chaos censé justifier le re- que des groupuscules, mal organi- port des élections, et l’instauration A Kinshasa, à Boma et à Matadi, et sées et vraisemblablement mal for- de l’état d’urgence en RDC. La la police a encadré les présumés au- mées et mal armées (de bâtons, question est désormais évoquée d’armes à feu artisanales et de fé- teurs des attaques du 7 août. Ils ar- par l’opposition, et le gouverne- tiches), viennent à mettre en dé- boraient pourtant des affiches anti- ment s’en défend. L’ONG de Kabila, et ont tenté de s’attaquer droits de l’homme Human Rights route toute une armée et une po- notamment à la prison de Makala. Watch trouve suspect que la police lice entière ?■ Le Tanganyika a fait, quant à lui, disperse systématiquement les ma- Didier Makal parler de lui avec des tueries par les nifestations Infos en bref La RDC a appelé à la retenue, le Le président du Conseil de suivi 10 août, les Etats Unis et la Corée de l’accord sur la transition en du Nord qui se menacent de bom- RDC, le CNSA, a appelé jeudi 10 Directeur de publication bardement. Kinshasa invite à un août à une réunion de la tripartite Didier Makal, +243 99 51 67 443 dialogue sincère dans ce différend CENI, CNSA, Gouvernement. [email protected] pour préserver la paix et la sécurité Elle examinera, selon Joseph Olen- Rédacteur en chef dans un monde en proie à la me- gankoy, les avancées et pourra, si Fidèle Bwirhonde, 099 3838 508 nace terroriste. la situation l’exige, repousser la Secrétaire de rédaction date des élections prévues avant la Éric Cibamba, 099 4283 459 L’ambassadrice des USA à fin de l’année 2017. Commercial l’ONU, Nikki Haley, a adressé à Richard Tujibikile, 097 22 666 11 son homologue congolais Ignace Deux ONG congolaises accusent Ont contribué à cette édition Gata Mavita, la volonté de son la CENI de gestion opaque. L’Ob-  Alain Basila pays de voir les élections se tenir servatoire de la dépense publique  Arsène Bikina rapidement en RDC. Elle a égale- (ODEP) et Agir pour les élections  Christian Tuilzo  Éric Cibamba ment exprimé les préoccupations transparentes et apaisées (AETA),  Fidèle Bwirhonde des autorités américaines sur les indique Radio Okapi, dénoncent le  Simplice Bambe violations des droits de l’homme dépassement de fonds de 745% en Chef d’Edition dans les Kasaï, rapporte Actua- 2016 et 3727,7% pour les crédits Christian Tulizo lite.cd. provisoires à fin juin 2017.■

2 Dossier Pygmées et Bantus se tuent dans le Tanganyika

endredi 4 août, les Pygmées ont attaqué le village bantu "Lambo Kilela", dans le groupement V "Lambo Katenga", province du Tanganyika. De ces nouvelles violences, une cinquantaine de personnes ont encore perdu la vie. C’est une nouvelle étape d’une crise née en 2013, dans cette région de l’ancien Katanga, démembré en 2015, autrefois touchée par la milice may-may.

