LE ET LE CLASSICISME

L’Italie, terre natale de la Renaissance, est le pays où, dès le milieu du XVIe siècle se développe un nouveau style architectural et artistique : le baroque. Rome, surtout, mais aussi Venise et sont des villes d’où ce nouveau mouvement se répand pour gagner, bientôt, toute l’Europe catholique. Il y brillera pendant deux siècles, c’est-à-dire jusqu’à la moitié du XVIIIe. Le terme – baroque – que les historiens de l’art ont attribué postérieurement à ce style, vient de la langue portugaise. Le mot barroco y désigne une pierre de forme irrégulière, ou encore, comme l’indique le dictionnaire Le Petit Robert, une perle de forme irrégulière. Selon le dictionnaire cité, l’adjectif est utilisé pour déterminer quelque chose qui est d’une irrégularité bizarre, quelque chose de choquant, étrange, excentrique. Le côté choquant, dramatique, théâtral et la surcharge décorative sont les principaux traits caractéristiques de l’architecture et des arts baroques. L’illustre maître du baroque italien Gian Lorenzo Bernini24, en français dit le Bernin, que l’on a surnommé le second Michel-Ange, dans sa Extase de Sainte-Thérèse (église de Sainte Marie des Victoires à Rome), crée une véritable scène de théâtre à laquelle assistent des spectateurs placés sur les côtés de la composition. Cette œuvre d’une étonnante sensualité, qui est le parfait exemple de l’esprit baroque, réunit dans un rapport étroit la sculpture, la peinture et l’architecture. L’objectif de l’esthétique baroque est de frapper les sens, les émotions. Son rôle est de rendre stupéfait le spectateur. L’édifice qui répond peut-être le mieux à cet objectif est la basilique Saint-Pierre de Rome. Tous ceux qui

24 Le Bernin (1598-1680), peintre, sculpteur et architecte, est l’auteur, entre autres, du baldaquin de la basilique Saint-Pierre et de la colonnade place Saint-Pierre de Rome. 80 se sont un jour retrouvés face à ce monument ont été fascinés par ses dimensions colossales. Son intérieur est encore plus étonnant. La richesse et la diversité des décors sont éblouissantes. Le monumental, les colonnes torses et les frontons spectaculaires caractérisent l’architecture baroque. La sculpture met en valeur les draperies et les modelés réalistes. En ce qui concerne les matériaux, les artistes utilisent le bronze et les marbres colorés. Le nu de la Renaissance disparaît. La peinture met en scène des épisodes dramatiques en des couleurs chaudes et vives tout en exploitant le jeu des lumières et de l’ombre. L’Église catholique romaine voit dans le baroque, qui est né après les troubles causés par la Réforme, un très bon moyen pour reconquérir ses fidèles. Elle l’encourage, récupère son côté dramatique, qui provoque de fortes émotions, et elle s’en sert pour promouvoir des thèmes religieux avec lesquels il s’accorde à merveille. La naissance du baroque à Rome se situe à la même époque que la naissance de la Compagnie de Jésus (fondée en 1537 par Ignace de Loyola) dont l’objectif est de renforcer l’influence catholique affaiblie pendant la Réforme et d’évangéliser le Nouveau Monde. C’est la raison pour laquelle l’art baroque est souvent assimilé à l’art jésuite et que son esthétique, qui est une esthétique de la Contre- Réforme, se heurte à de fortes résistances dans les pays conquis par la Réforme. D’ailleurs, la France reste également très réservée face au baroque. A tel point que les projets de renouvellement de la façade du Louvre, présentés par le grand Bernin, l’un des génies du baroque italien, que Colbert a invité en France (1665), sont rejetés par Louis XIV. Le baroque commence à apparaître en France dès le règne d’Henri IV et durant les années à venir, il y prendra une forme spécifique et deviendra, surtout à l’époque de Louis XIV, un outil extrêmement important pour l’affermissement du

