Thesis

Application des SIG pour une gestion durable des ressources hydriques de la (Pérou)

SILVERIO TORRES, Walter Claudio

Abstract

La partie théorique est consacrée aux objectifs du projet, questions-guides et définitions des concepts. La partie pratique, à travers une représentation systémique de la Cordillera Blanca, décrit les aspects physiques et socio-économiques de la région. Elle aborde la mise en œuvre du SIG pour la Cordillera Blanca, notamment la cartographie glaciaire et l'estimation du volume des réserves. En outre, elle identifie les acteurs et les conflits autour des ressources hydriques, formule une stratégie pour la gestion durable de ces ressources et indique les causes possibles du retrait glaciaire. Trois types de scénarios sont présentés: climatique, anthropique et environnemental. Ce travail se conclut par des réponses aux questions-guides et souligne l'importance de la Cordillera Blanca comme étant l'unique réserve d'eau pour la région Ancash et le projet d'irrigation CHAVIMOCHIC, dont le changement climatique menace la pérennité.

Reference

SILVERIO TORRES, Walter Claudio. Application des SIG pour une gestion durable des ressources hydriques de la Cordillera Blanca (Pérou). Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2007, no. SES 631

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:103565 URN : urn:nbn:ch:unige-1035651

Available at: http://archive-ouverte.unige.ch/unige:103565

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FACULTÉ DES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

DEPARTEMENT DE GÉOGRAPHIE

Application des SIG pour une gestion durable des ressources

hydriques de la Cordillera Blanca (Pérou)

Thèse présentée à la Faculté des Sciences Economiques et Sociales de l’Université de Genève pour l’obtention du grade de Docteur ès Sciences Economiques et Sociales, mention géographie

par

Walter Silverio

FACULTÉ DES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

DEPARTEMENT DE GÉOGRAPHIE

Application des SIG pour une gestion durable des ressources hydriques de la Cordillera Blanca (Pérou)

Thèse présentée à la Faculté des Sciences Economiques et Sociales de l’Université de Genève pour l’obtention du grade de Docteur ès Sciences Economiques et Sociales, mention géographie

par

Walter Silverio (Pérou)

Membres du jury de thèse :

Hy DAO, maître-assistant, Faculté SES, Université de Genève

Bernard DEBARBIEUX, professeur, Faculté SES, Université de Genève, Président du jury

Christian HUGGEL, chargé d’enseignement, Faculté des Sciences, Université de Zürich

Charles HUSSY, professeur honoraire, Faculté SES, Université de Genève, Directeur de thèse

Jean-Michel JAQUET, maître d’enseignement et de recherche, Faculté des Sciences, Université de Genève et Chef de la Section Observation de la Terre, UNEP-DEWA-GRID- Genève

Thèse n° 631 Genève, mai 2007 La Faculté des sciences économiques et sociales, sur préavis du jury, a autorisé l’impression de la présente thèse, sans entendre, par là, émettre aucune opinion sur les propositions qui s’y trouvent énoncées et qui n’engagent que la responsabilité de leur auteur.

Genève, le 3 mai 2007

Le doyen Pierre ALLAN

Impression d’après le manuscrit de l’auteur DÉDICACE

Cette thèse est dédiée aux rajus (glaciers), aux jirkas (montagnes), aux auguis (ancêtres) et aux apus (les divinités de la montagne) ; à la Cordillera Blanca, château d’eau, à ses populations indigènes et aux anonymes préposés de l’eau des communautés indigènes.

RESUME

L’AGENDA 21 reconnaît les écosystèmes de montagne comme étant l’un des réservoirs de l’eau douce, et préconise la gestion de cette ressource par bassin versant ou sous-unité de bassin (micro-bassin versant : mBV). L’eau étant un élément vital pour la vie humaine, elle a un rôle fondamental à jouer dans le contexte du développement durable des régions de montagne.

Dans de nombreux pays, les écosystèmes de montagne, par la fonte de glace, garantissent l’approvisionnement en eau potable des populations, la culture vivrière et la production de l’électricité. Ces écosystèmes servent aussi comme support direct aux populations, offrent des services environnementaux ainsi que des ressources en espace (loisirs), matière (minerais, bois, ..) et diversité culturelle et biologique.

Dans les pays alpins et andins, les glaciers des écosystèmes de montagne représentent la principale réserve hydrique. En outre, l’évolution de ces glaciers sert comme indicateur du changement climatique.

Au Pérou, par la beauté de ses paysages, la diversité de sa flore et de sa faune et de ses caractéristiques écologiques, la Cordillère Blanche, située dans le Département d’Ancash, a été déclarée, en 1975, Parc National Huascarán. En 1977 et 1985, l’UNESCO a reconnu cette aire protégée comme étant une « Réserve de la Biosphère » et faisant partie du « Patrimoine Naturel de l’Humanité ».

Dans la région d’Ancash, durant la saison estivale, les eaux de fonte de glace de la Cordillera Blanca garantissent de l’eau potable à plus d’un million de personnes (état en 2005) ; elles servent aussi pour la génération de l’énergie hydroélectrique, la culture maraîchère, l’irrigation et même le transport des concentrés de minerais. Grâce au projet d’irrigation CHAVIMOCHIC, ces ressources hydriques sont également captées jusqu’à la région de La Libertad pour irriguer la côte désertique, produire de l’électricité et fournir de l’eau potable à la ville de Trujillo (500'000 hab.).

Notre travail, grâce à l’analyse systémique, identifie les principaux acteurs et leur interrelation autour des ressources hydriques de la Cordillera Blanca. On observe l’émergence des conflits entre les villages et les transnationales (EGENOR et les méga- projets miniers d’Antamina et de Pierina). A moyen et long terme, avec la présence de ces entreprises et l’augmentation de la population, les conflits devraient monter d’un cran. Cela suppose la nécessité d’une gestion durable de ces ressources. A cet effet, comme outil de gestion pour ce massif, nous avons établi un prototype de Système d’Information Géographique (SIG), qui est constitué de 6 plans d’information en format raster et de 20 couches d’information vectorielle.

Dans la perspective du développement durable, nous proposons une stratégie de gestion des ressources hydriques de la Cordillera Blanca par micro bassin-versant. Cette politique doit être mise en œuvre en tenant compte des besoins, quantitatifs et qualitatifs, de tous les acteurs, y compris de l’écosystème, et surtout en s’appuyant sur les autorités locales de l’eau (communautés indigènes).

Grâce à la télédétection satellitaire, la cartographie de la superficie glaciaire de la Cordillera Blanca a été établie, pour 1987, 1996 et 2002. Les résultats sont, respectivement, 643, 600 et 596 km2. Entre 1970 (721 km2) et 2002, le massif a perdu 125 km2 (17%) de sa couverture glaciaire, ce qui représente un retrait moyen de 4 km2/an. Cette perte a des conséquences sur les réserves hydriques : pour 1970 et 2002, le volume d’équivalent-eau représentait, respectivement, 20 km3 et 16.6 km3. Cela signifie une perte de 3.4 km3 en 32 ans, soit de 106x106 m3 par an. Dans la région Ancash, le retrait glaciaire, conjugué avec l’augmentation de la population, implique une diminution des réserves hydriques par habitant. En effet, en 1972, pour une population de 732'092 habitants, chaque personne disposait d’une réserve d’environ 27'000 m3 d’eau ; en 2005, pour une population de 1'039'415 habitants, la réserve individuelle représentait un peu moins de 16'000 m3.

Finalement, la Cordillera Blanca représente la principale réserve hydrique pour la région Ancash : environ 16.6 km3 (95%) d’eau sont stockées dans ses glaciers et environ 0.9 km3 (5%) du liquide vital sont concentrés dans les 881 lacs (état en 2002). La qualité de ces réserves hydriques est menacée, principalement, par l’activité minière. Le non traitement des déchets par les villes des vallées du Callejón de Huaylas et de Conchucos contribue aussi à la pollution de l’eau. De même, la présence annuelle de plus de 100'000 touristes menace l’équilibre écologique de cet écosystème.

Mots-clefs : télédétection ; développement durable ; SIG ; analyse systémique ; ; changement climatique.

SUMMARY

AGENDA 21 recognizes mountain ecosystems as being one of the reservoirs of fresh water and recommends managing this resource by basins or sub-basins (micro-sub-basin). As a vital element for human life, water plays a fundamental part in the context of mountain regions’ sustainable development.

In many countries, melting ice of mountain ecosystems supply populations with enough drinkable water, guarantee food-producing culture and electricity production. These ecosystems also serve as direct support to populations, offering environmental services as well as resources in space (for leisure activities), materials (ore, wood) and cultural and biological diversity.

In Alpine and Andean countries, mountain ecosystems glaciers represent the main water reserve. Besides, the evolution of these glaciers is an indicator of climate change.

In , because of its scenic beauty, diverse flora and fauna, and ecological features, the Cordillera Blanca, located in the Ancash region, was declared Huascarán National Park in 1975. In 1975 and 1985, UNESCO recognized this protected area as being a “Biosphere Reserve” and part of the “World Natural Heritage”.

In the Ancash region, during the summer months, water from ice melting in Cordillera Blanca provides over one million people with drinkable water (2005 figure). Melt water is are also used to produce hydroelectric power, for market gardening, irrigation and even transportation of ore concentrates. Through the CHAVIMOCHIC irrigation project, these water resources are also harnessed as far as La Libertad region in order to irrigate the barren coast, to produce power and to supply the city of Trujillo (500000 inhabitants) with drinkable water.

Our work, thanks to system analysis, identifies the main actors and their interconnection around the water resources in the Cordillera Blanca. We have identified conflicts emerging between villages and transnational companies (EGENOR and the mega mining projects of Antamina and Pierina). In the medium and long term, with the presence of these companies and the increase of population, conflicts should go up a notch. This shows the necessity of a lasting management of these resources. For this purpose, we have established a Geographical Information System (GIS) prototype as a management tool for this mountain range: it is composed of 6 levels of information in raster format and of 20 layers of vector information.

In the prospect of sustainable development, we suggest a strategy for the management of water resources in the Cordillera Blanca by sub watershed. This policy must be implemented taking into account the quantitative and qualitative needs of all the actors, including the ecosystem, and above all through relying on the support of local water authorities (native communities).

Thanks to satellite remote sensing, mapping of the ice cover area in the Cordillera Blanca was established for 1987, 1996 and 2002. The results are, respectively, 643, 600 and 596 km2. Between 1970 (721 km2) and 2002, the massif lost 125 km2 (17%) of its ice cover, which represents an average retreat of 4 km2 a year. This loss has consequences on water resources: in 1970 and 2002, the volume of water equivalent represented respectively 20 km3 and 16.6 km3. This means a loss of 3.4 km3 over 32 years, that is to say 106x106 a year.

In the Ancash region, ice retreat, combined with the increased population, leads to a reduction in water reserves per inhabitant. Indeed, in 1972, for a population of 732 092 inhabitants, every person had at his disposal a reserve of 27000 m3 of water; in 2005, for a population of 1 039 415 inhabitants, the individual reserve was just under 16000 m3.

Finally, the Cordillera Blanca represents the main water reserve for the Ancash region: about 16,6 km3 (95%) of water are stored in its glaciers and about 0,9 km3 (5%) of the vital liquid is concentrated in 881 lakes (2002 figure). The quality of these water reserves is threatened, mainly by the mining activity. Moreover, the towns in the valleys of Callejon, Huaylas and Conchucos do not process waste, which also contributes to water pollution. Finally, the presence of 100 000 tourists every year threatens the ecological balance of this ecosystem.

Key-words: remote sensing; GIS; sustainable development; systems analysis; Andes; climate change.

RESUMEN

La AGENDA 21 reconoce los ecosistemas de montaña como reservas de agua dulce y preconiza la gestión de este recurso por cuencas o micro cuencas. Siendo el agua un elemento vital para la vida humana, en el contexto del desarrollo sostenible de las regiones de montaña, ella desempeña una función fundamental.

En numerosos países, los ecosistemas de montaña, por el deshielo, garantizan el abastecimiento en agua potable para las poblaciones, los cultivos y la producción de electricidad. Estos ecosistemas también sirven como soporte directo a las poblaciones, ofrecen servicios ambientales así como recursos en espacio (recreación), materias (minerales, madera, …) y diversidad cultural y biológica.

En los países alpinos y andinos, los glaciares de los ecosistemas de montaña representan la principal reserva hídrica. Además, la evolución de los glaciares sirve como indicador del cambio climático.

En Perú, por la belleza de sus paisajes, la diversidad de su flora y fauna y sus caraterísticas ecológicas, la Cordillera Blanca, localizada en el departamento de Ancash, fue declarada, en 1975, Parque Nacional Huascarán. En 1977 y 1985, la UNESCO ha reconocido esta área protegida como la « Reserva de la Biosfera » y « Patrimonio Natural de la Humanidad » respectivamente.

En la región Ancash, durante la época de estío, las aguas del deshielo de la Cordillera Blanca garantizan el agua potable para más de 1 millión de personas (estado en 2005) ; también sirven para generar electricidad, los cultivos, la irrigación y hasta para el transporte de concentrados de minerales. Mediante el proyecto de irrigación CHAVIMOCHIC, estos recursos hídricos también son captados hasta la región de La Libertad para irrigar la costa desértica, producir electricidad y proveer de agua potable a la ciudad de Trujillo (500,000 hab.).

Mediante el análisis sistémico, nuestro trabajo identifica los principales actores y sus interrelaciones alrededor de los recursos hídricos de la Cordillera Blanca. Se observa la emergencia de conflictos entre las comunidades indígenas y las transnacionales (EGENOR y los mega proyectos mineros Antamina y Pierina). A mediano y largo plazo, con la presencia de estas empresas y el incremento de la población, los conflictos deberán acrecentarse. Esto implica la necesidad de una gestión sostenible de estos recursos. Para este fin, como herramienta de gestión para este macizo, hemos establecido un prototipo del Sistema de Información Geográfica (SIG), que esta constituido de 6 capas de información raster y 20 capas vectoriales.

En el marco del desarrollo sostenible, proponemos una estrategia de gestión para los recursos hídricos de la Cordillera Blanca por micro cuencas. Esta política deberá ser puesta en obra teniendo en cuenta las necesidades, tanto cuantitativas como calitativas, de todos los actores e incluso del ecosistema, y sobre todo, apoyándose en las autoridades locales del agua (comunidades indígenas).

Mediante la teledetección satelital, hemos establecido la cartografía de la superficie glaciar de la Cordillera Blanca para los años 1987, 1996 y 2002. Los resultados respectivos son: 643, 600 y 596 km2. Entre 1970 (721 km2) y 2002, el macizo ha perdido 125 km2 (17 %) de su cobertura glaciar, esto representa un retroceso promedio de 4 km2/año. Esta pérdida tiene consecuencias sobre las reservas hídricas: para 1970 y 2002, el volumen equivalente de agua representaba, 20 km3 y 16.6 km3. Lo cual significa una pérdida de 3.4 km3 de agua en 32 años, es decir 106x106 m3 por año.

En la región Ancash, el retroceso glaciar, conjugado con el incremento de la población, implica la disminución de las reservas hídricas por habitante. En efecto, en 1972, para una población de 732'092 habitantes, cada persona disponía de una reserva de aproximadamente 27,000 m3 de agua; en 2005, para una población de 1'039'415 habitantes, la reserva indivual representaba menos de 16,000 m3.

Finalmente, la Cordillera Blanca representa la principal reserva hídrica para la región Ancash: aproximadamente 16.6 km3 (95 %) de agua son almacenadas en los glaciares y 0.9 km3 (5 %) del líquido vital se concentran en las 881 lagunas (estado en 2002). La calidad de estas reservas hídricas estan amenazadas, principalmente, por la actividad minera. La falta de tratamiento de los residuos urbanos de las ciudades del Callejón de Huaylas y de los Conchucos contribuye también a la contaminación de las aguas. De la misma manera, la presencia anual de más de 100,000 turistas amenaza el equilibrio ecológico de este ecosistema.

Palabras claves: teledetección, desarrollo sostenible, SIG, análisis sistémico, Andes, cambio climático.

REMERCIEMENTS

Ma sincère gratitude va au Dr. Jean-Michel Jaquet, directeur de thèse, qui a eu la gentillesse de me suivre et de croire en ce projet ; son analyse scientifique, ses discussions, ses encouragements, son enthousiasme et son amitié ont été pour moi une source de motivation tout au long de ce travail. Au sein de son Unité de Télédétection et SIG, j’ai bénéficié des conditions optimales pour mes recherches sur les Andes. Je lui suis aussi reconnaissant pour m’avoir donné du travail, l’argent étant le nerf de la guerre.

Je tiens à témoigner ma reconnaissance au Prof. Charles Hussy pour avoir accepté d’être le co-directeur de ma thèse. Son amitié, ses commentaires critiques et ses démarches administratives m’ont été de grande utilité.

Je remercie également le Dr. Hy Dao pour avoir accepté de faire partie du jury de ma thèse. Ses commentaires et corrections ont été d’une grande pertinence et m’ont éclairé sur de nombreux points.

Ma reconnaissance va également au Prof. Bernard Debarbieux pour avoir accepté de faire partie du jury de thèse et pour ses critiques constructives.

J’adresse aussi ma reconnaissance au Dr. Christian Huggel pour sa participation du jury de ma thèse. Lors de nos travaux sur le terrain dans la Cordillera Blanca, j’ai pu bénéficier de ses connaissances sur les aléas liés aux glaciers.

J’aimerais remercier aussi les personnes qui m’ont fourni des informations : Bernard Pouyaud (IRD, Montpellier, France), Mario Aguirre (IRH-INRENA, Lima), Jorge Ninantay (ATDR-, Huaraz, Pérou), Luis Castañeda (INEI, Lima, Pérou), Francisco Huerta (FCAM-UNASAM, Huaraz, Pérou), Abel Rodriguez (EGENOR, Huallanca, Ancash, Pérou) et Nelson Santillan (UGRH-INRENA, Huaraz, Pérou).

Ma reconnaissance va à Mark Ernst (ancien collaborateur du GRID-Sioux Falls, USA), pour la fourniture des images satellitaires et à Pascal Peduzzi (GRID-Genève, Suisse) pour son aide. Grâce au projet « Atlas of Global Change », Mark et Pascal m’ont fait bénéficier d’une fenêtre pour mettre en avant la Cordillera Blanca.

Mes remerciements vont également à mes collègues de l’UTED-S, entre autres, Zine El Morjani, Daniel Käser, Yann Daniel, Julien Brun, Olivier Kaufmann, Lucien Schreiber, Christian Herold, Raphaël Klaus, pour avoir partagé avec moi leurs connaissances « sigistes » et pour leur bonne humeur. Un grand merci aussi à Olivier Baldassi, « notre » dépanneur informatique.

J’ai une pensée pour Inés « Huaylas » Machguth, avec qui j’ai fait des visites de plusieurs lacs dangereux et lacs nouveaux-nés de la Cordillera Blanca. Ses yeux avaient la même couleur qu’un des lacs de la cordillère, et pouvaient même déclencher des avalanches !

Ma gratitude va aussi à Esther Hegglin, pour son amitié et les informations qu’elle a pu obtenir pour moi à Lima. Mes parents et mon village natal ont été honorés par sa présence et son intérêt pour la langue quechua et les coutumes locales.

Je suis reconnaissant également à Régine et Jean-Pierre Fédèle, Marseille, France, pour leur amitié et leur générosité, étant toujours prêt à m’accueillir en temps voulu.

J’exprime également ma sincère gratitude à Françoise Grondahl, à Genève, pour son soutien et son amitié.

Je remercie du fond du cœur toute ma famille pour sa générosité envers moi et son soutien tout au long de mon périple de ces dernières années.

TABLE DE MATIERES

LISTE DES FIGURES I

LISTE DES TABLEAUX VI

I. INTRODUCTION 3

1. Contexte 3

1.1. Accroissement de la population, de la production agricole et de la consommation de l’eau 3

1.2. Changements globaux 4

1.3. Développement durable - Agenda 21 6

2. Objectifs du projet 6

3. Questions de départ 7

4. Transfert de technologie Nord-Sud 7

5. Bibliographie 8

II. THEORIE ET CONCEPT 11

1. Analyse systémique et gestion des ressources hydriques d’un écosystème de montagne 11

2. La géomatique comme outil de mise en valeur des ressources hydriques et de leur gestion dans un écosystème de montagne 13

2.1. Géomatique 13 2.2. Les systèmes d’informations géographique (SIG) 14 2.2.1. SIG et régions de montagne 14

2.3. Télédétection 15 2.3.1. Brève introduction à l’analyse des images satellitaires 16 2.3.2. Télédétection et régions de montagne 19

3. Bibliographie 20

i III. PROBLEMATIQUE DE LA GESTION DURABLE DE LA RESSOURCE D’EAU DOUCE D’UN ECOSYSTEME DE HAUTE MONTAGNE 23

1. Concepts géographiques 23

1.1. Paysage 23 1.2. Espace 23 1.3. Le milieu géographique et milieu naturel ou environnement 24 1.4. L’écologie du paysage (landscape ecology), géosystèmes et écosystème 25 1.5. L’analyse systémique en géographie 28

2. Territoire et ressources naturelles 28

2.1. Le territoire ou l’interface nature et société 28 2.1.1. Différence entre espace et territoire 28 2.1.2. Le système territorial 29 2.1.3. Eléments du système territorial 29 2.1.4. Territorialité 30

2.2. Les eaux douces en milieu de haute montagne comme ressources 31 2.2.1 Qu’est-ce qu’une ressource ? 31 2.2.2. Ressource naturelle 31 2.2.3. Ressources renouvelables et non renouvelables 32 2.2.4. L’eau douce en milieu de haute montagne est-elle une ressource renouvelable ou non renouvelable ? 33 2.2.5. L’eau douce est-elle un bien public ? 34

2.3. Le système de relations (entre territoire et ressources naturelles) 34 2.3.1. Eléments d’une relation 34 2.3.2. Types de relation entre acteurs 36 2.3.3. Relation acteurs – ressources 37 2.3.4. Les ressources en eau comme enjeux géostratégiques 37

3. La gestion durable des ressources hydriques en milieu de haute montagne 38

3.1. Développement durable, écosystèmes de montagne et l’eau 39 3.1.1. L’AGENDA 21 39 3.1.2. Le développement durable 39 3.1.3. Les montagnes ou des écosystèmes fragiles 40 3.1.4. L’eau et le développement durable 42

3.2. La gestion intégrée des ressources hydriques par bassin versant en écosystèmes de montagne 43

3.2.1. Notions de base 44

3.2.2. Qu’est-ce la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) par bassin versant ? 47

3.2.3. L’approche écosystémique de la gestion intégrée des ressources en eau par bassin versant 48

3.2.4. Eléments pour la gestion durable des ressources hydriques 49

ii 3.3. Les contraintes 52

3.4. L’intervention humaine 52

4. Phénomène du retrait glaciaire 54

4.1. Causes possibles du retrait glaciaire 56

4.2. Conséquences du retrait glaciaire 57

5. Bibliographie 58

IV. CONCLUSION DE LA PARTIE THEORIQUE : SIG, Analyse systémique, développement durable et écosystèmes de montagne 63

V. LE SYSTEME CORDILLERA BLANCA 67

1. Représentation systémique 67

1.1. Eléments composant le système Cordillera Blanca 67 1.1.1. Ecosystème Cordillera Blanca 67 1.1.2. Utilisation du sol 68 1.1.3. Le système socio-économique 68

1.2. Mise en relation des éléments du système Cordillera Blanca dans une approche systémique 69

2. Aspects physiques 71

2.1. Situation géographique et dimensions 71

2.2. Découpage spatial 72

2.3. Contrainte topographique et altitude 73

2.4. Système hydrographique 74 2.4.1. Glaciers 74 2.4.2. Lacs 74 2.4.3. Rivières 74

2.5. Géologie 75

2.6. Aléas naturels 77 2.6.1. Introduction 77 2.6.2. Typologies 77 2.6.3. Mitigation et « gestion » des risques liés aux glaciers 80

iii

2.7. Système climatique 84 2.7.1. Introduction 84 2.7.2. Précipitation 84 2.7.3. Température 87 2.7.4. Régions naturelles (climatiques) 88

2.8. Biodiversité 89 2.8.1. Introduction 89 2.8.2. Flore 89 2.8.3. Faune 90

3. Système socio-économique de la région Ancash 91

3.1. Division politique et administrative 91 3.1.1. Introduction 85 3.1.2. Tentatives de décentralisation de l’administration politique du Pérou à partir de 1950 91 3.1.3. Région Ancash 94

3.2. Système économique 95 3.2.1. Le Produit Brut Interne de la région Ancash 95 3.2.2. Activités économiques 97 3.2.3. Population Economiquement Active (PEA) 108

3.3. Système socio-démographique 109 3.3.1. Indice du Développement Humain (IDH) 109 3.3.2. Indice du Développement Humain (IDH) au Pérou 110 3.3.3. Indice du Développement Humain par provinces de la région Ancash, année 2000 111

3.3.4. Indice du Développement Humain par district de la région Ancash, année 2003 112

3.4. Système socio-culturel (socio-diversité) 113

3.5. Commentaire sur les données socio-économiques 116

4. Bibliographie 116

VI. MISE EN ŒUVRE DU SIG POUR LA CORDILLERA BLANCA 121

1. Introduction 121

1.1. Géoréférence et délimitation de la zone d’étude 121

1.2. Logiciels et opérations géomatiques 122 1.2.1. Saisie des données 122 1.2.2. Analyse des données 122 1.2.3. Représentation des données 122

2. Plans d’information 122

2.1. Topographie : modèle numérique d’altitude 122 2.1.1. Saisie de l’information 122

iv 2.1.2. Interpolation 124 2.1.3. Evaluation de la qualité du Modèle Numérique d’Altitude à résolution de 50 m 126 2.1.4. Détermination du Bassin Versant et du masque « région » 131 2.1.5. Ré-échantillonnage du MNA à 25 m 133 2.1.6. Découpage du MNA à résolution de 50 m par le masque « région » et classification 133 2.1.7. Carte du relief 134 2.1.8. Carte des pentes 134 2.1.9. Carte d’orientation de pentes 135 2.1.10. Carte de régions naturelles 135

2.2. Géologie 136

2.3. Cartographie des aléas liés aux glaciers 138

2.4. Cartographie de la couverture glaciaire (année 2002) 138 2.4.1. Correction géométrique et ré-échantillonnage des images 138 2.4.2. Analyse des images 138 2.4.3. Segmentation du NDSI 139 2.4.4. Résultats 140

2.5. Couverture des glaciers pour 1987 et 1996 141

2.6. Estimation des réserves hydriques de la Cordillera Blanca 142 2.6.1. Couverture glaciaire pour 1970, 1987, 1996 et 2002 142 2.6.2. Distribution de la superficie glaciaire par bassin versant pour 1987, 1996 et 2002 142 2.6.3. Estimation du volume brut et d’équivalent eau 143 2.6.4. Estimation du volume d’eau des lacs de la Cordillera Blanca 145 2.6.5. Synthèse de la distribution des réserves hydriques par bassin versant (état 2002) 151

2.7. Couverture des sols 152 2.7.1. Pré-traitement 153 2.7.2. Analyse 154 2.7.3. Résultats 163 2.7.4. Discussion 165

2.8. Socio-économie 167 2.8.1. Limites administratives 168 2.8.2. Données sur la population 168 2.8.3. Carte de la densité de la population 169

2.9. Superficies agricoles irriguées et non irriguées, pâturages gérés et non gérés, forêts et autres pour 1994 169

2.10. Points de captage d’eau 170

2.11. Plan d’informations faisant partie du prototype du SIG de la Cordillera Blanca 170

3. Bibliographie 171

v VII. STRATEGIE POUR LA GESTION DURABLE DES RESSOURCES HYDRIQUES DE LA CORDILLERA BLANCA 175

1. Etat des lieux des ressources hydriques au Pérou 175

1.1. Distribution spatiale et temporelle des ressources hydriques au Pérou 175

1.2. Distribution spatiale de la population, des activités économiques et de la consommation d’eau au Pérou 176

1.3. Disponibilité hydrique 179

1.4. Accès aux services de l’eau potable et d’assainissement 180

2. Politique péruvienne de gestion de l’eau 180

2.1. Cadre légal 180

2.2. Institutions impliquées dans le domaine de l’eau 181

2.3. La gestion de l’eau par le Ministère de l’Agriculture 182 2.3.1. Cadre institutionnel 182

2.4. Administration des ressources hydriques par les ATDR dans la région d’Ancash 185

2.5. Administration des ressources hydriques dans les vallées de Callejón de Huaylas et de Cochucos 188

3. Stratégie pour la gestion durable des ressources hydriques de la Cordillera Blanca 192

3.1. Acteurs et enjeux (conflits) autour des ressources hydriques de la Cordillera Blanca 192

3.2. Gestion durable des ressources hydriques de la Cordillera Blanca par micro bassin versant 195

4. Bibliographie 198

VIII. DISCUSSION ET PERSPECTIVES 201

1. Evolution de la couverture glaciaire et des réserves hydriques 201

2. Causes possible du retrait glaciaire dans la Cordillera Blanca 202

2.1. Analyse des paramètres climatologiques 202

2.2. Informations hydrologiques (débit) 206

2.3. Les événements d’El Niño et de La Niña et leur influence 208 2.3.1. El Niño et La Niña 208 2.3.2. Températures durant El Niño et La Niña 210 2.3.3. Les précipitations durant El Niño et La Niña 212

vi

3. Scénario climatique 215

4. Scénario anthropique 217

5. Scénario environnemental 220

6. Bibliographie 223

IX. CONCLUSION DE LA PARTIE PRATIQUE 227

X. REPONSE AUX QUESTIONS 231

XI. COMMENTAIRE FINAL 233

vii LISTE DE FIGURES

Figure 1 : Evolution des surfaces irriguées et des prélèvements d’eau douce

Figure 2 : Variation de la température à la surface de la terre entre 1860 et 2000

Figure 3 : (a) Evolution de la concentration des gaz à effet de serre : CO2, méthane (CH4) et oxyde nitreux (N2O). (b) Concentration en soufre dans les glaces du Groenland (courbes) et les émissions de soufre depuis 1900 (symbole : +)

Figure 4 : Modèle conceptuel intégré des effets du changement global dans les régions de montagne.

Figure 5 : Modèle conceptuel d’un écosystème et d’un système humain dans une région de montagne.

