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Hanoi Et Haiphong Au Contact De La Colonisation D

Hanoi Et Haiphong Au Contact De La Colonisation D

AIX-MARSEILLE UNIVERSITÉ Le champ disciplinaire "Sociologie " École doctorale 355 : Espaces, Cultures, Sociétés

HHANOIANOI ET AU CONTACT DE LA COLONISATION Structuration et restructuration de la société urbaine en Indochine française (1887-1945) : le cas de et de Haiphong

Thèse de doctorat Nouveau Régime présentée par OKADA Tomokazu

Sous la direction de Monsieur le Professur émérite Trinh Van Thao

Session : Décembre 2012

AIX-MARSEILLE UNIVERSITÉ Le champ disciplinaire "Sociologie " École doctorale 355 : Espaces, Cultures, Sociétés

HHANOIANOI ET HAIPHONG AU CONTACT DE LA COLONISATION Structuration et restructuration de la société urbaine en Indochine française (1887-1945) : le cas de Hanoi et de Haiphong

Thèse de doctorat Nouveau Régime présentée par OKADA Tomokazu

Directeur de la thèse : Trinh Van Thao (professeur émérite, AMU) Jury : Myriam de Loenzien (chargée de recherche, HDR, IRD-CEPED) Philippe Papin (directeur d’études, EPHE–Sorbonne) Chantal Zheng (professeur, AMU)

Session : Décembre 2012

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier Professeur Trinh Van Thao, mon directeur de thèse. Sa patience m’a permis de mener à la fin d’une entreprise de longue haleine. Depuis six années, tout au cours du niveau Master 2 et doctorant, même après mon retour au Japon, il n’a cessé de diriger sincèrement, théoriqument et empiriquement mes études. Je me fais gloire de mon sort sous la direction de lui. Merci également à mon ami, Frédéric Roustan, jeune spécialiste de l’histoire de l’Indochine, pour son aide de correction très attentive du manuscrit. De nombreuses personnes en France comme au Japon m’ont donné la possibilité d’effectuer mes recherches dans de bonnes conditions. Enfin, je voudrais exprimer ma reconnaissance à ma famille, en particulier à ma femme, Yuko, qui m’a toujours soutenu de près.

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Avertissement

L’orthograhe des noms de lieux vietnamiens obéit à celui de la langue originale du vietnamien. Il en est de même des noms de rues, de villages et de personnes vietnamiens. Toutefois, quant aux noms fréquents, auxquels l’orthographe du français est utilisé au lieu de vietnamien, par exemple comme Hanoi 【Hà N ội】, Haiphong 【Hải Phòng 】, Saigon 【Sài Gòn 】, Cholon 【Ch ợ Lớn】, Namdinh 【Nam Định 】, Viêtnam 【Vi ệt Nam 】 ; boulevard Dong Khanh 【Đồng Khánh 】. Or, des noms inconnus sur la langue originale du vietnamien obéit à l’orthographe telle que écrite, souvent en français, dans les archives concernées, et ils sont mis en italique, par exemple comme Kuyen Luong 【nom de dans la province de Hà Đông 】, Quan Khe 【dans le province de Hải D ươ ng 】, Phuc Co , Phuc Lam , Hoa Ma et Thinh Yen 【nom de villages à Hanoi 】, Yên Thai【nom de ruelle à Hanoi 】, Pham Van Ba 【nom d’un fonctionnaire vietnamien 】, etc…. Par ailleurs, dans cette recherche, le terme « indigène » signifie généralement et inévitablement « Vietnamien ou Annamite », ou « Laotien » et « Cambodgien » sans note, malgré qu’il soit une expression impropre. Par ailleurs, le journal et la revue sont mis en italique entre parenthèses de comme "Le Travail ", "Rassemblement ", "L’Effort ".

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Abréviations

- AAA-A---FOMFOMFOMFOM : Agence FOM - ANVANVANV-ANV ---HHHH : Archives Nationales du Viêtnam n ˚1 de Hanoi - CAOM : Centre des Archives nationales d’Outre-Mer - DAEDAEDAE : Direction des Affaires Économiques - DGIP : Direction Générale de l’Instruction Publique - GGIGGIGGI : Gouvernement Général de l’Indochine - GGIGGIGGI-GGI ---AFAFAFAF : Gouvernement Général de l’Indochine- Ancien fonds - Guernut : Commission de Guernut - HBMHBMHBM : Habitations à Bon Marché - HLMHLMHLM : Habitation à Loyer Modéré - IDEO : Imeprimerie d’Extrême-Orient - III-I---NFNFNFNF : Indochine-Nouveau Fonds - FMH : Fonds de la Mairie de Hanoi - PCIPCIPCI : Parti Comnuniste Indochinois - PCSPCSPCS : Professions et Catégories Socioprofessionnelles - RNRNRN : Révolution Nationale - RSTRSTRST : Résidence Supérieure au Tonkin - RSTRSTRST-RST ---NFNFNFNF : Résidence Supérieure au Tonkin- Nouveau Fonds

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Résumé de la Thèse

Titre : " Hanoi et Haiphong au contact de la colonisation. Structuration et restructuration de la société urbaine en Indochine française (1887-1945) : le cas de Hanoi et de Haiphong " OKADA Tomokazu

Cette thèse tente d’étudier la structure sociale des villes coloniales en Indochine française. Il s’agit d’une étude sur l’histoire de l’influence de la colonisation sur la société et les habitants urbains au Viêtnam, en prenant principalement le cas de Hanoi et Haiphong dans la première moitié du XX e siècle. Aprés avoir bien examiné la méthode, la politique et l’organisation de la colonisation de l’Indochine, nous mettons d’abord les questions comme suit : comment les villes de Hanoi et Haiphong ont-elles été construites ? ; À quels problèmes ont-elles fait face dans les processus de sa formation et son développement ? Ensuite, nous avons jeté un regard sur les habitants à la ville coloniale de Hanoi en remarquant la répartition géographique et démographique des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS), notamment des petits commerçants-artisans. Les cadres indochinois auraient peut-être mieux exploités surtout en ce qui concerne le salaire et niveau de vie à la veille de l'indépendance. De cela, on pourra relever certaines caractéristiques de la structure sociale et de la stratification sociale de la ville coloniale de Hanoi. À ce propos, nous analysons le mouvement social dans le contexte mondial de la crise économique après 1930 et l’application du réglementation général du travail en Indochine de 1936, en mettant en scène une grève des ouvriers déclenchée à Hanoi en 1937, qui a permis d’exécuter la politique sociale au même niveau que la métropole. En conclusion, cette grève "légale" a eu pour résultat une création de « nouveaux réseaux sociaux indigènes » en regroupant les patrons et les ouvriers par même profession au Nord-Viêtnam.

MotsMots----clésclésclésclés : colonisation, Indochine française, Hanoi, Haiphong, ville coloniale, urbanisme colonial, société coloniale, PCS, grève ouvrier, mouvement social

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Abstract

Title : " Hanoi and Haiphong in contact with the Colonization. Structuring and Restructuring of the Urban Society in (1887-1945) : The case of Hanoi and Haiphong ". OKADA Tomokazu

This Thesis examines the social structure of colonial cities in French Indochina, which means that it aimes to reveal link between the colonial system and the colonial society. But we’re talking about a study of history of the influence of colonization on society and urban inhabitants in . Therefor it will take the case of Hanoi and Haiphong during the first half of the twentieth century. After examining method, policy and organization of the Indochinese colonization, we ask some questions as follows : how Hanoi was built ; what problem this city was faced with in the process of its formation and development. This subject will be treated from a comparative perspective with one of the most principal city in Vietnam : Haiphong. Then, we are intersted in the inhabitants of colonial city Hanoi pointing out the geographic distribution of "professions et catégories socioprofessionnelles" (PCS : professions and social-occupational categories). The best part of this research is characterized by demography of new PCS, especially of small marchants and craftmen. From such approach, we extract some caracteristics of social structure and social stratification of colonial city Hanoi. In this connection, we analyze, moreover, social movement in the worldwide contexte of economic crisis after 1930 and application of labour law of Indochina in 1936, directing labour strike broke out at Hanoi in 1937, only which allowed exercise the social policy at the same level as metropolitain France. In conclusion, this "legal" strike had the effect of creating « a new indigenous social network » grouping management and workers into same professions in North-Vietnam.

KeyKeyKeywordsKey words : colonization, french Indochina, Hanoi, Haiphong, colonial city, colonial urbanism, colonial society, labour strike, social movement

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Table des matières

Remerciements ...... 2 Avertissement ...... 3 AbréviationsAbréviations...... 4 Résumé de la thèsethèse...... 5 Abstract (Résumé de la thèse en anglais)...... 6 Table des mamatièrestièrestières...... 7

Introduction ...... 10

Première partie :

L’impact de la colonicolonisationsation sur la société indochinoise ...... 19

Chapitre ⅠⅠⅠ. Encadrement géographique, culturel et géopolitiquegéopolitique de l’Indochine...... 20l’Indochine 1. Un État indochinois imaginaire ?...... 20 2. Figures imaginaires de l’Indochine par les Gouverneurs généraux...... 22 3. Les communautés vietnamiennes en Indochine………………………..…………...... 24 a. De l’aspect géographique ...... 24 b. De l’aspect linguistique ...... 25 Chapitre ⅡⅡⅡ. LLLaLa formation de l’élite urbaine indochinoiseindochinoise...... 28 1. Le but de l’enseignement colonial...... 28 2. La pénétration de l’enseignement moderne en Indochine...... 30 3. Le changement épistémologique par la scolarisation...... 32 4. L’élite indochinoise...... 34 Chapitre ⅢⅢⅢ. La formation de fonctionnaires indochinoisindochinois...... 37 1. La politique de l’emploi public en Indochine…………………..………………….……...37 2. Les conditions d’accès à l’emploi public………………………………..…….…………....39 3. Salaire et indemnité...... 41 4. Carrières, durées et lieux au service……………………………………..……………...... 44 5. L’effectif et le recrutement des fonctionnaires vietnamiens……………..……....….....50 Chapitre ⅣⅣⅣ. L’insertion professionnelle dans la société colonialecoloniale...... coloniale ...... 52 1. Les positions sociales des fonctionnaires vietnamiens...... 52 2. La "dissémination " des intellectuels vietnamiens...... 55 3. Les écoles privées de Hanoi (1916-1943)...... 58 4. Les étudiants : une classe mobile...... 62

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Deuxième Partie :

Transformation de Hanoi (1887(1887----1930)1930) ...... 64

Chapitre ⅠⅠⅠ. La construction de Hanoi en tant que ville colonialcolonialeee………...... 65 1. Le statut juridique...... 65 2. Les municipalités...... 69 3. La division administrative et la population...... 72 Chapitre ⅡⅡⅡ. L’urbanisme colonial de HanoiHanoi...... 79 1. La première architecture coloniale en Indochine...... 79 2. La démolition de la citadelle de Hanoi...... 82 3. L’assainissement des eaux...... 85 4. L’embellissement de la ville coloniale...... 90 5. L’urbanisme d’Ernest Hébrard (1923-1928)...... 93 a. Saigon et Hanoi ...... 93 b. Haiphong ...... 99 Chapitre ⅢⅢⅢ. LLLaLa vie coloniale de HanoiHanoi……………………………………...... 106 1. Le développement des moyens de transport...... 106 2. L’extension de la ville de Hanoi...... 109 3. Les monuments historiques...... 114 4. Les quartiers de plaisirs...... 117

Troisième Partie :

««« La division du travail social » dans Hanoi (1930(1930----1945)1945) ...... 120

Chapitre ⅠⅠⅠ... Le milieu socioprofessionnel ...... 122 1. Phườ ng et l’administration du commerce de Hanoi...... 122 2. Les commerçant de Hanoi dans les années 1930...... 127 a. Les sociétés commerciales ...... 127 b. Les petits commerçants européens et étrangers ...... 132 3. Les PCS des petits commerçants-artisans vietnamiens en 1936...... 134 a. Le moyen d’analyse ...... 135 b. La répartition géographique et professionnelle ...... 140 c. Diverses situations par quartier ...... 142 4. Un essai d’analyse comparative avec les commerçants de Haiphong en 1936...... 144 a. Les grands et moyens commerçants de Haiphong ...... 145 b. Les petits commerçants de Haiphong ...... 147 Chapitre ⅡⅡⅡ. Nouvelles règles du jeu dans la société urbaine colonialecoloniale...... coloniale ...... 155 1.Électeurs vietnamiens de Hanoi (1929 à 1940)...... 155

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a. Les caractéristiques des électeurs de Hanoi ...... 156 b. Âge et profession des électeurs vietnamiens de Hanoi en 1929 ...... 159 c. La continuité du droit électoral ...... 160 d. Analyse comparative aux listes électorales de Haiphong ...... 162 2. Travail et ouvrier dans les années 1920-1930...... 163 a. La position sociale des petits commerçants ...... 163 b. Les situations des ouvriers ...... 165 3. L’introduction des lois sociales...... 170 a. Les salaires des ouvriers ...... 170 b. La synchronisation avec le Front populaire ...... 175 c. L’arrivée de Justin Godart à Hanoi ...... 177 Chapitre ⅢⅢⅢ. LaLaLa solidarsolidariiiitété liée auauxxxx mouvementmouvementssss sociauxsociaux...... 179 1. Les grèves de 1937 à Hanoi...... 180 2. Grèves diverses par profession...... 183 a. Grèves des tailleurs, chapeliers et brodeurs ...... 183 b. Grèves des coolies poussepousse et marchandes au Grand Marché ...... 186 c. Grèves des scieurs de long ...... 189 d. Grèves à Haiphong en 1937...... 191 3. Les acteurs du mouvement de grèves...... 194 a. Les Communistes ...... 195 b. Les journalistes ...... 200 c. Les conseillers municipaux ...... 203 d. La jeunesse...... 207 Chapitre ⅣⅣⅣ. Vers une société « contemporain » (193(1937777----1945)1945) ??...... 210 1. La Commission d’enquête dans les territoires d’outre-mer……...... 210 2. Liberté de l’Association professionnelle...... 214 3. L’insertion sociale des pauvres par l’amélioration de l’habitat...... 221 4. L’urbanisme de 1940 à 1945...... 230 a. L’urbanisme moderne à Haiphong ...... 231 b. L’effet de l’urbanisme colonial au Viêtnam ...... 236

En guise de Conclusion ...... 241

Annexe ...... 248 LesLesLes sources ...... 300 Table des cartes, plans, tableaux, graphiques et clichésclichés...... 310 Index ...... 315

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Introduction

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Cette étude s’inscrit dans la continuité d’un mémoire de Master 2 Recherche en Sociologie présenté à l’Université de Provence en 2007 et l’article publié en japonais (Shigaku-Zasshi) publié en Juin 2010 1. Ces deux travaux ont eu pour but de mettre en lumière « le lien entre le système colonial et la société coloniale » en Indochine française, autrement dit, « l’influence de la colonisation sur la société indochinoise », en traitant deux sujets : l’enseignement colonial et la formation des fonctionnaires vietnamiens. Il est clair que ces deux organes ont agit en complémentarité et respectivement sur les systèmes politiques, administratifs et sociaux d’Indochine, car ils concernaient la doctrine coloniale de la France, la principe du gouvernement de l’Indochine et la création d’une nouvelle entité politique. Les fonctionnaires vietnamiens formés à l’école coloniale devinrent la nouvelle élite indochinoise qui s’est inséré dans le monde (le système) colonial. Il ne faut pas les considérer comme de simples auxiliaires administratifs, parce qu’ils ont formé une couche « spéciale » autorisée à intervenir plus ou moins dans l’amélioration du système colonial ou directement dans la restructuration de la société indigène. La question de leur position et de leur rôle mérite réflexion non seulement dans le contexte du monde indochinois mais aussi dans celui de l’ensemble de l’Empire colonial français. Les travaux antérieurs ayant traité cette question n’ont porté que sur les systèmes coloniaux de l’Indochine, c’est-à-dire, concrètement, les services du gouvernement général de l’Indochine représentant des pleins pouvoirs de la France. En outre, les élites indigènes, soit fonctionnaires, soit étudiants et licenciés, n’étaient toujours qu’une couche sociale « trop peu nombreuse ». Nous posons donc cette question : Qui ou qu’est-ce qui a réellement noué « le lien entre le système colonial et la société coloniale » ? Pour répondre à cette question, il faut examiner d’autres classes sociales. De même, l’approche doit être microsociologique en opposition à celles utilisées dans les études du système colonial dans lesquelles on peut difficilement connaitre les conditions réelles de la société coloniale. Comment doit-on le faire ? Il conviendrait de traiter une ou deux villes dans laquelle divers mécanismes coloniaux sont condensés. C’est pourquoi nous avons choisi la ville coloniale de Hanoi. Cette étude essaye d’entrer dans une nouvelle phase afin de surmonter les problèmes des travaux précédents, avec cependant, l’exclusion du monde rural du cadre de cette étude.

1 OKADA Tomokazu, L’insertion professionnelle des Vietnamiens formés dans les écoles coloniales en Indochine (1900-1940) , Mémoire de Master 2 Recherche en Sociologie, Université de Provence Aix-Marseille Ⅰ, Aix-en-provence, septembre 2007 ; "フランス植民地帝国における現地人官吏制度― インドシナを事例に―" (The French colonial empire’s native civil service system : The case of Indochina), « 史学雑誌 » (Shigaku-Zasshi) , No.6, Jun.2010, 史学会 (The historical Society of Japan), Tokyo, pp.1-34.

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Une nouvelle problématique ––– QQQuQuuueeeellelle était la ville coloniale de Hanoi ? En 1997, le septième sommet de la Francophonie a eu lieu à Hanoi, capitale du Viêtnam. On trouverait étrange que le Viêtnam se donne pour un pays francophone bien qu’il se soit libéré de la colonisation française après une lutte acharnée. Certes, nous pouvons voir partout l’héritage historique et culturel de la colonisation au Viêtnam aujourd’hui. Les activités pour le conserver s’animent. Mais la Francophonie ne se réduit pas aux héritages matériels. Revendiquant aussi des héritages immatériels comme l’idée, le mode de vie et la relation humaine dans l’époque coloniale, le Viêtnam a pu oser se prétendre Francophone, en particulier la société urbaine. Quels étaient ces héritages ? Comment les a-t-on créés et acceptés ? Le but de cette étude est de mettre en lumière l’impact que de la colonisation française a eu sur la société et les habitants urbains au Viêtnam, en prenant principalement le cas de Hanoi dans la première moitié du XX e siècle.

Th ạch Lam , un romancier vietnamien, écrit dans la préface d’un essai "Hanoi aux trente-six quartiers ", paru en 1943, comme suit : « (….) nous aimons Hanoi avec l’esprit de ceux qui y habitent, comme les vrais Parisiens aiment Paris. Au cours de nos flâneries dans les rues de la ville – c’est un plaisir incomparable que seuls les Hanoïens savent apprécier–, nous devons porter notre attention aux changements intervenus dans la cité, observer les beautés comme les laideurs de ses rues et de ses quartiers, nous imprégner des scènes de la vie quotidienne afin de partager les joies et les peines de ses habitants qui sont aussi des gens comme nous » 2. Ce qu’il a tenté de représenter n’était pas une espèce de statut inégal dont les Vietnamiens ont eu à souffrir sous le régime colonial, mais un aspect, plutôt positif, de l’identité hanoïenne formée dans la période française. Il avait ses raisons pour parler avec fierté et optimisme des qualités spécifiques de Hanoi. Car Hanoi avait formé une société unique qu’on ne trouve pas dans les autres villes comme Saigon et Haiphong. Il y a une longue histoire de la prospérité en tant que ville royale depuis IX e siècle, comme en témoignent les anciens pagodes, temples et stèles et les quartiers commerciaux caractéristiques où une même profession caractérisait une rue entière. Au cas où l’on examinerait l’effet donné par la colonisation sur la ville, Hanoi peut être une matière d’analyse très intéressante à l’égard de la différence entre le neuf et le vieux. L’identité propre à Hanoi d’alors est née de leur opposition, conciliation et fusion.

2 Th ạch Lam, Ha ̀ Nội B ăm S ău Ph ố Ph ườ ng , paru en 1943, in Nhà xu ất b ản v ăn hóa-Thông tin, Hà N ội, 2000, Traduit en français, Hanoi aux trente-six quartiers, Les Éditions de la Frémillerie, Paris, 2009, p.17.

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Hanoi n’était pas la vieille ville coloniale d’un « type fortifié » comme Batavia (=) et Manille gouvernés par les Pays-Bas et l’Espagne, ni la ville totalement planifiée comme Culcutta en Inde ou Malacca et Singapour des Établissements des détroits dans les colonies britanniques, mais elle était un type de ville coloniale qu’on rencontre en Asie de l’Est, c’est-à-dire, comme Shanghai, et Shenyang dans lesquelles « une concession a été construite à la périphérie de la ville traditionnelle, et avec son développement, se sont fondues de force égale anciennes et nouvelles villes » 3. Par ailleurs, Hanoi a été formée comme une ville coloniale particulièrement française comme celles d’Afrique du Nord dont les anciens et nouveaux quartiers se touchaient. Cependant, toutes les villes coloniales n’étaient pas forcément pareilles. Si l’on jette un regard sur les autres villes au Viêtnam, on trouverait des cas très variés sur ce même territoire de l’Indochine française. Ces différences locales expliquent que l’époque coloniale française a été considérée comme une histoire hétérogène et n’a pas été écrite comme une histoire unique de l’Indochine française. Il est inutile de saisir uniformément l’Indochine dont la France a possédé le seul grand territoire en Asie de l’Extrême-Orient. Par exemple, l’autorité indochinoise avait différentes politiques d’enseignement et d’hygiène selon les régions, leurs particularités et leurs cultures 4. Remarquer la ville d’Indochine française n’est donc rien d’autre que saisir les conjonctures de chaque région ou pays de l’Union indochinoise composée en 1887 d’une colonie de Cochinchine, quatre Protectorats de l’Annam, du Tonkin, du Laos, du Cambodge et un Territoire Kouang-Tchéou-Wan, et encore que projeter la situation en Asie de l’Extême-Orient dans la première moitié du XX e siècle. C’est, autrement dit, de mettre en question comment « un État colonial indochinois » a survécu pendant à peu près soixante ans 5. C’était Hanoi, entre autres, capitale de l’Indochine française et une des plus importantes villes en Asie qui a représenté le courant de l’époque.

Le site de Hanoi à l’époque coloniale française se caractérise par des constructions

3 劉建輝 (Liu Jianhui), « 受け継がれる帝国の記憶:大連近代都市の成立とその変遷 (Inherited memory of the Empire : Formation and change of the modern city Dalian) », in Urban Morphology and the History of Civilization in East Asia , International Research Center for Japanese Studies, 2002, pp.285-291. 4 Voir les monographies parues après les années 1990 : Trinh Van Thao, L’école française en Indochine , Karthala, Paris, 1995 ; Patrice Morlat, Les affaires politiques de l’Indochine (1895-1923) , Harmattan, Paris, 1995 ; Pascale Bezançon, Un enseignement colonial : L’expérience française en Indochine (1860-1945) , Thèse, Presses universitaires du Septentrion, Paris, 1997 ; Laurence Monnais-Lousselot, Médecine et colonisation : L’aventure indochinoise (1860-1939) , CNRS Éditions, Paris, 1999. 5 Patrice Morlat dit « le gouvernement général représentant une nouvelle entité politique voire étatique coloniale qui se positionne en relais entre des territoires colonisés, des États sous protectorat et une métropole ». Patrice Morlat, Indochine – Année vimgt : Le rendez-vous manqué (1918-1928) , Indes savantes, Paris, 2005, p.28.

13 du « style indochinois ». Celui-ci est une architecture, tentant une synthèse entre Orient et Occident, d’un style régional tropical, syncrétisme inspiré de l’architecture locale et d’éléments d’architecture asiatique en général. Dans la cité, on a vu autour de la pagode de style chinois les mansardes dans le gout oriental, les façades occidentales de la boutique vietnamienne et les villas ocres provençales particulières à la région tropicale. Ainsi, Hanoi est devenue une ville hybride ayant à la fois la splendeur de la ville européenne et l’ambiance de la ville traditionnelle d’Asie. Hanoi en construction avait à sa base plusieurs communautés villageoises constituant une sorte de corporation ( 坊 : ph ườ ng ) dans la cité formée depuis le IX e siècle à côté de la citadelle. Puis elle s’est urbanisée par un passage, comme le dit Philippe Papin 6, « des villages dans la ville aux villages urbains » sous la dynastie des Nguy ễn en 1802 où le nom de ville a été changé de Th ăng Long (昇龍 ) en Hà N ội (河内 ) connue actuellement. Il est certain que le Hanoi postérieur au XIX e siècle était une ville coloniale construite par l’autorité coloniale. Mais on ne peut pas expliquer les processus de formation uniquement par un espace créé par l’autorité coloniale. Il est nécessaire de porter notre regard vers la forme et la société de la ville ancienne et de comprendre la formation d’un espace qui engage les habitants ordinaires 7.

Par ailleurs, même s’il était moins fort que celui de l’Angleterre, le régime suzerain qui couvre l’Indochine a plus ou moins eu une influence sur les processus de formation de la ville coloniale, alors qu’on voit s’affirmer l’hégémonie de l’Empire. Il ne faut pas négliger le rapport entre l’histoire de la métropole française et l’histoire de la colonie afin de comprendre un changement brusque de la société urbaine de Hanoi dans cette période-ci. Il y a eu une grande influence sur l’Indochine surtout sous le gouvernement du Front populaire en 1936 et le Régime de Vichy durant l’occupation allemande en France et japonaise en Indochine (1940-44) 8. Nous voulons voir les réalités de Hanoi dans un cadre géopolitique plus grand unissant les conjonctures historiques de chaque

6 Philippe Papin, Des villages dans la ville aux villages urbains, l’espace et les formes du pouvoir à Hà-Nội de 1805 à 1940, thèse, Université de Paris Ⅶ, 1997. 7 Cf. Les études sur la ville d’autres colonies : Elizabeth Sinn, Power and charity – A chinese merchant elite in colonial , Hong Kong University Press, Hong Kong, 2003 ; Brenda S.A. Yeoh, Contesting space in colonial . Power relations and the urban built environment , Singapore University Press, Singapore, 2003. 8 Cf., P.Brocheux, W.J.Duiker, C.Hesse d’Alzon, P.Isoart et M.Shiraishi, L’Indochine française, 1940-1945, Presse Universitaires de France, Paris, 1982 ; 難波ちづる (NAMBA Chizuru), "ヴィシー 期・フランスの帝国的結合政策とインドシナの復権 (La politique de l’unité impériale sous le régime de Vichy et le rétablissement de l’Indochine) ", «三田学会雑誌 (Mita journal of Economics )», n˚93-2, Tokyo, 2000 ; 立川京一 (TACHIKAWA Kyoichi), « 第二次世界大戦とフランス領インドシナ:「日仏協力」の研究 (Relations franco-japonaises en Indochine pendant la deuxième guerre mondiale) », 彩流社 (Éd. Saïryusha), Tokyo, 2000.

14 pays. De cela, on pourra avoir plus précisément et sous tous ses aspects l’image de « la ville coloniale Hanoi » en Indochine française.

La méthode Il est indispensable de distinguer trois points de vue, « la suzeraineté », «l’autorité coloniale » et « la société coloniale », pour élucider la formation de Hanoi en tant que ville coloniale. Ainsi pour la composition d’une thèse, on posera « quatre questions (parties) » comme suit :

- 1ère partie : La colonisation et l’État indochinois - 2ème partie : Hanoi sous les aspects de la colonisation. - 3ème partie-a : La structure sociale de Hanoi. - 3ème partie-b : L’identité de la ville et l’habitant de Hanoi

La première partie examinera la méthode, la politique et l’organisation de la colonisation de l’Indochine dirigées par le gouvernement français et le gouvernement général et leurs impacts sur la société indochinoise. La deuxième partie mettra les questions comme suit : comment la ville de Hanoi a-t-elle été construite ; À quels problèmes a-t-elle fait face dans les processus de sa formation et son développement. À la troisième partie, nous jetons un regard sur les habitants à la ville coloniale de Hanoi. Remarquons la répartition géographique des catégories socioprofessionnelles des habitants, notamment les petits commerçants et les artisans. De cela, on pourra relever certaines caractéristiques par quartier et rue 9. Il s’agit ici de la structure sociale et la stratification sociale de la ville coloniale de Hanoi. À ce propos, en troisième partie, nous analysons le mouvement social dans le contexte mondial de la crise économique après 1930 en mettant en scène une grève des ouvriers déclenchée à Hanoi en 1937. Il convient d’expliquer encore un point important de la troisième partie. Ce mouvement de grève des ouvriers de 1937 (plus exactement grèves intermittentes de la fin 1936 à vers mars 1937) est considéré au Viêtnam comme un tournant du mouvement de la lutte pour la démocratisation. Selon l’idée du Parti Communiste (PC), à ce moment, « le prestige et l’influence de notre Partie a pénétré largement et profondément dans le peuple » 10 . En fait, ces grèves de 1937 dirigées par le PC sont devenues un des plus

9 Cette méthode rappelle «l’urbanisme du Way of life» de Louis Wirth, « Urbanism as a Way of Life », American Journal of Sociology , XLIV, 1938, pp.1-24. 10 Cité par un « livre scolaire de l’histoire pour 9ème année du Lycée au Viêt Nam » : Phan Ng ọc Liên, Tr ưong H ũu Quýnh, Đinh Ng ọc Bào and Nguy ễn S ĩ Qu ế, Lic ḥ S ừ 9 (Tái bàn l ần th ứ ba) , Nhà xu ất b ản Giáo d ục,

15 grands mouvements politiques à la suite de l’échec d’un mouvement Xô Vi ết (Soviet) Ngh ệ Tĩnh qui a incité les paysans à l’insurrection en 1930-31. Les grèves ont eu lieu en même temps dans les villes de Saigon, Namdinh et Haiphong en 1937. À propos de ce mouvement, une seule étude existe dans laquelle Daniel Hémery traite du cas de Saigon avec les militants du Parti Communiste Indochinois (PCI) et les intellectuels trotskystes qui ont organisé la grève en publiant un journal écrit en français : "La Lutte "11 . Il attache de l’importance à cette grève surtout dans le contexte historique du mouvement révolutionnaire vietnamien. Le mouvement de grève de 1937 a des relations étroites avec les questions du mouvement de l’indépendance et de la création d’un État-nation en Indochine après 1940 12 . Cependant, dans ce mémoire, nous nous intéresserons non seulement à une partie des révolutionnaires mais aussi à des acteurs de classes plus diverses 13 . Nous partageons le point de vue exprimé dans les études de l’histoire du Viêtnam de ces dernières années, tentant de reconnaitre l’existence de « divers nationalismes » pour surmonter une image de l’histoire écrite uniquement par l’activité du PC et du Viêt-Minh ou par le « vrai nationalisme (tinh th ần ái qu ốc chính th ống ) » 14 . Cette grève avait un caractère singulier. Les employés et les ouvriers des Magasins et Ateliers à Hanoi ont lancé une grève simultanément, le même jour et à la même heure, en se solidarisant respectivement et en s’organisant par la profession. La grève des ouvriers en ville coloniale éclate en général dans une grande usine ou dans des mines, et dans la plupart des cas, elle est dirigée par les syndicats. Cependant, à Hanoi, des ouvriers qui ne se connaissaient pas les uns les autres ont montré tout à coup leur solidarité à la grève. Pourquoi se sont-ils solidarisés dans une même profession ? Pourquoi était-il possible de faire cela ? Pour répondre à cette question, il faut saisir la structure sociale de Hanoi au point de vue de l’histoire sociale, poursuivre ses réalités sociales comme un style de vie et un principe de comportement des habitants. Cependant, ce que nous allons dire semble paradoxal, il est indispensable d’autre part d’entreprendre une approche macrosociologique. Le but de ce mouvement de grève était de revendiquer l’amélioration du statut de toute la classe ouvrière, soit à la métropole,

2005, traduit en japonais par IMAI Akio, Édition d’Akashishoten, 2008, p.629. 11 Daniel Hémery, Révolutionnaires vietnamiens et pouvoir colonial en Indochine : communistes, trotskystes, nationalistes à Saigon de 1932 à 1937 , François Maspero, Paris, 1975, pp.333-375. 12 Cf., D.Hémery, op.cit ., 1975 ; Ho Chi Minh de l’Indochine au Vietnam , Gallimard, Paris, 1990 ; Benoît de Tréglodé, Héros et révolution au Viêt Nam 1948-1964, Harmattan, Paris, 2001. 13 Dans ce domaine d’études, Trinh Van Thao, Vietnam du confucianisme au communisme , Harmattan, Paris, 1990 ; Les compagnons de route de Hô Chi Minh : Histoire d’un engagement intellectuel au Viêt-nam , Karthala, Paris, 2004 ; Christopher E.Goscha et B.de Tréglodé (eds.), Naissance d’un État-Parti. Le Viêt Nam depuis 1945 , les Indes savantes, Paris, 2004. 14 Dươ ng Trung Qu ốc, "Cách m ạng tháng Tám 1945 : tự hi ện th ực dân nh ận th ực", Nghiên c ứu Lịch S ừ, so.4-1990.

16 soit à la colonie, et en outre il s’inscrit dans le contexte mondial à cette époque-là. L’identité de la ville et l’habitant de Hanoi a été formée dans les conjonctures mondiales. Cette étude s’étendra son champ de recherche sur une grande étendue de l’histoire de la colonie et de l’Empire Français et de l’histoire des villes coloniales en Asie, etc.... C’est à cette condition, qu’il sera possible de voir l’Indochine française sous un angle neuf 15 . Cette étude traitera dans une optique comparatiste, en plus de Hanoi (et Saigon), d’une ville la plus principale au nord du Vietnam : Haiphong.

LLLesLes archives Quant aux études précédentes sur les villes d’Indochine française, l’étude de l’urbanisme colonial inspiré par l’École de Chicago (sociologie) a traité des villes en Indochine dans les années 1990 aux États-Unis 16 , tandis que des chercheur(e)s français(es) ont commencé à jeter un regard sur « l’époque coloniale dans l’histoire du Viêtnam »17 . En plus, il y a des études sur la formation des villes de Hanoi et Saigon () entre autres dans les domaines de la sociologie urbaine et de l’architecture 18 . Cependant elles sont peu nombreuses et n’arrivent pas au niveau d’une approche totale de l’histoire sociale. On voit une certaine accumulation d’études historiques qui ont traité l’époque postérieure à la seconde guerre mondiale, tandis que l’époque de l’entre deux guerres était pour ainsi dire un blanc. Ce qui nous importe, c’est de mettre en valeur beaucoup d’archives inconnues. Donc, cette étude se base principalement sur celles-ci qui ont été conservées au Centre des Archives nationales d’Outre-Mer (CAOM) 19 et au Centre des Archives Nationales du Viêtnam n˚1 de Hanoi (ANV-H) : en vietnamien, Trung tâm Lưu Trữ Quốc Gia Ⅰ-Hà N ội 20 , dont les Fonds ministériels des Colonies, du Gouvernement Général de l’Indochine (GGI), de la Résidence Supérieure au Tonkin (RST), de la Municipalité de Hanoi, etc....

15 L’étude d’histoire générale de l’Indochine française ne se concrétise pas après Pierre Brocheux et Daniel Hémery, Indochine : la colonisation ambiguë 1858-1954 , la découverte, Paris, 2001. 16 Gwendolyn Wright, The politics of design in French colonial urbanisme, The University of Chicago Press, Chicago and London, 1991, pp.161-234. 17 Il y a une grande étude unique pour l’histoire coloniale de Hanoi : Philippe Papin, Des villages dans la ville aux villages urbains, l’espace et les formes du pouvoir à Hà-Nội de 1805 à 1940, thèse, Université de Paris Ⅶ, 1997 . L’autre la narre fragmentairement comme une scène dand l’histoire moderne du Viêtnam. Par exemple, Georges Boudarel et Nguyên Van Ky, Hanoi 1936-1996. Du Drapeau rouge au billet vert , Édition autrement, Paris, 1997, pp.19-82 ; P.Papin, Histoire de Hanoi, Fayard, Paris, 2001 pp.211-290 ; 18 Pierre Clément et Nathalie Lancret (éds.), Hanoï – Le cycle des métamorphoses ; Formes architecturales et urbaines , Iparus et Éditions Recherches, Paris, 2001 ; René Parenteau (éd,), Habitats et environement urbain au Viêt-nam : Hanoi et Hô Chi Minh-ville , Karthala, Paris et Ottawa, 1997. 19 29 Chemin du moulin de Testa 13090, Aix-en-Provence, France. 20 Số 18 đường Trung Yên 1-ph ường Yên Hoà- Cầu Gi ấy, Hà N ội, Vi ệt Nam.

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Mais quelles archives sont disponibles ? Comme il s’agit de savoir les conditions réelles de la vie quotidienne des habitants dans la société coloniale, il serait nécessaire de voir les archives de quelques enquêtes sociales, soit publiques, soit privées. À Hanoi, les recensements sont organisés par l’autorité indochinoise depuis 1890. Aujourd’hui, on peut trouver seulement les archives des statistiques grosses de la population dans les Fonds du gouvernement général de l’Indochine, c’est-à-dire, conservés au CAOM en France, toutefois il existe, d’autre part, dans les fonds de la Mairie de Hanoi au ANV-H du Viêtnam, un peu de d’archives administratives relatives aux recensements de Hanoi entre 1890 et 1945. Elles nous font connaitre des informations utilisables non seulement sur le nombre de familles, mais aussi la répartition des professions et des richesses des habitants de Hanoi. Cependant ce n’est pas suffisant. De plus, il convient de les compléter par les dossiers administratifs plus riches, comme des listes commerçantes ou électorales sur lesquelles figurent le nom, l’adresse, la profession et la catégorie de la patente des habitants d’Hanoi, conservées dans la Résidence supérieure au Tonkin. Celle-ci contrôlait également le Service de la Sûreté au Tonkin qui a laissé beaucoup de dossiers policiers concernant les grèves et les associations professionnelles à Hanoi. Avec ces archives, nous pouvons arriver à saisir une partie des conditions réelles de la société coloniale de Hanoi dans la première moitié du XX e siècle.

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Première partie : L’impact de la colonisation sur la société indochinoise

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Chapitre ⅠⅠⅠ. Encadrement géographique, culturel et géopolitique de l’Indochine 1

Qu’est-ce que l’Indochine française ? On peut difficilement expliquer son statut politico-administratif. Pour bien le saisir, il faut au moins aborder trois points de vue: celui de métropole, celui de colonisateur et celui de colonisé ; c’est-à-dire, les statuts qui appartiennent respectivement à la République française, au Gouvernement général de l’Indochine et aux pays protégés (des royaumes colonisés). Chacun avait son système « étatique », mais en même temps il était englobé dans l’Empire colonial français. Cela a eu des conséquences sur les questions de la doctrine coloniale, la méthode de la colonisation, la systématisation coloniale, l’application des lois métropolitaines et leur impact sur la société coloniale. Nous les examinerons tout d’abord, avant de faire une analyse de la ville de Hanoi.

111.1. Un État indochinois imaginaire ? Pour commencer, nous voudrions rapidement présenter une vue d’ensemble du développement de la colonisation au Vietnam. D’abord la Cochinchine (Sud-Viêtnam) a été colonisée en 1867. Ensuite, l’Annam et le Tonkin (Centre et Nord-Viêtnam) sont devenus des Protectorats français en 1884. Les trois pays du Viêtnam, et le Cambodge déjà occupé à partir de 1863, ont participé à l’Union indochinoise en 1887, puis le territoire de 1300 km² de Kouang-Tchéou-Wan en 1898 et le Laos en 1899. La France a installé pendant un moment un organe d’administration civile à Saigon pour unifier la Cochinchine et les deux autres pays qui étaient sous la double tutelle du Ministère de la Marine et du Ministère des affaires étrangères, et qui a été transféré un peu plus tard à Hanoi en 1902 comme un organe de gouvernement : le Gouvernement général de l’Indochine (GGI). Pour l’Empire colonial de la France, la création des Gouvernements généraux était une rationalisation administrative entre la métropole et ses colonies et, aussi une mesure en réaction contre la politique d’assimilation et la crainte d’une centralisation excessive appliquée avant 1900. Les considérations financières jouent d’ailleurs de plus en plus en faveur de la décentralisation et expliquent que la loi de finances du 13 avril

1 Ce chapitre se base sur les chapitres Ⅰet Ⅱin Okada Tomokazu, L’insertion professionnelle des Vietnamiens formés dans les écoles coloniales en Indochine (1900-1940) , Mémoire de Master 2 Recherche sous la direction de Trinh Van Thao, Département de Sociologie de l’Université de Provence Aix-Marseille1, 2007, pp.6-21.

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1900 accorde aux colonies une certaine autonomie financière 2. Mais, tout d’abord, le GGI était le dépositaire des pouvoirs de la République en Indochine. Il a promulgué et publié les lois et décrets. Il a eu certains pouvoirs diplomatiques et a correspondu avec les représentants diplomatiques et consulaires de France en Extrême-Orient. Et il a exercé des pouvoirs de haute police et assuré la haute direction et le contrôle du fonctionnement des services publics 3. Il a pu ainsi avoir sa propre organisation aussi que sa propre doctrine coloniale pour administrer son territoire. Autrement dit, l’Indochine française était véritablement comme un État colonial ayant des structures étatiques avec pour « noyau dur » un puissant appareil politico-administratif central (voir aussi Annexe 1 – Schéma 1 et 222)2 4. Patrice Morlat, dans son ouvrage, désigne la nature de l’Union indochinoise comme étant un «État colonial indochinois »5. Selon lui, d’un côté, le GGI représente une nouvelle entité politique voire étatique coloniale qui se positionne en relais entre des territoires colonisés, des États sous protectorat et une métropole plus ou moins lointaine. Il explique, de l’autre côté, que l’Indochine française, structurée par un gouvernement général, ne pouvait pas constituer à proprement parler un État nouveau. L’Union indochinoise se positionnait simplement en État colonial, c’est-à-dire en État relais d’un pouvoir métropolitain mais aussi en État doté de ses propres juridictions et de ses propres appareils de domination. Il semble utile d’appliquer cette notion d’État colonial pour appréhender schématiquement l’Indochine française car sa structure et ses rapports entre la métropole et les pays voisins en Asie de l’est sont très compliqués à cette époque. Si l’on imagine une entité étatique coloniale, cela nous permettra de donner de nouvelles perspectives analytiques, et nous pourrons ainsi examiner plus facilement la réalité du système politique, économique et sociale en faveur d’un État dirigé non seulement par les Français mais aussi par les Vietnamiens. Cela devrait faire apparaitre les orientations de l’État entre les différents acteurs ou/et les populations colonisés. C’est de ce décalage que l’Indochine a formé ses caractéristiques.

2 Xavier Yacono, Histoire de la colonisation française , presses universitaires de France, que sais-je ?, Paris, 1969, p.53. 3 Louis Rolland et Pierre Lampué, Précis de législation coloniale (Colonies, Algérie, Protectorats, Pays sous mandat) , Dalloz, Paris, 1940, p.383. 4 À double fonction : intégrer l’ensemble des structures politiques indochinoises au système étatique français, neutraliser les anciens États vietnamien, khmer et lao ainsi que les structures politiques des peuples montagnards et les convertir en appreils subalternes de contrôle des populations colonisées. P.Brocheux et D.Hémery, op.cit ., 1995, p.83. 5 P.Morlat, op.cit ., 2005, p.28.

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Carte 1 – Les étapes de la conquête de l’Indochine française

222.2. Figures imaginaimaginairesiresiresires de l’Indochine par les Gouverneurs généraux Pour faire face aux besoins d’une administration devenant de plus en plus étendue et complexe, Albert Sarraut, lors de son premier mandat de gouverneur général de 1911 à 1914, fut le pivot le plus actif du recrutement des indigènes dans la fonction publique. De fait, il a diminué de 51 les administrateurs français et de 45 les agents français dans l’organisme colonial en Indochine en faveur des indigènes, notamment les Annamites 6. Cette politique a par l’ironie du sort fini par envoyer de nombreux indochinois comme soldat ou ouvrier, soit cent mille personnes, au front d’Europe dans la Première Guerre mondiale. Mais il en résulte qu’un changement est apparu sur le principe de la politique coloniale en Indochine. Pendant son second mandat de 1916 à 1919, Sarraut a eu la conviction de l’importance de la mise en valeur des colonies et de la nécessité de la modernisation. Pour cela, il réfléchit sur à une certaine « autonomie » de la colonie. Son idée aboutit à une définition après la Première Guerre mondiale : « les colonies sont des États en devenir »7. Il dit dans son ouvrage de 1923 :

6 Définissons en principe des "Annamites " comme l’ensemble des "Vietnamiens ". 7 Patrice Morlat, La répression coloniale au Vietnam(1908-1940) , L’Harmattan, Paris, 1990, p.71.

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« L’autonomie administrative, ou mieux, la décentralisation, doit permettre à ces gouvernements locaux un plus libre soin d’organiser leur besogne, de façonner eux-mêmes leurs instruments de travail, de mieux hausser leur caractère au niveau de leur devoirs . »8

« (.....) le régime présentatif qui appelle des mandataires qualifiés des populations autochtones à collaborer régulièrement avec l’autorité française et à partager avec elle, devant l’opinion indigène, les responsabilités de la gestion du domaine commun . »9

Cette idée d’autonomie coloniale montre non seulement les devoirs et les droits pour le colonisateur mais aussi pour l’indigène. C’était un essai du régime de « collaboration » qui a permis aux Vietnamiens de participer au développement de l’Indochine et de leur pays. En 1920, Gouverneur général Maurice Long (mandat : 1919-1923), le successeur de Sarraut avait ainsi créé une Commission coloniale de la Cochinchine et une Commission du Protectorat comme un endroit d’autonomie politique où les indigènes se procuraient une nouvelle identité. Long déclara comme suit à la Chambre de commerce de Saigon en 1920 ;

« J’avais l’occasion de déclarer dernièrement à la Chambre de Commerce de Saigon ce qui n’était en somme qu’une vérité d’avenir, « l’Indochine n’est plus une colonie, c’est un État », « en voie de devenir », aurais-je pu ajouter. On prétend que les définitions sont périlleuses. Dans tous les cas, celle-ci a l’avantage de fournir une formule que j’estime heureuse de politique générale et que j’adopterais pour ma part bien volontiers. Elle indique très clairement un but et une fin à notre effort d’organisation dans tous les domaines de notre activité : la réalité étatique . »10

Il n’oubliait pas d’ajouter un principe de la doctrine coloniale : « les colonies ne sont faites que pour la métropole » : « Notre souci présent doit être de nous préparer, de parfaire notre organisation en vue du rôle grandiose qui, par un geste largement confiant de la métropole et sous haut contrôle, devra un jour être dévolu à ce pays indissolublement lié à la France ». Des gouverneurs successifs ont accepté une telle conception de l’État colonial. Par exemple, Alexandre Varenne (mandat : 1925-1927), dans son discours au Conseil général de l’Indochine en 1925, prévoit que la perspective

8 Albert Sarraut, La mise en valeur des colonies françaises , Payot, Paris, 1923, p.109. 9 Ibid ., p.105. 10 CH.Bénard de l’Infanterie Coloniale, Au service de l’Indochine L’oeuvre de Maurice Long (1919-1923) , Larose, Paris, 1931, pp.128-129.

23 d’avenir de l’Indochine aboutirait un jour à une forme étatique après le développement libéral par les indochinois eux-mêmes dans la paix perpétuelle, et que l’Indochine se libèrerait de l’influence de la France dans quinze ou vingt ans 11 . Sa prévision est devenue effectivement vrai, avec le destin ironique de l’indépendance du Nord-Viêtnam en 1945.

333.3. Les communautés vietnamiennes en Indochine a. De l’aspect géographique Le Viêtnam a acquis une « identité nationale » propre après qu’il se soit rendu indépendant de la Chine vers 10 ème siècle et ait agrandi son territoire jusqu’au sud de la péninsule indochinoise. Cette identité nationale était liée au fait que le Viêtnam lui-même se situe comme un propagateur de la civilisation universelle au centre du monde chinois. Elle s’est formée par l’affinage de l’identité de l’État du « Sud » (="Đạ i Nam ") contre l’État du « Nord » ( "l’empire chinois "). Mais le monde chinois universel est tombé en ruine par la domination de l’Angleterre en Chine au milieu de XIX e siècle. Et, un peu plus tard, la colonisation a conduit à former une nouvelle identité nationale au Vietnam, en étant séparé du monde chinois par le traité de Tianjin de 1885 par lequel la dynastie Qing ( 清) de la Chine a cédé à la France ; la puissance suzeraine de la dynastie Nguy ễn, en étant intégré dans le nouveau « système politique » de l’Indochine 12 . La colonisation a divisé le Vietnam en trois pays (Tonkin, Annnam, Cochinchine) et l’a englobé dans un espace nommé l’Indochine. L’identité de l’État du « Sud » a été remplacée par l’identité indochinoise. L’autorité coloniale en prend clairement conscience comme le montre, par exemple, Albert Sarraut qui essaye de fixer l’espace indochinoise par l’autonomisation de la colonie :

« ( .....) nous voulons parler de l’oeuvre de ‘’décentralisation’’ qui doit accorder aux Gouvernements de nos grandes possessions coloniales une plus large autonomie administrative et financière, un pouvoir d’initiative et d’action plus étendu, ayant pour contrepoids, à côté du contrôle ministériel et parlementaire fortement assuré, l’existence d’organismes locaux de représentation où des mandataires français et indigènes pourront à leur tour, dans des assemblées mixtes ou distinctes, mieux exercer

11 "L’Echo Annamite ", le 7 novembre 1925, cité par W.H.Frederic, Alexandre Varenne and Politics in Indochina 1925-1925, Aspects of Vietnamese history , University of Hawaii, 1973, p.116 et p.122. 12 古田元夫 (Furuta Motoo), « ベトナム人共産主義者の民族政策史:革命の中のエスニシティ » ( L’histoire de la politique nationale des communistes vietnamiens : l’ethnicité dans la révolution ), Ed.Otsuki-shoten, Tokyo, 1991, pp.69-70.

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leur attribution de collaboration et de contrôle. »13

Son idée était de positionner l’Union indochinoise au niveau international et de lui permettre d’avoir des relations économiques et diplomatiques avec les autres pays. Pour cela, l’Indochine a dû se suivre les principes dit de modernisation. Ainsi, Maurice Long examina le rôle que l’Union indochinoise devait être capable de jouer parmi les États de l’Extrême-Asie et déclara que « l’Indochine n’est plus une colonie, c’est un État ». Voici une image d’ « un État colonial indochinois ». Cependant, la majorité des Viêtnamiens ne conçoit pas l’identité indochinoise, et cela pour deux raisons. La première était les divisions administratives de l’espace indochinois en cinq pays, dont quatre Protectorats, et la Cochinchine, transformée en colonie de la France. En disant les mots comme, par exemple, « un de nos Protectorats » et « une caractéristique dans le Tonkin » ou plus précisément la province et les territoires militaires, les Français ont délimité la frontière des régions du Viêtnam. Et aussi, ce qu’ils appelaient « (le royaume de) l’Annam » désignent des différences « politiques » entre le centre et les deux autres régions. La seconde est une division par les hiérarchies ethniques qui existaient déjà auparavant : Cham et Khmers subjugués par les Vietnamiens, Lao et peuples montagnards admettant une protection, même distante, des Vietnamiens ; Chinois détenant un pouvoir économique non négligeable que la domination française n’a pas effacé, mais elle les a intégrées 14 . bbb.b. De l’aspect linguistique Au point de vue linguistique, le Viêtnam est sous l’influence du monde culturel chinois auquel il a emprunté pendant longtemps les caractères chinois, le chinois classique ou l’écriture démotique sino-vietnamienne (Ch ữ nôm) . Mais aujourd’hui, l’écriture officielle du Vietnam est fondée sur l’alphabet qu’on appelle le « Qu ốc ng ữ (langue nationale) », c’est-à-dire « le vietnamien ». Les caractères chinois ont décliné par l’intégration du Viêtnam dans les colonies française à la fin du XIX e siècle. Le français est imposé comme une langue officielle, tandis que le Qu ốc ng ữ, qui est devenu la langue vietnamienne contemporaine, se diffuse aussi. Cela représente un cas unique de pays qui a supprimé les caractères chinois et a adopté l’écriture alphabétique dans le“monde sinisé ” contemporain selon Léon Vandermeersch 15 . Le vietnamien en caractère alphabétique est inventé par les missionnaires

13 A.Sarraut, op.cit., 1923, p.105. 14 P.Brocheux et D.Hémery, op.cit. , 2001, p.74. 15 Léon Vandermeersch, Le nouveau monde sinisé , Paris, PUF, 1986.

25 catholiques qui sont arrivés au Viêtnam vers le XVII e siècle. En 1651, un dictionnaire de « l’annamite ( qu ốc ng ữ) – le latin – le portugais » est publié par un jésuite français Alexandre de Rhodes (1591-1660). Au XIX e siècle, les missionnaires et aussi les Vietnamiens ont rédigé des dictionnaires du Qu ốc ng ữ ; « l’annamite-le latin » par Pigneau de Béhaine (1741-1799) et J.L.Taberd en 1838 ; « l’idéogramme du grand pays du sud (大南国音字集 "Đạ i Nam qu ốc ăm t ự v ị") » par Hu ỳnh T ịnh C ủa (1834-1907) en 1895. Tr ươ ng V ĩnh Ký (1837-1898) a expliqué la règle de la langue vietnamienne pour uniformiser la notation du Qu ốc ng ữ dans son œuvre des « Manuels pour l’écoles primaires » à 1876. Ainsi, le Qu ốc ng ữ est devenu à la fin du XIX e siècle une langue vietnamienne quasi identique au vietnamien d’aujourd’hui. L’autorité indochinoise encourageait l’emploi du Qu ốc ng ữ car il était facile pour les Français à apprendre par comparaison aux caractères chinois. Ceux-ci afin de bien contrôler les documents officiels et les publications, introduire plus aisément la langue française et la culture française dans la société vietnamienne, prévenir l’influence culturelle de la Chine et des lettrés vietnamiens anti-français. Les publications en Qu ốc ng ữ ont augmenté de plus en plus en volume. Le premier journal en Qu ốc Ng ữ ("Gia Đình Báo ") apparut en 1865, le premier roman en prose en Qu ốc ng ữ (Th ầy Lazaro Phi ền) en 1887, par Nguy ễn Tr ọng Qu ản (1865-1911) qui écrivit dans la préface qu’il voulait écrire une histoire en « langue courante »16 . Au début du XX e siècle, l’autorité indochinoise entame la politique de la pénétration du Qu ốc Ng ữ, tandis que de nouveaux lettrés vietnamiens commence à revendiquer l’emploi du Qu ốc ng ữ dans le contexte du mouvement patriotique. La réforme de l’enseignement a poussé ce courant en attribuant au Qu ốc ng ữ un statut, bien que le règlement de l’instruction publique de 1917 n’ait pas permis aux enfants d’utiliser le Qu ốc ng ữ dans l’enseignement primaire où seul le français était obligatoire (Art.134). Ce principe du « tout français » a changé au fur et à mesure que la pénétration de l’enseignement colonial s’élargissait, puisque l’enseignant du français avait fait complètement défaut notamment dans le milieu rural et puisque le Qu ốc ng ữ était soutenu par certains intellectuels patriotes qui cherchaient une sorte de symbole national. Ph ạm Qu ỳnh (1892-1945), journaliste et fonctionnaire vietnamien, a développé sa propre opinion sur l’enseignement indochinois dans un journal quotidien du Tonkin (Nord-Vietnam) 17 . Il a critiqué le problème de la différence entre la langue courante (=

16 今井昭夫 (Imai Akio), "ベトナムにおける漢字と文字ナショナリズム " (Caractère chinois et nationalisme), in ことばと社会 (Langue et société ), Ed.Sanguensha, Tokyo, 2001, p.132. 17 L’Avenir du Tonkin (journal quotidien publié en Indochine), 12, 13 et 14 Novembre 1922.

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Qu ốc ng ữ) et la langue d’école (= le français) : « Les mots français, étant donné la différence radicale qui existe entre deux langues, sont en quelque sorte inassimilables à la langue annamite, de sorte qu’en les répétant nos enfants ne font que répéter les sons dénués pour eux de toute sorte de signification ». Ainsi Ph ạm Qu ỳnh craignait-il que les enfants n’oublient la langue maternelle après la fin des études à l’école. Il a donc lancé des critiques au principe du français comme langue véhicule, considérant que c’est comme un génocide culturel. La langue était un problème politique comme dit Joubin, le Directeur de l’instruction publique de l’Indochine, dans un journal en 1924 : « Quant au problème de véhicule de l’enseignement, c’est le plus grave qui puisse se porter en ce pays. La question est plus complexe qu’on ne pense. D’abord elle doit être considérée sous un double aspect : politique d’abord, ensuite pédagogique »18 . Cette question n’est identiquement posée dans différents les pays de l’Indochine, par exemple, dans un autre protectorat, comme le Cambodge où l’influence des école de bonzes est considérable, à des considérations politiques viennent se greffer des considérations religieuses. D’ailleurs, il existait un certain nombre de défenseurs de la langue française. Dans les grandes villes, des demandes d’enseignement du français augmentent brusquement vers le début des années 1920. On a expliqué que c’était parce que le français était la langue officielle. En fait, il y avait beaucoup de gens qui souhaitaient faire apprendre à leurs enfants le français conformément à la position sociale, à la condition économique et spirituelle 19 . L’acquisition du français était considéré comme une condition pour la réussite sociale. Ainsi, du point de vue de la langue, se forme une identité bilingue pour certains et deux différentes identités linguistiques pour d’autres. Mais la langue française a surement acquis « le statut spécifique (idéal, objectif, éthique...) des articulations langagières publiques »20 .

18 L’Avenir du Tonkin , 2 février 1924. 19 Centre des archives nationales d’outre-mer (CAOM), Ancien Fonds des Amiraux et du Gouvernement général (GGI-AF), 51.540. 20 Cf. Jean de Munck, L’institution sociale de l’esprit , Puf, Paris, 1999, p.104.

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Chapitre ⅡⅡⅡ. La formation de l’élite urbaine indochinoise

Les colonisateurs européens habitués aux travaux de l’institutionnalisation coloniale ont entrepris empiriquement un projet d’enseignement public en vue de la réalisation à la fois de la conquête morale et de la formation en série de l’élite indigène qui dirigera par elle-même son pays conformément à la politique d’association et de collaboration qui servit de fondations à la structure sociale urbaine en Indochine.

111.1. Le but de l’enseignement colonial Comment c’est faite l’insertion professionnelle des Vietnamiens, surtout pour ceux formés dans les écoles coloniales ? Pour répondre à cette question, on doit donner des éléments d’explications sur le système d’accession à l’emploi public ; et sur la politique de l’enseignement colonial et les écoles elles-mêmes. À l’origine, jusqu’à la fin du XIX e siècle, le but de l’enseignement et de la création des écoles pour les indigènes était de former des interprètes, tandis que des écoles pour les Français avaient été créées partout en Indochine. Mais au fur et à mesure que les besoins de l’administration sont devenus de plus en plus étendus et complexes au début du XX e siècle, l’école indigène a eu pour but la formation des fonctionnaires, des agents et des employés. Les écoles réservées aux Vietnamiens sont installées dans les grandes villes ; par exemple, le Collège Qu ốc h ọc à Hué en 1896, l’école normale de Saigon en 1896, l’école des Hậu b ỏ à Hué en 1897, le Collège du Protectorat à Hanoi en 1909. Un arrêté du 8 janvier 1902 organisant l’enseignement supérieur en Indochine par la création de l’École de médecine était un embryon de la future université d’Hanoi ouverte en 1907. Un arrêté du 20 juin 1905, signé par Gouverneur général Paul Beau (mandat : 1902-1907), a défini la création de la direction générale de l’instruction publique pour unifier les différents services de l’enseignement qui n’avaient pas de contacts directs. Et dans un désir de reprise de l’action éducative selon des principes plus cohérent, Beau promulgua, le 14 novembre 1905, un décret créant le Conseil de perfectionnement de l’enseignement indigène 21 . Le conseil avait au moins trois buts par rapport à la formation des fonctionnaires indigènes : (1) de former l’élite sélectionnée pour des « emplois spéciaux » ; (2) de former des mandarins ; (3) de former les employés normaux . Pour les deux premiers buts, la formation a été assurée par les établissements de l’enseignement supérieur ou l’école des mandarins. Le troisième but a été pris en charge par l’enseignement secondaire, professionnel et complémentaire. Mais cette distribution

21 P.Bezançon, op.cit., 2002, pp.74-75.

28 de l’emploi par école n’est pas fixée préalablement puisque les liens règlementaires entre l’offre des candidats-élèves et la demande d’emploi n’étaient pas encore décidés. Ce qui est important à propos de la réforme de l’enseignement est la règlementation du système scolaire, c’est-à-dire, la mise en place d’une unique organisation pyramidale. Il est organisé à la suite du cycle primaire, au cycle primaire supérieur, puis du cycle secondaire et supérieur en Indochine. Selon Pascale Bezançon, c’est l’Indochine qui a été choisie parmi les possessions françaises outre-mer pour tester le nouveau système éducatif que l’on désirait implanter en métropole 22 . Cette réforme est incarnée ainsi en Règlement général de l’instruction publique de 1917 promulgué par Albert Sarraut lors du second séjour (1916-1919) et mis à exécution par Martial Merlin (mandat : 1923-1925). Pierre Pasquier (mandat : 1928-1934) expliqua aussi en 1929 que, « si les principes de l’école unique se sont réalisés dans notre édifice scolaire sans résistance, (...) c’est parce que les Extrême-Orientaux sont familiarisés avec cette idée que tout progrès dans la hiérarchie sociale se fait par voie de concours » 23 . Dans le règlement de l’instruction publique de 1917, l’article 125 déclare que le fondement essentiel de toute la politique de l’enseignement est en fait l’enseignement élémentaire en faveur des peuples indochinoises 24 . Albert Sarraut dit dans son oeuvre de 1923 ; « Instruire les indigènes est assurément notre devoir : c’est une obligation morale impérieuse que nous créent les responsabilités de la souveraineté vis-à-vis des populations indigènes dont nous avons assumé la tutelle ». Mais, selon lui, ce devoir fondamental s’accorde par surcroit avec leurs intérêts économiques, administratifs, militaires et politiques les plus évidents. Son idée de l’instruction publique prend en considération le développement de l’Indochine entière comme s’il voyait un État :

« L’instruction, en effet, a d’abord pour résultat d’améliorer largement la valeur de la production coloniale en multipliant, dans la foule des travailleurs indigènes, la qualité des intelligences et le nombre des capacités ; elle doit, en outre, parmi la masse laborieuse, dégager et dresser les élites de collaborateurs qui, comme agents techniques, contremaîtres, surveillants, employés ou commis de direction, suppléeront à l’insuffisance numérique des Européens et satisferont à la demande croissante des

22 Ibid ., pp.134-137. 23 Gouvernement général de l’Indochine (GGI), "Bulletin général de l’Instruction publique ", 1929, pp.49-53, cité par P.Bezançon, op.cit. , 2002, p.139. Selon Trinh Van Thao, la logique de la réussite scolaire vietnamienne n’a pu jouer que grâce à une parfaite combinaison-fusion entre la logique mandarinale du système traditionnel sino-vietnamien et la logique libérale importée par l’école française, l’une et l’autre fonctionnant sur le mode de la concurrence/sélection démocratique (méritocratique). Trinh Van Thao, op.cit ., 1995, p.298. 24 La revue indochinoise , IDEO, mars, 1918, p.346.

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entreprises agricoles, industrielles ou commerciales de colonisation. »25

Sarraut n’oublie pas d’ajouter d’autre part qu’une instruction plus méthodiquement répandue doit préparer les cadres des fonctionnaires indigènes, moins lourds aux budgets coloniaux qui ploient actuellement sous l’augmentation des soldes européennes. C’est ainsi que la politique de l’instruction publique s’est déroulée dans toute l’étendue de l’Indochine.

2. La pénétration de l’enseignement moderne en IndocIndochiIndoc hinene L’emploi public pour les Vietnamiens a été exigé à mesure que l’organisme colonial s’élargissait. Il s’agissait d’un grand écart de populations entre les dix sept millions de Vietnamiens et les quarante mille Français en 1930, qui ne pouvaient plus gouverner l’Indochine par eux-même. D’ailleurs, l’enseignement populaire est mis en place dès 1917 avec l’intention d’élever le niveau intellectuel des indigènes. Dans le milieu rural, les écoles élémentaires, préparatoires et communales ont été créées pour enseigner la lecture, l’écriture et l’hygiène tout en étant à la charge des villageois eux-mêmes (AnnexeAnnexe 222 ––– Tableau 664444,,,, 66656555 et 666666). Dans les trois pays du Viêtnam, l’enseignement pour les indigènes s’est développé plus rapidement qu’au Laos et au Cambodge ou dans les autres colonies françaises au début du XX e siècle. On peut ici trouver un fait important : environ trois cent mille Vietnamiens allaient à l’école au Vietnam en 1929 et le taux de scolarité dépassait les 10 % tandis qu’en l’Algérie il n’était que de 6% à la même époque. C’était une conséquence de la politique expérimentale et positive de l’enseignement colonial par l’autorité indochinoise. En 1917, elle a promulgué le règlement général de l’instruction publique dont l’objectif visait à diffuser l’enseignement élémentaire pour tous les enfants, garçons et filles, jusqu’aux villages les plus retirés. C’est ainsi que la politique de l’enseignement populaire s’est propagée dans toute les régions du Vietnam et a réussi à mettre au moins une école par canton. Ce qui importait d’une part, c’était qu’on tint réellement compte du désir des populations tout en les guidant et que dans chaque province il y eût au moins une école par canton. Ainsi, le nombre d’enfants scolarisés a été multiplié de 1926 à 1927, par une grande réforme de l’enseignement des communes capables ou désireuses d’entretenir chacune une école à leurs frais avec un « fond de concours ». Le fond de concours était une somme versée par les communes en même temps que les impôts pour le fonctionnement des écoles (paiement de la solde des maîtres, entretien du mobilier et du

25 A.Sarraut, op.cit., 1923, pp.95-96.

30 matériel scolaires, abonnement aux journaux pédagogiques, etc...) 26 . D’autre part, en dehors de la qualité de l’enseignement, ce qui importait, c’était les « mutations dans les enjeux de socialisation ; la place grandissante et dominante de l’école dans l’éducation familiale »27 ou dans l’éducation traditionnelle qui était si longtemps « privée »28 .

Graphique 111 - Nombre de scolarité au Viêtnam (1918-1938)

180000 160000 140000 120000 Tonkin 100000 Annam 80000 effectifs 60000 Cochinchine 40000 20000 0 1918 1920 1923 1926 1929 1932 1935 1938 années

Source : GGI, Direction des Affaires Économiques (DAE), Annuaire statistique de l’Indochine , du premier volume (1913-1922) au neuvième volume (1939-1940) , IDEO, 1927 à 1942, Hanoi.

En Cochinchine (Sud-Viêtnam), l’enseignement obligatoire a été établi le 7 juillet 1927. Il a changé la conscience publique, car l’affichage du nom des enfants non scolarisés signifiait une punition contre leurs parents qui avaient ainsi peur de perdre la face 29 . C’était un moment à la fois de libération à la règle traditionnelle assujettissant les individus et de dépendance à une autre règle plus « étatique » sous la société des individus avec des notions « indochinoises » ou « publiques »30 .

26 GGI, Direction générale de l’Instruction publique (DGIP), La pénétration scolaire dans les pays annamites (Tonkin,Annam,Cochinchine) , Imprimerie d’Extrême-Orient (IDEO), Hanoi, 1931. 27 Thierry Blöss, les liens de famille : sociologie des rapports entre générations , PUF, Collection le Sociologue, 1997, p.5. Cela se rapporte de la même façon au suivant ; « les mutations dans les trajectoires et les rapports sociaux de sexe..... », par exemple, la première création de l’école de fille à Saïgon en 1875. « les mutations du cycle de vie..... », par exemple, le travail en dehors, comme ouvrier(ère), de son village où s’occupent de l’agriculture (la rizière entre autre) presque tous les habitants, même les enfants. 28 Il n’existait pas l’école ou au moins la notion « publique » dans le village du Vietnam avant l’arrivée de France, à peu d’exceptions près de l’école royale pour les fils de mandarins. 29 GGI, DGIP, La Cochinchine scolaire : l’enseignement dans le pays le plus évolué de l’Union indochinoise, IDEO, Hanoi, 1931 ; P.Bezançon, op.cit., 2002, p.242. 30 Aussi, par la division administrative et géographique (« Cochinchine », « Tonkin ») ou la segregation

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333.3. Le changement épistépistémologiqueémologique par la scolarisation Le système de l’école moderne (occidentale) a forcé non seulement les enfants mais aussi les adultes à changer de mode de vie. Alors qu’un notable pouvait déployer du zèle à faire prospérer les institutions de sa localité ; il considérait qu’il n’avait rien à voir, et ne manifestait aucune activité qui aurait pu profiter aux autres communes. Par exemple, en 1925, à l’école communale de Kuyen Luong de la province de Hà Đông et celle de Quan Khe dans la province de Hải D ươ ng , nous pouvions constater un exemple d’un certain antagonisme entre l’enseignant et les notables autour de l’école communale 31 . Les villageois qui voyaient une école s’installer dans leur village étaient assez surpris. Trop de choses les déroutaient, surtout pour les plus anciens. Ils se rappelaient l’ancienne paillote où un vieux maître peu payé, peu pressé, était chargé d’instruire une demi-douzaine d’enfants toute l’année du matin au soir. Le mobilier n’étaient pas compliqué : une théière, une pipe à eau et un fauteuil en rotin pour le maître et pour les élèves une natte sur le sol, un cahier et une écritoire. Ce qu’on y apprenait, manquait de variété : quelques caractères et quelques maximes par jour. Ceux qui avaient reçu une instruction de cette nature ne manquaient pas plus qu’en aucun pays du monde de se trouver fort bien ainsi. Quand on résolut de transformer cet état de choses, les indigènes ne purent comprendre tout de suite. Et puis, tant de choses encore offusquaient les habitants. Pourquoi commencer les classes à heures fixes et les finir à heures fixes ? Qu’allaient devenir les enfants venus d’un village éloigné si on les abandonnait à eux-mêmes pendant si longtemps ? Pourquoi de la gymnastique ? Pourquoi des vacances au cours desquelles on continuait à payer le maître et qui avaient été fixées, au début, sans savoir si les récoltes (pendant lesquelles on a besoin des enfants) auraient lieu au 5 e mois ou au 8 e mois ou au 10 e mois, si bien que l’écolier retenu chez lui par la moisson trouvait au retour l’école fermée pour les vacances ? Pourquoi des limites d’âge 32 ? En fait, il y eut « l’hégémonie écrasante des valeurs culturelles et morales dérivées de la topique conservatrice de l’idéologie confucéenne (roi-maître-père), les connotations familialistes et patriarcales insistant lourdement sur l’omniprésence de l’autorité paternelle, sous tendues par une économie essentiellement agricole et une civilisation

des peuples (« Annamite », «Hanoïen ») a précisé la notion spatiale et identifiable comme « intérieur » ou « extérieur » , « je » ou « nous ». Cf., Norbert Elias, La société des individus (1939), Fayard, 1987, chapitre 3, pp.205-301. 31 Bulletin de l’Amicale du Personnel indigène de l’Énseignement au Tonkin, No.13 (1925 / 1926) pp.48-49 ; Gail.P.Kelly, Franco-Vietnamese schools 1918 to 1938 (Doctor of Philosophy Thesis), University of Wisconsin-Madison, 1975, p.304. 32 GGI, DGIP, La pénétration scolaire dans les pays annamites , IDEO, Hanoi, 1930, p.16.

32 rurale et communautaire »33 . Cependant, par l’effort de la pénétration éducative, l’école a prolongé et privilégié les relations de type familial en transformant le maître et les camarades en « équivalent paradigmatique » du père et des frères 34 , et a accompli peu à peu « la conquête morale » en faisant percevoir la cognition commune aux peuples 35 . D’ailleurs, un exode vietnamien a opéré sur les indigènes l’agrandissement épistémologique de l’espace. C’est-à-dire, leur mode de vie a changé. D’une part, les étudiants, par « le pèlerinage éducatif, administratif » et par la rencontre avec d’autres personnes, se sont découverts une nouvelle identité36 . Les fils et filles des familles riches qui allaient au collège et au lycée créés dans les grandes villes, ont pu accéder à l’enseignement supérieur, conformément à leur capacité et leur volonté. Une unique université de l’Indochine située à Hanoi recrutait les étudiants de tous les endroits du pays indochinois, y compris du Laos et du Cambodge desquels étaient détachés, un certain nombre d’administrateurs formés dans les écoles coloniales. D’autre part, les mentalités du reste de la population ont aussi complètement évolué par la réussite de la politique d’hygiène, par l’accroissement du nombre des ouvriers d’usine, par les grandes concentrations urbaines et le mouvement des populations entre les régions, par le recrutement d’effectif travailleur, soit forcé, soit intentionnel pour les travaux publiques et les plantations notamment de la Cochinchine au Tonkin. Cet ensemble de faits a démonté la structure et les coutumes d’une vieille communauté fermée. Au Vietnam, selon Daniel Hémery, la nation moderne n’a existé ou véritablement ré-existé que lorsqu’elle a pu s’identifier collectivement, mettre en cohérence ses éléments dissociés, « s’imaginer » en s’investissant, dans la conjoncture particulière de 1945 37 . Mais paradoxalement, voilà une autre possibilité indéniable : l’existence des éléments disparates de l’identification nationale à l’état d’embryon avant 1945, qui ont été semés dans la société coloniale de l’Indochine. Ainsi, nous sommes arrivés à analyser un espace social selon deux phases du développement de la société coloniale du Viêtnam

444.4. L’élite indochinoise C’était le Lycée Albert Sarraut et l’Université de Hanoi que Sarraut a appelé «une école impériale» : un établissement spécial dans lequel les élites sont rassemblées parmi

33 Trinh Van Thao, op.cit ., 1995, p.179. 34 Ibid ., p.171. 35 Antoine Léon, Colonisation,enseignement et éducation , L’Harmattan, Paris, 1991, p.305. 36 Voir Benedict Anderson, Imagined communities : Reflection on the origin and spread of nationalism , Verso Books, London, 1987. 37 Daniel Hémery, Hồ Chi Minh : Vie singulière et nationalisation des esprits, in Naissance d’un État-Parti, Le Viêt Nam depuis 1945 , les Indes Savantes, 2004, p.137.

33 les étudiants de chaque pays de l’union indochinoise, et directement contrôlé par le gouverneur général 38 . Or, qu’est-ce que l’élite indigène ? Sarraut la définie comme tel :

« L’existence d’une élite est la condition absolue de la vie normale de tout pays. C’est par elle que le progrès évolue dans l’ordre et la discipline nécessaires. Son existence répond au besoin de hiérarchie qui existe dans tout groupement humain, et qui est particulièrement vivace dans la tradition de tous les pays indigènes. Détruire l’élite serait une folie. La trop restreindre est un danger, car elle tourne alors à l’oligarchie égoïste et oppressive. La sagesse et l’équité commandent aux gouvernements d’élargir progressivement les cadres de sélection et l’exercice des droits qui lui sont conférés, à mesure qu’augmente l’éducation générale du pays et les certitudes de son loyalisme. »39

Pour Sarraut, les élites étaient les « chefs indigènes », intermédiaires entre les Français et les populations indigènes dans les fonctions publiques que des traditions locales séculaires leur avaient dévolues 40 . Au Vietnam plus précisément, elles auraient été destinées aux préfets et sous-préfets de provinces ou les chefs de cantons ainsi que les secrétaires, les interprètes et les commis dans les services du gouvernement général et des résidences, qui devaient être formés dans l’École de droit et d’administration de Hanoi 41 . C’est pourquoi l’autorité indochinoise a dû les protéger. Le danger le plus grave était de la laisser se former en dehors d’elle, dans d‘autres pays, sous d’autres influences et d’autres disciplines scolaires ou politiques, car ces élites, qui revenant ensuite sur le territoire natal, pouvaient tourner leurs talents de propagande et d’action acquis à l’extérieur contre le « protecteur » local qui leur refusait la faculté de s’instruire 42 . Au Vietnam, c’était contre le mouvement Đông Du , dirigé par Phan B ội Châu entre 1905 et 1908 que l’autorité indochinoise a ressenti le plus de crainte. La formation et la protection des élites sont ainsi devenues deux des problèmes les plus importants dans la politique indigène autour non seulement de l’enseignement mais aussi de la sûreté. Mais un système des écoles organisées pour l’élite ne s’instaure qu’après la première guerre mondiale. Les élèves sortant du lycée, sanctionnés par un baccalauréat local, ont pu accéder aux écoles supérieures. Si l’on dit que le lycée est une école d’élite, la formation et la sélection de l’élite commencerait déjà par les cours complémentaires

38 Albert Sarraut, Le Règlement général de l’Instruction Publique en Indochine, in La Revue Indochinoise , Mars 1918, p.341. 39 A.Sarraut, op.cit ., 1923, p.101. 40 Ibid ., p.96. 41 Discours au Conseil de Gouvernement du 18 octobre 1920, CH.Bénard, op.cit. , 1931, p.131. 42 A.Sarraut, op.cit ., 1923, p.99.

34 d’un lycée réservés en priorité aux élèves français auquel l’entrée des indigènes n’était ouverte qu’à peu de fils et filles de mandarins ou des grands propriétaires 43 . Il faut attendre la création du cycle secondaire à la fin des années 1920 pour pouvoir entrer aux lycées réservés aux indigènes : Lycées du Protectorat à Hanoi, Petrus Ky à Saigon en 1929 et Qu ốc h ọc à Hué en 1936 44 . Dans le cycle de l’enseignement secondaire, la caractéristique pédagogique était pour ainsi dire la formation d’un caractère indochinois, ni français, ni annamite. Le gouverneur général Pierre Pasquier souligne, dans le Conseil général du 15 octobre 1930, un système harmonisé par l’enseignement classique franco-indigène 45 . Celui-ci voulait dire une bonne balance entre les sciences occidentales et les humanités extrême-orientales, c’est-à-dire les lectures classiques vietnamiennes, les proverbes et les maximes du confucianisme y compris les langues vietnamiennes. L’université a tenté d’unir dans les esprits l’Orient et l’Occident puis faire passer dans l’action cette union sprirituelle 46 . Dans l’Université indochinoise à Hanoi, un effort de libéralisme avait été poussé en 1925 à un essai rapidement abandonné d’administration directe de l’internat par un comité élu par les élèves eux-mêmes. Cela avait conduit au régime en présence qui, sans aller jusqu’à une liberté diurne totale, incompatible d’ailleurs avec les nécessités du service des réfectoires, se rapprochait très sensiblement du règlement de la Cité universitaire de Paris 47 . La discipline s’est également établie peu à peu d’une manière paternelle et avec la collaboration des élèves, représentés dans leurs rapports journaliers avec l’administration par les majors de promotions de chaque école. La formation de l’esprit d’indépendance, par l’apprentissage de la liberté raisonnée et du « self-control », montre les espoirs de l’autorité indochinoise. Pasquier croyait qu’elle puisse hausser, par cet enseignement, les élites vietnamiennes au même niveau intellectuel que l’élite française en Indochine. C’étaient ces élites qui auraient soutenu l’administration indochinoise.

43 Lycées français : Albert Sarraut à Hanoi, Chasseloup Laubat à Saigon, Yersin à Dalat. 44 Ancien Collège du Protectorat. A l’origine, une section indigène du Lycée Chasseloup Laubat Ancien Collège Qu ốc h ọc. 45 GGI, DGIP, Le service de l’Instruction publique en Indochine , IDEO, Hanoi, 1931, p.78. 46 Grandjean, Rôle social de la jeunesse universitaire, in Annales de l’Université de Hanoi (Tome 1), IDEO, Hanoi, 1933, p.220. 47 GGI, DGIP, Le service de l’instruction publique...., op.cit., 1931, pp.123-124.

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Tableau 1 – L’effectif des étudiants des Écoles supérieures (1918-1939) École/Année 1918-19 1922-23 1926-27 1928-29 1930-31 1934-35 1936-37 1938-39

Médecine et 150 106 89 174 217 226 202 218 Pharmacie

Droit 122 51 34 26 17 235 378 329

Pédagogie 34 41 75 63 33 fermé fermé fermé

Travaux publics 82 104 70 81 86 fermé fermé 20

Commerce - 35 50 54 52 fermé fermé fermé

Agriculture et 18 45 20 32 40 fermé fermé 52 sylviculture

Vétérinaire 32 34 30 27 32 fermé fermé fermé

Beaux-Arts - - 26 54 75 67 51 111

Total 438 416 394 511 552 528 631 730

Source : Lê V ăn Gian (ch ủ biên ), Lịch s ũ đạ i h ọc và trung h ọc chuyên nghi ệp Vi ệt Nam : từ cách m ạng tháng tám 1945 đế n chi ến th ắng Điện Biên Ph ủ 1954 , Viên nghiên c ứu đạ i h ọc và trung h ọc chuyên nghi ệp, 1985, pp.97-100.

L’enseignement public avait deux systèmes incompatibles : l’enseignement populaire pour la mission civilisatrice et l’enseignement élitiste pour la mission modernisatrice de sorte qu’ils n’ont pas pu fonctionner simultanément au même endroit. Le dernier n’a fonctionné que dans le lycée puisque celui-ci était le seul établissement qui permettait d’obtenir le baccalauréat ou d’accéder à l’enseignement supérieur réservé à l’élite. En principe et en théorie, il était possible que les enfants sortis des écoles élémentaires villageoises se présentent aux concours de l’enseignement primaire et post-primaire dans le système de l’école unique, mais, en comparaison des élèves privilégiés du lycée ils se trouvaient dans une condition désavantageuse. Malgré cela, l’autorité indochinoise a réalisé la politique de l’enseignement appuyée sur le mode de la concurrence/sélection démocratique. Il en résulte qu’elle a produit beaucoup de jeunes exclus ou du drop-out dans tous les cycles, même au lycée. C’est ainsi que les jeunes universitaires trop peu nombreux sont devenus une couche particulière qui s’est coupée de la société vietnamienne mais qui a aussi été mise à l’écart de la communauté française en Indochine. Ils étaient tout de même le groupe pivot qui a jeté les fondations de la structure administrative, économique et sociale de l’Indochine, voire du Viêtnam.

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Chapitre ⅢⅢⅢ. La formation de fonctionnaires indochinois 48

Au point de vue des processus de formation des résidents « modernes » en ville coloniale, les fonctionnaires incarnaient une catégorie de résidents équivalente à une couche sociale. Or, non seulement leurs droits « civiques » ou de « cité » étaient identiques à celui des Français, mais encore les conditions et environnements de leur formation étaient aussi à part. Les fonctionnaires, si on les considère comme « habitants modernes en ville », ont été insérés dans la société urbaine sur une période assez longue. Ces réflexions, qui risquent de faire une digression vis-à-vis du thème de la ville coloniale, mènera cependant aux problèmes urbains auxquels la société moderne a été obligée de faire face.

111.1. La politique de l’emploi public en Indochine Quel type de fonctionnaires a été formé en Indochine ? À l’origine au Viêtnam, l’école pour les indigènes avait pour but de former des interprètes. La formation des fonctionnaires publics ne commença qu’au début du XX e siècle, sauf pour l’enseignement des mandarins et des annamites traditionnels au Viêtnam. C’est De Lanessan, le premier Gouverneur général de l’Indochine, qui a tenté de recruter des Vietnamiens comme fonctionnaires et agents pour diriger l’Indochine et ses populations, mais en maintenant en place l’ancien régime de la dynastie de l’Annam. Ainsi, l’autorité coloniale a poussé les Vietnamiens à s’adapter à l’administration coloniale. Paul Bert affirma dès 1886, que « les Français n’avaient pas l’intention d’usurper les fonctions publiques et elles seraient confiées, par mes soins, disait-il aux annamites, aux plus dignes d’entre vous »49 . Paul Beau prévoyait, à brève échéance, l’admission des indigènes dans les cadres français à égalité de titres dans son discours du 20 décembre 1907 au Conseil Supérieur de l’Indochine 50 . En fait, cette politique indigène concernait à la fois l’administration du personnel et l’administration des finances. Un quart du budget gouvernemental avait été dépensé en un an pour le maintien des fonctionnaires français. C’est pourquoi l’intégration des fonctionnaires vietnamiens avait été examinée. L’admission des cadres locaux a été fixée pour les indigènes en 1921 : la première condition de recrutement (Art.13) exigeait du candidat qu’il soit « français ». Le

48 Ce chapitre se base sur le Chapitre Ⅲ in OKADA Tomokazu, op.cit ., 2007, pp.30-52. 49 Roger Pinto Aspects de l’évolution gouvernementale de l’Indochine française , S.I.L.I., Saigon-Paris, 1946, p.17. 50 Ibid ., pp.18-19.

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Gouverneur général Long annonça la création de cadres complémentaires ouverts aux titulaires de diplômes locaux, «destinés à incorporer, en fait, tous les emplois subalternes (....) des administrations européennes autres que les administrations de la Justice et des services civils, emplois qui rationnellement sont appelés à disparaître »51 . Par un arrêté de février 1926, le Gouverneur général Alexandre Varenne énonça, en principe, que les cadres locaux d’Indochine, réservés jusque là aux seuls citoyens, seraient ouverts aux sujets ou protégés. C’était Ernest Outrey, député colonial élu de la Cochinchine, qui a proposé cette réforme de 1926, en signalant à Léon Perrier, Ministre des colonies, la situation injuste pour beaucoup de jeunes annamites, anciens étudiants revenus de France :

« Ne serait-il pas préférable d’adopter une réforme d’application plus facile et plus pratique consistant à accorder aux annamites licenciés ou docteurs l’accès non des cadres européens, mais celui des cadres supérieurs indigènes, en les assimilant, dans une certaine proportion aux élèves sortis de l’Université d’Hanoi. Il est à remarquer, en effet que si ces derniers trouvent facilement un emploi à leur sortie de l’École, les premiers ne peuvent entrer dans les cadres européens et jouir des avantages qui y sont joints que s’ils sont naturalisés, dans le cas contraire, ils restent sans emploi et doivent tirer au sort pour le service militaire indigène. De plus ils ne peuvent même pas se faire admettre dans les divers cadres supérieurs indigènes parce qu’on leur oppose le silence des textes à cet égard, aucun arrêté n’ayant prévu ce cas ». 52

Le Ministre des colonies s’est rendu compte de la situation des jeunes Annamites qui, après des études effectuées en France, retournent en Indochine avec des diplômes de l’enseignement supérieur et qui, faute de trouver, dans leur pays d’origine, des emplois en rapport avec leurs titres universitaires, y demeurent oisifs et peuvent y constituer des éléments de troubles 53 . Pasquier explique pareillement en 1928 que « la réforme de 1926 a résolu l’importante question des situations réservés aux jeunes annamites pourvus des diplômes d’enseignement supérieur de la Métropole »54 . D’après le Ministre des Colonies, en résumé, la réforme de 1926, en ouvrant la quasi totalité des cadres français aux Vietnamiens d’une part, la création de cadres latéraux d’autre part, a résolu de manière très satisfaisante la question des situations réservées aux Annamites pourvus de diplômes de l’enseignement supérieur ; ils peuvent accéder

51 Ibid., p.19. 52 Lettre du 6 decémbre 1927 Outrey à Ministre des colonies. CAOM, I-NF, 2372. 53 Lettre du 18 juin 1929, Ministre des colonie à Outrey. CAOM, I-NF, 2372. 54 CAOM, I-NF, 2372.

38 aux carrières de Conservateurs de bibliothèque, Professeurs, Chimistes, Ingénieurs Agricoles, Ingénieurs des Mines et des Travaux publics, Géologies, Météorologistes, Géomètres, Architectes, etc. De la réglementation des personnels indochinois, il résulte que, depuis l’intervention de la réforme de février 1926, tous les cadres français locaux, à l’exception des cadres comportant des pouvoirs d’autorité, sont ouvertes, à égalité de titres et de diplômes, aussi bien aux indigènes qu’aux européens, la qualité de citoyen français n’étant plus exigée que pour l’admission dans les personnels suivants : Services Civils, Magistrature, Garde indigène, Police, Forêt, Services pénitentiaires, identité, immigration. De plus, deux cadres latéraux ont été crées en 1922 et sont, en principe, exclusivement réservés aux Annamites pourvus de diplômes obtenus en France. Ce sont le cadre des Docteurs Indochinois et celui des Ingénieurs Indochinois. Ces cadres correspondent respectivement à ceux des Médecins français de l’Assistance médicale et des Ingénieurs des Travaux publics. Il existe en outre au Tonkin, un corps de mandarins judiciaires et en Cochinchine un corps de juges de paix indigènes dont les emplois sont également réservés aux indigènes licenciés et docteurs en droit 55 .

2. Les conditions d’accès à l’emploi public Quoi qu’il s’agisse de peu de personnes, les divers emplois publics sont ouverts à un certain nombre de Vietnamiens parmi les diplômés de l’enseignement supérieur. Le genre des diplômes s’articulait avec celui de profession dans chaque services. Un emploi nécessitait en outre des diplômes des conditions supplémentaires spécifiques pour que les postulants puissent y accéder. Par exemple, pour devenir l’agent voyer indochinois, il fallait 8 ans de services dans l’administration des Travaux publics et le succès au concours. Les deux emplois de l’ingénieur général indochinois et géomètre indochinois ont favorisé les candidats ingénieurs diplômés de l’École centrale des arts et manufactures, d’une École nationale des arts et métiers ou d’une école technique de la métropole. Quant au docteur indochinois, on devait obtenir le diplôme de docteur en médecine d’État. Ces emplois exceptionnels n’ont été accessibles qu’à un nombre de personnes restreintes. Toutefois un certain nombre d’autres emplois ont été accessibles aux bacheliers même et, selon les cas, aux porteurs de brevets d’études secondaires ou primaires supérieurs s’ils pouvaient passer les concours d’accès à l’emploi. Un arrêté du 20 mai 1935 fixe les conditions du concours pour l’admission à l’emploi d’administrateur de 3 ème

55 CAOM, I-NF, 2372.

39 classe des Services civils de l’Indochine 56 , c’est-à-dire les emplois des commis indigènes des différentes administrations.

