ÉTUDES NIGÉRIENNES N° 51

LA RÉGION D'IN GALL - TEGIDDA N TESEMT ()

Programme Archéologique d'Urgence 1977-1981

IV AZELIK-TAKADDA

ET L'IMPLANTATION SÉDENTAIRE MÉDIÉVALE

Institut de Recherches en Sciences Humaines - 1991 Ouvrage publié avec le concours du Ministère de la Coopération de la République Française

ISBN n^2-85921 -060-1 LA RÉGION D'IN GALL - TEGIDDA N TESEMT (NIGER)

IV AZELIK-TAKADDA

ET L'IMPLANTATION SÉDENTAIRE MÉDIÉVALE

SOMMAIRE

Sauf indication contraire, les auteurs sont S. BERNUS et P. CRESSIER

INTRODUCTION 1

CHAPITRE 1 - L'APPROCHE ARCHÉOLOGIQUE DU SITE D'AZELIK 1 1

Les campagnes antérieures : rappel des travaux entrepris et des premiers résultats 12 La prospection géophysique 16 1 . Implantation de la prospection géophysique 20 2. Prospection électrique 20 3. Prospection magnétique 21 4. Les enseignements de la prospection géophysique .. 23 La collecte raisonnée du matériel de surface 25 1 . Mise en oeuvre 26 2. Essai d'interprétation 27 3. Les enseignements du ramassage de surface 42

CHAPITRE Il - LE MATÉRIEL ARCHÉOLOGIQUE : LA CÉRAMIQUE 43

Composition de l'échantillon étudié (F. BARRY-FARDOUET et S. BERNUS) 43

Morphologie (F. BARRY-FARDOUET et S. BERNUS) 45 1 . Eléments d'ouverture 45 2. Appendices de préhension 66 3. Fragments de panse 70 4. Pieds et fonds 71 5. Autres éléments 71

Décors (F. BARRY-FARDOUET et S. BERNUS) 76 1 . Types de décors 76 2. Organisation et distribution du décor 79 3. Quelques remarques 86

Comparaison avec le matériel du sondage (F. BARRY- FARDOUET et S. BERNUS) ...... 88 Pâtes, dégraissants et chronologie : contribution analytique à l'étude des céramiques d'Azelik (A. PERSON et J.F. SALIEGES) 89 1 . Méthodes d'étude permettant une approche de l'environnement 90 2. Données analytiques sur la méthode de fabrication des poteries 95 3. Données chronologiques 101 4. Méthodologie 102 5. Datations 14 C des poteries d'Azelik, Bangu Beri et Gélélé 108 6. Conclusions 114

La céramique tournée (P. CRESSIER) 116 Conclusion 118

CHAPITRE III - LE MATÉRIEL ARCHÉOLOGIQUE (suite), PARURES, CUIVRE, MONNAIES 123

Les éléments de parure 123 1 . Les bracelets 123 2. Les perles 127 3. Un matériel cohérent mais peu révélateur 128 Le cuivre 131 1 . Le minerai 131 2. Broyage et concassage : cupules et meules 133 3. La fonte : les creusets 136 4. La technique médiévale : essais de reconstitution .. 139 5. Les produits 141

Monnaies frappées 145 Les autres métaux 148

CHAPITRE IV - CONSTRUCTIONS ET URBANISME 149

Modes de construction et structures d'habitat 149 1 . Matériaux et appareils 1 50 2. Eléments de métrologie 152 3. Relations entre appareils, dimensions et fonctions .. 154 4. Plans 154

Le grand bâtiment 157 Mosquées et cimetières ...... 160 1. Les mosquées 160 2. Les cimetières ...... 168 Approvisionnement en eau et terroir agricole (E. BERNUS et P. CRESSIER) 171 1 . Sources et puits 171 2. Le terroir agricole 177

CHAPITRE V - LES SATELLITES D'AZELIK : LA PENTAPOLE DE TAKADDA 187

Tadghaght 187 1 . Le site 187 2. Le matériel (F. BARRY-FARDOUET et S. BERNUS) .. 188 3. Un quartier périphérique de la Takadda médiévale .. 189 In Zazan 1 92 1 . Le site 192 2. Fortin ou caravansérail ? 193

Bangu Béri 1 93 1 . Le site 1 93 2. Le matériel céramique (F. BARRY-FARDOUET et S. BERNUS) 195 3. Les datations 1 98 4. Bangu Béri : un quartier satellite de Takadda 199 Gélélé 199 1 . Le site 1 99 2. Le matériel (sondages et ramassages de surface) (F. BARRY-FARDOUET et S. BERNUS) 203 3. Les datations 205 4. Un quartier artisanal 206

Tegidda-n-Tesemt 208 L'oasis d'Azelik-Takadda 213

CHAPITRE VI - LES AUTRES SITES ISLAMIQUES 215

Un classement arbitraire des sites 215

Aboraq 219 1 . Le site 219 2. Les sondages 219 3. Les datations 222 4. Le matériel (F. BARRY-FARDOUET et S. BERNUS) .. 225 5. Les constructions 232 6. La nécropole et ses inscriptions 234 7. Aboraq, site religieux aux portes d'In Gall ...... 237 Anasafar 238 1. Le site 238 2. Le matériel céramique (F. BARRY-FARDOUET et S. BERNUS) 239 3. Autre matériel 243 4. Constructions et nécropoles 243 5. Anasafar : un site de pélerinage de la falaise de Tigidit 244

Anisaman 246 1 . Le site 246 2. Les constructions 249 3. Le matériel céramique (F. BARRY-FARDOUET et S. BERNUS) 255 4. Anisaman et Takadda 262

Fagoshia 264 1. Le site 264 2. Le matériel (F. BARRY-FARDOUET et S. BERNUS) 264 3. Les constructions 270 4. Fagoshia : une autre agglomération de la Takadda médiévale 271

Marandet 271 1 . Le site 271 2. Vestiges, matériel, datations 271 3. Un site industriel pré-urbain antérieur à Takadda ... 272

Shi-n Wasagharan 274 1. Le site 274 2. Le matériel (F. BARRY-FARDOUET et S. BERNUS) .. 276 3. Les constructions et la nécropole 277 4. L'apport de l'épigraphie 280 5. Shi-n Wasagharan, établissement religieux et commer- cial au XVIIe siècle 282

Shiwalemban 283 1. Le site 283 2. Le matériel céramique (F. BARRY-FARDOUET et S. BERNUS) 284 3. Autre matériel 285 4. Les constructions 286 5. Shiwalemban médiéval ...... 287 Tebangant 289 1 . Le site 289 2. Le matériel (F. BARRY-FARDOUET et S. BERNUS) .. 290 3. Les vestiges de constructions 294 4. Tebangant, site complexe de transition 294

Tegidda-n-Tagayt 295 1. Le site 295 2. Le matériel (F. BARRY-FARDOUET et S. BERNUS) .. 295 3. Les vestiges de constructions 296 4. Le sondage 303 5. Tegidda-n-Tagayt 305

Tegidda-n-Adghagh 306 1. Le site 306 2. Le matériel (F. BARRY-FARDOUET et S. BERNUS) .. 307 3. Les constructions 308 4. Tegidda-n-Adghagh, un site atypique 310

Sites secondaires 312

Sites médiévaux et post-médiévaux à l'Ouest de l'Aïr 314

CHAPITRE VII - QUELQUES ELEMENTS DE SYNTHESE 317

Comparaisons des matériels céramiques (F. BARRY-FARDOUET et S. BERNUS) 317

L'architecture religieuse à l'Ouest de l'Aïr 324 1. Les monuments de comparaison 324 2. Plans, dimensions et proportions des salles de prière 330 3. La présence d'un minaret dans les mosquées d'Azelik 333 4. Les influences ibadites 335 5. Quelques conclusions sur l'architecture religieuse à l'Ouest de l'Aïr 336

