À La Folie Ensemble Intercontemporain Concert Enregistré Par France Musique Programme Sasha J
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SALLE DES CONCERTS – CITÉ DE LA MUSIQUE Vendr edi 11 juin 2021 – 20h00 À la folie Ensemble intercontemporain Concert enregistré par France Musique Programme Sasha J. Blondeau Contre-espace Pasquale Corrado D’Estasi Olga Neuwirth locus… doublure… solus Raphaël Cendo Double Cheese Passions Commande de Françoise et Jean-Philippe Billarant Création Ensemble intercontemporain Bastien Stil, direction Christina Daletska, mezzo-soprano Sébastien Vichard, piano Augustin Muller, réalisation informatique musicale Ircam Coproduction Ircam-Centre Pompidou, Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris. Dans le cadre de ManiFeste-2021 – festival de l’Ircam. FIN DU CONCERT (SANS ENTRACTE) VERS 22H15. Livret : page 24 Les œuvres Sasha J. Blondeau (1986) Contre-espace pour grand ensemble Commande : Ensemble intercontemporain. Composition : 2019. Dédicace : à Matthias Pintscher. Création : le 22 septembre 2019, à la Pierre Boulez Saal, Berlin, par l’Ensemble intercontemporain dirigé par Matthias Pintscher. Effectif : 2 flûtes (piccolo / flûte basse), 2 hautbois, 2 clarinettes, clarinette basse, basson – 2 cors, 2 trompettes (trompette piccolo), trombone – 2 percussions – piano – 3 violons, 2 altos, 2 violoncelles, contrebasse. Durée : environ 15 minutes. Entretien avec Sasha J. Blondeau Sasha, c’est la deuxième œuvre que vous Cette fois, ce sont huit instrumentistes qui sont écrivez pour l’EIC après Namenlosen en disposés tout autour et sur les balcons. Ainsi 2017. Comment cette expérience a-t-elle l’intégralité des cuivres, les deux hautbois nourri votre métier de compositeur, et et le basson sont hors-scène, et forment comment l’avez-vous réinvestie dans ce deux groupes de quatre. Je reprends donc nouveau projet ? ce travail entamé dans Namenlosen du Namenlosen était mon projet de fin de rapport entre un espace de scène et une doctorat, et c’était aussi mon premier « gros sorte de périphérie. projet » en termes d’effectif mais aussi en termes de complexité technique pour la Comment décririez-vous votre parcours partie électronique. De ce fait, il m’a appris esthétique au cours de ces deux dernières beaucoup de choses. Pour Namenlosen, années ? quatre solistes étaient disposés autour du En un mot : mouvementé ! Entretemps, j’ai public et de l’ensemble. Pour cette nouvelle terminé mon doctorat, passé ma soute- pièce, qui sera jouée à Berlin, j’ai repris ce nance, ce qui, en soi, est une sorte de principe, d’autant que la configuration de temps-autre. Puis j’ai eu l’immense chance la Boulez Saal le permet, voire l’encourage. d’être sélectionné parmi les pensionnaires de 4 la Villa Médicis pour l’année 2019-2020. Quelle est l’origine de votre création, Je pensais faire beaucoup de recherche Contre-espace ? au cours de cette période, mais plusieurs Cette pièce est un peu à part. D’abord, elle nouveaux projets sont arrivés… bref, ce m’a été commandée très tardivement, et j’ai fut une année si vertigineuse que je ne donc dû faire une chose que j’avais jusqu’ici l’ai pas vu passer. Je me sens un peu plus en horreur : écrire vite. Je suis un habitué libre aujourd’hui. J’ai à présent réellement des grands plans aux mille ramifications qui quitté ce statut d’étudiant, même si on le se préparent des mois à l’avance. Ici, il a reste toujours un peu. Pour autant, je suis souvent fallu avancer davantage à l’instinct. dans une phase d’entre-deux. J’évolue vers Mais je crois que cela n’est pas nécessai- quelque chose, qui se forme petit à petit mais rement mauvais, surtout pour moi qui fait qui n’est pas encore tout à fait là. J’essaie partie des personnes un peu obsédées par de ne pas tomber dans des facilités, ces le fait de contrôler le moindre détail… tics qu’on peut avoir, surtout quand on se met à devoir composer plus vite. Il faut du Une autre raison est éminemment person- courage pour aller au-delà de ce qu’on nelle, et est liée au titre qui, comme souvent connaît et qui fonctionne. chez moi, est un emprunt. C’est un terme Il y a un rapport au son que j’aimerais de Michel Foucault, qu’il a utilisé dans trouver. Un rapport qui n’est pas de l’ordre plusieurs de ses conférences sur le prin- de l’adoration ou d’un rapport purement cipe d’hétérotopie. phénoménologique. J’aimerais intégrer « On ne vit pas dans un espace neutre et mieux la question du timbre, ou tout du blanc ; on ne vit pas, on ne meurt pas, on moins de manière plus fine et intelligente, n’aime pas dans le rectangle d’une feuille dans les systèmes avec lesquels je travaille. de papier. On vit, on meurt, on aime dans Et puis j’ai des obsessions. Celles des temps un espace quadrillé, découpé, bariolé, avec et des espaces multiples qui coexistent plus des zones claires et sombres, des différences ou moins, celles de formes qui travaillent