81 pouvoir royal. Les commandes du roi, orientées vers le soutien de l’absolutisme, inspirent le développement d’une interprétaton originale de motifs classiques. Selon Colbert, l’un des principaux ministres du Roi-Soleil, il y a deux manières d’affermir le pouvoir et le prestige d’un monarque : les guerres et l’architecture. Colbert réorganise non seulement l’administration de l’État et l’armée, mais aussi les arts. En créant l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648, dont la direction est confiée à , il les institutionnalise. Même si les arts et l’architecture français ont puisé dans les modèles italiens, les artistes, encouragés par le roi, cherchent à se libérer des influences étrangères et à développer leurs propres formes de style. En France, la dialectique classique-baroque se manifeste de la façon la plus originale. L’influence du baroque romain est nette surtout dans les églises édifiées sous le règne de Louis XIII. L’église Saint-Paul–Saint-Louis à Paris, construite entre 1627 et 1641, dont l’aspect s’inspire de l’église de Gesù à Rome, est un très bel exemple de style jésuite. Le Val-de-Grâce est considéré comme la meilleure réalisation de l’architecture baroque en France. L’église de la Sorbonne, érigée entre 1635 et 1642 par Lemercier, a une façade à deux ordres typiquement baroque, dominée par une élégante coupole.

61) Val-de-Grâce.

82

Le Grand Siècle, celui du règne de Louis XIV, est marqué par le triomphe du classicisme. Le roi construit beaucoup en dirigeant lui-même les travaux, en discutant les plans, en imposant son goût. Il aime la régularité, la grandeur, le faste uni à la distinction. Pour réaliser ses desseins, il trouve deux hommes qui partagent ses vues : Colbert et Le Brun. L’un multiplie les Académies et contribue à fixer la doctrine classique, l’autre regroupe sous sa direction tous les artistes les plus illustres de l’époque et réalise ainsi cette unité dans la décoration qui est le trait distinctif du style Louis XIV. Le roi ordonne la construction d’un immense et fastueux palais qui doit être le symbole de sa puissance. Dès le début de son règne, des travaux sont entrepris à Versailles, où Louis XIII a fait construire, en 1624, un pavillon de chasse. Pour l’agrandir, Louis XIV emploie deux architectes de talent : Louis Le Vau et Jules Hardouin-Mansart. La création des magnifiques jardins à la française - avec des parterres, des bassins, des jets d’eau, des disposées au fond des bosquets et le Grand Canal - est confiée à André Le Nôtre. Autour du château, une élégante ville se développe. Dans le parc, le roi fait construire, pour sa favorite Madame de Montespan, le Grand Trianon. Ses successeurs vont ajouter le Petit Trianon (Louis XV) et le hameau de la Reine, édifié pour Marie Antoinette, épouse de Louis XVI. La Grande Galerie, aujourd’hui connue sous le nom de la Galerie des Glaces25, inaugurée en 1684, est conçue par Jules Hardouin-Mansart et décorée par Charles Le Brun. Les peintures de la voûte représentent les exploits de Louis XIV. La galerie, lieu de passage, de rencontres, d’attente, doit éblouir les visiteurs du monarque jouissant en Europe d’une extraordinaire influence politique et artistique.

25 Le 28 juin 1919, le traité de Versailles, mettant fin à la Première Guerre Mondiale, est signé dans cette galerie. 83

62) Le château de Versailles et sa Galerie des Glaces.

En 1682, après vingt ans d’itinérance, le Roi-Soleil fixe sa résidence à Versailles. Cadre de vie, le nouveau château est aussi un instrument politique où l’étiquette et le luxe sont au service d’une tentative de domestication de la haute noblesse. Vu de loin, ce monde semble ordonné et luxueux. Il dissimule pourtant un manque de confort, une absence d’hygiène et une gêne occasionnée par la permanence des travaux. L’hiver, il y fait tellement froid que le vin gèle dans les verres. À Paris, les grands architectes construisent de nombreux hôtels particuliers, comme les hôtels Lambert et Lauzun conçus par Louis Le Vau dans l’île Saint-Louis. L’hôtel Guénégaud dans le Marais, parfait exemple d’un palais parisien du XVIIe siècle, est l’œuvre de François Mansart. Mais les réalisations qui fondent en Europe la réputation de l’art français, à part Versailles, sont la Colonnade du Louvre (fig. 63) et l’Hôtel des Invalides.

84

63)

La Colonnade du Louvre est réalisée entre 1667 et 1670 d’après le projet de Claude Perrault, frère aîné de Charles, auteur des Contes. La façade Est, qui est considérée comme l’un des chefs-d’œuvre du classicisme français, se distingue par ses lignes horizontales, sa sobre ordonnance et son aspect grandiose. Les colonnes accouplées et le fronton triangulaire central reprennent des éléments essentiels de l’architecture antique. Le vaste ensemble des Invalides comprend l’Hôtel des Invalides, le Dôme et l’église Saint-Louis. C’est Louis XIV qui décide de sa construction, confiée à Libéral Bruant en 1671. L’Hôtel des Invalides est destiné à hospitaliser les soldats blessés et à donner asile aux vieux invalides, souvent réduits à la mendicité. Le Dôme, édifié entre 1679 et 1706, qui devait être réservé à l’usage personnel du roi, est la meilleure œuvre de Jules Hardouin-Mansart.