Architecture et pouvoir politique 338 1. Le palais du sultan d' 338 2. Agadez. Le palais des sultans jumeaux ou Gida-n-Tawaye 341 3. Tadeliza, résidence fortifiée des sultans d'Agadez .. 348 4. Autres monuments 348 5. Essai de typologie des structures 350 6. Pouvoir politique, pouvoir militaire 354 7. Incertitudes chronologiques et typologie des sites .. 355 Le peuplement et son évolution 357 1. La population d'Azelik-Takadda 357 2. Les établissements sédentaires à l'Ouest de )'Aïr ... 362

CONCLUSION 371

BIBLIOGRAPHIE ...... 373 INTRODUCTION

C'est à partir de recherches sur le peuplement actuel de la région qu'une étude archéologique a été entreprise dès 1 973 autour du site majeur d'Azelik. La prospection attentive des environs avait permis de découvrir de nombreux autres vestiges d'occupation humaine. Leur abondance, ainsi que l'imminence de bouleversements économiques liés à la prospection et à l'exploitation prévue de l'uranium par la compagnie IRSA, titulaire d'un permis de recherche, nous ont amenés à systématiser une étude régionale qui se voulait aussi rétrospective, historique et archéologique. Les volumes précédents (Etudes Nigériennes 47 à 50) rendant compte de cette entreprise, poursuivie de 1977 à fin 1981 sous le nom de Pro- gramme Archéologique d'Urgence de la région d'In Gall et de Tegidda-n- Tesemt, se sont attachés à décrire, à partir du cadre naturel et de sa pro- bable évolution, les vestiges les plus anciennement datables, habitats et sépultures néolithiques, vestiges d'une métallurgie du cuivre, puis du fer. Un changement climatique, se manifestant par une période de ten- dance sèche et se situant entre 2 200 B.P. et 1 200 B.P. (Nicholson, 1 980 : 1 73) pourrait expliquer le vide constaté jusqu'ici de vestiges d'habi- tat permanent datés de cette période. Nous en arrivons donc aux sites directement en rapport avec le peu- plement récent de la région, et pour lesquels existent des traditions orales ou même parfois de brèves mentions dans des textes de voyageurs ara- bes ou dans les récits des premiers voyageurs européens. C'est autour du site d'Azelik, avons-nous dit, que s'est organisée la recherche. Bien que le sujet ait déjà été abordé dans une publication anté- rieure (Bernus et Gouletquer, 1976), il convient dans ce volume qui rend compte d'un nouveau stade de la recherche, de reprendre et de compléter les informations relatives à la découverte et aux premières hypothèses de travail : les traditions d'origine recueillies lors de nos enquêtes sur le peu- plement d'In Gall et de Tegidda-n - Tesemt recoupaient les observations des géologues sur la présence de cuivre dans la région, et le rapproche- ment proposé par R. Mauny dès 1954 avec les indications d'Ibn BaHata sur l'industrie du cuivre pratiquée à Takadda au milieu du XIVe siècle de notre ère. C'est la convergence de ces trois axes de recherche, tradition orale, conditions géologiques et sources écrites qui a déterminé la démar- che mise en oeuvre.

SOURCES ÉCRITES ET PREMIÈRES HYPOTHÈSES

Rappelons brièvement que la première mention d'Azelik se trouve dans l'ouvrage du Capitaine Cortier (1914 : 150) qui, en décrivant la saline Fig. 1 : Azelik, situation générale de Tegidda-n-Tesemt, fait mention du village d'origine de son fondateur, un nommé Inessoufa ; en fait, Cortier prend pour le nom propre du fonda- teur le nom de la population vivant à Azelik, les Inesufa, ou Inusufa. C'est probablement dans Cortier que les auteurs postérieurs, Abadie et Urvoy, ont trouvé les éléments sur lesquels ils se fondent pour faire remonter au milieu du XVIIIe siècle la fondation des salines (Abadie, 1927 : 276 ; Urvoy, 1936 : 186). Il faut attendre 1950 pour voir réapparaître Azelik dans la littérature. Le Commandant de cercle d'Agadez qui entretenait des rela- tions suivies avec le Serki-n-Tegidda (« chef du village de Tegidda »), Nasamu ag Ghelil (qui fut notre informateur à ln Gall dès 1970) se rendit en sa compagnie à Azelik et signala (Brouin, 1950 : 90-91) « de vastes ruines arasées, avec des cimetières importants, de nombreuses fondations de maisons de pierre » et, fait capital, « de nombreux petits blocs de cui- vre natif et des fragments de cuivre provenant de la fonte du minerai » (Mauny, 1961 : 140). Ces constatations poussent Brouin à établir une cor- rélation entre le site d'Azelik et la ville de Takadda, décrite par plusieurs voyageurs arabes au Moyen Age, et visitée par Ibn Battuta en 1356. L'exis- tence dans la région de plusieurs toponymes en Tegidda a incité plusieurs auteurs, sans beaucoup d'examen critique, et un peu rapidement, à pro- poser des rapprochements avec le nom de Takadda (Delafosse, 1 972 : 1 1, 75 ; Urvoy, 1936 : 15 ; Roy, 1946 : 5 ; Lhote, 1965 et 1972). Mauny seul maintient — avec une grande prudence scientifique — qu'Azelik est le site le plus probable de l'ancienne Takadda. Sans prendre parti a priori dans la controverse opposant Lhote et Mauny, nous avons donc, comme il a été dit plus haut, repris l'étude selon trois axes de recherche. Le premier a consisté en une confrontation entre traditions orales recueillies à In Gall et textes écrits (Chroniques d'Agadez, 1 934). Celle-ci fit apparaître une identité ou une similitude de noms pour désigner d'une part les habitants d'Azelik et d'autre part des contemporains de la fonda- tion du sultanat, datée du tout début du XVe siècle de notre ère. La ques- tion se posait donc de la nature du lien unissant les deux cités, puis des causes de la disparition de l'une au profit de l'autre, ce nom (Inusufa, ou Mesufa) étant également celui des habitants de Takadda, mais se retrou- vant aussi dans la littérature du Moyen Age pour désigner les Berbères voi- lés habitants du Sahara, comme on le verra en détail plus loin. Le second axe a correspondu à une étude pluridisciplinaire régionale et diachronique de l'exploitation du cuivre (principale activité de Takadda à son apogée selon Ibn Battuta), étude facilitée par la mise en place du Programme Archéologique d'Urgence In Gall - Tegidda-n-Tesemt. Le troisième, enfin, fut conçu comme une prospection systématique des sites médiévaux au sens large à l'Ouest de l'Aïr, centrée sur l'établis- sement principal d'Azelik et associée à la mise en œuvre sur celui-ci d'approches archéologiques non destructives.

LA PROBLÉMATIQUE

Les premiers travaux d'identification du site d'Azelik, signalé aussi bien par ses huit cimetières regroupant plusieurs milliers de tombes, marqueurs de son appartenance à la période islamique, que par ses ruines de cons- tructions partiellement en pierre et par l'abondance du matériel de surface, nous avaient dès le début conduits à penser qu'un établissement de cette importance ne pouvait être demeuré isolé dans le temps comme dans l'espace. On devait donc trouver, dans les environs, des vestiges compa- rables, qu'ils soient contemporains, antérieurs ou postérieurs. L'examen des hypothèses rapprochant Takadda des autres toponymes en Tegidda (Barth, 1972 : 138 ; Urvoy, 1936 : 1 56 ; Roy, 1946 : 5-7 ; Lhote, 1 972) ainsi que diverses informations recueillies sur place permirent, au cours de la prospection générale de la région, de découvrir, puis de décrire, plusieurs sites d'habitat permanent, accompagnés de cimetières musulmans importants, comportant parfois des stèles à inscriptions en arabe. Or les nomades occupant de nos jours la région étudiée n'utilisent pas de nécropoles ou de cimetières, se contentant, la plupart du temps, d'ense- velir le mort à l'endroit du décès, à de rares exceptions près (1 ), et ne séjour- nent pas à proximité des tombes, connues ou inconnues. On a donc con- sidéré que les nécropoles dépassant plusieurs centaines de sépultures devaient être attribuées à une phase de peuplement différente de celle qui prévaut actuellement. Une classification provisoire les a fait entrer dans une catégorie que nous avons, en première approximation qualifiée de médiévale. Il s'agit des sites de Bangu Beri (TTS43), Gélélé (TTS47), Fago- shia (TTA30), Tegidda-n-Adghagh (TTA 43), Tegidda-n-Tagayt (TTA 38), Aboraq (AG 1 et 2), Anisaman (TTA 50), Shiwalemban (IG 44), Anasafar (IG 45), Tebangant (IG 24) et Shi-n Wasagharan (AG 96). Pour la plupart d'entre eux nous disposons seulement d'un relevé des structures visibles et d'un ramassage non systématique d'échantillons de matériel. Dans une première partie, nous examinerons les données relatives à Azelik (TTS 42), de beaucoup les plus nombreuses et les plus riches, puisqu'elles ont déjà fait, en plus de nos propres observations, l'objet d'hypothèses discutées et controversées et de travaux préliminaires de ter- rain. Dans la seconde partie, après avoir présenté brièvement chacun des sites mentionnés plus haut, nous tenterons une mise en parallèle des résul- tats obtenus et une discussion des hypothèses concernant le peuplement de cette époque, à la lumière des sources écrites, de la tradition orale et de la littérature antérieure sur le sujet.