comme annoncé. Il explique, en plus : « Les assaillants ont ravi un véhicule appartenant à un commerçant de Nyun- zu (un territoire du Tanganyika). Grâce à ce moyen de locomotion, ils ont réuni plusieurs hommes pour préparer l’attaque du village Kabulo (un autre village touché). Ils sont allés se regrou- per à Mulolwa et ont fait irruption dans Lombo Katenga pour réaliser l’at- Le camp de déplacés de Kalemie brûlé aux 3 quarts, le 9 août. Source: MSF taque. » Un mois plus tôt, le 4 juillet, de L’attaque a fait 50 victimes, d’après préparés avant l’attaque nouveaux affrontements entre RFI, et 55 selon Rogatien Kitenge, Joint par RFI, le porte-parole de la Pygmées et Bantu éclataient en président de la société civile du Tan- société civile du Tanganyika, Mo- périphérie Nord de Kalemie. Ces ganyika, cité par Actualite.cd. Une deste Kabazi, affirme que les pyg- affrontements répétés sont à l’ori- trentaine de personnes ont été bles- mées sont partis du village Kabulo, gine de déplacements massifs de la sées. à 40 km de Kalemie. Il parle d’« une population.■ Des nouvelles attaques sans mo- attaque-surprise », au cours de la- Didier Makal tif inconnu quelle le chef Lambo Kilela a été blessé par deux flèches. Il a été Le village Lambo Kilela était, jus- qu’ici, épargné des violences qui transféré à l’Hôpital général de Ka- opposent des Pygmées, ethnie au- lemie, le samedi 5 août, indique le tochtone et minoritaire, aux Baluba, journaliste Jacques-Vallon Kabulo une des ethnies bantus de la région de , présent dans la Sud-est de la RDC. région. D’autres blessés, du village Kasongo, ont été évacués vers un Le motif de ces nouvelles violences centre de prise en charge, ajoute le n’est pas connu, mais les deux com- journaliste. munautés s’affrontent régulière- ment. Les efforts de pacification, et Le journaliste Jacques-Vallon Ka- malgré la signature d’un pacte de bulo précise, toutefois, que les paix en février 2017, n’ont pas per- Pygmées ont attaqué Lambo Kilela, mis d’enterrer la hache de guerre. Et en territoire de Kalemie, à 11 les bons offices du ministère de heures. Non pas à 5 heures, l’intérieur n’auront qu’échoué. comme l’indique la version « devenue officielle ». D’ailleurs, l’at- L’abonnement, à partir de 5 USD Les assaillants ont eu se sont taque ne visait pas les Baluba, 3 Politique Tanganyika : 5 ans de violences

ela fera bientôt 5 ans que le Tanganyika connait des violences communautaires entre Pygmées C et Bantu. Le 9 août 2017 à Kalemie, un de 13 camps de la province où se réfugient de des dépla- cés de ces violences est a été touché par un incendie, le sixième du genre en 3 mois. Quatre jours plus tôt, plus de 50 personnes étaient tuées dans une attaque des Pygmées. Mais le pouvoir public peine à faire régner la paix dans cette région qui a connu rébellions et milices. allés jusque dans le Haut-Katanga, dans le dans le territoire de Mitwa- ba, où ils seraient plus de 45.000. Mais aussi dans le territoire de Ma- lemba Nkulu, dans la province du Haut-Lomami, deux régions de l’ancien Katanga démembré en 4 provinces en 2015. A l’origine du conflit, d’après les explications de Juvénal Kitungwa, alors ministre de l’intérieur du Ka- tanga, en 2015, un appel d’une Le site de déplacés de Kalemie, après l’incendie du 9 août 2017. Source: MSF ONG à l’émancipation des Les 25.000 personnes que comptait dégradées dans les camps. Les dé- peuples autochtones qui aurait dé- le site qui a brûlé à Kalemie, sont placés vivent dans les huttes de rapé. A la place d’une intégration désormais sans abri. La surprise pailles, propices à la propagation dans la société bantu, et envoyer c’est que personne ne connaît l’ori- du feu. La promiscuité y est dange- leurs enfants aux études, les pyg- gine de ce 6e incendie de camp de reuse, comme l’a indiqué Médecins mées, auraient alors intégré l’idée déplacés, entre mai et début août Sans Frontières, le 10 août, sur d’une organisation sociale, avec un 2017. Mais d’après Radio France Twitter. Enfin, les déplacés eux- territoire, comme il en existe chez Internationale (RFI), trois hypo- mêmes ont importés les conflits les bantu. thèses permettent d’éclairer le con- dans les camps. Ce n’est donc pas Des efforts de pacification, texte. exclu. Pour l’incendie du camp de presqu’inachevés Des incendies sans explications Katanyika, par exemple, trois des Les Twa (Pygmées), d’après officielles déplacés ont même été arrêtés, ex- plique RFI. « Ils auraient accidentelle- OCHA (2013), se plaignaient aussi La première évoque l’intervention ment brûlé tout le camp, y compris leurs de ne pas être autorisés d’épouser des autorités congolaises. Au Tanga- propres huttes, au lieu de brûler la partie chez les bantu. Pourtant, l’inverse nyika, comme ailleurs en RDC, elles qu'ils visaient. » est possible. Une injustice inaccep- ont ordonné aux déplacés de rega- table. Il faut noter, par ailleurs, que Un conflit complexe, depuis 5 gner leurs villages, la situation sécu- la surexploitation des ressources ans ritaire s’étant améliorée. Faux, rétor- naturelles, menaçant les forêts qui quent les humanitaires. C’est ainsi En janvier 2017, le Bureau des af- constituent le milieu de vie naturel que le camp de Kaseke, dans le Tan- faires humanitaires de l’ONU, des Pygmées, a contribué à la dété- ganyika, partait en fumée, brûlé par OCHA, a rapporté plus de 400.000 rioration des relations avec les la police, indique RFI comme pour déplacés dans le Tanganyika, con- bantus. forcer à en déguerpir. séquence des affrontements entre Pygmées et Baluba (précision des Suite, page 11 L’autre facteur favorisant les incen- humanitaires). Les déplacés sont dies, ce sont les conditions de vie 4 Politique RDC : un taux de change politique pour faire passer de bas salaires des fonctionnaires