Tableau 222 ― Conditions d’accès à l’emploi public* Date de l'arrêté Désignation Conditions d'accès de création Diplôme de l'École de Médecine de Hanoi Médecins indochinois 28 sept.1913 (Section de Médecine) Diplôme de l'École de Médecine de Hanoi Pharmaciens indochinois 20 janv.1913 (Section de Pharmachie) Vétérinaires indochinois 18 avril 1919 Diplôme de l'École Vétérinaire de Hanoi Diplôme de l'École des Travaux Publics ou Agents techniques des Travaux Publics 6 juin 1922 concours. Baccalauréat après concours. Diplôme de l'École Agents techniques des Forêts 14 fev.1920 supérieure de Sylviculture. Baccalauréat après concours. Diplôme de l'École Agents techniques agricoles 1 fév.1920 supérieure d'Agriculture. Diplôme de 'École des Travaux Publics de Hanoi Agents technique du Cadastre 18 avrl 1919 (Section topographique)

Agents techniques du Services Gé Diplôme de l'École des Travaux Publics (Section 4 oct.1921 ographiques géologique ou section topographique ou des T.P)

Chefs ou sous-chefs de postes Diplôme de l'École de Commerce (Section de 18 avril 1929 auxiliaires du Service Radiotélé Radiotélégraphie) Professeurs de l'Enseignement primaire et primaire supérieur franco- 19 sept.1924 Dipolôme de l'École supérieure de Pédagogie indigène Un arrêté spécial Diplôme de l'École des Hautes Études Commis indigènes des différentes pour chaque indochinoise. Baccalauréat. Examen de culture administrations service générale et concours professionnel.

Source : CAOM, I-NF, 2374 . * Voir aussi Annexe 3 ––– Tableau 667777----a,a, b, cc....

Le concours a lieu chaque année à Hanoi et à Saigon pour les épreuves écrites, à Hanoi pour les épreuves orales. Les demandes d’inscription devaient être accompagnées des pièces mentionnées de l’extrait de l’acte de naissance établi sur papier timbré et dûment légalisé, et du certificat médical attestant que les postulants ne sont atteints d’aucune affection les rendant impropres au services colonial (art.3). Ce concours pour l’obtention du grade d’administrateur de 3 ème classe comporte : deux épreuves écrites ; un exposé oral ; deux interrogations orales (art.4). Toute note inférieure à 10 sur 20 était éliminatoire (art.5). Il est remarquable qu’on exige des candidats les hautes qualités dans les épreuves écrites, par exemple la 2ème épreuve leurs impose la rédaction d’un mémoire en 7 heures sur un sujet d’ordre général tiré d’une des matières suivantes : Organisation administrative de l’Indochine ; Législation et administration

56 CAOM, RST-NF, 192.

40 indochinoises ; Réformes intervenues. La commission chargée d’assurer les diverses opérations du concours a été composée du : secrétaire général du gouvernement général de l’Indochine ou d’un résident supérieur pour le Président, et pour ses membres, le directeur de l’administration judiciaire, deux administrateurs de 1ère classe des Services civils au choix du Gouverneur général et un professeur agrégé délégué du directeur de l’instruction publique. Les sujets des épreuves écrites sont choisis en temps voulu par le Secrétaire général du Gouvernement général de l’Indochine. Les plis contenant ces sujets sont adressés au Résident supérieur au Tonkin qui les remet au début de chaque séance d’examen au président de la commission de surveillance. La liste de ceux déclarés admis dans la limite des places mises au concours a été ainsi publiée au Journal Officiel de l’Indochine et transmise au ministère des colonies pour être insérée au Journal Officiel de la République française.

333.3. Salaire et indemnité En 1933, le salaire du personnel indigène en service au Gouvernement général, au Gouvernement de la Cochinchine, dans les Résidences supérieures, dans les provinces et les Résidences locales, est composé : premièrement, pour les cadres supérieurs (commis indigènes de plusieurs classes sortis de l’École des Hautes Études d’Hanoi) d’une solde de début de 1.280 piastres par an, qui atteint plus de 3.000 piastres en fin de carrière (TableauTableau 33). Ces agents occupent les emplois supérieurs de la hiérarchie indigène ou les emplois inférieurs de la hiérarchie européenne. En outre, pour les emplois exceptionnels, on a prévu un salaire plus élevé. Deuxièmement, pour les cadres secondaires (secrétaires et interprètes recrutés au concours parmi les élèves qui ont obtenu le diplôme d’études complémentaires (enseignement primaire supérieur)) : les expéditionnaires débutent à un salaire mensuel de 40 à 50 piastres et peuvent, après 10 ans de service, accéder au cadre supérieur à la condition de réussir un examen de connaissances générales et un examen de connaissances professionnelles 57 . Ils peuvent accéder aux postes de cadres ouverts aux indigènes -notamment aux Annamites -dans les services agricoles, les archives et les bibliothèques, l’assistance médicale, le cadastre et la topographie, les services commerciaux, les commis greffiers, les douanes et les régies (inspecteurs, contrôleurs et commis), les flottilles, l’enseignement, les mines, les services géologiques, météorologiques, les postes et les télégraphes, les services radio-éléctriques, les travaux

57 Note concernant le statut du personnel français et du personnel indigène de l’Indochine. Accession des sujets et protégés français dans les cadres français, CAOM, I-NF, 2372.

41 publics, les services vétérinaires 58 .

Tableau 333 ― Salaire (en piastre) par emploi des cadres supérieurs Salaire par an l'emploi Minimum Maximum 1280 3000 Commis indigènes des différentes administrations

Agents techniques des Forêts, Chefs ou sous-chefs de posts 1380 3000 auxiliaires du service Radiotélégraphique

Agents techniques des Travaux publics, Agents techniques 1512 3000 agricoles, Agent techniques du cadastre, Agents techniques de services géographiques 1512 3204 Pharmaciens indochinois Vétérinaires indochinois, Professeur de l'enseignement primaire 1644 3000 et primaire supérieur franco-indigène 1644 3408 Médecins indochinois 1750 4080 Agent voyers indochinois, Ingénieurs géomètres indochinois 2000 5000 Ingénieurs générals indochinois 2400 5000 Docteurs indochinois, Médecins indochinois du cadre latéral Source : CAOM, I-NF, 2374.

Les fonctionnaires, employés et agents indigènes des cadres permanents des différents services généraux et locaux de l’Indochine (fonctionnaires de cadres latéraux, supérieurs, secondaires et subalternes à l’exclusion des fonctionnaires de l’Administration indigène proprement dits et de la Garde indigène) ainsi que les agents rétribués par des salaires journaliers ou mensuels, sont classés tant au point de vue des indemnités de route et de séjour que des passages à l’intérieur de la colonie et en Extrême-Orient 59 . Selon ce classement, les positions donnant droit aux indemnités de route et de séjour sont fixées. Par exemple, lors de voyage d’affaires, les frais de transport sont payés sur mémoires, approuvés et certifiés exacts par le chef de service qui a donné l’ordre de déplacement. Le classement des fonctionnaires, employés et agents indigènes, voyageant pour le service en Indochine, soit à bord des bateaux affecté à une navigation fluviale ou côtière, soit sur les lignes de chemin de fer, des automobiles, des tramways ou des voitures publiques, est déterminé par catégorie dans laquelle ils sont classés dans les conditions ci-après.

58 R.Pinto, op.cit ., 1946, pp.20-21. 59 Par les décrets du 20 octobre 1911, portant fixation des pouvoirs du governeur général et organisation financière et administrative de l’Indochine ; l’arrêté du 22 fevrier 1902 sur les indémnités de route et de séjour et les passages du personnel indigène, modifié par arrêté des 18 septembre 1906, 13 septembre 1909, 14 mai 1913, 3 avril 1920, 12 août 1921, 10 août 1922. CAOM, RST-NF, 29.

42

Tableau 4 ― Classement des indemnités (en piastre) de route, de séjour, et des passages à l’intérieur de la colonie et en Extrême-Orient SOLDES ANNUELLES CLASSEMENT de 3.000 et au-dessus 1ère catégorie A de 2.401 à 2.999 1ère catégorie B de 1.540 à 2.400 2ème catégorie A de 1.100 à 1.539 2ème catégorie B de 900 à 1.099 2ème catégorie C de 684 à 899 3e catégorie de 450 à 683 4e catégorie de 378 à 449 5e catégorie au-dessous de 378 6e catégorie

Source : Le Journal officiel de l’Indochine française , le 18 juin 1927 ; CAOM, RST-NF, 29.

Tableau 5 ― Classement des indemnités par catégories de route et des passages à l’intérieur de la colonie et en Extrême-Orient

Bateaux affectés à une Chemins de fer Automobiles navigation locale de l'Indochine et Tramways Désignation des assurant un de la Compagnie et voitures catégories 1) Paquebots 2) Paquebots service de l'Indochine et publiques à 2 classes et à 3 classes et régulier de pont pont

1ère catégorie A 1 ère classe 1 ère classe 1 ère classe 1 ère classe(1) catégorie B 1 ère classe 1 ère classe

2e catégorie A 2 e classe (1) 2 e classe

catégorie B 2 e classe (1) 3 e classe (1) 2 e classe (1) 1 ère classe

catégorie C 2 e classe 3 e classe

3 e catégorie 2 e classe 3 e classe 2 e classe

4 e catégorie 2 e classe 3 e classe 3 e classe

5 e catégorie Pont Pont 2 e classe 6 e catégorie Pont Pont 4 e classe

(1) Voyagent à une classe supérieure : les dôc-phu, phu et huyên au service en Cochinchine. Source : Le Journal officiel de l’Indochine française , le 18 juin 1927 ; CAOM, RST-NF, 29.

43

Les fonctionnaires, employés et agents indigènes ont droit pour eux-même et pour leur famille (femme de "premier rang", enfants) à des réquisitions de passage ou à des moyens de transport lorsqu’ils sont appelés à une première destination active en cas de changement définitif de résidence ou de mise à la retraite. Ils peuvent prétendre aux même avantage lorsqu’ils sont titulaires d’un congé administratif pour le lieu dont ils sont originaires ou d’un congé de convalescence pour ce même lieu ou celui désigné par l’autorité médicale compétente ayant conclut à l’octroi d’un congé de convalescence.

444.4. Carrières, durées et lieux au service Comment les fonctionnaires vietnamiens ont-ils passé leurs carrières et dans quels services ? Et combien d’années y ont-ils travaillé ? Répondre à ces questoins n’est pas facile, puisque cela exigerait beaucoup de renseignements individuels sur un corpus significatif de fonctionnaires vietnamiens. Mais elles pourraient présenter la diversité des modes de fonctionnement des appareils administratifs ; autrement dit, faire apparaître les caractéristiques d’un corps de fonctionnaires vietnamiens ou la méthode de leur insertion professionnelle. Malgré l’insuffisance des données, analysons un certain nombre de cas de fonctionnaires vietnamiens secrétaires et puis agents techniques du cadastre, par une approche prosopographique du personnel selon les critères d’âge, de carrière et de lieu. Pham Van Ba , il est né 1871 à Hanoi et le date d’enrée dans l’administration était le 1er août 1891 (TableauTableau 66). Sa première carrière a débuté comme planton qui s’est situé au grade le plus bas de l’échelle administrative. Il a eu depuis 1900 le poste de secrétaire interprète auxiliaire 4e classe dans le bureau des archives du gouvernement général de l’Indochine. Il est passé au grade de secrétaire interprète titulaire de 6e classe en 1904, de secrétaire principal 5e classe en 1918 au bout de 14 ans, et ensuite duquel principal hors classe en 1930 en 12 ans. Par rapport aux autres personnes comme suvis, sa carière est un modèle typique de secrétaire

Tableau 6 ― Carrière de secrétaire Pham Van Ba 60 année 1891 1900 1904 1918 1930 âge 20 29 33 47 59 Secrétaire Secrétaire Secrétaire Secrétaire interprète interprète grades Planton principal 5 e principal auxiliaire titulaire 6 e classe hors classe 4e classe classe

60 CAOM, GGI-AF, 48205.

44

Né le 28 décembre 1888 à Hanoi, Dan Van Than est entré dans l’administration comme l’élève secrétaire de 2e classe (TableauTableau 77). Il a suivi la même voie que Pham Van Ba dans le bureau des archives un peu plus rapide comme le secrétaire grâce au Brevet de capacité en droit. En 10 ans, il a pu accéder du rang de secrétaire titulaire de à celui de 6e classe au secrétaire principal de 4e classe.

Tableau 7 ― Carrière de secrétaire Dan Van Than 61 année 1905 1906 1909 1919 1926 1930 âge 17 18 21 31 38 42

Élève Secrétaire Secrétaire Secrétaire Secrétaire Secrétaire grades secrétaire de auxiliaire de titulaire de principal de principal de principal de 2e classe 3e classe 6e classe 4e classe 1ère classe hors classe

Dans les deux services, la carrière du secrétaire suit un pareil ordre d’avancement en fonction de l’ancienneté. Pham Dinh Son , né le 4 mai 1886 à Hải D ươ ng , entre au service de Législation et d’administration du gouvernement général chargé des travaux de dactylographie (TableauTableau 88). Cela prend 14 ans pour accéder du poste de secrétaire titulaire de 6e classe à celui de secrétaire principal de 3e classe. Au Tonkin, il faut en moyenne entre 10 ans et 15 ans pour passer du grade de secrétaire titulaire de 6 e ou 5 e classe à celui du principal de 4 e ou 3 e classe.

Tableau 8 ― Carrière de secrétaire Pham Dinh Son 62 année 1906 1912 1924 1926 1934 âge 20 26 38 40 48 Secrétaire Secrétaire Secrétaire Secrétaire Secrétaire grades auxiliaire de titulaire de principal de principal de principal de 4e classe 6e classe 4e classe 3e classe 1ère classe

Néanmoins, il semble que la marche de carrière soit particulière en Cochinchine. Lê Van Thon est né le 15 janvier à (l’est de Saigon) et entre à 28 ans dans un service des Travaux publics du gouvernement de la Cochinchine (TableauTableau 999).9 Bien qu’il fût au début un expéditionnaire journalier, il accède à l’emploi de secrétaire titulaire de 5e classe dans 5 ans. Après son obtention du titre d’interprète titulaire, il lui faut 21 ans pour arriver au poste de secrétaire principal de 3e classe. De plus les carrières sont peu

61 CAOM, GGI-AF, 48514. 62 CAOM, GGI-AF, 48513.

45 linéaires en Cochinchine. Par exemple, Pham Huu Danh , né le 8 août 1881 à Gia Định , a roulé sa bosse dans tous les services du gouvernement général de la Cochinchine, du contrôle des services de l’enseignement à l’assistance médicale, du service agricole au service vétérinaire 63 .

Tableau 9 ― Carrière de secrétaire Lê Van Thon 64 année 1897 1902 1914 1917 1923 âge 28 33 45 48 54

Secrétaire Secrétaire Scrétaire Secrétaire Expéditionnaire interprète grades titulaire de principal de principal de journalier titulaire de 5e classe 5e classe 3e classe 5e classe

Voyons ensuite certaines carrières parmi 33 des agents techniques du cadastre, qui sont entrés dans l’administration des Travaux publics entre 1895 et 1930. L’emploi d’agent technique est celui qui a réuni l’arpenteur et le piqueur par l’arrêté du 18 avril 1919. Il semble que l’analyse d’un corpus de 33 dossiers de personnes ne pourrait pas obtenir des résultats suffisants pour une étude statistique. Mais l’effectif total des agents techniques du cadastre est peu nombreux. En 1923, comme nous le verrons dans la section suivante, l’effectif de cette catégorie d’emploi n’était que 92 personnes en 1933. Le nombre de 33 dossiers pourrait avoir une valeur statistique représentative pour l’analyse, ou du moins permettre de saisir pour le moins les quelques caractéristiques.

Tableau 10 ― Carrière d’agent technique Dang Dinh Nhat 65 année 1905 1908 1914 1919 1922 1926 âge 20 23 29 34 37 41 Arpenteur Arpenteur Agent Agent Arpenteur grades auxiliaire titulaire technique technique retraite stagiaire 2e classe 3e classe 4e classe 3e classe

63 CAOM, GGI-AF, 48208. 64 CAOM, GGI-AF, 48213. 65 CAOM, GGI-AF, 35652.

46

Tableau 11 ― Carrière d’agent technique Nguyên Trung Binh 66 année 1906 1912 1914 1919 1928 âge 19 25 27 32 41 Arpenteur Arpenteur Agent Agent Arpenteur grades auxiliaire titulaire technique technique stagiaire 1 classe 3e classe 4e classe 3e classe

Dang Dinh Nhat né le 12 juillet 1871 à Hanoi et Nguyên Trung Binh né le 10 mars 1887 à Hưng Yên du Tonkin (TableauTableau 10 et 1111). Leurs carrières présentent un modèle typique de fonctionnaires vietnamiens qui sont nés avant 1890 et entré dans le service des travaux publics de la Résidence supérieure du Tonkin. Il débute par le grade d’arpenteur stagiaire, suivit celui d’auxiliaire et de titulaire pour terminer par celui de 3ème classe d’agent technique. On observe l’arrivée relativement rapide de la retraite. Vo Van Vàng est né à Saigon et entré en 1900 au service du gouvernement de la Cochinchine (TableauTableau 1212). Le début de sa carrière commence, dans la plupart des cas, par la profession de piqueur. En Cochinchine, l’agent technique avait pour caractéristique de débuter comme piqueur avant d’être affecté à la fonction d’arpenteur. On peut voir (GraphiqueGraphique 2 et 33) que beaucoup d’agents sont affectés en Cochinchine (67%) au contraire du Tonkin (21%) même si leur origine est tonkinoise (42%), ou annamite (9%).

Tableau 12 ― Carrière d’agent technique Vo Van Vàng 67 année 1900 1902 1904 1907 1912 âge 21 23 25 28 33 Piqueur Piqueur Piqueur Piqueur Élève grades auxiliaire auxiliaire titulaire titulaire piqueur 2e classe 1ère classe 3e classe 1ère classe 1915 1916 1918 1919 1925 1928 36 37 39 40 46 49 Piqueur Arpenteur Arpenteur Agent Agent Agent principal titulaire titulaire technique technique technique 3e classe 4e classe 3e classe 3e classe 2e classe 1ère classe

66 CAOM, GGI-AF, 35636. 67 CAOM, GGI-AF, 35670.

47

Graphique 2 ― Origine géographique Graphique 333 ― Lieu de travail

3% Tonkin Tonkin 42% 6% 21% 46% 6% 9% Annam Annam 67% Cochinchine Cochinchine Cambodge Cambodge

Graphique 4 ― Nombre des agents techniques et, parmi eux, des diplômés de l’École supérieure des Travaux Publics par année de leur entrée à l’administratoin

16 15 14 13 12 Agents techniques 10 9 des T.P. 8 6 5 Dipômés de l'École effectifs 4 4 4 des T.P. 2 0 0 0 1895-1900 1901-1910 1911-1920 1921-1930 années

Voyons maintenant le nombre d’agents techniques par année où ils sont entrés dans l’administration (GraphiqueGraphique 44). Le plus grand nombre entre dans l’administration entre 1921 et 1930. On peut les classer en deux catégories : celle d’avant 1910 et celle d’après. La presque totalité des agents d’après 1910 possédaient le diplôme de l’École des Travaux publics alors que ceux d’avant n’avaient aucun diplôme. Les jeunes agents diplômés ont avancé plus rapidement les échelons de l’administration que la génération d’avant 1910, après la réorganisation professionnelle de l’agent technique en 1919. Elle a fonctionné inégalement pour les générations d’avant 1910 au regard de l’avancement, puisque leur échelons d’arpenteur et de piqueur était équivalent à la 4ème ou 3ème classe d’agent technique à laquelle les jeunes et nouveaux agents pouvaient débuter leur carrière comme par exemple deux individus de Do Dang Minh et Mai Dinh Thiêt (TableauTableau 13 et 1414). Ils ont pu avancer leurs échelons jusqu’à la 2ème et 1ère classe en 10 ans.

48

Tableau 13 – Carrière de Do Dang Minh 68 Tableau 14 – Carrière de Mai Dinh Thiêt 69 année 1922 1922 1929 année 1921 1925 1928 âge 31 31 38 âge 22 26 29 Agent Agent Agent Agent Agent Agent grades technique technique technique grades technique technique technique stagiaire 4e classe 2e classe 4e classe 3e classe 1ère classe

Tableau 151515 ― Durées de service par générations avant 1910 et après 1911 La génération avant 1910 La génération après 1911 Durées moins plus Durées moins 11 -20 21 -25 26 -30 6 - 10 11 -15 (ans) de 10 de 31 (ans) de 5 effectifs 0 1 5 6 2 effectifs 10(5)* 7 (2)* 2 (2)*

*( ) : nombres des personnes démissionnés et licenciés.

Cependant, les générations après 1911 ont une tendance à quitter leur travail rapidement à cause de démissions, de licenciement et de décès, tandis que les générations d’avant 1910 continuent à travailler sur de plus longues périodes (TableauTableau 151515).15 Quant aux causes du licenciement des agents, leur mauvaise attitude est généralement évoquée. Par exemple, le bureau du personnel de la Cochinchine a proposé en 1929 le licenciement de Tran Van Si ayant déjà encouru un blâme avec inscription au dossier et ne paraissant pas susceptible de s’amender 70 . Mais la raison du licenciement n’est pas claire dans la plupart des cas, comme Nguyên Dao Thanh qui est entré dans l’administration en 1922 et révoqué soudain en 1927 malgré son travail très apprécié de son chef 71 . Hoang Dinh Hanh a été nommé agent technique stagiaire en 1927 mais licencié en 1929. Il travaillait comme représentant d’une entreprise s’occupant des travaux neufs et d’entretien aux chemins de fer de l’Indochine et du Yunnan, mais il a obtenu sa réintégration en 1931. En tous cas, les 9 démissions et licenciements sur 18 agents sont caractéristiques des générations d’après 1911 . Bien que les sources soient limitées, l’analyse socio-historique nous a fourni un certain résultat. D’abord, le cycle d’avancement de la carrière était différent selon les lieux de travail ; des services du Gouvernement général de l’Indochine et la Résidence supérieure du Tonkin, et du Gouvernement général de la Cochinchine. Les

68 CAOM, GGI-AF, 35649. 69 CAOM, GGI-AF, 35666. 70 CAOM, GGI-AF, 35657. 71 CAOM, GGI-AF, 35662.

49 fonctionnaires tonkinois n’avaient qu’un choix limité, dans un même bureau, sans déplacement. Par contre, les fonctionnaires cochinchinois travaillaient à des fonctions diverses avec les déplacements très fréquents imposés aux opérateurs sur le terrain par les obligations du service. Cependant, les jeunes agents techniques, qui sont entrés dans l’administration après 1920 entre autre, avaient tendance à quitter précocement leurs fonctions à cause de conflits de travail. En tout cas, c’était en ville que se déroule leur longue carrière.

5. L’effectif et le recrutement des fonctionnaires vietnamiens En fait, on ne peut pas saisir exactement l’effectif des fonctionnaires et d’agents aux services publics vietnamiens. En effet, ils sont le plus souvent affectés aux petits bureaux provinciaux, or les communes à petits fonctionnaires ne sont pas bien mentionnés dans, par exemple, un bulletin officiel de tel que l’annuaire administratif ou statistique de l’Indochine 72 . Voici cependant un tableau de l’effectif de fonctionnaires vietnamiens par genre de professions en 1933 établit à partir de 1924 au plus tard. La répartition personnelle par effectifs explique une différentiation entre les professions auxquelles l’autorité indochinoise donnait l’importance et les autres. Si l’on divise grosso modo par catégorie de professions, c’est dans les services des Travaux publics (433) et médicaux (321) qu’il y a le plus d’Indochinois. En outre, si l’on additionnait des personnels journaliers et des administrateurs locaux, le nombre de fonctionnaires vietnamiens est arrivé à 24.574 contre 5.660 européens d’après des données statistiques sur le nombre tributaires de la Caisse des pensions civiles indigènes en 1930 73 . Les fonctionnaires journaliers, malgré leurs situations précaires, étaient recrutés dans chaque service. La quotité journalière des dites indemnités est fixée entre 0,40 piastres et 6,0 piastres par jour et l’ayant-droit s’est trouvé dans l’obligation de prendre un ou deux repas (11h et 19h) ou bien de coucher hors de sa résidence habituelle. Ils composaient un groupe de fonctionnaires comme que les autres. Cependant, toujours est-il que le nombre du recrutement des fonctionnaires était d’autant plus limité qu’ils étaient des cadres. La direction de l’instruction publique prévoit un nombre d’emplois qui peuvent être attribués par les services aux élèves

72 Dans le service du cadastre et de la topographiue de la Résidence supérieure du Tonkin, 2 agents à la province de Bắc Ninh et Phúc Yên , 1 agent à Hà Đông , 2 agents à Hải D ươ ng et Ki ến An , 1 agent à Nam Đị nh , 1 agent à Phú Th ọ, 1 agent à Sơn Tây , 2 agents à Thái Bình et 1 agent à Vĩnh Yên en 1928. GGI, Auunaire administratif de l’Indochine 1928 , Hanoi, IDEO, p.236. 73 Y compris Laotiens, Cambodgiens et personnels journaliers. Pour l’autres années, 12.249 indigènes contre 3.275 européens en 1914, 19.517 contre 3.289 en 1926, 25.137 contre 4.688 en 1932, 22.628 contre 4.520 en 1935. M.Banens, J.-.Bassino et E.Egretaud, op.cit., 1998, p.34.

50 diplômés de l'Université en 1923 et 1928 74 (voir aussi Annexe 4 ––– Tableau 668888 et 66696999). Le nombre diminuait sauf les emplois aux services médicaux malgré la réforme de l’emploi public de 1926. Ainsi, on n’a pas pu abandonner le principe du minimum nécessaire à un bureau.

Tableau 16 ――― Effectif de fonctionnaires vietnamiens par genre de profession en 1933

Genre de profession effectif Genre de profession effectif Agents techniques des Travaux Médecins indochinois 190 219 Publics Pharmaciens indochinois 29 Agents techniques des Forêts 35

Vétérinaires indochinois 87 Agents techniques agricoles 32

Agents voyers indochinois 37 Agents technique du Cadastre 92

Agents techniques du Services Gé Ingénieurs indochinois 2 16 ographiques Chefs ou sous-chefs de postes Docteurs indochinois 5 auxiliaires du Service Radiotélé 8 graphique Professeurs de l'Enseignement Médecins indochinois du cadre laté 10 primaire et primaire supérieur 135 ral franco-indigène

Commis indigènes des différentes Ingénieurs Géomètres indochinois 0 180 administrations

Source : CAOM, I-NF, 2374 .

74 CAOM, GGI-AF, 51508.

51

Chapitre ⅣⅣⅣ. L’inserL’inserttttionion profeprofessionnellessionnelle dans la société coloniale 75

La colonisation indochinoise a produit une variété de professions. Hanoi a offert non seulement les commerçants et les artisans traditionnels qui s’y installaient de génération en génération 76 , mais aussi les fonctionnaires, les militaires, les ouvriers, les professions libérales et les étudiants. Quel rôle ont-ils joué à la formation de la ville en Indochine? Comment se sont-ils insérés dans les sociétés urbaines coloniales d’Hanoi ? Cependant, ne sont-ils pas toujours mis sur la touche. Jusqu’à avant la crise économique de 1929, les Annamites ont méprisé l’enseignement professionnel. Ils préféraient plutôt être fonctionnaire dans les bureaux gouvernementaux que de gagner leur vie par la force et l’habilité de leurs mains. La crise survenue, l’espèce de créance sur le Gouvernement qu’est leur Brevet n’a plus eu de valeur et ils se trouvèrent déconcertés, plus, aigris par le chômage.

1. Les ppositionsositions sociales des fonctionnaires vietnamiensvietnamiens Quels rôles les fonctionnaires vietnamiens ou les diplômés vietnamiens ont-ils joué en Indochine? On les considère en général comme les personnels auxiliaires pour un appareil administratif et les agents techniques pour la modernisation. Mais ces points de vue pourraient paraître banals si leurs propres opinions avaient été ignorées. S’il en est ainsi, quelles positions se sont-ils trouvés sous l’autorité coloniale ou au delà de l’autorité ? Les demandes pourraient se diviser en trois types. D’abord, il y avait un certain nombre de Vietnamiens qui voulaient devenir Français, c’est-à-dire, obtenir la naturalisation française. Il est manifeste que les droits du citoyen français leurs donnaient une position plus avantageuse sur toutes les conditions sociales ; l’assurance de l’emploi et du salaire, la sécurité sociale, le visa, etc. C’étaient les fonctionnaires qui avaient beaucoup de chances d’obtenir la nationalité française. Par exemple, parmi les 36 Vietnamiens qui ont demandé la naturalisation entre 1932 et 1940 à Hanoi, 21 demandeurs (59%) étaient fonctionnaires (GraphiqueGraphique 55)77 . Cette petite analyse ne peut pas généraliser la tendance majoritaire des fonctionnaires. Mais il est clair qu’ils étaient dans une position favorable pour la naturalisation car, d’après les arrêtés de

75 Ce chapitre se base sur le Chapitre Ⅳ in OKADA Tomokazu, op.cit ., 2007, pp.53-64. 76 Nous l’examinerons à la 3 ème partie. 77 Archives Nationale du Viêtnam n˚1 de Hanoi (ANVH), Fonds de la Mairie de Hanoi (FMH), D.86, de 3304 à 3416.

52

1919 à 1937, il faut, pour la demander, un service de 10 ans au moins dans l’administration de l’Indochine 78 . Cette condition était d’autant plus favorable aux fonctionnaires que presque tous demandeurs devraient avoir obtenu quelque diplôme de l’enseignement franco-vietnamien. Cependant la demande de naturalisation des indigènes n’a presque jamais abouti. Le nombre de personnes intéressées n’a compté en fait que 30 personnes en 1932 et 58 personnes en 1935 79 .

Graphique 5 ―Professions des demandeurs de naturalisation française des Vietnamiens à Hanoi dans les années 1930

11% 8% fonctionnaire employé et commerçant étudiant

22% 59% divers

Source : ANV-H,FMH, D.86, de 3304 à 3416.

Deuxièmement, il y a ceux qui veulent maintenir le statu quo . Ils voulaient vivre non seulement modestement mais en sûreté sous l’égide de l’autorité indochinoise. Pour cela, ils se sont souvent groupés pour assurer leur propre position en formant leur association entre les gens de la même profession. Le décret du 21 février 1933 fixant le régime des associations laïques n’a été promulgué que dans les territoires français d’Indochine : Cochinchine, concession de Haiphong, Tourane et Hanoi 80 . Ce décret a encore fixé une condition dans les pays de protectorat (Tonkin et Annam) pour être rendu applicable aux associations formés entre : 1) citoyens français, 2) indigène de Hanoi ou Haiphong, autrement dit sujets français, 3) protégés français résidant à Hanoi

78 L’arrêté du 23 juillet 1937 fixe deux catégories des conditions sine qua non pour l’admission à la naturalisation : ‘’l’admission de plein droit’’ jugée par les conditions principales ( âge, statut, mœurs, savoir du français…) et ‘’l’admission facultative’’ jugée par les conditions ajoutées (service à l’administration et la militaire, service de 10 ans en agricole et industrie contribuant à la France, obtention d’un diplôme de l’enseignement, mariage et adoption avec Français(e)…). André Duretestes, Cours de droit de l’Indochine , Paris, 1938. 79 En 1935, 1 homme et 1 femme au Cambodge, 1 homme au Laos, 11 hommes, 6 femmes et 14 enfants mineurs à la Cochinchine, 3 hommes et 2 femmes à l’Annam, 7 hommes, 7 femmes et 5 enfants mineurs au Tonkin. GGI, Annuaire statistique de l’Indochine , IDEO, Hanoi, 1935 et 1937, p.52 (1935), p.29 (1937). 80 CAOM, RST-NF, 632.

53 ou Haiphong, 4) sujets français et protégés français. Le cas est fréquent précisément pour les associations sportives (de foot-ball, de boys-scouts...), les cercles de fonctionnaires, qui généralement sont patronnées par une autorité administrative du lieu du siège, soit le Résident chef de province, soit le Directeur des écoles, soit l’Inspecteur de la C.I. Les Vietnamiens ont pu ainsi fonder des associations ayant un but culturel, religieux, scientifiques, littéraire, artistique, de bienfaisance ou de réception.

Graphique 6 ― Détail des associations autorisées à Hanoi dans les années 1920 et 1930

composés par Vietnamiens

33% 38% composés par Européens

composés par Vietnamiens et Européens 6% aucun reinseignement 23%

CAOM, RST-NF, 629, 630 et 641.

Graphique 7 ― Détail d'activités des associations vietnamiennes

18% amicale des 25% fonctionnaires enseignement mutuel

sport 13% 13% 11% amicale des employé 20%

CAOM, RST-NF, 629, 630 et 641.

Voyons ici les détails de 227 associations autorisées à Hanoi et Haiphong dans les années 1920 et 1930 81 . Il existait un certain nombre d’associations composées d’un conseil dirigé par des membres tous Vietnamiens (39%) par rapport aux autres types

81 CAOM, RST-NF, 629, 630 et 641.

54 composés par Européens (23%) et par Vietnamiens et Européens (6%) (GraphiqueGraphique 66). Analysons ensuite les détails d’activité parmi les 91 associations composées par Vietnamiens (GraphiqueGraphique 77). Le plus nombreux groupe par activité était l’amicale des fonctionnaires des services publics. Ce groupe se caractérise par l’activité imprécise au nom de l’amicale. Mais celle-ci a rempli sans doute un rôle pour consolider, par l’échange d’informations et la fréquentation, une alliance mutuelle non seulement entre les "collègues " du même service mais aussi entre ceux de différents services. Quant au dernier cas, l’Amicale de secours mutuels des fonctionnaires indochinois, c’est un exemple typique. Les membres de cette amicale sont composés des fonctionnaires en divers services : commis des douanes et des régies, secrétaire de la mairie de Hanoi et de P.T.T., agent technique des Travaux publics, instituteur, etc.... D’ailleurs, nous pouvons trouver un fonctionnaire au moins dans presque tous les autres groupes. C’est-à-dire que les fonctionnaires ont pu se voir fréquemment en participant aux activités dans les différentes associations. L’association était un lieu d’assemblée occupé par les fonctionnaires et un asile préparé pour retrouver leurs positions dans la société coloniale. Pour l’autorité indochinoise, selon Roger Pinto, il est indispensable que les fonctionnaires se groupent en association ou en syndicat, non seulement, comme l’énonce un texte récent qui porte la trace de son origine, « en vue d’assurer dans le respect de l’autorité de l’État et dans la mesure compatible avec l’intérêt général, la représentation de leurs intérêts professionnels », mais encore pour améliorer par un contrôle mutuel, la bonne tenue, l’efficience et la discipline de leur corps et pour conseiller utilement les pouvoirs publics dans les domaines de leur compétence 82 . C’est pourquoi les fonctionnaires ont pu donc se grouper facilement grâce au privilège de leur soumission à l’autorité indochinoise.

222.2. LaLaLa "dissémination" ddeses intellectuels vvietnamiensietnamiens Au sujet des statuts sociaux des Vietnamiens, il reste à examiner un troisième type. C’est celui des Vietnamiens diplômés et des non diplômés qui n’ont pas accédé à l’emploi public. Voilà un problème qui concerne la politique de l’administration coloniale, plus précisément, sa politique sociale. Il y a eu, comme nous l’avons vu, une grande réforme de l’accession à l’emploi public pour les Vietnamiens vers 1926. En ce temps là, la politique d’emploi était un problème parce que l’emploi public était limité presque seulement aux citoyens français, c’est-à-dire que les Vietnamiens sans nationalité ne pouvaient pas accéder à l’emploi public sauf s’ils se faisaient naturaliser. A cause de ce règlement, même si un étudiant allait étudier en France et s’il rentrait au Vietnam avec

82 R.Pinto, op.cit. , 1946, p.35.

55 quelques diplômes, il n’y avait pas d’emploi en Indochine pour lui. Donc, l’autorité indochinoise a ouvert quelques postes dans le public à partir de 1926. Cependant, la stagnation du recrutement de fonctionnaires indigènes continuait encore après 1926. La raison est claire. D’un côté, la crise mondiale commencée au début des années 1930 influe sur les divers systèmes de l’organisation coloniale en Indochine. D’autre part, une grande insurrection a lieu dans les provinces du Nord ( Yên Bái ) et du Centre ( Ngh ệ An et Hà T ĩnh) du Viêtnam en 1930. Sous les effets de conjonctures économiques et politiques, le nombre d’écoles secondaires diminue dans les années 1930, tandis que les Écoles supérieures de Pédagogie, de Vétérinaire, d’Agriculture et des Travaux Publics ferment leurs portes jusqu’en 1937. Ces raisons font obstacle à l’offre d’emploi public pour les Vietnamiens diplômés. D’un autre côté, il y aurait une autre raison plus essentielle. C’est le plein emploi dans la fonction publique avant 1930. Que le nombre de candidats aux écoles supérieures ou secondaires soit déjà limité constituait le principal problème. Selon une analyse relative à la durée du service de quelques fonctionnaires vietnamiens, il y avait beaucoup de cas où les fonctionnaires continuaient à travailler dans leur bureau sans changement pendant plus de 15 ans. Presque tous les cadres étaient destinés à suivre leur carrière dans un même service. Après un accroissement des recrutements de 1922 à 1926 (125 personnes), une diminution du personnel a été mise en place. Ainsi, un bureau n’avait pas toujours besoin de nouvelles personnes. D’après un rapport en 1933 de la Direction du personnel de l’Indochine :

« le manque de places disponibles, mauvaise conduite du postulant, suppression de cadres, motifs même imprévisibles peuvent empêcher la réalisation des promesses faites. L’arrêté de 1926 ne visait aucune fonction remplie par des agents du cadre supérieur et il paraissait nécessaire de compléter la liste qu’il contient par une disposition réglementaire de même nature déterminant expressément que le nouveaux emplois seront ouverts aux originaires d’Indochine . »83

Pour diverses raisons soit budgétaires, soit politiques au début des années 1930, on s’est opposé, malgré les assurances du gouvernement, à ce que certains candidats soient incorporés après avoir terminé leurs études avec succès dans les fonctions qu’ils avaient choisi. Qu’ont alors fait les diplômés qui n’avaient pas accédé à l’emploi public ? Il existe

83 Lettre du 2 juin 1933 du Ministère des colonies à la direction du personnel et de la comptabilité de l’Indochine. CAOM, I-NF, 2374.

56 une liste sur les situations de 216 boursiers vietnamiens qui sont allés étudier en France de 1920 à 1930 (TableauTableau 171717) 17 84 . En 1931, 127 boursiers restaient encore en France, sauf 2 en retour, 1 en Russie et 22 sans renseignements. Le détail de profession parmi les autres 61 boursiers (GraphiqueGraphique 888) 8 qui sont rentrés au Vietnam était, 23 fonctionnaires (38%), 4 étudiants (7%), 4 rédacteurs et éditeurs (7%), 5 commerçants (8%), 4 patrons (7%), 3 employés (5%), 4 médecins et 1 pharmacien et 1 dentiste (9%), 1 avocat (2%), 5 professions spéciales (8%), 6 inconnus (10%). Parmi 23 fonctionnaires, 9 (39%) sont devenus préfet de province ( Tri ph ủ et Tri huy ện) dans l’administration indigène ( Hải D ươ ng , Hưng Yên et Tây Nguyên ), contre 10 (43%) qui sont entrés dans l’administration coloniale telles que la Résidence supérieure au Tonkin et la Mairie de la ville de Hanoi. D’ailleurs, parmi tous les boursiers du Viêtnam, l’analyse de la classification par profession présente un taux supérieur (45%) d’emploi dans le secteur privé que dans la fonction publique (38%). C’est-à-dire, il semble que les professions libérales étaient appréciées des Vietnamiens diplômés. À ce propos, nous pouvons également voir une tendance préférant les professions privées dans la classe intellectuelle 85 . C’est-à-dire qu’ils n’ont pas accédé à l’emploi public malgré qu’ils aient eu l’honneur d’être l’élite.

Tableau 17 ― Profession des boursiers vietnamiens en France et en Vietnam en 1931 Boursiers restant en France et divers Boursiers retournés au Vietnam Profession Effectif Profession Effectif

Étudiant 113 Fonctionnaire 23

Lycéen 10 Étudiant 4

Dessinateur 2 Redacteur, editeur 4

Réalisateur de film 1 Commerçant 5

Inconnu 3 Patron 4

Retour de la France 2 Employé 3

Exil en Russie 1 Médecin, dentiste, pharmacien 6

Aucun renseignements 22 Profession spéciale 5

Avocat 1

Inconnu 6

Source : CAOM, GGI-AF, 51532.

84 CAOM, GGI-AF, 51532. 85 Trinh Van Thao, op.cit. 1990, pp.38-57. Dans l’annexe du chapitre 1, il présente les fiches biographiques du corpus des 222 intellectuels vietnamiens. D’après ces fiches de 120 personnes de la génération de 1925, 32% du journaliste et 13% de l’enseignant privé par rapport à 20% de l’emploi public.

57

Graphique 8 ― Détail de professions des boursiers retournés au Vietnam en 1931

10% Fonctionnaire 38% Étudiant

Profession privée divers 45% 7%

Source : CAOM, GGI-AF, 51532.

Autrement dit, l’autorité indochinoise laissait fuir les diplômés hors de l’administration. , À la fin des années 1930, elle a reconduit la réforme de l’emploi public en faveur des indigènes. Ainsi, le nombre de fonctionnaires indigènes a augmenté après 1935. Mais la situation de la société civile avait déjà changé à mesure qu’elle arrivait à maturité dans les années 1930 et qu’elle a ainsi attiré et absorbé les diplômés hésitant à accéder à l’emploi public. À ce moment là, l’autorité coloniale n’avait plus aucune politique pour faire face au problème d’emploi.

333.3. Les écoles privées de Hanoi (1916(1916----1943)1943) Il reste encore un type d’emploi à analyser. C’est la catégorie des professions libérales. Ils sont particuliers et mouvants exigeant parfois des compétences intellectuelles comme ingénieurs ou techniciens en mécanique et en électricité, dentiste, avocat, médecin, etc.... Selon les listes électorales des commerçants de 1936, leur nombre était 155 excepté les cumuls. Mais si l’on additionnait des gens non patentés comme employés et des ouvriers spécialisés, ce chiffre augmenterait encore plus. Les enseignants de l’école privée, n’étant pas compris dans les listes, sont ceux qui formaient nouvellement une couche socio-professionnelle parmi les diplômés de l’école supérieure de l’Indochine. Dans les années 1930, le nombre des écoles privées a augmenté rapidement. L’enseignement libre a été régi par le décret du 14 mai 1924 qui assure le contrôle de l’autorité publique sur tous les établissements 86 . Des écoles privées recevant des élèves français et des indigènes ont été tenues, soit par les missions

86 GGI, Annuaire statistique de l’Indochine 1923-1929 , IDEO, Hanoi, 1930.

58 catholiques, soit par des maîtres laïques français, soit par des indigènes ou par les communautés étrangères (chinoises, malaises et birmanes). D’une manière générale ce n’étaient que de petites écoles à une classe donnant seulement l’enseignement élémentaire 87 . Pour la création d’une novelle école privée, le demandeur a dû avoir en général son diplôme de l’école supérieure de pédagogie ou de l’école normale d’instituteur, ou de l’enseignement primaire supérieur aux cas particuliers, sinon recruter un enseignant compétant. C’est pourquoi l’enseignant de cette école n’a pas seulement enseigné les caractères chinois et le confucianisme comme l’enseignant traditionnel. Ces enseignants privés étaient sans doute une des nouvelles professions que la société coloniale a produite pour les Vietnamiens diplômés. Ces intellectuels vietnamiens en profession privée, non seulement les enseignants d’écoles privées mais aussi les journalistes, se sont adaptés prestement à la société colonisée en voie de développement dans les années 1920 et 1930. Ses adaptations ont produit la diversification des professions et activé les réseaux personnels entre eux et les autres, soit officiel, soit clandestin, sous ou hors contrôle de l’autorité coloniale. Ils ont ainsi créé de ses propres volontés une nouvelle société coloniale qui commence à marcher toute seule. Ils ont créé ses écoles de préférence dans les grandes villes de Saigon et de Hanoi. Au Tonkin, il y avait 232 écoles congréganistes (12.255 élèves) et 235 écoles laïques (12.376 élèves) en 1933. On peut voir une liste de 212 écoles privées sur laquelle le nom ou le directeur fait figurer, demandées et autorisées entre 1916 et 1943 à la ville de Hanoi 88 . Malheureusement, il est difficile de saisir le nombre d’enseignants de ces écoles privées, mais on peut préciser les années de fondation pour chaque école, les locaux et donc la répartition géographique. Le phénomène commence dès la fin des années 1920, puis s’accélère entre 1930 et 1939 avec l’ouverture de 146 nouvelles écoles. Mais pourquoi ce phénomène d’augmentation s’est-il accéléré à cette période malgré la grande dépression. Il s’agissait de la saturation des postes de fonctionnaire réservés normalement aux diplômés de l’école supérieure en Indochine ou en France. Selon les discours prononcés par le gouverneur général lus à la dernière session du Grand Conseil d’intérêt économique et financier et de celle du Conseil du Gouvernement général au 30 janvier 1931, la question de l’accession des indigènes aux emplois publics et plus précisément aux emplois de gestion a été souvent soulevée :

87 Mais il existe dans les gros centres de la Cochinchine, de l’Annam et du Tonkin des établissements libres plus importants : école primaire supérieures de mission à Saigon et à Hanoi, lycée franco-chinois à Cholon, pensionnats annamites à Hanoi et Saigon. 88 ANV-H, FMH, R.29, 5217 à 5472.

59

« On sait qu’elle a été en principe tranchée en 1926 par M.Varenne, alors Gouverneur Général. Mais en pratique on semble n’être entre que bien timidement dans cette voie. Et cependant, il parait y avoir intérêt à ce qu’une place soit faite à l’élite indigène qui se forme actuellement, soit dans nos Facultés en France soit à l’Université de Hanoï. On risquerait d’aller au devant des plus graves difficultés si on laissait se former un prolétariat intellectuel qui ne pouvant s’agréger à la Société Annamite, serait porté à se jeter dans des partis extrémistes, nationalistes ou communistes, et constituerait de ce fait un noyau d’irréductible opposition à notre cause. »89

Dans une telle situation, un certain nombre d’élites indigènes n’a plus voulu l’accès au fonctionnariat mais ont choisi les professions libres qui permet de gagner mieux que les autres malgré la crise économique. Cependant ils semblent n’avoir pas choisi et trouvé le code adéquat pour travailler et pour vivre économiquement. Ainsi, les enseignants de l’école privée ont tenu leur classe dans la promiscuité des logements des quartiers indigènes ou nouveaux. Au nombre de 200, comme le Tableau 18 ci-dessous, les écoles étaient 37 (18.5%) au 2 ème quartier, 26 (13%) au 3 ème quartier et 40 (20%) au 6ème quartier 90 .

Tableau 181818 – Nombre d’écoles privées de Hanoi (1916-1943) par année de fondation Banc Total Annés / 1er 2e 3e 4e 5e 6e 7e 8e de par Quartiers sable an avant 1924 1 2 1 0 0 0 0 0 0 4 1925-1929 4 10 4 6 0 2 2 3 1 32 1930-1934 9 15 7 7 8 20 9 4 0 79 1935-1939 6 8 11 3 6 16 5 5 7 67 après 1940 0 0 3 4 0 2 1 2 2 14 inconnu 1 2 0 0 0 0 1 0 0 4 Total 21 37 26 20 14 40 18 14 10 200

Excepté 1 école du Bd. Henri d’Orléans, 10 écoles des boulevards Rollandes, Carreau, Gambetta, Doudard de Lagrée, l’Avenue Pierre Pasquier et 1 école de la route Mandarine.

Source : ANV-H, FMH, R.29, 5217 à 5472.

89 CAOM, I-NF, 638. 90 Sur la division des quartiers de Hanoi, voir Annexe 6 – Plan 3131.

60

La plupart des écoles se trouvent sur les rues plus commerçantes et animées. Ce qui nous intéresse est une concentration des écoles aux alentours des quartiers de plaisir. Dans le 2 ème quartier, il y avait presque toutes les écoles au secteur dit de Yên Thái , surtout sur les rues de la Citadelle (5), Nguy ễn Trãi (4), des Éventails (4). Dans le secteur dit de Sầm Công du 3 ème quartier, 2 école étaient sur la même ruelle et sur la rue des Pavions Noirs, les autres étaient sur les rues Jean Dupuis (5), des Voiles (4) et Maréchal Pétain (4). Dans le 6 ème quartier, les écoles ont été éparpillées juste derrière la gare, particulièrement sur la route de Sinh T ừ (15) ainsi que les chanteuses y ont émigré en masse. De même, certaines se trouvent près des monuments historiques du Boulevard Armand Rousseau (10) et de la route de Hué (7). En plus, remarquons le nombre d’écoles sur les voies nouvellement aménagées dans les années 1930 au 7 ème quartier, c’est-à-dire les nouvelles rues commerçantes : Lê L ợi (3), Goussard (3) et Charles Wilelé (4). Ainsi, les professions libérales, ici, comme enseignants de l’école privée au moins, se sont insérées dans la société coloniale ainsi que les petits commerçants vivants sur les rues du quartier. Il y a encore matière à discuter pour savoir s’ils ont formé une des classes du prolétariat intellectuel mais il est clair qu’ils devenaient une couche importante à la société coloniale, particulièrement urbaine et indigène en Indochine, puisque leur intervention aura dirigé un grand mouvement social et menacé violemment l’autorité coloniale en agitant les citadins des classes moyennes et ouvrières durant la dernière moitié des années 1930.

Plan 111 – Répartition des écoles privées à Hanoi (1916-1943) ■école

61

444.4. Les étudiants : une classe mobile Enfin, il ne faut pas d’oublier qu’il existait une classe sociale composé en grande partie par des jeunes instruits Vietnamiens. Les étudiants, selon Trinh Van Thao, en dépit de barrières psychologiques, linguistiques, sociales, politiques et scolaires, ainsi que les jeunes Vietnamiens, ont fait la preuve de leur capacité d’adaptation et d’assimilation à la nouvelle Indochine 91 . Un des résultats de la politique scolaire a produit un réseau horizontal entre les étudiants vietnamiens. Dans l’université de Hanoi, la principale différence, rendue indispensable par les habitudes de « la vie hanoïenne », est que les élèves devaient rentrer à 20 heures et que l’extinction des feux avait lieu à 22h.30. Ainsi on s’efforçait avant tout de mettre les élèves à leur aise, de les faire vivre dans une sorte de vie collective familiale dont le principe était le libre choix des chambres par des groupes de camarades désireux de vivre en relation les uns avec les autres 92 . Les disciplines pour contrôler les étudiants ont fait fonction du groupement des étudiants indépendamment de leurs origines. Lors de l’arrestation de Phan B ội Châu en 1925, des étudiants haiphonnais ont fait circuler à l’école pratique d’industrie de Haiphong une petite brochure écrite en Qu ốc Ng ữ dans laquelle ils correspondaient aux étudiants hanoiens qui avaient déjà manifesté leur patriotisme à Hanoi :

« Notre port de Haiphong est aussi une ville importante du Tonkin. Elle n’est, d’ailleurs, pas très loin de Hanoi. Nous tous, Haiphonnais, animés d’un même sentiment de compassion pour M.Phan Bôi Châu, et pourquoi ne cherchons-nous pas à le manifester au dehors et à montrer à nos frères de Hanoi que nous partageons pleinement leur vue ? Que sont-ils, les étudiants ? Ils sont la classe la plus importante du pays. Ils sont l’espoir de la nation, qui s’intéresse beaucoup à leurs études et compte beaucoup sur leur patriotisme. (....) Ils sont encore les oreilles, les yeux et l’esprit du peuple .»93

Ce qui importe, c’est qu’ils ont pu être conscients de leur position sociale par rapport aux étudiants de Hanoi : il sont d’abord Haiphonnais dans l’espace géographique, puis le groupe des étudiants dans la société coloniale et enfin la classe la plus importante du pays. Il n’existe plus là l’espace tel que les autorités indochinoises l’imaginaient, mais un espace à travers des phases de développement de la société menée par l’insertion

91 Trinh Van Thao, op.cit. , 1995, p.297. 92 GGI, DGIP, Le service de l’instruction en Indochine 1931 , IDEO, 1931, pp.123-124. 93 CAOM, RST-NF, 3614.

62 professionnelle des Vietnamiens formés dans l’école coloniale en l’Indochine. On ne voit pas très souvent ce phénomène dans les autres pays colonisés en Asie, par exemple, comme en Corée ou Taïwan où l’Empire du Japon a poussé violemment la politique de la "Japonisation " ou " Tennonization " ( 皇民化 ) mise en comparaison avec " Gleichschaltung " du parti nazi en Allemagne qui implante l’identité artificielle sous le totalitarisme.

63

Deuxième partie ::: Transformation de Hanoi (1887(1887----1930)1930)

64

Chapitre ⅠⅠⅠ. La construction de Hanoi en tant que ville coloniale

Matériellement et visuellement, comment l’espace urbain "colonial " en Indochine s’est-il transformé ? À la fin du XIX e siècle, déjà, l’autorité indochinoise s’intéressait non seulement à mettre en place une politique des affaires indigènes, mais encore à celle de l’aménagement et de l’embellissement de la ville pour que les habitants de la ville coloniale puissent vivre aisément dans le futur. Cette dernière politique ont eu pour effet de promettre un développement splendide du pays. En d’autres termes il s’agissait de gouverner, administrer et ordonner un espace urbain hybride.

111.1. Le statut juridique La ville de Hanoi, située par 21 ˚58 de latitude nord, et 103 ˚29 de longitude Est, occupe une superficie de 945 hectares 25 ares, 49 centiares. D’après un bulletin relatif à Hanoi publié en 1902 par le GGI 1, elle s’étend sur la rive droite du Fleuve Rouge (Sông Hồng) sur une longueur d’environ 4 kilomètres, et affecte la forme d’un triangle isocèle dont la base serait la concession et la pagode du grand Bouddha le sommet. Elle est ceinturée par la Zone suburbaine qui décrit par rapport au fleuve un arc de cercle d’une longueur d’environ 9 kilomètres formant ainsi un territoire tampon distant de 3 kilomètre de la ville entre cette dernière et les provinces limitrophes de : Sơn Tây qui la borne au Nord, Hà Đông au Sud-Ouest et Bắc Ninh à l’Est. De Hanoi à la mer il y a 150 kilomètres par le fleuve pour arriver au Cua Hoc La , une des principales embouchures malheureusement peu praticable aux navires d’un tonnage véritablement commercial. La capitale reste néanmoins en communication avec toutes les provinces par des branches divergentes de la rivière et les lignes de chemin de fer de Haiphong à la Frontière de Chine et de Hanoi à (province de Ngh ệ An ) et Lào Cai . Suivons cette brochure de la ville de Hanoi en 1902. L’époque la plus reculée où il est question de Hanoi pour la première fois, parait remonter au IX e siècle de notre ère. Fondée par la dynastie de Kinh D ươ ng V ươ ng , sur l’emplacement d’un village que l’on appelait Long-Ao , elle prit d’abord le nom de ce village, dont une pagode fut érigée à Hà Kh ẩu, plus tard devenue rue des Pavillons Noirs, pour faire place par la suite, au Palais Royal. Hanoi s’appelait alors Gia-Chi-Bo ; d’autres disent Kẻ Ch ợ (Grand Marché). Cao Bi ền (Gao Pian 高駢 821-887), général de la dynastie Tang ( 唐朝 618-907) de la Chine,

1 GGI, Ville de Hanoi (Tonkin). Historique, Développement financier, Règlementation administrative et Fonctionnement des divers services municipaux de la Ville de Hanoi , Imprimerie Taupin & Cie, Hanoi, 1905, p.17.

65 développa la citadelle et l’entoura d’un rempart de terre qu’il appela Thành Đại La (865). Plus tard, le Roi, Lý Thái T ổ (李太祖 974-1028) de la dynastie des Ly (1009-1225) y construisit un palais sur un tumulus qui s’appelait Th ăng Long (昇龍 ), et qui donna son nom à la ville – C’est sur cet emplacement occupé actuellement par le champ de courses à l’angle de la digue Parreau et de la route circulaire du côté opposé au pont du village du Papier, qu’existait vraisemblablement autrefois, le palais de Th ăng Long . Gia Long (嘉 隆 1762-1820), fondateur de la dynastie impériale des Nguy ễn (阮 1802-1945), fut le véritable fondateur de la ville actuelle, qui était située ainsi qu’il a été dit, dans les parages du pont du village du Papier. Hanoi fut souvent dépossédée de son titre de capitale. Par suite de révolutions, le siège en a été transporté successivement à Sơn Tây , puis à Ninh Bình . Chaque changement de Roi entrainait la reconstruction d’un palais et d’une capitale nouvelle. Toutefois depuis Gia Long elle est restée la capitale du Tonkin et est devenue la capitale de l’Indochine, siège de Gouvernement et de tous les services généraux. La ville de Hanoi a alors été incorporée dans le système colonial de l’Indochine française. Ainsi a-elle été positionnée en tant que « concession français (colonie) » en 1888.

PlaPlaPlanPla n 222–2 Région Nord du Tonkin

Source de plan : Guide Madrolle , 1932.

Il convient de ranger dans la même catégorie les « concessions français » de Hanoi et Haiphong (au Tonkin) et de Tourane (en Annam). Les territoires de ces trois villes

66 faisaient partie des pays protégés de l’Annam-Tonkin. Ces trois villes, enclavées en pays de protectorat, sont placées sous l’autorité administrative des résidents supérieurs au Tonkin et en Annam et ne constituent pas une colonie distincte ; néanmoins leurs caractères juridiques ne différent en rien de ceux des colonies. Cependant, par ordonnance royale en date du 6 e jour, du 8 e mois de la 3 e année du règne de l’Empereur Đồng Khánh (le 1 er octobre 1888), rendue en exécution du traité de protectorat du 6 juin 1884, approuvé par la loi du 19 juin 1885, décida que « les territoires des villes de Hanoi, Haiphong et Tourane ont été érigées en concessions françaises et cédées en toute propriété au Gouvernement Français, par le Gouvernement Annamite qui a, de ce fait, renoncé à tous ses droits sur ces mêmes territoires ». Cette ordonnance royale a été rendue exécutoire en Annam et au Tonkin à la date du 3 octobre 1888 par le Gouverneur général Richaud. En même temps, une ordonnance royale accordait également aux citoyens et protégés Français, le droit de posséder en Annam et au Tonkin 2. Selon un légiste d’alors, le terme de « propriété » employé par l’ordonnance ne doit pas faire illusion ; il s’agit bien d’un transfert du territoire à l’État français. Sans doute les termes de l’ordonnance dépassaient-ils ce qui avait été prévu formellement par le traité de 1884, qui disposait seulement : « Des conférences ultérieures règleront les limites des ports et des concessions français dans chacun de ces ports ». Mais la concession n’en était pas moins réalisée. Aussi la jurisprudence a reconnu que le territoire de ces villes était un territoire français et que leurs habitants avaient la qualité de sujets français. La même solution a été donnée par les textes règlementant (Le décret du 16 février 1921) l’organisation judiciaire de l’Indochine qui décide que les tribunaux français sont compétents en toutes matières à l’égard des indigènes des concessions françaises comme à l’égard des indigènes de la colonie de Cochinchine 3. Au point de vue territoriale, le domaine de l’Indochine est régi par un arrêté du GGI en date du 15 janvier 1903 4 . Ce texte donne à l’Indochine un régime domanial notablement différent du régime habituel. L’arrêté a distingué : (1)Le domaine public, (2)Le domaine de l’État, (3)Le domaine privé de l’Indochine ou domaine colonial, (4)Le domaine de chacun des pays de l’Union indochinoise ou le domaine local. D’après l’arrêté, ces domaines s’expliquent comme suit : (1) Le domaine public est composé de l’ensemble des choses qui ont pour destination

2 Ibid ., p.26. 3 L.Rolland et P.Lampué, op.cit. , 1940, p.70. 4 Le régime domanial de cet arrêté s’est trouvé modifié en partie pour certaines régions de l’Union indochinoise. Le décret du 21 juillet 1925, modifié le 6 septembre 1927 et relatif à la Cochinchine, étendu au Laos et aux territoires d’Hanoi et Tourane et Haïphong, contient une disposition attribuant au domaine de l’État les biens vacants et sans maître. E.Tston et M.Percheron, op.cit. , 1931, p.89.

67 d’être asservies à l’usage ou à la protection de tous et sur lesquelles la puissance publique exerce sa souveraineté. Les produits industriels du domaine public, tels que ceux provenant des chemins de fer ou tramways, des lignes télégraphiques ou téléphoniques et des concessions temporaires, profitaient au budget général, sans préjudice des droits qui reviennent aux communes. Les produits naturels du domaine public, tels que ceux provenant de la vente d’herbages, de la location des pêcheries et des redevances pour extraction de pierres, sables ou amendements marins, profitaient aux budgets locaux. Les profits du domaine public militaire appartenaient au budget de l’État. (2) Le domaine de l’État, en Indochine, comprenait les arsenaux, casernes, manutentions, hôpitaux, magasins, prisons, poudreries, manufactures d’armes, champs de manœuvres, champs de tir et généralement, tous les établissements militaires ne concourant pas matériellement et directement à la défense du territoire. Son administration a été soumise aux règlements ministériels. Les produits dont il est susceptible ont profité au budget métropolitain. (3) Le domaine privé de l’Indochine ou domaine colonial comprend : a) les immeubles qui sont occupés par le GGl et les services généraux et ceux qui ont été ou seront acquis, pour son compte, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux, aux frais du budget général ; b) les biens des personnes qui décèdent sans héritiers ou dont les successions sont abandonnées ; c) les épaves maritimes, fluviales et terrestre ; d) les objets déposés dans les greffes des tribunaux, dans les lazartes et dans les bureaux de Douanes, etc... Le Secrétaire général de l’Indochine a représenté le domaine colonial. À ce titre, il a stipulé et s’engage dans les actes et dans les instances intéressant ledit Domaine. (4) Dans chacun des pays de l’Union indochinoise, le domaine local comprend les immeubles occupés par les Services locaux, les terrains vacants et sans maître font partie du domaine de l’État mais leurs produits profitent au budget local, les bois et forêts, sous réserve des droits de propriété et d’usage régulièrement acquis, et en outre les lais et relais de la mer, les ilots et atterrissements qui se forment dans le lit des fleuves et rivières navigables ou flottables. Le Chef de l’Administration locale représente le domaine local. Quant au domaine de la ville, il appartient au domaine local mais il existait le propre domaine « communal » dans quelques grandes villes incorporées dans un régime colonial comme Saigon, Cholon, Hanoi et Haiphong. La difficile distinction entre les domaines provoque souvent, lors des travaux publics, des difficultés sur la propriété foncière parmi le Gouvernement général de l’Indochine, l’Armé, le Résidence supérieure du Protectorat, la Municipalité et les propriétaires

68 privés 5.

222.2. Les municipalités En Indochine, les villes érigées en municipalité étaient neuf, dont Saigon, Hanoi et Haiphong ont été désignées comme ville de premier ordre par le décret du 7 décembre 1909, et les autres six villes ont été autorisé d’avoir leurs municipalités comme ville de deuxième ordre par les arrêtés du GGI pour Cholon (le 27/6/1912), Pnom-Penh (le 7/9/1915), Tourane [=Đà N ẵng ] (le 31 juillet 1908), Namdinh (le 7/10/1921), Dalat (le 31/10/1920) et Hảid ươ ng (le 12/2/1923) 6. Le corps municipal de chacune des villes de Saigon, Hanoi et Haiphong est composé d’un Conseil municipal, d’un Maire et de deux Adjoints. Le Conseil municipal comprend 12 membres français ou naturalisés français et 6 membres annamites, et en outre 4 citoyens et 2 non-citoyens sont désignés comme membres suppléants. Tous ces membres sont élus pour 6 ans, en vertu du décret du 4 mai 1929. Ils sont désignés par 2 collèges électoraux distincts. Le collège électoral chargé d’élire les membres citoyens inclus tous les citoyens français. Le collège élisant les membres non-citoyens comprend, à Saigon, tous les sujets français ; à Hanoi et à Haiphong, il n’inclus que les sujets français remplissant certaines conditions de cens ou de capacité 7. Les conseillers municipaux français sont élus dans chaque ville, au suffrage universel et direct, par l’assemblée des électeurs français ou naturalisés français inscrits sur la liste électorale. Les conseillers annamites sont élus : À Saigon, au suffrage universel et direct, par les électeurs annamites inscrits sur une liste électorale établie dans les même conditions que la liste électorale française ; à Hanoi et à Haiphong, par les électeurs inscrits sur une liste électorale comprenant : (1) Sans condition de cens, les tú tài (秀才 : bachelier), cử nhân (挙人 : licencié), ti ến s ĩ (進士 : docteur), et les Annamites ayant un diplôme ou un brevet de l’enseignement français ou franco-annamite, âgés de 21 ans accomplis, domiciliés dans la ville depuis un an au moins, ou inscrits au rôle de l’impôt foncier, et aussi les fonctionnaires et employés annamites, tant de l’administration française que de l’administration annamite, du grade secrétaire ou lettré titulaire de troisième classe, ayant au moins cinq ans de service dans leurs administrations respectives ; (2) Tous les propriétaires ou patentés

5 On peut trouver le domaine communal en 1893 déjà. Sans difficultés, il y a eu aussi et souvent l’échange simple de terrain, par exemple, entre le domaine militaire et le domaine communal. CAOM, GGI-AF, 6351, 15893, 15895, 45196, 45221, 46353 et 60704. 6 満鉄東亜経済調査局 (Direction de l’économie de Tôa du chemin de fer de la Mandchourie), « 仏領印度 支那 » ( L’Indochine française ), Tokyo, 1942, p.89. 7 E.Tston et M.Percheron, op.cit ., 1931, p.735.

69 annamites payant au moins 15 piastres de contributions directes, âgés de 21 ans accomplis, ayant leur domicile réel dans la ville depuis un an au moins et n’ayant subi aucune condamnation tant des tribunaux français que des tribunaux mixtes ou indigènes, ou pour rébellion, achat, vente illicite ou recel d’armes, contrebande et tromperie sur la qualité de la marchandise vendue. Pour l’élection, sont éligibles au Conseil municipal, tous les électeurs de la ville et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu’ils devaient y être inscrit au 1 er janvier de l’année de l’élection, âgés de 25 ans accomplis. Et aussi sont éligibles comme conseillers annamites, les électeurs âgés de 27 ans accomplis et payant 25 piastres de contributions directes. Le maire et les adjoints à Saigon, les adjoints à Hanoi et à Haiphong sont élus parmi les membres du Conseil municipal. À Hanoi, à Haiphong, Dalat, Pnom Penh, les fonctions de maire sont exercées par un Inspecteur ou un administrateur des Services civils de l’Indochine. L’Inspecteur ou administrateur-maire est nommé pour une période de 3 ans, sur la proposition du Résident supérieur du Tonkin. Les fonctions de maire, adjoints, conseillers municipaux étaient gratuites. Elles ont donné droit seulement au remboursement des frais que nécessaire l’exécution de mandats spéciaux. Par une disposition tout à fait exceptionnelle, les commissions municipales de Cholon, Pnom Penh et de Vientiane comprenaient quelques membres étrangers. Ceux-ci sont des membres chinois, nommés par le chef de l’administration locale ; leur nomination a lieu parfois sur une liste présentée par les congrégations. Ajoutons qu’en ce qui concerne Saigon, les pouvoirs des organes communaux sont fortement limités par suite de l’existence de la région de Saigon-Cholon. Ces deux villes et leur banlieue ont été érigées par le décret du 27 avril 1931 en une entité administrative distincte, sous le nom de « région de Saigon-Cholon ». L’administrateur de la région, nommé par le Gouverneur général, a exercé toutes les attributions municipales en matière de police, de voirie, de travaux, d’hygiène, de concessions et distributions publiques. Il a été assisté d’un conseil d’administration qui comprend, sous sa présidence, 4 citoyens français, 4 indigènes non citoyens et un Chinois. Ce conseil délibère sur le budget de la région 8. En outre, en vue de l’institutionnalisation de la ville, la police municipale a été organisée par l’arrêté du 31 décembre 1891 constitutif des municipalités de Hanoi et de Haiphong. Cet arrêté, portant sur l’organisation de la police administrative et judiciaire au Tonkin, a défini les attributions de la police municipale, qui demeure spécialement chargée de la sureté et de la salubrité publique, de la voirie municipale, de la répression

8 L.Rolland et P.Lampué, op.cit ., 1940, pp.442-443.

70 des délits contre la tranquillité publique, du maintien du bon ordre dans les endroits et établissements publics de la ville, du nettoiement, de l’éclairage, en même temps que de la prévention des accidents et fléaux tels que les incendies, les épidémies, etc 9.... Elle a tenu la main à l’exécution des lois et règlements de police et a été dirigée par le Commissaire Central sous l’autorité du maire 10 . En ce qui concerne la police, la ville de Hanoi est partagée en deux arrondissements dirigés chacun par un Commissaire. Les agents sont répartis dans les arrondissements suivant les besoins du service. En 1905, le personnel européen de la police municipale comprend : 2 secrétaires, 2 inspecteurs, 2 brigadiers, 6 sous-brigadiers et 53 agents européens. Le personnel indigène se compose de 2 interprètes, 2 brigadiers, 6 sous brigadiers et 92 agents indigènes. Les agents fournissent par jour un minimum de 8 heures de services sur la voie publique. Il sont répartis en trois bordées, ou tours : 1 er tour : 7h à 11h ; 2 e tour : 11h à 3h ; 3 e : 3h à 7h. À Saigon, en 1908, le personnel européen de la police municipale a compris : 4 secrétaires et inspecteurs, 4 brigadiers, 6 sous brigadiers et 67 agents européens. Le personnel indigène s’est composé de 10 brigadiers, 20 sous brigadiers et 130 agents indigènes. Cet effectif était un peu plus nombreux que celui de Hanoi à la même époque 11 .

Tableau 191919 – Effectif du personnel de la police municipale en 1908 Hanoi Saigon Postes Européen Indigène Européen Indigène Secrétaire 2 - - 4 Inspecteur 2 - - Interprète - 2 - - Brigadier 2 2 4 10 Sous Brigadier 6 6 6 20 Agent 53 92 67 130 Total 65 102 81 160 Source : CAOM, GGI-AF, 3131.

Enfin, les chefs-lieux des provinces de la Cochinchine ainsi que les grosses agglomérations des autres pays de l’Union constituant des marchés importants ont été érigés, pour la première fois, en « centres urbains » par arrêté du 5 octobre 1904. Depuis cette date, quelques nouveaux centres ont été crées et certains centres importants ont

9 D’ailleurs, chargée du mode de transport des personnes décédées, les inhumations et exhumations, du maintien de la décence dans les cimetières, de l’inspection de la fidélité du débit des denrées, du soin de prendre provisoirement les mesures nécessaires contre les aliénés dont l’état pourrait compromettre la morale publique. 10 GGI, Ville de Hanoi (Tonkin)…, op.cit. , 1905, pp.39-40 et p.51. 11 CAOM, GGI-AF, 3131.

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été portés à la catégorie supérieure. L’érection d’une agglomération en centre urbain (sauf Luang Prabang) ne lui a pas conféré cependant l’autonomie administrative et financière. Le Conseil des notables a continué, en effet, à exercer son autorité sur le centre proprement dit comme sur le reste du village. Toutefois, les communes où existent des centres urbains disposant de ressources plus élevées et plus variées que les villages ordinaires, étaient à même de poursuivre l’exécution de certains travaux d’hygiène et de voirie indispensables pour toute agglomération d’une certaine importance 12 . En tout cas, divers espaces urbains d’Indochine ont ainsi arrivé à avoir leur entité, étant incarnée par les législations, les règlementations et les institutions. Finalement, il faut ajouter les « chefs de rue », auxiliaires vietnamiens à la municipalité de Hanoi qui constituent le dernier échelon. Ils ont été disposés dans chaque quartier par la municipalité, au plus tard depuis 1904. Les chefs de rue sont désignés par les habitants des rues indigènes. Sont appelés être désigné tous les annamites inscrits à l’impôt foncier ou à des patentes habitant la rue. La durée de leurs fonctions est de trois années. Elles peuvent être renouvelées. Les chefs de rue sont les auxiliaires de l’Administration municipale pour la police des rues et l’exécution des mesures de salubrité publique. Ils ont du rendre compte immédiatement aux Commissaires de police de tous faits intéressant relatifs à l’ordre public. Ils doivent donner leur concours à l’administration pour la rentrée des impôts indigène intéressant le domaine de la ville. Toute preuve de mauvaise vonlonté, toute exaction commise à l’égard des habitants entrainera la révocation des chefs de rue reconnus coupables, sans préjudice des poursuites devant les Tribunaux compétents, s’il y a lieu… 13

3. LLLaLaaa dddivisiondivision administrative et la population Sous le régime des Seigneurs Tr ịnh (鄭 1545-1787) qui ont contrôlé le pouvoir du roi, c’est-à-dire de la dynastie des Lê postérieur, se sont développés des secteurs résidentiels à l’extérieur du palais et la citadelle. Ils se sont composés de deux quartiers : Th ọ Xươ ng et Qu ảng Đức. Le premier quartier s’est situé à l’Est de la citadelle, c’est-à-dire entre la citadelle et le fleuve rouge, et le Sud de la citadelle. Le dernier quartier s’est situé au côté Est et Ouest de Grand Lac ( Hồ Tây ) et au côté Sud-Ouest de la citadelle (PlanPlan 33). Il est dit souvent que les deux quartiers avaient 36 ph ườ ong au total. Phườ ong est une sorte de quartier qui organisaient leur corporation. Cela est l’origine de l’appellation bien

12 E.Teston et M.Percheron, op.cit ., 1931, p.740. 13 GGI, Ville de Hanoi (Tonkin). Historique, Développement financier, Règlementation administrative et Fonctionnement des divers services municipaux de la Ville de Hanoi , Imprimerie Taupin & Cie, Hanoi, 1905, p.24-25. Voir aussi Annexe 55.

72 connue actuellement du « Quartier des 36 rues ». En 1831, le quartier de Th ọ Xươ ng avait 8 cantons ( tổng 総), 116 communes ( xã 社), villages ( thôn 村) et quartier ( ph ườ ong 坊) au total.

PlanPlanPlan 333 – Cantons et environs de Hanoi au début du XIX e siècle

8 cantons ( tổng 総) du quartier Th ọ Xươ ng : ①Thu ận M ỹ, ②̣Đồ ng Xuân, ③Đông Th ọ, ④Phúc Lâm, ⑤Yên Hòa, ⑥Vĩnh X ươ ng, ⑦Kim Liên, ⑧Thanh Nhàn Source : Revue Tour du Monde (Plan), 1873 ; Vi ện nghiên c ưu Hán Nôm, Đị a danh Hà N ội th ời Nguy ễn : Kh ảo c ứu t ừ ng ồn t ư li ệu hán nôm , Nhà Xu ất B ản khoa h ọc xã h ội, Hà N ọi, 2010.

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Tableau 202020 : Phườ ng principals aux quartiers Th ọ Xươ ng et Qu ảng Đức aux XVII e et XVIII e siècles

Quartier de Th ọ Xươ ng Đồ ng Xuân, Đông Hà, Hà Kh ẩu, Đong Các, Diên H ưng, Thái Est de la Citadelle Cực, Cổ v ũ, Kim C ổ et Báo Thiên Vinh X ươ ng, Bích Câu, Xã Đàn, Kim Hoa, Phúc Lâm, Ph ục Sud de la Citadelle Cổ, Hồng Mai et Yên Xá Quartier de Qu ảng Đức Nh ật Chi ếu, Qu ảng Bá, Tây H ồ, Nghi Tàm, Yên Hòa, Th ạch Est de Grand Lac Khôi et Hòe Nhai Trích Sài, Bái Ân, Yên Thái, Võng Th ị, Hộ Kh ẩu et Th ụy Ouest de Grand Lac Ch ươ ng Sud-Ouest de la Citadelle Th ịnh Hào, Công B ộ, Quan Tr ạm et Th ịnh Quang Source : Nguyen Thua Hy, Economic History of Hanoi , 2002, p.39 (VO, p.42)

En 1905, après que la France ait commencé sa politique d’urbanisme colonial, la ville de Hanoi a été formée d’une agglomération de 106 villages environ, mais comme il n’était pas possible de conserver un morcèlement aussi excessif, il a été créé huit quartiers administratifs (ou arrondissements) excepté les terrains de l’ancienne Citadelle (possession de l’armée), du palais du gouvernement général et du Jardin Botanique par un arrêté n ˚162 du 1 er juillet 1904 14 . Cette division s’est peut-être basée sur 8 anciens cantons ( tổng ) : Thu ận M ỹ [順美 ], ̣Đồ ng Xuân [同春 ], Đông Th ọ [東壽 ], Phúc Lâm [福林 ], Yên Hòa [安和 ], V ĩnh X ươ ng [永昌 ], Kim Liên [金蓮 ], Thanh Nhàn [清間 ] (cf. PlanPlanPlan 333).3 Ces divisions administratives ont presque été conservées telles quelles sous la période de la colonisation française malgré l’agrandissement de la ville. En ce qui concerne le nom des rues, voir « Index des rues de Hanoi » (AnnexeAnnexe 999).9 L’arrêté fixa que les rues Jean Dupuis et des Nattes en jonc sont comprises à droite et à gauche dans le 3 ème quartier malgré qu’elles soient limitrophe du 1 er quartier. De même, que les rues de la Soie, des Cantonnais et du Sucre entre les 2 ème et 3 ème quartiers, la rue du Coton entre 2 ème et 4 ème quartiers sont comprises dans le 2 ème quartier. Puisque l’arrêté inclus les villages de Ph ục C ổ, Phúc Lâm , Hóa Mã et Thinh Yên dans le 8 ème quartier, il convient d’y classer la route de Hué traversant entre ces villages. D’ailleurs, pour la commodité, on fixe une division spéciale au fur et à mesure de l’aménagement des voiries dans certains villages aux faubourgs de Hanoi. Là, s’entrecroisaient des quartiers, par exemple, autour du boulevard Armand Rousseau au Sud, celui-ci est compris dans le 5 ème quartier limitrophe du 8 ème quartier, mais à strictement parler, les limites de ces quartiers devaient être tracées avec une ligne

14 CAOM, GGI-AF, 6337.

74 courbe plus compliqué à raison de la forme extérieure des villages.

PlanPlanPlan 444 – La division administrative de la ville de Hanoi (1904-1945)

Source de plan : Guide Madrolle , 1932.

Une autre méthode de la division administrative tient compte de l’existence des chefs de rue. Par exemple, un chef de rue du boulevard Gia Long relève du commissariat du 5 ème quartier (arrondissement) malgré la situation de ce boulevard touchant les limites entre 6 ème et 7 ème quartiers. La municipalité n’a pas mis les chefs de rue sur des rues françaises où se concentraient les résidences des Français et les établissements publics : Amiral Courbet, , Henri Rivière, Doudard de Lagrée, Paul Bert, Carnot, Đồng Khá nh , Jauréguiberry, Gambetta, Victor Hugo, Félix Faure, Puginier, Bichot, etc...., c’est-à-dire les rues à l’Est du 4ème quartier, au sud du lac Hoàn Kiém , du quartier de l’Ancienne Citadelle et du palais du Gouvernement général. Il reste encore des rues difficiles à inclure dans un unique quartier: le boulevard Henri d’Orléans traversant longitudinalement les quartiers du 1 er et 2 ème , le boulevard Henri Rivière les quartiers du 4 ème et 5 ème , et puis les deux boulevards Gambetta et Carrau entre les quartiers du 5 ème et 6 ème . Ils seront examinés à part au point de vue de la section stricte d’administration mais compris dans la division plus grande comme le quartier indigène (le 2 ème + le 3 ème + une partie du 1 er ) et le quartier français (le 4 ème + le 5ème + le 6 ème ). Au fait, convient-il d’intégrer dans le quartier français une zone du côté Ouest de la Gare de Hanoi au 6 ème quartier ? Cet endroit-là, entourant Văn miếu (文廟 ) au temple de

75 la littérature dit "Pagode des Corbeaux ", juste à côté sud du palais du gouvernement général et destiné à un des terrains les plus aménagés à Hanoi, était longtemps aux villages indigènes de : Phúc Lâm , Văn Tân , Hữu Tiệp , Yên Hoa , Lương Sử , Cổ Giám , An Giám , Yên Thành , etc 15 .... On peut dire que ces villages ont évolués « des villages dans la ville aux villages urbains ». Mais il y a quelques hésitations sur à appeler cette zone le « quartier français ». Il ne faut pas pour autant l’assimiler au quartier indigène situé traditionnellement à l’Est de la citadelle. Pour la même raison, il y a certaines rues des quartiers, les 6ème , 7 ème et 8 ème en particulier, qui peuvent difficilement être inclus dans une unique zone française ou indigène, ainsi que la route Mandarine qui se prolonge jusqu’à la limite de la ville parallèlement à la ligne de chemin de fer et les zones aménagés autour du lac Thiên Quang et du Cimetière. Ainsi, il vaut mieux d’appeler ces zones le « quartier nouveau ».

Plan 5 – La comparaion entre 1915 et 1932 d’un secteur de l’Ouest de la Gare

(Gauche) Des villages existaient autour de Văn miếu en 1915. (Droite) En 1932, ils sont bien aménagés et

insérés dans la ville de Hanoi.

Hanoi n’était pas très une grande ville par rapport à d’autres villes en Indochine et en Asie au XX e siècle, contrairement aux XVII e et XVIII e siècles où tous les visiteurs étaient d’accord sur un fait que Hanoi est alors la ville la plus peuplée au Viêtnam et une des plus peuplées en Asie ou dans le monde. Alexandre de Rhodes a évalué avec

15 Sur les noms de vieux villages de Hanoi sous les dynastie des Nguyễn , voir Viê ̣n khoa ho ̣c xa ̃ hội việt nam – Viện nghiên c ứu ha ́n nôm, Nguyê ̃n Thu ́y Nga (Chu ̉ biên), Địa danh Ha ̀ Nội. Th ời Nguyê ̃n (Kha ̉o c ứu t ừ nguô ̀n t ư liê ̣u ha ́n nôm) , Nha ̀ xuất ba ̉n khoa ho ̣c xa ̃ hội, Ha ̀ Nội, 2010.

76 exagérément à un million Hanoi au XVII e siècle. Selon William Dampier, un voyageur, navigateur et boucanier anglais, il semble qu’il y ait eu 20 .000 logements 16 . Cependant la population de Hanoi a diminué à cause du transfert de la capitale à Hué sous la dynastie des Nguyê ñ à partir du XIX e siècle. Malheureusement nous pouvons difficilement saisir le chiffre exact de Hanoi mais montrons ci-dessous un tableau comparatif de la population des villes coloniales en Asie de 1900 à 1950. En outre, grâce à des archives du recensement de la population, on peut confirmer le chiffre détail de la population indigène de Hanoi seulement pour quelques années : 21.076 en 1890, 68.709 en 1921 et 137.510 en 1936 17 .

Tableau 212121 – La population des villes coloniales en Asie de 1900 à 1950 ( en mille) Asie du Sud et Est Villes / Ans 1900 1910 1920 1930 1940 1950 Shanghai 837 1000 2500 4000 6100 6204

Tokyo 1497 2186 2173 5300 6779 5385 Calcutta 1085 1217 1046 2000 3534 4578 Beijing 1100 ? 1266 ? 1565 2768 Osaka 931 1227 1253 2454 3252 1956 Sydney 482 630 899 1235 1699 1938

Colombo 691 826 923 1081 1420 1709 Hong Kong 192 244 347 409 1640 1750 Seoul 195 na 247 280 775 1555 Asie du Sud-Est

Villes / Ans 1900 1910 1920 1930 1940 1950 Jakarta 115 160 290 533 545 1661 Saigon-Cholon 192 260 300 300 460 1500 City 257 ? 293 451 661 984 Singapore 228 303 418 557 680 938

Bangkok 600 629 ? 890 800 782 Rangoon 245 293 342 400 501 737 Hanoi 80 100 120 140 160 568 32 47 80 111 ? 176 42 ? ? 103 108 111

Source : J. PeterRimmer & Howard Dick, The city in asia : Patterns, Processes and Policy , NUS Press, Singapore, 2009, p.8. La population de Hanoi a été évaluée et ajoutée par l'auteur.

En 1939, d’après les données exactes un peu plus tard, la population de Hanoi a

16 Nguyen Thua Hy, op.cit ., 2002, p.17. 17 N’y compris pas les Chinois. ANV-H, FMH, D.88, 3260, 3272 et 3278. Voir aussi ANNEXE 7 et Tableau 37 (p.152).

77 atteint 150.110, dont 64.650 (43%) sont concentrés dans le quartier indigène (zone ① et ② sur Plan 666 ). Dans le quartier français (zone ③), il y avait seulement 26.250 (17%) habitants. Le quartier nouveau (surface de 382 hectares) comptait 59.210 d’habitants et avait été prévue une augmentation de la population jusqu’à 133.700 dans un proche avenir (TableauTableau 222222).22 La densité de population était 155 habitants par hectare, alors que celle du quartier indigène (128 hectares / 57.000 habitants) était de 450 habitants, surpeuplée mais sans augmentation prévue. La prévision de l’augmentation de la population dans le quartier nouveau nous indique qu’il y avait assez de places pour y recevoir encore plus d’habitants et pour y construire de nouveaux bâtiments. De même, le 1 er quartier avait l’air d’être une zone pour le développement au nord. Par contre, le quartier français maintenait une densité de population modérée.

Plan 6 ––– Les sections de la population de Hanoi en 1939

①② Quartier indigène ; ③Quartier français ; ④Quartier nouveau

Tableau 222222 – La superficie, la population et la densité par secteur de Hanoi en 1939

Numère des Supercifie en Densité à Population Densité Population sections hectares prévoir prévue ① 59 130 7.650 200 11.800 ② 128 450 57.000 450 57.000 ③ 376 70 26.250 100 37.600 ④ 382 155 59.210 350 133.700 Total 945 ― 150.110 ― 240.100

Source : L., FAYET, Avant projet sur les égoûts de Hanoi , IDEO, Hanoi, 1939, p.27.

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Chapitre ⅡⅡⅡ. L. L’L ’’’urbanismeurbanisme colonial de Hanoi

Les villes d’Indochine ont été métamorphosées remarquablement dès la conquête française. Un pouvoir colonial a essayé d’exercer les techniques de l’urbanisme moderne, toutefois il a fallu d’abord « préparer le terrain ». Pour gérer la colonie, la ville devint souvent la scène où la Métropôle déployait sa puissance. On imagine une belle ville quand on pense de la culture française. Cette culture glorieuse devient aussi une arme pour déployer sa puissance dans un pays. L’autorité coloniale a t-elle imaginé ce que devait donner à voir la nouvelle ville de l’Indochine ? Comment a-t-elle dû transformer la ville depuis la colonisation ? Il s’agit des politiques urbaines par les services du Gouvernement général, de la Résidence supérieure et de la Municipalité.

111.1. La prempremièreière architecture coloniale en Indochine L’année suivante de la conquête de Hanoi en 1873, l’ouverture d’une concession a été autorisée, et est né un premier « quartier français ». Dans son fort, des bâtiments publics se sont rangés sur les terrains ayant la forme d’un vaste rectangle du côté du fleuve Rouge. Lors de la construction de ce premier fort, les soldats du génie s’occupèrent de la construction de divers logements pour les fonctionnaires. L’armée, qui était l’éclaireur de la conquête coloniale, avait originellement sa propre troupe qui assurait la construction de sa caserne. L’architecture de l’ingénieur militaire était pratique et simple. Il y avait de tels bâtiments partout dans les ports ouverts en Asie. Il existe encore à Hanoi un patrimoine d’alors, le Military Guest House construite en 1874 comme le QG de la division. Les bâtiments publics construits à la fin du XIX e siècle n’étaient que des reproductions pour remplir une fonction du Service colonial. La Mission catholique a souvent rempli les fonctions de la conduite des politiques coloniales de la France. Dès la conquête de Hanoi, on construisait l’église et la plus ancienne étant une chapelle construite en 1876 sur le terrain de la Cathédrale. Celle-ci, gothique et simple, en pierre, a été construite en 1887, avec les deux tours droite vers le ciel, regarde les environs où il y avait alors une suite de paillotes, a suffi pour affirmer le symbole de la France souveraine. À Saigon, il est évident que le chercheur d’exotisme intégral sera amèrement déçu en voyant, sur une grande place au milieu de la ville, la sévère Cathédrale romano-gothique, en pierres et briques, coiffée de deux flèches pointues construite en 1880, et plus en arrière, vers le Nord et au milieu d’un luxuriant jardin, le Palais du

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Gouverneur général couvert par une toiture à la Mansard revêtue d’ardoises d’Angers, style Napoléon Ⅲ construit entre 1868 et 1875. Mais il faut reconnaitre que la Cochinchine, pauvre en monuments anciens, n’imposait pas un cadre particulier et il a sans doute été plus raisonnable pour les premiers architectes coloniaux de s’en tenir modestement aux exemples d’architecture de la Métropole 18 . Après la première époque d’ « expédients », elle entra dans une véritable époque de l’administration coloniale stable. C’était Paul Doumer qui a fait avancer le plan de francisation avec des politiques d’exploitation. Il a laissé jusqu’à présent le chemin de fer traversant de Hanoi à Saigon et le Pont Doumer franchissant le fleuve Rouge. Quant à l’urbanisme, il a introduit le « vista » 19 et aussi un grand changement dans l’architecture coloniale. C’était l’introduction de "l a mansarde "20 inventée en France dans la première moitié du XVII e siècle. Il ne serait pas faux de dire que l’architecture publique en Indochine n’a été confiée qu’à plusieurs ingénieur-architecte fonctionnaires dans les services des Travaux Publics et des Bâtiments Civils. À cette époque-là, il y a un homme qui travaillait comme architecte en chef de la Direction générale des Travaux Publics en Indochine : Auguste-Henri Vildieu qui s’est occupé pendant dix ans des affaires d’environ 10 édifices publics : la Chambre de Commerce et d'Agriculture (vers 1895), l’Hôtel des Postes (1896), le Cercle des Officiers (1897), l’Hôtel du service des Travaux Publics et les Bureaux de la résidence supérieure du Tonkin(1898), la Prison centrale (1899), la Gare du chemin de fer (1901), l’Hôtel des Douanes et Régies (1903), le Palais de Justice, les Pavillons de l'Indochine à l'Exposition Coloniale de Marseille (1906), le Bibliothèque (1917), et en outre, le Palais du Gouverneur général de Hanoi (1902) a été édifié par son brillant second Charles Lichtenfelder. Pendant l’absence de Vildieu, en février 1895, le Directeur pi du service des Bâtiments Civils fit dresser des plans pour la construction de cet Hôtel du service des Travaux Publics. Après les avoir vu, Vildieu a donné son avis à ce propos en 1899 comme suit :

« La décoration couteuse mais de mauvais goût, commandée et déjà en grande partie livrée, ne me permit pas de modifier les extérieurs. Je fis de mon mieux et le moins coûteusement possible, mais ne puis être rendu responsable d'une affaire manquée, mise en train en dehors de moi, avec une précipitation qui peut faire croire qu'on voulait éviter les observations que j'aurais certainement présentées au sujet de la décoration prévue et qui a été de suite commandée en France de façon à se fermer toute issue à un

18 Ernest Hébrard, «L’urbanisme en Indochine», in Urbannisme , numéro hors-série, rédaction par la Société française des urbanistes, Paris, mars 1932, p.72. 19 Une méthode qui deresse le plan de l’espace urbain en perspective et poser un monument au foyer. 20 Une architecture qui met un comble brisé et instale une chambre sous les combles.

