PatrimoineAutomne 2018 • Vol. 13, no 3 • religieuxwww.histoireplateau.org

La Sainte Famille : l’un des rares panneaux en relief du maître sculpteur Louis Jobin (1845-1928), réalisé à son atelier montréalais en 1875 et conservé depuis 1969 à la chapelle des Carmélites de Montréal. Illustration : Gracieuseté des Moniales carmélites de Montréal Saga du Carmel • Cinquante-trois synagogues Églises de la rue Prince-Arthur • Secrets de saint Joseph La stigmatisée • Joseph Guardo • Frère Young San Marziale • Maquette de Saint-Denis • Orgue Beckerath Inventaire des lieux de culte du Plateau ÉVÉNEMENTS / PROJETS - AUTOMNE 2018 SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DU PLATEAU-MONT-ROYAL BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DU PLATEAU-MONT-ROYAL Une saison très animée ! Automne 2018 • Vol. 13, No 3 Les conférences Rédacteur invité :

2018-2019 auront toujours lieu, sauf en avril, Rédacteur en chef : Kevin Cohalan Idola Saint-Jean : à la Bibliothèque du Plateau à 14 h. Rédacteur adjoint : Richard Ouellet Révision : La famille Logan : le jeudi 18 octobre 2018. Claude Gagnon Conférencière : Michèle Jean. Infographie : Renée Dumas et collègues le jeudi 22 novembre 2018. Marie-Eve Côté La famille Lionais : Conférencier : Bernard Vallée. Le bulletin est publié quatre fois par année, les 21 mars, 21 juin, 21 septembre et Les artistes du Plateau : le jeudi 21 février 2019. 21Imprimeur : décembre. Conférenciers : Justin Bur et Amélie Roy-Bergeron. Les Industries Poly, 511,Dépôt rue légal : Rachel Est, Montréal H2J 2H3 Alfred Faniel, le jeudi 21 mars 2019. Conférencier : Gaëtan Dostie. Bibliothèque et Archives Georgette Faniel nationales du Québec (BAnQ) et peintre décorateur, le mardi 9 avril, et sa fille Bibliothèque et Archives (BAC) , stigmatisée (avec projection de vidéo), le mardi 23 avril 2019, à la Société d’histoire du Plateau, salle 432, à 14 h. Cueillette de documents : Conférencier : Michel Gagné. SOCIÉTÉ D’HISTOIRE le mardi 13 novembre, de 10 h à 17 h, DU PLATEAU-MONT-ROYAL Lancement du livre : À la recherche du Plateau d’antan Centre de services communautaires au Centre de documentation et d’archives, local 419. du Monastère par Journées des églises Huguette Loubert. Date à confirmer. 4450, rue Saint-Hubert, local 419 Le projet-pilote Les Journées des églises de Montréal Montréal H2J 2W9 Table de concertation de 514 563-0623 • 514 524-7201 www.histoireplateau.org Montréal du Conseil du patrimoine religieux du Québec , du 7 au [email protected] 9 septembrePasserelles 2018, – était Coopérative une initiative en patrimoine de la Conseil d’administration : , coordonnée par , un organisme du Richard Ouellet, président, Kevin Cohalan, vice-président, Marie-Josée Hudon, secrétaire, Parmi Plateau situé au 5605 avenue de Gaspé. Robert Ascah, trésorier, Gabriel Deschambault, la vingtaine de lieux de culte montréalais qui participaient Huguette Legault, Huguette Loubert, Ange PasquiniWebmestre : et Éric Poterlot, administrateurs. s’en trouvaient plusieurs du Plateau-Mont-Royal, dont Saint-Jean- Baptiste, l’Immaculée-Conception, Saint-Denis, St. Michael’s, Saint- Ange Pasquini VisitesPierre-Claver guidées et Notre-Dame de La Salette. La SHP a été fondée le 8 janvier 2006 Nos quatre et est membre de la Fédération des sociétés d’histoire du Québec. visites guidées estivales ont eu lieu les dimanches : le 10 juin au village de Coteau Saint-Louis, animée par Gabriel Deschambault, le 15 juillet sur la rue Sherbrooke avec Huguette Lou- Elle est un organisme de bienfaisance, numéro bert, le 12 août au parc La Fontaine, encore avec Gabriel Descham- 85497 1561 RR0001. bault, et le 16 septembre, rue Cherrier et carré Saint-Louis, avec VISITEZ LA SOCIÉTÉ D’HISTOIRE ProjetsHuguette Loubert. d’été 2018 SUR FACEBOOK. Marie-Josée Hudon

a coordonné, en collaboration les paroisses Saint-Denis et Immaculée-Conception, nos deux projets d’été subven- tionnés par Emplois d’été Canada. En voir le reportage à la page 34.

Page 2 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 SOMMAIRE PATRIMOINE RELIGIEUX

PORTRAIT DU FRÈRE YOUNG LES SECRETS DE SAINT JOSEPH ...... 4 ...... 16

Marie-JoséeÉDITORIAL Hudon BernardAVIS DE Mulaire RECHERCHE ...... 5 ...... 17

LAKevin SAGA Cohalan DU CARMEL UNEMélanges PETITE religieux ÉGLISE TOUTE SIMPLE ...... 6 ...... 18

CINQUANTE-TROISHuguette Loubert SYNAGOGUES ! Gabriel Deschambault ...... 9

Claude Gagnon

FRÈRE YOUNG ...... 29

Marie-JoséeFERNAND HudonBERGEVIN ACADÉMIE MARIE-ROSE ...... 30 ...... 20 MAQUETTEDanielle Bergevin DE GuyPENSIONNAT Laperrière MONT-ROYAL L’ÉGLISE SAINT-DENIS ...... 23 ...... 31

ÉGLISEComité des UNIE plaques DU SAUVEUR JOSEPHMarcel Arsenault GUARDO ÉGLISES DE LA RUE ...... 24 ...... 32 PRINCE-ARTHUR OUEST ...... 10 LABernard STIGMATISÉE Vallée ORGUEKevin Cohalan BECKERATH DE LA RUE BORDEAUX ...... 33 JustinL’ANCIENNE Bur ÉGLISE ...... 25 SAINT-GEORGES CHAPELLEG. Frenette DISPARUE ...... 12 INVENTAIREMélanges religieux DES LIEUX DE CULTE ...... 34 ...... 26 COMMENTYves Desjardins L’ABBÉ GODIN NOSClaude PROJETS Gagnon D’ÉTÉ A SAUVÉ SAINT-JEAN-BAPTISTE Kevin Cohalan ...... 36 ...... 14 SURLes étudiants LE PLATEAU DE 1890 À 2018 Mélanges religieux ...... 35

TOILESPère René DE Pothier GEORGES DELFOSSE ...... 36

CHRONIQUEKevin Cohalan DU CENTRE DE DOCUMENTATION ...... 37

DANSHuguette NOS Loubert ARCHIVES ...... 38

Huguette Legault Note. Mélanges religieux,

– L’expression assignée par la rédaction à quelques MARIAGE INTERRELIGIEUX faits divers, emprunte le nom du journal EN 1942 FESTIVAL SAN MARZIALE fondé et publié, de 1840 à 1852, par Mgr ...... 15 ...... 28 Ignace Bourget.

Robert Ascah Mélanges religieux

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 3 FRÈRE YOUNG Toile de Marie-Josée Hudon, Musée des Grands Québécois (Voir texte, page 29)

Page 4 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 ÉDITORIAL PATRIMOINE TOUT COURT

Kevin mouvance du concile Vati- Cohalan can II sapait la confiance Vice-président de la SHP des forces conservatrices, et l’effondrement de cet an- cien régime québécois était aussi soudain et imprévu que celui, trente ans plus l vaudrait Latard, notion de l’Union soviétique. Louis XV : agent d’un mieux ne pas réduire au « patrimoine de la grande destin bienveillant ? Pastel religieux » ces grands monuments centenaires noirceur, même si elle ne de Maurice Quentin de la Tour, Musée du Louvre que sont nos cathédrales et églises, nos monas- désignait que les dernières Latères cession et couvents. années de Duplessis, sus- citait un désintéressement,ex nihilo du Canada à la Grande-Bretagne en 1763 voire une antipathie, pour tout ce qui existait avant prolongeait de deux cents ans le séjour des Canadiens l’émergence de ce nouveau Québec, celui de dans l’univers spirituel de leurs ancêtres – tout en la Révolution tranquille, qui, en faisant siennes les leur ouvrant la voie à un système de gouvernement valeurs et les mœurs prédominantes du monde con- Iqui faisait envie aux philosophes. La survie au sein de temporain, entamait son parcours vers la société glo- l’Empire britannique d’un rejeton de la vieille France Nousbalisante sommes et déconstructionniste d’aujourd’hui. engendrait une société unique au monde. (« Le Tibet catholique », ironisait Claudel.) Les événements de en mesure, un demi-siècle plus tard, 1837 et 1838 annonçaient l’éveil d’un peuple capa- de mieux apprécier la culture de cette civilisation per- ble, tout à coup, de réclamer sa place parmi les due qui florissait entre 1840 et 1960, qui était aussi nations de la Terre et de produire un homme d’État catholique que celle de saint Louis de France, et qui, du calibre de La Fontaine ou un prélat de la trempe comme elle, trouvait la plus haute expression de son Pendantd’Ignace Bourget. génie dans la création et l’embellissement de ses égli- ses et ensembles conventuels. Cessons de cantonner plus d’un siècle, l’alliance du trône et de cette étonnante richesse sous la rubrique de « patri- l’autel tenait en échec les tendances libérales et moine religieux ». C’est du patrimoine tout court, à modernistes. À la suite de la Seconde Guerre mon- Adaptésauvegarder d’un article à tout publié prix. dans le bulletin d’automne 2016. diale, pour la jeune génération, le poids de la tradition devenait insoutenable. Le sel perdaitPAGE sa saveur. COUVERTURE La La Sainte Famille

, la plus importante œuvre d’art du Pla- teau-Mont-Royal, est sculptée en 1870 par un Louis Jobin en- core jeune, établi pour quelques années à Montréal avant de poursuivre le reste de sa longue carrière à Québec et à Sainte- Anne-de-Beaupré, et de devenir l’un des sculpteurs québécois les plus célèbres de son temps. Ses reliefs – des « tableaux Louis Jobin en trois temps : un autoportrait sculptés » – sont rares. C’est l’abbé Claude Turmel, du comité sculpté à l’âge de 22 ans et des photos prises vers 1875-1880 et 1925. d’art sacré du diocèse de Montréal, qui a confié en 1969 ce Voirchef-d’œuvre Louis Jobin, aux maître-sculpteur Carmélites de Montréal. Dictionnaire biographique du Canada (Musée du Québec/Fides, 1986) par Mario Béland, conservateur de l’art ancien au Musée national des beaux-arts du Québec. C’est lui également qui signe l’article sur Louis Jobin dans le , volume XV.

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 5 LE CARMEL : SON HISTORIQUE ET LA SAGA DE SA PRÉSERVATION

Huguette Loubert visoire. Après main- Administratrice tes turbulences, un et directrice monastère est cons- du Centre de truit à au documentation bord du fleuve Saint- et d’archives Laurent. Mais cette proximité empêche a communauté la construction d’un e mur devant isoler réclame ses racines au monte les recluses et le site Carmel, en Palestine, au IX siècle avant J.-C. s’avère insalubre. Un Armoiries sculptées à l’entrée Chassée par l’invasion des Sarrasins au XII nouveau monastère du Carmel de Montréal. siècle, elle s’installe en Europe où l’Ordre du est construit dans le Photo : K. Cohalan Carmel est reconnu en 1298. La Règle carmélite, Mile-End en 1895- réformée par Thérèse d’Avila en 1562, est toujours 1896 par l’architecte suivie, tout en étant un peu allégée. La vie quoti- Alfred Préfontaine, dienne est partagée entre vie spirituelle contem- selon les indications de Mère Séraphine, fondatrice plative et travail. et prieure qui elle-même avait également conçu, en L 1857-1858, la reconstruction de celui de Reims. Les Carmélites en prennent posses- Architecturesion le 16 octobre du 1896.Carmel

Le monastère

et les dépendances au style dépouillé sont construits en moellons de pierre équarris. Les toits sont plats à l’exception des versants de la chapelle et Le Monastère du Carmel. Source : L’album du corridor qui sont recouverts d’ardoise. , Eusèbe Senécal & cie, 1900, p. 409 Le site est entouré d’un muret en façade et Le Diocèse de Montréal à la fin d’un haut mur en moellons sur trois côtés Son histoiredu dix-neuvième siècle qui ceinture les ermitages et le grand jardin Les Carmélitesbien ombragé. dans la tempête La fondation Ces lieux, du Carmel de Montréal a été inspirée par une première Carmélite canadienne, entrée au qui respirent la paix et la sérénité depuis Carmel de Reims en France. Celle-ci, Hermine Frémont plus de cent ans, sont soumis à partir de 2003 à (1851-1873) décède prématurément six mois après une véritable tempête. Les Carmélites, qui doivent son arrivée. Afin de répondre à son vœu posthume, faire de nombreux travaux d’entretien du mur, entre sa famille fait des démarches pour l’implantation autres, et de mise aux normes des bâtiments, ne peu- Ledes 6 Carmélites mai 1875, à Montréal. vent en assumer les coûts. Elles achètent un terrain à Lanoraie et mettent en vente le Carmel. À l’hiver six Carmélites françaises arrivent à 2003, elles en avisent le maire Gérald Tremblay de Montréal. Elles sont d’abord accueillies par les Hos- la Ville de Montréal et Helen Fotopulos, mairesse du pitalières à l’Hôtel-Dieu, avenue des Pins, et occu- Plateau, qui leur donnent le feu vert pour la vente pent ensuite, pendant quatre ans, un monastère pro- au privé.

