Rapport Un Monde Tortionnaire 2013
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Rapport ACAT 2013 Un monde tortionnaire L'ACAT-France est membre de la FIACAT, Fédération internationale de l'ACAT. action des chrétiens pour l’abolition de la torture | www.acatfrance.fr Pour toute information concernant ce rapport, merci de contacter Olivia Moulin : [email protected] TABLE DES MATIÈRES PRÉFACE 9 adolfo pérez esquivel INTRODUCTION Les mille visages de la torture 13 françois walter et jean-étienne de linares GÉOGRAPHIE DE LA TORTURE 21 Afrique subsaharienne | 23 Introduction 25 Afrique du Sud 28 Djibouti 36 Ouganda 44 Togo 52 Amériques | 63 Introduction 65 Argentine 68 Bolivie 76 Équateur 86 Salvador 96 Asie | 107 Introduction 109 Australie 112 Indonésie 120 Népal 128 Pakistan 136 Europe | 145 Introduction 147 Biélorussie 150 Italie 158 Slovaquie 168 Maghreb/Moyen-Orient | 177 Introduction 179 Arabie Saoudite 182 Émirats arabes unis 190 Irak 198 Jordanie 206 ANALYSE DU PHÉNOMÈNE TORTIONNAIRE 217 « Avant, je pensais que les gens qui se faisaient 219 torturer le méritaient. » témoignage de boutros salim shafiq bouchara ghoneim Comment devient-on un bourreau ? 231 entretien avec françoise sironi Former les tortionnaires : l’École des Amériques. 243 marjorie cohn Le commerce des technologies de torture. 255 abi dymond et joe farha Violences sexuelles dans les conflits 273 armés, confluences avec la torture. | évelyne josse La politique européenne en matière d’asile : 285 antidote efficace ou source de torture ? | serge slama La torture en Asie. La faillite de l’État de droit. 299 basil fernando Le refus de la torture : un argumentaire chrétien ? 311 commission théologie de l´acat ANNEXES 323 Définir la torture 324 État des ratifications des traités relatifs à la torture 326 Lexique 333 Note de méthodologie 348 Remerciements et liste des contributeurs 351 Connaître l'ACAT 352 Connaître la FIACAT 354 Légendes 357 Les termes suivis d'un astérisque dans ce rapport font l'objet d'une définition dans le lexique p. 333 6 GEOGRAPHIE DE LA TORTURE . UN MONDE TORTIONNAIRE . RAPPORT ACAT 2013 UN MONDE TORTIONNAIRE . RAPPORT ACAT 2013 . GEOGRAPHIE DE LA TORTURE 7 UN MONDE TORTIONNAIRE . RAPPORT ACAT 2013 . PRÉFACE 9 Preface adolfo pérez esquivel, prix Nobel de la paix en 1980 pour son engagement pour la défense de la démocratie et des droits de l’homme par des moyens non violents face aux dictatures en Amérique latine L’ACAT relève le défi lancé par l’Évangile. Elle suit le commandement de Jésus : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Je suis un survivant de la torture, des prisons clandestines et des « vols de la mort ». Arrêté en avril 1977 par la junte argentine, je n’ai été libéré qu’en juin 1978, la veille de la finale de la Coupe du monde de football qui avait lieu à Buenos Aires. Aupara- vant, entre autres tortures, j’avais été jeté dans un avion pour ce que je croyais être un « vol final » et qui se révéla une macabre simulation d’exécution. La torture et la disparition forcée* étaient des pratiques courantes dans tous les pays soumis aux dictatures fondées sur ce qu’ils appelaient la « doctrine de la sécurité nationale ». Mon pays, l’Argentine, participa à l’« Opération Condor », une interna- tionale de la terreur constituée par les forces armées et les organismes de sécurité du Brésil, de la Bolivie et des États du Cône Sud, qui coopérèrent pour séquestrer, torturer et faire disparaître les opposants politiques. Parmi les quelque 30 000 disparus argentins, beaucoup furent éjectés à la mer ou dans le fleuve de la Plata depuis des avions. Les victimes, qui avaient souvent subi bien d’autres sévices, embarquaient vivantes et droguées pour ces sinistres « vols de la mort ». Ainsi, les religieuses françaises Alice Dumont et Léonie Duquet furent enlevées, séquestrées et torturées, avant d’être précipitées dans l’océan. Le corps de Léonie Duquet, ramené jusqu’à la côte par les courants marins, fut enterré dans une tombe anonyme du cime- tière d’une petite ville balnéaire, à 400 km au sud de la capitale. Ce n’est qu’en août 2005 que son corps fut identifié. Elle repose aujourd’hui dans l’église de Santa Cruz de Buenos Aires, à l’endroit même où, vingt-huit années plus tôt, elle avait été séquestrée avec son amie Alice et plusieurs de celles qui furent connues sous le nom de « Mères de la place de Mai ». Comme elles, des milliers de personnes furent torturées, portées disparues et 10 PRÉFACE . UN MONDE TORTIONNAIRE . RAPPORT ACAT 2013 détenues dans des prisons clandestines. Quant aux femmes enceintes au moment de leur arrestation, nombre d’entre elles accouchèrent en prison avant d’être exécutées. Et leurs bébés furent offerts à des militaires comme « butins de guerre ». Je peux personnellement témoigner de l’action de l'ACAT pendant la terrible dictature qui a ensanglanté mon pays