85

64) Le Dôme des Invalides.

Même si Louis XIV, humilié par la fuite de la famille royale, obligée en janvier 1649 de quitter Paris pour Saint- Germain-en-Laye, n’affectionne pas la capitale, il l’a profondément marquée. Il veut que Paris ressemble à Rome. Alors, les églises sont surmontées de coupoles ornées de fresques, au-dessus de l’autel de Val-de-Grâce, un baldaquin

86 est érigé comme à Saint-Pierre de Rome. Dans les chapelles de plusieurs églises, les artistes Coysevox, Coustou et Girardon sculptent des tombeaux monumentaux qui rappellent ceux des grandes églises romaines. Parmi les ensembles architecturaux civils, mentionnons encore deux places aménagées sous le règne de Louis XIV : la de forme circulaire, datant de 1685, et la place Vendôme (1687) de forme octogonale. Au centre de cette dernière, une statue de Girardon représentait le roi en empereur romain. L’aspect de la place Vendôme est modifié lorsque l’on y érige, en 1806, la « colonne de la Grande Armée » réalisée sur le modèle de la colonne Trajane de Rome. Au sommet est placée la statue de Napoléon Ier en empereur romain, lui aussi.

65) La Place Vendôme vue du ciel.

La distinction entre la peinture baroque et classique n’étant pas suffisamment claire, nous allons utiliser le terme de peinture du XVIIe siècle. Au XVIIe siècle, la peinture connaît une des périodes les plus fécondes de son histoire avec Georges de la Tour, les frères Le Nain, Nicolas Poussin, Claude Gellée dit le Lorrain, Philippe de Champaigne et bien d’autres. Les sujets sont très variés. Les artistes puisent leur inspiration dans la religion, l’Antiquité, l’Histoire, mais également dans la vie quotidienne des gens de l’époque.

87

Certains d’entre eux se consacrent en particulier à des paysages et portraits. Dans la plupart des œuvres, on peut observer la préoccupation des auteurs pour la composition, l’équilibre et la couleur. Les peintres français sont influencés surtout par le caravagisme26 (Georges de la Tour) et par le courant flamand (Philippe de Champaigne). Le meilleur représentant du caravagisme en France est sans doute Georges de la Tour (1593-1652). L’influence du style caravagesque, qui est une façon particulière de représenter des scènes nocturnes en utilisant de puissants contrastes d’ombre et de lumière, se lit avant tout dans ses tableaux Saint Joseph Charpentier (Musée du Louvre), Le Nouveau-né, exposé au Musée des beaux-arts de Rennes et la série des quatre tableaux représentant Madeleine pénitente (La Madeleine au miroir, La Madeleine à la flamme filante, La Madeleine à la veilleuse et La Madeleine aux deux flammes) peints vers la fin des années 1630 et au début des années 1640. La composition de ces tableaux témoigne d’une compréhension profonde des thèmes caravagesques, avec lesquels Georges de la Tour a pu se familiariser directement à Rome, éventuellement par l’intermédiaire de certains maîtres flamands ou hollandais, suiveurs du Caravage.

26 Le substantif est dérivé du nom du peintre italien Le Caravage (Michelangelo Merisi da Caravaggio; 1571-1610), grand maître de la technique du clair-obscur. 88

66) Georges de la Tour : Saint Joseph Charpentier.

Les frères Le Nain – Antoine (1558-1648), Louis (1593- 1648) et Mathieu (1607-1677) – sont frères non seulement par le sang mais aussi par le travail, puisqu’ils ne cessent, leur vie durant, de peindre en commun dans le même atelier, et de signer leurs œuvres de leur seul nom de famille. De grandes compositions religieuses, des portraits officiels leur valent à l’époque les faveurs de la cour et de la ville, mais ce sont surtout les tableaux consacrés à la paysannerie qui les font passer à la postérité. Les frères Le Nain s’y montrent « peintres de la réalité » , encore que leurs scènes paysannes soient davantage des transpositions lyriques que des miroirs fidèles de la dure vie quotidienne dans les campagnes du siècle. La sincérité et la sensibilité de ces peintres ont complètement transformé un genre d’ordinaire pittoresque ou caricatural. La famille des Paysans dans un intérieur, exposé au Louvre, est le tableau considéré par tous les historiens comme l’une des créations les plus parfaites de Louis Le Nain. Il représente une famille paysanne dans un intérieur. La pièce est sombre, il y a peu de meubles. Trois générations y vivent