Page 6 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 Les carmélites

lancent un appel réal, Conseil des monuments du front commun et accepte de de propositions. Celle du Groupe et sites du Québec, Comité des s’associer à d’autres instances Prével, avec un projet de 165 citoyens du Mile-End, Comité pour trouver une solution. Un unitésLe de Devoircondos, est acceptée. Un multi-sectoriel des quartiers comité directeur sera créé peu article de Stéphane Baillargeon, Saint-Louis et Mile-End, Coopé- après et Helen Fotopulos s’y dans du 29 mai 2004, rative d’habitation Saint-Denis, Lesengagera médias activement. révèle la transaction. La suite sera Héritage Montréal et la Maison Quelquesrocambolesque. d’Aurore. La Coalition va rece- couvrent largement le voir, en plus, du renfort de plu- sujet. Dans l’urgence, des études jours plus tard, Lor- sieurs personnalités dont Ron patrimoniales sont effectuées, et, raine Decelles, alors présidente Rayside, Dinu Bumbaru, Jean Dé- en novembre, le Conseil du pa- d’Action Solidarité Grand Pla- carie, Phyllis Lambert. Le député trimoine de Montréal dépose son teau, reçoit un appel télépho- nique d’André-Bernard Guévin de l’Association des résidants et résidantes du Plateau (ARRP) qui l’informe qu’une pétition de protestation est lancée par qua- tre résidents avoisinant le Car- mel. Ils contactent Maryse Guin- don de la CDEC (Corporation de développement économique communautaire) Centre-Sud / Plateau Mont-Royal et établissent les principaux objectifs, soit la préservation d’un site patrimo- nial unique et d’un jardin d’une valeur inestimable. Tout en sou- Photo aérienne du Carmel en 1978. Source : haitant la conservation intégrale du site, ils voient d’un bon œil que Répertoire 1984, p. d’architecture 24 le monastère ait une autre voca- traditionnelle sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal. Architecture religieuse II. Les Couvents, Duranttion communautaire.

les semaines qui suivent, de Mercier, Daniel Turp, défend le rapport recommandant la protec- l’action s’organise autour de Lor- Carmel à Québec auprès de Lyne Aution début intégrale du Carmel. raine Decelles, qui anime et coor- LeBeauchamp, dossier ministre de la Culture. donne, et les événements vont se décembre, à la surprise précipiter : en août, une deman- du Carmel est large- de tous, le promoteur décrète un de de classement est faite par ment débattu au Conseil d’ar- moratoire jusqu’au 15 juin 2005 Héritage Montréal ; au début de rondissement du 7 septembre en réponse à la demande de la septembre, quand le promoteur 2004 et une pétition d’un millier Coalition qui a besoin de temps soumet son projet, un commu- de signatures est déposée par pour développer des projets via- niqué annonce la formation de Kevin Cohalan du Centre d’action bles. En janvier, il se dira prêt à la Coalition pour la préservation bénévole de Montréal. La position lui revendre le site au prix qu’il du site du Carmel. Celle-ci est de la mairesse Helen Fotopulos l’avait payé. En février, sous le composée d’une dizaine d’or- est mitigée, étant donné la posi- patronage de l’arrondissement ganismes : Action du Parc, Ac- tion de la Ville, et elle souligne le et de la CDEC, la Coalition publie tion Solidarité du Grand Plateau, caractère privé de la transaction, son document d’appel de pro- Association des résidants et ré- ainsi que la bonne réputation positions signé Ron Rayside. Les sidantes du Plateau, Conseil régio- du promoteur. Elle est cepen- groupes n’ont que deux mois pour nal de l’environnement de Mont- dant ébranlée par les arguments élaborer les projets. À la date

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 7 prévue, dix-huit proposi- tions sont déposées, dont la plus avancée provient de la maison Parent-Roback, avec une maison des nais- sances dans le monastère. Le promoteur est prêt à partager l’espace, mais la Coalition refuse que le jar- Ledin 25soit octobre privé. 2005,

les Carmélites annoncent que d’un commun accord avec le promoteur, elles ne ven- dent plus leur monastère. En réalité, elles sont dans une impasse, car la Com- mission de protection agri- Plaque posée à l’entrée du monastère attestant son classement en 2006 cole du Québec a refusé par la ministre de la Culture. Photo : K. Cohalan leur implantation à Lano- raie, pour un usage institu- Une aire Conclusion tionnel en milieu agricole. Entre-temps, sous la pression du de protection s’ajoutera À la relecture milieu, les différentes instances en février 2007, afin de protéger gouvernementales travaillent à le calme et la confidentialité du des événements, faire classer le Carmel. Les Car- jardin contre des constructions on peut affirmer que la Coalition mélites en comprennent mieux envahissantes.Le Carmel d’aujourd’hui a joué un rôle fondamental dans les avantages, entre autres finan- la sauvegarde du Carmel. Les ciers, et les obligations. L’espoir Le calme participants étaient déçus que renaîtLe classement chez elles. leurs projets ne se réalisent pas, est revenu au Carmel, mais ils étaient conscients que Le 17 février 2006, qui profite d’une seconde jeu- le classement représentait la nesse. La prieure actuelle, Sœur meilleure solution pour la sau- la ministre Marie-Denise Leblond, m’a confié Lesvegarde citoyens intégrale. Lyne Beauchamp annonce l’in- que les Carmélites sont heureu- tention de classer le Carmel et, ses d’avoir conservé le monastère du Plateau chéris- en juin, la décision est effective. et d’être à proximité des hôpi- sent ce havre de paix et peuvent Un plan quinquennal de restaura- taux et des aumôniers, mais que fréquenter1 la chapelle qui est tion, estimé à environ six millions quatre de leurs compagnes âgées ouverte au public tous les jours de de dollars, est planifié et réalisé sont disparues prématurément, la semaine . par les architectes Beaupré, Mi- usées par le stress de l’incerti- chaud et Associés. Les Carmélites tude suivi des inconvénients de font des demandes de subven- vivre dans les travaux pendant tions auprès de la Fondation du Note.six longues ─ 1. années. carmelmontreal.org/visites patrimoine religieux du Québec, Sources : qui couvrent environ 70 % des Pour l’horaire, voir le site . coûts. La différence viendra des Voir les fonds d’archives de la SHP, dont celui de Kevin Cohalan, de la Mai- son d’Aurore et de l’Association des résidantsArchitecture et résidantes Canada du Plateau, ainsi que de autres communautés religieuses nombreux articles de journaux; voir aussi Martin Drouin, « Un lieu de calme et de paix de Montréal. au cœur de la tourmente », dans la revue , le journal de la Société pour l’étude de l’architecture au Canada, vol. 34, No 2 (2009), pages 45-60.

Page 8 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 CINQUANTE-TROIS SYNAGOGUES !

Claude Gagnon Rédacteur adjoint SHP

’est

l’écrivain Mark Twain qui a baptisé Mont- réal « la ville aux cent clochers » lors de sa première visite en 1888. Semblablement, on L’intérieur de la synagogue de la rue Bagg. pourrait illustrer le Plateau d’une certaine époque Photo : © David Kaufman, 2000 Suren évoquant ses cinquante-trois synagogues ! synagogues of Plateau Mont-Royal and Outremont la rue Clark, au coin de Bagg, est située la absorbed the arriving of the Holocaust survivors, synagogue du Temple Salomon, ultime et splendide among them ultra-orthodox sects 5 relique de la 1spiritualité juive du Plateau qui a mar- Cqué définitivement l’immigration dans cette partie ». L’auteure insiste Sarade Montréal. Tauben sur cette distinction propre à Montréal par rapport6 à 2 tout le reste du Canada et des États-Unis concernant a compilé et analysé l’ensemble des Lason pratiqueaccueil répété des Juifs les plus orthodoxes. synagogues de Montréal.e Elle découpe la migration juive en quatre moments et en quatre « aires » distinc- du culte ne suivait pas nécessaire- tes du début du XX siècle. Une première migration ment les vertus. Les synagogues, rappelle madame s’établit entre la rue Sherbrooke et le fleuve ; les sy- Tauben, n’étaient pas toujours pleines au jour du nagogues sont alors situées au-dessus de la rue Viger. Shabbat. Elle explique cette fréquentation relative, Une deuxième monte vers le quadrilatère Sherbrooke qui semble en contradiction avec l’orthodoxie des / Mont-Royal / Hôtel-de-Ville / Jeanne-Mance. Tou- Juifs migrants montréalais, par la nouvelle vie qui jours en montant et allant vers l’ouest, une troisième se développait alors partout sur le continent amé- vague occupe Mont-Royal / Bernard / Saint-Laurent / ricain. Notamment, les conditions de travail fai- Hutchison. La quatrième s’établit à l’ouest d’Hutchi- saient l’objet de nombreux compromis pour per- Lason, première vers Outremont. mettre l’exercice de plusieurs7 travaux durant la Toutpériode au hebdomadaire long sacrée. synagogue construite au-dessus de a shtetl within a shtut 8 Sherbrooke, entre Clark43 et Saint-Laurent, est le des arrivants, la communauté grandit Shaare Tefillah en 1892. En 1940, il y a environ 45 comme « » , un village auto- synagogues à Montréal. Sara Tauben note que the les nome dans une ville. On parle alors d’un Montréal vagues de migrations juives de Montréal se pour- juif prospère, mais9 qui vit aussi dans une tradition suivent encore après la Deuxième Guerre et que « spirituelle intense. Note. ─ 1

Remerciements à madame Lauren Laframboise, coordonnatrice2 à la recherche duTraces Musée of du the Montréal Past : ’s Juif, pour Early ses Synagoguesinformations sur l’histoire des synagogues du3. Plateau/Mile Idem 4.End. Idem Dans ce dernier5. Idem quartier de6. l’arrondissement,Idem Their précise [Jewish madame immi- grants’]Laframboise, unanimous il y a encore continued plusieurs affiliation synagogues with orthodoxy hassidiques is unique actives ; in Montreal . Sara Ferdman7. Idem Tauben, 8. Idem Glossary of Yiddish Words and ,Phrases Montréal, Véhicule Press,shtot 2001 ; shtut, p. 46 ; , 9.p. 43 ; , p. 120 ; , p. 123. « » ; , p. 44 ; , p. 42. Le traduit le mot « » (= « ») en « ville » ; La présence Architecturalde toutes ces History synagogues of Memories a fait l’objet of Mile d’une End recherche pédagogique qui a produit deux cartes illustrant leur venue et leur disparition au cours des ans. L’auteur de la recherche et des cartes est la professeure Susan Bronson de l’Université de Montréal : projet , année 2000. On peut consulter les cartes des 53 synagogues répertoriées et localisées au Musée du Montréal Juif.

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 9 LES ÉGLISES DE LA RUE PRINCE-ARTHUR OUEST

Justin fer du Grand Tronc), John Molson, Bur Thomas Cramp et F.W. Thomas ; Membre de tout au long de son existence, elle a la SHP et de compté parmi ses fidèles des gens Mémoire du de la classe moyenne supérieure, Mile End dont le célèbre photographe L’édificeWilliam Notman et sa famille. a rue Prince-Arthur Ouest de style néogothique, asymétrique et robuste, a été traverse le quartier conçu par l’architecte d’origine Milton-Parc, entre l’univer- anglaise William Tutin Thomas sité McGill et e le boulevard Saint- (1829-1892), connu pour avoir Laurent. Pendant la première réalisé d’autres églises anglicanes moitié du 20 siècle, c’était un (dont St. John the Evangelist, secteur résidentiel de la bour- quelques rues plus bas, en 1878), L’église St. Martin’s. Source : geoisie anglo-protestante. On y de grandes demeures (notam- 8 avril 1876 trouvait donc quelques églises ment celle de lord Shaughnessy Canadian Illustrated News, Langlophones non catholiques, en 1875, qui forme aujourd’hui dont la majorité a disparu. le cœur du Centre Canadien d’Architecture) et des magasins- l’église, démolie. Rien n’a été entrepôts très caractéristiques reconstruit sur le site, qui sert du Vieux-Montréal. Malheureu- L’egliseencore de stationnement. sement, l’église St. Martin’s a été construite sur un sol instable First Presbyterian est avec des fondations insuffisantes, issue de la fusion en 1910 de deux ce qui a entraîné des problèmes anciennes congrégations. St. Ga- Destructurels 1919 à graves 1950, et récurrents. briel Street Presbyterian était la première église écossaise à Mont- la paroisse a réal, dont les origines remon- connu un seul recteur, le révérend taient à 1786. Chalmers Presby- Roger S.W. Howard (1868-1963). terian, fondée en 1873, avait des L’église First Presbyterian. Photo de Mathilde Brosseau dans son étude Au cours de ces années, les dettes racines dans une mission presby- liées à la construction et aux répa- térienne de la côte à Baron. Son , Parcs Canada, 1980Le rations coûteuses de la structure église, située au 3560 boulevard style néo-gothique dans l’architecture de l’édifice ont été épongées. Saint-Laurent (actuel stationne- du Canada Pendant Cette stabilité était pourtant ment de la banque TD Canada illusoire. Comme la fréquentation Trust, au sud de Prince-Arthur), les 80 anser suivant son de l’église était en baisse et que a servi à la nouvelle congréga- inauguration, le 1 novembre l’édifice souffrait encore de pro- tion First Presbyterian en atten- 1874, l’église anglicane St. Mar- blèmes de structure, la corpora- dant la construction d’une nou- tin’s se dressait fièrement au 3600 tion de la paroisse a décidé de fer- velle église. Celle-ci a été érigée rue Saint-Urbain, au coin nord-est mer l’église le 6 juin 1954, quatre au 3664 rue Jeanne-Mance, juste de la rue Prince-Arthur. La con- ans après le départ à la retraite au nord de Prince-Arthur, selon grégation a été fondée par quatre du révérend Howard (âgé de 82 les plans de style néogothique hommes fortunés : C.J. Bridges ans). Le terrain a été vendu à des architectes Hutchison, Wood (directeur général du chemin de l’hôpital Sainte-Jeanne-d’Arc et & Miller, et inaugurée en 1911.

Page 10 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 Seul ou avec des associés, le pro- sidentielles d’églises à l’époque, a pu facilement s’assimiler (voir lifique architecte Alexander Cow- Lesle projet pasteurs n’a pas fait l’unanimité. le bulletin de la SHP, été 2018). per Hutchison (1838-1922) avait À Montréal, elle est devenue es- fait sa renommée en concevant de ces deux sentiellement anglophone, bien le musée Redpath de l’université églises, Howard et Campbell, sont que ses églises, protestante et McGill, les palais de glaceLa Presse des car et- décédés le même jour, le 26 juin catholique, célèbrent encore des navals d’hiver des années 1880, 1963. Trois jours plus tard, dans offices en allemand. l’édifice du journal un éditorial non signé où trans- l’église Erskine & American, de- paraît néanmoins le style dis- venue la salle Bourgie du Musée tinctif de l’historienThe Gazette et rédacteur des beaux-arts. en chef Edgar Andrew Collard, le journal a célébré les décennies de service de ces deux grands pasteurs. D’une cer- taine façon, on peut voir ce texte comme le constat de la fin d’une époque. De profonds change- ments sociaux étaient alors en train de se produire au Québec, chez les francophones comme L’église St. John’s aujourd’hui. chez les anglophones. Site Web de l’église

L’église St. John’s L’église First Presbyterian transformée en logements. Photo par Justin Bur, août 2018 , initiale- ment située dans le faubourg L’eglise Saint-Laurent, a déménagé au 3594 rue Jeanne-Mance en 1907, First Presbyterian a été peu avant l’arrivée de sa voisine dirigée par un seul pasteur, le presbytérienne de l’autre côté révérend Malcolm Arthur Camp- de la rue Prince-Arthur. Son ar- bell (1875-1963), pendant 52 chitecte Richard Montgomery ans, depuis sa fondation jus- L’église St. John’s Lutheran vers 1910. Rodden (1871-1965), également qu’en 1962. Le révérend Camp- Source : , 1915, concepteur d’un palais de gla- bell, né en Ontario et diplômé de p. 120, archive.org ce en 1909, a employé la pierre Montreal Old and New Presbyterian College à McGill, artificielle pour créer une élé- a aussi présidé la commission Une troisième gante façade aux arcs surbaissés scolaire protestante pendant (style Tudor). Entourée depuis les 29 ans. Ses paroissiens seraient église appartient années 1970 par l’une des tours venus de toute la région métro- aux protestants de langue alle- du complexe La Cité, l’église af- politaine pour l’entendre prêcher. mande de Montréal. L’église St. firme encore l’échelle historique Son église a quand même réussi John’s Lutheran, fondée en 1853, de la rue Jeanne-Mance. C’est à rester ouverte pendant une était sa première congrégation. Il la moins exubérante des trois vingtaine d’années après son est facile d’oublier l’importance églises de la rue Prince-Arthur départ, jusqu’à la fusion, en 1984, de l’immigration germanophone et la seule qui soit encore fonc- avec une congrégation du quar- au Canada, car cette population tionnelle aujourd’hui. tier Notre-Dame-de-Grâce. En Note. Dictionnaire historique du Plateau Mont-Royal 1986, l’édifice a été transformé – Une partie du texte est adaptée de l’article « St. Martin’sThe Gazette Church » du en logements, selon les plans de (Écosociété, 2017), dont Justin Bur est l’architecte allemand Uwe Peetz. l’un des co-auteurs. Voir aussi « Canon Howard and Dr. Campbell », , 29 juin Comme d’autres conversions ré- 1963, p. 6.

