vallée de l’ n°2 Tél :[email protected] Délégation Vallée del’Arve : Atelier Equithés,65 routedesS’nailles,74310LesHouches. Mail :[email protected] –site:www.france.mountainwilderness.org 5 placeBir-Hakeim, 38000Grenoble. Tél :04.76.01.89.08 Mountain Wilderness France, MaisondelaNatureetl’Environnement del’Isère, Président deMountain Wilderness France Jean-Pierre Courtin mobilise pourl’action. débats danscettevallée paroxysme.Félicitonsnousdesénergiesnouvelles qu’elle Cette publicationdontnousaccueillonslenuméro2contribueàl’informationetaux Convention Alpine ouduPatrimoine Mondial. du jour, inventent ouimportentconcepts,structures,outils;ainsienest-ildela Il fautdoncquedesvoix etdesplumesnouvelles s’exprimentsurcesthèmesàl’ordre pollution del’airetgestiondesdéchets, agressionauxpaysages, érosiondeladiversité. problèmes :mobilité,accèsaulogement,cadredevie,réductiond’unespacerare, On voit que cescertitudes-là,aujourd’hui,vacillent dansuneextrêmeimbricationdes de l’autre. consolider entreurbanismeetstationsd’uncôté,réserves naturellesetautresprotections d’un engagementémotifettroppolitique,dumoinsunpartagedel’espacesemblaitse les Bains,maisçanefaisaitpasuneguerre.Sil’écologieétaitmoquéesouslaforme tourisme etdelaneigetrouvaient àseloger, leMontBlancétaitdéjàsurSaintGervais faisait consensusbienau-delàdelafortuneduCasino,lesOS(ouvriersspécialisés) Pourtant, les Trente Glorieusesnousportaientencore.Letunnel,obtenudehautelutte douter dupouvoir del’argent;peut-onlecroireaujourd’hui? Cependant Megève, abandonnéedesnouveaux dieux,voyait pâlirsonétoileetarrivait à Platé faisaitrage. noïaques d’unSchneebelen surl’AiguillettedesHouches etlabataillepourleDésertde stations installées;seuleuneavalanche providentielle avait condamnélesprojetspara- Flaine et Avoriaz dévoraient l’espaceviergeetilfallaitcontenirl’expansionnismedes Ce n’étaitpassimple,ilyavingtoutrenteans,pourlesprotecteursdelamontagne: gent, maislesengagementstoujours,répondentauxdéfisdutemps. Décidément l’espritestàl’œuvredanslahautevallée. Leshommesetlesfemmeschan- misère, ànousamisdelanature, d’enavoir besoinavant lesautres. nostalgie s’élèvera entous, comme elle s’élève enmoi.C’estnotre Par untragique cercle vicieux,l’action mécanique et industrielle connaît demoinsenlavieàmesure qu’elle ladétruit. C’est notre noblesse aussi. Nousserons lalumière decette Mais tout cercle vicieuxsaute unjour. Unjouruneterrible recherche, ledétonateur decette explosion. Bulletin local Bulletin mountain édito Robert Hainard wilderness france arve n°2