e gouvernement de la RDC essaie, non sans peine, à stopper la dépréciation du Franc Congolais, L en imposant un taux de change. Il promet de sévir, alors que le marché résiste, méfiant vis-à-vis de la monnaie nationale. Le chercheur en économie de l’Université de Lubumbashi, Labi Mpiana, y voit une démarche politique. Cela ne résout pas le problème, mais essaierait de faire passer les sa- laires des fonctionnaires au taux plus bas, selon lui. mauvaise gouvernance En juillet, le Franc Congolais plon- geait presqu’inexorablement. L’an- cien premier ministre Adolphe Muzito (2007-2011) tirait à boulets rouges sur ses suivants. Il accuse le gouvernement (d’Augustin Matata) d’avoir cessé d’effectuer ces dé- pôts auprès des banques. Les ont été toutes consommées, si bien que le pays a frôlé, fin juillet, le défaut de paiement. Des billets de la monnaie américain, le dollar, la devise étrangère « C’est ainsi que l’exercice 2016 s’est qui traine l’économie de la RDC. Photo Didier Makal, 2017. soldé par un déficit de 300 milliards de FC », explique Muzito. Cela repré- Fin juillet, le gouvernement a réussi change. En réalité, selon Labi sente 230 millions de $US, soit à renverser la flambée, pour stabile Mpiana, c’est une pression en vue 5,0% du budget en ressources le change autour de 1600 FCD pour d’échapper à la grogne sociale. Les propres et 0,6% du PIB de l’exer- le dollar. fonctionnaires, les médecins et les cice. « On n’impose pas un taux de professeurs d’universités en tête ! Le chercheur en économie, Labi change politique », considère le cher- C’est « pour pousser les fonctionnaires à Mpiana, lui aussi, n’apprécie guère cheur en économie. Il explique que accepter les salaires au taux de 900 la gestion financière de Matata Po- la RDC est dans un régime de Francs. Mais en fin de compte, on n’a nyo. « Toutes les stratégies prises par le change flottant, où l’offre et la de- rien fait. Ça, c’est de la spéculation », gouvernement pour stabiliser le taux de mande régulent presqu’automati- conclut-il. change étaient de fausses stratégies. Le quement les échanges. « Le taux que Ils demandent le paiement de leurs gouvernement Matata est parti, le taux vous avez-là est politique », insiste-t-il. Il salaires non pas au taux de 930 FC de change s’écroule, on dirait un château indique que dans les grands maga- pour le dollar, mais 1450, voire de cartes », comme-t-il, tenace. sins de Lubumbashi et de Kinshasa, plus. « Ici, le gouvernement n’a pas de le dollar se change se changerait au- disponibilité monétaire qui offre la possi- Labi Mpiana considère qu’il faut tour 1700 FC. bilité de payer à ce taux-là. Il faut payer diversifier le commerce étranger. Mais l’économie de la RDC reste Un taux politique imposé, pour toujours au taux de 900 ou de 1000 essentiellement dépendante de échapper à la grogne sociale FC. » Depuis, de nombreux Con- golais préfèrent garder leur argent l’exportation des ressources natu- Depuis deux semaines, le gouverne- en dollar, ce qui alimente la psy- relles. Or, pour effectuer ses paie- ment menace de sanctions les opé- chose et la faible circulation de de- ments internationaux, la RDC a rateurs économiques et changeurs vises étrangères. besoin de devises étrangères. Elle de monnaie qui ne suivront pas ses importe presque tout. « La liquidité A l’origine de la crise, la indications en termes de taux de internationale ne peut provenir que de la diversification du commerce internatio- 5 nal. » C’est seulement alors que la banque centrale peut « stabiliser le Publicité