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 11 L’ANCIENNE ÉGLISE SAINT-GEORGES

Yves Desjardins factures sont nombreuses à s’ins- les Religieux de Saint-Vincent- Mémoire taller le long de la voie ferrée afin de-Paul affichent donc claire- du Mile End L’archevêquede profiter de ses avantages. ment leur intention d’en faire une Le« paroisse Père ouvrière modèle ». de Montréal, Paul Bruchési, multiplie donc les nou- L’Action ouvrière Émile Piché rédigera velles paroisses. Le 27 juin 1908, un bulletin paroissial mensuel, u début e il érige Saint-Georges, en démem- . Dès le premier brant une partie du territoire numéro,On estil écrit : allé le chercher loin A du XX siècle, la de Saint-Enfant-Jésus. Les limi- celui-là! partie du Mile End située tes sont la voie ferrée au nord, aux environs de la voie la rue Hutchison côté ouest, la – Cette spirituelle ré- ferrée du Canadien Pacifique est rue Saint-Viateur au sud et Hen- flexion d’un bon canayen à pro- encore peu développée. Quelques ri-Julien à l’est. Les débuts sont pos de ma nomination, je tiens duplex et triplex, solitaires, pous- modestes : la paroisse ne compte à la commenter paternellement sent au milieu des anciens pâtu- initialement que 220 familles. On avec vous, mes chers amis. rages et des marécages recou- loue d’abord deux petites mai- Loin ! – vrant les carrières de pierre aban- sons contiguës rue Saint-Urbain. Oui et non, – données. Mais cette situation ne On en abat les cloisons et l’ensem- Certes Paris n’est pas au ble, surnommé « château Brière », Mile-End et le bateau qui me sert à la fois d’école, de chapelle portait a fait ses quatorze cents et de résidence pour le curé et lieues, – Paulson vicaire. Bruchési

confie la nouvelle paroisse aux Religieux de Saint-Vin- cent-de-Paul, un ordre créé en France pour œuvrer auprès des ou- vriers. Pour la diriger, on rappelle au pays l’un de ses anciens confrères d’étude, Émile Piché. Celui-ci revient à Mont- réal le 4 juillet 1908, Académie Saint-Georges, rue Waverly. après une absence de 34 ans. À Paris, Émile Piché Le père Émile Piché. était responsable du cer- cle ouvrier Montparnasse situé Mais celui qu’il transportait dans un quartier « rouge ». L’Œu- n’a jamais, quant à son âme, vre des cercles catholiques ou- quitté le Canada. […] J’étais près va pas durer : Montréal vit alors vriers a été créé après l’insurrec- de toi, ô mon Canada, au sein une des plus fortes poussées tion de la Commune de Paris en de la population ouvrière et démographiques de son histoire. 1871. L’intention affichée est de révolutionnaire de Charonne à Les immigrants et les ruraux ca- rechristianiser les quartiers po- Paris et je songeais aux 1heures nadiens-français affluent par mil- pulaires, livrés aux anarchistes, néfastes où l’on prêcherait le liers à la recherche d’emplois. Au communistes et socialistes. En ac- socialisme dans tes rues. Mile End, de surcroît, les manu- ceptant la cure de Saint-Georges,

Page 12 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 Pour Malgré

accomplir ses desseins, son zèle Émile Piché fait preuve d’une inlassable, le curé énergie peu commune. En 1909, Piché fait face à de un édifice neuf fait son apparition nombreux obsta- rue Waverly, au nord de Bernard : cles. Les finances l’Académie Saint-Georges. C’est de Saint-Georges un lieu polyvalent qui comprend dépendent de la chapelle, école, résidence, ainsi composition eth- que le patronage – un centre de nique du quar- loisirs destiné à enseigner l’esprit tier : et si, effec- Lachrétien croissance aux jeunes garçons. tivement, la popu- lation protestante rapide fait en sorte va en diminuant, École Dollard, rue Saint-Urbain. que, dès 1910, l’Académie ne suf- il n’en va pas de fit plus à la tâche. On confie aux même des Juifs, Frères Maristes la nouvelle école de plus en plus Dollard – qui sera renommée nombreux à emménager au Mile à plusieurs emprunts : il laisse la Lambert-Closse – réservée aux End. Émile Piché n’hésite pas paroisse et le Patro lourdement garçons et située rue Saint-Ur- d’ailleurs à faire preuve d’un an- Laendettés. paroisse tisémitisme virulent pour enjoindre ses Saint-Georges et le paroissiens à résis- Patro survivront à ces difficultés, ter à ce qu’il assim- grâce au dévouement des Reli- ile à une invasion. gieux de Saint-Vincent-de-Paul, Autre coup dur : la mais aussi grâce à l’entraide : seul paroisse irlandaise centre communautaire franco- St. Michael construit phone du Mile End pendant près en 1915 sa nouvel- de 70 ans, le Patro est source de le église rue Saint- fierté pour ses membres et témoi- Viateur Ouest, à gne du sentiment d’appartenance deux pas de Saint- au quartier. Mais les décennies Patro Le Prevost, rue Saint Dominique. Georges. Les catho- 1960-1970 seront fatales. Non liques irlandais, qui seulement la fréquentation reli- s’installent dans les gieuse est en chute libre, mais la rues avoisinantes, ne Ville de Montréal a entrepris, à bain, tandis que l’Académie, di- paient évidemment pas leur dîme la fin des années 1960, de nom- rigée par les sœurs de Sainte- à la paroisse francophone. Anne, accueille les filles. Surtout, De plus, le déclenchement Émile Piché recueille sans cesse de la Première Guerre des fonds afin d’entreprendre ses mondiale impose un brus- deux grands projets : un immeu- que coup de frein à la crois- ble distinct pour abriter le Patro sance. Peut-être usé par et une église. Le Patro ouvre ses tous ces problèmes, Émile portes rue Saint-Dominique, le Piché décède le 17 janvier 15 février 1914, tandis que 1917, à 61 ans. On décou- l’église est inaugurée le 5 décem- vre alors que, pour réaliser bre 1915. Dans ce dernier cas, il tous ses projets, il a recouru s’agit d’un imposant édifice de Église Saint-Georges, rue Bernard. style roman, situé rue Bernard entre Saint-Urbain et Waverly.

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 13 breuses expropriations afin de procéder au raccor- dement de la rue Clark, au nord des voies de chemin de fer, à la rue Saint-Urbain, au sud de l’avenue Van Horne, raccordement qui s’inscrit dans le projet plus large de la construction du viaduc Rosemont-Van Horne. Des centaines de familles sont expulsées du L’églisequartier, alors considéré comme une zone grise.

Saint-Georges, pourtant conçue pour durer des siècles et des siècles, de même que l’Académie du même nom et le presbytère, sont démolis en jan- Intérieur de l’église Saint-Georges. vier 1971. La Commission des écoles catholiques de Montréal les avait achetés afin d’y construire la nou- velle école Lambert-Closse, pour remplacer celle de la rue Saint-Urbain, démolie pour faire place au tun- ces érigés du temps d’Émile Piché ont ainsi disparu. nel. Le Patro est emporté par un incendie en janvier Quant à la paroisse Saint-Georges, elle a été réabsor- 1977Notes. ―(il 1.sera reconstruit à Villeray).L’action ouvrière Tous les édifi- bée par Saint-Enfant-JésusLes illustrations en 2001.

« À mes paroissiens », , vol. 1, no 1, novembre 1908. viennent des archives du Patro YvesLe Prevost, Desjardins sauf celle de l’école Dollard, tirée des archives des Frères HistoireMaristes. du Mile End Dictionnaire historique du Plateau Mont-Royal , membre de Mémoire du Mile End, est l’auteur de l’ (Septentrion, 2017) et l’un des co-auteurs du (Écosociété, 2017). COMMENT L’ABBÉ GODIN A SAUVÉ L’ÉGLISE SAINT-JEAN-BAPTISTE

é en 1912,

Paul Godin fait ses études élémentaires à l’école paroissiale Saint-Jean-Baptiste, rue Laval. Ordonné prêtre en 1941, il devient vicaire de sa paroisse natale de 1942 à 1963 et y retourne comme curé en janvier 1967. Il doit alors faire face à des « contrats signés pour mettre l’église à la mode du moment [et pour] supprimer à peu près1 tout ce qui fait de cette église […] l’une des plus belles de l’archidiocèse de Montréal. Il résista aux assauts et réussit à Paul Godin à 10 ans, conserver à “ son église ” son caractère.Le curé »Godin, rue Rachel, février 1923.1 « amoureux de son église, […] n’ap- N prouvait pas cette dilapidation, d’autant plus que les finances de la Fabrique ne permettaient pas une telle dépense. Il fit venir l’entrepreneur-décorateur et lui déclara : “ Puisque les contrats sont signés, faites votre ménage, mais je dois vous avertir d’une chose : c’est que vous2 ne serez pas payés. La paroisse n’en a pas les moyens ”. » Les contrats sont an- nulés et « depuis ce temps, le curé Godin a dû résister à d’autres assauts. » Monsieur l’abbé Paul Godin, mars 1991, l’année de ses cinquante ans de ministère sacerdotal et de son décès. Photo : L’abbé Claude Turmel du Comité d’art sacré du diocèse1

Notes. 1. Un pasteur exception- nel 2. Saint-Jean-Baptiste de Montréal ― Citations et photographies tirées des brochures paroissiales : , Fabrique et Archevêché, 1991 ; , Sœur Marthe Beaudoin, r.s.c.j., 1979. ― Mélanges religieux

Page 14 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 MARIAGE INTERRELIGIEUX EN 1942

Robert Ascah grâces de l’Église tout en mariant Trésorier une personne d’une confession de la SHP religieuse différente. La religion anglicane est probablement la re- ligion protestante la plus proche de la religion catholique, mais il u cours faut tout de même montrer patte blanche et obtenir une dispense, A de l’année 1942, de la part du curé, pour ce qu’on Frédérick Ascah, jeune an- C’estappelle donc un mariage mixte.Je vou mari- glo-protestant de trente er la pu bel fille de vot paroiss Frédérick Ascah et Jeanne Besner ans, utilise son français laborieux à coup de « le 13 juin 1942, jour de leur mariage. Archives familiales pour tenter de convaincre le curé » que Vincent Piette de la profondeur le pauvre Fred, en sueur, doit uti- de son amour pour une bonne liser tous ses talents linguistiques flight lieu- catholique rattachée à la paroisse pour démontrer la sincérité de ses tenantpoursuit sa formation pour deve- Saint-Stanislas-de-Kostka, Jeanne intentions. Après une heure,Fred, le curé you nir capitaine d’aviation ( Besner, qui habite un apparte- havePiette, convinced qui devait me of être your un true joyeux love ) dans la Royal Canadian ment rue Saint-Joseph, à proximi- forpince-sans-rire, Jeanne lui dit : « Air Force (RCAF), où il deviendra té de l’église. À l’époque, obtenir un spécialiste des radars. Res- l’accord du curé est essentiel si on ». Parfaitement bilingue, ponsable d’une station de radar veut demeurer dans les bonnes il n’avait pas dit un mot en anglais à Terre-Neuve et, par la suite, en pendant tout l’échange, laissant Angleterre, en France et en Alle- Fred se dépêtrer du mieux qu’il magne, il rencontrera un aumô- le pouvait. Après avoir pris divers nier catholique qui l’impression- engagements, entre autres que les futurs enfants seraient élevés dans la foi catholique et iraient à l’école française, Fred reçoit enfin l’autorisation de pouvoir marier Lesa bellemariage Jeanne.

a lieu le 13 juin 1942 dans une chapelle au sous-sol Mgr Vincent Piette. de l’église Saint-Stanislas. En ef- Archives de l’Université de Montréal fet, un mariage interreligieux ne pouvait se dérouler dans l’église principale (on ne voulait quand même pas trop encourager ce nera beaucoup. Cette rencontre genre de chose…). Le soir même, (ainsi que le fait que Jeanne était Certificat de mariage signé par les amoureux prennent le train un ange, selon ses dires) l’incitera le curé Piette. Archives familiales pour un court voyage de noces. à se convertir au catholicisme à Effectivement, Fred doit bientôt son retour de la guerre, mais cela NDLR. retourner à sa base militaire où il est une autre histoire.

― Mgr Joseph Vincent Piette (1869-1944), curé-fondateur de la paroisse Saint-Stanislas-de-Kostka, en est curé de 1910 à 1922 et de 1935 à 1944; il fut aussi vicaire général et protonotaire apostolique de Montréal en 1922-1923 et recteur de l’Université ― Mélanges religieux de Montréal de 1923 à 1934. C’est lui qui engage l’architecte Ernest Cormier pour concevoir le bâtiment principal de l’université sur le versant nord de la montagne et lui qui « accueille à bras ouverts » Mère Marie Gérin-Lajoie et les religieuses de l’Institut de Notre-Dame du Bon-Conseil, les invitant à s’installer dans sa paroisse. Il est inhumé dans l’église. Le nom de la rue Vincent-Piette, près de la Longue-Pointe, honore sa mémoire.

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 15 LES SECRETS DE SAINT JOSEPH

Bernard Mulaire saint Joseph qui avait surmonté Membre la façade du pavillon Marie- de la SHP Morin depuis 1924. Soulignons que saint Joseph est le saint pa- tron des Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph, fondatrices de Lel’Hôtel-Dieu Saint-Joseph de Montréal. n 2015, du CHUM est le Centre hospitalier une œuvre du sculpteur Olindo de l’Université de Montréal Gratton (1855-1941), le même (CHUM), nouveau proprié- qui réalisa les anges de l’église taire de l’hôpital Hôtel-Dieu de Saint-Enfant-Jésus, lesquels furent Montréal, confia au Centre de restaurés à l’initiative de la Société conservation du Québec (CCQ) d’histoire du Plateau-Mont-Royal La statue de saint Joseph immédiate- la restauration de la statue de (SHP). Dirigé sur une période ment avant son installation en 1924. Photo : Archives des Religieuses de Le huit Retour ans par des Kevin anges Cohalan, Hospitalières de Saint-Joseph vice-président de la SHP, le pro- E jet redonna toute sa splendeur à la façade de l’église de la paroisse fondatrice anges sur la toiture de la chapelle Ledu Mile-End.Saint-Joseph Notre-Dame-de-Bonsecours dans le Vieux-Montréal. Les treize sta- de l’Hôtel-Dieu tues de Gratton sur la façade de avait été sculpté sur bois par Grat- la cathédrale Marie-Reine-du- ton, puis, dans le but d’en assurer Monde à Montréal sont aussi des la longévité, le sculpteur l’avait Aucuivres cours repoussés sur bois. recouvert de feuilles de cuivre Saint-Joseph martelées sur le bois. Ensuite, de la restauration du celles-ci avaient été soudées entre du CHUM, quelle ne elles aux jointures. C’est ce qu’on fut pas la surprise des restaura- appelle la technique du cuivre teurs du CCQ, dirigés par Aude repoussé sur bois ou le bronze Connord, de découvrir que la Endes effet,pauvres. statue renfermait des secrets. En effet, ils trouvèrent deux capsules le cuivre repoussé sur temporelles encaissées dans bois permettait la réalisation l’âme en bois de la statue ; celles- d’œuvres moins coûteuses queSaint- le ci prenaient la forme d’une bou- bronze.Jacques-le-Majeur Cette technique a été uti- Lesteille capsuleset d’un tube en verre. lisée partout au Québec. Le de Gratton et contenaient des Laperle (Richard Banlier dit La- documents révélant que la statue perle) sur la façade latérale de avait été bénie le 27 juin 1924, En 2015, on découvre, dans une l’église Saint-Jacques, maintenant fête du Sacré-Cœur, et érigée le capsule temporelle, un document intégrée au pavillon Judith-Jas- 30 juin suivant. Sont indiqués les renfermant sous la rubrique « J. M. J. » min de l’UQAM, rue Sainte-Cathe- noms des donateurs et est attesté (Jésus Marie Joseph) la liste des noms des donateurs. rine Est à Montréal, est faite de le fait que la statue est l’œuvre cette façon, de même que, de La- du sculpteur Joseph O. Gratton perle, la Vierge colossale et ses de Sainte-Thérèse-de-Blainville.