DESCRIPTION DU COMPLEXE ARCHÉOLOGIQUE D'AZELIK

Venant de la bourgade de Tegidda-n-Tesemt, important carrefour de pistes (2) et passage obligé entre Sahara et Sahel, on atteint les sources d'Azelik par une piste qui, vers le Nord-Est, longe un bombement faillé, surrection au milieu des argilites de l'Eghazer d'un dôme gréseux aplati, faciès intermédiaire, semble-t-il, entre les grès d'Agadez et ceux d'Assaouas. Aux deux extrémités de ce bombement, plusieurs cassures permettent la remontée en surface de sources minéralisées, dont la com- position varie selon la nature des terrains traversés, chlorure de sodium à Tegidda-n-Tesemt et à Gélélé, carbonate de sodium (natron) à Azelik (3).

( 1 ) La tombe d'un saint marabout peut parfois regrouper autour d'elle quelques dizaines au plus de tombes plus ou moins récentes. C'est en particulier le cas à Azelik sur l'extrémité du tell dominant les sources. (2) La piste nord-sud, venant de la frontière algérienne et se dirigeant vers In Gall et au-delà vers Tahoua (avec un embranchement oriental vers Agadez) est depuis quelques années presqu'abandonnée au profit de la piste Assamakka-, où commence la route goudron- née Arlit-Agadez-Tahoua-Niamey qui ne passe plus désormais par In Gall ni Tegidda-n-Tesemt. (3) Pour la description détaillée des conditions géologiques, cf. Bernus et Gouletquer, 1976 : 13-18. . Fig. 2 : L'anticlinal de Gélélé-Azelik Le sommet de cet « anticlinal » est occupé, sur plusieurs kilomètres à partir de Gélélé, par une série de tumulus et de sépultures monumenta- les (TTS 39, TTS 48 et 49, cf. Etudes Nigériennes 50 : 123 et 165), si bien que la piste s'allonge sur le flanc septentrional du bombement, domi- nant légèrement la plaine de l'Eghazer wa-n Agadez (fig. 2). De part et d'autre de la piste, des dalles de grès sub-horizontales affleurant à la sur- face portent en très grand nombre des batteries de cupules d'une grande régularité de formes et de dimensions, formant, à première vue, des « séries » orientées. Dans la fourche formée par deux axes d'écoulement qui se rejoignent dans la plaine à l'extrémité orientale du massif gréseux se situent les ves- tiges d'habitat sédentaire. Plusieurs cimetières musulmans (huit principaux) (1), comportant chacun plusieurs centaines de tombes, sont nettement délimités. Trois d'entre eux jouxtent immédiatement une zone de tell, ins- crite dans un vaste croissant de huit à neuf cents mètres de diamètre, déli- mité par l'abondance des tessons de poterie visibles en surface, fragmen- tés et érodés. Entre les vestiges de constructions ruinées, le sol, cendreux sous une couche superficielle de sable éolien, est recouvert, de façon iné- galement dense, de gravillon dolomitique contenant des mouchetures de cuivre natif et de cuprite. De nombreuses meules dormantes, souvent cas- sées, parsèment également la surface du site, traversé par plusieurs sen- tiers, passages des troupeaux se dirigeant vers les sources, situées immé- diatement en contrebas de cette éminence, le long d'une faille affectant les affleurements gréseux. Une dizaine de sources, plus ou moins aména- gées s'échelonnent le long de ceux-ci, jusqu'à l'aplomb d'une autre émi- nence, pointement rocheux extrême de ce système, appelé tadghaght (« la petite montagne ») et au pied duquel se distinguent plusieurs petites but- tes anthropiques, recouvertes elles aussi de tessons de céramique. En arrière des sources, les affleurements rocheux se présentent soit en blocs disloqués de grès bleuté, soit en dalles de grès rose, plus friable, parfois revêtu d'une patine vernissée sombre. Sur de nombreuses dalles sub-horizontales se retrouvent des ensembles de cupules. D'autres por- tent des traces de bouchardage ayant permis d'en détacher des blocs, comme en témoignent les cicatrices, utilisés soit comme matériau de cons- truction, soit comme meules dormantes transportées sur le site d'habitat. Enfin, à quelques centaines de mètres au sud des principales sources, sur des espaces dénués de végétation et recouverts de gravillons et de cail- loutis, on remarque d'importantes concentrations de grosses scories gris-bleuté. Comme il fallait s'y attendre, le versant opposé de ce bombement pré- sente également des vestiges d'occupation humaine : sources plus ou moins taries, vestiges d'habitat et/ou sépultures à In Zazan (TTS 42) et Bangu- Beri (TTS 43) (fig. 3). La végétation est très clairsemée, concentrées le long des axes d'écoulement, composée pour l'essentiel d'Acacia erhenbergiana [tamat] de petite taille. Sur le sommet du tell archéologique on trouve quel- ques autres espèces, Maerua crassifolia [aggarjou Acacia raddiana [afagag]. Une plage de végétation plus dense se remarque à l'intérieur du site

( 1 ) Le neuvième étant constitué par les tombes sub-actuelles évoquées précédemment. urbain, le long de la piste, entre les cimetières 2 et 5, et correspondant curieusement à une disparition presque totale des vestiges de surface et à une légère dépression, occupée par des bouquets d'arbres plus abon- dants ainsi que par de hautes touffes d'afazo (Panicum turgidum), plus ou moins épaisses selon les années et la pluviométrie. Enfin, invisible au sol mais décelable sur les photos aériennes (1) un système de canaux doublant les axes d'écoulement naturel, accompagné de structures rectangulaires évoquant des parcelles cultivées ou des bas- sins de retenue (cf. photo) est situé au Nord des sources principales à par- tir desquelles, au cours des années de sécheresse 1969-1973, un canal permettait l'irrigation d'un petit terroir agricole (Bernus, 1977) (2). Entre la bordure du tell et les sources, la piste se divise en deux bran- ches, l'une piquant vers le Nord-Nord-Est et traversant le lit majeur de l'Eghazer wan Agadez en direction d'Arlit, l'autre contournant l'extrémité orientale de l'anticlinal, au pied du pointement de Tadghaght, et rejoignant la piste prin- cipale Tegidda-n-Tesemt — Agadez à une trentaine de kilomètres de l'ensemble des sources de Fagoshia, en passant par le forage artésien de Tende, au pied du minuscule relief d'Ader Aghgalen. Ces pistes qui, jusqu'à l'intervention de l'IRSA n'avaient jamais été véritablement aménagées, correspondent aux passages naturellement empruntés par les hommes et leurs animaux pour joindre entre eux lieux habités et points d'eau. Dès les années 1 950-1 960, cependant, les pros- pections du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) et du Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) avaient pérennisé certains tra- cés par le passage répété de véhicules automobiles. Depuis la fondation de la ville d'Arlit un certain trafic empruntait, au départ de Tegidda-n- Tesemt, la piste passant par Azelik (commerçants arabes surtout, quel- ques véhicules par semaine, en saison sèche exclusivement). Tel se présente donc, dans sa relative complexité tranchant sur l'uni- formité de l'immensité environnante, l'ensemble des sources d'Azelik et leurs environs immédiats : quelques campements discrètement dissémi- nés dans un rayon de quelques kilomètres témoignent de la présence per- manente des Touaregs Kel Fadey. Haut lieu de la « cure salée », ou trans- humance d'hivernage des troupeaux des éleveurs touaregs et peuls venus de l', les sources d'Azelik sont, au cours des quelques semaines de saison des pluies (août et septembre), visitées par de très nombreux nomades étrangers à la région pendant tout le reste de l'année : on estime généralement que la population humaine et animale est décuplée pendant cette période. Ceci entraîne tout naturellement, par piétinement, une forte perturbation du site. Lieu de passage très fréquenté, les nomades n'ont pas manqué, depuis longtemps, d'y récupérer, soit au hasard des trouvail- les en surface, soit en creusant le sol à la recherche d'un « trésor », tout ce qui pouvait être utilisable, et en particulier les fragments de métal et les éléments de parure (perles). Tous les informateurs ne s'accordent-ils pas