Figure 6 : Les composantes d’un SIG

Figure 7 : Principes de la télédétection satellitaire et domaine spectral des 7 bandes du radiomètre Thematic Mapper de Landsat 5

Figure 8 : Le géosystème selon Beroutchachvili et l’écosystème

Figure 9 : Catégories d’acteurs

Figure 10 : La structure théorique du développement durable

Figure 11 : L’eau dans le contexte du développement durable

Figure 12 : Le cycle de l’eau

Figure 13 : Le bassin versant

Figure 14 : Retrait glaciaire du Qori Kalis entre 1978 et 2000

Figure 15 : Représentation systémique de la Cordillera Banca

Figure 16 : Développement de l’activité minière et conséquences sur le système socio- économique régional

Figure 17 : Carte de localisation de la zone d’étude au niveau Pérou ; la Cordillera Blanca et le Parc National Huascarán

Figure 18 : Les zones « noyau » (PNH), tampon et de transition ; limites du PNH et de la zone tampon

Figure 19 : Lave torrentielle de 1999, près de Caraz ; maison détruite par ledit événement à Fundo San José

Figure 20 : Exemple de construction des digues et de canaux d’évacuation pour les lacs « dangereux » dans la Cordillera Blanca

Figure 21 : Deux états du Palcacocha, en 1972 et en juillet 2003, après l’événement du 19.03.2003 et montrant la digue endommagée

I Figure 22 : Palcacocha après la réparation de la digue, en 2004

Figure 23 : Position de la Zone de Convergence Inter-Tropicale (ITCZ), durant les mois de juillet et août (saison sèche dans la Cordillera Blanca) et entre novembre et avril (saison humide)

Figure 24 : Précipitations dans la vallée de Callejón de Huaylas

Figure 25 : Zonage des précipitations dans le bassin versant du Santa

Figure 26 : Températures mensuelles maximale, moyenne et minimale, à la station de Querococha, localisée à 4 050 m

Figure 27 : Limite des 12 régions de 1987 ; limites départementales, situation en 1998

Figure 28 : Provinces de la région Ancash

Figure 29 : Participation des principales branches économiques, entre 1995 et 2002, au PBI de la région Ancash

Figure 30 : Evolution de la production de trois denrées de l’agro-industrie de la région Ancash, entre 1986 et 2001

Figure 31 : Production céréalière régionale, entre 1986 et 2001

Figure 32 : Production régionale des tubercules, entre 1986 et 2001

Figure 33 : Région Ancash, production du secteur élevage, entre 1986 et 2001

Figure 34 : Prise d’anchois par les trois principaux ports de la région entre 1997 et 2001

Figure 35 : Production régionale d’argent et d’or, entre 1990 et 2003

Figure 36 : Production régionale de cuivre, plomb et zinc, entre 1990 et 2003

Figure 37 : Production régionale du sucre, entre 1994 et 2001

Figure 38 : Valeur ajoutée de l’activité construction de la région Ancash, entre 1994 et 2001

Figure 39 : Valeur ajoutée de l’activité commerciale de la région Ancash, entre 1994 et 2001

Figure 40 : Nombre de nuitées de nationaux et d’étrangers dans la région Ancash, entre 1993 et 2001

Figure 41 : Population et PEA, en 1993, par provinces de la région Ancash

Figure 42 : Concentration de la PEA par aire Rurale et Urbaine par provinces, en 1993 ; pourcent par rapport à la PEA totale provinciale

Figure 43 : Région Ancash, IDH par provinces pour 2000

Figure 44 : Région Ancash, IDH au niveau du district, pour l’année 2003

II Figure 45 : Fillette du village Atocpampa (district de San Miguel de Aco, province de Carhuaz) ; fillette du village Collón (district de Taricá, province de Huaraz) ; petite fille du village de Llamac (district de Pacllón, province de Bolognesi)

Figure 46 : Marché dans la vallée de Callejón de Huaylas

Figure 47 : Maisons villageoises entre les deux versants de la Cordillera Blanca : ouest et est

Figure 48 : Organigramme de l’élaboration du SIG pour la Cordillera Blanca

Figure 49 : Procédures pour l’élaboration du MNA

Figure 50 : Délimitation des 18 « tuiles » d’interpolation et 10 sous-zones d’interpolation

Figure 51 : Limites des zones d’interpolation

Figure 52 : MNA (pixel de 50 m) couvrant la Cordillera Blanca et les zones d’échantillonnage

Figure 53 : Modèle ombré pour la zone de la mosaïque

Figure 54 : Distribution des pixels des altitudes entre 4495 et 4505 m autour de la courbe de niveau topographique de 4500 m

Figure 55 : Zoom sur la distribution des pixels d’altitudes entre 4495 et 5505 m autour de la courbe de niveau de 4500 m

Figure 56 : Modèle ombré des zones d’échantillonnage nord et sud

Figure 57 : Organigramme pour la détermination du Bassin Versant

Figure 58 : Le MNA superposé du cours de rivières principales et 80 bassins versant de diverses tailles (après la modélisation)

Figure 59 : Limite de « divers bassin versants » ; limite des bassin versant entre les Cordillères Negra et Blanca (BV CN – CB) ; limite de la région d’étude

Figure 60 : Carte d’altitudes et du relief

Figure 61 : Carte de pentes et d’orientation des pentes

Figure 62 : Carte des régions naturelles

Figure 63 : Carte géologique

Figure 64 : Image du NDSI

Figure 65 : Histogramme du NDSI

Figure 66 : Les glaciers, les glaciers couverts et des intrusions rocheuses ; rivières principales, lacs et glaciers

Figure 67 : Evolution de la couverture glaciaire de la Cordillera Blanca entre 1970 et 2002

III Figure 68 : Volume brut et d’équivalent eau de la Cordillera Blanca pour 1970, 1987, 1996 et 2002

Figure 69 : Volume des 44 lacs de la Cordillera Blanca

Figure 70 : Etapes pour l’élaboration de la carte de la couverture du sol à partir de l’imagerie satellitaire

Figure 71 : Organigramme pour l’élaboration de la carte de la couverture du sol

Figure 72 : Union des thèmes « région d’étude » (zone de classification) et divers polygones (numérisés et résultant de l’analyse du NDSI) ; masque reste.shp résultant de l’édition d’union de thèmes

Figure 73 : NDVI-25m.grid ; après découpage avec le masque reste.shp, NDVI_reste.grid

Figure 74 : Histogramme du NDVI pour l’ensemble de la zone d’étude (image : ndvi- 25m.img) avec les intervalles des classes identifiées

Figure 75 : Histogramme du NDVI (image NDVI_reste.grid) avec les intervalles des valeurs de segmentation

Figure 76 : Superposition des thèmes en combinant le NDVI et le MNA

Figure 77 : Superposition de certains thèmes rastérisés (Merge : overlay entre images)

Figure 78 : Superposition des thèmes issus de la combinaison du NDVI et du MNA et thèmes rastérisés (Merge : overlay entre images)

Figure 79 : Carte de la couverture du sol

Figure 80 : Région Ancash, carte de la densité de la population pour 1972 et 2005

Figure 81 : Pérou, limites des bassin versant

Figure 82 : Pérou, concentration de la population par bassin versant, pour 1972, 1981 et 1993

Figure 83 : Organigramme des institutions du Ministère de l’Agriculture impliquées dans la gestion des ressources hydriques

Figure 84 : Division de l’espace national par bassin versant ; les ADTR, état en 2005

Figure 85 : Limites des bassin versant dans la région d’Ancash

Figure 86 : Administrations Techniques des Districts d’Irrigation impliquées dans la gestion des ressources hydriques de la Cordillera Blanca

Figure 87 : Dans la région de La Libertad, la côte désertique irrigué avec les eaux de Río Santa grâce au projet d’irrigation CHAVIMOCHIC est devenu productrice d’asperges

Figure 88 : Canal du projet d’irrigation CHINECAS

IV Figure 89 : Localisation des ATDR Huaraz, Pomabamba et Huari, au niveau provincial, dans la région d’Ancash

Figure 90 : Points de captage de l’eau à multiples usages et limites des « commissions d’usagers »

Figure 91 : Acteurs impliqués autour des ressources hydriques de la Cordillera Blanca

Figure 92 : Le barrage naturel de Cullicocha et le canal d’irrigation de même nom

Figure 93 : Limite de commissions d’usagers et de micro bassin versants

Figure 94 : Point de captage d’eau sur Río Paria pour la nouvelle station de traitement de l’eau potable pour Huaraz

Figure 95 : Cours de Río Paria en été 1989 et 2005

Figure 96 : Evolution de la couverture glaciaire de la Cordillera Blanca entre 1930 et 2002

Figure 97 : Localisation des stations climatologiques et hydrologiques et le point de reanalysis de NCEP

Figure 98 : Evolution des températures maximales et minimales dans la station de Querococha (4087 m), entre 1965 et 1993

Figure 99 : Simulation par SENAMHI de la température atmosphérique au dessus de la Cordillera Blanca, entre 2000 et 2020

Figure 100 : Précipitations mensuelles dans sept stations de la Cordillera Blanca

Figure 101 : Précipitations moyennes annuelles dans sept stations de la Cordillera Blanca

Figure 102 : Débit mensuel dans 10 stations hydrologiques de la Cordillera Blanca

Figure 103 : Evolution du débit des principaux affluents de Río Santa

Figure 104 : Evolution temporelle de l’ENSO

Figure 105 : Evidences d’El Niño et de La Niña enregistrées dans la glace du Huascarán

Figure 106 : Variation de la température moyenne annuelle dans la station Querococha, entre 1965 et 1993

Figure 107 : Evolution de la variation des précipitations dans sept stations de la Cordillera Blanca

Figure 108 : Evolution du glacier Broggi, entre 1932 et 2004

Figure 109 : Baisse du niveau du Laguna 69 et disparition d’un petit lac

Figure 110 : Population des districts du Callejón de Huaylas, entre 1993 et 2005

Figure 111 : Taux de croissance annuel des districts de Callejón de Huaylas, entre 1993 et 2005

V Figure 112 : Nouvelles maisons construites dans l’ancienne zone de l’aluvion de 1941 et la cité minière Pinar en 2004

Figure 113 : Bassin de rétention d’Antamina vu par le satellite Aster

Figure 114 : Changement du paysage, entre 1996 et 2002, dû à l’activité des mines Pierina et Antamina

Figure 115 : Le camp de base de Pisco à 4800 m d’altitude, le carré rouge représente la grotte où les touristes ont laissé leurs déchets

LISTE DE TABLEAUX

Tableau 1 : Principales caractéristiques du capteur TM du satellite Landsat 5

Tableau 2 : Principales caractéristiques du capteur ETM+ du satellite Landsat 7

Tableau 3 : Le système territorial

Tableau 4 : Valeurs globales des flux à l’échelle de la planète

Tableau 5 : Flux hydrique des continents vers les océans

Tableau 6 : Répartition de stock d’eau

Tableau 7 : Exemple du retrait glaciaire dans quelques régions du monde

Tableau 8 : Retrait du front glaciaire de Qori Kalis, entre 1963 et 1991

Tableau 9 : Superficie des zones faisant partie de la Réserve Biosphère Huascarán

Tableau 10 : Distribution des glaciers par bassin versant en 1970

Tableau 11 : Distribution des glaciers, lacs et rivières, dans le PNH, par bassin versant

Tableau 12 : Légende des formations géologiques affleurant dans la zone d’étude

Tableau 13 : Liste des phénomènes naturels impliquant glaciers et lacs de la Cordillera Blanca, entre 1702 et 2004

Tableau 14 : Précipitations moyenne dans le bassin versant de río Santa

Tableau 15 : Distribution des régions naturelles selon l’altitude et leurs caractéristiques

Tableau 16 : Températures dans 4 régions naturelles de la zone d’étude

Tableau 17 : Nombre de familles, genres et espèces de la flore du PNH

Tableau 18 : Principales familles de la flore du PNH

Tableau 19 : Evolution du PBI de la région Ancash par branche économique, entre 1995 et 2002

Tableau 20 : Contribution de la région Ancash au PBI national

VI Tableau 21 : Valeur des exportations de quelques produits miniers de la région Ancash, en 2002

Tableau 22 : Production de l’industrie lourde (sidérurgie) et d’alcool, entre 1999 et 2001

Tableau 23 : Valeur de l’activité industrielle du Pérou et de la région Ancash, entre 1995 et 2001

Tableau 24 : Participation du secteur construction d’Ancash dans l’économie nationale

Tableau 25 : Indicateurs et calcul de l’IDH

Tableau 26 : Indicateurs pris en compte pour l’établissement de l’IDH départemental du Pérou en 1997

Tableau 27 : Echelles pour la mesure de l’Indice du Développement Humain

Tableau 28 : Classes de l’IDH pour 2000

Tableau 29 : Correction des courbes de niveaux au Nevado Taulliraju

Tableau 30 : Superficie de glaciers, de glaciers couverts et d’intrusions rocheuses pour 2002

Tableau 31 : Distribution de la superficie glaciaire par bassin versant

Tableau 32 : Distribution du volume brut et d’équivalent eau par bassin versant en 1987, 1996 et 2002

Tableau 33 : Superficie et volume de 44 lacs avec bathymétrie

Tableau 34 : Nombre des lacs et du volume par bassin versant

Tableau 35 : Distribution des réserves hydriques par bassin versant pour 2002

Tableau 36 : Caractéristiques du capteur ETM+

Tableau 37 : Thèmes numérisés à l’écran

Tableau 38 : Intervalle des valeurs pour le NDVI

Tableau 39 : Seuillage du NDVI, hors thèmes numérisés

Tableau 40 : Critères pour la définition de classes de la densité végétale

Tableau 41 : Images résultant par rastérisation des thèmes numérisés

Tableau 42 : Statistiques de la carte de la couverture du sol

Tableau 43 : Correspondance entre les classes de densité et les associations végétales

Tableau 44 : Récapitulatif du plan d’information du SIG de la Cordillera Blanca

Tableau 45 : Pérou, distribution des rivières par bassin versant

VII Tableau 46 : Pérou, distribution des eaux superficielles par bassin versant

Tableau 47 : Pérou, valeur de la production agricole, industrielle et minière, pour 1976, par bassin versant

Tableau 48 : Pérou, utilisation de l’eau par bassin versant, année 1984

Tableau 49 : Pérou, utilisation de l’eau pour la production hydroélectrique par bassin versant

Tableau 50 : Pérou, disponibilité hydrique par habitant en 1981

Tableau 51 : Pérou, population avec accès aux services d’eau potable et d’égout

Tableau 52 : Nombre de bassins versants, des ATDR, des « conseils d’usagers », des « commissions d’usagers », d’usagers et de superficies irriguées par bassin versant

Tableau 53 : Volume de l’eau utilisé par secteurs des sources provenant de la Cordillera Blanca

Table 54 : Liste des événements d’El Niño et de La Niña, entre 1950 et 2004

Table 55 : Intervalle temporel de trois Super Niños

Table 56 : Moyenne des températures mensuelles minimale et maximale (1965 – 1993), dans la station de Querococha

Tableau 57 : Précipitations durant El Niño/La Niña

Table 58 : Variation des précipitations au maximum d’El Niño 1972/73, 1982/1983 et 1997/98

Tableau 59 : Dynamique de la population de la région Ancash, entre 1972 et 2005

VIII

1

2 I. INTRODUCTION

1. Contexte

1.1. Accroissement de la population, de la production agricole et de la consommation de l’eau

Entre 1972, l’année de la prise de conscience des questions sur l’environnement et 2002, déclarée année Internationale de la Montagne, trois décennies se sont écoulées. Pour cette période, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (UNEP, 2002) fait état d’une dégradation de l’environnement dans le monde :

• Pénurie d’eau et stress hydrique, ainsi que dégradation des sols, dans les pays africains. • Surpopulation et pauvreté en Asie et dans le Pacifique. • Stress hydrique dans les régions du sud, de l’ouest et du sud-est de l’Europe. • L’Amérique du Nord est le principal consommateur de ressources naturelles et le plus gros producteur de déchets. • Pénurie de l’eau en augmentation en Asie occidentale. • Dans les régions polaires, l’épuisement de la couche d’ozone stratosphérique. • Pression sur l’environnement et les ressources naturelles, à cause de l’augmentation de la population, et perte de 400 millions d’hectares de forêt en Amérique latine et Caraïbes.

Une des causes principales de la pression sur l’environnement et les ressources naturelles est l’accroissement de la population mondiale. En effet, en 1970, la terre comptait 3.7 milliards d’habitants, et en 2005, 6.5 milliards (UN, 2006). Ceci implique que pour satisfaire les besoins fondamentaux (eau potable, nourriture, etc.) de cette population galopante, il faut d’avantage de ressources, tant naturelles que financières.

La production de biens de consommation implique plus d’intrants en matière et énergie. Mais, parallèlement à l’augmentation de la production des biens, il y a un accroissement du volume des déchets, qui atteint l’environnement naturel et même les systèmes humains. La construction de nouvelles infrastructures telles que routes, réseaux d’eau potable et d’égouts, logements implique aussi une pression sur la ressource sol et l’écosystème en général.

Selon l’UNEP (2002), les prélèvements d’eau ont suivi la tendance des surfaces irriguées, qui assurent 40 % de la production vivrière mondiale : en effet, 70 % des prélèvements d’eau sont destinés à des fins agricoles (figure 1).

3

Figure 1 : Evolution des surfaces irriguées et des prélèvements d’eau douce (source : UNEP 2002, p. 152)

La période entre 1972 et 2002 a été caractérisée aussi par de grands rendez-vous de la communauté internationale, afin de mettre en place des politiques pour le développement et pour diminuer les impacts sur l’environnement. Lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, en juin 1972 (Stockholm, Suède), a été créé le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), organisme centralisant les actions en matière d’environnement pour la planète. En 1992, la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED ou Sommet de la Terre, à Rio de Janeiro, Brésil) a donné naissance à l’AGENDA 21 (ou l’ACTION 21), lequel est un « principe cadre » pour la mise en œuvre du développement durable pour le 21e siècle. Le dernier Sommet mondial du développement durable de 2002 à Johannesburg (Afrique du Sud), recommande une série de mesures pour réduire la pauvreté et protéger l’environnement ; celles-ci concernent principalement les domaines de l’eau, de la santé, de l’énergie, de l’agriculture et de la biodiversité.

1.2. Changements globaux

Selon le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Evolution du Climat (GIEC) [2001], le réchauffement climatique de ces 50 dernières années est fort probablement lié à l’activité humaine. Durant le XXe siècle, la température moyenne globale a augmenté de 0.6 °C (figure 2) ; dans l’hémisphère Nord, les année ’90 ont été la décennie la plus chaude et 1998 l’année la plus chaude des mille dernières années. Le niveau de la mer s’est élevé entre 10 et 20 cm et la concentration de gaz à effet de serre, issus de l’activité humaine, a fortement augmenté (figure 3). Les prévisions pour XXIe siècle ne sont guère meilleures et la température devrait encore continuer à s’élever, entre 1.4 et 5.8 °C.

4

Figure 2 : Variation de la température à la surface de la terre entre 1860 et 2000 (source : GIEC, 2001)

Figure 3 : (a) Evolution de la concentration des gaz à effet de serre : CO2, méthane (CH4) et oxyde nitreux (N2O). (b) Concentration en soufre dans les glaces du Groenland (courbes) et les émissions de soufre depuis 1900 (symbole : +) (Source : GIEC, 2001)

5 Les effets du réchauffement climatique de ces dernières décennies se font sentir déjà dans les divers écosystèmes de la planète : diminution de la couverture neigeuse et retrait glaciaire dans les régions de montagne ; perturbation dans le cycle de l’eau (sécheresses et/ou inondations), dont les effets sont négatifs pour les écosystèmes naturels et humains ; amplification du phénomène d’El Niño, avec des conséquences néfastes pour l’écosystème marin du Pacifique ainsi que pour les populations, etc.

Depuis quelques années, on admet que les phénomènes globaux ont des répercussions tant au niveau régional que local. Tout d’abord, El Niño était considéré comme un phénomène régional touchant notamment les côtes équatoriennes et péruviennes mais, finalement, on a démontré que c’est un phénomène global, qui affecte régulièrement les précipitations et les températures dans la plupart des zones tropicales et sub-tropicales, voire même dans certaines zones de moyenne latitude (GIEC, 2001). Ce déséquilibre océanique a comme conséquence des pluies diluviennes sur la côte de l’Equateur, la côte nord du Pérou et sur les îles du Pacifique central tout en provoquant la sécheresse en Indonésie et en Australie (NOAA 2006). Au niveau du Pérou (effet régional), El Niño provoque des déficits pluviométriques (Aceituno et Montecinos, 1993 ; Rome-Gaspaldy et Ronchail, 2005), voire des sécheresses dans les Andes du sud (Pouyaud et al., 2005).

Un déficit pluviométrique dans les régions de haute montagne signifie le non- renouvellement des glaciers, ainsi que la baisse du niveau des lacs et, par conséquence, l‘amenuisement des réserves hydriques. Il s’ensuit que toute gestion d’eau dans une région de montagne doit aussi prendre en compte les effets du changement global.

1.3. Développement durable - Agenda 21

L’AGENDA 21, issu de la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement (Rio de Janeiro, 1992), aborde les problèmes majeurs qu’affrontent l’humanité et la planète. Ce document-cadre encourage la mise en valeur des régions de montagne, leur protection et l’utilisation de leurs ressources dans la perspective du développement durable.

Notre projet de recherche, qui vise la mise en valeur des ressources hydriques de la Cordillera Blanca, en vue de leur gestion durable, s’inscrit bien dans cette perspective. En effet, étant donné que 98 % des glaciers et la centaine de lacs du massif sont localisés à l’intérieur d’une aire protégée, le Parc National Huascarán désigné par l’UNESCO comme étant le patrimoine naturel de l’humanité, nous estimons que ces réserves hydriques doivent être gérées de manière durable, garantissant la ressource pour les générations présentes et futures ; ceci est d’autant plus nécessaire que dans la région, durant 6 mois par an, il n’y a pas de précipitations. Dans une telle situation, c’est la fonte glaciaire qui garantit l’eau pour la population, l’agriculture et la génération de l’énergie hydro-électrique.

2. Objectifs du projet

Depuis quelques années, les préoccupations dans les domaines de la protection de l’environnement, la gestion des ressources naturelles et le développement durable sont omniprésentes. Toutes ces inquiétudes ont mis en évidence la complexité des interactions entre les activités humaines et les ressources naturelles, renouvelables ou non. En effet, pour chaque groupe social (acteur) une ressource n’a pas le même sens, et les quantités de consommation diffèrent par type d’usage ; les rapports avec la ressource elle-même diffèrent aussi d’un groupe à l’autre, et les interactions entre les groupes sociaux (par ex. villes – villages), autour de la ressource, deviennent complexes, voire conflictuelles.

6 Notre premier objectif est de conceptualiser, puis de représenter les interactions entre les divers acteurs présents autour des ressources hydriques dans la région de la Cordillera Blanca (Pérou). L’analyse systémique devrait aider à cette tâche. Le deuxième, objectif principal de cette recherche, est la mise en place d’un outil d’aide à la décision pour la gestion durable des ressources hydriques de ce massif. Un tel outil devrait pouvoir répondre aux requêtes suivantes :

Quoi ? quels types de ressources sont localisées entre telle ou telle altitude.

Où ? localisation spatiale des ressources (où est localisée telle ou telle ressource ?).

Combien ? quantification des ressources hydriques de surface (solide et liquide, par bassin versant).

Comment ? recherche de relations autour de la ressource eau.

Quand ? état et changement intervenus dans les ressources hydriques.

Et si ? définit une fonction d’évolution de ressources hydriques, par ex. sous l’effet d’un changement climatique.

Les SIG ont ces capacités, car ils permettent la saisie, le stockage, l’analyse et la représentation des informations géoréférées. Les SIG constituent, en quelque sorte, un modèle de la réalité qui devrait faciliter la gestion durable des ressources hydriques de la Cordillera Blanca (voir II. 2 pour des précisions).

En plus, ce SIG devra permettre aussi d’incorporer les diverses informations du système socio-économique et celles fournies par la télédétection satellitaire et le GPS (Système de Positionnement Global).

3. Questions de départ

Cette recherche devrait répondre aux questions suivantes :

1.- Quel est l’indicateur principal des effets des changements climatiques dans une zone de haute montagne (écosystème de montagne) ? Est-il quantifiable ?

2.- Comment conceptualiser et formaliser les rapports entre les acteurs autour d’une ressource (eau) en zone de montagne, en vue de sa gestion durable ?

3.- Comment et avec quels outils peut-on envisager la gestion durable des ressources hydriques d’une région de montagne ?

4. Transfert de technologie Nord-Sud

Depuis 1972, année de lancement du premier satellite d’observation de la terre (Landsat 1), la télédétection satellitaire s’est développée rapidement. Durant les années ’80, grâce aux images satellitaires, les pays du Nord ont mis à jour leurs cartes. Dès les années 80, les Systèmes d’Information Géographiques (SIG) ont fait leur apparition et depuis lors, ces outils ont permis la mise en relation des cartes avec les données alphanumériques (Université de Montréal, 2006).

7 Dans les pays du Nord, ces nouvelles techniques se sont appliquées rapidement dans le domaine de la protection de l’environnement, de la gestion des ressources (sol, forêt, etc.) et le cadastre. Toutefois, avant l’avènement du World Wide Web (en 1992), les expériences et les techniques restèrent « cantonnées » dans les pays du Nord, quoique les pays du Sud en eussent le plus besoin.

Notre projet de thèse s’inscrit dans l’esprit de transfert de technologie Nord-Sud, tel que prôné par le GRID-UNEP1, et encouragé par l’AGENDA 21 (chap. 34). En effet, une fois la méthodologie validée, principalement dans le domaine du traitement et de l’interprétation des images satellitaires, nous souhaiterions partager les procédures avec le personnel des institutions péruviennes vouées à la gestion de l’environnement et des ressources naturelles.

Ce transfert de connaissances devrait se faire par le biais d’une formation aux outils SIG des gestionnaires péruviens. Une fois leur autonomie acquise, ils seront en mesure de mettre à jour les informations complémentaires pour enrichir leur base de données.

En outre, dans la perspective de la gestion durable des ressources hydriques d’une région de montagne, il est fondamental de connaître les informations de première main comme celles fournies par les images satellitaires : en effet, un inventaires des ressources basé sur ce type d’images représente un gain de temps et des économies, ce qui permettra aux gestionnaires de prendre de décisions appropriées.

5. Bibliographie

Aceituno, P. et Montecinos, A. (1993) Análisis de la estabilidad de la relación entre la oscilación del sur y la precipitación en América del Sur. Bull. Inst. fr. Études andines, 22 (2): 53-64.

Groupe Intergouvernemental de l’Evolution du Climat (GIEC) [2001] Bilan 2001 des changements climatiques : Rapport de synthèse. http://www.ipcc.ch/pub/un/giecgt1.pdf (au 23.01.2006)

National Oceanic & Atmospheric Administration (NOAA) [2006] NOAA El Niño page. http://www.elnino.noaa.gov/ (au 06.02.2006)

ONU (2002) Rapport du Sommet mondial pour le développement durable, 26 août - 4 septembre 2002, Johannesburg, Afrique du Sud. http://www.agora21.org/johannesburg/rapports/onu-joburg.pdf (au 24.01.2006)

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9

10 II. CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL

1. Analyse systémique et gestion des ressources hydriques d’un écosystème de montagne

L’analyse systémique est une approche transdisciplinaire qui permet la représentation schématique de la réalité. Elle prend en compte l’ensemble des éléments du système étudié, ainsi que les interactions et les interdépendances existant entre ceux-ci (Bornicchia 2004, p. 14). En tenant compte des interactions multiples et réciproques, elle offre « un champ complexe de relations et de processus dynamiques entre les parties elles-mêmes et entre les parties et leur tout » (Pilet et Odum, 1987, p. 7).

La systémique est fondée sur l’idée que, sous l’apparente diversité des phénomènes, il existe des traits communs, des régularités, des invariants que partagent un grand nombre de systèmes, qu’ils soient physiques, écologiques, sociaux ou cognitifs (Prélaz-Droux 1995, p. 45). Il s’agit de mettre en évidence et de formaliser ces éléments « communs » afin de rendre intelligible (compréhensible) le fonctionnement du système.

Selon Walliser (1977), l’analyse systémique permet une réelle synthèse en vue d’appréhender un système dans son ensemble et de comprendre son fonctionnement. Elle vise à connaître l’ensemble des éléments et de leurs relations en étudiant leurs aspects qualitatifs et quantitatifs, dans une démarche qui se veut globale.

Un système se définit comme étant une entité globale en liaison avec un environnement, formé de sous-systèmes en interaction et subissant des modifications dans le temps, tout en conservant une certaine permanence (Walliser, 1977, p. 11). Selon Prélaz-Droux (1995), l’interdépendance de sous-systèmes se traduit par le fait que toute modification d’un sous- système ou toute impulsion de son environnement (un événement) se transmet à l’ensemble des sous-systèmes. Cela signifie, par exemple, que sous l’effet du changement global, une modification dans les caractéristiques d’un sous-système aurait des conséquences dans l’ensemble d’un écosystème de montagne (figure 4) : une augmentation de la température impliquerait un retrait glaciaire qui, à son tour, induirait une migration de la flore vers des sols dépourvus de glaciers ; il y aurait donc une modification dans les conditions de l’écosystème.

Niveau de développement du Changement global système socio- économique

Changement dans les écosystèmes de montagne : . Stratégies observées Réponse locale / . Indicateur du développement régionale : gestion . Détection

Conséquences pour les ressources en eau et sol

Figure 4 : Modèle conceptuel intégré des effets du changement global dans les régions de montagne (adaptation d’après IGBP 2001, p. 21). Les flèches indiquent les relations causales

11 Dans la perspective de la gestion durable des ressources hydriques d’un écosystème de montagne, il est donc fondamental de tenir compte des effets du changement climatique. Ceci signifie qu’un modèle de gestion doit aussi intégrer des changements dans les paramètres environnementaux et climatiques. Dans ce sens, le modèle de gestion connu sous le nom de « gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) par bassin versant » (Burton, 2001 ; Gangbazo, 2004) s’avère comme étant le plus adéquat.

La gestion intégrée des ressources en eau par bassin versant fait appel à l’approche systémique, car elle tient compte à la fois des populations et des écosystèmes. D’après Gangbazo (2004), ce type de gestion est un processus qui favorise la gestion coordonnée de l’eau à l’intérieur des limites d’un bassin versant en vu d’optimiser, de manière équitable, le bien-être socio-économique qui en résulte, sans pour autant compromettre la pérennité des écosystèmes. Ce type de gestion intègre donc les effets du changement climatique dans les écosystèmes.

En outre, le concept du développement durable reconnaît la dimension multisectorielle de l’eau et encourage son partage équitable. Par conséquent, la gestion intégrée des ressources en eau par bassin versant s’applique tout à fait aux régions de montagne, où il existe bel et bien des interdépendances entre les systèmes humains et l’écosystème (figure 5). En effet, la montagne sert non seulement de support aux populations, mais elle fournit aussi des ressources (eau, nourriture, fibres, minerais, etc.) et des services (contrôle de l’érosion, régulations du climat, loisirs et écotourisme, valeurs esthétiques et spirituelles) [MEA, 2005 ; Costanza et al., 1997].

Limites dans un contexte régional Ecosystème et utilisation du sol Systèmes socio-économiques et utilisation du sol

ECOSYSTEME SYSTEME SOCIO-ECONOMIQUE UTILISATION DU SOL Ressources abiotiques Type et intensité d’utilisation du sol affectant les écosystèmes: Système Système Géologiques politico- économique Géomorphologiques administratif Climat local Eaux souterraines écosystèmes naturels ou peu Eaux de surface anthropisé Sols Services écosystèmes agricoles- sylvicoles

Système Ressources Système socio- infrastructures urbaines, socio- biotiques démographique industrielles et techniques culturel Plantes INFLUENCES ECOLOGIQUES EXTERNES ECOLOGIQUES INFLUENCES Animaux

Facteurs internes EXTERNES SOCIO-ECONOMIQUES INFLUENCES

Facteurs externes

Figure 5 : Modèle conceptuel d’un écosystème et d’un système humain dans une région de montagne (adaptation d’après Schaller, 1994, p. 46)

Dans un contexte régional, les éléments d’un écosystème de montagne sont en interaction en plus, ils représentent des ressources naturelles pour les populations de la région. Le biotope (ressources abiotiques) sert comme support à la biocénose (ressources biotiques) et

12 cette dernière, selon les conditions climatiques et environnementales, va façonner le biotope (figure 5 : flèches verticales, partie écosystème).

De la même manière, tous les composants du système socio-économique interagissent entre eux, et l’ensemble interagit avec l’écosystème régional. En effet, pour son développement, le système socio-économique régional a besoin des ressources naturelles et de services environnementaux, qu’il va chercher dans l’écosystème régional (figure 5 : flèches horizontales vers la gauche). L’écosystème, étant producteur, fournit des ressources et des services environnementaux aux populations (figure 5 : flèches horizontales vers la droite).

Le résultat de l’interaction entre l’écosystème et le système socio-économique, est l’utilisation du sol ou l’interface visible [figure 5, partie centrale], qui est lié aux pratiques humaines (type d’agriculture ou d’activités économiques, etc.), à l’intensité d’usage des ressources et à l’organisation spatiale (liée à l’aménagement du territoire).

Généralement, les activités humaines ont un impact négatif sur l’écosystème régional, ainsi que sur le système socio-économique lui même. Par exemple, dans un écosystème de montagne, la surexploitation de la forêt aura comme conséquence l’érosion du sol, qui à son tour peut être l’un des facteurs pour les phénomènes d’instabilités de pentes, ce qui représente un danger pour le système socio-économique de montagne. D’où la possibilité d’une prise de conscience collective (changement et décision politique) qui pourrait, par exemple, créer des aires protégées (écosystèmes naturels ou peu anthropisés) ou encore, dans le cadre d’une politique d’aménagement du territoire, établir une carte d’occupation ou d’utilisation du sol (zone agricole, forestière, station de ski, infrastructure touristique, etc.).

Concernant les ressources hydriques d’un écosystème de montagne, leur utilisation accrue ou totale de manière sectorielle peut nuire à l’écosystème ; par exemple le captage total d’une rivière pour la station d’eau potable signifierait, en aval du point du captage d’eau, la disparition des poissons ainsi que des roselières.

