SAMEDI ET DIMANCHE 27 et 28 mars 2021 / Edition Bruxelles / Quotidien / No 73 / 3,20 € / 02 225 55 55 PAUL MAGNETTE HEURE D’ÉTÉ « Le PTB est un parti La fin annoncée poujadiste du changement de gauche qui d’heure n’est n’apporte rien toujours pas au débat public » programmée P. 2 & 3 P. 12

LA RÉNOVATION DU STADE ROI BAUDOUIN À L’AGENDA FÉDÉRAL P. 11

Coco, une ode à la vie après l’enfer de « Charlie » DÉCO : LE RETOUR DU KITSCH WEEK-END

ÉDITO De plus en plus PASCAL MARTIN L’islamo-gauchisme, l’université et nous de jeunes aux ous consacrons dans nos co- rait. Et c’est tout un pan de notre L’université, et plus largement la N lonnes un dossier à l’empreinte modèle scientifico-culturel, financé science, ne peuvent donc s’arrêter en réelle ou non de l’« islamo-gau- par les deniers publics, qui serait mis chemin. Elles doivent sortir de leur chisme » sur l’université. Islamo-gau- au service de causes étrangères à sa zone de confort occidentalo-centrée, soins intensifs chisme : ce terme péjoratif popularisé mission première. ouvrir d’autres pistes, accélérer la notamment par l’extrême droite est Mais un combat peut en cacher un circulation des connaissances par-delà désormais plaqué sur un courant autre. Mettre l’université à l’abri des les continents. La mondialisation doit d’idées venu des Etats-Unis et baptisé censeurs est une chose. S’en conten- aussi concerner les cerveaux et les La moyenne d’âge des patients « woke ». Un militant « woke » veut ter en est une autre. En réalité, il y a cultures, et pas seulement les porte- éveiller les esprits à l’existence des conteneurs. C’est une condition sine hospitalisés pour cause de covid discriminations restées invisibles, qua non pour mieux appréhender un qu’elles aient trait au genre, au ra- Mettre l’université à l’abri monde de plus en plus compliqué. baisse. La vaccination des aînés cisme ou au sexisme. Noble projet des censeurs est une chose. L’avenir est incertain, c’est rien de le qui, s’il ne se confondait à l’occasion S’en contenter en est une autre dire. Par-delà la pandémie s’engage n’explique pas tout. avec le dogmatisme et la censure, une lutte pour la survie économique devrait nous rassurer. urgence à mieux connaître les injus- de l’Occident. Et bien plus encore. l est encore trop tôt pour donner trouvent aux soins intensifs. Pas de panique. Les universitaires tices et les traumatismes dont Que la Chine passe pour le vainqueur des statistiques précises de la si- Nicolas Dauby et Charlotte Martin, que nous avons rencontrés disent souffrent les minorités pour rendre du virus, et c’est tout le crédit des I tuation actuelle, mais les acteurs infectiologues au CHU Saint-Pierre, avoir les choses bien en main. L’uni- notre société plus juste. « La question démocraties libérales qui en prendra de terrain le constatent : l’âge moyen constatent qu’« il y a clairement des versité belge ne s’enflamme que n’est pas seulement de savoir s’il faut un coup. La solution autoritaire sé- des patients covid hospitalisés dimi- jeunes sans comorbidités qui font un rarement à la faveur de débats sec- déboulonner les statues de Léopold II duira un peu plus les hésitants. Au nue. « La moyenne d’âge s’approche passage par les soins intensifs, dont taires et polarisants, à la différence pour expurger le passé », explique un point que nous, les champions de plutôt de 60 ans alors qu’elle était de une part importante de 25-35 ans ». de son homologue française. Elle chercheur. « Mais aussi de com- l’universalisme humaniste, pourrions 70 ans avant », estime le docteur De- Le variant anglais est pointé du préfère écouter les militants et obser- prendre en quoi une telle représenta- devenir un jour une minorité. Voilà vos, président du syndicat des méde- doigt. Il touche davantage les jeunes et ver leurs luttes pour enrichir les « sa- tion peut miner nos rapports sociaux pourquoi tout ce qui contribue à cins (Absym), qui note qu’une part im- sa virulence entraîne une hausse de la voirs », tout en restant critique. Au et avoir de lourdes conséquences renforcer notre modèle doit nous portante d’hommes quadragénaires proportion des patients nécessitant cas contraire, soyons clairs, elle failli- pour nombre d’entre nous. » inspirer. ou quinquagénaires en surpoids se re- des soins intensifs. P. 4

12 LES LIVRES 25 À 28 MOTS CROISÉS 29 SUDOKU 29 MÉTÉO 29 LOTERIE 29 BON À DÉCOUPER 29 TÉLÉVISION 30 & 31 MARCHÉS 32 NÉCROLOGIE 33 PETITE GAZETTE & MON ARGENT 8 WEEK-END 8 LÉNA

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1 Le Soir Samedi 27 et dimanche 28 mars 2021 IERRE-YVES THIENPONT. © P « Je voulais montrer comment, à la fin, c’est la vie qui gagne » week-end