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6 Opinion

PCR et chauffeurs, enfants d’une même mère à Lubumbashi !

onduire un bus de transport en commun dans la ville de Lubumbashi ne coûte presque rien à qui C veut oser. Surtout, pas quand on sait manier le volant et qu’on a eu la prudence d’adhérer à la Mucc ou à l’Acco, la mutuelle et l’association des chauffeurs de la RDC. Mais ce qui sidère, c’est plus le langage cru et souvent insolent, et la mentalité commune aux chauffeurs. Mais la police surprend aussi, sur les routes ! Les infractions, cela dépend du degré de connaissance

Au final, il n’y a d’infraction que pour les moins offrants, ou les in- connus. Pourtant, pareilles atti- tudes devraient faire l’objet d’inter- pellations policières, parfois mus- clée, pour atteinte à l’ordre public. Mais on le sait, des tranquilles pas- sants sont morts à Lubumbashi, cognés par des chauffeurs et poli- Un policier en train de recevoir un pot-de-vin sur une route de Lubumbashi. Photo ciers de roulage se disputant le vo- Mwana Inchi lant ou la clé de contact, pour une Loin des taxis, rarement dans les four et au moulin, sauf pour inspi- interpellation contestée. L’Etat est querelles avec les passagers, des bus rer la présence de l’Etat. Pas éton- sans doute en crise, à tout point de privés renferment des chauffeurs nant de la voir au cours d’une dis- vue. insolents. La majorité ne sait que pute, d’un accident, ou d’insultes rouler. Souvent pas de politesse, pas avec chauffeurs. La conséquence sociale est grave de savoir vivre. On ne sait com- dans Lubumbashi, rien qu’à consi- ment, analphabètes et diplômés, A dire vrai, les policiers au contrôle dérer qu’il n’est pas rare d’en- même d’universités, finissent par se de la circulation routière et les tendre, journellement, d’insultes confondre dans ce trafic public chauffeurs, tout comme leurs con- crues, sous l’œil impuissant et entre les mains des privés. Et très voyeurs, semblent tous d’une seule complice des policiers. Ainsi se vite, on ne peut plus les distinguer. famille, de même mère. Entre ama- normalise l’anormal.■ Ils deviennent badauds, et insultent teurisme et illégalité, ces acteurs de Eric Cibamba facilement, où ils pouvaient ré- notre quotidien peuvent facilement pondre doucement. se comporter en chat et souris et parfois en frères jumeaux. Ils se Le transport en commun, loin de détestent mais se rendent les la puissance publique comptes. Comme lorsqu’ils se sa- luent pour se glisser des billets La réalité ferait penser à une ville d’argents, des pots de vins qui va- sans gouvernant. Pourtant, Lubum- lent l’œil fermé sur excès de vi- bashi a un maire et une administra- tion autour de lui. La police, celle de tesse, stationnements risqué, on la circulation routière, est aussi au ivresse au volant.