Dans la figure 5, un exemple de l’influence écologique externe sur les écosystèmes de montagne peut être la pollution atmosphérique qui ne connaît pas de frontières, ou encore le réchauffement climatique. Au niveau socio-économique, un exemple d’une influence externe serait l’application d’une politique nationale agricole ou forestière qui aurait des répercussions dans l’écosystème et le système humain régional. La figure 5 montre aussi l’interrelation des composantes individuelles du système, qui réagissent sous l’effet du changement externe (changement global par exemple).

2. La géomatique comme outil de mise en valeur des ressources hydriques et de leur gestion dans un écosystème de montagne

2.1. Géomatique

D’une manière générale, la géomatique regroupe les Systèmes d’Information Géographiques (ou Systèmes d’Information à Référence Spatiale : SIRS), la Télédétection et le Global Positionning System (GPS).

En somme, la géomatique est une discipline ayant pour objet la gestion et l’exploitation des données à référence spatiale. Elle fait appel à des méthodes et techniques de l’informatique appliquées à l’acquisition, le stockage, le traitement, la diffusion et la représentation visuelle des données géoréférencées (Prélaz-Droux, 1995, p. 19).

13 2.2. Les systèmes d’informations géographique (SIG)

Les systèmes d’informations géographiques, connus aussi sous le nom des systèmes d’information à références spatiales (SIRS), se situent à l’intersection de plusieurs disciplines telles, que la cartographie, la géographie, la topographie, la photogrammétrie, la télédétection, les statistiques, l’informatique et autres faisant appel à de données à référence spatiale (Bonn et Rochon, 1992 ; Caloz, 1993). Ainsi, les informations fournies par les diverses disciplines sont intégrées, gérées et mises en relation avec d’autres formes de données, par exemple socio-économiques ou dérivées.

D’une manière générale, un système d'information géographique peut être défini comme un ensemble d’équipements informatiques, de logiciels, de méthodologies et de personnel pour la saisie, la validation, le stockage et l’exploitation de données, dont la majorité est spatialement référencée, destiné à la simulation du comportement d’un phénomène naturel, à la gestion et à l’aide à la décision (Caloz, 1993, p. 55).

Le cœur d'un tel système est une base de données, qui concentre toute l'information sur la zone d'étude concernée, sous forme de diverses couches ou plans d'information (figure 6). Le système informatique permet la saisie, le stockage et le traitement de données, ainsi que la présentation des documents finaux résultant des traitements.

R Système d'Information Géographique E S U L Base de données Système informatique S Y T Source s. A d'information T PC, station de travail, e Géologie S Logiciel de traitement x p Occupation du sol e r • Cartographie - Cartographie • Photogrammétrie t Données tabulaires s thématique • Image satellite liées - Simulation - Station de mesure des aléas - Recensement Topographie - Inventaires . . . . .

Figure 6 : Les composantes d’un SIG (modifié d’après Caloz, 1993, p. 55)

2.2.1. SIG et régions de montagne

Les régions de montagne, d’environnements très contrastés, topographiquement complexes, à haute diversité culturelle et biologique et fournisseurs des ressources (eau douce, forêt, etc.), ont intéressé les SIG dès leur apparition. C’est ainsi qu’aux quatre coins du globe, ces nouveaux outils ont été appliqués dans diverses recherches (voir Heywood et al., 1994), allant de la mise en valeur des ressources, en passant par la prédiction des aléas naturels et les études d’impact sur l’environnement, jusqu’à la gestion des écosystèmes.

Ce sont les aires naturelles protégées (notamment les parcs nationaux) qui ont servi comme laboratoires pour la mise en place des SIG dans les régions de montagne. Les parcs nationaux américains ou l’unique parc national suisse peuvent servir d’exemples. De même,

14 au Pérou, un prototype de SIG a été développé pour le Parc National Huascarán, en vue de sa gestion durable (Silverio, 2001).

2.3. Télédétection

Selon Bonn et Rochon (1992), la télédétection est une discipline scientifique qui regroupe l’ensemble de connaissances et de techniques utilisées pour l’observation, l’analyse, l’interprétation et la gestion de l’environnement à partir de mesures et d’images obtenues à l’aide de plate-formes aéroportées, spatiales, terrestres ou maritimes.

Le principe de base de la télédétection satellitaire s’appuie sur trois éléments : une source d’énergie (rayon solaire), une cible (objet à étudier) et un vecteur (le capteur des satellites) (figure 7).

Figure 7 : Principes de la télédétection satellitaire et domaine spectral des 7 bandes du radiomètre Thematic Mapper de Landsat 5 (Source : Kesseler, 1995, p.5)

Les images provenant des capteurs satellitaires sont sous forme d’une maille, dont l’unité est le pixel. Chaque pixel (résolution spatiale) représente une cellule carrée dont la taille dépend de la résolution des radiomètres des divers satellites. La couverture spatiale varie entre 11 et 3000 km (respectivement, pour Ikonos et AVHRR ; 185 km pour Landsat), et le cycle de répétitivité des satellites va de 1 à 26 jours (1 jour pour AVHRR et MODIS ; 16 pour Landsat ; 26 pour SPOT) [UNEP, USGS et NASA, 2006].

La résolution spatiale et les longueurs d’onde des bandes spectrales des divers capteurs sont aussi variables. Nous présentons ici les caractéristiques des capteurs TM du satellite Landsat 5 et ETM+ du satellite Landsat 7 (tableau 1 et 2).

15 Bandes spectrales Longueur d’onde Résolution Domaines d’application (domaine) (μm) (m)

TM1 (bleu-vert) 0.45 - 0.52 30 Différenciation entre le sol et la végétation, cartographie des eaux côtières

TM2 (vert) 0.52 - 0.60 30 Cartographie de la végétation

TM3 (rouge) 0.63 - 0.69 30 Différenciation des espèces de plantes

TM4 (proche infrarouge : PIR) 0.76 - 0.90 30 Surveillance de la biomasse

TM5 (infrarouge moyen : IRM) 1.55 - 1.75 30 Différenciation entre neige et nuage

TM6 (infrarouge thermique) 10.4 - 12.5 120 Cartographie thermique

TM7 (infrarouge moyen) 2.08 - 2.35 30 Cartographie géologique

D’après : http://www.TBS-satellite.com/tse/online/prog_landsat_4_5_charge.html

Tableau 1 : Principales caractéristiques du capteur TM du satellite Landsat 5

Bandes spectrales Longueur d’onde Résolution Domaines d’application (domaine) (μm) (m)

Panchromatique 0.522 – 0.90 15

ETM1 (bleu-vert) 0.45 - 0.515 30 Différenciation entre le sol et la végétation, cartographie des eaux côtières

ETM2 (vert) 0.525 - 0.605 30 Cartographie de la végétation

ETM3 (rouge) 0.63 - 0.69 30 Différenciation des espèces de plantes

ETM4 (proche infrarouge : PIR) 0.775 - 0.90 30 Surveillance de la biomasse

ETM5 (infrarouge moyen : IRM) 1.55 - 1.75 30 Différenciation entre neige et nuage

ETM6 (infrarouge thermique) 10.4 - 12.5 60 Cartographie thermique

ETM7 (infrarouge moyen) 2.09 - 2.35 30 Cartographie géologique

D’après : http://landsat7.usgs.gov/resources/remote_sensing/electromagnetic_spectrum.php

Tableau 2 : Principales caractéristiques du capteur ETM+ du satellite Landsat 7

L’analyse des images satellitaires a comme but une interprétation des éléments couvrant un espace donné. Le processus d’interprétation, visuel ou automatique, transforme les données contenues dans les images en information rattachée à une localisation géographique (Bonn et Rochon, 1992, p. 13). Ces images peuvent être intégrées dans un système d’information à référence spatiale et utilisées dans le cadre de la gestion des ressources, en se combinant avec les données provenant d’autres sources, par exemple, socio-économiques ou environnementales.

2.3.1. Brève introduction à l’analyse des images satellitaires

L’analyse des images satellitaires procède selon trois étapes :

• Pré-traitement des données • Traitement et analyse des données

16 • Présentation de l’information

i) Pré-traitement des données

Les principales procédures de cette étape sont :

• Décodification : permet la transformation des fichiers, acquis sous un format, dans le format souhaité.

• Découpage : opération qui permet d’extraire, de l’image originelle, la zone à étudier.

• Mosaïque : consiste en l’union de deux ou plusieurs images.

• Correction géométrique et ré-échantillonnage : c’est une des procédures-clef, qui comporte la géoréférenciation et la construction d’une nouvelle grille thématique de l’image (Collet, 1992, p. 68-74).

• Correction topographique : l’algorithme associe l’azimuth et l’angle d’élévation solaire (informations fournies avec les images) avec les pentes et l’azimuth des pentes du terrain, qui sont dérivés à partir du Modèle Numérique d’Altitude (MNA) [ERDAS, 1999]. Ce type de procédure s’applique généralement aux régions de montagne où l’effet topographique induit une variation de la réponse spectrale d’un même type de couverture du sol (Dymond et Shepherd, 1999 ; Silverio et Jaquet, 2003a).

Pour d’autres procédures, se référer à Bonn et Rochon (1992).

ii) Traitement et analyse des données

Cette étape fait appel à plusieurs techniques :

1. Composition colorée : c’est la technique qui consiste à combiner trois bandes spectrales à des fins visuelles ou en vue de l’analyse multivariée.

2. Analyse en composantes principales (ACP) : d’après Eastman (1995), c’est une analyse factorielle qui produit une transformation d’une image multispectrale en créant de nouvelles bandes (appelées composantes) qui ont la particularité de n’être pas corrélées entre elles, et d’être rangées en fonction de leur contribution à la variance totale. L’ACP permet de mettre en évidence, puis d’éliminer éventuellement la redondance des informations entre les différentes bandes spectrales.

3. Les rapports (ou ratios) entre bandes : cette technique permet de rehausser les images tout en éliminant les bruits et en même temps limitant l’effet topographique. Toutefois, pour des raisons mathématiques (division par zéro), tous les rapports ne sont pas possibles. Dans la cartographie glaciaire, le rapport entre les bandes 4 et 5 du capteur TM de Landsat 5 est souvent utilisé (Hall et al., 1987 ; Paul, 2000).

4. Les indices : la technique de production des indices est donnée par différentes opérations algébriques entre les bandes spectrales. Ces indices permettent le

17 rehaussement des images et dans certains cas, l’atténuation du relief. Nous présentons ici les deux indices que nous avons utilisés dans notre recherche :

Le NDVI (Normalized Difference Vegetation Index) est défini par la fonction arithmétique suivante :

NDVI = [Bande PIR – Bande Rouge] / [Bande PIR + Bande Rouge]

Pour les capteurs TM et ETM+ du satellite Landsat 5 et 7, il s’agit des bandes 3 (Rouge) et 4 (PIR).

Selon Bonn et Rochon (1992), le NDVI sert pour les évaluations hebdomadaires de biomasse et comme support aux programmes de modélisation des changements planétaires. Dans les régions de montagne, cet indice permet l’atténuation de l’effet topographique (Silverio et Jaquet, 2003a).

Le NDSI (Normalized Difference Snow Index) a été défini par Hall et al. (1995) ; son expression arithmétique est la suivante :

NDSI = [Bande Verte – Bande IRM] / [Bande Verte + Bande IRM]

Pour les capteurs TM et ETM+ du satellite Landsat 5 et 7, il s’agit des bandes 2 (Verte) et 5 (IRM).

Cet indice a montré son potentiel dans la cartographie glaciaire, car il permet de différencier la couverture neigeuse d’autres objets (roche, nuage, sol) [Dozier, 1989] et il est très efficace dans les terrains accidentés (Sidjak et Wheate, 1999). En outre, il permet d’atténuer l’effet topographique dans les régions de haute montagne (Silverio et Jaquet, 2005).

5. Classification : selon Collet (1992), cette procédure est une transformation qui fait correspondre à chacune des valeurs de la grille une valeur de classe ou de catégorie thématique. Cette transformation réduit la diversité de valeurs originelles à un nombre plus restreint de classes, représentables graphiquement.

Eastman (1995) reconnaît deux types de classification :

La première dite « supervisée » ou dirigée, qui se base sur la notion de « zone d’entraînement ». La zone d’entraînement est une partie de l’image dont l’occupation du sol (forêts, zones de culture, zone urbaine, etc.) est connue de l’utilisateur. Ce type de classification nécessite trois étapes : la définition de zones d’entraînement, la création de signatures spectrales à partir des zones d’entraînement, et l’application d’un algorithme de classification se basant sur les signatures dérivées des zones d’entraînement.

La deuxième, connue sous le nom de « non supervisée », se fait de manière automatique. L’ordinateur exécute la classification selon le nombre de classes souhaité par l’utilisateur. Ces procédures utilisent des algorithmes d’analyse par regroupement, qui déterminent automatiquement des signatures spectrales et classent les pixels en différentes classes radiométriques selon les signatures spectrales. Il reste ensuite à

18 l’analyste d’établir la correspondance entre les classes spectrales et les classes thématiques.

Pour d’autres procédures dans cette étape de traitement et d’analyse des images satellitaires, voir Bonn et Rochon (1992).

iii) Présentation de l’information

Etant donné que sous leur forme brute, les images numériques sont difficilement perceptibles pour l’œil humain, l’objectif de la présente étape consiste donc en la représentation cartographique de l’information, que l’on peut considérer comme le passage de l’expression numérique à l’expression graphique. Cette expression (image) graphique permet une appréhension immédiate et globale de la distribution d’un phénomène dans les dimensions spatiales.

L’image graphique est le résultat de la classification et l’assignation de symboles graphiques aux classes. Toutefois, la qualité de la représentation cartographique de l’information est étroitement liée à la technologie de l’impression (type d’imprimante).

2.3.2. Télédétection et régions de montagne

Pour les régions très reculées comme la haute montagne qui, par leur difficulté d’accès ou des conditions climatiques extrêmes, ne facilitent pas des levés de terrain (par ex. l’inventaire des glaciers dans l’Himalaya), la télédétection satellitaire permet aussi bien la cartographie de la couverture végétale que l’évolution de la couverture glaciaire. L’imagerie satellitaire permet d’appréhender un grand nombre d’interrelations humaines et naturelles sur de vastes territoires géographiques, qui peuvent être analysées transversalement à l’échelle régionale avec la possibilité de pouvoir travailler à l’échelle locale ou par unité de territoire (Parc Naturel, Bassin Versant,…) [Dedieu, 1993, p. 59-60].

D’après Meier et Bahr (1996), il existe dans le monde 100’000 glaciers (cité par Kergal et al., 2005, p. 190), qui sont souvent localisés dans des régions très éloignées, d’accès difficile, voire dangereux. Dans ces conditions, la télédétection satellitaire s’avère nécessaire pour avoir une vision complète, uniformisée et fréquente des variations des glaciers (Kargel et al. 2005, p. 190). Toutefois, le suivi basé sur des images satellitaires multi-temporelles doit être couplé à des observations du terrain, ce qui permet d’évaluer la différence de réactions des glaciers au climat local et régional.

Au niveau mondial, la télédétection satellitaire a fait ses preuves dans le domaine de la cartographie glaciaire, pour ne citer que quelques exemples : entre 1998 et 2003, sur la base d’images satellitaires, l’United States Geological Survey (USGS) a produit un Atlas des glaciers du monde, document qui reflète l’état de la cryosphère de notre planète (USGS, 2006). En Suisse, grâce à l’application de la télédétection satellitaire et des SIG, l’inventaire de glaciers entre 1850 et 2000 a été réalisé (Kääb et al., 2002 ; Paul, 2003). Dans la Cordillera Blanca (Andes péruviennes), la télédétection satellitaire a permis d’estimer le retrait glaciaire entre 1987 et 1996 (Silverio et Jaquet, 2003b).

En outre, certaines images satellitaires de type stéréoscopique, fournies par SPOT ou ASTER, permettent de créer les Modèles Numériques d’Altitude (MNA) [voir Kääb, 2005]. Pour les régions de montagne, le MNA est très important, car il permet de générer d’autres informations (pente, orientation de pentes) indispensables pour la modélisation des aléas

19 naturels et, en même temps, d’aider à la mise à jour des cartes topographiques des régions montagneuses (Himalaya, Andes).

Une autre des applications de la télédétection satellitaire dans les régions de montagnes est la cartographie des aléas naturels (glissement de terrain, avalanches, inondations, etc.). Ainsi, grâce aux images satellitaires, dans les Alpes, Andes ou l’Himalaya, a-t-on pu suivre le développement de lacs qui résultent du retrait glaciaire. Dans certains cas, les images satellitaires, combinées aux modèles numériques d’altitude (MNA), ont permis la modélisation des flux du débordement de lacs de montagne (Huggel et al., 2003).

Ces exemples montrent que la télédétection satellitaire s’avère comme étant un outil très puissant pour la mise en valeur des ressources des régions de montagne, notamment les ressources hydriques. Elle aide à cartographier les changements (avancé/retrait) des glaciers. Cependant, les informations obtenues via la télédétection satellitaire doivent être intégrées dans un SIG (Paul, 2003 ; Silverio, 2001) afin d’être mises en relation avec d’autres types d’informations à des fins de modélisation ou de représentation.

Concernant la Cordillera Blanca, notre recherche fait appel à l’imagerie satellitaire multi- temporelle pour les objectifs suivants :

• Estimation de la couverture glaciaire (pour 1987, 1996 et 2002), • Elaboration de la carte de la couverture du sol pour l’année 2002 et • Cartographie des aléas liés aux glaciers (1970 - 2000).

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22 III. PROBLEMATIQUE DE LA GESTION DURABLE DE LA RESSOURCE EAU DOUCE D’UN MILIEU DE HAUTE MONTAGNE

1. Concepts géographiques

1.1. Paysage

« Certes, des représentations d’éléments topographiques ou végétaux de l’environnement humain jalonnent les œuvres picturales et littéraires depuis l’Antiquité » (Rougerie et Beroutchachvili, 1991, p. 14). Cependant, comme le souligne Raffestin (1977), c’est au XVIIe, avec le besoin de représentation de l’âge classique, qu’est apparu le sens pictural et par là même la notion du paysage. A cette époque, l’œil tente de tout saisir et appréhender globalement le spectacle.

Au XIXe siècle, le paysage est au centre de l’analyse morpho-fonctionnelle de la géographie classique et de ce fait, la discipline se définit comme : « la science du paysage ». Toutefois, cette géographie se borne à la description des paysages ruraux. Cependant, avec le développement des divers courants de la géographie, la notion du paysage devient polysémique. Le terme paysage ne représente plus l’aspect esthétique du monde rural, mais il est chargé des dimensions sociales, économiques voire psychologiques d’un territoire, alors on parlera des paysages : urbains, politiques/électoraux, industriels, ruraux, naturels, glaciaires, désertiques etc. Et la prise en compte des éléments constitutifs de l’environnement (climat, relief, types de végétation et des sols, etc.) et les pratiques humaines (types d’habitat, d’agriculture, etc.) aboutira à une forme d’écologie du paysage.

En outre, Dauphiné (1998) nous présente une définition « simplifiée » du paysage, comme étant la partie visible de l’espace terrestre qui, dans un sens restreint, peut designer les composantes physiques et dans un sens large, peut intégrer des relations invisibles, notamment les perceptions liant des individus aux-dits espaces.

1.2. Espace

Dès les années ’50, avec l’irruption des mathématiques et des statistiques dans la géographie, se développe, notamment dans les pays anglo-saxons, le courant dit de la « géographie quantitative », qui a remis en cause l’approche de la géographie classique. Comme le souligne Raffestin (1983), l’objet n’est plus la connaissance morphologique et/ou fonctionnelle mais la connaissance structurelle. « L’objet d’étude des géographes n’est plus le territoire visible mais une représentation géométrico-mathématique de celui-ci » (Dao, 1999, p. 44). Il s’agit de comprendre la dynamique territoriale par des théories et de les représenter par des modèles.

Berque (1995) définit l’espace géographique comme étant un tissu caractéristique de relations que les hommes établissent entre les lieux dans l’étendue terrestre. Pour Brunet et al. (2001), cet espace est à deux faces, d’un côté il est un système de relations et de l’autre, un produit social organisé. L’espace qu’étudie le géographe serait donc une représentation de l’espace terrestre réel, dont les objectifs seraient sa description, sa compréhension de son organisation et de son fonctionnement.

23 1.3. Le milieu géographique et milieu naturel ou environnement

Le dictionnaire de la géographie (1996) définit le « milieu géographique » comme étant un espace naturel ou aménagé qui entoure un groupe humain, sur lequel il agit, et les contraintes climatiques, biologiques, édaphiques, psycho-sociologiques, économiques, politiques, etc. retentissent sur le comportement et l’état de ce groupe.

La notion de « milieu géographique » est définie comme étant « le métasystème du système local, qui comprend des éléments d’ordre naturel, des artefacts (équipements, réseaux d’infrastructure), des institutions et des cultures, des relations, bref l’ensemble de mémoires qui informent le système du lieu » (Brunet et al., 2001, p. 330).

En tant que système, le milieu géographique serait un ensemble d’éléments en interactions, donc des groupes humains interagissant entre eux et avec l’environnement qui les entoure. « Un milieu se manifeste par des ressources, des contraintes, des risques, des agréments, etc., bref par des qualités médiales, par lesquelles l’environnement possède un certain sens pour la société » (Berque, 1990, p. 97)

Le milieu naturel ou environnement naturel

Pendant des décennies, la géographie physique a considéré les milieux « naturels » comme des systèmes stables fonctionnant de manière relativement autonome (Tissier, 1992, p. 216) ; mettant entre parenthèse le rôle des activités humaines dans le processus de façonnement de ces milieux.

Le mot anglais « environment », avec son sens écologique de cadre de vie (milieu naturel), est apparu dans la géographie francophone très tardivement (entre les années ’70 et ‘90). Milieu naturel et environnement sont donc des synonymes. D’après Brunet et al. (2001), le milieu naturel est l’ensemble des éléments de la nature (climat, sols, eaux, relief, végétation, faune), présents et associés en un lieu : un « milieu » façonné seulement par des éléments physiques, sans l’intervention humaine. Raffestin (1985) distingue plusieurs « milieux naturels » ou « écosystèmes théoriques », et les considère comme un donné qui sert de base à la construction des écosystèmes humains ; il y distingue deux groupes : les « hospitaliers » et les « rudes » pour l’homme.

Dans le premier groupe on trouve les écosystèmes :

• tropical (avec une faible amplitude thermique annuelle et maximum de précipitations, ce qui implique l’exubérance végétale et animale).

• les savanes (écosystème où l’intervention humaine se manifeste avec les cultures sur brûlis).

• méditerranéen (caractérisé par l’alternance saisonnière contrastée, automne et hiver pluvieux et tièdes ; printemps chaud et été entre chaud et torride).

• tempérés (avec des hivers plutôt froids, les étés plutôt chauds mais fonction de la position maritime ou continentale, avec des précipitations entre 600 et 1200 mm par an).

• les prairies et pampas (formations herbeuses localisées dans les latitudes tempérées ; dans l’hémisphère nord ce sont les prairies d’Amérique du nord et les steppes en Eurasie, et les pampas d’Amérique du sud).

• les littoraux marins et fluvio-lacustres (fortement anthropisés).

24 Dans le deuxième groupe, on distingue les écosystèmes :

• arides (avec des précipitations au dessous de 250 mm par an, des journées torrides et des nuits froides).

• polaires (écosystème extrême : l’arctique et l’antarctique).

• circumpolaires (la toundra à climats périglaciaires, entre 60 et 70° de latitude nord et 50 et 60° de latitude sud).

• la grande forêt boréale (avec 4 mois par an à une température moyenne de + 10° C) et,

• montagnard (écosystème de montagne, caractérisé par son relief complexe, pente, expositions différentielles et ses étages bioclimatiques).

Il faut souligner que, dans un écosystème de montagne, l’altitude joue un rôle de première importance. Avec l’altitude, il y a une diminution de la pression atmosphérique et de la température (gradient thermique de 0.6° C pour 100 m), ainsi qu’une raréfaction de l’oxygène, ce qui empêche l’implantation de la vie humaine en haute altitude. De même, il faut noter la diminution du nombre des espèces (animales et végétales) avec l’altitude. « Les précipitations augmentent avec l’altitude, raison pour laquelle les montagnes jouent le rôle de château d’eau » (Raffestin, 1985, p. 25). Cependant, cet aspect doit être nuancé car il y a un fort contraste entre les divers massifs du globe, tout étant fonction de l’exposition aux fronts humides et de la topographie locale, voire régionale.

Pour un écosystème de montagne de type tempéré, Raffestin (1985) distingue 5 étages :

• étage collinéen (entre la plaine et les vallées alpines, au dessous de 1000 m).

• l’étage montagnard (entre 2200 et 1000 m, essentiellement forestier et où il y a des fortes précipitations).

• l’étage sub-alpin (entre 2400 et 2200 m, la lande alpine avec de petits arbres).

• l’étage alpin (altitude entre 3000 et 2400 m dont la topographie est un héritage glaciaire ; présence de plantes de petite taille, c’est l’alpage).

• l’étage nival (la haute montagne, altitude > 3000 m, où il y a la disparition de la vie végétale et animale. C’est le domaine des roches et de la glace, un espace non anthropique).

1.4. L’écologie du paysage (landscape ecology), géosystèmes et écosystèmes

L’écologie du paysage a eu, sous la forme de « géographie appliquée », des origines multiples. « C’est au lendemain de la Dernière Guerre, en Australie, et un peu avant, en URSS, qu’apparut une forme de géographie appliquée, en quelque sorte exploratoire, qui se proposait d’étudier les complexes naturels de terres vastes et encore mal connues, en vue de leur mise en valeur rationnelle » (Rougerie et Beroutchachvili, 1991, p. 36).

Côté australien, en 1945, le gouvernement a créé le « Commonwealth Scientific and Industriel Reserach Organization » (CSIRO), afin de promouvoir le développement de la partie nord du pays. Les premières études ont commencé en 1946. Avec une équipe

25 multidisciplinaire, ces recherches se définissaient comme étant « intégrées » et « globales », et visaient la classification des espaces étudiés et la mise en valeur de leurs ressources aux fins de leur exploitation économique. Cependant, loin d’être intégrées et globales, ces études ont procédé par une addition d’études sectorielles dans les domaines de la géomorphologie, la géologie, des sols et de la végétation. Et leurs unités d’observation, généralement issues de la photo-interprétation, étaient la « Land unit » (unité de paysage) et le « Land system » (système paysager). La première étant définie comme une combinaison particulière des éléments topographiques, édaphiques et végétaux ; le deuxième correspondant à une région, ou un ensemble de régions, où il y a une répétition des unités paysagères homogènes (Rougerie et Beroutchachvili, 1991, p. 37). Cette expérience australienne a permis à de nombreux chercheurs anglo-saxons de découvrir l’analyse systémique du paysage, tant naturel qu’anthropique.

Côté soviétique, les recherches ont été « entreprises pour organiser le développement économique de vastes terres mal connues et peu exploitées, plus précisément la Sibérie » (Rougerie et Beroutchachvili, 1991, p. 38). Les objectifs de telles recherches étaient une meilleure connaissance de l’environnement géographique et son utilisation optimale, et devaient aboutir à l’élaboration de modèles régionaux et à des cartes thématiques notamment, des ressources, d’utilisation des sols, des unités de paysage.

Bien que l’approche de la géographie de l’ancienne URSS ressemble à celle de la CSIRO, sa contribution épistémologique n’est pas négligeable. Ses origines remontent aux notions de « Complexe naturel territorial » à la fin du XIXème siècle. Ensuite apparaît le « Landschaftovedenie et l’écotopologie aux environs de la Première Guerre, les « Biogéocénoses » […] autour de la Seconde » (Rougerie et Beroutchachvili, 1991, p. 38) et finalement la notion de « géosystème » dans les années ‘60. Le succès de cette dernière notion a été exporté hors de l’ex-URSS et des pays de l’ancien bloc de l’Est.

Géosystèmes et écosystèmes

« Les géosystèmes sont des systèmes naturels, de niveau local, régional ou global, dans lesquels le substrat minéral, le sol, les communautés d’êtres vivants, l’eau et les masses d’air, particuliers aux diverses subdivisions de la surface terrestre, sont interconnectés par des échanges de matière et d’énergie, en un seul ensemble » (Rougerie et Beroutchachvili 1991, p. 59).

La notion de géosystème définit bien un ensemble systémique (en interaction) d’éléments physiques et d’êtres vivants, donc une définition proche de celle de l’écosystème ; cependant, il y a une différence entre ces deux notions (figure 8).

26

COMPLEXE TERRITORIAL biocenose

géome

action anthropique biogéocénose biotope

NATUREL Géosystème Ecosystème

Figure 8 : le géosystème selon Beroutchachvili (gauche ; adaptation d’après Rougerie et Beroutchachvili, 1991, p. 63) et l’écosystème (droite ; adaptation d’après Frontier 1999, p. 21)

Le Complexe Territorial Naturel (CTN) est défini comme étant un système géographique homogène lié à un territoire (constitue la part de l’environnement qui est totalement étrangère à l’Homme). Combiné avec les impacts de l’utilisation anthropique, il forme un géosystème, lequel, perçu et intériorisé par l’Homme, déterminera un paysage. Le CTN se décompose en géome, unité physico-chimique, et une biocénose (biogéocénose), unité biotique (Rougerie et Beroutchachvili, 1991, p. 163).

Quant à l’écosystème, une définition simplifiée est donnée par :

Ecosystème = biocénose + biotope

Le biotope correspond à une aire géographique (le milieu physique ou naturel) dont les conditions sont homogènes et qui renferme les ressources pour garantir la vie. La biocénose est la partie vivante ou organique du système, ou l’association des espèces vivantes interactives avec le biotope. Un écosystème peut donc être défini comme étant « un système d’interactions entre les populations de différentes espèces vivant dans un même site, et entre ces populations et le milieu physique » (Frontier, 1999, p. 19). D’après ces définitions donc, le CTN est l’équivalent de l’écosystème, le géome correspondrait au biotope et la biogéocénose à la biocénose.

L’analyse écosystémique privilégie des flux verticaux tandis que celle de géosystème prend en compte les flux tant verticaux qu’horizontaux (figure 8). Ces derniers représentent les relations des sociétés humaines avec leur milieu naturel ; c’est donc à ce stade la différence entre ces deux notions.

Le principal apport de l’écologie du paysage a été une meilleure connaissance du fonctionnement des écosystème et leur modélisation. Dans des nombreux pays, notamment ceux dits du Nord, ces méthodes ont été adoptées pour la gestion des ressources (sol, forêt, eau, etc.) et le suivi de phénomènes environnementaux (pollution atmosphérique), climatique (développement des cyclones, prévision du temps) et anthropiques (déforestation, friches, expansion urbaine, etc.). Une fois connu le modèle de fonctionnement d’un système, il est possible de créer des scénarios et ensuite d’envisager des décisions « pertinentes », ces décisions relevant toutefois de l’ordre politique.

27 1.5. L’analyse systémique et géographie

La notion de « système » est apparu pour la première fois en 1937, aux Etats-Unis. On la doit à von Bertalanffy, avec sa « General Systems Theory ». Cependant, ce n’est qu’entre les années 1940 et 1960 qu’il y a eu une véritable explosion de concepts et notions dans les nombreux domaines des sciences et de la technologie. Ce mouvement correspondait au besoin de disposer d’un outil conceptuel qui permette de mieux comprendre et résoudre des problèmes complexes dans les domaines les plus divers. En géographie, cette notion a fait irruption dans les années 1950 avec la « révolution » dite « quantitative » dont B. J. Berry a été un des principaux protagonistes.

Le « système » peut être défini comme étant un ensemble d’éléments en interactions, dont la « forme particulière d’interaction est la rétroaction ou feed-back […] » (Durand, 1998, p. 9). En sciences sociales, comme la géographie humaine, de tels systèmes (par ex. des villes) sont « ouverts » (systèmes en échanges avec le monde qui leur est extérieur), possèdent une « structure » (un état à un moment donné) et tendent vers une organisation de l’espace (Beguin, 1998, p. 271). Le système représente quelque chose d’un « tout », de global.

L’analyse systémique permet une représentation schématique de la réalité, par un « découpage » en unités élémentaires fonctionnelles (Odum, 1983 ; Pillet et Odum, 1987 ; Vester, 1976). Mais cela ne signifie pas qu’un système est la simple somme « arithmétique » des parties élémentaires. Pour un système naturel ou un écosystème, les interactions entre les éléments se traduisent en termes de flux de matière et d’énergie ; pour un système social, les interactions correspondent aux flux de l’information, des marchandises, etc.