Coco, dessinatrice à « », est l’une des rares survivantes des attentats du 7 janvier 2015. Dans « Dessiner encore », elle se retourne sur les événements qui ont bouleversé sa vie – mais aussi la nôtre. Derrière l’invraisemblable choc traumatique, un miracle, qu’elle s’efforce de cultiver au jour le jour : elle est libre, elle est en vie. Carpe diem ! P.2, 3 & 4

LES GAGNANTS

ÉRIC DEFFET ET LES PERDANTS DE LA SEMAINE

Le bout du tunnel Caroline Désir Angela Merkel

Le bout du tunnel, plus on Ministre de l’Enseignement, On se plaint de nos dirigeants, semble s’en approcher, plus il c’est un chouette métier, qu’ils les Allemands aussi ont leurs s’éloigne pour des millions de disaient ! Tu verras, Caroline, si problèmes. Angela Merkel n’est Belges confrontés à un simili- tu évites les grèves, toujours pas la première venue, mais confinement qui ne dit pas son possibles, si tu chipotes un peu après avoir négocié pendant nom, pour quelques semaines au décret inscriptions pour le douze heures avec les Di Rupo, encore. Même Annie Cordy, une simplifier, si le ton ne monte pas Jeholet et Jambon de là-bas, la Christie Morreale Le yo-yo Georges-Louis spécialiste en la matière pour- autour du cours de religion et si chancelière a annoncé des me- Bouchez tant, aurait de la peine à retrou- tu excelles dans le pacte d’excel- sures qu’elle a aussitôt retirées Peu enclin à la gaudriole, c’est En fermant les coiffeurs ver la direction qui mène vers la lence, il n’y aura pas de souci : tu face à la colère du bon peuple. pourtant Frank Vandenbroucke quelques jours après avoir auto- Le voyez-vous qui jubile derrière sortie. Et si celle-ci n’existait pas, auras droit à cinq années cool… Elle voulait mettre Pâques sous qui l’a annoncé cette semaine : risé leur ouverture, le Comité de son masque, GLB ? Tout le tout simplement ? Si le tunnel Et puis patatras, voilà le covid : cloche (jeu de mots convenu, on si la vaccination des Belges était concertation a instauré ce que monde lui tombe dessus ? N’en était un cul-de-sac façon travaux je suspends, tu distancies, il vous l’accorde). Elle s’est excu- une course, la Wallonne Christie craignaient tous les figaros : le doutez pas : se démarquer, il inutiles ? Gloups ! ferme… Pas de bol ! sée d’avoir eu cette idée. Morreale serait passée en tête yo-yo, un jour oui, un jour non, adore cela, le président du MR ! devant son homologue flamand. y a pas pire ! On voudrait vous y Pas du genre à marcher en file D’un cheveu, mais en tête. Le voir à tailler une barbe ou à indienne, les doigts sur la cou- professeur Yvon Englert tem- placer des bigoudis en prati- ture du costume trois-pièces. A père toutefois : « La course ne se quant cette discipline désuète… Mons déjà, il cultivait l’art de la fait pas contre la Flandre, mais Tant qu’on y est, l’esthéticienne « particip-opposition ». Il nous contre le virus ! » Rabat-joie, va ! pourrait jouer à la marelle, le fait penser à une rime de Bras- Pour une fois qu’on menait la masseur au bilboquet et le sens : « Bande à part, sacrebleu ! compétition belgo-belge… tatoueur à la pétanque. C’est ma règle et j’y tiens ! »

1 Le Soir Samedi 27 et dimanche 28 mars 2021 2 week-end « J’ai mis au moins trois ans à me sor de ces boucles de culpabilité

Revenue de l’enfer des attentats de « Charlie Hebdo », miraculée de l’existence, Coco se livre dans un récit graphique absolument bouleversant. Pour « Le Soir », elle raconte ce voyage dramatique. Qui se conclut sur une ode à la vie. ENTRETIEN