( 1 ) Bucaille (1 975) le signale à partir des photos aériennes IGN au 1 /70.000. La restitution qui en est donnée plus bas (cf. infra) est faite à partir des photos au 1/20.000 aimablement communiquées par l'IRSA. (2) Depuis 1981 ces jardins sont abandonnés, au profit d'un forage implanté par l'IRSA à une dizaine de kilomètres plus au Nord, sur la rive droite de l'Eghazer. Fig. 3 : Croquis de l'extrémité orientale de l'anticlinal Gélélé-Azelik d'après les photographies aériennes IGN et IRSA complétées par les observations au sol 1 : fonds de vallées sableux. 2 : sens des écoulements saisonniers. 3 : surface des sites archéo- logiques délimitée par les tessons de céramique. 4 : affleurements de grès présentant des cupules. 5 : tumulus. 6 : traces d'anciennes cultures et canaux d'irrigation. 7 : jardins actuels. pour affirmer qu'« on y avait trouvé de l'or », ou du moins qu'« ils avaient entendu raconter qu'on en avait trouvé » ? Sans s'attarder à cette « tra- dition », on en retiendra simplement que le site a été fortement perturbé et remanié. En dehors du réemploi de meules dormantes pour l'aménagement de tombes postérieures à l'abandon des cimetières, dès les premiers temps de la colonisation les visiteurs européens du site ont prélevé, dans le but de constituer des collections, scientifiques ou privées, le matériel le mieux conservé qui se trouve, dans le meilleur des cas, à Dakar (IFAN), où nous n'avons pu nous rendre pour le consulter, ou à Niamey. Les caisses de matériel ramassé et rapporté avec plus d'enthousiasme et de bonne volonté que de compétence, mal identifiées, ne disposant ni de l'espace ni du per- sonnel nécessaires à leur étude, sont par conséquent demeurées inacces- sibles. C'est ainsi que les « marmites entières » rapportées par H. Lhote (1975 : 442) à la suite de la « trentaine de sondages » qu'il aurait effec- tués sur le site n'ont pu être retrouvées, alors que leur examen eût été de la plus haute importance pour l'établissement de la typologie cérami- que du site. Cette situation n'est pas particulière au site d'Azelik, et la plupart des archéologues actuels, en France comme ailleurs, se trouvent confrontés à des conditions identiques ou comparables. Si nous insistons sur ce fait, c'est pour expliquer la circonspection dont nous avons fait preuve dans la poursuite du Programme Archéologique d'Urgence pour résister à la faci- lité d'accumuler du matériel que nous n'aurions pas pu traiter sérieuse- ment par la suite.

Chapitre I

L'APPROCHE ARCHÉOLOGIQUE DU SITE D'AZELIK

Sans revenir trop longuement sur les questions d'options méthodolo- giques déjà exposées avec quelques détails dans le premier volume de cette série (Etudes Nigériennes 48), il faudra tout de même, à propos de la démar- che mise en oeuvre à Azelik, dont on attendait des révélations décisives sur des points obscurs de l'histoire du Soudan central, expliquer et justi- fier la nature de nos interventions. Le site archéologique d'Azelik pose un certain nombre de questions que la fouille seule ne saurait résoudre. Le pourrait-elle d'ailleurs, en théo- rie, que son application se révèlerait, de toutes façons, très problémati- que. On sait en effet que toute fouille archéologique aboutit à la destruc- tion irrémédiable de l'équilibre atteint à la suite d'une longue évolution entre les marques de l'activité humaine passée et le milieu naturel. Si, par l'étude des couches archéologiques, des vestiges et du matériel associés, elle peut permettre la reconstitution des étapes de l'occupation humaine, elle passe par la disparition des témoignages principaux de celle-ci. Le travail de l'archéologie consiste donc à minimiser cette destruction et à maximali- ser l'information recherchée. Le cas d'Azelik, comme celui d'autres sites de mêmes caractéristiques, est rendu plus aigu par la nature des structures construites qu'il recèle. Ces dernières, toutes de terre crue, sont de dégagement délicat, mais sur- tout deviennent après celui-ci d'une grande fragilité à l'érosion, faute de moyens et de techniques de protection réellement efficaces, dont le coût serait d'ailleurs prohibitif. La fouille doit donc être limitée à l'indispensa- ble, et l'information obtenue, autant que faire se peut, par des moyens d'approche moins destructeurs. Ceux-ci sont nombreux, de nature sensi- blement différente, mais complémentaire. Citons, parmi d'autres, la pros- pection géophysique, le ramassage de surface, l'inventaire monumental, etc. Techniques et méthodes se sont considérablement développées durant ces deux dernières décennies ; nous aurons à y revenir. Remarquons que, outre leur caractère peu agressif vis à vis des vestiges archéologiques, tous ces modes d'action ont en commun une mise en œuvre plus rapide, plus sou- ple, moins onéreuse que la fouille proprement dite, et permettent généra- lement d'envisager les problèmes à l'échelle des sites tout entiers (Ter- rasse et Cressier, 1980). A Azelik même, le souci constant de l'équipe archéologique a toujours été d'éviter une destruction irréversible des témoins conservés. C'est ainsi que la fouille n'a été limitée qu'à un seul sondage, il est vrai assez étendu, et dont l'importance doit être soulignée. De même, le matériel de surface avait été laissé en place, dans un premier temps, jusqu'en 1979. Quelques études particulières avaient déjà été menées à cette date : levé d'un plan général des structures construites du site, inventaire et localisation des meules et des zones de cupules voi- sines, etc. A partir de 1 979 nous avons tenté de développer cette orienta- tion dans trois directions, en fonction des questions historiques et archéo- logiques posées par le site. Un premier essai de prospection géophysique a d'abord été tenté, des- tiné surtout à mettre en évidence d'éventuels fours de fondeurs de cuivre et de contribuer ainsi à éclairer le problème posé par le monde de transfor- mation du minerai présent sur le site. Un ramassage systématique du maté- riel de surface a ensuite été mis en œuvre. Il avait pour but, à partir de l'analyse de celui-ci, la définition possible de zones de fonctions (artisa- nale, etc.), ou même de peuplement, distinctes à l'intérieur de la ville ancienne, avec pour retombée l'élaboration d'une typologie de ce matériel. Enfin, en complément et en correction du plan général du site, il a été procédé à un repérage systématique des matériaux et des modes de cons- truction utilisés, ainsi qu'au relevé de structures-types dont les plus spec- taculaires sont, sans aucun doute, les mosquées. Ce dernier volet a été, bien entendu, associé à une recherche serrée de sites régionaux compara- bles et nous a amenés à des études comparatives fructueuses, au moins, dans un premier temps, au niveau de ces structures-types. C'est l'ensem- ble de ces trois modes d'approche que nous développerons dans la suite de ce travail, dont seules les grandes lignes ont été ébauchées jusqu'ici.