La notion de système a été introduite en géographie dans les années 1950, date à partir de laquelle la géographie s’est voulue la science de l’organisation de l’espace. En tant que telle, elle devait formaliser la notion d’organisation et, pour ce faire, l’espace (un paysage, une ville, un réseau de transport, etc.) devait être identifié comme un système, formé d’éléments (les unités d’observations, les « lieux », les activités, les individus d’une populations, etc.) et leurs attributs (les variations de leurs caractéristiques) (Racine et al., 1981, p. 94-95). Etant donné le nombre très important d’informations à traiter, la « géographie quantitative » a dû faire appel aux mathématiques, aux techniques d’analyse statistique dites « multivariées » et aux outils informatiques (Racine et Raymond, 1973 ; Racine et al., 1981).

2. Territoire et ressources naturelles

La notion de ressource véhicule quelques concepts géographiques. En effet, une ressource est localisée dans un espace quelconque et appartient à un territoire ou à un groupe social donné. De même, autour d’une ressource, il y a des relations qui se tissent, entre les acteurs et leurs espaces. Pour mieux comprendre ces relations, il nous faut quelques définitions préliminaires.

2.1. Le territoire ou l’interface nature et société

2.1.1. Différence entre espace et territoire

Raffestin (1980), définit l’espace comme étant un « lieu » de possibles, la réalité matérielle préexistant à toute connaissance et à toute pratique. Mais, dès qu’il y a un acteur qui manifeste ses intentionnalités dans ce lieu, on se réfère à la notion de territoire. « Le territoire est généré à partir de l’espace, il est le résultat d’une action conduite par un acteur syntagmatique (acteur réalisant un programme) […]. Le territoire est un espace dans lequel on a projeté du travail, soit de l’énergie et de l’information […] » (Raffestin, 1980, 129).

28 L’espace est donc antérieur au territoire et sert comme support à ce dernier ; c’est là qu’un groupe social vit et structure ses intentionnalités.

Selon Hussy (2002), le territoire est une réalité bifaciale, l’interface d’une réalité matérielle et d’un vécu social ; il est donc un double système de relation. « D’un côté, il y a un monde matériel, visible, physique qui est l’objet d’étude des sciences de la nature. De l’autre, il comprend un monde invisible, social constitué par les projets, les valeurs, les relations des sociétés humaines » (Dao, 1999, p. 47).

En somme, la notion de territoire répond aux interrogations de la géographie : comment l’homme habite l’espace et le transforme, dans quel ordre de cheminement (processus) et quelles pratiques en génère. « Il s’agit bien là de la manière dont les sociétés et les acteurs perçoivent, interprètent leur environnement à travers leur système de valeur » (de l’Harpe, 2002, p. 34).

2.1.2. Le système territorial

Un système territorial est « un ensemble formé par l’environnement et la société, composé d’acteurs reliés les uns aux autres par l’intermédiaire de pratiques et de représentations à un certain état de l’environnement, à une organisation sociale, politique et économique de la société » (de l’Harpe, 2002, p. 34). Les interactions (relations) politico-économico-sociales et culturelles entre acteurs, génèrent les systèmes de maillages, de nœuds et de réseaux. Ces systèmes sont organisés de manière hiérarchique et peuvent être différents d’une société à l’autre (Raffestin, 1980, p. 136).

2.1.3. Eléments du système territorial

Issus des relations entre acteurs (sociétés), les maillages, les nœuds et les réseaux, sont les éléments constituants du système territorial et qui sont représentés par les formes spatiales, résumés dans le tableau 3 :

Système de visées et d’actions, connaissances et pratiques

Economiques Politiques Sociaux Culturels

Surfaces Maillages Ibid. Ibid. Ibid.

Points Nœuds Ibid. Ibid. Ibid. l’espace l’espace

Eléments de Eléments de Lignes Réseaux Ibid. Ibid. Ibid.

Tableau 3 : Le système territorial (Source : Raffestin, 1980, p. 137)

Raffestin (1980) souligne que tout maillage implique la notion de limite, le territoire faisant ainsi référence implicite à la notion de limite ; les points symbolisent la position des acteurs et les lignes, les relations entre les acteurs. Par rapport à une ressource, les nœuds représentent les positions (stratégiques ou non), le poids ou la taille (nombre de consommateurs) des acteurs ; les réseaux représentent les flux d’échange entre les acteurs,

29 la trame de ces lignes n’est autre que l’intensité des relations entre acteurs ; le maillage en tant que limite, représente le domaine de « propriété » (de la ressource), car une ressource se trouve dans la juridiction territoriale d’un acteur et non de l’autre, ou parfois à la frontière des limites territoriales des acteurs, ce qui est source de conflits.

2.1.4. Territorialité

Raffestin (1986), définit la territorialité comme étant l’ensemble « des relations que les groupes, et par conséquent les sujets qui y appartiennent, entretiennent avec l’extériorité et l’altérité à l’aide de médiateurs dans la perspective d’atteindre la plus grande autonomie possible, compatible avec les ressources du système ». La relation avec l’extériorité n’est autre que celle avec l’environnement physique (la nature), tandis qu’une relation avec l’altérité est celle engagée entre les groupes humains ou acteurs.

Veyret et Pech (1997) soulignent que l’analyse des relations homme-nature impose de raisonner en termes de ressources ; analyse qui devrait tenir compte de l’accès à la ressource, des lieux de production, des réseaux d’échanges, des marchés de consommation et des marchés financiers.

En termes de ressources, la territorialité peut être définie comme étant l’ensemble des relations qu’entretiennent les acteurs avec la ressource : depuis sa découverte et sa mise en valeur, son exploitation, sa distribution, etc. Toutefois, une ressource a une valeur (d’usage et marchande) différentielle entre les divers acteurs, espaces et territoires. L’eau, par exemple, n’a pas la même valeur pour les paysans, les agriculteurs, les villes, l’industrie ; son usage étant différent, chaque acteur la perçoit de manière différente.

Hussy (1992) différencie trois stades dans l’« écogénèse » (transition) territoriale qui sont le résultat de la nature des relations qu’entretiennent les acteurs avec l’écosystème lors de l’exploitation d’une ressource en vue de satisfaire leur besoin :

• le stade primaire : concerne la satisfaction des besoins physiologiques par exploitation locale des ressources impliquant une accommodation du groupe humain à ces derniers ; l’homme se sent intégré dans l’écosystème. Le paysage traduit l’allégeance des sociétés humaines à un monde qui leur donne l’être, l’habitat, la subsistance (Hussy, 1992, p. 175-176). Ce stade pourrait être appelé la relation de la symbiose entre l’homme et la nature.

• le stade secondaire : se manifeste par la perte de référence et l’oubli de toute relation directe entre l’homme et l’écosystème ; ce stade se consomme dans la destruction de l’écosystème (Hussy, 1992, p. 176-177). Avec le développement de la technique et des sciences, l’homme s’est libéré peu à peu et a détérioré la symbiose du stade primaire.

• le stade tertiaire : c’est le processus de la mainmise croissante sur l’écosystème et qui crée le remodelage dans le paysage. L’inadéquation est totale entre le renouvellement des ressources et la vitesse d’utilisation par l’homme des ressources héritées de périodes précédentes (Veyret et Pech, 1997, p. 38). « L’émergence d’une territorialité tertiaire est subordonnée à une maîtrise des relations, corrigeant les dissymétries entre les acteurs d’une part, ainsi qu’entre les acteurs et les ressource de l’environnement » (Hussy, 1992, p. 177)

30 2.2. Les eaux douce en milieu de haute montagne comme ressources

Pour mieux comprendre la nature de la ressource eau en milieu de haute montagne, tout d’abord il nous faut comprendre le signifié du mot ressource et quels types de ressources existent sur la terre.

2.2.1. Qu’est-ce qu’une ressource ?

La notion de « ressource » est un terme général qui a diverses significations ; elle est surtout synonyme des richesses possédées. Selon Pillet (1993), il s’applique aux moyens matériels, hommes, subsistances, produits manufacturés, réserves énergétiques, dont dispose un pays ou une région. Cependant, Raffestin (1980) définit la « ressource » comme étant un produit d’une relation :

A r M → P (1)2

(Source : RAFFESTIN, 1980, p. 205)

La fonction (1) définit la relation d’un groupe pour l’accès à la matière. « Accès qui modifie à la fois l’environnement et le groupe lui-même » (Raffestin, 1980, p. 205). En d’autres termes, « une matière devient ressource à la suite d’un acte économique qui modifie l’environnement naturel » (Pillet, 1993, p. 80). Par conséquent, une ressource n’existe que dans un rapport technique, économique et politique à des matières naturelles.

2.2.2. Ressource naturelle

Selon Raffestin (1980), sur la surface de la terre, les ressources naturelles n’existent pas. On n’y trouve que des matières ou des substances, car elles existent sans l’intervention humaine. Ramade (1981) estime qu’une ressource correspond à une forme d’énergie ou de matière indispensable pour assurer les besoins physiologiques, socio-économiques et culturels aussi bien au niveau individuel que collectif. Ceci dit, d’une manière générale, une ressource naturelle peut être définie comme étant « un objet physique ou biologique, identifié ou hypothétique, qui peut satisfaire des besoins humains de nature biologique, technique ou culturelle. Banalement dit, un élément de l’environnement ne devient ressource que s’il peut procurer un service au genre humain » (Pillet, 1993, p. 85). Cependant, ce ne sont pas toutes les matières qui procurent des services à l’homme.

Pour les économistes « environnementalistes », « les ressources naturelles » sont des « actifs naturels » qui désignent l’ensemble des biens qui ne sont pas productibles par l’homme ; elles sont appréhendées comme facteurs de production qui, combinés avec le travail, le capital et les matières premières, produisent des biens et des services (Faucheux et Noël, 1995, p. 63-87)

2 Où : A : un acteur (un groupe, une ville, une région, un pays, etc.) ; r : une pratique (séquence qui fait appel à la connaissance) ou technique médiatisé par le travail, un produit collectif ; M : une matière ou substance se trouvant à la surface ou intérieur de la Terre ; P : ressource ou ensemble de propriétés (à la matière ).

31 2.2.3. Ressources renouvelables et non renouvelables

La distinction classique a permis de subdiviser l’ensemble des ressources de la planète, en deux groupes : ressources renouvelables et non renouvelables. Cependant, cette différenciation dépend de l’échelle spatio-temporelle dans laquelle on se place et elle n’est pas toujours facile à appréhender (Ramade, 1981, p. 17).

« Les notions de ressources renouvelables et de ressources non renouvelables sont des notions conventionnelles qui désignent d’une part, des flux de matière et d’énergie de l’environnement biophysique (eau, sol, biomasses diverses) et, d’autre part, des stocks de minerais (cuivre, étain, plomb, zinc, nickel, minerais de fer, …) et d’énergie fossile (houille, pétrole brut, gaz naturel, …) » (Pillet, 1993, p. 84).

Une ressource est un flux si elle est disponible de manière périodique, et dont le prélèvement, à l’échelle humaine, n’est pas compromis. L’exemple de ce type de ressource est le flux solaire, associé, par le biais des écosystèmes, à d’autres « ressources renouvelables » comme c’est le cas de la production végétale, animale et des sols et les grands cycles naturels d’eau, d’azote, de carbone, etc.

Une ressource représente un stock si son prélèvement, à l’échelle humaine, induit une diminution de son volume disponible. Si nous parlons ici, d’une échelle temporelle « humaine » c’est bien parce qu’une ressource naturelle procure un service au genre humain, autrement, comme le souligne Raffestin (1980), on ne serait que face à un « donné » matériel. Le gisement pétrolier ou minier représente bien un stock d’une ressource naturelle.

Pour les tenants de l’économie environnementaliste, « une ressource renouvelable est une ressource naturelle qui peut fournir indéfiniment des inputs à un système économique. Une ressource non renouvelable ou épuisable, est une ressource avec un stock fini ou une offre finie » (Faucheux et Noël, 1995, p. 87). Ces auteurs incluent, parmi le premier groupe, les espèces végétales et animales, l’air, l’eau, la couche d’ozone, et dans le deuxième groupe, les ressources minérales énergétiques et non énergétiques dont le renouvellement remonte à l’échelle du temps géologique.

D’après Faucheux et Noël (1995), toutes les ressources seraient renouvelables. Ceci signifie qu’une ressource naturelle est renouvelable ou épuisable selon l’échelle temporelle d’analyse. Etant donné qu’une matière devient ressource si elle satisfait le besoin de l’homme, donc notre échelle d’analyse est bien l’échelle humaine. C’est à cette échelle que l’on peut différencier les types de ressources : renouvelables, celles qui sont, aux yeux des humains, disponibles et accessibles « durablement » (des flux) ; les épuisables, celles qui ont un taux de renouvellement remontant au temps géologique (des stocks).

Bien que la plupart des auteurs différencient les ressources renouvelables et épuisables et placent l’eau dans le groupe des renouvelables, Tietenberg (1992) distingue cependant six catégories de ressources (cité par Pillet, 1993, p. 85) :

• Epuisables, non recyclables (pétrole, gaz, charbon, uranium) ; • Recyclables (minéraux, etc.) ; • Reproductibles, mais épuisables (eau) ; • Reproductibles à appropriation privée (nourriture) ; • Stockables, renouvelables (forêts) ; • Renouvelables à appropriation collective (pêche, espèces biologiques).

Concernant la ressource eau, il s’agit de l’eau douce dont le stock est épuisable. En effet, par son usage et consommation humaine qui est en augmentation constante, elle devient

32 épuisable notamment d’un point de vue qualitatif. Un grand nombre de sociétés humaines rejettent les eaux usées sans le moindre traitement et les pratiques agricoles sont coupables de pollution des nappes phréatiques et des eaux superficielles. A tout cela, on peut ajouter les aléas climatiques qui perturbent le cycle « normal » de l’eau à la surface du globe et par conséquent le renouvellement des stocks.

En outre, toutes les ressources renouvelables ne peuvent pas être stockées. « La biomasse, par sa durée de vie et son renouvellement, constitue l’essentiel des stocks des ressources renouvelables […]. Le stockage des ressources renouvelables a d’autres effets que celui des ressources épuisables : stocker des ressources épuisables étend leur vie économique alors que stocker des ressources renouvelables permet d’amortir les fluctuations dues aux désajustements entre l’offre et la demande (ex. : silos pour les matières agricoles, eau derrière les barrages) » (Faucheux et Noël, 1995, p. 129). De même, la quantité des ressources renouvelables peut varier aussi dans le temps et l’espace.

2.2.4. L’eau douce en milieu de haute montagne est-elle une ressource renouvelable ou non renouvelable ?

Une ressource est renouvelable lorsque son stock (quantité) peut se reconstituer à l’échelle humaine (ex. forêts, animaux d’élevage, d’eau douce, etc.). Cependant, un renouvellement en quantité ne signifie pas forcement un renouvellement en qualité. Dans des conditions normales, le renouvellement d’une ressource devrait satisfaire tant l’aspect quantitatif que qualitatif.

« Les ressources en eau pouvaient donner l’illusion d’être inépuisables, car les précipitations semblent les renouveler sans cesse et les prélèvements sont très faibles par rapport à la masse des réserves » (Conac, 1995, p. 969). En effet, du point de vue quantitatif, jusqu’aux années 60, l’homme était persuadé que l’eau douce était renouvelable puisque son cycle se répétait sans grands bouleversements. Si, en moyenne, le cycle de l’eau s’accomplit en 11,4 jours (Pillet, 1993, p. 91), sa répartition sur la planète est hétérogène et dans certaines régions du globe, ce cycle est perturbé par les aléas climatiques. Bien entendu, ces remarques sont valables pour le cycle global de l’eau ; or bien qu’interdépendant de ce cycle, dans le milieu de haute montagne, le renouvellement des glaciers s’étend à plusieurs décennies.

Face à l’augmentation galopante de la population, il a fallu produire de la nourriture, donc irriguer et mettre de nouvelles terres agricoles à disposition (dès les années ’50), utiliser les engrais pour augmenter la productivité et le rendement. L’agriculture produisait plus, mais polluait aussi ! En même temps, il fallait de l’eau potable pour les villes en croissance disproportionnée, qui à leur tour sont devenues source de pollution des eaux de surface. Cela signifie, du point de vue qualitatif, que l’eau douce n’est plus une ressource renouvelable.

Dans les montagnes des pays tropicaux, dès les années ’80, on remarque un retrait des glaciers, phénomène qui se généralise dans les années ‘90. Les glaciers que l’on considérait comme permanents, à l’échelle humaine, ont de la peine à se renouveler ! Grand nombre d’entre eux, surtout dans les régions tropicales, ont disparu et, par là-même, les réserves d’eau se sont amoindries.

Le cycle général de l’eau douce est perturbé. Durant l’année hydrologique, les précipitations ne tombent plus avec la même régularité, tant en quantité qu’en intensité ; ou s’il y a des précipitations, elles tombent en grand quantité, mais dans une période courte, ce qui accélère l’érosion des sols sans couverture végétale par absence des précipitations. Tout devient un cercle vicieux.

33 A l’échelle humaine, et au moins dans les régions tropicales, l’eau douce en milieu de haute montagne est en passe de devenir donc une ressource non renouvelable : elle n’est plus « permanente » comme autrefois, elle devient une ressource épuisable. Il est loin le temps où la fonte des glaciers remplissait les lacs andins (alpins) en période estivale pour pallier au manque de précipitations.

2.2.5. L’eau douce est-elle un bien public ?

Si auparavant, de par son « abondance » quantitative, l’eau douce était considérée comme un bien public, cette vision des choses est révolue. « Le temps est bien passé où l’on considérait l’eau comme un bien libre » (Raffestin, 1980, p. 210). En effet, même les eaux de milieu de haute montagne ne sont plus accessibles librement, puisque dans la pratique leur exploitation peut être donnée en concessions à des entreprises hydroélectriques ou à celles qui fournissent de l’eau potable. En plus, pour une région quelconque, ce sont les lois nationales, ou supra nationales et des conventions, s’il s’agit des régions limitrophes entre Etats, qui régissent les ressources d’eau douce ; dans ces conditions, son accès devient payant, voire conflictuel.

2.3. Le système de relations (entre territoire et ressources naturelles)

2.3.1. Eléments d’une relation

Les éléments constitutifs d’une relation sont : « les acteurs, la politique des acteurs ou l’ensemble de leurs intentions c’est-à-dire leurs finalités, la stratégie des acteurs pour parvenir à leurs fins, les médiats de la relations, les divers codes utilisés et les composantes spatiales et temporelles de la relation » (Raffestin, 1980, p. 32).

a) Les acteurs (types)

Dans un système d’économie globale qui caractérise le temps actuel, la présence d’une ressource naturelle dans un espace donné n’implique plus la seule présence d’un seul acteur local ; au contraire, les acteurs régionaux, nationaux et internationaux se font concurrence. Cependant, Raffestin (1980) distingue deux types d’acteurs : les « syntagmatiques », ceux qui réalisent un programme (toutes les organisations, de la famille à l’Etat, en passant par les partis, les Eglises et des entreprises) ; les « paradigmatiques », ceux qui ne sont pas intégrés dans un processus programmé et résultent d’une classification basée dans des critères en commun des individus (ex. les groupes des populations indigènes « Quechuas » des Andes péruviennes).

Autour de la ressource eau, par exemple, une entreprise, qu’elle soit nationale ou multinationale productrice d’électricité représente un acteur syntagmatique, car elle a un programme de production : depuis le captage d’eau, la génération de mégawatts et leur distribution. Et les populations indigènes vivant dans les zones de haute montagne, qui dans la plupart des cas laissent couler l’eau librement, sont des acteurs « paradigmatiques », puisqu’elles n’ont pas un programme défini ; c’est plutôt la culture de subsistance qui l’emporte sur celle du profit. « Les acteurs paradigmatiques sont souvent des enjeux pour les acteurs syntagmatiques qui cherchent à les contrôler, exploiter, etc. » (Dao, 1999, p. 49).

34 b) Finalités

Les finalités des acteurs représentent leurs intentions, leurs objectifs tant matériels que sociaux ; des objectifs simples (visé d’un seul objectif) ou complexes (plusieurs objectifs à la fois sont en ligne de mire). « Les finalités des acteurs ne sont pas toujours explicites et entrent la plupart du temps en conflit avec les finalités d’autres acteurs » (Dao, 1999, p. 49).

Autour de la ressource eau, par exemple, les villes ont besoin de cette ressource pour l’eau potable et l’assainissement urbain, tandis que les communautés agricoles en auront besoin pour leurs cultures maraîchères. Bien que les deux acteurs soient des demandeurs de la même ressource, en qualité diverse, une diminution en quantité (par ex. dû à une sécheresse) de la ressource peut impliquer des conflits.

c) Stratégie

La stratégie est la manière dont les acteurs s’organisent, en combinant les moyens, pour parvenir aux objectifs souhaités ou visés.

La ressource en tant que produit d’une relation, d’un processus, engage des éléments : A (acteur), r (technicité), M (matière) ; et que cette ressource P n’est dégagée que lorsqu’il existe la relation : A r M → P. C’est-à-dire, que pour produire une ressource, un acteur doit appliquer une technique à une matière selon un processus de production. Dans ces conditions, que ce soit à grande ou petite échelle, on peut en dégager quatre catégories d’acteurs (figure 9) : A (acteur ne contrôlant ni les techniques, ni la matière) ; Ar (acteur contrôlant les techniques) ; AM (acteur contrôlant la matière) ; ArM (acteur contrôlant les techniques et la matière) (Raffestin, 1980, p. 216).

Figure 9 : Catégories d’acteurs (Adaptation d’après Raffestin, 1980, p. 217)

Toute mise en valeur d’une ressource impliquera donc une stratégie propre relevant de chaque catégorie d’acteur, en faisant appel à une série de moyens. Et, à terme, ce système de relations (entre les acteurs) va conduire à une hiérarchisation dans le territoire : centralité et périphérie (par ex. ArM, en tant qu’offrant absolu, serait le centre tandis que A, en tant que demandeur, serait la périphérie, un dominé potentiel) ; des espaces dominants et dominés ; des régions centrales et périphériques.

35 d) Les moyens

Pour parvenir à leurs objectifs, les acteurs engagent les moyens ou médiats, « c’est-à-dire pour acquérir ou contrôler des enjeux » (Raffestin, 1980, p. 36). Ces médiats sont de nature diverse et leurs « engagements » dépendent, parfois du contexte socio-politique qui règne entre les acteurs ; on peut citer, entre autres, les moyens financiers, la force militaire, des produits, etc. Cependant, comme le souligne Raffestin (1980), tous sont constitués d’énergie et d’information : l’énergie « qui permet de modifier ou déplacer la matière et l’information qui structure ces mêmes matière ou énergie » (Dao, 1999, p. 50). En effet, toute mise en valeur et exploitation d’une ressource, qu’elle soit renouvelable ou épuisable, a besoin d’une quantité d’énergie et d’information, puisqu’elle « est liée à un territoire dans lequel elle a été repérée, rendue possible ou trouvée, tout simplement » (Raffestin, 1980, p. 218) et ne va pas nécessairement satisfaire les besoins dans ce territoire et que probablement elle sera exportée dans d’autres territoires.

e) Codes

Toute relation implique des codes, « c’est-à-dire un système qui associe des valeurs, des signifiés sociaux à des objets matériels, des actions, etc. » (Dao, 1999, p. 50). Une ressource naturelle a une valeur d’échange (économique) ou d’usage pour un groupe social qui la possède ; son exploitation et commercialisation peuvent générer des revenus pour un groupe ; de même, son usage sous couvert politique peut représenter une arme redoutable.

f) Le support (espace et temps)

L’espace et temps sont les supports à toute action humaine. « Le temps et l’espace entrent dans la stratégie de l’acteur et conditionnent la combinaison énergie et information. L’espace et le temps sont aussi des enjeux, les acteurs cherchent à se les approprier, à les maîtriser » (Dao, 1999, p. 50).

Face aux ressources, les acteurs occupent des positions spatio-temporelles différentes (absolue ou relative), dans toutes les échelles, depuis les individus, en passant par les firmes, jusqu’aux Etats. Ils sont confrontés avec les données propres aux territoires (maillages, nœuds et réseaux) et disposent de quantités et de qualités différentielles d’énergie et d’information et de techniques hétérogènes, allant du plus rudimentaire jusqu’au plus perfectionné (Raffestin, 1980, p. 216-217).

De par sa localisation, toute ressource est soumise à la contrainte spatiale, car elle n’est pas forcément localisée près ou dans des centres de consommation (ex. une ville), ce qui implique le besoin du travail, donc de l’énergie, pour son extraction et transport ; de la même manière l’information est requise pour son exploitation (faisabilité technique, coût de mise en chantier et de transport, estimations des stocks, etc.). Et l’espace est le témoin de tous ces rapports qui se tissent autour d’une ressource ; c’est dans l’espace où s’inscrivent toutes ces relations au cours du temps. Toutefois, les relations ne sont pas toujours visibles à l’œil humain.

2.3.2 Types de relations entre acteurs

Toute relation s’inscrit dans le temps et l’espace. Dès lors, elle est de nature dynamique et de par son contenu, a une connotation politique. Or toute relation d’ordre politique induit des formes de pouvoir entre les acteurs et par conséquent entre les espaces, puisqu’un acteur

36 représente un espace donné ou un intérêt particulier. Raffestin (1980), distingue deux types de relations :

• Relation symétrique : là où existe une équivalence réelle entre les acteurs, elle empêche la croissance d’un acteur au détriment d’un autre, et empêche également la destruction d’une organisation ou d’une structure par une autre ; elle est la garante de la différence et du pluralisme (Raffestin, 1980, p. 30). Pour une ressource naturelle quelconque, ce type de relation implique la reconnaissance des besoins des autres acteurs et par conséquent son partage.

• Relation dissymétrique : elle « favorise la croissance d’une structure au détriment d’une autre et à la limite la destruction d’une structure par une autre (…) » (Raffestin, 1980, p. 30). Par rapport à une ressource, ce type de relation ne garantit pas la reconnaissance des besoins des autres acteurs ; dans ces conditions, parfois c’est la loi du plus fort qui l’emporte et le partage n’est pas envisagé.

Selon Hussy (1998), une approche écologique du territoire (une harmonisation des pratiques humaines et la gestion des ressources en tenant compte des limites de l’écosystème) devrait respecter une double symétrie : horizontale (relations entre les groupes) et verticale (gestion de ressources à long terme).

2.3.3. Relation acteurs - ressources

Pour un acteur donné, la mise en valeur d’une ressource est prise dans un contexte économique, social et politique. Cependant, l’exploitation de telle ou telle ressource va engendrer trois types de comportements entre les acteurs (Raffestin, 1980, p. 213-215) :

Les « exploitationnistes » pour qui le souci majeur est la production maximale, sans remettre en question l’épuisement de la ressource. C’est la logique de l’économie classique, qui privilégie un bien présent à un bien futur et ne prend pas en compte les atteintes à l’environnement naturel et humain.

Les « préservationnistes », quant à eux, pour tout prélèvement d’une ressource, prennent en compte les informations régulatrices : l’environnement est donc peu atteint. Ce type de comportement ne conduit pas à un gain immédiat élevé. Ils préconisent la croissance zéro.

Les « conservationnistes » ont un comportement intermédiaire ; ils tentent d’optimiser présent et futur dans la perspective des besoins et des buts d’une collectivité. Ce type de comportement est empreint d’un esprit de gestion des stocks à long terme.

Bien entendu, ces analyses ne se sont bornées qu’aux ressources non renouvelables, notamment le pétrole. Face aux ressources en eau (considérées comme inépuisables), la plupart des acteurs n’ont pas fait une remise en question de leur comportement : au contraire le gaspillage s’est accru.

2.3.4. Les ressources en eau comme enjeux géostratégiques

D’après Raffestin (1980), toutes les ressources, qu’elles soient d’un usage courant ou rare, sont ou peuvent être des instruments de pouvoir. Cependant, l’efficacité de ces instruments de pouvoir dépend des structures et conjonctures qui règnent entre les acteurs dans le temps. Lors des crises internationales, certaines ressources ont été brandies comme des armes politiques : les ressource céréalières (arme alimentaire), ou les ressources énergétiques. Les crises pétrolières (1973), les guerres du Golfe (1991 et 2003) auront été

37 aussi des indicateurs des stratégies déployées par certains acteurs pour le contrôle de cette ressource. Pour un acteur, l’enjeu majeur est le contrôle des ressources pour mieux satisfaire ses intérêts économiques et ses besoins internes (ex. la mainmise sur le pétrole irakien par les USA et la « coalition », sous le couvert des armes de destruction massive).

L’eau douce, en tant que ressource dernièrement élevée au rang de « bien rare », constitue un des enjeux géostratégiques sur le globe. Son absence ou déficit, dans un espace ou une région donnée, peut impliquer des conflits. Cans (1993) souligne qu’au Proche Orient (un écosystème aride), l’eau a été source de conflits entre arabes et israéliens, et l’occupation du plateau du Golan par Israël, sous couvert de « sécurité », n’a d’autre but que de garantir plus des 2/3 de sa consommation en eau. Par là-même, durant les conflits armés (conventionnels), « l’eau peu servir d’arme : les Iraniens ont arrêté l’offensive irakienne en 1980, en inondant des vastes secteurs, par l’ouverture d’un canal en rive gauche du Karum » (Veyret et Pech, 1997, p. 69).

Autour des ressources en eau douce, dans le globe, il y a de nombreux « points chauds » où cet élément vital est la source d’enjeux géostratégiques et de conflits (Cans 1993 ; Cans et Silvester 2001). Gleick (2006) établit une chronologie détaillée de ces conflits entre 3000 a. J.C. et 2004.

3. La gestion durable des ressources hydriques en milieu de haute montagne

Autrefois, de par leur localisation en amont des implantations humaines, les écosystèmes de montagne et leurs ressources (eaux à l’état solide : glace), échappaient à toute pollution. Or, depuis la révolution industrielle ce n’est plus le cas : l’activité industrielle implique des pollutions atmosphériques, telles qu’en témoignent les pluies acides. « L’atmosphère transporte des poussières, du sel marin et divers composés chimiques, qui se mélangent aux précipitations neigeuses et finissent enfermés dans les glaces. […] l’océan, les volcans et les activités humaines émettent des composés soufrés dans l’atmosphère ; là, ces composés s’oxydent et se transforment en gouttelettes de sulfates ; les aérosols ainsi constitués sont incorporés aux neiges. La radioactivité (activité bêta ou gamma) des essais nucléaires atmosphériques (1954-1958 et 1965-1966) ou l’accident de Tchernobyl (avril 1986) ainsi que les éruptions volcaniques (repérées dans la glace par les poussières et les acides qu’elles ont émis) restent mémorisées dans la glace » (Masson-Delmotte et Chappellaz, 2002, p. 21-23).

Habituellement, dans la plupart des pays, la gestion des eaux (de surface et souterraines) se concentrait au niveau communal (eau potable, effluents, et usages agricoles). Cependant, depuis peu les choses ont changé. Les phénomènes environnementaux globaux (changements climatiques, pollutions, etc.) impliquent une approche globale et systémique de la gestion de cette ressource, depuis sa source (glaciers), son acheminement, sa consommation et son usage, jusqu’à son rejet et retour dans le cycle global. En effet, une approche systémique nous permettrait de conceptualiser la gestion de l’eau et, au moins, d’établir les interactions entre les divers acteurs autour de cette ressource.

Par ailleurs, la gestion d’une ressource implique la connaissance de son environnement, de son cycle de renouvellement, de son stock, de sa distribution spatiale et temporelle aux échelles appropriées. Il faut également disposer des outils appropriés.

Ces dernières années, la plupart des pays ont opté pour la gestion de leurs ressources dans le cadre de l’AGENDA 21 et du développement durable prônés par l’Organisation des Nations Unies (ONU). Dans cette perspective, le Tiers-Monde est encouragé à suivre cette voie, par des incitations financières, telles que la reconversion d’une part de sa dette externe

38 par des programmes destinés à la protection de l’environnement et la gestion durable de ses ressources.

3.1. Développement durable, écosystèmes de montagne et eau

3.1.1. L’AGENDA 21

L’AGENDA 213 est le « principe cadre » de la mise en œuvre du développement durable pour le 21ème siècle. Ce document guide a été établi lors de la « Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement » (Sommet de la Terre) en 1992 à Rio de Janeiro (Brésil), où plus de 180 nations se sont engagées pour sa mise en place et son application, au niveau national, régional et local.