de niveaux, des marches d’escalier, des le morcellement, la mémoire et sa recons- creux, des bosses, des régions dures et truction notamment. Ce sont comme des d’autres friables, pénétrables, poreuses. courants qui font leur chemin, petit à petit. Il y a les régions de passage, les rues, les trains, les métros ; il y a les régions ouvertes de la halte transitoire, les cafés, les cinémas, les plages, les hôtels, et puis il y a les régions fermées du repos et du 5 chez-soi. Or, parmi tous ces lieux qui se part, de trouver aujourd’hui ce lieu dans distinguent les uns des autres, il y en a ma musique. Non pas dans une tentative qui sont absolument différents : des lieux de transposition littérale, mais bien plutôt qui s’opposent à tous les autres, qui sont parce que vivre dans cet intervalle m’amène destinés en quelque sorte à les effacer, à à repenser certaines frontières, à voir les les neutraliser ou à les purifier. Ce sont en grands ensembles de catégories bien déli- quelque sorte des contre-espaces. » mitées comme des spectres en devenir. Michel Foucault, Les Hétérotopies, France Culture, 7 décembre 1966 J’ai souhaité profiter des spécificités de la Boulez Saal pour tenter d’apprivoiser En 2017, lorsque j’ai écrit Namenlosen, de nouveaux espaces et de voir comment je l’ai fait avec le prénom Julia, en tant ensemble instrumental et musiciens de la que compositrice. L’année 2019 a été périphérie coexistaient, comment les diverses marquée pour moi par le commencement combinaisons pouvaient faire se transfor- d’une traversée. D’un genre à l’autre. Et mer une masse mélodique en constellation si celle-ci fut absolument libératrice, elle de sons plus ou moins indéterminés. C’est impliquait aussi de passer dans cette sorte presque une sorte de première expérience, de « contre-espace » que Foucault aurait le début d’un voyage que j’entreprends et peut-être appelé « hétérotopie de genre ». dans lequel il faut parfois oser avancer J’habite à présent un nouvel espace – un à l’aveugle. espace-autre du genre – et j’essaie, quelque Propos recueillis par Jérémie Szpirglas le 20 septembre 2019 6 Pasquale Corrado (1979) D’Estasi pour grand ensemble Commande : NTE Zaterdag Matinee. Composition : 2014. Dédicace : à l’Ensemble intercontemporain. Création : le 24 octobre 2015, au Het Concertgebouw, Zaterdag Matinee d’Amsterdam, par l’Ensemble intercontemporain dirigé par Matthias Pintscher. Effectif : flûte, hautbois, 2 clarinettes, clarinette basse, basson – cor, trompette, trombone, tuba – 3 percussions – piano – harpe – 3 violons, 2 altos, 2 violoncelles, contrebasse. Édition : Suvini Zerboni. Durée : environ 20 minutes. Entretien avec Pasquale Corrado Pourquoi avoir intitulé votre création peintre symbolise l’opposition entre pas- D’Estasi ? sions humaines et culte divin. La pièce est née de la contemplation de la toile L’Extase de sainte Cécile de L’idée derrière ma pièce trouve sa source Raphaël. Cette œuvre de 1514 représente dans cette dualité entre le terrestre et le sainte Cécile au centre d’une conversa- céleste. La structure musicale se divise tion sacrée, entourée de quatre saints et en six espaces distincts, un pour chaque d’instruments de musique. protagoniste représenté par Raphaël, et un Ce qui m’a le plus frappé dans cette pein- dernier pour la présence, non représentée, ture, c’est la centralité de sainte Cécile. du Christ. Ce dernier espace est d’ailleurs Bien qu’entourée de quatre autres saints le plus « lyrique ». Une forêt de phonèmes – saint Paul, saint Jean, saint Augustin articulés, cordes grinçantes et rafales et sainte Marie-Madeleine (chacun étant de vents, forme une mélodie réverbérée associé à l’élévation et à l’extase) –, sainte par les autres instruments. En écho à une Cécile est la seule à pouvoir entendre mystérieuse mélodie, comme des gouttes l’harmonie céleste du chœur d’anges d’eau éclaboussant périodiquement la au-dessus d’eux. De cette manière, le surface d’un lac. 7 La peinture de Raphaël est une œuvre significatif (si bref soit-il) de la section en d’art novatrice, qui fait l’impasse sur la question. La pulsation jalonne le processus traditionnelle représentation de la divinité musical afin que l’interprète s’en imprègne pour faire de l’« extase » en elle-même le instinctivement dès le début, ou simplement thème principal de la scène : le Christ, en pour signaler que quelque chose va se un sens, est implicitement contenu dans passer. Cette manière de diviser la partition l’âme de la Sainte. La célèbre historienne en une succession de « tempos » influe sur de l’art italienne Anna Maria Brizio écrivait son exécution, en même temps qu’elle reflète en 1965 : « La divinité apparaît dans ses l’idée compositionnelle. yeux, elle est dans le cœur de sainte Cécile ; de même que la musique ne sonne pas Diriez-vous que votre musique est matériellement à son oreille, mais seulement « italienne » ? dans son âme.