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retour en arrière . » 21

Cliché 111 – Projet de Plais de Justice de Hanoi en 1898 (Façade principale)

Source : CAOM, GGI-AF, 6903.

Cliché 222 – Un plan de l’Hôtel du service des Travaux Publics à Hanoi vers 1895

Source : CAOM, GGI-AF, 7758.

Il est vrai que ces édifices publics, solennels et classiques, sont devenus le point d’où l’on aura développé un secteur. À Saigon même, la ville se construisit et s’embellit vers le début du XX e siècle par l’édification de monuments très importants : le Palais de Justice, le Palais du Gouverneur de Cochinchine, la Poste, l’Hôtel de Ville, le Théâtre,

21 CAOM, GGI-AF, 6899.

81 les Bureaux administratifs. Puis vers la citadelle, des casernes bien aérées, un hôpital militaire ; vers la rivière de Saigon, l’Arsenal, les quais des ports fluviaux et maritimes, ce dernier se développe et s’étend sur plusieurs kilomètres en aval de la Rivière de Saigon. Il convient de citer le Marché, vaste et très aéré, entouré d’un quartier de commerce. Puis vers l’est, un Jardin zoologique et botanique 22 . Mais ils n’étaient pas apte au climat tropical particulièrement chaud et humide ; c’est pourquoi on demandait souvent la reconstruction. Ce problème concernait aussi celui de l’hygiène a exercé une influence sur l’urbanisme de l’Indochine, lors du mouvement de l’Art nouveau,. Vers 1919, à l’arrivée du Gouverneur général Maurice Long (mandat : 1919-1923), les villes d’Indochine s’étaient considérablement agrandies et commençaient à dépasser leurs plans régulateurs. Selon Pierre Brocheux, c’est dans la décennie qui suit la Première Guerre mondiale qu’elles prennent un essor réel 23 . Alors, il y a eu, entre autres, un homme remarquable parmi les urbanistes français : Ernest Hébrard.

2. La démolition de la citadelle de Hanoi Vers la deuxième année du règne de Gia Long , c’est-à-dire en 1802, Gia Long fit construire la citadelle (fortification Vauban) sur les plans d’un officier français : colonel Olivier. Minh M ạng son fils, qui lui succéda de 1821-1841, donna le nom d’Hanoi à la capitale du Tonkin. Après la prise de la ville de Hanoi, un vaste terrain vers le fleuve Rouge fut donné pour l’installation française. Cette concession contenant les bureaux des autorités civiles et militaires, se relia bien vite avec la ville indigène par la rue Paul Bert qui devint le centre du commerce de luxe ; plus à l’Est et s’étendant vers la citadelle, la ville nouvelle fut tracée avec un réseau d’avenues de 30 mètres de large. La citadelle annamite fut à l’exception de quelques vestiges, détruite et sur une partie de son emplacement s’éleva une grande ville militaire. Vers 1902 le Gouverneur Général Doumer, fit construire un nouveau Palais de Gouvernement général au nord-ouest de la citadelle. Ainsi la démolition de la citadelle a représenté une déchéance de la puissance royale des Nguy ễn et une naissance de l’autorité coloniale en faisant apparaitre le Palais du Gouverneur Général. Selon Philippe Papin 24 , construite par les Nguy ễn sur les vestiges des anciennes cités, la citadelle de Hanoi s’étendait sur plus de 150 hectares. Cette citadelle énorme, la plus

22 E.Hébrard, op.cit ., mars 1932. p.72. 23 P.Brocheux & D.Hémery, op.cit ., 2001, p.180. 24 P.Papin, op.cit ., 2001, p.199.

82 vaste du Tonkin, dont la démolition fut entreprise en 1894 (contrat Bazin) et de laquelle il ne reste plus aujourd’hui qu’une grande porte murée et le cavalier sur lequel s’érige la tour, occupait encore 10 ans auparavant une superficie de 156 hectares 25 ares 25 . Les remparts, en brique, étaient percés de cinq portes majestueuses, lesquelles étaient précédées de ponts et fermées par de lourds ventaux en bois. Seul la porte du Nord subsiste aujourd’hui. Quant à la démolition de la citadelle de Hanoi, elle commençe en 1894 après qu’un contrat ait été passé entre Fourès, le Gouverneur général p.i. de l’Indochine (mandat : 1896-1897) et Auguste Bazin, l’administrateur délégué de la Société générale d’Études industrielles et commerciales pour la Chine et l’Indochine 26 . Le projet de démolition de la citadelle prévoyait d’abord, de dégager son mur d’enceinte, ses piliers et ses portes ayant de 8,0 à 8,5 mètres de haut, et puis, les bâtiments de la moitié gauche (de l’ouest), sur lequel sera édifié plus tard les établissements du Lycée dit Albert Sarraut, la Direction des Finances et l’École supérieure des Travaux publics. Presque tous les terrains du côté droit (de l’est) ont été conservés par l’autorité militaire. Il résulte de l’article 2 du contrat précité que, à la date du premier septembre 1894, l’administration a dû évacuer les locaux qu’elle occupait dans la demi-lune cédée 27 . La Citadelle est démolie avant 1902 au plus tard, en perçant un réseau de larges avenues de 30 mètres de large qui mènent au Jardin, au lac de Trúc B ạch et au quartier indigène. En 1899, Paul Doumer (mandat : 1897-1899), a mis une partie des terrains de la citadelle à la disposition du Protectorat, gratuitement pour l’emplacement de l’Exposition coloniale de Hanoi prévue en 1902, mais étant entendu que le Palais du Gouverneur serait placé au Jardin d’Essai 28 . Le Protectorat est entré immédiatement en possession et jouissance des terrains cédés, mais la Société Immobilière n'entrait en possession des terrains échangés qu'après l'exposition et au plus tard le premier octobre 1902 ; les terrains devant être occupés par la dite exposition. En conséquence, les terrains que Doumer a mis à la disposition du Protectorat pour être affectés à l'Exposition ont pu être diminués d'une quantité importante pour les besoins de la construction du Palais du Gouvernement.

25 GGI, Ville de Hanoi (Tonkin)...., op.cit., 1905, p.18. 26 CAOM, GGI-AF, 7752 . 27 CAOM, GGI-AF, 7751. 28 CAOM, GGI-AF, 7759.

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PlanPlanPlan 777 – La citadelle de Hanoi en 1890

Source : Collection Pineau , cité de l’architeture, Paris.

PlanPlanPlan 888 – Projet de démolition de la Citadelle de Hanoi en 1894 Limites des terrains militaires : La pace Nord passe à 12 mètres au Nord des écuries de l’artillerie. La pace Ouest est le prolongement du mur actuel du réduit. Les paces Sud et Est sont limitées par les rues militaires qui existent actuellement. Les deux bastions qui restent terrains militaires sont limités par les lignes passant parallèlement et à distance de 5 mètres à l’intérieur des murs. Source : CAOM, GGI-AF, 7752.

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PlanPlanPlan 999 – Carte de la Ville de Hanoi en 1902

Source : Collection Pineau , cité de l’architecture, Paris.

3. L’assainissement des eaux Il était naturellement important de respecter un assainissement de la ville pour que des personnes puissent vivre dans un environnement plus sain en Indochine même au début de XX e siècle. Les travaux d’assainissement général ont été poursuivis sans relâche pour mettre la population à l’abris des épidémies, il n’existait plus de mares au centre de la ville : tous les terrains du quartier urbain ont été exhaussés, nivelés. En Indochine d’alors, l’alimentation en eau des villes se faisait de trois façons : (1) Par l’eau puisée directement dans les fleuves, en faisant subir à cette eau un traitement avant de la livrer à la consommation, c’était le cas pour Pnom Penh. (2) Par des puits artésiens qui vont chercher les nappes d’eaux à des profondeurs suffisantes pour qu’elles ne puissent pas être contaminées. C’était le cas de Saigon-Cholon et de Hanoi. (3) Par des sources ou plutôt par des eaux prises à la naissance des cours d’eau, comme

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à Haiphong et à Dalat 29 . L’alimentation en eau potable de la Ville de Hanoi a été assurée par une usine située à Yên Ph ụ au Nord de la ville. Cette usine a été édifiée en 1894-96 par Letellier & Cie aux frais du Protectorat. En 1905, l’usine comprenait quatre puits d’un débit de 16 litres environ à la seconde. Les réservoirs de la Ville étaient au nombre de deux et situés l’un près de l’Usine, l’autre à l’autre extrémité de la ville. La canalisation était en fonte, soit à joints Gibault, soit à joints à emboitement au plomb. Deux conduites principales de 400 mètres reliaient les réservoirs et englobaient la ville. La longueur totale de la canalisation était voisine de 30 kilomètres. La distribution publique a été assurée par 87 bornes fontaines d’un débit de 2 litres par seconde. Le Service d’incendie a été, en outre, assuré par 19 bouches d’incendie. Outre, la distribution publique par les bornes fontaines, l’eau est encore délivrée à l’intérieur des habitations, et dans ce cas, jaugée au compteur. Il existait à Hanoi 182 compteurs ainsi répartis : 20 pour les services civils ; 23 pour les services militaire ; 130 pour les abonnés particuliers. D’autre part, l’épuration des eaux des fleuves a donné d’excellents résultats. On ne peut en dire autant de l’alimentation par les nappes d’eau souterraines ; à Saigon et à Cholon elles se trouvaient directement sous les villes et en danger d’être contaminées en certaines saisons 30 . Quant à l’assainissement des eaux usées, de grands travaux publics sont réalisés. Au 1er janvier 1902, il existait déjà à Hanoi 19 kilomètres d’égouts dont un kilomètre environ était constitué par des égouts à faible section, non visitables et dont le nettoyage était à peu près impossible. De 1902 à 1905, il a été construit, seulement, 7 kilomètres d’égout, ce qui porte à 26 kilomètres la longueur totale des égouts existants. Ce réseau était encore fort insuffisant et le quartier indigène est mal desservi. Mais avant de songer à l’augmenter, peut être même à le remanier, il fallait étudier la possibilité du tout à l’égout que le peu de pente des conduites existantes n’autorisait pas sans un dispositif spécial, assurant la circulation rapide des eaux et leur épuration. C’est pour remédier à cet état de fait qu’il a été fait appel à l’initiative privée 31 . À Saigon en 1905, le problème de l’assainissement ne demandait pas à être résolu avec autant d’urgence que celui de l’adduction des eaux. L’établissement d’un système d’égout pour les eaux de vidanges et les eaux ménagères avait été entièrement subordonné à l’adduction à Saigon des eaux du Donnai (Dong nai ?) . Les ressources en eau de la ville étaient trop faibles pour rendre possible l’exécution de pareils travaux.

29 Ernest Hébrard, "L’urbanisme en Indochine ", in L’Architecture , février 1928, pp.13-14. 30 GGI, Ville de Hanoi (Tonkin)….op.cit. , 1905, pp.78-79. 31 CAOM, GGI-AF, 6337.

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Ceci permet de ne pas adopter immédiatement de solution définitive et d’attendre que les expériences poursuivies dans diverses villes d’Europe aient donné des résultats 32 .

PlanPlanPlan 101010 – Les réseaux d’égouts (lignes rouges) de Saigon en 1905

①Puits central ②Galerie Blancsubé ③Galerie Chasseloup-Laubat ④Hôpital militaire

⑤Caserne d’infanterie ⑥Palais du Gouverneur général ⑦Gare

Source : CAOM, GGI-AF, 6813 et plan annexe in Mémoire de Paul Doumer , 1903.

Il est certain que Saigon est une ville où l’épuration bactérienne a rencontré les conditions les plus favorables. Il n’y avait pas d’eaux industrielles sauf peut-être celles provenant de quelques blanchisseries. À ce propos, l’Institut Pasteur a effectué les analyses bactériologiques et chimiques des eaux de Saigon pendant la saison des pluies de 1905. Les échantillons d’eau prélevés ont été recueillis en mai, au puits médian de l’usine centrale des eaux, aux puits donnant jour sur les canalisations de la ville (Galerie Blancsubé et Galerie Chasseloup-Laubat), aux puits de l’Hôpital militaire et de la Caserne d’infanterie. Voici les résultats respectifs fournis par l’examen pendant 15 jours consécutifs des boites de gélose (PlanPlan 10 et Tableau 22232333) 33 .

32 CAOM, GGI-AF, 6813. 33 Braud, Ferraud, Saint-Sernin, Eaux de Saigon, de Trian et du Cap St-Jacques (Saison des pluies 1905) , Institut Pasteur, Imprimerie commerciale, Saigon, 1906. pp.5-9.

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Tableau 22232333 – Nombre de bactéries et espèces dans l’eau du puits à Saigon en 1905

Bactéries Espèces Espèces Lieux du puits aérobies par liquéfiantes pathogènes 100㎥ Puits central 840 2 0 Galerie Blancsubé 8840 0 1

Galerie C.-Laubat 2080 1 0 Hôpital 2800 1 0 Caserne d'infanterie 2120 0 0 Source : Braud, Ferraud, Saint-Sernin, Eaux de Saigon, de Trian et du Cap St-Jacques (Saison des pluies 1905) , Institut Pasteur, Imprimerie commerciale, Saigon, 1906, pp.5-9.

D’après cette analyse, les eaux des puits ont été déclarées pures et potables parce qu’elles ne contiennent pas d’espèces pathogènes, sauf pour les eaux du puits de la Galerie Blancsubé, paraissant plus suspectes : à cause du grand nombre de microbes, ce qui fait d’elle une eau médiocre, et à cause de la présence d’un microbe pathogène. D’après l’analyse chimique, ces eaux de Saigon paraissent pouvoir être classées dans la catégorie des eux potables d’après le tableau donné par le Comité consultatif d’hygiène de France. Ainsi, les principaux réseaux d’égouts de Saigon sur lesquels un centre ville est formé avaient été limités dans une zone centrale (voir PlanPlanPlan 10 ci-dessus). Saigon, la capitale administrative de la Cochinchine et le lieu de la plus ancienne installation dans le pays, a été édifiée à l’emplacement d’une ville annamite protégée par une forteresse selon la coutume du pays. Les ingénieurs français ont tracé une citée selon un système de rues toutes de la même largeur (20 mètres), se coupant à angle droit. Le plan tracé par le service de la voirie, comportait parallèlement à d’anciens canaux rectilignes des rues dont la principale, la rue Catinat, tracée au centre de la nouvelle cité, était bordée de magasins luxueux dignes d’une grande ville.

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4. L4. L’L ’’’emememembellissementbellissement de la ville coloniale L'exposition ouvrit ses portes de novembre 1902 à janvier 1903. Voulue par Paul Doumer, elle devait glorifier sa politique des grands travaux et de modernisation de l'Indochine suivie pendant quatre années. Avant l’Exposition de Hanoi l’autorité coloniale a dû aborder un problème particulier au milieu social indigène. En 1901, le Cabinet du GGI a posé une question importante relative à la construction des maisons indigènes dans la ville de Hanoi : « En vue de pousser les indigènes aisés à se construire des maisons en briques couvertes de tuiles, n'y aurait-il pas lieu d'établir pendant quelques années, un système de primes variables suivant l'importance et la beauté des maisons ? » 34 . Pour hâter la disparition des paillottes encore nombreuses, mais en même temps pour aider les indigènes, la ville de Hanoi avait décidé de faire des avances à ceux que la modicité de leurs moyens mettait dans l'impossibilité d'élever des constructions en briques. Ce procédé produisit l'effet d'une prime et bientôt, comme par enchantement,

34 CAOM, GGI-AF, 6329.

90 des maisons en briques surgissent dans tous les quartiers où étaient proscrites les paillottes. L’autorité a cherché à asseoir la propriété des indigènes de la ville. Mais, pour cela, on leur fait exhiber leurs titres, on les a examiné, on les a retenu souvent pendant un assez long laps de temps, et, si ils n’étaient pas en règle, on les a obligé à acheter le terrain sur lequel ils ont fait des constructions coûteuses. L’autorité espérait donc faire acquérir la propriété en y élevant une construction de valeur, et non précaire comme l'ancienne paillotte. Ces mesures visaient évidement à l’exclusion des pauvres. Il semble que la maison en paille et en torchis, suscita le mépris des premiers colons. D’après de rares données analysées par Philippe Papin 35 , en 1889, l’habitation dit « précaire » représentait 79% des maisons de Hanoi et en 1902, encore un tiers. Les paillotes ressurgissaient, dit-il, à chaque crise économique, mais dès le milieu des années 1930 elles ne présentaient plus que 15% des maisons puis, dans les années qui suivant, environ 10% (moins de 3 hectares). Souvent, les terrains que l'indigène est obligé d'acheter ainsi à la ville, après y avoir bâti une maison, lui viennent de son père, ou sont passés par plusieurs mains, ont été payés par lui au propriétaire ancien. Le Résident supérieur au Tonkin dit en 1901 :

« L'usurpation, si usurpation il y a, remonterait à une époque parfois lointaine. Il devrait y avoir prescription. L'indigène devra volontiers les constructions désirables, solides, élégantes au besoin, s'il sait que le sol sur lequel elles reposeront sera bien à lui quand il a payé à un propriétaire précédent ou qu'il en a hérité. Le territoire de la ville de Hanoi était considéré comme domanial ; les occupants en avaient la jouissance, non la propriété absolue. Les ventes faites par les occupants étaient des cessions du droit d'occuper. L'aspect de la ville a été transformé depuis dix ans. Si, à cette sécurité dont il a besoin, vient s'ajouter une prime, s'il sait que sa maison sera remarquée et que l'en attaché de l'importance aux habitations que contribuent à l'embellissement de la ville, son amour-propre s'éveillera et l'on verra les propriétaires rivaliser d'ardeur, d'imagination et même de goût . » 36

Ce système de primes n’a pu avoir que d'heureux effets, à ce qu’il prétend, parce qu’il pourrait consister ; (1) à légitimer, au profit de l'occupant, en lui offrant toutes sortes de facilités, la propriété du sol sur lequel il a déjà élevé des constructions d'une certaine valeur ; (2) à donner le sol, au bout d'une période à déterminer, à l'indigène qui y

35 P.Papin, op.cit ., 2001, p.248 et p.250. 36 CAOM, GGI-AF, 6329.

91 bâtirait suivant un type qui lui serait imposé, mais qui pourrait varier ; (3) à donner des primes à ceux qui, possédant déjà légitimement un terrain, y édifieraient des maisons répondant au type imposé ou conseillé. Les facilités, la durée de la période et la qualité des primes varieraient, bien entendu, selon la valeur et la beauté de la maison. L'Exposition coloniale de Hanoi occupa l'emplacement de l'ancien hippodrome, le long du boulevard Gambetta, près de la gare du chemin de fer, où les terrains n’avaient pas du tout encore été exploités. À l'entrée principale, en face de l'avenue Richaud, est aménagé un rond point de 70 mètres de diamètre. Au centre, s'élève le monument de la France, oeuvre du sculpteur Théodore Rivière. À 130 mètres de l'entrée, un Palais central de 100 mètres de façade est construit au milieu d'immenses jardins. En dehors de l'Exposition, la ville de Hanoi elle-même, riante, élégante et coquette dans sa partie européenne, avec ses larges avenues plantées d'arbres, ses longs boulevards éclairés à l'électricité, d'un pittoresque si curieux dans sa partie indigène, ou se pressent ouvriers annamites et marchands chinois, constitue une attraction des plus intéressantes. Les principales artères de la ville sont sillonnées par un réseau très complets de tramways électriques qui relient le centre aux villages environnants. L'inauguration de l'Exposition a déjà eu un prélude dans les grandes et belles fêtes de 26 et 28 février 1902. Le 26 février, en présence de S.M. Thành Thái , empereur d'Annam, le Gouverneur général Paul Doumer remettait solennellement dans la grande salle du Palais Principal les insignes du nouvel ordre du mérite aux indigènes qui s'étaient particulièrement signalés dans le perfectionnement des diverses branches industrielles ou artistiques. Deux jours après, avait lieu l’inauguration du pont Doumer et de la ligne de chemin de fer qui relie Hanoi au port de Haiphong.

Cliché 555 – Le Palais central pour l’Exposition coloniale de Hanoi en 1902

Source : Collection particulière.

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Devant prendre fin le 21 janvier 1903, le succès de l'Exposition a été assuré par 4.000 participations au total. Les terrains affectés à cette exposition ont été débarrassés de toutes constructions, de tous matériaux, nivelés et restitués dans le plus bref délai à la Société Immobilière, mais au plus tard le premier octobre suivant. Aucune des plantations alors existantes n’a été détruite. Il est formellement convenu que les terrains ne peuvent être affectés qu'à une Exposition, à l'exclusion de tous autres usages.

5. L’urbanisme ddd’Ernestd’Ernest Hébrard (1923(1923----28)28)28)28) a. Saigon et Hanoi Après des études à l'École des Beaux-Arts à Paris et à la Villa Médicis de Rome, Ernest Hébrard, lauréat du grand prix Rome et du Médaille Honneur du salon architecte des plans urbains de Salonique et d’Athènes, a accédé à un poste en Indochine par le Cabinet Résident du Maroc et le Chef du service Architecture de la ville de Paris. Il a répondu à une demande du gouverneur général de l’Indochine Maurice Long, et en octobre 1921, chargé de mission, il débarqua à Saigon. Maurice Long, très averti des questions d’urbanisme, se rendit compte que pour mener à bien la tâche considérable qui se présentait, il fallait rompre avec les routines administratives. À l’exemple du Maroc, il décida de s’adjoindre un urbaniste qualifié et expérimenté pour étudier ces questions si complexes. Il estimait que Hébrard doit garder sa pleine indépendance et n’être rattaché à aucun service, tout rattachement risquant de paralyser son action ou de limiter ses initiatives. Avec ce traitement de faveur, il a pû réaliser un programme intéressant à la fois dans les administrations locales, le Commissariat de Dalat, le Service de Travaux Publics, du Tourisme et les municipalités. Sa mission a comporté en principe l’étude de toutes les questions d’embellissement et d’assainissement des localités ou centres où des travaux de cette nature étaient en projet ou en cours d’exécution. Son attention a été concentrée surtout sur : 1) Hanoi, Haiphong, Tamdao, Chapa ; 2) Tourane, Hué ; 3) Saigon, Cholon, Cap saint Jacques ; 4) Dalat ; 5-Pnom-Penh, Angkor 37 . Hébrard, de son côté, voulait imposer à l’administration coloniale un bouleversement

37 CAOM, GGI-AF, 32303.

93 total de ses conceptions et de sa pratique. Pour ce faire, il semble de n’avoir pas hésité à se lancer dans de nombreux combats, y compris par voie de presse. Le plus exemplaire d’entre eux est le bras du fer qu’il mène pendant plusieurs années avec l’ingénieur Albert Pouyanne, incarnation selon lui, de l’improvisation, du bureaucratisme, de la courte vue et de la mesquinerie coloniale et cocardière 38 . En Indochine jusqu’alors, les plans de villes étaient tracés par le service du cadastre pour le Cambodge et le Tonkin, par le service des Travaux Publics en Annam et en Cochinchine. Dans les grandes villes comme Saigon, Cholon, Haiphong, Namdinh par les services techniques, des municipalités.

« (....) Nous ne saurions donc trop louer l’effort considérable que présente l’application en Indochine de tracés peut-être abstraits, mais qui se sont adaptés au programme à satisfaire. En outre il faut s’incliner devant la sollicitude des administrateurs et des services techniques en ce qui concerne l’hygiène et la bonne tenue des villes, ce que nous avons pu apprécier durant nos nombreux voyages à travers le pays. »39

Ainsi on nomme Hébrard, en 1923, Chef du Service Central Architecturale à l'Inspection Général des Travaux Publics de l’Indochine pendant les 4 ans de son séjour. Son inspiration et sa perspicacité pour l’urbanisme sont maintenant encore reconnues comme éminentes et originales. À Hanoi, il a appris l’architecture traditionnelle indigène au contact des historiens et archéologues de l’École française d’Éxtrême-Orient. Il a cherché la création d’une nouvelle architecture et a pensé qu’il fallait l’appliquer à la région. D’ailleurs, il ne faut pas, à ce qu’il prétend, tomber dans l’imitation simple du style indigène et du style français. Ainsi a-t-il inventé une nouvelle architecture nommé "le style indochinois ". Il existe à Hanoi des édifices de ce style qu’il a réalisé : le Musée de l’École française d’Éxtrême-Orient (1932), l’Université de l’Indochine (1928), l’Hôtel de la Direction des Finances (1927) et l’Église des Bienheureux dite de la Porte Nord (1931). Successivement, le service dressa les plans d’extension pour Saigon-Cholon, le quartier de Khanh H ội et le futur port maritime. Puis, le plan d’Hanoi et celui du quartier du Gouvernement Général. Enfin, le plan de Namdinh, de Haiphong. Au Cambodge le plan de Phnom Penh. Hébrard décrie vivement et critique divers aspects des villes d’Indochine ; d’abord pour Saigon :

38 Haris Yiakoumis, Alexandra Yerolympos et Christian Pédelahore de Loddis, Ernest Hébrard 1875-1933 , Édition Potamos, Athènes, 2001, p.161. 39 E.Hébrard, op.cit ., mars 1932, p .76.

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« Ces dernières années, de nouvelles et importantes constructions furent édifiées pour le Trésor et les Sociétés financières dont la Banque de l’Indochine. Vers l’Arroyo chinois l’on a élevé le Musée Blanchard de la Brosse, et un monument indochinois en souvenir de la guerre mondiale, beaux édifices dûs au talent de mon confrère Delaval. (....)Cette esquisse donne évidemment une idée très imparfaite de ce qu’est la ville de sa physionomie et de l’animation pittoresque que l’on y trouve. D’autre l’ont décrite, généralement pour louer son caractère de ville française. On l’appelle le Paris de l’Extrême-Orient . »40

PlanPlanPlan 131313 – Projet d’extension et d’aménagement de Saigon par Hébrard

Source : Ernest Hébrard, "L’urbanisme en Indochine ", in L’Architecture , février 1928.

Dans sa vision de l’urbanisme de Saigon 41 , il attachait de l’importance à l’aménagement du "trafic maritime " et à la "relation avec Cholon ". Le port maritime est situé sur la rivière de Saigon. Il a pensé « qu’un aménagement plus moderne devrait être envisagé pour l’extension future et nous proposons d’établir un port à bassins vers

40 Ibid ., p.72. 41 Sur l’urbanisme de Saigon à l’époque de la colonie française (1858-1954), cf., Tr ươ ng Hoa ̀ng Tr ươ ng, Étude sociologique des quartiers périphériques de Hô ̀ Chi ́ Minh Ville : approche monographique de Ba ̀ Điềm (Ho ́c Môn) et Vi ̃nh Lộc A (Bi ̀nh Cha ́nh) , Thèse, l’Université de Provence, Aix-en-provence, 2010, pp.79-87.

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Nhà Bè , avec entrée directe de ce côté et en communication facile avec le quartier industriel de Cholon », et que ce nouveau port serait relié au réseau de voie ferrées par une ligne spéciale traversant l’arroyo chinois vers Cholon. Il remarque le quartier de Khanh Hội , incorporé dans la municipalité de Saigon, avec une perception des taxes d’occupation sur le quai, vers 1915 42 . Il est situé derrière le port de commerce et s’étend jusqu’au canal de dérivation, des terrains alors encore des rizières. Il a estimé qu’une association de propriétaires serait d’une grande utilité pour aménager ce quartier important.

PlanPlanPlan 141414 – Projet d’aménagement du quartier de Khanh Hội

Source : Ernest Hébrard, "L’urbanisme en Indochine ", in L’Architecture , février 1928.

Pour Hanoi, ensuite, il a insisté plutôt sur l’aménagement du nouveau quartier que sur l’ancienne ville indigène, très vivante et possédant un commerce actif :

« La disposition du nouveau quartier, fort aéré, présente une certaine monotonie par le manque d’arrangements particuliers, de places devant les monuments. Excepté devant le théâtre où l’on a péché par excès contraire, en créant un carrefour. (....) Du côté du Gouvernement Général nous avons dressé un plan d’aménagement comportant un groupement des services gouvernementaux approuvé pas le Gouverneur Général Merlin en 1925 et dont l’exécution, à part la construction de la Direction des Finances, a été

42 CAOM, GGI-AF, 3200.

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arrêtée faute de moyens financiers. »43

Dans les années 1920, Hanoi s’étendait, selon lui, au sud. Un certain nombre de problèmes émergent dans le projet de l’extension de la ville. Par exemple, la ville souffre d’usines mal placées. Son port fluvial est impraticable à cause des différences de niveau considérables du fleuve Rouge entre la saison sèche et la saison des crues 44 . Un grand hôpital situé dans le centre de la ville doit être transporté en périphérie. Il eût été aussi désirable d’éloigner l’usine électrique qui s’élève près du petit lac, etc.... Cependant le Gouvernement indochinois manquait toujours des finances pour résoudre ces problèmes. Hébrard consacre une grande partie du plan d’aménagement de Hanoi au quartier du Gouvernement général.

PlanPlanPlan 151515 – Le quartier du Gouvernement général à Hanoi (gauche) et le projet d’aménagement de ce quartier établi par Hébrard (droite) vers 1928.

À ce propos, Hébrard mentionnait que les plans précédents établis par les services techniques des municipalités présentent « un système en damier », c’est-à-dire, formé de rues d’égale largeur se coupant à angle droit et délimitant des îlots souvent carrés.

« Cette disposition est défectueuse en ce sens que la circulation n’était plus la même sur toutes les rues, les unes ayant à satisfaire à une circulation intense, sont trop étroites et les autres peu fréquentées trop larges. Il eut été facile de remédier à ce défaut en

43 E.Hébrard, op.cit ., mars 1932, p.78. 44 Différences qui atteignent jusqu’à 12 mètres.

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diminuant les parties macadamisées mais les gabarits que l’on appliquait sans tenir compte de la circulation future, étaient formels : à telle largeur correspondait une dimension de chaussée donnée et le résultat est que dans toutes les rues secondaires et surtout sur les boulevards d’Hanoi l’herbe pousse et arrive à détruire le macadam le mieux exécuté. »45

C’était un système dit le « zoning », terme en vogue à partir des années 1910, qui a été mis en application pour la réalisation du plan d’urbanisme :

« On sait aussi, dit-il, que l’utilisation des îlots carrés est la plus difficile au point de vue des lotissements. En outre tous les îlots étant égaux servent indifféremment à des habitations, à des bâtiments administratifs, des monuments publics, à des usines ou des entrepôts amenant des voisinages indésirables. Peu de places publiques, ou de ces arrangements souples qui donnent de l’intérêt, quelquefois par des retraites plus ou moins accentuées, dans les alignements d’une rue ou d’une avenue. L’ensemble est rigide et sévère. Toutefois il apprécie qu’à Saigon le quartier du Palais du Gouverneur général présente de magnifiques allés plantées et de beaux parcs. »46

En ce qui concerne le « zoning », son intérêt principal était « la coexistence de deux mondes sur un même territoire, celui de la puissance coloniale et celui des autochtones »47 . Rajoutons ici la citation d’un article d’Emmanuel Pouille : Hébrard évoque l’absolue nécessité d’un contact entre les deux, à l’instar des « groupements de commerçants et ouvriers de nos villes modernes, qui sont, en vérité, séparés des habitations bourgeoises sans qu’une limite absolue soit tracée » ; « rarement les Européens habitent les centres indigènes, par contre les indigènes aisés vivent souvent dans les centres européens ». Cependant, les réalités de la situation entre les deux mondes ne sont pas totalement mises en lumière. En ce qui concerne la conséquence du zoning, nous examinerons les problèmes de la répartition des activités dans la ville de Hanoi à partir du Chapitre 3. Mais, si l’on peut ajouter un mot, le véritable « zoning » n’est réalisé qu’à 1942 à Hanoi par l’arrêté sur le plan d’aménagement, d’embellissement et d’extension de la ville de Hanoi et de sa zone suburbaine avec la catégorisation de caractéristiques de 8 zones 48 .

45 E.Hébrard, op.cit ., mars 1932, P.76. 46 Ibid ., p.76. 47 Emmanuel Pouille, Ernest Hébrard et la question de l’urbanisme en Indochine, in Hanoi, Le cycle des métamorphoses, Formes architecturales et urbaines , Éditions Recherches, 2001, p.124. 48 CAOM, RST-NF, 2598. 8 zones sont suivantes : A-Villas, B-Commerce et affaires, C-Villas de type

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Plan 116666 – Projet d’aménagement et d’extension de Hanoi par Hébrard

Source : Ernest Hébrard, "L’urbanisme en Indochine ", in L’Architecture , février 1928, p.8.. b. Haiphong Il convient de voir une autre ville au Tonkin. Haiphong, le grand port du Tonkin et du Yunnam (Chine), a été créé de toutes pièces dans le delta du fleuve Rouge sur la cửa Cấm. C’est une ville navale et industrielle importante. De grands travaux urbains ont été réalisés dans les années 1920, des monuments modernes embellirent la ville, tracée un peu sèchement, et avec des rues trop étroites. En 1932, Ernest Hébrard pose dans la revue "Urbanisme " des questions à propos du développement de la ville de Haiphong et de son urbanisme ultérieur :

« Le port se développe et il est question de l’agrandir encore. Malgré les difficultés d’accès, par mer, Haiphong reste un grand port à proximité de la capitale Hanoi. Situé à la baie d’Along, il jouirait d’un accès plus facile par eau, mais par contre l’installation d’une grande ville serait impossible. »49

anamite, D-Habitations annamites mitoyennes, E-Commerce et affaires de type annamite, F-Villages annamites de type traditionnel, G-Zones réservées à des utilisations administratives ou à des services publics, H-Zone industrielle. 49 E.Hébrard, op.cit ., 1932, p.74.

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Des marais du delta du fleuve Rouge a surgi une ville, Haiphong, qui était de petites agglomérations composées de six villages jadis 50 , est devenue la cité portuaire depuis la conclusion du traité du 15 mars 1874, dit le traité Philastre , avec le gouvernement Annamite qui « s’engagea à ouvrir au commerce les ports de Th ị N ại (= Quy Nh ơn), dans la province de Bình Đị nh , de Ninh H ải (=Haiphong), dans la province de Hải D ươ ng , la ville de Hanoi et le passage par le fleuve du Nh ĩ Hà (ou Nh ị Hà =fleuve Rouge) depuis la mer jusqu’au Yunnan »51 . Jusqu’aux années 1920 au plus tard, on l’a reconnu comme une vraie ville portuaire, voire la principale base navale en Indochine. Cependant, comme Hébrard dit ci-dessus, il est vrai que Haiphong n’était pas une grande ville. Comparer chronologiquement des plans de Haiphong (PlanPlanPlanPlan 11171777 et Annexe 666 ––– Plan 333333,, 3, 343 444,, 33353555 et 3et 363 666) en fait la démonstration. Le tracé de la ville est médiocre, mais il faut reconnaître le gros effort réalisé pour faire de Haiphong un des centres les plus importants de l’Indochine.

Tableau 242424 – Évolution en nombre de la population à Haiphong (1890-1929) 52 Anées Vietnamiens Chinois Européens Divers Total 1890 8.700 5.600 600 200 15.100 1902 12.000 5.300 950 75 18.325 1913 45.385 8.532 1.822 72 55.811 1923 63.578 13.538 1.766 208 79.090 1929 74.599 20.186 2.130 705 97.620 Source : Gilles Raffi, op.cit ., 1994, p.338.

À l’origine, la cité de Haiphong n’a été construite que dans de petits terrains entre Sông Tam B ạc et le Canal de Ceinture qui font le bras du fleuve nommé "cửa C ấm". Au début du XX e siècle, se sont installés des résidences à l’intérieur, les Docks et l’équipement économique autour de la cité. C’est après 1910, quand le chemin de fer est ouvert, que l’aménagement du territoire a été amorcé autour de la cité et la nouvelle Gare de Haiphong en incorporant les villages voisins. Le début de l’extension urbaine se rapporte également à l’augmentation de la population de 1902 (18 325 âmes) à 1913 (55 811 âmes), c’est-à-dire, « les années les plus importantes en matière d’installation du

50 Hạ Lý , Th ượ ng Lý , Lạc Viên , Gia Viên , An Biên , Hàng Kênh . 51 Voir Gilles Raffi, Haiphong : origines, conditions et modalités du développement jusqu’en 1921 , Thèse de doctorat, Université de Provence, 1994, p.24. 52 Raffi tire ces données de : Annuaire des services communs de l’Indochine française , années 1891, 1902 et 1913 ; L.Laveran, Un magnifique effort français, le développement de Haiphong, supplément au Courrier d’Haiphong du 28 février 1923 ; Pierre Gourou, Le Tonkin , Exposition Coloniale Internationale de Paris 1931, IDEO, Hanoi-Haiphong, 1930.

100 tissu industriel et urbain »53 . Les quartiers de commerce, fixés par les voies d’eau et la rue Paul Bert (ph ố Điện Biên Ph ủ), se sont développés autour de la nouvelle darse du Lạch Tray et dans le prolongement de la rue Paul Bert. L’île de Hạ Lý , encore inoccupée dans sa partie centrale, en aura constitué également un des centres.

Cliché 777 – Port fluvial de Haiphong. Quai du Sông Tam B ạc vers 1936.

Source : Collection privée .

Cliché 888 – Haiphong. Boulevard Paul Bert vers 1910

Source : Collection P. Dieulefils.

53 Ibid ., p.339.

101

Plan 17 – Plan de Haiphong (1874 et 1926)

102

Cliché 999 – Haiphong. Rue Chinoise vers 1910

Source : Collection V. Faurel (?).

Mais l’échelle de l’urbanisme de Haiphong est limitée à un périmètre d’à peine 2 km² à partir du centre-ville. En fait, ce n’est qu’en 1943, puis encore plus tard, que l’on commence à examiner sérieusement l’urbanisme de Haiphong d’après un plan d’Hébrard de 1928. Celui-ci avait un projet d’aménagement et d’extension de 3 à 4 km² de la ville de Haiphong, y compris vers les villages voisins que Paul Beau avait désigné en 1902 comme une zone suburbaine périphérique : Th ượ ng Lý , An Đ ươ ng , Hàng Kênh , Đông Khê et Lạc Viên . Selon Hébrard le port fluvial s’étend sur le Sông Tam B ạc. Il était très insuffisant et son extension vers le Sông L ạch Tray était désirable. Et puis, un grand parc de 100 hectares environ, a été proposé au sud, vers le pont sur le Sông L ạch Tray et l’extension de la ville de ce côté. Selon lui, « Ce parc est du reste déjà amorcé de ce côté. Autour viendraient se grouper les habitations pour les Européens, et nous conseillons vivement de placer de ce côté les hôpitaux, tout en conservant dans la ville des maisons de secours, pour les besoins immédiats »54 . Et à l’est, une grande surface a été déstinée au quartier industriel et à l’extension du port maritime.

54 E.Hébrard, op.cit ., 1928, p.11.

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PlanPlanPlan 11181888 – Plan d’aménagement et d’extension de Haiphong par Hébrard en 1928

― (ligne rouge ) : Zone Commerce et affaires de type européen ou habitations collectives. ― (ligne noir) : Zone Comerce et affaires de type annamite et chinois.

― (ligne jaune ) : Quartier vietnamien. ― (ligne rose ) : Villas de type européen. ---- (pointillé rose ) : Quartier européen. ― (ligne violet ) : Zone industriel. ---- (pointillé violet ) : Quartier industriel. ― (ligne bleu ) : Port. ― (ligne vert ) : Parc. Source : E.Hébrard, "L’urbanisme en Indochine ", in L’Architecture , février 1928, p.12.

En 1928, le tonnage annuel du port de Haiphong était de 1.400.000 tonnes. Hébrard observait que « l’extension le long de la cửa C ấm ne donnerait que 1 million de tonnes en plus, ce qui semble insuffisant comme prévision ». Toutefois, par ailleurs il dit :

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« Nous conseillons vivement de ne pas étendre le port à l’est (l’ouest ??)* pour ne pas boucher la ville. Du reste l’extension de ce côté serait peu pratique, la largeur étant insuffisante, 80 mètres réduits à 50 mètres, pour l’établissement de docks et de voies ferrées . »55 *un remaniement par l’auteur de la thèse.

Il est clair que Hébrard a développé la ville de Haiphong dans la dépendance de son port. À ce propos, Hébrard ne dit rien de la zone d’habitation pour les Vietnamiens. D’après ce que Raffi dit, les Vietnamiens sont concentrés dans leurs villages d’origines et autour de la douane annamite, sur la rive gauche du Sông Tam B ạc56 . Mais en même temps, il est vrai aussi que la plupart des Haiphonnais continuaient leur vie indépendamment de la construction du port. Autrement dit, c’est à dire qu’il y avait beaucoup de petits métiers, qui étaient pratiqués par les habitants principaux du centre-ville de Haiphong. C’est une question importante si l’on veut voir la structure sociale de Haiphong. Elle sera envisagée au plus tard.

55 E.Hébrard, op.cit ., 1928, p.11. 56 G.Raffi, op.cit ., 1994, p.116.

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Chapitre ⅢⅢⅢ. L. LaL a vie coloniale de Hanoi

« Nous aussi, nous avons Hanoi, une ville belle à maints égards, d’abord parce qu’elle est vraiment belle – c’est à nous de découvrir en quoi elle l’est – mais aussi

parce que nous l’aimons .» 57

C’était non seulement des édifices splendides qui ont transformé radicalement la ville coloniale, mais aussi des équipements, des valeurs et des habitudes dans la vie quotidienne qui ont introduit une modernisation sous la nouvelle règle occidentale. Il y a, par exemple, le changement de comportement, de rayon d’action et de foyer du quartier. Quelle atmosphère ont-ils apporté dans la ville de Hanoi ? Ce chapitre a pour but de répondre cette question un peu abstraite.

111.1. L. LeL e développement des moyenmoyenssss de transtransportport Les limites de la ville de Hanoi sont originellement basées sur quelques « Monuments historiques » ainsi que 8 zones de phườ ng. La Pagode de Tr ấn Qu ốc du bord du Grand Lac au Nord, le Temple de Qu ốc T ử Giám à l’ouest, les anciennes fortifications et la Pagode de Liên Phái au sud, la Pagode de Bạch Mã le long du fleuve Rouge à l’est. Ces « principales pagodes » synthétisait la présence urbaine d’une autre culture et la ville vietnamienne préexistante se limitait à l’environnement naturel ou aux villages périphériques 58 . En outre beaucoup de bornes numérotées limitent exactement l’intérieur et l’extérieur de la ville au début du XX e siècle. Cependant, pour les hommes d’alors, comment la ville de Hanoi a-t-elle été perçue dans la distance et le temps ? On devait pouvoir la considérer plus étendue en fait que les limites réelles, car le développement des moyens de transport réduit sensiblement la distance et le temps pour se déplacer dans une région. C’est-à-dire, on a senti la ville s’étendre. En effet, l’Indochine possédait 2.389 kilomètres de voies ferrées ouvertes à l’exploitation depuis les grands travaux publics par Paul Doumer en 1898 jusqu’à 193559 . Ces voies se sont réparties en 4 groupes ayant respectivement les dénominations et couvrant les distances suivants 60 : Réseau du Nord et Annam (979 km au total) 61 ,

57 Th ạch Lam , op.cit ., 2009, p.17. 58 France Mangin, Une lecture historique des plans de Hanoï : 1873-1951, in Hanoi, Le cycle des métamorphoses, Formes architecturales et urbaines , Éd. Recherches, 2001, p.110. 59 Sont ouvertes les lignes de -Hanoi en 1905 et Hanoi-Saigon en 1935. 60 E.Teston et M.Percheron, op.cit., 1931, p.424.

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Réseau du Sud (551 km au total) 62 , Compagnie française des chemins de l’Indochine et du Yunnan (859 km au total) 63 . Les trois premiers réseaux sont exploités directement par la colonie ; le quatrième est donné en concession à une compagnie privée. Le service de chemin de fer a réussi à relier, par approximation, Saigon-Mỹtho (70 km) en 2h00, Saigon-Nhatrang (425 km) en 8h00, Hanoi-Haiphong (101 km) en 3h00, Hanoi-Làocai (296 km) en 10h30, Hanoi-Namdinh (87 km) en 2h40 et Hanoi-Vinh (321 km) en 9h00.

Cliché 101010 – Tramway électrique. Square du Petit Lac (Place Négrier) à Hanoi

Source : Collection R.Moreau , Hanoi, 1905.

En 1899 déjà, une Société anonyme au Capital de 2.750.000 francs, a obtenu par contrat passé entre le Protectorat et la Ville de Hanoi et Courret, Krug et Durant Frères la concession d’un réseau de tramways électriques de 12 kilomètres de longueur, desservant Hanoi et sa banlieue. L’ensemble du réseau, alimenté par des courants continus variant entre 500 et 600 volts, comprenait trois lignes qui ont convergé toutes au centre de la ville, sur la place de Négrier à l’extrémité nord du Petit Lac : 1 e ligne A – Place de Négrier à Bạch Mai (3,5km) ; 2 e ligne B – Place de Négrier au village du Papier

61 Hanoi-Haiphong (101 km), Hanoi-Nacham (179 km), Hanoi-Vinh (326 km), Vinh-Dongha (299 km), Dongha-Tourane (175 km). 62 Saigon-Mytho (70 km), Saigon-Nhatrang (425 km), Tourcham-Krongpha-Dran (56 km). 63 Haiphong-Laokay (394 km), Laokay-Yunnanfou (465 km).

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(5,5km) ; et 3 e ligne C – Place de Négrier au village (du Kinh lược ) de Thái Hà Ap (4,1m). Les prix sont fixé de 0,03 à 0,07 piastres (plein tarif) et il n’a fallu attendre que toutes les 12 minutes dans le réseau de Hanoi à l’intérieur de la route circulaire. En outre, dans le but d’étendre le réseau des Tramways, en vue de desservir d’une manière plus complète la Ville de Hanoi et sa banlieue, la ligne C a été prolongée jusqu’à Hà Đông , en 20 minutes (0,04 à 0,17 piastres plein tarif), et vers l’Ouest de la pagode des Corbeaux (Văn Miếu ) jusqu’au Pont du Papier (Route de Sontay) 64 .

Plan 119999 – Réseau de tramway de Hanoi en 1918

Source : Foire de Hanoi, Guide de la Ville, IDEO, Hanoi, 1918.

La ville de Hanoi a pris, en effet, chaque jour une importance de plus en plus considérable et l’intensité sans cesse croissante de sa vie administrative, industrielle et commerciale, a nécessité des moyens de transports plus étendus et répondant mieux à ses besoins. La relation par les lignes entre le centre ville et ses faubourgs ou sa proche banlieue a fait fonction de l’expansion de l’espace urbain, d’ailleurs celui-ci peut être réduit dans la cognition des venu(e)s au centre ville de Hanoi en montant dans le tramway des villes voisines ou des villages voisins dans lesquels sont fabriqués souvent

64 GGI, Ville de Hanoi (Tonkin)…., op.cit. , 1905, pp.81-82 ; Foire de Hanoi, Guide de la Ville, IDEO, Hanoi, 1918.

108 les spécialités tels que des légumes, des fruits, du lait ou du papier 65 . C’est-à-dire, il y avait sans aucun doute l’afflux à Hanoi de plus de gens qu’on ne l’estime, comme les travailleurs et ouvriers, employés ou marchand(e)s ambulant(e)s et saisonniers, ou bine les passants comme les touristes, visiteurs ou vagabonds.

2. L2. L’L ’’’extensionextension de la ville de Hanoi L’arrêté du 14 juillet 1899, établi que « l’assiette et le tarif de l’impôt dans la zone annexée à la ville de Hanoi seront les même que dans les provinces du Tonkin (Art.3) » et que « les recettes provenant de l’impôt foncier et de l’impôt de capitation, des marchés, fermages, etc.... dans la zone suburbaine, seront l’objet d’un compte spécial destiné à faire face aux dépenses d’amélioration des voie de communication de cette zone, en particulier, à l’entretien des routes et promenades». Le terme de « la zone suburbaine » a émergé un peu après que les limites de la ville ont été déterminées par l’arrêté du 20 février 1895. Cela témoigne de l’agrandissement notable de la ville, autrement dit, de l’augmentation des habitations ou du va-et-vient dans les environs de Hanoi. L’arrêté du 18 août 1899, a donc établi : « Il est créé dans la région suburbaine de la ville de Hanoi, un poste administratif dont le centre sera établi au village de Thái Hà 66 (Art.1) », et « Le chef de ce poste sera chargé de l’administration de cette région sous l’autorité directe du Résident-Maire de la ville de Hanoi (Art.2) »67 . En 1912, la zone suburbaine de la ville de Hanoi a été cependant supprimée en tant que circonscription administrative distincte placée sous l’autorité de l’Administrateur Maire de la Ville de Hanoi. Le poste administratif établi au centre de Thái Hà dans la dite zone suburbaine a été également supprimé. Le territoire de la zone suburbaine de la ville de Hanoi a été rattaché désormais à la province de Hà Đông. Par contre, un « projet d’organisation de la nouvelle circonscription de Hanoi » a été lancé en 1912 principalement par la Commission municipale. Les principes généraux sont basés sur ceux, par exemple, comme il faut, dans la mesure du possible, éviter de bouleverser maladroitement les institutions existantes, en contrariant sans nécessité les coutumes indigènes et en prenant des dispositions insuffisamment étudiées 68 . Dans le règlement au projet, « il était nécessaire que le territoire récemment annexé

65 Ce sont les villages qui étaient situés en dehors du centre ville comme Nghi Ta m,̀ Qu ảng Bá, Th ịnh Quang, Yên Ph ụ, Ng ũ Xã, Yên Thái, etc.... Voir P.Papin, op.cite ., 2001, pp.173-174. 66 Situé à l’Ouest-Sud de la ville de Hanoi. Il y existait l’Institut vaccinogène et Thái Hà Ấp, le domaine "privé" de l’ancien Kinh L ượ c (vice-roi). 67 CAOM, RST-NF, 2598. 68 CAOM, RST-NF, 2598.

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à la Concession française de Hanoi soit érigé en circonscription autonome, indépendante de la Ville de Hanoi, et placé, comme les provinces de Cochinchine, sous le régime de l’administration directe. Cette circonscription a eu pour chef l’Administrateur chargé des fonctions de Maire de Hanoi ». Les raisons qui justifient cette organisation étaient les suivantes : (1) La circonscription comprend une importante partie rurale. L’émotion qu’a soulevée la nouvelle du rattachement de la zone à la concession française laisse entrevoir des difficultés qui seraient la conséquence de l’incorporation à une grande ville de toute une population campagnarde craignant de perdre leur domaine communal et le contenu de leur caisse communale, et de voir bouleverser leurs institutions ; (2) Même les parties urbaines de la périphérie ne sont pas actuellement prêtes à être rattachées à la Ville de Hanoi. On ne peut, sans une étude sérieuse, déterminer les zones qui peuvent être, dans un proche avenir, incorporées à la Ville, les délimiter, les aborner, arrêter un plan logique d’organisation et de travail. (3) Enfin, il faut que l’Administrateur de la zone ait, s’il veut travailler vite et bien, les mains absolument libres et qu’il n’ait à soumettre ses projets aux discussions d’aucune assemblée délibérative. Mais la Commission a posé une question particulière. Comment faut-il désigner la nouvelle circonscription? Un membre se demande si, en ce qui la concerne, le nom de province peut paraitre prétentieux en raison de la faible étendue de son territoire, il semble par contre que l’importance de sa population justifierait cette dénomination.

« On pourrait également l’appeler "Zone de Hanoi " ou "Région de Hanoi ". Mais la dénomination empirique de "Zone" a quelque chose de péjoratif et il vaut mieux ne pas s’en servir. D’autre part, ne risque-t-on pas de créer une confusion et de donner à penser que la ville elle-même fait partie de la circonscription si l’on attribue à celle-ci le nom de "Région de Hanoi’ " ? Si j’avais à opter, je choisirais le nom de "Province ". »69

Cependant le chef de la nouvelle circonscription est toujours l’Administrateur-Maire de Hanoi. Il sera assisté d’un délégué français, et d’un délégué annamite. Le Président de la Commission le 17 août 1916, alors administrateur des Services civils Pierre Pasquier, donna une lettre adressée au Résident supérieur exposant les raisons majeures pour lesquelles il y aurait lieu de rattacher la zone suburbaine à la ville de Hanoi :

« Toutes les grandes agglomérations ont besoin d’une sorte de ceinture protectrice dans

69 Projet d’organisation de la nouvelle circonsctiption de Hanoi. CAOM, RST-NF, 2598.

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laquelle peut s’étendre et s’exercer leur autorité. C’est ce fait qui a amené l’extension du terrain urbain de toute les grandes villes de France : Lyon, Marseille, Lille etc... Ces cités se sont vues obligées s’incorporer au territoire primitif le territoire de communes circonvoisines qui avaient encore un caractère rural. »70

Par ailleurs, ce qui nous intéresse est une question sur des services de Police. La nouvelle circonscription comprenait une importante partie rurale où l’action d’un service de police urbaine ne pouvait guère s’exercer. Les zones urbaines étaient d’autre part très mal entretenues, irrégulièrement construites, difficiles à surveiller et encombrées d’un ramassis de prostituées, de souteneurs, de gens sans aveu et de malfaiteurs de toutes espèces qui opèrent à Hanoi et trouvent refuge dans la banlieue.

PlanPlanPlan 202020 – Zone suburbaine de la ville de Hanoi en 1916

Source : CAOM, RST-NF, 2598.

Il existait alors les services de police s’exerçant sur les villages de la zone rurale de la périphérie de Hanoi : Gendarmerie à Phường Liêt , Garde Indochinoise à Yên Thái qui contrôlaient la partie située au nord de la Route de Sơn Tây . En outre, la Commission

70 CAOM, RST-NF, 2598.

111 considérait qu’il faut doter d’un service de police urbaine les quartiers urbains qui en sont actuellement dépourvus soit les zônes suivantes : 1°- Au Nord, tout le village de Yên Ph ụ (Zone A), peut être rattachée au 8 ème secteur de police de la Ville de Hanoi (2 ème arrondissement), 2°- Au Nord-Ouest, la route de Sơn Tây , y compris l’agglomération de Ng ọc Hà et la digue Parreau à la rue de la Pépinière prolongée (Usine des Tramways) (Zone B), 3°- À l’ouest, la route de Khâm Thiên et la rue de la Soeur Antoine prolongée (Zone C), 4°- Au sud, la route de Bạch Mai jusqu’à 400 mètres avant d’arriver à la route circulaire, y compris la Cité Universitaire et la future avenue (Zone D). De même, ce qui concerne la zone suburbaine pose divers problèmes, par exemple, sur l’enseignement, le cadastre, le service vétérinaire, le service des marchés, le crédit agricole, le domaine, la conservation foncière, le service des T.P.P., etc.... Quant à la justice, la circonscription de Hanoi, territoire français, échappe désormais à la compétence des juridictions indigènes et entre dans le ressort des tribunaux français de Hanoi. Mais la population du territoire annexé à la concession était très nombreuse, relativement éduquée et constituée d’éléments pour la plupart remuants. On a donc considéré qu’« il conviendrait sans doute de débarrasser des juridictions de la capitale d’un nombre considérable d’affaires peu importantes et parfois urgentes à régler en affectant à la circonscription un juge de paix annamite ». Il existait encore un certain nombre de questions dont l’étude ne pu être effectuée avec toute la précision désirable. C’étaient celles des pousse-pousses, des habitations à bon marché, de l’organisation du transport en commun, du ravitaillement sous ses diverses formes, de la défense passive, etc.... La zone suburbaine de la ville de Hanoi est, malgré tout, supprimée en 1915 en tant que circonscription administrative distincte placée sous l’autorité du Résident-Maire de la ville de Hanoi. Toutefois, Pierre Pasquier, administrateur des Services civils de 40 ans alors, a proposé le 17 août 1916, comme déjà cite précédemment de sa lettre, « le retour de la zone suburbaine à la ville de Hanoi » à titre de président de la Commission municipale de Hanoi 71 . Selon lui, en ce qui concerne la question policière, la zone est le refuge de tous les désheurés de la ville, elle est le lieu d’asile des recéleurs, des escarpes qui complotent hors de l’atteinte de la police préventive les coups à faire et qui chaque nuit s’introduisent dans Hanoi pour regagner la zone au petit jour. Deuxièmement, au point de vue de l’hygiène et de la santé publique, aucune mesure préventive vraiment efficace ne peut plus être prise dans la zone contre les épidémies, le contrôle si important des viandes de boucherie ne peut s’exercer avec toute la rigueur nécessaire en pareille

71 CAOM, RST-NF, 2598.

112 matière, le service des désinfections ne peut fonctionner que d’une façon tout à fait défectueuse. Troisièmement, au point de vue de la sécurité politique, il n’est pas inutile qu’une surveillance particulière puisse être exercée sur une partie de la population qui travaille en ville et habite la zone. Quatrièmement, au point de vue des travaux publics, la zone revient naturellement à la ville, elle contient les seules promenades offertes à l’agrément de la population européenne de la ville, elle reçoit tout les égoûts de la ville, son périmètre est indispensable à l’étude de la réalisation de la question de l’assainissement urbain. En outre la zone est indispensable à la ville pour sa défense contre les inondations. Cinquièmement, elle contient une série s’établissements lazarets, télégraphie sans fil, cimetières qui dépendent de la ville. Sixièmement, le rattachement de la zone à la province complique les affaires des Européens de la ville qui y ont des établissements ou y possèdent des terrains. Le débat sur le rétablissement de la zone suburbaine de la ville de Hanoi a duré pendant 15 ans sans trouver de solution. Néanmoins, on avait toujours besoin des mesures d’urgence contre la surpopulation, prévue dans un avenir prochain, de la ville de Hanoi et du delta du fleuve Rouge. En effet, la population du Tonkin a été multipliée par plus de dix en 10 ans après la Première Guerre mondiale, pour dépassé en 1935 celle de la Cochinchine 72 . En 1934, le 1 er bureau de la Résidence supérieure du Tonkin présenta une note insistant sur la nécessité d’une solution d’ensemble pour les problème que pose l’extension de la ville de Hanoi, avec les cinq formules suivantes 73 : (1) Solution Robin de 1926 : « entente entre le Résident de Hà Đông et la Municipalité de Hanoi pour les mesures d’alignement et de nivèlement destinées à faciliter l’extension future de la capitale, comme pour adopter les dispositions communes afin d’assurer la sécurité et l’hygiène publique dans l’agglomération urbaine ». Cette solution a toujours paru insuffisante aux Maires soucieux de l’avenir de Hanoi parce qu’elle n’établit pas d’unité de direction et ne règle pas les questions financières qui sont essentielles ; (2) « Création de centres urbains à la périphérie d’Hanoi ayant mêmes règlements que dans cette ville ». Cette solution rencontre les mêmes obstacles que la précédente. Ces centres urbains couperaient du reste plusieurs villages ; (3) Solution Dupuy : « Création d’une zone par extension des limites d’Hanoi au moyen d’une ordonnance royale, avec incorporation mesurée et progressive de quartiers

72 En 1918, la population était (en mille) : 9.700 au Tonkin, 5.000 en Annam et 5.400 en Cochinchine. En 1920, respectivement 4.000, 2.870 et 5.600. En 1926, 8.500, 4.500 et 9.300. En 1935, 13.600, 8.000 et 13.000. Maks Banens, Jean-Pascal Bassino, Eric Egretaud, Estimating population and labour force in Vietnam under French rule (1900-1954) , AHSTAT-COE Project, Université de Paul Valéry, Montpellier, 1998. 73 CAOM, RST-NF, 2598.

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à la ville proprement dite ». Cette proposition rencontre l’opposition justiciable de la Cour de Huê ; (4) Solution Guillemain : « Création d’une zone dans laquelle l’Administration et la Justice dépendraient d’Hadông et les services techniques du Maire d’Hanoi. Solution batarde a-t-on objecté ». Il aurait fallu une unité de direction ; (5) Solution Virgitti : « Qui est celle de l’ancienne zone suburbaine avec des amendements destinés à éviter le retour des causes qui ont entrainé sa suppression (Justice indigène fonctionnant sur des bases normales rattachées à Hà Đông , action directe du Médecin municipal, forces de Garde indigènes à la disposition du Maire). Parmi ces solutions, celle Virgitti aurait pu être réalisable car c’est lui qui a pris l’initiative vigoureuse en politique urbaine en tant que Maire de Hanoi dans les années 1930. Mais en ce qui concerne les problèmes de la zone suburbaine, il n’a pas pu trouver la solution principale, alors que la crise économique l’a gêné longtemps. La reprise effective du projet de l’aménagement et l’extension de la ville de Hanoi, basé sur le « zoning » d’Hébrard, se fait en 1942 sous le régime de Vichy après l’invasion japonaise de l’Indochine 74 .

3. Les monuments historiques Selon l’arrêté du gouverneur général de l’Indochine du mars 1900 :

« les immeubles par nature ou par destination dont la conservation peut avoir, au point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt public, seront classés, en totalité ou en partie, par arrêté du Gouverneur général, pris sur le rapport du Directeur de l’École française d’Extrême-Orient et après avis de la Commission permanente du Conseil supérieur de l’Indochine »75 .

Ainsi, l’arrêté du 24 novembre 1906 a établi que les immeubles et objets divers sont classés parmi les monuments historiques de l’Indochine. Alors, sept objets mobiliers et sept immeubles sont désignés en 1906 comme le monument historique de la ville de Hanoi 76 .

74 Aussi qu’au Tonkin, ceux de Dalat en 1940, de Đồ Sơn (Ki ến An ) en 1944, de la ville de Hà Giang en 1941, de la ville de Lai Châu en 1941, de la ville de Haiphong en 1943 et de Na Cham (Lạng S ơn). CAOM, RST-NF, 2607, 2609, 2615, 2616, 2617 et 2618. 75 CAOM, GGI-AF, 16917. 76 Les autres monuments historiques sont les suivants: Deux phénix sur tortues et deux chimères ( lân ) de bois dans la pagode de Hội Đồ ng au Jardin Botanique. Văn mi ếu (文廟 ) au temple de la littérature, érigé en 1070 dit "pagode des corbeaux ". Nh ất Tr ụ Tự (一柱寺 ) ou Chùa Một C ột ( : pagode du piler

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Au 1 er quartier, il y en a eu de "Huy ền Thiên Tr ấn Vũ (玄天眞武祠 )" au vulgairement "Đề n Quan Thánh (厨観聖 )", la pagode du dieu de la guerre, dit le "Grand Bouddha ", construit sous le règne de l’empereur Lý Thái T ổ (李公蘊 règne 1010-1028) au coin du Grand Lac ( Tây H ồ). D’après les liste de commerçants de 1936 77 , on comte 46 commerçants sur l’Avenue du Grand Bouddha. Ceux-ci ne représentent que 7,1% dans le 1 er quartier mais elle était la seule rue commerçante au nord, dans le quartier du palais du gouvernement général. À l’est du 1 er quartier de côté du fleuve rouge, il y avait un "Khánh (磬)" de bronze, une stèle inscrite et une stèle portant trois statuettes en niches dans la pagode de "Hòe Nhai " dans la rue du Charbon. Cette rue, qui compte 60 commerçants, est comprise dans un des quartiers les plus animés dans le voisinage des rues des Graines (52), du Papier (82), du Riz (59) et des Tubercules (48), et en outre le grand marché. Aux 2 ème et 3 ème quartiers, assez animés, des rues commerçantes se trouvaient près de trois monuments historiques. L’inscription dans le "Đình Hoa L ộc(花禄神社 )", sis au n˚90 rue de la Soie, qui se prolonge au milieu du quartier indigène vers le nord avec deux autres rues, celles des Cantonnais et du Sucre dans lesquelles sont enregistrés 193 commerçants au total. Cependant, les tramways roulant sur ces rues ont été développé, comme si les commerçants avaient été poussés vers les rues très denses comme de Tien Tsin (78), des Pipes (92), des Tasses (104) et des Médicaments (106) de l’ouest du 2 ème quartier. Par ailleurs, deux autres monuments historiques au nord du 3 ème quartier, la Porte de la rue Jean Dupuis et le "Đền Bạch Mã (白馬祠)" au temple du Cheval Blanc, érigé en 1010 au n˚3 rue des Voiles a eu pour effet de concentrer les commerçants autour d’eux. De fait, on compte 71 commerçants sur la rue Jean Dupuis, 113 sur la rue des Voiles, et sur les rues avoisinantes de seulement 400 mètres carrés, 13 rue des Nattes en Jonc, 28 rue des Briques (An Sat Siêu), 8 rue de "Đào Duy T ừ" (Ancien canal), 18 rue de Sầm Công , 7 rue de Lataste, 15 rue de Géraud, 72 rue des Pavillons Noirs et 17 rue des Vases, qui représentent 42% du 3 ème quartier. Il y a un monument historique dans le 4 ème quartier : quatre statues et une colonne dans le "Đền Lý Qu ốc S ư (李國師祠)" érigé en 1131 à la rue de la Mission. C’était par ici et vers la Cathédrale, l’ouest du Petit Lac ( Hồ Hoàn Ki ếm), où les petits commerçants indigènes ont convergé avec un certain nombre de commerçants européens malgré qu’il y ait eu le Temple bien connu de "Ng ọc S ơn (玉山 )" ou de l’ile de Jade construit en 1865 avec l’obélisque du pinceau et son monticule à l’est du Petit Lac. Par contre, dans l’autre quartier français, les commerçants indigènes avaient été poussés au sud dans le 5 ème

unique) érigé en 1049 prés du Jardin Botanique. 77 Voir la Troisième partie-Chapitre Ⅰ-3.

115 quartier : près de deux monuments historiques des stèles dans la pagode de "Hà m Long (咸隆 )" ou "Hàm Châu (咸珠 )" ou l’église Saint Antoine bâtie en 1934 au n ˚18 Boulevard de Doudard de Lagrée et dans la pagode des Deux Sœurs qui conserve "Nhị Vươ ng Tr ưng Tự (二王微祠 )" dit vulgairement "Chùa Hai Bà " érigé en 1142 au n˚82 et 84 du Boulevard Armand Rousseau. Les deux boulevards comptent les commerçants respectivement au nombre de 33 et de 93. Ces derniers représentent 48% dans le 5 ème quartier. Pour finir, il y a deux monuments historiques à la route de Hué dans le 8 ème quartier : une stèle du "Nam Giao (南郊 )" au sud de la fabrique d’allumettes et deux phénix de bois dans le Đình de Đông Hà de village de Đông Tân au n ˚133. La route de Hué, la plus longue à Hanoi, formait une rue commerçante la plus importante et animée par 266 commerçants dans le quartier nouveau en voie de développement à la ville.

Plan 212121–21 Les monuments historiques à Hanoi en 1906

⑱Pagode de Hàm Long ou église Saint Antoine ⑳Pagode des Deux Sœurs ㉓Temple Bạch Mã ㉔Pagode du Grand Bouddha ⒶPagode du piler unique

ⒷPagode de Hòe Nhai ⒸTemple de Ngọc Sơn ⒹCathédrale

D’ailleurs, les rues commerçantes ont été formées sur les lignes de tramways électriques de Hanoi à l’intérieur de la route circulaire. Les réseaux empruntent des parcours suivants : A) du Grand Marché à la Place Négrier (le bord nord du Petit Lac) et Bạch Mai (sud de la ville) en passant par les rues du Sucre, des Cantonnais et de la Soie, les boulevards F.Garnier et Đng Khanh , la route de Hué ; B) du Pont du Papier (carrefour

116 du château d’eau) au village du Papier (l’ouest du Jardin botanique) en passant sur l’avenue du Grand Bouddha ; C) de la Place Négrier à Thái Hà Ấp via la place Neyret en passant par les rues du Chanvre, du Coton et Duvillier ; D) de la Place Neyret à Yên Ph ụ (nord de la ville ) via le Pont du Papier en passant en parallèle du chemin de fer sur le boulevard Henri d’Orléan et les rues du Charbon et du Blockaus Nord. Il s’agit ici des stations situées aux places du Pont du Papier, de Négrier, de Neyret, et aux points de jonction des boulevard Dong-Khanh, Doudard de Lagrée et la route de Hué près de l’église Sait-Antoine, bien desservi pour visiter les monuments historiques de chaque quartier.

4. Les quartiers de plaiplaisirssirssirssirs À propos de cette question, utilisons les rapports sur la prostitution à Hanoi rédigés en 1930 par B. Joyeux, directeur du service d’hygiène de la vile de Hanoi 78 . Le premier arrêté concernant la prostitution est extrait du registre des arrêtés du Résidents général en Annam et au Tonkin en 1886 et il est signé Paul Bert. Quelques mois après, la création des municipalités de Hanoi et de Haiphong (19 juillet 1888), paraît le premier arrêté municipal de la Ville de Hanoi, signé par le Résident-Maire Tirant le 21 décembre 1888. D’après les rapports de Joyeux, il existait en mai 1930 : « réparties dans 20 maisons 158 prostituées dont 152 sont annamites "pures" ; 2 sont chinoises "pures" ; 3 sont métisses franco ou sino-annamites ; 1 est annamite-martiniquaise. Et il y a quelques années, les Japonaises, dont certains se souviennent encore avec émotion à cause de leur propreté, de leur innocuité (relative) et même de leur délicatesse, formaient un corps important et réputé d’hétaïres. Quant aux Chinoises, quelques-unes seules sont régulièrement cartée, les autres, étiquetées : chanteuses, fréquentent les grands restaurants de la rue des Voiles et des n ˚60, 77, 95 et 97 de la route Mandarine ; mais elles sont à peu près spécialement réservées à la clientèle chinoise. »79 Les maisons de tolérance patentées, au nombre de 20, sont éparpillées dans la ville selon le bon vouloir des propriétaires qui consentent à avoir de telles locataires et selon des disponibilités pécuniaires des tenancières. Pour restreindre la surveillance de ces maisons aussi disséminées, on a pensé à les grouper en trois secteurs bien définis, loin des écoles et des édifices publics et hors des voies passagères. La police pressentie désigna les trois secteurs suivants : 1 er secteur dit de la Gare (6 ème quartier), 2 e secteur

78 B.Joyeux, Le péril vénérien et la prostitution à Hanoi , IDEO, Hanoi, 1930. 79 Ibid ., pp.7-13.

117 dit de Yên Thái (2 ème quartier) et 3 e secteur dit de Sầm Công (3 ème quartier). Il existait : 4 maisons dont 2 sur le passage de Sơn Tây , 2 sur les ruelles de Hàng Thit et de Nam Ng ư dans le 1 er secteur ; 8 maisons dont 4 sur la ruelle de Yên Thái et 3 sur les rues de la Citadelle, de Hà Trung et de Tạm Th ươ ng dans le 2 ème secteur ; 8 maisons dont 2 sur la ruelles des Pavillons-Noirs, 2 sur le Boulevard Maréchal Pétain, 2 sur la rue Tirant, 1 sur la rue des Briques et 1 sur le passage de Sầm Công dans le 3 ème secteur, alors que l’on compte seulement 10 tenanciers de maisons de tolérance dans les listes des commerçants à Hanoi de 1936, peut-être par surveillance plus forte de l’hygiène.

Plan 222222 – Répartition des Maisons de tolérance à Hanoi en 1930 ■ : Maison

- 1er secteur dit de la gare (Ruelle de Nam Ng ư, Ruelle de Hang Thit , Passage de Sơn Tây ) - 2e secteur dit de Yên Thai (Ruelle de Yên Thai , Ruelle de Tạm Th ươ ng )

- 3e secteur dit de Sầm Công (Ruelle des Pavillons-Noirs, Passage de Sầm Công , Ruelle de Sầm Công , Rue Galet, voie 18, Ruelle de Hai Thuong ) Source : B.Joyeux, Le péril vénérien et la prostitution à Hanoi , I.D.E.O., Hanoi, 1930, p.9 et p.27

En principe, les maisons de fumerie d’opium ont été également éparpillées dans les secteurs définis. Elles se sont bien trouvées au 3 ème secteur dit de Sầm Công mais il n’existe, selon Joyeux, aucun établissement réellement propre, hygiénique et surtout

118 paré du luxe extrême-oriental que l’on se plaît à imaginer en Europe pour les fumeries. Et les garnis, comme d’autres maisons de rendez-vous, ont été au nombre d’au moins 41 en 1930 surtout dans le quartier indigène. On penserait que ce chiffre augmentait constamment mais on ne trouve que 14 établissements en 1936. À l’usage de européens ou de riches chinois ou annamites, « il existait quelques maisons particulières habitées par une ou plusieurs femmes se livrant pour leur compte à la prostitution ou louant une installation discrète. Ces femmes sont en général soit des européennes, soit des métisses. Une fumerie sert de salon de réception et de dégustation... d e liquides très chers ; des chambres, garnies à volonté, sont à la disposition des visiteurs »80 . Enfin il y a les maisons de chanteuses annamites. Citons encore le rapport de Joyeux :

« les chanteuses annamites habitaient principalement la rue du Papier (1 er quartier), où il y avait 16 maisons et la route de Hué, où il s’en trouvait 25. Quoiqu’elles jouissaient de la même impunité, de la part du service des moeurs, que les garnis, elles estimèrent trop lourd le joug de la police municipale qui avait à intervenir au point de vue des heures de fermeture et du tapage nocturne. Elles émigrèrent donc en masse en banlieue, en dehors, mais à proximité des limites de la ville pour se soustraire à toute surveillance et peut-être aussi aux taxes municipales. Bach-mai, Thai-ha-âp, Gia-lâm les ont reçues, c’est surtout sur Khâm-thiên que le vol s’abattit. L’endroit était bien choisi : juste derrière la gare, c’est-à-dire, toujours dans l’agglomération hanoïenne, le long de la route très fréquentée de Hadong. Cette trouvaille fit rapidement fortune et comme les champignons, les villas et compartiments surgirent de terre en bordure de cette route, vivement transformée en rue animée . »81

Ainsi, les quartiers de plaisir ont été mis dans les secteurs définis, mais en fait c’était sur des rues relativement commerçantes et animées dans le quartier indigène où se mêlaient les commerces multiples sans ordre, tandis que l’autorité indochinoise a maintenu « l’ordre colonial », comme Isabelle Tracol-Huynh l’explique, c’est-à-dire, des relations et des distinctions entre sexes et races – hommes donc Européens donc dominants / femmes donc Vietnamiens donc dominés 82 . Cela ne montre pas la ségrégation des quartiers indigènes, mais le rôle du quartier dans la société coloniale.

80 Ibid ., p.34. 81 Ibid ., p.34. 82 Isabelle Tracol-Huynh, La prostitution au Tonkin colonial, entre races et genres , Actualité des échanges économico-sexuels, n.2-automne 2009.

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Troisième partie ::: « La division du travail social » dans Hanoi (1930(1930----1945)1945)

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« Il y a ici une ville qui est une grande commune mixte, où quelle que soit la personnalité des gens, les intérêts sont identiques. »1

« La division du travail social » est le thème général traité dans le célèbre ouvrage d’Emile Durkheim 2. Il s’agit de la possibilité de l’application aux sociétés coloniales de sa théorie : les sociétés traditionnelles où se manifeste une « solidarité mécanique » fondée sur la ressemblance, la similitude entre les membres ; les sociétés modernes où la combinaison des phénomènes d'urbanisation, d'industrialisation et d'extension du salariat favorise la multiplication des activités sociales et des métiers en créant une « solidarité organique ». Les sociétés indochinoises qui se sont développées dans les civilisations asiatiques, différentes de celles de l’Europe, mais occidentalisées par la colonisation depuis le XIX e siècle, se sont-elles également basées sur un phénomène social similaire ? Une telle réalité n’est pourtant guère mise en lumière. En osant s’inspirer de la théorie sur le lien social de Durkheim, cette partie commence d’abord par l’étude du milieu socioprofessionnel et des règles du jeu dans la société urbaine coloniale de Hanoi dans les années 1930, puis nous analyserons la solidarité des groupes sociaux par l’étude du mouvement de grève déclenché à Hanoi en 1937 et son influence jusqu’à 1945. Nous pensons que cela permettra d’évaluer le niveau de la société « moderne » de l’État colonial indochinois.

1 Lettre du 5 décembre 1937 de Lê Thang, in La Volonté Indochinoise , le 7 décembre 1937. 2 Émile Durkheim, De la division du travail social , PUF, Paris, 2007 (1893).

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ChapitChapitrererere ⅠⅠⅠ. Le milieu socioprofessionnel

Qui sont les commerçants de Hanoi ? Il n’est pas question uniquement des marchands présents dans la cité traditionnelle des trente-six rues, mais aussi les industriels, les entrepreneurs et les boutiquiers soit Indigènes qui sont apparus à la faveur de la colonisation dans le contexte de la modernisation de l’Indochine, soit Européens qui ont élargi leurs activités sur les marchés du Viêtnam depuis le XVI e siècle déjà et surtout après la conquête de l’Indochine à la fin du XIX e siècle. En 1936, malgré la longue crise économique en cours, la ville de Hanoi offrait une grande variété de commerces dans ses rues et ses quartiers.

1. Ph ườ ng et l’l’administrationadministration du commerce de Hanoi À la veille de la Seconde Guerre mondiale, Th ạch Lam note dans son essai "Hanoi aux trente-six quartiers " ("Hà N ội 36 Ph ố Ph ườ ng ") comme suit : « Il ne reste plus rien du Hanoi d’il y a cinquante ou soixante ans. Aucun vestige du Th ăng Long des rois Lê et des seigneurs Tr ịnh »3. C’est vrai que Hanoi a énormément changé depuis la colonisation comme Th ạch Lam dit encore : « Ses anciennes Ph ố (rues), étroites et tortueuses, avec leurs maisons dépareillées, aux murs descendant en marches d’escalier, aux minuscules fenêtres propices à l’intimité, ont cédé la place aux avenues spacieuses et tirées au cordeau, bordées de rangées de maison identique ». Mais Ph ườ ng a-t-il également disparu ? Sur cela, le bilan des connaissances reste particulièrement modeste. Le terme de Ph ườ ng veut dire "le quartier " et "la corporation " ou une sorte de "guilde " à Hanoi. La structure économique de Th ăng Long-Hanoi est composée de plusieurs Ph ườ ng , apparus au XI e siècle, dans lesquels les rues n’existaient pas à l’origine. Les Ph ườ ng et leurs réseaux commerciaux se sont développés officiellement entre les XVII e et XVIII e siècles par l’augmentation de la population et la construction des rues. Ainsi on appelait cette ville commerciale avec un nom populaire Kẻ Ch ợ ( : les habitants du marché) au XVI e siècle au plus tard. En général, cette assemblée de personnes pratiquant une activité commerciale était originaire des mêmes villages des provinces des environs de Hanoi. Leur famille s’est établit dans le Ph ườ ng au cours des générations4.

3 Th ạch Lam , op.cit ., 2009, p.31. 4 Cf. P.Papin, op.cit ., 2001, pp.180-181.

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Tableau 25 – Ph ườ ng de Hanoi entre les XVII e et XIX e siècles.

Objet Places de Rues de vente Villages (et Provinces) d'origine artisanal Manufacture (endroit actuel)

Nghi Tàm, Trích Sài, Yên Thái, Bái Quartier de Grand Soie Tissage Ân ( Hà N ội) Lac Rue de la Soie et Teinture Đân Loan, Bình Giang (Hải D ươ ng ) Đồng L ạc, Thái C ực (Ph ố Hàng Đào) Qu ất Độ ng, Hướ ng D ươ ng, Th ườ ng Cotton Broderie Hàng Tr ống Tín (Hà Đông ) Moulage de Đề Cầu, Đồ ng Mai, Kin Bắc Ng ũ Xã, Hàng Đ ồng Lac (H ồ) Trúc B ạch bronze (Bắc Ninh ) Moulage Trâu Khê (H ải D ươ ng ) Rue des Changeurs Métal Orfèvre Đình Công Th ượ ng, Đồ ng Sâm Đông Các (Phô ́ Hàng Bạc) d'argent (Thái Bình ) Rue des Forgerons Orfèvre d'or Hoè Th ị, Từ Liêm Đa Hội (Hà N ội ) Tân Khai, Trang Lâu (Ph ố Lò Rèn)

Poterie Bát Tràng, Th ổ Hà, Phù Lãng Bát Tràng ; Hà N ội Rue (Vieille) des Tasses Faïence (Bắc Ninh) (Ph ố Bát Đàn et Bát S ử ) Porcelaine Bát Đàn, Bát S ử Fabrication Hộ Kh ẩu, Ngh ĩa Đô, Bái Ân Quartier Grand Lac Papier Bưởi et Ngh ĩa Đô quartiers du papier (Hà N ội) et Tô Lịch Trúc Lâm, Phong làm, V ăn Lâm Tannerie Hải T ượ ng, T ả Khánh (Hải D ươ ng) Rue Lataste et Ng. Duy Cuir Han ( Ph ố Hàng Gi ấy) Tam-tam Liêu Th ượ ng, Yên Mỹ ( Hải D ươ ng) Ha ̀i T ượ ng, Cô ̉ Vu ̃

Rue Felloneau ( Ph ố Lò S ũ) Trang Lâu, Nhi ều Menuiserie Li ễu Viên, Ph ườ ng Đúc ( Hà Tây ) et Rue Maréchal Pétain Th ươ ng (Nguy ễn H ữu Huân) Tournage de Ruelle des Oignons Nh ị Khê ( Hà Tây ) Tả Khánh bois (Ph ố Hàng Hành ) Bois Bình V ọng, Hà V ỹ, Th ươ ng Tín R. des Caisses (Phô ́ Hàng Laque Hàng Hòm (Hà Đông ) Hòm), Rue Nam Ng ư Chuyên Nghi ệp, Phú Xuyên Incrustation Hàng Khay R.Paul Bert (P. Hàng Khay ) (Hà Đông ) Gravure Li ễu Chàng (Hải D ươ ng ) Cổ V ũ R.du Chanvre (P.Hàng Gai) Imprimerie Store Giói Tế (Bắc Ninh ) Hàng Mành R.des Tasses (Ph ố Bát Sứ) Éventails Đào Xà (Hài D ươ ng ) Thu ận Mỹ, Hàng Qu ạt R.des Evantails (P.Hàng Qu ạt) Autre Paniers Ng ọc Truc, Hoài Đứ c (Hà N ội ) Hàng Bồ R.des Paniers (P.Hàng Bồ) Chapeau Ph ươ ng Trung ( Hà Đông ) Hàng Nón R.des Chapeaux (P.Hàng Nón) Source : Nguy ễn Th ừa H ỷ, Th ăng Long-Hà N ội, th ế k ỷ ⅠⅦ -ⅠⅧ -ⅩⅨ , Hội S ử H ọc Vi ệt Nam, Hà N ội, 1993 ,

Annexe et la traduction en anglais, Economic History of Hanoi , Hanoi, 2002, pp124-125.

Selon Nguyên Thua Huy 5, il y existait à Hanoi entre les XVII e et XVIII e siècles sept classes sociales : fonctionnaires, mandarins du palais impérial 6 et de l’administration locale, situés à la plus haute place, qui étaient peu nombreux mais ils avaient des

5 Nguyên Thua Hy, op.cit ., 2002, pp.108-153. 6 Il y a eu 496 mandarins dans les six Ministères du palais impérial de Lê en 1787. Ibid ., p.113.

123 relations étroites avec la vie quotidienne du peuple à Hanoi ; lettrés confucéens et étudiants à l’université nationale et à l’examen impérial ; les marchands et artisans ; bonzes et taoïstes d’environ 300 pagodes et temples ; acteurs (trices) et comiques ; canailles et voyous occupant la classe la plus base ; commerçants chinois. Parmi eux, ce sont les marchands et artisans qui ont formé les quartiers nommés Ph ườ ng comme le Tableau 2525, très particuliers et jouant le rôle de pilier de la structure socio-économique de Th ăng Long-Hanoi. Selon P.Papin, Les membres de Ph ườ ng ont pu davantage écouler leurs marchandises non seulement parce que le monopole d’État reculait, mais aussi parce qu’ils étaient directement en liaison avec les commerçants de la capitale. Et les rues-quartiers des Ph ườ ng portaient le nom de la marchandises qu’on y vendait 7. En général, il semble que l’essor commercial de la ville de Hanoi fut moins grand que celui de Saigon. En général on présente Saigon comme la ville commerciale et, par contre, Hanoi comme la ville politique. Cette expression s’applique également à la situation durant l’époque coloniale. Depuis la formation de l’Union indochinoise de 1887, et ensuite la décision de faire de la ville de Hanoi la capitale, l’administration s’est concentrée en effet à Hanoi autour du Gouvernement général de l’Indochine. Ce fait, outre le rôle de centre de l’enseignement, a donné à Hanoi l’image d’une ville vraiment politique, alors que Saigon assumait son rôle comme centre des activités commerciales en invitant les grandes entreprises françaises à s’y installer en fondant des "succursales " à Hanoi et dans les autres villes d’Indochine ou d’Asie. En fait, Saigon avait l’avantage commercial d’être une ville portuaire maritime dans laquelle les navires marchands pouvaient faire directement escale, à la bonne distance entre les Indes néerlandaises, et Singapore, Hongkong, la Chine, le Japon. En outre, cette ville avait des réseaux commerciaux Chinois via la ville de Cholon située juste à côté de Saigon. Bien sûr, il ne faut pas oublier le marché des produits cultivés dans le sol fertile du delta du Mékong. Bien qu’elle soit plus modeste, Hanoi avait cependant une longue histoire de ville commerciale depuis l’époque Th ăng Long sous la dynastie des Lê au début du XV e siècle. Plutôt animée, selon Philippe Papin, « les voyageurs étrangers venus à Th ăng Long aux XVII e et XVIII e siècles se dirent tous impressionnés par la ville commerçante et l’incessant mouvement de la foule autour des marchés »8. Une fois entré dans « la cité des trente-six rues » au centre de la ville de Hanoi on devrait avoir également cette impression aujourd’hui même. Pendant la colonisation, Hanoi a été situé à la plus importante place non seulement pour ce qui est de l’administration mais aussi du

7 P.Papin, op.cit ., 2001, p.174. 8 Ibid ., 2001, p.171.

124 commerce. Tout d’abord, Hanoi était la capitale de l’Indochine, un point stratégique au Tonkin reliant à l’ouest par la route N ˚6 Vientiane au Laos, à l’Est le grand port de Haiphong et la grande houillère Hồng Gai . Elle a aussi une fonction liée à la défense, avec ses relations avec le territoire militaire au Nord, sur la frontière de la Chine. Il ne faut pas oublier le delta du fleuve Rouge qui est une des grandes rizières d’Indochine, ou encore la culture du coton dans les huyêns et villages des provinces de Hà Đông et Hải Dươ ng aux environs de Hanoi 9. Quant au secteur primaire, comme le concours général agricole a été organisé pour la première fois en 1905 et les années suivantes à 1909 sur la route mandarine à Hanoi à l’initiative de la chambre d’agriculture du Tonkin, l’autorité indochinoise prenait un intérêt à activer l’élevage et l’agriculture, les produits agricoles divers aussi que les produits industriels10 . En Indochine, il existait des Chambres de commerce, des chambres d’agriculture et des chambres consultatives mixtes de commerce et d’agriculture. Les Chambres d’agriculture n’existent qu’à Hanoi et à Saigon. Elles ont été créées pour défendre les intérêts des agricultures et constituent des organismes de documentation. Elles ont des délégués, comme les chambres de commerce, au grand conseil des intérêts économiques et financiers 11 . Il est naturel que la colonisation s’accompagnait de l’expansion économique de la ville de Hanoi. Cela est visible par l’augmentation de la recette de l’impôt des patentes : plus d’un doublement entre 1897 (55.662 piastres) et 1904 (126.106 piastres) 12 . Les impôts ont été diversifiés d’autant plus. Par exemple, les droits de place sur les marchés et les voies publiques, dans le périmètre de la ville de Hanoi, ont été tarifés par l’arrêté municipal du 23 novembre 1915 qui a pris comme bases de la taxation la superficie occupée et la nature des marchandises mises en vente (groupées en six catégories). Il s’en suit qu’il n’est fait aucune différence entre les droits imposés à ceux qui vendent à l’intérieur des marchés et ceux qui vendent à l’extérieur, c’est-à-dire sur la voie publique. De plus, certaines exonérations qui ont concerné les produits mis en vente par les marchands ambulants patentés ou arrivant à Hanoi à destination d’un commerçant patenté ne sont pas spécifiées. À ces défectuosités de la règlementation, qui conduisaient souvent à des perceptions arbitraires, il a fallu ajouter – ce qui a été démontré par l’expérience – la faiblesse des tarifs à l’égard de certains objets 13 . Les droits de place perçus sur la voie publique par les marchands ambulants étaient

9 CAOM, RST-NF, 2896. 10 CAOM, GGI-AF, 516. 11 E.Teston et M.Percheron, op.cit ., 1931, p.723. 12 L’impôt des patentes a été régi par les arrêtés des 15 avril 1890, 5 janvier et 7 février 1902 et 2 février 1904. GGI, Ville de Hanoi (Tonkin)…. , op.cit ., 1905, p.84 13 CAOM, GGI-AF, 16950.