CHARLIE HEBDO Making of a un partage au-delà du genre. Entre DANIEL COUVREUR nous, ça se passait surtout au niveau des Jeudi matin, rue Royale. NICOLAS CROUSSE idées. Ou dans le côté fonceur. Cela ne A l’accueil de la rédaction m’a jamais fait peur plus que ça. Surtout du Soir, bien que relati- lle ne manque pas de courage, qu’à l’époque, il y avait Catherine Meu- vement désertée pour Coco. Six ans après les attentats risse, puis Camille Besse. Il y a eu aussi cause de confinement, E de Charlie Hebdo, qui ont ôté la Caroline Fourest, Agathe André… On ne c’est l’effervescence. vie de ses amis et l’ont plongée dans une peut pas dire qu’il n’y avait pas de Le plan sécurité a été crise vertigineuse, la survivante relève la femmes. discrètement mis en tête. Et signe, avec Dessiner encore, un marche, pour accueillir récit graphique d’une sincérité désar- Vous commencez à dessiner, entourée incognito, telle une mante. Un récit qui entend ne rien de tous ces maîtres, , Wolinski, cheffe d’Etat ou une star, renier. Qui signe et persiste. Défend les … Ce n’était pas écrasant ? la dessinatrice Coco. valeurs de liberté et d’insouciance. Et Oui, mais au fond, je regrette. J’ai eu Un traitement de faveur salue la mémoire des anciens, tombés l’impression d’avoir perdu trop d’années dont celle-ci, dans ses sur le champ de l’humour satirique. à être intimidée. Avec les attentats du rêves les plus fous, se 7 janvier, vous revivez ça parfois avec une serait bien épargné, Je ne serais pas devenue qui je suis si… boule au ventre, en vous disant : « Mais depuis que sa vie a Si je n’avais pas rencontré ce prof qui, quel temps j’ai perdu à être timide ! » violemment été cham- quand j’étais étudiante à l’Ecole de Mais voilà, j’étais comme ça, alors que boulée par les attentats l’image, à Poitiers, m’a dit : « Ton dessin, j’aurais pu y aller. Ils étaient impression- du 7 janvier 2015. c’est de l’humour, c’est trash, ça parle de nants, parce que vous voyez leur talent… Caricaturiste à Charlie société, tu devrais aller en stage à Charlie et vous à côté, qui débutez. Je dis ça mais Hebdo : cruel privilège et Hebdo. » J’arrivais en fin d’études, et ce j’ai appris beaucoup en observant Cabu métier à risques, dans ce prof, Aurélien Bambagioni, était lecteur ou Charb, par exemple. Quand on s’inté- monde des libertés de Charlie. Pas moi. J’ai découvert l’uni- resse vraiment au dessin de presse et menacées. Deux voitures vers de la presse satirique lorsque j’ai fait qu’on veut apprendre, on se rend compte sombres s’arrêtent de- un mois de stage en 2007 à Charlie. à quel point c’est un jeu d’équilibre, et vant l’entrée de Rossel. C’était une chance. Deux ans plus tard, que c’est beaucoup plus compliqué qu’il Des gardes du corps avec les grosses difficultés financières n’y paraît. On vous dit : « Ah, ça a l’air escortent la petite sil- que rencontrait le journal, Charlie ne facile ce que tu dessines. » Mais derrière, houette noire de Coco. prendrait plus personne. J’ai frappé au il y a des années de recherches, sur le Nous allons nous percher bon moment, à la bonne porte. Je n’avais style, les idées, la répartie. Il faut dire son sous les toits du bâti- jamais fait de dessin de presse de ma vie. opinion de façon synthétique. ment. S’ensuit un long Je savais que je voulais dessiner, que entretien. Deux heures c’était ça que je voulais faire, mais je ne En 2011, un incendie criminel ravage denses, pendant les- savais pas exactement la rédaction de « Charlie quelles Coco, masque comment. Et je suis arri- Je ne me suis pas Hebdo ». L’esprit d’irrévé- baissé, sourire en ban- vée dans une rédaction où rence joyeuse en prend doulière, parfois aussi au tout était engagé, drôle, occupée un coup, alors… bord des larmes, va se bosseur. C’était un micro- de moi. Je me Cela nous a fait quelque tés. Si le journal avait brûlé, nous, on mencé à faire des caricatures sur la reli- raconter de sa voix cosme de gens qui chose, à tous. Il y avait eu, n’avait rien fait de mal. gion catholique, l’Agrif, à savoir des douce. En ayant sans pensent, qui dessinent, suis occupée du avant, le procès des cari- catholiques traditionalistes, a