Page 16 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 De plus,

Il avait utilisé des blocs de bois s’y trouvaient une prière de l’aile de l’orphelinat bâti en à saint Joseph et deux coupures de 1861 ; ces chevrons avaient été journaux datant du lendemain de enlevés en 1923 pour la construc- la bénédiction. On y apprend que tion du Département des gar- la statuee mesure 10 pieds 2 pou- des-malades. On y trouve aussi ces. On y dit que « c’est à l’occasion les noms des employés, ingénieur, du 3 centenaire du patronage de menuisier, électriciens, ferblan- saint Joseph que les religieuses, tier, plombier qui travaillèrent à avec un groupe de bienfaiteurs, la réalisation de la statue. ont rendu cet hommage au grand Sursaint, demande patron du Canada ». Le même document identifie l’artiste- sculpteur et les chevrons dont il s’est expresse des Re- servi en façonnant son œuvre. ligieuses Hospitalières, les cap- sules et leurs documents furent On devine « Document déposé dans cette statue le replacés dans la statue restau- 2 juillet 1924 ». rée avec, en supplément, une la tête que vont faire capsule faisant état des travaux ceux qui les trouveront dans Bernard Mulaire Olindode restauration. Gratton (1855-1941) : Religion et sculpture90 ans! Dictionnaire des artistes de langue française en Amérique du Nord est l’auteur de l’ouvrageAllgemeines Künstlerlexikon , Montréal, Les Éditions Fides, 1989. IlRemerciements a aussi signé les entrées sur Gratton dans David Karel, , RapportQuébec, deMusée restauration du Québec final / PUL, 1992, et dans , München/Leipzig, tome 60, 2008. au CCQ pour des photographieswww.youtube.com/watch?v=deGAJTu10fY&t=47s © J. Beardsell/Centre de conservation du Québec/2015. Voir aussi son (dossier # O-2012-22), publié en février 2017, ainsi que, sur YouTube, son reportage de trois minutes sur la découverteAVIS en 2015 DE des capsulesRECHERCHE temporelles : SAINT BASILE. LE GRAND Le pensionnat

Saint-Basile, ancienne école pour filles au 465 avenue du Mont-Royal Est – lequel loge aujourd’hui la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal, la bibliothèque du même nom et une habitation pour personnes âgées –, a été construit en 1896 par les Sœurs de Sainte-Croix; il est l’œuvre, comme l’église sise en face, des architectes Resther père et fils. Les dates inscrites sur la façade, 1847 et 1896, sont celles de l’arrivée de la CongrégationLe vocable de Sainte-Croix au Canada et de l’inauguration du pensionnat.

de Saint-Basile rend hommage à la fois à l’un des principaux Pères de l’Église, saint Basile le Grand (329-379), et à son homonyme Basile Moreau L’on(1799-1873, voit béatifié en 2007), fondateur de la Congrégation.

ci-contre, dans la niche au sommet de l’édifice, le monument aujourd’hui disparu de saint Basile le Grand. Don en 1921 des anciennes de l’école, la statue avait huit pieds (2,4 m) de hauteur, sur un piédestal de trois Depuispieds et demi (1 m).

plusieurs années, à la suite de l’ouverture de la Maison de la culture en 1984, le monument n’est plus là. De nombreuses recherches de notre part Photosdemeurent prises sanspar Pierre-Richard résultat. Où Bissonse trouve-t-il ? en 1979. Source : Collection Images d’aménagement, Direction des bibliothèques, Université de Montréal, PB27657 et PB27659

― Mélanges religieux

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 17 UNE PETITE ÉGLISE TOUTE SIMPLE LE SANCTUAIRE DU SAINT-SACREMENT

Située Gabriel Deschambault sur l’avenue du Mont- Membre du CA Royal, tout à côté du métro, cette de la SHP église se fait très discrète avec son implantation en bordure du trottoir ; de plus, son architecture sobre et tranquille n’attire pas on propos vraiment le regard des passants. C’est malheureux, puisqu’il s’agit sur le patri- d’un monument extraordinaire, moine religieux du Pla- chargé d’une histoire sociologique teau vous présente l’égli- tout aussi exceptionnelle que celle se de Notre-Dame-du-Très-Saint- Unde son peu intérieur. d’histoire Sacrement. Connue aujourd’hui sous le vocable de « Sanctuaire du Les religieux Saint-Sacrement », c’est avant tout l’église de mon « petit » quartier ; du Très-Saint- mon église préférée ; mon église Sacrement, congrégation fondée Md’enfance et la maison d’une com- en France en 1856, arrivent à munauté religieuse hors de l’ordi- Montréal en 1890 et très rapide- naire, dont les derniers membres ment s’installent dans une mai- Insigne à motif d’ostensoir, porté par montréalais s’apprêtent d’ailleurs son de l’avenue du Mont-Royal, des laïcs membres de la Congrégation. Collection Gabriel Deschambault à quitter définitivement leur lieu angle Saint-Hubert. Ils y aména- Depuisde résidence, le monastère. gent une petite chapelle dédiée à l’« adoration perpétuelle » de l’Eu- 2000, au moment où les charistie, où le Saint-Sacrement par cette approche presque mys- religieux trop peu nombreux ont est exposé en permanence et, au- tique de l’adoration du Saint- remis les clés du sanctuaire au près de lui, les fidèles se relaient Sacrement. L’impact est immédiat diocèse, jugeant qu’ils ne pou- dans une chaîne ininterrompue, et la fréquentation de la chapelle vaient poursuivre adéquatement comprenant notamment l’adora- commande une construction plus leur mission, les lieux ont été con- Letion Québec nocturne. substantielle. C’est la firme d’ar- fiés aux Fraternités monastiques chitectes Jean-Baptiste Resther et de Jérusalem qui ont redonné un très religieux de l’épo- fils qui produira les plans de l’en- souffle nouveau aux lieux. que, et la population montréa- semble conventuel ; ces architectes laise en particulier, est subjugué sont également responsables de la conception de plusieurs immeu- Lables pose du quartier immédiat.

de la première pierre est faite par monseigneur Édouard- Charles Fabre, archevêque de Montréal, en 1892. Les différentes phases des travaux de construc- tion s’échelonnent sur une période deLe Sanctuairequinze ans. vu sur une carte postale de 1908. Archives des Pères du Saint-Sacrement

Page 18 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 En 1926,

on crée la paroisse du que, est celle de l’appel à tous Très-Saint-Sacrement et la com- lancé en 1920 par les reli- munauté des Pères souhaite con- gieux afin d’offrir un nouvel struire plus gros et plus beau. La ostensoir plus digne et plus crise financière aura raison des à la hauteur que le petit os- divers projets et notre belle vieil- tensoir de leurs débuts. Dans le église sera conservée dans sa une publication de 1941, on simplicité. Sa survie fut à nouveau fait un compte-rendu du pro- menacée dans les années 1970, jet « Tousen ces termes : les amis lorsque l’on souhaite densifier les abords de la station de métro et du Grand remplacer l’église par d’immen- Pauvre de l’Hostie furent ses tours d’habitation. Encore invités à contribuer à la une fois, la vieille église résiste. confection du futur bijou La Ville refuse la démolition et par l’offrande de l’argent, demande au ministère des Af- de l’or et des pierres pré- faires culturelles du Québec cieuses. L’appel fut enten- d’évaluer la faisabilité du classe- du et reçut une réponse ment de l’ensemble. En octobre magnifique, qui donna lieu 1979, l’ensemble est classé mo- à des sacrifices profondé- Le « trône d’exposition » en 1915. Unnument incendie historique. ment édifiants, parfois hé- Archives des Pères du Saint-Sacrement roïques. Non seulement abîme sérieuse- les vieux trinquets et les ment, en 1982, une bonne partie vieilles gemmes oubliées de l’église et des œuvres peintes depuis longtemps dans les de six pieds de hauteur, et un qu’elle abrite. Les travaux de res- vieux tiroirs, mais des joyaux petit qui s’insérait dans le pre- Destauration anecdotes s’étalent sur trois ans. de grand prix, des souvenirs mier, tous deux œuvres d’art inappréciables furent géné- remarquables. Le grand était J’aimerais reusement offerts ; témoin ce de vermeil, le petit d’or solide, valeureux soldat de la Grande tous deux littéralement cou- vous communiquer Guerre, présentant sa croix de verts de pierres précieuses, où quelques anecdotes qui colo- la Légion d’Honneur, héroï- domine le diamant ; une cou- rent l’aventure particulière de quement gagnée au péril de ronne de gros rubis encercle cette église. Située à deux pas sa vie ; témoin encore cet étu- l’Hostie; sur le pied on peut des grandes carrières du Co- diant de l’Université qui ap- admirer quatre jolis émaux de teau-Saint-Louis, ce sont les car- porte au Maître divin une Limoges. Il resta assez de mé- riers de ce village, les fameux magnifique médaille d’or, ré- tal précieux pour confection- Pieds-Noirs, qui offrent aux Pères compense de ses labeurs ; et ner en plus un calice d’or pur, du Saint-Sacrement les pierres cette dame qui veut attacher à vrai chef-d’œuvre d’orfèvrerie, pour la construction de leur l’Ostensoir de Jésus une étoile copieusement enrichi des plus église. Ils les acheminent par une de diamants, évaluée à plus belles gemmes, ainsi qu’un imposante parade de fardiers qui de mille dollars, afin d’obtenir Celaciboire, d’or pur lui aussi. » parcourt la ville et qui ajoute au une grâce plus précieuse que charisme du projet de cette jeune « Ettous ses riches joyaux. nous montre bien le sérieux Unecommunauté autre religieuse. des paroissiens et la volonté l’Ostensoir, ou plutôt les de faire honneur au Christ, le anecdote, que j’aime Ostensoirs furent confection- « Grand Pauvre de l’Hostie », ainsi bien car elle montre l’importance nés en France, car il en eut qu’aux Pères. de la ferveur religieuse de l’épo- deux. Un grand, mesurant plus Note. er – La Congrégation du Très Saint-Sacrement quittera définitivement Montréal le 1 décembre 2018. Voir à ce sujet l’article du Père René Pothier, à la page 35.

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 19 LES 35 PREMIÈRES ANNÉES DE L’ACADÉMIE MARIE-ROSE (1876-1911)

Guy Laperrière est la statue de sainte Rose Historien de Lima, au sommet de et membre l’édifice, qui était bien la pa- de la SHP tronne de la maison. Nous allons revisiter ce couvent à partir de l’ouvrage de Marie-Paule Malouin qui, omment parler en 1985, a publié sur cette école, ou plutôt sur ces deux du patri- écoles, comme nous le ver- moine religieux du Pla- rons plus loin, une étude teau-Mont-Royal sans men- fouillée. Son mémoire de Le fronton de l’ancienne Académie tionner l’église Saint-Jean-Bap- maîtrise, rédigé à l’Univer- Marie-Rose : en mortaise, la figure de sainte tiste et l’ensemble patrimonial sité de MontréalUne sous maison la di- Rose de Lima. Photos : G. Frenette, août 2018 qui l’entoure, rue Rachel : l’Aca- d’éducationrection de Jean-Pierrepour jeunes filles, Wal- démie Marie-Rosee et l’Hospice l’Académielot, et intitulé Marie-Rose, de 1876 Auclair? Nous avons là, construits à 1911 à la fin du 19 siècle au cœur du Bulletin Noms de Jésus et de Marie (SNJM). Cvillage de Saint-Jean-Baptiste, , est une étude fort nou- Et pourquoi celles-ci ? C’est une érigé en 1861 et annexé à Mont- velle pour l’époque; le de histoire de famille : ce curé est le réal en 1886, les édifices qui la Société en a d’ailleurs fait une neveu des trois premières sœurs représentent les trois activités présentation remarquable dans entrées dans cette congrégation, principales de l’Église catholique : son numéro du printemps 2010, fondée en 1844 à Longueuil par la religion, l’éducation, la santé sous la plume de Diane St-Julien, Eulalie Durocher, qui prend en Arrêtons-nouset les services sociaux. qui résume l’histoire du bâtiment religion le nom de Mère Marie- jusqu’à ce jour. Examinons pour Rose (1811-1849), d’où le nom d’abord à l’Aca- notre part les premières annéesMa qu’on donnera à l’Académie. démie Marie-Rose, construite en sœur,de l’Académie, à quelle à école partir allez-vous ? de l’ou- L’église vient d’être construite 1875-1876. Le principal signe vrage de Marie-PauleDeux écoles Malouin, de filles à la (1872-1874) : il faut un couvent. religieux qui en reste aujourd’hui fin du XIXe siècle Le terrain est acquis pour 5809,60 $, en face de l’église. Les (Fides, religieuses acceptent et les classes 1985). Nous ajoute- Deuxouvrent écoles en septembre en une 1876. rons, à la fin, quelques motsLa fondation : sur son auteure. 1876 C’est

Comme le grand mérite de Ma- rie-Paule Malouin que d’avoir il arrive sou- démontré qu’il existait dans vent, le curé est à l’ori- ce couvent deux écoles en une. gine de la fondation Aujourd’hui, quand on pense L’Académie Marie-Rose, rue Rachel, telle que du couvent. Ici, c’est à une école, on oublie qu’à ce construite en 1875-1876 vis-à-vis de l’église le premier curé de moment-là, les religieuses rési- Saint-Jean-Baptiste. Photo : L’album , Saint-Jean-Baptiste, daient dans l’édifice : cela prend Eusèbe Senécal & cie, 1900, pageLe 329 Diocèse S.-F.-B. Maynard, dit quand même pas mal d’espace. de Montréal à la fin du dix-neuvième siècle Bellerose, qui sollicite Il s’agit d’une école pour filles. les Sœurs des Saints La première année, les religieu-

Page 20 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 e e ses inscrivent 544 externes : ce modèle et lere cours académique, en ce tournant du 20 siècle. Je sont celles qui fréquentent l’école de la 6 à la 1 année, avec un cours ne fais qu’en signaler quelques- paroissiale, dont les coûts sont préparatoire ; c’est seulement à unes ici : nombre de religieuses partir dee 1906 qu’on et d’élèves, arrivée de maîtresses comptere les classes de d’école et de professeurs laïcs (à laAutre 1 à la 7 année. l’École du Sacré-Cœur, car au pen- sionnat, ce ne sont que des reli- phénomène im- gieuses), persévérance scolaire portant : l’augmentation (faible), revenus et dépenses, constante de la popula- travaux ménagers (par les sœurs tion amène un agrandisse- converses, soit cuisine, ménage, ment de l’Académie en jardinage, lavage), les fameuses L’Académie Marie-Rose après 1907, telle 1906-1907. Ce qui fait que congrégations, selon l’âge des qu’agrandie. Archives des Sœurs des Saints Noms le nombre de religieuses élèves (Enfant-Jésus, Saints- de Jésus et de Marie dans ce couvent, qui était Anges, Enfants de Marie), clas- de 7 à l’origine en 1876, ses anglaises pour les Irlandaises, passe à 50 en 1911, date nombre d’élèves par classe (envi- assumés par la commission sco- Marie-Paulede la fin de Malouin l’étude. ron 30 à l’Académie, 40 à l’École laire et par le paiement de la ré- tribution mensuelle payée par les parents (assez faible). D’un autre écrit son mémoire entre côté, un deuxième groupe, celui 1976 et 1980, au mo- des « quarts de pension », est ins- ment du premier mandat crit à l’Académie. Ici, les parents du Parti québécois, alors paient beaucoup plus cher : 10 $ que l’histoire sociale est pour les enfants de moins de 10 à son sommet. Très sen- ans et 16 $ pour 11 ans et plus. sible à la disparité des Ces deux groupes fonctionnent conditions sociales, elle La chapelle de l’Académie. Carte postale, vers Endans septembre des locaux 1884,séparés. écrit qu’on est ici devant 1910, de la collection Christian Paquin un « fossé social : deux on ouvre le écoles distinctes, l’une pensionnat, qui accueille – c’est pour les riches, l’autre intéressant de le noter – bon nom- pour les pauvres ». Évidemment, du Sacré-Cœur), la discipline, l’ho- bre d’élèves qui habitent dans c’est l’Académie Marie-Rose qui raire (lever à 5 h 40…), cours de le quartier. Il en coûte alors 70 $ est pour les riches. À noter cepen- musique (environ le quart des pour être pensionnaire. Il faut dant que ce sont les mêmes reli- enfants en prennent), origine dire que la population de Saint- gieuses, les SNJM, qui enseignent sociale des élèves. Une dernière Jean-Baptiste augmente de façon à l’une et l’autre école, avec le donnée, qui m’a étonné : entre vertigineuse entre 1881 et 1891, même grand objectif : fournir une 20 % et 30 % des élèves sont passant de 6 000 à 15 000 habi- éducation chrétienne aux enfants. pensionnaires, mais il y en a qui tants. L’Académie ne fournit plus UneLa religion étude tient riche la premièreen données place. sont pensionnaires en hiver et et, en 1891, on décide de cons- Bref,externes en été ! truire une nouvelle école pour On trouve filles dans la paroisse : c’est l’École on s’instruit tellement du Sacré-Cœur, qui regroupe les une foule de données dans cet(Page ouvrage suivante.) que j’ai vou- fillettes de l’école paroissiale. intéressantes dans ce livre, sur lu en savoir un peu plus sur son Leur nombre varie entre 700 et tout ce qui concerne l’éducation auteure. Guy Laperrière 1000 de 1891 à 1911. À partir Histoire des communautés religieuses au Québec de 1891, l’Académie Marie-Rose Benoît, professeur Lacroix, un retraité dominicain du département dans le siècle d’histoire de l’Université de dessert uniquement la clientèle Sherbrooke, a publié récemment une la plus fortunée, qui suit le cours (VLB, 2013) et (Médiaspaul, 2017).