Paysages alpins : une ressource qui n'est pas inépuisable

Michel Fourcade

Michel Fourcade est adhérent de longue date de Mountain des zones à protéger. Wilderness et particulièrement actif dans nos instances. Il Tous ces aménagements entraînent une grave détériora- est également président du Groupe Montagne de l’Union tion des espaces concernés, de leurs terrains —l’instal- Mondiale pour la Nature(1), anciennement Union lation des remontées nouvelles se faisant l’été en Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Il ouvrant des pistes pour les engins destinés au transport livre ici une réflexion sur l’aménagement de nos montagnes, des matériaux, celles–ci se transforment l’hiver en de dont l’objet était d’orienter le Groupe Montagne en vue de nouveaux tracés pour la pratique du ski alpin—, de la définition de son programme de travail pour l’année 2007. leurs paysages, sans mentionner leurs conséquences sur Cet aménagement qui chaque jour un peu plus s’apparente à la flore et la faune. une appropriation de l’espace, par une industrie conduisant Ainsi donc, et très paradoxalement, au moment où à une stérilisation de ce même espace, pour toute autre acti- sont partout proclamées la nécessité de promouvoir vité que le ski. Si vous en doutez encore, tentez une randon- un développement durable de la montagne et l’ur- née estivale sur les hauts de Verbier, vers La Flégère ou gence de répondre aux défis posés par le réchauffe- l’Alpe d’Huez —exemples non limitatifs, bien entendu— et ment climatique, notamment à celui de la baisse de jugez de l’impact paysager des équipements lourds actuels. l’enneigement et de ses effets sur la ressource en eau, les aménageurs, soutenus par les collectivités locales, voire régionales, et avec l’assentiment, semble-t-il, des pouvoirs publics, continuent leur même politique Après une période où l’on avait pu constater une d’aménagement intensif. certaine stabilité dans le développement des aména- Dépassant désormais les seuls termes habituels de l’op- gements lourds en montagne et, plus particulière- position aménagement/protection, cette situation axée ment, dans les espaces destinés à la pratique du ski sur le court terme et qui refuse de s’adapter en prenant alpin situés hors des zones protégées, ces dernières en compte les facteurs nouveaux créés par l’évolution années ont vu une accélération de ces aménagements climatique ne peut, à l’évidence, se poursuivre. avec l’augmentation du nombre de remontées méca- Le Groupe Montagne, par la diversité de ses membres niques reliant plusieurs stations et celle des retenues et les responsabilités qu’ils exercent, devrait pouvoir dites « collinaires » destinées à stocker pendant l’été constituer non seulement un « laboratoire d’idées » l’eau qui sera utilisée en hiver pour fabriquer la neige pour proposer de nouveaux modes de développement artificielle. mais, aussi, devenir un centre moteur pour animer une En parallèle à ces types d’aménagements, l’artificialisa- large campagne d’information en direction des déci- tion des terrains utilisés pour la pratique du ski s’est deurs et du grand public pour les convaincre de l’ur- Le Groupe Montagne est constitué de poursuivie, les tracés de pistes étant systématiquement gence d’arrêter cette fuite en avant qui porte atteinte de représentants de CIPRA-France, de la « machinés », c'est-à-dire transformés pour être plus manière irréversible aux paysages et aux écosystèmes Fédération Française des Clubs Alpins de ces espaces de montagne non protégés. et de Montagne (FFCAM), de France lisses, faciliter les épandages de neige artificielle, et Pour réaliser cet objectif, il semble opportun de saisir Nature Environnement (FNE), des permettre aux engins de damage d’intervenir en vue de ministères de l’écologie et de l’équipe- livrer à la clientèle des parcours bien damés, sans acci- l’occasion de la présidence française de la Convention ment, de MW France, de l’Office dent de terrain (destruction de lapiaz à Flaine, arase- Alpine qui prévoit comme priorités : National des Forêts (ONF) et de WWF ment de pistes à Combloux, cet automne). - la nature en tant que ressources pour le tourisme, France. Il a publié, sous la présidence De plus, pour être à même de réduire au maximum le - le développement de nouvelles perspectives pour une de Pierre Bontemps (CAF), en 2002 : temps de fermeture des pistes, pour des raisons de sécu- exploitation durable du paysage rural, « Propositions pour la montagne ». Et, rité après les chutes de neige, des dispositifs, de plus en - l’aménagement de concepts alpins concernant la en 2005 : « 1985 – 2005 : 20 ans de plus nombreux, de déclenchements d’avalanches et/ou protection des glaciers, la protection contre les crues et Loi Montagne- Bilan et propositions ». coulées (type gazex) sont installés largement au-dessus l’enneigement artificiel.

Mountain Wilderness fête ses vingt ans ! Cordées internationales au les 31 juillet et 1er août 2007, 14 ans –jour pour jour– après l’ascension historique de 1993. Renseignements et inscriptions : Tony Clarasso ([email protected] – 04.50.91.47.71), Jean-Jacques Marchand ( [email protected] – 04.50.39.36.14).

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Penser la montagne autrement. Les choix d'Entremont.

Chantal Boddaert

En lien avec les programmes « Butiner » de Mountain Wilderness Suisse et France, il nous a semblé intéressant de nous pencher Religieux quittèrent définitivement le village qui, lui, a sur la commune d’Entremont, en vallée du Borne, qui, depuis traversé siècles et guerres. Il fut au cœur de la résistance et plusieurs années, nous fait entendre sa séduisante petite musi- vécut, en 1944, la fin tragique de Tom Morel, chef de que bien éloignée du tapage ambiant. Pour ce faire, qui était mieux maquis des Glières. Une stèle érigée en son honneur placée que Chantal Boddaert, présidente de l’association « Notre rappelle le sens de ses combats : « vivre libre ou mourir ». Vallée Arve et Giffre »(1) et grande connaisseuse du secteur ? Le village s’est peu à peu vidé de sa population, passant de plus de 700 âmes avant 1914 à près de 280 dans les années 60.