7 Culture Danses folkloriques sur mesure, Pas comme dans les villages de la RDC

es coutumes traditionnelles congolaises font que danser devant les chefs est expression de sou- L mission, d’acceptation ou de joie. Ce qui traduit un attachement et un appui à l’autorité. Les po- litiques, un pouvoir non-traditionnel pourtant, raffolent de cette reconnaissance et ne ratent aucune occasion pour se l’offrir. Mais elle finit par perdre de sens, la danse traditionnelle. s’y attache par la danse et exprime sa soumission. Ainsi, pour Laurent -Désiré Kabila, les communautés ont dansé pour saluer un « libérateur », le tombeur du dicta- teur Mobutu. La danse naturelle ne suit pas de protocole, bien souvent Une marque de reconnaissance, parce que les citoyens reconnais- sent un chef, comme légitime. Une légitimité qui tient non pas à un Une danseuse traditionnelle demandant une gratification à une spectatrice à Lu- mandat électif valide, mais aux ac- bumbashi. Photo Didier Makal, 2017. tions dans lesquelles ils se recon- En évoquant le Sakayonsa, la cé- guère obligés. Obligés, comme les naissent. C’est naturel, et digne de lèbre danse populaire à la gloire du chefs des villages, obligés de sortir communion avec les leaders ou président Mobutu, la danse devant sous la pluie orageuse, en vue de chefs, traditionnels ou politiques, un chef avait changé de significa- stopper la foudre. Obligés, comme lorsque ces accueils chaleureux tion. « Ce n’était plus expression de joie ces chefs traditionnels qui sortent, viennent d’en bas. Ces femmes qui ni de soumission. On était passé de la de nuit, pour chasser les esprits qui surgissent, contre toute attente, de soumission (par la force) à la flatterie », rodent dans les villages et empê- nulle part, pagnes liés à la taille, explique un analyste culturel de Lu- chent des sommeils apaisés. d’autres étalés par terre, se déhan- bumbashi. La population congolaise suit le chant. Les congolais ont compris que la rythme et s’adapte, en ville, hélas ! Ou encore, par exemple, après l’ar- générosité des politiques de leur Elle tourne d’un camp à un autre rivée d’un chef, jeunes gens et région est touchée par les chants et avec la même danse, comme les jeunes filles se rassemblent et pré- la danse. D’où l’importance de leur politiques eux-mêmes, changent de parent un menu de circonstance, offrir danse et chants, et arracher camps au gré des caprices nombril. et surgissent, sans protocole, pour son pain quotidien. Les danseurs Les mêmes danseurs, sans surprise, danser et chanter en signe de re- mêmes pensent que la danse n’a agrémentent les matinées et soirées connaissance. pour signification que la flatterie de la majorité comme celles de Tout compte fait, poursuit notre dans le contexte actuel. l’opposition. Difficile de détecter analyste, « ce sont les politiques qui pour quel camp ils le font avec joie On les voit danser partout, pour définissent, au travers de leurs actes, ce ou flatterie, selon notre analyste. de l’argent que doivent exprimer les chants et la Par ailleurs, on estime que la danse danse que la population leur offre. » Du Les politiques congolais raffolent de pour les politiciens exprime la sou- coup, plus de naturel, et davantage déification. Ils recherchent la gloire, mission aux idéaux et non aux per- de chiqué. la soumission et l’attachement. Cu- sonnes. Tant les idéaux sont con- Ngalamulume rieusement, même s’ils ne se sentent servés et défendus, la population 8

9 Environnement Décimer les léopards pour un caprice!

’est un choc, un scandale pour les défenseurs de la cause animale et des espèces rares. Voir un C homme qui se veut d’État, Joseph Olengankoy, le dissident du Rassemblement de l’opposi- tion désigné président du Conseil de suivi de la transition en RDC s’affiche avec des peaux de léo- pards. C’est pour lui le symbole de ce qu’il veut être ou est déjà. La réalité sidère. monde, et particulièrement en Ré- publique démocratique du Congo (RDC). La première cause est sim- plement un effet de mode, un ca- price. Les humains veulent faire peur à leurs semblables, en s’affi- chant en peau de léopard. Consé- quence, les félins sont décimés. Il est possible, pourtant, que l’on passe de peau de vrai léopard à un Joseph Olengankoy, président du FONU, au cours d’une conférence de presse à motif léopard en textile, sans Kinshasa. Source: Radio Okap/John Bompengo. mettre à mort des félins. D’après Joseph Olengankoy s’oppose-t-il communication plutôt dangereuse l’IUCN, structure internationale de aussi au bienêtre des animaux autant pour l’avenir des léopards et conversation de la nature, les léo- qu’au confort politique de Joseph d’autres félins protégés, puisque pards ont diminué de 30% en Kabila ? Le cliché (de John Bom- menacés de disparition. Bien plus, Afrique subsaharienne, les 3 der- pengo, Radio Okapi), a été repris il représente le retour d’une pra- nières générations des léopards. par de nombreux médias en ligne de tique risquée pour cette espèce, En tout, c’est l’homme qui en est la RDC. Il montre l’opposant, assis déjà très forte durant l’ère du Léo- responsable. Il chasse léopards, derrière une table sur laquelle sont pard que feu le président Mobutu lions et autres, et même les petites posées deux peaux de léopards, Sese Seko a été. S’afficher en léo- bêtes qui leur servent de proie. têtes orientées vers un public atten- pard, était chose ordinaire en son C’est sans compter, l’effet de tif. Lui-même est adossé sur une temps. Aujourd’hui, on parlerait mode ou les rites traditionnels, le veste de léopard, en laine vraisem- d’un nouveau retour si pas recours cas de la RDC. blablement. Et, pour être tout entier à l’authenticité. Il est important que les politiques le félin qu’il dit par ces paralangages, Joseph Olengankoy est un leader soient sensibilisés sur les questions le politicien apparaît sur d’autres politique. Et comme tel, beaucoup de protections des espèces rares. photos, foulard au cou, ou plié et de gens le regardent, et peuvent Monsieur Olengankoy, qui nous plongé dans une poche, sur la poi- l’imiter, comme cela fut le cas sous sert d’alibi pour alerter sur l’aba- trine, en tissu de léopard. le Zaïre de Mobutu Sese Seko, vêtu tage de léopards, et autres félins, En regard ordinaire, l’homme af- en léopard. On l’a vu assis sur des porte sur lui une partie de la solu- fiche bien sa « congolité », et porte peaux de léopards, un peu comme tion. On peut s’afficher en léo- bien son totem, le Léopard, partagé le font les chefs traditionnels, pour pard, sans tuer de léopard. Mais d’ailleurs par tous les congolais. Mo- dire leur férocité. cela reste risqué pour l’image que perçoivent les gens ordinaires, vi- tif de fierté, ou de patriotisme, En plus, d’où qu’ils parlent, il ap- vant près de ces léopards. Mais, pourrait-on dire. Mais le pire se vit partient aux leaders d’inciter à des qu’importe, préserver la nature est avant d’obtenir ces peaux. attitudes protectrices de l’environ- une affaire de tout un chacun.■ Autre recours à l’authenticité ? nement, de la biodiversité. Les léo-