125 inférieurs, pour certains produits, à ceux qui se perçoivent aux Halles centrales (Grand Marché : Ch ợ Đõng Xuân ). La commission municipale a donc délibéré sur la question de légers remaniements de tarifs en 1917. Par suite, le montant du droit à payer par les marchands de mắm tôm (crevette saumurée) a été fixé à 0,08 piastres, alors que les vendeurs de nướ c m ắm (saumure de poisson) en ont acquitté 0,10 piastres. Les marchands de riz qui vendent aux halles centrales ont payé la somme de 0,16 piastres par charge de 60 kilos, qui se décompose comme suit : 0,04 piastres de droit d’occupation de place par mètre carré et 0,08 piastres de droit de place et de marché. De même, sur les voies publiques et notamment sur les quais, les marchands de même denrée ont à acquitter un droit de place et de marché de 0,06 piastres par charge et lorsqu’ils vendent un sac de 100 kilos 0,08 piastres 14 . En plus de cela, les impôts ont portés, avant 1920, sur les droits de stationnement et de visite des véhicules de louage dits "pousse-pousses "15 , ou de visite sur le marché des porcs de la route de Hué dans la ville de Hanoi 16 . Il y a eu à la Municipalité un poste de Surveillant principal des halles et marchés, chargé d’assurer, avec les collecteurs indigènes, la perception des droits de place dans les halles et marchés et les droits de stationnement des marchands ambulants en ville 17 . Pour eux et pour maintenir le bon ordre des marchands, la Municipalité donnait de l’importance à la réglementation des marchands sur la voie publique dans la ville. La ville de Saigon établit un arrêté municipal le 24 janvier 1915. Cet arrêté que la ville de Hanoi a dû suivre, est composé de 7 articles : (1) Toute personne désirant exercer la profession de marchand dit à poste fixe est tenue d’en faire la demande à la Mairie, et, au cas où elle serait admise à occuper l’emplacement demandé, d’y faire édifier, à ses frais et dans les délais qui lui seront fixés, une échoppe, en se conformant strictement aux détails et dimensions du modèle établi par la Ville et déposé dans les bureaux ce la Voirie. La construction de l’échoppe aura lieu sous la surveillance des Services municipaux et ne pourra être commencée qu’après paiement de la taxe trimestrielle ; (2) Les échoppes sont exclusivement destinées à l’usage des marchands dits à poste fixe. Elles ne pourront être habitées que par les propriétaires, qui tiendront en parfait état de propreté aussi bien les alentours de l’échoppe que l’échoppe elle-même. Le matériel nécessaire aux marchands à poste fixe sera placé à l’intérieur de l’échoppe, à l’exception, toutefois, des siège, chaises ou bancs qui peuvent être disposés autour de l’étal et doivent être également tenus en bon état de propreté et de solidité ; (3) Le

14 CAOM, GGI-AF, 16949. 15 CAOM, GGI-AF, 16952. 16 CAOM, GGI-AF, 16951. 17 CAOM, GGI-AF, 6337.

126 permis délivré aux marchands à poste fixe après paiement de la taxe règlementaire sera accompagné d’un avis imprimé en français, quôc ngu et caractères reproduisant les prescriptions ; (4) La Municipalité se réserve le droit de retirer les permis, pour quelque motif que ce soit, sans que les intéressés puissent prétendre à aucune indemnité. En cas de révocation de permis ou de cessation de commerce, l’échoppe devra être enlevée dans un délai de 48 heures ; faute de quoi, elle le sera par les soins de la ville et déposée à la fourrière municipale où elle sera tenue à la disposition de son propriétaire jusqu’à expiration des délais règlementaires, contre paiement des frais d’enlèvement, de transport et de fourrière ; (5) Les marchands à poste fixe établis dans les limites de la ville (de Saigon) devront se conformer aux prescriptions du présent arrêté dans le délai d’un mois à compter de sa promulgation ; (6) Sont et demeurent rapportées toutes les dispositions ces arrêtés antérieurs contraires au présent arrêté ; (7) Le Secrétaire général de la Maire et le Commissaire central sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté 18 .

2. Les commerçants de Hanoi dans les années 1930 a. Les sociétés commerciales Les sociétés commerciales dans les colonies françaises ne sont pas très bien connues. La plupart d’entre elles, appartenant à un groupe français, siégeait à la métropole, généralement à Paris, établissaient des activités sur les marchés extérieurs via Inde, Singapour, Chine et Japon, etc.... Elles donnent l’impression d’être un poste de relais pour fonder une succursale aux colonies. Le ministre des colonies a réellement exprimé son mécontentement au gouverneur de l’Indochine en 1911 : « Mon attention a été récemment appelée sur l’insuffisance des informations dont dispose le Département en ce qui concerne les entreprises diverses existant dans les colonies, leur importance et leur répartition géographique »19 . Mais par ailleurs, il est vrai que c’était les grandes sociétés qui ont soumissionné les travaux publics de l’Indochine et l’ont mené vers le développement. À Hanoi, bien sûr, elles sont activement intervenues dans l’infrastructure de la ville dès la conquête du Tonkin. On peut considérer comme l’une des plus grandes sociétés, La Société foncière de l’Indochine, siège social à Paris, devenue Compagnie des tramways du Tonkin en 1929, puis Société des transports en commun de la région de Hanoi en 1952. Elle est créée en 1901 pour valoriser les terrains déclassés de la citadelle de Hanoi qui sont destinés à la

18 CAOM, GGI-AF, 3201. 19 CAOM, GGI-AF, 483.

127 vente pour l’agrandissement du Lycée Paul Bert (A.Sarraut) en 1921. Concernant la démolition de la citadelle, elle soumissionna la Société générale d’études industrielles et commerciales pour la Chine et l’Indochine dont le siège social est à Paris 20 . Elle fusionne en 1904 avec la Compagnie des tramways électriques d’Hanoi, fondée en 1899, dont l’usine électrique et les voies se trouvaient en bordure des terrains de la Société foncière. Le capital, d’une valeur initiale de 1,1 millions, est porté à 1,5 millions en 1903, puis à 2,5 millions après l’apport de la Compagnie des tramways de Hanoi 21 . La société n’a jamais voulu étendre ses activités à des secteurs connexes, comme la production et la distribution d’énergie, ou à d’autres villes indochinoises. Les recettes ont par ailleurs toujours été très sensibles aux aléas climatiques, une mauvaise récolte de riz pouvant entraîner un exode massif des villes vers les campagnes, et les inondations dans le delta du fleuve Rouge une suspension prolongée du trafic 22 . Pour l’éclairage à l’électricité, un contrat est passé en 1893 entre les villes de Hanoi-Haiphong et la Société électrique (Hermenier & Planté) payé avec un budget municipal fixé à 10.000 piastres pendant quatre ans23 . Pour l’éclairage à l’acétylène, le contrat est passé en 1905 entre la ville de Hanoi et M.de la Pommeraye & C ie 24 . Un contrat d’exploitation du service des eaux, passé entre le Protectorat, la ville de Hanoi et La Société Bédat & Dousdebès en 1895 qui étudient avec les ingénieurs de la direction des Travaux publics les procédés d’épuration des eaux, tout comme une continuité du contrôle bactériologique 25 . Nous pouvons noter que deux pharmacies françaises ont remporté un succès à Hanoi. La Pharmacie française et étrangère de l’Indochine, 31 rue Paul Bert, la plus ancienne pharmacie du Tonkin, a été fondée en 1886 par Julien Blanc, pharmacien de 1 er classe, qui l’a dirigée jusqu’à sa mort en 1912. Après quelques années déjà passées en collaboration avec son frère 26 . Avec 25 employés annamites, ses activités concernaient l’élaboration de produits chimiques pour la fabrication d’eaux gazeuses, soda, essences diverses pour sirops, produits pour tanneurs et teinturiers et produits pour la

20 CAOM, GGI-AF, 7752. 21 CAOM, GGI-AF, 45197, 45199, 59730. 22 Le capital a été porté à 45.9 millions en 1951, 114.7 en 1953. Cette compagnie cessa ses activités le 1er juin 1955. La République démocratique du Viêt-Nam s’engagea à lui verser 300 millions de francs d'indemnités en 25 ans à raison de 6 millions par semestre. Le Nord Viêt Nam s’acquitta de ses obligations jusqu’à la mi-1959. La société a été dissoute en 1962. Centre des Archives du Monde du Travail (CAMT) à Roubaix, 1996027 et 2003035. 23 CAOM, GGI-AF, 6376. 24 CAOM, GGI-AF, 6358. 25 CAOM, GGI-AF, 6371. 26 Léopold Blanc, Pharmacien de 1 er classe lui a succédé dans la direction de la maison qu’il assuma depuis cette date en collaboration, depuis 1927, avec Louis Guillou, également pharmacien de 1 er classe. E.Teston et M.Percheron, op.cit ., 1931, p.797.

128 désinfection. Il existait à Hanoi une autre entreprise, la Pharmacie centrale de l’Indochine, 59 rue Paul-Bert, fondée par Ed.Chassagne, E.Lafon et R.Lacaze, pharmaciens de la Faculté de Paris. Cette pharmacie, une des plus anciennes d’Indochine, n’a cessé de se développer et était la plus importante du Tonkin. Avec ses 2 pharmaciens, ses 5 collaborateurs européens et ses 40 employés indigènes répartis dans des services remarquablement organisés. Elle n’a pas cessé d’augmenter son rayon d’action et plus de 300.000 clients annuels en assurent la prospérité. Cherchant à faire oeuvre utile, la Pharmacie centrale de l’Indochine a crée une revue d’hygiène en langue annamite qui grâce à la collaboration des docteurs en médecine, a obtenu auprès des Indigènes un très grand succès 27 . Ajoutons que beaucoup de sociétés européennes siégeant à Saigon avaient des succursales à Hanoi et Haiphong. C’était plutôt en Cochinchine et à Haiphong que les commerçants avaient l’occasion de faire des affaires. On considère Hanoi comme le lieu pour implanter une agence commerciale ou un lieu pour passer un contrat avec l’autorité indochinoise afin d’obtenir des monopoles ou des forfaits comme dans le cas de l’industrie cotonnière et minière au Tonkin 28 .

Cliché 11 – Pharmacie française et étrangère de l’Indochine ( 31 rue Paul Bert, Hanoi )

Source : E.Teston et M.Percheron, op.cit ., 1931, p.797.

27 Ibid ., p.794. 28 Par exemple, Société cotonière du Tonkin, Société française des Charbonnages du Tonkin, fondée en 1888 (Hongay) et Société des Charbonnages de Dong-Trieu fondée en 1916, etc....

129

Cliché 12 – Société anonyme des établissements Indophono ( 58 rue Paul Bert, Hanoi )

Source : E.Teston et M.Percheron, op.cit ., 1931, p.796

Intéressons nous aux sociétés commerciales indigènes à Hanoi 29 . D’abord, les Soieries Dao Thao Con, sise à la rue Jules Ferry, la maison a été fondée en février 1929, au capital de 30.000 piastres. Le succès immédiat que connut cette Maison, nécessita bientôt une installation plus spacieuse et plus propre à recevoir sa nombreuse clientèle annamite et européenne. Ses activités consistait à vendre les soieries de toutes sortes : crêpes, mousselines, satins, brochés, velours, kimonos et pyjamas de soie brodée ou imprimée, de fabrication japonaise. La plus grande partie des soies importées par la Maison était d’origine chinoise. La Maison reçoit aussi des soies d’Annam, de Bombay et de Java. Les ateliers de cette industrie, situés à Hanoi occupaient une centaine d’ouvriers. De même, la Société Quang Hung Long, 79, rue des Paniers, fondée en 1907 par Son Xuan Hoang , Hoang Kim Bang et Tran Gia Thuy , est un société fondée en commandite par actions avec un capital de 100.000 piastres. Ses activités déployait : produits métallurgiques, fournitures générales pour bâtiments, travaux publics, mines, industries et agricultures ; importation, exportation; commission, représentation. Enfin, Vu-Van- An et C ie , 18 boulevard Đồng Khánh , la plus importante maison de la place, était la Maison spécialisée dans le commerce des soieries de luxe. Y était vendu des soies d’Annam et du Tonkin, dont la vente visait surtout l’élégante clientèle annamite. La

29 Voir E.Teston et M.Percheron, op.cit ., 1931, pp.782-783 et pp.794-795.

130 société vendait aussi des tissus d’origine européenne et toutes les dernières nouveautés des soieries de Lyon. La clientèle européenne trouvait également un grand choix en tout ce qui concernait la mode. Des vendeurs et vendeuses annamites parlaient couramment le français, sous la direction de dames européennes, chefs de rayon. Ces sociétés indigènes n’étaient pas aussi grandes que celles des européens et ont pu difficilement s’engager dans des entreprises industrielles, minières, maritimes, de sylviculture et d’agriculture qui étaient contrôlées par l’autorité coloniale. Mais les directeurs des sociétés ont pu s’assurer une position sociale de classe moyenne en tant que bourgeoisie urbaine. Et donc ils ont pu avoir une fonction importance dans la société coloniale. De fait, le propriétaire de Dao Thao Con était Président du Conseil d’Administration de l’Office Industriel et Commercial des Indochinois, et Son Xuan Hoang , directeur de la Société Quang Hung Long, était membre de la Chambre de commerce de Hanoi. Ils avaient également le droit de s’inscrire à la liste des électeurs consulaires indigènes ce qui représente une position privilégiée. Le nombre d’électeurs de la ville de Hanoi est allé croissant de 141 en 1929 à 1.079 en 1931 et puis est tombé à 490 en 1934 après la crise économique 30 . Par ailleurs, le nombre de commerçants patentés était environ de 5.000 à Hanoi en 1936, alors qu’il y avait 389 électeurs indigènes à Hanoi en 1935. C’est-à-dire, 7,7% des commerçants de Hanoi appartiennent à la classe moyenne, relativement riche et puissante, et en outre, ceux-ci ne représentent que 0,2% de la population (environ 150.000 habitants) de Hanoi. Cependant, il n’est pas facile de classifier et définir leurs positions sociales par seulement leur fortune et par leur réputation, car il semble que les commerçants de Hanoi, soit directeur d’une grande société, soit patron d’un café, cohabitaient sans forte

30 444 en 1938 et 589 en 1940. CAOM, RST-NF, 2833, 2836, 2839 et 2841.

131 concurrence sous le régime colonial. Plus précisément, il s’agit d’un système commun de l’économie de marché propre à Hanoi où a été réservée et modernisée une sorte de la corporation traditionnelle. Il concerne une imposante majorité de petits commerçants à Hanoi, catégorie que nous allons analyser dans la partie suivante..

Cliché 14 – Société Vu Van An et C ie (18 bd. Đồng Khánh , Hanoi )

Souce : E.Teston et M.Percheron, op.cit ., 1931, p.783. b. Les petits commerçants européens et étrangers Les commerçants européens se sont concentrés dans le quartier français. Il y avait une enfilade de magasins européens sur la rue Paul Bert (environ 300 mètres de long), la rue principale de Hanoi. La municipalité de Hanoi présente certains magasins européens en 1918 dans un petit livre intitulé "Guide de la Ville " pour les visiteurs à la foire de Hanoi 31 . Une fois ce livre parcouru, tous les Français ont pu faire des courses sur une ou deux rues seulement. Voyons un peu les magasins de la rue Paul Bert ; CH.Boillot d’automobiles & cycles au n ˚1, Hanoi Hôtel au n˚23, le boulanger Maillard au n˚25, l’Imprimerie d’Extrême-Orient au n ˚28, le café de la Paix au n ˚33, l’ameublement CH.Lagisquet au n˚46, le boucher Loissy au n ˚55, Indophono au n˚58, la pharmacie centrale de l’Indochine n ˚59 et le coiffeur Gerbaud au n ˚77, etc.... S’ils préféraient un quartier plus tranquille, une autre concentration des magasins a été placées à l’ouest du Lac Hoàn Kiém , sur la rue Jules Ferry qui se longe la cathédrale.

31 GGI (?), Foire de Hanoi. Guide de la Ville , Imprimerie d’Extrême-Orient, Hanoi, 1918.

132

Dans la liste des commerçants de 1936, environ soixante-dix Européens tenaient leur magasin hors du quartier français (les 4 ème , 5 ème et 6 ème quartiers) sur les rues suivantes : Charbon, Grand Bouddha, Jambert, Sông Tô L ịch , Henri d’Orléans, Citadelle, Coton, Cuirs, Soie, Yên Thái , Reinach, Riquier, Harmand, Jacquin, quai Clémenceau, route Mandarine, mais par ailleurs de grandes sociétés européennes avaient leurs usines et ateliers dans les villages de la périphérie de Hanoi. Les sociétés françaises, ayant leur siège social en France, survivaient longtemps grâce au protectionnisme malgré les dommages graves subis à cause de la grande crise économique. Elles se fixaient toujours au même endroit, plutôt en développant leur commerce dans des secteurs spécifiques, comme par exemple une des sociétés ayant réussi, le Bazar Larrivé Frères, sis au n ˚84 rue Jules Ferry, qui n’a pas cessé d’étendre le rayon d’action de ces bazars (au début de l’année 1918 à l’électricité et le transport en 1930). Par contre, certains magasins à patron unique ont eu tendance à changer de commerce ou à fermer leur magasin en quelques années. F.Maron, sis à 4 rue Charbon, géomètres en 1918, changea son commerce en distillerie en 1930. Le Boulanger Maillard au 25 rue Paul Bert a été remplacé par un théâtre annamite pendant une vingtaine d’années 32 . Quant aux commerçants étrangers, il convient de voir des réseaux commerciaux des Chinois. Dans une liste des commerçants de 1936, le nombre d’étrangers compte 134 Chinois, 3 Japonais et 17 Indiens. La répartition des Chinois se concentre dans les 2 ème et 3 ème quartiers, surtout sur les rues du Sucre (8), des Cantonnais (14), de la Soie (12) et des Voiles (25). Ces rues formaient pour ainsi dire un quartier chinois à Hanoi. Mais ce nombre modeste montre ce qu’il n’a pas existé en ce temps-là une réelle ville chinoise comme Cholon en Cochinchine. Bien que le territoire touche au sud de la Chine, le nombre de Chinois au Tonkin n’était que 35.000 en 1936, alors qu’il y a eu jusqu’à 171.000 en Cochinchine et 106.000 au Cambodge 33 . Les raisons du nombre modeste des Chinois à Hanoi se trouvent dans le monopole du commerce de détail par les Viêtnamiens et la densité de la population au Tonkin. La presque totalité des commerçants chinois avaient tendance à vendre les spécialités chinoises : thé de chine, sauce chinoise et médicament chinois. On peut voir encore une caractéristique particulière : 8 Chinois étaient horlogers. En fait, ceux-ci représentaient 30% de la totalité des horlogers à Hanoi. Il en est de même pour d’autres étrrngers comme les Indiens qui vendaient du tissu et les Japonais qui vendaient des kimono 34 .

32 Ibid. ; CAOM, RST-NF, 2893 ; E.Teston et M.Percheron, op.cit ., 1931. 33 Wang Wen Yuan,Les relations entre l’Indochine française et la Chine , Paris, 1937, p.25 ; Bulletin économique de l’Indochine , septembre-octobre 1936, p.783. 34 CAOM, RST-NF, 2893.

133

En 1919, des chefs de congrégation de Canton et de Phúc Ki ến ont demandé au résident supérieur au Tonkin l’autorisation de créer une chambre de commerce chinoise à Hanoi 35 . Les chefs de congrégations sont normalement appelés à transmettre à l’administration locale les désidérata de leurs compatriotes et les commerçants chinois ont, par leur intermédiaire, des moyens de recours auprès des autorités dont ils peuvent avoir besoin. D’autre part, l’importance du commerce asiatique au Tonkin ne paraîssait pas assez considérable, pour motiver, comme en Cochinchine, la création d’une assemblée consulaire chinoise. Le résident supérieur au Tonkin estima donc que cette requête ne saurait être accueillie favorablement. Mais les chinois immigrés au Tonkin trouvaient dans l’institution légale des "Congrégations ", dont ils font obligatoirement partie, une organisation qui assure à la fois la représentation de leurs intérêts collectifs vis-à-vis des pouvoirs publics et l’assistance individuelle à tous ses ressortissants. En 1933, les délégués des Chinois de tous les centres du Tonkin se sont réunis à Hanoi au siège de la Congrégation cantonaise, rue des Voiles. Cette assemblée avait pour but d’étudier la création d’une "Ligue des émigrée chinois du Tonkin " (越南華東京華僑聯合會 ) destinée à remplacer la "Société de Bienfaisance des émigrés chinois du Tonkin " (越南華 東 京 華 僑 慈 善 會 ), groupement provisoire, fondé uniquement pour recueillir des souscriptions patriotiques pendant la durée des hostilités sino-japonaises. Les délégués décident rapidement de changer le nom de "la Ligue des émigrés chinois du Tonkin " en la "Chambre de commerce chinoise du Tonkin " (越南東京華僑總商會 ). La nouvelle association projetée ne saurait être qu’un groupement en marge des Congrégations constitué pour des buts probablement politiques dont en leur qualité les chefs de congrégation les excluent. En 1936, la congrégation des Cantonnais de Hanoi a distribué à toute les Congrégations chinoises d’Annam-Tonkin et d’après laquelle la constitution définitive d’une chambre générale de commerce chinoise en Annam-Tonkin devait être imminente. Mais peut-être elle n’a pas été réellement organisée .

3. Les PCS des petits commerçantscommerçants----artisantsartisants vietnamiens en 1936 Qui sont les petits commerçants ? Ils sont marchands, fabricants et artisans dont la plupart avaient leur maison ou leur atelier dans un secteur à forte densité dit « quartier indigène ». Ils ont été vecteurs de relations humaines et de vie. Ils ont animé le cœur des villes. Ils ont formé un milieu social fondamental car ils faisaient fonctionner depuis longtemps l’économie de marché de Hanoi.

35 CAOM, RST-NF, 2830.

134 a. Le moyen d’analyse Au début du XX e siècle, «les listes des commerçants (et des sociétés commerciales) de Hanoi dispensées de l’inscription obligatoire au registre de commerce pour l’année 1936 »36 , rédigées par la municipalité de Hanoi et dans lesquelles sont mentionnés le nom, l’adresse, le sexe et la nature du commerce pour 5.246 personnes au total, sont utilisables pour voir le monde des petits commerçants de Hanoi. L’analyse statistique des "Professions et Catégories Socioprofessionnelles " (PCS) a pour but de saisir la structure sociale des classes moyennes dans le quartier-Ph ườ ng et/ou trouver les vestiges du vieux Hanoi. On peut voir également, par les données du recensement de la population, la répartition des familles par profession à Hanoi en 1922 sur Annexe 777.7 Pour analyser les petits commerçants et faire des statistiques, il convient d’établir les PCS selon la nature des commerces de Hanoi en 1936. Expliquons la méthode analytique avec le Tableau 262626 (voir aussi Annexe 888 et 1515). On établit 4 grandes PCS de AAA à DDD dans lesquelles sont répartis les commerçants par sexe (H=homme, F=femme) et par nature de marchandise :

A.A.A.–A. ––– Marchands se compose de 13 articles par genre de marchandises : ①Alimentaire, ②Matières premières, ③Textile et Vêtements, ④Meubles, ⑤Quincaillerie et Poterie, ⑥Articles divers, ⑦Bijoutier, ⑧Appareils et Instruments, ⑨Objets du culte, ⑩ Papeterie et Librairie, ⑪Médicaments, ⑫Marchands à poste fixe, ⑬Divers.

B.B.B.–B. –––FabricantsFabricants se compose de 12 articles : ①Alimentations y compris la boulangerie et la pâtisserie, ② Matières premières, ③ Textiles et Vêtements, ④ Meubles, ⑤ Quincaillerie et Poterie, ⑥Articles divers, ⑦Bijoutier, ⑧Appareils et Instruments, ⑨Objets de culte, ⑩Imprimerie et Papeterie, ⑪Médicaments, ⑫Réparateurs.

C.C.C.–C. –––ServicesServices se compose de 5 articles : ①Services divers, ②Hôtel-Restaurant, ③ Entrepreneurs, ④Transport, ⑤Loueur..

D.D.D.–D. –––ProfessionsProfessions libérales : sans regrouper, comme médecin, photographe et écrivain qui peuvent difficilement être compris dans les autres catégories que la catégorie D 37 .

La plupart de commerçants n’ont généralement pas d’activités secondaires. Cependant, un certain nombre de marchands et fabricants cumulait plusieurs métiers

36 CAOM, RST-NF, 2893. 37 Electricien, mécanicien, dentiste, pharmacien, maternité, graveur, dessinateur, etc….

135 et/ou vendait différentes marchandises en même temps. Il faut donc établir pour le tel type de commerçant une autre catégorie de F.F.F.–F. –––CumulCumulCumulateurateur (TableauTableau 272727).27 Dans ce cas, il s’agit de la combinaison des natures du commerce. Par exemple, un marchand qui vend à la fois les marchandises du thé (catégorie A) et du bois (catégorie A), il est mis dans un cadre de « A+A ». De la même façon, un marchand de la soie (catégorie A) qui exerce de front la coiffure (catégorie C), il représente la combinaison de « A+C ».

Tableau 26 – Nombre total de commerçants par PCS à la ville de Hanoi en 1936 [H : homme / F : femme / C : cumulateur ] A-.Marchands H F CB-.Fabricants H F C ①Alimentations 247 405 269 ①Alimentations 34 6 20 ②Matières premières 99 157 77 ②Matières premières 201 2 42 ③Textiles/Vêtements 171 135 162 ③Textiles/Vêtements 647 29 138 ④Meubles 32 19 16 ④Meubles 40 4 6 ⑤Quincaillerie/Poterie 68 68 59 ⑤Quincaillerie/Poterie 9 1 6 ⑥Articles divers 35 34 61 ⑥Articles divers 53 6 31 ⑦Bijoutier 21 74 48 ⑦Bijoutiers 22 2 8 ⑧Appareils/Instruments 46 11 28 ⑧Appareils/Instruments 14 0 1 ⑨Objets du culte 26 48 36 ⑨Objets du culte 2 2 3 ⑩Papeterie/Librairie 26 25 60 ⑩Imprimerie/Papeterie 17 2 2 ⑪Médicaments 95 47 35 ⑪Médicaments 3 1 4 ⑫Marchand à Poste fixe 70 279 75 ⑫Réparateurs 94 0 41 ⑬Divers 55 354 31 Total 1136 55 302 Total 991 1656 957

C-.Services H F C DDD.Professions libérales 155 0 40 ①Services divers 191 0 27 ②Hôtel-Restaurant 69 51 50 Nombre de Cumuleurs 404 267 ③Entrepreneurs 65 0 6 ④Tourisme/Transport 32 0 0 H F C ⑤Loueur 133 41 43 2772 1803 671 Total Total 490 92 126 5246 Source : CAOM, RST-NF, 2893.

Tableau 27 – Nombre de cumulateurs par combinaison de la nature du commerce A+A 334 B+B 59 C+C 8 D+D 2 A+B 125 B+C 36 C+D 2 Total 2 A+C 67 B+D 17 Total 10 A+D 21 Total 112 Total 547 Total 671671671 Source : CAOM, RST-NF, 2893.

136

Dans chaque grande catégorie, le chiffre représenté par le cadre de C (à droite de F) est une sorte du nombre imaginaire des cumulateurs. Ce n’est que le chiffre additionné de commerces de natures différentes et il est tout différent du nombre réel de commerçants. Celui-ci se représente dans la grande catégorie F.–Cumulateur (671 au total, non cadre C) après l’opération de combinaison des natures du commerce par personne. Par ailleurs, l’indice du cadre de C dans chaque grande catégorie serait utile à la compréhension de l’état de la circulation des marchandises. Par exemple, la concentration numérique qui fait remarquer surtout les marchands de saumure (29), du thé (37), de soierie (27), de mercerie (34), du papier (26) et bijoutier (48) montre que ces marchandises avaient bien circulé et avaient été vendues facilement. On peut voir aussi le cas particulier d’un tailleur qui vend des produits d’alimentation. Ça veut dire que les fabricants aussi ont pu faire des affaires dans un coin de leur atelier. D’abord, très simplement, on peut se demander quelle commerce a été le plus actif à Hanoi en 1936. Le résultat des statistiques donne la première place à la catégorie des tailleurs (Catégorie B-③) non seulement pour le style indigène mais aussi européen. La clientèle des tailleurs n’a pas été toujours dominée par les Français et Européens à cette époque-là où les vêtements pratiques du style européen diffusaient jusqu’aux ouvriers indigènes et aux coolies mêmes à la place de a ó dài (robe traditionnelle) du Viêtnam. Un symbole de la civilisation occidentale apparut avec la vie quotidienne dans la ville coloniale. Le total des tailleurs y compris les cumulateurs était 550 personnes dont 284 fabriquant le vêtement indigène, 189 pour le vêtement européen et 77 cumulateurs.. Ceux-ci représentent environ 10,5% du total des commerçants dans la liste et 36,8% dans la catégorie B.-Fabricant. Les cumulateurs exercent un autre commerce en rapport avec ce type de commerce, comme marchand de textile et de vêtements (Catégorie A-③), en particulier les marchands de tissu, étoffe, mercerie et bonneterie étaient relativement nombreux. La deuxième place est donnée aux marchands divers et au détail (Catégorie A-⑬). Ceux-ci représentent 8,3% du total et 12,4% dans la catégorie A.-Marchand. Malheureusement, on peut difficilement saisir la nature des commerces, y compris les marchand(e)s ambulant(e)s et à poste fixe, peut-être ceux qui tenaient une sorte de baraque foraine sur la rue ou devant les habitations. Mais ce qui est intéressant, c’est le nombre imposant de femmes associées à cette nature de commerce. Le nombre de marchands divers représente 158 femmes contre 22 hommes ainsi que celui de marchand au détail qui est de 196 femmes contre 31 hommes. À vrai dire, le nombre total de femmes dans la catégorie A.–Marchand était presque deux fois (1.656 contre 991) supérieur à celui des hommes. D’autre part, le résultat pour la catégorie B.–

137

Fabricant a donné le contraire : 92 femmes contre 490 hommes. Ce fait qui donne un fondement à la représentation bien connue de la femme diligente dans le marché au Viêtnam a l’air de montrer l’existence d’une culture (ou d’une coutume) de la répartition des travaux entre la femme marchande et l’homme fabricant. À ce propos, il convient de distinguer les fabricants et les ouvriers. Malgré les personnes de petits métiers comme ferblantier, fondeur, forgeron, cordonnier et menuisier (=Catégorie B-②,③,④), ils étaient patrons de leur atelier et employaient quelques dizaines d’ouvriers dans chaque atelier. Cette nature du commerce a nécessité sans doute une certaine puissance financière et une transmission de savoir car quelques apprentis étaient ordinairement employés à l’atelier. Quant à d’autres métiers traditionnels, y compris brodeur (Catégorie B-③), laqueur (Catégorie B-⑦), médecin indigène et sino-annamite et graveur (Catégorie D) ils ont continué à appliquer depuis longtemps des techniques chinoises comme les autres pays d’Extrême-Orient. Par contre, on pourrait dire que blanchisseur, coiffeur, loueur de bicyclette et de pousse-pousse (Catégorie C-①,⑤) étaient de nouveaux métiers ainsi que celui de photographe (Catégorie-D) apparu après la colonisation. Il ne serait pas faux de dire que le développement socio-professionnel et le niveau d’insertion de petits commerçants dans la ville coloniale atteignaient une certaine maturité à Hanoi dans les années 1930.

Cliché 15 – Marchande de graines et médicaments

Elle représente deux catégorie : A-①+A-⑪(femme), mais cette nature du commerce est comptée comme cumulateur (A+A). Source : Collection R. Moreau , Hanoi, vers 1902.

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Cliché 16 – Marchand de Thé à poste fixe

Ils appartiennent à la catégorie A-①, aussi A-⑫, car la nature du commerce est claire dans propos de cette image. Source : Collection M.Passignano, Hanoi, l’année inconnue.

Cliché 17 – Fabricant de parapluie (Catégorie B-⑥).

Source : Collection P.Dieulfils , Hanoi, vers 1902.

139 bbb.b. La répartition géographique et professionnelle Continuons l’analyse statistique des commerçants sous un autre angle. Il s’agit ici de leur répartition géographique de PCS par rue et quartier dans la ville de Hanoi. La répartition numérique des commerçants par quartier montre la concentration au quartier indigène, au 2 ème quartier entre autres (TableauTableau 2828). Il est notoire qu’on appelle ces quartiers « la cité des trente-six rues ». D’après P.Papin, les rues n’existaient pas dans les quartiers – ces fameux "ph ườ ng " apparus au XI e siècle – qui étaient situés en dehors de la ville marchande et ressemblaient à des villages 38 . Après XVII e siècle, les quartiers du centre-ville ont abrité les rues commerçantes et chacune rue portait le nom de la marchandises qu’on y vendait (Voir aussi AnnexeAnnexe 999).9 En 1936, un certain nombre de rues allait cependant en perdant l’origine des noms. Dans les rues des poissonneries, des Éventails et des Radeaux n’y était plus vendu la marchandise propre au nom de la rue. Les statistiques de classement des rues par nature (TableauTableau 2929) montrent que les bouchers se concentraient dans les rues des Pipes (13) et du Tirant (9). Ceux-ci représentent respectivement 23% et 16% du nombre total des bouchers à Hanoi. La rue du Tirant, située juste au nord du Petit Lac, s’appelait jadis Gia Ng ư qui veut dire en vietnamien « la vente du poisson » et non de la viande. De même, le nombre de marchands de vêtements était beaucoup plus nombreux sur la rue Médicament (19 : 83%) que les autres rues avec un nom en relation avec les vêtements.

Tableau 282828 – Nombre de petits commerçants indigènes par quartier en 1936 Quartier indigène Quartier français er ème ème ème ème 1 2 3 R.D.* 4 5 R.D.** 645 1.863 861 86 398 191 109 Total 3.455 Total 698

Quartier nouveau ème ème ème Villages 6 7 8 R.D. *** 422 222 357 71 Totaux Total 21

Total 1.072 5.246 * : Rues traversant la délimitations-quartier : Bd.Henri d’Orléans (35) et le Quai Clemenceau (51). ** : Rues Paul Bert (14), Richaud (11), les Bds.Henri Rivière (6), Jaureguiberry (5), Dông-Khanh (13), Rollandes (18), Carrau (1), Gambetta (8) et Doudard de Lagrée (33).

*** : La route Mandarine (71). Source : CAOM, RST-NF, 2893.

38 P.Papin, op.cit ., 2002, p.173.

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Tableau 292929 – Classement des natures dominantes du commerce par rue à Hanoi en 1936

Natures et nombre 1er rang des rues et taux 2ème rang des rues et taux Boucher 56 ②Pipes 13 (23%) ③Tirant 9 (16%) Saumure 67 ②Saumure 7 (10%) ⑧Route de Hué 5 (7%) ③Changeurs 3 (9%) Noix d'arec 31 ③Radeaux 13 (42%) ③Jean Dupuis 3 (9%) ②Cantonnais 4 (28%) Coton 14 ②Étoffes 5 (36%) ②Coton 4 (28%) Soierie 48 ②Soie 22 (46%) ②Cantonnais 8 (17%) Vêtements 23 ②Médicaments 19 (83%) ②Cantonnais, etc. 1 (4%) ②Paniers 6 (9%) Mercerie 68 ②Vieux-Marché 10 (15%) ②Coton/②Soie 6 (9%)/6(9%) Chapeaux 37 ②Chapeaux 15 (41%) ②Coton 7 (19%) Bijoutier 95 ③Changeurs 54 (57%) ⑧Route de Hué 7 (7%) Objets votifs 38 ②Cuivre 20 (53%) ③Pavillons Noirs 6 (16%) Horloger 24 ②Cantonnais 6 (25%) ①Papiers 5 (21%) Objets en cuivre 49 ②Tasses 44 (90%) ②Cuivre 4 (8%) ②Médicaments, etc. 4 (20%) Papiers 20 ②Chanvre 7 (35%) ②Coton 4 (20%) Médicaments 44 ②Phuc Kiên 22 (50%) ②Médicaments 9 (20%) * ②=2 ème quartier, ③=3 ème quartier, etc... ** Non compris le nombre de cumulateurs. Source : CAOM, RST-NF, 2893.

Mais un certain nombre d’autres rues conservaient leurs corporatismes antérieurs: 41% (15 ) des marchands de chapeaux sur la rue des Chapeaux (2 ème quartier) et 57% marchands de bijoutiers (54) sur la rue des Changeurs (3 ème quartier) où ils devaient couvrir la grande part du marché de leurs marchandises. Il en est de même des fabricants sur les trois rues (toutes au 2 ème quartier) : des Ferblantiers (38 : 47%), des Forgerons (18 : 34%) et des Caisses (10 maliers : 71%) (TableauTableau 3030). Par contre, on peut voir certains cas particuliers dont la nature dominante du commerce ne correspond pas au nom de la rue. Par exemple, 28 (82%) des menuisiers à Hanoi étaient sur la rue des Éventails. De même, 49 (90%) des marchands d’objets en cuivre tenaient leur magasin sur la rue des Tasses. Pris dans leur ensemble, la répartition de PCS par rue-quartier a montré les caractéristiques plurielles comme des rues sur lesquelles il existait toutes les catégories de A à D. C’est-à-dire, la ville coloniale de Hanoi a démoli le système de "rue-quartier " de corporation traditionnelle dans lequel un des marchés a été monopolisé depuis le XVII e siècle. Mais pas complètement, , Hanoi a gardé des restes de l’ancien quartier marchand comme la rue des Changeurs et la rue des Chapeaux mentionnées ci-dessus qui ont dû reconstruire de nouveaux réseaux commerciaux adaptés à son époque

141 coloniale. Ceux-ci auront été assurés et étendus par l’association professionnelle.

Tableau 303030 – Classement des natures dominantes des fabricants par rue à Hanoi en 1936 *

Natures et nombre 1er rang des rues et taux 2ème rang des rues et taux Pâtisserie 25 ②Sucre 5 (20%) ③Changeur 2 (8%) Ferblantier 81 ②Ferblantiers 38 (47%) ⑧Route de Hué 5 (6%) Fondeur 34 ①Voie 103 11 (32%) ⑤Trân Hang Dao 6 (17%) Forgeron 53 ②Forgerons 18 (34%) ②Hà Trung 3 (5%) Brodeur 37 ②Chapeaux 12 (32%) Doudard de Lagrée 4 (10%) Tailleur indigène 284 ⑧Route de Hué 18 (6%) ⑥Sinh-Tu 11 (3%) Tailleur européen 189 ④Jules Ferry 19 (10%) ①Charon 10 (5%) Maltier 14 ②Caisses 10 (71%) ②Chapeaux 2 (14%) Menuisier 34 ②Éventails 28 (82%) ②Yên-Thai 3 (8%) Cordonnier 70 ②Paniers 15 (21%) ②Chanvre 7 (10%) Coiffeur 87 ⑧Route de Hué 8 (9%) ②Coton 5 (5%) Loueur p.pousse 51 ⑥Sinh-Tu 9 (17%) ⑧Route de Hué 4 (7%) Loueur bicyclette 77 ⑤A.Rousseau 8 (10%) ⑥Sinh-Tu 5 (6%) * Le chiffre de tête du nom de la rue signifie le numéro de quartiers (②=2 ème quartier, ③=3 ème quartier, etc...). ** Non compris le nombre de cumulateurs. Source : CAOM, RST-NF, 2893. c. Diverses situations par quartier De l’analyse précédente, que pouvons nous en déduire sur les rues de la ville coloniale ? Essayons encore de relever des caractéristiques commerçantes qui définissent les quartiers de Hanoi en 1936. On examine pour cela une partie spécifique des 208 rues au total (Voir aussi Annexe 1515). - 111ererer quartier : situé au nord de centre-ville de Hanoi, compte 645 commerçants (12,2%) sur 35 rues sauf le boulevard Henri d’Orléans. Dans ce quartier, la catégorie dominante des commerce est celle des services divers (catégorie C-①), surtout blanchisseur (21) et coiffeur (16) qui représentent respectivement 19,4% et 16,8% du total de Hanoi, 36,8% et 29,6% dans le quartier indigène. Une autre caractéristique précise s’observe sur les voies nommés 103, 104, 105, 106 et 108 dans l’ile de Ng ũ Xã du lac de Trúc-Bạch. C’était là où la plupart de fondeurs de Hanoi ont convergé. 62,8% (22) du total et 88% dans le quartier indigène. - 222èmeèmeème quartier : la zone ouest du quartier indigène compte 1 863 commerçants (35,5%) sur 39 rues sauf le boulevard Henri d’Orléans. C’est le plus grand quartier parmi tous les quartiers de Hanoi et certaines natures de commerce y sont imposantes par le nombre et le pourcentage : 359 (76,7%) de marchand et 265 (32,5%) fabricants de textile et vêtements (catégorie A-③ et B-③), 153 (78,4%) marchands de quincaillerie et poterie

142

(catégorie A-⑤), 93 (71,5%) marchands et 77 (85,5%) fabricants d’articles divers (catégorie A-⑥ et B-⑥) dont les fabricant de caisses représentent 96% (25 sur 26) surtout sur les rues des Caisses (10), de Hàtrung (8) et des Chapeau (5), 47 (55,2%) marchands d’appareils et instruments (catégorie A-⑧), 78 (70,2%) de papeterie et librairie (catégorie A-⑩), 76 (42,9%) marchands de médicaments (catégorie A-⑪), 39 (78%) fabricants de meubles (catégorie B-④) dont 33 convergeaient sur la rue des Éventails, 45 (46,8%) ferblantiers sur la rue des Ferblantiers, 19 (33,3%) forgerons sur la rue des Forgerons. La rue du Coton, qui compte 228 commerçants, était une des plus grandes rues commerçantes à Hanoi. - 333èmeèmeème quartier : une autre zone à l’est du quartier indigène compte 861 commerçants (16,4%) sur 32 rues. En plus des bijoutiers (71 : 49,6% de touts quartiers), les marchands d’alimentations (236 : 25,6% de tous quartiers) attirent le regard avec du riz (26 : 34,6%), du sel (14 : 41,1%), dê la saumure (30 : 31,2%), des poissons secs et salés (11 : 100%), des fruits (15 : 48,3%), des noix d’arec (27 : 64,2%). Et les marchands de bois et charbons représentent le plus grand pourcentage (37 : 30,3%) à Hanoi. Ajoutons encore la concentration des marchands de nattes (20 : 83,3%). - 444èmeèmeème et 5et 5 èmeèmeème quartiers : zone dite « quartier français », peu commerçante, compte pour le premier 398 commerçants (7,5%) en 23 rues avec un commerçants dans la galerie du Crédit Foncier Indochine et pour le dernier 191 (3,6%) en 15 rues avec 3 commerçants dans le Hanoi Hôtel. Remarquons dans le 4ème quartier les 24 marchands de meubles, dont 18 se trouvent sur la rue Albert Pouyanne, qui représentent 35,8% de l’activité du quartier. Ils partagent la vente des meubles avec ceux de la rue du Maréchal Pétain (23 : 34,3%). Ainsi, on peut distinguer un quartier de vente de mobilier sur ces deux rues situées au nord-est du lac Hoan-Kiem. - 666èmeèmeème quartier : aux environs de la Gare de Hanoi, il y a eu le palais de justice et la prison centrale à l’Est du quartier, le temple de la littérature ( Văn mi ếu) et l’École des Travaux Publics au Sud du quartier du Palais du Gouverneur général. Ce quartier compte 433 commerçants (8,2%) sur 31 rues hormis les boulevards Gambetta, Rollandes, Carreau, Jauréguiberry et la route Mandarine. Les rues principales qui mènent au temple de la littérature : la rue de Sinh T ừ (139), la rue de Soeur Antoine (64) et la rue de Nayret (56) représentent dans le 6 ème quartier 60% des commerçants et 75,8% des loueurs de pousse-pousse et de bicyclette par une localité bien desservie. - 777èmeèmeème et 8et 8 èmeèmeème quartier : formant une nouvelle zone d’urbanisation (avec le quartier de Văn mi ếu) où l’armée expropriât des terrains entre les étangs de Thiên Quang et Bảy M ẫu puis les aménage dans les années 1930, ils ne comptent que 222 commerçants (4,2%) sur 16 rues au 7 ème quartier. La situation commerciale était moins animée que les

143 autres quartiers mais des magasins ont commencé à s’installer sur certaines rues nouvelles de l’est des deux étangs depuis les années 1920 au moins : Résident Miribel (34), Goussards (50), C.Wilée (15), Lê L ợi (27). Et le 8 ème quartier situé aux environs du grand cimetière compte 357 commerçants (6,8%) sur 17 rues, entre autres, sur la route de Hué (266 : 74,5% du 8 ème quartier). Ces deux quartiers nouveaux paraissent avoir une grande variété de marchands de la catégorie de « A-Marchand », alors que les fabricants sont peu nombreux. C’était une zone de vie différente que celle du quartier indigène au nord du Petit Lac.

4. Un essai d’analyse comparative avec les commerçants de Haiphong en 1936 Il existe les listes des commerçants et sociétés commerciales européennes, asiatiques et vietnamiennes dispensés de l’inscription obligatoire au registre de commerce pour l’année 1936 39 , desquelles on élit les électeurs consulaires. Les listes en 1936 sont de deux types selon que les commerçants et les sociétés acquittent un droit fixe égal à 60 piastres et au-dessus ou bien au-dessous. Sur les premières listes, destinées aux grands ou moyens commerçants, s’inscrivaient 279 personnes au total (128 européens, 103 asiatiques et 48 vietnamiens). Sur les secondes listes, destinées aux petits commerçants, s’inscrivaient 1.946 personnes au total (38 européens, 236 asiatiques et 1.672 vietnamiens). Or, l’adresse des inscrits figure sur les listes. Il convient de définir les limites des quartiers de Haiphong avant de faire des analyses. Nous avons divisé la ville de Haiphong en 5 quartiers de A à E : AAA–A le quartier européen, BBB–B le vieux quartier, CCC – le quartier nouveau, DDD–D le quartier de la gare, EEE–E l’île Hạ Lý . Encore il y a deux rues ( Binh Dong et quai Liberté) que nous n’avons pas pu trouver. Et en outre, il faut préciser que les deux boulevards Bonnal ( ph ố Nguy ễn Đức C ảnh et Tr ần Phú ) et Chavassieux ( ph ố Quang Trung et Tr ần H ưng Đạo) sont compris dans le vieux quartier malgré leur longueur et limite prolongeant l’autre quartier. On considère que la plupart des commerçants vietnamiens dans ces deux boulevards habitaient depuis longtemps sur le rive du canal de Ceinture qui s’écoule du Sông Tam B ạc, non de l’ex-canal Bonnal qui se jette dans le cửa C ấm. Les rives de l’ex-canal Bonal avaient été aménagées pour la construction de la ville européene en 1890 déjà.

39 Rédigée par le Résidence supérieure au Tonkin. CAOM, RST-NF, 2893.

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Les grands et moyens commerçants de Haiphong D’abord, voyons les listes destinées aux grands et moyens commerçants. On peut mesurer l’envergure de chaque commerçant et société par la catégorisation de la quotité du droit fixe comme montré sur le Tableau 313131 . Les plus grands commerçants (sociétés, compagnies et usines) qui paient la quotité à plus de 500 piastres ont été dominés par les Européens dont 22 compagnies payaient plus de 800 piastres. La quotité maximale a été payé 8.000 piastres par la Banque de l’Indochine, et suit, avec 6.000 piastres la Compagnie française asiatique des pétroles, 5.000 piastres par la Standard (commerce en gros de pétroles), 4.000 piastres par la Société indochinoise d’électricité, 3.500 piastres par la Société des ciments de Ha-ly et Hongkong Bank, etc.... En 1936, Haiphong devenait une des plus grandes villes commerciales en Indochine et/ou en Extrême-Orient. D’ailleurs, ceci témoigne en même temps de l’implantation d’un bon nombre de commerçants japonais et chinois à Haiphong. Les Japonais, bien qu’ils ne soient pas très nombreux, étaient des commerçants moyens qui paient une quotité de 100 à 300 piastres. Ils étaient inscrits comme Européens dans la liste des commerçants, mais cela montre une sorte d’attention pour le Japon qui risquait de constituer une menace contre la France40 . Quant aux Chinois, ils dominent la catégorie des Asiatiques inscrits sur les listes et les catégories de la quotité de 60 à 499 piastres. Selon Raffi, depuis toujours, « la prééminence des Chinois dans le commerce de Haiphong était incontestable, et leur omniprésence en tant qu’intermédiaires du commerce était essentielle »41 . De nos analyses, on peut également considérer qu’ils ont rempli la fonction de moteur du commerce de Haiphong, se situant entre les grands commerçants et les petits commerçants. Autrement dit, les commerçants vietnamiens occupaient la deuxième position du commerçant "moyen " après les Chinois. L’analyse des adresses inscrites montre que les commerçants de ce type s’implantaient respectivement par ethnie dans les quartiers comme suit : 73,4% des Européens dans le quartier européens 42 , 73,7% des Asiatiques dans le vieux quartier et 56,2% des Vietnamiens dans le quartier nouveau. C’est-à-dire qu’il existait une sorte de la niche "sociologique " (position et zone occupée ) dans le monde de grands-moyens commerçants à Haiphong. Ce qui est intéressant, c’est que le siège de ce type de commerçants vietnamiens se trouve particulièrement implanté dans le boulevard Bonnal, le boulevard Paul Doumer et l’avenue Od’hendhal dans le quartier nouveau,

40 Les Japonais font légalement partie de la catégorie des Assimilés aux Européens depuis 1913. 41 G.Raffi, op.cit ., 1994, p.115. 42 Y compris le nord du quartier de la gare : les rues Maréchal Joffre, St.Etienne et de Lyon.

145 alors que les Chinois se sont implantés dans les rues Chinoise et du Maréchal Pétain. À cette époque , incluant la ville chinoise, la ville vietnamienne était ainsi en pleine expansion vers le sud du canal de Ceinture.

PlanPlanPlan 22232333 – Divisions de quartier de la ville de Haiphong

Tableau 313131 – Le nombre de grands et moyens commerçants par ethnie et par niveau de quotité du droit fixe sur la liste de Haiphong en 1936

Quotité (piastre) Européen Asiatiques Vietnamiens Total 60-99 29 35 30 94 100-199 31 40 16 87 200-299 15 16 1 32 300-399 10 6 0 16 400-499 5 5 0 10 500-599 10 1 0 11 600-699 4 0 0 4 700-799 2 0 1 3 plus de 800 22 0 0 22 Total 128 103 48 279 Source : CAOM, RSTNF, 2893. 146 b.Les petits commerçants de Haiphong Ensuite, analysons les listes de petits commerçants dont le droit fixe est au-dessous de 60 piastres. Il convient de se conférer à la fois à la Deuxième PartiePartie----ChapitreChapitre ⅡⅡⅡ---5-555----bbbb, le PlanPlanPlan 222222 et Annexe 110000-TableauTableau 91 et 929292 ( : Détail des PCS de petits commerçants vietnamiens à Haiphong en 1936).

--- Petits commerçants européens Dans cette catégorie, le nombre de commerçants européens ne compte que 38 inscrits dont 17 (44,7%) sont dans le quartier européen et 12 (31,5%) sont dans le quartier nouveau. Le taux de PCS établit le détail suivant : A-12 (31,5%), B-7 (18,4%), C-18 (47,3%) et D-1 (2,6%). On pourrait dire que les petits commerçants européens avaient une tendance à exercer une profession de services tels que coiffeur, hôtel, buvette et entrepreneur.

Tableau 323232 – Détail des PCS de petits commerçants européens d’Haiphong en 1936 A① 3 B① 2 C① 4 D 1 Totaux 38 A② 2 B③ 3 C② 5 Total D 1 A③ 2 B⑥ 1 C③ 6 A⑥ 2 B⑨ 1 C④ 1 A⑩ 1 Total B 7 C⑤ 2 A⑪ 2 Total C 18 Total A 12 Source : CAOM, RST-NF, 2893.

Tableau 333333 – Détail des PCS de petits commerçants asiatiques d’Haiphong en 1936 A① 55 B① 3 C① 3 D 9 Totaux236 A② 13 B② 4 C② 12 Total D 9 A③ 7 B③ 13 C③ 2 A⑤ 9 B④ 1 C⑤ 4 ? 5 A⑥ 4 B⑥ 2 Total C 21 A⑦ 6 B⑩ 1 A⑧ 1 Total B 24 A⑨ 7 A⑩ 1 A⑪ 16 A⑬ 58 Total A 177 Source : CAOM, RST-NF, 2893.

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--- Petits commerçants asiatiques Les petits commerçants asiatiques (236 inscrits au total) avaient, pour la plupart, leurs adresses au vieux quartier (197 : 83,4%) ainsi que les grands-moyens commerçants. Les PCS se caractérisent par la catégorie de A (177 : 75%), notamment par les marchands de riz, son (A-①) et de médicaments (A-⑪), relativement aux catégories de B (24 : 10,1%), C (21 : 8,8%) et D (9 : 3,8%).

--- Petits commerçants vietnamiens Pour les commerçants vietnamiens (1.672 inscrits au total), puisqu’il y en a un bon nombre, sans doute faut-il analyser un peu plus minutieusement. On va mettre en lumière des caractéristiques des petits commerçant vietnamiens pour chaque quartier de Haiphong. À l’égard des analyses des PCS, voir aussi Annexe 10 – Tableau 747474 et 757575.75 Au quartier européen, le nombre de petits commerçants vietnamiens est de 97 et il ne représente que 5,8% du total dans la même catégorie. Il n’y avait que 7 commerçants dans la rue Paul Bert, rue principale qui traversait le milieu du quartier. Mais on peut voir la présence de nombreux commerçants dans les boulevards Amiral Courbet (31), Henri Rivière (25) et Amiral de Beaumont (11). Leurs caractéristiques principales des PCS appartiennent exclusivement à la catégorie de B-③ : tailleurs, comme le cas du quartier européen dans la ville de Hanoi. Le vieux quartier, le plus dense et animé, est un des quartiers peuplés de plus nombreux commerçants à Haiphong. Sur les listes, le nombre de commerçants dans ce quartier est de 576, ce qui représente 34,4% du total. Puisque de nombreux commerçants s’inscrivaient sur les listes, on peut considérer le boulevard Maréchal Pétain (160), traversant le milieu de vieux quartier, comme la plus grande rue commerçante de Haiphong. Mais on peut également voir beaucoup de commerçants dans des rues suivantes : rue du Commerce (99), boulevard Bonnal (76), rue Chinoise (73), boulevard Chavassieux (64). Les PCS du vieux quartier montrent que cet endroit-là était de vraies halles des marchands de détail et en gros, non seulement d’aliments mais aussi de matières premières, de textiles et de quincailleries ainsi que pour les tailleurs, les menuisiers, les blanchisseurs, les barbiers et les gargotiers. Le nombre de marchands d’aliments (A-①) représente 44,2% du total à Haiphong. De même les quincailleries (A-⑤) et les bijoutiers (A-⑦) représentent respectivement 84,3% et 52% et la plupart d’entre eux se sont trouvés particulièrement dans le boulevard Maréchal Pétain. La plupart des menuisiers (B-④), qui représentent 86,6% à ce quartier et 27,2% à Haiphong, étaient dans la rue du Commerce. On peut voir beaucoup de marchand de bois de feu, à une rive du canal de Ceinture, sur le boulevard

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Chavassieux. Sûr l’autre rive, dans le boulevard Bonnal, on remarquera les marchands de Nước m ắm (sauce poisson salé) et les professions spéciales. Celles-ci sont représentées par les sages femmes entre autres.

Tableau 343434 – Nombre de petits commerçants vietnamiens par rue à Haiphong en 1936

AAA---Quartier européen BBB ---Vieux Quartier CCC ---Quartier nouveau bd Paul Bert 7 Rue de Bacninh 21 Rue de l'Abattoir 35 Rue Harmand 1 bd Bonnal 76 An Biên (village) 4 Rue de la Mission 3 Rue de Canton 31 av An-Duong 15 Place Nationale 11 bd Chavassieux 64 Cho Con 2 bd Beaumont 14 Rue Chinoise 73 Ruelle Dao Ky 5 bd Courbet 31 Rue du Commerce 99 Dinh Dong (village) 10 bd Henri Rivière 25 Quai Mal. Foch 10 av P. Doumer 130 Rue J. d'Abbadie 5 Rue Formose 6 Du Hang 10 Total 97 Rue Fotchéou 12 Ruelle Gai Ba 5 DDD---Quartier de la Gare Rue de Lao Kay 3 Rue de Haiduong 4 av de Belgique 118 Rue de la Pagode 1 Hàng Gà 3 Chua do 2 bd Maréchal Pétain 160 Rte de Hang Kênh 107 bd Clémenceau 19 Rue de Rusile 6 Hang kênh-Canh ga 27 Cua Cam 1 Rue de Saigon 2 Rue Khanh lac ly 1 Docks 5 Rue de Tourane 12 Rue Khang ninh ly 1 Dông Khê (village) 5 Total 576 Route de Lach tray 23 Gia Viên (village) 27 EEE---Île HHHạ-lllý Rue de Metz 33 Rue Guinet 1 Rue de l'Arsenal 18 Rue Nam sinh 14 Rue Mal. Joffre 1 bd Candlot 19 av Od'endhal 64 Lac Viên (village) 67 bd Central 4 Ruelle Quang Lac 2 Rue Lannessan 4 Haly (3e q. et 4e q.) 19 Ruell Said 1 Rue de Lille 4 Route de Hanoi 7 av Sadi Carnot 44 Rue de Nantes 1 Rue de la Marine 39 Rue de Strasbourg 59 Rue Chavignon 11 Total 106 Rue Tchan tong 5 Total 266 Autres rues Rue Tich tien ly 5 Binh Dong 8 Rue T.Y.Lich 3 Quai Liberté 3 Route circulaire 4 Total 11 Total 616

Source : CAOM, RST-NF, 2893.

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Tableau 35 – Détail des PCS par quartier de petits commerçants vietnamiens à Haiphong (1936) Quartier Français Vieux Quartier A1 2 B1 1 C1 7 A1 116 B1 1 C1 28 A2 8 B2 5 C2 3 A2 49 B2 14 C2 26 A3 0 B3 40 C3 0 A3 32 B3 92 C3 2 A4 1 B4 6 C4 0 A4 0 B4 15 C4 2 A5 0 B5 1 C5 1 A5 27 B5 2 C5 7 A6 0 B6 2 Total 11 A6 9 B6 5 Total 65 A7 1 B7 0 A7 13 B7 1 A8 0 B8 0 A8 0 B8 0 A9 0 B9 1 D 13 A9 1 B9 1 D 26 A10 0 B11 0 A10 2 B11 5 A11 0 Total 56 A11 11 Total 136 A13 5 A13 89 Total 17Totaux 97 Total 349Totaux 576

Quartier de la Gare Quartier Nouveau A1 37 B1 0 C1 30 A1 91 B1 5 C1 43 A2 5 B2 7 C2 11 A2 19 B2 13 C2 22 A3 0 B3 48 C3 3 A3 7 B3 104 C3 7 A4 0 B4 6 C4 0 A4 2 B4 23 C4 11 A5 1 B5 1 C5 4 A5 2 B5 1 C5 29 A6 3 B6 0 Total 48 A6 5 B6 1 Total 112 A7 2 B7 0 A7 9 B7 4 A8 0 B8 0 A8 8 B8 2 A9 4 B9 0 D 4 A9 2 B9 2 D 24 A10 0 B11 2 A10 4 B11 10 A11 13 Total 64 A11 30 Total 165 A13 74 A13 147 Total 139Totaux 255 Total 326Totaux 627

Quartier HHHạ---l-lllý Autres rues A1 17 B1 0 C1 10 A1 0 B1 0 C1 1 A2 13 B2 1 C2 4 A2 0 B2 0 C2 5 A3 1 B3 15 C3 1 A3 0 B3 0 C3 0 A4 0 B4 4 C4 0 A4 0 B4 1 C4 0 A5 2 B5 0 C5 0 A5 0 B5 0 C5 0 A6 0 B6 4 Total 15 A6 0 B6 0 Total 6 A7 0 B7 0 A7 0 B7 0 A8 0 B8 0 A8 0 B8 0 A90 B90 D 0 A90 B90 D 0 A10 0 B11 0 A10 0 B11 0 A11 3 Total 24 A11 0 Total 1 A13 31 A13 4 Total 67Totaux 106 Total 4Totaux 11 Source : CAOM, RST-NF, 2893.

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Tableau 363636 – Détail des PCS de petits commerçants vietnamiens de Haiphong en 1936

A-.Marchands NombreB-.Fabricants Nombre ①Alimentations 263 ①Alimentations 7 ②Matières premières 94 ②Matières premières 40 ③Textiles/Vêtements 40 ③Textiles/Vêtements 299 ④Meubles 3 ④Meubles 55 ⑤Quincaillerie/Poterie 32 ⑤Quincaillerie/Poterie 5 ⑥Articles divers 17 ⑥Articles divers 12 ⑦Bijoutier 25 ⑦Bijoutiers 5 ⑧Appareils/Instruments 8 ⑧Appareils/Instruments 2 ⑨Objets du culte 7 ⑨Objets du culte 0 ⑩Papeterie/Librairie 6 ⑩Imprimerie/Papeterie 4 ⑪Médicaments 57 ⑪Médicaments 0 ⑫Marchand à Poste fixe 0 ⑫Réparateurs 17 ⑬Divers 350Total 446446446 Total 902902902 D.Professions libérales 676767 C-.Services Nombre ①Services divers 119 ②Hôtel-Restaurant 71Total de A à D 1 672 ③Entrepreneurs 13 ④Tourisme/Transport 13 ⑤Loueur 41 Total 257257257 Source : CAOM, RST-NF, 2893.

Le côté sud du canal de ceinture était un nouveau quartier qui a été aménagé et développé à partir des années 1920 43 . Le centre de ce quartier se situe sans aucun doute à la rue Paul Doumer ( ph ố Cầu Đất) dans laquelle 130 commerçants étaient inscrits sur les listes. On considère qu’il y eu alors une autre rue principale dans ce quartier : la route de Hàng Kênh qui descend de la rue Paul Doumer vers le sud parallèlement à la route de Lạch Tray et qui compte 107 commerçants. Mais les rues plus anciennes de ce quartier se trouvaient aux environs ouest du village d’ An Biên : les rues de Hải D ươ ng (4 commerçants) et de Strasbourg (59 commerçants), les avenues Od’hendhal (64 commerçants) et Sadi Carnot (44 commerçants). En fait, le nombre de commerçants dans le nouveau quartier était le plus nombreux (616 : 36,8%) de tous les quartiers de Haiphong. Cela montre qu’une nouvelle ville a été rapidement construite au sud de la ville après la fin des années 1920, là où il existait des villages traditionnels qui n’étaient pas encore incorporés dans la ville de Haiphong. C’est pourquoi le nouveau quartier offre une grande variété des PCS. On remarque les marchands de médicaments (29), en

43 En 1926, des rues et quartiers nouveaux étaient encore en cours projetés. Elles sont la route de l’hôpital, la rue de Metz et la rue du marché de Cho Con .

151 gros (149), tailleurs (97), menuisiers (23), et particulièrement les professions de service (catégorie-C). Ceux-ci sont au nombre de 112, ce qui représente 42,9% à Haiphong. Les entrepreneurs de transports de C-④ (10 : 76,9%) et les loueurs de pousse-pousse de C- ⑤ (28 : 68,2%) font bien ressortir les caractéristiques sur les PCS de ce quartier ainsi que les blanchisseurs de C-① et les gargotiers de C-②. Dans la rue Paul Doumer, il existait 16 commerçants exerçant ades professions libérales comme pharmacien, photographe et électricien, plus nombreuses que dans toutes les autres rues, preuve d’une urbanisation réelle vers le sud de la ville de Haiphong. Le quartier de la gare est situé à l’est du quartier européen. Ce quartier se divise en deux : un pour les européens avec des équipements industriels autour des Docks et l’autre pour le commerce des vietnamiens autour de la gare de Haiphong. Dans le premier, il n’y avait peu de petits commerçants, qu’ils soient vietnamiens, européens ou asiatiques. Le nombre de commerçants vietnamiens était de 1 pour les rues du Maréchal Joffre, de 4 pour la rue de Lille et de 1 pour celle de Nantes. Dans ce dernier quartier, l’avenue de Belgique (118 inscrits) était la rue principale. Dans les autres rues, il y avait peu de commerçants mais on peut en voir un certain nombre aux villages de Gia Viên (27) et Lạc Viên (67). Il faut préciser quelques caractéristiques des PCS de ce quartier, C-① (33 : 26,6% du total à Haiphong), avec surtout des blanchisseurs et des barbiers à la rue de Belgique ou aux villages de Gia Viên et de Lạc Viên . En ce qui concerne les villages de Haiphong, la théorie « des villages dans la ville aux villages urbains » dont Philippe Papin a fait la démonstration pour l’étude de l’espace et les formes du pouvoir dans la ville de Hanoi à l’époque coloniale, fonctionne aussi. Dans ces villages se développaient des professions pareilles à celles du centre-ville en formant pour ainsi dire les faubourgs de Haiphong. Cependant, les voyageurs arrivés à la gare de Haiphong se sont dirigés plutôt vers le nord ou l’ouest, puisque les quartiers sud de la gare n’avaient pas encore été bien aménagés, même en 1953. Il reste le quartier de Hạ Lý , un îlot fait d’alluvions, isolé par le Sông Tam B ạc et la coupure de Hạ Lý , ou les quartiers plus à l’Ouest de l’îlot, d’où on peut prendre une route qui aboutit à Hanoi. À l’origine, cet îlot était la ville chinoise. Mais il a changé de vocation après les années 1890 ; c’est pourquoi on a dénommé les deux rues du bord de l’îlot « de l’Arsenal » et « de la Marine ». À propos, les commerçants chinois n’avaient plus des affaires dans l’îlot Hạ Lý à part leur habitation. D’après les listes de petits commerçantes, aucun Européens (0%) n’étaient inscrits, mais 106 Vietnamiens (5,4%) et 16 Asiatiques (0,8%) étaient inscrits dans l’îlot Hạ Lý, sur 1 946 ( : respectivement 38+1 672 +236), nombre total de commerçants de Haiphong. Dans la seule catégorie asiatique, leur implantation à Hạ Lý représente 6,7%, des 236 inscrits au total, dont

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83,4% (197) possédaient une adresse au vieux quartier. C’est-à-dire, les commerçants asiatiques, ou plus précisément "chinois ", ont été obligés d’y coexister avec les commerçants vietnamiens, notamment dans la rue Chinoise et dans la Boulevard Maréchal Pétain 44 jusqu’à 1936 au plus tard. Quant aux commerçants vietnamiens, les marchands de détail entre autres, ils ont plutôt commencé à s’installer dans l’îlot Hạ Lý pour y construire la nouvelle ville vietnamienne. Ils sont 106 (6,3% du total à Haiphong). Les PCS sont caractérisé par les marchands de boulet de charbon, de bambous et paillotes ou par les fabricants de phên ( : cloison en bambou tressé). Ces "spécialités " de Hạ Lý couvraient 100% du marché à Haiphong.

Tableau 37 – L e mouvement des populations de Haiphong et Hanoi Le mouvement des populations par nationalité de Haiphong Anées Vietnamiens Chinois Européens

1890 8.700 5.600 600

1902 12.000 5.300 950

1913 45.385 8.532 1.822

1923 63.578 13.538 1.766

1932 124.000 19.000 2.700

Source : G.Rffi, op.cit ., 1994, p.338 ; GGI, Annuaire administratif de l’Indochine 1932 , IDEO, Hanoi, p.364.

Le mouvement des populations par nationalité de Hanoi Anées Vietnamiens Chinois Européens

1896 47.174 15.491 806

1913 80.000 2.003 2.016

1921 68.618 2.381 2.500

1928 118.327 4.167 3.120

1936 137.510 4.008 6.046

ANV-H, D.88, 3260, 3272 et 3278 ; GGI , Annuaire administratif de l’Indochine 1928 , IDEO, Hanoi, p.299.

Ici, nous voyons encore le mouvement des populations par nationalité de Haiphong 45 en le recoupant à celui de Hanoi (TableauTableau 373737).37 Il s’agit du mouvement de la population chinoise. Celle-ci n’a pas cessé d’augmenter à Haiphong, tandis que celle de Hanoi n’a

44 Il existait une grande pagode chinoise même à un coin où le boulevard Maréchal Pétain croise la rue de Saigon . 45 Voir aussi Tableau 24 (p.98) .

153 montré qu’une faible augmentation après avoir diminué brusquement entre 1896 et 1913. La population chinoise de Haiphong est devenue cinq fois plus grande que celle de Hanoi à la fin des années 1920. Et en outre, le nombre de petits commerçants chinois était 134 à Hanoi contre 236 à Haiphong au moins en 1936. Cela nous fait penser que Haiphong était une ville plus adaptée à la vie commerciale pour les Chinois. En 1936, il y a un certain nombre de professions particulières à Hanoi, inexistantes à Haiphong et vice versa. Les commerçants de Haiphong ne vendaient pas les marchandises suivantes : pain, gâteau, vermicelle, saumure, café, épices, alcool, laque, nickelage, éventail, parasol, phono, balance, etc.... De même, il n’existait pas, au moins sur la liste de commreçants à Haiphong de marchands à poste fixe ou des maisons de secteur tertiaire tel que le théâtre ambulance, la maison de tolérance. Par contre, les marchandises particulières à Haiphong tels que Bánh giò (gâteau farci de viande de porc), le boulet de charbon et phên de Hạ Lý n’existaient pas dans le commerce de Hanoi. Il convient de noter encore en 1936 qu’il y avait peu d’ateliers de fonderie (aucun), forgeron (10) et ferblanterie (17) de la catégorie B-② à Haiphong en comparaison avec Hanoi (34 fonderies, 53 forgerons et 81 ferblanteries). Ainsi, le Haiphong d’alors n’était pas une ville, ni "de fabricants ", ni " commerciale ". De fait, on l’appelait plutôt une ville de "travail " car s’implantaient les grosses entreprises ayant embauché des milliers d’ouvriers dans le centre-ville, tandis qu’à Hanoi elles se trouvaient à la périphérie. Évidemment, cela concerne la vocation économique de Hanoi et Haiphong. La première est plus centrée vers le secteur de "service ", tandis que Haiphong assurait un rôle "portuaire " et "industriel " (mines, de charbon, cimenterie, etc...) 46 .

46 Selon Raffi, « il faut cependant convenir que malgré des équipements au dessus de la moyenne pour l’époque, Haiphong demeure un port fluvial adapté sans beaucoup de volonté au trafic maritime. Et malgré les efforts réalisés après l’indépendance par les vietnamiens, il reste encore aujourd’hui fortement handicapé par la précarité de son accès à la haute mer ». G.Raffi, op.cit., 1994, p.514.

154

Chapitre ⅡⅡⅡ. Nouvelles règles du jeu dans la société urbaine coloniale

L’aspect de la ville coloniale de l’Indochine s’est transformé, en modernisant son système politique et son organisation administrative, après la fin de la Première Guerre mondiale, elle a suivi le programme des quatorze points de Wilson. On y voit la création de la Chambre des représentants du peuple, de la Chambre de commerce et d’agriculture ou des nouvelles directions administratives relatives aux services de l’hygiène, du travail, de l’enseignement, etc…. Au fur et à mesure de la généralisation de la protection des droits de l’homme, la conscience de soi des populations, soit de la ville, soit du village, a du être modifiée plus ou moins dans les années 1920. Comment les habitants de Hanoi se sont-ils formés dans les institutions « modernes » en cours de création ? Comment et pourquoi sont-ils devenus habitants de la ville de Hanoi ?

1. ÉlectÉlecteurseurs vietnamiens de Hanoi (1929 à 1940) La liste électorale permet de nous donner, comme nous avons déjà vu celle de 1936 dans le Chapitre précédent, un certain nombre de renseignements précieux et particuliers à l’analyse du milieu social, surtout indigène de la ville coloniale en Indochine. Il n’est pas facile de connaitre les réalités de leur monde à cause du manque d’archives. Essayons toutefois de regarder la formation des habitants de la ville de Hanoi pour une période longue autant que possible, par analyse de 8 listes entre 1929 et 1940. Les Chambres de commerce de l’Indochine étaient, auprès des pouvoirs publics de la colonie, des organes attachés aux intérêts commerciaux et industriels de leur circonscription. Elles sont des établissements publics. Elles ont été instituées par l’arrêté du Gouverneur général en Conseil de Gouvernement. L’arrêté détermina la circonscription de chaque Chambre de Commerce et en fixa la composition, sans que toutefois le nombre des membres titulaires puisse être inférieur à 11 ni excéder 21. Elle comprenait à la fois des membres français et des membres indigènes 47 . Selon les arrêtés de 1926 et de 1927 concernant la liste des électeurs consulaires annamites 48 , Elle s’est composée de « commerçants et [de] commerçantes indigènes âgés

47 Par exemple, l’élection de la Chambre de Commerce de Saigon en 1922, a eu lieu pour la nomination des 10 membres français et 3 membres indigènes. CAOM, GGI-AF, 15534. 48 E.Teston et M.Percheron, op.cit ., 1931, p.729.

155 de 25 ans, établis dans la circonscription depuis deux années, au moment de la clôture de la liste électorale, et [ayant] inscrits leur personnel pour une patente de première classe, 5 e catégorie et au-dessus ». La liste électorale française et la liste électorale indigène ont été dressées tous les ans, normalement du 1 er au 15 janvier , par une Commission. À Saigon, ces listes sont affichées au Greffe du Tribunal, à la Mairie et à la Chambre de Commerce au plus tard le 18 janvier. Une copie en est transmise au Gouverneur de la Cochinchine, qui a adressé télégraphiquement à chaque chef de province des extraits contenant les noms des électeurs domiciliés dans leur circonscription. Ces extraits sont affichés à la Résidence, au plus tard le 30 janvier. Pendant un délai de dix jours à compter de cet affichage, les réclamations sont adressées au Président de la Commission chargé d’établir les listes des électeurs, par l’intermédiaire de l’Administrateur de la province qui fournit son avis motivé. Tout électeur de la circonscription a eu le droit à toute époque de demander la radiation, de la liste à laquelle il appartient, des électeurs qui se trouvent dans un des cas d’incapacité prévus par le présent arrêté. De même tout commerçant ou commerçante réunissant les conditions requises pour être électeur, et dont le nom ne figure pas sur la liste électorale consulaire, pourra demander son inscription dans un délai de trois mois à compter de la publication de la liste au "Journal Officiel ". a. Les caractéristiques des électeurs de Hanoi Les données très utiles peuvent être tirés des listes d’électeurs consulaires indigènes et français de la circonscription de Hanoi sur laquelle figure le nom, la profession, l’adresse et la classe des patentes de chaque électeur-commerçant. Il y a les listes comparables pour les années suivantes : 1929 (140 inscrits), 1930 (140 inscrits), 1931 (1.095 inscrits), 1934 (420 inscrits), 1935 (389 inscrits), 1938 (444 inscrits), 1939 (440 inscrits) et 1940 (588 inscrits) 49 . Les analyses catégorielles et statistiques mettront en lumière des caractéristiques de la représentation commerçante de Hanoi dans les années 1930. Voici les tableaux (ci-dessous) qui représentent le nombre d’électeurs analysant comparativement par année, par quartier et rue, par PCS de A à D comme nous l’avons fait dans le Chapitre 3. Le nombre d’électeurs est fixé à 140 pour 1929 et 1930, en environ 400 pour 1934, 1935, 1938 et 1939 et à 588 pour 1940. A noter une augmentation extraordinaire (1.095) en 1931 (TableauTableau 38 et 3939). La répartition par quartier et par rue, laisse apparaître une imposante majorité d’électeurs dans le 2 ème quartier. Se situe à la deuxième place exe

49 CAOM, RST-NF, 2839 pour 1929-30-31, 2841 pour 1934-35, 2833 pour 1938, 2838 pour 1939 et 2836 pour 1940.

156 quo le 1 er , le 3 ème et le 4 ème quartiers. Il y a toujours de l’animation dans la vieille ville dit le quartier indigènes. Mais la proportion des électeurs du long quai Clémenceau et de la longue route Mandarine où se sont concentrés les maisons de commerce qui ont pu payer la haute classe des patentes est importante. Par contre, il y avait peu d’électeurs indigènes dans le 5 ème quartier dit français et dans le 7 ème -8ème quartier dit nouveau.

Tableau 33383888 – Nombre d'électeurs indigènes* par quartiers et rues à Hanoi (1929-1940)

Quartiers et rues 1929 1930 1931 1934 1935 1938 1939 1940 1er quartier 17 (1) 17 (0) 130 (47) 47 (9) 33 (9) 57 (11) 50 (7) 55 (7) 2ème quartier 49 (8) 53 (12) 468 (218) 169 (62) 153 (40) 200 (72) 190 (52) 275 (80) 3ème quartier 22 (7) 22 (5) 205 (94) 77 (33) 70 (28) 60 (28) 50 (18) 74 (24) 4ème quartier 14 (1) 14 (0) 79 (14) 36 (8) 36 (5) 38 (4) 44 (2) 59 (9) 5ème quartier 1 (0) 1 (0) 12 (2) 4 (0) 4 (0) 1 (0) 0 0 6ème quartier 6 (0) 5 (0) 52 (16) 25 (2) 31 (4) 27 (8) 34 (9) 29 (8) 7ème quarier 2 (0) 1 (0) 7 (3) 7 (2) 8 (1) 5 (0) 5 (1) 13 (3) 8ème quartier 1 (0) 2 (0) 29 (6) 6 (1) 9 (0) 5 (0) 8 (0) 14 (1) Total de 1 à 8 q. 112 (17) 115 (17) 982 (400) 371 (117) 344 (87) 393 (124) 381 (89) 519 (132) Quartier français** 8 (0) 7 (1) 40 (3) 24 (2) 20 (0) 31 (1) 32 (2) 30 (1) Bd.Henri d'Orléans 4 (0) 5 (0) 3 (0) 5 (0) 5 (0) 4 (0) 5 (0) 5 (0) Quai Clémenceau 10 (4) 9 (4) 36 (21) 12 (4) 8 (4) 11 (3) 12 (7) 16 (9) Route Mandarine 4 (0) 1 (0) 31 (17) 8 (0) 11 (0) 5 (0) 10 (3) 18 (5) Autres rues*** 2 (0) 3 (0) 3 (1) 0 1 (0) 0 0 0 Total 140 (21) 140 (22) 1095 (442) 420 (123) 389 (91) 444 (128) 440 (101) 588 (147) * Le chiffre dans la parenthèse montre le nombre de femmes. ** Bds. H.Rivière, Dong Khanh, Gia-Long, Dd.de Lagrée, Rollandes, Carreau, Gambetta, Jaurréguiberry et Rue P.Bert. *** Bds. Carnot, Mal.Joffre, F. Faure et Rue Bovet. Source : CAOM, RST-NF, 2833, 2836, 2838, 2839 et 2841.

Tableau 33393999 – Proportion de femmes dans les électeurs indigènes de Hanoi (1929-1940) Quartiers et rues 1929 1930 1931 1934 1935 1938 1939 1940 1er quartier 5.9% 0.0% 36.1% 19.1% 27.2% 19.2% 14.0% 12.7% 2ème quartier 16.3% 22.6% 46.5% 36.6% 26.1% 36.0% 27.3% 29.0% 3ème quartier 31.8% 22.7% 45.8% 42.8% 40.0% 46.6% 36.0% 32.4% 4ème quartier 7.1% 0.0% 17.7% 22.2% 13.8% 10.5% 4.5% 15.2% 5ème quartier 0.0% 0.0% 16.6% 0.0% 0.0% 0.0% 0.0% 0.0% 6ème quartier 0.0% 0.0% 30.7% 8.0% 12.9% 29.6% 26.4% 27.5% 7ème quarier 0.0% 0.0% 42.8% 28.5% 12.5% 0.0% 20.0% 23.0% 8ème quartier 0.0% 0.0% 20.6% 16.6% 0.0% 0.0% 0.0% 7.1% Total de 1 à 8 q. 15.1% 14.7% 40.7% 31.5% 25.2% 31.5% 23.3% 25.4% Quartier français* 0.0% 14.2% 7.5% 8.3% 0.0% 3.2% 6.2% 3.3% Bd.Henri d'Orléans 0.0% 0.0% 0.0% 0.0% 0.0% 0.0% 0.0% 0.0% Quai Clémenceau 40.0% 44.4% 58.3% 33.3% 50.0% 27.2% 58.3% 56.2% Route Mandarine 0.0% 0.0% 54.8% 0.0% 0.0% 0.0% 30.0% 27.7% Autres rues** 0.0% 0.0% 33.3% 0.0% 0.0% 0.0% 0.0% 0.0% Total 15.0% 15.7% 40.3% 29.2% 23.3% 28.8% 22.9% 25.0% * Bds. H.Rivière, Dong Khanh, Gia-Long, Dd.de Lagrée, Rollandes, Carreau, Gambetta, Jaurréguiberry et rue P.Bert. ** Bds. Carnot, Mal.Joffre, F.Faure et la rue Bovet.

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Par ailleurs, les femmes qui ont rempli les Tableau 40- Nombre d'électeurs par nature du commerce en 1931 conditions ont été inscrites sur la liste électorale ; Catégorie Nombre Femmes néanmoins elles n’étaient pas éligibles. La A 690 (355) proportion d’hommes et de femmes sur la liste B 125 (23) C 202 (47) électorale montre un résultat intéressant. Voici le D 34 (0) Tableau 33393999 ci-dessus qui représente le E 44 (17) pourcentage par quartier de femmes dans les Total 1095 (442) Source : CAOM, RST-NF, 2839 électeurs indigènes à la ville de Hanoi entre 1929 Tableau 41 - Nombre d'électeurs et 1940. Le taux de femmes dans le 3 ème quartier dans la catégorie A en 1931 est généralement important tout comme pour Catégorie Nombre Femmes A① 175 (105) celle du quai Clémenceau qui se situent à 50% en A② 124 (49) moyenne. ③ A 173 (113) D’après le résultat de l’analyse statistique des A④ 25 (5) A⑤ 65 (33) électeurs par catégorie socio-professionnelle en A⑥ 26 (9) 1931, premièrement, la plus représenté des ⑦ A 17 (6) professions est la catégorie A–marchands qui a A⑧ 11 (1) A⑨ 5 (1) compté 690 électeurs et dont les femmes ont A⑩ 21 (3) représenté 355 (51,4%). Deuxièmement, la ⑪ A 13 (5) catégorie C–Service avec 202 électeurs et 47 A⑫ 3 (3) A⑬ 32 (22) femmes (10,6%). Au total, les femmes ont Total A 690 (355) représenté 442 (40,3%) sur 1.095 électeurs. Pour Source : CAOM, RST-NF, 2839 la catégorisation A, en plus détaillé le nombre se Tableau 42- Nombre d'électeurs concentre à quelques catégories : A ①, A ②, A ③ et dans la categorie C en 1931 Catégorie Nombre Femmes A ⑤ . Dans l’ensemble de la catégories A, la C① 8 (1) proportion de femmes a représenté en fait 51.4% C② 57 (36) (355 sur 690), et encore 60% (105 sur 175) dans la C③ 72 (1) C④ 11 (0) catégorie A ①-Alimentations, 39,5% (49 sur 124) C⑤ 54 (9) dans A ②-Première matière, 65,3% (113 sur 173) Total C 202 (47) dans A ③-Textile-Vêtement et 50,7% (33 sur 65) Source : CAOM, RST-NF, 2839 dans A5-Quincaillerie. Parmi les marchands, il existait virtuellement un certain nombre de femmes ne le cédant pas à homme ayant le droit de vote et représentant une maison de commerce. Quant à la catégorie C, les professions dominantes appartiennent à celles de C ②-Hôtel-Restaurant, puis C ③ -Entrepreneur et C ⑤-Loueur, mais ici, il n’y avait presque que dans la catégorie C ②– surtout Gargotière – qu’on a donné un lieu de travail pour les femmes (23,2%). Elles ont représenté 63,1% (36 sur 57) dans la catégorie de C②, soit 76,5% des femmes de la

158 catégorie C. b.b.b. Âge et profession des électeurs vietnamiens de HanoHanoii en 1929 Les âges des électeurs figurent exceptionnellement sur la liste de 1929. D’après le résultat de l’analyse sur la répartition par âge, ceux entre 35 ans et 39 ans, qui sont nés entre 1890 et 1894, ont représenté le plus grand nombre avec 24,0% soit 140 inscrits au total. Le taux de l’âge de 30 ans à 39 ans (36,1%) avoisine celui de l’âge de 40 ans à 49 ans (34,9%) nés entre 1880 et 1889. La tranche d’âge des moins de 29 ans était constituée de 9 électeurs (6,4%) nés après 1900 contre 6 électeurs (4,2%) de plus de 60 ans nés avant 1869.

Graphique 9 – Répartition par âge des électeurs vietnamiens en 1929

plus de 60 ans 4.2% 55-59 ans moins de 29 ans ? 2.1% 6.4% 2.8% 50-54 ans 30-34 ans 12.1% 13.5%

45-49 ans 35-39 ans 16.4% 24.0% 40-44 ans 18.5%

Source : CAOM, RST-NF, 2839.

Y-a-il quelques relations entre l’âge et la profession ? Nous remarquons que dans la catégorie C, le nombre d’électeurs est concentrés sur les âges de 30-39 ans et 40-49 ans. Ces tranches d’âges ont dominé les professions des Services : C ②, C ③ et C ⑤ entre autres. Dans la catégorie A, on voit que les nouvelles générations l’emporteront sur les anciens : il est possible que les premières aient été initiés à l’enseignement moderne (franco-indigène). Cependant, les électeurs de 1929, sauf pour les moins de 29, se situent dans leur majorité entre la génération de 1907 et celle de 1925 (selon la méthode de catégorisation des « générations de conjoncture » par Trinh Van Thao 50 ) : ne pourrait-on la considérer comme celle des opportunistes entre les Lettrés modernistes et

50 Trinh Van Thao, Vietnam du confucianisme au communisme , L’Harmattan, Paris, 1990, P.17.

159 les Révolutionnaires ? Elle a profité de l’époque coloniale en pleine maturité des années 1920. Dans la ville de Hanoi au moins, et parmi les commerçants, c’étaient eux qui ont dominé à cette époque.

Graphique 10 - Répartition par âge et profession des électeurs indigènes en 1929

30 25 moins de 29 20 30-39 15 40-49

Nombre 10 50-59 5 plus de 60 0 ABCDE Catégorie professionnelle

Source : CAOM, RST-NF, 2839. c.c.c. La continuité du droit électoral Les électeurs inscrits dans la liste de 1929 avaient-ils possédé continuellement le droit d’électeur jusqu’à 1940 ? On peut le saisir par l’analyse comparative des listes : par une identification du nom d’un électeur avec sa profession et son adresse sur toutes les listes. Cependant, il faut faire attention car il y a souvent des changements de profession et d’adresse. Dans ce cas-là, on a échantillonné seulement les électeurs identifiés. Bien que cette méthode risque de manquer de précision, les données serviront d’indice pour identifier au moins les électeurs inscrits continuellement que nous considèrerons comme les notables de la ville de Hanoi. Le nombre d’électeurs inscrits continuellement entre 1929 et 1940 était de 30 personnes. Ils représentent 21,4% dans le total des électeurs de 1929. C’est-à-dire, les autres ont été rayés de la liste avant 1940, mais il est possible qu’ils y soient restés jusqu’en 1939. Le résultat aurait été différent de celui-ci si l’analyse avait attaché de l’importance aux durées : par exemple 1929-1939, 1929-1938, etc.... En tout cas, cela ne change pas le nombre d’électeurs qui ont été inscrits en continuité pendant une durée maximale de 11 ans. Parmi les 30 électeurs inscrits continuellement en 1929-1940, leurs quartiers et leurs professions avaient-ils quelques caractéristiques ? La plupart d’entre eux sont nécessairement sortis du 2 ème quartier, le plus animé. D’ailleurs ce qui importe, c’est peut-être qu’il n’y avait aucune personne concernée dans les 5 ème , 7 ème et 8 ème

160 quartiers. Est ce à dire que les notables commerçants indigènes ne se sont pas fixés dans le nouveau quartier ou quartier français, ou plutôt, ne vaudrait-t-il pas mieux penser que le remplacement des inscrits c’est effectué chaque année.

Tableau 443333 – Nombre d'électeurs inscrits continuellement à Hanoi entre 1929 et 1940 Années Durées Nombre (F)* % : pour Total 1ère année (F)* 1929-1940 11 ans 30 (5) 21.4% 140 (21) 1930-1940 10 ans 7 (0) 5.0% 140 (22) 1931-1940 9 ans 67 (18) 6.1% 1095 (442) 1934-1940 6 ans 47 (14) 11.1% 420 (123) 1935-1940 5 ans 26 (5) 6.6% 389 (91) 1938-1940 2 ans 152 (25) 34.2% 444 (128) 1939-1940 1 ans 66 (5) 15.0% 440 (101) * (F) : Nombre de Femmes Source : CAOM, RST-NF, 2833, 2836, 2838, 2839 et 2841.

Tableau 444444 – Répartition par quartier (gauche) et par profession (droite) des électeurs inscrits continuellement à Hanoi entre 1929 et 1940

Quartiers, rues Nombre% pour Total en 1929 Catégorie Nombre % 1er 2 (0) 11.7% 17 (1) A 21 (5) 70% 2ème 16 (3) 32.6% 49 (8) B 3 (0) 10% 3ème 4 (1) 18.1% 22 (7) C 5 (0) 17% 4ème 3 (0) 21.4% 14 (1) D 1 (0) 3% 5ème 0 0.0% 1 (0) Total 30 (5) 100% 6ème 2 (0) 33.3% 6 (0) Détail : A ①:1(0), A ②:6(0), A ③:6(3), 7ème 0 0.0% 2 (0) A⑤:2(1), A ⑦:2(0), A ⑩:2(1), A ⑪: 8ème 0 0.0% 1 (0) 1(0), A ⑬:1(0) ; B ③:1(0), B ⑥:1(0), Autres rues 3 (1) 10.7% 28 (4) B⑨:1(0) ; C ③:1(0), C ④:1(0), C ⑤: Total 30 (5) 21.4% 140 (21) 2(0) ; C ③④⑤ :1(0), D:1(0). / ( ) : Nombre de femmes Source : CAOM, RST-NF, 2833, 2836, 2838, 2839 et 2841.