89 ensemble. Les bons habits, le pain et le vin montrent que cette famille, sans être dans l’opulence, n’est pas dans la misère. Il s’agit de paysans relativement privilégiés. Le musée du Louvre abrite encore deux autres tableaux traitant le même sujet : Repas de paysans et La famille du forgeron.

67) La famille des paysans dans un intérieur (les frères Le Nain).

L’un des représentants de la peinture française du XVIIe siècle, Nicolas Poussin (1594), passe la majeure partie de sa vie à Rome où il meurt en 1665. Pour la richesse de ses compositions mythologiques et religieuses et la beauté de ses expressions, il est surnommé « le peintre des gens de l’esprit ». Ses premières œuvres, par exemple les Bacchanales, reflètent l’influence de Titien27. Il évolue vers un classicisme de plus en plus dépouillé, ce que l’on peut observer dans ses deux séries de Sacrements, les deux versions de l’Enlèvement des Sabines ou encore dans ses tableaux Les Bergers d’Arcadie et l’Inspiration du poète. Ses derniers paysages témoignent d’un lyrisme large et puissant. Le tableau Les Quatre Saisons, où il reprend des scènes de l’Ancien Testament, est considéré comme son testament artistique.

27 L’auteur de la célèbre Vénus d’Urbin (Galerie des Offices de Florence), le peintre italien Tiziano Vecellio (1488-1576), en français appelé le Titien, est un représentant de l’école vénitienne. Il est considéré comme l’un des plus grands portraitistes de son époque. Au Louvre, on peut admirer son fameux tableau La Femme au miroir. 90

68) Nicolas Poussin: Les Bergers d’Arcadie.

Claude Gellée dit Claude Lorrain (1600-1682) est probablement le plus grand paysagiste français du XVIIe siècle. En général, ses paysages servent de cadre à une scène biblique, mythologique ou historique. L’essentiel de sa carrière se déroule à Rome. Dans ses œuvres, il emprunte tant aux écoles du Nord qu’aux Italiens, tout en maniant la lumière de façon féerique. Son originalité profonde est dans l’attention qu’il porte aux variations de la lumière, à cette clarté méridionale qu’il étudiait avec passion au cours de ses promenades dans la campagne romaine. Il y observe les arbres, les édifices, la mer qui, avec les métamorphoses du ciel, n’arrêtent pas de changer d’aspect. Claude Lorrain n’est pas un historien, c’est un poète. Ses célèbres scènes de port de mer, comme Vue d’un port avec le Capitole (1636), Port de mer avec la villa Médicis (1638), Port de mer au soleil couchant (1639), Port de mer avec l’embarquement de sainte Ursule (1641), Le Débarquement de Cléopâtre à Tarse (1642), Le matin dans un port de mer (1649), sont la preuve de sa fascination pour la lumière. Dans ces scènes, il la peint comme si elle était enserrée dans un cadre grandiose de colonnes et de portiques ou dans l’entrelacs des mâts de navires.

91

69) Claude Lorrain: Port de mer au soleil couchant.

Le portraitiste de Richelieu, de Mazarin, de Colbert, de jansénistes et de religieuses de Port-Royal, Philippe de Champaigne (1602-1672) est un autre grand maître de la peinture française. À la postérité, il a laissé une œuvre très vaste dans laquelle dominent les tableaux représentant des sujets religieux. Ses toiles étaient présentes dans de nombreuses églises, surtout parisiennes (par exemple Saint- Séverin, Saint-Merry, Saint-Médard ou Saint-Gervais-Saint- Protais), mais aussi en province, comme cette Adoration des Bergers en la cathédrale Notre-Dame de Rouen. Le chef-d’œuvre de Philippe de Champaigne, conservé au musée du Louvre, est le tableau L’Ex-Voto de 1662, exécuté en action de grâces pour la guérison miraculeuse de sa propre fille Catherine, religieuse au couvent de Port-Royal de Paris. Tombée gravement malade, paralysée des jambes, celle-ci recouvre la santé à la suite d’une neuvaine28 faite par la communauté. Champaigne a choisi de représenter le moment où, le 6 janvier 1662, la Mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, priant auprès de la malade, a la révélation de la guérison prochaine. L’inscription, à gauche du tableau, relate en latin cet événement.