porté cesse à l’esprit, et même qui rient. J’avais 25 ans, et journal. Je m’y suis catures, qu’on avait Le droit au blasphème a fait l’objet plainte contre le journal en parlant de si le cœur est en lam- j’étais en mode « Diesel ». gagné. Il y avait des d’incessantes polémiques, depuis. racisme anti-chrétien. A ce moment-là, beaux, de rendre hom- Quand je suis arrivée à engloutie. C’était menaces, mais le journal Je trouve qu’il n’y a pas de provocation la gauche applaudissait Charlie des deux mage à ses amis disparus Charlie, ça a été comme continuait. Quand on a gratuite. Nous, on part du principe, à mains. Quand on a commencé à faire des – Cabu, Charb et les une révélation de voir ce un instinct de vie fait cette couv’ avec les Charlie, que dans une société laïque et dessins sur l’islam et sur les intégristes autres… sa seconde savant mélange de per- « 100 coups de fouet si pluraliste, le respect des croyances va de musulmans, ce n’est pas passé de la famille. DA.CV ET N.CE sonnalités et de réflexion vous n’êtes pas mort de pair avec le fait de pouvoir critiquer les même manière. Une certaine partie de la sur le monde. Il y avait une rire », suite à l’instaura- religions. C’est une base. L’histoire de gauche a laissé entendre que les musul- grande liberté de ton, tion de la charia en Libye notre pays montre que la révolution, l’es- mans n’étaient peut-être pas éduqués comme une grande liberté et la victoire des inté- prit des Lumières, la loi de 1905, la liber- pour comprendre cet humour. Les mu- graphique. En les observant, en appre- gristes d’Ennahdha en Tunisie, c’était té de conscience, la neutralité de l’Etat sulmans étaient presque essentialisés à nant de leur carrière, en participant aux une grosse déconnade. L’incendie s’est protègent tous les individus. Le musul- leur religion. On ne pouvait rien dire. bouclages, moi qui étais très timide, j’ai passé dans la nuit, alors que le journal man qui croit, tant mieux pour lui. S’il le Nous, on prend chaque citoyen comme il progressé, peu à peu. Mon premier des- n’était pas encore sorti. Riss, Charb et fait dans son espace privé, je suis est. On met tout le monde sur le même sin publié, en 2008, était encore fébrile. étaient sur le pied de guerre. Rapi- contente. Et si moi, qui suis athée, je pied d’égalité de la critique. Moi, je suis Je copiais un peu Cabu, parce que je sen- dement, on a été à Libération, pour peux critiquer la religion, je le fais aussi. athée depuis toujours. Il n’y avait pas de tais bien qu’il était un référent, et puis poursuivre le journal. On a fait un jour- Quand on dessine sur la religion, ce n’est religion, chez nous, à la maison. Si ce parce qu’il était facile d’accès, qu’il don- nal, non pas dans la peur, mais quand pas par manque de respect pour le n’est mon père, qui disait : « La religion, nait des conseils. C’était le pilier de la même un peu glacé. Des protections ont croyant. C’est une façon aussi de lui dire : ça peut mettre de la purée dans la tête rédaction, dans le dessin. rapidement été mises en place. On a re- « Vous faites partie de l’espace démo- des gens. » pris le travail. Et on n’a jamais retrouvé cratique, vous êtes en France, soumis « Charlie » a souvent eu la réputation les coupables. L’amusement a recouvert comme n’importe quel citoyen à la Qu’est-ce qu’elle se dit, la fille d’Anne- de faire de l’humour de mecs… tout cela. Le besoin de continuer le jour- critique. » Si je viens critiquer la religion masse, au lendemain de l’incendie de On m’a souvent posé cette question : nal a toujours été plus fort. On pourrait y catholique et pas la religion de l’Islam, « Charlie » ? « Dans quoi je me suis four- qu’est-ce que ça fait d’être une femme voir une forme de résistance, mais en c’est là que je fais une vraie différence. rée ? » Où en étiez-vous, dans le combat, dans un milieu d’hommes ? Je n’ai ja- fait, tout ça s’est fait naturellement. C’est ce qui s’est passé dans les années 90 avec la rédaction ? mais trop su y répondre. Je trouve qu’il y Dans cette logique d’affirmer nos liber- pour Charlie. Quand le journal a com- Je ne me suis pas dit : « Dans quel guê-