La structure de l’AGENDA 21 comporte 4 sections et 40 chapitres, où sont abordés les problèmes majeurs qu’affrontent l’humanité et la planète entière. Divers chapitres abordent les problèmes liés aux régions de montagne : lutte contre la déforestation, promotion d’un développement agricole et rural durable, préservation de la diversité biologique, lutte contre la pauvreté, renforcement du rôle des populations indigènes, la science au service d’un développement durable, la participation des ONG etc. Nous porterons ici notre attention particulièrement sur les chapitres 13 (Gestion des écosystèmes fragiles : mise en valeur durable des montagnes) et 18 (Protection des ressources en eau douce et de leur qualité : Application d’approches intégrées de la mise en valeur, de la gestion et de l’utilisation des ressources en eau), qui guideront notre recherche.

3.1.2. Le développement durable

Le concept du développement durable (DD) est issu de longues réflexions et négociations au sein de l’ONU. Son début remonte à la fin des années ’50 et début des années ’60, avec les premiers avertissements sur les atteintes à l’environnement à cause de la pollution. Il y a eu ensuite une prise de conscience « que la croissance économique exponentielle ne peut durer indéfiniment » (Bürgenmeier, 2003, p. 9). Ainsi, lors de la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement (Stockholm, 1972), 113 Etats reconnaissent les interactions et interdépendances entre économie, écologie et société.

En 1983, l’Assemblée Générale des Nations Unies a chargé une commission indépendante (Commission Mondiale pour l’Environnement et le Développement) d’« élaborer une stratégie internationale à long terme, intégrant pour la première fois l’environnement au développement économique » (Pellaud, 2000, p. 10). En 1987, ladite commission a publié ses conclusions sous le nom de « Rapport Brundtland4 » (nom de sa présidente), qui reconnaît les dangers qui pèsent sur notre planète et a fait naître le concept du développement durable. Toutefois, ce n’est que lors du « Sommet de la Terre » (Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement), à Rio de Janeiro, en juin 1992, que le coup d’envoi a été donné dans la perspective du développement durable. En outre, le « Sommet de la Terre » a permis la signature de trois conventions concernant le changement climatique, la biodiversité et la désertification ainsi que la mise au point d’un ensemble d’actions, allant de la protection de l’environnement, en passant par le développement économique et social, jusqu’à la gestion des ressources et des écosystèmes de la planète pour le XXIe siècle : l’AGENDA 21.

3 http://www.agora21.org/rio92/A21_html/A21_1.html (au 18.12.2003) 4 http://www.agora21.org/dd/rapport-brundtland.html (au 05.03.2004)

39 Le développement durable est défini comme étant un « type de développement qui permet de satisfaire les besoins des générations présentes, sans réduire la possibilité des générations futures de satisfaire les leurs »5. Cette formulation signifie, comme le souligne Raffestin (1995), que nous sommes ainsi placés devant une double responsabilité : celle vis- à-vis du fondement de notre existence et celle vis-à-vis des générations futures auxquelles il faut transmettre un environnement viable.

D’après le « Rapport Brundtland », deux concepts sont inhérents à la notion du DD. Le premier, celui de « besoins » qui se réfère principalement aux « besoins essentiels » des plus démunis de quantités d’habitants du Tiers-Monde, où la pauvreté et l’injustice sociale sont endémiques. Le deuxième, celui de « limite » que l’état de la technologie et de l’organisation sociale de l’humanité imposent sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir.

Le concept du développement durable adopté lors du Sommet du Rio 1992 comporte trois composantes et indicateurs associés : social, écologique et économique (figure 10). La composante écologique représente l’état physique de l’environnement (vivable : lutte contre les pollutions pour le bien-être social ; viable : gestion optimale des ressources, lutte contre toute forme de pollution et dégradation de l’environnement, conservation de la diversité biologique, etc. pour le bien des futures générations). La composante économique représente une croissance économique préservant l’intégrité des écosystèmes (lutte contre les éléments nuisibles dans l’air, l’eau, sols, etc.), ainsi que le partage de la croissance économique entre tous les acteurs de la société, surtout avec les plus démunis. La dimension sociale représente les divers aspects de la société (politiques, démographiques, la sauvegarde de diversités culturelles, l’accès aux ressources des plus démunis, l’équité sociale entre les générations, etc.).

Figure 10 : La structure théorique du développement durable (adaptation d’après Villain 1996, cité in Pellaud 2000, p. 9)

3.1.3 Les montagnes, des écosystèmes fragiles

« Jusqu’au XVIIe siècle, la montagne est vécue, tant par ceux qui l’habitent que par ceux qui la traversent, comme un cauchemar […]. A la fin du XVIIIe, la montagne est née, les Alpes deviennent le lieu d’observations scientifiques […]. Dès lors, la montagne cessera d’être le lieu du cauchemar et de la peur, du chaos et de l’horreur, pour devenir celui de la pureté de mœurs, de l’élévation morale et du sublime » (Raffestin, 1993, p. 37-38). Pour les occidentaux, « les Alpes ont été le terrain d’expériences pour d’autres régions de montagne

5 http://www.ifen.fr/pages/idd.htm (au 09.03.2004)

40 dans le monde » (Crivelli, 2001, p. 10), tant au niveau alpinisme que scientifique. « Mais il ne suffit pas d’inventer la montagne, encore faut-il la définir » (Raffestin, 1993, p. 39).

Des nombreux critères, en commençant par l’altitude, en passant par la latitude et la géographie culturelle, ont été appliqués pour définir l’écosystème de montagne (Messerli et al. 1997, p. 4 – 5 ), mais les définitions ne font pas l’unanimité, d’autant plus que « les limites que le géographe s’efforce de tracer, que ce soit dans le monde physique ou le monde humain, sont presque mises en échec par d’innombrables écarts » (Raffestin, 1993, p. 39). Cependant, une chose est certaine : à cause de l’influence du climat et des facteurs topographiques, l’étagement de la flore et de la faune, ainsi que des pratiques humaines, chaque montagne de la planète est un écosystème particulier, faisant partie d’un seul et unique système global. En plus, les montagnes sont soumises aux contraintes tectonico- structurales et, par conséquent, elles sont exposées aux aléas naturels. Ainsi, d’une manière générale, un écosystème de montagne peut-il être défini comme étant les « régions qui ont leur relief et altitude accentués, lesquels influencent le climat, la fertilité des sols, la végétation, les instabilités de pente, et l’accessibilité » (Messerli et al., 1997, p. 5).

Dans le passé, les espaces de montagne étaient marginalisés tant politiquement qu’économiquement, d’où la pauvreté de leurs populations et par conséquent, la migration vers les centres urbains ou les capitales : un exemple frappant est le cas de Lima, au Pérou ; en 1955, sa population était de 119 886 habitants, en 1986, 1 617 784 hab., en 1988, 3 500 000 hab. et en 2000, sur une population nationale de plus de 25 millions, 1/3 s’ entassait dans la capitale ! Le phénomène migratoire a produit et produit encore des déséquilibres dans les aires urbaines, au niveau d’accès aux services basiques, des infrastructures, et dans les régions de montagne, en touchant à la production (les champs sont abandonnés) et au renouvellement de la population, car ce sont le jeunes qui partent. C’est ainsi que la population migrante passe du producteur (autosuffisant) au demandeur des denrées alimentaires ; le cercle devient vicieux ! Or, depuis le Sommet de la Terre de 1992, un peu avant dans certains pays comme la Suisse (avec sa politique d’aide pour les régions de montagne), les sensibilités à l’égard des écosystèmes de montagne ont changé.

« Les montagnes sont un important réservoir d’eau, d’énergie et de diversité biologique. En outre, elles contiennent des ressources essentielles telles que les minéraux, les produits forestiers et agricoles, et les services récréatifs. En tant que grands écosystèmes au sein de l’écologie complexe de notre planète, les environnements de montagne sont indispensables à la survie de l’écosystème mondial. Toutefois, les écosystèmes de montagne se modifient rapidement. Ils sont exposés à une érosion accélérée du sol, à des glissements de terrain et à une perte rapide de l’habitat et de la diversité génétique. Sur le plan humain, la pauvreté est très répandue parmi les montagnards et les connaissances des populations autochtones se perdent. En conséquence, la plupart de régions montagneuses du globe sont soumises à une dégradation de leur environnement. C’est pourquoi une gestion convenable des ressources de montagnes et un développement socio-économique de leur population justifient une action immédiate » (AGENDA 21, chapitre 13).

En effet, les montagnes « occupent environ 1/5 des terres émergées et fournissent le support direct au dixième de l’humanité. Si l’on exclut les deux grandes calottes glaciaires, les montagnes fournissent plus de la moitié d’eau douce au monde » (Messerli et al., 1997, p. 8). En plus, les écosystèmes de montagne concentrent la majorité des aires protégées qui incluent les « Réserves de la Biosphère », les parcs nationaux et internationaux, ainsi que les « Patrimoines Naturels de l’Humanité ». Et finalement, étant donné que les montagnes sont soumises à de fortes contraintes d’ordre tectonique, topographique et climatique, elles sont des écosystèmes fragiles qui ont besoin d’être préservés avec « leur précieuses ressources pour le futur de l’humanité, en intégrant les recherches et les

41 programmes de développement aussi bien qu’en reliant les aspects économique, culturel et écologique » (Mountain Agenda, 1997, p. 2).

3.1.4 L’eau et le développement durable

L’eau étant un élément vital pour la vie humaine, comme tel, dans le contexte du Développement Durable, elle a un rôle fondamental à jouer.

« Les ressources en eau douce constituent un élément essentiel de l’hydrosphère de la planète et de tous les écosystèmes terrestres. L’eau est nécessaire à tous les aspects de la vie. La rareté généralisée des ressources en eau douce, leur destruction progressive et leur pollution croissant […] dans des nombreuses régions du monde, […] exigent une intégration de la planification et de la gestion des ressources en eau. Cette opération doit couvrir toutes les étendues d’eau douce interdépendantes, notamment les eaux de surface et les eaux souterraines, et tenir dûment compte des aspects quantitatifs et qualitatifs. Il est nécessaire de reconnaître la dimension multisectorielle de la mise en valeur des ressource en eau dans le contexte du développement socio-économique ainsi que les utilisations multiples de l’eau : approvisionnement et assainissement, agriculture, industrie, urbanisation, hydroélectricité, pisciculture en eau douce, transports, activités de loisirs, gestion des basses terres et autres. Il faut cependant accorder la priorité aux mesures destinées à prévenir les crues et à lutter contre les inondations ainsi qu’au contrôle des alluvionnements, le cas échéant » (AGENDA 21, chapitre 18).

L’eau étant reconnue comme « un bien social et économique » (AGENDA 21, chapitre 18) et « une ressource naturelle limitée, nécessaire à la vie et aux systèmes écologiques » (Nations Unies, 2001), sa gestion doit adopter « une approche intégrée qui tienne compte des besoins à long terme comme des besoins immédiats » (AGENDA 21, chapitre 18), (figure 11).

1 : Demande socio-économique d’eau

2 : Contrainte de développement (ex. alimentation). Importance de l’esthétique et du cadre de vie

3 : Gains économiques liés à la protection de l’environnement (service, tel que capacité d’absorption)

DD - Utilisation durable de l’eau pour garantir la quantité et la qualité

- Bien être-social

Figure 11 : L’eau dans le contexte du développement durable (adaptation d’après l’Académie de l’eau, 2002, p. 5)

Dans la perspective du développement durable (figure 11), l’AGENDA 21 (chap. 18), encourage les Etats, régions et communautés locales (municipalités), à agir dans les domaines suivants : a) Mise en valeur et gestion intégrée des ressources en eau : bien que toutes les activités économiques et sociales soient tributaires de l’approvisionnement en eau, sa mise en valeur contribue à la productivité économique et au bien-être social. L’eau douce étant

42 une ressource limitée, sa gestion a besoin d’une approche globale, en tenant compte des divers secteurs impliqués dans le développement. Dans ce sens, une approche de gestion intégrée est conseillée. b) Bilan des ressources hydriques : cela implique de faire l’inventaire des stocks d’eau et de leur qualité. c) Protection des ressources en eau, de la qualité de l’eau et des écosystèmes aquatiques : dans cette perspective, l’eau douce doit être considérée dans une optique globale. Pour la durabilité de cette ressource, sa gestion doit tenir compte de l’interdépendance de tous les éléments, entre les divers usagers, le traitement des eaux usées domestiques, les eaux résiduelles industrielles, les atteintes des écosystèmes aquatiques par des projets agricoles (irrigation), de barrages, voire le détournement des cours d’eau, etc. d) Approvisionnement en eau de boisson et assainissement : il s’agit de l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement pour les plus démunis, indispensables pour protéger l’environnement et améliorer la salubrité. e) Eau et urbanisation durable : étant donné que plus de la moitié de la population mondiale vit dans les zones urbaines, et qu’en 2025, ce chiffre sera de 60% (soit 5 milliards de personnes), il en résulte des crises dans les écosystèmes urbains pour ce qui est des ressources en eau, sol et de la protection de l’environnement : d’où la nécessité d’une gestion écologiquement rationnelle de ces ressources. f) Eau et production vivrière et le développement rural durable : dans de nombreux pays, la sécurité alimentaire constitue l’un des objectifs prioritaires. La durabilité de la production alimentaire exigera une pratique agricole rationnelle et « économe » en eau. g) Impact des changements climatiques sur les ressources en eau : les changements climatiques ont des effets sur le cycle de l’eau et, par conséquent, dans l’approvisionnement de cette ressource, ce qui pourrait, dans des situations extrêmes (inondations – sécheresses), être néfastes pour les systèmes socio-économiques. La surveillance continuelle des effets des changements climatiques et de leurs impacts potentiels s’avère indispensable. Pour les régions de haute montagne, cela implique la surveillance du retrait glaciaire et l’évolution de la formation des lacs.

Finalement, « une gestion durable des ressources en eau devra s’assurer que l’eau peut, de par sa qualité, satisfaire tant les besoins de l’homme que le maintien des fonctions naturelles de l’écosystème qui les abrite » (Burton, 2001, p. 9).

3.2. La gestion intégrée des ressources hydriques par bassin versant en écosystèmes de montagne

L’AGENDA 21 (chap. 18) préconise la « gestion intégrée par bassin versant ou des sous- unités de bassin » des ressources en eau douce. Cette méthode de gestion a été acceptée à l’échelle internationale et, depuis plusieurs années, elle fait école pratiquement dans tous les pays, que ce soit du nord ou du sud, bien entendu selon un certain degré d’application et d’avance.

L’AGENDA 21 reconnaît les écosystèmes de montagne comme étant des réservoirs d’eau douce. Cependant, il ne fait pas référence directe à la « haute montagne », zone où se concentrent les stocks d’eau douce sous formes solide (glaciers) et liquide (lacs). Dans de nombreux pays montagneux comme la Suisse et le Pérou, durant les saisons estivales, les

43 espaces de haute montagne, avec leur fonte de glace, garantissent l’approvisionnement en eau potable des populations, la culture vivrière et la production de l’électricité.

Etant donné que les écosystèmes de montagne fournissent des services environnementaux et des ressources naturelles en espace (loisirs), matière (eau, minerais), énergie (hydroélectricité) et information (diversité culturelle et biologique) il faut une approche intégrée et globale qui doit rendre compte des besoins de tous les acteurs et de l’évolution des stocks en tenant compte des changements climatiques et des effets anthropiques.

3.2.1. Notions de base a) Le cycle de l’eau

Le cycle de l’eau est gouverné principalement par l’énergie solaire, cependant d’autres forces, comme la gravité et l’attraction solaire et lunaire, ainsi que les activités biologiques et humaines, interviennent dans le transfert (Musy et Laglaine, 1992, chap. 2, p. 4). Il s’agit d’un cycle qui n’a ni début ni fin, la quantité d’eau demeurant sensiblement la même depuis son apparition sur Terre (Burton, 2001, p. 4), (figure 12). Toutefois, les cycles climatiques qui ont lieu sur notre planète au cours de son histoire, ont affecté la distribution spatiale et temporelle de l’eau. Durant le Pléistocène, les glaces ont couvert de grandes étendues sur les continents, ce qui a impliqué une baisse sensible du niveau marin (-120 m sous son niveau actuel). Cela indique que l’eau et le climat sont étroitement liés. Même une faible modification, à court terme de sa distribution (allant de quelques jours à quelques mois et à l’échelle régionale), peut avoir des conséquences, telles que sécheresses ou inondations.

Phénomènes invisibles : 1, 2, 3, 4, 5 et 6

1 Evaporation : toute surface d’eau 2-3 Absorption par les racines des végétaux et évapotranspiration par les feuillages 4-6 Vapeur d’eau (gaz) et transport pour le vent 5 Energie du cycle : soleil

Les phénomènes visibles : A, B, C, D, E et F

A Condensation (nuages, brouillards) B Précipitations (pluie, grêle, neige) C-D-E Fonte, ruissellement, infiltration F Ecoulements superficiels ou souterrains

Figure 12 : Le cycle de l’eau (source : http://www.environnement.gouv.fr ; au 22.03.2004)

En outre, au cours du cycle de l’eau, des transferts incessants d’importantes masses d’eau se produisent entre les différents réservoirs de la planète (CNRS, France 2004). Ces flux sont résumés dans le tableau 4.

44 Evaporation et précipitation Flux (km3/an) Lame d’eau (mm/an) Evaporation sur les océans 425 000 1 250 Evaporation sur les continents 71 000 410 Précipitations sur les océans 385 000 1 120 Précipitations sur les continents 111 000 720

Tableau 4 : Valeurs globales des flux à l’échelle de la planète (d’après de Marsily, 1995, p. 18)

D’après le tableau ci-dessus, la somme globale des évaporations et des précipitations est égale (496 000 km3). Cependant, sur les océans il pleut moins qu’il ne s’évapore (-40 000 km3) et sur les continents, c’est l’inverse (+40 000 km3). Etant donné que « le cycle de l’eau est équilibré, cela veut dire que les continents renvoient chaque année 40 000 km3 d’eau aux océans » (de Marsily, 1995, p. 19). L’apport hydrique des continents aux océans est indiqué dans le tableau 5.

Apport Flux hydrique (km3 / an) Débit de ruissellement des rivières (débit de crue) 27 000 Débit de base total des nappes aux rivières et océans 10 500 Fonte glaciaire 2 500 Total 40 000

Tableau 5 : Flux hydrique des continents vers les océans (après de Marsily, 1995, p. 19)

Le phénomène de flux (transfert de masse) donne l’impression que l’eau est une ressource renouvelable. Or, « toute l’eau ne participe pas en permanence à ce cycle. Autrement dit, chacune des molécules d’eau de l’hydrosphère ne circule pas constamment d’un réservoir à l’autre de la planète » (CNRS, France 2004). Le volume de stocks entre les divers réservoirs et leurs temps de renouvellement sont résumés dans le tableau 6.

D’après le tableau 6, la planète a un stock supérieur de 35 millions km3 d’eau douce, dont une grande partie se concentre dans les régions polaires, loin de l’accessibilité humaine. Ceci implique que « les principales sources d’eau utilisables pour l’homme sont les lacs, les rivières, l’humidité du sol et les nappes aquifères relativement peu profondes. La fraction utilisable représente environ 200 000 km3 - moins de 1 % de l’eau douce et seulement 0.01% de l’ensemble de l’eau présente sur la Terre » (UNEP, 2002, p. 150). Quant aux régions de montagne, elles stockent un volume supérieur à 40 000 km3 d’eau douce (0.003 % de l’hydrosphère ; 0.12 % du total de l’eau douce) et leurs apports hydriques (fonte des glaces) sont estimés à 2 500 km3/an (tableau 5).

Enfin, l’action anthropique (irrigations, barrages, eau potable, eaux servies, etc.), conjuguée avec les changements climatiques associés à l’effet de serre (Burton, 2001, p. 8) peuvent nuire aux écosystèmes aquatiques et perturber le cycle hydrologique de l’eau tant au niveau qualitatif que quantitatif (incidences directes sur l’écoulement annuel moyen, sa variabilité annuelle et saisonnière). L’analyse conjointe des carottes groenlandaises et antarctiques a démontré sans ambiguïté que, depuis environ 150 ans, les teneurs en CO2, en CH4 et en N2O ont constamment augmenté, pour atteindre désormais des valeurs respectivement supérieures de 30 %, de 150 % et de 15 % aux teneurs dites préindustrielles (Masson- Delmotte et Chappellaz, 2002, p. 24).

45 Localisation Volume % de l’eau total % de l’eau Volume recyclé / Renouvellement (103 km3) douce an (km3) (années) Eau salée

Océans 1 338 000 96.5 - 505 000 2 500 Eau souterraine salées ou 12 870 0.98 - saumâtres Lacs d’eau salée 85.4 0.006 -

Eaux douces

Glaciers et neiges 24 064 1.74 68.7 éternelles • Antarctique 21 600 1.56 61.7 • Groenland 2 340 0.17 6.68 2 477 9 700 • Arctique 83.5 0.006 0.24 • Régions de montagne 40.6 0.003 0.12 25 1 600

Glaces concassées 300 0.022 0.86 30 10 000 et permafrost Eau douce souterraine 10 530 0.76 30.1 1 400 Lacs d’eau douce 91 0.007 0.26 10 376 17 Humidité du sol 16.5 0.001 0.05 16 500 1 Vapeur d’eau 12.9 0.001 0.04 600 000 8 jours Marais et terres humides 11.5 0.0008 0.03 2 294 5 Fleuves et cours d’eau 2.12 0.0002 0.006 43 000 16 jours Eau présente dans 1.12 0.0001 0.003 quelques heures les biotes Total de l’eau 1 386 000 100 Total de l’eau douce 35 029 2.53 100

Tableau 6 : Répartition du stock d’eau (adaptation d’après de Marsily, 1995, p. 19 ; UNESCO, 2003, p. 68 ; UNEP, 2002, p. 151)

b) Le cycle climatique

Un cycle climatique est défini par la succession d’une période chaude (interglaciaire) et d’une période froide (glaciaire). Chaque cycle allant de quelques dizaine de milliers d’années à quelques centaine de milliers d’années. Il semble « […] qu’environ la moitié de la variation climatique glaciaire-interglaciaire trouverait son origine dans l’effet radiatif des gaz à effet de serre, amplifié par d’autres rétroactions du système climatique comme l’étendue de glaces de mer, la réponse de la végétation, l’humidité de l’air… » (Masson-Delmotte et Chappellaz, 2002, p. 23). La distribution de l’eau dans la planète étant intimement liée à la variation climatique, en vue de sa gestion dans la perspective du développement durable, il est important que cet aspect demeure présent dans l’esprit humain.

c) Bassin versant

D’un point de vue hydrologique, « le bassin versant correspond, […] à l’unité géographique sur laquelle se base l’analyse du cycle hydrologique ; […] c’est une surface élémentaire hydrologiquement close, où aucun écoulement n’y pénètre de l’extérieur et dont tous les excédents de précipitations s’évaporent ou s’écoulent par une seule section exutoire » (Musy et Laglaine, 1992, chap. 3, p. 3). Pour un point donné d’un espace quelconque, le bassin versant représente la totalité de la surface topographique drainée par un cours d’eau et ses affluents en amont à ce point. Toutefois, dans des espaces caractérisés par une topographie accidentée et la perméabilité des sols et de failles du substratum rocheux, le bassin versant ne correspond pas toujours à la division des eaux selon la topographie.

Burton (2001) définit le bassin versant comme étant un système qui regroupe à la fois les ressources et les collectivités humaines qui en dépendent. Généralement, les limites de ces

46 systèmes suivent les crêtes des montagnes, dénommé « ligne de partage des eaux » (figure 13), qui parfois, ne correspondent pas aux découpages administratifs et politiques. Les bassins versants regroupant des bassins fluviaux et lacustres et leurs dimensions sont variables.

Figure 13 : Le bassin versant (source : http://www.environnement.gouv.fr ; au 22.03.2006)

3.2.2. Qu’est-ce la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) par bassin versant ?

La gestion intégrée des ressources en eau a comme idée fondatrice que l’eau fait partie de l’écosystème et constitue, à la fois, une ressource naturelle et un bien économique et social, dont la quantité et la qualité déterminent son affectation (AGENDA 21, chap. 18). Ce type de démarche fait appel à une gestion coordonnée de l’ensemble des ressources naturelles à l’intérieur d’un même territoire (Burton, 2001, p. 13) dans le cadre d’une politique d’aménagement du territoire. Le concept comprend la planification et la gestion des ressources en eau et des sols, qui prend en compte les facteurs sociaux, économiques et environnementaux, et doit englober les eaux de surface et les eaux souterraines ainsi que leurs écosystèmes et reconnaître l’importance de la qualité de l’eau (France 2003, p. 12).

La gestion intégrée des ressources en eau implique la reconnaissance des besoins en eau de tous les acteurs (usagers) y compris des écosystèmes, tant quantitativement que qualitativement. « Dans ce contexte, il convient de porter une attention spéciale aux pauvres, au rôle, aux compétences et aux besoins des femmes et aux régions vulnérables telles que les petits Etats insulaires, les pays enclavés et les zones désertifiées » (France, 2003, p. 12).

En outre, la gestion intégrée des ressources en eau doit correspondre « à la prise en compte, par des décideurs informés, de l’ensemble des usages et des ressources du bassin, dans une approche écosystémique » (Burton, 2001, p. 14). Toutefois, le succès de ce type de gestion n’est possible que dans le partage des expériences faites dans les contextes particuliers, puisque chaque écosystème est un cas particulier.

47 3.2.3. L’approche écosystémique de la gestion intégrée des ressources en eau par bassin versant.

Le modèle traditionnel de gestion intégrée des ressources en eau par bassin versant, issu de la déclaration du Rio de Janeiro (1992), « mettait l’accent sur l’approvisionnement en eau avec une tarification et sur les redevances associées aux rejets de polluants, selon le principe des usagers-pollueurs-payeurs » (Burton, 2001, p 12) et n’appliquait pas, comme il le suggérait, la dimension multisectorielle de l’eau. D’après Mostert et al. (1999), le terme gestion par bassin versant met l’accent sur les relations entre l’eau et les sols, de même que sur les dimensions géographiques et souvent internationales (amont-aval) (cité par Burton, 2001, p. 12).

La nouvelle version de gestion intégrée des ressources en eau introduite lors du 2ème Forum Mondial de l’Eau (La Haye, mars 2000) met l’accent sur la nécessité d’aborder la gestion de l’eau sous plusieurs angles à la fois, autant en termes techniques (eau de surface et souterraines) que sous ses diverses facettes politiques, économiques et sociales (Burton, 2001, p. 12). Cette dernière approche introduit la notion de la gestion globale de l’eau. Jusque là, seuls les facteurs humains avaient été pris en compte et les écosystèmes faisaient encore défaut, bien que leur santé influence la qualité des eaux qui jaillissent des bassins versants.

Cet amalgame d’idées et de concepts a donné naissance, lors du 2ème Forum Mondial de l’Eau (2000) à une nouvelle approche de gestion connue sous le nom d’« approche écosystémique ». Sa caractéristique principale est que toute gestion des ressources en eau doit impérativement respecter l’intégrité des écosystèmes. Cela dit, d’après le Conseil Mondial de l’Eau (2000), « l’eau n’est pas qu’une substance physique essentielle à la vie humaine, mais c’est aussi l’environnement qui supporte tous les autres êtres vivants. Il faut changer notre façon de penser et reconnaître que les écosystèmes sont la source de l’eau ; la question n’est pas de savoir combien d’eau il faut retourner pour conserver la nature et la biodiversité, mais bien plutôt de savoir combien ne pas en prélever au départ » (cité par Burton, 2001, p. 13).

Le principe de la prise en compte des écosystèmes dans toute gestion des ressources en eau représente un progrès remarquable « en direction d’une utilisation durable des ressources en eau, c’est la seule voie possible » (Burton, 2001, p. 13). Cela implique la modification des approches traditionnelles dans la gestion de l’eau, puisqu’auparavant, l’eau était évaluée seulement en fonction des usages requis par les sociétés humaines.

Ceci implique que, pour veiller à la durabilité de l’eau, nous devons la percevoir dans une optique holistique, en équilibrant des demandes concurrentes – sur les plans domestique, agricole, industriel (y compris l’énergie) et environnemental. La gestion durable des ressources en eau réclame un processus décisionnel systémique et intégré qui tient compte de l’interdépendance de ces quatre domaines (Conseil Mondial de l’Eau, 2000, cité par Burton, 2001, p. 14). En effet, une décision sur l’utilisation des sols (par ex. lors de l’agriculture extensive) a des implications sur la qualité et la distribution spatiale de l’eau, ce qui à son tour a des répercussions sur l’environnement ou l’écosystème et parfois même sur l’utilisation des sols. De la même manière, les décisions politiques concernant le développement social et économique sont de nature sectorielle et fragmentaire, et ont des répercussions négatives dans l’hydrologie des rivières et par conséquent sur les écosystèmes qui sont le support de l’existence des hommes. De même, les décisions prises tant aux niveau international, national que local sont interdépendantes : ainsi la construction d’un barrage en amont aura-t-elle des répercussions en aval, tout le long du cours de la rivière, tant pour les populations que pour les écosystèmes.

48 3.2.4. Eléments pour la gestion durable des ressources hydriques

La gestion d’une ressource implique l’intégration de notions d’échelles spatiales et temporelles, d’éléments de régulation (cadre juridique) ; c’est aussi prendre en compte les acteurs et connaître les stocks disponibles.

i) L’échelle spatiale : le bassin versant comme territoire de gestion des ressources hydriques

D’après Burton (2001), en matière de gestion durable des ressources en eau, la seule approche possible est celle qui tient compte à la fois de l’homme et de la nature, unis dans un même système naturel. Ce système naturel serait le géosystème, qui regroupe à la fois l’écosystème (dimensions environnementales) et les hommes, avec leurs pratiques, leurs dimensions économiques et sociales.

Selon Burton (2001), le principe de base d’une gestion intégrée des ressources en eau et de l’environnement à l’échelle du bassin versant est unanimement admis ; les limites du territoire de gestion sont celles du bassin hydrographique. Ce découpage implique une adaptation des structures administratives de gestion car, auparavant, ces limites correspondaient aux juridictions communales (dans les pays du nord), ou dans le pire des cas elles n’existaient pas, comme c’étaient le cas dans beaucoup de pays du Tiers-Monde, comme le Pérou, où la gestion était réduite à la seule adduction de l’eau potable. Cette adaptation implique la réforme du système de gestion, qui dans de vastes pays à topographies complexes et à prédominance centralisée, peut prendre des retards considérables.

Le deuxième principe introduit dans la gestion d’eau est l’aspect économique (le principe pollueur-usager-payeur), qui est admis comme fondement nécessaire pour assurer la viabilité su système (Burton, 2001, p. 11). Toutefois, pour l’application de ce principe, il faut un cadre légal sur les eaux où doivent figurer l’ensemble des usagers par catégorie, afin de chercher une tarification convenable et juste. Cependant, dans les régions de montagne où la plupart des groupes humains vivent en quasi autarcie en pratiquant le troc, l’économie de marché ne fait partie de leur quotidien. Cela signifie que les tarifs d’eau, même symboliques, ne pourront pas être acquittés !

L’utilisation du bassin versant comme territoire le plus approprié pour la gestion des ressources en eau est un principe universellement reconnu (Burton, 2001, p. 10). Ce même principe pourrait s’appliquer aussi pour la gestion de l’environnement. Cependant, cela pose des problèmes, car les limites des bassins versants hydrologiques sont très variables, allant de quelques km2 (grande échelle « échelle locale », ex. à Genève, le bassin versant du Nant d’Avril : 17 km2), quelques milliers de km2 (échelle moyenne « échelle régionale », ex. le bassin versant du Rhône : 96 000 km2) et quelques millions de km2 (petite échelle « échelle globale », ex. le basin versant d’Amazone : 6 144 700 km2). A moyenne et petite échelle, les limites des bassins hydrologiques ne correspondent pas aux limites administratives ni politiques - une action en amont peut avoir des conséquences en aval -, dans ce cas, la gestion de l’eau passe par une coopération transfrontalière entre les divers acteurs (administrations communales, régionales et les Etats).

Un exemple de la coopération internationale est celui pratiqué au lac Titicaca, entre le Pérou et la Bolivie. Sous l’égide des Nations Unies, le projet de gestion du bassin versant du lac Titicaca tente d’intégrer les populations indigènes très pauvres, avec leurs mode de vie et valeurs traditionnelles, à la gestion de l’eau (UNESCO, 2003).

