Philippe Valode

Les Présidents de la République © Éditions First, 2007

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ISBN : 978-2-7540-0344-5 Dépôt légal : 1er trimestre 2007 Imprimé en Italie Conception couverture : Bleu T Photos : © Patrick Robert, Thierry Orban, Bettmann, Hulton-Deutsch Collection / Corbis

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Introduction 5 76 82 La Ire République 89 collective 11 91

La IIe République 15 La IVe République 99 Louis Napoléon 100 Bonaparte 15 René Coty 106

La IIIe République 19 La Ve République 115 19 115 Patrice de Mac-Mahon 28 127 Jules Grévy 35 129 42 Valéry Giscard Jean Casimir-Perier 49 d’Estaing 134 Félix Faure 51 François Mitterrand 140 Émile Loubet 55 152 Armand Fallières 61 Raymond Poincaré 67 72

Introduction

De la Ire à la Ve République…

Les premiers temps La République est née en en septembre 1792 et va durer, juridiquement, jusqu’en 1804, date de l’instauration du Premier Empire. Qui s’en souvient ? Certes il s’agit d’une république multiforme, d’abord conventionnelle, puis ther- midorienne, enfin consulaire. Pourtant elle est, à chacune de ses phases successives, incarnée par un homme : Robespierre, Barras, Bonaparte. Louis Napoléon Bonaparte sera le premier président de la République (la IIe) élu au suffrage universel de ce pays, en 1848, avant de rétablir l’Empire, le second, en 1852.

La IIIe dure soixante-dix ans La vraie République, celle que tous les Français considèrent comme la Ire, mais qui n’est que la IIIe, est proclamée par , du haut du balcon de l’hôtel de ville de Paris, le 4 septembre 1870. C’est une République combattante qui décide de résister à l’invasion prussienne. C’est, après le 6 LES PRÉSIDENTS DE LA RÉPUBLIQUE rôle fondateur en matière institutionnelle de Thiers et de Mac-Mahon, les deux premiers présidents, une République ambitieuse qui conduit de pro- fondes réformes sociales, scolaires, religieuses, crée un immense empire colonial, reconstruit une puissante force armée, celle qui va gagner la guerre de 1914. Épuisée par le premier conflit mondial, la France de 1918 aspire à la paix : elle sera vaincue par l’attaque allemande de 1940, en dépit d’une résistance souvent héroïque…

La IVe oublie de Gaulle Très vite découragé par la reprise des jeux politiques d’antan, incapable d’imposer une réforme des institutions permettant de doter le pays d’un exécutif fort, de Gaulle se retire début 1946. La IVe République, qui hérite d’un pays ruiné, parvient à lancer l’Union européenne et à doter la France d’un remarquable outil économi- que. Mais faute d’un exécutif suffisamment affirmé et malgré le talent individuel de ses chefs politiques, elle chute sur une gestion déplorable de la décolonisation. INTRODUCTION 7

La Ve est présidentielle Le renforcement décisif des pouvoirs du pré- sident, puis son élection au suffrage universel à partir de 1965 en font le personnage central de l’État. Tout s’ordonne désormais autour de celui qui nomme le Premier ministre, a recouvré son droit de dissolution, dirige la diplomatie et la Défense, et peut, enfin, employer l’article 16… Toutefois l’évolution très récente démontre l’affaiblissement du régime, d’abord avec la réduc- tion du mandat présidentiel à cinq ans, puis au travers de la désuétude de l’usage du référendum. Ainsi en revient-on, peu à peu, à un détournement de l’opinion envers la chose publique…

Nos présidents de la République

Pourquoi devenir président ? Pourquoi les hommes politiques les plus doués souhaitent-ils occuper une fonction – sur- tout après l’abandon de l’usage du droit de dis- solution sous Mac-Mahon – très largement honorifique ? C’est que le président de la République nomme le président du Conseil, 8 LES PRÉSIDENTS DE LA RÉPUBLIQUE influençant ainsi la composition des ministères. C’est également que la permanence de la fonction (sept ans renouvelables sans limitation), sa neu- tralité qui la place au-dessus des partis et permet l’arbitrage en cas de crise aiguë, son positionne- ment comme garant des institutions et de l’unité nationale procurent au président une vaste influence sur le cours des choses. Ce n’est pas faute d’avoir essayé que plusieurs figures majeures de la IIIe République ne parvien- nent pas à se faire élire. Citons, parmi d’autres, Gambetta, Ferry, Clemenceau, Caillaux, Waldeck- Rousseau, Briand… À partir de la Ve République, le président devient le personnage central du pouvoir politi- que. La lutte politique se concentre autour de la fonction présidentielle.