« Cabu était très attaché à la transmis- « Charb m’a mis le pied à l’étrier, sion, quelle que soit la génération pour que je puisse progresser. « Je pensais me préparer au procès, qui se présentait devant lui. Toujours En septembre 2012, il m’a entraînée quand j’ai fait ce livre. Mais en fait, bienveillant, toujours disponible. sur une émission, “28 minutes”, sur on ne se prépare jamais. Quand je suis C’est d’ailleurs peut-être aussi pour ça Arte, pour m’exercer. Puis, il m’a pous- arrivée dans la cour d’assises… C’était qu’il a traversé si bien le temps. sée à publier à “L’Humanité”. comme si j’étais revenue au 7 janvier. Car il est resté très intemporel, C’était chouette, parce que je ne suis Je revivais tout, chaque instant. que vous regardiez ses dessins pas quelqu’un avec une grosse Il me suffisait presque de fermer dans les années soixante confiance en soi. les yeux et de revoir tout, ou ses dessins des dernières années. A l’époque, j’étais un peu coincée. » même de revivre tout. » © BELGA On sent une maturité très tôt. » © DR © ABACA

2 Le Soir Samedi 27 et dimanche 28 mars 2021 week-end 3 ai mis au moins trois ans à me sortir ulpabilité »

Coco se plongeaient dans le boulot, pour es- sayer d’oublier, ou de passer l’événe- Ce moment dans l’escalier, Corinne Rey est née à ment. C’est un moyen aussi de mettre d’une fulgurance folle, a Annemasse, une ville- des œillères, parce qu’on ne s’occupe pas dortoir de Haute-Savoie. de soi. Et moi j’ai fait ça. Je ne me suis pas duré à peine deux minutes. Le dessin l’habite depuis occupée de moi. Je me suis occupée du Mais en soi, c’est quelque l’enfance. Après ses journal. Je n’ai pas pris d’antidépres- études à l’Ecole euro- seurs, de somnifères… J’avais besoin chose de très long, qui prend péenne supérieure de d’essayer de continuer le journal, comme le temps de vous déchirer l’image, la jeune artiste un truc obsédant, vital. Je me suis en- apprend à surprendre gloutie là-dedans. C’était un instinct de d’un coup de crayon vie… parce qu’à ce moment-là, il y avait rieur chez Rue 89, Bouf- une douleur d’exister qui était perma- fon, Strips Journal et nente. Déjà, vous ne comprenez pas Charlie Hebdo. pourquoi vous êtes en vie. Et cette sensa- En 2015, les frères Koua- tion, elle reste là pendant vraiment long- chi la prennent en otage temps. Et puis je culpabilisais d’avoir ou- Dans son récit du procès des attentats pour forcer la porte de la vert la porte. Je n’osais même pas dire contre Charlie, Yannick Haenel raconte rédaction de Charlie. comment ça s’était vraiment passé. Par que l’ascension de l’escalier, c’est un peu Coco survivra aux atten- la suite, lors des attentats de l’Hyper Ca- l’ascension d’une destruction person- tats avec un sentiment cher, le traumatisme que je vivais était nelle. Et c’est vrai. Ce moment a été de culpabilité d’être tellement là que je n’avais pas réalisé, pas d’une fulgurance folle, ça a duré à peine encore en vie. compris ce qui s’était passé là-bas. J’ai eu deux minutes. Mais en soi, c’est quelque C’est le dessin qui la honte de le dire. Et puis par ailleurs, je ne chose de très long, qui prend le temps de sauvera de l’insensé, pouvais pas me plaindre. Riss était bles- vous déchirer. J’ai l’impression qu’il y a comme en témoigne sé à l’épaule. Philippe (Lançon) était très une vraie césure. La vie d’avant était cen- aujourd’hui son livre blessé. Des familles étaient endeuillées. trée sur le Charlie d’avant. Aujourd’hui, vivant de courage, Dessi- Des enfants perdaient leurs pères. Moi je le journal est réputé pour être un bunker, ner encore. suis là, je travaille, je suis vivante. Ce avec sécurité… j’ai l’impression de ne pas n’est pas dans ma nature de me plaindre. m’y être habituée. L’important, c’est de Et je sentais que je ne pouvais rien dire. pouvoir être libre dans les idées, nos dé- J’ai traversé ces moments seule, mis à connades… On continue mais on a re- sans aller dans l’après, avec les morts, part avec le psy, où je pouvais dire les construit autre chose, avec d’autres des- parce que je trouvais que cela suffisait. choses, et beaucoup pleurer. sinateurs. Alors la vie d’avant, c’est com- Et puis, je suis tellement reconnaissante pliqué. Je crois que j’essaie déjà de vivre de ce que mes amis m’ont apporté pen- Comment met-on des mots sur ce qui la vie présente. Et de la vivre le mieux dant toutes ces années, que je ne pouvais vous arrive, quand on est une maman, possible, le plus pleinement, même si décemment pas les enfermer dans cette avec une jeune enfant ? quand on la vit pleinement, ça vous tire salle de rédac’, comme je les ai vus la der- Quand j’ai fait ce livre, je me suis dit que parfois en arrière. Il y a toujours cette nière fois. Ce n’était pas possible. Lan- peut-être qu’un jour cela m’aidera à lui dualité qui se présente. Cette culpabilité çon et Riss ont pu le dire dans leurs parler, et aussi à lui dire que je n’ai pas du survivant, on est beaucoup à la res- livres, avec des mots, avec une justesse, été là pendant deux, trois ans. Je ne sais sentir encore au journal. Il y a une espèce une précision. Mais quand on passe à la pas trop comment elle a grandi, ma pe- de sentiment d’injustice. On ne se sent représentation, c’est un tout autre rap- tite. Heureusement que j’ai un conjoint pas légitime, parfois, à vivre cette vie, port. Je ne pouvais pas trouver de méta- qui était là, et qui a assuré. J’ai pu lui même si on se