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 21 L’ACADÉMIE MARIE-ROSE (Suite de la page précédente)

MARIE-PAULE MALOUIN (1946-2004)

J’ai la chance Les Jongleurs de connaître la sœur aînée de Marie-Paule Malouin, France, avec qui je chante dans l’ensemble vocal e . Elle a bien voulu m’accorder une entrevue sur sa sœur, décédée trop tôt, à l’âge de 58 ans (un cancer…). Marie-Paule était la 2 d’une famille de neuf enfants, qui a vécu sur la rue Drolet, en face de l’école Olier, de 1950 à 1956. Après son cours classique au collège Basile-Moreau, elle Elleenseigne l’histoire à l’école secondaire Marie-Rose à partir de 1967.

fait ensuite ses études des trois cycles à l’Université de Montréal. Après son mémoire de 1980, elle devient une recherchiste hors-pair et participe pleinement à l’essor des études féministes en histoire, d’abord avec le Groupe de recher- che en histoire de l’éducation des filles dirigé par Micheline Dumont et Nadia Fahmy-Eid, puis à un important projet de recherche en sociologie sur le travail des religieuses de 1901 à 1971, dirigé par CetteNicole Laurin et Danielle Juteau. C’est ce travail qui la conduit à un doctorat en sociologie en 1990.

compétence l’amèneL’univers à être choisiedes enfants par enle groupedifficulté de au travail Québec des entre communautés 1940 et 1960 religieuses sur les orphelins de Duplessis pour diriger l’importante recherche qui Leaboutit mouvement à la publication familial auen 1995Québec : de lesl’incontournable débuts, 1937-1965 rapport (Bellarmin, 1995). On Entrela sollicite le rêve ensuite et la réalité : pour d’autres Marie Gérin-Lajoie livres : une etétude l’histoire sur du Bon-Conseil (Boréal, 1998) et enfin, une histoire de l’Institut Notre-Dame du Bon-Conseil de Montréal, (Bellarmin, 1998), autre communauté religieuse très importante qui aura une maison d’œuvres sociales sur le boulevard C’estSaint-Joseph, dans la paroisse Saint-Stanislas.

une contribution trop cachée que l’on retrouve ici, d’une chercheure totalement vouée à l’histoire, à l’histoire des femmes en particulier, et qui a su laisser sa marque. DE L’ÉCOLE CHERRIER À L’ENSEMBLE LES JONGLEURS

Au début

des années 1950, France et Marie-Paule Malouin fréquentent l’école Cherrier, au coin de la rue Saint-Hubert, tenue elle aussi par les Sœurs SNJM. Souvenir musical : la chorale deL’hirondelle l’école Cherrier et le papillondonnait souvent des spectacles et participait à des concours de chorales qui se tenaient à l’école Le Plateau. France se souvient d’avoir chanté alors avec sa sœur Marie-Paule la chanson C’est , qu’elles n’ont jamais oubliée.

à l’école Cherrier que Thérèse Brouillette, en religion Sœur Louis-Alexandre, a poussé France Malouin à des études en musique. Après une maîtrise en musicologie à l’Université de Montréal et une autre en administrationLes desJongleurs arts à Londres, cette dernière a travaillé pendant plus de vingt ans comme conseillère culturelle en musique au Conseil des arts de Montréal. Elle est depuis 2016 la présidente de l’ensemble vocal , qui se produit depuis plusieurs années à l’église Saint-Denis. C’est donc tout un volet de la vie musicale du Plateau qui se retrouve au cœur de son patrimoine religieux.

Page 22 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 LE PENSIONNAT MONT-ROYAL

Comité des plaques de la SHP

e pensionnat Mont- Royal

occupe de 1898 à 1972 le terrain connu aujourd’hui comme le parc des Compagnons-de-Saint-Lau- rent, situé sur l’avenue du Le Pensionnat Mont-Royal lors de sa Le pensionnat est agrandi vers 1950. Mont-Royal Est, côté sud, une construction. Illustration : L’album Les édifices sont démolis depuis 46 ans, , Lesrue à soeursl’est de l’avenue Papineau. mais les arbres maintenant centenaires, page 383 Le Diocèse rue Cartier, sont toujours là ! de Montréal à la fin du dix-neuvième siècle Fonds du Pensionnat, archives des Sœurs L des Saints Noms des Saints Noms de Jésus et de Marie de Jésus et de Marie entre- prennent en 1896 la cons- truction, sur un terrain ap- partenant aux Jésuites, d’une connue sous le nom de commis- par le père Émile Legault, c.s.c., école primaire offrant une bonne sion Parent, change toutes les du Collège Saint-Laurent, et par éducation aux filles du quartier règles. Le contrôle de l’éduca- l’homme de théâtre Roger Varin. provenanter de différents milieux. tion passe aux mains du nouveau La troupe, au cours des quinze Dès le 1 septembre 1898, les ministère de l’Éducation. Les années de son existence de 1937 religieuses accueillent 13 pen- collèges classiques sont abolis et à 1952, voit évoluer plusieurs sionnaires et 31 externes. À partir remplacés par les polyvalentes grands comédiens de la scène de 1930, l’édifice, agrandi, offre et les cégeps, une situation en- artistique québécoise. aussi des études supérieures ins- traînant la fermeture de plusieurs ENpirées 1950, par les collèges classiques. ENinstitutions MÊME privées TEMPS, catholiques. sœurs de chœur 99 religieuses rési- la Ville de dent au pensionnat : 20 Montréal désire, en prévision enseignent sur place à des Jeux olympiques de 1976, 389 élèves, et 43 autres à presque se porter acquéreur de plus 2000sœurs enfants converses dans les écoles pu- d’espaces verts. Elle présente une bliques avoisinantes, alors que offre d’achat de ce terrain aux des travaillent religieuses, lesquelles signent à l’entretien et à la préparation le contrat de vente en 1972. Le des repas. Pendant soixante-dix pensionnat est démoli. Quelques ans, la congrégation joue un rôle années plus tard, on inaugure le primordial dans l’éducation des LEparc PARCd’aujourd’hui. La bienheureuse Mère Marie-Rose jeunes filles de cette partie du Pla- (1811-1849), née Eulalie Durocher, fondatrice et première supérieure des DÈSteau-Mont-Royal. 1964, des Compagnons-de- Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Saint-Laurent, ainsi nommé le Marie. Réplique du portrait de Théophile la Commission roya- 20 novembre 1996, rend hom- Hamel (1817-1870) le d’enquête sur l’enseignement mage à la compagnie théâtrale dans la province de Québec, mieux innovatrice de ce nom, fondée L’installation

d’une plaquePensionnat commémorative Mont-Royal de cet (1898-1972), édifice disparu, dans le parc d’aujourd’hui, a été proposé par Marie Poulin de Courval, une ancienne de cette école et une historienne à la retraite qui a publié en 2016 un document d’une cinquantaine de pages, richement illustrées, intitulé basé sur ses recherches et sur ses entretiens avec de nombreuses enseignantes et compagnes de classe des années 1952 à 1960. Document disponible au Centre de documentation de la SHP.

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 23 L’ÉGLISE UNIE DU SAUVEUR, LE « LOUP DANS LA BERGERIE »

Bernard Vallée Montréal Explorations

es églises protestantes,

généralement de petite taille dans les secteurs où ces confes- sions étaient minoritaires, avaient des services religieux où primait la liturgie de la parolemeeting et hall ser- vaient aux assemblées publiques autant qu’aux ser- vices religieux, d’où leur appellation1 de , devenue « mitaine » dans la langue populaire des SurCanadiens le Plateau-Mont-Royal, français d’autrefois. L plusieurs de ces petits temples nous rappellent la présence d’une ancienne population anglophone de diverses con- fessions protestantes qui, aujourd’hui, a quitté le Ancienne Église Unie du Sauveur, 4376 rue De La Roche. quartier. L’un d’entre eux, pourtant, évoque plutôt Photo : Bernard Vallée, mai 2018 le prosélytisme de protestants francophones en ter- L’égliseritoire canadien-français unie du sauveur, catholique. 2

4376 rue De La Roche naire du Collège presbytérien, qui créent, en 1890, (anciennement 126-130 rue Dufferin), est une con- la Mission évangélique française ou Mission Saint- grégation francophone presbytérienne qui origi- Jean-Baptiste sur le Plateau-Mont-Royal et qui y ou- ne d’un groupe d’étudiants de la Société mission- vrent Plusieursune école gratuite.

parents catholiques vont y envoyer leurs petits enfants à cause de l’éloignement de l’école paroissiale et de son tarif de cinquante sous par mois. Après les avoir menacés d’être privés des sacrements s’ils persistaient, la paroisse Immaculée-Conception va ouvrir une école catholique en septembre 1890, rue Champlain (actuellement rue Brébeuf), sub- ventionnée par la municipalité de Saint-Jean- Baptiste. Une maîtresse laïque faisait la classe à une quarantaine de bambins, mais cela ne dura que dix mois. En 1891, on construira Plans Goad : la Mission évangélique française, rue Dufferin, 1892, et, même emplacement, l’Église Unie du Sauveur, rue De La Roche, 1920. une école rue Marie-Anne, sur le site3 de la Voir notes ci-dessous future Académie Marie-Immaculée. La pa- roisse catholique voulait ainsi soustraire les fidèles aux « loups dans la bergerie », comme on

Page 24 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 appelait parfois les protestants francophones en mission. Elle est alors connue sous plusieurs noms : mission de recrutement sur le territoire des parois- Nouvelle Église du Sauveur, Église presbytérienne Lases missioncatholiques. Saint-Jean-Baptiste Saint-Jean-Baptiste (Église du Sauveur), Nouvelle Église presbytérienne du Sauveur, et, enfin, Église accueille de 40 Unie du Sauveur, après la fusion officielle des Églis- à 60 fidèles, d’abord dans un édifice qui sert de es presbytérienne, méthodiste et congrégationaliste salle de culte et d’école, ensuite dans une petite Elleen 1925. église qui semble avoir été construite vers 1912 et qui subsiste encore aujourd’hui. En 1924, l’« Église ferme en 1966. Depuis 1990, l’édifice est oc- presbytérienne du Sauveur4 de la rue Canning », du cupé par deux logements en copropriété. Sa sil- quartier Sainte-Cunégonde (fondée en 1877 par le houette de petite église de campagne en briques célèbre Charles Chiniquy) , fusionne avec l’« Église orangées évoque les premiers temps de l’urbanisa- méthodiste de la rue Ontario » et s’installe rue De La tion de ce secteur du Plateau. Roche sur le Plateau, dans la chapelle de l’ancienne Notes. 1. Dictionnaire historique du Plateau Mont-Royal 2. Des loups dans la bergerie. Les protestants de langue française au Québec, 1534-2000 3. Notes ― historiques Justin Bur sur et la al., paroisse , Montréal, Éditions Écosociété, 2017, pages4. 265-266 ; Jean-Louis Lalonde, , Montréal, Fides, 2000 ; Voir aussi, , Bulletin paroissial de la paroisse Immaculée-Conception,Insurance Plan of the City vol. of XV, Montreal no 7, 1923 ; Charles T. Chiniquy (1809-1899) était un prêtre catholique canadien-français qui se convertit au presbytérianisme et devint prédicateur anticatholique. dans les cartes et plans de BAnQ, la série par Chas. E. Goad, dont celui de 1892 de la Mission évangélique française, 126-130 rue Dufferin (volume V, 1892, planche 273) et celui de 1920 de l’Église Unie du Sauveur, 4376 rue De La Roche (volume V, 1920, planche 273). Bernard Vallée Dictionnaire historique du Plateau Mont-Royal

est l’un des co-auteurs du , Éditions Écosociété, 2017. LA STIGMATISÉE DE LA RUE BORDEAUX

taines de stigmatisés sont recon- médiatement au nord de la rue nus, presque exclusivement des Rachel Est, tout près de l’église catholiquesmystiques romains et en grande de l’Immaculée-Conception, ave- majorité des femmes. Ils sont qua- Dèsnue Papineau. lifiés de : ces rares êtres terrestres ayant droit de cité dans le l’âge de six ans, Georgette Georgetteroyaume céleste. Faniel est atteinte d’une maladie qui la fait beaucoup souffrir et la rend est née à invalide. Vers 1950, l’année du tre Montréal en 1915. Son père, Al- décès de son père, les stigmates fred Faniel (1879-1950), un ar- se manifestent sur son corps. Pen- stigmatisé signifie porter tiste peintre et décorateur d’ori- dant plus de cinquante ans, dans sur son corps, surtout sur les gine belge – dont l’un des ta- le même logement qu’habitaient mains, les marques de la cru- bleaux embellit le Grand chalet ses parents, elle ne bouge pas de cifixion de Jésus-Christ. Le premier du Mont-Royal –, s’établit ici en chez elle, bénéficiant de la direc- à qui l’on attribue ce phénomène 1903. Il épouse une Montréa- tion des prêtres. On attribue à ses est François d’Assise (1182-1226) ; laise, Georgette Beaudry, en prières la guérison instantanée de le saint stigmatisé le plus récent 1908. Le couple a dix enfants et nombreux malades. Elle décède est Padre Pio (1887-1968). Des cen- habite la rue de Bordeaux, im- le 2 juillet 2002. Note. Monde et Mystères E – Le mardi 23 avril 2019 à 14 h, son petit-neveu Michel Gagné, membre de la Société d’histoire du Plateau, présentera une conférence sur elle, suivie de la projection d’un documentaire réalisé en 1996 dans le cadre de l’émission― Mélanges religieux.