À quoi ressemble un président ? Tous les présidents de la République sont des hommes d’intelligence et d’expérience. La plu- part accèdent à cette fonction, la plus élevée, à l’issue d’une carrière bien remplie, entre 60 et 65 ans. Les présidents du Sénat semblent particulière- ment bien placés dans cette compétition… Presque INTRODUCTION 9 tous nos présidents ont connu une expérience de la vie civile, presque toujours, hélas, celle du bar- reau. Il en résulte une vision très théorisée et figée des problèmes. Rares sont les militaires (Mac- Mahon, de Gaulle) et plus encore les chefs d’en- treprise (Casimir-Perier, Faure). Globalement, le bilan de nos présidents est positif, même sous la IIIe République, contrairement à la réputation ridicule qui leur est souvent faite : Grévy réforme l’école, fait adopter des lois sociales essentielles ; Faure est l’artisan de l’alliance franco- russe ; Loubet sépare Église et État tout en favori- sant l’Entente cordiale ; Poincaré conduit le pays pendant la Grande Guerre et sauve le franc en 1928 ; Doumergue soutient les réformes de fond de Tardieu.

Quelques curiosités admirables La fonction de président paraît d’abord mau- dite. Il faut attendre Émile Loubet, le septième président de la IIIe République, pour qu’enfin un septennat parvienne à son terme. Deux présidents périssent assassinés, Sadi Carnot sous le fer de l’anarchiste italien Caserio, Paul Doumer sous les balles de Gorguloff… Deux autres présidents 10 LES PRÉSIDENTS DE LA RÉPUBLIQUE meurent à la tâche, mais pas celle de l’État : Félix Faure, à l’Élysée, en pleine action sexuelle avec sa maîtresse, la sulfureuse Mme Steinheil, et Paul Deschanel, atteint par le syndrome d’Elpenor qui le rend inapte aux affaires… Mais ce n’est pas tout : Jules Grévy doit quitter précipitamment le pouvoir à la suite de la découverte des incroyables trafics auxquels se livre son gendre Wilson, ins- tallé à l’Élysée, de même que Lebrun, sans démissionner, vote les pleins pouvoirs au maré- chal Pétain en juillet 1940. Quant à la durée des mandats exercés, elle connaît ses records sous la Ve République : dix ans pour de Gaulle, quatorze pour Mitterrand (un record bien difficile à battre avec la réforme du quinquennat), enfin probablement douze pour Jacques Chirac. Un dernier clin d’œil enfin, en signalant que le général de Gaulle, premier président de la Ve, fut le dernier président du Conseil de la IVe République qu’il n’avait cessé de combattre, et qu’Albert Lebrun, dernier président de la IVe République, ne démissionna jamais… LA IRE RÉPUBLIQUE COLLECTIVE