49 En outre, l’AGENDA 21 (chap. 18) préconise la gestion de l’eau par bassin versant ou des sous-unités de bassin. Nous pensons que pour l’efficacité de la gestion de l’eau, l’unité élémentaire (sous-unité de bassin) devrait être le « micro-bassin versant » (échelle locale), capable de rendre compte de toutes les interactions entre les acteurs autour de la ressource en eau. En effet, à l’échelle locale, tous les acteurs (usagers) se connaissent bien, on sait qui fait quoi et les responsabiliser signifie leur donner une identification avec leur ressource en eau. Pour qu’un projet de gestion ait des chances de succès, il faut que les acteurs s’identifient avec ledit projet.

A l’échelle régionale, de par leurs extensions transfrontalières, les grands bassins versants sont très complexes, d’où la presque impossibilité d’être gérés de manière optimale. En effet, la diversité culturelle et ethnique des populations présentes dans les bassins versants fait que l’eau n’a pas la même signification stratégique pour tous les pays riverains.

ii) L’échelle temporelle

Le développement durable préconise de garantir les mêmes chances d’accès aux ressources naturelles et à la qualité de l’environnement, pour les générations présentes et futures. Parler de générations ou plus précisément d’inter-générations implique l’introduction de la notion de temps dans la gestion des ressources et de l’environnement.

Pour les pays du nord, la moyenne de la vie humaine est estimée à 70 ans et la génération à 25 ans (Raffestin, 1985, p. 16). Dans le Tiers-Monde, ces chiffres sont moindres et varient entre les régions d’un même pays. Par exemple, au Pérou, d’après Silverio (1995), dans les régions de la costa (côte) et la selva (forêt amazonienne) l’espérance de vie est d’environ 60-65 ans, tandis que dans la sierra (région de montagne), elle varie entre 45 et 50 ans ; quant à la génération, elle peut se situer entre 15 et 20 ans.

Etant donné la complexité de la dynamique de la population mondiale (taux de natalité variable, phénomènes migratoires, etc.), dans le cadre de la gestion d’une ressource, il est difficile de fixer le nombre d’années pour la durabilité d’une ressource. Néanmoins, la gestion à « long terme » fixée comme échelle temporelle par le concept du DD implique que nous ayons à l’esprit une période allant de quelques dizaines à quelques centaines d’années. D’autant plus que, « l’eau de fonte des glaciers, que l’on boit en plaine aujourd’hui, découle de la fonte de glaces vieilles de 200 à 300 ans. Dans deux siècles environ, on commencera donc à boire l’eau issue de glaces contaminées aujourd’hui » (PNR 31, 1998, p. 21)

iii) Les acteurs

La gestion intégrée de l’eau dans un bassin versant implique la reconnaissance des besoins de tous les acteurs impliqués y compris l’écosystème. Dans l’optique du développement durable, cela indique le partage équitable de la ressource. Or, depuis fort longtemps, les régions de montagne ont été laissées pour compte (comme c’était le cas au Pérou) : marginalisées dans le système économique, politique et social, elles ont subi des retards considérables en matière d’acheminement de l’eau potable et d’assainissement. Parfois, dans la prise de décisions pour l’utilisation des ressources hydriques, ces populations n’ont même pas été consultées. On ne s’est pas soucié de leurs besoins.

Dans ce sens, la gestion intégrée des ressource hydriques par bassin versant implique l’établissement de partenariats entre les divers acteurs : l’Etat et ses institutions, le secteur privé, les ONG, les populations locales, etc. Dans la perspective du développement durable, la gestion de l’eau implique la participation de tous les acteurs ; chacun a un rôle à jouer et son mot à dire dans la prise de décisions. Etant donné la différence d’intérêts des acteurs, la

50 gestion de ce type implique la transparence dans l’information et la non manipulation et exploitation des acteurs paradigmatiques par ceux du type syntagmatiques (par ex. une entreprise d’électricité, soucieuse de faire tourner ses turbines et qui cherche à maximiser ses profits, sans se faire des soucis pour le manque d’eau pour les cultures vivrières). Ou dans des cas où les décisions sont favorables aux acteurs syntagmatiques au détriment des paradigmatiques, on devrait procéder à la compensation économique de ces derniers, sans oublier l’écosystème !

iv) La régulation

La gestion d’une ressource implique des mécanismes de régulation : donc des normes, des règlements, des lois et des limites. Ces éléments régulateurs sont destinés à encadrer la durabilité des ressources en eau dans le temps et l’espace.

Selon Raffestin (1983), le mécanisme de régulation intéresse toutes les sociétés qui y sont confrontées à travers les trois logiques fondamentales qui sous-tendent toutes les activités humaines : les éco-, bio- et socio-logiques ; toute société doit fonctionner, certes, mais aussi se réguler. Cela implique donc des moyens à cette fin. « A cet effet, les collectivités créent, parallèlement à l’information fonctionnelle qui permet de modifier l’environnement naturel et / ou social, une information régulatrice dont l’objectif est d’assurer le maintien et la préservation de l’extériorité et de l’altérité sur lesquelles porte l’action » (Raffestin, 1983, p. 20). Dans le contexte du développement durable, l’information fonctionnelle se réfère aux fonctions qu’accomplit l’eau dans le domaine social et environnemental ; et quant à l’information régulatrice, elle est porteuse des fondements destinés à la durabilité des écosystèmes (extériorité) et des géodiversités (altérités) et doit être la garante des diversités culturelles, surtout dans les régions de montagne où les spécificités culturelles sont riches.

Dans la perspective du développement durable, le mécanisme de régulation dans le domaine de gestion des ressources hydriques doit agir dans les « trois logiques » dont Raffestin (1983) fait mention et garantir l’eau en quantité adéquate et de bonne qualité pour la génération présente (accès à la ressource des plus démunies et le partage entre les acteurs) ainsi que pour les futures générations, y compris les écosystèmes. Cependant, il faut signaler que toute régulation d’ordre social est de nature complexe car la diversité des acteurs (collectivités) implique des intérêts particuliers, d’où la possibilité de conflits entre les acteurs. Il faudra donc penser aussi aux mécanismes de médiations et aux moyens de compensation.

v) L’inventaire des ressources hydriques

Les programmes d’estimation de ressources comportent divers composantes : collection des données hydrologiques ; collection des données sur le bassin versant, dans les domaines de la géologie, végétation et des sols ; l’application de méthodes scientifiques pour l’usage des données dans l’estimation des réserves (WMO/UNESCO, 1991, cité par Bandyopadhyay et al., 1997, p. 136).

La gestion des ressources hydriques dans les zones de haute montagne, implique donc la connaissance de leurs stocks en eau, de la quantité disponible ou potentielle (quantité qui pourrait être exploitée dans le futur). Pour ce faire, il faut établir un inventaire bien détaillé des ressources, et par des techniques appropriées. Il est également fondamental d’obtenir une quantification précise de leur production annuelle en eau douce (Bandyopadhyay et al., 1997, p. 138).

51 Toutefois, l’inventaire des ressources hydriques en milieux de haute montagne s’avère difficile. En effet, « à la difficulté d’accès, de climat et de topographie extrêmes, se combinent les intervalles des valeurs mesurées, les incertitudes dans les performances des instruments et les méthodes d’observation. C’est un test sévère pour l’ingéniosité et l’obstination humaine » (Bandyopadhyay et al., 1997, p. 139). Cependant, vu les difficultés des mesures in situ, des techniques de mesures « indirectes » ont été développés. Par exemple, depuis quelques années, la télédétection satellitaire permet de cartographier les glaciers dans les zones de haute montagne (Alpes, Andes, Himalaya). De même, les relevés topographiques multi-temporels, par théodolite, d’un lac ou d’un front glaciaire, ont été aisément remplacés par le traitement et interprétation des images satellitaires multi-temporelles (Silverio et Jaquet, 2003 et 2005).

3.3. Les contraintes

Selon Maier (1984), 85 % de l’eau douce se concentrent en Antarctique, 12 % au Groenland et 3 % dans les glaciers de montagne de la planète. Cela indique que les grandes réserves mondiales d’eau sont localisées généralement loin des populations. L’utilisation de ces ressources demanderait donc de surmonter cette contrainte de localisation, ce qui engendrerait un coût significatif pour l’acheminement de cette ressource vers les agglomérations urbaines.

De même, pour l’exploitation des ressources hydriques dans les régions de montagne, on doit faire face aux contraintes topographiques et climatiques. Les montagnes du monde ont une topographie accidentée et en même temps, sont de éléments importants du système climatique (Beniston et al., 1997, p. 234). En effet, en induisant une diminution verticale de la température (gradient thermique -6.5 °C/km), c’est cette complexité topographique qui « régule » la production de la biomasse. Les pentes abruptes et la haute altitude sont des éléments caractérisant les régions de montagne (Messerli, Ives et Spiess, 1997, p. 3).

Dans la plupart des régions de montagne, les réserves hydriques sont sous forme solide (glace) ou liquide (lacs) et sont localisées dans le domaine de la haute montagne, éloignées des populations. Leur éloignement est négatif si l’on souhaite leur utilisation directe ou acheminée (canaux d’irrigation, par ex.), mais en revanche, positif dans le domaine de la protection de l’environnement. Par leur éloignement, les glaciers subissent moins de pollution directe. Toutefois, avec la prolifération de l’activité touristique, notamment l’alpinisme, même sur les hautes cimes de l’Himalaya ont déplore de la pollution !

3.4. L’intervention humaine

Dès l’antiquité, l’homme est intervenu sur le cours des rivières, soit pour irriguer des parcelles agricoles ou à cause des besoins domestiques. Toutefois, ces interventions ont eu comme conséquence des déséquilibres dans les écosystèmes, voire la disparition de la biodiversité. Un exemple est le cas de la mer d’Aral, à la frontière entre le Kazakhstan et l’Ouzbékistan (dans l’Asie centrale), dont les affluents ont été détournés pour irriguer les plantations de coton durant l’époque soviétique. Selon Lloyd-Roberts et Anbarasan (2006), dès les années 60, avec le détournement des fleuves Amou-Daria et Syr-Daria, pour irriguer le coton et les autres cultures, la mer d’Aral a commencé son reflux. C’est ainsi qu’entre 1960 et 1990, la zone irriguée en Asie centrale est passée de 3,5 à 7,5 millions d’hectares et la région est devenue le quatrième producteur mondial de coton. Pendant les années 80, cette mer intérieure a reçu 10 fois moins d’eau douce qu’en 1950. Elle a perdu la moitié de sa superficie et le tiers de son volume. La salinisation de ses eaux a eu comme conséquence la disparition de la flore et faune marine, ravageant au passage l’activité de la pêche. L’assèchement de la mer d’Aral à laissé découvert 36 000 km2 de fonds marins,

52 recouvert de sels que le vent emporte très loin et dépose sur des milliers d’hectares de terres arables. En plus, des pesticides et des engrais se sont infiltrés dans l’eau et les canaux d’irrigation, en contaminant les aliments et l’eau potable, et menaçant la santé de cinq millions de personnes.

L’exemple de la mer d’Aral montre clairement que les interventions humaines dans les cours d’eau peuvent être néfastes pour les écosystèmes ainsi que pour les populations. C’est un exemple typique d’une « gestion » de l’eau envisagée de manière sectorielle. Bien entendu, ceci reflète la vision d’une époque.

D’après le GIEC (2001), le changement climatique induit un déséquilibre tant au niveau temporel que spatial des précipitations dans notre planète. Face à cette situation, pour assurer leur consommation, les populations devront envisager de stocker l’eau. Cela signifiera le boom des barrages, car ceux-ci sont les plus communs des réservoirs. Dans cette perspective, les régions de montagne ne devraient pas être épargnées. Cependant, si ces interventions ne devaient pas tenir compte de l’aspect multi-fonctionnelle de l’eau, il est fort probable qu’elles compromettraient les écosystèmes de montagne et, par conséquent, la biodiversité et même la vie humaine dans ces régions.

En haute montagne, comme c’est le cas dans les Alpes suisses et françaises, la génération de l’énergie hydraulique a demandé la construction de barrages. Dans les deux cas, les dégâts ont été limités, car les lois sur la protection de l’environnement étaient bien implémentées ; un minimum de volume dans les cours d’eau a été garanti, afin de préserver le fonctionnement des écosystèmes (biotopes). Cependant, ce n’est pas le cas dans beaucoup de pays montagneux, car les lois sur la protection de l’environnement font encore défaut.

Selon Sahagian (1999), l’action humaine (avec la construction des barrages) aurait deux types d’influence dans la distribution et l’échange des eaux entre le continent et l’océan. Globalement, les barrages ont un effet positif, car en « séquestrant » de l’eau ils réduisent l’élévation du niveau de la mer. Cependant, à l’échelle du bassin versant, les conséquences sont moins positives, car ces ouvrages affectent le drainage, le transport de sédiments et les nutriments dissous, ainsi que le niveau des nappes phréatiques. Par conséquent, ils compromettent les écosystèmes.

Ainsi, les réserves d’eau continentales (et donc le niveau de la mer) peuvent-elles varier à la suite de l’extraction d’eaux souterraines, de la construction de réservoirs, de modifications du ruissellement et de l’infiltration vers les aquifères profonds d‘eau stockée dans les réservoirs ou d’eaux d’irrigation. Ces facteurs pourraient neutraliser une bonne part de l’accélération prévue de l’élévation du niveau de la mer due à la dilatation thermique et à la fonte des glaces (GIEC, 2001, p. 30).

Bien que dans une optique globale la construction de barrages soit positive, dans les régions de montagne, ce type d’ouvrages peut s’avérer dangereux. En effet, sous l’effet de secousses sismiques, ces barrages peuvent céder produisant une catastrophe en aval. Ceci est particulièrement vrai dans la mesure où les plus grands massifs du globe (Andes, Himalaya) sont localisés dans les zones sismiques les plus actives.

La disparition de la mer d’Aral montre comment l’intervention humaine est au cœur des grands bouleversements des écosystèmes. C’est ainsi que les projets (par ex. l’irrigation) censés améliorer les conditions de vie d’une région, peuvent induire s’ils sont mal gérés, des conséquences négatives pour celle-ci, voire les autres régions limitrophes. Le progrès peut se tourner contre l’homme lui même : contamination des aliments et de l’eau potable par l’usage des pesticides dans l’agriculture moderne (cas de la mer d’Aral).

53 Avec nos activités industrielles nous sommes en train de déséquilibrer le fonctionnement de notre planète : les pluies acides sont une menace pour nos forêts ; le smog porte atteinte à la santé des populations des villes. Si quelques décennies en arrière ces phénomènes étaient propres aux pays industrialisés, avec la mondialisation économique, ils sont en train de devenir des phénomènes globaux. C’est ainsi que, depuis quelques années, nous assistons à la délocalisation, notamment vers la Chine, de la production de biens de consommation mondiale. Nos ordinateurs ne sont plus fabriqués aux Etats-Unis ni au Japon.

Au Pérou, en 1906 a vu le jour le premier ouvrage pour irriguer la côte désertique (vallée d’Ica). A partir de cette date, les gouvernements successifs ont voulu le développement du pays sur la base de l’agriculture d’exportation, d’où l’impulsion des projets d’irrigation dans la région côtière. Certes, grâce à ces projets, la surface de terres agricoles s’est accrue. Cependant, on n’avait pas prévu que cette maîtrise technologique hydraulique (barrages et canaux) et agricole pourrait avoir aussi des conséquences négatives. Tout d’abord, avec le détournement des rivières, les écosystèmes fluviaux ont péri ; ensuite, l’usage des engrais inorganiques a induit une salinisation de ces nouvelles terres agricoles et de la nappe phréatique. Aujourd’hui, ces terres gagnées à coups de millions de dollars (environ US $ 10'000 / ha) empruntés aux sociétés financières mondiales, notamment la Banque Mondiale, ne servent plus pour la production des denrées agricoles, et leur remise en état devraient encore coûter entre US $ 3'500 et 5'000 par ha.

Vers 1850, le Pérou a commencé l’exportation du guano (engrais naturel que les Incas avaient su utiliser avec parcimonie). Par la suite et pendant plusieurs décennies, c’est le guano qui a garanti le fonctionnement de l’Etat péruvien. Des les années 1950, avec le développement de la farine et de l’huile de poisson (à base d’anchois) le pays a connu son deuxième miracle économique. Le pays est devenu le premier producteur mondial de farine de poisson et ceci a conduit à la pêche massive d’anchois ; en 1970, la prise de cette espèce représentait plus de 12 millions de tonnes. La pêche intensive a eu comme conséquence un déséquilibre dans le renouvellement de la population d’anchois et la disparition, entre autres, de la bonite et des « aves guaneras » (oiseaux marins dépositaires du guano). Le résultat a été : plus de guano, ni de farine de poisson, donc plus de devises pour le pays ! Avec le phénomène d’El Niño de 1972/1973 et de 1982/1983, l’activité de la pêche a été anéantie, et le déséquilibre dans la chaîne trophique a été amplifié, faisant craindre le pire (la disparition d’autres espèces marines).

L’exemple péruvien montre clairement que l’intervention humaine, sous forme de construction d’ouvrages ou exploitation intensive des ressources, est porteuse de grands déséquilibres. Nous ne connaissons pas le seuil de tolérance de la biosphère à nos actions et à nos déprédations.

Finalement, la société moderne, bien que maîtrisant la science et la technologie, ne prévoit pas volontiers les conséquences négatives de ses actions sur la biosphère. L’homme semble être le seul maître de la planète, désirant disposer de ses ressources en temps et quantité voulus, sans se soucier des autres espèces vivant sur terre, voire en rejetant ses déchets dans cette « maison » commune à toutes les espèces.

4. Phénomène du retrait glaciaire

Généralement, les ressources hydriques des régions de montagne sont sous forme solide (glace) stockées dans les glaciers. La fonte de ces derniers alimente les lacs et les rivières, et, au passage, les populations et les écosystèmes. Dans la perspective de la gestion durable de ces ressources, il est important donc de connaître l’évolution des glaciers dans le temps et l’espace, et leur réaction face au réchauffement climatique. C’est en connaissant cette évolution que l’on pourra faire des prévisions et prendre des décisions appropriées.

54

A l’exception de l’Australie, les glaciers existent sur tous les continents, « dispersés » sous toutes les latitudes, depuis les tropiques jusqu’aux pôles. Le retrait des nombreux glaciers durant les dernières décennies est fréquemment mentionné comme un signal clair et sans ambiguïté du changement climatique (Oerlemans, 2005, p. 675). En effet, les glaciers réagissent à la variation de la température, des précipitations et de la radiation solaire (Hall et Fagre, 2003). Pour cette raison, ils peuvent servir d’indicateurs de changements du climat régional (Hall, 2002). Les glaciers réagissent aux conditions climatiques régionales et cette réponse est fonction de leur géométrie et dimensions, d’où la réponse hétérogène des glaciers selon les régions du globe (Kargel et al., 2005, p. 188). Toutefois, les changements ne sont pas perceptibles d’année en année, mais dans l’intervalle de plusieurs décennies.

Selon Oerlemans (1994), le temps de réaction (réponse) des glaciers du type vallée aux effets du changement climatique varie entre 10 et 50 ans ; cependant, le temps de réponse effective doit être, probablement, de 25 ans.

Durant la saison estivale, dans diverses parties du monde, les glaciers de montagne assurent la fourniture de l’eau aux populations et à l’agriculture, et permettent également la génération de l’énergie. Le retrait global des glaciers de montagne aura donc des conséquences directes pour l’humanité, puisque 50% de l’eau douce consommée annuellement dans le monde provient des montagnes (Hall et Fagre, 2003, p. 131).

Globalement, les glaciers de montagne ont souffert du retrait depuis la dernière partie du XIXe siècle (fin du Petit Age Glaciaire) [Hall et al., 1995]. Durant les décennies ‘80 et ‘90, le phénomène s’est accéléré, principalement dans les régions tropicales, où certains d’entre eux ont complètement disparu (Kaser et al., 2003).

Oerlemans (1994) cite 48 exemples du retrait glaciaire dans le monde (tableau 7). Il s’agit du retrait moyen du front des glaciers observés et qui n’est pas partout homogène.

Région Nombre des glaciers Période Retrait moyen (m/an) Rocheuses 24 1890 - 1974 -15.2 Spitzberg 3 1906 - 1990 -51.7 Islande 1 1850 - 1965 -12.2 Norvège 2 1850 - 1990 -28.7 Alpes 4 1850 - 1988 -15.6 Asie centrale 9 1874 - 1980 -9.9 Irian Jaya 2 1936 - 1990 -25.9 Kenya 2 1893 - 1987 -4.8 Nouvelle Zélande 1 1894 - 1990 -25.9

Tableau 7 : Exemple du retrait glaciaire dans quelques régions du monde (d’après Oerlemans 1994, p. 243)

Paul et al. (2004) ont analysé le changement de 930 glaciers dans les Alpes, par rapport à l’inventaire de 1973. Entre 1985 et 1999, ces glaciers auraient subi une perte de 18% de leur superficie, soit un retrait de -1.3% par an ; le volume de la perte représenterait 25 km3.

Entre 1986 et 2002, dans la péninsule Nord de l’Antarctique, 313 glaciers ont été étudiés, 40 (13%) d’entre eux ont présenté une avancée, le gain représentant 7.1 km2 ; 171 (55%) ont subi un retrait, ce qui est équivalent à une perte de 146.1 km2 et, finalement, il n’y a pas eu de changement dans 102 cas (33%) (Kargel et al., 2005, p. 202). Cela démontre bien que les glaciers ne répondent pas d’une manière homogène au changement global, mais en fonction de leurs dimensions et des conditions du climat local et régional. Dans le Karakoram

55 (Pakistan), le glacier Liligo, un tributaire du glacier Baltoro, a fait une avancée entre 1978 et 2001, tandis que les autres glaciers de la région ont subi une perte de leur couverture glaciaire (voir Kargel et al., 2005).

Pour les Andes tropicales péruviennes, Brecher et Thompson (1993) signalent le retrait, entre 1963 et 1991, du Qori Kalis, une langue glaciaire de la calotte Quelcaya, localisé à 14° S / 71° O, dans la région de Cuzco (tableau 8).

Période Nombre d’années Retrait moyen (m) Retrait (m/an) 1963 - 1978 15 75.5 4.87 1978 - 1983 5 41.6 8.22 1983 - 1991 8 112.9 13.82

Tableau 8 : Retrait du front glaciaire de Qori Kalis, entre 1963 et 1991 (source : Brecher et Thompson, 1993, p. 1020)

D’après le tableau 8, par rapport à la période de base (1963-1978), le retrait a pratiquement doublé durant la période 1978-1983 et s’est accéléré entre 1983 et 1991. A partir de la dernière période, le retrait a continué s’accentuer, la glace laissant place à un lac (figure 14).

Figure 14 : Retrait glaciaire du Qori Kalis entre 1978 (à gauche) et 2000 (à droite). (Source : http://researchnews.osu.edu/archive/andespics.htm )

4.1. Causes possibles du retrait glaciaire

L’augmentation anthropique de la concentration de dioxyde carbonique et d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère a été reconnu comme la première cause du changement climatique (GIEC, 2001). Ce changement se manifeste notamment par une élévation de la température et la variation des précipitations qui, à leur tour, affectent les glaciers. A l’échelle continentale, les fluctuations des glaciers, qui vont des décennies aux siècles, sont induits principalement par la variation de la température (Oerlemans, 2005, p. 676).

D’après le GIEC (2001), depuis le milieu des années 70, le réchauffement climatique serait à la base des épisodes plus fréquents et intenses du phénomène d’El Niño (ENSO : El Niño Southern Oscilation / El Niño oscillation australe), qui affecte les variations régionales des

56 précipitations et des températures dans la plupart des zones tropicales et sub-tropicales et dans certaines zones de moyenne latitude.

Le phénomène El Niño serait à l’origine du retrait glaciaire dans les Andes tropicales. En général, pendant El Niño, les précipitations baissent de 10 % à 30 % (IRD, 2005a) et, surtout, dans le secteur sud andin du Pérou, la tendance est à la sécheresse (Garreaud et al., 2003, p. 12).

Selon Francou et al. (2004), durant les événements d’El Niño, le bilan de masse des glaciers tropicaux andin est négatif. Comme conséquence du réchauffement de l’atmosphère de 1 °C à 3 °C, la limite pluie-neige sur les glaciers s’élève de 200 à 300 m ; donc, suite au manque de couverture neigeuse, l’albedo des glaciers est moindre et par conséquent la fonte s’accélère (IRD, 2005). La limite pluie-neige étant montée plus haut, cela indique que sur les parties basses des glaciers, les précipitations ne sont plus sous forme solide !

4.2. Conséquences du retrait glaciaire

Dans le monde, nombreuses sont les régions de montagne qui sont tributaires des glaciers. Pour ces régions, leur disparition aurait un impact socio-économiques significatif, allant de l’eau potable, en passant par l’agriculture et les centrales hydroélectriques, jusqu’aux menaces sur les propres écosystèmes de montagne. La disparition des glaciers aura un impact significatif sur l’hydrologie des régions de montagne et laissera de nouveaux terrains pour la colonisation des plantes (Hall et Fagre, 2003, p. 131). Suite à la disparition des glaciers, on aura donc des changements dans les conditions des écosystèmes de montagne.

D'après Kargel et al. (2005), avec l’accélération du changement climatique dans les 50 prochaines années, l’altitude de la ligne d’équilibre (ELA : Equilibrium-line altitude) des glaciers devrait remonter de 125 m. Cela indique que dans les prochaines décennies la couverture glaciaire devrait encore diminuer.

Selon Meier (1984), la fonte des glaciers de montagne du monde, qui représentent 3% du total (Antarctique 85% et Groenland 12%) devrait avoir une contribution de 25 cm sur l’élévation du niveau marin durant les prochains 100 ans. Un tel phénomène, associé à la dilatation thermique des océans suite à l’augmentation de la température et à la fonte des calottes glaciaires, devrait être l’une des principales causes de l’élévation du niveau de la mer au cours du XXIe siècle. Toutefois, quelques facteurs, tels que la construction des réservoirs (barrages), des modifications du ruissellement et l’infiltration dans les aquifères profonds pourraient neutraliser, en partie, l’élévation du niveau de la mer (GIEC, 2001, p. 30).

En outre, dans beaucoup de régions de montagne, le retrait glaciaire est souvent associé à la formation de lacs (figure 14). Le débordement de ces lacs représente un danger potentiel pour les populations en aval et pourrait ainsi compromettre encore leur développement. Cela indique que la gestion des ressources hydriques dans ces régions devra également tenir compte des aléas naturels liés aux glaciers (avalanches, débordement des lacs, etc.).

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62 IV. CONCLUSION DE LA PARTIE THEORIQUE : SIG, Analyse systémique, développement durable et écosystèmes de montagne

Les écosystèmes de montagne, étant très peu anthropisés, sont considérés comme des milieux encore naturels. Ces régions concentrent des ressources (bois de chauffage, eau, etc.) et de la diversité culturelle, tout en offrant des services environnementaux aux populations. Même si ces régions sont faiblement densifiées, il y existe bel et bien des interactions avec l’altérité (rapports entre les divers acteurs/collectivités présents dans un écosystème de montagne) et avec l’extériorité (rapports que les acteurs entretiennent avec leur environnement naturel, via l’exploitation des ressources naturelles).

Le résultat de l’interaction entre l’écosystème de montagne et les acteurs (système socio- économique) est l’utilisation du sol, liée aux pratiques humaines (type d’agriculture ou d’activités économiques), à l’intensité d’usage des ressources et à l’organisation spatiale (aménagement du territoire).

Les écosystèmes de montagne font partie des juridictions administratives d’un district, d’une province ou d’un pays. Ils appartiennent donc à un territoire, où il existe des rapports entre les divers acteurs. Toutefois, ces rapports ne sont pas visibles à l’œil nu, mais à l’aide de l’analyse systémique, il est possible de représenter ces interrelations, par exemple autour des ressources hydriques.

Les régions de montagne sont des réservoirs d’eau, d’énergie et de diversité biologique. La plupart d’entre elles ont un faible développement économique et social. Pour cette raison, l’AGENDA 21 préconise leur développement d’une manière durable : en luttant contre la déforestation et la pollution de l’eau douce, en promouvant un développement agricole et rural durable, en préservant la diversité biologique, en luttant contre la pauvreté et en renforçant le rôle des populations indigènes.

Les ressources hydriques (eaux douces) qui naissent dans les écosystèmes de montagne ont un rôle fondamental à jouer dans le développement durable de ces régions ainsi que pour celles localisées dans le bassin versant d’une rivière ou d’un fleuve. Ces ressources permettent de satisfaire les besoins en eau potable, en eau d’irrigation et pour la génération de l’électricité. Toutefois, les changements climatiques survenus ces trois dernières décennies ont eu des répercussions négatives sur les sources « permanentes » (les glaciers). En effet, le retrait glaciaire ne garantit plus comme autrefois le régime régulier des rivières, notamment durant la saison sèche. A cela s’ajoute le détournement des cours de rivières à des fin agricoles, qui met en péril d’autres écosystèmes (exemple : mer d’Aral).

L’AGENDA 21 encourage la gestion des ressources hydriques par bassin versant. Dans ce contexte, les SIG se présentent comme un outil de gestion approprié car ils permettent la saisie, la validation, le stockage et l’analyse des informations sur ces ressources. D’autres applications des SIG dans les régions de montagne sont la prédiction des aléas naturels (glissements de terrain, avalanches, etc.) et les études d’impact sur l’environnement.

En outre, dans les régions de montagne, caractérisées par une topographie complexe et des conditions climatiques extrêmes, la télédétection satellitaire permet de cartographier la couverture végétale, les aléas naturels, l’évolution de la couverture glaciaire et les impacts anthropiques sur l’environnement. En connaissant l’évolution de la couverture glaciaire, il est possible de quantifier les réserves hydriques à une date donnée et ce d’autant plus que, durant la saison estivale, les glaciers garantissent de l’eau aux populations et aux écosystèmes andins.

La télédétection satellitaire s’avère un outil puissant pour la mise en valeur des ressources des régions de montagne, notamment les ressources hydriques, et aussi pour un suivi de

63 l’impact sur l’environnement des grandes activités minières à ciel ouvert. Toutefois, les informations obtenues par cette technique doivent être intégrées dans un SIG afin d’être mises en relation avec les informations socio-économiques et environnementales. C’est ainsi que ce SIG va constituer un outil précieux d’aide à la décision.

64

65

66 V. LE SYSTEME CORDILLERA BLANCA

1. Représentation systémique

1.1. Eléments composant le système Cordillera Blanca

La figure 5 de la partie II a été adaptée pour représenter le système Cordillera Blanca. Ce dernier est composé d’un écosystème régional et d’un système socio-économique régional. L’intersection de ces deux systèmes est reflétée par l’utilisation du sol, qui n’est autre que l’interface visible de l’interaction entre l’activité humaine et l’écosystème régional (figure 15).

Limites dans un contexte régional Ecosystème et utilisation du sol Systèmes socio-économiques et utilisation du sol

ECOSYSTEME CB UTILISATION DU SOL SYSTEME SOCIO-ECONOMIQUE CB

Ressources Type et intensité d’utilisation abiotiques du sol affectant l’écosystème CB: Système Géologique: minerais Système Climat local-régional politico- économique Eaux Thermales administratif Eaux de surface écosystème naturel: PNH Sols Services écosystème peu anthropisé: environnementaux: Zone tampon paysage, réservoirs d’eau ... écosystèmes agricoles de subsistance zones de pâturage Système Ressources Système socio- infrastructures urbaines; socio- biotiques démographique touristiques: écoles, routes, culturel Plantes médicinales station d’eau potable; refuges INFLUENCES ECOLOGIQUES EXTERNES ECOLOGIQUES INFLUENCES Animaux

Facteurs internes EXTERNES SOCIO-ECONOMIQUES INFLUENCES

Facteurs externes

Figure 15 : Représentation systémique de la Cordillera Banca ; les flèches signifient les interactions entre les divers systèmes et sous-systèmes

1.1.1. Ecosystème Cordillera Blanca

L’écosystème Cordillera Blanca fournit deux types de ressources à la région : a) Ressources abiotiques, comprenant :

• Ressources géologiques : divers types de minerais, d’où la présence de plusieurs projets miniers dans la région. • Eaux souterraines : diverses sources thermales, dont les plus connues et touristiques sont celles de Monterrey et de Chancos. • Climat local et régional : sous l’effet de la topographie et de l’altitude, il y a la présence de divers microclimats dans la région. • Eaux de surface : les glaciers, les lacs et les rivières sont des sources pour l’eau potable, la culture maraîchère, l’irrigation et la génération de l’électricité. • Sol : sert comme support à la biodiversité (flore, faune) et à l’habitat des populations.