sent privilégié et heureux phore, comme ça. dire : « Voilà, il s’est passé quelque chose d’être encore en vie. de très grave il y a quelques années. » Je Riss a dit, au sujet de l’attentat, qu’il y a ne lui ai pas dit que j’avais failli mourir, Ce livre traduit aussi la volonté pier tu t’es fourrée. » Au moment de la « Pourquoi vivez-vous ? Pour être ceux qui étaient à l’intérieur de la salle, mais je lui ai expliqué que ça avait été de transmettre des choses ? sortie du film L’innocence des musul- libre. Pour défendre des valeurs et ceux qui étaient de- très grave et que j’avais Oui. Je voulais transmettre l’humanité. mans, j’ai fait un dessin assez violent sur humanistes. Et je voulais montrer des hors. Vous êtes la seule à perdu des amis chers. Et L’humanité de ces gens, de cette rédac- Mahomet, « une étoile est née ». Les ré- moments de simplicité et d’humanité, avoir été dehors et de- Quand ma fille que parfois je suis triste. tion. Au fond, pourquoi vivez-vous ? actions ont très vite suivi. Après, je me dans cette rédaction. » dans, prise en otage par sera plus grande, Elle a huit ans. Elle en Pour être libre. Pour défendre des va- suis interrogée. Pour en conclure que © PIERRE-YVES THIENPONT les terroristes. Comment, avait moins de deux, à leurs humanistes. Et je voulais montrer j’avais fait ce que j’avais à faire. Les des- après cela, parvenir je voudrais lui l’époque. Comment par- des moments de simplicité et d’humani- sins critiques, c’est l’ADN de ce journal. à partager ce vécu ? parler de l’histoire ler de ça quand on est di- té, dans cette rédaction. Au-delà de ça, Moi… comment dire… Ils rectement touchée ? Je ne ce que l’on voit, c’est l’innocence de ces L’ADN, c’est l’éthique définie par la dure, comme elle l’est ces derniers sont arrivés comme ça. Ils de ce journal, des voudrais pas que cela vé- gens. C’est quelque chose qu’on a clamé charte de Cavanna ? Défense des liber- temps, avec le covid, la Birmanie… l’hu- ont surgi. J’ai mis au belles choses que hicule des peurs chez elle. au procès : nous, on faisait des dessins, tés, humanisme, anti-sexisme… mour est là pour nous sauver un peu. moins trois ans à me sortir Pour l’instant, c’est un su- et on le faisait dans notre libre droit de Oui, et c’est un truc qu’on a en tête quand de ces boucles de culpabi- ça m’a apporté, jet que j’ai mis de côté. les faire. Dans notre liberté d’expression. on est à Charlie. Ce sont un peu nos va- Dans votre livre, la représentation des lité. Cela a été très, très Quand elle sera un peu Je voulais défendre ce droit à dessiner li- leurs communes : humanisme, défense terroristes prend la forme de fantômes long. Le traumatisme, pourquoi je faisais plus grande, je voudrais brement en France. Et je voulais expri- d’une société laïque, écologie active, pro- sombres. Ils n’ont pas des formes c’est dur d’en parler. Moi, ce travail. pouvoir lui parler de l’his- mer la passion du dessin, sous toutes ses tection des animaux, anti-intégrisme, humaines… j’ai choisi la métaphore de toire de ce journal, des formes, qu’il soit politique, poétique, anti-corrida, rejet de toutes les formes Et pourtant, dans la scène de la prise la vague, pour le lecteur, Pourquoi je l’aime belles choses que ça m’a marrant. Au-delà, je voulais montrer de superstitions, rejet de l’obscuran- d’otage, dans l’escalier, ils sont représen- pour qu’il puisse au moins encore apporté, pourquoi je fai- comment c’est la vie qui gagne, à la fin. tisme… Le dessin politique, parfois il est tés comme ils étaient. Comme des toucher du doigt quelque sais ce travail. Pourquoi je Les terroristes islamistes ont voulu tuer drôle, parfois il est cynique, parfois il est masses de morts, avec une cagoule et chose… pour pouvoir l’aime encore. Cela a été une forme de vie et de liberté. Il fallait ce qu’on appelle le coup de poing dans la deux yeux. Cela ne vient pas de moi. Ce suivre le processus de cet un réflexe de survie au dé- montrer quelque part que ça ne s’était gueule cher à Cavanna, parfois il est plus sont eux qui ont pris cette forme. Ce sont après, qui vous bouffe. Ce part, le dessin, mais ça a finalement pas passé. Certes, ils ont tué doux, parfois il donne à réfléchir. Cha- des masses écrasantes, avec des regards journal était important. toujours été une passion. quelque chose. Ils ont réussi leur projet. cun à Charlie avait son style. Je pense à complètement anonymisés qui vous Et cela m’aurait fait chier Mais ils n’ont pas réussi à tuer ce qui Honoré, qui dessinait comme un litho- glacent, et vous suivent. J’ai l’impression qu’ils aient tué cela, en plus des dessina- Les deux minutes de était plus large, plus grand, et que les graphe, un peu à la Félix Vallotton. Cabu de les avoir représentés tels qu’ils teurs. cauchemar dans l’escalier avec les terro- gens de Charlie défendaient bec et pouvait un jour être virulent, et un autre étaient. Dans l’escalier, je voulais mon- C’était aussi un réflexe de survie, le des- ristes ont en quelque sorte découpé ongles, et que nous continuons de plus doux. Cela dépend de l’humeur, cela trer à quel point ils avaient été réels. Je sin. Parfois j’ai vu autour de moi des gens votre vie en deux. Arrivez-vous encore à défendre dans le journal. Alors oui à la dépend du sujet. Quand l’actualité est voulais montrer cette violence-là, mais qui vivaient un deuil difficile et puis qui retrouver la femme que vous étiez ? vie. Oui à la liberté.