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 25 UNE RESSOURCE INCONTOURNABLE L’INVENTAIRE DES LIEUX DE CULTE DU QUÉBEC

Kevin Cohalan CPRQ effectue une mise à a tâche gigantesque jour environ deux fois par Inventaire des lieux de culte année sur l’état des lieux, du Québec de puisque plusieurs ferment l’ ou changent de vocation. est entreprise en Dans la région de Montréal, 2003 par le Conseil du patrimoine aujourd’hui, 465 lieux sont religieux du Québec (CPRQ) ; cet répertoriés, y compris 27 organisme a été fondé en 1995 et, sur le Plateau-Mont-Royal. Monastère du Bon-Pasteur. Photo : Héritage jusqu’en 2007, s’appelait la Fon- Il existe aussi sur le Plateau Montréal / © Shanti Loiselle, Ville de Montréal dation du patrimoine religieux d’autres sites qui, pour du Québec. Il loge, tout comme diverses raisons, ne sont LHéritage Montréal, au 100 rue LEpas SITEinventoriés. Inventaire Le Retour Sherbrooke Est (vis-à-vis de l’ave- desnéficié anges d’une de ces subventions nue Coloniale) dans l’ancien mo- Internet de l’ afin de réaliser le projet nastère du Bon-Pasteur, cons- donne accès à une fiche d’infor- ; ainsi, sur la façadeL’Étoile de truit en 1846-1847. On peut par mation et à des photographies deson église Bethléem – cotée et « C »Le – les Jugement sculp- courtoisie considérer ces orga- pour chaque édifice. On y trouve derniertures plus que centenaires nismes comme étant du Plateau- également une « hiérarchisation Mont-Royal, même s’ils se trou- régionale », élaborée, en 2004, d’Olindo Gratton ont été vent du « mauvais » côté de la rue. pour des sites construits avant restaurées. Elle a également pro- 1945 et, en 2012, pour ceux de fité au fil des ans, comme d’autres 1945 à 1975, attribuant des cotes paroisses d’ici, de subventions de « A – Incontournable » à « E – d’infrastructure (maçonnerie, toi- Faible ». À Montréal, seize mem- ture, etc.) nécessaires pour bien bres d’un comité régional dési- conserver le bâtiment. gnaient ces cotes… parfois su- jet de controverse, puisque seu- lement les A, B et C d’avant 1945, et, après, seuls les A sont admissibles à des subventions Jocelyn Groulx, directeur du CPRQ depuis Inventaire 2000 et résident du Plateau-Mont-Royal. du CPRQ. Il est possible, selon le Photo : CPRQ rapport de 2006 de l’ (page 16), « que l’évaluation Cet inventaire d’un bien puisse être modifiée au cours des ans avec l’apport de de quelque 2 750 Lanouvelles paroisse-mère connaissances ». lieux de culte des différentes tradi- tions religieuses, érigés à travers de l’arron- le Québec avant 1975, a été réalisé dissement, Saint-Enfant-Jésus, en Le Retour des anges, juin 2015. grâce à un partenariat financier partenariat avec la Société d’his- Photo : K. Cohalan avec le ministère de la Culture. Le toire du Plateau-Mont-Royal, a bé- Voir www.patrimoine-religieux.qc.ca Inventaire des lieux de culte du Québec www.lieuxdeculte.qc.ca le site Web du CPRQInventaire, au Rapport d’activités , ainsiwww.patrimoine-religieux.qc.ca/fr/publications/autres-publi que celui de l’ au- cations , y compris les pages intituléeswww.lieuxdeculte.qc.ca/carte.php?region=6 « Méthodologie – Introduction » et « Méthodologie – L’Inventaire » ; voir également, à propos de l’ le de 2006 au Remerciements. La carte de la Région 6, Montréal, se trouve au Inventaire.

à Johanne Picard, chargée de projet au CPRQ, pour ses précisions au sujet de l’ .

Page 26 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 EXTRAITS DE L’INVENTAIRE DES LIEUX DE CULTE DU QUÉBEC INVENTAIRE DES LIEUX DE CULTE DU PLATEAU-MONT-ROYAL Pour consulter la fiche de chaque lieu de culte, copiez le numéro indiqué ci-dessous (dernière colonne à droite). Sur le site , dans la section « Recherche simple », collez ce numéro dans le champ « Entrez un nom » et cliquez sur « Lancer la recherche ». www.lieuxdeculte.qc.ca Cote Patronyme, emplacement, etc. Tradition Date # de fiche Lieux de culte protégés Chapelle de l’Hôtel-Dieu,

Sanctuaire du Saint-Sacrement, angle des Pins et Sainte-Famille, acquise par la Ville de Montréal en 2017 Catholique 1860-1861 2003-06-308

Chapelle du Carmel de Montréal, 500, avenue Mont-Royal Est, classé monument historique en 1979 Catholique 1892-1894 2003-06-017

Hiérarchisation régionaleavenue : A – duIncontournable Carmel, classée monument / B – Exceptionnelle historique en 2006 / C – SupérieureCatholique / D – Moyenne1895-1896 / E – Faible2003-06-023 A Église Notre-Dame de La Salette,

Église Saint-Jean-Baptiste, 3535, avenue du Parc, entre Milton et Prince-Arthur Catholique 1954-1956 2003-06-381

B Saint Michael’s and Saint Anthony’sangle Rachel Church, et Henri-Julien, site patrimonial cité Catholique 1898-1903 2003-06-005

Église Saint-Pierre-Claver, angle Saint-Viateur et Saint-Urbain Catholique 1914-1915 2003-06-037

Église Saint-Enfant-Jésus du2000, Mile-End, boulevard Saint-Joseph Est, angle De Lorimier Catholique 1915-1917 2003-06-011

Église Immaculée-Conception, rue Saint-Dominique, entre Saint-Joseph et Laurier Catholique 1858 / 1903 2003-06-019

C Saint John’s Lutheran Church, angle Papineau et Rachel, objet patrimonial classé Catholique 1895-1898 2003-06-003

Église Saint-Stanislas-de-Kostka, angle Prince-Arthur et Jeanne-Mance Luthérienne 1907-1908 2003-06-125

Bagg Street Shul ou Synagogue Temple 1350, Solomonboulevard Saint-Joseph Est, entre De Lanaudière et Garnier Catholique 1918-1921 2003-06-009

Cathédrale orthodoxe roumaine Saint-Jean-Baptiste(ancienne maison), 3919, rue Clark, angle Bagg Judaïque 1900 / 1921 2003-06-031

L’Oratoire Église baptiste française (autrefois presbytérienne), 1841, rue Masson Orthodoxe 1922 2003-06-205 D Église Évangélique Restauration (ancienne Église Unie), 4863, rue Cartier, au sud de Saint-Joseph Baptiste 1931 2003-06-113

Église Saint-Casimir (autrefois Saint-Louis-de-France, catholique), angle Roy Est et Berri Évangélique 1936-1937 2003-06-001

Montreal Chinese Alliance (lithuanienne), Church 3420, rue Parthenais, entre Sherbrooke et Gauthier Catholique 1956-1957 2003-06-015

Le Saint-Jude gym & spa (autrefois anglicane, puis catholique), angle St-Denis et Marie-Anne Évangélique 1886-1889 2003-06-065

Église Saint-Denis, (anc. égl. cath. St. Agnes, puis Sanctuaire de St-Jude), 3988, rue Saint-Denis Aucune 1905 2003-06-025

E The Sign of the Theotokos 454, avenue Orthodox Laurier Church Est, en face du métro Laurier Catholique 1911-1913 2003-06-021

Evangelical Pentecostal Church (autrefois Église Unie et autres), 750, boul. St-Joseph Est Orthodoxe 1929 2003-06-099

Église Saint-Boniface (autrefois judaïque), 5116, rue Saint-Urbain, entre Laurier et Fairmount Pentecôtiste 1937-1940 2003-06-027

Montreal Korean Sarang (allemande), Church angle des avenues des Pins et Hôtel-de-Ville Catholique 1942-1948 2003-06-049

(autrefois Saint-Louis-de-Gonzague),Lieux de culte terrasse non hiérarchisés Mercure, parc Baldwin Presbytérienne 1956-1957 2003-06-007 St. Luke’s Chapel,

Église Ste-Irène & MontrealSte-Markella Diocesan Theological College, rue University entre Sherbrooke et Milton Anglicane 1896 2003-06-273

Old Calendar Greek Orthodox Church,(anc. maison, puis judaïque et baptiste évangélique), 5390 St-Urbain Orthodoxe 1907 / 1925 2003-06-101

Chapelle des Franciscaines missionnairesrue Hutchison,de Marie, angle Bérubé (entre Mont-Royal et Villeneuve) Orthodoxe 1950 2003-06-391

Lieux de culte non80, inventoriés avenue Laurier pour Est, angle diverses Saint-Dominique raisons par le CPRQCatholique 1963-1967 2003-06-013 Chapelle Notre-Dame-du-Bon-Conseil

Bibliothèque Mordecai-Richler de l’ancienne Institution des Sourdes-Muettes, 3700, rue Berri Catholique 1891-1893

Condominium (autrefois église anglicane de l’Ascension), 5434, avenue du Parc Aucune 1905 / 1993

Collège Français(autrefois First Presbyterian Church), 315, rue Prince-Arthur Ouest, angle Jeanne-Mance Aucune 1910 / 1985

Église Santa Cruz(autrefois synagogue B’nai Jacob), 172, avenue Fairmount Ouest, angle Esplanade Aucune 1921 / 1964

Chapel of the Presbyterian(portugaise), College, 60, rue Rachel Ouest, angle Saint-Urbain Catholique 1987

660, rue Milton, angle University Presbytérienne 1963 / 1991 Note.

─ Les patronymes ou appellations de certains lieux sont modifiés afin de refléter l’usage populaire actuel. La liste ci-dessus, basée surtout sur l’inventaire du Conseil du patrimoine religieux, se veut complète mais est loin de l’être : par exemple, voyez, en page 9, l’article sur les cinquante-trois synagogues du Plateau, dont la plupart furent logées dans des édifices non conçus comme lieux de culte.

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 27 DEPUIS UN DEMI-SIÈCLE : LE FESTIVAL SAN MARZIALE

ainte Banda Gentile

Félicité de Rome et partout : le cadet, San Marziale, La fanfare , dirigé ses sept fils – Janvier, Félix, est officiellement adopté en 1726 par Beniamino Cinelli, arrive à Philippe, Sylvain, Alexandre, comme saint patron d’Isca, un 9 h 30 pour lancer les célébra- Vital et, le plus jeune, Martial – village plus que millénaire de la tions, lesquelles se poursuivent sont suppliciés vers l’an 165, sous Calabre, à l’extrême sud de l’Ita- jusqu’à la fin de la soirée. Une le règne du célèbre empereur lie, sur la mer Ionienne. En 1883, messe solennelle à 17 h 30 pré- la municipalité d’Isca se procure à cède le moment culminant de la Rome une statue de San Marziale fête, une procession, de quelque et continue, jusqu’à aujourd’hui, 45 minutes, de centaines de S à célébrer le saint comme son promeneurs : on sort la statue de protecteur contre la série de trem- l’église, la transporte sur bran- blements de terre ayant dévasté card autour du quadrilatère Dela région. nombreux Saint-Viateur / Waverly / Bernard / Clark et le tout se termine devant immigrants ita- le kiosque à musique installé à liens en provenance de cette com- l’intersection de Saint-Viateur mune d’environ 2000 âmes – con- et Waverly, où la foule applaudit nue aujourd’hui comme Isca sullo les propos des almembres fresco du cler-spa- Jonio – s’installent, surtout après ghettatagé et du comité. Après, on offre à la Deuxième Guerre mondiale, tout le monde, , une dans les quartiers du Mile-End gratis! et de la Petite-Italie de Montréal. En 1966-1967, inspirés par l’en- thousiasme de l’année centenaire du Canada, ils créent un comité qui commande, de Naples, une Le dimanche 8 juillet 2018 : statue de San Marziale ; elle fut la statue de San Marziale, sur brancard de procession, devant le Café Olimpico, reçue à Montréal en avril 1967. Le angle Saint-Viateur et Waverly. comité organise, la même année, un festival rendant hommage à La Légende son saint patron San Marziale. La dorée statue est placée dès son arrivée stoïcien Marc Aurèle. dans l’église Saint-Georges, à , l’ouvrage du Moyen Âge le l’angle des rues Bernard et Saint- plus lu et le plus diffusé, surnom- Urbain, et, à la suite de la démo- me Félicité « plus que martyre, lition de cette dernière en 1971, parce qu’elle fut martyrisée sept dans celle de St. Michael’s, au coin fois dans ses enfants et la huitiè- Lede Saint-Viateur dimanche et Saint-Urbain. Lame dévotionfois dans son propre corps ». e 8 juillet 2018, la Bill Riley, tubiste de la Banda Gentile. à cette femme et à rue Saint-Viateur se ferme afin de ses saints fils se propage un peu faire place au 51 festival annuel. REMERCIEMENTS Photos : K. Cohalan à Tony Lentini, président du comité San Marziale, ainsi qu’à son oncle Vincenzo Lentini, à Tony Commodari, président d’honneur du comité, à Angela De Luca, l’épouse de ce dernier, et à Vicky Furfaro du Café Olimpico.― Mélanges religieux

Page 28 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 UN PERSONNAGE CÉLÉBRÉ DU MILE-END À LA BARBE DU FRÈRE YOUNG

éducateur à la longue barbe de Marie-Josée patriarche a joué un rôle charis- Hudon matique de premier plan, non Secrétaire du CA seulement auprès des sourds- de la SHP muets, mais auprès des autorités et de l’opinion publique, à l’origi- ne peu sensibles à cette cause.

es personnages Le frère Young

qui arbo- est sourd depuis rent une barbe de type « Père l’âge de cinq ans. Diplômé de l’Ins- Noël » – voir notre portrait titut des sourds-muets de Nan- sur la page 4 – sont toujours un cy, puis enseignant à l’Institution peu suspectables. Que se cache- des sourds-muets de Soissons, t-il derrière ces chignons à l’en- professeur à celle de Lyon, fils de vers, là où chaque crin fait crain- bonne famille..., sa prononciation dre... le pire ? Une barbe sous sou- qu’on pourrait aisément imaginer tane constitue un sujet immense « difficultueuse » ne lui enlève pas Lde fantaisie mêlée de frayeur. La son charisme, au contraire, et c’est Lors de sa visite à Vourles en 1855, Mgr liste des barbus est aussi longue Ignacedéjà un homme Bourget, accompli. Bourget a écrit sa Vie de Saint Viateur. que tous les chemins de Com- « La dévotion au nom de ce saint patron doit être particulièrement cher », dit-il, postelle mis bout à bout, et c’est évêque de et on « doit travailler avec zèle à le ren- sans compter la route de tous les Montréal de 1840 à 1876, réagit dre grand et vénérable en tous lieux. » prophètes, les Moïse Thériault, avec efficacité face aux besoins Le frère Young a répondu à l’appel en les Charles Chiniquy, les abbés criants de la population. En effet, composant, sur 72 pages de manuscrit, CellePierre et les ayatollahs de la terre. le boom démographique bat son quelque 800 litanies adressées à saint plein et, en matière de services Viateur, ne disant jamais deux fois la même chose. Il a adopté comme du frère Young ne fait pas hospitaliers, sociaux et éducation- frontispice la gravure ci-dessus. exception. Bien sûr, nous1 pou- nels, on manque cruellement de vons compter sur la biographie main-d’œuvre et d’effectifs. Il va Son itinéraire du frère Léo-Paul Hébert pour donc traverser l’Atlantique pour couper court à ces chimères, car chercher du personnel à des chargé l’amenait ce frère-ci, barbu ou non, signeDic- milliers de kilomètres de Mont- à ce jeune frère, âgé de 35 ans, que untionnaire résumé biographique bien ficelé du sur Cana cet- réal, en Europe. C’est le long de la le recteur du noviciat des Clercs de homme,da pour le compte du Moselle à Metz, ville du nord-est Saint-Viateur de Vourles lui aurait de la France – en imaginant un recommandé. Oui, toute vérifica- à la reliure bien cousue. Pas la parcours romancé – que l’évêque tion faite sur la candidature, elle peine de chercher des poux, Léo- de Montréal déambule en ce matin s’avère de taille : de cathédrale il Paul décrit le frère Young comme de l’an 1855. Tandis que le jeune a la stature. Le jeune homme plaît un homme qui a marqué l’Institu- clerc de Vourles, près de Lyon, au bâtisseur. Une carrière l’attend. tion des sourds-muets du quartier fait ses adieux à sa famille, l’évê- Les deux hommes embarqueront duGrâce Mile-End : à ses dons de communi- que se félicite de le ramener « dans sur un navire en octobre 1855, à cateur exceptionnels, joints à sa ses bagages ». destination de l’Amérique. Note. ─ 1. personnalité pittoresque et à la qualité de sa vie religieuse, cet DictionnaireLéo-Paul biographique Hébert, C.S.V. du (1929-2012), Canada professeur d’histoire au Cégep de ― Mélanges religieux Joliette, est l’auteur de l’article sur le frère Joseph-Marie Young (1820-1897) publié dans le , vol. 12 (1990).