Après la chute des Tuileries le 10 août 1792 et l’internement du roi et de sa famille, l’Assemblée législative a créé un ministère dominé par Danton, dont le pouvoir théorique est largement battu en brèche par la Commune. Après l’élection d’une Convention au suffrage universel (en vérité un électeur sur dix a voté) en septembre 1792, la royauté est abolie le 21, premier jour de sa convocation. Le 25, Danton fait proclamer la République. Partagée en trois blocs, les Girondins modérés, les Montagnards intransigeants et le Marais de ceux qui ont peur (450 députés sur 749), la Convention est à la merci d’une minorité d’hommes décidés. Très curieusement, il n’existe pas de chef de gouver- nement : seuls des ministres, au premier chef celui de l’Intérieur, Roland, assument la direction du pays. Le procès du roi, puis sa condamnation à mort et son exécution en janvier 1793, fait bas- culer l’équilibre de la Convention. Robespierre, maître du jeu, impose la Terreur. Mais tous les députés sont liés désormais par un pacte de 12 LES PRÉSIDENTS DE LA RÉPUBLIQUE sang, celui répandu de Louis XVI. Tout recul ou tout retour à la monarchie est désormais impos- sible : la République s’est imposée par le fer de la guillotine. Après les excès de Robespierre et son exécu- tion en juillet 1794, les thermidoriens prennent le pouvoir, maintenant la République. Leur pre- mière décision est de laisser mourir de maladie le petit Louis XVII, empêchant ainsi tout rétablis- sement de la royauté. Après le Directoire, sauvé par Bonaparte, le 13 vendémiaire an IV, d’un coup d’État royaliste, un régime relativement libéral se met en place, avec un exécutif de cinq membres et un bicamé- risme partagé entre le Conseil des Cinq-Cents et celui des Anciens. Puis Bonaparte, vainqueur en Italie et en Égypte (du moins selon sa propagande), rafle la mise en s’emparant du pouvoir par la force, le 18 brumaire, c’est-à-dire le 9 novembre 1799. Le Consulat, étendu à dix ans, est ensuite accordé à vie au Premier consul. Le 18 mai 1804, un séna- tus-consulte proclame Napoléon empereur des Français. Paradoxalement la Constitution de l’an XII ne modifie guère la précédente : la référence à LA IRE RÉPUBLIQUE COLLECTIVE 13 la République y est conservée, mais l’empereur détient tous les pouvoirs. Le 2 décembre 1804, avant de quitter Notre-Dame, une fois le pape sorti, l’empereur désormais complice des régici- des, depuis l’ignoble condamnation du duc d’Enghien, jure de respecter les grands acquis de la Révolution, devant tous ses dignitaires, pour l’essentiel d’anciens généraux et députés de la période révolutionnaire.

LA IIE RÉPUBLIQUE

LOUIS NAPOLÉON BONAPARTE, FUTUR NAPOLÉON III (1808-1873) Président de la IIe République : 1848 - 1852

Un homme habile Devenu, par surprise, président de la Républi- que, Louis Napoléon est un homme expérimenté. Il connaît l’Italie, la Suisse, les États-Unis et surtout l’Angleterre (la plus grande puissance industrielle du moment), parle parfaitement trois langues étran- gères (anglais, italien et allemand), a vécu six années emprisonné (ce qui a compromis sa santé), et s’est longuement penché sur les problèmes éco- nomiques et sociaux de son époque. Tout en s’ap- puyant sur des hommes de confiance, comme son demi-frère, Morny, Persigny, Mocquard, il nomme un monarchiste modéré, , comme président du Conseil de son premier gouverne- ment.

Le plus grand triomphe électoral d’un président élu au suffrage universel Le 10 décembre 1848, après une violente mais fort courte 16 LES PRÉSIDENTS DE LA RÉPUBLIQUE

campagne électorale, Louis Napoléon triomphe aisément au premier tour de son principal adversaire, le sanguinaire géné- ral Cavaignac, boucher des journées révolutionnaires de juin, au cours desquelles plus de 5 000 ouvriers ont été tués par la troupe (environ 1 500 soldats ont également trouvé la mort). Soutenu par le parti de l’Ordre qui a sous-estimé sa forte per- sonnalité, le prince a également rassemblé les voix ouvrières. Plus généralement, le nom de Napoléon, fort populaire à l’époque, a joué en sa faveur. Il recueille 5 587 759 suffrages, soit presque 75 % des suffrages exprimés contre 1 474 687 voix à Cavaignac. Les quatre autres candidats, l’avocat Ledru- Rollin, le chimiste Raspail, le poète Lamartine et le général Changarnier ne regroupent, ensemble, que 444 000 suffrages. Dès le lendemain, Louis Napoléon s’installe à l’Élysée, l’an- cien hôtel particulier de la Pompadour.