1. Notre Vallée Arve et Entremont se situe à 6 km de La Clusaz et à 16 Km de L’Entremont d’aujourd’hui : il a gardé son âme tout en Giffre est adhérente à Bonneville. Commune de 530 habitants, elle se trouve dans accueillant une nouvelle population, jeune, grâce à une Mountain Wilderness un triangle constitué par le massif du Bargy, la chaîne des démarche volontariste pour redonner vie au village avec la Aravis et le plateau des Glières. construction du groupe scolaire Tom Morel et une vie asso- Quittez la basse vallée de l’Arve et empruntez la D12, route ciative florissante. Cette année, l’équipe municipale et le sinueuse qui longe le Borne, en direction du Grand maire, Gilles Maistre, ont mis en place un agenda local 21 Bornand ; vous entendez le fracas de l’eau sur les rochers (21 propositions pour l’environnement) reconnu par le sur votre droite car vous passez à travers un paysage de Ministère de l’écologie et ont obtenu le premier prix natio- falaises abruptes et resserrées. Mais il est préférable de s’ar- nal des éco-maires pour leur politique globale. Dans tous rêter en descendant pour mieux comprendre la course du les domaines, Entremont manifeste sa volonté de respecter Borne, torrent indomptable dont la crue du 14 juillet 1987 la nature et sa biodiversité ; 60 % du territoire sont inscrits restera longtemps dans les mémoires car elle emporta le dans Natura 2000. Nous sommes tout à fait dans l’expres- camping en amont et fit 23 morts. sion d’un tourisme doux avec randonnées dans ses bois et Après le Petit Bornand, continuez quelques kilomètres. En alpages (GR), sans infrastructures de ski, à la recherche de la arrivant à Entremont, vous aurez le souffle coupé. Où que sérénité, de quelques animaux sauvages et d’une flore très vous regardiez, vous ne voyez que sommets : la montagne riche. des Auges qui culmine à 1860 m, l’arête de Ballanfat, l’, le Col de la Buffaz, la chaîne des Traversiers Vous aurez peut-être la chance d’apercevoir le papillon avec ses deux sommets : le Mont Lachat (2022 m) et le Morio (nymphalis antiopia), nommé aussi « Manteau Mont Suet (1863 m). Sur la gauche de la vallée, un paysage royal » tant les marges blanches ou jaunes tranchant sur le aride et dangereux, Les Etroits, qui la referme. Enfin, vous noir des ailes évoquent l’hermine qui bordait la cape royale. voyez le début de la chaîne du Bargy et, en enfilade, la Il apprécie la sève des arbres blessés, particulièrement celle Forclaz et le Charmieux. du saule. Une immense impression de paix vous envahit malgré la Dans les falaises des Traversières, guettez le Tichodrome D12 qui traverse le village. Il suffit de s’en éloigner un peu échelette (tichodroma muraria), oiseau d’environ 16 cm, pour entendre chanter l’eau… et de fermer les yeux ; si le gris coloré de rose-carmin, à la queue gris-noir tachetée de Borne le veut bien « vous entendrez battre votre cœur ». blanc, au bec très long et fin. Laissez-vous séduire par son chant sonore et mélodieux. L’Entremont d’hier : bien avant l’installation des moines au Vous verrez aussi l’Aigle Royal (Aquila chruysaetos), à la 12ème siècle, des hommes s’étaient établis dans ce village taille impressionnante. En vol, il se distingue par de longues nommé « INTRA-MONTIS » dont la richesse était le Borne, ailes retroussées vers le haut. Le dessus de la tête et la source d’activités. Mais ce sont les religieux qui ont fait de nuque sont de coloration claire tranchant sur le plumage ce village d’agriculteurs le point central d’un domaine sombre ; ses pattes sont jaunes. Sa reproduction est limitée abbatial dont le rayonnement s’étendit au-delà d’Annecy ou car seul un petit reste au nid et deviendra adulte après avoir de Genève. L’abbaye d’Entremont s’étant rendu propriétaire jeté les autres au-dehors ! de nombreux domaines et alpages en retira pendant long- Tout à coup, vous entendrez un son criard… levez vite les temps les revenus d’une location qui se payait en nature yeux pour apercevoir un Gypaète barbu (Gypaetus barba- avec le produit de la traite des vaches. Mais les alpagistes tus) voler au-dessus de vos têtes ; vous le reconnaîtrez à trouvant leurs impôts trop lourds mirent du lait « de côté » l’envergure de ses ailes (environ 2 m 50). Il se laisse planer pour fabriquer les premiers reblochons… sur de longues distances puis utilise les courants ascendants Il y eut les riches heures de l’abbaye qui attirait de pour reprendre de l’altitude. Son poitrail est blanc mais nombreux pèlerins. Mais, à la fin du 18ème siècle, les comme il se roule souvent dans des boues ferrugineuses, il