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 29 FERNAND BERGEVIN, CONTREMAÎTRE À L’IMPRIMERIE DES PÈRES DU TRÈS-SAINT-SACREMENT

Danielle primerie le 3 mai 1926. Les Pères Bergevin du Très-Saint-Sacrement auront Photo : Caroline été son seul employeur et il a Laberge travaillé pour eux durant 44 ans. L’imprimerie était au sous-sol de l’église du Très-Saint-Sacre- ment, située sur Mont-Royal près ernand Bergevin, de Saint-Hubert. Lorsque j’étais toute petite, j’habitais en face de Fernand Bergevin. Archives familiales résident chez mes grands-parents pater- et travailleur bien ancré du nels. J’ai grandi puis passé toute Sacrement quartier ouvrier qu’était le mon enfance et mon adolescence Plateau-Mont-Royal de son épo- sur la rue Christophe-Colomb, , dont la rédaction lui que, a eu une vie simple. L’histoire pas très loin du parc La Fontaine. avait été confiée, à l’imprimerie de mon grand-père illustre la vie J’ai fait ma maternelle à l’école, où allait travailler mon grand- des ouvriers du Plateau, leurs as- en face de l’imprimerie, qui est père. Dantin fréquentait Émile pirations et l’importance qu’ont aujourd’hui la Maison de la cul- Nelligan, il a d’ailleurs com- eue pour eux, comme pour la so- ture du Plateau-Mont-Royal. Mon menté ses premières ébauchesFranges Fciété d’alors, les commu- d’Autelde poésies. En septembre Monnautés grand-père religieuses. 1900, le recueil , imprimé sur pla- est né ce, fait paraître cinq poè- le 29 juin 1909. Après son mes deLe Petit Nelligan, Messager dont mariage, le 18 juillet 1931, trois étaient déjà parus il s’est installé sur la rue dans . Boyer, entre Mont-Royal J’aime penser queFranges mon et Gilford. Il a élevé ses six d’Autelgrand-père a tenu entre enfants dans l’appartement ses mains les qu’il a habité durant 48 et que son quoti- ans, de 1934 à 1982. À cet- dien, rythmé surtout par te époque, on se mariait Fernand Bergevin et ses collègues à l’imprimerie. le bruit des presses, lui jeune, on fondait une fa- Archives familiales a permis de côtoyer mille et on trouvait un ap- l’œuvre de Nelligan. Fer- partement que l’on aména- nand Bergevin a pris geait pour en faire un con- sa retraite le 30 janvier fortable chez-soi. On apprenait un grand-père et moi faisions sou- 1970 lorsque que l’imprimerie a métier qu’on voulait à la hauteur vent ensemble le chemin entre Lesfermé hasards ses portes. de ses attentes puisqu’on espérait l’école, l’imprimerie et la maison. travailler au même endroit durant L’imprimerie éditait surtout des de la vie mettent toute sa vie active. C’est exactement titres religieux, mais également parfois sur notre cheminMontréal de belles – Un Ilce qu’a était fait Fernand Bergevin. Louisdes publications Dantin, laïques. patrimoineoccasions. C’est religieux lors à du découvrir vernis- sage de l’exposition imprimeur et contre- poète et roman- maître de l’imprimerie des Pères cier québécois, a commencé sa du Musée de l’Oratoire Saint- du Très-Saint-Sacrement. Je crois Lecarrière Petit littéraire Messager en du publiant Très-Saint- dès Joseph qu’on m’a proposé d’écri- qu’il a appris son métier par com- 1898 une dizaine de poèmes dans re cet article. pagnonnage.Danielle Bergevin Il a débuté à l’im-

est la directrice générale de la Société des musées de Montréal, une association qui regroupe les institutions muséales montréalaises, et la petite-fille de Fernand Bergevin.

Page 30 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 MAQUETTE DE L’ÉGLISE SAINT-DENIS

Marcel Arsenault, ébéniste

onsieur

Richard Ouellet m’avait fait part, à l’automne 2016, d’un projet de la Société d’histoire du Plateau, soit de reproduire en miniature des églises du Plateau-Mont-Royal. J’étais sur mon départ pour le Guatémala, pour du travail humanitaire dans ce pays, et j’avais quelques jours de libres à Montréal. J’en ai profité pour aller pren- dre mesures et photos – plus de cinq heures pour plus de 150 photos – de l’église choisie, celle de la Mparoisse Saint-Denis. À première vue, ça me sem- blait au-delà de mes compétences.

Marcel Arsenault, chez lui, avec la maquette terminée.

En mi-construction,

j’ai envoyé quelques photos à M. Ouellet, question de lui mettre l’eau à la bouche, car il n’était pas au courant que j’avais commencé. LaSurprise construction totale, je crois qu’il a été emballé.

au complet a demandé 425 heu- res réparties sur cinq mois. Tout est fait de bois, du J’avaiscèdre gaspésien. L’échelle est ¼ de pouce au pied.

déjà fabriqué des églises, mais jamais de cette La maquette en production. envergure. À l’église de Bonaventure en Gaspésie, chez moi, j’ai en exposition les 14 églises gaspé- À mon retour siennes de la Baie-des-Chaleurs, où vivent aujour- d’hui les Acadiens. Aux Îles-de-la-Madeleine j’expose du Guatémala, six semaines plus tard, en alternance, au Musée de la Mer, onze églises des je suis retourné à l’église Saint-Denis pour vérifier Îles. Au Musée acadien du Québec, à Bonaventure, Rendumes mesures, au cas où j’aurais à la reproduire. j’ai eu, pendant treize ans, cinquante maquettes en exposition permanente, relatant l’histoire d’une par- chez moi, je me suis dit : « ça, c’est le défi dont tie de mon village, comme c’était en 1950. D’ailleurs j’ai besoin », une très grosse église, une cathédra- une grande partie de ces maquettes sont encore en le, tellement c’est imposant, plus de 130 fenêtres Ilexposition est permanente au Musée acadien. de toutes sortes, deux imposants clochers et de magnifiques portes de bois ; pour moi c’est un possible de voir une partie de mes maquettes Etsuper c’est défi… ! Àsur ma ma retraite page Facebook, accessible au public. Google Earth parti… ! Tiens, pas si pire, suffisait de com- je voulais produire « une » exposi- mencer. J’ai même dû aller sur pour tion de bâtiments en miniature. La vie m’a bien servi, connaîtreLa maquette la forme de la toiture. j’en ai toujours quatre en cours en ce moment.

, exposée depuisPhotos l’automne : Gracieuseté 2017 de à Marcel l’intérieur Arsenault de l’église Saint-Denis, avenue Laurier Est – en face du métro Laurier –, a été acquise à parts égales par la Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal et par l’organisme Noël dans le Parc (directeur général : Alain Gingras-Guimond).

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 31 JOSEPH GUARDO (1901-1978) : ARTISTE SCULPTEUR ET PEINTRE DU PLATEAU

Kevin Cohalan

é en Sicile

en 1901, l’artiste sculpteur et peintre Joseph Guardo arrive à Montréal en 1926. Dès la fin des années 1920, son œu- vre prolifique s’implante, au Jardin botanique, dans les édifices municipaux ou commerciaux, dans les théâtres, dans les églises, même dans une synagogue de Côte-Saint-Luc : avec le temps, sa production1 devient avant tout religieuse et, à partir des années 1950,L’on voit se consacre surtout à l’Oratoire Saint-Joseph. N Pietà ci-contre Guardo en train d’achever l’un de ses chefs-d’œuvre : sa , de 1947, annéeno man’s où il landoccupe encore son atelier situé au 6416 boulevard Saint-Laurent, vis-à-vis la rue Beaubien. Ce – au nord de la voie ferrée et au sud de la Petite Italie – faisait partie avant 1910 de l’ancienne Ville Saint-Louis, autrefois Mile-End, et se trouve aujour- Dèsd’hui en bordure du branché Mile-Ex.

le début de 1948, Guardo prend possession de l’édifice qu’il avait acheté en 1946 : le 963 rue Ra- chel Est, voisin immédiat du célèbre Palais des Nains et deux coins de rue à l’ouest du parc La Fontaine.

Guardo achève sa Pietà en 1947.

C’est ici, au milieu du Plateau-Mont-Royal,2 qu’il réa- lise, de l’âge de 47 à 69 ans, ses œuvres. Il ferme la Laboutique Pietà ,le 30 avril 1970.

l’une des plus réussies de ses sculptures, s’avère invisible depuis de nombreuses années, con- servée dans la Montréal réserve de – Un l’Oratoire patrimoine Saint-Joseph. religieux Le studio, 963 rue Rachel Est, àElle découvrir sort enfin de l’ombre comme pièce-maîtresse exploité par Guardo de 1948 à 1970. de l’exposition , qui se tient au Musée de l’Oratoire jusqu’au 11 novembre 2018. À ne pas manquer ! Notes. ─ 1. www.art-josephguardo.ca 2. Remercie- ments Voir le site Web , maintenu par Robert Knox, ami dévoué de la famille Guardo; L’édifice de- vient, non longtemps après et jusqu’en 2017, la galerie Graff, et héberge, depuis, celle de Pierre-François Ouellette. à Robert Knox pour les photos et à Chantal Turbide, conservatrice du Musée de l’Oratoire, et à Maryse Ménard, chargée de recherche, pour les informations sur l’œuvre de Guardo et sur l’exposition.

Page 32 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 RESTAURATION DE L’ORGUE BECKERATH DE L’ÉGLISE DE L’IMMACULÉE-CONCEPTION

G. Frenette canismes, aux sommiers de u mois l’instrument, soit les disposi- tifs qui distribuent l’air sous A de juin, l’équipe pression aux flûtes ou tuyaux, de Juget-Sinclair, facteur lesquels reposent sur les d’orgues, a débarqué à l’é- sommiers : c’est un peu com- glise de l’Immaculée-Conception, me une vieille machine à écri- angle Rachel et Papineau, pour re ou un piano, contrairement démonter l’orgue Beckerath en à un dactylo électrique ou un Les buffets vidés. Photo : G. Frenette, août 2018 clavier électronique, ces der- niers, assujettis à l’électricité, devenant plutôt un ensemble Pourquoide commutateurs.

la nécessité d’une restauration ? À ma première visite, je fus impressionné de voir les buffets vides – cette Robin Côté, le responsable du projet. structure de menuiserie dans Photo : Gracieuseté de Juget-Sinclair laquelle sont placés les som- miers et les tuyaux – et les Tuyaux empilés. Photo : G. Frenette, juin 2018 tuyaux cordés le long du mur. Monsieur Côté me présenta petits morceaux, y compris les plusieurs de ces derniers, qui 2752 tuyaux. Je fus agréablement justifiaient sa présence : certains original sera respecté : aucun re- accueilli par le responsable du étaient abimés par des accords trait et aucun ajout. À la fin des projet, monsieur Robin Côté, l’un successifs et d’autres avaient tout travaux, la paroisse prévoit une des trois copropriétaires de l’en- simplement l’orifice du pied af- inauguration le vendredi 16 no- treprise. J’ignorais l’existence de faissé par l’effet de la gravité au fil vembre 2018. Jean-Sébastien Bach ce facteur d’orgues, situé sur la des 57 ans d’existence. D’autres seraitInauguration content. de l’orgue rue Mill à Montréal, et spécialisé éléments mécaniques se- justement dans les instruments ront également révisés : les à traction mécanique. Cette en- frictions dans le mécanisme Le vendredi 16 novembre 2018 à 19 h 30 treprise avait réalisé en 2012 un seront enlevées et tout sera avec Réal Gauthier, organiste titulaire travail remarquable sur le grand réajusté. En plus de réparer & Yves-G. Préfontaine, Vincent Boucher orgue de l’Oratoire Saint-Joseph, les tuyaux et de les accor- & Antoine Leduc également à traction mécanique, der, le facteur Juget-Sinclair ConcertAdmission présenté générale par l’Immaculée-Conception 20 $, étudiants 10 $ du facteur allemand Rudolf von va redresser les sommiers et en partenariat avec l’Oratoire Saint-Joseph PourBeckerath (1907-1976). remplacer le cuir des souf- Information : Concours international flets. De plus, avant de tout d’orgue du Canada au 514.510.5678 comprendre, disons que les remettre en place, il va pein- touches des claviers sont directe- turer les buffets de l’orgue. ment reliées, par une série de mé- Il est convenu que le design G. Frenette,

Voir YouTuberésident du Plateau-Mont-Royal, est un amateur de la petite histoire ainsi que de la photographie. www.youtube.com/watch?v=DzgbiR2Ylyk sur un mini-documentaire de quatre minutes sur la restauration par Juget-Sinclair, en 2012, du grand orgue Von Beckerath de l’Oratoire Saint-Joseph : .

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 33 LA CHAPELLE DISPARUE DU SACRÉ-CŒUR

1 Claude Gagnon 270) , qui, selon la tradition, n 1883, fut le premier à avoir eu une apparition de la Vier- l’évêque de Mont- ge Marie. Les paroissiens réal demande aux Jésuites choisiront plutôt de dédier de terminer, sur la rue Ra- la paroisse à la Vierge elle- chel, la construction d’une église même, sous le vocable de commencée en 1875 et de fon- l’Immaculée-Conception. der une paroisse dédiée à saint Quatre ans plus tard, l’église L’intérieur de la chapelle du Sacré-Cœur. Grégoire le Thaumaturge (214- d’origine est achevée. Source : Archives des jésuites au Canada, En 1895, GLC, R-0011-24.3 la construction de E l’église actuelle débute. Dans 2 l’entente, les Jésuites avaient ob- construction de l’école Jeanne- tenu la permission de construire à LeMance monument, fondée en 1970. l’arrière de l’église un scolasticat. La première église, commencée en du Sacré-Cœur, Monument du Sacré-Cœur à l’angle de Ra- chel et Papineau. Source : Photo de Chantal 1875 et terminée en 1887, devint qui accueille les visiteurs près du Poirier, , 7 octobre 2015 la chapelle du Sacré-Cœur. Le sco- porche de l’église actuelle, est peut- lasticat et la chapelle seront plus être le seul vestige de cette chapelle Journal de Montréal Note. ─ 1. www.musiqueorguequebec.ca/orgues//immacon.html tard démolis pour permettre2. la disparue et oubliée aujourd’hui.plateau. pamplemousse.ca/2015/11/rachel-et-papineau-a-une-autre-epoque. Voir ; Voir l’article de Gabriel Deschambault à NOS PROJETS D’ÉTÉ 2018 Pierre-Antoine Amico et Emmanuel Eustache NDLR. – Cette saison d’ouverture estivale des églises 2018, subventionnée par Emplois d’été Canada et coor- donnée par Marie-Josée Hudon, en collaboration avec les paroisses, s’est close sous le signe de la fraîcheur, de la relève et de la jeunesse. Voici les propos des deux employés : Pierre-Antoine, étudiant en histoire à l’université Concordia, et Emmanuel, étudiant en musique (piano) à McGill.