LES CAMPAGNES ANTÉRIEURES : Rappel des travaux entrepris et des premiers résultats

De 1 973 à 1 976, les campagnes annuelles, d'un mois chacune envi- ron, ont surtout été consacrées à la reconnaissance et à l'identification des limites du site proprement dit. En 1 973 et 1 974, un croquis sommaire de l'ensemble de celui-ci et de ses environs a été dressé, à partir des pho- tos aériennes de l'IGN et complété par les observations de terrain, ainsi qu'un plan partiel des structures visibles (fig.4a et 4b), établi à l'aide d'une simple boussole et d'une chaîne d'arpenteur et sur lequel avaient été repor- tées les meules dormantes répertoriées. Fig. 4a : Plan général du site levé en 1973 Fig. 4b : Premières localisations des structures construites. Les points représentent les meules dormantes en place A partir d'un quadrillage général établi d'après la carte au 1 /2 000 000 de l'IGN, seul élément cartographique disponible à l'époque, deux sonda- ges ont été pratiqués : — Le premier avait pour but principal de déterminer la nature des struc- tures construites, de tester les méthodes de dégagement appropriées, et d'accompagner les observations de surface de quelques indications stra- tigraphiques : épaisseur de la couche archéologique, nature des vestiges, recueil de charbons en place permettant une datation (520 et 720 ± 90 B.P.). Ce sondage s'est étendu sur une superficie de 20 m x 1 5 m et a été conduit comme une véritable fouille : réserve de bermes, décapage par niveaux, coupes stratigraphiques, etc.). C'est seulement en raison de son caractère de test et de son extension relativement limitée que nous préfé- rons lui garder le nom de sondage. A l'issue des deux campagnes où il a été pratiqué, les cavités ont été rebouchées comme il est d'usage en pareil cas, avec la terre des déblais préalablement tamisés. On trouvera la des- cription détaillée et le premier essai d'interprétation de ce sondage dans une publication antérieure (Bernus et Gouletquer, 1 976 : 34-41 ) à laquelle nous renvoyons le lecteur. Rappelons simplement que cette excavation a permis de reconnaître plusieurs niveaux d'occupation, de dégager les murs — en banco — d'un bâtiment, et de démontrer, par l'observation en place (— 2 m), l'existence d'ateliers de préparation du minerai de cuivre (meules, broyeurs, poudre de minerai, cendres, fragments de creusets) dont l'hypothèse avait été pro- posée à partir de l'observation du matériel de surface. — Le second sondage se présentait plutôt comme le décapage d'une butte, sans structure construite apparente, mais recouverte de tessons de poteries. Une superficie de 12 m x 12 m a ainsi été décapée, sans qu'aucun élément vraiment décisif concernant la nature de ces buttes soit apparu. On souhaitait aussi vérifier si l'abondance du matériel de surface correspondait à une véritable couche archéologique. Sur la superficie ainsi étudiée, on a remarqué que la couche la plus épaisse de tessons était située sur la partie la plus haute de la butte. Vers la périphérie, les tessons devien- nent moins nombreux et ne forment plus qu'une couche unique. On a ren- contré également de menus objets de cuivre, de fer et de pâte de verre. Des surfaces de sol cendreux comportent également des charbons de bois et des os brûlés. L'étude des ensembles de cupules, dont plusieurs relevés de détail ont été effectués, a montré, sur des grès de faciès plus ou moins durs et plus ou moins érodés, une remarquable constance et régularité de formes et de dimensions. Une interprétation en a été proposée, sur laquelle nous reviendrons. La zone à grosses scories gris-bleuté, située au sud-est du site d'habi- tat et au sud des sources, fut soigneusement prospectés dès 1974-75. Plusieurs emplacements de fours circulaires furent décelés, à partir d'affleu- rements de terre cuite situés au voisinage de concentrations remarqua- bles de scories. Les trois premiers fours dégagés fournirent des charbons de bois. Mais alors que nous attendions des datations confirmant l'hypo- thèse d'une sorte de zone artisanale voisine de l'agglomération, les pre- mières datations de ce secteur fournirent des mesures inattendues (2040 ± 90 B.P. et 2480 ± 90 B.P.), corroborées ultérieurement par les décou- vertes de fours comparables dans la vallée de Sekiret, à Afunfun, Ikawatan et ailleurs, indiquant sans contestation possible l'existence d'une indus- trie du cuivre antérieure à la période médiévale. La dernière datation obte- nue par D. Grébenart sur ce secteur, qu'il revisita en 1981, a donné 2510 ± 70 B.P., soit 560 ± B.C. 70 (Grébénart 1985 : 221). En 1976 nous avions dû renoncer à l'espoir d'une mission aérienne à basse altitude (prévue pour l'ensemble des sites archéologiques en cours d'étude en Afrique de l'Ouest francophone) pour laquelle un carroyage visualisé avait été préparé. Nous avons alors procédé, par des moyens plus classiques, au relevé topographique et à la planimétrie du site dans son ensemble, ainsi qu'à la localisation plus précise des structures visibles. Ce plan fut corrigé en 1 979 et 1 980, lors du relevé de détail du cimetière pro- che de la mosquée sud-ouest (fig. 5). En 1977-78, à la fois les premières découvertes d'une industrie plus ancienne du cuivre et la mise en route du Programme Archéologique d'Urgence interrompirent provisoirement les travaux sur le site d'Azelik pro- prement dit. Dès 1 979 cependant, l'étude extensive du site fut reprise et les méthodes d'approche répondant aux objectifs de non destruction évo- qués plus haut, prospection géophysique, ramassage raisonné du maté- riel de surface et inventaire monumental notamment, furent mis en œuvre pour compléter les données déjà disponibles et fournir des arguments plus solides pour étayer les premières hypothèses ou en proposer de nouvelles concernant le rôle historique et économique de la cité, en particulier en ce qui concerne la production de cuivre (1).

LA PROSPECTION GÉOPHYSIQUE

Parmi les différents modes d'approche envisageables à l'échelle glo- bale du site d'Azelik, la prospection géophysique se devait d'être tentée. Elle pouvait, en effet, nous permettre de répondre à un certain nombre de problèmes que posait le site et qu'une fouille classique n'aurait pu résou- dre qu'avec difficultés, en un temps nettement plus long, et en entraînant la destruction irrémédiable des vestiges qu'elle aurait mis à jour. Deux questions principales méritaient d'être abordées. On sait, tout d'abord, que le site archéologique se présente comme un tell en forme de vaste croissant dont l'ouverture se situe au Sud et est occupée par une zone topographiquement plus basse et apparemment vide de vestiges. Il convenait de savoir si ce blanc n'était qu'apparent, dû à des phénomènes tardifs d'érosion et d'accumulation de sables éoliens, ou s'il était bien signi- ficatif et rendait compte d'un vide originel dans l'agglomération ancienne, correspondant par exemple à une bancotière comme on en trouve dans la