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devient brun. Le dessous des ailes coudées est noir et les couronnes et chalets, repartant avec une tomme ou une sous-alaires grises. Il se caractérise par ses deux barbiches motte de beurre. Maintenant, ce sont les moutons qui pâtu- noires au-dessus du bec crochu et auxquelles il doit son rent et ils arrachent les racines. Mais vous trouverez encore nom. Sa nourriture favorite : la moelle des os. Il avait ces plantes ; penchez-vous sur le Lys martagon, respirez-le complètement disparu des cimes suite à une chasse inten- mais ne le cueillez pas ! sive. Il a été réintroduit progressivement depuis quelques Si vous rencontrez le doyen d’Entremont, Jean Maistre, 91 décennies dans le proche massif du Bargy. ans, il vous parlera du temps de sa jeunesse où la neige Vous apercevrez un lièvre variable (blanc l’hiver) ou un tombait en abondance dès novembre et atteignait 1 m 50 lapin de garenne. Plus loin, la timide marmotte sortant de sa dans le village. Dès que le redoux pointait, les avalanches tanière et se hissant sur ses pattes arrières. arrivaient et pas de paravalanches à cette époque ! Alors, il Dans les zones humides, les amphibiens comme la fallait « couper les avalanches », à la sueur de son front, Salamandre commune (Salamandra salamandra Linnaeus) avec des pelles… Il en garde un très bon souvenir : cela tout de noir vêtue, tachetée de jaune ou d’orange, à la peau faisait gagner quelques sous ! luisante, d’environ 20 cm. Le Triton alpestre (Triturus alpes- Comment ne pas aimer ce village d’Entremont qui a la tris), plus petit, avec son ventre orange ou rouge vif, vivant volonté de rester un véritable village de montagne, son plutôt caché la journée. Ou bien un héron qui se sera posé église qui protège les reliques de l’ancienne abbaye, son au bord de l’eau pour se rafraîchir ou débusquer quelques musée, son kiosque, son jeu de boules, ses bancs qui vous truites. Une couleuvre ondulera entre les herbes. Vous permettent d’admirer le paysage, la stèle de Tom Morel, ses verrez, sans doute, le charmant écureuil sauter d’une bran- tables d’orientation à chaque virage des routes qui mènent che à l’autre ou une harde de chevreuils, des bouquetins et aux hameaux, ses sentiers balisés, sa maison de la nature des chamois… —baptisée « Musée de l’Overan »— avec ses connaissances Au col de la Buffaz et à l’alpage de l’Ovine, le loup a fait sa sur l’Histoire d’Entremont, la faune, la flore et qui propose réapparition qui risque d’imposer quelques modifications moult activités et sorties en montagne. Pêcheurs, vous pour- du pastoralisme actuel pour préserver les moutons. Mais le rez rêver en attendant que la truite autochtone morde à respect de la biodiversité mérite bien quelques efforts et votre hameçon dans le Borne, hors de la réserve qui lui est sacrifices. Depuis Mars 2000, le massif des Frêtes et des consacrée. Glières est d’ailleurs reconnu comme site Natura 2000 avec Il y a tellement à faire et à voir que point n’est besoin d’ins- un territoire réparti sur 4 communes, d’Entremont à Thorens tallations qui défigureraient ce magnifique paysage. On les Glières et de La Balme du Thuy à Petit Bornand. nous propose un tourisme doux qui laisse la montagne à la Dans les oiseaux non encore cités, mentionnons rapide- montagne et à ceux qui veulent la découvrir. ment la Bondrée apivore, la Chevêchette d’Europe, la En redescendant sur Bonneville, n’oubliez pas de vous arrê- Chouette de Tengmalm, le Faucon pèlerin, le Grand Duc, la ter pour admirer le Borne qui, tout à coup, s’étrangle entre Gélinotte des bois, le Tétras-Lyre, le Lagopède alpin, le Pic des falaises abruptes. Son onde d’un vert surprenant gronde noir, la Pie-grièche écorcheur. Ainsi que les migrateurs : et se perd sous les rochers comme s’il voulait se cacher puis Autour des palombes, Buse variable, Bécasse des bois, ressort dans un grand bâillement, s’élargit et reprend son Grive litorne, Martinet à ventre blanc, Merle à plastron et, allure de rivière torrentielle comme si de rien n’était. pour finir, le Monticole de roche, magnifique oiseau coloré A Entremont, vous ferez vôtre cette réflexion de Jean qui aime les éboulis et dont le chant est très mélodieux. Giono : « l’homme, on a dit qu’il était fait de cellules et de Quant à la flore, elle semble moins exubérante qu’au début sang… mais en réalité, il est comme un feuillage… Il faut du siècle dernier. Il faut écouter Madame Chevrier, 87 ans, que le vent passe pour que ça chante ! » parler du temps où elle « emmontagnait » avec ses vaches sur la montagne des Auges. Elle se souvient des champs de violettes, des rhododendrons, de l’arnica, des edelweiss, de l’orchis qu’on appelait « la main de Dieu » parce que sa Post scriptum : nos plus chaleureux remerciements à la racine avait la forme d’une main, des gentianes, des immor- municipalité, à Gilles Maistre et son épouse, à la Maison de telles qu’on séchait et dont on faisait des couronnes ; la Nature, aux habitants d’Entremont pour leur aide et leurs chaque maison avait la sienne et le curé venait bénir anecdotes.