Quant à leurs professions, les marchands de la catégorie A étaient l’écrasante majorité : 70% contre 30% pour les autres B, C et D. Cela montre que le marché ne s’était stabilisées que dans les affaires des matières premières et des textiles ? Il y avait certainement cette tendance, mais la répartition semble plus variée dans le résultat d’une autre analyse sur 67 électeurs au total, dont 18 femmes, inscrits continuellement pendant 10 ans de 1930 à 1940 : 46 (dont 15 femmes) pour la catégorie A, 11 (1) pour la catégorie B, 7(2) pour la catégorie C (10,4%) et 2 (0) pour la catégorie D. Dans la catégorie A (68%), remarquées A ① : 10 (9), A ② : 7 (1), A ③ : 8 (1), en outre A ⑤ -Quincaillerie : 7 (1) et A ⑧-Appareil électrique : 9 (2) ; dans la catégorie B (16,4%), apparurent des pâtissiers, des tailleurs et des réparateurs. Quant aux catégories C et D,

161 la répartition était pareille au résultat pour 1929-1940. À Hanoi, on pourrait considérer les commerçants de la catégorie A, c’est-à-dire les marchands comme une profession représentative parmi les électeurs. La plupart d’entre eux s’est fait une fortune pendant 10 ans au moins, a formé une couche sociale ayant une conscience politique et engageant la responsabilité de leur société : les dits petits bourgeois. Cette conscience n’aurait jamais pu se faire sans la réalisation du système moderne dans lequel les habitants-commerçants d’Hanoi se sont insérés rapidement dans les années 1920. d. Analyse comparative aux llistesistes électorales de Haiphong Nous pouvons saisir les caractéristiques des commerçants par quartier à Haiphong, avec les listes électorales de la Chambre de commerces et d’industries de la ville de Haiphong 51 , pour les années 1929, 1930, 1931, 1934, 1935, 1938, 1939 et 1940. Toutefois, il est difficile de saisir les situations antérieures et postérieures à 1936 bien qu’il existe 8 listes mentionnées ci-dessus, car il n’y figure pas l’adresse et le quotité des inscrits. Cependant, nous pouvons tout au moins de connaître le nombre d’inscrits par année comme le Tableau 44454555 suivant (Voir aussi Annexe 101010-10 ---tableauxtableaux 76 et 777777).77 Le nombre moyen d’inscrits par année Tableau 45 – Le nombre d’inscrits sur les listes électorales de Haiphong (1929 à 1940) était d’une centaine et à peine un tiers par Années Européens Vietnamiens rapport à Hanoi. Le Tableau 46 montre 1929 126 99 trois types d’électeurs en fonction du 1930 113 102 1931 114 137 nombre d’inscription des électeurs a une 1934 110 131 disposition dont distingue les trois types. 1935 111 111 (1)Électeurs inscrits seulement une ou 1938 114 98 1939 101 89 deux fois. On les voit surtout dans le 1940 104 109 groupe des électeurs européens en 1929 (1 Source : CAOM, RST, NF, 2833, 2836, 2838, fois : 40 inscrits) et en 1931 (1 fois : 60 2839 et 2841. inscrits), alors que les électeurs vietnamiens en 1929 ont le même nombre d’inscrits entre 1 fois (16 inscrits) et 2 fois (17 inscrits). Mais le nombre d’électeurs vietnamiens en 1931 compte 62 inscrits pour 1 fois. Sans doute sont-ils inscrits par hasard. (2)Électeurs inscrits 3 fois. Ce nombre de fois concerne peut-être le cycle de la sélection des électeurs. C’est-à-dire, on peut considèrer que la durée moyenne de service était en général de trois ans, bien que le premier type soit plus nombreux que le dernier. (3)Électeurs permanents inscrits 6 ou 8 fois. Pour les

51 Rédigée par le Résidence supérieure au Tonkin. CAOM, RST-NF, 2833, 2836, 2838, 2839 et 2841.

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électeurs européens et vietnamiens en 1929, les inscrits 8 fois comptent respectivement 15 et 9. Même s’ils n’étaient pas de grands commerçants, ils ont pu être des personnages influents. Parmi les électeurs vietnamiens, la plupart d’entre eux était des entrepreneurs ou des loueurs qui payaient un droit de quotité de 30 (à minima) à 200 (à maxima) piastres. Mais puisqu’il existait une gargotière vietnamienne inscrite 7 fois depuis 1931 qui payait seulement 10 piastres, il n’y a pas toujours eu de rapport entre la somme de quotité et l’inscription permanente à la liste électorale. Après 1931, les électeurs ont semblé se diviser en deux type : inscrits "par hasard " et "permanents ". Bref, cela indique que les électeurs important ont été fixés non seulement sur la liste mais aussi dans le monde commerçants de Haiphong.

Tableau 46 ― Nombre de fois* de l'inscription des électeurs de Haiphong Nombre de fois* de l'inscription jusqu'à 1940 des électeurs en 1929 à Haiphong Européens (126 inscrits au total) 8 fois 7 fois 6 fois 5 fois 4 fois 3 fois 2 fois 1 fois 14 5 5 2 4 38 18 40 Vietnamiens (99 inscrits au total) 8 fois 7 fois 6 fois 5 fois 4 fois 3 fois 2 fois 1 fois 9 5 1 4 16 31 17 16 Nombre de fois de l'inscription jusqu'à 1940 des électeurs en 1931 à Haiphong Européens (114 inscrits au total) 6fois 5 fois 4 fois 3 fois 2 fois 1 fois

25 5 7 8 9 60 Vietnamiens (137 inscrits au total) 6fois 5 fois 4 fois 3 fois 2 fois 1 fois 19 6 3 18 29 62 * Il correspond aux 8 listes (1929, 1930, 1931, 1934, 1935, 1938, 1939 et 1940).

Source : CAOM, RST-NF, 2833, 2836, 2838, 2839 et 2841.

2.2.2. TTTravailTravail et ouvrier dans les années 19201920----19301930 a. La position sociale des petits commerçants Quelle était la position sociale des petits commerçants de Hanoi ? Peut-on les considérer comme des "patrons " en opposition à leurs employés ? Quelle est la frontière entre les classes ? Sans doute la constitution sociale de la colonie est-elle plus compliquée, contrairement aux suppositions. Ce qui importe, c’est la relation entre ces deux classes et le rôle qu’elles ont joué dans la conjoncture sociale, politique et historique qui concerne la question de la « culture de classe » comme une formation

163 sociale se dirigeant avec le système colonial vers un État vietnamien 52 . Pour répondre à cette problématique, ce chapitre consacrera aux études d’abord sur les conditions de travail à la maison ou l’atelier dans Hanoi pour faire ressortir les réalités de la vie des catégories socioprofessionnelles, et puis sur le mouvement de grève déclenché au début de l’année 1937. Celui-ci montrera les relations parmi les patrons, les ouvriers et les prolétaires intellectuels intermédiaires entre les patrons et ouvriers. Les commerçants de Hanoi, soit plus de 5.000 personnes, à quelle position sociale se sont-ils situés ? En un mot, puisqu’ils sont en tout cas patrons, ils sont la classe moyenne dite petite bourgeoise. Mais la plupart des maisons étaient souvent petites et à structure familiale. Un atelier d’artisan pauvre, correspond-t-il à la même catégorie ? D’après l’article 10 de la Règlementation générale du travail en Indochine du 30 décembre 1936 :

« par "artisans " il y a lieu d’entendre les travailleurs de l’un ou de l’autre sexe exerçant personnellement et à leur compte un métier manuel, travaillant chez eux ou en dehors, employant ou non la force motrice, ayant ou non enseigne et boutique, se livrant principalement à la vente du produit de leur propre travail, accomplissant leur travail seuls ou avec le concours de leur conjoint, des membres de leur famille, d’ouvriers ou d’apprentis . »53

Le mot « ouvrier » comprend, selon l’article 7, les fabricants au même sens des artisans et tous les gens au travail autres que les domestiques. C’est-à-dire, la différence entre le patron, l’artisan et l’ouvrier n’est pas très claire parce qu’il y a eu beaucoup de fabricants ou marchands exerçant chez eux, sans employés. On peut les considérer généralement et juridiquement même à la fois comme patrons, artisans, ouvriers et travailleurs. Mais il convient de les situer dans le groupe des patrons pour le moment. Le nombre des ouvriers ou apprentis, n‘a pas dû excéder celui qui est fixé, pour chaque métier ou groupe de métiers, et le cas échéant par région, par arrêté du Gouverneur général. Ce nombre ne pourra, en aucun cas, excéder dix unités, l’artisans devant seul assurer la direction de son travail. C’était par la loi sociale que les fabricants ont été obligés d’exercer modestement un commerce, toutefois la situation réelle était un peu différente avant le réglementation de 1936 ou même après. Si on

52 Voir les études sur la formation de la classe intellectuelle pendant l’époque coloniale du Viêt-nam par Trinh Van Thao, op.cit ., 2004. 53 GGI, Inspection générale du travail et de la prévoyance sociale, Règlementation générale du travail en Indochine, IDEO, Hanoi, 1937, p.14 .

164 porte le regard sur certains menuisiers d’un quartier au nord-ouest du Petit Lac à Hanoi en 1936 (TableauTableau 447777), le nombre d’ouvriers et employés n’était que 6 à 8 en moyenne mais pouvait excéder 10 dans certains ateliers. La Tricoterie Ho-Kong-Ky, n˚20 rue des Cantonnais, employait plus de 40 tricoteuseseseses, ou bien l’imprimerie Ngo-Tu-Ha, sise au n ˚24 rue de la Mission, une des plus grosses imprimeries, employait 120 ouvriers. À la rue des Paniers, les maisons de verrerie dans lesquelles les ouvriers ont été classés par fonctions professionnelles comptaient généralement de 20 à 30 employés chacune y compris les apprentis 54 .

Tableau 447777 – Nombre d’employés des ateliers de menuisier à Hanoi en 1937 N˚ d' Nom d'atelier ou de Nombre N˚ d' Nom d'atelier ou de Nombre adresse patrons d'employé adresse patrons d'employé Rue Albert Pouyanne Rue Amiral Courbet 12 Pham Khiet 12 2 Hanoi-Mobilier 3 14 Phuc Thinh 8 18 My-Duc 18 18 Nguyen-Luong 5 21 Phu-Duc 20 22 Nguyen Van Nhuong 12 Rue Maréchal Petain 25 Cu Phai 6 88 Bac Lam 7 26 Nghiem Vien 8 91 Cu Phat 13 30 Nguyen Si Hoach 7 93 Phuong Lam 4 33 Chandara 6 95 et 108 Quang Nam-Long 9 37 Meubles Modernes 6 Rue Rondony 43 Nguyen Van Vy 6 13 Select Style 12 47 Standard 7 25 Le Huu-Ninh 10 49 Duc Loi 5 59 Nguyen Van Bich 10 Source : CAOM, RST-NF, 2960. 61 Do Van Hop 6

b.b.b. Les situations des ouvriers Puisque l’Indochine est un pays agricole et artisanal, la main d’oeuvre indochinoise est peu apte à la discipline de la production moderne, il n’est pas possible d’astreindre les ouvriers à l’assiduité. « Dans le commerce, il y a de semblables irrégularités dans le travail comme les absences nombreuses, sorties fréquentes », comme l’exprime Justin Godart, sénateur et délégué général du Gouvernement aux Colonies, dans son rapport de mission de 1937 en Indochine 55 . En 1928, le nombre d’ouvriers de Indochine atteignait 221.060 dont 81.200 réparties dans les exploitations agricoles, 86.620 dans le

54 CAOM, RST-NF, 2960. 55 Rapport de mission en Indochine 1 er janvier – 14 mars 1937, établi par Justin Godart, pp.33-34, CAOM, (Fonds Commission) Guernut, 33.

165 commerce et l’industrie et 53.240 dans les mines. D’après les statistiques suivantes (TableauTableau 448888), seuls 6,8% d’entre eux travaillaient dans des entreprises agricoles, alors que de 41,2% et de 51,9% travaillaient respectivement dans les entreprises commerciales et industrielles, et minières. Les ouvriers agricoles étaient employés en Cochinchine et en Annam.

Tableau 448888 – Répartitions des ouvriers d’entreprises par pays indochinois en 1928

commerciales et Total par Pays agricoles minières industrielles pays Tonkin 6440 38870 49020 94330 Annam 16070 6960 220 23250 Cochinchine 49230 31790 néant 81020 Cambodge 9420 8730 néant 18150 Laos 40 270 4000 4310 Source : CAOM, Guernut, 33.

Tableau 449999 ––– Répartitions des ouvriers d’entreprises par origine en 1928

commerciales et Total par Origine agricoles minières industrielles origine Tonkinois & 58000 46300 45500 149800 Annamites Cochinchinois 16000 23200 néant 39200 Cambodgiens 2400 3700 néant 6100 Chinois 300 12000 3800 16100 Javanais 300 130 néant 430 Laotiens, Mois, 3600 700 3100 7400 Rhades, Muong Siamois néant néant 900 900 Source : CAOM, Guernut, 33.

Mais d’après les autres données par origine des ouvriers (voir Tableau 449999), 68,1% d’entre eux étaient originaires du Tonkin et de l’Annam, contre 17,8% de la Cochinchine, 7,3% de la Chine, 2,7% du Cambodge et 3,3% des minorités ethniques. La surpopulation au Tonkin avait jeté des milliers d’ouvriers tonkinois sur les routes de l’exode vers la Cochinchine pour le travail contractuel à la plantation dans les années 1920. L’importance du problème du salariat en Indochine d’alors peut être mesurée par les données de la statistiques. Cependant, la crise a réduit ces chiffres. On peut estimer aussi que la détérioration des conditions des ouvriers après la crise du travail a constitué un des plus importants facteurs qui aura déclenché le mouvement de grève

166 des ouvriers. Mais alors, les patrons étaient également dans une situation difficile avec leurs employés. Les patrons ont abaissé les salaires de leurs ouvriers.

Tableau 505050 – Salaires moyens (en piastres) des ouvriers payés à la journée (1931-1937)

1931 1932 1933 1934 1936 1937 (1)Ouvriers spécialistes Hanoi 0.63 0.61 0.61 0.61 0.54 0.59 Haiphong 0.79 0.57 0.66 0.58 0.56 0.55 Annam 0.81 0.70 0.64 0.69 0.59 0.62 Saigon-Cholon 1.50 1.35 1.25 1.19 1.10 1.17 (2)Ouvrière spécialistes Tonkin 0.22 0.23 0.22 0.24 0.19 0.23 Saigon-Cholon - 0.49 0.34 0.55 0.44 0.47 (3)Ouvriers Hanoi 0.36 0.31 0.30 0.29 0.26 0.28 Haiphong 0.37 0.35 0.35 0.30 0.26 0.30 Annam 0.37 0.35 0.31 0.25 0.24 0.25 Saigon-Cholon 0.74 0.68 0.62 0.55 0.53 0.61 (4)Ouvrières Hanoi 0.22 0.22 0.22 0.20 0.18 0.20 Haiphong 0.31 0.25 0.23 0.21 0.17 0.21 Annam 0.25 0.25 0.22 0.19 0.15 0.19 Saigon-Cholon 0.45 0.44 0.41 0.43 0.38 0.42 (5)Mineurs et apprentis Tonkin 0.23 0.21 0.18 0.17 0.15 0.17 Saigon-Cholon 0.50 0.49 0.37 0.35 0.34 0.39 (6)Coolies spécialistes Tonkin 0.47 0.41 0.40 0.40 0.36 0.40 Saigon-Cholon - 0.75 0.77 0.75 0.62 0.73 (7)Contremaîtres Tonkin 1.00 0.95 1.14 1.08 0.88 0.88 Saigon-Cholon 2.00 1.90 2.00 1.93 1.85 2.05

Source : GGI, Annuaire statistique de l'Indochine , 1936-1937, IDEO, Hanoi, p.193.

Par l’arrêté du 25 octobre 1927, les salaires devaient être payés au moins une fois par mois. Des enquêtes officielles ont été faites en 1931, 1932 et 1933 sur les salaires pratiqués dans les principaux centres industriels pour la main-d’oeuvre indigène en Indochine 56 . Dans les mines du Tonkin, le salaire quotidien des manoeuvres varie de 0,20 à 0,30 piastre ; le salaire moyen des manoeuvres, pour le nord de l’Indochine, s’élève toutefois à 0,35 piastre (hommes) et 0,21 piastre (femmes). Pour la main-d’oeuvre qualifiée : maçons, peintres, imprimeurs, relieurs, dessinateurs, ouvriers

56 Bureau international du travail, Problèmes de travail en Indochine , Genève, 1937, pp.147-148.

167 spécialisés des usines, nous trouvons en 1933 les moyennes de salaires suivantes : 0,68 piastre (homme) et 0,25 piastre (femme) pour le nord de l’Indochine ; 1,25 piastre pour la région Saigon-Cholon. En 1931, le niveau de salaire était à Saigon le double de celui de Hanoi (TableauTableau 505050).50 Selon l’étude du bureau international du travail à Genève, cet écart s’explique par le fait que la main-d’oeuvre est pléthorique dans le delta tonkinois surpeuplé, alors qu’elle est insuffisante dans le sud de la colonie, et l’argent plus abondant dans la riche Cochinchine que dans le nord, où chaque fraction de piastre a sa valeur puisqu’il existe des sapèques en zinc d’un pouvoir d’achat infime ; par ailleurs, l’éloignement de ces deux régions ouvrières de l’Indochine empêche tout nivellement des salaires 57 . En fait, il semble que les chiffres de salaires, déjà extrêmement bas par rapport à la progression des salaires de 1925 à 1930, donnent encore une idée trop optimiste du salaire réel du travailleur indochinois. Déjà très réduit par ce demi-chômage forcé, le salaire du travailleur indochinois ne permettait pas un niveau de vie normal. D’ailleurs il faut ajouter que le problème est aggravé par la hausse brusque des prix à la consommation et de détail. Sur les deux graphiques (GraphiqueGraphique 11 et 121212),12 ces courbes montrent semblablement la même tendance ; tous les indices ont continué à diminuer jusqu’à la fin de l’année 1936 et après ont monté brusquement. À Hanoi en 1931, l’indice des prix à la consommation montre 178 pour les Européens, 194 pour les Indigènes de la classe moyenne et 171 pour les Indigènes de la classe ouvrière, mais en 1936 où l’indice était au plus bas, respectivement 127, 128 et 111. C’est-à-dire, la hausse de l’indice pour les Indigènes était frappante par rapport à celle pour les Européens. Cette différence s’explique par le fait que la baisse des prix des denrées a porté au coût de la vie des Indigènes un coup plus grave que pour les Européens . Toutefois, l’indice des prix à la consommation a remonté sous l’influence de la hausse des prix de détail jusqu’à 190 pour les Européens, 212 pour les Indigènes de la classe moyenne et 192 pour les Indigènes de la classe ouvrière en 1939. D’ailleurs, on rend compte d’un phénomène continuel que le coût de la vie était plus cher à Hanoi qu’à Saigon comme le montre le mouvement des deux indices des prix de détail à Hanoi et à Saigon. La région tonkinoise était encore frappée par la crise en 1938 : par exemple, les industries du cotons sont réduites au chômage, et les métiers qui continuent à fonctionner sont trop irrégulièrement alimentés pour produire dans de bonnes conditions 58 .

57 Ibid ., p.149. 58 Rapport du janvier 1938 par le résident de France à Hà Dông . CAOM, RST-NF, 2896.

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Graphique 11 - Indice des prix à la consommation à Hanoi (1931-1939)

225 200 175 Européen 150 125 Indigène (classe 100 moyenne) 75 Indigène (classe 50 ouvrière)

Indice Indice (1910-1914=100) 25 0

2 7 e 3 34 3 ier 9 9 9 v 1931 1 1933 1 1935 1936 1 1938 n juin ja 9 3 novembr 19 An

Source : Bulletin économique de l’Indochine (1939), IDEO, Hanoi, 1939, p.1231.

Graphique 12 - Indice des prix de détail à Hanoi et à Saigon ( 1931-1939 ) 225 200 175 150 125 Hanoi 100 Saigon 75 50

Indice Indice (1910-1914=100) 25 0

1 2 3 4 5 6 7 8 r in e 3 3 3 3 3 3 3 3 ie u r 9 9 9 9 9 9 9 9 v j 1 1 1 1 1 1 1 1 n ja emb ov 9 n 193 An

Source : GGI, Bulletin économique de l’Indochine(1939), IDEO, Hanoi, 1939, p.1230.

Enfin, il est essentiel de considérer que les indices des loyers en Indochine ont démontré plus ou moins l’existence d’un problème des habitations auquel il conviendrait d’attacher une attention particulière (TableauTableau 5151). Sur la base de 100 piastres en 1925, ils étaient les suivants au mois d’août 1938, c’est-à-dire après les dévaluations successives subies par la piastre, qui était liée au franc. Ils établissent que les prix de location des maisons ont marqué dans quatre postes une hausse qui est sans proportion

169 avec la diminution du pouvoir d’achat de la monnaie locale. Compte tenu des dévaluations de la piastre, ces réductions représentent un allègement très sensible des charges incombant aux locataires 59 .

Tableau 51 - Les indices Indices Hanoi Saigon des loyers à Hanoi et à en piastre Saigon (1925 et 1938) en 1925 en août 1938 Logements pour Europé 100 119 83 ens Logements pour Indigènes appartenant à la classe 100 107 94 moyenne Logements pour Indigènes appartenant à la classe 100 112 112 ouvrière Source : CAOM, RST-NF, 2600.

333.3... L’introduction des lois sociales a.Les salaires des ouvriers La Chambre de Commerce de Saigon a publié quelques chiffres relatifs aux licenciements de personnel durant le second semestre de l’année 1931. Il résulte de ce document que de juillet à décembre 1931, les licenciements atteignaient les totaux suivants : 102 Européens, 22 Français de l’Inde, 1.697 Annamites et Chinois. Ils dénotent pourtant une amélioration sur le semestre précédent, le pourcentage étant : Européens (2 ème semestre) 15.2% contre (1 er semestre) 18%, Français de l’Inde 16,5% contre 17,5%, Annamites et Chinois 15,3% contre 22,9%. Il convient de noter que pour la même période un « mouvement d’embauche » s’est produit – probablement vers la fin de l’année – soit 19 Européens, 5 Français de l’Inde, 508 Annamites et Chinois embauchés 60 . De même le journal "Courrier Colonial " daté du 7 décembre 1934 écrit : « 359 Français et 2.405 Annamites avaient été secourus par œuvre saïgonnaise d’assistance aux chômeurs ». Au sujet des chômeurs du Tonkin et du centre de l’Annam, le Conseil de direction se mettait en rapport avec l’Amicale des Tonkinois pour résoudre au mieux la question des chômeurs étrangers 61 . Mais la crise économique s’est éternisée. En 1936, les salaires des ouvriers avaient

59 CAOM, RST-NF, 2600. 60 Les annales coloniales , le 10 mai 1932 (CAOM, A-FOM, carton 169, dossier 26). 61 Courrier Colonial , le 7 décembre 1934 (CAOM, A-FOM, caron 169, dossier 26).

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été payés en moyenne 4 à 8 piastres (0,5 à minima et 17 à maxima) par mois dans 8 ateliers (dont 5 annamites et 3 chinois) de verrerie sur la rue des Paniers (le 2 ème quartier) à Hanoi (TableauTableau 552222). Ces chiffres ont représenté de 0,13 à 0,26 piastres à la journée, alors que les salaires moyens des ouvriers de Hanoi avaient été de 0,22 à 0,63 piastres à la journée en 1933, et 0,54 piastres en 1936 contre 0,53 piastres à Saigon-Cholon. Les ouvriers spécialistes mêmes – fondeurs et souffleurs – n’ont été payés que 0,56 piastres au maximum à la journée contre 1,10 piastres en moyenne à Saigon-Cholon. Les maisons chinoises de verrerie, avec un maximum de salaire de seulement 0,2 piastres à la journée, a donné l’impression d’être moins payé que celles des Annamites. La pire condition de travail vint frapper en 1936 plutôt qu’immédiatement après l’arrivée de la crise économique de 1929. Les ouvriers la ressentirent cruellement, comme le montre deux lettres de revendications écrites en janvier 1937 à Hanoi par les grévistes des tailleurs et des cordonniers :

(LettrLettrLettree des tailleurstailleurs) : « De 1929 à 1935, par suite de la crise, nos salaires ont été diminués. En 1936, suite à la dévaluation du franc, les prix des denrées augmentent sensiblement. Nos salaires sont généralement de 8,00 piastres par mois (0,26piastres à la journée). Une pareille somme ne nous permet pas de vivre dans l’aisance. La plupart d’entre nous reste en pension chez des amis et passe la nuit chez le patron, dans un lieu malsain. Il y a parmi nous des tailleurs qui travaillent de 6h à 22h, avec un repos de 20 minutes à midi pour manger. Ils sont considérés par leurs patrons comme des machines, travaillant sans interruption, et tombent ainsi souvent malades. Telle est notre malheureuse situation . »62

(LettreLettre des cordonnierscordonniers) : « En 1934, nous avions un salaire raisonnable. A cette époque, par suite de la crise, nos patrons profitaient de l’occasion pour abaisser nos salaires, chaque piastres de 40 cents. Nous nous contentions de cette diminution sans oser réclamer. Maintenant les prix de toutes les denrées augmentant, avec un salaire actuel nous ne pouvons pas subvenir à nos besoins quotidiens. C’est ainsi que nous prions nos patrons d’augmenter nos salaires de 30% qui sont à peu près égaux à deux de 1934 Ce n’est que dans ce cas que nous pourrons vivre plus aisément. »63

62 Lettre du 16 janvier 1937. Déstination inconnue. Traduction sommaire d’un écrit en qu ốc ng ữ remis au Commissaire Central par l’un des grévistes. CAOM, RST-NF, 2960. 63 Lettre du 21 janvier 1937 adressée au Commissaire de la Police de Hanoi. CAOM, RST-NF, 2960.

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Tableau 552222 – Nombre d’ouvriers et leurs salaires par mois dans des Maisons de Verrerie (A). Maisons annamites (Rue des Paniers / le 19 décembre 1936 / salaire en piastre) Thanh-Duc, (adresse) n ˚65 Hop-Duc, (adresse) n ˚75 Fonction Nombre Salaire Fonction Nombre Salaire Fondeur et souffleur 20 4 à 17 Fondeur et souffleur 10 4 à 15 Polisseur 8 2 à 6 Polisseur 4 2 à 8 Vendeur 4 4 à 12 Vendeur 4 6 à 10 Apprenti 12 0,50 à 2 Apprenti 9 0,50 à 2 Vinh-Loi-Vinh, n˚ 52 Van-Dzu, n˚ 54 Minh-Phu, n˚ 73

Fonction Nombre Salaire Fonction Nombre Salaire Fonction Nombre Salaire

Fondeur 1 5 Fondeur 1 8 Fondeur 1 15

Souffleur 6 8 Souffleur 12 4,5 à 14 Souffleur 6 7

Polisseur 2 6 Polisseur 7 3 à 5 Polisseur 2 5

Apprenti 15 1,3 à 3 Apprenti 14 1,2 à 3 Apprenti 17 1 à 2 (B). Maisons chinoises (Rue des Paniers / le 19 décembre 1936 / slaire en piastre) Vinh-Hung-Hieu, n ˚48 Vinh-Giu, n˚81 Vinh-Hoa, n ˚62

Fonction Nombre Salaire Fonction Nombre Salaire Fonction Nombre Salaire

Fondeur 1 6 Fondeur 1 8 Fondeur 1 8

Souffleur 4 6 Souffleur 6 4 à 10 Souffleur 3 5 à 10

Polisseur 1 8 Polisseur 4 6 à 8 Polisseur 2 5 à 8

Apprenti 11 1 Apprenti 9 1 à 2 Apprenti 7 1 à 1,5 Source : CAOM, RST-NF, 2960.

Selon Justin Godart, les papeteries de l’Indochine traitaient, au point de vue des salaires, leur personnel dans les conditions bien supérieures à celles des fabricants indigènes. Et, au point de vue des conditions du travail, « il suffit d’avoir visité le village du papier, près Hanoi, pour constater que si celui-ci est infiniment pittoresque, il est pitoyable en ce qui concerne l’hygiène et l’emploi de la force humaine. Au bord de la route, au niveau boueux d’une mare, sont alignés des pilons à pâte »64 . Le Directeur général de la société d’Imprimerie d’Extrême-Orient a déclaré alors le même contraste entre l’imprimerie française et l’imprimerie annamite :

« Si l’on compare la situation des ouvriers employés dans notre entreprise avec ceux employés dans les entreprises d’imprimerie indigène, on constatera que les nôtres sont

64 Rapport établi par Justin Godart, pp.35-36. CAOM, Guernut, 33.

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dans une situation privilégiée. Les salaires que nous payons sont très au-dessus de ceux payés dans la corporation. Il n’est pas rare, en effet, de rencontrer des ouvriers indigènes payés par les patrons indigènes de 0,10 à 0,20 piastres par jour ; qui travaillent suivant la coutume du pays 14 à 16 heures par jour – couchant sous la machine – mangeant sur la machine – nourris par le patron d’un bol de riz et réduits à l’état de servage grâce aux avances de salaires faites à des taux usuraires . »65

C’est vrai que le développement industriel de l’Indochine a eu pour conséquence la création d’une classe ouvrière nombreuse pour laquelle des lois sociales n’avaient pas été édités avant les années 1930,. Le décret du 19 janvier 1933 s’est, en effet, borné à réglementer le travail des femmes et des enfants et à fixer un minimum de règle d’hygiène et de sécurité dans les établissements industriels et commerciaux en Indochine. Mais le Réglementation du travail n’est plus adéquate pour faire face à la crise économique des années 1930 66 . C’est vers le 30 octobre 1936 que les mesures destinée à protéger plus efficacement la main-d’oeuvre locale indigène et de la faire bénéficier dans toute la mesure du possible des avantages accordés aux ouvriers et employés métropolitains sont prises. C’est dans ce but que le projet de décret du 30 décembre 1936, fixant les conditions de travail des indigènes ou assimilés a été préparée. Selon cette Règlementation générale du travail en Indochine (chapitre Ⅰ- article 1) : « Le présent décret est destiné à réglementer en Indochine, sous réserve des droits des souverains protégés, les rapports de travail entre, d’une part, les patrons quel que soit leur statut personnel, et d’autre part, les ouvriers ou employés indigènes ou assimilés des entreprises industrielles, minières ou commerciales »67 . La législation sociale indochinoise, issue des décrets des 30 décembre 1936 et 24 février 1937, s’est engagée, dans la voie suivie par certaines réglementations étrangères en prescrivant la fixation de salaire minimum dans toute les entreprises commerciales et industrielles. Plusieurs circulaires du gouverneur général ont commenté les dispositions du décret du 30 décembre 1936 relatives aux salaires minima, donné toutes précisions utiles en ce qui concerne leur application aux salaires indigènes. Selon l’article premier, le territoire du protectorat du Tonkin est divisé, pour la fixation du salaire minimum, en 6 zones déterminées d’après la densité de la population, les ressources locales, l’éloignement des centres de recrutement de main-d’oeuvre et les

65 Ibid ., p.36. 66 GGI, Inspection générale du travail et de la prévoyance sociale, Règlementation générale du travail en Indochine , IDEO, Hanoi, 1937, pp.11-12. 67 Ibid ., pp.12-13. Voir aussi Annexe 1111.

173 difficultés d’accès et d’approvisionnement (TableauTableau 5553 5333)68 . Le salaire minimum d’un homme à Hanoi est fixé à 0,25 piastres par jour et fait environ 7,50 piastres par mois. Ce chiffre égale la somme moyenne du salaire des ouvriers des maisons de verrerie comme je l’ai signalé ci-dessus, toutefois il ne peut pas être à minima. Parmi elles, puisque certaines n’ont pu payé que 4 piastres au plus, cette législation sociale a jeté le trouble chez les patrons. Cela a constitué un des facteurs majeurs du mouvement de grève.

Tableau 55535333 – Le salaire minima (en piastre) par jour des ouvriers établi au Tonkin en 1937

Section Ville et région Homme Femme Mineur* 1 section Hanoi, Haiphong 0,25 0,20 0,15 2 section Hadong, Nam-dinh 0,22 0,17 0,13 3 section Hai-duong, Ha-nam, Hung-yên, Thai-binh 0,20 0,15 0,11 Bac-giang, Bac-ninh, Kien-an, Ninh-binh, 4 section 0,21 0,16 0,12 Phuc-yên, Son-tay, Vinh-yên Hoa-binh, Lang-son, Lao-kay, Thai-nguyên, 5section 0,26 0,20 0,15 Quang-yên, Yên-bay, Cao-bang, Tyuyen-quang 6 section Bac-kan, Son-la, Mon-cay, Ha-giang, Lai-chau 0,33 0,25 0,19 * de 12 ans à 18 ans. Source : GGI, Inspection générale du Travail et de la prévoyance sociale, Règlementation générale du Travail en Indochine , IDEO, Hanoi, 1937, pp.138-139.

Si nous remontons un peu dans le passé, il convient de rappeler qu’une manifestation impressionnante s’est déroulée en 1934 à Saigon. Devant la Mairie et aux alentours, une foule d’environ 8 .000 Français et Annamites où se trouvait côte à côte toutes les classes de la population sans distinction de races, ni de castes, a proclamé son droit à la vie. Le meeting qui s’est déroulé dans le calme a obtenu un succès qui a dépassé largement les prévisions des plus optimistes. Le Maire, exposa brièvement les raisons et les buts de cette manifestation :

« Elle constitue une protestation publique contre la politique financière actuelle qui, acculant les riziculteurs à la ruine, amènera par répercussion celle des commerçants et industriels, puis des fonctionnaires et des autres classes de la population. Elle tient à signaler à l’opinion publique de l’Indochine et de la Métropole, les agissements d’une oligarchie financière qui veut régenter à elle seule nos destinées et les graves responsabilités qu’elle assume en réduisant à la misère la population laborieuse de ce pays. Si, après trois ans d’une lutte désespérée, les cultivateurs en arrivent à la grève les bras croisés, au refus de continuer à cultiver les rizières à perte, il faut bien qu’on

68 Ibid ., p.138.

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sache que ces résolutions extrêmes sont une forme de la lutte contre la dictature financière. Nous voulons également adresser le témoignage de notre confiance en la droiture et l’énergie des nouveaux dirigeants de l’Indochine et les assurer de notre concours loyal et complet dans l’oeuvre urgente de redressement de la situation économique du pays. »69

Il est surprenant que cette manifestation ait été présidée par le Maire de la Ville, le Docteur Biaille de Langibaudière. Ce qui importe avant tout, c’est la critique audacieuse lancée par l’administrateur indochinois lui-même contre l’autorité indochinoise de Hanoi, et puis l’appel "public" à la manifestation de masse, de l’exhibition de son bien-fondé. C’est que le problème social en Indochine n’est plus un problème essentiellement français. Il est principalement Indochinois. Les Indigènes ont pu apprendre, à ce moment, le moyen de revendiquer et lutter pour l’amélioration du niveau de vie, non seulement par l’organisation d’un grand meeting, mais aussi peut-être par un autre moyen plus adroit, c’est-à-dire par le mouvement de grève. b.La synchronisation avec le Front populaire Revenons à la période où le mouvement de grève s’est déclenché à la fin de 1936. En fait, on peut regarder ce mouvement comme lié à une conjoncture très politiques. C’est parce que les grévistes posent la question de l’application des lois sociales de la France du 7 juin 1936 (Accords de Matignon) sous le gouvernement du Front populaire. De plus c’est le 30 décembre 1936 que la règlementation générale du travail a été promulguée en Indochine. C’est-à-dire, le déclenchement des grèves a pour cause l’application de la loi sociale à l’Indochine. Citons une lettre en Qu ốc Ng ữ traduite en français du 16 janvier1937 écrite par les tailleurs grévistes:

« Nous, tailleurs, avons connaissance, par voie de presse, que des travailleurs ont bénéficié beaucoup de privilèges, après la prise de pouvoir par le Gouvernement “Front populaire’’, tels que ; service de 40 heures par semaine, augmentation de salaire, congé accordé tous les dimanches, congé de 15 jours par an, contrat entre patrons et ouvriers. Seuls nous, nous n’avons pas encore eu bénéfice de ces lois sociales. »70

69 La plupart des représentants des corps élus étaient présents, notamment de nombreux membres des Chambres de Commerce et d’Agriculture, ainsi que tous les conseillers coloniaux et municipaux français et annamites, puis Ernest Outrey, Député de la Cochinchine, Vice-Président de la Commission des Colonies. Le Midi Colonial , le 31 mai 1934 (CAOM, A-FOM, carton 169, dossier 26). 70 Lettre de revendication écrite par le représentant de 1.500 tailleurs remise au commissaire central de Hanoi par l’un des grévistes. CAOM, RST-NF, 2960.

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Leur tournure de discours est semblable à d’autre. La totalité des cordonniers, le 22 janvier 1937, ont demandé l’autorisation de cesser provisoirement leur travail pour faire connaître à leurs patrons les malheurs qu’ils subissent depuis 1934 :

« Nous vous demandons l’autorisation de cesser provisoirement notre travail pour faire connaître à nos patrons les malheurs que nous avons subis depuis 1934. Maintenant, grâce au gouvernement humain du Front populaire, que nous pouvons y compter pour demander aide et assistance . »71

D’ailleurs, il y a eu une raison pour laquelle les ouvriers, et les instigateurs communistes même, ont concentré les grèves à la fin du mois de janvier 1937. Ils ont coordonné leurs actions à l’arrivée en l’Indochine de Justin Godart pour une mission consacrée à la défense des humbles et des faibles du 1 er janvier au 14 mars 1937,. Homme politique radical, député, sénateur, ministre du Front populaire, et ami d’ Hồ Chí Minh , il fondera ensuite en 1946 l’association France-Viêtnam 72 . Sur l’initiative de l’ouvrier chapelier Bui Si Me , 16 rue de Sầm Công , instigateur de la grève, les grévistes se sont cotisés dans la journée du 21 janvier pour envoyer à Justin Godard et au Gouverneur général Brévié le télégramme avec les signatures de 200 chapeliers revendiquant augmentation salaire de 40%, la journée payée à l’heure, onze heures de travail, un congé payé le dimanche, un congé annuel de 15 jours payés et l’amélioration des conditions de travail. Le 29 janvier, six cuisiniers se sont réunis au bureau du "Travail " pour rédiger les revendications à soumettre à Justin Godard, et de même les chauffeurs d’autobus ont adressé le 2 février 1937 à un homme nommé Ph ạm Ta , teinturier, représentant du Peuple et Inspecteur du travail, une lettre de revendications destinés à être remise à Justin Godart. Lors d’une grève dans l’imprimerie Ngo-Tu-Hà du décembre 1936, les grévistes ont envoyé trois délégués à Haiphong, auprès d’Albin Peyron, ancien commissaire général de l’Armée du Salut en France, qui est arrivé à Haiphong. Un quotidien "Vi ệt-Báo " du 15 décembre de cette imprimerie le présenta comme « membre de la Commission d’enquête sur les lois ouvrières en France ». Un journal "La Volonté indochinoise " le déclare « envoyé par le gouvernement du Front populaire en vue d’examiner la situation de la main-d’oeuvre en Indochine ». Finalement, 5 grévistes ont repris le travail et les autres (une cinquantaine) attendaient, dans le calme, l’intervention de l’inspecteur du travail

71 Lettre en quôc-ngu traduite en français, adressé au commissaire de police. CAOM, RST-NF, 2960. 72 Alain Ruscio, Une place Justin-Godart à Paris in Historien, Tribune libre , article paru le 13 juin 2006.

176 et d’Albin Peyron. c.c.c. LLL’arrivéeL’arrivée de Justin Godart à Hanoi 73 Avant le débarquement à Saigon, dit Justin Godart, un appel avait été lancé aux travailleurs : « Travailleurs », « Allez en masse ». Justin Godart arriva à Saigon, le vendredi 1 er janvier 1937 à 9 heures du matin. Chargé par le Gouvernement du Front populaire de l’étude des questions concernant le travail (salaire, hygiène, législation ouvrière etc...). Son devoir était de prendre contact avec les délégations ouvrières pour connaître leurs revendications. La police avait, sur le port, derrière la troupe, réservé un emplacement pour les manifestants ouvriers. Ceux-ci, lorsque Godart est passé devant eux, ont déployé des banderoles avec écrites les phrases : « Vive le Front populaire », « Nous voulons les libertés syndicales », « La semaine de quarante heures ». Un mois après, Godart arriva à Hanoi le 2 février 1937. Le Chef de la Sureté n’a pas communiqué à la presse la date et l’heure de son arrivée à Hanoi. Mais la presse ne s’est pas égarée et a exposé plus tard à Godart la situation :

« Devant ces incertitudes, nous avons pris l’initiative d’organiser le mouvement populaire en commençant par faire un appel au calme et à la discipline et nous avons demandé à la population d’attendre un deuxième tract précisant, exactement l’heure et l’endroit ou vous descendrez pour se rendre à la réception . »74

Il y avait, effectivement, plus de dix mille personnes qui sont venues à la gare le 1 er février l’attendre de 1 heure jusqu’à 4 heures de l’après-midi dans un ordre parfait. Mais ils n’ont pas perdu courage et ont redoublé leur propagande verbale pour faire venir les masses le 2 février. Cette-fois-ci, la Sûreté a communiqué l’heure de son arrivée et le moyen par lequel il arrivait. Ainsi, plus de 3.000 personnes se sont portées au devant de Godart. Ce qui est intéressant ici, c’est que les manifestants se divisaient en groupes corporatifs portant des insignes et se tenant sur les deux trottoirs dans un ordre parfait. La population française et annamite était favorablement impressionnée de cette discipline collective dont on ne croyait pas les annamites capables. Bien que les manifestants regrettèrent profondément de n’avoir pas pu saluer Godart, le Chef de la Sûreté félicita de l’ordre qui y régnait. Il est vrai que c’était eux qui voulaient souligner le calme et l’ordre parfait. Les organisateurs de la manifestation pour Godart s’en

73 Voir aussi Annexe 12 --- Cliché 23 et 242424.24 74 Rapport établi par Justin Godart, p.16. CAOM, Guernut, 33.

177 expliquent clairement :

« Ils ne manifesteront pas leur joie. Ils iront au devant de M.Justin Godart sans préjugé d’aucune sorte. Pas d’accueil enthousiaste que rien ne justifie. Pas de manifestation hostile non plus. Simplement avec ordre et discipline, les travailleurs de la colonie dérouleront sous les yeux du chargé de mission leurs revendications essentielles. Par leur présence et leur nombre, ils montreront toute l’importance qu’ils attachent à la question sociale que pose l’arrivée même de M.Justin Godart. Ils exprimeront leur désir et leur volonté d’obtenir à brève échéance, les réformes qui amélioreront leurs conditions misérables : libertés politiques et syndicales. Semaine de quarante heures, législation ouvrières, assurances sociales . »75

Cette manifestation a été conduite par les conseillers municipaux d’ouvriers, des délégués ouvriers, un groupe de représentants du peuple, et notamment de sa propre initiative par le groupe du journal de tendance communiste "Le Travail " qui dirigeait une série de mouvements de grève à Hanoi. Une telle manifestation unie dans l’ordre n’a pu être organisée que par les signatures des délégués sur la lettre de revendication 76 .

75 Ibid ., p.14. 76 Sur une lettre d’avril 1937 adressée au Gouverneur. général, signent les 13 délégués des travailleurs à Hanoi : cheminois, traminots, typographes, cioffeurs, blanchisseurs, tailleurs, tisserants, cordonniers, chapeliers, brodeurs, boys et cuisiniers, couturiers, chauffeurs. CAOM, RST-NF, 4481.

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Chapitre ⅢⅢⅢ. La solidarité liée aux mouvement sociaux

« André Malraux a écrit qu’il était difficile de concevoir qu’un Annamite courageux soit autre chose que révolutionnaire. Simplement parce qu’il veut vivre, travailler, aimer, s’élever. Parce qu’en dépit des promesses officielles, tout lui est refusé. Parce que sur le moindre de ses actes pèsent des menaces dont la mort n’est pas

toujours la plus redoutable. »77

L’espace urbain indochinois a sans aucun doute changé matériellement grâce à la colonisation-civilisation exercée par la France depuis la fin du XIX e siècle. Elle a également influencé le comportement, les règles et les valeurs des Vietnamiens. Mais ceux-ci ont-ils changé passivement ? La réponse est « non » pour la même raison que celle évoquée par Samuel L.Popkin parlant du changement des paysans de la société rurale au Viêtnam 78 . «Ils ne cherchent pas à rétablir les habitudes et les institutions traditionnelles, mais à les refaire. Il ne s’agit pas de l’étendue de la menace pour une classe, mais du risque contre les participants individuels ». Popkin ajoute encore qu’il y a une distinction claire entre la rationalité de l’individuel et du groupe. En se référant à sa thèse, les chapitres suivants examineront un mouvement de grève déclenché à Hanoi en 1937 79 . Malgré la crise durable après 1930, une société à maturité mais plus complexe qu’avant a été formée à Hanoi dans laquelle apparurent les nouveaux acteurs individuels et les nouvelles classes sociales. Ce que nous voulons voir ici concernent particulièrement la situation des petits commerçants, artisans et boutiquiers des classes moyennes qu’on appelle "la petite bourgeoisie " selon les théories mise au point au XIX e siècle par Marx sur la classe ouvrière ; étudier leur mode de vie, leur activité, leur rôle historique demeurés longtemps dans l’ombre, tandis que les héros, révolutionnaires et protagonistes communistes ont attiré tous les regards ; comment les nouveaux réseaux sociaux, différents de ceux des paysans, ont été créés à la faveur de la grève.

77 Eugène Dabit, Novelle Revue fançaise , 1 er juin 1934 ; cité par Le Travail , 16 avril 1937. 78 Samuel L.Popkin, The Rational Peasant. The political Economiy of rural society in Vietnam , University of Carfornia Press, Berkeley-Los Angels-London, 1979, pp.245-246. 79 Les documents (lettres, notes et rapports, etc.) sur ce mouvement de grève à Hanoi se basent principalement sur les archives du CAOM, RST-NF, 2960.

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1. L1. LesL es grèves de 1937 à Hanoi Quelques grèves se déclenchaient du début d’août 1936 dans le salariat vietnamien et chinois pour protester contre les conditions ouvrières intolérables. Selon Daniel Hémery, au moins 242 grèves ont été recensées en Indochine du 15 août 1936 au 15 janvier 1937, et pendant ce temps le mouvement était particulièrement intense au Sud. Mais il s’est poursuivi sûrement après janvier 1937 en reprenant aux mois de mars et de mai 80 . En ce qui concerne la catégorisation ethnique des établissements touchés par le mouvement, l’Inspecteur du Travail déclare, entre le 1 er novembre 1936 et le 9 mars 1937, pour la Cochinchine, 30 établissements français, 152 établissements chinois, 41 établissement annamites, sans compter de très nombreux petits patrons annamites. Du 1er janvier au 9 février 1937, au Tonkin, ont été en grève 17 établissements français, 2 européens, 58 chinois, 628 annamites. Les grèves des mines du Tonkin qui ont affecté 20.000 ouvriers n’entrent pas dans ce compte, ayant été antérieures à la période à laquelle il a trait. Il s’agit donc d’un ensemble d’industries et de commerce d’importance comparables 81 . À Hanoi, une des premières grèves recensées a été déclenchée au 27 novembre 1936 par les employés de l’Hôtel Métropole et de l’Hôtel des Colonies qui ont réclamé une augmentation de salaire et ont menacé de se mettre en grève s’ils n’obtenaient pas satisfaction. Ces revendications ont concerné : (1) l’octroi du repos hebdomadaire et du congé annuel payé ; (2) le paiement des heures supplémentaires de travail ; (3) l’augmentation de salaire. Le directeur de l’Hôtel Métropole a demandé au personnel de continuer le travail. Il était décidé à donner satisfaction aux revendications formulées, sauf en ce qui concerne l’augmentation des salaires. L’Hôtel Métropole employait 136 boys et cuisiniers, payés à raison de 8 à 16 piastres par mois, selon leur affectation et leurs capacités. Un bon nombre d’eux obtenaient des pourboires variant de 3 à 15 piastres par mois. Les salaires représentent la même demande que les autres grévistes. Le nombre de grèves a augmenté pour culminer en janvier 1937 (GraphiqueGraphique 1313). Le mouvement de grève s’est amplifiée après la promulgation de la réglementation générale du travail du 30 décembre 1936. Inspiré par les agents communistes, le mouvement de grève a été organisée et prolongée jusqu’au mois de juillet 1937. C’est-à-dire que ce mouvement n’a pas été un incident isolé et spontané résultant d’une simple protestation contre les mauvaises conditions du travail. Il avait pour but de réformer avec fermeté la société entière en Indochine, comme le montre l’action adroite

80 Au moins 347 grèves s’y déroulent de juin 1936 déjà à août 1937 au Sud. P.Brocheux et D.Hémery, op.cit ., 2001, pp.318-319. 81 Rapport établit par Justin Godart, p.35. CAOM, Guernut, 33.

180 et prompte des grévistes de l’Hôtel Métropole et l’Hôtel des Colonies en novembre 1936. D’après un rapport de la Sûreté de Hanoi à propos de l’Hôtel Métropole, l’instigateur de la démarche était le cuisinier Nguyên The Mô , dit Binh Son , qui a participé, en septembre 1936, aux travaux du "Comité Tonkinois " pour la rédaction des cahiers de voeux. Le directeur de cet hôtel s’est proposé de renvoyer ce cuisinier à la première occasion.

Graphique 13 – Nombre de grèves à Hanoi entre octobre 1936 et juillet 1937

19 20 18 16 14 12 10 8 6 Nombre de cas 6 3 4 4 4 1 2 1 1 2 0 0

6 r l e rs in et bre vri Mai u ll m 193 Ma A J ui ctobre évri J O ove F N Janvier 1937 décembre

Source : CAOM, RST-NF, 2960.

Dans un autre cas, une cinquantaine d’ouvriers, travaillant à la tâche dans les fabriques de meubles au sud-est du 3 ème quartier ― rue Maréchal Pétain et rue Albert Pouyanne ―, se sont mise en grève dans la matinée du 1 er décembre 1936 pour tenter d’obtenir une augmentation de 40% de leurs salaires. En raison de l’augmentation de prix du riz et des autres denrées alimentaires, leur salaire était insuffisant. L’attitude des grévistes était restée calme jusque là, mais il était à craindre que le mouvement ne soit "exploité " par les communistes. D’après les premiers renseignements recueillis par la police spéciale, Mai Ng ọc Thiêu 82 , dit C á̉ Sâm, rédacteur du journal "Travail ", serait passé, au cours de la journée du 1 er décembre, dans les différentes fabriques de meubles pour inciter les ouvriers à se mettre en grève. D’autre part, Tr ần Đinh Long 83 , autre collaborateur de l’hebdomadaire communiste "Le Travail " a été vu dans la matinée du 2 décembre, rue Albert Pouyanne, rue Marechal Pétain et boulevard Amiral Courbet, à

82 Condamné à deux ans de prison et 5 ans d’interdiction de séjour par la Commission Criminelle de juillet 1929. CAOM, RST-NF, 2960. 83 "Retour de Russie ", ex-directeur du magasin d’alimentation "Sông ". CAOM, RST-NF, 2960.

181 proximité des ateliers où les ouvriers continuent à travailler.

Tableau 55545444 – Durées de grève et demandes par grèviste à Hamoi Date mise Date Nmbre de Demande (% de Métiers Accord en grève terminée grévistes salaire, etc.) Scieur de long 19/10/1936 tentative 100 ? ? Hôtel des Colonies 27/11/1936 tentative ? ? ? Hôtel Métropole 27/11/1936 tentative 136 ? ? Menuisier 30/11/1936 14/12/1936 200 40% 10% à 15% Imp.Lê-Van-Tân 06/12/1936 tentative ? ? ? Imp.Ngo-Tu-Ha 09/12/1936 20/12/36 ? 90 sur 120 40% 20% Imp.Tân-Dan 16/12/1936 19/12/1936 23 congé hebdomadaire payé Verrier 27/12/1936 29/12/1936 200 20% 20% Imp.Tai-Tong 08/01/1937 ? ? 20% à 30% ? Tricoteur Cu-Chung 12/01/1937 19-/01/37 ? 34 10% ? Sété des Tramways 14/01/1937 14/01 à 14h 50 40% 10% Tailleur 16/01/1937 07/02/1937 400 sur 1500 30% à 50% 20% Chauffeur d'autos 20/01/1937 tentative ? 25% 25% Chapelier 21/01/1937 26/01/1937 250 40% 20% Coolie Vidanges 21/01/1937 tentative ? ? ? Cordonnier 21/01/1937 27/01/1937 300 40% 15% L'Avenir du Tonkin 21/01/1937 ? ? Réintégration 4 employés licenciés Bijoutier 22/01/1937 tentative ? ? ? Ft.joss-stick 25/01/1937 26-/02/37 50 50% 25% ? Coiffeur 25/01/1937 10-/03/37 ? 250 40% 15% Brodeur 26/01/1937 29/01/1937 50 20% à 50% 10% à 20% Mallier 26/01/1937 30/01/1937 80 40% 15% Matelassier 26/01/1937 04-/03/37 ? ? Augmentation de salaires Tisseuse 26/01/1937 tentative ? ? ? Tricotage, Tisserand 26/01/1937 4-27/02/37 220 30% 30% Boy, cuisinier 29/01/1937 tentative 200 25% à 50% ? Garage S.T.A.I. 30/01/1937 31/01/1937 40 25% 0% Coolie Pousse 02/02/1937 03/02/1937 2000 Abaissement de tarif de location Hôtel Splendid 04/02/1937 tentative ? ? ? Ferblantier 05/02/1937 06/02/1937 300 20% 20% Boucher 05/02/1937 tentative ? ? ? Vernisseur 05/02/1937 20/02/1937 100 25% ? Porteur de bois 18/02/1937 5-/03/37 ? 250 ? 10% Verrier 19/02/1937 04/03/1937 83 sur 150 25% ? Étudiant 02/03/1937 tentative ? Instigation de la grève générale Institut Gia-Long 04/03/1937 tentative ? Réduction des frais d'études Maçon 20/04/1937 21/04/1937 40 Paiement de salaires Marché (Dong-Xuan) 25/05/1937 03/06/1937 900 réduction des taxes de 50% S.I.F.A.T. (sieurs) 07/07/1937 10/07/1937 42 sur 62 Augmentation de salaires I.D.E.O, 21/07/1937 ? ? Réintégration de 11 ouvriers licenciés Tannerie Thuy Khe 22/07/1937 ? 12 Plainte contre le Caï Porteur de la Gare 23/07/1937 tentative 10 Améliorations à la situation de travail Source : CAOM, RST, NF, 2960.

182

2. GrèveGrèvessss diverses par profession Les grévistes ont porté tous leurs espoirs sur l’arrivée de Justin Godart. Il était inévitable que le mouvement de grève s’étende au delà du nouvel an de 1937. Le projet de grève était d’autant plus attentivement préparé qu’ils s’attendaient à un succès. Les 3.000 grévistes cordonniers concevaient le 22 janvier 1937 comme suit :

« Nous n’avons pas demandé une augmentation trop élevée. Ce qui est principal, c’est que nous n’osons pas causer du "désordre " en ville, ni opposer à la sécurité publique du gouvernement . »84

Ainsi, par quel mot d’ordre les ouvriers se sont-t-ils mis en grève ? Comment ont-ils organisé une grève générale ? Cela concerne le processus de rassemblement des habitants, soit ouvriers, soit patrons, de Hanoi à partir de réseaux sociaux autres que l’engagement direct des communistes. a. Grèves des tailleurs, chapeliers et brodeurs ––– Tailleurs Une grève des ouvriers tailleurs se déclencha le 16 janvier 1937. Ils se sont réunis alors à la pagode Hai Bà , rue Jules Ferry, ou aux abords du petit Lac pour préparer une demande à leurs patrons d’augmentation de salaires de 40% et la journée de travail de 10 heures. À 8 heures du matin, un groupe de 400 tailleurs en grève s’était formé et à 18h une cinquantaine de patrons sont réunis, sur convocation du patron de l’Atlier "Tân-An " 11-bis rue des Éventails et chez celui-ci, pour tenter de régler le différend entre patrons et ouvriers. Après trois heures de discussion, les patrons ont décidé d’accorder à leurs ouvriers une augmentation de 5%. Les ouvriers ont décliné cette offre. Le 17 janvier, à la même adresse, a lieu une nouvelle réunion à 20h. Les patrons ont décidé d’accorder une augmentation de 20 % et divers avantages (15 jours de congé par an, établissement de contrats entre patrons et salariés). Les délégués des patrons rencontrent vers 22h les délégués des grévistes pour leur communiquer les décisions prises 85 ; mais les grévistes ne s’en déclarent pas satisfaits, et demandent une augmentation plus forte, le congé du dimanche et des jours fériés, la journée de 10 heures. Aucun accord n’étant intervenu, les ouvriers ne reprennent pas le travail le 18 janvier. Sauf aux G.M.R. où sont employés douze tailleurs et où le travail n’a pas cessé,

84 Lettre en quôc-ngu traduite en français, adressé au commissaire de police. Sans indicaion, toutes les sources sont du CAOM, RST-NF, 2960 dans cette sectoin. 85 Les délégués des grévistes sont : Nha , de la Maison "Tân-An " ; Ngon , de la maison "Reflet mondain ", 20 rue des Éventails ; Khanh (adresse inconnue).

183 tous les ateliers sont en grève. Les ouvriers des ateliers : Nguyên-Van-Suu (rue Paul Bert), Mas (dans la Galerie du Crédit Foncier), Ch.Mau’s (boulevard Đồng Khánh ), sont mieux payée que leurs camarades, mais ils font grève par « solidarité », afin de faire relever les salaires des ouvriers des petits ateliers 86 .

Tableau 555555 – Foyers principaux de la grève des tailleurs à Hanoi (janvier 1937) 1er quartier 2ème quartier 4 ème quartier 30, 67 rue du Charbon 41, 114 rue du Chanvre rue J.Ferry

65 rue des Graines 60 rue des Chapeaux 15 rue Lamblot

33, 34 rue du Papier 71 rue du Cuivre 4 rue de la Mission 79 rue du Sông Tô Lich 2 rue des Étoffes Autres quartiers

Bd. Đồng Khánh (5 e 3 ème quartier 6, 11 et 20 rue des Éventails quartier)

54, 86 rue Jean Dupuis 10 rue de la Poisonnerie rue Paul Bert

41 rue Maréchal Pétain 24 rue des Stores 24 rue Laveran (7 e quartier)

53, 109 rue des P. Noirs 8, 33 rue Tien Tsin 75, 93 r. de Hué (8 e quartier) 6, 22 rue des Vases 18 rue Tô Tich

68, 71 rue des Voiles 30 rue Yên Thai Source : CAOM, RST-NF, 2960.

Dans la matinée du 19 janvier, 75 ouvriers de divers ateliers ont repris le travail notamment chez : "Nguyên-Van-Suu ", rue Paul Bert ; "La Fantaisie ", rue J,Ferry ; "Do-Huu-Hieu ", 41 rue du Chanvre ; "Phu-Thinh ", rue du Chanvre. L’augmentation de salaire accordée varie de 15 à 40%, suivant les ateliers et les emplois. Les 40 grévistes de l’atelier "Nguyên-Van-Suu ", qui avaient repris le travail le 19 janvier à 7h se sont remis en grève à 8h, déclarant à leur patron qu’ils agissent par « solidarité ». Mas refusa de régler leur salaire à ses ouvriers en grève 87 . De la démarche de cette grève des tailleurs, on voit d’une part clairement la solidarité des grévistes après avoir répété des réunions, mais aussi les situations des différentes maisons. Il semble sans doute que leurs liens personnels ont été unis horizontalement, toutefois l’organisation de la grève n’avait pas l’entité et la volonté générale. Finalement, l’augmentation de salaire a été proposée à différents pourcentages (15% à 40%) par différentes maisons. D’autre part, la grève des tailleurs comme les autres a éclaté plus souvent dans les maisons du quartier indigène, de ses

86 Note confidentielle N ˚645-B du 18 janvier 1937 par le service de la Sûreté au Tonkin. 87 Note confidentielle N ˚697-S du 19 janvier 1937 par le service de la Sûreté au Tonkin.

184 alentours, surtout dans les rues plus populaires (l’ouest du 2 ème quartier ou zone près du Đình Bạch Mã ) que les autres quartiers.

Plan 224444 – Répartition des foyers principaux de la grève des tailleurs à Hanoi

––– Chapeliers et Brodeurs Une réunion, groupant 18 ouvriers chapeliers, a eu lieu à 20 h le 20 janvier 1937, au n˚6 rue Ngõ Huy ện. L’un d’eux, Hà Vạn Trịnh employé à la Chapellerie "Chung-Dang ", a exposé à ses camarades que les salaires actuels ne leur permettaient plus de vivre. Ils sont tombés d’accord pour demandeur : 40% d’augmentation de salaire, 11 heures de travail par jour au lieu de 12, une demi-journée de repos le dimanche, quinze jours de congé annuel payé. Les ouvriers assistant à cette réunion et qui réclament 40% d’augmentation, doivent fournir la colle et l’essence nécessaires à la fabrication des casques, le patron fournissant le liège et la toile. Dans la matinée du 21 janvier, une cinquantaine d’ouvriers chapeliers grévistes se sont rassemblés à l’Avenue Beauchamp à proximité de l’A.F.I.M.A 88 . Ils se sont mis en grève, avant même avoir présenté leurs doléances à leurs patrons. Cent ouvriers chapeliers ont cessé travail le lendemain matin. C’était sur l’initiative de l’ouvrier chapelier Bui Si Me , 16 rue de Sầm Công , instigateur de la grève que les grévistes se sont cotisés pour envoyer un télégramme à Justin Godart et au Gouverneur général Brévié et pour demander au Résident-Maire de la ville de Hanoi d’intervenir auprès de leurs patrons afin qu’ils obtiennent satisfaction 89 . D’autre part, le 25 janvier 1937, une trentaine d’ouvriers brodeurs se sont réunis devant la Musée Maurice Long (7 e quartier) et se sont mis d’accord pour formuler des

88 Rapport spécial du 21 janvier 1937 par Fabiani, le commissaire central de Hanoi. 89 Note confidentielle N ˚885-S du 19 janvier 1937 par le service de la Sûreté au Tonkin.

185 revendications identiques à celle des chapeliers : 20 à 50% d’augmentation de salaire, le règlement des salaires à dates fixes, de meilleures conditions d’hygiène, dix heures de travail par jour, le repas hebdomadaire payé, quinze jours de congé annuel payé et les frais d’hospitalisation à la charge des patrons en cas de maladie. Une cinquantaine d’ouvriers brodeurs se sont mis en grève le 26 janvier au matin. Dans la soirée du 26 janvier, Tr ịnh V ăn Phú , nouvel élu à la Chambre des Représentants du Peuple, suivi de deux ses amis et de l’ouvrier-brodeur Vu Ngoc Dang , dit Tu , l’un des promoteurs de la grève, s’est rendu chez les patrons de la rue des Éventails et de la rue des Chapeaux, pour leur conseiller d’accepter les conditions posées par les grévistes 90 . La grève se termine finalement le 29 janvier et les patrons accordent une augmentation de 10 à 15%, celons les maisons et le paiement des heures supplémentaires. Les délégations patrons brodeurs et ouvriers se sont présentées le matin du 4 février, en conciliation à la Mairie. L’accord est intervenu sur la base des augmentations successives de salaires : 10% à compter de ce jour, 15% à compter de juillet 1937, 20% à compter de janvier 1938 et sur l’élaboration, en commun accord entre patrons et ouvriers, d’une charte écrite sur les conditions générales de travail 91 . Ces deux événements montrent que la démarche de la grève en 1936-37 est presque semblable à toutes les autres. En principe, les délégations des grévistes ont demandé l’arbitrage d’un ou deux notables indigènes et du maire de la ville de Hanoi. Une différence entre cet exemple-ci et le précédent est ce qui permit officiellement une réconciliation devant l’administrateur municipal. En tous cas, on peut dire que ces deux grèves étaient bien dirigées. b. Grèves des coolies poussepousse----poussepousse et mmarchandesarchandes au Grand Marché ––– Coolie poussepousse----poussepousse Une autre grève générale des coolies pousse-pousse éclate soudain, le 2 février 1937 à partir de 14h30, avec 1.800 à 2.000 grévistes, à l’instigation des caïs (intermédiaires indigènes) 92 qui réclament une diminution du prix de location. De nombreux incidents en ville, une dizaine d’arrestation pour flagrant délit de sabotage et d’entrave à la liberté du travail, eurent lieux. D’après les rapports de la Sûreté au Tonkin, la grève a

90 Note confidentielle N ˚1110-S du 27 janvier 1937 par le service de la Sûreté au Tonkin. 91 Note du 4 février 1937 de Virgitti, le maire de Hanoi. 92 Quelquefois, le caï est chargé par un directeur d’entreprise ou une société d’entreprendre, à son compte et sous sa responsabilité, telle ou telle tâche convenue d’avance. Il engage les salariés nécessaires, organise les chantiers, paie les salaires, etc. On voit qu’ici le caï est véritablement un employeur. C’est le caï-tâcheron . Parfois, le caï est simplement chargé de recruter des coolies dans leur village. Son rôle cesse lorsqu’il les amenés à l’entreprise. C’est le caï-recruteur . Bureau international du travail, op.cit ., 1937, p.155.

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été provoquée par le groupe du "Travail " à l’occasion de l’arrivée à Hanoi de Justin Godard et bon nombre d’entre eux ont été forcés par leur camarades de cesser leur travail. Postés aux principaux carrefours du centre de la ville les grévistes arrêtaient les pousses encore en circulation, crevaient les pneus ou les déjantaient après avoir, plus ou moins violemment, obligé les usagés à descendre du véhicule. Certains meneurs ont même porté la main sur quelques dames européennes qui n’obéissaient pas assez vite à leurs injonctions 93 . La Police spéciale a arrêté une vingtaine de grévistes surpris en flagrant délit d’entraves à la liberté du travail et de détérioration de pousse-pousse, toutefois tous les grévistes ont repris leur travail le 3 février au matin. Les entrepreneurs leur ont consenti une remise de 30 cents sur le prix de la location mais pour la journée du 3 février seulement et ce afin de compenser en partie la perte occasionnée aux coolies par la grève de la veille. Les coolies-pousses ont tous repris le travail sans avoir formulé aucune revendication. 16 grévistes ont été cependant arrêtés dans l’après-midi du 2 février pour entraves à la liberté du travail et ils ont été déférés au Parquet. Encore 6 coolies-pousses de la zone suburbaine sont condamnés par le Tribunal provincial de Hàdông à six mois de prison 94 . Cette grève se termine en un jour seulement. Mais la démarche volontaire à l’instigation des meneurs a débouché sur une grève générale désordonnée y comprise dans la zone suburbaine de Hanoi. Ayant ébranlé l’ordre public, elle était un incident grave pour l’autorité coloniale. Il s’agit donc « plutôt d’une manifestation que d’une véritable grève », comme l’a noté la Sûreté du Tonkin 95 . L’arrestation des grévistes explique une attitude oppressive de l’autorité coloniale à l’égard du mouvement de grève depuis la fin d’année 1936.

––– MMMarchandesMarchandes au Grand Marché Il y aussi l’exemple d’une grève, ordonnée à première vue, mais imprévue, des marchandes du Grand Marché ( Ch ợ Đong̃ Xuân ). Il semble que des personnes aient été dirigées machinalement par un instigateur répandant un mot d’ordre lancé par le groupe des journalistes de "Le Travail ", "l’Effort " et "le Rassemblement ".

93 Note confidentielle N ˚4609-S du 14 avril 1937 par le service de la Sûreté au Tonkin. 94 Note confidentielle N ˚2672-S du 4 mars 1937 par le service de la Sûreté au Tonkin. De même, le 4 mars 1937, le Tribunnal Correctionnel de Hanoi a rendu son jugement : 3 mois de prison ; NguyênVan Thom (25ans), Bui Phong Niem (16ans), Nguyên Van Tuyen (26ans), To An (29ans), Nguyên Van Luong (27ans), To Doi (36ans), Hoang Van Phu (21ans), Nguyên Ba Quy (48ans), Hoang Vi Lap (31ans), Haong Phu (33ans), Tran Van Hau (21ans), Doan Van Hien (23ans) / acquitté ; Nguyên Dat Kha (36ans), Nguyên Van Moc (27ans). Note confidentielle N ˚2672-S du 4 mars 1937 par le service de la Sûreté au Tonkin. 95 Note confidentielle N ˚1419-S du 3 mars 1937 par le service de la Sûreté au Tonkin.

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Le matin du 25 mai 1937, une manifestation importante que de 200 à 300 (ou 900 ?) femmes en bon ordre se présenta à la Mairie, demande une réduction des taxes du marché, et notamment du prix de location des places. Toutes ces femmes portaient épinglée à la robe une étiquette imprimée en rouge "Xin gi ẩm thu ế vé 50% "(réduction des taxes de 50% ). Les marchandes travaillent seules ou en famille. La place coûte de 0,20 à 0,60 piastres par jour seulement et la taxe de 0,14 à 1,20 piastres sans augmentation depuis 1929. La manifestation se reforma un peu plus tard après l’intervention policière et de la lance d’arrosage. Le mouvement se calma dans la rue, vers 10 heures. D’après le rapport de Virgitti, maire de la ville de Hanoi, qui se rendit personnellement au marché pour inspecter la situation et accueillit les manifestantes devant la mairie :

« Aucun trouble grave n’eut lieu mais, partout, on put apercevoir, reporters, journalistes avec appareils photos et, sans doute, disséminés et dissimulés dans la foule, la bande des meneurs. En résumé, cette action a été parfaitement menée . »96

Au même jour, l’Administrateur-Maire prévient les meneurs qu’ils seront recherchés et poursuivis conformément à la loi ; que les marchands qui auront pris part à cette grève seront punis d’amende et à l’avenir chassés des marchés ; que toutes les dispositions seront prises pour ravitailler la population ; que la Municipalité ne cèdera pas devant un groupe de factieux. La grève, en régression constantes depuis le 26 mai, touche à sa fin. Même les marchandes de viande de porc qui paraissaient vouloir faire durer la grève, ont, en grande partie, repris leur place derrière l’étal. Enfin, la grève des marchandes de Đong̃ Xuân peut être considérés comme terminée. La reprise du travail dans la matinée du 1 er juin était à peu près générale. Cette manifestation, innocente, des marchandes a été importante non seulement pour l’ordre public mais aussi pour la vie publique des hanoïens. Le maire de Hanoi, Virgitti, se sentait fortement menacé :

« Il me reste à prendre les sanctions administratives nécessaires contre ceux qui y ont participé. Il faudra aussi, je pense, que la Justice fasse montre de sévérité pour tout le danger et le préjudice que cette coalition a causé à la collectivité. Dans le cas où ces mêmes faits se reproduiraient dans la journée de demain, j’ai pris mes dispositions pour parer à nouveau à l’absence des denrées de première nécessité. Un plan de mobilisation plus complet sera dressé incessamment. L’ordre et la cohésion de ces masses nous apportent la preuve qu’une organisation défensive supérieure, non limité à des

96 Rapport du 25 mai 1937 de la maire de Hanoi au résident supérieur au Tonkin.

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expédients, doit être prévue. Jusqu’à ce que ce mouvement soit calmé, aucun des faux prétextes mis en avant, ne sera examiné par moi, précisément pour ne pas paraître le justifier . »97

Cliché 18 – Virgitti lance un coup d’arrosage aux marchandes de Grand Marché

Source : Cliché Dông-Phap in journal Rassemblement, le 28 mai 1937 .

D’ailleurs, les manoeuvres secrètes des instigateurs apparurent clairement avec la distribution des étiquettes. La question majeure de cette manifestation réclamait la réduction des taxes. Ce n’était pas contre les patrons mais contre l’autorité coloniale que l’instigateur a dirigé une attaque. c. Gr èèèvesèves des ssscieursscieurs de long Pour finir l’analyse sur les grèves, il reste à examiner la coalition des grévistes. Même s’ils étaient des ouvriers non corporatifs, non hanoïens, le sentiment d’être originaire du même village pouvait les unir. Par exemple, l’un des instigateurs de la grève déclenchée, le 19 au 26 octobre 1936, par des scieurs de long de Hanoi, était le nommé, Công Bá Hành , Ly ́-tr ườ ng (chef du village) de Phu Gia , phu de Hoai -Đức (Hà Đông ). Une centaine de scieurs de long employée à Hanoi étaient originaires de ce village. Pendant la grève, Công Bá Hành les a encouragé à maintenir leurs revendications et les

97 Rapport du 25 mai 1937 de la maire de Hanoi au résident supérieur au Tonkin.

189 aurait hébergés et nourris 98 . C’étaient toujours les communistes légaux du groupe du "Travail " qui ont été les exécutants. D’après un rapport de police : « mettant à profit le mouvement de revendications ouvrières commencé en octobre 1936 par la grève des scieurs de long, les dirigeants se sont tenus constamment en contact avec les différentes catégories de travailleurs, intervenant dès qu’une grève se déclenchait, recevant les délégations des grévistes et se posant comme les seuls défenseurs des "masses laborieuses " ». La majorité des travailleurs qu’ils ont réunis ne sont assurément pas communistes, mais, dans leur bonne foi et leur crédulité, ils sont persuadés que les améliorations obtenues et les avantages qu’ils désirent n’ont été ou se seront arrachées au patron que par les communistes 99 . Par ailleurs, une autre grève a eu lieu à la Société Industrielle Forestière des Allumettes du Tonkin (S.I.F.A.T.), sise au n ˚232 route de Hué, qui est dirigée par Barth, frère du Directeur de la Maison "Denis frères " à Hanoi 100 . Elle employait 62 scieurs de long qui travaillent à la tâche et débitaient les planches destinées à la fabrication de caisses. Les scieurs travaillant par équipes de deux, sont payés à raison de 5 cents par mètre carré débité. En février 1937, une grande partie du personnel de la S.I.F.A.T. bénéficiait d’une augmentation de salaires de 10% en raison de la hausse du coût de la vie. Mais les scieurs de long n’ont pas bénéficié de cette amélioration. Ainsi, 46 sur 62 scieurs de long employés à la S.I.F.A.T., se sont mis en grève au 7 juillet 1937, en réclamant une augmentation de 7 cents par mètre carré de bois débité. Le lendemain, 22 ouvriers se sont présentés aux portes de l’usine et ont pris le travail. Les 24 autres étaient dispersés en ville ou rentrés à Vân Hô alors que leurs chefs d’équipes les recherchant. Le directeur de la S.I.F.A.T. envisagea une augmentation de 6 cents par mètre carré. Sur les 22 scieurs de long encore en grève, 12 reprennent le travail le 9 juillet au matin. Les chefs d’équipe des dix scieurs en grève sont venus au travail l’après-midi et escomptaient le retour de leurs ouvriers 101 . Ce qui est intéressant, c’est que les 46 grévistes étaient originaires du Hu y ện de Binh Lưc (Hà Nam ) et étaient domiciles au village de Vân-Hô (près du cimetière dans le 8 e quartier de Hanoi). Les scieurs de long non grévistes, étaient comme leur caï, originaires de la province de Hà Tĩnh . Cette grève était la première manifestation qui se produisit à la S.I.F.A.T.. Elle ne parait pas être d’origine "politique ", mais si elle s’était prolongée, les agitateurs n’auraient pas manqué de l’exploiter. De plus, ce cas de grève

98 Note confidentielle N ˚15182 du 22 décembre 1936 par le service de la Sûreté au Tonkin. 99 Rapport établit J.Godart, p.31. CAOM, Guernut, 33. 100 Cf., Vorapheth, Kham, Commerce et colonisation en Indochine 1860-1945 : Les maisons de commerce française, Les Indes Savantes, Paris, 2004, pp.423-515. 101 Note confidentielle N ˚8735 du 8 juillet 1937 par le service de la Sûreté au Tonkin.

190 suggère que le type d’organisation est lié à la particularité de la ville de Hanoi qui était formée de villages urbains composés de villageois venus des même villages dans les provinces des environs de Hanoi. Leur solidarité est à notre avis basée sur ce qu’on appelle un sentiment d’appartenance à une même communauté villageoise ainsi qu’aux corporations surtout dans les trentes-six quartiers qui ont conservé des vestiges d’ancien ph ườ ng de XVII e et XVIII e siècles. Les réseaux sociaux de Hanoi de l’époque se caractérisaient sans aucun doute par les vestiges. d. Grèves à Haiphong en 1937 Il n’est pas facile de saisir l’évolution du milieu ouvrier de Haiphong. Il semble que Gilles Raffi, dans sa thèse, s’est donné beaucoup de peine pour recueillir les documents locaux concernant les ouvriers haiphonnais. Selon lui, « en 1923-1924, Haiphong compte au total, dans des industries dirigées en totalité par des européens, un minimum de 6.700 ouvriers, chiffre auquel s’ajoutent diverses autres unités industrielles, et surtout les métiers du bâtiment, dont le nombre varie fortement en fonction de la croissance urbaine ». Il en conclut que l’on peut estimer à près de 10.000 le nombre d’ouvriers employés dans l’industrie et le bâtiment. Par ailleurs, il dit par la suite : « encore ne sont pas compris, dans ce total, les employé des sociétés commerciales et industrielles vietnamiennes, nommées "Đồ ng l ợi", à propos desquelles nous n’avons que peu de renseignements dans le domaine de l’emploi »102 . Cela indique sans doute le milieu de petits commerçants et leurs employés. Et ceux-ci ont été destinés à une fonction importante pour l’évolution de la structure sociale dans les années 1930 durant la grande crise. À Haiphong, le début du mouvement de grève s’est déclenché le 16 janvier 1937 dans une entreprise Féniès, entrepreneur de Travaux Publics, sise le siège social à 42 Boulevard Bonnal, alors que 400 tailleurs se mettaient en grève le même jour à Hanoi. Une vingtaine d’ouvriers de l’entreprise Féniès, travaillant à la construction du pont de Hạ Lý se sont présentés dans la matinée au Commisariat de Police municipale pour demander la médiation du Commissariat et obtenir une augmentation de salaires. Le Directeur Feniès n’ayant donné aucune suite à leur réclamation, les ouvriers de l’entreprise ont quitté le travail au début de l’après-midi. D’après l’enquête effectuée par la Police, les coolies-hommes de l’entreprise gagnaient 18 cents par jour, soit 5,5 piastres par mois, les femmes 12 cents, soit 3,7 piastres. Haiphong était alors une des villes parmi lesquelles le niveau des salaires était le plus bas en Indochine 103 . Le

102 G.Raffi, op.cit ., 1994, p.365. 103 Voir aussi le Tableau 505050 (p.165).

191 déclenchement de la grève était inévitable à la suite des événements de Hanoi et Saigon. Seulement trois jours après la Tableau 56 ― Le nombre d'ouvriers dans des sociétés à Haiphong en 1923-1924 grève chez Féniès, une plus grande Sociétés, compagnies Nombre est entreprise par un millier de Société des Ateliers Maritimes 1.200 Société Cotonnière du Tonkin 900 tailleurs. D’après un rapport de la Société de constructions mécaniques 400 Sûreté, dans la soirée du 18 janvier, Société Rizeries Indochinoises 300 la Police spéciale de Haiphong a Société Industrielle de Chimie d'Extrê 400 me-Orient appris que les ouvriers tailleurs Société des Ciments Portland Artificiels 1.500 projetaient de se mettre en grève le de l'Indochine lendemain. L’Administrateur-Maire Société Indochinoise de Verrerie et de 250 Produits Chimiques en a été aussitôt avisé. Le 19 janvier, Compagnie Huileries et Savonneries 150 à 7h30, 200 ouvriers tailleurs se sont d'Extrême-Orient Compagnie des Charbons de l'Indochine 1.000 réunis devant le Théâtre Municipal. Société des phosphates du Tonkin 300 Le Commissaire de Police spécial et Société des Tanneries de l'Indochine 200 le Commissaire de la Police Source : Gilles Raffi, op.cit ., 1994, pp.364-365 Municipale, qui se trouvaient sur les lieux, ont invité les grévistes à désigner rapidement leurs délégués et à encombrer le moins longtemps possible la voie publique. Dans cette grève aussi bien que dans des autres grèves à Haiphong, ce qui importe, c’est que la requête des grévistes est remise au Commissarire de Police spéciale. Elle formule les revendications suivantes : augmentation de salaire de 20 à 40% – journée de 8 heures – congé payé, les dimanches et les jours fériés – 15 jours de congés annuels payés, à l’époque du Têt – amélioration de la nourriture et des conditions d’hygiène – gratuité des soins médicaux et des médicaments – application des lois sociales métropolitaines – liberté syndicale. Comme dans le cas des grèves abordées précédemment, les grévistes demandent l’intervention publique du Maire et de la Police, et ils formulent les mêmes revendications que celles des grévistes de Hanoi. Il est indiscutable que les grévistes de Haiphong possédaient la méthode de grève des autres villes, avec aussi l’intervention des instigateurs désirant changer le système de l’État colonial. Dans l’après-midi du 21 janvier 1937, les grévistes de la Société Cotonnière, sise à l’avenue Port Annamite, ont adressé à Justin Godart le télégramme suivant :

« "Monsieur Justin Godart, Délégué Front Populaire, Pnom Penh (où il était alors). Veuillez intervenir grève le 20 janvier 2.000 hommes filature Haiphong. Forcez

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appliquer lois sociales (stop). Actuellement 19h, travail jour nuit (stop). Solde avant dévaluation monétaire. (signé) : OUVRIERS FILATURE" »104

Tableau 557777 – Grèves des ouvriers à Haiphong du janvier à l’avril 1937

Date mise Date Nombre de Natures du commerce en grève terminée grévistes Féniès (entreprise) 16/1/1937 ? 80 Tailleurs 18/1/1937 22 /1/1937 1.000 Société Cotonnière 20/1/1937 25/1/1937 1.800 Marchandes de légumes 23/1/1937 26/1/1937 50 Boys à l'Hôtel de l'Europe 25/1/1937 26/1/1937 ? Ouvriers coiffeurs 26/1/1937 ? Tailleurs pour dames 27/1/1937 ? 100 Menuisiers 27/1/1937 ? 175 Ouvriers cordonniers ? 27/1/1937 plus de 30 Ouvriers Malletiers 6/2/1937 8(?)/3/1937 30 Société Cotonnière 15/2/1937 27/2/1937 900 Mécaniciens des Chaloupes 15/2/1937 16/2/1937 20 fluviales chinoises

Employés de Chaloupes (Maison 22/2/1937 ? 30 Sauvage) Coolies de la Cimenterie 23/2/1937 4(?)/3/1937 100 Bouchères du Marché 28/2/1937 5/3/1937 40

Société Cotonnière (femmes) 3/3/1937 4/3/1937 100 Ouvriers Chapeliers ? 9/3/1937 ? Scieurs de long avril ? 175 Source : CAOM, RST-NF, 2960.

C’était justement au même moment que les grévistes de Hanoi se sont cotisés pour envoyer à Justin Godart et au Gouverneur général Brévie le télégramme avec les signatures de 200 chapeliers. "L’espérance en Godart " était un phénomène arrangée par des instigateurs dans tout le pays indochinois. La Société Cotonnière de Haiphong s’est ainsi disposée à répondre aux revendications des grévistes, en attendant des instructions de la Direction de Paris. Par ailleurs, à propos de cette grève, la Sûreté ajoute dans un rapport un mot :

« Il convient de noter que les "retours de Russie " Bùi V ăn Lâm (dit Bùi Lâm )105 et Nguy ễn Th ế V ĩnh ont été vus dans la journée du 20 janvier en conversation avec les grévistes. Nguy ễn Th ế V ĩnh est parti pour Haiphong à 20h par autocar vraisemblablement pour

104 CAOM, RST-NF, 2960. 105 Voir la note de bas de page-116 , p.197.

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s’aboucher avec les rédacteurs du "Travail ". »106

L’effet du mouvement de grève n’a pas seulement permis d’accorder aux patrons l’augmentation de salaire aux ouvriers de Haiphong, mais aussi de faire connaitre les revendications sociales à tous les colonisés indochinois. Autrement dit, malgré la différence de l’évolution sociale urbaine, une même méthode était efficace à Haiphong comme à Hanoi et aux autres villes d’Indochine comme Saigon-Cholon et Namdinh où les grèves se sont produites en 1937. Dans chaque cas, il s’agit toujours d’obtenir l’autorisation de former un syndicat ou une association professionnelle que l’autorité coloniale interdisait, soit pour les ouvriers, soit pour les patrons. Comme les tailleurs en grève l’ont demandé les 19 et 21 janvier 1937 à Haiphong, c’était justement ce que les instigateurs communistes visaient. On peut considérer ainsi ces grèves comme une série d’évènements organisés politiquement.

3.3.3. Les aacteurscteurs du mouvement de grèves Est-ce que le développement de la ville coloniale a produit la société spécifique au niveau structurel et politique ? C’était sans aucun doute la liberté et l’espoir pour les Indigènes suscités par les lois sociales qui leur a fait imaginer d’instinct un État indépendant, tandis que les colonisaters auront fait face à une question inévitable suivante. Albert Sarraut, alors ministre de la Marine, se demandait dans son livre en 1931 déjà :

« En tout domaine, où son effort fut guidé par une intension bienfaitrice, le colonisateur a organisé contre lui la menace et risque dangereux. (....) le colonisateur a mis en contact étroit des populations qui s’ignoraient ou parfois se haïssaient ; il a rapproché leurs esprits et leurs idées, dont les identités se sont soudain révélées ; de la sorte, il a opéré l’unification, mentale d’abord, politique ensuite, de pays longtemps séparés et qui retrouvent leurs affinités. C’est ainsi, pour prendre notre exemple, qu’en Indochine nous avons créé l’unité annamite, en reliant par nos routes et nos chemins de fer l’Annam au Tonkin et à la Cochinchine, (....). »107

L’espace urbain contraint par l’autorité coloniale exécute en Indochine les dernières politiques qui sont venues de la Métropole. Même s’il y a eu un décalage manifeste entre

106 CAOM, RST-NF, 2960. 107 Albert Sarraut, Grandeur et servitude coloniales , Éditions du Sagittaire, Paris, 1931, p.196.

194 les étapes de l’évolution de la France et de l’Indochine, celle-ci s’est métamorphosée, et s’est dotée des institutions administratives, judiciaires et sociales d’une ville moderne. Il en a résulté que sa société a cherché à assimiler, surtout au Viêt Nam, la civilisation de son pays souverain. Cependant même si 90% de ce pays était encore constitué de paysans en 1937, les militants radicaux sont parvenus à augmenter le nombre des sympathisants en profitant des sociabilités nouvellement formées, souvent en ville, dans les mouvements sociaux et les associations. aaa.a. Les communistes Le mécanisme de ce mouvement de grève était en fait complexe. En général, la plupart des patrons, soit européens, soit indigènes, avaient certainement besoin de s’unir au bénéfice de leurs intérêts contre la grève en élisant deux ou trois représentants pour demander à l’administration une démarche de conciliation entre les parties. Selon les situations économiques et politiques, on peut considérer les patrons comme "conservateurs" et "rétrogrades", mais en même temps comme "révolutionnaires" et de "gauche ". C’était, comme le considérait Justin Godart, que « le problème social se pose entre le prolétariat annamite et la patronat annamite et sa solution est pour une très grande part, dans une amélioration des relations entre employeurs et employés annamites »108 . Il convient peut-être, pour expliquer les positions compliquées des acteurs concernés, de donner un exemple d’un personnage, Tr ịnh V ăn Phú , propriétaire de la maison d’ameublement "Select Style ", rue Foutchéou, gérant du journal communiste "Le Travail ", défenseur des « masses laborieuses », et conseiller de la Chambre des Représentants du Peuple. Il refuse, lors d’une grève le 7 décembre 1936, à ses ouvriers l’augmentation de 40% de salaires qu’ils demandaient. Tr ịnh a toutefois majoré les salaires de 25% et a ainsi obtenu la reprise du travail dans ses ateliers. Plusieurs de ses collègues ayant demandé à Tr ịnh de se solidariser avec eux en vue de créer un syndicat pour la défense de leurs intérêts. Mais il a refusé prétextant que d’une part il avait déjà conclu à l’amiable un accord avec ses employés et que d’autre part il refusait de se syndiquer contre des ouvriers sans défense. Dès lors, bien que Tr ịnh soit en situation de patron lui-même, il a milité pour la grève en suivant les promoteurs de la grève et en se rendant chez les patrons ou à la mairie pour leur conseiller d’accepter les conditions posées par les grévistes tantôt de brodeurs, tantôt de coiffeurs et d’ouvriers de garage de la S.T.A.T. (Renault) en janvier 1937. C’est-à-dire qu’un certain nombre de patrons allait en formant des groupe de sympathisant communiste sans s’opposer à la classe ouvrière.