67

• Services environnementaux : le paysage sert d’espace d’épanouissement ; les lacs servent de réservoirs pour le stockage de l’eau pour générer l’électricité durant la saisons sèche b) Ressources biotiques, composées de :

• La flore, qui fournit du bois de chauffage, du fourrage pour le bétail, de la matière première pour l’artisanal local, diverses plantes médicinales et des plantes uniques comme la Puya Raymondi. • Faune : la Cordillera Blanca préserve une grande variété d’espèces d’oiseaux, parmi lesquelles le condor, une espèce en voie d’extinction. Chez les mammifères, on trouve des espèces protégées au niveau national comme la vigogne. Certaines des rivières fournissent des truites pour la consommation locale.

1.1.2. Utilisation du sol

L’activité humaine, liée au système socio-économique régional exerce, par ses diverses pratiques (par exemple type d’agriculture : mécanisé ou traditionnelle) une rétro-action sur la Cordillera Blanca. D’où l’existence de certaines formes d’écosystèmes (naturel, peu anthropisés et urbain), qui se différencient par l’utilisation et l’occupation du sol.

• Ecosystèmes naturels : constitué par le Parc National Huascarán (PNH), qui est voué à la protection du paysage et de la biodiversité. • Ecosystèmes peu anthropisés : c’est l’aire-tampon autour du PNH, généralement habitée par les communautés indigènes (comunidades campesinas) ; c’est une aire caractérisée par une faible densité de population, une activité agricole traditionnelle et une grande richesse culturelle. • Ecosystèmes agricoles semi-mécanisés (vallée de Callejón de Huaylas), qui fournissent des produits agricoles (notamment des légumes) pour le marché régional. • Ecosystèmes de pâturage (quebradas), où des milliers d’animaux pâturent en liberté (bovins, ovins, chevaux) ; dans la zone-tampon entourant le PNH, l’activité d’élevage est aussi très répandue. • Système urbain, qui est composé des villes localisées entre les vallées de Callejón de Huaylas et de Conchucos

1.1.3. Le système socio-économique

Le système socio-économique de la Cordillera Blanca est composé de quatre sous- systèmes : a) Système poltico-administratif, comprenant :

• La région : gouvernement régional • La province : gouvernement local • Les districts : gouvernement local • Les centros poblados : gouvernement communal

68 b) Système économique : il peut être résumé en entités et activités.

• Entités, fournissant des postes de travail

Transnationales : Egenor (production d’électricité) ; Antamina et Pierine (mines) Nationales : Hidrandina S.A. (commercialisation de l’électricité) Etatiques : gouvernement régional et local ; directions régionales des divers ministères (éducation, santé, agriculture, etc.) Privées : centres de formation (universités, écoles, etc.) Entreprises familiales : boulangeries, producteurs de miel, hôtels, restaurants, commerçants, etc.

• Activités économiques

Agriculture : principale activité de la région. Extraction : à la fin des années ‘90, 38 petites mines ont été répertoriées à l’intérieur du PNH. Tourisme. Commerce. Services (banques), qui sont peu développés. c) Système socio-démographique, caractérisé par :

• L’espérance de vie • Le taux de natalité • La mortalité infantile • Le taux de vieillissement • La proportion de population urbaine et rurale • L’immigration / émigration

d) Système socio-culturel : c’est la diversité culturelle, représentée par les groupes ethniques établis sur les divers versants de la Cordillera Blanca et à diverses altitudes.

1.2. Mise en relation des éléments du système Cordillera Blanca dans une approche systémique

Dans cette partie, nous privilégions l’interaction horizontale entre l’écosystème Cordillera Blanca et le système socio-économique régional. L’utilisation du sol est, en quelque sorte, l’interface « visible » de cette interaction.

En effet, toute intervention humaine sur un écosystème s’inscrit dans l’espace et le temps. De même, tout changement dans les conditions du système socio-économique régional a des conséquences dans l’écosystème régional. Pour illustrer les interactions entre les sous- systèmes, nous prenons l’exemple de l’activité minière.

Au Pérou, pour toute exploitation minière, c’est le gouvernement central de Lima qui donne les autorisations. Sa décision représente donc une influence socio-économique externe pour les régions où sont localisées les mines, telle que la région Ancash.

La mise en œuvre des méga-projets miniers de Pierina et d’Antamina a induit des conséquences autant favorables que négatives dans le système socio-économique Cordillera Blanca (figure 16).

69

SYSTEME SOCIO-ECONOMIQUE CORDILLERA BLANCA

Recette fiscale Système Système politico- économique Avantage fiscal administratif

Recette fiscale Main d’oeuvre

Main d’œuvre Conflits sociaux PME

Migration Pression

Nouvelles infrastructures AUTORISATION POURL’EXPLOITATION MINIERE Pression Système Système socio- socio- démographique culturel Migration

Figure 16 : Développement de l’activité minière et conséquences sur le système socio- économique régional ; les flèches indiquent les interactions

Le développement de l’activité minière a redynamisé l’économie régionale et la distribution des revenus a suscité la confiance chez les consommateurs, ce qui a eu des conséquences sur les autres sous-systèmes du système socio-économique régional : i.- Le boom de l’activité minière a attiré la migration. ii.- Le flux migratoire a impliqué l’augmentation de la population. iii.- Comme tout le monde ne pouvait pas travailler dans les mines, une partie de la population a créé des PME qui, à leur tour, sont devenues de nouveaux contribuables. iv.- L’immigration ayant fait « sauter » les capacités des services, le système politico- administratif a dû créer de nouvelles infrastructures (par ex. stations d’eau potable, système d’assainissement, car de nouveaux quartiers se sont développés).

Actuellement (2006), l’avantage fiscal pour les PME consiste seulement en l’étalement de leur délai de paiement des impôts, tandis que les transnationales (Pierina et Antamina) sont exemptées de tout imposition. v.- Les communautés indigènes (qui représentent la diversité culturelle) ont subi des pressions venant des systèmes économique et démographique. Elles ont été contraintes de vendre leurs terres aux mines, aux PME ou à des particuliers ; ensuite elles ont été contraintes à émigrer ou à devenir la main d’œuvre des nouvelles PME. vi.- La pression du système politico-administratif sur les communautés indigènes, dans certains cas, se traduit par la confiscation de terres, ce qui peut générer des conflits sociaux.

Tous ces changements dans le système socio-économique régional, dus au démarrage de l’activité minière, ont des conséquences sur l’écosystème Cordillera Blanca. Cela se traduit par des changements dans le paysage, l’érosion des sols, les menaces sur la biodiversité, la

70 pression sur les autres ressources (notamment l’eau et le sol), et les problèmes environnementaux (augmentation du volume des déchets urbains, pollution de l’eau et des sols).

Les méga-projets miniers Pierina et Antamina sont à ciel ouvert, impliquant que les poussières minières peuvent constituer un danger potentiel pour les populations, ainsi que pour l’écosystème Cordillera Blanca. En effet, les particules fines transportées jusqu’aux glaciers, pourraient piéger le rayonnement solaire et par conséquent, contribuer à l’accélération du retrait glaciaire.

2. Aspects physiques

2.1. Situation géographique et dimensions

La Cordillera Blanca (CB) ou Yurak Janka (en quechua) est localisée entre les coordonnées géographiques 08° 30’ – 10° 10’ S / 77° 00’ – 78° 00’ O, dans le département d’Ancash (Pérou), à 400 km au nord de Lima ; ses dimensions sont d’environ 180 km de longueur et 30 km de largeur (figure 17). En 1975, 3 400 km2 de son territoire ont été déclarés Parc National Huascarán (PNH), reconnu par l’UNESCO, en 1985, comme faisant partie du « Patrimoine Naturel de l’Humanité » (UNESCO, 2006a ; PNH, 1990).

Cette cordillère concentre plus de deux cents sommets dépassant 5000 m, parmi lesquels 27 sont supérieurs à 6000 m d’altitude, dont l’Huascarán Sur (6768 m), point culminant du Pérou, et également de nombreux lacs et vallées glaciaires (Silverio, 2001). Elle est orientée NO-SE, parallèle à la Cordillera Negra et à la vallée de Callejón de Huaylas.

Figure 17 : Carte de localisation de la zone d’étude au niveau Pérou (gauche) ; la Cordillera Blanca et le Parc National Huascarán (droite). Adaptation d’après Silverio et Jaquet, 2005

71 2.2. Découpage spatial

Dans le cadre de son programme Hommes et Biosphère (MAB), l’UNESCO a déclaré la Cordillera Blanca, en 1977, comme étant la Réserve de la Biosphère (UNESCO, 2006b). Cette réserve inclut la zone « noyau » (représenté par le PNH), entourée d’une zone-tampon (Zona de Amortiguamiento) et d’une zone de transition (figure 18).

Figure 18 : A gauche, les zones « noyau » (PNH) [contour bleu], tampon (contour vert) et de transition (contour orange) [adaptation d’après INRENA, 2000] ; à droite, limites du PNH et de la zone tampon (d’après INRENA, 2001)

D’après INRENA (2003a), le PNH est destiné à la protection de la biodiversité et de l’environnement naturel ; la zone-tampon est une enveloppe protégeant le parc et destinée au développement de l’écotourisme. La zone transition est destinée au développement urbain, à l’activité commerciale et aux infrastructures touristiques.

Dans la zone-tampon sont localisés la majorité des villages qui entourent la Cordillera Blanca sur les versants est et ouest. La zone de transition englobe les vallées de Callejón de Huaylas et de Conchucos, où se concentrent les principales villes et les chefs-lieux des districts.

En incluant ses trois zones (PNH, tampon et transition), la Réserve de Biosphère Huascarán couvre une superficie supérieure à 11'500 km2 (tableau 9). Toutefois, la superficie des zones- tampon et de transition divergent d’une source à l’autre.

72 Source PNH (Zone noyau) Zone tampon Zone de transition Réserve Biosphère 2 2 (km2) (km ) (km2) Huascaran (km ) PNH (1990) 3’400 2’880 / INRENA (2000) 3’400 2’594 5’771 11’765 INRENA (2003a) 3’400 1’700 / UNESCO (2006a) 3’400 592 / UNESCO (2006b) 3’400 1’702 6’456 11’558

Tableau 9 : Superficie des zones faisant partie de la Réserve Biosphère Huascarán

Bien que la Réserve de Biosphère Huascarán (RBH) existe depuis 1977, les limites extérieures ne sont pas encore bien définies. En 2000, l’INRENA a établi une carte de zonage pour la RBH (figure 18, à gauche), comprenant les zones PNH, tampon et transition. Cependant, en 2001, la même institution n’a reconnu que les limites de la zone-tampon. On peut se demander si les milieux économiques ont fait pression, vu que les deux méga- projets miniers sont localisés dans la zone transition, non loin du PNH : Pierina 9 km, à l’ouest ; Antamina 18 km à l’est.

Seules les limites de PNH sont reconnues avec certitude. Il y a un certain flou dans la délimitation d’autres zones de la RBH. Par exemple, le document officiel d’INRENA (2001) n’indique pas la superficie de la zone-tampon ; il se borne seulement à la description de la localisation des points censés représenter les bornes (figure 18, à droite). Il faut remarquer aussi, qu’après presque 30 ans d’existence de la RBH, il n’y a pas une politique d’aménagement du territoire qui pourrait, dans l’avenir, aider au développement durable de la région.

2.3. Contrainte topographique et altitude

Le trait principal de cette zone est sa topographie très complexe et accidentée, caractérisée par les versants très escarpés des montagnes et par la présence de vallées étroites et profondes, localement appelées quebradas, qui se situent entre les sommets et sont transversales aux vallées de Callejón de Huaylas et de Conchucos.

Dans la vallée de Callejón de Huaylas, sur 160 km, entre Huallanca (1420 m) au nord et le lac Conococha (4030 m) au sud, il y a une dénivellation de 2610 m. Cependant, entre les principales villes, localisées au fond de la vallée de Callejón de Huaylas, et les plus hauts sommets de la Cordillera Blanca, les dénivellations sont supérieures à 4000 m, sur une dizaine de km. Toutefois, les différences d’altitude les plus marquées sont localisées entre les quebradas et les sommets avoisinants : entre 2500 et 3200 m sur moins de 5 km ! (Silverio, 2001 et 2003a). Quant aux pentes, les valeurs minimales, entre 0° et 5°, sont généralement localisées dans les fonds des vallées et les escarpements de plus de 45°, sur les flancs des sommets de la Cordillère (Silverio, 2003a, p. 8).

L’altitude de la région d’étude varie entre 1130 m et 6 768 m. Les parties basses sont localisées dans la partie nord, vers Huallanca (centrale hydroélectrique Cañon del Pato) et les parties hautes sur les sommets de la Cordillera Blanca, dont Huascarán Sur (6 768 m).

73 2.4. Système hydrographique : glaciers, lacs et rivières

Le système hydrographique de la Cordillera Blanca est composé de glaciers, de lacs et de rivières, qui se distribuent entre les bassins versants de Rio Santa, Rio Marañon et Rio Pativilca. Les glaciers, qui s’étalent sur environ 180 km (figure 3, droite), alimentent de nombreux lacs glaciaires et donnent naissance aux rivières.

2.4.1. Glaciers

Selon HIDRANDINA (1988), en 1970, la Cordillera Blanca comptait 711 glaciers, dont la superficie était estimée à 721 km2 ; l’épaisseur moyenne de la glace était de 26.3 m et le volume 23 km3 (tableau 10). Nonante-et-un % des glaciers ont été classés de type montagne, caractérisés par leur petite taille, mais avec des pentes très raides ; le reste est classifié comme étant des glaciers de vallée ; quatre sont des glaciers couverts (Morales, 1998, p. 156).

Bassin versant N° de glaciers Aire (km2) Epaisseur moy. (m) Volume (km3) Rio Santa (Pacifique) 505 501 28.4 15 Rio Marañon (Atlantique) 192 216 33 7 Rio Pativilca (Pacifique) 14 4 17.6 1 Total 711 721 26.3 23

Tableau 10 : Distribution des glaciers par bassin versant en 1970 (source : Hidrandina, 1988, p. 24-25)

Parmi ces glaciers, 663 étaient localisés à l’intérieur du Parc National Huascarán, dont l’ensemble couvrait une superficie de 693.7 km2 et avait un volume de 22.5 km3 (tableau 11).

2.4.2. Lacs

La Cordillera Blanca abrite des centaines de lacs. Selon Electroperú (1974), jusqu’à l’année 1973, 267 lacs ont été répertoriés, parmi lesquels 192 étaient localisés dans le bassin versant de Rio Santa et 75 dans celui de Rio Marañon ; trente-neuf lacs du premier groupe et treize autres du deuxième avaient un volume supérieur à 1x106 m3.

D’après Ames (1988) et Parc National Huascarán (PNH) [1990], le nombre de lacs à l’intérieur du Parc Huascarán serait de 296, dont 195 localisés dans le bassin versant du Rio Santa et 101 dans celui de Marañon (tableau 11). Le bassin versant du Rio Pativilca est, lui, dépourvu de lacs.

2.4.3. Rivières

D’après HIDRANDINA (1988), la Cordillera Blanca compte 43 rivières principales, dont 25 convergent vers le bassin versant de Rio Santa, 17 vers celui du Rio Marañon et 1 dans celui du Rio Pativilca. Quarante-et-une rivières principales sont localisées dans les limites du Parc National Huascarán, dont 23 du premier groupe et le total des groupes deux et trois (Ames, 1988 ; PNH, 1990) [tableau 11].

74 Bassin versant Glaciers Lacs Rivières Nombre Superficie Volume Nombre Superficie Rivières (km2) (km3) (km2) principales Río Santa 457 473.5 15.0 195 19.8 23 Río Marañon 192 215.8 7.3 101 8.3 17 Río Pativilca 14 4.4 0.1 / / 1 Total 663 693.7 22.5 296 28.1

Tableau 11 : Distribution des glaciers, lacs et rivières, dans le PNH, par bassin versant (source : Ames, 1988 ; PNH, 1990)

2.5. Géologie

Dans les limites de notre région d’étude on trouve des affleurements rocheux dont les plus anciens remontent au Jurassique. En gros, l’on observe quatre ensembles prédominants : dépôts du Jurassique, du Néogène (Batholite miocène de la Cordillera Blanca), du Paléogène et du Quaternaire (tableau 12).

D’après Wilson et al. (1995), Cobbing et al. (1996) et INRENA (2003b), dans la zone d’étude on peut distinguer des roches sédimentaires, volcaniques et intrusives.

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SERIE Unités Symbole Epaisseur Description litho-stratigraphiques cartographique (m) (type)

Dépôts fluvioglaciaires (Q) Qh-fg Graviers et sables non consolidés

Dépôts glaciaires (Q) Qh-g Glace

Holocène Dépôt morainique (Q) Qh-mo Moraine

Dépôts d’alluvions (Q) Qh-a Graviers et sables peu cimentés

Dépôts de colluvions (Q) Qh-co Graviers et sables peu cimentés

Pliocène Formation Yungay (I) Nmp-yu 150 Tufs blancs, ignimbrites

Miocène Rhyodacites (I) N-rd ? Rhyodacites

Granodiorite (I) N-gd ? Granodiorite et tonalite à gros grains

Quartz monzonite (I) PN-cmz ? Quartz, monzonite

Groupe Calipuy Supérieur PN-vca2 Agglomérats, brèches et laves Paléogène (I) 2000

Groupe Calipuy Inférieur (I) P-vca1 Tufs pyroclastiques (bien stratifiés) et limoargilites (séquence de laves andésitiques)

Formation Celendin (S) Ks-ce 500 Calcaire, marnes stratifiées avec limoargilites

Formation Jumasha- Kis-jc Calcaire, conglomérat, marnes et limoargilites Celendin (S) Crétacé Supérieur Formation Jumasha (S) Ks-j 800 Calcaires et conglomérats

Formation Crisnejas (S) Kis-cr 150 Calcaire et marnes jaunes

Formation Pariahuanca- Kis-pchp 250 Calcaires massifs ; calcaire, marnes ; agilites Chulec-Pariatambo (S) avec intercalations de calcaires

Formation Pariatambo (S) Ki-pt 500 Marnes avec intercalations de calcaires et limoargilites

Formation Carhuaz (S) Ki-ca 500-1500 Grès et quartzites fins, avec intercalations Crétacé d’argilites Inférieur Formation Santa-Carhuaz Ki-saca 100-380 Calcaires, schistes ; grès et quartzites fins, (S) avec intercalations d’argilites

Formation Chimú (S) Ki-chi 150-600 Unité supérieure : quartzites avec peu d’argilites. Unité inférieure : grès et quartzites avec intercalations d’argilites et présence d’anthracite.

Formation Oyón (S) Ki-o 100-300 Grès avec intercalations de limoargilites

Jurassique Formation Chicama (S) Js-ch 800-1500 Lutites pyriteuses avec intercalations de grès Supérieur fin

Tableau 12 : Légende des formations géologiques affleurant dans la zone d’étude (d’après Wilson et al., 1995 ; Cobbing et al., 1996) [Q : Dépôts Quaternaires ; I : Roches Ignées ; S : Roches Sédimentaires]

76 2.6. Aléas naturels

2.6.1. Introduction

Le Pérou est localisé dans une des zones sismiques les plus actives du monde. Fort heureusement, la plupart des séismes sont d’intensité mineure, mais il y a au moins deux grands tremblement de terre par siècle.

Dans les régions de montagne telle que la Cordillera Blanca, massif encore en formation et avec une topographie abrupte et des éléments très exposés (glaciers suspendus, lacs à digue morainique, matériel meuble, etc.), un séisme relativement faible peut suffire pour déclencher un événement catastrophique pour les populations de la région.

Aux éléments exposés s’ajoutent également les facteurs d’ordre climatique tels que précipitations élevées et variation des températures. Ceci génère des conditions pour déclencher des phénomènes d’instabilité de pente dans la région (Silverio, 2003b, p. 73).

2.6.2. Typologie

Dans la région de la Cordillera Blanca, la plupart des phénomènes liés aux glaciers et lacs sont les avalanches, alluvions et coulées de débris (pour les définitions voir Eisbacher et Clague, 1984) qui ont été décrits par Silverio et Jaquet (2003a). Silverio (2003a) a également fait une description de 22 phénomènes liés aux glaciers, entre 1702 et 2000, dont nous reprenons la synthèse et complétons jusqu’à l’année 2004 (tableau 13).

D’après Silverio (1999), dans la région, à part les phénomènes mentionnés ci-dessus, il y en a d’autres qui se manifestent : les huaycos et les glissements de terrain.

Le huayco (lloclla, en quechua), nom péruvien désignant les laves torrentielles : c’est l’arrivée soudaine d’un mélange d’eau, de boue et de roches, comme conséquence d’intenses précipitations dans les parties hautes d’un bassin versant (INDECI, 2006). Ces phénomènes sont liés aux pentes abruptes de la partie amont des bassins versants, où se concentrent des matériaux meubles et des précipitations abondantes. Chargés de matériaux de toute sorte, les huaycos dévalent les pentes sous forme de coulées de boue (laves torrentielles). Généralement, ils se manifestent durant la saison humide et sont plus fréquents durant la période d’El Niño, où les précipitations son exceptionnelles et leur intensité majeure, faisant des dégâts considérables (figure 19, haut). Cependant, vu que dans la plupart des cas, ces phénomènes ont un effet local, ils ne sont pas répertoriés et par conséquent, il est impossible d’estimer le montant des dégâts. Toutefois, ce type de phénomène détruit routes, ponts et maisons (figure 19, en bas).

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Figure 19 : En haut, la lave torrentielle de 1999, près de Caraz ; en bas, maison détruite par ledit événement à Fundo San José (source : Silverio, 1999, p. 52)

Dans la région, les autres phénomènes naturels les plus fréquents sont les glissements de terrain. Ce sont des phénomènes où les masses se désintègrent en fragments et blocs et glissent le long d’une surface plus au moins profonde. Ils ont lieu dans presque tous les types de roches avec une pente supérieure à 35° et dans les matériaux meubles avec des pentes supérieures à 15°. Cependant comme dans le cas des laves torrentielles, ils ne sont pas répertoriés. Pourtant, la croissance urbaine de certaines villes de Calljeón de Huaylas (par exemple, Huaraz et Yungay) se développe dans des zones de glissement de terrain !

78 Date Zone Description 4 mars 1702 Huaraz Inondation d’une partie de la ville de Huaraz. L’origine est inconnue. 6 janvier 1725 Huaraz Un séisme produit une avalanche de glace et la rupture de lacs, détruisant Huaraz, en faisant disparaître 1500 habitants et ne laissant que 300 personnes vivantes. Nom des lacs débordés inconnus. 6 janvier 1725 Yungay Avalanche dans le versant S-O du qui détruit un lac au fond de Q. Huaytapallana. L’alluvion détruit le village d’Ancash, avec ses 1500 ou 2000 habitants. 10 février 1869 Huaraz Glissement de terrain et aluvión sur les bains thermaux de Monterrey ; destruction de quelques maisons et disparition de 11 personnes. Origine inconnue. 24 juin 1883 Huaraz Débordement du lac Tambillo (Q. Rajucolta), qui détruit une partie du village Macashca et fait disparaître de nombreuses personnes. 22 janvier 1917 Yungay Avalanche de glace sur le Huascarán et impact sur Ranrahirca. 20 janvier 1938 Carhuaz Rupture de la laguna Arteza (Paclliash Cocha), localisée au fond de Q. Ulta ; on ne connaît pas ses effets dévastateurs. 13 décembre 1941 Huaraz La rupture de Palcacocha (Q. Cojup) produit un aluvión qui détruit le tiers de la ville de Huaraz. On a déploré plus de 5 000 morts. 17 janvier 1945 Huari Le site archéologique de Chavin de Huantar est détruit par un alluvion venant de la Q. Huantsán / Q. Huachecsa dans la basse vallée de Nevado Huantsán (6395 m). 20 octobre 1950 Huaylas Aluvión de Laguna Jancarurish (Q. Los Cedros) qui a tué probablement 500 personnes et causé des dégâts dans la centrale hydroélectrique « Cañon del Pato », sur la route Huallanca-Caraz et sur des nombreux tronçons du chemin de fer Chimbote-Huallanca. 16 juillet et 28 Huaylas Aluvión de Artesoncocha (Q. Parón) ; deux événements, mais pas des dégâts à l’aval de la octobre 1951 vallée de Parón, dont le volume du premier a été estimé à 1’200'000 m3 et celui du deuxième à 2’800'000 m3. 6 novembre 1952 Huaraz Rupture de Laguna Milluacocha (Q. Ishinca). L’aluvión a impliqué entre 30'000 et 50'000 m3 de matériaux mais ses dégâts matériels ont été minimes. 8 décembre 1959 Huaraz Glissement et inondation de , peu de dégâts à Huaraz. 10 janvier 1962 Yungay Avalanche dans la face ouest du Huascarán Norte. 4 000 morts. 19 décembre 1965 Huántar / Avalanche de glace du Nevado San Juán (5840 m), probablement sur le lac Maparaju, au Huari fond de la Q. Carhuascancha. 10 pertes humaines. 31 mai 1970 Yungay Un séisme de magnitude 7.7 sur l’échelle de Richter déclenche une avalanche de roche et de glace dans la face ouest de Huascarán Norte ; la plus meurtrière, 23 000 morts. 31 août 1982 Huaraz Avalanche dans la face sud-ouest de Tocllaraju (6034 m) qui a provoqué le débordement du lac Pacliash, situé au fond de la vallée Ishinca. Pas de pertes humaines, mais seuls quelques dégâts sur les sentiers, les petits ponts et le pont routier Huaraz-Caraz. 16 décembre 1987 Yungay Petite avalanche de roche et glace dans le Huascarán Nord. Inondation de la plaine de Ranrahirca. 20 janvier 1989 Yungay Evénement similaire au précédant. 1991 Carhuaz Avalanche dans le versant ouest du Hualcán (6 122 m) et débordement du lac 513A ; peu de dégâts matériels. 11 janvier et Yungay Avalanche de matériaux morainiques dans le glacier sud de Huandoy Sur (Q. Llanganuco) ; décembre 1995 2 événements et pas de pertes humaines. 5 mai 1997 Huaylas Vidange d’un lac au fond de Q. Artizon, dans la vallée de . 18 novembre 2001 Huaraz Chute de glace de Vallunaraju Sur sur le lac Mullaca. Pas de victimes. avril 2002 Huaylas Chute de moraine sur Safuna Alta et débordement du lac. 26 têtes de bétail mortes et destruction des petits ponts. 19 mars 2003 Huaraz Chute de moraine sur Palcacocha et débordement du lac. Pas de victimes, mais la ville de Huaraz a été privée d’eau potable durant une semaine. (*) 14 octobre 2003 Yungay Chute de glace dans le versant S-O du Huandoy. 9 villageois morts. (**) 16 novembre 2004 Carhuaz Avalanche de glace dans le versant est du Huascarán. Pas de dégâts. (***)

Tableau 13 : Liste des phénomènes naturels impliquant glaciers et lacs de la Cordillera Blanca, entre 1702 et 2004 (source : 1702 - 2000 cité par Silverio (2003b) ; * : visite sur le terrain ; ** : www.huaylas.com , report du 10.11.2003 ; *** : La República du 20.11.2004, www.larepublica.com.pe )

D’après le tableau 13, dans 10 cas, ce sont les lacs qui ont débordé ; 11 avalanches de glace sont à déplorer et 4 sont des événements mixtes (avalanche et débordement de lacs).

79 2.6.3. Mitigation et gestion des risques liés aux glaciers

Mitigation

Suite à l’aluvión de 1941 (rupture de la digue de Palcacocha, Quebrada Cojup) qui avait détruit une partie de la ville de Huaraz et causé la mort de 5 000 personnes, les autorités péruviennes de l’époque ont pris conscience des dangers que représentaient les glaciers et les lacs de la Cordillera Blanca pour les populations de la région (Silverio, 2003a ; Silverio, 2003b). C’est ainsi que fut créée la Comisión de control de lagunas de la Cordillera Blanca. Sous son impulsion, on a commencé les travaux d’abaissement du niveau d’eau et la construction de digues pour les lacs considérés comme dangereux (figure 20).

Figure 20 : Exemple de construction des digues et de canaux d’évacuation pour les lacs « dangereux » dans la Cordillera Blanca (source : http://pubs.usgs.gov/prof/p1386i/peru/index.html)

Ces d’ouvrages constituaient les premières mesures (passives) pour la mitigation des aluviones. A ces efforts s’additionnèrent, entre 1945 et 1972, la création de l’unité de glaciologie au sein de la Corporación Peruana del Santa, qui avait entrepris des études glaciologiques et bathymétriques, et qui contribua à une meilleure connaissance de la Cordillera Blanca. Malheureusement, suite à des changements politiques, les recherches n’ont pas été réalisées de manière continue, et la perte de précieuses informations est à déplorer.

Les dernières recherches menées à l’aide des images satellitaires (Silverio et Jaquet, 2005), montrent un retrait généralisé des glaciers de la Cordillera Blanca. Dans certains cas, ce phénomène est accompagné par la formation de nouveaux lacs, retenus seulement par de fragiles moraines (Silverio et Jaquet, 2003a). L’analyse multi-temporelle des images satellitaires a aussi montré le développement de petits lacs autrefois considérés comme non dangereux. Certain d’entre eux se sont déjà vidés, d’autres constituent encore un danger potentiel pour la zone.

Dans la région, les aléas naturels liés aux glaciers ou à d’autres formes de phénomènes sont toujours latents. Au moindre séisme, ces glaciers suspendus pourraient s’effondrer, ce qui aurait des conséquences désastreuses pour les populations en aval. De même, les séismes ou les précipitations peuvent activer des nombreux glissements de terrain.

80 Vu les éléments existants, tels que glaciers suspendus et parois dominant les lacs, topographie régionale complexe, tectonique régionale active et le type de phénomènes qui ont lieu, dans la région il est impossible d’opter pour les mesures actives (ouvrages de protection). Ceci dit, dans cette région soumise à des contraintes topographiques, tectoniques et climatiques, la mitigation passe par les mesures passives, l’endiguement des nouveaux lacs, le zonage des dangers, la cartographie des risques, accompagnés de l’éducation de la population en matière de risques (Silverio, 2003a, p. 42).

Gestion des risques

Bien que la région ait été affectée par des phénomènes naturels de grande envergure tels que le séisme de magnitude 7.7 sur l’échelle de Richter (1970), avalanches (1962 et 1970), alluvion (1941), etc., pour le moment, il y a une absence totale de politique de gestion des risques. A cela s’ajoute le manque d’une politique d’aménagement du territoire. En effet, la croissance urbaine des principales villes de la région se réalise de manière chaotique et des nouvelles maisons sont construites même dans les zones de glissements de terrain.

Huaraz, la capitale du département, a connu un accroissement urbain très important. Notamment, l’ancienne zone de l’aluvión de 1941 a été entièrement peuplée ! Les constructions continuent à pousser comme des champignons, même au bord des rivières et dans les anciennes zones d’inondations. L’absence d’une politique d’aménagement du territoire n’a pas permis de délimiter une zone-tampon pour les parties critiques, afin d’éviter de futures calamités.

Une autre chose à déplorer est le manque de personnel compétent à la tête des institutions chargées de la gestion du risque. Les postes étant politiques et soit disant « de confiance », n’importe qui peut se trouver à la tête de ces institutions. Ceci est un handicap pour mener à bien les projets de recherche dans le domaine du risque. Pour le bien de la région, il serait temps de dépasser les querelles partisanes (Silverio, 2003a, p. 42).

L’absence d’une institution avec des compétences dans le domaine de la gestion du risque qui pourrait informer et rassurer la population, fait qu’une mini crise (alarme) peut se convertir en une psychose sociale ou peur collective ! Voici deux exemples pour illustrer ce propos :

i) Phénomène d’El Niño 1997 - 1998

Durant le phénomène de El Niño 1997-1998, à cause des fortes précipitations, la population de Huaraz craignit le débordement imminent des lacs de la cordillère qui entourent la ville. D’après Walter (2002), les gens partirent se réfugier dans la Cordillera Negra pendant plusieurs jours.

Des témoignages nous ont confirmé la panique : « les gens montaient en taxi en pleurant et en laissant toutes leurs affaires ; le taxi ça coûtait très cher, même plus cher qu’un billet de bus Huaraz-Lima » (témoignage d’une personne habitant dans la Cordillera Negra).