Vous aussi participez au projet « Butiner » de Mountain Wilderness

Nous avons besoin de votre aide pour montagne et des hommes : personnes alpages, sentiers, refuges… Si vous avancer sur le projet Butiner en France. proposant de l’hébergement, de la connaissez des acteurs qui pourraient Le but est de mettre en ligne sur un site restauration, de l’accueil, de la entrer dans ce réseau, merci de nous Internet toutes les initiatives de production, des accompagnateurs ou les signaler. tourisme doux existantes en montagne des artisans,… des lieux permettant la Contact : Aurélien Dautrey et participants donc à une économie découverte du patrimoine naturel et ([email protected] - montagnarde respectueuse de la culturel local : musées, expositions, 04 76 01 89 08)

4 mai 2007 arve n°2

Quel avenir pour le Tétras-Lyre en Haute-Savoie ?

Jean–Bernard Buisson - Naturaliste. Réalisateur de films documentaires

Jean–Bernard Buisson, naturaliste, auteur du remarquable film faut faire plaisir à tout le monde, laisser déferler les 4x4 et « Le peuple de l’Alpe », malheureusement non encore projeté en gagner de nouvelles voix aux élections municipales. notre vallée, et d’un livre éponyme (voir note en dernière page) Résultat : plus ou presque plus de grand tétras et une dimi- nous donne ce texte militant pour la sauvegarde du Tétras-Lyre nution dramatique des petits coqs en Haute-Savoie. Alors qui vient compléter —en tant que document de vécu— l’article que je parcourais seul le plateau à skis trois heures durant de Jean–Pierre Courtin paru dans la revue N° 70 MW (Tétras et pour arriver au lieu de mes observations, aujourd’hui je domaines skiables : une étude de l’OGM). peux y aller en voiture, à n’importe quelle époque et je croise cinquante personnes ! Le réchauffement climatique Vingt ans déjà ! Je venais juste d’emménager dans une char- ne va pas arranger les choses. La seule chose à faire était de mante petite ferme savoyarde, entre Samoëns et Taninges. ne pas déneiger, de ne rien dire, de ne rien faire, de laisser Le confort était sommaire, mais nous étions heureux de la nature sauvage tranquille pour les tétras. Nous faisons vivre près du Giffre. L’endroit était stratégique. Je pouvais tout le contraire et les projets de liaisons inter-stations sont satisfaire ma boulimie de nature. Je voulais tout connaître tous de véritables scandales. Traversant les milieux des de mon coin de paradis, mesurant la détresse de mon igno- tétraonidés, ces gros-porteurs vont détruire le symbole de la rance. J’avais encore tout à apprendre ! montagne libre : les tétras. Je ne peux imaginer cette liaison Alors, j’ai regardé derrière la ferme de Plonnex. Jour après Verchaix – Les Gets qui déjà me déchire le cœur ! jour, chaque jour plus loin, plus haut, pour terminer ma La vitalité des alpages est un paramètre essentiel du main- quête au sommet du Plateau de Loex, entre Les Gets et tien de l’espèce. C’est grâce au travail des paysans que les Verchaix. Je connaissais les tanières des blaireaux, les trous paysages alpins ont pu garder leur faune pendant des de la hulotte, les donjons de la renarde. Je suivais les traces siècles. Le constat est là : sur les versants non exploités, le des lièvres bruns ou des lièvres variables. Les contacts furtifs tétras–lyre a disparu. Après l’arrêt de l’activité humaine, le avec l’animal étaient