Flore Vasseur
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Charles l'édito de François mitterrand Zola, cet ouvrier De vérité comment séparer les choses ? La grandeur de Zola tient au fait que son oeuvre littéraire est une oeuvre politique, même quand il ne l’a pas voulu, et que son oeuvre politique est toujours restée littéraire. Bien entendu chacun connaît « J’accuse », mais connaît-on bien le reste ? Et sait-on qu’après tout Zola, sur le plan simplement de la polémique politique, allait infiniment plus loin et, d’une plume infiniment plus critique (parce que grattant plus profondément, plus loin que le papier, l’esprit de ceux qui le lisaient), beaucoup plus loin que le Barrès de Leurs figures, à mon avis, surfait ? « J’avais une vieille idée dans un coin de ma cervelle qui était de dire un beau jour la vérité à tout le monde. » Il y avait déjà 18 ans qu’il avait écrit cela, quand paraîtra « J’accuse » le 13 janvier 1898. J’ai souvent réfléchi à l’état d’esprit de cet homme qui désormais coupe les ponts : il ne peut pas ignorer le sort qui l’attend dans le monde des lettres et aussi dans le monde où il aime vivre, après tout. À travers l’affaire Dreyfus, j’ai essayé de me faire une idée de l’homme dont Blum disait : « Plus je réfléchis, plus je pèse et plus j’admire le Zola de l’Affaire. » J’ai cherché, comme vous tous sans doute, la signification de Zola, romancier ou justicier, dans sa totalité. « J’accuse », c’est un engagement militant, or Zola n’était pas un militant. L’engagement de Zola, c’est l’aboutissement naturel d’une évolution lente, de plus en plus nette à travers l’histoire, à travers l’oeuvre immense qu’il avait maçonnée ; mais cette oeuvre, il était bien difficile de penser qu’elle aboutirait en termes concrets d’un engagement politique aussi dur, dans une situation, elle-même, aussi tendue. Débats, controverses, problèmes, tribunaux, police, insultes, voilà que nous y sommes : le pas est franchi. Cette hésitation de Zola m’a toujours étonné. Sur le plan littéraire, bâtisseur et théoricien, il aborde la littérature par le biais d’une certaine forme d’explication scien- tifique qui s’inspire des écrits de grands médecins, et notamment de Claude Bernard. Il essaie de rechercher un certain nombre de sentiers qui ne laissent pas de place à l’improvisation. Il ouvre à la littérature les portes de la vie sociale par une description qui dépasse et parfois néglige les caractères individuels. Il crée une vie puissante en mouvement comme la lave qui coule ou le torrent, a tout le temps d’examiner chacun des éléments qui la composent. Sa création, c’était le fleuve, c’était la lave ; et, à travers cela, la révélation de tous les éléments de connaissance pour décrire la société dont les autres ne parlaient pas ou si peu. Une démarche donc aussi scientifique que celle de Littré, aussi romanesque que celle de Sue, éloignée déjà de l’analyse strictement poin- tilliste d’un Stendhal à travers quelques individus de certaines classes sociales, mais aussi différente, bien que l’on soit déjà plus proche de la façon d’écrire et de procéder d’un Balzac qui, s’il était allé au-delà du monde auquel il s’est intéressé, aurait sans doute construit une oeuvre qui eût dépassé, à mon sens, celle de Tolstoï. Avec Zola, les masses populaires ont fait dans les lettres françaises une entrée fracassante. Je salue cet ouvrier de vérité, ce croyant des hommes et de la nature. Il accompagne notre certitude d’une ronde immense d’hommes et de femmes qui seront joyeux, « quand même », joyeux, parce qu’il y a, en perspective, pour un temps dont on ne connaît pas le calendrier, l’épanouissement et la libération. Discours prononcé par François Mitterrand à Médan, le 10 octobre 1976 à l’occasion d’une célébration d’Émile Zola. (extraits) 3 Charles Renseignements généraux politburo RACHIDA DATI racontée Par IAN Il est élu au Conseil de Paris, elle aussi. Il est communiste, elle est opportuniste. BROSSAT Ils se font parfois la bise. Ian Brossat brosse un portrait presque chaleureux de sa collègue. Paris, quelques mois plus tard, toujours plus fort de repro- il est toujours difficile de Je me souviens de l’une de je lui fais passer un message duction sociale, qui réserve faire le portrait d’un adversaire nos premières conversations, en séance : elle éclate de rire. les plus hautes charges de politique. S’il est à charge, très surprenante, au moment Pourtant rien d’irrésistible dans l’État, les mandats les plus on nous soupçonne d’artifice : d’un Conseil d’administration le petit papier plié en