de 1976 à 1983. Cette action fut fondamentale pour faire connaître la situation vécue dans les pays latino-américains, qui étaient presque tous, à cette époque, sous le joug militaire, et pour réclamer le respect de la dignité et de la liberté des personnes et des peuples. Plus tard, après la chute des généraux, l’ACAT fut encore et toujours à nos côtés pour exiger la fin de l’impunité et soutenir celles et ceux qui ne désespéraient pas de retrouver leurs petits-enfants dérobés. Dès les années soixante, l’extrême violence vécue par les peuples amena des groupes et des mouvements chrétiens à s’organiser pour résister aux dictatures imposées sur le continent. C’est à cette époque que naquit, au Séminaire majeur de Medellín en Colombie, le projet de ce qui deviendrait le Service paix et justice en Amérique latine (Servicio Paz y Justicia en América Latina-SERPAJ) 1. Cette organisation assuma la défense des droits de l’homme sur tout le continent et en particulier en Argentine où la sinistre méthode des disparitions fut la plus développée. Officiellement fondée en Colombie en 1974, la même année que l’ACAT, cette association s’est donné pour objectifs de s’engager aux côtés des opprimés dans la recherche du respect intégral des droits de l'homme, de vivre l’Évangile avec les pauvres et de pratiquer la non-violence. Leur étroite parenté avec les missions de l’ACAT est éclatante : toutes deux sont d'inspiration chrétienne œcuménique et toutes deux visent, de manière pacifique, à défendre les victimes de la répression et de la persécution politique. Leurs mandats et leurs actions sont complémentaires. La situation actuelle du monde nécessite le travail d’associations comme l'ACAT, le SER- PAJ et de bien d’autres encore. La torture est utilisée par plus de la moitié des 193 pays membres des Nations unies, certains d’entre eux étant pourtant considérés comme des démocraties exemplaires. Ainsi, les États-Unis d’Amérique proclament la défense des droits de l’homme dans le monde et dénoncent les pays qui ne les respectent pas. En même temps, leur gouvernement viole ces mêmes droits dans des prisons situées sur leur propre territoire ou sous leur responsabilité, continue de détenir illégalement et sans jugement des prisonniers dans le camp de Guantánamo et envoie presque chaque jour ses drones survoler des pays souverains pour y exécuter de présumés terroristes au prix d’innombrables victimes civiles. En Amérique latine, l’habitude du recours à la torture perdure bien après la chute des dictatures, et dans les pays qui n’ont pas connu le joug des militaires, la Colombie ou le Mexique par exemple, la situation des droits de l’homme est particulièrement alarmante. Quant aux démocraties européennes, les conditions d’incarcération désastreuses de leurs prisonniers tout comme leur extrême frilosité à respecter le droit d’asile – exposant UN MONDE TORTIONNAIRE . RAPPORT ACAT 2013 . PRÉFACE 11 ceux qu’elles refusent d’accueillir aux persécutions, à la torture ou à la mort – justifient amplement la vigilance et les protestations exercées par nos associations. Partout où elle est utilisée, la torture vise à provoquer la terreur parmi la population afin de la soumettre et de maintenir un contrôle social. Mais, elle vise également à détruire la personnalité des victimes. Les personnes ayant subi la torture souffrent de traumatismes difficiles à surmonter. Les tourments et les humiliations infligés provoquent la perte de l’estime de soi. Hannah Arendt souligne à cet égard que la souffrance est une expérience particulière que l'on ne peut communiquer et dans laquelle la personne est de plus en plus sujette à la domination des seuls besoins naturels. Le torturé est ainsi confronté à une situation dans laquelle sa nature parle à la place de sa liberté. Sa souffrance s’impose à sa conscience. Sa douleur parle et non plus sa personne. Le traumatisme de la torture se vit tant au niveau individuel qu’à celui de la société tout entière. C’est pourquoi il est indispensable de mener des programmes consacrés au trai- tement des victimes en matière médicale, psychique et sociale. Une société traumatisée par la répression et la terreur de la torture ne se trouve pas dans les meilleures condi- tions pour exercer ses droits sociaux, culturels et politiques. Il est nécessaire de mettre en place des politiques de prévention pour éviter l'usage de la torture et des traitements inhumains et dégradants, au moyen de l’éducation aux droits de l’homme en direction des membres des forces de l’ordre et d'une éducation à la paix dès l’enfance. Le travail de l’ACAT va dans ce sens. Je salue le rapport sur la torture dans le monde qu’elle publie pour la troisième année consécutive. Le faire connaître non seulement aux organismes internationaux, mais aussi au grand public représente une contribu- tion précieuse à la lutte contre ce fléau.