« Avant l’attentat, Riss a été pour moi un peu un prof de reportage. C’est quel- qu’un d’un peu plus âpre, moins facile d’accès, il est impressionnant. Il est très politique. Au début, je ne suis pas allée naturellement vers lui. Mais avant l’at- tentat, quand Riad Sattouf est parti, j’ai repris son espace de petite colonne, et « La Vague » de Hokusai. « L’image de cette vague là, Riss m’a prise sous son aile. J’allais en reportage : conseil municipal avec les immense, juste au-dessus du petit bateau, Balkany, les jouets de Noël, le discours de François Hollande à la télé (qui est laisse pour moi planer un doute immense. passé dans le numéro du 7 janvier 2015). Je lui ramenais des dessins et il m’ai- Elle donne l’idée d’un écrasement, d’une violence. dait à trouver les axes, le bon angle. Après l’attentat, avant de retrouver une Et moi, dans le doute que je traversais, avec parfois équipe un peu solide, il m’a formée davantage. Parce que je n’étais pas au des moments de dépression, parfois d’autres point. J’avais encore beaucoup à apprendre, en 2015, par rapport à un Cabu ou où on remonte parce qu’on est tenu par le journal, un Charb. » © LE PARISIEN cela m’a parlé. » © DR

3 Le Soir Samedi 27 et dimanche 28 mars 2021 4 week-end

procès Charlie « C’était comme CHARLIE HEBDO si j’étais revenue au 7 janvier. Je revivais tout, chaque instant » DA.CV choses… J’attendais des réponses de la N.CE part des accusés : comment les tueurs ont été armés, par quel biais, avec quels complices… ? Finalement, on s’est Pouvoir mettre des mots sur ce qui retrouvé avec des accusés de complicité vous est arrivé, cela a été le propre qui ont beaucoup nié, ou qui disaient : de votre thérapie personnelle , puis du « Je ne me souviens plus »… Je suis sor- procès, en septembre dernier… tie de là surtout bouleversée, avec les Le procès a été le déclencheur du livre. parties civiles, les familles, et tous ces Et puis autour de moi, je sentais aussi témoignages qu’on a entendus… des qu’on oubliait un peu le 7 janvier 2015. gendarmes qui sont intervenus à Mont- Je pensais me préparer au procès, rouge ; ou des gens de l’Hyper Cacher, quand j’ai fait ce livre. Mais en fait, on comme Zarie, qui a été otage de Couli- n’est jamais prêt. Quand je suis arrivée baly ; ou Lassana Bathily, qui a sauvé les dans la cour d’assises… C’était comme si gens dans la chambre froide… lui qui j’étais revenue au 7 janvier. Je revivais venait pratiquement du même village chaque instant. Il me suffisait presque malien que Coulibaly. Lassana a dit, au de fermer les yeux et de revoir tout, de procès : « Moi, au Mali, on m’a appris revivre les événements. devant une vieille personne à baisser la Le procès, c’était le moment à ne pas tête. Et vous, en France, qu’est-ce que rater. Il fallait que je sois là pleinement. vous faites ? » Il est profondément Ça m’a coûté de témoigner de tout ça : républicain, Lassana Bathily. Pour lui, c’était le paroxysme de la violence. Vous c’est d’abord l’humanité qui compte. La allez mourir. Votre corps vous dit : religion, que l’on soit athée, juif, chré- « C’est fini ». Et vous vous dites : « C’est tien, musulman, ça passe après. Cela fini, ça s’arrête là, c’est nul… » Quand fait du bien. J’ai aussi beaucoup pensé à vous êtes athée, vous vous en rendez Simon, le webmaster de Charlie, qui a compte encore plus précisément. Le été d’une dignité dingue pendant le noir allait s’abattre. procès. On ne s’est pas beaucoup parlé, à Charlie, de tout ça. On est restés un Comment êtes-vous sortie peu enfermés avec ce qu’on ressentait de cette journée de témoignage ? chacun, les uns les autres. On pouvait Oh la la… Rincée. percevoir qu’on allait souffrir et se faire souffrir mutuellement, si on s’en parlait. La manière dont le procès s’est déroulé Alors chaque fois qu’on se parlait de fut-elle satisfaisante ? cette journée, c’était un peu de manière Non. Les terroristes sont morts. générale… c’est bizarre à dire. En C’étaient eux, les responsables. Cela dit, six ans, on est proches, on fait le jour- j’avais besoin de comprendre comment nal, on peut dire qu’on se confie… ben ça s’était passé, comment les armes non, c’était compliqué. On savait de « Vous allez mourir. Votre corps vous dit : “C’est fini”. Et vous vous dites : “C’est fini, ça s’arrête là, c’est avaient transité, les dessous des quoi il s’agissait. nul…” » © PIERRE-YVES THIENPONT/LE SOIR