Immédiatement, il apparaît qu’un violent anta- gonisme oppose l’Assemblée législative dominée par les royalistes (majoritaires) et les républicains de gauche (minoritaires) et le président qui, si il dispose de véritables pouvoirs en matière de Défense et d’Affaires étrangères, ne peut la dissou- dre. D’autant que son mandat est limité à quatre ans sans possibilité de se représenter. L’Assemblée, volontiers réactionnaire, multiplie LA IIE RÉPUBLIQUE 17 les mesures impopulaires : restriction à la liberté de la presse, loi Falloux qui supprime, en partie, le monopole d’État établi par Napoléon Ier dans l’en- seignement secondaire et universitaire, loi électo- rale, enfin, restreignant d’un tiers le corps électoral (soit trois millions de personnes). Cependant le prince soigne sa popularité en multipliant dépla- cements provinciaux et défilés militaires… Puis fin 1850 et début 1851, il renvoie Neumayer et Changarnier, qui commandent l’armée de Paris, les remplaçant par des hommes dévoués.

La tentative de révision de la Constitution Le prince n’a nullement l’intention d’aban- donner le pouvoir. Il tente, alors, loyalement, de réviser la Constitution pour pouvoir se représen- ter au suffrage des Français en 1852. En 1851, son texte ne recueille que 446 voix contre 278, alors qu’il faut une majorité des deux tiers. Il lui manque 94 voix. Le sort en est désormais jeté : le prince prépare un coup d’État.

Du coup d’État du 2 décembre 1851 à l’Empire Au matin du 2 décembre 1852, les murs de la capitale se couvrent de proclamations annonçant 18 LES PRÉSIDENTS DE LA RÉPUBLIQUE la dissolution de l’Assemblée, le rétablissement du suffrage universel et la convocation du corps électoral. Les 220 députés qui se sont rassemblés à la mairie du Xe arrondissement et tentent de résister sont immédiatement arrêtés. Tout semble se passer sans drame, quand, le 4 décembre, dans l’après-midi, la troupe charge la foule sans véri- table motif (un coup de feu a sans doute été tiré contre elle) : les lanciers à cheval tuent cent à deux cents innocents… En province, la répression est dure et les arrestations nombreuses. Les 20 et 21 décembre 1851, un plébiscite approuve la nouvelle constitution, c'est-à-dire le maintien du président de la République à sa fonction, par 7 439 216 oui contre 641 737 non. La Constitution publiée en janvier 1852 confie la présidence de la République au prince-président pour dix ans. Après avoir entrepris un long tour de France à partir de septembre, Louis Napoléon rétablit l’Empire, le second, par un sénatus- consulte en date du 7 novembre 1852. Il est ratifié par un second plébiscite, les 21 et 22 novembre suivants, par 7 824 129 oui. Le 2 décembre 1852, l’Empire est officiellement proclamé. LA VE RÉPUBLIQUE 159 une grande réforme des retraites, qui allonge la durée de cotisation à quarante-deux ans, per- mettant de rétablir (provisoirement) l’équilibre financier des régimes. Mais il n’ira pas au-delà. Après la naissance de l’Europe des Vingt-Cinq et le vote de la nouvelle Constitution euro- péenne, le peuple français refuse de la ratifier en 2005. La majorité de droite, écrasée en 2004 aux élections régionales (elle n’a conservé que deux régions), pense trouver un second souffle en remplaçant Raffarin. Mais se laisse entraîner par son panache et prétend imposer le CPE (contrat première embauche) à la jeunesse de France : il y perd sa légitimité. Le travail sérieux réalisé dans le domaine de la lutte contre le chômage et la reprise de la croissance économique permettent d’obtenir des résultats en cette fin d’année 2006 : un taux de chômage sous la barre des 9 % de la population active et une progression du PNB un peu supérieure à 2 %.

La prochaine échéance : mai 2007 En mai 2007, la nouvelle élection présiden- tielle permettra peut-être d’assister à un renou- vellement du personnel politique, avec un 160 LES PRÉSIDENTS DE LA RÉPUBLIQUE rajeunissement de l’ordre d’une vingtaine d’an- nées des candidats principaux, une génération en somme. Des dossiers difficiles attendront le ou la nou- vel(le) élu(e) : maîtrise de l’immigration, intégra- tion, équilibre des régimes sociaux, croissance économique, indépendance énergétique, sécurité des personnes, efficacité du système éducatif, encouragement de l’initiative privée, etc. Quoi qu’il en soit, l’élection prévue au prin- temps 2007 semble passionner les Français, qui, contrairement à ce que l’on affirme, distinguent parfaitement les échéances essentielles des débats secondaires.