rares. Lire la trace du « blanchon » rhododendron, l’aulne vert, le genévrier prolifèrent, entraî- dans la forêt n’est pas facile et c’est, souvent, lorsque je le nant la disparition de l’herbe donc la raréfaction des espè- cherchais le moins que le « couni » déboulait dans mes ces favorables à l’alimentation des tétras. pieds. Quels souvenirs ! Les câbles meurtriers des remontées mécaniques devraient Puis, un jour, il y eu la découverte des premières chiures de être équipés d’un dispositif d’effarouchement pour éviter grand tétras. Cela ne faisait aucun doute. Je voulais avoir un que les coqs ne se brisent les ailes. contact avec le prince du lieu. J’ai renouvelé alors sans La lutte contre la divagation des chiens et la régulation de cesse mes courses sur le plateau. Personne ou presque ne certains prédateurs trop abondants comme, parfois, martres, croisait ma piste. La route était ouverte tard en saison et la renards, corneilles qui dévorent 36 % des pontes selon les neige était abondante. Mes souvenirs d’affûts sont gravés au études scientifiques, s’avèrent indispensables. La proximité fond de ma mémoire comme autant de moments privilé- des activités humaines (piste de ski, chalets, restaurants d’al- giés, éphémères : l’odeur de la résine et de la neige titude) attire une plus forte densité de ces prédateurs et, fondante sous les premières pluies de fin avril. Les appels de j’ajouterai, les sangliers qui ont toujours le nez par terre et la chouette de Tengmalm comme au commencement du dévorent les œufs pondus au sol. monde. Lorsque le vent était favorable et que la parade du Il faut reconnaître que le Groupement d’Intérêt Cynégétique grand tétras était bien avancée dans la saison, je pouvais des Deux Savoies et la Société d’Economie Alpestre se entendre, au loin, celle des tétras-lyres. Les milieux spécifi- battent pour le maintien de l’espèce et que toutes actions ques des deux espèces étaient très proches. Voici bien un menées en ce sens sont bonnes. Tout cela ne peut être effi- des rares endroits des Alpes françaises où l’on pouvait cace sans la concertation avec les exploitants agricoles car entendre les deux chants en même temps. Que ce concert autant le pâturage est indispensable à la survie du tétras- était royal, unique —un tableau sonore, une œuvre d’art de lyre, autant la méthode pastorale doit–elle respecter certai- plus que nous ne pourrons léguer aux générations futures. nes normes : pas trop de moutons et de surpâturage et pas Nous glisserons idiots et sourds ! de dérangement pendant la couvaison. La sylviculture désordonnée et la surfréquentation de la Le maintien de ce superbe oiseau est l’affaire de tous. La forêt ont eu raison des grands tétras de notre région. disparition du petit coq de bruyère après celle du grand Responsable : le tourisme ou, en tous cas, les communes tétras serait une perte immense, inestimable pour les monta- qui ont permis la transformation des granges paysannes en gnards et les générations futures. superbes villas de week–end avec tout le confort moderne. Le petit coq de bruyère ou tétras–lyre est le symbole de la Il a fallu déneiger, à grands coups de chasse neige, dès vraie montagne, le baromètre de ses écosystèmes. mars–avril, période sensible de la reproduction des coqs. Il

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Quelques brèves ...