quatre, importants, aux enfants des la chose est trop convenue, de la Tour Eiffel, auquel nous rien de mémorable. Comme milieux les plus favorisés. Les c’est comme un jeu. S’il est prenons part tous les deux. je commence à la connaître, coteries, les familles, le sérail. trop gentil, c’est presque pire, Souriante, agréable, très drôle, je regarde alors discrètement Aujourd’hui, si l’on n’est pas on se demande bien quelle comme elle me voit lire L’Huma- autour de moi. La caméra du du bon quartier, si l’on ne mouche nous pique. La conni- nité, elle me confie que c’était le « Petit Journal » de Canal + est porte pas le bon nom de famille, vence n’est pas loin. Pourtant, journal de ses parents. D’ailleurs, braquée sur elle : j’aurais dû m’en si l’on n’a pas fréquenté la bonne je veux me risquer le temps de ces à l’entendre, elle n’apprécie que deux douter. On se souvient tous des com- école, il faut être plus méchant, quelques lignes. Parce qu’il serait vain quotidiens : L’Humanité, justement, et pliments de Nicolas Sarkozy sur son plus sournois, plus versatile que les de se le cacher, il y a quelque chose de ter- La Croix. Quand elle se tourne vers moi, ancienne conseillère technique – et de l’ex- autres. Plus intensément dévoué à soi- riblement intrigant chez Rachida Dati. De très c’est la femme issue d’un quartier populaire qui pression de Cécilia Sarkozy : elle est « de la race même. Les dents plus longues. séduisant, aussi – et parfois d’un peu inquiétant. bavarde aimablement avec un élu communiste. des seigneurs. » Sûrement, elle a la même com- Et puis, son parcours invite à la réflexion, c’est Quand elle se détourne, la maire du VIIème arron- bativité que le président de la République, cette Les engagements hésitants de Rachida Dati, une évidence. dissement reparaît. L’élue de droite, aussi, qui façon de se démultiplier, ce même dynamisme. du PS à l’UMP, de Simone Veil à Nicolas Sarkozy prend prétexte d’un bâtiment temporaire dédié Pourtant, ce qui frappe, quand on suit son en passant par Michel Rocard : tout s’explique, Avant de la croiser au Conseil de Paris, où à la vente de billets pour la Tour Eiffel. Elle travail d’élue, de maire ou de conseillère de Paris, tout se justifie, tout s’entend au service de sa elle est élue, comme moi, depuis 2008, je ne attaque violemment Jean-Bernard Bros, l’adjoint c’est le décalage entre une image impeccable, formidable ambition. On s’y laisse prendre, on connaissais d’elle que l’image ambiguë de l’an- au tourisme de Bertrand Delanoë : le Champs de toujours soignée, une extraordinaire volonté de lui pardonnerait presque – or c’est bien là, le cienne porte-parole de la campagne de Nicolas Mars va être défiguré. D’une seconde à l’autre, plaire – et les paradoxes de son action. Car plus vrai danger. Je me souviens de l’avoir croisée Sarkozy, et sa réputation pas toujours flatteuse elle a changé de visage, d’humeur, de rôle, opportuniste qu’idéologue, elle attend le bon à la gare de l’Est, un soir, de retour de Nancy. de ministre. Première femme issue de la diver- presque de personnalité, et montre un vrai talent moment, elle saisit l’occasion. Elle incarne sa Deux voyageurs qui se saluent. Je suis un peu sité à occuper une fonction régalienne au sein pour la réplique assassine, et le passage du coq seule ambition. fatigué, elle me fait la bise, elle me tutoie. À d’un gouvernement français, Rachida Dati est à l’âne. Saisissant. Cependant, ce qui me préoccupe vraiment, l’appui de son formidable naturel, nous sommes alors une garde des Sceaux peu apprécié des au-delà de son cas particulier, au-delà des presque deux camarades – alors que tout nous magistrats. Ses réformes, je ne les aime pas, et Constamment, il faut le reconnaître, elle cadavres qu’on lui prête, des dérobades et des sépare : nos partis politiques, mais également la manière, très représentative de la première s’adapte à son public et à la situation. Comme déguisements, c’est ce qu’elle nous apprend de la nos convictions, nos manières de faire de la poli- époque « bling-bling » du quinquennat Sarkozy, dotée d’un sixième sens, Rachida Dati sent vie politique telle qu’elle se pratique aujourd’hui tique. Mais le charme est redoutable, il opère en m’agace beaucoup. Cependant, dès qu’on la ren- mieux que personne l’œil de la caméra, l’atten- en France. Car la vérité est bien celle-là : si quelques secondes. Rachida Dati ? Il faut s’en contre, on est frappé par sa capacité à focaliser tion d’un public qui évolue. Elle cherche – et elle ne s’était pas pliée à ces règles-là, si elle méfier.