108 Rapport établi par J.Godart, p.35. CAOM, Guernut, 33.

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D’ailleurs, l’autorité coloniale n’a pas pu punir juridiquement leurs actions. C’était à peine si le maire les a admonesté sévèrement. En tout cas, la question est qu’il ne s’agit pas toujours de l’opposition entre les patrons et les ouvriers, bien que le mouvement de grève fasse ressortir la représentation des positions sociales. Que les grèves de 1936-37 furent organisées par les communistes, cela ne fait aucun doute. Le 1er novembre 1936, le service de la Sûreté en Cochinchine a eu connaissance et informé le Tonkin d’une circulaire adressée par le Parti Communiste Indochinois (PCI) à toutes les organisations cochinchinoises du Parti. Ce document était intitulé : "Thông cáo bí mât cho các đấ ng bô toàn Nam K ỳ v ề cu ộc tranh đấ u ngày mùa " (Circulaire confidentielle à toutes les organisations cochinchinoises du Parti au sujet de la lutte à préparer pour la prochaine moisson) et signé le Xứ ủy (Comité de pays) de Cochinchine du PCI. Cette circulaire avait pour objet la prescription de certaines mesures propres à organiser les travailleurs de la terre en vue de faire déclencher une campagne de lutte au moment de la prochaine moisson 109 . À cet effet, d’après les investigations confidentielles de la Sûreté, le PCI ordonnait la constitution dans chaque village, d’un comité d’action qui se transformerait, le moment venu, en comité de lutte Les Comités d’action devraient se tenir en liaison étroite entre eux et chacun d’eux devra créer des sous-comités de propagande. Chaque hameau devra être doté d’une section d’auto-défense qui sera chargée de tenir tête à la réaction et de prévenir toute tentative de sabotage de la part des éléments hésitants. Sont enfin prescrits différents mots d’ordre capables de rallier tous les paysans. La circulaire du PCI exposa d’abord la mauvaise situation socio-économique que la dévaluation du franc a exercé de profondes répercussions sur les conditions d’existence des masses laborieuses de France et des Colonies. Le coût de la vie étant devenu de plus en plus cher, le salaire aurait dû être relevé et les impôts de toute nature, y compris la patente, diminués. Or c’est le contraire qui s’est produit : le Gouvernement au lieu de parer à la spéculation et d’alléger les charges fiscales des masses, a proposé au Conseil Colonial 800.000 piastres d’impôts nouveaux. Pendant ce temps, les obligations imposées par les propriétaires fonciers aux paysans s’accroissent, le salaire est diminué dans certains endroits et les Chambre de Commerce et d’agriculture ont protesté contre l’application des lois sociales. Devant cette situation, la circulaire prétend que :

« Notre Parti a le devoir de défendre, par tous les moyens, les intérêts de toutes les couches de la population. En ce qui concerne particulièrement les travailleurs agricoles,

109 Note confidentielle n ˚13660/S. par le Service de la Sûreté au Tonin, le 26 novembre 1936.. CAOM, RST-NF, 2960. Voir aussi Annexe 1313.

196

le Xứ ủy (Comité de pays) du Parti propose les moyens de lutte suivants, à l’occasion de la prochaine moisson . »110

Dans la soirée du 29 novembre 1936, une réunion de Communistes s’est tenue au bureau du "Travail ", 28 rue Nguyên Trai (l’Ouest du 2 ème quartier) à Hanoi. Étaient présents : Hu ỳnh V ăn Ph ươ ng 111 , Vũ Đình Huyên , Võ Nguyên Giáp , Nguy ễn Công Chuy ện, Đặ ng Thai Mai , Nguy ễn Công Vi ệt, Tr ịnh V ăn Phu , Tr ần Đình Long , Mai Ng ọc Thiêu , Tr ần Huy Li ệu, Nguy ễn V ăn Ti ến, Nguy ễn M ạnh Ch ất, Ph ạm Trung Ngh ĩa. Les décisions suivantes ont été prises : (1) embaucher de nouveaux rédacteurs parmi les libérés de Poulo-Condre 112 ; (2) consacrer 1/30 du budget du "Travail " pour soutenir les grévistes ; (3) louer un nouveau local pour les bureaux du "Travail ". Un loyer de 30 piastres par mois a été envisagé. Et les boites aux lettres ont été fixés : les correspondances émanant des camarades du Centre ou du Sud sont adressées à Võ Nguyên Giáp soit directement, 21 rue Capitaine Brussaux, soit par l’intermédiaire de Nguy ễn V ăn Tho ̣, 47 rue Julien Blanc. La préparation des grèves s’effectue ainsi : « on lie connaissance avec trois ou quatre ouvriers appartenant à l’établissement dans lequel on se propose de faire décréter la grève ». Par l’intermédiaire de ceux-ci, on fait connaissance avec d’autres ouvriers puis on les réunit par petits groupes de 5 ou 6 chaque jour à la sortie des ateliers, on leur démontre les intérêts matériels et moraux qu’ils pourraient obtenir en organisant eux-mêmes la grève, en payant des cotisations pour constituer une caisse de grève. On a fait encore la liste des grèves que se préparent actuellement (lieu et groupe) : (1) grève des cuisiniers et boys de l’Hôtel Métropole organisée par Tr ần Đình Long et Binh Son , ce dernier, cuisinier à l’Hôtel Métropole ; (2) grève à l’IDEO organisée par Tr ằn Huy Li ệu, Tr ằn Trung Chu , Giang Đứ c Cường (domicilié 72 rue Jambert) et Nguy ễn Thành Điển (21 rue Neyret) ; (3) grève à la Société Indochinoise d’Électricité organisée par Tr ằn Huy Li ệu, Tr ần Đình Long et Lươ ng Khánh Thi ện (ce dernier est revenu de Poulo-Condre et habitait à Yên Ph ụ : nord de Hanoi). Les principaux membres du groupe communiste qui sont chargés de préparer les grèves dans les différentes entreprises du Tonkin vont s’efforcer, en prenant contact avec les employés de ces entreprises, de constituer ces "Comités de grèves ". Justin Godart note, dans son rapport sur les délégations d’ouvriers ou employés, qu’il a été frappé de leur tenue, de l’intelligence et de la clarté de leurs exposée. Par qui la leçon leur avait été faite, se demande-il ? Mais il recevait des réponses nettes à cette

110 CAOM, RST-NF, 2960. 111 Un Trotskiste du Sud au Viêtnam. 112 Dang Xuan Khu et Nguyen Van Thuc ont été embauchés.

197 question :

« Je dois dire ici ce que je pense des journalistes, des intellectuels dont je viens de parler. Ce sont les jeunes hommes qui publient "LE TRAVAIL " à Hanoi et "LA LUTTE " à Saigon et qui ont organisé la défense des ouvriers. Leurs journaux sont bien faits. Ils tranchent singulièrement sur la presse politique française dont le niveau est assez bas. Ce sont des feuilles de combat rédigées par des jeunes avec fougue et manque de mesure lorsqu’il s’agit de commenter des faits véridiques préjudiciables aux travailleurs. Les études générales d’ordre économique et social qui m’ont été remises par les rédacteurs des deux journaux sont remarquables et d’une grande objectivité . »113

L’Administration pourchassait "Le Travail " et "La Lutte " à coups d’interdictions. Au-dessus de tout, il y eu le communisme, voyait la Sureté, qui effectivement dirigeait le mouvement de grève sous le couvert du groupe "légal " du "Travail " et des quelques représentants des corps élus annamites’’. Et c’étaient les communistes légaux du groupe du "Travail " qui ont été les exécutants. Quels sont-ils ? Voici ce que dit le rapport de police :

« Mettant à profit le mouvement de revendications ouvrières commencé en octobre 1936 par la grève des scieurs de long, les dirigeants se sont tenus constamment en contact avec les différentes catégories de travailleurs, intervenant dès qu’une grève se déclenchait, recevant les délégations des grévistes et se posant comme les seuls défenseurs des "masses laborieuses ". La majorité des travailleurs qu’ils ont réunis hier ne sont assurément pas communistes, mais, dans leur bonne foi et leur crédulité, ils sont persuadés que les améliorations obtenues et les avantages qu’ils désirent n’ont été ou se seront arrachées au patron que par les communistes . »114

Il est clair que l’agitation menée par le groupe communiste du journal "Le Travail " qui a intensifié sa propagande au Tonkin, ont provoqué et exploité le mécontentement des travailleurs et tendu à faire passer les grèves professionnelles sur le terrain politiques. Le gérant du journal "Le Travail ", Tr ịnh V ăn Phú , né le 10 octobre 1905 à Hanoi, rapatrié de France par mesure administratives le 30 mai 1930, était membre de la Chambre des Représentants du Peuple du Tonkin et l’un des dirigeants de la fraction

113 CAOM, Guernut, 33. Cf.P.Brocheux et D.Hémery, op.cit., p.316, à propos de "La Lutte ", autre journal à Saigon. 114 CAOM, Guernut, 33. Voir aussi la quatrième partie-Chapitre Ⅱ-4.

198

"légale " du Parti communiste indochinois au Tonkin. Il était également propriétaire de la maison d’ameublement "Select Style "115 . Des perquisitions par le service de la Sûreté et l’examen des documents saisis au domicile des collaborateurs du "Travail " de novembre à décembre 1936 a montré que ceux-ci étaient en relations avec plusieurs indigènes qu’il y aurait intérêt à surveiller. Par exemple, Nguy ễn V ăn Gi, dit, Bùi V ăn Lâm (dit Bùi Lâm ), "retour de Russie ", connu pour son activité révolutionnaire 116 . Bùi Lâm qui était à Haiphong, l’un des correspondants du groupe "Le Travail ", puis est descendu à Hanoi, chez Tr ằn Huy Li ệu, l’un des redacteurs du "Travail ". Tr ằn Huy Li ệu et Nguy ễn Thành Điển, domicilié à Hanoi, 21 place Neyret, faisaient fonctions de bibliothécaires. Ces ouvrages ont été fournis par Bùi Lâm qui a réussi à se les procurer par des navigateurs en service sur les bateaux faisant la ligne Haiphong-Marseille. Nguy ễn Thành Điển, et un individu connu sous le pseudonyme de Ban, a été chargé par le groupe "Le Travail " de fomenter une grève dans les ateliers de verrerie "Minh Phu ", 65 rue des Paniers, et "Thanh Duc ", 75 rue des Paniers. Ban était un étudiant de "retour de France ", vêtu en ouvrier 117 . Tr ịnh Hòai Đứ c est venu travailler à la Bibliothèque pour préparer des traductions en Qu ốc Ng ữ des ouvrages précités. Les traductions terminées sont recopiées en plusieurs exemplaires et les manuscrits sont mis en circulation auprès des camarades de Hanoi, Haiphong et des provinces. Tr ần Huy Li ệu et Võ Nguyên Giáp terminent une brochure intitulée "Công nhân vân dông " (Organisation des ouvriers) sur laquelle ils fondaient beaucoup d’espoir : un chapitre de cette brochure a été consacré à l’organisation des grèves. Plusieurs autres documents et brochure sont déposés chez Tr ịnh Hòai Đứ c, 73 rue des Pavillons Noirs et chez Tô Di ệm et Tô Hi ệu, 173 bd.Gia Long prolongé. Des documents concernant la situation des paysans de Thai Binh ont été déposés n ˚4 Impasse Thanh Duc (près de la Route de Hué) 118 . Đấ ng Đinh Điêm dit Hao Diêm de Ô Mê (Thái Bình ), ancien bailleur de fonds du "VNQD Đ" (Vi ệt Nam Qu ốc Dân Đảng : Parti nationaliste vietnamien),,,, auteur d’un article, saisi chez Tr ần Huy Li ệu, incitant la population à rédiger des cahiers de voeux à soumettre à la Commission parlementaire d’enquête et au "Congrès Indochinois ". Nguyê ñ Kh ăc Nguyên, Secrétaire au Gouvernement général, est en relation

115 CAOM, I-NF, 2668. 116 Nguy ễn V ăn Lâm est né en 1903 à Namdinh. Ancien élève de l’école Staline à Moscou. Membre du Xứ ủy Nam K ỳ en 1931, il a été arrêté à Saigon en 1931 et libéré en 1936. Il a pris une part active à l’agitation sucitée en septembre 1936 par le PCI en faveur de la création de "Comités d’action " chargés de préparer un "Congrès indochinois ". 117 Note confidentielle 15050, le 19 décembre 1936. CAOM, RST-NF, 2960. 118 Note confidentielle n˚14597/S, le 10 décembre 1936. CAOM, RST-NF, 2960.

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épistolaire avec Tr ịnh Hòai Đứ c. Tr ịnh Anh Quang , cousin de Tr ịnh Hòai Đứ c ,ex-caï à la "Société Commerciale Asiatique ", qui semble être chargé de renseigner les dirigeants communistes sur la situation des ouvriers de Namdinh et de créer des cellules dans les établissements industriels de cette ville 119 . "Le Travail " a inséré le 18 décembre 1936 des éditoriaux critiques contre les capitalistes à propos des "particularités " :

« Les capitalistes, pour se dérober à leurs obligations, prétendent que les lois sociales métropolitaines ne peuvent être appliquées en Indochine sans importantes modifications en raison des ‘’particularités du pays’’. Au dire du ‘’Travail’’, ces ‘’particularités’’ ne sont autres que : ‘’l’exploitation capitaliste’’, ‘’les survivances féodales dans la paysannerie’’, qui se traduisent par : les coups et les mauvais traitements subis par les ouvriers, les salaires réduits, les amande, le peu de prix de la vie humaine, la répression des grèves . »120

Et en outre a été ajoutée la critique brutale contre le roi d’Annam Bảo Đạ i et S.E. Ph ạm Quynh qui était naguère "démocrate " et devenu subitement royaliste, "b âtissant doctrines sur doctrines pour justifier sa position "121 . L’action des collaborateurs du "Travail " est ainsi entré dans la dernière étape qui aura mené d’un trait jusqu’à un mouvement de grèves générales à partir du mois de janvier 1937. "Le Travail " n’a pas cessé d’agrandir les réseaux de militants non seulement aux villes de Hanoi et Haiphong mais encore à l’échelle des provinces du Tonkin, comme le groupement "Lao Đông Bình Dân " (Rassemblement populaire prolétaire) dont l’organe de combat était le journal "Le Travail ", se trouvait, en mars 1937, en plein effort d’organisation à Phúc Yên (environ 30km de Hanoi au nord-ouest) 122 , alors que une autre attaque allait être déclenchée par une manifestation politique de journalistes. bbb.b. Les journalistes La réaction de l’autorité coloniale était prudente au début du mouvement de grèves en janvier-mars 1937 mais, est devenue peu à peu plus rigoureuse. Le 1 er avril 1937, Tr ịnh V ăn Phú a été arrêté. Ce militant, qui était gérant du journal communiste "Le Travail ", défenseur des "masses laborieuses " et conseiller de la Chambre des Représentants du Peuple, a été poursuivi pour manoeuvres contre la sécurité publique

119 Note confidentielle n˚14832/S, le 16 décembre 1936. CAOM, RST-NF, 2960. 120 Le Travail , le n ˚14 du 18 décembre 1936. 121 Note confidentielle n.14949/S, le 18 décembre 1936. CAOM, RST-NF, 2960. 122 CAOM, I-NF, 2668.

200 qu’il s’agit, en l’espèce, d’un tract subversif affiché sur les panneaux électoraux. Les passages incriminés étaient les suivants :

« Les spéculateurs profitent de la dévaluation de la piastre indochinoise ; le péril de la cherté de la vie nous pousse dans une misère sans borne. Devant cette dangereuse situation, nous n’avons pas le droit d’ouvrir notre bouche pour nous plaindre de notre misère et de notre malheur, Tête basse nous devons nous résigner au régime de bâillonner et de fermer à clé la bouche (régime du mutisme), au régime de la terreur, de la décadence, de la tromperie publique . »123

Le Tribunal a condamné Tr ịnh à mille francs d’amende ferme et à 15 jours de prison avec sursis. Malgré l’arrestation de Tr ịnh V ăn Phú et/ou étant prêché par cela, les dirigeants du journal "Le Travail " ont engagé l’action suivante sans signe de trouble. Elle était cependant préparée avec les autres journalistes en Indochine. Au début de mois d’avril 1937, d’un côté le groupe de "La Lutte " en Cochinchine a invité les dirigeants du journal "Le Travail " à Hanoi à combattre le Gouvernement de Léon Blum et à passer à "l’action directe ", c’est-à-dire à provoquer des incidents et des manifestations de nature à forcer les autorités locales à procéder à des arrestations et les Tribunaux à condamner des militants pour délits politiques. Les dirigeants de la fraction légale du "Đông-Dươ ng C ộng S ản Đãng " (le Parti Communiste Indochinoise) espéraient par cette tactique : « alerter les masse de la Métropole afin que celles-ci fassent pression sur le Gouvernement et l’obligent à appliquer en Indochine la politique libérale que les masse indochinoises étaient en droit d’attendre d’un Gouvernement de Front Populaire »124 . De l’autre côté, la fraction légale du PCI en Annam a envoyé à Hanoi l’agitateur Ph ạm V ăn Đồ ng avec mission de soumettre au groupe du "Travail " un programme d’action pour l’organisation d’un "Congrès Régional des journalistes et des écrivains annamites du Tonkin ", réplique de celui qui avait réuni les journalistes de l’Annam à Hué le 27 mars 1937. Le 12 avril, 24 directeurs de journaux annamites se sont réunis au siège du journal hebdomadaire "Tươ ng lai " sous la présidence de Nguy ễn V ăn Ti ễn, directeur politique du journal "Le Travail ", afin de discuter de l’organisation du "Congrès régional de la Presse du Tonkin ". L’Assemblée a constitué un "Comité de Convention " de 18

123 CAOM, I-NF, 2668. 124 CAOM, I-NF, 2668, Note confidentielle n˚ 1717 du 23 avril 1937 de la Direction de la Sûreté générale ; CAOM, I-NF, 2403 et 2669. Un incident est survenu nuit du 26 au 27 mars 1937, au village Nội Bài de cette province. Patrouille miliciens perquisitionnant dans un tripot de jeux a été attaquée par une centaine paysans conduits par Lý tr ưở ng (Chef de village).

201 membres représentant les journaux : "Le Travail ", "Rassemblement ", "L’Effort ", "La Patrie Annamite ", "Tươ ng lai "(L’Avenir ), "Th ời Th ế"(Le siècle ), "Trung-Bắc tân v ăn"(Les Nouvelles de l’Annam-Tonkin ), "Vi ệt Báo "(Le Journal de l’Annam ), "Th ời Báo "(Le Temps ), "Ngài Nay "(Aujourd’hui ), "Tinh Hoa "(Quintessence ), "Bắc Hà "(Le Tonkin ), "Ích H ũư "(La Revue pour tous ), "Ti ều Thuy ết Th ư Nam "(Les Contes du Jeudi ), "Ti ều Thuy ết Th ư B ầy"(Les Contes du Samedi ), "Tín V ăn"(Nouvelles Littératures ), "Ban Dân "(L’Ami du peuple ) et "Cạu Ấm"(La Revue des Garçons ). Ce comité a été chargé de l’organisation matérielle du Congrès. Le 15 avril, ses membres, réunis à Hanoi sur l’initiative des dirigeants du "Travail ", ont fixé au 24 avril la date de l’ouverture du "Congrès Régional de la Presse Tonkinoise ". Le "Congrès de Convention ", qui a été désigné le mai 1938, un an après le premier "Congrès Régional de la Presse Tonkinoise ", pour reprendre les travaux de formation de l’Amicale de la Presse du Tonkin, a obtenu l’insertion, dans le "Vi ệt Báo " du 19 courant, de l’avis qu’au cours de la réunion du 10 mai, « nous avons été désignés pour nous mettre en rapport avec tous les confrères collaborant aux divers journaux en vue de former notre amicale »125 . À la demande du groupe du "Tin T ức", "Đông Pháp " et "Vi ệt Báo ", qui a déjà reçu l’agrément d’environ 80 journalistes, le Comité de Convention pour la fondation de l’Amicale de la Presse du Tonkin a organisé le 11 juin 1938 une assemblée générale des journalistes et écrivains. Cette réunion s’est tenue au siège de la Société de bienfaisance "Hợp Thi ện", 125 boulevard Henri d’Orléans à Hanoi. Il y fut discuté des conditions requises pour devenir membre de la future Amicale. Les journalistes, membres de la Section de Hanoi du Parti socialiste S.F.I.O., ont décidé de soutenir les candidats en fonctions du bureau provisoire de l’Amicale 126 bien que les candidats proposés ne sont pas tous membres de la Section S.F.I.O. Ce soutient est une conséquence des liens créés lors de la mise en oeuvre des actions. On remarquera ainsi qu’au cours de l’ouverture du congrès des journalistes pour la formation de l’Amicale de la Presse du Tonkin, que les différents réseaux se croisent plusieurs fois. C’était une invitation du groupe de "La Lutte " de Saigon qui est à l’origine de cette action. De plus un activiste de Hué a été envoyé à Hanoi où se tenaient prête une Société de bienfaisance et une section du Parti S.F.I.O. qui donnent un coup de main pour la fondation de l’Amicale de la Presse du Tonkin. L’association avait pour fonction de diffuser le réseau social de ville en ville par des interactions entre les

125 Note confidentielle n˚ 8655 du 19 mai 1938 du Service de la Sûreté du Tonkin. CAOM, RST-NF, 677. 126 Note confidentielle n˚ 9251 du 1 er juin 1938 et n˚ 9541 du 7 juin 1938 du Service de la Sûreté du Tonkin. Les candidats proposés n’étaient pas tous membres de la Section SFIO. CAOM, RST-NF, 677.

202 intermédiaires s’occupant de différentes activités sociales telles que la Société de "Hợp Thi ện" dont le but était de développer l’idée de la mutualité et de la charité, de fonder et d’entretenir des institutions, telles que les maisons de travail, HBM, maisons d’accueil et de famille, restaurants populaires, bureaux de placement, etc.... 127 . ccc.c. Les conseillers municipaux En Cochinchine, des manifestations contre l’impôt avaient lieu fréquemment en mobilisant plus de 1.700 personnes au total dans les provinces depuis 1 er mars 1937. 16 incidents au moins dont 9 à Gia Định , 3 à Cholon, 3 à Mytho, 1 à Trà Vinh ont été recensés jusqu’au mois de mai 128 . La campagne de manifestation a s’est accrue de jour en jour. Voici un tract de propagande syndicaliste en qu ốc-ng ữ qui a été distribué en septembre 1937 dans la province de Long Xuyên :

« Depuis l’antiquité jusqu’à ce jour, vous ouvriers, travailleurs de la terre d’Indochine vous n’avez bénéficié d’aucune liberté républicaine si petite soit-elle, – même d’aucune liberté syndicale. C’est précisément à cause de cela que des dizaines de milliers des vôtres sont misérables sous le régime colonial cruel de l’impérialisme français, sous le régime barbare des propriétaires fonciers, sous le régime cupide, cruel des capitalistes. Pour toute l’Indochine, la masse du peuple semble vivre dans un enfer noir. (....) Cependant, (....), Toute l’Indochine n’est pas passé par la période de revendications générales dans les villes comme dans les campagnes. »129

Les manifestations de cette période projetaient-elles déjà une attaque contre l’autorité coloniale ? C’est probable. En effet, tels que Lê V ăn Th ụ, rédacteur du journal "La Lutte ", Tạ Thu Thâu et Nguy ễn V ăn T ạo, conseillers municipaux communistes à Saigon, et avec Tr ần V ăn Th ạch ou Nguy ễn An Ninh plusieurs communistes, de multiples arrestations avaient lieu en août 1937, et ils ont été inculpés de manoeuvres subversives et de violation sur la liberté de la presse applicable à la Cochinchine 130 . À Hanoi, un événement incroyable a eu lieu le 23 novembre 1937. C’était la première fois dans les annales de la ville de Hanoi. Cela est rapporté ,dans le journal "l’Annam Nouveau " : « les représentants de la population annamite ont quitté la séance »131 . Ils

127 Société de Bienfaisance du Tonkin Hợp Thi ện, Statuts, Imprimerie Trung-Bac Tan-Van, Hanoi, 1933, p.3. Cette Société est fondée en 1906 à Hanoi. CAOM, RST-NF, 691. 128 CAOM, I-NF, 2666. 129 CAOM, I-NF, 2661. 130 CAOM, I-NF, 2670. 131 L’Annam Nouveau , le 25 novembre 1937.

203

étaient 6 conseillers municipaux annamites : Lê Thang , Dang Vu Lac , Bui Tuong Chieu , Ha Van Binh , Phung Nhu Cuong et Nguyen Thiêu . Lê Thang se leva et, au nom de la représentation annamite, prononça une déclaration au Maire de Hanoi Virgitti :

« Durant trois ans, les conseillers annamites vous ont apporté, ainsi qu’à leurs collègues français, leur collaboration la plus entière et la plus désintéressée. (....) vous avez donné aux représentants annamites le sentiment net et précis qu’ils sont quantité négligeable au sein de cette assemblée, alors qu’ils voudraient que les intérêts français et ceux annamites y soient sur le même pied d’égalité . »132

Selon un autre journal "l’Effort ", dans « cette grève », il y a une chose digne d’être remarquée : c’était que les grévistes, composés de deux notables commerçants, d’un professeur, d’un journaliste, d’un avocat et d’un docteur c’est-à-dire de gens dont le niveau socio-intellectuel n’est nullement inférieur à celui de Virgitti, ont été traités par l’Administrateur-Maire avec beaucoup moins d’égards que les grévistes du grand marché avec lesquelles il a « daigné » discuter. Et le motif de la grève ? Il provient d’une vaine demande de compressions de dépenses. Le Maire avait toujours passé outre leurs avis. C’est-à-dire, les augmentations de taxes anciennes (patentes, etc.) et les taxes nouvelles (de résidence, d’eau, etc.) ont été appliquées, et le projet de budget 1938 a été voté malgré eux. La question était d’ordre politique. « Si, vraiment », dit l’article dans "l’Effort ", « le Gouvernement français veut une collaboration franche et loyale entre les deux peuples, il est nécessaire, – aujourd’hui plus que jamais (car les canons japonais tonnent à nos frontières) – qu’il conforme ses actes aux beaux discours officiels ; que, dans les Assemblées élues, où les représentations françaises et annamites sont appelées à travailler ensemble, le nombre des membres annamites soit égale à celui de leurs collègues français »133 . Il leurs était inadmissible que 1.296 électeurs français puissent envoyer au sein de l’Assemblée 12 délégués alors que seulement 6 conseillers annamites représentaient une population de 180.000 habitants, surtout que c’étaient les Annamites qui alimentaient la plus grande partie du budget 134 . Il existait d’autre part un journal "La Volonté Indochinoise " qui prennait une position différente de celle des autres journaux : « Hanoi est la ville la moins imposée de toute l’Indochine, et qu’à Saigon et Pnom Penh principalement les taxes et impôts sont beaucoup plus élevés qu’à Hanoi ». Donc, écrit-il, « les conseillers municipaux

132 l’Effort , le 26 novembre 1937. 133 Ibid. 134 l’Écho annamite , le 4 décembre 1937.

204 annamites se sont retirés faute de pouvoir présenter des contre-propositions »135 . Le Conseil municipal de Hanoi est finalement dissous par l’arrêté du 15 décembre 1937. Il est institué, en remplacement du Conseil municipal de Hanoi, une commission municipale composée de 12 membres titulaires (dont 8 français et 4 annamites au lieu de 6) et 4 suppléants (2 français et 2 annamites) qui a toutes les attributions conférées au dit Conseil par la législation en vigueur. Virgitti est nommé Président de la Commission municipale 136 . Cet événement n’a pas pu soustraire Virgitti aux reproches lancés par la masse, par ailleurs d’autres difficultés se sont acharnées contre lui. Au fond, tous les aménagements et embellissements de la ville faits sous la direction de Virgitti étaient dûs exclusivement à des ventes de terrains, patrimoine légué par l’administration à la ville. Cela entraîne un événement imprévu. Le 30 octobre 1937, la manchette du journal "Masques " annonçe l’affaire : « M.Virgitti avait décidé de spolier la pagode des Deux Sœurs. Il portait ainsi un coup mortel à la collaboration franco-annamite ». Le conflit né d’une mesure décidée par la Municipalité de Hanoi afin d’affecter au cimetière de la Mission catholique une partie des terrains entourant la Pagode des Deux Sœurs, connue en vietnamien sous le nom de Hai Bà Tr ưng . Rappelons que, celle-ci commémore une des figures les plus glorieuses de l’Histoire d’Annam, c’est-à-dire la victoire de Tr ưng Tr ắc et de Tr ưng Nh ị sur le général chinois Su Ting (Tô Dinh) en l’an 38 ; « Ce sanctuaire créé par ordonnance du roi Lý Anh Tông en l’an 1158 correspond pour nous à ce qu’est pour les Français la maison de Jeanne d’Arc à Domrémy », explique Pham Huy Luc , le président de la Chambre des Représentants du Peuple du Tonkin d’alors. Virgitti a décidé d’exproprier ce sanctuaire ; c’est pourquoi plusieurs notables de la ville de Hanoi tant bouddhistes que catholiques sont venus protester auprès du Résident supérieur du Tonkin contre cette mesure 137 . Selon Virgitti, la Mission Catholique possède un cimetière particulier sis à la Route Mandarine, c’est à dire au niveau de la route coloniale n ˚1 reliant Hanoi et Saigon. En arrivant du Sud, on défile donc devant ce cimetière (PlanPlan 24 et 252525 et voir Annexe 1414). Pour une grande ville avec des plans d’urbanisme, cela ne présentait pas une image acceptable aux yeux du Résident maire. Après études par ses services, il a préconisé la solution qui lui semblait s’imposer. Elle a été adoptée par l’Assemblée municipale, prévoyant de grouper tous les cimetières dans le même quartier par extension du cimetière communal de la Rue Sergent Larrivé. Et voici comment la Ville a été amenée à

135 La Volonté Indochinoise , le 27 novembre 1937. 136 CAOM, I-NF, 2405. 137 Masques , le 30 octobre 1937.

205 disposer du terrain qui avoisine la "Pagode " toute proche des "Deux Sœurs" :

« En fait donc, et en droit, la ville de Hanoi est propriétaire de ce Temple, improprement dénommé Pagode je le répète, sous les réserves que lui impose son classement. De même de tout le terrain avoisinant qui n’a jamais cessé d’être communal . »138

Cette question, en effet, tendait à dégénérer en une question politique, et à jeter dans les esprits de certains milieux indigènes un trouble. Il en a résulté que, du point de vue administratif, la Municipalité n’a commis aucune irrégularité, et, en particulier, n’a nullement cherché à avantager la Mission Catholique aux dépens de la Pagode. Néanmoins certaines personnalités ont amenés divers arguments d’ordre foncier ou d’ordre religieux pour vivement s’élever contre la mesure d’urbanisme envisagée. Ainsi l’administration locale a-t-elle été amenée à renoncer à la Convention passée avec la Mission, et à prévoir, d’accord avec elle, le transfert de son cimetière sur un terrain ne présentant pas les mêmes inconvénients que l’emplacement choisi tout d’abord 139 .

Plan 22252555 – Projet du Quartier du Cimetière à Hanoi en 1937

La Route Mandarine (dite coloniale n ˚1) passe juste à gauche du Cimetière Catholique

138 Rapport du 17 septembre 1937 de Virgitti au Résident supérieur au Tonkin. CAOM, I-NF, 2405. 139 Lettre du 14 janvier 1938 du Gouverneur général de l’Indochine Brévié au Ministre des Colonies. CAOM, I-NF, 2405.

206

Plan 226666 – Projet du Quartier de la Pagode de Deux Sœurs à Hanoi en 1937

ddd.d. L. LaL aaa Jeunesse Nous pouvons considérer que la mobilisation en ville s’est sensiblement accrue au Viêtnam dans la dernière moitié des années 1930. Les habitants n’ont plus hésité à assurer des responsabilités politiques et sociales dans leur ville. Ils voulaient, de préférence la prendre volontairement. Et c’était en même temps pour la jeunesse un moyen de profiter du système urbain. Ne pourrait-on pas donc dire que la ville de l’Indochine a atteint une forme maturité ? Une manifestation impressionnante a été organisée à Hanoi, le 9 janvier 1938, à l’occasion de l’arrivée dans cette ville de Vial, Inspecteur général de l’enseignement en retraite, chargé de mission en Indochine. Environ une semaine, avant les journaux "Thời Thế " et " Hà Thành Thời Báo " ( Le courrier de Hanoi ) avaient annoncé la prochaine arrivée de Vial, qui était présenté comme "membre de la Commission d’Enquête de la France d’Outre-Mer, envoyé par le Gouvernement du Front Populaire pour faire une enquête sur le régime de l’Enseignement en Indochine". Ils encourageaient la jeunesse scolaire et universitaire à ne pas se désintéresser de cette mission et à élaborer d’urgence un cahier de revendications qui devait être remis à Vial lors de son séjour au Tonkin.

« En général, à l’arrivée de chaque délégué du Gouvernement du Front Populaire, les

207

divers éléments de la population, et en particulier la presse, font de la propagande pour organiser une réception. Mais comme M.Godart nous a déçus à son passage, la presse se montre réservée à l’égard de la prochaine arrivée de M.Vial et cela ne nous surprend pas. Mais devons-nous pour cela, nous la Jeunesse du pays, adopter une attitude indifférente ? Non, car la question de l’enseignement est celle qui nous intéresse le plus.(....) Jeunesse, si vous voulez obtenir une modification du régime de l’enseignement de ce pays, si vous voulez bénéficier de quelques améliorations vous devez dès aujourd’hui élaborer un projet de programme de réforme de l’enseignement que vous soumettrez à M.Vial. »140

À propos de cette manifestation, suivons la note établie par la Direction de la Sûreté générale 141 . Le dimanche 9 janvier à 12h30, de nombreux élèves des écoles privées "Th ăng Long " et " Gia Long " de Hanoi, et des délégués de diverses corporations ouvrières (tailleurs, cordonniers, chapeliers, blanchisseurs, verriers, typographes, tisserands, boys, cuisiniers, couturières, bonnes d’enfants, marchandes des Halles, traminots, ouvriers d’usine) ont commencé à affluer aux abords de la gare. A 13h35, heure normale de l’arrivée du train de Saigon, ils étaient deux cents. Leur nombre n’a cessé de grossir jusqu’à l’arrivée du train, qui a eu un retard considérable ; au moment de cette arrivée, on comptait environ 400 personnes. Les manifestant s’étaient munis d’insignes en papier portant les initiales J.S. (Jeunesses Scolaires ), de couleur et de forme différentes, savoir : verts, en forme d’étoile, pour les écoliers ; jaunes, de forme ronde, pour les étudiants ; verts, de forme triangulaire, pour les journalistes et les professeurs, chargés du service d’ordre. Les délégués des corporations ouvrières, au nombre d’environ cinquante, portaient des brassards en étoffe de couleur rouge sur lesquels figurait la mention : "délégués ouvriers". Nous allons examiner maintenant, encore une fois, l’organisation de cette manifestation. En premier lieu, il ne faut pas négliger le rôle des "professeurs Rouges" qui enseignaient dans les deux établissements de " Th ăng Long " et " Gia Long ", comme Võ Nguyên Giáp , Đặ ng Thai Mai et Vũ Đình Hòe 142 , car ils avaient réalisé avec leurs camarades communistes les grèves ouvrières au début de 1937. Ces écoles privées ont attiré des milliers d’élèves de la capitale bien qu’elles fûrent surveillées par la Direction de la Sûreté générale. En second lieu, nous pouvons dire qu’il s’agit de la systématisation de

140 Th ời Th ế, le 1 er janver 1938. 141 CAOM, I-NF, 2407. 142 Voir Trinh Van Thao, op.cit ., 2004, p.213 et p.218.

208 la solidarité de classe, autrement dit, celle de leur moyen et réseau de contacts. Il ne leur a plus été nécessaire de chercher à tâtons le moyen pour se solidariser entre manifestants de la ville. Il y avait en fait une entente parfaite entre eux. Il y avait aussi quelques libérés politiques et journalistes qui ne portaient aucun insigne et qui semblaient vouloir donner l’impression qu’ils étaient en dehors de la manifestation. De même, pendant que les manifestants attendaient devant la gare l’arrivée de Vial, trois Annamites ont cherché à leur vendre des exemplaires d’une brochure intitulée : " Liên Bang Soviet 1937 " ( L’Union Soviétique 1937 ), sortant des presses de l’Imprimerie " Thanh Mau " de Saigon. Un manifestant s’est emparé d’un de ces exemplaires et l’a déchiré en déclarant que la brochure ne valait pas la peine d’être lue. Après le passage de Vial, les manifestants se sont dispersés sans incident. C’était tout. Ainsi ont-ils appris, pratiqué et perfectionné le technique pour organiser une grève. Non seulement celà, mais aussi il y a avant tout une transformation : la modernisation et la restructuration de l’espace urbain au contact de la colonisation, soit matérielle et visible, soit immatérielle et invisible, dont la succession a produit de nouvelles classes urbaines et problèmes urbains qui correspondent à la conjoncture historique ou internationale du XX e siècle

209

Chapitre ⅣⅣⅣ. Vers une société « contemporaincontemporaineeee » (193(1937777----1945)1945) ?

Le mouvement de grèves avait pour but d’obtenir le droit social et un fond syndical. Mais est ce que la masse le désire sous le régime colonial ? Le régime colonial a pu avoir un impact positif sur le pays en voie de développement au-delà des liens d’intérêt ou de toute attente des gens. Le Front Populaire a dû faire face tout de suite au problème du mouvement de grève en l’Indochine, tandis que son avènement a soulevé de grands espoirs dans toutes les colonies françaises. Il impulsait des mouvements politiques et sociaux car la société coloniale voulait rejoindre la société de métropole. Par contraste, il participe à une amélioration des conditions de vies urbaines au-delà de l’impasse de la crise économique. Durant cette période, l’État colonial indochinois est ainsi allée à la rencontre du syndicalisme ? Où a-t-il eu l’intention de diriger l’Indochine ? Ce chapitre revient donc sur la question de la restructuration de l’institution sociale en remarquant les politiques sociales et urbanistiques « modernes » impulsés par le Gouvernement français plutôt que le Gouvernement colonial dans le contexte des situations instables à la veille du Seconde Guerre mondiale et sous le Régime de Vichy.

1. La Commission d’enquête dans les territoires d’outred’outre-d’outre ---mermermermer Elle a été créée par la loi du 30 janvier 1937, et a commencé immédiatement, le 8 juillet de l’année suivante, ses travaux sous la direction de Henri Guernut, Directeur de la Commission d’enquête. Conformément aux prescriptions de l’article 6 du décret du 4 février 1938, elle s’est divisée en trois sous-commissions : (1)Tunisie-Maroc, (2)Colonies d’Amérique, Afrique continentale, Madagascar et Réunion, (3)Indochine, Inde française et Colonies d’Océanie 143 . Quelle fut sa constitution, son but, et son rôle ? Aussi, quelle paraît avoir été sa méthode ? Dans le texte des travaux préparatoires, sont insérées les préambules que la politique coloniale de la République se doit de proposer afin de rénover le système colonial français dans le sens d’une amélioration générale des conditions d’existence sociales et politiques des populations d’Outre-Mer.

« Cette enquête devra s’étendre sans distinction à tous nos compatriotes : citoyens, sujets et protégés, affirmant ainsi la solidarité de toutes les parties et de tous les habitants de la France d’outre-mer et la commune sollicitude à leur égard de la nation

143 CAOM, GGI-AF, 53458.

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protectrice. »144

Le but de cette Commission d’enquête était donc double. D’abord, faire le point, préciser les résultats obtenus en tous domaines dans les territoires coloniaux, à l’exception de l’Algérie. D’autre part, mettre sur pied, d’une façon pratique et concrète, un programme d’action conforme à la fois aux vœux légitimes des masses indigènes, aux intentions généreuses du Gouvernement et aux possibilités de la Métropole. L’enquête s’est effectuée en juste un an de février 1937 à février 1938 pour l’Indochine, selon une nomenclature de questions à étudier : Ⅰ–Questions relatives à l’Homme (démographie, alimentation, habitation, hygiène, assistance, enseignement, travail) ; Ⅱ–Questions économiques (équipement général et communications, agriculture et régime foncier, commerce, industrie, débouchés) ; Ⅲ–Questions politiques (organisation administrative, justice, codification des coutumes, finance et fiscalité, aspiration des Indigènes, organisation politiques et défense, problèmes de politique étrangère propres à chacune nos possessions ou à plusieurs d’entre elles). Pour cette enquête, d’innombrables vœux et avis des masses indigènes ont été adressés auprès du Gouvernement général qui s’est chargé de les recevoir. Mais la population indochinoise espérait que la Commission d’enquête viendrait en Indochine pour être en contact direct avec le peuple et recevoir leurs vœux sans passer par l’intermédiaire du gouvernement indochinois 145 . Il fut reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte des avis en dehors de ceux des personnes instruites. On dit que les enquêteurs prirent connaissance des requêtes provenant en grande partie des privilégiés 146 . Cependant, les enquêtes effectuées par les enquêteurs eux-mêmes dont la plupart étaient administrateurs ou ingénieurs, rendent compte des conditions de vie dans les provinces du Viêt Nam. Il serait difficile d’examiner ici toutes les enquêtes mais, d’après une enquête sur la province de Nam Dinh (87km au Sud de Hanoi), le chiffre de la population recensée était 1.136.071 dont 26.170 habitants urbains, en décembre 1937. La population augmentait chaque année de 1,3% à 1,4%. Le commerce était prospère à Nam Dinh, surtout dans la ville : la moitié de la population du chef-lieu était composée de commerçants, presque tous en boutique, qui gagnent bien leur vie :

« On se saurait dire par là qu’il n’y a pas de misère en ville. À côté des commerçants

144 Cette enquête provient d’une série d’investigations particulières des initiatives de la Conférence coloniale de 1917, de la Commission consulative d’études tunisiennes en 1924, du questionnaire du Gouvernement algérien du 5 juillet 1934 sur le genre d’existence et la mobilité des populations et les recherches marocaines sur les budgets de familles indigènes. 145 Th ời Th ế, le 6 novembre 1937. 146 La lutte , le 7 novembre 1937.

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établis, existent en effet plusieurs milliers de pauvres bougres vivant on ne sait au juste de quoi, colporteurs, marchands d’eau, coolies, etc...., le plus souvent dans une profonde misère . »147

En effet, il y avait peu de différence de niveau de vie entre les commerçants patentés de la province et de la ville (TableauTableau 558888). Presque tous les Annamites patentés de province appartenaient aux 10 ème (46,3%) et 9 ème (38,3%) classes de la 5 ème catégorie (99,9%) alors que les Annamites patentés de la ville appartenaient à la 9ème (46,1%) et 8ème (27,3%) classes de la 5 ème catégorie (99,1%). Ils payaient seulement de 2 à 6 piastres par an. Autrement dit, cette enquête a montré le fait que les commerces de province constituaient un bon indice de développement urbain. L’effet des enquêtes a mis ainsi à jour des situations sociales inconnues jusque-là et les problèmes sociaux qui y étaient liés.

Tableau 55585888 – Nombre de patentes* par catégorie et par classe à Nam Dinh en 1937 Province Ville Catégorie Clesses Montant Annamites Chinois Annamites Chinois Français Indiens 1ère 7è 3000$ 1 5è 1600$ 1 2è 6è 1400- 1 1ère 800$ 2 5è 400- 1 3è 6è 300- 1 8è 200- 1 3 1 1è 180$ 1 2è 160- 1 3è 140- 1 1 4è 4è 120- 3 5è 100- 1 2 1 6è 80- 1 4 2 1 7è 60- 4 5 2 1è 50$ 7 4 1 2è 40- 1 16 11 1 3è 30- 16 9 1 2 4è 25- 3 11 4 5è 20- 5 45 8 1 1 5è 6è 15- 29 2 82 4 4 7è 10- 50 2 201 9 1 8è 6- 207 2 497 1 9è 3- 739 838 10è 2- 893 85 Total 1928 6 1814 63 19 5 * En piastre. Source : CAOM, Guernut, 92.

147 CAOM, Guernut, 92. Enquête N ˚Ⅰ -A sur l’Alimentation des indigènes à Nam-Dinh.

212

Il y a un autre exemple concernant des situations obscures. Chaque année, la population de Hanoi était l’objet d’un recensement exécuté par les soins de la Police urbaine, avec les moyens nettement insuffisant. Le recensement de 1935 établit de cette manière avait fourni le chiffre de 126.000 habitants, chiffre manifestement inférieur à la réalité. Le Service d’Hygiène, cette même année, entreprit pour son propre compte, un recensement plus lent, plus patient, mais plus serré et contrôlé par plusieurs recoupements différents. Chaque maison fût effectivement visitée et ses habitants dénombrés tant par interrogatoire que par constatation. Par le Service des Vidanges, par le Service des Contributions, par le Service des Eaux, par les Chefs de rue, on est arrivé à se rapprocher très sensiblement de la réalité. Cette manière de faire a permis en outre d’établir le taux de densité par quartier et par bloc d’habitations et de fournir des renseignements extrêmement intéressants concernant le surpeuplement de certains secteurs de la ville. Par exemple bien que la population flottante ( Nhà-bé , ouvriers travaillant à Hanoi et habitant dans la zone suburbaine) n’a pu être dénombrée, on peut l’évaluer à 50.000 habitants environ 148 .

Graphique1Graphique14444 - Répartition proportionnelle par catégorie de lecteurs annamites de la Bibliothèque centrale de l'Indochine à Hanoi en 1937 Élèves des écoles primaires supérieures et secondaires (54%) Fonctionnaires (16%) 14% 16% Étudiants de l'enseignement supérieur (14%) 4% 3.8% Membres de l'enseignement (4%) 1.9% 1.7% Employés d'entreprises privées industrielles ou commerciales (3,8%) 1.5% Commerçants et industriels (1,9%) 0.6% Journalistes (1,7%)

54% Sans profession, titulaires d'un diplôme de l'enseignement secondaire (1,5%) Sans profession, titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur (0,6%) Source : CAOM, GGI-AF, 53470.

D’autre part, des enquêtes ont démontré le haut niveau intellectuel de la population indigène. On peut saisir la répartition proportionnelle des différentes catégories de lecteurs annamites "titulaires d'une carte permanente " de la Bibliothèque centrale de l’Indochine (Bibliothèque Pierre Pasquier) à Hanoi en 1937 (GraphiqueGraphique 1414) à partir d’un

148 La presse , le 8 décembre 1937.

213 rapport sur la Direction des Archives et des Bibliothèques destiné à la Commission d’enquête dans les territoires d’outre-mer. D’après les données, 3,8% parmi les lecteurs annamites a été représenté par les employés d’entreprises privées industrielles ou commerciales contre 1,9% de commerçants et industriels puis 1,5% de journalistes. Les employés et les ouvriers s’intéressaient beaucoup à l’amélioration de leur niveau intellectuel ou peut-être à l’étude des lois sociales d’alors, fréquentant la Bibliothèque les jours de repos. N’est-ce un fait notable 149 ? Quoi qu’il en soit, à part l’exemple du recensement de 1935, la Commission d’enquête a amené une possibilité d’amélioration des conditions sociales dans la dernière moitié des années 1930. Toutefois il faudrait examiner encore un bon nombre d’autres rapports pour répondre à la question sur la différence du niveau de vie et pour estimer son œuvre en Indochine et dans les territoires d’outre-mer....

2. LibertLibertéé de l’l’AssociationAssociation professionnelle Les patrons européens, plus riches que les indigènes, cherchaient depuis longtemps en Indochine à former le syndicat pour protéger leurs intérêts professionnels contre la fraude, notamment par l’Armée. Une réunion du "Syndicat des Hôteliers " a été convoquée parmi les hôtels principaux ― Splendid, Colonies, la Gare, la Paix et Métropole ― le 4 février 1937 à Hanoi. Au cours de la réunion, les hôteliers ont rédigé un cahier de revendications à soumettre à l’Administration locale. Ces revendications ont porté particulièrement sur les point suivants 150 : (1) Interdiction aux sous-officiers mariés, logeant en ville de se faire nourrir par les mess régimentaires ; (2) Arrêt du trafic constaté dans plusieurs centres militaires comme Thuyên Quang , où les légionnaires achètent sur leur prêt aux coopératives régimentaires diverses denrées, dont le lait et les cigarettes, qu’ils revendent ensuite aux épiceries chinoises et aux hôteliers ; (3) Demande de fourniture d’eau aux hôtels au tarif industriel. La Société concessionnaire contraint, en effet, les hôteliers, pour obtenir l’eau au tarif industriel, à prendre une patente de blanchisseur ; (4) Unification des tarifs de salaires des boys des restaurants et des hôtels ; (5) Unification des tarifs des clients. Des telles mesures – solidarité, concurrence et réglementation – étaient une question de vie ou de mort pour les patrons, soit européens, soit indigènes. Il existait aussi à ce moment une délégation du Patronat européen de la

149 CAOM, GGI-AF, 53470. 150 Note confidentielle N ˚1532 du 4 février 1936 par le service de la Sûreté au Tonkin.CAOM, RST-NF, 2960.

214 circonscription de Hanoi composée de personnalités connus dans le monde des affaires de l’Indochine : Aviat, entrepreneur ; Baffeleuf, administrateur-délégué de la Société des Transports Maritimes et Fluviaux de l’Indochine ; Boeuf, Directeur de l’Hôtel Métropole ; Esteve, Directeur des Papeteries de l’Indochine à Đáp C ầu (Bắc Ninh) ; Lafface, Directeur de l’Imprimerie d’Extrême-Orient. Ils tenaient à s’élever auprès de Justin Godart contre l’opinion, trop facilement admise dans certains milieux administratifs et indigènes qu’ils étaient hostiles à l’application dans la Colonie, des lois sociales votées par le Parlement Français. Le Patronat européen était désireux de voir fixer par des Commissions paritaires, non seulement les minima de salaires prévus par l’article 39 du décret 1936, mais aussi des échelles de salaire, par catégories d’ouvriers et d’employés, applicables à tous les salariés indistinctement, qu’ils relèvent du Patronat européen ou du Patronat indigène 151 . En ce qui concerne le Patronat indigène, une réunion des patrons blanchisseurs a eu lieu le 19 janvier 1937 à Hanoi dans une blanchisserie de la rue des Voiles, pour revendiquer auprès de l’administrateur-Maire la protection et l’intervention administrative contre la concurrence des blanchisseurs de « la zone suburbaine ». Voici une lettre de revendication écrite par deux représentants des blanchisseurs de Hanoi :

« Vous connaissez, nous croyons, très clair de cherté de vie qui sévit il y a peu et des difficultés dans notre petit métier, comme nous l’avons cité dans nos dernières demandes. Cela et surtout une concurrence acharnée des blanchisseurs de la zone suburbaine menacera notre petite maison de commerce de faire faillite. Cette concurrence pèse d’autant plus que les nouvelles prescriptions de l’hygiène de Hanoi font contraste plus frappantes à celles de Hadông*. Pour sauver notre situation et par amour pour la santé publique, nous prisons Monsieur le Résident-Maire de donner sans retard l’ordre de défendre carrément les blanchisseurs de la zone suburbaine d’entrer dans la Ville, de confisquer leur linge au profit des sociétés de bienfaisance, de faire savoir au public que s’il donne à ces blanchisseurs le linge qui par malchance fait l’objet de la confiscation il n’a pas le droit de porter plainte aux autorités .» 152 *Une décision en avril 1936 de la Municipalité de Hanoi obligeant les blanchisseurs à installer l’eau courante dans leurs ateliers .

L’autorité indochinoise semblait apercevoir que de telles concurrences déloyales

151 Rapport établit par J.Godart, pp.38-39. CAOM, Guernut, 33. 152 Lettre adressée le 1 er février 1937 au président du Conseil municipal de la ville de Hanoi. CAOM, RST-NF, 2960.

215 s’exercent dans tous les corps de métiers, en étant saisi de réclamations identiques de la part des bijoutiers, des malletiers, des fabricants de meubles, etc.... 153 . Mais il s’agit essentiellement des questions politiques urbaines provoquées par l’extension de la zone suburbaine et l’urbanisation de Hanoi. Les patrons n’ont pas toujours pu avoir le privilège de prendre tous les travaux à forfait dans la ville, ni de jouir des avantages légaux sous le droit de sujet français. Les progrès de l’économie de marché ont désagrégé les corporations traditionnelles en ville et puis ont menacé non seulement les anciens métiers mais aussi la nouvelle génération. D’autre part, on remarque une solidarité chez les commerçants en ville pour concurrencer ceux de la zone suburbaine. Ils ont profité de l’occasion du mouvement de grèves pour chercher une nouvelle union des corporations. En fait, il existait, dans les années 1920 déjà, des Associations des employés ou patronales indigènes au Tonkin. Pour les employés, l’une nommée anciennement "l’Association Amicale des Employés Indigènes de Commerce et Industrie du Tonkin ", fondée le 31 juillet 1920 à Hanoi (N ˚139 B Boulevard Henri d’Orléans), changée en 1924 le nom en "l’Association Mutuelle des Employés Indigènes de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture de l’Annam-Tonkin (« AMECIA » : Trung B ắc Ký Nông Công Th ưong Đổ ng Nghi ệp T ươ ng-tê H ội)". D’après son statut, elle avait pour but principalement : de développer entre les employés indigènes de commerce, d’industrie et d’agriculture de l’Annam-Tonkin des sentiments de camaraderie et de solidarité ; de fournir dans la mesure du possible, à ses membres tous les renseignements susceptibles de les intéresser ou qui sont utiles à leurs professions respectives ; d’étudier les améliorations de la situation de ses membres ; de venir en aide moralement et pécuniairement, dans la mesure de ses ressources, à ses membres ou à leurs familles victimes d’une infortune ; de pourvoir à leurs funérailles 154 . Pour les patrons, il existait à Hanoi "l’Association des Commerçants, Industriels et Agriculteurs Annamites ayant pour abréviation « ACIA », autorisée le 25 novembre 1926 à Hanoi. Elle avait pour but principalement : de grouper pour la défense de l’intérêt commun de tous les commerçants, industriels et agriculteurs annamites ; d’établir entre ses membres des liens d’amitié et de solidarité ; de développer dans la population annamite l’amour du commerce, de l’industrie et de l’Agriculture de créer une bibliothèque disposant notamment d’ouvrages, journaux et revues relatifs à la vie économique ; de fonder une école pratique ; d’organiser des conférences, de publier des

153 Note du 2 février 1937 de Virgitti, le maire de Hanoi, au résident supérieur au Tonkin. CAOM, RST-NF, 2960. 154 AMCIA, Statuts, 1924, p.2. CAOM, RST-NF, 652.

216 livres et bulletins ; de constituer une caisse de secours 155 . Le nombre de ses membres fondateurs était de 56 et cette association a été gérée plus de 10 ans. Mais ces deux associations, puisqu’elles n’étaient que des « amicales », n’ont pas pu organiser des réunions vraiment « corporatives ». Cela veut dire qu’on a autorisé uniquement à certaines personnes importantes parmi les membres à s’occuper de l’intérêt commun que les statuts formulent. En 1933, le Gouverneur général Pierre Pasquier examinait l’adaptation possible au Tonkin d’associations corporatives, telles que celles organisées déjà en Cochinchine sous un régime de Statuts approuvés le 22 juillet 1933. Mais le Directeur des services agricoles et commerciaux du Musée Maurice Long a exprimé un avis défavorable car le travail tonkinois n’était point comparable à celui de la Cochinchine qui s’appuie sur des écoles artistiques provinciales que le Tonkin ne possédait point là 156 . En fait, ni l’association corporative, ni le syndicat n’avaient été autorisés au Tonkin même après la promulgation de la règlementation générale du travail en Indochine du 30 décembre 1936. Enfin, à Hanoi, un certain nombre d’ouvriers indigènes a demandé la formation du syndicat. Les revendications des tailleurs en grève le 16 janvier 1937 étaient la « Liberté de constituer des Syndicats des Tailleurs » ainsi que la « Promulgation des lois sociales en vigueur en France » et la « Liberté de parler et d’écrite ». Les grévistes indigènes revendiquaient radicalement l’application au même niveau des lois sociales telles qu’appliquées aux ouvriers métropolitains sous le gouvernement du Front populaire. De même, les chauffeurs d’autos de Hanoi se sont préparés à se mettre en grève le 20 janvier 1937. À cet effet, et conformément aux directives données par le groupe du "Travail ", ils cherchaient à constituer des syndicats. La grève des chauffeurs d’autos sera vraisemblablement déclenchée à l’occasion de l’arrivée à Hanoi du gouverneur général Brévié 157 . Justin Godart pensait que les textes sur les syndicats doivent être appliqués sans autre changement en Indochine. Les membres de tout syndicats professionnel chargés de l’Administration ou de la direction de ce syndicat peuvent donc être non seulement citoyens français mais aussi citoyens sujets ou protégés français. Mais convient-t-il de donner aux travailleurs indochinois le droit syndicat ? Godart insiste dans son rapport :

« En réponse, toutes les objections soulées en 1884 contre le syndicalisme réapparaissent.

155 ACIA, Nouveaux Statuts, 1938, pp.2-3. CAOM, RST-NF, 652. 156 CAOM, RST-NF, 2897. 157 Note confidentielle N ˚799 du 20 janvier 1937 par le service de la Sûreté au Tonkin. CAOM, RST-NF, 2960.

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C’est une argumentation périmée, qui n’a aucune consistance devant l’évolution du syndicalisme dans le monde entier, évolution dont la force et les bienfaits ont été le principal élément du progrès social. »158

Il suggère cependant : « n’allons pas trop vite » et « passons par l’étape des délégués d’usine », car l’éducation des ouvriers indochinois est trop insuffisante pour qu’on leur donne le syndicat dont ils ne sauront se servir que pour organiser des grèves. Il voyait qu’en Indochine les ouvriers n’avaient pas plus qu’ailleurs besoin d’être syndiqués pour se mettre en grève. Puisque l’éducation des ouvriers ne peut être faite que par le syndicat, il convient donc, dit-il, d’examiner la mise en valeur des écoles professionnelles, soit officielles, soit privées, du point de vue de l’administration. Toutefois, même avant que ce besoin impérieux ne se fasse sentir, cet enseignement s’avérait insuffisant. En effet, l’Annam ne comptait qu’une seule école avec 176 élèves, le Tonkin 2 écoles avec 336 élèves et la Cochinchine, le plus favorisé des cinq pays de l’Union, 5 écoles avec 612 élèves jusqu’à 1937. Si le Gouvernement désire sincèrement l’enseignement professionnel, il était nécessaire d’enseigner leurs droits et leurs devoirs comme en France à des enfants de 6 ans jusqu’au baccalauréat 159 . À propos, la grève de tailleurs déclenchée en janvier 1937 s’est prolongé jusqu’aux mois de février-mars. Une réunion des patrons tailleurs annamites pour vêtements européens a eu lieu, au n ˚11-bis rue des Éventails le 28 février, et au cours de la réunion à laquelle ont participé 27 patrons tailleurs, le projet de formation d’un Syndicat de patron tailleurs a été émis ainsi que celui d’une majoration éventuelle de 30% à 40% du prix de la confection. Une centaine de patrons tailleurs se sont, après en avoir obtenu l’autorisation du Maire de Hanoi, réunis le 8 mars pour constituer une Association amicale. Dès l’ouverture de la séance, un tailleur a fait connaître à ses collègues que l’administrateur-maire les autorisait à constituer une Association amicale, non un Syndicat. De même, une quarantaine d’ouvriers tailleurs se sont réunis dans la soirée du 7 mars chez un de leurs camarades domicilié, 75 rue du Pont en Bois, en vue de fonder une Association d’assistance mutuelle dite "Hợp tác th ị xã ". On a décidé de louer une maison où seront logés les ouvriers tailleurs en chômage. Les frais seront couverts par des cotisations mensuelles d’une piastre versées par les ouvriers-tailleurs en place, qui s’efforceront par ailleurs de procurer à domicile du Travail aux ouvriers-chômeurs. Cette Association de secours mutuel groupait déjà une cinquantaine de membres 160 .

158 Rapport établi par J.Godart, p.28. CAOM, Guernut, 33. 159 Ibid ., p.123. C’est un voue formulé par Vo Dinh Thuy, représentant du peuple de Quang Ngai dans une étude intitulée : Pour la commission d’enquête qui va venir – Un proramme minimum . 160 Note confidentielle N ˚2992-S du 10 mars 1937 par le service de la Sûreté au Tonkin. CAOM,

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Enfin l’autorité coloniale a commencé à autoriser au Tonkin la création des Associations amicales professionnelles constituées entre ouvriers ou employés d’un même corps de métier ou d’une même profession, contrairement au projet de décret sur les syndicats indigènes qui avait été soumis à l’approbation du Département des Colonies. Toutes les dispositions furent prises pour éviter que le mouvement de ces amicales ne se fasse clandestinement et ne puissent jouir d’une liberté d’action susceptible d’être utilisée à des fins d’agitation politique. A cet effet, l’Inspection générale du Travail prévut que les statuts de ces groupements devaient être rédigés en conformité au décret de 1933 et que l’action de ces groupements ne puisse s’exercer que dans la limite fixée par leurs statuts. Un modèle de statuts-types a été ainsi préparé en 1938 par ses services pour être tenu à la disposition des associations en voie de formation fixant les statuts par exemple : « nul n’est admis dans l’association s’il n’est âgé de 18 ans révolus », « le plus important membre du Conseil d’administration doit exercer la profession depuis de 30 ans pour pouvoir représenter l’amicale », « nul ne peut faire partie du Conseil d’administration s’il a encouru une peine afflictive et infamante », « les membres du Conseil d’administration seront choisis obligatoirement parmi les adhérents âgés de 30 au moins qui ont exercé la profession considérée pendant au moins 5 ans au cours des 6 années », « un secours pourra être également accordé aux membres chômeurs qui en feront la demande à condition que le chômage ne résulte pas d’une grève », etc....

Tableau 55595999 – Associations amicales professionnelles autorisées au Tonkin depuis 1937 Personnel Ménager de Hanoi 26/07/1937 Personnel Ménager de Haiphong 27/09/1938 Travailleurs du Livre du Tonkin 25/11/1937 Travailleurs de la Cotonnière à 28/09/1938 Patrons Tailleurs de Hanoi 11/01/1938 Haiphong Chapeliers de Hanoi 01/07/1938 Tisseurs de Haiphong 30/09/1938 Ouvriers Coiffeurs de Hanoi 04/07/1938 Employés asiatiques de la Sété des Ouvriers métallurgistes de Hanoi 11/07/1938 Ciments Portland artificiels de 30/09/1938 Patrons blanchisseurs à Hanoi 11/07/1938 l'Indochine Navigateurs des T.P. du Service Ouvriers Tailleurs à Hanoi 11/07/1938 01/10/1938 Menuisiers à Hanoi 11/07/1938 Maritime à Haiphong Conducteurs d'autos de Haiphong 05/10/1938 Personnel des Restaurants de Hanoi 11/07/1938 Employés et ouvriers de la Sété des Tisserands de Hanoi 21/07/1938 20/12/1938 Filteries d'Indochine à Haiphong Blanchisseurs de Hanoi 21/07/1938 Fabricants de Broderies & Dentelles 24/04/1939 Conducteurs d'automobiles de Hanoi 25/07/1938 Ouvriers Maçons de Hanoi 01/06/1939 Scieurs de Hanoi 31/07/1938 Ouvriers Verriers de Hanoi 22/06/1939 Travailleurs du Cuir de Hanoi 11/08/1938 Photographes à Hanoi 16/08/1938 Source : CAOM, RST, NF, 675.

RST-NF, 2960.

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Ainsi ont été autorisées, de juillet 1936 à juin 1939 à Hanoi, 14 associations amicales ouvrières au moins : des marchands des halles, de cuir, des tisserands, des scieurs, des ouvriers métallurgistes, des chapeliers, des ouvriers blanchisseurs, des ouvriers tailleurs, des photographes, des patrons blanchisseurs, des conducteurs d’automobiles, des menuisiers, des coiffeurs, des maçons. Et quatre associations amicales des vendeurs de journaux, employés indochinois de commerce et d'industrie, porteurs et marchands ambulants, coolies pousse 161 . Ainsi des secours furent accordés par les amicales ouvrières à leurs membres grévistes qui luttaient pour obtenir le droit de vivre et faire triompher des revendications dont bénéficieraient aussi tous les autres camarades. La grève étant quelquefois obligatoire pour permettre à l’ouvrier d’assurer son existence, les délégués d’Associations ainsi que le Chef d’administration locale comprenaient généralement que cette arme n’était qu’une forme de réclamation. Si l’on examine les statuts de l’Association des Fabricants et Dentelles on comprend aussi les autres enjeux des amicales: Art.4 – Les sections locales sont astreintes à suivre les mêmes statuts du règlement intérieur de l’association principale à Hanoi ; Art.5 – (1)Cette association a pour but de grouper pour la défense de l’intérêt commun tous les fabricants de broderies et dentelles du Tonkin, (5)de créer une bibliothèque disposant notamment d’ouvrages, journaux et revues relatifs à ces industries, (6)de fonder une école pratique de dentelles et de broderies, etc.... 162 On remarquera que l’Association avait pour but de dérouler ses activités au Tonkin et dans l’Indochine entière, et de donner aux membres à la fois l’enseignement dit civique et l’enseignement dit professionnel. Dès qu’association était autorisée à fonctionner, une surveillance étroite et attentive était exercée sur elle dans le cadre provincial ou municipal afin d’éviter que le groupement ainsi constitué ne s’écarte des buts soigneusement définis dans ses statuts. Cette autorisation de « Liberté d’Association professionnelle » prenait de grande importance dans l’histoire de l’Indochine, même si elle était une toute petite avancé en comparaison avec les lois sociales de la métropole. La naissance des associations professionnelles à Hanoi a eu un impact non seulement sur l’économie de marché tonkinoise mais aussi sur l’ordre public contrôlé par l’autorité coloniale qui craignait le rassemblement de masse. Une trentaine d’indigènes se sont réunis dans la matinée du samedi 13 Août 1938 au siège provisoire de "l’Amicale des Petits commerçants et Industriels de Hanoi ", N ˚63, rue Maréchal

161 CAOM, RST-NF, 675. 162 CAOM, A-FOM, carton 206, dossier 170.

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Joffre 163 . Parmi eux ont été remarqués les journalistes stalinistes 164 . À la connaissance du Service, "l’Amicale des Petits commerçants et Industriels de Hanoi ", dont les statuts n’ont pas encore été approuvés, n’avait pas obtenu l’autorisation d’organiser cette réunion. Auprès de qui les grévistes ont-ils revendiqué ? Ce n’était plus auprès de leur patron mais auprès de l’autorité coloniale. Il s’agissait, désormais, d’une poursuite radicale de la réforme sociale et d’une révolution politique de l’Indochine à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

3. L’insertion sociale des pauvres par l’améliorationl’amélioration de l’habitat En ce qui concerne l’impact des mouvements sociaux, du point de vue de l’assistance sociale plutôt que syndicale, l’autorité indochinoise entreprit un projet particulier. En 1938, à la demande du Ministre des Colonies, le Gouverneur général Jules Brévié a commencé à étudier l’adoption, en Indochine d’une politique du bâtiment, inspirée des divers textes intervenus en la matière dans la Métropole, notamment de la loi du 13 Juillet 1928 : Loi Loucheur, qui permettrait aux petits employés de l’Administration, du Commerce et de l’Industrie d’être logés plus confortablement et d’accéder plus facilement à la petite propriété. Cette question a été longuement examinée à la Colonie depuis la Grande Guerre, c’est-à-dire, au sujet d’appliquer, en Indochine, la règlementation métropolitaine concernant « les habitations à bon marché (HBM) » 165 . En Cochinchine, dès la fin de la guerre, mais sans que le problème des loyers se posât avec la même acuité qu’en France. Pour réprimer la spéculation illicite sur les locations de maisons, la loi du 23 octobre 1919 a donc puni ceux qui provoqueraient ou tenteraient de provoquer « la hausse de prix des baux à loyer au delà des taux que représentent l’augmentation des charges de la propriété bâtie et la concurrence libre et naturelle du commerce». Mais cette loi, d’application difficile, fut inopérante. Au cours des années qui suivirent, la prospérité amena en Cochinchine une augmentation du coût de la vie. Celle du taux des loyers fut encore aggravée par le développement rapide de l’agglomération Saigon-Cholon. En 1928, un fonctionnaire européen gagnant 400 à 500 piastres par mois a dû prélever mensuellement en moyenne 150 piastres pour son logeur. Pour les indigènes fonctionnaires ou salariés, ils se pressaient, à cinq ou six ménages, dans un étroit logis à peine aéré, dit-on. La contagion des maladies

163 CAOM, RST-NF, 4795. 164 Trâ ǹ Đinh Tri, Nguy ễn Th ửơ ng Khan, Khu ất Duy Tièn, T ồng Ph ưc Chi ễu, Phan B ội, Hà Thuân Hông, Tr ịnh Hoai Đứ c, Đào Duy K ỳ, etc..... 165 CAOM, RST-NF, 2600.

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épidémiques a donc présenté en de telles conditions une gravité redoutable et n’a facilité nullement, d’autre part, le maintien de l’ordre public 166 . Pour remédier à une pareille situation, l’Administration décida d’appliquer dans ce pays de l’Union une règlementation, portant codification des lois sur les HBM et la petite propriété : l’arrêté du 31 mars 1928. L’article 1 er de cet arrêté était ainsi conçu : « les présentes dispositions ont pour objet d’encourager en Cochinchine la construction de maisons salubres et économiques en faveur des personnes peu fortunées et notamment des travailleurs vivant principalement de leurs salaires, de leurs traitements, pensions ou de leurs honoraires et dont la totalité des revenus n’excède pas un chiffre fixé par arrêté du Gouverneur de la Cochinchine ». Ainsi, un office public des HBM, avait-il pour but exclusif « l’aménagement, la construction, la gestion et la vente d’immeubles salubres, ainsi que l’assainissement de maisons ou de logements existants, la création de cités – jardins ou de jardins – ouvriers et l’acquisition de terrains pour les lotir et les revendre, en vue de faciliter l’accession à la petite propriété ou la construction d’habitations économiques, individuelles ou collectives », en prêtant son concours aux Sociétés, aux Entrepreneurs et aux propriétaires de terrains agréés. On a prévu la construction de 2.000 logements ouvriers à 500 piastres l’un ; 300 logements pour secrétaires et petits fonctionnaires indigènes à 2.500 piastres l’un ; 100 maisons pour Européens au prix moyen de 6.500 piastres l’une. A la fin de l’année 1928, deux Sociétés étaient constituées dans le but de construire des HBM ; l’une au capital initial de 40.000 piastres, devant être porté à 100.000 piastres, dénommée "Société cochinchinoise d’habitations économiques et de crédit immobilier " ; l’autre au capital de 100.000 piastres qui serait élevé à 200.000 piastres, sous le nom de "Société franco-annamite d’habitations économiques de Cochinchine ". La convention indiquée ci-dessus n’étant pas entrée en vigueur. Ainsi, l’Office public des HBM de Cochinchine n’a jamais fonctionné. Cependant, la pénurie de logements qui en avait provoqué la création s’atténua très vite, sociétés foncières et particulières ayant construit de nombreuses maisons aussi bien des villas que des compartiments à loyer modéré. Survint la crise économique à la suite de laquelle un grand nombre d’habitations devinrent vacantes entrainant une baisse considérable des prix de location. L’Office de Cochinchine se serait, sans aucun doute, trouvé alors dans une situation financière très difficile. En 1938, Jules Brévié donne enfin son opinion au Ministre des Colonies sur la construction des HBM :

166 "Journal de Shanghaï ", le 29 août 1928.

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« Il importe de noter tout d’abord que la réalisation de cette mesure entraînerait de lourdes charges pour les différents budgets de la Colonie, soit qu’elles proviennent des frais occasionnés par l’institution d’un système de prêts directs ou indirects en faveur des personnes désireuses d’édifier une demeure, soit qu’elles résultent des sommes perdues par les collectivités publiques du fait des exemptions d’impôt ou taxes fonciers qui seraient accordées aux constructions nouvelles. De pareils sacrifices ne peuvent être demandés présentement aux budgets indochinois que pour des tâches vraiment essentielles. »167

Principalement, l’argument du refus est la situation difficiles finances. Dans un pays neuf comme celui-ci, dit-il, « où un effort gigantesque doit être fait pour assurer la vie même d’une partie considérable de la population, par la colonisation des hautes régions et l’exécution de travaux d’hydraulique agricoles dans les deltas, les crédits qui seraient affectés à une politique d’habitations à bon marché recevraient certainement une destination ne répondant pas aux intérêts primordiaux de la Colonie ». En bref, il refusait la nécessité de s’engager dans cette question. Il se justifie ainsi:

« Il y a lieu, en effet, de souligner que la masse de la population indigène est, en grande majorité, rurale et que, dans les campagnes, la plupart des habitations constituées par des paillotes. La légèreté de ces demeures ne présente que peu d’inconvénients dans le Nord de la Péninsule, où les hivers ne sont jamais rigoureux, et n’en offre aucun dans le Sud où n’existe pas de saison froide. Le paysan peut donc devenir, à très peu de frais, propriétaire et n’éprouve nullement le besoin de recevoir, à cet égard, une aide administrative. »168

Toutefois, ajoutons ce que la région Saigon-Cholon a commencé à construire, au cours de l’été 1937, pour y loger les ouvriers de ses services, 32 maisons jumelées susceptibles de recevoir 64 ouvriers, moyennant une location de 1 à 2,50 piastres par mois suivant le salaire de l’attributaire. Au centre de la cité nouvelle, un vaste jardin public aura été aménagé avec une rotonde et deux lavoirs. Pagès, Gouverneur de la Cochinchine a inauguré en décembre, à l’occasion de la Commémoration de l’apôtre de la Paix, cette Cité ouvrière nommée "Aristide Briand ", rue du Général Lizé, à Saigon. Une fois achevés on pu admirer un bel ensemble constitué par les 64 premiers logements à bon marché construits par la région Saigon-Cholon pour ses ouvriers et

167 CAOM, RST-NF, 2600. 168 CAOM, RST-NF, 2600.

223 agents. Un journal écrit un article sur cette construction:

« En parcourant la cité, on peut d’ailleurs se rendre compte de la satisfaction de tous dans ces maisons bien bâties, situées dans un jardin coquet où des enfants s’ébattent à leur aise et où la répétition des formes architecturales des maisonnettes ne donne nullement une impression morose. C’est une œuvre utile et de belle venue qui a été réalisée par l’administration cochinchinoise et qui comptera dans le bilan de la politique sociale humaine de la France dans ce pays . »169

Cliché 191919 – Un plan de Façade de HBM à Hanoi en 1943

Source : CAOM, RST-NF, 2600.

Au Tonkin, la question des HBM dans la ville de Hanoi n’a été, jusqu’alors, l’objet d’aucune règlementation analogue à celle intervenue dans la Colonie du Sud, car la nécessité ne s’en est pas fait sentir. L’Administration municipale a néanmoins élaboré

169 La Presse , le 15 décembre 1937.

224 un projet de règlement prévoyant que des terrains communaux seraient, en vue de leur construction, cédés, à tempérament et à prix réduit, à des invalides de la guerre, à des veuves de coloniaux et à des Chefs de familles nombreuses. Par ailleurs, elle a étudié, entre 1936 et 1937, les moyens propres à permettre aux classes moyennes de la population annamite habitant Hanoi de se loger dans des conditions de confort et d’hygiène satisfaisantes, tout en développant chez elles le sens de l’économie. Enfin, les logements disponibles étant redevenus rares à Hanoi vers la fin de l’année 1937, une légère hausse des loyers s’ensuivit qui provoqua la construction de nombreuses habitations dans le courant de 1938. À ce moment, beaucoup de Français et d’Indigènes ont consacré leurs économies à l’édification de maisons en ville sans aide spéciale de la part des pouvoirs publics. La construction des HBM à Hanoi fut réexaminée en 1943, pour 2 bâtiments, soit 4 logements avec jardin en bordure des rues Cat Linh et Maurice Graffeuil situées juste à l’ouest de Văn Mi ếu, alors qu’un autre plan d’urbanisme sur les mêmes rues était élaboré par Henri Cerutti, le président de la Commission d’urbanisme et qui était venu réaliser en 1942 la construction d’un grand édifice pour la Chambre des commerces et d’agricultures de Hanoi (la Poste centrale actuelle) sur le boulevard Francis Garnier (ph ố Đinh Tiên Hoàng actuel). Néanmoins, ce projet d’ HBM fut un échec.

La lutte contre les taudis fut longtemps un des objets de lutte pour l’amélioration des conditions sociales en Indochine. La Commission sanitaire à Hanoi, instituée par arrêté du 30 avril 1929, se réunissait au minimum deux fois par an et, en fait, six ou sept fois. Son action était de renforcer et compléter celles des services municipaux dans la lutte contre tous les immeubles insalubres, sans parler de la suppression et de la démolition des immeubles en paillotes et torchis en ruine. En effet, le nombre de constructions en bois et paillotes avait été contrôlé dans les villes d’Indochine excepté durant le cas d’urgence économique de 1932 à 1934 du fait de la Grande dépression qui a fait également stagner, surtout à Cholon, l’activité dans la construction en maçonnerie (TableauTableau 606060 et Graphique 1515). Seulement la ville de Phnom Penh continuait à employer d’une manière générale ce mode de construction dans le quartier cambodgien. La reprise de l’activité du bâtiment était particulièrement appréciable à Hanoi. Pour la région de Saigon-Cholon, cette activité restait encore au niveau atteint pendant la période 1925-1930 170 . Les autorisations de construire et de réparer étaient, à Hanoi, soumises à l’obligation d’une demande adressée au Maire. À titre indicatif, en 1930, 1383 demandes

170 Urbanisme , 1938. CAOM, A-FOM, carton 236, dossie 294.

225 avaient été déposées et 842 autorisations avaient été délivrées. En 1936, ces chiffres étaient respectivement de 963 et 797 jusqu’à fin novembre 171 . On remarque que le nombre de constructions en maçonnerie est considérable à Hanoi en 1937 (TableauTableau 661111). Elles étaient pour les compartiments à rez-de-chaussée (64) et à étage (96), et pour les maisons à étages (128). Dans d’autres villes, il était relativement élevé pour le type avec « compartiment » à Hué et pour le type « maison » à Nam Dinh sauf Saigon-Cholon. Par contre, depuis 1938, l’indice de l’activité a été en hausse à Saigon, Haiphong, Nam-Dinh, et a bondi extraordinairement à Cholon et Dalat (TaTableaubleau 662222).

Tableau 606060 – Nombre de construction en bois et paillotes par ville de 1930 à 1937 Saigon Cholon Hanoi PhnomPenh Haiphong Maisons Maisons Maisons Maisons Années Maisons Paillotes en bois en bois en bois en bois en bois et paillotes et paillotes et paillotes et paillotes 1930 20 - 174 54 144 34 1931 11 - 102 45 160 49 1932 38 - 105 202 124 39 1933 170 424 163 184 179 39 1934 56 208 68 57 214 19 1935 30 143 72 49 230 6 1936 49 145 30 25 173 2 1937 21 131 26 22 237 16 Urbanisme , 1938. CAOM, A-FOM, carton 236, dossie 294.

Graphique 15 ― Indices de l'activité de la construction de 1925 à 1937 (Construction en maçonnerie seulement)

250 200 Saigon 150 Cholon 100 Indices Hanoi 50 0 1925 1926 1927 1928 1929 1930 1931 1932 1933 1934 1935 1936 1937

Années

Urbanisme , 1938. CAOM, A-FOM, carton 236, dossie 294.

171 La presse , le 8 décembre 1937.

226

Tableau 661111 – Nombre de constructions neuves en maçonnerie par ville en 1937

Constructions en maçonnerie Maisons en (Nombre de constructions neuves) bois ou en Répara- VILLES Compartiments Maisons torchis Paillotes tions et A d'autres à rez-de- à rez-de- couvertes divers à étage à étage usages chaussée chaussée en tuiles Saigon 57 25 27 35 37 21 131 395 Cholon 25 3 11 4 29 23 3 217 Hanoi 64 96 3 128 40 11 111 484 Haiphong 12 5 30 7 19 - 16 324 Nam-Dinh - 2 52 24 1 2 31 247 Hué 21 10 33 11 - 6 15 258 Tourane 4 5 14 2 1 - - 44 Phnom-Penh - - 6 8 9 81 156 212 Urbanisme , 1938. CAOM, A-FOM, carton 236, dossie 294.

Tableau 66626222 – Indices de l’activité de la construction en maçonnerie de 1936 à 1943*

Phnom- Hai- Nam- Année Saigon Cholon Hanoi Tourane Hué Dalat Penh Phong Dinh 1936 89 81 66 110 74 69 138 93 63 1937 101 117 99 31 76 78 130 161 85 1938 100 100 100 100 100 100 100 100 100 1939 119 324 70 77 186 92 122 38 144 1940 91 314 57 80 160 70 114 98 448 1941 172 460 109 50 172 - 214 64 630 1942 160 892 97 140 125 71 191 181 752 1943 146 553 29 180 48 75 60 110 719 * base 100 en 1938 Source : Urbanisme , 1938. CAOM, A-FOM, carton 236, dossie 294.

La Ligue contre les taudis qui avait été créée en Cochinchine, a trouvé en 1937 auprès du Gouverneur Pagès, une aide solide que le gouverneur accordait à toutes les organisations qui avaient pour but d’améliorer les conditions de vie des indigènes 172 . Il est manifeste que la ligue contre les taudis a permis la réalisation de la Cité ouvrière, "Aristide Briand ", mentionnée ci-dessus, à Saigon. Il s’agit des activités des Associations de Bienfaisance, semblable à la ‘’Ligue contre les taudis’’ existant en France. À Hanoi, en même temps, une Association dénommée "Hội Anh Sang " est créée en janvier 1937 par Nguy ễn T ưòng Tam et Tr ần Khanh Gi ư, respectivement directeur et rédacteur de la Revue "Ngày nay ", à l’aide du concours financier de Ph ạm Ta , teinturier, et Ph ạm Lê B ổng , directeur de la "Patrie Annamite "173 Un an après, les Grands Magasins Réunis de

172 Le Courrier Colonial , le 12 mars 1937. 173 CAOM, RST-NF, 676.

227

Hanoi organisent le 8 janvier 1938 une journée spéciale de vente et déclarent que 10 % de la recette de cette journée iront à la caisse de la Ligue "Anh Sang " 174 . Une des plus grandes œuvre fut la construction d’une cité des « Habitations Salubres » pour la classe pauvre à Phúc Xà H ạ (Banc de sable) , près du Pont Doumer, sur les bords du fleuve Rouge . Les trois quarts des habitants du banc de sable étaient des miséreux. Ils n’étaient pas propriétaires des maisons qu’ils habitaient. Lors d’un incendie qui s’est déclaré dans la nuit du 4 février 1938, le Maire de Hanoi Virgitti proposa au Résident supérieur du Tonkin :

« Ainsi, je reste de plus en plus fermement convaincu de la nécessité de remplacer peu à peu ces habitations en paillotes par des maisons légères en briques et tuiles. (....) La question sera reprise par moi dès que "Anh Sang " m’aura donné réponse sur le premier essai que je désirais voir exécuter par cette Ligue. »175

Le Résident supérieur au Tonkin Yves Châtel, transmit au Président de la Ligue "Anh Sang " qu’il partageait le sentiment de Virgitti avec lequel il espérait que les constructions que la Ligue envisageait d’entreprendre serait réalisées le plus tôt possible. Le comité de la Ligue "Anh Sang " réuni en séance plénière le 18 février 1938 décida à l’unanimité de mettre immédiatement sur pied la construction d’un groupe de 20 maisons modèles sur le banc de sable, les terrains ayant été mis à la disposition de la Ligue par le Maire de Hanoi sous forme de location. Enfin, Mme Brévié, femme du Gouverneur Général de l’Indochine, et marraine de la Ligue des maisons salubres, pose, dans le quartier de Phúc Xà H ạ, à Hanoi le 12 mai 1938, en présence du Résidence Supérieur au Tonkin, du Maire de Hanoi, et de nombreuses personnalités françaises et annamites, la première pierre de la Cité des « Habitations salubres » qui portera son nom. Les deux maisons maquettes déjà édifiées, « type isolé » pour une famille et « type jumelle » pour deux familles, ont montré que les habitants disposeraient de maisons à la fois coquettes, claires et spacieuses. La modicité des loyers a été réalisée grâce à une combinaison ingénieuse : de 1,50 piastres à 2 piastres par mois. Le quartier de Phúc Xà H ạ où la Cité Mme Brévié est édifiée, possédait déjà une école et une infirmerie auxquelles serait prochainement adjoint un atelier pour une école d’artisanat. L’inauguration de la Cité Mme Brévie, « dont la création contribua grandement à résoudre le problème du logement des ouvriers annamites d’Hanoi, eu lieu dans l’enthousiasme de l’assistance qui témoigna sa gratitude aux

174 CAOM, RST-NF, 4872. 175 CAOM, RST-NF, 4872.

228 fondateurs de l’œuvre des maison salubres », écrit à un article dans un journal d’alors 176

Plan 227777 – Le quartier de Phúc Xà Hạ (édifiée la Cité Mme Brévié) en 1947

Source du Plan : Journal de Saigon, Sự thậ , le 9 février 1947. La Cité s’est agrandi au Nord jusqu’à 1947.

Les activités positives des Associations de Bienfaisance ont été mises en œuvre à l’aide de l’administration. C’était un nouveau modèle de réseaux sociaux non seulement entre les colonisateurs et les colonisés, mais aussi entre de différentes classes des colonisés qui souhaitaient avec un esprit de collaboration construire une société meilleure. Or, ce qui est plus important à propos des réseaux sociaux, c’est l’existence des intermédiaires, qui liaient, comme membres réguliers ou clandestins, une association avec l’autre. Par exemple, le Comité Haïphonnais de "la Ligue pour l’Habitation Salubre " s’est tenue au siège de la Société d’Enseignement Mutuel de Haiphong et a groupé 700 personnes environ, alors qu’il organisait une nouvelle réunion de propagande le 26 mars 1938. La police les surveillait comme car y était présent des libérés politiques ou suspects dans l’assemblée. De même, au cours de la cérémonie organisée le 12 mai 1938 pour la pose de la première pierre de la "Cité Mme Brévié", il y

176 Agence française et coloniale , le 20 mai 1938.

229 avait là aussi Nguyê ̃n Ma ̣nh Chất et Nguyê ̃n Tro ̣ng Tra ̣c, "stalinistes " d’après un rapport de la police de Hanoi 177 , parmis les membres de la Ligue "Anh Sang". Ils s’abstenaient de saluer "La Marseillaise " qui leur rappelait le salut fasciste. Difficile de les qualifier de bienfaiteurs ordinaires car dans les statuts de toute association de bienfaisance était formellement interdit toute propagande d’ordre politique ou religieuse. Cependant, nous pouvons voir quand même l’embryon d’un l’État-providence dans les politiques sociales du gouvernement indochinois. Cela ne comble pas forcément le désir de la révolution socialiste, mais il s’agit ici d’une évolution importante du système étatique, politique et social de l’Indochine créés par la colonisation.

444.4. L. L’L ’’’urbanismeurbanisme de 1940 à 1945 Cette étude sur la ville indochinoise n’est pas, à proprement parler, celle de l’histoire du Viêtnam en dépit du titre, mais au bout du compte, celle de l’histoire de l’Indochine française. C’est pourquoi le sujet se limite toujours à l’époque coloniale, avant 1940 quand l’armée japonaise envahi le territoire de l’Indochine, suite à la défaite française en Europe de juin 1940. On ne peut traiter de cette situation particulière dans les mêmes termes que du régime antérieur à Vichy, même si les Japonais se sont engagés à respecter la souveraineté française en Indochine. Au moment où les grandes œuvres coloniales mènent à son apogée l’Empire colonial français, la Ⅲe République n’existait plus. De plus, il y a d’autres raisons pour ne pas étendre l’étude sur les années 1940 et sur les suivantes jusqu’à la défaite française à Điện Biên Ph ủ en 1954 ; c’est une période qui concernent principalement la question de l’indépendance des pays indochinois, c’est-à-dire que les villes indochinoises et leurs histoires sont allées s’insérer dans celles d’autres pays indépendants dits la République Démocratique du Viêt Nam, le Royaume du Laos et le Royaume du Cambodge. Néanmoins, une réflexion sur ce tournant historique nous permettra d’amener une conclusion à cette thèse. En fait, l’époque de 1940 à 1945 était celle de grand changement car « la Révolution nationale (RN) » qui fut exécutée par le gouvernement de Vichy en Indochine où l’autorité coloniale expulsa, sous la direction de l’amiral Decoux, les Juifs, les Franc-maçons ainsi que les résistants Gaullistes. La RN était en bref un mouvement politique qui diffusa l’idée de « Travail, Famille, Patrie » et se caractérisa par l’apologie des morales et des valeurs traditionnelles, la négation de la lutte des classes et de l’égoïsme capitaliste, le respect de la hiérarchie sociale basée sur l’unité de la famille, le régionalisme politique, culturel et linguistique, etc.... En Indochine aussi , l’idéologie de

177 CAOM, RST-NF, 4872.

230 la RN a été propagée partout avec une affiche du portrait de Philippe Pétain. Sans parler de l’appréciation, le régime de Vichy a cependant poussé les travaux public plus en avant qu’a la période précédente en Indochine pour que la France puisse représenter plus concrètement son prestige 178 . Du point de vue de l’urbanisme en Indochine, l’indice général de l’activité de la construction en maçonnerie bondit grâce à l’augmentation du budget destiné aux travaux publics notablement après 1940 malgré une conjoncture politique complexe (GraphiqueGraphique 1616). Cependant la plupart des constructions furent destinées à la banlieue comme les pays européens ou les États-Unis d’Amérique. Autrement dit, les plans d’aménagements du centre-ville ne furent pas terminés voire même pas exécutés. La ville de Hanoi, pour le peuple, était originellement le "Castle town " (jôkamachi : 城下町 en japonais) construit sous la citadelle, qui avait une fonction de grand centre de commerce des divers produits du delta du fleuve Rouge. L’ancienne ville a continué à conserver les « compartiments » allongés traditionnels jusqu’à aujourd’hui 179 , et à reproduire un espace de vie particulier.

Graphique 16 - Indice général de l'activité de la construction en maçonnerie de 1936 à 1948 (base 100 en 1938)

250 193 200 162 133 137 111 111 150 97 100 83

Indice 100 49 34 50 0 1936 1937 1938 1939 1940 1941 1942 1943 1946 1947 1948 Années

Urbanisme , 1938. CAOM, A-FOM, carton 236, dossie 294. a. L’urbanisme moderne à Haiphong Pourtant, une vague d’urbanisme moderne est apparue en Indochine. Henri Cerutti (1899-1972), architecte chef du service central d’urbanisme et d’architecture de l’Indochine, effectue de nouveau un plan d’extension et d’aménagement de Haiphong en

178 La création de Cité universitaire par Cérutti était un des plus grands projets. Cf., William S. Logan, Hanoi : Biography of a City , UNSW Press, Sydney-Singapore, 2000, pp.121-127. 179 Posés les uns à côté des autres, ils mesuraient 2 ou 3 mètres de large et une soixantaine de mètres de long. P.Papin, op.cit ., 2001, p.250.