Modestement, « Charlie » caricatures « Un dessin, c’est une idée, continuera de caricaturer ça ne blesse pas, ça donne à réfléchir » Marine Le Pen DA.CV de Mahomet parues dans « Charlie fance misérable des frères Kouachi ». coude avec Emmanuel Macron. N.CE Hebdo » dans son cours sur la liberté Mustapha Ourrad, le correcteur de La France ne serait plus « Charlie » ? pour faire en sorte d’expression ? Charlie Hebdo assassiné en 2015, avait La France arrive peu à peu au bout de Il y a eu trois attentats pendant le procès, été orphelin très tôt. Il avait grandi en l’opposition traditionnelle entre gauche qu’elle n’arrive pas Il vous arrive de dialoguer dont un contre les anciens locaux de Kabylie et travaillé dans une biblio- et droite. On va transpirer à grosses au pouvoir avec vos amis caricaturistes disparus, Charlie et celui contre Samuel Paty. Là thèque, où il s’était ouvert à la littérature gouttes, comme en 2017, quand revien- Cabu, Charb, ? encore, on a entendu comme après les française. La misère ne peut justifier en dra l’heure du face-à-face entre Le Pen et Ils n’ont jamais quitté la rédaction. Je le attentats de 2015 : « Il l’a bien cherché. » aucune manière le terrorisme. Beaucoup Macron. Entre-temps, il faut continuer à sens comme un devoir de mémoire en- Il a été décapité pour avoir fait son tra- de musulmans sont sincèrement répu- lutter contre l’extrémisme sous toutes vers leur travail. Dans le monde actuel, vail. C’est d’une violence abyssale. On blicains. C’est une réalité qu’on oublie. ses formes et Le Pen en fait partie. Char- certaines choses ont vrillé, se sont encore continue de trouver des gens qui Ce qui se dégage de tout ça, c’est qu’il faut lie avait essayé de faire interdire le Front durcies depuis 2015. Nombre de leurs cherchent des excuses à l’expression vio- être bien-pensant, ne « blesser » per- National à travers une pétition, il y a questionnements restent d’une pro- lente de l’idéologie islamiste. Des sonne. Mais un dessin, c’est une idée : ça quelques années. Modestement, Charlie fonde actualité, notamment pour ce qui intellectuels de gauche ont osé dire que ne blesse pas, ça donne à réfléchir. Nous continuera de caricaturer Marine Le Pen concerne la liberté de conscience. « l’humour ne saurait avoir l’excuse de la ne sommes pas obligés d’être d’accord pour faire en sorte qu’elle n’arrive pas au haine ». Mais qui parle de haine ? Nous avec tout le monde, c’est même ce qui fait pouvoir et si cela devait arriver, nous n’en A l’issue du procès des complices des vivons dans une société qui protège les la richesse du débat ! porterons pas la responsabilité. Mais à attentats de 2015, vous avez déclaré que croyants comme les non-croyants. La li- côté de Marine Le Pen, d’autres comme « Dans la société, il y a des gens qui berté de conscience, c’est aussi la liberté « Charlie » caricature toutes les formes le polémiste Eric Zemmour soutiennent baissent leur froc ». Comme après la de critiquer. C’est ce droit que nous dé- d’extrémismes. Les derniers sondages les mêmes théories xénophobes du décapitation de Samuel Paty, l’ensei- fendons à Charlie. Edwy Plenel, le fon- pour la prochaine présidentielle fran- « grand remplacement ». Il faut les com- gnant qui avait montré des caricatures dateur de Mediapart, a parlé de « l’en- çaise donnent Marine Le Pen au coude à battre dans le débat public.

Dessiner encore ★★★★ ABONNÉS COCO Les Arènes BD On lui parle d’un texte 350 p., 28 €, ebook 8,99 € fondateur. Coco pense à une phrase de Ricky « Annemasse, d’où je viens, c’est la Comment tourner la page des « Tak Tak angoisses, mais aussi sa soif de convic- Gervais, sur la liberté de ville frontalière par excellence. Mon Tak » ? Depuis le 7 juin 2015, les âmes tion, de liberté, de vérité. rire. Et choisit aussi un père a été vendeur en hi-fi, télé, vidéo, perdues dans les attentats de « Charlie » C’est une œuvre d’un courage indicible, texte de Cavanna, l’un pendant toute sa vie, à Genève. obsèdent Coco, à l’image de la vague créée à contre-courant des formes les des pères fondateurs de Et ma mère, mère au foyer. J’ai un irrésolue de Hokusai. Pour ne pas se plus noires de l’obscurantisme. « Charlie Hebdo ». frère jumeau, et un autre frère qui a laisser submerger par le ressac, la cari- Dans l’écho des sublimes inquiétudes de Retrouvez ces citations, 13 mois de moins. On est très proches. caturiste a dessiné et dessiné encore, l’autrice grandit une vague d’émotion ainsi que la version J’ai très rapidement aimé le dessin, plus de 500 pages, dont 350 composent où l’esprit se mutine contre la violence longue de cet entretien dès les plus jeunes années de ma vie. aujourd’hui son ode à la vie. de tous les fanatiques et la lâcheté des et deux vidéos extraites J’étais dans ma bulle et j’aimais ça. Face à l’horreur des abysses, pisse-froid. Coco a sombré parfois. de la rencontre, sur le J’avais 6 ans et si je ne pouvais pas la poésie l’a aidée à surnager. Mais dans ces moments suspendus, son site du journal. encore le formuler, je voulais être « Dessiner encore » est un livre dont crayon l’a poussée à résister, à remonter dessinatrice. » © FOTOLIA l’ampleur fissure, où la pudeur du trait à la surface. Pour ne jamais oublier, plus.lesoir.be livre l’artiste nue dans ses doutes, ses il fallait dessiner encore. © LES ARÈNES

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