28 Prière que l’on récite neuf jours de suite avec une intention particulière. 92

70) Philippe de Champaigne: L’Ex-Voto de 1662.

Dans la peinture du XVIIe siècle, Charles Le Brun (1619- 1690) occupe une place tout à fait particulière. Ordonnateur principal des fastes de la résidence royale à Versailles, il exerce une véritable domination sur les arts décoratifs de la seconde moitié du siècle. Il fournit des dessins et directives, il surveille l’équipe des peintres, sculpteurs, tapissiers, ébénistes, chargés de l’exécution, se réservant le droit de peindre lui-même une grande partie des immenses décorations murales. Son chef-d’œuvre est assurément la grande Galerie des glaces : sur la voûte ornée d’un riche décor de stucs, il a rappelé les épisodes principaux du règne triomphant. L’ensemble s’inspire de la polychromie somptueuse, de la surcharge ornementale du baroque italien, tempérées cependant par l’harmonie et le rythme de l’art classique français. Avant de travailler à Versailles, Le Brun décore le château de Vaux-le-Vicomte appartenant à , surintendant des finances de Louis XIV, tombé en disgrâce. Ses travaux au château de Fouquet séduisent le roi qui fait appel à Le Brun pour diriger les chantiers royaux. Charles Le Brun assume alors plusieurs fonctions : il est premier peintre et valet de chambre du roi Louis XIV, directeur de l’Académie royale de peinture et de sculpture, directeur de la Manufacture royale des Gobelins. En 1666, il fonde, avec

93

Colbert, l’Académie de France à Rome29 qui existe jusqu’à nos jours. Dans ses œuvres, Le Brun se consacre aux sujets historiques, mythologiques et religieux (fig. 71, 72 et 73). Il est également auteur de quelques portraits dont celui de son protecteur, le chancelier Séguier, qui lui a permis de séjourner en Italie, conservé au Louvre.

71) Apothéose du roi Louis XIV.

29 L’Académie de France à Rome est aujourd’hui plus connue sous le nom de Villa Médicis. Cette institution accueille des pensionnaires, artistes et chercheurs, de toutes nationalités. Ils se consacrent à tous les champs de la création littéraire et artistique et de l’histoire de l’art, ainsi qu’à la restauration des œuvres d’art et des monuments. De nombreux artistes mondialement connus y ont séjourné ; parmi eux, les peintres François Boucher, Jean-Auguste- Dominique Ingres, Jean-Honoré Fragonard, le sculpteur Jean-Baptiste Carpeaux ou les compositeurs Claude Debussy, Hector Berlioz , Charles Gounod et bien d’autres. 94

72) Dédale et Icare.

73) Le sommeil de l’Enfant Jésus.

95

La présentation de la peinture du XVIIe siècle est loin d’être exhaustive. Dans la multitude des artistes de ce siècle extraordinairement fécond en œuvres d’art, nous avons choisi les plus grandes figures qui avaient marqué, de façon décisive, leur époque. Le même critère est appliqué au choix des sculpteurs. La sculpture française du XVIIe siècle évolue dans les mêmes conditions que la peinture, ce qui veut dire que les artistes les plus talentueux travaillent, sous la houlette de Le Brun et de Colbert, pour le roi et surtout pour décorer Versailles et ses jardins. Celui qui est considéré comme le plus grand sculpteur du règne de Louis XIV, François Girardon (1628-1715), a peut-être le plus contribué à faire triompher le classicisme français en Europe. Girardon, tout comme Charles Le Brun, bénéficie du soutien du chancelier Séguier qui finance son séjour à Rome. À son retour d’Italie, il participe à l’édification et à la décoration du château de Vaux-le-Vicomte où il fait la connaissance des plus grands maîtres de son temps : de l’architecte Le Vau, du paysagiste Le Nôtre et de Le Brun. Après la chute de Fouquet, Colbert engage cette équipe illustre au service du roi. Girardon se retrouve, très tôt, à la tête des sculpteurs qui feront de Versailles une véritable galerie de magnifiques statues et bas-reliefs. Son groupe d’Apollon servi par les nymphes, qu’il réalise avec Thomas Regnaudin, rivalise aux yeux de ses contemporains avec les plus belles créations de l’Antiquité et de la Renaissance. Son bas-relief Le Bain des nymphes est un hommage à Goujon et son groupe L’Enlèvement de Proserpine est comparé aux meilleures œuvres du Bernin. Au Louvre, Girardon participe au décor de la galerie d’Apollon. La place Louis-le-Grand, l’actuelle place Vendôme, accueille sa statue équestre de Louis XIV qui, hélas, n’a pas survécu à la Révolution française. Avec Le Bernin, il réalise une Statue équestre de Louis XIV sous les traits de