231

1943. Selon lui, ou plutôt comme l’avis commun des urbanistes d’alors, c’était toujours d’abord au port que le plan se devait de donner l’importance 180 . Aux installations sur le cửa C ấm, il a réservé non seulement des extensions prévues par le plan décennal de la direction du port, mais aussi préparé, à l’ouest, sa jonction avec le port fluvial sur le Sông Tam B ạc, à l’est, il a donné les plus grandes facilités ferroviaires avec la gare de triage et la voie ferrée. Cerutti n’a pas prévu un nouveau grand parc au sud, en le remplaçant par les terrains des environs du champ de course autour desquels on aura prévu, surtout à l’est, le quartier de villas européennes entouré de parcs, de terrains de sports et de jeux. À proximité de ce quartier sont prévus église, lycée et une grande clinique-maternité. Pour cette raison, sur le plan de 1943, la zone industrielle prévue en 1928 ne s’est pas installée dans les villages ―Lạc Viên et Đông Khê ― de l’est de la ville de Haiphong.

PlanPlanPlan 22282888 – Plan d’aménagement et d’extension de Haiphong par Cerutti en 1943

Source : CAOM, RST-NF, 2617.

Ce plan 228888 de Haiphong en 1943 comporte les zones suivantes : Zone A (rose) – Villas

180 Ainsi que le plan de 1928. Voir Plan 18 (p.102).

232 de type européen ; Zone B (rouge) – Commerce et affaires de type européen / Habitations collectives ; Zone C (jaune) – Villas de type annamite ; Zone D (brun) – Habitations annamites mitoyennes (=compartiments) ; Zone E (noir) – Commerce et affaires de type annamite et chinois ; Zone F (rayures vertes) – Villages annamites de type traditionnel ; Zone G (gris) – zones réservées à des utilisations administratives ou à des services publics ; Zone H (violet) – zone industrielle ; Espaces libreslibres (vert) – terrains réservés aux jardins publics, parcs, terrains de jeux et de sports. Il convient d’expliquer le caractères de ces zones en citant les articles dans le programme des servitudes établi en 1943 conformément au décret du 12 juillet 1928 modifié par décret du 12 juin 1942, et à l’arrêté du 20 novembre 1930 sur l’aménagement des villes en Indochine 181 . Dans la zone A – Villas de type européen ne pourront être édifiées que des habitations uni-familiales isolées, ou au plus jumelées. La Résident-Maire pourra imposer pour certains îlots un style architectural déterminé après avis du Service Central d’Urbanisme et d’Architecture. Le nombre d’étages est limité à 2 étages sur un rez-de-chaussée non surélevé. Dans la zone B pourront être édifiés des immeubles à étages de type européens, à usage commercial, professionnel, ou destinés à l’habitation collective. Les constructions devront être mitoyennes. Lorsque la disposition du lot ou des constructions déterminera un pignon sans possibilité ultérieure de construction mitoyenne, ce pignon devra être traité comme une façade. Chaque immeuble devra obligatoirement comporter un rez-de-chaussée une entrée et un couloir indépendant des magasins ou logements et un escalier desservant les étages supérieurs. Le nombre d’étages ne pourra excéder 4 étages sur un rez-de-chaussée non surélevé, et la hauteur de l’immeuble ne devra pas être supérieure à 31m, comptée du niveau du trottoir de la voie publique à la corniche ou à la gouttière de la toiture. La hauteur minimum du rez-de-chaussée est fixée à 4m50 du plancher au plafond. La hauteur de chaque étage est fixée à 3m50 du plancher à plafond. Dans la Zone C – Villas de type annamite ne pourront être édifiées que des habitations familiales isolées, ou au plus jumelées par deux, de type annamite, urbain ou non. L’architecture de ces constructions sera obligatoirement de style annamite traditionnel ou inspiré de l’art traditionnel local. Les façades ne retourneront sur les quatre faces. Les constructions seront couvertes par une toiture de tuiles annamites ou chinoises, à l’exclusion de tuiles mécaniques de caractère européens. Sous le terme "compartiments " (=ZoneZone DD) sont comprises toutes les constructions mitoyennes de type annamite avec ou sans étage, occupées par une ou plusieurs familles et pouvant servir accessoirement à des usages commerciaux, en bordure ou en retrait de

181 CAOM, RST-NF, 2617.

233 la voie publique selon les dispositions particulières de chaque quartier. Ces constructions ne pourront être édifiées que dans les zones réservées à ce type. Elles pourront comporter dans la ville de Haiphong et la zone suburbaine deux étages sur rez-de-chaussée non surélevé le long des voies d’une largeur égale ou supérieure à 20m. Dans la Zone E – Commerce annamite comme l’on voit au vieux quartier, le nombre d’étages autorisé est fixé suivant le cas à 1, 2 ou 3 étages au-dessus d’un rez-de-chaussée non surélevé. Le gabarit des toitures fait un angle de 43 ˚ avec la verticale sur les 2 façades, sur rue et sur cour. La hauteur de la construction, comptée du niveau du trottoir, à cette ligne d’opération ne pourra excéder, dans la ville de Haiphong, 8m00 (contre 12m00 à la zone suburbaine) en bordure des voies d’une largeur comprise entre 10m10 (12m à la zone sub.) et 17m90 (20m à la zone sub.) ; 17m en bordure des voies d’une largeur égale ou supérieure à 13m (20m à la zone sub.). La profondeur maximum des immeubles sur rue est fixée comme suit : 11m pour les voies inférieures à 9m90 de largeur ; 12m pour les voies inférieures de 10m à 17m90 ; 13m pour les voies inférieures à partir de 18m. Incidemment, ce sont ces constructions du vieux quartier que nous voyons aujourd’hui.

Tableau 636363 – Dispositions relatives à la servitude par zone à Haiphong en 1943

Superficie des parcelles* Catégorie Type de construction Hauteur* Haiphong Suburbaine isolées 875m² 1000m² Zone A Villas européenes 9m80 jumelées 450m² 500m² Zone B Commece et affaires de type européen 400m² 21m isolées 450m² 540m² Zone C Villas annamites 11m jumelées 390m² 450m² rez-de-chausée80m² 5m Zone D Compartiements 1 ou 2 étage100m² ou 150m² 8m à 12m Comerce et affaires de 2 étages 150m² Zone E 8m à 17m type annam. et chinois 3 étages 160m² Zone F Villages annamites de type traditionnel 180m² 8m *Valeur maximum Source : CAOM, RST-NF, 2617.

Enfin, la main-d’oeuvre, a du occupé à proximité des installations portuaires des quartiers spécialement établis pour elle, en général dans la zone D (couleur brun) sur le Plan en 1943. Ce sont, à l’est (environ 60 lotissements), un quartier compris entre l’extension du port sur le cửa C ấm, la gare des marchandises, l’abattoir, et limité au sud par des voies nouvelles et des espaces libres ; à l’ouest (environ 10 lotissements), entre le cửa C ấm et les installations pétrolifères, la Cimenterie et la route Coloniale n ˚5 ; au sud

234

(une centaine de lotissements), les villages d’ An Biên et d’An Đ ươ ng , sur le territoire de Ki ến An , qui seront également aménagés, au delà du pont de Lam Ha . En fait, rien ne fut réalisé. Une fois encore la question des finances en fut la cause. Toutefois, le plan de telles citées ouvrière indique une importance de l’augmentation et la mise en valeur des ouvriers dans la ville de Haiphong. On peut l’exprimer autrement et dire que l’enjeu de l’urbanisme a changé définitivement entre 1928 et 1943. Qu’est-ce qui a changé ? Il s’agit sans doute de l’évolution de la structure sociale, c’est-à-dire, de la fixation dans la ville d’Indochine de nouvelles classes sociales en particulier la petite bourgeoisie et le prolétariat, mais qui habitait où ?

PlanPlanPlan 22292999 – Cité ouvrière planifiée à l’est de la ville de Haiphong par Cerutti en 1943

Source : CAOM, RST-NF, 2617.

235 b.L’effet de l’urbanisme colonial au Viêtnam Du point de vue politico-économique, l’autorité coloniale n’a plus pu balayer ou même transformer cette ancienne ville. Les marchands, aussi bien que les autres habitants de la ville, puisqu’ils étaient indispensables à la structure sociale urbaine, sont arrivés à influer sur les politiques urbaines en tant que contribuable, après avoir permis de légitimer une revendication des droits sociaux à grand renfort de propagande en lançant des mouvements de grève et manifestations. En fait, la force de cette conjoncture politico-sociale était tellement vigoureuse qu’elle a mis en échec le plan d’urbanisme du quartier de la Pagode des Deux Sœurs établi par la municipalité de Hanoi en 1937. Cela montre que la colonisation s’est portée non seulement sur la transformation matérielle de la ville, mais encore sur la modernisation institutionnelle, sociale et politique en faveur de l’amélioration de la condition de vie, du style de vie et de la qualité de vie des habitants de la ville. Mais d’autre part, le style de vie dans la ville coloniale a apporté un relâchement de la solidarité familiale (rare succession aux affaires du père) et l’affaiblissement des liens voisinages (désagrégation spatiale de la corporation des rues-quartiers à Hanoi), alors qu’on a vu l’apparition des groupes spontanés ( "légal " du "Travail " à Hanoi et de la "Lutte " à Saigon), la disparition de la hiérarchie (réseaux sociaux par les associations diverses qui facilitent la mobilité sociale) et l’augmentation du white-collar (voir des employés des grandes sociétés européennes et indigènes ou des enseignants de l’école privée). Et, il convient d’ajouter qu’ il existait un ghetto – le quartier réservé à la minorité ethnique comme définit Wirth – tel que la grande communauté chinoise à Cholon, la concentration des commerçants chinois sur les rues du Sucre, des Cantonnais, de la Soie et surtout des Voiles à Hanoi. On pourrait dire que la circonstance des grandes villes coloniales d’Indochine n’était pas sans doute très différente de celle que Wirth a analysé dans des villes d’Amérique du Nord. D’ailleurs, il s’agit de l’intervention publique dans la vie privée comme dans d’autres États modernes. Les habitants de la ville se sont insérés dans les institutions coloniales plus rapidement que les paysans grâce à l’infrastructure, l’instruction publique et l’hygiène publique exercées par l’autorité coloniale, avec toutefois les processus de nouveaux problèmes urbains qui surgissent successivement : concentration de la population dans les grandes villes, chômage, instabilité des prix, concurrence croissante entre les commerçants de la ville centre et suburbaine, condition de vie et de travail de mauvaise qualité, l’augmentation des personnes "illégales " ou "clandestines " dans le quartier indigène, habitants précaires ou sorte de bidonville tel que sur le banc de sable à Hanoi ou au bord du Arroyo Chinois à Saigon où les paillotes étaient dense, etc....

236

L’autorité coloniale a déterminé l’urbanisme de l’Indochine au fur et à mesure de l’apparition de ces problèmes urbains. Ainsi l’Indochine française a-t-elle prévu ce que devait être la ville « moderne » en suivant le courant de l’époque de l’État providence. En juillet 1942, de nouveaux projets sont mis au point sous la direction du Gouvernement d’Annam. Les six ministres, membres du Conseil du C ơ mâ ̣t à commencer par Ph ạm Qu ỳnh , ont approuvé le projet relatif à l’extension du territoire de la Ville de Hanoi (PlanPlan 303030).30 Sa Majesté l’Empereur d’Annam, Bảo Đại, a énoncé en octobre à Dalat, la raison suivante :

« (....) Đồng Khánh , notre illustre Aïeul a érigé le territoire de la ville de Hanoi en concession française et l’a cédé en toute propriété au Noble Gouvernement Français. Aujourd’hui, notre Conseil du C ơ mâ ̣t nous a entretenu du grand développement qu’a pris la Ville de Hanoi et du désir du Gouvernement Français d’englober dans le périmètre de la dite ville des terrains nécessaire à son extension. Cette mesure aura, en outre, pour effet de faire bénéficier la zone rattachée des avantages résultant de l’application des règlements municipaux de voirie et d’hygiène. Pour ces raisons, nous décidons d’agrandir le territoire concédé et de fixer les nouvelles limites de la Concession Française de Hanoi conformément au plan ci-annexé . »182

La ruée vers la construction des HBM s’accélére après la fondation de la République démocratique du Viêt Nam dit Nord-Viêtnam (1945 à 1976) par Hồ Chí Minh en 1945 ainsi que la République de Cochinchine (1946 à 1948), et puis l’État du Viêt Nam (1949 à 1955) dit Sud-Viêtnam par Bảo Đại, et puis Ngô Đình Di ệm. En mars 1951, un chantier de construction de 150 habitations, dont l’édification est financée par l’aide américaine, est mise en activité à Hanoi. Ailleurs, sur un chantier de 145 compartiments, 127 furent terminés. Ces projets tendaient à abriter l’ensemble des 230.000 habitants qui formaient la population de Hanoi d’alors 183 . En juin 1951, le maire d’Hanoi adresse un rapport à S.M. Bảo Đại sur l’utilisation des 6 millions de piastres que le chef d’État avait affectés au gouvernement du Nord, pour les travaux d’urbanisme de la ville d’Hanoi. Nous constatons que 3 millions ont servi à la construction d’HBM : 191 appartements ont ainsi été construits, alors qu’initialement on n’en avait prévu seulement que 155. De plus, un établissement public de bains a été construit à Hanoi. En outre, plus de 50 HBM ont été bâties dans chacune des 14 régions du Nord-Viêtnam 184 .

182 CAOM, GGI-AF, 53797. 183 Marchés Coloniaux , N ˚280 du 24 mars 1951. 184 Revue Vietnam , le 15 juin 1951.

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PlanPlanPlan 303030 – Projet d’extension de la Ville de Hanoi en 1942

Source : CAOM, GGI-AF, 53797.

Au même moment, la construction de plusieurs Cités-populaires avait été déjà terminée à Saigon-Cholon sous la direction du nouveau gouverneur du Sud-Vietnam. Ceci donne un aperçu des travaux de reconstruction et de modernisation entrepris dans cette circonscription administrative 185 . Un vaste effort d’urbanisme est ainsi accompli et poursuivie avec des capitaux vietnamiens et français et grâce à l’aide économique américaine qui met à disposition 25 millions de piastres pour la construction de nouveaux logements dans tout le pays. Dans les Cités populaires, les réfugiés de guerre et les familles nécessiteuses ont joui de la priorité pour l’attribution d’un logement. Néanmoins, divers types d’habitations ont été construits pour différentes classes sociales : La Cité Eyriaud des Vergues – 36 villas, 120 logements, des logements meilleurs marchés pour les Vietnamiens les plus pauvres, mais aussi 600 autres

185 Marchés Coloniaux , N˚284 du 21 avril 1951.

238 maisons grâce aux sommes récupérées par le système de location-vente ; La Cité Lacaze (ClichéCliché 2020) – Grande Cité, une quarantaine de villas entourées de verdure s’alignant le long d’une rue centrale asphaltée. Chaque villa comprend 3 pièces, une cour, une véranda, 50 m² environ de surface habitable, avec l’eau, l’électricité, toilette, cuisine. 244 maisons à bon marché séparées par des jardins formant un quartier agréable. 16 nouvelles villas et 30 nouveaux logements à bon marché en construction.

Cliché 20 – La Cité Lacaze à Saigon en 1951

Source : Revue Viet Nam , le 11 novembre 1951.

Ensuite 450 nouvelles maisons pouvant abriter 5.000 personnes ; La Cité Pavie-Ducas – 293 logements à bon marché qui sont destinés aux sinistrés du quartier dont les paillotes avaient été brûlées par les incendies. Elle forme une véritable ville de banlieue ; La Cité Nguyen Tri Phuong – 120 logements à bon marché, 1012 logements et 44 locaux commerciaux. Outre 108 logements ainsi qu’une maternité équipée d’une manière tout à fait moderne, comportant 70 lits. Ainsi, jusqu’à la fin de 1953, l’office des HBM de la préfecture de Saigon-Cholon réussit à construire 2.000 logements 186 . D’autres villes en Indochine avaient aussi bénéficié de nouvelles constructions HBM :, en 1951 déjà, il y en a 50 à Hoan Long, 50 à Bac Ninh, 50 à Son Tay, 40 à Haipohng, 40 à Hà Đông , 50 à Namdinh, 36 à Hué, 34 à Qu ảng Nam , 33 à Th ủ Dầu M ột et 29 à Bạc Liêu 187 .

186 Revue Vietnam , le 1 er juillet 1953, p19. 187 Revue Vietnam , le 19 juin 1952, p.11.

239

Cliché 212121 – Une nouvelle construction moderne à Saigon en 1953

Source : Revue Viet Nam , le 1 er juillet 1953.

En 1951, de nombreuses interventions, sans résultat, ont été faites auprès de la municipalité de Hanoi pour que subsistent des appellations bilingues de noms de rues. Toutefois, en vue de remédier aux inconvénients matériels, la municipalité a mis incessamment en vente des guides de la ville dans lesquels ont été précisés les noms nouveaux et leurs correspondances avec les anciennes dénominations 188 . En quelque sorte nous pourrions dire que le début de renaissance des villes dans l’après 1945 représente la naissance d’un nouvel espace urbain. Il est impossible que la ville subsiste sans histoire. La ville coloniale a été recyclée, et les espaces urbains précédent ont été successivement intégrés, conservant les établissements ou les quartiers de l’administration, de commerce, de l’habitat populaire, etc.... tel qu’il étaient. En ce sens, la France a inséré un modèle urbanistique qui lui est propre, non seulement matériel mais aussi immatériel

188 Marché Coloniaux , N ˚289 du 26 mai 1951.

240

En guise de conclusion :

Un essai de la comparaison de la colonisation de l’Indochine française avec Taïwan, la Corée et le Mandchoukouo sous l’Empire du Japon

241

Au sujet du système du gouvernement colonial de Mandchoukouo contrôlé par l’Empire du Japon, Yamamuro Shinïchi a comapré cet État nominalement indépendant à la “Chimère ”, une créature fantastique dans la mythologie grecque, composé d’une tête de lion, un corps de chèvre et une queue en tête de dragon 384 , à l’instar du “Léviathan ”de T.Hobbes et de“Béhémoth ”de F.L.Neumann. Selon lui, le lion, la chèvre et le dragon ont été comparés respectivement à l’Armée du Guandong, l’État monarchique du Japon et l’empereur de Chine 385 ou la Chine moderne. Si l’on peut dire comparer aussi à l’Indochine, elle s’y composerait du gouvernement général de l’Indochine, la Troisième République de la France et les rois de trois pays indochinois. Il s’agit toujours de l’ hybridation de plusieurs États, nations et leurs identités. Finalement, en guise de conclusion, nous voulons essayer de comparer l’Indochine française avec Taïwan ou la Corée et le Mandchoukouo mise en place et contrôlé par l’Empire du Japon dans la première moitié du XX e siècle. En 1898, lors que le Gouvernement Meiji du Japon a nommé Kodama Gentaro ( 児玉 源太郎 ) comme le quatrième Gouverneur général de Taiwan, avec Gotō Shimpei ( 後藤新 平) comme le chef des Affaires civiles, il a établi un principe politique « de la carotte et du bâton » pour le gouvernement de Taiwan. À la première période de la domination coloniale de Taiwan, le Japon avait deux vues en gros. La première, soutenue par Gotō qui a bien examiné les moeurs dans la société taiwannais, s’est basée sur une perspective « biologique », issue de la doctrine coloniale de l’Allemagne d’alors, que les indigènes ne peuvent pas être complètement assimilés. Selon sa propre opinion :

« Il n’est pas possible de remplacer les yeux du turbot par ceux de la dorade. (...) Il y a la raison biologique que le turbot a les yeux sur un seul côté de sa face. Il est important de l’appliquer à la politique ». 386

Ainsi le Japon aura suivi l’approche anglaise ou « d’association » française, le Taïwan n’aura jamais été gouverné de totue?? même façon que l’on fasse à la métropôle, mais a été gouverné sous la nouvelle mise en place des lois. L’autre vue a été soutenue par le future premier ministre Hara Takashi ( 原敬 ) qui a avancé « la politique d’assimilation » que les Taïwanais, aussi bien que les Coréens, peuvent être assimilés au Japon par l’application de la même loi que la métropole car leurs caractères ethniques et culturels

384 山室信一 (Yamamuro Shinïchi), キメラ:満州国の肖像 , 中公新書 , Tokyo, 1993. 385 Aixinjueluo Puyi (愛新覚羅 溥儀 ), le dernier empereur issu de la dynastie Qing (1908-1912), puis l’Empereur du Mandchoukouo (1932-1945). 386 伊藤潔 (Itō Kiyoshi), « 台湾・四百年の歴史と展望 », 中公新書 , Tokyo, 1993, p.85.

242 ressemblent à ceux du Japon 387 . Résultat, le Gouvernement de Taïwan a préféré la proposition de Gotō qui a fait ainsi son service du chef des Affaires civiles de 1898 à 1906. Pendant cette période, on a attribué et centralisé au Gouverneur général de Taïwan les pouvoirs spécials (législatif, exécutif, judiciaire et militaire). D’autre part, les infrastructures ont poussé principalement le port, le chemin de fer, la voirie, les réseaux de communication, services de l’hygiène publique, etc.... L’aménagement de l’infrastructrures exécuté par le Gouvernement général de Taïwan a été d’un grand profit au développement industriel et l’amélioration de la santé des habitants de Taïwan. Mais comme les dépenses publiques nécessaires se sont conformées exhaustivement à une principe de « ravitaillement sur place », presques toutes les dépenses s’en sont chargées des impôts peçu à Taïwan et de la dette publique. Il est évident que c’était l’urbanisme colonial qui a transformé rapidement la société urbaine coloniale ainsi que Taïwan depuis la fin du XIX e siècle. La ville de Hanoi s’est restructuré d’une part, avec une fonction de la capitale de l’Indochine, par l’urbanisme nouveau, l’assainissement moderne, l’architecture d’une haute technicité et les matériaux spécials européens, etc...., toutefois on n’y trouve d’autre part certains problèmes urbains qui vienent apparaître au fur et à mesure du perfectionnement de la ville coloniale de Hanoi. En fait, c’est une intervention "modeste" pour l’urbanisme de Hanoi, qui a provoqué un abandon ou un retard de l’exploitation du quartier indigène (2 ème et 3 ème quartiers) et du quartier nouveau (6 ème et 7 ème quartiers) sous prétexte de respecter leur tradition et leur culture et de ne pas intervenir dans leur milieu social plus qu’il ne faut en tant que « politique d’association ». Malgré cela, la population d’Hanoi n’a pas cessé d’augmenter chaque année. Le quartier indigène en particulier a devenu aussiôt en état surpeuplé et insalubre, comme Nguy ễn Th ừa H ỷ a appelé la ville de Hanoi de XIX e siècle "Inner city slum "388 . Et encore, comme dit P.Papin, « ce n’est pas l’appartenance ethnique qui était discriminatoire mais le statut social et le niveau de fortune »389 , c’est-à-dire, ce que l’on peut trouver l’élite vietnamien et le grand marchand qui résident dans le quartier français. Ce phénomène était différent de Kyŏngsŏng ( 京 城 : Séoul ) de la Corée où les Coréens n’ont presque jamais résidé dans le quartier

387 Il dit qu’il s’est inspiré de la doctrine coloniale de la France, mais en fait, c’était plutôt la voie de « la politique d’association » dans laquelle la France semblait s’engager depuis la fin du XIXe siècle. 388 Nguy ễn Th ừa H ỷ, Economic History of Hanoi in the 17 th , 18 th and 19 th Centuries , National Political Publishing House, Hanoi, 2002 (La en anglais de Th ăng Long-Hà N ội, th ế k ỷⅠⅦ -ⅠⅧ -ⅩⅨ , Hội S ử Học Vi ệt Nam, Hà N ội, 1993). 389 P.Papin, op.cit ., 2001, p.248.

243 japonais occupé au sud de la ville durant la colonisation japonaise 390 . Pour les travaux pubics de la réfection et la prolongement de la route de Taïwan, l’autorité a forcé à participer les habitants taïwannais très souvent au service volontaire mobilisé par l’intérmédiaire du système Baojia (chinois : 保甲 ) qui crée un système communautaire traditionnel à Taïwan issu de la Chine depuis XI e siècle. Le premier but du système Baojia était de maintenir l’ordre public, de surveiller et contrôler les citoyens taïwanais. Il a donc coiffé l’unité de base de dix familles appelées jia (甲) et dix jia qui constituent un bao (保). À Taïwan, ayant été publié l’arrêté au sujet de Baojia en 1898, les japonais ont tiré le meilleur parti possible de ce système. Les chefs de chaque unité de bao et jia sont surveillés et contrôlés par la police. Ils ont eu charge de faire le recensement de la population, la surveillance de l’incendie, l’incident et le crime, encore le garde de la forêt, la prévention de la maladie contagieuse ou de l’opium, le nettoiement ou la petite réparation de la propriété publique tel que la voirie et le pont. D’ailleurs et surtout, ce système se caractérisait par la responsabilité collective. À partir des années 1910, le rôle du système Baojia s’est développé par ses services auxuiliaires non seulement de la police mais encore de l’administration subalterne, comme « obéir aux moindres volontés de l’autorité communale »391 . On peut confirmer ici que l’autorité coloniale du Japon intervenait très fortement dans l’administration communale, le milieu social et la mode de vie des habitants taïwanais, bien que le Gouvernement général de Taïwan ait adopté la doctrine coloniale basée sur la principe de « turbot et dorade ». À ce propos, « la politique d’association » de la France a vu une faible intervention administrative en Indochine. Le système de ph ố tr ườ ng (chef de rue) de Hanoi pourrait comparer avec le système Baojia de Taïwan sur des points ressemblants. Certes, l’arrêté du 19 octobre 1933 de la Maire de la ville de Hanoi établit au sujet de l’attribution du chef de rue comme suit : « Les chefs de rue de Hanoi sont des agents d’exécution de la Municipalité chargé de seconder le Maire et les fonctionnaires communaux dans l’exercice de leurs attributions concernant la population annamite » (premier Art.) ; « Les chefs de rue, en étroit contact avec la population indigène, sont, avant tout, des agents de surveillance et de renseignement qui sont tenus de signaler sans délai au Maire les faits intéressant l’ordre public » (Art.2) 392 , mais leur position sociales étaient instables, au contraire de Taïwan où les

390 全遇容 (Chun Uyon), 植民地都市イメージと文化現象: 1920 年代の京城 , 日韓歴史共同委員会報告書 , 第二部第五章 , 日韓文化交流基金 , 2003, pp.207-231. 391 鷲巣敦哉 (Washiosu Atsuya), 台湾警察四十年史話 , 緑蔭書房 , 1938 ( 中島利郎 /吉原丈司 , 鷲巣敦哉著 作集 , 2 巻, 2000). 392 ANV-H, E.98, 2230-02.

244 agents de Baojia ont été élus des notable haut placés 393 . D’après Ōtomo Masako, qui a publié une étude systématique sur la politique sociale de Taïwan et la Corée sous l’Empire colonial japonais, « le système de l’assistant social (方面委員制度 ) de Taïwan, crée en 1923 comme une organisation d’enquête de la politique sociale, s’est transformé en les réseaux administratifs systèmatiques pour “la prévention ”et “le secours ”des pauvres, et puis en le système intermédiaire de l’administration pour unir l’État à l’habitant. Il a permis ainsi de réorganiser les habitants taïwanais vers l’État de guerre sous le double binding (le joug) du régime colonial + de guerre des années 1930 à 1945 », mais par ailleurs, Ōtomo considère que « cela montre l’extrémité de “la modernité ”de la politique sociale coloniale »394 . Donc, elle en conclure que la politique sociale de Taïwan (ainsi que la Corée) sous l’Empire colonial japonais a vu « une modernité maïtrisée ». Cependant celle-ci a bien produit son effet sous prétexte de la colonisation. Par exemple, cela est représenté par le taux de scolarité surprenant de 92.5% en 1944 où le système éducatif de Taïwan s’est unifié à celui de la métropole 395 .

Au nord du Viêtnam en Indochine sous le régime de Vichy, un bố chánh (布正 : administrateur provincial) chargé des affaires annamites de la ville propose un rapport à l’administrateur-maire de Hanoi en 1944 :

« Je les ( : chefs de rue) qualifie de pseudo-fonctionnaires parce qu’ils sont dans une position hybride. Ils ne sont ni des fonctionnaires, ni des notables au sens annamite du mot. Leurs collègues de Saigon sont dans une situation plus prévilégiés. Les chefs de quartier de la capitale du Sud représentent de droit la population annamite de leur secteur dans les cérémonies publiques ou dans les réceptions ». 396

À la ville de Hanoi, le système du chef de rue n’a pas tellement rempli une fonction qu’il fasse lier l’administrateur (coloniale et indigène) avec la population en s’interposant entre tout les deux côtés. Ceci concerne la démolition de vieux système de

393 洪秋芬 , 日治初期葫蘆墩區保甲實施的情形及保正角色的探討 (1895-1909), 中央研究院近代史研究所 集刊 34, pp.215-268. 394 大友昌子 (Ōtomo Masako), 帝国日本の植民地社会事業政策研究 , ミネルヴァ書房 , Kyoto, 2007, p.415. 395 En 1944, 1 109 écoles primaires (932 475 élèves), 3 écoles normales (2 888 élèves), 117 écoles professionnelles (32 718 élèves), 22 écoles primaires supérieures de fille (13 270), 22 écoles primaires supérieures (1 5172 élèves), 1 école secondaire (563 élèves), 3 écoles spéciale (1 817 élèves) et 1 université impériale (357 étudiants). La population de Taïwan était 6 585 841 en 1943. 伊藤潔 (Itō Kiyoshi), op.cit ., 1993, p.116. 396 ANV-H, E.98, 2230-02.

245 ph ườ ng (corporation traditionnelle) et la création de nouveau système européen de l’assocition professionnelle avec le sens moderne. Le dernier a donc fonctionné avantageusement pour la solidarité, la nationalisme et l’indépendant de l’habitant indigène. L’application du réglementation général du travail en Indochine de 1936, qui était un des indices de « la modernisation », a permis d’exécuter la politique sociale au même niveau que la métropole en autorisant la liberté de la création de l’association professionnelle, et en même temps de surveiller et contrôler les commerçants et les ouvriers par l’établissement des listes administratives ou policières. Mais l’autorité indochinoise n’a pas crée (ou n’a pas pu créer) le système des réseaux administratifs d’enquête indigène tel que celui de Taïwan. À Hanoi au moins, c’était par la manœuvre des communistes que les nouveaux réseaux indigènes ont été formé grâce au mouvement de grève qui a fait regrouper les patrons et les ouvriers par même profession. La grève “légale ”à Hanoi de 1937 est donc remarquable sur les points de belle procédure et organisation. On est bien forcé de dire que la solidarité incroyable des grévistes ne montrait plus « la modernité maîtrisée », mais ils voulaient éprouver ? « la modernité volontaire » ou en jouissaient déjà.

Cette thèse reste liée à une hypothèse : il est possible que le moyen d’organiser des grèves de 1937 à Hanoi témoignerait ? (eût des relations avec) le vestige de l’ancienne communauté villageoise – ph ườ ng –. Autrement dit, cet événement important, qui a peut faire époque dans l’histoire moderne de la France et du Viêtnam, a contribué à créer une nouvelle solidarité hanoïenne. Celle-ci s’est jadis basée sur l’unité de thôn , ph ườ ng et xã . Cela se sent étroitement relié avec les processus de formation de la ville. Évidemment, le vestige du XVIIIe siècle n’a pas été conservé tel qu’il était en 1937 mais il s’est inséré dans la société de Hanoi au cours des processus de formation et restructuration de la ville sous la colonisation. La solidarité provisoire des habitants s’est réduit à créer une identité propre à Hanoi à la faveur de l’application à l’Indochine et la revendication des lois sociales pareilles à la métropole où la classe ouvrière a-t-elle acquis pour la première fois de l’influence jusqu’à ce point-là grâce au Front populaire. On n’a pu observer qu’à Hanoi il existait des éléments pour restructurer rapidement la relation entre l’individuel et le groupe, et la structure sociale sur le moment. Par contre, à Saigon et à Haiphong, entièrement urbanisées depuis longtemps, la logique libérale et démocratique (méritocratique) importée par la France a bien fonctionné lors des grèves en 1937 en outre de celle de la discrimination et la coexistence difficile entre les Annamites, les Chinois ou les

246

Cambodgiens. L’époque du régime de Vichy entre 1940 et 1945 était celle où la France a tenté de surmonter les contradictions du colonialisme issu de la politique d’association de l’Indochine : celles de l’autonomie ou l’assimilation ? Celles-ci ont surgi à cause d’une intervention “positive ”du Front populaire à l’Indochine, qui s’est réduit à affaiblir le préstige de l’autorité coloniale, dont les politiques sociales ont fait éprouver en même temps un espoir et une déception aux Vietnamiens. Pour la France, les travaux publics étaient le meilleur moyens pour garder l’Indochine, déployer ses forces et se relever après la défaite de 1940. Mais les services de façade destinés uniquement à certaines grandes villes et des élites dociles ont révélé définitivement le régionalisme ambigu caché dans la politique d’association qui a appliqué inégalement l’urbanisme moderne et les lois sociales introduites de la métropole à chaque pays indochinois et leurs villes. Ainsi les Hanoiens, ont-ils eu deux choix. Céder aux tentations du portrait du Pétain ou créer une nouvelle identité propre à Hanoi ? Le dernier choix ne lie pas immédiatement au mouvement pour l’indépendance du Viêtnam. Il n’était qu’une identification de soi dans l’espace urbain de Hanoi à ce temps-là. Leur vraie nationalité ne s’est développée qu’à partir de 1945 grâce au PCI et le Vi ệt Minh; toutefois la base avait été déjà formée au moins à Hanoi au cours du mouvement de grèves tel qu’organisé par les vestiges d’anciennes ph ườ ng conservés particulièrement aux trente-six quartiers 397 . Cependant, pour compléter cette étude, il est nécessaire non seulement de recueillir et d‘examiner encore plus nombreux de cas sur le mode de vie des gens habités dans les rues et les quartiers de Hanoi à l’époque coloniale, mais aussi de comparer encore plus avec les villes coloniales d’autres pays en Asie ainsi que celles de l’Indochine comme Saigon, Haiphong et Phnom Penh. Ces travaux reviennent à la prochaine phase d’études.

397 Nous ne pouvons pas encore suffisament répondre à cette question. Mais, à ce propos, il se peut en trouver une clef par l’existence d’une organisation officielle du Parti communiste vietnamien nommée Nhân Dân (la peuple). Depuis 1954, d’après Nguyên Van Ky, elle a établit son siège, en bordure du Petit Lac, à la rue Hàng Tr ống , connue des Français à l’époque coloniale sous le nom de l’avenue Jules Ferry dans laquelle était autrefois habitée par trois corporations ( ph ườ ng ) : celle des fabricants de tambours, celle des fabricants de parasols, et celle des imprimeurs et déssignateurs de gravure populaire. À l’heure actuelle, on n’y trouve aucune de ces trois spécialités. Mais pour retrouver les derniers artisants, il faut aller au village de Đông H ồ, loin de 40 km à l’ouest de Hanoi, leur origine dans la province de Hà B ắc (Bắc Ninh), bien connu ajourd’hui encore comme un cntre des productions d’une peinture taditionnelle vietnamienne de gravure sur bois ( Tranh kh ắc g ỗ dân gian Đông H ồ). Georges Bouradel et Nguyên Van Ky, Hanoi 1936-1996. Du drapeau rouge au billet vert , Éditions Autrement – collection Mémoires n ˚48, Paris, 1997, pp.31-32.

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ANNEXE

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Sommaire

Annexe 111 Shéma 111 : Organisation administrative du GGI en 1928...... 252 Shéma 222 : Services du GGI en 1928...... 252

Annexe 222 Tableau 646464 : Nombre d’écoles et d’élèves par provinces, départements, cantons et communes au Nord-Vietnam (Tonkin) en 1922-1923...... 254 Tableau 656565:65 Nombre d’écoles et d’élèves par provinces, départements, cantons et communes au centre-Vietnam (Annam) en 1922-1923...... 254 Tableau 666666 : Nombre d’écoles et d’élèves par provinces, cantons et communes au Sud-Vietnam (Cochinchine) en 1922-1923...... 255

Annexe 333 Tableau 67 : Condition d'accès et Soldes à l'emploi public en 1933...... 257

Annexe 444 Tableau 686868-68 ---ⅰⅰⅰ,,,ⅱⅱⅱ: Prévisions relatives au nombre des Emplois qui peuvent être attribués par les Services aux élèves diplômés de l'Université en 1923 ...... 260 Tableau 696969-69 ---ⅰⅰⅰ,ⅱⅱⅱ : Prévisions relatives au nombre des Emplois qui peuvent être attribués par les Services aux élèves diplômés de l'Université en 1928...... 261

Annexe 555 Cliché 222222 : Lettre des notables du 7 e quartier de la ville de Hanoi adressée au Résident Maire de Hanoi au 17 janvier 1896 ...... 263

Annexe 666 Plan 31 : Plan de la ville de Hanoi divisé en 8 quartiers...... 265 Plan 32 : Plan de la ville de Hanoi en 1936...... 266 Plan 33 : Plan de Haiphong en 1885 /Plan 334444 : Plan de Haiphong en 1890...... 267 Plan 335555 : Plan de Haiphong en 1902 /Plan 336666 : Plan de Haiphong années 1920...... 268 Plan 337777 : Plan de vieux quartier de Haiphong en 1943...... 269

Annexe 777 Tableau 7070----aaaa : Recensement de la population indigène de la ville de Hanoi (1920-1921) ...271 Tableau 77707000----bbbb : Répartition des familles par profession à Hanoi en 1922...... 272

249

Annexe 888 Tableau 771111 : Détail des PCS de petits commerçants vietnamiens à Hanoi en 1936 ...... 274 Tableau 77727222 : Nombre de commerçants vietnamiens par PCS dans chaque quartier de Hanoi en 1936 (1er à 8 e Quartier, Bd.Henri d’Orléans et Quartier français )...... 275

Annexe 999 Tableau 77737333 : Indexe des rues de Hanoi ...... 280

Annexe 101010 Tableau 74 : Détail des PCS de petits commerçants vietnamiens à Haiphong en 1936 .....283 Tableau 75 : Les PCS de petits commerçants vietnamiens par grande catégorie à Haiphong et Hanoi en 1936...... 284 Tableau 76 : Électeurs en 1929 inscrits continuellement jusqu'à 1940 à Haiphong.....285 Tableau 77 : Électeurs en 1931 inscrits continuellement jusqu'à 1940 à Haiphong.....286

Annexe 111111 A. Décret du 30 décembre 1936 sur le travail indigène en Indochine...... 288 B. Rapport du Marius Moutet au Président de la République française...... 289

Annexe 121212 CCClichéCliché 23 : Foule d’accueil à M.Justin Godart à Hanoi (le 2 février 1937)...... 291 Cliché 24 : Audition des ouvriers avec J.Godart à Hanoi (le février 1937)...... 291

Annexe 131313 Traduction d’un document polycopié du Parti Communiste du 1 er novembre 1936...... 293

Annexe 141414 Cliché 25 : Photographie du Tombeau du bonze dans la Pagode des Deux Sœurs...... 295

Annexe 151515 Les PCS vietnamiennes par rue à Hanoi en 1936 (1.Rue de la Soie, 2.Rue de la Coton, 3.Rue des Éventails, 4.Rue Jean Dupuis, 5.Rue des Changeurs, 6.Rue Paul Bert, 7.Boulevard Dồng Khánh, 8.Route de Hué) ...... 297

250

Annexe 1

251

Schéma 1 - Organisation administrative du Gouvernement général de l'Indochine en 1928

Président de la République ●●●Agence économique - Paris Ministre des Colonies Service administratif Ministère des colonies Comptablité Ministère de la guerre Travaux publics et études Service intérieur - Contrôle du personnel auxiliaire Gouverneur général de l'Indochine Service économique Service scientifique ●●●Gouvernement général de l'Indochine - Hanoi Documentation et études Presse et bibliothèque ●●●Directoin du cabinet et des Affaires politique Fêtes et expositions Cabinet civil : service intérieur Propagande et archives photocinématographie Service des affaires indigènes Cabinet Militaire Bureau du Tourisme. Librairie indochinoise Question concernant les pays du Pacifique Nord et Est : Chine, 1˚ Sectoin : Japon, Sibérie, Etats-Unis Service des affiares exté Question concernant les pays du Pacifique Sud et de l'Océan Indiens : Services rieurs 2˚ Sectoin : , Indes Néerlandaises, Siam, Birmanie, Etablissement des D militaires étroits, Etats confédérés Malais, Indes anglaise, Pays d'Orient.

Cabinet du Secrétaire général de l'Indochine ●●●Directoin de la police et de la sûreté générale ●●●Service du Contentieux et du Contrôle administratif 1˚ Bureau Information politique 1˚ Bureau Contentieux 2˚ Bureau Contrôle des étrangers et des immigrants 2˚ Bureau Contentieux administratif 3˚ Bureau Sûreté judiciaire et organisation générale de la Police 4˚ Bureau Identité judiciaire et Laboratoires de Police

●●●Direction du Personnel ●●●Service de Législation et d'Administration 1˚ Bureau Question des personnels (européens et indigènes) 1 Section Législation générale 1˚ Bureau 2˚ Bureau Services civils 2 Sectoin Affaires administratives 3˚ Bureau Service pénitentiaires 2˚ Bureau Affaires indigènes

Source : GGI, Annuaire général de l'Indochine , IDEO, Hanoi, 1928.

Schéma 2 - Services du Gouvernement général de l'Indochine en 1928

■Service judiciaire ■Inspection générale des Travaux publics ■Service Géographique ■Direction des Mines Cour d'Appel de Saigon Secrétariat et Atelier de reproduction Direction et Atriers à Hanoi Service des Mines Cour d'Appel de Hanoi Services administratifs 1 Sectoin géodésie et astronomie Service géologique Services techniques 2 Sectoin topographie, cartographie et photographie Service des laboratoires Service des chemins de fer Bureau Comptabilité Service central des batiments civils ■Services sanitaires et médicaux École française d'Extrême-Orient ■Direction des Archives et des Bibliothèques Conseil supérieur d'hygiène Archives et Bibliothèques centrales à Hanoi Inspection générale des services sanitaire et médicaux ■Direction de l'Instruction publique Archives et Bibliothèques de la Cochinchine à Saigon Police sanitaire maritime Secrétariat Archives et Bibliothèques de l'Annam à Hué Tonkin, Annam, Cochinchine, Cambodge, territoire de Kouang-Tchéou-Wan 1 Bureau Enseignement supérieur 2 Bureau 1 Section Personnel ■Direction des douanes et régies ■Trésorerie générale ■Direction des Finances 2 Section Enseignement privée Direction de Hanoi Bureau central à Hanoi Secrétariat 3 Bureau 1 Section Comptabilité générale 1 Division 1 Bureau Douanes Bureau de Kouang-Tchéou-Wan 1 à 5 Bureau 2 Section Comptabilité matière 2 Bureau Régies Trésorerie de la Cochinchine à Saigon 4 Bureau Services techniques 2 Division Bureau central et du personnel Trésorerie particulière du Cambodge Direction du Contrôle financier Conseil consulatif de l'instruction publique 3 Bureau Comptablité et matériel Trésorerie particulière de l'Annam 4 Bureau Contentieux Trésorerie particulière du Laos Service de la Propriété foncière

Services Maritimes Commission du compte d'assistance - Hanoi Caisse de retraite des services civils coloniaux et locaux à Hanoi Service océangraphique des pèches à Nha- Commission de l'indemnité de reinstallation - Hanoi Caisse des pensions civiles indigènes à Hanoi Trang

■Directon des Postes, des Télégraphes et des Téléphones ■Inspéction générale de l'Agriculture, de l'Élevage et des Forêts 1 Bureau Personnel et budget Secrétariat Institut de recherches agronomiques 2 Bureau Exploitation postale Service de l'agriculture section sud-indochinoise Secrétariat 3 Bureau Exploitation électrique 1 Bureau Administration agricole 1 division - de botanique et de technologie forêstière 4 Bureau Colis postaux 2 Bureau technique 2 division - de phytopathlogie 5 Bureau Comptabilité générale Service des forêts 3 division - de chimie Service technique Service vétérinnaire 4 division - de génétique et quarantaine des plantes Sous-direction du Tonkin, de l'Annam, de la Cochinchine, Service du credit agricole 5 division - conseil de perfectionnement du Cambodge, du Laos sectoin nord-indochinoise : Division de phytopathologie Observatoire central magnétique et météorogique

Source : GGI, Annuaire général de l'Indochine , IDEO, Hanoi, 1928.

252

Annexe 2

253

Tableau 64 - Nombre d'écoles et d'élèves par provinces, départements, cantons et communes au Nord-Vietnam (Tonkin) en 1922-1923

Population des École École élé- École Taux de Province Département Canton Commune Élève enfants moins de 12 primaire mentaire communale scolarité(%) ans Bac-giang 3 8 5 60 51 457 2,858 19,000 15.0 Bac-kan 3 5 6 20 28 103 935 3,100 30.1 Bac-ninh 4 10 5 78 76 616 3,686 35,000 10.5 Cao-ban 2 8 9 31 3 222 1,113 11,950 9.3 Ha-đon 3 10 12 105 51 820 3,342 69,300 4.8 Ha-gaing 1 4 4 15 - 82 276 5,600 4.9 Hai-duong 4 13 6 117 102 1,013 3,755 59,200 6.3 Hai-ninh 2 4 6 12 1 62 301 6,150 4.8 Ha-nam 3 6 5 44 36 390 1,918 36,500 5.2 Hoa-binh 1 5 4 14 - 85 165 4,800 3.4 Hung-yên 2 8 3 63 62 502 2,215 36,900 6.0 Kiên-an 2 5 4 56 47 397 2,110 25,250 8.3 Lai-châu 1 7 1 - - - 62 5,100 1.2 Lan-son 3 11 13 54 40 231 1,656 8,750 18.9 Lao-kay 2 6 9 - - - 296 2,900 10.2 Nam-đinh 2 9 15 78 76 707 5,118 85,450 5.9 Ninh-binh 2 6 6 48 32 375 1,865 31,250 5.9 Phuc-yên 3 4 3 34 27 219 1,042 13,900 7.4 Phu-tho 6 1 3 66 47 468 2,061 21,000 9.8 Quang-yên 3 3 - 14 9 100 545 7,250 7.5 Son-la 2 6 5 - - - 360 8,350 4.3 Son-tâi 5 6 13 45 39 284 3,399 20,250 16.7 Tai-binh 4 2 13 95 95 820 4,299 80,250 5.3 Tai-nguyê ñ 3 7 1 49 5 230 419 6,550 6.3 Tuyên-quang 3 5 10 38 - 200 418 3,100 13.4 Vinh-yên 3 5 3 46 35 303 1,502 17,250 8.7 Yên-bay 2 5 16 22 - 124 694 5,100 13.6 TotalTotalTotal747474 169169169 180180180 1,2041,2041,204 862862862 8,8108,8108,810 46,410 629,200 7.37.37.3 Haiphong 3 - 2 - 6 - 249 7,350 3.3 Hanoi 2 - - - - - 3,260 6,600 49.3 TotalTotalTotal797979 169169169 182182182 1,2041,2041,204 868868868 8,8108,8108,810 49,919 643,150 7.77.77.7

Tableau 65 - Nombre d'écoles et d'élèves par provinces, départements, cantons et communes au centre-Vietnam (Annam) en 1922-1923

Population des École École élé- École Taux de Province Département Canton Commune Élève enfants moins de 12 primaire mentaire communale scolarité(%) ans

Binh-dinh 3 7 9 26 28 688 1,849 54,400 3.3 Binh-tuân 1 6 7 16 53 202 2,894 7,550 38.3 Darlac - - 1 - - 365 202 10,800 1.8 Ha-tinh 2 9 11 45 73 604 3,077 47,050 6.5 Haut-donat - 3 1 14 - 494 48 3,100 1.5 Khanh-hoa 1 4 4 18 47 247 1,611 11,250 14.3 Kontum 1 4 - 5 - 1,153 106 20,250 0.5 Lang-bian - - 1 - - 6 49 100 49.0 Nghé-an 7 11 10 74 2 915 1,934 59,100 3.2 Phan-rang 1 2 2 12 25 138 784 5,250 14.9 Phu-yên 1 4 3 19 28 307 849 17,450 4.8 Quang-binh 2 5 9 29 21 371 2,188 17,600 12.4 Quan-nam 2 8 15 52 96 1,051 2,990 76,250 3.9 Quan-ngai 1 9 8 38 77 626 2,666 45,450 5.8 Quan-tri 1 6 6 34 39 566 1,874 14,750 12.7 Thanh-hoa 1 19 21 135 105 1,942 5,255 77,650 6.7 TotalTotalTotal242424 979797 108108108 517517517 594594594 9,6759,6759,675 28,376 468,000 6.06.06.0 Hué 5 6 9 31 76 469 3,548 32,200 11.0 Tourane 1 - 1 1 - 20 406 1,750 23.2 TotalTotalTotal303030 103103103 118118118 549549549 670670670 10,164 32,330 501,950 6.46.46.4

254

Tableau 66 - Nombre d'écoles et d'élèves par provinces, cantons et communes au Sud-Vietnam (Cochinchine) en 1922-1923

Population École École élé- École des enfant Taux de scolarité Province Canton Commune Élève primaire mentaire communale moins de 12 (%) ans Bac-liêu 1 3 7 40 32 2,005 14,660 13.6 Baria 1 6 8 7 63 1,375 4,660 29.4 Bên-tre 1 20 21 62 144 6,297 21,660 29.0 Biên-hoa 1 11 17 14 160 2,252 10,000 22.5 Cân-tho 2 8 10 48 76 4,733 27,000 17.5 Châu-dôc 1 8 12 70 98 3,307 18,000 18.3 Cho-lon 8 7 12 43 66 6,453 18,000 35.8 Gia-dinh 1 17 17 49 166 5,969 24,000 24.8 Go-cong 2 22 5 20 40 3,048 8,000 38.1 Ha-tiên 1 4 4 4 13 421 1,660 25.2 Long-xuyên 1 - 8 50 54 4,074 16,660 24.4 My-tho 1 8 15 87 196 6,908 28,000 24.6 Rach-gia 1 7 10 54 81 3,308 20,330 16.2 Sa-dec 2 6 10 51 67 2,336 17,000 13.7 Soc-trang 1 6 12 53 89 2,522 16,000 15.7 Tânan 3 12 10 38 83 3,343 9,000 37.1 Tây-ninh 1 6 10 24 50 2,216 8,660 25.5 Thu-dau-mot 1 7 10 35 128 2,816 10,660 26.4 Tra-vinh 1 15 20 46 101 3,112 19,000 16.3 Vinh-long 7 - 13 53 84 4,695 13,660 34.3 TotalTotalTotal383838 173173173 231231231 848848848 179117911791 71,190 306,610 23.223.223.2 Cho-lon 2 7 - - - 1,827 5,660 32.2 Saïgon 1 4 - - - 1,393 5,000 27.8 TotalTotalTotal414141 184184184 231231231 848848848 179117911791 74,410 317,270 23.423.423.4

Source : Gougal, DGIP, La pénétration scolaire dans les pays annamites (Tonkin, Annam, Ccochinchine ) , IDEO,

Hanoi, 1931 ; Gougal, Annuaire statistique de l’Indochine 1923-1929, IDEO, Hanoi, 1931.

255

Annexe 3

256

Tableau 67 : Condition d'accès et Soldes à l'emploi public en 1933

solde de fin Éffectif en Désignation Date de l'arrêté de création Conditions d'accès solde de début de carrière 1933

Par voie de concours parmi les agents techniques indigènes des T.P. ayant accompli 8 ans de services dans l'administratoin des Travaux Publics.

Sur titre ; Agents voyers Art.du 18 Février 1922 modifié a) parmi les anciens élèves diplômés du cours supérieur des Travaux Publics de l'Université 1750 piastres 4080 piastres 37 indochinois par celui du 12 novembre 1923 indochinoise ; par an par an

b) parmi les anciens élèves diplômés d'une école nationale des Arts et Métiers ou d'une école de la Métropole reconnue par l'État et comportant un programme équivalent au point de vue des connaissances générales et techniques.

Dipôme d'ingénieur de l'École Centrale des Arts et Manufactures, d'une École nationale des Ingénieurs Arts et Métiers ou d'une autre école de la Métropole reconnue par l'État et comportant au 2000 piastres 5000 piastres Arrêté du 18 Février 1922 2 indochinois point de vue des connaissances théoriques et thechniques en matière des Travaux Publics un par an par an programme au moins équivalent à celui des autres écoles.

Arrêté du 18 Février 1922 2400 piastres 5000 piastres Docteurs indochinois modifié par celui du 4 Octobre Diplôme de docteur en médecine d'État. 5 par an par an 1928 Médecins Arrêté des 24 Octobres 1927, 3 Par voie de concours (pour l'année 1928). Le programme et les conditions du concours précité 2400 piastres 5000 piastres indochinois du cadre Janvier, 9Mai et 4 Octobre 10 sont fixés par les arrêtés des 3 Janvier et 9 Mai 1928. par an par an latéral 1928.

Sur titres, parmi les candidats justifiant du dipôme d'études supérieures d'ingénieur géomè tre délivré par l'École spéciale des Travaux Public ou du diplôme d'ingénieur d'une école nationale des Arts et Métiers ou du diplôme d'ingénieur d'une école technique de la Métropole Ingénieurs Géomè dont le programme soit au moins équivalent au point de vue des connaissances générales et 1750 piastre par 4080 piastre Arrêté du 5 Février 1930 0 tres indochinois des connaissances mathématiques. an par an

Par voie de concours parmi les agents techniques indigènes du cadastre ayant au moins 6 ans de services dans l'administration du Cadastre en qualité d'agent technique.

solde de fin de Éffectif en Désignation Date de l'arrêté de création Conditions d'accès solde de début carrière 1933 Médecins 1644 piastres 3408 piastres Arrêté du 28 Septembre 1913 Diplôme de l'École de Médecine de Hanoi (Section de Médecine) 190 indochinois par an par an Pharmaciens 1512 piastres 3204 piastres Arrêté du 20 Janvier 1913 Diplôme de l'École de Médecine de Hanoi (Section de Pharmachie) 29 indochinois par an par an Vétérinaires 1644 piastres 3000 piastres Arrêté du 18 Avril 1919 Diplôme de l'École Vétérinaire de Hanoi 87 indochinois par an par an

Agents techniques 1512 piastres 3000 piastres Arrêté du 6 Juin 1922 Diplôme de l'École des Travaux Publics ou concours. 219 des Travaux Publics par an par an

Arrêté des 14 février 1920, 7 Agents techniques 1380 piastres 3000 piastres septembre 1922, 12 Juillet Baccalauréat après concours. Diplôme de l'École supérieure de Sylviculture. 35 des Forêts par an par an 1923

Agents techniques Arrêté des 1er février 1920, 9 fé 1512 piastres 3000 piastres Baccalauréat après concours. Diplôme de l'École supérieure d'Agriculture. 32 agricoles vrier 1924, 16 février 1928 par an par an

Agents technique du Arrêté des 18 Avril 1919 et 22 1512 piastres 3000 piastres Diplôme de 'École des Travaux Publics de Hanoi (Section topographique) 92 Cadastre Mars 1922 par an par an

Agents techniques Arrêté des 4 Octobre 1921 et Diplôme de l'École des Travaux Publics (Section géologique ou à défaut section topographique 1512 piastres 3000 piastres du Services Gé 16 23 Juillet 1924 ou des Travaux Publics) par an par an ographiques

Chefs ou sous-chefs de posts auxiliaires 1380 piastres 3000 piastres Arrêté du 18 Avril 1929 Diplôme de l'École de Commerce (Section de Radiotélégraphie) 8 du Service Radiotélé par an par an graphique

Professeurs de l'Enseignement 1644 piastres 3000 piastres primaire et primaire Arrêté du 19 Septembre 1924 Dipolôme de l'École supérieur de Pédagogie 135 par an par an supérieur franco- indigène Commis indigènes Un arrêté spécial pour chaque Dipolôme de l'École des Hautes Études indochinoise. Baccalauréat. Examen de culture géné 1280 piastres 3000 piastres 180 des différentes service rale et concours professionnel. par an par an environ administrations

Source : CAOM, I-NF, 2374.

257

Tableau 67 (suite)

solde de fin de Éffectif en Désignation Date de l'arrêté de création Conditions d'accès solde de début carrière 1933 Doc-Phu au phu et Diplôme de l'École des Hautes Études indochinoises. Examen de culture générale et concours 1300 piastres 4500 piastres huyen en Arrêté du 6 Janvier 1927 160 professionnel. Baccalauréat après concours. par an par an Cochinchine

Receveurs des Commis principaux, commis de 1ère et 2ème classe et Receveurs secondaires principaux de 1è 2196 piastres 3000 piastres Postes, Télégraphes Arrêté du 28 Septembre 1929 Néant re classe après succès à l'examen de culture générale. par an par an et Téléphones

Greffiers des Baccalauréat. Concours professionnel parmi les secrétaires-greffiers ayant 6 ans de service. 1428 piastres 3000 piastres tribunaux de 2ème Arrêté du 16 Juin 1927 Secrétaires-greffiers principaux de 1ère classes ayant 3 ans de grade. Diplôme de l'École des 30 par an par an degré du Tonkin Hautes Études indochinoises.

Professeurs 1644piastres 3000 piastres Arrêté de 8 Juillet 1930 Diplôme de l'École des Beaux-Arts (Section de Peinture) Néant indochinois de déssin par an par an

Cadres des Dipôme de l'École des Hautes Études indochinoises. Licencié en droit d'État. Doctorat en droit 1000 piastres 4500 piastres mandarins Arrêté du 20 septembre 1929 257 d'État. Concours. par an par an administratifs Cadres des 1000 piastres 4500 piastres mandarins Arrêté du 20 septembre 1929 Même conditions de recrutement sauf le concours. 8 par an par an judiciaires supérieur Diplôme d'enseignement supérieur de France. Diplôme de l'École des Hautes d'études 60 Mandarins de l'ordre Arrêté des 11 février 1926 et 9 indochinoises. Tiêm-si et pho-bang. Baccalauréat. Candidats possédant le titre de commis 410 piastres par 5000 piastres secondaire civil septembre 1929 des résidences de l'Annam. Au concours parmi les agents des services généraux et locaux de an par an 358 l'Annam diplômé de l'Université indochinoise ayant 5 ans de services. subalterne 613 Mandarins 315 piastres par 2520 piastres - Parmi les anciens militaires de différents grades. 276 militaires an par an Source : CAOM, I-NF, 2374.

258

Annexe 4

259

Tableau 68 ---ⅰⅰⅰ:ⅰ Prévisions relatives au nombre des Emplois qui peuvent être attribués par les Services aux élèves diplômés de l'Université en 1923 ( ) : maximum

Nombre Nombre des emplois à pourvoir Total des demandes nombre Désingation de d'élèves Désignation des emplois réservés d'admissions l'École préparant à Services gé maximum à aux élèves diplômés de l'Université prévus à chaque emploi néraux à Tonkin Cohinchine Annam Cambodge Laos minimum maximum admettre 1922 Hanoi en 1923 Médecins auxiliaires stagiaires 5(5) 1(3) 2(3) 3 3(5) 14 22 9 +5

Aides-médecins militaires indigènes École de Médecine 10 10 10 4 +6

Pharmaciens auxiliaire stagiaires 1 1 1(2) 2 1 6 7 3 +3

Vétérinaires auxiliaires stagiaires École Vétérinaire 2(3) 3(5) 2(4) 1 8 13 4 +4

École supérieure de Professeurs stagiaires Pédagogie 6 12(15) 8(12) 3(6) 3(6) 32 45 9 +23 Agents techniques de 3e classe des École supérieure Services Agricoles 1 2 1 2 d'Agriculture et de 15 23 26 -8 Agents techniques de 3e classe du Sylviculture Service Forestier 2 5(10) 1(2) 1(3)

Agents techniques indigènes de 4e classe du Service des Travaux Publics 20(30) (8) (7-12) (6-14) 14

Agents techniques indigènes de 4e École des Travaux classe du Service du Cadastre et de la 3 4(6) 2(6) 34 50 61 -27 Topographie Publics

Agents techniques indigènes de 4e classe du Service Géographique 5

École des Sciences appliquées (Cours 4(6) 4 6 5 -1 Agents voyers indochinois stagiaires supérieurs des Travaux Publics) Etat de commune 5(8) 12(15) 2(5) 1(2) 20 30 26 -6 Source : CAOM, GGI-AF, 51508.

Tableau 68 –––ⅱⅱⅱ:ⅱ Prévisions relatives au nombre des Emplois qui peuvent être attribués par les Services aux élèves diplômés de l'Université en 1923 ( ) : maximum

Nombre Désingation de Total des demandes nombre Nombre des emplois à pourvoir d'élèves Désignation des emplois réservés aux élèves l'École d'admissions Service maximum diplômés de l'Université préparant à prévus à généraux Tonkin Cohinchine Annam Cambodge Laos minimum maximum à admettre chaque emploi 1922 à Hanoi en 1923 Contrôle Financier et délégations de ce service Direction des Finances Services sédentaires des Douanes et 1 1 1 1 Régies Administration des Travaux Publics 4(6) (1) 3(6) (1) (bureaux) Administration des Postes et 1 1 Télégraphes Service de la Trésorerie 1 1(2) 1 Service du Cadastre et de la Topographie Commis de 2 1(2) 4e classe du (bureaux) cadre supé Service Radiotélégraphique École de rieur du Droit et Tonkin 4(6) 43 60 17 +26 personnel d'Admini- Bureaux des Résidence Annam indigène stration 4(6) Cambodge

Service de l'Exploitation des Chemins de fer 2(4)

Bureaux de la Résidence supérieure et des Commissariat du Laos 2 Bureaux du Gouvernement et des provinces de la Cochinchine 4(16) Directoin des Service Économiques 1

Direction des l'Instruction publique

Commis interprétes de 4e classe du Service 4(5) Judiciaire

Source : CAOM, GGI-AF, 51508.

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Tableau 69 ---ⅰⅰⅰ:ⅰ Prévisions relatives au nombre des Emplois qui peuvent être attribués par les Services aux élèves diplômés de l'Université en 1928 ( ) : maximum

Nombre Nombre des emplois à pourvoir Total des demandes nombre Désignation des emplois réservés d'élèves Désignation de l'École d'admissions aux élèves diplômés de Service maximum à préparant à chaque emploi prévus en l'Université généraux Tonkin Cohinchine Annam Cambodge Laos minimum maximum admettre en 1927 à Hanoi 1928 Médecins auxiliaires stagiaires 4 12 10 5 8 39 39 41 39 École de Médecine Pharmaciens auxiliaire stagiaires 2 4 5 2 13 13 17 13

Vétérinaires auxiliaires stagiaires École Vétérinaire 3 4 2 1 3 13 13 17 13

Professeurs stagiaires École supérieure de Pédagogie 5 4(6) 5 2 1(2) 17 20 25 20 Agents techniques stagiaires des École supérieure Services Agricoles d'Agriculture et de Agents techniques stagiaires du Sylviculture Service Forestier 2 2 3 6 2 2 17 17 22 17 Agents techniques stagiaires du Services des Travaux Publics 2 8 8 6 2 26 26 Agents techniques stagiaires du Services du Cadastre et de la École des Travaux Publics 2(3) 5(10) 3 10 16 44 42 Topographie Agents techniques stagiaires du Service Géographique École des Sciences appliquées Agents voyers indochinois (Cours supérieurs des Travaux stagiaires 1 1 1 1 4 4 6 4 Publics) Professeurs de dessin École des Beaux arts 8 8 8 8 8 Receveurs auxiliaires stagiaires École de Commerce (Section des Postes et Télégraphies des P.T.T.) 2 2 1 1 6 6 12 6 Sous-Chef de Poste auxiliaires École de Commerce (Section stagiaires du Service Radiotélé Radiotélégraphique) 4 4 4 4 4 graphique Source : CAOM, GGI-AF, 51508.

Tableau 68 –––ⅱⅱⅱ:ⅱ Prévisions relatives au nombre des Emplois qui peuvent être attribués par les Services aux élèves diplômés de l'Université en 1928 ( ) : maximum

Nombre Désignation de Total des demandes nombre Nombre des emplois à pourvoir d'élèves Désignation des emplois réservés aux l'École d'admissions maximum à élèves diplômés de l'Université préparant à Services prévus en admettre en généraux Tonkin Cohinchine Annam Cambodge Laos minimum maximum 1927 chaque emploi 1928 à Hanoi Stagiaires de l'Administration indigène 3 Stagiaires de la Justice indigène Huyên stagiaires 4 1 Juges de paix stagiaires Contrôle Financier et délégations de ce service Direction des Finances 1 Services sédentaires des Douanes et Régies 3 Administration des Travaux Publics (bureaux) 3 2 2 Commis de École des Hautes Service de la Trésorie ? 1 4e classe Études 29 31 37 29 Service du Cadastre (bureaux) du cadre Indochinoises 1 supérieur du Service Radiotélégraphique personnel Tonkin indigène Bureaux des Annam Résidences 2 Cambodge 7 Service de l'Exploitation des Chemins de fer Bureaux de la Résidence supérieure et des Commissariat du Laos Commis interprétes stagiaires du Service 1 1 Judiciaire

Source : CAOM, GGI-AF, 51508.

261

Annexe 5

262

CCClichéCliché 22 : Lettre des notables du 7 e quartier de la ville de Hanoi adressée au Résident Maire de Hanoi au 17 janvier 1896.

(Traduction en français) Hanoi, le 17 janvier 1896.

Monsieur le Résident Maire de la Ville de Hanoi, Nous soussignés notables du 7 e quartier de la Ville de Hanoi, avons l’honneur de venir vous exposer respectueusement que le chef de notre quartier qui est employé comme chef de quartier depuis longtemps. Nous n’avons pas reçu votre ordre de lui licencier pour élire un autre pour être employé comme notre chef de quartier, puisque le Truong Pho à la rue des bambous que nous n’avons jamais comme son nom et son visage et comment était-il. Le nommé Vinh ex-maire à la route de Lien-Tri qui a accusé le chef de notre quartier, les nommés Biêce et Tang qui sont les cousins de Vinh et le maire à la route de Lien my ni Nghi et les nommés Tâm quan et Viên qui sont aussi la famille de Vinh qui ont cache notre ordonnance et reunis chez le Truong phô à la rue des bambous pour faire son festins et corrompre de lui élire pour être employé comme notre chef de quartier. (....).

Source : ANV-H, FMH, E.98, 2231.

263

Annexe 6

264

Plan 31 : Plan de la ville de Hanoi divisé en 8 quartiers

Source du Plan : Guide Madrolle (1932)

265

Plan 32 : Plan de la ville de Hanoi en 1936

Source du Plan : Juillet 1936, contribution Rick Curia .

266

PlanPlanPlan 333333 – Plan de Haiphong en 1885

Source : Gilles Raffi, op.cit ., 1994, p.207 .

PlanPlanPlan 343434 – Plan de Haiphong en 1890

Source : Gilles Raffi, op.cit ., 1994, p.211 .

267

PlanPlanPlan 353535 – Plan de Haiphong en 1902

Source : Gilles Raffi, op.cit ., 1994, p.308 .

PlanPlanPlan 363636 – Plan de Haiphong années 1920

Source : Gilles Raffi, op.cit ., 1994, p.340 .

268

Plan 37 : Plan de Vieux Quartier de Haiphong en 1943

Source : CAOM, RST-NF, 2617.

269

Annexe 7

270

TableTableauauauau70707070----aaaa : Recensement de la population indigène de la ville de Hanoi (1920-1921)

H : Hommes / F: Femmes G : Garçons / Fi : Filles Vieillards La La hommes et Nombre Adultes entre 15 et 50 ans Enfants de Total Famille famille famille Popula- femmes au de Rues et Villages 15 ans popula- anna- suffit à besoin d' tion gé- dessus de 50 famille tion mite ses être nérale ans Célibataires Mariés générale besoins assistée H F H F H F G Fi Chúc Lạc 12 12 23 15 32 42 35 34 205 39 39 0 205 39 Sông Tô Li ̣ch 102 208 278 245 560 710 610 456 3178 544 574 2 3365 576 Graines 51 102 58 98 605 513 339 254 2020 305 306 0 2035 306 Charbon 64 148 53 92 443 368 290 269 1727 213 215 1 1745 216 Grand Bouddha 25 71 131 83 278 299 179 180 1242 191 163 29 1258 192 Soeurs Tr ưng 34 47 80 74 154 153 153 166 861 187 187 0 561 187 Vermicelles 58 75 79 45 135 153 131 131 811 103 56 48 824 104 Phuc Kien 46 83 64 96 397 448 332 319 1785 244 231 27 1907 258 Cuivre 90 148 223 151 314 405 378 295 2004 371 375 1 2033 376 Chapeaux 97 169 196 175 789 754 626 497 3298 492 499 0 3352 499 Broni (Tiên Tsin) 60 96 160 133 372 368 239 215 1643 211 219 0 1690 219 Soie 39 88 163 186 384 348 272 273 1753 190 278 0 2171 278 Cuirs 27 28 108 91 119 131 122 84 712 133 133 0 712 133 Vieilles des Tasses 66 161 143 117 821 613 511 431 2863 418 458 0 3114 458 Coton 110 177 509 290 913 828 690 525 4042 559 568 0 4089 568 Voiles 43 84 209 226 644 511 460 419 2596 302 376 0 3188 376 Radeaux 69 147 168 195 613 600 518 349 2689 389 404 2 2766 406 Changeurs 25 93 89 125 357 319 216 214 1438 270 288 0 1489 288 Jeans Dupuis 53 125 128 108 309 347 277 245 1592 208 250 0 1852 250 Bambous 39 83 127 97 315 333 236 281 1519 276 276 0 1519 276 Borgnis Desbordes 26 48 36 25 91 108 128 105 567 117 115 2 567 117 Jules Ferry 118 165 193 185 709 673 645 510 3198 524 528 0 3223 528 Chaux 39 62 139 67 276 223 243 205 1254 253 268 0 1355 268 Đưc Viên 98 168 210 152 514 540 449 439 2570 639 624 16 2572 640 Gia Long 40 66 120 63 465 309 207 208 1428 323 323 2 1482 325 Cơ Xa ́ Nam 42 76 38 54 123 115 102 101 651 118 118 0 651 118 Ca ̉m Hô ̣i 40 47 36 23 64 67 59 64 400 62 35 27 400 62 Lươ ng Yên 42 45 106 80 225 247 247 230 1252 181 125 58 1262 183 Đô ̀ng Nhân 42 85 55 66 139 162 183 195 927 161 159 2 927 161 Sinh T ừ 79 187 265 172 775 756 667 572 3473 510 508 10 3527 518 Lươ ng S ử 85 133 128 98 355 346 309 299 1753 290 279 11 1753 290 Thanh Giam 91 147 110 116 331 374 317 326 1812 352 289 63 1812 352 Teinturiers 77 161 234 177 606 623 503 413 2794 488 479 19 2848 498 Ngo ̣c Thanh 31 32 112 59 99 96 132 118 679 112 111 1 679 112 Tuyên Quang 18 26 23 23 40 52 50 37 269 43 29 14 269 43 Tiên My ̃ 10 21 35 36 52 59 50 60 323 45 21 24 323 45 Liên Tri ̀ 9 65 94 100 181 279 276 207 1211 196 74 122 1211 196 Đông Tân 71 234 155 181 292 416 444 411 2204 332 332 0 2204 332 Phu ́c Lâm 47 34 31 21 111 111 152 159 666 100 101 1 674 102 Gia ́o Ph ườ ng 33 76 74 59 147 165 140 148 842 153 153 0 842 153 Van Hô ̀ 38 74 82 62 145 173 156 153 883 124 32 92 883 124 Thi ̣nh Yên 62 92 124 81 290 283 244 228 1434 171 150 17 1448 173 Total général 2248 4189 5389 4542 14584 14420 12317 10825 68618 10939 10748 591 70787 11345

Source : CAOM, ANV-H, FMH, D.88, 3272.

271

Tableau 7070----bbbb : Répartition des familles par profession à Hanoi en 1922

1. Commerçants ; 2. Ouvriers ; 3. Tailleurs ; 4. Maçons ; 5. Divers ; 6. Entrepreneurs ; 7. Cultivateurs, 8. Charpentiers ; 9. Menuisier ; 10. Bijoutiers ; 11. Laqueurs ; 12. Cordonniers ; 13. Brodeurs ; 14. Ferblantiers ; 15. Dentelliers, 16. Incrusteurs, 17. Tourneurs ; 18. Chauffeurs ; 19. Peintres ; 20. Pêcheurs ; 21. Légumistes ; 22. Jardiniers Rues et villages 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 Chúc Lạc 11 1 1 1 20 1 4 Sông Tô Lịch 239 16 23 1 287 1 1 1 1 2 1 3 Graines 172 4 12 1 111 3 2 1 Charbon 140 2 5 1 67 1 Grand Bouddha 40 4 1 140 6 4 Soeurs Tr ưng 37 95 1 3 50 1 Vermicelles 55 1 1 47 Phuc Kien 229 5 22 1 1 Cuivre 200 54 8 5 102 1 1 1 3 1 Chapeaux 135 7 16 4 225 1 6 37 14 30 3 12 9 Broni (Tiên Tsin) 104 2 18 84 1 4 6 Soie 260 7 10 1 Cuirs 4534 611 1 1152 Vieilles des Tasses 243 3 11 1 120 1 7 6 13 1 52 Coton 182 19 30 307 3 3 2 11 7 3 1 Voiles 299 11 65 1 Radeaux 137 10 19 3 217 3 4 9 2 1 1 Changeurs 159 8 99 3 1 12 3 3 Jeans Dupuis 132 1 9 1 100 1 4 1 1 Bambous 137 2 7 117 2 10 1 Borgnis Desbordes 22 2 2 88 1 2 Jules Ferry 68 12 40 5 307 1 11 3 10 20 15 16 2 18 Chaux 51 10 13 171 1 1 2 8 11 Đư c Viên 72 8 24 448 1 35 24 7 1 3 8 5 Gia Long 26 2 5 4 281 2 4 1 1 2 Cơ Xá Nam 14 2 1 38 62 2 Cảm Hội 33 1 24 Lươ ng Yên 13 4 4 111 45 1 2 Đồ ng Nhân 11 2 7 25 121 2 Sinh Từ 138 18 16 2 314 1 6 6 2 3 2 10 Lươ ng Sử 45 5 3 200 25 5 1 2 2 2 Thanh Giam 61 6 10 44 191 16 10 1 3 2 7 1 Teinturiers 210 8 23 250 1 2 2 1 1 Ng ọc Thanh 20 3 1 5 77 5 1 Tuyên Quang 1 3 29 10 Tiên Mỹ 10 15 1 5 2 1 12 Liên Trì 32 2 2 14 108 3 5 1 2 3 2 5 17 Đông Tân 197 3 11 2 98 3 10 7 Phúc Lâm 79 1 6 18 3 Giáo Ph ườ ng 79 5 8 58 1 2 Van Hồ 16 1258 1011 22 3 17 11 Th ịnh Yên 4515492 36136 1 6 Total général 4199 314 367 120 5252 21 352 94 88 50 103 107 49 64 18 9 18 27 26 4 34 34 Source : ANV-H, FMH, D.88, 3272.

272

Annexe 8

273

Tableau 71 : Détail des PCS de petits commerçants vietnamiens à Hanoi en 1936

H : Homme/F : Femme/C : Cumulateur (Nombre imaginaire) A.-Marchands HFC A-.Marchands H FC A-.Marchands H FC A-.Marchands H FC ①①①Alimentations 247 405 269 Bambous/Paillotes 2 17 5 Serrurier 9 1 4 ⑨⑨⑨Objets du culte 26 48 36 Pain 1 1 2 Écorces/Racines à teindre/cunâu 1 10 10 Nattes (en jonc) 7 7 10 Objet votifs 11 27 6 Gâteaux 1 3 4 Cuir 3 2 5 Paniers/corbeille 1 6 1 Papiers votifs 3 8 5 Riz/Céréale/Grains/Haricot* 12 45 18 Briques/chaux 6 11 4 Cordes 2 5 4 Cercueil 4 3 3 Vermicelle/Pâtes 3 7 12 Tuiles 1 3 porcelaine 4 2 9 encens/Joss sticks 5 8 10 Viandes 18 1 Sable, Cailloux 2 1 2 Vaisselle 2 21 11 Pétards 3 2 12 Charcutier 29 42 7 Nickelage 4 Verre de tasse 2 4 Boucher 19 37 3 Vitre/Zinc/Laiton/Ciment*** 3 4Sellier 1 4 ⑩⑩⑩Papeterie/Librairie 26 25 60 Chien 2 2 Ferrailles 13 27 17 Papiers 4 16 26 Rôties/Rôtisseur 5 2 1 Huile pour autos 1 1 1 ⑥⑥⑥Articles divers 35 34 61 Pinceaux/Couleur 1 1 10 Oeufs 8 3 Pétrole 1 2 Baguettes 1 Articles pour écoliers, bureaux 5 3 6 Sucre 5 18 Oxygène et acétylène 1 Bougies 1 1 Libraire + Imprimerie 16 5 18 Sel 4 9 21 Boutaile vide 2 9 4 Brocanteur/Articles de bazar 7 8 9 Saumure 10 57 29 Chiffons 1 Éventail 1 ⑪⑪⑪Médicaments 95 47 35 Poissons secs, salés 1 5 5 Fourreur naturaliste/Plumes 6 1 1 Mousticaires 1 14 Pharmacie 12 Nuoc Mam 1 Bestiaux, Lapin, Cobaye 1 1 Objets (caisse, article plastique) 1 1 2 Médicaments/Remède 24 29 15 Soupe 5 6 1 de laqués/en ecaille, ivoire 3 13 5 sino-annamite 7 2 1 Légumes 5 9 6 ③③③Textiles & Vêtements 171135162 en cuir 5 4 Pilule 47 13 15 Fruits/Coco 7 15 9 Tissus/Étoffes 25 25 20 d'arts/peinture/Panneaux 8 5 9 Drogue 1 Confiture 5 4 Coton (Tissu/Étoffe) 8 6 11 Parasol/Parapluie 1 12Parfumerie 1 1 Fleur 3 Soierie (Tissu/Étoffe) 25 24 27 Rotin 1 2 1 brillantine/huile/de menthe 2 Noix d'arec/bétel 3 28 11 Cocons 1 Sac/Porte-feuilles 3 2 2 Savons 1 2 4 Tabac 12 22 23 Tapis 2 Valises/Malles 6 1 Épices/Poudre carry 7 3 3 Dentelles 8 5 10 ⑫⑫⑫Marchand à Poste fixe 70 279 Café 1 Mercerie/Bonneterie**** 67 1 34 ⑦⑦⑦Bijoutier 21 74 48 Thé 47 34 37 Literie/coussin/matelas 3 1 6 ⑬⑬⑬DiversDiversDivers 55 354 31 Laitier 36 8 1 Vêtements/Lingerie 4 19 19 ⑧⑧⑧Appreils/Instruments 46 11 28 Marchand de divers 22 158 19 Boissons ; gazeuse, limonade 18 20 21 Tricot 1 5 Appreil électrique/Phono 5 2 5 Marchand au détail 31 196 12 Alcools 1 2 Ceinture/Lanière en cuir 2 Balance 2 1 1 Marchand en gros 2 Bière 1 4 12 Chapeaux/Casque/Turban 19 18 14 Instrument de music/Tam-tam 5 2 9 Vin 1 1 Chaussures***** 10 33 14 Horloger 22 2 3 Huile alimentaire/Vinaigre 3 3 1 Sandale 1 Lampe/abat-jours 3 2 5 TTTotal A.-Marchands 991991991165616561656 882882882 Epicerie/épicier 6 5 Lunettes 1 Alimentations diverses** 4 7 7 ④④④Meubles 321916Pipes 1 1 * vendu par série avec Paddy, Son, Maïs, Arachide Aricles pêche 1 ** dont Sauce chinoise (2H), Glace (1C) ②②②Matières premières 99 157 77 ⑤⑤⑤Quincaillerie/Poterie 68 68 59 Raquettes/Articles sports 3 1 *** vendus par série Bois/Charbon 47 64 11 Quincaillerie****** 10 6 Bicyclette 1 1 **** y compris Matières colorantes Planche 3 3 4 Objet en cuivre 29 20 4 Accessoires d'autos/de pousse 3 1 2 ***** y compris Souliers, Socques, Bottier Laque 3 8 4 Pioches/Billots 3 4 2 Armes ****** y compris Articles en tôle, Clous, Fil de fer

H : Homme/F : Femme/C : Cumulateur (Nombre imaginaire) B-.Fabricants HFC B-.Fabricants HFC B-.Fabricants H FC C-.Services H FC ①①①Alimentations 34 6 20 ⑤⑤⑤Quincaillerie/Poterie 9 1 6 ⑩⑩⑩Imprimerie/Papeterie 17 2 2 ①①①Services diversdiversdivers 191 0 27 Boulangerie 5 1 3 Ft. de cuillers en aluminium 1 Imprimerie (unique) 7 1 Blanchisseur 89 19 Pâtisserie 21 4 16 Ft. d'objets en cuivre 1 Imprimeur au tampon 4 Coiffeur 87 8 Distillerie/Liquoriste 2 Ft. de seaux 1 1 Relieur 2 1 1 Maison de tolérance 10 Ft. de huile 1 Ft. de verres de lampes 1 Ft. de boîtes en carton/écrins 1 Théâtre ambulant 5 Ft. de sucre/confiture 2 1 1 Verrerie/Verrier/Vitrerie 5 5 Ft. de fleurs en papiers 3 1 Ft. de Vermicelle 3 Sellerie 1 ②②②Hôtel-Restaurant 69 51 50 ⑪⑪⑪Médicaments 3 1 4 Hôtel 2 ②②②Matières premières 201 2 42 ⑥⑥⑥Articles divers 53 6 31 Ft. de brillantine 1 1 1 Pension famille/Garni 6 3 5 Atelier laminage étain 2 Ft. de bougies 2 1 Ft. d'huile de menthe 1 Restaurant/Café/Bar 14 1 1 Ferblantier/Zinguerie 79 2 15 Ft. de brosses 3 Ft. d'alcool médicamenteux 1 Gargotier 47 47 44 Fondeur 34 1 Ft. d'éventails de plumes 1 Ft. de pilules 1 2 Forgeron 53 4 Ft. d'objet en bois/écaille 3 ③③③Entrepreneurs 65 0 6 Nickeleur 2 3 Ft. d'objets en cuir/Tanneur 4 1 10 ⑫⑫⑫Réparateurs 94 0 41 Entrepreneur/Tâcheron 21 4 Ft. de glace 1 Ft. de stores 6 2 Réparateurs (de seau) 1 1 de Travaux publics 16 Etameur de glace 1 Ft.. de panneaux 16 1 7 d'appareils électricités 15 2 de vidange 1 Soudure autogène 8 6 Ft. de parasols 1 de balances 4 1 Assurance 1 Scierie/Scieur 7 1 Ft. de portefeuilles/sac 5 1 de bicycllete 9 17 Bureau d'Architecture 2 Tourneur 13 11 Ft. de caisses/valise/malles 13 1 12 de charrete 1 Bureau de palacement 1 Ft de peinture 1 1 de chaussures 14 1 Cabinet consultations juridiques 1 ⑦⑦⑦Bijoutier 22 2 8 d'horloge 16 5 Commissionnaire Exportateur 5 ③③③Textiles/Vêtments 647 29 138 Batteur d'or/Dorure 7 7 de lampes 3 Courtier 3 1 Brodeur/Dentellerie 30 7 11 Bijouterie 1 d'objets en cuir 1 Représentant/Cabinet d'affaires 13 1 Couture 1 3 2 Laqueur 14 2 1 en cuivre/métal 2 charpentier 1 Tisserand (de serviettes) 4 1 2 de parapluies 4 5 Tailleur indigène 284 19 ⑧⑧⑧Appareils/Instruments 14 0 1 de raquettes 1 ④④④Tourisme/Transport 32 0 0 Tailleur européen 184 5 58 Ft. de balance 1 d'article de fumerie 4 2 Transport 27 Tailleur pour dames 18 3 Horlogerie 1 1 d'auto/Garagiste 4 4Transitaire 5 Chapellerie 4 4 10 Ft. d'instruments de musique 1 d'enveloppes d'auto 4 1 Ft. de casques et turbans 10 4 Optique 1 de pneus 2 ⑤⑤⑤LoueurLoueurLoueur 133 41 43 Matelassier 1 3 Ft de p.pousse en caoutchouc 8 de p.pousse en caoutchouc 11 d'autos 10 2 Ft. de tricots/de chaussettes 9 2 Carroserie 2 d'un garage d'auto 1 Teinturier 18 3 8 de bicyclette 71 6 30 Cordonnier (artisant) 65 5 10 ⑨⑨⑨Objets de culte 2 2 3 de charrette 15 10 7 Ft. de Chaussures/de Sabots 19 1 6 Ft. de monuments funéraires 1 de coolies 5 4 Ft. d'encens 1 1 1 de pouse-pouse 30 21 4 ④④④Meubles 40 4 6 Ft. d'objet votif 1 1 1 de romans en quocngu 1 Menuisier 30 4 4 Ft. de meubles 10 2 TTTotal B.-Fabricants 113611361136555555 302302302 Total C.-Services 490490490929292 126126126

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Tableau 71 (suite): Détail des PCS de petits commerçants vietnamiens à Hanoi en 1936

H : Homme/F : Femme/C : Cumulateur (Nombre imaginaire) Total par catégories D.-Professions libérales HFC Nombre réel de Cumulateurs HF A-.Marchands H F CB-.Fabricants H F C Electricien 6 4 A + A 138 196 ①Alimentations 247 405 269 ①Alimentations 34 6 20 Fournisseur d'électrodes 1 A + B 91 34 ②Matières premières 99 157 77 ②Matières premières 201 2 42 Mécanicien 11 6 A + C 42 25 ③Textiles/Vêtements 171 135 162 ③Textiles/Vêtements 647 29 138 Médecin indigène(sino-ann) 46 10 A + D 16 5 ④Meubles 32 19 16 ④Meubles 40 4 6 Dentiste 1 Total 287 260 ⑤Quincaillerie/Poterie 68 68 59 ⑤Quincaillerie/Poterie 9 1 6 Pharmacien 6 8 ⑥Articles divers 35 34 61 ⑥Articles divers 53 6 31 Cabinet médical 3 B + B 57 2 ⑦Bijoutier 21 74 48 ⑦Bijoutiers 22 2 8 Maternité 18 B + C 34 2 ⑧Appareils/Instruments 46 11 28 ⑧Appareils/Instruments 14 0 1 Ouvrier dentaire ? 9 1 B + D 17 ⑨Objets du culte 26 48 36 ⑨Objets du culte 2 2 3 Écrivan public 2 Total 108 4 ⑩Papeterie/Librairie 26 25 60 ⑩Imprimerie/Papeterie 17 2 2 Publicité 2 ⑪Médicaments 95 47 35 ⑪Médicaments 3 1 4 Peintre 1 C + C 5 3 ⑫Marchand à Poste fixe 70 279 75 ⑫Réparateurs 94 0 41 Dessinateur 7 5 C + D 2 ⑬Divers 55 354 31 Total 1136 55 302 Graveur 13 4 Total 7 3 Total 991 1656 957 Statuaire 2 Incrusteur 1 D + D 2 Photographe 20 2 Total 2 0 C-.Services H F C DDD.Professions libérales 155 0 40 Devin 3 ①Services divers 191 0 27 Loterie foraine 1 ②Hôtel-Restaurant 69 51 50 Nombre de Cumulateurs 404 267 Office de renseignements 1 Total-Cumulateurs 404404404267267267 ③Entrepreneurs 65 0 6 Ft. de sentences 1 671671671 ④Tourisme/Transport 32 0 0 H F C ⑤Loueur 133 41 43 2772 1803 671 TotalTotalTotal Total D.-Pro.libéral. 155155155000 404040 Total 490 92 126 524652465246

Source : CAOM, RST-NF, 2893.