pards, en effet, sont une espace Olengankoy brille par une Didier Makal menacée de disparition dans le 10 Jeunesse A Kasenga, les jeunes sont plus zambiens que Congolais a cité de Kasenga, dans territoire du même nom, est à près de 230 km de Lubumbashi. Ici, le L principal emploi des jeunes, c'est le chômage. Les diplômés se comptent aux bouts de doigts. Car l'école ne s'offre pas à qui la veut dans ce territoire du Haut-Katanga.

« Il existe trois activités pour les jeunes à Kasenga : le champ, la pêche, l’élevage », nous révèlera Mwelwa Ferdinand, un jeune du terroir. La jeune fille de Kasenga n’est faite que pour le mariage, une vie qu’elle peut facile- ment découvrir dès la formation de sa poitrine à l’adolescence. Pas d’autres perspectives, le destin étant déjà fatalement tracé. Des jeunes de Kasenga, autour du bateau Santa Maria. Photo Fi- Vivre au présent, et mourir dèle Bwirhonde, 2017. jeune à Kasenga "La jeunesse est l'avenir", c’est une Plusieurs écoles n’attirent guère Mais d’après toute vraisemblance, pensée connue aussi à Kasenga. par leurs infrastructures. Elles coû- conduire la moto est aussi une Mais ici, personne ne sait distinguer tent alors, chaque mois, entre 1000 profession prisée par les jeunes de les jeunes des vieux, si ce n’est que et 4500 Francs congolais, soit Kasenga. C’est le principal moyen par leurs apparences plus que par moins d’un dollar américain et de transport offert par la cité. Il leurs occupations. Ils ont tous la cinq. Mais c’est toujours trop de- n’y en a pourtant pas pour tous, même vie, le même quotidien mo- mander à cette population pauvre. car la moto n’est possédée que par notone : les champs, la pêche, et les « Personne ne pense à nous, nous ne sem- les quelques nantis de la commu- enfants ! Et comme partout en blons appartenir à personne. Nous vou- nauté. RDC, les responsables de ce terri- lons étudier mais nous ne pouvons pas Un peu coupés de la "civilisation", toire ne peuvent pas mieux que de étudier ». C’est en tout cas l’idée tra- les jeunes de Kasenga ne semblent bons discours, cohérents. Aucun duite des lamentations d’un adoles- pas appartenir à la génération du investissement dans la jeunesse. cent ne parlant que Cibemba. numérique qui tient notre siècle en L’école ne va pas bien à Kasenga Une pauvreté qui mine l’avenir haleine. De tous les jeunes rencon- Le Cibemba est la langue locale. Il des jeunes trés, aucun ne possède un télé- tutoie le Swahili aux côtés du Fran- En effet, malgré ce bas coût de phone Android. Seuls quelques- çais qui fait rêver ceux qui ne vont scolarité, certains enfants ne uns peuvent avoir un Gsm. pas à l’école. Cette langue si bien n’achèvent jamais une année sco- Dans cette partie du territoire con- parlée par ses célèbres enfants, à laire de leur vie. D'autres, les plus golais, la jeunesse nationale ne l’instar de feu Augustin Katumba nombreux d’ailleurs, finissent leur connaît pas grand-chose de la vie Mwanke, ancien gouverneur du Ka- vie sans avoir fréquenté l'école. La de la Rdc. l’accès à l’information tanga et conseiller du président Jo- faute à la pauvreté généralisée de la est quasiment nul pour plusieurs. seph Kabila. Mais tout le monde population, se plaignent les habi- Ils sont plus Zambiens que Con- n’aura sûrement pas ses chances à tant qui se sentent « oubliés par le golais, quasiment en toute chose.■ lui. Car, étudier dépasse bien sou- pouvoir en place, malgré les têtes que vent les capacités des parents et des Kasenga a donné au pays ». Fidèle Bwirhonde jeunes. Manque de motivations! 11 Sports Les Mazembe, seules équipes à succès dans le Katanga