(1) Sur les approches archéologiques complémentaires adoptées pour l'étude d'Azelik, on verra, outre le volume d'introduction (Etudes Nigériennes 48), Cressier, sous presse, et, par- ticulièrement pour le ramassage de surface, Cressier, 1988). Fig. 5 Fig. 6 : Implantation des axes de prospection et d'échantillonnage du matériel de surface plupart des villes du Sud saharien. On pouvait alors envisager l'utilisation de la prospection électrique. Nous ne reviendrons pas sur le principe ni sur le mode d'application de celle-ci (cf. Hesse, 1978 ; Terrasse et Cressier, 1980 : 180-84), sinon pour rappeler qu'elle met en évidence les varia- tions de la résistivité apparente des matériaux constituant le sous-sol, c'est-à-dire leur disposition à laisser passer un courant électrique. Nous remarquerons aussi que toute méthode géophysique nécessite, pour être fructueuse, l'existence d'un contraste, pour le paramètre qu'elle appréhende, entre les structures archéologiques recherchées elles-mêmes et le milieu englobant. A Azelik nous sommes en présence d'une architec- ture traditionnelle assez fruste de banco et de moellons,ceux-ci étant répar- tis de façon plus ou moins uniforme dans les murs, mais en constituant, semble-t-il, toujours les bases. C'est donc leur présence qui créera les ano- malies recherchées. Mais la résistivité des matériaux dépendant pour l'essentiel du degré d'humidité du sol, une dessiccation trop importante, en rendant équivalentes les résistivités apparentes du grès et du banco, supprimerait toute possibilité d'existence d'anomalies. Des profils judicieusement implantés, le long desquels les mesures seraient effectuées, et venant recouper les zones riches en structures et la dépression apparemment vide, pouvaient alors permettre de résoudre le problème posé. De plus, là où des restes archéologiques existaient, on pouvait espérer en retrouver les plans ou, au moins, le schéma d'organisation. L'autre question qui se posait à propos d'Azelik était celle de l'exis- tence éventuelle de fourneaux de fondeurs. On sait en effet que l'ancienne Takadda, identifiée selon toute probabilité au site que nous étudions ici, avait pour activité économique majeure la transformation et le commerce du cuivre (Ibn Battuta, 1979 : 438-444). Les seuls fourneaux reconnus jusqu'alors se trouvaient à quelques centaines de mètres du site, au Sud, et avaient pu être datés de 90 av. J.-C. ( ± 90) ils ne pouvaient donc être associés à l'agglomération voisine (Bernus et Gouletquer, 1 976 : 25 ; Gré- bénart, 1 983 : 219). Des structures équivalentes, mais de l'époque médié- vale, existaient-elles à l'intérieur de cette dernière, selon les indications données par Ibn Battuta : « ... on amène le minerai dans la ville pour le fondre dans les maisons... » (p.440) Cette éventualité était possible puisqu'en certains points du site ont été reconnus des « ateliers », zones de présence plus dense de minerai de cuivre, quelques scories et des passées cendreuses. La prospection magnétique pouvait, si ces fourneaux existaient, permettre.de les locali- ser. Cette méthode, mettant en évidence les contrastes de susceptibilité magnétique des matériaux mais aussi l'acquisition par ceux-ci d'aimanta- tions thermorémanentes, est en effet particulièrement adaptée à la locali- sation de structures cuites, fours, foyers et fourneaux, voire simples surfaces brûlées. On ne peut lui demander, par contre, du moins dans le cas d'Azelik, et du fait des propriétés magnétiques des matériaux en présence, de renseignements précis sur les structures construites tel- les que murs, etc. 1 - IMPLANTATION DE LA PROSPECTION GÉOPHYSIQUE

Nous avons vu que la prospection géophysique s'intégrait à un ensem- ble de modes d'approches « douces » des sites archéologiques. Toutes celles-ci s'attachent à définir des zones aux réactions différenciées en fonc- tion d'un paramètre précis : paramètres physiques dans le cas qui nous occupe ici, plus proprement archéologiques et liés à l'objet dans celui des autres modes d'investigation (densité de céramique, de scories, de mine- rai, pour le ramassage statistique de surface, variations des dimensions et des types des structures architecturales élémentaires pour l'inventaire systématique de celles-ci, variations topographiques, etc.). Il fallait donc appliquer ces méthodes sur des surfaces assez vastes pour qu'elles puis- sent appréhender des contrastes entre zones, mais point trop étendues non plus pour que le traitement des données obtenues reste possible de façon simple. Il n'était d'ailleurs pas besoin d'étudier de la sorte tout le site mais il suffisait d'y définir un échantillon pertinent, en fonction des besoins ressentis. La prospection géophysique a donc été mise en œuvre le long des grands axes définis topographiquement à partir de l'une des structures archéologiques majeures du site, correspondant aussi au sommet de l'un des tells secondaires. Deux bandes orientées Est-Ouest, de 20 m de large, ont été ainsi délimitées, une bande A, plus au Nord, mesurant 1 20 mètres de long, et une bande B, de 90 mètres. Toutes deux recoupaient un nom- bre variable de vestiges suffisamment diversifiés, et surtout empiétaient sur la zone vide centrale. Enfin, pour la seule prospection magnétique, un carré de 30 m x 30 m a été implanté sur un petit bombement de terrain, au Nord de la mosquée sud-ouest d'Azelik, où quelques traces de scories et de cendres laissaient espérer la présence d'une structure cuite (fig. 4). A l'intérieur des blocs de prospection ainsi matérialisés, les mesures ont été effectuées aux sommets de mailles carrées de 1 mètre de côté, en par- courant une série de profils parallèles orientés Nord-Sud. La taille réduite de la maille choisie permettait d'espérer une bonne définition des anoma- lies mises en évidence. L'orientation était, elle, imposée par les caracté- ristiques de la méthode magnétique, où l'anomalie créée est en fait dou- ble, comportant l'association d'un maximum et d'un minimum, le second au Nord du premier ; c'est quand il est orienté Nord-Sud que la profil de mesures recoupe au mieux l'anomalie éventuelle (fig. 6),

2 - PROSPECTION ÉLECTRIQUE

Il était prévu de l'effectuer en adoptant un dispositif quadripôle « Wen- ner », dont la distance inter-électrodes était de 1 mètre. Avec ce disposi- tif les électrodes (deux émettrices et deux réceptrices) sont disposées en ligne et les distances de l'une à l'autre sont égales. Les premiers essais se sont révélés tout à fait négatifs. La dessica- tion excessive du sol présentait un obstacle insurmontable au passage du courant électrique. Un arrosage systématique des électrodes, pouvant per- mettre un meilleur contact électrode/sol, n'a pas suffi à résoudre le pro- blème, le caractère peu compacté du milieu englobant, banco érodé pul- vérulent, venant accentuer le phénomène. La prospection électrique s'avère donc difficilement applicable au site d'Azelik et, d'ailleurs, à ceux de même type dans des régions équi- valentes, sauf, peut-être, durant le bref moment suivant immédiatement la saison des pluies ; mais les problèmes sont alors d'un autre ordre : accès aux sites malaisé en raison de la mauvaise praticabilité des pistes, etc. Elle est sans doute plus facilement envisageable sur des sites plus méridionaux, mais une reconnaissance préalable de ceux-ci et des con- ditions géographiques, géologiques et climatiques se révèle alors indis- pensable.

3 - PROSPECTION MAGNÉTIQUE

La prospection magnétique était donc la seule des méthodes géophy- siques à pouvoir nous apporter une information sur les niveaux archéolo- giques d'Azelik. Trois cartes de prospection ont ainsi été obtenues, à pro- pos desquelles on peut remarquer (cf. P.A.U., 1, 1984 : 53-54) que les valeurs du champ enregistrées varient relativement peu, et que les écarts atteints sont de l'ordre de 10 7, exceptionnellement 20 7, les variations les plus communément perçues étant de l'ordre de 2 7. Dès lors les cartes apparaissent comme très brouillées, et il est difficile de distinguer le bruit de fond des perturbations, d'origine archéologique, éventuelles.

e Bloc / (fig.7) Il s'agit de la carte correspondant au bloc de 30 m x 30 m, délimité sur le petit bombement au Sud-Ouest du site, et qui avait été retenu pour la présence en surface de traces de cendres et de scories. Le champ n'offre que des variations très faibles. Il apparaît une assez vaste anomalie négative, formant grossièrement un arc de cercle centré sur l'angle sud-ouest du bloc et dont l'intérieur est occupé par une plage positive. Il est impossible de relier de façon claire cette anomalie à une quel- conque cause archéologique, et il est plus vraisemblable de penser qu'elle est liée à la topographie de l'ensemble.