Des renforts : Bienvenue sous le soleil de Passy à Juliette, chez Valérie Aumage et Toni Clarasso, nos amis guides, et à Romain, chez Véronique et Philippe Bardarit, nos amis accompagnateurs.

Partie pour l’autre versant : Edith Prajs, médecin à Praz Coutant, nous a quittés en février. Longtemps adhérente de Mountain Wilderness, elle fut l’une des grandes figures de l’opposition à la liaison Passy – Flaine qui aboutira au classement du Désert de Platé.

Réchauffement climatique : Les cascades de Cogne n’apprécient pas. Patrick Gabarrou les a testées pour nous. Bilan : multiples fractures et traumatis- mes. Nos pensées vont vers toi, Patrick, à l’heure de la patiente rééducation.

Lectures : Nous vous recommandons trois ouvrages en lien direct avec le thème de ce numéro. - Le peuple de l’Alpe de Jean–Bernard Buisson. Editions Pages du monde. Collection Anajo. Pour la qualité du travail photo- graphique (principalement situé en Haute-Savoie) et pour le texte très proche de nos thèses. - Robert Hainard, peintre et philosophe de la nature de Roland de Miller. Editions L’Olifant. Collection « Sang de la terre ». Pour mieux connaître la pensée et l’œuvre de celui qui, pour beaucoup d’entre nous, fut un initiateur et demeure un modèle. - Sauver la montagne de François Labande. Editions Olizane. Notre bible à MW ! L’histoire de l’association et une étude fine de l’aménagement de la montagne comportant nombre de pages consacrées au . A commander au secrétariat de MW France à Grenoble. - Et, bien sûr, Premières ascensions au Mont Blanc d’Horace Benedict de Saussure (multiples rééditions) pour l’incomparable relation de sa découverte de la vallée de l’Arve et du Mont Blanc.

Montagne à vivre : - Une initiative autour du tourisme doux en haute vallée de l’Arve : Pascal Payot, agriculteur et accompagnateur en moyenne montagne, 427 route du Pont, 74310 (www.lafermeapayot.com - Portable : 06.87.41.71.57). Fabrication de fromages (tomme, tommette, fromage frais…). Visites et goûters à la ferme et à l’alpage de Blaitière. Magnifique troupeau de chèvres de la race Saanen, à la belle robe blanche. - Christine Mattel, notre sympathique amie de l’Association pour le Respect du Site du Mont-Blanc (ARSMB), prend de la hauteur et, dès ce mois, gardera le refuge des Conscrits au cœur du bassin de Trélatête, haut lieu de la wilderness de haute- montagne. - Centre de la nature montagnarde, Château des Rubins, Route des Gorges de Levaud, 74700 Sallanches (www.rubinsna- ture.asso.fr – 04.50.58.32.13). De nouvelles salles d’exposition, de nombreuses sorties de terrain. A voir absolument : le loup, le lynx, l’ours.

Retenez ces dates : - 2 juin : la montée à vélo. Rendez-vous au parking poids lourds du Fayet, à 13 h 30. Détail sur le site de l’ARSMB : www.arsmb.com ou répondeur : 04.50.54.32.64. (Horaire communiqué sous réserve de confirmation par l’ARSMB). - 23 et 24 juin : Camp de base des Pays du Mont Blanc. Passy, Plaine Joux. 2 journées de débats autour de « la montagne, la randonnée, les règles du jeu ». Avec la participation de MW. - 1ère quinzaine de juillet : nettoyage de la . Dès maintenant vous pouvez vous inscrire pour participer et obte- nir les détails de cette opération (Bernard Démolis : 04.50.93.58.96 ou Bernard Genand : 04.50.34.02.88). Encore des places disponibles. - 31 juillet – 1er août : célébration des vingt ans de Mountain Wilderness. Ascension du Mont Dolent par sa voie normale (Arp Nouva, refuge Fiorio – Val Ferret). Un temps fort d’échange entre adhérents. Voir encadré. - 1er août : Table ronde des associations. 17 h 30. Salle communale, Argentière. Thème : éco–urbanisme et déplacements en vallée de l’Arve. Sous l’égide de l’association Urbasite – Mont Blanc, avec la participation de Mountain Wilderness.

6 mai 2007