es joueurs de Basket-Club Mazembe ont remporté leur 8e coupe du Congo de basket-ball, le 23 L juillet 2017. C’était en battant, en finale, Terreur de Kinshasa au cours d’un match de la 34e édi- tion du championnat national (de RDC) de basket. Un constat mérite d’être noté : la famille « Mazembe » semble la seule qui donne des équipes on ne peut plus bien portantes au sud de la RDC. remporté son 11e titre de l'histoire de la Linafoot (Ligue nationale de football). Ecofoot katumbi, un petit se complète Après Don Bosco, c'est l’Ecole de football, Ecofoot Katumbu, qui rejoint la ligue nationale de foot- ball aux côtés du TP Mazembe. Les Académiciens ont réalisé une Des supporters présentant le drapeau de TP Mazembe à Lubumbashi. Photo Didier belle saison au niveau de leur base. Makal, 2016. Ils ont raflé les titres du cham- pionnat urbain et du championnat Malgré l'exil de son président sportif L’équipe de football dépenserait provincial, seulement en leur pre- Moïse Katumbi, les équipes jusqu’à 6 millions de dollars l’an. mière année de participation. Mazembe (football, basket) tiennent Ce qu’aucun autre en RDC n’ose encore le coup. Si les poulains de faire actuellement. Reste alors à se qualifier d'abord Simplice Tshibangu ont gagné à au tour préliminaire avec Bantoue Mazembe a la capacité d'acheter de nouveau la coupe nationale de Bas- et l'Us Tshinkunku. Malheureuse- joueurs de grande classe de ket-ball, au niveau local, ils ne font ment, ces deux clubs du grand Ka- l'Afrique Subsaharienne. Raison face à aucune adversité. saï connaissent déjà des problèmes pour laquelle Ghanéen, Ivoirien, de déplacement vers Lubumbashi, Mazembe gagne partout en foot Malien, Zambien sont au TP le site qui abritera cette étape de la Mazembe. Des joueurs de grande L'organisation des équipes semble la compétition. S’ils ne se déplacent qualité qui n'envient pas certains clé principale des succès en sport. pas, ils avantageraient, en le quali- de leurs collègues en Europe. Sur En effet, le Tout-Puissant Mazembe fiant, Ecofoot en phase classique.■ alloue des moyens conséquents le terrain, Mazembe confirme son prestige. La saison 2016-2017, il a pour engranger les victoires. Alain Basila Tanganyika : 5 ans de violences En février 2017, à Kalemie, Pyg- Des matchs de football ont été Certains combattants, explique le mées et Baluba s’engageaient à en- organisés, en vue de pacification, journaliste, sont pourtant tentés de terrer la hache de guerre et vivre indiquent le journaliste Dieumerci recommencer leur activisme, faute pacifiquement. Mais depuis, des vio- Kabila et l’administrateur du terri- d’encadrement et d’aide matérielle. lences se sont répétées dans cer- toire Pierre Mukamba Kaseya. Les paysans, dans cette région, vi- taines contrées du Tanganyika. Ce- Mais pour le journaliste Dieumer- vent dans une grande pauvreté pendant, à Manono, par exemple, la ci Kabila, contacté par Congo Du- doublée, les infrastructures de base crise semble s’être apaisée un temps. rable, constate que « la cohabitation délabrées ou inexistantes.■ Un bon exemple. n'est pas totale », malgré les efforts. Didier Makal 12