Tableau 72 : Nombre de commerçants vietnamiens par PCS et quartier de Hanoi en 1936 111ererer quartier

A-.Marchands H F C B-.Fabricants H F C ①Alimentations 26 63 39 ①Alimentations 8 2 1 ②Matières premières 12 23 6 ②Matières premières 34 0 12 ③Textiles/Vêtements 2 4 4 ③Textiles/Vêtements 88 6 7 ④Meubles 0 1 0 ④Meubles 1 0 1 ⑤Quincaillerie/Poterie 1 0 1 ⑤Quincaillerie/Poterie 2 0 0 ⑥Articles divers 2 1 1 ⑥Articles divers 2 0 2 ⑦Bijoutier 1 4 3 ⑦Bijoutiers 1 0 0 ⑧Appareils/Instruments 6 2 0 ⑧Appareils/Instruments 3 0 0 ⑨Objets du culte 0 5 10 ⑨Objets du culte 1 0 0 ⑩Papeterie/Librairie 2 2 6 ⑩Imprimerie/Papeterie 1 0 1 ⑪Médicaments 11 5 4 ⑪Médicaments 0 0 0 ⑫Marchand à Poste fixe 7 43 5 ⑫Réparateurs 18 0 4 ⑬Divers 759 3Total 159 828 Total 77 212 82 HFC C-.Services H F C D-.Professions libérales 17 0 6 ①Services divers 35 0 2 H F ②Hôtel-Restaurant 10 17 1 Nombre de Cumulateurs 35 24 ③Entrepreneurs 7 0 0 ④Tourisme/Transport 6 0 0 H F C ⑤Loueur 35 3 5 34624059 TOTAL Total 93 20 8 645645645 222èmeèmeème quartier

A-.Marchands H F C B-.Fabricants H F C ①Alimentations 40 82 75 ①Alimentations 12 0 10 ②Matières premières 24 48 37 ②Matières premières 107 2 19 ③Textiles/Vêtements 125 114 120 ③Textiles/Vêtements 197 12 56 ④Meubles 1 0 12 ④Meubles 31 4 4 ⑤Quincaillerie/Poterie 57 58 38 ⑤Quincaillerie/Poterie 5 0 5 ⑥Articles divers 26 19 48 ⑥Articles divers 44 6 27 ⑦Bijoutier 2 5 3 ⑦Bijoutiers 13 1 8 ⑧Appareils/Instruments 28 6 13 ⑧Appareils/Instruments 2 0 1 ⑨Objets du culte 10 28 17 ⑨Objets du culte 1 0 1 ⑩Papeterie/Librairie 17 16 45 ⑩Imprimerie/Papeterie 3 0 1 ⑪Médicaments 30 29 17 ⑪Médicaments 2 0 4 ⑫Marchand à Poste fixe 9 41 22 ⑫Réparateurs 27 0 20 ⑬Divers 15 65 10 Total 44425156 Total 384511457 HFC C-.Services H F C D-.Professions libérales 69 0 15 ①Services divers 37 0 12 H F ②Hôtel-Restaurant 18 9 10 Nombre de Cumulateurs 199 122 ③Entrepreneurs 10 0 1 ④Tourisme/Transport 3 0 0 H F C ⑤Loueur 26611 991551321 TOTAL Total 94 15 34 186318631863

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Tableau 72 (suite) 333èmeèmeème quartier

A-.Marchands H F C B-.Fabricants H F C ①Alimentations 62 124 50 ①Alimentations 3 3 2 ②Matières premières 25 44 27 ②Matières premières 17 0 2 ③Textiles/Vêtements 3 0 1 ③Textiles/Vêtements 71 1 10 ④Meubles 7 14 3 ④Meubles 3 0 0 ⑤Quincaillerie/Poterie 8 7 14 ⑤Quincaillerie/Poterie 1 1 0 ⑥Articles divers 2 5 1 ⑥Articles divers 0 0 0 ⑦Bijoutier 15 52 4 ⑦Bijoutiers 2 0 0 ⑧Appareils/Instruments 1 0 0 ⑧Appareils/Instruments 7 0 0 ⑨Objets du culte 11 5 5 ⑨Objets du culte 0 1 0 ⑩Papeterie/Librairie 1 3 0 ⑩Imprimerie/Papeterie 2 0 0 ⑪Médicaments 16 6 0 ⑪Médicaments 0 0 0 ⑫Marchand à Poste fixe 26 56 13 ⑫Réparateurs 23 0 4 ⑬Divers 1338 2 Total 1296 18 Total 190354120 HFC C-.Services H F C D-.Professions libérales 19 0 2 ①Services divers 28 0 5 H F ②Hôtel-Restaurant 11 12 14 Nombre de Cumulateurs 44 38 ③Entrepreneurs 7 0 0 ④Tourisme/Transport 3 0 0 H F C ⑤Loueur 119 8 39838182 TOTAL Total 60 21 27 861861861 444èmeèmeème quartier

A-.Marchands H F C B-.Fabricants H F C ①Alimentations 21 31 17 ①Alimentations 0 0 0 ②Matières premières 10 7 1 ②Matières premières 7 0 3 ③Textiles/Vêtements 12 2 24 ③Textiles/Vêtements 85 3 19 ④Meubles 20 3 1 ④Meubles 3 0 0 ⑤Quincaillerie/Poterie 2 0 3 ⑤Quincaillerie/Poterie 0 0 0 ⑥Articles divers 4 2 8 ⑥Articles divers 4 0 1 ⑦Bijoutier 2 1 0 ⑦Bijoutiers 0 1 0 ⑧Appareils/Instruments 2 2 9 ⑧Appareils/Instruments 2 0 0 ⑨Objets du culte 0 0 0 ⑨Objets du culte 0 0 0 ⑩Papeterie/Librairie 4 1 2 ⑩Imprimerie/Papeterie 7 1 0 ⑪Médicaments 4 0 1 ⑪Médicaments 0 0 0 ⑫Marchand à Poste fixe 5 27 5 ⑫Réparateurs 2 0 2 ⑬Divers 1 12 1 Total 1105 25 Total 87 88 72 HFC C-.Services H F C D-.Professions libérales 23 0 2 ①Services divers 13 0 1 H F ②Hôtel-Restaurant 6 1 1 Nombre de Cumulateurs 34 17 ③Entrepreneurs 6 0 2 ④Tourisme/Transport 2 0 0 H F C ⑤Loueur 514 2529551 TOTAL Total 32 2 8 398398398 555èmeèmeème quartier

A-.Marchands H F C B-.Fabricants H F C ①Alimentations 13 8 10 ①Alimentations 1 0 0 ②Matières premières 4 3 0 ②Matières premières 9 0 1 ③Textiles/Vêtements 14 0 2 ③Textiles/Vêtements 31 2 9 ④Meubles 0 0 0 ④Meubles 0 0 1 ⑤Quincaillerie/Poterie 0 0 1 ⑤Quincaillerie/Poterie 0 0 0 ⑥Articles divers 0 0 0 ⑥Articles divers 0 0 0 ⑦Bijoutier 0 0 0 ⑦Bijoutiers 0 0 0 ⑧Appareils/Instruments 3 0 1 ⑧Appareils/Instruments 0 0 0 ⑨Objets du culte 0 0 3 ⑨Objets du culte 0 0 0 ⑩Papeterie/Librairie 0 0 0 ⑩Imprimerie/Papeterie 0 0 0 ⑪Médicaments 4 0 2 ⑪Médicaments 1 0 0 ⑫Marchand à Poste fixe 1 10 4 ⑫Réparateurs 3 0 2 ⑬Divers 1271 Total 45213 Total 40 48 24 HFC C-.Services H F C D-.Professions libérales 3 0 1 ①Services divers 11 0 2 H F ②Hôtel-Restaurant 1 3 3 Nombre de Cumuleurs 10 12 ③Entrepreneurs 3 0 0 ④Tourisme/Transport 1 0 0 H F C ⑤Loueur 1021 1145522 TOTAL Total 26 5 6 191191191

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Tableau 72 (suite) 666èmeèmeème quartier

A-.Marchands H F P B-.Fabricants H F P ①Alimentations 17 31 26 ①Alimentations 1 0 3 ②Matières premières 7 9 0 ②Matières premières 13 0 1 ③Textiles/Vêtements 2 3 3 ③Textiles/Vêtements 45 3 16 ④Meubles 2 0 0 ④Meubles 2 0 0 ⑤Quincaillerie/Poterie 0 0 0 ⑤Quincaillerie/Poterie 1 0 0 ⑥Articles divers 0 2 1 ⑥Articles divers 1 0 1 ⑦Bijoutier 0 4 2 ⑦Bijoutiers 2 0 0 ⑧Appareils/Instruments 1 1 1 ⑧Appareils/Instruments 0 0 0 ⑨Objets du culte 0 5 0 ⑨Objets du culte 0 1 2 ⑩Papeterie/Librairie 1 2 3 ⑩Imprimerie/Papeterie 2 0 0 ⑪Médicaments 7 2 3 ⑪Médicaments 0 0 0 ⑫Marchand à Poste fixe 8 39 10 ⑫Réparateurs 6 0 2 ⑬Divers 6597 Total 73 425 Total 51 157 56 HFC C-.Services H F P D-.Professions libérales 6 0 5 ①Services divers 21 0 3 H F ②Hôtel-Restaurant 4 6 5 Nombre de Cumuleurs 30 19 ③Entrepreneurs 12 0 3 ④Tourisme/Transport 9 0 0 H F C ⑤Loueur 18122 19417949 TOTAL Total 64 18 13 422422422 777èmeèmeème quartier

A-.Marchands H F C B-.Fabricants H F C ①Alimentations 17 15 13 ①Alimentations 2 1 0 ②Matières premières 2 4 0 ②Matières premières 0 0 0 ③Textiles/Vêtements 0 4 1 ③Textiles/Vêtements 39 0 5 ④Meubles 2 0 0 ④Meubles 0 0 0 ⑤Quincaillerie/Poterie 0 1 0 ⑤Quincaillerie/Poterie 0 0 0 ⑥Articles divers 0 2 0 ⑥Articles divers 0 0 0 ⑦Bijoutier 1 0 0 ⑦Bijoutiers 2 0 0 ⑧Appareils/Instruments 0 0 1 ⑧Appareils/Instruments 0 0 0 ⑨Objets du culte 1 2 1 ⑨Objets du culte 0 0 0 ⑩Papeterie/Librairie 0 0 1 ⑩Imprimerie/Papeterie 0 0 0 ⑪Médicaments 6 0 2 ⑪Médicaments 0 1 0 ⑫Marchand à Poste fixe 7 28 5 ⑫Réparateurs 1 0 2 ⑬Divers 2300 Total 442 7 Total 38 86 24 HFC C-.Services H F C D-.Professions libérales 5 0 1 ①Services divers 11 0 0 H F ②Hôtel-Restaurant 0 0 2 Nombre de Cumuleurs 5 13 ③Entrepreneurs 4 0 0 ④Tourisme/Transport 0 0 0 H F C ⑤Loueur 1134 1139118 TOTAL Total 26 3 6 222222222 888èmeèmeème quartier

A-.Marchands H F C B-.Fabricants H F C ①Alimentations 20 23 14 ①Alimentations 2 0 1 ②Matières premières 6 8 3 ②Matières premières 7 0 2 ③Textiles/Vêtements 9 7 3 ③Textiles/Vêtements 49 0 9 ④Meubles 0 0 0 ④Meubles 0 0 0 ⑤Quincaillerie/Poterie 0 2 1 ⑤Quincaillerie/Poterie 0 0 0 ⑥Articles divers 1 3 1 ⑥Articles divers 2 0 0 ⑦Bijoutier 0 7 0 ⑦Bijoutiers 0 0 0 ⑧Appareils/Instruments 3 0 0 ⑧Appareils/Instruments 0 0 0 ⑨Objets du culte 4 3 0 ⑨Objets du culte 0 0 0 ⑩Papeterie/Librairie 1 1 3 ⑩Imprimerie/Papeterie 0 0 0 ⑪Médicaments 13 5 5 ⑪Médicaments 0 0 0 ⑫Marchand à Poste fixe 2 22 5 ⑫Réparateurs 9 0 2 ⑬Divers 1054 4 Total 69 0 14 Total 69 135 39 HFC C-.Services H F C D-.Professions libérales 7 0 4 ①Services divers 20 0 1 H F ②Hôtel-Restaurant 5 1 3 Nombre de Cumuleurs 19 13 ③Entrepreneurs 5 0 0 ④Tourisme/Transport 0 0 0 H F C ⑤Loueur 113 6 18613932 TOTAL Total 41 4 10 357357357

277

Tableau 72 (suite) Boulevard Henri d'Orléans

A-.Marchands H F C B-.Fabricants H F C ①Alimentations 8 2 2 ①Alimentations 0 0 0 ②Matières premières 2 0 0 ②Matières premières 4 0 1 ③Textiles/Vêtements 1 0 0 ③Textiles/Vêtements 1 0 0 ④Meubles 0 0 0 ④Meubles 0 0 0 ⑤Quincaillerie/Poterie 0 0 0 ⑤Quincaillerie/Poterie 0 0 0 ⑥Articles divers 0 0 0 ⑥Articles divers 0 0 0 ⑦Bijoutier 0 0 0 ⑦Bijoutiers 1 0 0 ⑧Appareils/Instruments 0 0 0 ⑧Appareils/Instruments 0 0 0 ⑨Objets du culte 0 0 0 ⑨Objets du culte 0 0 0 ⑩Papeterie/Librairie 0 0 0 ⑩Imprimerie/Papeterie 0 0 0 ⑪Médicaments 0 0 0 ⑪Médicaments 0 0 0 ⑫Marchand à Poste fixe 1 2 0 ⑫Réparateurs 0 0 2 ⑬Divers 000Total 603 Total 12 4 2 HFC C-.Services H F C D-.Professions libérales 3 0 1 ①Services divers 1 0 0 H F ②Hôtel-Restaurant 3 0 0 Nombre de Cumuleurs 4 0 ③Entrepreneurs 2 0 0 ④Tourisme/Transport 0 0 0 H F C ⑤Loueur 002 2744 TOTAL Total 6 0 2 353535 Quartier français (Bds.Carreau, Dông Khanh, Doudard de Lagrée, Gambetta, Henri Rivière, Jauréguiberry, Rollandes, Rues Paul Bert et Richaud)

A-.Marchands H F C B-.Fabricants H F C ①Alimentations 3 4 5 ①Alimentations 2 0 0 ②Matières premières 5 2 1 ②Matières premières 2 0 1 ③Textiles/Vêtements 2 0 4 ③Textiles/Vêtements 26 2 5 ④Meubles 0 1 0 ④Meubles 0 0 0 ⑤Quincaillerie/Poterie 0 0 0 ⑤Quincaillerie/Poterie 0 0 1 ⑥Articles divers 0 0 0 ⑥Articles divers 0 0 0 ⑦Bijoutier 0 0 0 ⑦Bijoutiers 1 0 0 ⑧Appareils/Instruments 2 0 0 ⑧Appareils/Instruments 0 0 0 ⑨Objets du culte 0 0 0 ⑨Objets du culte 0 0 0 ⑩Papeterie/Librairie 0 0 0 ⑩Imprimerie/Papeterie 2 1 0 ⑪Médicaments 2 0 1 ⑪Médicaments 0 0 0 ⑫Marchand à Poste fixe 2 4 1 ⑫Réparateurs 2 0 0 ⑬Divers 050Total 3537 Total 16 16 12 HFC C-.Services H F C D-.Professions libérales 2 0 1 ①Services divers 6 0 1 H F ②Hôtel-Restaurant 3 1 1 Nombre de Cumuleurs 9 1 ③Entrepreneurs 9 0 0 ④Tourisme/Transport 5 0 0 H F C ⑤Loueur 210 782110 TOTAL Total 25 2 2 109

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Annexe 9

279

Tableau 737373 : Indexe des rues de Hanoi et nombre de commerçants inscrits en 1936 1er quartier

Ancien nom Nombre Actuel nom Ancien nom Nombre Actuel nom Antoine Bonnet (rue) 8 ph ố Châu Long Maréchal Joffre (rue) 17 ph ố Lý Nam Đế Banc de sable 18 ph ố Phúc Tân Ngõ Ngang (ruelle) 3 ph ố Hàng Chai Blockaus Nord (route du) 16 ph ố Phó Đứ c Chính Papier (rue du) 82 ph ố Hàng Gi ấy Bourrin (rue) 5 ph ố Yên Ninh Riz (rue du) / ph ố Hàng G ạo 59 ph ố Ch ợ Đồ ng Xuân Carnot (bd.) 3 ph ố Phan Đình Phùng Sông Tô Lich (rue du) 23 ph ố Hàng L ượ c Charbon (rue du) 60 Ph ố Hàng Than Takou (rue de) 29 ph ố Hàng Cót Co Xa Bac (rue) 1 ? Tiên Quan Thanh (rue) 4 ? Dieulefils (rue) 5 ph ố Đặ ng Dung Trippenbach (rue) 8 ph ố Nguy ễn Trung Tr ực Đỗ H ữu Vy (rue) 33 ph ố C ửa B ắc Tubercules (rue des) 48 ph ố Hàng Khoai Duranton (rue) 7 ph ố Nguy ễn Thi ếp Vermicels (rue des) 10 ph ố Hàng Bún Emile Nolly 4 ph ố Ph ạm H ồng Thái Vers Blancs (rue des) 14 Ph ố Hàng R ươ i Général Bichot (av.) =Paul Doumer (av.) - ph ố C ửa Đông, ph ố B ăc S ơn Victor Hugo (bd.) =Pierre Pasquier (bd.) - ph ố Hoàng Di ệu Graines (rue des) 52 ph ố Hàng Đậ u Voie 96 2 ph ố Trúc B ạch Grand Bouddha (av. du) 46 ph ố Quan Thánh Voie 103 16 ph ố Nguy ễn Kh ắc Hi ếu Grappin (rue) 2 ph ố Cao Th ắng Voie 104 2 ph ố L ạc Chính Henri d'Orléans (bd.) côté Nord 35 ph ố Phùng H ưng Voie 105 5 ph ố N ăm Tràng Hồng Phúc (rue) 6 ph ườ ng Hoè Nhai Voie 106 1 ? Hopital chinois (rue de l') 11 ph ố NhàTh ươ ng Khách Voie 108 1 ph ố Tr ần T ế X ươ ng Jambert (rue) 20 ph ố Nguy ễn Tr ườ ng T ộ Yên Ph ụ (rue de) 24 ph ố Yên Ph ụ 2ème quartier

Ancien nom Nombre Actuel nom Ancien nom Nombre Actuel nom Balances (rue des) 36 ph ố Hàng Cân Laque (rue dela) 11 Cha cả ph ố Hàng Câ Bourret (rue) 16 ph ố Ngõ Tr ạm Lê Quý Đôn (rue) : Marcel Leger 8 ph ố L ươ ng V ăn Can Caisses (rue des) 56 ph ố Hàng Hòm Llonde (rue) 1 ph ố C ấm Ch ỉ Cambanère 2 ph ố Hàng Bút Médicaments (rue des) 106 ph ố Thu ốc B ắc Cantonnais (rue des) 38 ph ố Hàng Ngang Nguy ễn Du (rue) 2 ph ố Gia Ng ư giáp Hàng Đào Chanvre (rue du) (à droite et à gauche) 108 ph ố Hàng Gai Paniers (rue des) 89 ph ố Hàng B ồ Chapeaux (rue des) 72 ph ố Hàng Nón Ph ạm Phú Th ứ (rue) 1 ph ố Nguy ễn Quang Bích Citadelle (rue de la) 25 ph ố Đườ ng Thành Phúc Ki ến (rue de) 54 ph ố Lãn Ông Coton (rue du) 228 ph ố Hàng Bông Pipes (rue des) 92 ph ố Hàng Điếu Cuirs (rue des) 16 ph ố Hàng Da Poissonnerie (rue de la) 15 ph ố Hàng Cá Cuivre (rue du) 81 ph ố Hàng Mã Soie (rue de la) 88 ph ố Hàng Đào Etoffes (rue des) 29 ph ố Hàng V ải Stores (rue des) 37 ph ố Hàng Mành Evantails (rue des) 103 ph ố Hàng Qu ạt Sucre (rue du) 67 ph ố Hàng Đườ ng Feitshamel (Peisamel) (rue) 1 ph ố Nhà Ho ả Tạm Th ươ ng (ruelle) 2 đấ t thôn Yên Thái Ferblantiers (rue des) 70 ph ố Hàng Thi ếc Tasses (rue des) 104 ph ố Bát S ứ, ph ố Hàng Đồ ng Forgerons (rue des) 28 ph ố Lò Rèn Tien Tsin (rue de) 78 ph ố Hàng Gà Général Bichot (avenue) côté Est 27 ph ố C ửa Đông Tố T ịch (village) 19 ph ố T ố T ịch Hàng Ch ỉ (ruelle) 1 thôn c ũ T ố T ịchhàng ngoài Hàng Hòm Vieille des Tasses (rue) ( cũ Hàng Chén ) 36 ph ố Bát Đàn Hà Trung (rue) 72 ph ố Hà Trung Vieux Marché ( ph ố Ch ợ C ũ) 28 ph ố Hàng Phèn Henri d'Orléans (bd.) côté Sud 35 ph ố Phùng H ưng Yên Thai (ruelle) 16 ph ố Yên Thái 3ème quartier

Ancien nom Nombre Actuel nom Ancien nom Nombre Actuel nom An-Sat-Siêu (rue) 28 ph ố Nguy ễn V ăn Siêu Odendhal (rue) 1 ph ố Đinh Li ệt Bambous (rue des) 12 ph ố Hàng Tre Pavillons noirs (rue des) et passages 72 ph ố Mã Mây Changeurs (rue des) 111 ph ố Hàng B ạc Ph ất L ộc (ruelle) 3 đấ t ph ườ ng c ũ Hà Kh ẩu, giáp Tiên H ạ Chung Yên (ruelle) 2 ? Pont en bois (rue du) 77 ph ố C ầu G ỗ Commerce (place) 7 ph ố Ch ợ G ạo Quai Clémenceau 51 Dâo Duy Tu (rue) (ancien canal) 8 ph ố Đào Duy T ừ Radeaux (rue des) 58 ph ố Hàng Bè Đông Thái (ruelle) 5 ph ố Đông Thái (ph ườ ng Hà Kh ẩu) Rodony (rue) 16 ph ố Hàng Thùng Géraud (rue) 15 ph ố T ạ Hi ền Sầm Công (ruelle) 18 ngõ Đào Duy T ừ, trong ngõ Hoa Ki ều Hillairet (rue) 6 ngõ Nguy ễn H ữu Huân Saumure (rue de la) 47 ph ố Hàng M ắm Jean Dupuis (rue) 71 ph ố Hàng Chi ếu Seaux (rue des) 11 ph ố Hàng Thùng Lataste (rue) 7 ph ố Hàng Gi ầy Sel (rue du) 4 ph ố Hàng Mu ối Maréchal Pétain (rue) : B ắc Ninh (bd de) 66 ph ố Nguy ễn H ữu Huân Thanh Hâ (village) 6 Ph ố Hàng Chi ếu, đấ t c ũ thôn Thanh Hà Nattes en jonc (rue des) 13 ph ố chi ếu cói (ph ố Hàng Chi ếu) Tirant (rue) 24 ph ố Gia Ng ư Nguyên Duy Han (rue) 1 ph ố Hàng Gi ầy Vases (rue des) 17 ph ố Hàng Ch ĩnh Nguy ễn Tr ọng H ợp (Hiep?) (rue) 11 Ngõ C ầu G ỗ Voiles (rue des) 113 ph ố Hàng Bu ồm Nội Mi ếu (rue) 1 ngõ thông ra Hàng B ạc và Hàng Gi ầy Voie 17 1 ?

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Tableau 737373 (suite) 4ème et 5 ème quartiers

Ancien nom Nombre Actuel nom Ancien nom Nombre Actuel nom Amiral Courbet (bd.) 12 ph ố Lý Thái T ổ Armand Rousseau 93 ph ố Lò Đúc Borgnis Desbordes (rue) 19 ph ố Tràng Thi Bernhard Debeaux (rue) 1 ? Cathédrale (rue) 11 ph ố Nhà Th ờ Bobillot (bd) 2 ph ố Lê Thánh Tông Chaux (rue de la) 15 ph ố Tôn Đả n, và Hàng Vôi Cam Ung (rue) 1 ? Fourès (rue) 2 ph ố Đinh L ễ Carreau 1 ? Francis Garnier (bd.) 19 ph ố Đinh Tiên Hoàng Cléon (rue) 2 ph ố Ph ạm Đình H ổ Général Lebois (rue) (Leclanger) 1 ph ố Lê Ph ụng Hi ểu Co Xa Nam (rue) 18 ? Guillemoto (quais) 5 ph ố Tr ần Quang Kh ải Dong-Khanh (bd) 13 Ph ố Hàng Bài Henri-Rivière (bd.) côté Nord 6 ph ố Ngô Quy ền Doudard de Lagrée (bd) 33 ph ố Hàm Long Hoi Vu (ruelle) 4 ngõ (ph ố) Hội Vũ Gambetta (bd) 8 ph ố Tr ần H ưng Đạ o Immobillière (cité) 18 khu v ực Nhà Th ờ L ớn Gia Long (bd) 33 ph ố Bà Tri ệu Labrousse (rue) 1 ph ố Lý Đạ o Thành Hanoi Hôtel 3 ? Lac (rue du) 23 ph ố Hàng D ầu Henri Rivière (Bd) côté Sud 6 ph ố Ngô Quy ền Lamblot (rue) 38 ph ố Lý Qu ốc S ư Luong Yên (rue/hameau) : Voie 159 20 Đườ ng L ươ ng Yên Jules Ferry (rue) 71 ph ố Hàng Tr ống và ph ố Lê Thái T ổ Paul Bert (rue) limite entre 4ème quartier 14 ph ố Tràng Ti ền Julien Blanc (rue) 20 ph ố Ph ủ Doãn Pavie (rue) 3 ph ố Hàn Thuyên Mission (rue de la) 22 ph ố Nhà Chung Raffenel (rue) 1 ph ố Phan Huy Chú Négrier (place) 2 ph ố Lê Thái T ổ/ ph ố Đinh Tiên Hoàng Rialan (bd) 2 ph ố Phan Chu Trinh Ngõ Huy ện (ruelle) 28 thôn c ũ Tiên Th ị (Th ọ X ươ ng) Rollandes (bd) 18 ph ố Hai Bà Tr ưng Nguyên Trai (rue) 11 ph ố Nguy ễn V ăn T ố Tr ần H ưng Đạ o (rue) 9 ph ố Tr ần H ưng Đạ o Oignons (ruelle des) 15 ph ố Hàng Hành Voie 159 : Luong Yên (rue) - Đườ ng L ươ ng Yên Paul Bert (rue) limite entre 5ème quartier 14 ph ố Tràng Ti ền Voie 158 1 ph ố Cẩm Hội Pottier (rue) 7 ph ố Báo Khánh Vong Duc (rue de) 2 ph ố V ọng Đứ c Crédit Foncier 1 ? 6ème quartier

Ancien nom Nombre Actuel nom Ancien nom Nombre Actuel nom Bảng Nhãn Đôn (rue) 7 ph ố Hàng Cháo Neyret (rue) 56 ph ố C ửa Nam Cao Đắ c Minh (rue) 19 ph ố V ăn Mi ếu Ng ọc Hà (rue de) 14 ph ố Ng ọc Hà Cát Linh (rue) 2 ph ố Cát Linh Puginier (av.) 3 ph ố Điện Biên ph ủ Cổ Giám (rue) 1 ph ố Thanh Mi ến ? Richaud 11 ph ố Quán S ứ Duvillier (rue) 18 ph ố Nguy ễn Thái H ọc Sinh T ừ (route de) 139 ph ố Nguy ễn Khuy ến Gambetta (bd) 8 ph ố Tr ần H ưng Đạ o Soeur Antoine (rue) : ph ố Hàng B ột 64 ph ố Thanh Mi ến Hang Thit (ruelle) 1 ? Son Tây (rue) 22 ph ố S ơn Tây Janréguiberry (bd) 5 ph ố Quang Trung Teinturiers (rue des) 23 ph ố Th ợ Nhu ộm Jean Soler (rue) 2 ph ố Th ợ Nhu ộm Thanh Mi ến (ruelle) 1 ph ố Thanh Mi ến Lambert (cité) 1 ph ố Dã T ượ ng Tuyên Quang (route de) 1 ph ố Cao Bá Quát Lươ ng S ử (rue et village) : voie 238 7 ph ố Qu ốc T ử Giám Tour Citadelle (rue) 4 ph ố Đình Ngang Lý Th ườ ng Ki ệt (rue) 11 ph ố Lý Th ườ ng Ki ệt Văn Tân (vilage) 2 ngõ Yên Th ế Mạc Đĩnh Chi (rue) 2 ph ố Tr ịnh Hoài Đứ c Van Vollenhoven (av.) 1 ph ố Chu V ăn An Mac Dinh Tri (rue) : M ạc Đĩnh Chi ? 1 ph ố Tr ịnh Hoài Đứ c ? Voie 202 6 ? Mandarine (route) 71 ph ố đườ ng Lê Du ẩn Voie 220 1 ngõ Thông Phong Mangin (rue) 1 ph ố Ông Ích Khiêm Voie 221 2 ngõ V ăn H ươ ng Nam Ng ư (village/ruelle) 9 ph ố Nam Ng ư Voie 256 1 ngõ S ĩ Liên 7ème et 8 ème quartiers

Ancien nom Nombre Actuel nom Ancien nom Nombre Actuel nom Chanceaulme (rue) 12 ph ố Tri ệu Vi ệt V ươ ng Cimétière (route du) : (Sergent Larrivé) 17 ph ố Nguy ễn Công Charles Wiélé (rue) 15 ph ố Tô Hi ến Thành Đồ ng Nhân 11 ph ố Đồ ng Nhân Charron (rue) 5 ph ố Mai H ắc Đế Doudard de Lagrée (bd) 33 ph ố Hàm Long Duvigneua (rue) 11 ph ố Bùi Th ị Xuân Đức Khánh (Impasse) 2 ngõ Hàm Long Gambetta (bd) 8 ph ố Tr ần H ưng Đạ o Dumoutier., Gustaver (rue) 3 ph ố Th ịnh Yên Gia Long (bd) (venant aboutir au) 33 ph ố Bà Tri ệu Harmand., Jules (rue) 15 ph ố Tr ần Xuân So ạn Goussard (rue) 50 ph ố Tu ệ T ĩnh Hénri (Hérel) de Brisis (rue) 2 ph ố Thi Sách Jouhaux (rue) 4 ph ố Ngô V ăn S ở Hoà Mã 1 ph ố Hoà Mã Laveran (rue) 13 ph ố Lê V ăn H ưu Hué (route de) jusqu'au limite de la ville 266 ph ố Hu ế Lê L ợi (rue) 27 ph ố Bà Tri ệu Jacquin (rue) 9 ph ố Ngô Thì Nhi ệm Liên My (Tiên M ỹ ?) (rue) 10 ph ố Thi ền Quang Luro (rue) 6 ph ố Lê Ng ọc Hân Liên Trì (rue) 1 ph ố Tr ạng Trình Nha Riêm (rue) 1 ? Mandarine (route), coté Est 71 ph ố đườ ng Lê Du ẩn Pescadores (rue) 1 ph ố Phù Đổ ng Thiên Reinach (rue) 15 ph ố Tr ần Qu ốc To ản Sergent Giac (rue) 1 ngõ Hu ế Résident de Miribel (rue) 34 ph ố Tr ần Nhân Tông Th ịnh Yên : ouest de la rue Dumoutier 5 ph ố Th ịnh Yên Riquier (rue) 14 ph ố Nguy ễn Du Th ọ Lão (rue) : (Voie 262) 7 ph ố Th ọ Lão Robert (rue) 2 ph ố Tr ươ ng Hán Siêu Vân H ồ (rue) 9 ph ố Vân H ồ Trang Trinh (rue) : Liên Trì 2 ph ố Liên Trì Voie 83 5 trong ph ố Nguy ễn B ỉnh Khiêm Source : CAOM, RST-NF, 2893.

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Annexe 10

282

Tableau 747474 : Détail des PCS de petits commerçants vietnamiens à Haiphong en 1936

A.-Marchands Nb A-.Marchands Nb A-.Marchands Nb A-.Marchands Nb ①①①Alimentations 263263263 Cuir Pioches /Billots ⑨⑨⑨Objets du culte 777 Pain, Gâteaux Briques /Chaux 5 Cordes Objet votifs Riz /Céréale /Grains /Haricot* 53 Tuiles 1 Serrurier 4 Papiers votifs 5 Vermicelle /Pâtes Sable, Cailloux Nattes (en jonc) 4 Cercueil 2 Viandes 5 Boulet 3 Paniers 4 Encens /Joss sticks /Pétards Charcutier 23 Vitre /Zinc /Laiton /Ciment poterie,porcelaine,faience 7 Boucher 18 Ferrailles 15 Vaisselle /Verre de tasse ⑩⑩⑩Papeterie/Librairie 666 Chien /Rôties, Rôtisseur Huile pour autos Sellier Papiers 3 Oeufs Pétrole Pinceaux /Couleur Sucre 1 Nickelage ⑥⑥⑥Articles divers 171717 Articles pour écoliers, bureaux Sel 7 Oxygène et acétylène Baguettes /Bougies Libraire + Imprimerie 3 Saumure /Poissons secs, salés Boutaile vide 6 Brocanteur /Articles de bazar 3 Bánh giò** 9 Chiffons Éventail ⑪⑪⑪Médicaments 575757 Nuoc Mam 8 Fourreur naturaliste /Plumes 1 Mousticaires /Rotin Pharmacie Soupe /P ho 5 Bestiaux, Lapin, Cobaye Objets /en cuir /de laqués Médicaments /Remède 42 Légumes 1 /en ecaille /en ivoire / sino-annamite Fruits /Coco 7 ③③③Textiles & Vêtements 404040 d'arts /peinture /Panneaux 9 Pilule 8 Confiture Tissus /Étoffes 25 Parasol /Parapluie Drogue /Herboriste 1 Fleur 3 Coton (Tissu /Étoffe) 1 St ores 2 Parfumerie Noix d'arec /Bétel 10 Soierie (Tissu /Étoffe) 2 Sac /Porte-feuilles Huile /Brillantine Tabac 14 Cocons /Tapis /Dentelles Valises /Malles 3 Savons 6 Café /Épices /Poudre carry Tricot Thé 90 Mercerie /Bonneterie 4 ⑦⑦⑦Bijoutier 252525 ⑫⑫⑫Marchand à Poste fixe Laitier 2 Literie /coussin /matelas Boissons ; gazeuse, limonade 5 Vêtements /Lingerie ⑧⑧⑧Appreils/Instruments 888 ⑬⑬⑬DiversDiversDivers350350350 Alcools (Bière, Vin) Ceinture /Lanière en cuir Appreil électrique /Phono Marchand de divers Huile alimentaire /Vinaigre Chapeaux /Casque /Turban 3 Balance /Lunettes /Pipes Marchand au détail 350 Épicerie /É picier 2 Chaussures*** 5 Instrument de music Marchand en gros Sandale Horloger 8 ②②②Matières premières 949494 Lampe /Abat-jours * y compris Paddy, Son, Maïs, Arachide Bois/Charbon 42 ④④④Meubles 333 Aricles pêche ** gâteau farci de viande de porc Planche,materiaux construction 4 Raquettes /Articles sports *** y compris Souliers, Socques, Bottier Laque ⑤⑤⑤Quincaillerie/Poterie 323232 Bicyclette **** y compris Articles en tôle, Clous Bambous /Paillotes 14 Quincaillerie**** 6 Accessoires d'autos /de pousse Écorces /Racines à teindre /cunâu 3 Objet en cuivre 7 Armes Total A.-Marchands 902902902

B-.Fabricants Nb B-.Fabricants Nb B-.Fabricants Nb C-.Services ①①①Alimentations 777 ⑤⑤⑤Quincaillerie ///Poterie 555 ⑨⑨⑨Objets de culte 000 ①①①Services diversdiversdivers Boulangerie 1 Ft. de Cuillers en aluminium Ft. de Cercuiel Blanchisseur Pâtisserie 6 Ft. d'Objets en cuivre /de seaux Ft. de Monuments funéraires Coiffeur /Barbier Distillerie /Liquoriste Ft. de Nattes Ft. d'Encens /d'Objet votif Maison de tolérance Ft. de Sucre Ft. de Vannerie /de Panniers 2 Théâtre ambulant Ft. de Vermicelle Ft. de Poteries /Porcelaines ⑩⑩⑩Imprimerie ///Papeterie 444 Ft. de verres de lampes Imprimerie (unique) 2 ②②②Hôtel-Restaurant ②②②Matières premières 404040 Verrerie /Verrier /Vitrerie 3 Imprimeur au tampon 1 Hôtel Atelier laminage étain /Nickeleur Sellerie Relieur 1 Pension famille /Garni Ferblantier /Zinguerie 19 Ft. de Boîtes en carton Restaurant /Café /Bar Fondeur ⑥⑥⑥Articles divers 121212 Ft. de Fleurs artificiels Gargotier Forgeron 10 Ft. de Bougies Ft. de Pinceaux Ft de boulet 1 Ft. de Brosses ③③③Entrepreneurs Glacerie /Etameur de glace 4 Ft. d'Éventails de plumes ⑪⑪⑪Médicaments 000 Entrepreneur /Tâcheron Soudure autogène 3 Ft. d'Objets en cuir Ft. de Brillantine de T.P. /de Vidange Scierie/Scieur Ft de carreaux 1 Ft. de Portefeuilles Ft. de Pilules Pompes funèbres Tourneur 1 Ft. de Stores /Ft. de Phên* 4 Bureau d'Architecture Ft. de Peinture 1 Ft. de Panneaux ⑫⑫⑫Réparateurs 171717 Bureau de palacement Ft. de Parasols Réparateurs,rapieceur 7 Courtier ③③③Textiles ///Vêtments 299299299 Miroitier 1 d'Appareils électricités Représentant /Cabinet d'affaires Brodeur /Dentellerie 16 Ft. de Caisses /Valise /Malles 7 de Balances Couture 4 * Cloison en bambou tressé de Bicycllete 2 ④④④Tourisme ///Transport Tisserand (de serviettes) 2 ⑦⑦⑦Bijoutier 555 de Charrete Tourisme Tailleur (indigène ou eurpéen) 212 Batteur d'or /Dorure de Chaussures 3 Transport Tailleur pour dames 1 Bijouterie 1 d'Horloge /de Lampes Transitaire Chapellerie 10 Joailler d'Objets en cuir /en cuivre Ft. de Casques et Turbans 1 Laqueur 4 de Parapluies 3 ⑤⑤⑤Loueur Matelassier 8 de Raquettes 1 Loueur Ft. de Tricots /de Chaussettes ⑧⑧⑧Appareils ///Instruments 222 de Service d'opium d'Autos Teinturier 5 Appareils électriques d'Auto /Garagiste de Bicyclette Cordonnier (artisant)* 29 Ft. de balance d'Enveloppes d'auto /de Pneus de Charrette Ft. de Chaussures /de Sabots 11 Horlogerie de Pousse en caoutchouc 1 de Coolies Optique de Pouse-pouse ④④④Meubles 555555 Ft de p.pousse en caoutchouc Menuisier 55 Carroserie /Charron 2Total B.-Fabricants 446446446 Total C.-Services

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Les PCS de petits commerçants vietnamiens par ▼Tableau 747474 (suite) ▼Tableau 757575 : grande catégorie à Haiphong et Hanoi en 1936

D.-Professions libérales Nb A-.Marchands Nb C-.Services Nb B-.Fabricants Nb Electricien 12 ①Alimentations 263 ①Services divers 119 ①Alimentations 40 Mécanicien 10 ②Matières premières 94 ②Hôtel-Restaurant 71 ②Matières premières 203 Médecin indigène(sino-ann) 1 ③Textiles/Vêtements 40 ③Entrepreneurs 13 ③Textiles/Vêtements 676 Pharmacien 7 ④Meubles 3 ④Tourisme/Transport 13 ④Meubles 44 Maternité,sage femme 9 ⑤Quincaillerie/Poterie 32 ⑤Loueur 41 ⑤Quincaillerie/Poterie 10 Ouvrier dentaire 3 ⑥Articles divers 17 Total 257 ⑥Articles divers 59 Écrivan public 1 ⑦Bijoutier 25 ⑦Bijoutiers 24 Peintre 1 ⑧Appareils/Instruments 8 D.Professions libérales 67 ⑧Appareils/Instruments 14 Décorateur 1 ⑨Objets du culte 7 ⑨Objets du culte 4 Graveur 7 ⑩Papeterie/Librairie 6 Total 1672 ⑩Imprimerie/Papeterie 19 Photographe 9 ⑪Médicaments 57 ⑪Médicaments 4 Architecte 1 ⑫Marchand à Poste fixe 0 ⑫Réparateurs 94 Loterie foraine, chanteur 1 ⑬Divers 350 Total 1191 Office de renseignements 0 Total 902 Dancing 4 C-.Services Nb B-.Fabricants Nb Pour faire une comparaison : ①Services divers 191 Total D.-Professions libérales 676767 ①Alimentations 7 Les PCS par grande catégorie ②Hôtel-Restaurant 120 ②Matières premières 40 à HanoiHanoiHanoi en 1936 ③Entrepreneurs 65 ③Textiles/Vêtements 299 A-.Marchands Nb ④Tourisme/Transport 32 ④Meubles 55 ①Alimentations 652 ⑤Loueur 174 ⑤Quincaillerie/Poterie 5 ②Matières premières 256 Total 582 ⑥Articles divers 12 ③Textiles /Vêtements 306 ⑦Bijoutiers 5 ④Meubles 51 D.Professions libérales 155 ⑧Appareils/Instruments 2 ⑤Quincaillerie/Poterie 136 ⑨Objets du culte 0 ⑥Articles divers 69 Cumulateur ⑩Imprimerie/Papeterie 4 ⑦Bijoutier 95 A+A (334) /A+B (125) 547 ⑪Médicaments 0 ⑧Appareils/Instruments 57 A+C (67) /A+D (21) ⑫Réparateurs 17 ⑨Objets du culte 74 B+B (59) /B+C (36) /B+D (17) 112 Total 446 ⑩Papeterie/Librairie 51 C+C (8) /C+D (2) 10 ⑪Médicaments 142 D+D 2 ⑫Marchand à Poste fixe 349 Total 671 ⑬Divers 409 Total 2647 Totaux A+B+C+D+Cumleur 5246

Source : CAOM, RST-NF, 2893.

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Tableau 767676 : Électeurs en 1929 inscrits continuellement jusqu'à 1940 à Haiphong A. Électeurs européens inscrits 8 fois

Nom et Prénom Adresse Nature du commerce Quitité en 1936 Barbotin, Robert 9 Bd A.Courbet Maison Orphée (musique) 30 Bleton, Henri ? Négociant ? Chenu, Gaston Ha-ly Sté des Ciments Portland 3.500 D'Erfurth, Louis 34 Bd.H.Rivière Garagiste 80 Mme Fauvel Bd. Beaumont Photographe 60 Féniès, Georges 42 Bd.Bonnal Entrepreneur 300 Godelu, Maurice 74 Bd.P.Bert Négociant 100 Sté A.de Chalandage & Javouray, Pierre Square J.Fery 1.000 Remerquage de l'Indochine Jourlin, Pierre 16 Bd.Beaumont Boulanger - Boucher 100 Lapique, Paul Bd.J.Ferry Consignataire de navire 200 Mohamed Issoup (Said) 18 rue Chinoise Marchand de tissu 300 Monthuis, Charles Av.Clémenceau Cie Optorg 600 Subira, Jean 44 Bd.Bonnal Transitaire 400 Tirard, Henri ? Imprimerie commerciale ?

B. Électeur vietnamiens inscrits 8 fois

Nom et Prénom Adresse Nature du commerce Quotité en 1936 An Van Binh 1 Av.Od'Endhal Loueur de pousse-pousse 40 Bach Thai Buoi 61 Bd.Beaumont Transport fluviaux 200 Nguyên Kim Chât ? Ouvrier dentaire ? Nguyên Van Tiêu 159 Av.P.Doumer Loueur de pousse-pousse 40 Nguyên Xuan Trâc 51B Bd.Od'Endhal Entrepreneur de T.P. 100 Phan An Ninh 124 Bd.Bonnal Entrepreneur de T.P. 60 Tran Côn Lai 117 Bd.Bonnal Entrepreneur de T.P. 60 Tran Duc Tâm ? Ouvrier dentaire ? Tran My Ngoc 43 Av.de Belgique Entrepreneur de T.P. 80

C. Électeurs vietnamiens inscrits 7 fois Le Quang Lang 24 Av. Od'Endhal Loueur en garni 100 Le Xuan Phao 133 Rue de Canton Marchand de volailles 50 Mme Nguyên Thi Bà 15 Bd.Pétain Gargotière 10 Mme Trinh Thi My 99 Bd.Candlot Marchande de bois&bambous 40 Vu Ban Nhan Av.P.Doumer Cafétier 30

285

Tableau 777777 : Électeurs en 1931 inscrits continuellement jusqu'à 1940 à Haiphong A. Électeurs européens inscrits 8 fois (*y compris les électeurs en 1929)

Nom et Prénom Adresse Nature du commerce Quitité en 1936 Barbotin, Robert* 9 Bd A.Courbet Maison Orphée (musique) 30 Bleton, Henri* ? Négociant ? Bonnafont, Maxime Bd.P.Bert Imprimerie d'Extrême-Orient 500 Chenu, Gaston* Ha-ly Sté des Ciments Portland 3500 Cuny, Jules Av.Port Annamite Sté Cotonnière du Tonkin 2500 Delsol, Pierre rue S.Etienne P.Briffaud&Cie 100 D'Erfurth, Louis* 34 Bd.H.Rivière Garagiste 80 Mme Fauvel* Bd. Beaumont Photographe 60 Féniès, Georges* 42 Bd.Bonnal Entrepreneur 300 Godelu, Maurice* 74 Bd.P.Bert Négociant 100 Goetze, Charles 2 Bd.A.Courbet Ingénieur civil 100 Guégan, Léonce 66 Bd.A.Courbet Pharmacien 500 Ateliers de Réparations Mé Hoang Van Tu Edouard ? ? caniques Sté A.de Chalandage & Javouray, Pierre* Square J.Fery 1000 Remerquage de l'Indochine Jourlin, Pierre* 16 Bd.Beaumont Boulanger - Boucher 100 Lapique, Paul* Bd.J.Ferry Consignataire de navire 200 Legris, Charles 106 Bd.P.Doumer Garagiste 160 Mohamed Issoup (Said)* 18 rue Chinoise Marchand de tissu 300 Monthuis, Charles* Av.Clémenceau Cie Optorg 600 Pontille, Marcel rue Guinet Dumarest (tissu) 500 Subira, Jean* 44 Bd.Bonnal Transitaire 400 Tallard, Abel 5 Bd.Beaumont Entreprise industrielle 160 Tirard, Henri* Imprimerie commerciale Trani, Antoine 150 Bd.Od'Endhal Entreprise de Transport auto 60 Gérant des Docks de la Vidry, Ferdinand Docks 1000 Chambre de Commerce B. Électeurs vietnamiens inscrits 6 fois (*y compris les électeurs de 1929) Nom et Prénom Adresse Nature du commerce Quitité en 1936 An Quang Phong 145 Bd.Bonnal Loueur de pousse-pousse 80 An Van Binh* 1 Av.Od'Endhal Loueur de pousse-pousse 40 Bach Thai Buoi* 61 Bd.Beaumont Transport fluviaux 200 Bui Van Sung ? Loueur de pousse-pousse ? Dang Ngoc San 26 rue Chinoise Marchand de tissu 80 Dang Thê Hanh ? Loueur de pousse-pousse ? Dang Cao Thuy 35 rue Chinoise Marchand de Tissu 100 Dô Dinh Phai 288 Bd.Pétain Bijoutier 40 Nguyên Ba Nam 160 Bd.Bonnal Approvisionneur de navires 160 Nguyên Kim Chât* ? Ouvrier dentaire ? Nguyên Son Hà 70 Bd.A.Courbet Fabricant de peinture 100 Mme Nguyên Thi Bà* 15 Bd.Pétain Gargotière 3 Nguyên Van Tiêu* 159 Av.P.Doumer Loueur de pousse-pousse 40 Nguyên Xuan Trâc* 51B Bd.Od'Endhal Entrepreneur de T.P. 100 Phan An Ninh* 124 Bd.Bonnal Entrepreneur de T.P. 60 Tran Côn Lai* 117 Bd.Bonnal Entrepreneur de T.P. 60 Tran Duc Tâm* ? Ouvrier dentaire ? Tran My Ngoc* 43 Av.de Belgique Entrepreneur de T.P. 80 Vu Ban Nhan* Av.P.Doumer Cafétier 30 Source des Tableaux 76 et 77 : CAOM, RST-NF, 2833, 2836, 2838, 2839, 2841.

286

Annexe 11

287

A. Décret du 30 décembre 1936 sur le travail indigène en IndochineIndochine....

DECRET Le Président de la République française,

Sur le rapport du Ministre des Colonies et du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice ; Vu l’article 18 du sénatus-consulte du 3 mai 1854 ;

Vu les décrets du 20 octobre 1911, portant fixation des pouvoirs du Gouverneur général et organisation financière et administrative de l’Indochine ;

Vu l’arrêté du 19 juillet 1927, créant une Inspection générale du travail en Indochine, et les arrêté des 28 novembre 1918, 30 avril 1926, 10 juin 1927, 19 octobre 1927, créant respectivement des Inspections du travail en Cochinchine, au Tonkin, en Annam et au Cambodge ;

Vu l’arrêté du 25 octobre 1927, modifié par l’arrêté du 21 septembre 1935, portant protection de la main-d’ œuvre contractuelle ;

Vu le décret du 29 avril 1930, modifié par les décrets des 18 avril 1931 et 19 avril 1934 ,créant en Indochine des commissions de conciliation pour le règlement des différents individuels entre patrons et ouvriers à l’occasion du contrat de travail ;

Vu le décret du 2 avril 1932, portant organisation de la conciliation et de l’arbitrage dans les différents collectifs entre les ouvriers ou employés indigènes ou asiatiques et leurs employeurs ;

Vu le décret du 19 janvier 1933, modifié par le décret du 13 octobre 1936, portant règlementation du travail libre et protection des enfants des adolescents et des femmes en Indochine,

Décrète : Chapitre premier Dispositions générales Article premier. – Le présent décret est desitiné à réglementer en Indochine, sous réserve des droits des souverains protégés, les rapports de travail entre, d’une part, les patrons quel que leur statut personnel, et d’autre part, les ouvriers ou employés indigènes ou assimilés des entreprises industrielles, minières ou commerciales. Il ne s’applique au travail agricole que dans celles de ses dispositions spéciales traitant des rapports de travail entre les propriétaires ou exploitants agricoles et leurs métayers ou ouvriers. Il ne pose de règles générales que pour le travail dit libre.

Source : Inspection générale du travail et de la prévoyance sociale, Règlementation générale du travail en Indochine , IDEO, Hanoi, 1937, pp.12-13.

288

B. Rapport au Président de la République française ,

Paris, le 30 décembre 1936. Monsieur le Président, Le dveloppement industriel de l’Indochine a eu pour conséquence la création d’une classe ouvrière nombreuse à laquelle les lois sociales n’avaient pas paru, jusqu’ici, devoir être étendues. Le décret du 19 janvier 1933 s’est, en effet, borné à réglementer le travail des femmes et des enfants et à fixer un minimum de règles d’hygiène et de sécurité dans les établissements industriels et commerciaux. Le moment semble venu de protéger plus efficacement la main-d’ œuvre locale indigène et de la faire bénéficier dans toute la mesure du possible des avantages accordés aux ouvriers et enployés métropolitain. C’est dans ce but que le projet de décret ci-joint, fixant les conditions de travail des indigènes ou assimilés a été préparé. Le projet de texte que nous avons l’honneur de soumettre à votre haute sanction dotera notre colonie d’Extrême-Orient d’une législation sur le travail indigène homogène et complète. Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’hommage de notre profond respect. Le Ministre des Colonies, Marius Moutet

Source : Inspection générale du travail et de la prévoyance sociale, Règlementation générale du travail en Indochine , IDEO, Hanoi, 1937, pp.11-12.

289

Annexe 12

290

Cliché 23 : Foule d’accueil à M.Justin Godart à Hanoi (le 2 février 1937)

Cliché 24 : Audition des ouvriers avec J.Godart à Hanoi (en février 1937)

Source : Justin Godart, Rapport de mission en Indochine : 1 er janvier-14 mars 1937 , présenté par François Bilange, Charles Fourniau et Alain Ruscio, L’Harmattan, Paris, 1994.

291

Annexe 13

292

Traduction d’un document polycopié d’une page intitulée : "Thông cáo bí mât cho các đấ ng bô toàn Nam K ỳ v ề cu ộc tranh đấ u ngày mùa " (Circulaire confidentielle à toutes les organisations cochinchinoises du Parti au sujet de la lutte à préparer pour la prochaine moisson) - : - Le 1 er novembre 1936 Circulaire confidentielle à toute les organisations cochinchinoises du Parti au sujet de la la lutte à préparer pour la prochaine moisson.– - : - Camarades, (....) Devant cette situation, note Parti a le devoir de défendre, par tous les moyens, les intérêts de toutes les couches de la population. En ce qui concerne particulièrement les travailleurs agricoles, le "Xứ ủy" (Comité de pays) du Parti propose les moyens de lutte suivants, à l’occasion de la prochaine moisson : 1) – Il sera formé dans chaque village un Comité d’action, élu par les syndicats paysans ou choisi parmi les travailleurs agricoles les plus enthousiastes, qui se transformera, le jour de la lutte, avec l’approbation des masses, en Comité de lutte. 2) – Chaque Comité d’action (ou de lutte) désignera plusieurs sous-comités de propagande (à raison d’un par hameau au minimum), dont la tâche sera d’expliquer aux masses paysannes les exploitations subies, les répercussions désastreuses de la dévaluation du franc et la nécessité de la lutte. 3) – Chaque hameau sera doté d’une section d’auto-défense, chargée de tenir tête à la réaction et de prévenir toute tentative de sabotage de la part des élements hésitants. 4) – Une parfaite liaisons devra s’établir entre les Comités d’action de villages. 5) – Pour les rendre conformes aux intérêts et à l’état d’esprit des masses, il sera nécessité de se baser sur la situation et les conditions de chaque région pour formuler les mots d’ordre de lutte. Ceux qui sont indiqués ci-après à titre d’information pourront être modifiés ou complétés : a) – entre hommes et femmes, à l’égalité de travail, égalité de salaire. b) – salaire en nature pour les batteurs, fixé à : 1 panier de paddy produit sur 8 contre 1 sur 10 l’année écoulée. c) – salaire en espèces des même fixé à 0 $ 50 contre 0 $ 30 l’année dernière. d) – salaire des moissnneurs fixé à 0 $ 25 contre 0 $ 15 de la récolte précédente. e) – interdiction aux propriétaires de brutaliser, d’injurier, de frapper d’amendes, etc.... les ouvrier. 6) – En vue de permettre à notre Parti de prendre, le cas échéant, des mesures de réaction et de protection nécessaires, surtout d’élargir le mouvement, il est recommandé aux différentes organisations de rendre compte d’urgence et de façon aussi précise que possible, de tout ce qui concerne l’organisation, le développement, la direction et les résultats de la lutte préconisée.

Le XỨ ỦY de COCHINCHINE du PARTI COMMUNISTE INDOCHINOIS

Source : CAOM, RST-NF, 2960 .

293

Annexe 14

294

Cliché 25 : Photographie du Tombeau du bonze dans la Pagode des Deux Sœurs, qui est à déplacer sur le Projet du Quartier du Cimetière en 1937

Photographie du Tombeau du bonze dans la Pagode des Deux Sœurs en 2011 ( Photo : l'auteur ).

(droite) Photographie du Tombeau du bonze dans la Pagode des Deux Sœurs en 1937. Finalement, il n'a pas été déplacé.

Source : CAOM, I-NF, 2405.

295

Annexe 15

296

Les PCS vietnamiennes par rue à Hanoi en 1936 1. Rue de la Soie Cliché 252525 : Rue de la Soie

A-.Marchands H F B-.Fabricants HF ①Alimentations 0 0 ①Alimentations 1 0 ②Matières premières 0 0 ②Matières premières 0 0 ③Textiles/Vêtements 30 17 ③Textiles/Vêtements 11 0 ④Meubles 0 0 ④Meubles 0 0 ⑤Quincaillerie, etc...* 1 0 ⑤Quincaillerie, etc...* 0 0 ⑥Bijoutier 0 0 ⑥Bijoutiers 1 0 ⑦Appareils/Instruments 0 0 ⑦Appareils/Instruments 0 0 ⑧Objets du culte 1 0 ⑧Objets du culte 0 0 ⑨Papeterie/Librairie 0 0 ⑨Imprimerie/Papeterie 0 0 ⑩Médicaments 0 0 ⑩Médicaments 0 0 ⑪Marchand à Poste fixe 0 1 ⑪Réparateurs 4 0 ⑫Divers 2 0 ⑫Divers 0 0 Total 34 18 Total 17 0 * Poterie, article divers. C-.Services H F D.Professions libérales 1 0 ①Services divers** 0 0 ②Restaurant, gargotier 0 0 Cumulateurs 15 3 ③Entrepreneurs 0 0 ④Tourisme/Transport 0 0 H F C ⑤Loueur 0 0TotalTotalTotal 52 18 18 Total 0 0 888888 ** Blanchisseur, coiffeur, hôtel, garni. 2. Rue du Coton Cliché 262626 : Rue du Coton

A-.Marchands H F B-.Fabricants HF ①Alimentations 5 7 ①Alimentations 2 0 ②Matières premières 2 0 ②Matières premières 3 0 ③Textiles/Vêtements 18 6 ③Textiles/Vêtements 20 0 ④Meubles 1 0 ④Meubles 0 0 ⑤Quincaillerie, etc...* 2 3 ⑤Quincaillerie, etc...* 7 0 ⑥Bijoutier 0 0 ⑥Bijoutiers 2 0 ⑦Appareils/Instruments 7 0 ⑦Appareils/Instruments 0 0 ⑧Objets du culte 0 0 ⑧Objets du culte 0 0 ⑨Papeterie/Librairie 7 5 ⑨Imprimerie/Papeterie 0 0 ⑩Médicaments 7 0 ⑩Médicaments 0 0 ⑪Marchand à Poste fixe 0 3 ⑪Réparateurs 13 0 ⑫Divers 4 7 ⑫Divers 1 0 Total 53 31 Total 48 0 * Poterie, article divers.

C-.Services H F D.Professions libérales 19 0 ①Services divers** 8 0 ②Restaurant 5 3 Cumulateurs 31 12 ③Entrepreneurs 3 0 ④Tourisme/Transport 1 0 H F C ⑤Loueur 14 0TotalTotalTotal 151 34 43 Total 31 3 228228228 ** Blanchisseur, coiffeur, hôtel, garni. 3. Rue des Éventails Cliché 272727 : Rue des Éventails

A-.Marchands H F B-.Fabricants HF ①Alimentations 2 6 ①Alimentations 0 0 ②Matières premières 0 0 ②Matières premières 2 0 ③Textiles/Vêtements 2 0 ③Textiles/Vêtements 14 1 ④Meubles 0 0 ④Meubles 27 3 ⑤Quincaillerie, etc...* 1 0 ⑤Quincaillerie, etc...* 1 0 ⑥Bijoutier 1 3 ⑥Bijoutiers 0 1 ⑦Appareils/Instruments 0 0 ⑦Appareils/Instruments 0 0 ⑧Objets du culte 0 0 ⑧Objets du culte 0 0 ⑨Papeterie/Librairie 1 0 ⑨Imprimerie/Papeterie 0 0 ⑩Médicaments 0 0 ⑩Médicaments 2 0 ⑪Marchand à Poste fixe 0 4 ⑪Réparateurs 4 0 ⑫Divers 1 2 ⑫Divers 0 0 Total 8 15 Total 50 5 * Poterie, article divers. C-.Services H F D.Professions libérales 2 0 ①Services divers** 3 0 ②Restaurant, gargotier 2 1 Cumulateurs 9 5 ③Entrepreneurs 0 0 ④Tourisme/Transport 0 0 H F C ⑤Loueur 2 1TotalTotalTotal 67 22 14 Total 7 2 103103103 ** Blanchisseur, coiffeur, hôtel, garni. Source : CAOM, RST-NF, 2893.

297

4. Rue Jean Dupuis Cliché 282828 : Rue Jean Dupuis

A-.Marchands H F B-.Fabricants HF ①Alimentations 2 9 ①Alimentations 0 0 ②Matières premières 0 3 ②Matières premières 0 0 ③Textiles/Vêtements 1 0 ③Textiles/Vêtements 6 0 ④Meubles 0 0 ④Meubles 0 0 ⑤Quincaillerie, etc...* 5 5 ⑤Quincaillerie, etc...* 0 0 ⑥Bijoutier 0 0 ⑥Bijoutiers 0 0 ⑦Appareils/Instruments 1 0 ⑦Appareils/Instruments 0 0 ⑧Objets du culte 0 0 ⑧Objets du culte 0 0 ⑨Papeterie/Librairie 1 0 ⑨Imprimerie/Papeterie 0 0 ⑩Médicaments 4 0 ⑩Médicaments 0 0 ⑪Marchand à Poste fixe 1 4 ⑪Réparateurs 0 0 ⑫Divers 0 2 ⑫Divers 0 0 Total 15 23 Total 6 0 * Poterie, article divers. C-.Services H F D.Professions libérales 2 0 ①Services divers** 3 0 ②Restaurant, gargotier 0 2 Cumulateurs 12 7 ③Entrepreneurs 1 0 ④Tourisme/Transport 0 0 H F C ⑤Loueur 0 0TotalTotalTotal 27 25 19 Total 4 2 717171 ** Blanchisseur, coiffeur, hôtel, garni. 5. Rue des Changeurs Cliché 292929 : Rue des Changeurs

A-.Marchands H F B-.Fabricants HF ①Alimentations 3 7 ①Alimentations 0 2 ②Matières premières 0 0 ②Matières premières 0 0 ③Textiles/Vêtements 1 1 ③Textiles/Vêtements 7 0 ④Meubles 0 0 ④Meubles 0 0 ⑤Quincaillerie, etc...* 0 0 ⑤Quincaillerie, etc...* 0 0 ⑥Bijoutier 15 39 ⑥Bijoutiers 0 0 ⑦Appareils/Instruments 0 0 ⑦Appareils/Instruments 0 0 ⑧Objets du culte 0 0 ⑧Objets du culte 0 0 ⑨Papeterie/Librairie 0 0 ⑨Imprimerie/Papeterie 0 0 ⑩Médicaments 4 1 ⑩Médicaments 0 0 ⑪Marchand à Poste fixe 2 5 ⑪Réparateurs 3 0 ⑫Divers 0 3 ⑫Divers 0 0 Total 25 56 Total 10 2 * Poterie, article divers. C-.Services H F D.Professions libérales 2 0 ①Services divers** 3 0 ②Restaurant, gargotier 1 0 Cumulateurs 4 4 ③Entrepreneurs 1 0 ④Tourisme/Transport 0 0 H F C ⑤Loueur 1 2TotalTotalTotal 43 60 8 Total 6 2 111111111 ** Blanchisseur, coiffeur, hôtel, garni. 6. Rue Paul Bert Cliché 303030 : Rue Paul Bert

A-.Marchands H F B-.Fabricants HF ①Alimentations 1 0 ①Alimentations 2 0 ②Matières premières 0 0 ②Matières premières 0 0 ③Textiles/Vêtements 0 0 ③Textiles/Vêtements 3 0 ④Meubles 0 1 ④Meubles 0 0 ⑤Quincaillerie, etc...* 0 0 ⑤Quincaillerie, etc...* 0 0 ⑥Bijoutier 0 0 ⑥Bijoutiers 0 0 ⑦Appareils/Instruments 0 0 ⑦Appareils/Instruments 0 0 ⑧Objets du culte 0 0 ⑧Objets du culte 0 0 ⑨Papeterie/Librairie 0 0 ⑨Imprimerie/Papeterie 0 0 ⑩Médicaments 0 0 ⑩Médicaments 0 0 ⑪Marchand à Poste fixe 0 0 ⑪Réparateurs 2 0 ⑫Divers 1 0 ⑫Divers 0 0 Total 2 1 Total 7 0 * Poterie, article divers. C-.Services H F D.Professions libérales 0 0 ①Services divers** 1 0 ②Restaurant, gargotier 0 0 Cumulateurs 3 0 ③Entrepreneurs 0 0 ④Tourisme/Transport 0 0 H F C ⑤Loueur 0 0TotalTotalTotal 10 1 3 Total 1 0 141414 ** Blanchisseur, coiffeur, hôtel, garni. Source : CAOM, RST-NF, 2893.

298

7. Boulevard Dong Khanh Cliché 313131 : Boulevard Dong Khanh

A-.Marchands H F B-.Fabricants HF ①Alimentations 0 3 ①Alimentations 0 0 ②Matières premières 1 0 ②Matières premières 0 0 ③Textiles/Vêtements 1 0 ③Textiles/Vêtements 1 0 ④Meubles 0 0 ④Meubles 0 0 ⑤Quincaillerie, etc...* 0 0 ⑤Quincaillerie, etc...* 0 0 ⑥Bijoutier 0 0 ⑥Bijoutiers 0 0 ⑦Appareils/Instruments 0 0 ⑦Appareils/Instruments 0 0 ⑧Objets du culte 0 0 ⑧Objets du culte 0 0 ⑨Papeterie/Librairie 0 0 ⑨Imprimerie/Papeterie 0 0 ⑩Médicaments 0 0 ⑩Médicaments 0 0 ⑪Marchand à Poste fixe 0 0 ⑪Réparateurs 0 0 ⑫Divers 1 0 ⑫Divers 0 0 Total 3 3 Total 1 0 * Poterie, article divers. C-.Services H F D.Professions libérales 1 0 ①Services divers** 0 0 ②Restaurant, gargotier 0 0 Cumulateurs 2 1 ③Entrepreneurs 1 0 ④Tourisme/Transport 0 0 H F C ⑤Loueur 1 0TotalTotalTotal 7 3 3 Total 2 0 131313 ** Blanchisseur, coiffeur, hôtel, garni. 8. Route de Hué Cliché 323232 : Route de Hué

A-.Marchands H F B-.Fabricants HF ①Alimentations 8 19 ①Alimentations 2 0 ②Matières premières 5 3 ②Matières premières 7 0 ③Textiles/Vêtements 7 7 ③Textiles/Vêtements 30 0 ④Meubles 0 0 ④Meubles 0 0 ⑤Quincaillerie, etc...* 2 4 ⑤Quincaillerie, etc...* 2 0 ⑥Bijoutier 0 7 ⑥Bijoutiers 0 0 ⑦Appareils/Instruments 2 0 ⑦Appareils/Instruments 0 0 ⑧Objets du culte 3 3 ⑧Objets du culte 0 0 ⑨Papeterie/Librairie 1 1 ⑨Imprimerie/Papeterie 0 0 ⑩Médicaments 13 5 ⑩Médicaments 0 0 ⑪Marchand à Poste fixe 1 15 ⑪Réparateurs 12 0 ⑫Divers 11 28 ⑫Divers 0 0 Total 53 92 Total 53 0 * Poterie, article divers. C-.Services H F D.Professions libérales 4 0 ①Services divers** 17 0 ②Restaurant, gargotier 0 2 Cumulateurs 20 10 ③Entrepreneurs 3 0 ④Tourisme/Transport 0 0 H F C ⑤Loueur 7 1TotalTotalTotal 137 105 30 Total 27 3 272272272 ** Blanchisseur, coiffeur, hôtel, garni. Source : CAOM, RST-NF, 2893.

299

Les Sources

Archives

Centre des AAArchivesArchives nationales d’d’d’Od’ OOOutreutreutre----MMMMerer d’d’d’Aixd’ AixAixAix----enenenen----provenceprovence (CAOM) - Ancien Fonds des Amiraux et du Gouvernement général (GGI-AF) : 483, 516, 3131, 3200, 3201, 6329, 6337, 6351, 6358, 6371, 6376, 6813, 6899, 6903, 7751, 7752, 7758, 7759, 15534, 15893, 15895, 16917, 16949, 16950, 16951, 16952, 32303, 35636, 35636, 35649, 35652, 35657, 35662, 35666, 35670, 44215, 45196, 45197, 45199, 45221, 46353, 48205, 48208, 48213, 48513, 48514, 51071, 51508, 51173, 51176, 51532, 51540, 53458, 53470, 53797, 59730, 60704. - Fonds Ministériel, Indochine Nouveau Fonds (I-NF) : 638, 2372, 2374, 2403, 2405, 2407, 2660, 2661, 2666, 2667, 2668, 2669, 2670. - Fonds Ministériel, la Commission Guernut (Guernut) : 33, 92, 93, 103. - Fonds Ministériel, Agence FOM (A-FOM) : 169, 206, 235, 236. - Nouveau Fonds de la Résidence Supérieure du Tonkin (RST-NF) : 29, 31, 192, 629, 630, 632, 641, 675, 676, 677, 691, 2598, 2600, 2607, 2609, 2615, 2616, 2617, 2618, 2830, 2833, 2836, 2838, 2839, 2841, 2893, 2896, 2897, 2960, 3614, 4481, 4795, 4867, 4872.

Centre des Archives du Monde du Travail de Roubaix (CAMT) 1996027, 2003035.

Archives Nationales du Viêtnam n ˚˚˚1 de HaHaHanoiHa noinoinoi (ANV(ANV----H)H)H)H) (En vietnamien : Trung tâm L ưu tr ữ qu ốc gia I ) - Fonds de la Mairie de Hanoi (FMH) C.98-2230 à 2313 /D.62-2731, 2732, 2735, 2736, 2743, 2771, 2794, 2815, 2858, D.86-3304 à 3416 /D.88-3260, 3272, 3278 /E.98-33, 2230, 2231, 2232, 2233, 2234 / R29-5217 à 5472.

PublPubliiiicationscations du Gouvernement Général de l’Indochine (GGI(GGI)) - Direction des Affaires Économiques (DAE), Annuaire statistique de l’Indochine ,

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Table des cartes, plans, tableaux, graphiques et clichés

ⅠⅠⅠ. Carte . 1. Les étapes de la conquête de l’Indochine française ...... 22

ⅡⅡⅡ. Plan 1. Répartition des écoles privées à Hanoi (1916-1943)...... 61 2. Région Nord du Tonkin...... 66 3. Cantons et environs de Hanoi au début du XIX e siècle...... 73 4. La division administrative de la ville de Hanoi (1904-1940)...... 75 5. La comparaion entre 1915 et 1932 d’un secteur de l’ouest de la Gare...... 76 6. Les sections de la population de Hanoi...... 78 7. La citadelle de Hanoi en 1890...... 84 8. Projet de démolition de la Citadelle de Hanoi en 1894...... 84 9. Ville de Hanoi en 1902...... 85 10. Les réseaux d’égouts (lignes rouges) de Saigon en 1905 ...... 87 11. Saigon lors de la conqête (1867)...... 89 12. La ville de Saigon en 1893. Après la démolition de citadelle...... 90 13. Projet d’extension et d’aménagement de Saigon par Hébrard...... 95 14. Projet d’aménagement du quartier de Kanh H ội...... 96 15. Le quartier du Gouvernement général à Hanoi (gauche) et le projet d’aménagement de ce quartier établit par Hébrard (droite) vers 1928...... 97 16. Projet d’aménagement et d’extension de Hanoi par Hébrard...... 99 17. Plan de Haiphong (1874 et 1926)...... 102 18. Plan d’aménagement et d’extension de Haiphong par Hébrard en 1928...... 104 19. Réseau de tramway de Hanoi en 1918...... 108 20. Zone suburbaine de la ville de Hanoi en 1916...... 111 21. Les monuments historiques à Hanoi en 1906...... 116 22. Répartition des Maisons de tolérance à Hanoi en 1930...... 118 23. Divisions de quartier de la ville de Haiphong...... 146 24. Réparition des foyers principales de la grèves des tailleurs à Hanoi...... 185 25. Projet du Qaurtier de la Pagode de Deux Soeurs à Hanoi en 1937...... 206 26.Projet du Quartier du Cimétière à Hanoi en 1937…………………………………………...207 27. Le quartier de Phúc Xà H ạ où la Cité Mme Brévie a été édifiée (1947)...... 229

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28. Plan d’aménagement et d’extension de Haiphong par Cerutti en 1943...... 232 29. Cité ouvrière planifiée à l’est de la ville de Haiphong par Cerutti en 1943 ...... 235 30. Projet d’extension de la Ville de Hanoi en 1942...... 238

ⅢⅢⅢ. Tableau 1. L’effectif des étudiants des Écoles supérieures (1918-1939)...... 36 2. Conditions d’accès à l’emploi public ……… ………………………………………………………40 3. Salaire par emplois des cadres supérieurs ……… ………………………………………………42 4. Classement des indemnités (en piastre) de route, de séjour, et des passages à l’intérieur de la colonie et en Extrême-Orient……………………………43 5. Classement des indemnités par catégories de route et des passages à l’intérieur de la colonie et en Extrême-Orient ……… ………………..…………………...... 43 6. Carrière de secrétaire Pham Van Ba ……………………………………………………..………44 7. Carrière de secrétaire Dan Van Than …………………………………………………………….45 8. Carrière de secrétaire Pham Dinh Son …… ……………………………………………………..45 9. Carrière de secrétaire Lê Van Thon …… ……………………………………………………...... 46 10. Carrière d’agent technique Dang Dinh Nhat ……………………………………………….....46 11. Carrière d’agent technique Nguyên Trung Binh ...... 47 12. Carrière d’agent technique Vo Van Vàng ……………………………………………………….47 13. Carrière de Do Dang Minh …………………………………………………………………..…...49 14. Carrière de Mai Dinh Thiêt …… …………………………………………………………………49 15. Durées de service par générations avant 1910 et après 1911……………………………….49 16. Effectif de fonctionnaires vietnamiens par genre de profsssion en 1933...... 51 17. Profession des boursiers vietnamiens en France et en Vietnam en 1931...... 57 18. Nombre d’écoles privées de Hanoi (1916-1943) par année de fondation...... 60 19. Effectif du personnel de la police municipale en 1908...... 71 20. Phườ ng principals aux quartiers Th ọ Xươ ng et Qu ảng Đức aux XVII e et XVIII e siècles...... 74 21. La population des villes coloniales en Asie de 1900 à 1950 ( en mille)...... 77 22. La supercifie, la population et la densité par secteur de Hanoi en 1939...... 78 23. Nombre de bactéries et espèces dans l’eau du puits à Saigon en 1905...... 88 24. Évolution en nombre de la population à Haiphong (1890-1929)...... 100 25. Ph ườ ng de Hanoi entre les XVII e et XIXe siècles...... 123 26. Nombre total de commerçants par PCS à la ville de Hanoi en 1932...... 136 27. Nombre de cumuleurs par combinaison de la nature du commerce...... 136 28. Nombre de petits commerçants indigènes par quartier en 1936...... 140 29. Classement des natures dominantes du commerce par rue à Hanoi en1936...... 141

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29-bis. Répartition géographique des natures dominantes du commerce des marchands à Hanoi en 1936...... 142 30. Classement des natures dominantes des fabricants par rue à Hanoi en 1936...... 142 30-bis. Répartition géographique des natures dominantes du commerce des fabricants à Hanoi en 1936...... 142 31. Le nombre de grands-moyenns commerçants par ethnie et niveau du quotité du droit fixe sur la liste de Haiphong en 1936...... 146 32. Détail des PCS de petits commerçants européens d’Haiphong en 1936...... 147 33. Détail des PCS de petits commerçants asiatiques d’Haiphong en 1936...... 147 34. Nombre de petits commerçants vietnamiens par rue à Haiphong en 1936...... 149 35. Détail des PCS par quartier de petits commerçants vietnamiens à Haiphong (1936)....150 36. Détail des PCS de petits commerçants vietnamiens de Haiphong en 1936...... 151 37. Le mouvement des populations de Haiphong et Hanoi...... 153 38. Nombre d'électeurs indigènes par quartiers et rues à Hanoi (1929-1940)...... 157 39. Proportion de femmes dans les électeurs indigène de Hanoi (1929-1940)...... 157 40. Nombre d’électeurs par nature du commerce en 1931………………………………….…..158 41. Nombre d’électeurs dans la catégorie A en 1931……………………………………………..158 42. Nombre d’électeurs dans la categorie C en 1931…………………………………………….158 43. Nombre d'électeurs inscrits continuellement à Hanoi entre 1929 et 1940……...... 161 44. Répartition par quartier (gauche) et par profession (droite) des électeurs inscrits continuellement à Hanoi entre 1929 et 1940 …… ………………………………….161 45. Le nombre d’inscrits sur les listes électorales de Haiphong (1929 à 1940)………………162 46. Nombre de fois de l'inscription des électeurs à Haiphong………………………………….163 47. Nombre d’employés des ateliers de menuisier à Hanoi en 1937...... 165 48. Répartitions des ouvriers d’entreprises par pays indochinois en 1928...... 166 49. Répartitions des ouvriers d’entreprises par origine en 1928...... 166 50. Salaires moyens (en piastres) des ouvriers payés à la journnée (1931-1937)...... 167 51. Les indices des loyers à Hanoi et à Saigon (1925 et 1938)...... 170 52. Nombre d’ouvriers dans des Maisons de Verrerie et leurs salaires par mois...... 172 53. Le salaire minima (en piastre) par jour des ouvriers établi au Tonkin en 1937...... 174 54. Durées de grève et demandes par grèviste...... 182 55. Foyers principals des grèves de tailleurs à Hanoi (janvier 1937)...... 184 56. Le nombre d'ouvriers dans des sociétés à Haiphong en 1923-1924...... 192 57. Grèves des ouvriers à Haiphong du janvier à l’avril 1937...... 193 58. Nombre de patentes par catégorie et par classe à Nam Dinh en 1937...... 212 59. Associations amicales professionnelles autorisées au Tonkin depuis 1937...... 219

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60. Nombre de construction en bois et paillotes par ville de 1930 à 1937...... 226 61. Nombre de constructions neuves en maçonnerie par ville en 1937...... 227 62. Indices de l’activité de la construction en maçonnerie de 1936 à 1943...... 227 63. Dispositions relatives à la servitude par zone à Haiphong en 1943...... 234

ⅣⅣⅣ. Graphique 1. Nombre de scolarité au Viêtnam (1918-1938)...... 31 2. Origine géographique……………………………………………………………………………….48 3. Lieu de travail …… ……………………………………………………………………………….....48 4. Nombre des agents techniques et, parmi eux, des diplômés de l’École supérieure des Travaux Publics par année de leur entrée à l’administratoin……………...48 5. Profession des demandeurs de naturalisaiton française des Vietnamiens à Hanoi dans les années 1920...... 53 6. Détail des associations autorisées à Hanoi dans les années 1920 et 1930...... 54 7. Détail d'activités des associations vietnamiennes...... 54 8. Détail de professions des boursiers retournés au Vietnam en 1931...... 58 9. Répartition par âge des électeurs vietnamiens en 1929...... 159 10. Répartition par âge et profession des électeurs de 1929...... 160 11. Indice des prix à la consommation à Hanoi (1931-1939)...... 169 12. Indice des prix de détail à Hanoi et à Saigon (1931-1939)...... 169 13. Nombre de grèves à Hanoi entre octobre 1936 et juillet 1937...... 181 14. Répartition proportionnelle par catégorie de lecteurs annamites de la Bibliothèque centrale de l'Indochine à Hanoi en 1937...... 213 15. Indices de l'activité de la construction de 1925 à 1937...... 226 16. Indice général de l'activité de la construction en maçonnerie de 1936 à 1948...... 231

ⅤⅤⅤ. Cliché 1. Projet de Plais de Justice de Hanoi en 1898 (Façade principale)...... 81 2. Une des Plans de l’Hôtel du service des Travaux Publics à Hanoi vers 1895………………81 3. Le grand canal de Saigon en 1882...... 88 4. Panorama de Saigon en 1881...... 89 5. Le Palais central pour l’Exposition coloniale de Hanoi en 1902...... 92 6. Portrait d’Ernest Hébrard…….……………………………………………………………………93 7. Port fluvial de Haiphong. Quai du Sông Tam B ạc vers 1936……………………….…………101 8. Haiphong. Boulevard Paul Bert vers 1910...... 101 9. Haiphong. Rue Chinoise vers 1910...... 103

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10. Tramway électrique. Square du Petit Lac (Place Négrier) à Hanoi...... 107 11. Pharmacie française et étrangère de l’Indochine (31 rue Paul Bert, Hanoi)...... 129 12. Société anonyme des établissements Indophono (58 rue Paul Bert, Hanoi)...... 130 13. Société Quang Hung Long (79 rue des Paniers, Hanoi)…………………………………….131 14. Société Vu Van An et Cie (18 bd.Dong Khanh, Hanoi)...... 132 15. Marchande de graines et de médicaments...... 138 16. Marchand de Thé à poste fixe...... 139 17. Fabricant de parapluie...... 139 18. Virgitti lance un coup d’arrosage aux marchandes de Grand Marché...... 189 19. Un plan de Façade de HBM à Hanoi en 1943...... 224 20. La Cité Lacaze à Saigon en 1951...... 239 21. Une novelle construction moderne à Saigon en 1953...... 240

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De Rhodes, Alexandre...... 26 Indexe De Béhaine, Pigneau...... 26 Godart, Justin...... 172, 176, 177, 178, 187, 193, 197 A) Nom de personnes Guernut, Henri……………..……………..210 Hébrard, Ernest...... 82, 93, 94, 96, 97, 1. Gouverneurs généraux de l’Indochine 98, 99, 100, 103, 104, 105 - Nom, prénom (et année de mandat) Joubin (Directeur de DIPI)...... 26 Bert, Paul (1886)...... 117 Joyeux B...... 117 Brévié, Jules (1936-1939)...... 176, 193, 217, Lichtenfelder, Charles…………….…...... 80 221, 222 Outrey, Ernest...... 38 Decoux, Jean (1940-1945)...... 230 Pagès...... 223 De Lanessan, J.-M. (1891-1894)...... 35 Perrier, Léon...... 38 Beau, Paul (1902-1907)...... 37, 103 Pétain, Philippe...... 231 Doumer, Paul (1897-1902)...... 80, 82, 83, 90, Peyron, Albin...... 176 92 Taberd J.L...... 26 Fourès, Augustin J. (p.i. : 1896-1897)…....83 Vial...... 207, 208 Long, Maurice (1919-1923)...... 23, 25, 82, 93 Vildieu, Auguste-Henri...... 80 Merlin, Martial (1923-1925)...... 29 Virgitti...... 113, 188, 189, 204, 205, 206, 228 Pasquier, Pierre (1928-1934)……29, 34, 35, 38, 217 3. Vietnamiens Richaud, Étienne Antoine Guillaume - Nom, prénom (et naissance et décès) (1888-1889)...... 67 Bảo Đạ i (保大 1913-1997)...... 200, 237 Robin, René (1934-1936)...... 113 Bui Si Me ...... 176, 185 Sarraut, Albert (1911-1914 et 1916-1919) ...... 22, Bui Tuong Chieu ...... 204 24, 29, 194 Cao Bi ền (Gao Pian 高駢 821-887)...... 65 Varenne, Alexandre (1925-1927)...... 24, 38 Công Bá Hành ...... 189 Đấ ng Đinh Điêm dit Hao Diêm ...... 199 2. Européens Đặ ng Thai Mai (1902-1984)...... 197, 208 Nom, prénom (et naissance et décès) Dang Dinh Nhat ……………………...... 46, 47 Bazin, Auguste...... 83 Dan Van Than …………………...…….…….45 Biaille de Langibaudière...... 175 Dang Vu Lac ...... 204 Blum, Léon...... 201 Do Dang Minh …………………….…………48 Madame Brévié...... 228 Đồng Khánh (同慶 1864 – 1889)...... 67 Cerutti, Henri...... 301, 232 Gia Long (嘉隆 1762-1820) ...... 66, 82 Châtel, Yves...... 228 Giang Đứ c Cường ...... 197

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Ha Van Binh ...... 204 Pham Huu Danh ………… …………………46 Hà V ạn Tr ịnh ...... 185 Pham Huy Luc ……… …………………….205 Hồ Chí Minh (1890-1969)...... 176, 237 Ph ạm Lê B ổng...... 227 Hoang Dinh Hanh ……… …….…..………..49 Ph ạm Trung Ngh ĩa...... 197 Hu ỳnh V ăn Ph ươ ng (1906-1945)...... 197 Ph ạm Qu ỳnh (1892-1945)...... 26, 27, 200, 237 Hu ỳnh T ịnh C ủa (1834-1907)...... 26 Ph ạm Ta ...... 174, 227 Lê Thang ...... 204 Ph ạm V ăn Đồ ng (1906-2000)...... 201 Lê Van Thon ……………….………………...46 Pham Van Ba ………… …………….……….44 Lê V ăn Th ụ...... 203 Phan B ội Châu (1867-1940)……….…….34, 62 Lươ ng Khánh Thi ện (1903-1941) ...... 197 Phung Nhu Cuong …………..…………….204 Lý Anh Tông (1138-1175)...... 205 Th ạch Lam (1910-1942)…………….….12, 106 Lý Thái T ổ (李太祖 974-1028)...... 66 Thành Thái (成泰 1879-1954)...... 101 Mai Dinh Thiêt …………………………...... 48 Tạ Thu Thâu (1906-1945)...... 203 Mai Ng ọc Thiêu ...... 181, 197 Tô Di ệm...... 199 Minh M ạng (明命 1791-1841)...... 82 Tô Hi ệu (1912-1944)...... 199 Ngô Đình Di ệm (1901-1963)...... 237 Tr ần Đinh Long (1904-1945)...... 181, 197 Nguy ễn An Ninh (1900-1943)...... 203 Tr ằn Khanh Gi ư (Khái H ưng 1896-1947) …. 227 Nguyên Dao Thanh …… …………………...49 Tr ằn Huy Li ệu (1901-1969) …………. 197, 199 Nguy ễn Công Chuy ện...... 197 Tr ằn Trung Chu ...... 197 Nguy ễn Công Vi ệt...... 197 Tran Van Si ………………………….……….49 Nguyê ñ Kh ăc Nguyên ...... 198 Tr ần V ăn Th ạch ...... 203 Nguy ễn M ạnh Ch ất...... 197, 230 Tr ịnh Anh Quang ...... 200 Nguy ễn Thành Điển...... 197, 199 Tr ịnh Hòai Đứ c...... 200 Nguyên The Mô , dit Binh Son ...... 181, 197 Tr ịnh V ăn Phú …..……186, 195, 197, 198, 201 Nguy ễn Th ế V ĩnh ...... 193 Tr ươ ng V ĩnh Ký (1837-1898)…….…..……...26 Nguyen Thiêu ...... 204 Tr ưng Nh ị (?-43)...... 205 Nguy ễn Tr ọng Qu ản (1865-1911)...... 26 Tr ưng Tr ắc (?-43)...... 205 Nguy ễn Tr ọng Tr ạc...... 230 Vũ Đình Huyên ...... 197 Nguyên Trung Binh ……………………...... 47 Vu Ngoc Dang , dit Tu ...... 186 Nguy ễn Tưóng T ăm (1905-1963)...... 227 Võ Nguyên Giáp (1911-)...... 197, 199, 208 Nguy ễn V ăn Gi dit Bùi V ăn Lâm dit Bùi Vo Van Vàng …………………….…….…...... 47 Lâm ...... 193, 199 Vũ Đình Hòe ...... 208 Nguy ễn V ăn Ti ến...... 193, 201 Nguy ễn V ăn T ạo (1908-1970)...... 203 Nguy ễn V ăn Tho ̣ (Nam S ơn 1890-1973)...... 197 Pham Dinh Son ………………………...... 45

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B) Nom de ssociétésociétésociétés,, compagnies, banques, Société des ciments de Ha-ly...... 145 boutiques et ateliers Société franco-annamite d’habitations économiques de Cochinchine...... 222 1. S1. SociétésS ociétésociétés,, compagnies, banques, hotels Société indochinoise d’électricité.....145, 197 Banque de l’Indochine...... 145 Société Indochinoise de Verrerie et de Cie des Charbons de l’Indochine...... 192 Produits Chimiques...... 192 Cie Huileries et Savonneries Société Industrielle de Chimie d’Extrême-Orient...... 192 d’Extrême-Orient...... 192 Cie française asiatique des pétroles...... 145 Société Rizeries Indochinoises...... 192 Cie des tramways du Tonkin...... 127 Société des phosphates du Tonkin...... 192 Cie des tramways électricité d’Hanoi.....128 Société des Tanneries de l’Indochine...... 192 Courret, Krug et Durant Frères...... 107 Société des transports en commun de la Denis frères...... 190 région de Hanoi...... 127 Féniès (Haiphong)...... 192 Soieries Dao-Thao-Con...... 130, 131 Hanoi Hôtel...... 132 Société électrique Hermenier & Hongkong Bank...... 145 Planté...... 128 Hôtel de la Gare...... 214 Société foncière de l’Indochine...... 127 Hôtel de la Paix...... 214 Société générale d’études industrielles et Hôtel Métropole...... 181,197,214 commerciales pour la Chine et l’Indochine ....128 Hôtel des Colonies...... 181, 214 Société Industrielle Forestière des Hôtel Splandid...... 214 Allumettes du Tonkin (S.I.F.A.T.)...... 190 Indophono...... 130, 132 Société Quang Hung Long...... 130, 131 Imprimerie d’Extrême-Orient...... 197, 132 Standard...... 145 Pharmacie centrale de l’Indochine ...... 129 S.T.A.T. (Renault)...... 195 Pharmacie française et étrangère de Vu Van An et Cie...... 130, 132 l’Indochine...... 128, 129 Pommeraye & Cie...... 128 2. Boutiques et ateliers Société des Ateliers Maritimes...... 192 Café de la Paix...... 132 Société Bédat & Dousdebès...... 128 CH.Boillot d’automobiles & cycles...... 132 Société des Ciments Portland Artificiels de Ch.Mau’s (tailleur)...... 184 l’Indochine...... 192 Chung-Dang (Chapellerie)...... 185 Société cochinchinoise d’habitations CH.Lagisquet...... 132 économiques et de crédit immobilier...... 222 Do-Huu-Hieu (tailleur)...... 184 Société de constructions mécaniques.....192 F.Maron...... 135 Société Cotonnière de Haiphong...... 192 Gerbaud...... 132 Société Cotonnière du Tonkin...... 192 Hop-Duc...... 172

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Ho-Kong-Ky (tricoterie)...... 165 Parti socialiste S.F.I.O...... 202 Imprimerie Ngo-Tu-Ha...... 165, 176 PCI...... 196 Imprimerie Thanh Mau -Saigon...... 209 Hợp Thiê ̣n...... 202 La Fantaisie (tailleur)...... 184 Société d’Enseignement Mutuel de Larrivé Frères (bazar)...... 133 Haiphong ...... 229 Loissy (boucher)...... 132 Société de Bienfaisance des émigrés chinois du Maillard (boulanger)...... 132, 133 Tonkin (越南華東京華僑慈善會 )...... 134 Mas (tailleur)...... 184 Minh-Phu (Verrerie)...... 199 Nguyên-Van-Suu (tailleur)...... 184 Phu-Thinh (tailleur)...... 184 Select Style (meubles)…...... 195, 199 Tân-An (tailleur)...... 183 Thanh-Duc (verrerie)...... 199 Van-Dzu (verrerie)...... 172 Vinh-Giu (verrerie)...... 172 Vinh-Hoa (verrerie)...... 172 Vinh-Hung-Hieu (verrerie)...... 172 Vinh-Loi-Vinh (verrerie)...... 172

C) Nom d’associations et partis ACIA...... 214 AMECIA...... 214 Amicale des Petits commerçants et Industriels de Hanoi...... 218 Chambre de commerce chinoise du Tonkin (越南東京華僑總商會 )...... 132 Hợp tác th ị xã ...... 216 Ligue "Anh Sang " (Hội Anh Sang ).....225, 226, 228 Ligue des émigrée chinois du Tonkin (越南華 東京華僑聯合會 )...... 132 Ligue des maisons salubres...... 226 Ligue pour l’Habitaiton Salubre...... 227 Patrie Annamite...... 225

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