e Bloc II (fig.7) Il s'agit là de la plus méridionale des deux bandes qui ont été implan- tées en travers du site, dans sa partie sud. La carte obtenue est très con- fuse, les variations faibles et les anomalies très contournées ; c'est que l'amplitude minime de ces dernières rend les niveaux de coupure choisis toujours très voisins de la valeur moyenne du champ sur la zone considérée. Dans ces conditions, les anomalies très faibles orientées parallèlement aux profils de mesures doivent être considérées avec précaution, et seu- les celles qui leur sont perpendiculaires retenues. Même dans ce cas, d'ail- leurs, la présence de tronçons de murs reconnus au sol en cours de pros- pection est difficilement corrélable à des anomalies nettes. Il serait alors très aventureux de relier certaines longues anomalies négatives (milieu sud du bloc 11, par exemple) à d'éventuelles structures archéologiques. Et nous nous bornerons à remarquer une possible opposition entre l'angle nord-ouest du bloc, plutôt positif, et la partie sud et sud-est de ce dernier, présentant une forte proportion de valeurs négatives. Fig. 7 : Prospection géophysique e Bloc III (fig.7) Ce bloc constitue la plus longue bande prospectée, puisque celle-ci s'étend jusqu'à 1 20 mètres à l'Est de la structure majeure retenue comme point de base. Les remarques avancées à propos du bloc précédent peuvent s'appli- quer aussi bien à celui-ci, même si les valeurs enregistrées paraissent un peu supérieures. Les difficultés à corréler structures affleurantes recon- nues et anomalies cartographiées restent identiques ; et dans la partie orien- tale par exemple (à 39 m et 45 m du bord est et à 9 m et 8 m du bord nord) deux murs paraissent correspondre l'un à une anomalie négative et l'autre à une anomalie positive. Ce n'est qu'avec beaucoup de prudence que nous supposerons la présence d'éléments construits en a, b, c, d, et e de la fig. 8, associés peut-être à des couples d'anomalies positives et négatives rectilignes et orientées Est-Ouest. Pourtant la carte de prospection magnétique du bloc III est porteuse d'enseignements nettement plus riches. On y décèle d'abord une opposi- tion beaucoup plus nette que dans la précédente, entre la partie occiden- tale avec valeurs fortes et la partie orientale où les valeurs sont beaucoup plus faibles. On peut alors se demander si la zone de fortes valeurs, positi- ves, ne correspond pas à une zone à forte densité de structures archéolo- giques, tandis que celle où les valeurs sont plus faibles, négatives, n'est pas à identifier avec une zone pauvre en vestiges ; il ne faut pas oublier que nous sommes là sur le bord nord de la dépression dépourvue de restes archéologiques apparents... Mais le résultat le plus intéressant est la pré- sence, sur la carte obtenue, de trois anomalies associant maximum et mini- mum, fortes et de forme caractéristiques (A, B, C, fig. 7). Il n'est pas pos- sible de ne pas les associer à l'existence sous-jacente de structures cui- tes. Leur faible amplitude, cependant (A = 22 y, B = 1 2 y, C = 10 -y) oblige à penser qu'il ne peut s'agir que de foyers, beaucoup plus réduits. Les positions des centres de chacune des structures perturbantes peuvent être définies, par rapport au point d'origine, angle nord-ouest de la bande ; ce sont : A = 63 m Est et 1,3 m Sud (il faut d'ailleurs remarquer que cette anomalie se situe au point de remontée du niveau topographique vers un petit tell secondaire à l'Est et qu'a été retrouvé un lingot de cuivre à dix mètres environ au Sud-Est); B = 1 20 m Est et 11 ,7 m Sud ; C = 11 9 m ; Est et 4,5 m Sud (fig. 8).

4 - LES ENSEIGNEMENTS DE LA PROSPECTION GÉOPHYSIQUE

En conclusion, si la prospection a été d'une application relativement décevante sur le site d'Azelik, elle apporte cependant quelques renseigne- ments importants. Tout d'abord, il semble bien qu'il existe une opposition dans le com- portement magnétique de la zone centrale, apparemment vide de vesti- ges, et le tell l'environnant. Même si cela ne reste qu'une probabilité et non une certitude absolue, on peut alors admettre que cette dépression centrale est effectivement un blanc dans l'organisation de l'agglomération ancienne, et qu'elle ne renferme pas de structure archéologique, ce qu'un carottage géologique effectué ultérieurement par A. Person a permis de confirmer (cf. infra). Fig. 8 : Position des structures archéologiques possible reconnues sur le bloc III de la prospection magnétique La seconde constatation, peut-être plus importante encore est que, nulle part sur la surface prospectée, qui représente pourtant un échantil- lon satisfaisant du site, n'ont été mis en évidence de vestiges du type four ou fourneau ; et ceci malgré la présence superficielle, en de nombreux points, de cendres ou de débris de minerai. Par contre, trois petites ano- malies devant correspondre à des foyers, à des points de cuisson, sans doute non aménagés, ont été retrouvées. Des traces évidentes d'un tra- vail du minerai existant par ailleurs à peu près partout sur le site, on abou- tit alors à un nouvel argument appuyant l'hypothèse déjà émise sur le trai- tement artisanal du minerai (Bernus, 1983 : 153-167). Enfin, il nous faut remarquer que, si la prospection géophysique et, en particulier, la méthode électrique aux résultats totalement négatifs, n'a pas apporté autant qu'il était permis de l'espérer, sa mise en œuvre se devait cependant d'être tentée si l'on voulait définir et mettre à l'épreuve les différents modes d'approche archéologique non destructrice sur le site d'Azelik ainsi que sur les sites de caractéristiques équivalentes environ- nants. A ce titre donc, elle apporte aussi, et quels qu'en soient les autres résultats, une indication méthodologique non négligeable dans l'optique d'un développement de la recherche sur la région ou sur des zones saharo- sahéliennes comparables, au Niger ou ailleurs en Afrique.

LA COLLECTE RAISONNÉE DU MATÉRIEL DE SURFACE

Les principes généraux qui ont guidé la mise en place d'une grille de ramassage raisonné du matériel de surface à Azelik ont été exposés en détail dans l'ouvrage consacré aux problèmes méthodologiques du P.A.U. (1984, 1 : 56-57). On sait que l'ensemble du site urbain d'Azelik se présente comme un tell en forme de vaste croissant est-ouest, centré autour d'une dépression apparemment vide de vestiges au Sud. Quoique relativement uniforme, le relief est cependant affecté par la présence de plusieurs petits tells secon- daires. A première observation, le matériel de surface ne semble pas pré- senter de différence sensible de nature (céramique non tournée assez fruste, parfois porteuse de décor, déchets de minerai de cuivre et, plus rarement, petits fragments de métal travaillé, perles, etc.) même si certaines concen- trations plus importantes pouvaient déjà apparaître. Une étude plus fine, quantitative, de la nature et de la répartition en surface du matériel archéo- logique pouvait alors permettre la mise en évidence de contrastes entre les différents points du site, ces contrastes étant, au cours de l'interprétation, associés à l'existence de zones distinctes d'activités sociales, de « richesse », voire de populations. Bien sûr, ces résultats ne sont applica- bles qu'au dernier état d'occupation du site, le seul niveau de surface étant accessible à l'observation. Remarquons pourtant qu'en cas d'abandon du site et du repli sur certains points privilégiés, une chronologie horizontale serait alors mise en lumière, avec des variations dans le matériel récolté qui ne seraient plus réductibles à une seule explication fonctionnelle, selon l'hypothèse émise par P. Gouletquer (Bernus et Gouletquer, 1976 : 41). Parmi ce matériel, deux éléments feront l'objet de notre attention : les déchets de minerai de cuivre et la céramique. Les autres artefacts, plus rares, n'interviendront qu'à titre de comparaison. On sait que la présence de minerai de cuivre sur le site d'Azelik a été longtemps contestée (Lhote, 1972) ou minimisée (Grébénart, 1985 et 1988). Quoique nos publications antérieures aient déjà pu lever toute ambi- guïté à ce sujet (Bernus et Gouletquer 1 976 ; Bernus, 1 983), il nous a sem- blé intéressant d'étudier le minerai de cuivre à part au sein du matériel récolté systématiquement. Ceci nous permettait d'atteindre un double objectif : évaluer tout d'abord la quantité de minerai sur l'ensemble du site, pour la seule couche de surface ; déterminer, ensuite, de possibles zones préférentielles de transformation du cuivre, ce que l'on pourra appeler « ateliers ». L'interprétation de la collecte de la céramique est peut-être plus com- plexe. Grossièrement, les contrastes que nous avons cherché à visualier sont de deux ordres : densité globale de céramique d'abord, puis densité de certains types particuliers. C'est le choix pertinent de ces derniers, con- sidérés comme significatifs, qui formera la première difficulté. En effet, il supposerait une typologie de la céramique déjà bien établie. Celle-ci, pour- tant, n'en est encore qu'aux premiers stades de son élaboration (cf. Ber- nus et Gouletquer, 1976 : 42-47 et infra). Nous en resterons donc, dans un premier temps, outre à l'étude de la densité globale, à celle du seul rap- port entre tessons porteurs de décor et tessons sans décor. Nous verrons dans quelle mesure il est possible d'aller au-delà de cette première étape. Mais en tout état de cause la limitation ainsi imposée est compensée par l'accumulation de données nouvelles et homogènes, topographiquement bien situées, qui rendront plus facile l'établissement de cette typologie de la céramique.