96

Marcus Curtius pour le parc du château de Versailles. Dans la sculpture funéraire, il excelle par le tombeau de Richelieu à la chapelle de la Sorbonne (fig. 74). Ses bustes du Roi- Soleil, de Nicolas Boileau et de Pierre Mignard font preuve de son art de portraitiste.

74)

75) Le buste de Nicolas Boileau par François Girardon.

97

Pierre Puget (1620-1694), appelé par les uns « le Michel- Ange de la France », par les autres « Le Bernin français », aime les figures théâtrales, les nus musculeux dans la manière de Michel-Ange et les attitudes pathétiques rappelant celles du Bernin. Ce Marseillais séjourne à deux reprises en Italie où il travaille dans l’atelier de Pierre de Cortone à Gênes. Son premier chef-d’œuvre date de 1656. A , pour l’ancien hôtel de ville, il réalise un magnifique portail soutenu par deux atlantes. En 1663, il sculpte, pour Fouquet, la statue du Hercule gaulois que Colbert décide d’ériger dans le parc du château de Sceaux. Pour les jardins de Versailles, Puget crée deux œuvres superbes : Milon de Crotone (1671-1682) et le groupe du Persée et Adromède (1675-1684), aujourd’hui exposées au Louvre. Son Milon de Crotone, en marbre de Carrare, n’est pas sans rappeler les compositions des deux illustres Italiens auxquels Pierre Puget est comparé. La sculpture représente Milon, athlète grec, multiple vainqueur aux Jeux olympiques et pythiques. Arrivé à un certain âge, il veut mettre sa force à l’épreuve en fendant un tronc d’arbre déjà entrouvert. Malheureusement, sa main reste coincée dans le tronc et Milon est attaqué par des loups qui le dévorent. Puget remplace les loups par un lion, animal plus noble. La composition est d’une beauté fascinante. L’expression de la douleur sur le visage de Milon fait penser, dans un certain sens, aux visages sculptés par Le Bernin. La fougue et la verve de Puget ont profondément influencé les artistes en dehors de la France. Dans ce contexte, les historiens de l’art mentionnent surtout l’Italie du Nord et l’Allemagne centrale.

98

76) Milon de Crotone : vue d’ensemble et quelques détails.

Antoine Coysevox (1640-1720) est le plus jeune du trio des sculpteurs que nous avons choisi de présenter dans notre ouvrage. Employé, lui aussi, au château de Versailles où il collabore avec Le Brun, il décore de sculptures, aujourd’hui disparues, l’Escalier des Ambassadeurs et la galerie des Glaces. Dans le salon de la Guerre, son médaillon en stuc représente Louis XIV à cheval, en empereur romain, enjambant ses ennemis vaincus et couronné par la Victoire. Dans le parc, les parterres d’eau sont rehaussés de ses allégories : l’Allégorie de la Garonne et l’Allégorie de la Dordogne. Coysevox est un excellent maître de portraits sculptés en buste. Les matériaux qu’il utilise sont variés : bronze, marbre, surtout, mais aussi terre cuite. Ainsi a-t-il

99 immortalisé le Roi-Soleil, Louis XV à l’âge de neuf ans, Marie-Adélaïde de Savoie (épouse de Monsieur, frère unique du roi), Mazarin, Louis II de Condé, dit le Grand Condé, Jean- Baptiste Colbert, Charles Le Brun, Vauban, l’architecte Robert de Cotte et lui-même en autoportrait. Les portraits d’Antoine Coysevox démontrent sa capacité d’observation et sont caractérisés par une vivacité que l’on retrouve dans d’autres de ses œuvres, comme le tombeau de Mazarin à l’Institut de France. Dans l’art funéraire, Coysevox réalise encore le tombeau de Colbert en l’église Saint-Eustache à Paris.

77) Antoine Coysevox : le buste de Louis II de Condé

100