L’église

Saint-Denis m’a permis de découvrir ce quartier de Montréal que je ne connais- sais guère. L’est de l’île regorge de talents et de gens incroyables. J’ai rempli ma fonction de guide animateur avec un sourire aux lèvres, attendant la surprise du jour. Il n’y a jamais deux jours pareils sur le Plateau. Des rencontres inoubliables, hautes en couleur, et des gens de parole m’ont permis de m’instruire, de découvrir et de déconstruire des idées préconçues. Je crois que les églises devraient toujours être ouvertes, car c’est un lieu de rencontre où la bonne humeur se propage facilement. Merci à tous les –visiteurs, Pierre-Antoine j’ai vrai- Àment l’Immaculée-Conception, apprécié mon été.

la majeure partie des visiteurs étaient des touristes interna- tionaux : France, États-Unis, Espagne, Danemark, ainsi que des Québécois de l’extérieur de Montréal. Certains remarquaient avec étonnement le style « européen » de l’église. Il est heureux que les gens manifestent un réel intérêt. Des événements plus fréquents et diver- sifiés aideraient à soutenir la paroisse : par exemple, inviter les chorales de quartier, les petits ensembles musicaux de l’UQÀM et de McGill à venir répéter et performer ! Un lieu de culte doit servir au recueillement et à la prière, mais dans les 168 heures d’une– Emmanuel semaine il y a moyen de moyenner et d’être créatif à petit coût.

Page 34 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 RELIGIEUX DU TRÈS SAINT-SACREMENT SUR LE PLATEAU-MONT-ROYAL DE 1890 À 2018

Père René Pothier s.s.s. Responsable local de la communauté des Religieux du Très Saint-Sacrement à Montréal

près A une présence de 128 ans sur le Plateau, les Religieux du Très Saint-Sacre- ment quittent bientôt leurer ancien monas- tère. Leur départ est fixé au 1 décembre 2018. Ils ne seront plus dans le coin, mais il subsistera des signes de leur présence sur les bâtiments. En Lesvoici religueux quelques-uns.

du Très Saint-Sacrement sont arri- vés sur l’avenue du Mont-Royal en 1890. De 1892 Bureau d’accueil du Centre de services communautaires du Monastère. à 1908, ils ont construit le Sanctuaire et, en 1929, inauguré un nouveau monastère au 4450 de la rue Saint-Hubert. Ce bâtiment a été cédé au Centre de services communautaires du Monastère (CSCM) le vaient à la production de ces fleurs tout en fournis- 21 décembre 1998. Depuis, nos Religieux, demeurés sant d’autres églises de Montréal. Longtemps, l’os- Aprèslocataires, ont occupé les étages supérieurs. tensoir présentant le Saint-Sacrement a servi de symbole à notre Congrégation. Un ostensoir sur- avoir cédé au diocèse de Montréal leur pro- plombe toujours le sommet de la façade du Sanc- priété de l’avenue du Mont-Royal, nos Religieux ont tuaire au 500 avenue du Mont-Royal Est. Enfin, quitté le Sanctuaire en 2004. Depuis, les Fraternités à la porte du bureau d’accueil du CSCM, un ostensoir Àmonastiques l’entrée de Jérusalem en assurent l’animation. C’estest incrusté dans la vitre.

du 4450 Saint-Hubert, on peut lire dans la perspective de notre idéal de partage l’inscription, gravée dans la pierre, « Monastère des et de service dans la vie quotidienne que notre Pères du T. S. Sacrement ». En réalité, notre nom monastère a été donné à des groupes communau- officiel est « Congrégation du Très Saint-Sacre- taires qui maintiennent cette tradition du partage. ment ». L’expression « Saint-Sacrement » renvoie Quant à nous, er Religieux du Très Saint-Sacrement à Jésus qui, au cours de son dernier repas, a pris le québécois, le 1 décembre 2018, il nous restera – Pierre-Antoine pain, l’a présenté à ses apôtres et leur a dit : « Ceci deux maisons dans la ville de Québec. Notre Con- est mon corps ». L’hostie consacrée, Corps du Christ, grégation compte beaucoup d’autres communautés Depuisest aussi appelée « Saint-Sacrement ». aux États-Unis, en Amérique du Sud et sur les autres continents. Toutefois, comme beaucoup d’autres plusieurs siècles, on expose le Saint-Sacre- instituts religieux, elle vit un déclin en Occident ment dans un ostensoir. Celui-ci a habituellement alors qu’elle connaît une croissance en Amérique du la forme d’un soleil et repose, traditionnellement, sur MerciSud, en Afrique et en Asie. un trône entouré de fleurs. Pour notre Sanctuaire, un jardin et une serre, derrière le monastère, ser- pour votre amitié ! Bon courage ! Extraits – Emmanuel d’un texte publié par le Père Pothier le 4 février 2018.

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 35 TOILES DE GEORGES DELFOSSE : À SAUVEGARDER À TOUT PRIX

Kevin Cohalan est alors transformé à grands a Société frais en une belle « salle événementielle » et un centre d’histoire du Pla- communautaire, le tout sous teau confine d’habitude son Salonle nom de 1861 Salon 1861. attention à notre arrondisse- ment. Il existe cependant dans le devient – com- Sud-Ouest un cas spécial : l’un me le Paradis terrestre – le des plus beaux projets de con- théâtre d’un geste qui ne version de lieu de culte réalisés fait pas l’unanimité. Malgré depuis quelques années. Il s’agit le droit de regard du Con- de l’église Saint-Joseph de 1861, seil du patrimoine de Mont- Lsituée à quelques pas de l’intersec- réal, on a surpeint, en 2016, tion de Guy et Notre-Dame : une les douze toiles de 1921 œuvre du grand architecte Victor marouflées sur la voûte de Bourgeau (1809-1888), auteur l’église : un cycle de saint Jo- la même année de l’Hôtel-Dieu. seph, patron de la paroisse En 1858, il avait bâti l’église et du Canada. Un membre La mort de saint Joseph : l’une des douze toiles de la voûte de l’ancienne église Saint-Joseph. du personnel du Salon affir- Photo : Gracieuseté de Joseph Conwill mait que cette intervention avait été accomplie dans un but de « désacralisation ». L’artiste peintre de ces toiles est raient pas dû, en premier lieu, Georges Delfosse (1869-1939), Mentionnonspermettre de se produire. l’un des plus éminents de son épo- que, connu entre autres pour ses deux cas analo- chefs-d’œuvre de la cathédrale gues : du côté positif, la magnifi- Marie-Reine-du-Monde. On pré- que chapelle des Sœurs Grises, Autoportrait de Georges Delfosse sume, jusqu’à preuve du contraire, scrupuleusement préservée par vers 1900, moustache bien cirée. que ces surpeints soient réver- l’Université Concordia comme Source : Wikimédia Commentsibles et la rédemption possible. salle de lecture, sans aucune ar- rière-pensée de désacralisation ; se fait-il que nos batail- et d’autre part, notre voisine, lons de défenseurs de patrimoine l’église Sainte-Madeleine d’Outre- Saint-Enfant-Jésus du Mile-End ; n’aient pas réussi à garantir la mont, dont la paroisse a cru bon, 1869 aura vu, angle Guy et René- survie de Delfosse ? Natalie Voland dans la foulée du fatidique renou- Lévesque – tout près de l’église est sensible aux questions posées. veau charismatique, de dissimu- Saint-Joseph –, sa majestueuse Elle a déjà reconstitué des vitraux ler les murales de Guido Nincheri. maison mère des Sœurs Grises, surpeints, dont celui de sainte Serait-il possible aujourd’hui de transformée aujourd’hui en pavil- Thérèse de Lisieux, et consulté des réparer ce geste qu’on regrette ? Enlon de 2015, l’Université Concordia. experts en matière de restaura- Il paraît que oui. Le coût ? Environ tion. Le fardeau devrait-il tomber Il300 faut 000 $. Gestion Immobilière sur elle qui a déjà tellement don- Quo Vadis, une entreprise de déve- né ? Faudrait-il toujours sollici- que les murales de Del- loppement présidée par Natalie ter les plus généreux ? Il incombe fosse aussi soient récupérées, Voland, est venue à la rescousse aux instances responsables de la restaurées et, sur place ou ail- de l’église Saint-Joseph. L’édifice, sauvegarde du patrimoine de cor- leurs, sauvegardées. quasiment à l’abandon et délabré, riger un problème qu’elles n’au-

Page 36 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 CHRONIQUE DU CENTRE DE DOCUMENTATION CONNAÎTRE LE PATRIMOINE RELIGIEUX DU PLATEAU PAR LES LIVRES Huguette Loubert, administratrice et directrice du Centre de documentation et d’archives

es grands

édifices impor- tionnelle sur le territoire urbain tants du patrimoine du Pla- de Montréal (voir aussi teau font partie en majorité pagestions, 26ainsi et 27)que la description de du patrimoine religieux. Malgré , publié par la Com- leur propre patrimoine leur importance, leur sort est munauté urbaine de Montréal en- De nombreuses. problématique. Les fidèles déser- tre 1981 et 1990, vous trouverez, tent, leur vocation change. Afin de dans les volumes consacrés aux études patrimo- mieux les connaître, je vous pro- églises, aux couvents et aux édi- niales ont été réalisées au cours pose quelques livres, les plus per- fices scolaires, beaucoup d’infor- de la dernière décennie pour les Ltinents, que vous pouvez consul- mations ainsi que de belles photos. principaux édifices patrimoniaux ter parmi bien d’autres au Centre religieux : Pensionnat Saint-Basi- Lede documentation. plus le (Maison de la culture du Pla- Le Diocèse de Montréal à la fin teau-Mont-Royal), Monastère du du dix-neuvième important siècle est1 le livre Saint-Sacrement, Institution des Sourdes-Muettes, Hôtel-Dieu de , publié Montréal et le Carmel. Ce sont des en 1900 chez Eusèbe Senécal et Desdocuments monographies très importants. Cie. Il contient des informations historiques sur les églises, pres- comme celle bytères, institutions d’éducation Pour admirer de la paroisse Saint-Jean-Baptiste et de charité d’avant 1900, avec Les belles ou encore celle de Saint-Louis- photos : ce qui en fait, entre au- églises du Québec nos églises sous de-France vous permettront de tres, une référence incontourna- leurs plus beaux atours : mieux connaître l’histoire de ces Dansble pour Montréal, le Plateau. son histoire, son d’André Croteau, Etparoisses si du Plateau. architecture publié chez Trécarré en 1996. Cinq de nos églises y font belle fig- Les le patrimoine églises du Québec religieux – Un du par Guy Pinard, pu- ure : Saint-Enfant-Jésus du Mile- patrimoineQuébec vous à réinventer intéresse, je pro- blié en six volumes aux Éditions End, Immaculée-Conception, Saint- pose La Presse et Méridien de 1986 à Jean-Baptiste, Saint-Stanislas-de- par Luc 1995, vous aurez une somme d’in- L’inventaireKostka et Saint-Pierre-Claver. Noppen et Lucie K. Morisset, formations formidables, allant de Lepublié patrimoine aux Presses religieux de l’Universiau Québec- l’achat du terrain et la cons- fait par le Conseil té du Québec en 2005, ou encore truction à l’état de nos princi- du patrimoine religieux du Qué- paux édifices religieux jusqu’aux bec, réalisé en 2003, nous rensei- de Jean Simard, par les Publica- Dansdernières décennies. gne sur plus de 25 lieux de culte tions du Québec en 1998, qui vous Histoire d’architecture tradi- du Plateau : beaucoup de données aideront à mieux comprendre la collection en douze volu- les concernant, de leur construc- l’enjeu important que représente mes tion à leurs différentes rénova- tout ce patrimoine. Note. ─ 1. http://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2796444.

Peut aussi être consulté en ligne à BAnQ :

La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 – Page 37 DANS NOS ARCHIVES…

Huguette respondance, etc. On y apprend Legault notamment que Germain Lefeb- Archiviste vre, aujourd’hui décédé, y a été de la SHP maître de chapelle pendant de longues années. Il fut plus tard le fondateur des Petits Chanteurs de Laval. D’autres personnalités oici de renom, dont Bernard Lagacé, aussi décédé, et Raymond Dave- quelques exemples Laluy sauvegardey ont été titulaires du patrimoine des orgues. de ce que nous possédons dans nos archives sur le DEPUIS Le grand orgue de tribune de l’église patrimoine religieux. Saint-Jean-Baptiste. longtemps, la sauvegarde Photo : G. Sauriol, novembre 2017 du patrimoine religieux est au cœur des actions de citoyennes et citoyens, ainsi que d’organismes du Plateau. De nombreux docu- • À l’Hôtel-Dieu de Montréal, V ments dans nos archives témoi- angle des Pins et Saint-Urbain, gnent de certaines de ces luttes la restauration de la statue de et de leurs résultats, ainsi que de saint Joseph et l’aménagement l’engagement de la SHP dans plu- d’un espace vert, ainsi que la sieurs dossiers : sauvegarde des édifices (dos- siers en cours) • La reconversion en 1993 de Plaque historique conçue en 2010 l’église de l’Ascension en biblio- • La sauvegarde de l’Institution par la SHP. thèque municipale, aujourd’hui des Sourdes-Muettes (dossier La paroisse Saint Dominic nommée « Bibliothèque Morde- VOUSen cours) cai-Richler » LE FONDS, pouvez trouver aussi des • La sauvegarde en 2006 du informations dans les rubriques don de la famille Mac- Carmel de Montréal « SauvonsSouvenirs notre et patrimoine » images du Pla et- Kenzie, témoigne de la présence teau« À l’église » de l’exposition vir- de cette paroisse catholique an- • La transformation de l’Aca- tuelle glophone sur un territoire qui se démie Marie-Rose en résidence POUR, sur le site web de la SHP. nommait à l’époque « District De pour personnes âgées (2007) Lorimier » et ses environs. Cette de plus amples informa- paroisse, fondée en 1912, a été • La murale située derrière le tions, communiquez avec le Cen- intégrée en 2008 à la paroisse maître-autel de l’ancienne égli- tre de documentation et d’ar- Saint Brendan, située dans l’ar- se Saint-Louis-deFrance, une chives au 514 563-0623. rondissement Rosemont–La Pe- œuvre de l’artiste Joseph Guar- tite-Patrie.Le Chœur Saint-Jean-Baptiste do, détruite malgré nos efforts (2010-2011) CE FONDS • La restauration et la témoigne des diver- réinstallation des sta- ses activités de cette chorale en- tues des anges sur tre 1928 et 1964 : listes des œu- la façade de l’église vres jouées et chantées durant Saint-Enfant-Jésus du les offices, activités sociales, cor- Mile-End (2007-2015)

Page 38 – La Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal • Vol. 13, No 3 • Automne 2018 DON D’ARCHIVES À LA SHP 

  Vous avez de vieux documents dans la famille à donner ?  Nous recueillons vos photos, objets anciens, livres sur l’histoire, cartes postales, plaquettes ou petits imprimés d’époque. Info : Huguette Loubert, 514-563-0623 Devenez membre pour l’année 2018 - 2019 Devenez membreGHOD6+3SRXUDXVVLSHXTXHSDUDQQpHRXPHPEUHjYLHSRXU XQUHoXSRXU¿QVG¶LPS{WGHVHUDUHPLV  de la SHP pour aussi peu que 15 $ par année, ou membre à vie pour 300 $ (un reçu pour fins d’impôt de 285 $ sera remis)  et recevez notre bulletin gratuitement, en plus d’avoir la chance d’assister à nos activités et conférences. La SHP étant reconnue organisme deGHFKDULWpQRXVpPHWWRQVGHVUHoXVRI¿FLHOVG¶LPS{WSRXUOHVGRQV1RWH]TXHODFRWLVDWLRQDQQXHOOHHVWGHSRXUODSpULRGHGXHU charité, nous émettons des reçus officiels d’impôt pour les dons. Notez que la cotisation annuelle est de 15 $ pour lapériode du 1er octobre 2018 au 31 décembre 2019. Remplissez le formulaire ci-dessous et faites-le parvenir avec votre cotisation à l’adresse suivante :  local 419

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