1 - MISE EN ŒUVRE

La grille de ramassage a donc été définie en fonction des problèmes particuliers qui se posaient, et aussi en fonction des contraintes matériel- les inévitables : ainsi avons-nous éliminé la solution consistant à effectuer le ramassage sur des carrés répartis de façon aléatoire sur le site par tirage au sort ou application d'une loi statistique plus sophistiquée . les problè- mes d'implantation topographique auraient été trop importants. On a donc repris les deux grands axes perpendiculaires ouest-est et nord-sud définis à partir de l'un des angles de la structure majeure du site, déjà utilisés pour la prospection géophysique. Deux autres axes secondaires y ont été asso- ciés, l'un nord-sud, à 300 m à l'Est du premier, et l'autre est-ouest, à 110 m au Sud du second. Prolongés suffisamment loin, ces quatre axes recou- pent des zones distinctes du site, plus ou moins riches en structures cons- truites et en matériel archéologique. La définition éventuelle précise de ces zones de caractéristiques différentes pouvait alors être envisageable. Un ramassage continu le long des axes n'était ni pensable (durée de travail de terrain trop longue, masse du matériel récolté trop importante), ni même nécessaire ; aussi avons-nous choisi de ne l'effectuer que pour un sur trois des carrés de 5 m x 5 m dont l'un des côtés était engendré par l'un ou l'autre des grands axes implantés (fig.6). La taille des carrés a été choisie suffisamment grande pour que la quantité de matériel préle- vée sur chacun d'eux puisse être analysable et que les résultats obtenus puissent être pertinents : en effet une maille plus petite n'aurait pas apporté non plus de précision significative sur la position des tessons de cérami- que, les déplacements possibles depuis leur mise en place, par l'érosion, le piétinement, etc., étant de cet ordre de grandeur. Mais les carrés ne devaient pas être trop vastes non plus, pour ne pas dépasser l'ordre de grandeur des structures construites. La distance de 10 m entre chaque carré permettait de ne pas créer de coupure trop grande dans la continuité du ramassage et de visualiser d'éventuelles variations progressives. Pour des raisons pratiques, les grands axes recoupant le site n'ont été matérialisés que par des repères espacés de 30 m, le travail topographi- que étant ainsi réduit et, entre ces repères, la matérialisation tant des blocs de prospection géophysique (30 m x 30 m) que des carrés de ramassage pouvait se faire aisément par simple déroulement de triples décamètres. A l'intérieur de chaque carré, enfin, nous avons choisi de procéder à une collecte exhaustive de tous les artefacts présents (céramique, objets de cuivre, perles, etc.) ainsi que des fragments de minerai de cuivre et de ceux d'œufs d'autruche, plutôt qu'une collecte en temps limité. Il nous est apparu en effet que l'on minimisait ainsi les risques d'hétérogénéité intro- duits par la diversité des personnes se livrant au ramassage, la tentation toujours possible de valoriser la céramique décorée, les éventuelles varia- tions en fonction de la lumière à l'heure du ramassage (la lumière rasante de fin d'après-midi ralentissait considérablement le travail), et surtout le dédoublement de la collecte sur deux années successives : ce dernier écueil n'a pu être totalement évité, et les résultats fournis par la céramique récol- tée en 1 979-80 ont dû subir une correction à partir de ceux de 1 980-81. Une fois exécuté le travail de terrain proprement dit, le matériel était trié, compté et/ou pesé dans les locaux de la base IRSH d'Agadez : les don- nées numériques, pour chaque carré, étaient enregistrées sur une fiche sim- ple (fig. 9) permettant un dépouillement ultérieur commode.

2 - ESSAI D'INTERPRÉTATION a - Problèmes de corrélation entre les récoltes de 1979-80 et de 1980-81 (fig. 10, 11, 12 et 13)

Le ramassage systématique effectué durant la campagne 1980/81, fort des expériences précédentes, a pu se faire de façon particulièrement rigoureuse. Le temps plus long imparti cette année-là à notr.e mission a permis par ailleurs de mener à bien toutes les manipulations de comptage et de tri au Niger même. Plusieurs différences apparaissent alors entre les deux groupes de résultats, obtenus pour les campagnes de 1979/80 et 1980/81 : — Lors de la première, d'abord, le minerai de cuivre a été récolté seu- lement à titre indicatif, alors qu'il l'a été de façon exhaustive à l'intérieur de chaque carré lors de la seconde. — En 1 979-80 le tri des tessons significatifs et non-significatifs paraît s'être heurté à certaines incertitudes, et la fig. 1 2 montre bien que, si un rapport net et constant existe entre les deux types de tessons pour le Fig. 9 : Fiche de ramassage Fig. 10 : Quantité de céramique en surface Fig. 1 1 : Quantité de céramique en surface (Ensemble des deux ramassages) ramassage 1980-81, il n'en est pas de même pour celui de l'année précé- dent où apparaît d'ailleurs une sous-évaluation certaine des tessons signi- ficatifs. Si, dans le premier cas, les points se regroupent en un nuage étroit autour d'une droite moyenne de 7,7 % (avec peut-être un sous-groupe à 5,1 %), dans le second, le nuage formé est suffisamment vaste pour qu'aucune direction privilégiée ne s'observe. La même remarque s'appli- que aux seuls tessons porteurs de décor : ici encore un nuage étroit dans le premier cas, avec peut-être deux sous-groupes à 3,2 % et 1,7 %, aucun rapport privilégié dans le second cas (fig. 13). — Enfin un test de vérification, destiné à mettre en évidence l'impor- tance du dégagement par l'érosion et la mobilité éventuelle de la céramique de surface, a montré qu'un an après le ramassage, un carré, en l'occurrence [16,-1 ] présente à nouveau une quantité de céramique non négligeable mais cependant inférieure à la première collecte, dans un rapport de 1 à 4 :

Le phénomène reste suffisamment important pour être signalé. Ces trois constatations nous ont amenés à un certain nombre de limi- tes dans notre interprétation, qui sont sans doute moins strictes qu'on ne pourrait le craindre. Ainsi l'évaluation de la quantité de minerai de cuivre sur l'ensemble du site peut se faire à partir des seules données de 1 980-81 ; et, tandis que la cartographie des densités de minerai est assurée pour les bandes échantillonnées cette même année, elle reste tout à fait possible sous réserve d'une correction, pour celles qui l'ont été en 1979/80 (1). Enfin, la stabilité du rapport existant entre tessons sans décor et tes- sons porteurs de décors étant telle, c'est surtout la variation de densité de céramique qui sera significative lors de l'analyse de la répartition de celle- ci. Les données du ramassage de 1 979/80 sont alors suffisamment préci- ses et cohérentes pour satisfaire à cette étude. b - Le minerai

Nous avons déjà signalé les deux principaux problèmes posés par la présence de minerai de cuivre sur l'ensemble du site d'Azelik. Nous abor- derons successivement chacun d'eux.

( 1 ) Cette correction peut-être effectuée théoriquement grâce aux données du ramassage de contrôle sur le carré [16,-1]. De plus, reposant sur l'hypothèse principale que le ramassage non exhaustif du minerai en 1979/80 était cependant approximativement proportionnel à la quantité existant au sol, elle est confirmée a posteriori par la vraisemblance des résultats obtenus, variant dans une même fourchette de valeurs, tandis que le parallèle de variation de densité de minerai et de céramique sur les axes échantillonnés en 1980/81, sur lequel nous reviendrons plus loin, se retrouve également pour ceux échantillonnés l'année précédente.