Une fois la panique déclenchée et la plupart des gens partis, en laissant leur affaires et leurs maisons abandonnés, ce fut la fête pour les voleurs : il y eut beaucoup de vols durant cette période de panique !

81 ii) Crise du Palcacocha 2003

Le 19 mars 2003, une partie de la moraine latérale gauche s’est écroulée sur le lac Palcacocha (Vilímek et al., 2005), localisé à 22 km nord-est de la ville de Huaraz (tableau 13). Le phénomène a déclenché le débordement du lac, endommagé la digue et privé la ville d’eau potable durant une semaine.

Le gouvernement central de Lima a alors débloqué un crédit d’urgence de 100’000 soles (environ 40’000 CHF) pour réaliser les travaux de sécurisation, dans les plus brefs délais afin de rassurer la population de Huaraz.

Lors de notre visite sur le terrain, en juillet et août 2003, les travaux n’étaient pas encore faits. Apparemment, la somme destinée aux travaux de réparation avait été dépensée par le gouvernement régional à d’autres fins, voire détournée. Finalement, durant l’année 2004, la digue a été reconstruite (Vilímek et al., 2005) [figures 21 et 22].

1972 2003

Figure 21 : Deux états du Palcacocha, à gauche, en 1972 (photo : C. Portocarrero) ; à droite en juillet 2003, après l’événement du 19.03.2003 et montrant la digue endommagée (photo : W. Silverio)

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Figure 22 : Palcacocha après la réparation de la digue, en 2004 (photo : Z. Patzelt, 2004)

Début avril 2003, d’après l’analyse de deux images du satellite ASTER, datant du 5 novembre 2001 et du 8 avril 2003, la NASA (National Aeronautics and Space Administration ; USA) publiait dans sa page Web un article sur un possible désastre dans les Andes, impliquant Palcacocha. La nouvelle faisait référence à la détection d’une « fissure » (crevasse ?) sur le glacier, pouvant provoquer sa chute sur le lac, ce qui représenterait une menace pour Huaraz.

Bien entendu, cette nouvelle a créé la panique parmi les populations de Huaraz et au niveau national. Durant ce mois d’avril, il y avait Pâques, quand Huaraz et le Callejón de Huaylas devaient recevoir des milliers de touristes. A cause de la nouvelle, toutes les réservations ont été annulées. Ceci a impliqué un manque à gagner considérable pour la région, puisqu’une des principales sources de revenu est l’activité touristique.

Mais le plus regrettable fut que les institutions n’ont pas pu démentir la version de la NASA, afin de rassurer la population. Par exemple, après une visite sur le terrain, l’Unité de Glaciologie et des Ressources Hydriques (UGRH), institution chargée des recherches glaciologiques et de la sécurisation des lagunas, était en mesure de démentir la version de la NASA ; à notre surprise, la population ne fut pas informée.

Durant l’été 2003, lors de nos travaux sur le terrain avec nos collègues de l’université de Zurich, Palcacocha a retenu toute notre attention. Nous avons constaté que c’était une barre rocheuse, d’environ 100 m d’hauteur, qui avait été prise pour la fameuse « fissure ». En fait, c’est le retrait glaciaire qui a mis à nu cette barre rocheuse (au centre de l’image de la figure 22).

Les événements comme Palcacocha et d’autres exemples cités par Silverio et Jaquet (2003), indiquent la nécessité de continuer à surveiller, via les SIG et la télédétection satellitaire, les lacs et les glaciers de la Corillera Blanca. Comme le souligne Silverio (2003a), dans la Cordillera Blanca, le retrait glaciaire implique le développement de lacs pro- glaciaires. Le débordement de ceux-ci peut induire des aluviones : il est donc nécessaire de les surveiller en continu. Ce suivi devrait être accompagné par une vrai prise de conscience des autorités locales et régionales sur la gestion des risques, le zonage des aléas et l’établissement de la carte de risque pour la région.

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Et finalement, le monitoring des lacs et des glaciers, à l’aide des images satellitaires, devrait être complété par des missions sur le terrain, afin d’éviter des situations comme celle déclenchée par la NASA.

2.7. Système climatique

2.7.1. Introduction

La localisation de la Cordillera Blanca, à 1000 km au sud de l’équateur et 100 km de l’océan Pacifique, ajouté à sa topographie complexe, font que cette région a une diversité climatique qui se manifeste dans les directions nord-sud et ouest-est, notamment le long des vallées inter-andines de Callejón de Huaylas et de Cochucos. C’est ainsi que la partie nord (entre Huallanca et Carhuaz) de Callejón de Huaylas a un climat chaud, la partie centrale (entre Huaraz et Recuay) un climat tempéré et la partie sud (entre Catac et Conococha), un climat froid, tout cela sur moins de 200 km.

Le climat de la Cordillera Blanca est caractérisé par une grande variation journalière et une petite variation saisonnière de la température, ainsi que la succession de deux saisons, la sèche, qui va de mai à septembre, et l’humide, allant d’octobre à avril [Kaser et al., 1990, p. 136].

2.7.2. Précipitations

Selon Kaser et al. (1990), dans la région de la Cordillera Blanca, le régime des précipitations est régit principalement par le déplacement de la Zone de Convergence Inter-Tropicale (ZCIT) [figure 23]. Ceci se traduit par l’alternance des saisons sèche (mai - septembre) et humide (octobre - avril). Les précipitations maximales tombent entre janvier et mars. Cependant, mars est le mois le plus pluvieux de l’année.

Figure 23 : A gauche, position de la Zone de Convergence Inter-Tropicale (ITCZ), durant les mois de juillet et août (saison sèche dans la Cordillera Blanca [CB]) ; à droite, entre novembre et avril (saison humide) [source : Kaser et al., 1990, p. 137]

84 D’après Silverio (2003a), dans la région, les sommets de la Cordillera Blanca induisent une distribution hétérogène des précipitations selon les axes E-O et NO-SE. Les grands sommets font barrière au passage des masses d’air humide provenant du bassin amazonien, induisant des précipitations plus abondantes sur les sommets de 6 000 qu’au fond de la vallée du Callejón de Huaylas. Mais, selon leur amplitude, ces masses d’air humide peuvent traverser la Cordillera Blanca, couvrant ainsi de quelques flocons de neige les sommets les plus élevés de la Cordillera Negra. Cependant, ces neiges ne sont que temporaires et ne durent pas plus de deux jours.

Un exemple qui peut illustrer la différence des précipitations dans l’axe E-O, c’est la limite de la neige, en moyenne à 4 900 m sur le versant est et à 5 100 m sur le versant ouest. Dans le cas de l’axe NO-SE, Niedertscheider (1990) a démontré que le long de la vallée du Callejón de Huaylas, du nord au sud, il y a une augmentation continue des précipitations avec l’altitude et vers l’intérieur de la vallée jusqu’à Ticapampa. A partir de ce point, malgré l’altitude supérieure des stations de Pachacoto, Collota et Recreta, les précipitations sont moindres. A la centrale Hidoelectrica (1386 m d’altitude), il tombe 158 mm de pluie ; à Caraz (2286 m), 180 mm ; à Yungay (2535 m), 312 mm ; à Chancos (2840 m), 523 mm ; à Huaraz (3050 m), 661 mm ; à Ticapampa (3480 m), 750 mm ; à Pachacoto (3760 m), 593 mm ; Collota (3800 m), 484 mm ; Recreta (3990 m), 469 mm (figure 24). L’auteur a conclu que ce phénomène est dû à l’effet topographique et à la présence, dans cette zone, de vents du sud très secs qui font obstacle aux vents humides de l’est.

Figure 24 : Précipitations dans la vallée de Callejón de Huaylas (source : Niedertscheider, 1990, p. 57)

D’après les observations de Niedertscheider (1990), on peut déduire que, dans la région, les précipitations ne sont pas définies en fonction de l’altitude. Ceci a été démontré par Pouyaud et al. (2003) : en corrélant les précipitations avec l’altitude, ils ont identifié 6 zones de précipitations, avec des régimes très différents (figure 25). A noter, la figure ne montre que les glaciers (nevados) faisant partie du bassin versant de Santa ; les glaciers du bassin versant de Marañon et Pativilca n’ont pas été pris en compte.

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Figure 25 : Zonage des précipitations dans le bassin versant du Santa (source : Pouyaud et al., 2003, p. 36)

Dans la région d’étude, l’analyse des précipitations est limitée au seul versant est de la Cordillera Negra, à la vallée de Callejón de Huaylas et au versant ouest de la Cordillera Blanca, car c’est là que sont localisées les stations climatologiques. Par contre, le versant est de la Cordillera Blanca est dépourvu de stations. Ceci empêche une meilleure connaissance du comportement des précipitations dans l’ensemble de la région.

D’après Pouyaud et al. (2003), pour la période d’observation, entre 1953 et 1997, les précipitations dans le bassin versant du Río Santa varient d’une station à l’autre (tableau 14).

86 Station pluviométrique Latitude S Longitude O Altitude (m) Précipitation annuelle (mm) Safuna 8° 50’ 00‘‘ 77° 37’ 00’’ 4400 1424 Parón 8° 59’ 57’’ 77° 41’ 05’’ 4215 830 Caraz 9° 02’ 43’’ 77° 48’ 25’’ 2286 182 Llanganuco 9° 04’ 43’’ 77° 39’ 05’’ 3918 637 Yungay 9° 09’ 09’’ 77° 44’ 28’’ 2557 324 Chancos 9° 19’ 10’’ 77° 34’ 30’’ 2895 552 Huaraz-Quillcay 9° 29’ 34’’ 77° 30’ 49’’ 3050 689 Cahuish 9°41’ 05’’ 77° 15’ 17’’ 4550 989 Querococha 9° 43’ 46’’ 77° 19’ 57’’ 4087 935 Ticapampa 9° 45’ 09’’ 77° 26’ 32’’ 3480 744 Shacaypampa 9° 45’ 13’’ 77° 23’ 46’’ 3820 645 Pachacoto 9° 51’ 12’’ 77° 24’ 04’’ 3786 583 Collota 9° 57’ 02’’ 77° 19’ 33’’ 3910 478 Yanacocha 10° 02’ 27’’ 77° 12’ 27’’ 4450 866 Recreta 10° 02’ 27’’ 77° 17’ 00’’ 4020 480 Punta Moron 10° 05’ 00’’ 77° 12’ 21’’ 4390 658

Table 14 : Précipitations moyenne dans le bassin versant de Río Santa (source : Pauyoud et al., 2003, p. 37)

2.7.3. Température

Pour la température, il existe très peu d’informations, à cause du petit nombre de stations de mesure et d’années d’observation. Dans la station de Querococha (localisée à 4 087 m), les températures minimale, maximale et moyenne sont, respectivement 1.7, 13.8 et 7.7 °C, pour une période d’observation entre 1965 et 1993 (figure 26). Un peu plus bas, dans la station de Huaraz (3 050 m), ces valeurs correspondent à 6.7, 20 et 14.8 °C ; période d’observation entre 1986 et 1996 (irrégulière pour l’année 1994 et 1995).

16.0

14.0

12.0

10.0 Maxim ale °C 8.0 Moyenne Minim ale 6.0

4.0

2.0

0.0

. s ai ar vril ct Jan. A M Juin ept. O Nov. M Juillet S Mois

Figure 26 : Températures mensuelles maximale, moyenne et minimale, à la station de Querococha, localisée à 4 050 m

87 D’une manière générale, la moyenne des températures minimales s’abaisse avec l’altitude, elle est d’environ 0 °C à 4 000 m, -10 à 5 000 m et -20 °C à 6 000 m et en altitude l’amplitude thermique journalière est très importante, 40 °C, voire plus dans les versants nord. Par exemple, à 6 000 m et en l’absence de vent, vers midi, la température peut atteindre 20 °C, pour descendre à -20 °C au petit matin (Silverio, 2003a, p. 13).

2.7.4. Régions naturelles (climatiques)

En fonction de l’altitude, allant de la côte Pacifique jusqu’au bassin amazonien, Pulgar Vidal (1987) a subdivisé le territoire péruvien en 8 régions naturelles. Les caractéristiques de ces régions sont résumées dans le tableau 15.

Régions naturelles Altitude (m) Caractéristiques climatiques

Température Précipitation moyenne (°C) (mm/an) Costa ou Chala 0 – 500 24.8 0 – 50 500 – 2 300 : Yunga maritime 20 à 27 / Yunga (versant ouest des Andes) 1 000 – 2 300 : Yunga fluvial / 400 – 1 000 (versant est des Andes) Quechua 2 300 – 3 500 11 à 16 / Suni ou Jalca 3 500 – 4 000 7 à 10 800 Puna 4 000 – 4 800 0 à 7 200/400 – 1 000 Janca ou Cordillera 4 800 – 6 768 / / Rupa Rupa ou Selva Alta 400 – 1 000 / / Omagua ou Selva Baja 80 – 400 / /

Tableau 15 : Distribution des régions naturelles selon l’altitude et leurs caractéristiques (adaptation d’après Pulgar Vidal, 1987)

Dans notre région d’étude, les altitudes minimale et maximale sont, respectivement, 1 300 et 6 768 m, ce qui signifie que cinq régions naturelles ou géosystèmes sont comprises dans notre aire de recherche : la Yunga ou vallée chaude, entre 500 et 2 300 m d’altitude ; la région Quechua ou tempérée, entre 2 300 et 3 500 m ; la Suni ou Jalca, région froide, entre 3 500 et 4 000 m ; la Puna ou région très froide, entre 4 000 et 4 800 m ; Janca ou Cordillère, terre gelée, entre 4 800 et 6 768 m (ONER, 1985, p. 12). La température de quatre de ces régions climatiques a été décrite par Jaeger (1979), résumée dans le tableau 16.

Régions naturelles Températures Minimale (°C) Moyenne (°C) Maximale (°C) Quechua (2 300 – 3 500 m) 7 à -4 11 à 16 22 à 29

Suni (3 500 – 4 000 m) -16 à -1 (mai - août) 7 à 10 > 20

Puna (4 000 – 4 800 m) -25 à -9 (mai - août) 0 à 7 15 à 22 (septembre - avril)

Cordillère ( > 4 800 m) Selon altitude < 0 Variable

Tableau 16 : Températures dans 4 régions naturelles de la zone d’étude (adaptation d’après Jaeger, 1979)

88 2.8. Biodiversité

2.8.1. Introduction

En 1975, la Cordillera Blanca a été déclarée Parc National Huascaraán (PNH). Sur des critères de beauté des paysages, de diversité floristique et faunistique, et de caractéristiques écologiques, l’UNESCO a reconnu ce parc comme étant une « Réserve de la Biosphère » et comme faisant partie du « Patrimoine Naturel de l’Humanité » (PNH, 1990 ; UNESCO, 2006a).

Selon Smith (1988), par sa localisation proche de l’Equateur et ses altitudes variables, la Cordillera Blanca possède des biotopes qui sont des « laboratoires en plein air », où se concentrent de nombreuses espèces de plantes et d’animaux.

2.8.2. Flore

La zone protégée de la Cordillera Blanca (le PNH) concentre une flore exubérante, dont certaines espèces, comme la puya raymondi, sont endémiques. La distribution de la population végétale est une fonction de l’altitude. La limite supérieure de vie pour les plantes se situe vers 4800 m ; cependant, avec le retrait glaciaire, les espèces pionnières ont fait leur apparition vers 5000 m, voire à 5300 m d’altitude, dans les partie exposées au soleil.

La richesse des espèces se concentre principalement dans les quebradas de la partie nord et centrale de la Cordillera Blanca, la partie sud étant un peu plus pauvre en espèces végétales.

La première étude scientifique de la flore du PNH a été réalisée par Smith (1988), qui a pu identifier 104 familles, 339 genres et 799 espèces (tableau 17). D’après ce travail, Kolff et Kolff (1997) ont réalisé une description de 112 plantes (tableau 18), selon leur habitat, caractéristiques et usage dans la culture locale.

Classification Familles Genres Espèces Plantes inférieures 14 28 67 Ptéridophytes 14 28 67

Plantes supérieures 90 312 732 Gymnospermes 1 1 1 Angiospermes : - Monocotylédones 18 75 206 - Dicotylédones 71 236 525

Total 104 340 799

Tableau 17 : Nombre de familles, genres et espèces de la flore du PNH (source : PNH, 1990)

89 Familles % par rapport au nombre total des espèces Asteracea (famille du tournesol, comme la camomille) 21 Poaceae (graminées) 14 Scrophulariaceae 4 Fabaceae (haricot ou petit pois) 3 Solanaceae (pomme de terre) 3 Caryophyllaceae (œillet) 3 Cyperaceae (joncs, carex) 2.5 Orchidaceae (orchidée) 2 Rosaceae (rose) 2 Brassicaceae (moutarde) 2

Tableau 18 : Principales familles de la flore du PNH (source : Kolff et Kolff, 1997)

Nombre de ces espèces sont utilisées par les populations indigènes, soit dans la médecine traditionnelle soit pour d’autres usages. Nous citons quelques exemples : pour soigner la toux, il faut de l’ « ancosh » (Senecio canescens), du « wamanripa » (Senecio culticoides) et de la « escorzunera » (Perezia multiflore) ; le « tsacpä » (Oreocallis grandiflora) est utilisé communément comme bois de chauffage et pour la fabrication de paniers. Les feuilles de « chachacoma » (Escallonia resinosa) sont utilisées dans la teinturerie (Kolff et Kolff,1997). On peut aider un enfant qui a du retard ou des problèmes pour parler, en frappant ses lèvres avec la fleur de « rima rima » (Krapfia weberbauerii) [rima : signifie parler en quechua].

En termes de catégories cartographiables par télédétection, la flore du PNH, peut être regroupée en quatre thèmes végétaux (Silverio et Jaquet, 2003b) :

• Herbes basses dont les représentants sont, entre autre, Plantago rigida (tsampa), Distichia muscoides (qachqa), etc.

• Herbes hautes à prédominance de Stipa ichu (ichu, ocsha), avec d’autres espèces telles que Puya Raymondi (cuncush).

• Buissons, composés principalement par Escallonia resinosa (chachacoma), Oreocallis grandiflora (tsacpa), Barnadesia dombeyana (qontsi casha), etc.

• Forêt mixte, composée de Gynoxis sp. (japru) , Polylepis (quenual), Buddlejia incana (quishuar), Tristerix longibracteatus (pupa), Passiflora trifoliata (purush), etc.

2.8.3. Faune

La faune de la Cordillera Blanca est très diversifiée, bien qu’un grand nombre de ces espèces soient encore mal connues. Selon le PNH (1990), parmi les mammifères, il y a 10 espèces qui sont en voie d’extinction : mustela sp. « comadreja », lynchailerus pajeros « gato montés », tremarctos ornatus « oso de anteojos » (ours à lunettes), felis concolor incarum « puma », hippocamelus antisensis « taruca », odocoileus virginianus « venado », vicugna vicugna, « vicuña » (vicogne), lagidium peruanum « vizcacha » (sorte de marmotte), dusicyion culpaeus « zorro » (renard), didelphis peraguayasis « muca ».

D’après le PNH (1990), concernant les oiseaux, entre les limites du parc Huascarán, 112 espèces ont pu être identifiées, dont les plus représentatives sont : buteo poecilochrous « aguilucho cordillerano », anas flavirostris oxyptera « pato sutro », chloephaga melanoptera

90 « huallata huachhua », lophonetta specularioides alticola « pato cordillerano », nycticorax nycticorax « huaco », vultur gryphus « cóndor », ptiloscelys resplendens « lique-lique », phalcobaenus albogularis « dominico », spinus magellanicus paulus « jilguero de cabeza negra », larus serranus « gaviota andina », podiceps chilensis morrisoni « zambullidor pimpollo », fulica gigantea eydoux « gallareta gigante, choca », rallus limicola aequatorialis « gallina chica », plegadis ridgwayi « yanavico » et metallura phoebe « picaflor negro ». Parmi ces espèces, le condor est en voie d’extinction.

3. Système socio-économique de la région Ancash

3.1. Divisions politique et administrative

3.1.1. Introduction

« Un des défauts de notre organisation politique est, certainement, son centralisme » (Mariategui, 1955, p. 144).

Au Pérou, le terme « centralisme » désigne la concentration politique et économique autour de Lima, capitale de la république. Ce phénomène ne se résume pas à la seule fonction administrative, mais plutôt au contrôle de l'appareil politico-économique du pays, qui permet à Lima d’être le centre de décision économique et politique (Silverio, 1995, p. 53).

Dès l’indépendance (1821) et tout au long du XIXe siècle, le thème du « centralisme- décentralisme » a été débattu. D’après Auroi (1988), au XIXè siècle, la « décentralisation » était l’aspiration des clans régionaux qui luttaient contre le pouvoir central de Lima afin d’avoir les mains libres dans l’exploitation des richesses et des indiens. Durant le XXè siècle, le « centralisme » s’est consolidé autour de Lima, d’où la recherche d’un processus de décentralisation.

3.1.2. Tentatives de décentralisation de l’administration politique du Pérou à partir de 1950

L’administration politique du Pérou, sous forme de départements, est l'héritage des artificielles « intendances » de la vice-royauté et ne représente pas une réalité géographique. D’après Mariategui (1955), le département est un terme politique qui ne désigne pas une réalité géographique et moins encore une unité économique et historique. Le département est, surtout, une convention qui ne correspond qu'au critère fonctionnel du centralisme.

• Période 1956-1968

Le gouvernement central a créé les Corporaciones de Fomento y Desarrollo, les pôles de développement et le "Fond National pour le Développement". Toutefois, ces mesures ne visent pas à la décentralisation, mais plutôt au développement régional de certains départements.

• Période 1968-1980 : premier projet de la régionalisation transversale (1976).

Entre 1968 et 1980, les militaires avaient le contrôle de l’appareil de l’Etat, l’armée s’étant substituée au gouvernement civil.

En 1976, les militaires se proposaient de diviser l’administration politique du pays en 13 régions, selon des critères d’homogénéité et de complémentarité régionale. Toutefois, ce

91 projet resta sur le papier, car la pomme de discorde était le siège des gouvernements régionaux, toutes les villes souhaitant devenir la capitale.

• Période 1980-1985 : deuxième (1982) et troisième (1984) projet de régionalisation transversale.

La constitution politique du Pérou de 1979 tente de dynamiser l’intégration régionale. Selon Caravedo (1979), les territoires limitrophes qui se sont intégrés économiquement et culturellement, comme conséquence de la coopération générale entre les corporations départementales, pourront constituer une région. Le projet de régionalisation de 1982, avait prévu la création de 7 régions, mais il ne s’est pas concrétisé.

Le projet de 1984 avait annoncé la création de 5 régions « transversales » et une, dite métropolitaine (Lima-Callao). Parallèlement, l’Institut National de Planification avait suggéré l’organisation de l’espace national en micro-régions. D’où l’idée de la micro- régionalisation administrative du pays. En 1988, le pays comptait 72 micro-régions. Toutefois, les délimitations des micro-régions avaient été faites d’une manière hasardeuse et arbitraire, sans tenir compte des limites politiques existantes.

• Période 1985-1992 : timide décentralisation et retour au système ancien.

La constitution politique de 1979 précise que les régions ont une autonomie économique et administrative, et qui sont créées par loi à l’initiative du pouvoir exécutif. En tenant compte de ces prérogatives, en 1987, le gouvernement central a décrété la création de 12 régions (figure 27, gauche). Ces régions ont pu profiter d’une autonomie limitée jusqu’en 1992, puisque financièrement, elles étaient dépendantes du gouvernement central.

En 1992, après son coup d’état et sous prétexte de la lutte contre le terrorisme et la corruption de la classe dirigeante des gouvernements régionaux, le président Fujimori supprima les régions.

• Période 1993-2001 : l’avènement des Conseils Transitoires d’Administration Régionale (CTAR)

L’article 189 de la constitution politique du Pérou de 1993 indique que le pays est constitué par les régions, les départements, les provinces et les districts, où il y a la présence du gouvernement national, régional et local. Le gouvernement régional s’applique dans les juridictions des régions et des départements ; tandis que le gouvernement local, dans celui des provinces, des districts et des « centres peuplés ».

Le processus de régionalisation voulu par la constitution de 1993 a été implémenté avec la « loi cadre de décentralisation » du 3 août 1998. L’article 12.1, de cette loi indique que les régions sont constituées dans la limite territoriale des départements ; il préconise aussi la création de Conseils Transitoires d’Administration Régionale (CTAR) dans chaque département du pays, comme étant des « organismes publics décentralisés » du ministère de la présidence.

Au total, la loi avait créé 25 CTAR, qui correspondaient aux 24 départements et la province de Callao (figure 27, droite). Bien que la loi ait reconnu l’autonomie technique,

92 budgétaire et administrative de ces institutions, dans la réalité elles n’avaient aucune autonomie, surtout du point de vue financier. Les fonctions des CTAR étaient réduites au paiement des fonctionnaires dans le secteur de la santé et de l’éducation (Yupari, 2001, p. 16).

Figure 27 : à gauche, limite des 12 régions de 1987 (cité par Yupari, 2001, p. 13) ; à droite, limites départementales, situation en 1998 (source : www.ign.gob.pe )

• Période 2002- ? :

En 2002, sous le gouvernement d’Alejandro Toledo, le Congrès de la République a promulgué la loi N° 27783 (Loi des Bases pour la Décentralisation). Ce document ordonne la suppression des CTAR et convoque des élections régionales. Dès janvier 2003, les départements sont devenus des gouvernements régionaux. Cependant, le budget des régions dépendent toujours du gouvernement central.

En octobre 2005, les populations des régions ont été appelées à un référendum ; par cette consultation populaire, on voulait créer, par union de deux ou plusieurs régions, des macro- régions. Le « non » l’ayant emporté, la division politico-administrative du Pérou comporte actuellement (2006) de 25 régions.

Le processus de « décentralisation » du Pérou montre clairement la « volatilité » de la limite administrative des régions. De même, à l’intérieur des départements, des changements dans les limites administratives des provinces et des districts se sont manifestés jusqu’aux années ’90. Toutefois, il faut souligner que la création des nouvelles entités territoriales (provinces ou districts), n’a pas obéi à une logique d’organisation de l’espace national (politique d’aménagement de territoire), mais plutôt à des fins électorales et à des appétits politiques.

93 Avec la régionalisation entamée en 2002, le pays vit une situation de transition. Il faut souhaiter que le prochain gouvernement et le Congrès auront l’audace et courage de donner plus d’autonomie aux régions, notamment au niveau financier. Les impôts générés dans les régions devraient y rester et ne pas partir à Lima, pour ensuite revenir au compte-goutte dans celles-ci.

3.1.3. Région Ancash

Le département d’Ancash (depuis janvier 2003, devenu région) compte une superficie de 35 914.8 km2, qui inclut 12.2 km2 de superficies insulaires (Région Ancash, 2004, p. 10). Son administration politique comporte 20 provinces (figure 28) et 166 districts (Région Ancash, 2004 ; INEI-Ancash, 2002a). Selon Région Ancash (2004), parmi les districts, seulement 3 ont des limites définies, 33 ont des limites imprécises et 130 ont des limites non définies !

Selon INEI (2002), la région Ancash compte 6 024 centres peuplés, classés entre anexos (annexes), barrios (quartiers), campos mineros (campement miniers), caseríos (hameaux), ciudades (villes), cooperativas agrarias (coopératives agraires), pueblos jóvenes (bidonvilles), pueblos (villages), unidades agrarias (unités agraires), villas (bourgs) et otros (autres). Ces entités ont été classées comme étant urbaines ou de rurales.

Le document d’INEI (2002) dénombre 1 616 caseríos (hameaux) qui, pour nous, représentent des villages proprement dits. Il y a aussi 42 villages qui ont été inclus dans la catégorie « autres ». Cela signifie que la région Ancash compte 1 658 « caseríos » (villages).

Figure 28 : Provinces de la région Ancash (source : www.regionancash.gob.pe )

94 Concernant l’aspect politique, le gouvernement régional est basé à Huaraz, la capitale du département, et est composé d’un président, d’un vice-président et d’un conseil régional, qui est formé par un représentant de chaque province. Le conseil régional est l’organe normatif et de contrôle du gouvernement régional ; il est composé d’un président, d’un vice-président et des conseillers régionaux qui sont élus au suffrage universel pour une période de 4 ans (Gobierno de Ancash, 2006).

Selon la loi No 27783 (du 17.07.2002), dans les mairies (municipalidades) des provinces et des districts, c’est le gouvernement local qui exerce le pouvoir. Ce gouvernement local est élu pour une période de 4 ans ; il est composé du maire et des conseillers municipaux, dont le nombre est fonction du nombre d’habitants du chef-lieu de la province ou de district, décidé par l’organisme du système électoral (Jurado Nacional de Elecciones).

Quant au gouvernement local des « mairies des centres peuplés » (villages), il est composé d’un maire et de 5 conseillers, élus pour une période de 4 ans. Ce gouvernement local est créé par ordonnance municipale provinciale et ses membres ne perçoivent pas de salaire comme leur confrères du district ou de la province.

L’histoire du gouvernement local dans les « centres peuplés » (villages) est très récente et abstraite. Normalement, les communautés indigènes ou villages ont leurs propres lois de fonctionnement. Auparavant, les autorités étaient les suivantes : le « teniente gobernador » (gouverneur) ; « juez de paz » (juge de paix, qui faisait l’office de médiateur – conciliateur lors des conflits entre les villageois) ; « juez de aguas » (préposé pour la gestion d’eau, qui était chargé de gérer le « tournus » pour l’irrigation des parcelles durant la saison sèche).

Chaque autorité, dans son domaine, organisait les travaux d’intérêt commun. Par exemple, le « gouverneur » se chargeait de l’entretien des chemins, la construction d’école, etc. Le préposé à la gestion de l’eau veillait à l’entretien du canal d’irrigation ou à la construction d’une nouvelle source d’approvisionnement en eau.

Ces autorités étaient élues à visage découvert, à la façon de la « Landsgemeinde » de Suisse centrale. En plus, une fois leur efficacité démontrée, elles pouvaient rester à leur poste le temps qu’il fallait, car elles s’engageaient pour l’intérêt commun et non pas par intérêt personnel comme pratiqué par les politiciens classiques. Le système de gouvernance dans les communautés indigènes était un exemple à imiter.

3.2. Système économique

3.2.1. Le Produit Brut Interne de la région Ancash

Les principales activités économiques de la région Ancash sont l’agriculture, la pêche, l’extraction minière, l’industrie, les constructions et les services (Région Ancash, 2004, p. 50). La participation de ces activités dans le Produit Brut Interne (PBI) régional, entre 1995 et 2002, est résumée dans le tableau 19.

95 Année Agriculture Pêche Mines Industrie Constructions Services PBI Ancash 1995 309 181 91 340 186 1796 2903 1996 286 155 82 340 181 1796 2840 1997 338 148 89 375 209 1819 2978 1998 345 107 140 362 218 1796 2968 1999 377 160 553 347 184 1759 3380 2000 349 169 572 380 165 1776 3411 2001 359 167 1155 350 246 1767 4044 2002 364 132 1901 334 153 1804 4688

Tableau 19 : Evolution du PBI de la région Ancash par branche économique, entre 1995 et 2002 ; chiffres absolus en milliers de Soles (1 CHF = 2.64 Soles) [Source : 1995-2000 : Atlas departamental del Perú, 2003, p. 40 ; 2001-2002 : Région Ancash, 2004, p. 50]

Entre 1995 et 2000, l’apport de l’agriculture au PBI régional oscillait entre 10 et 12 % ; tandis que la participation de la pêche, était en moyenne, de 5 %. Entre 2001 et 2002, la contribution de l’agriculture a baissé d’un point et finalement, en 2002, elle ne pouvait garantir que le 8 % du PBI régional ; la contribution de la pêche au PBI d’Ancash était, en 2001, de 4 % et en 2002, de 3 % (figure 29).

La contribution de l’activité minière au PBI régional était, entre 1995 et 1997, de 3 % ; en 1998, de 5 %. Entre 1999 (16 %) et 2002 (41 %) l’accroissement a été considérable (figure 29). La première hausse (de 1999) de contribution au PBI de la région s’explique par l’exploitation de la mine aurifère Pierina (dès 1998) et la deuxième (de 2001), par le démarrage d’Antamina. Dès 2002, la contribution de l’activité minière au PBI de la région Ancash est supérieure à 40 %.

Entre 1995 et 2000, l’industrie participait au PBI régional avec un peu plus de 10 %, et les constructions avec plus de 5 %. Dès 2001, la contribution de l’industrie est à la baisse (en 2002, 7 %) ; en 2002, la participation des constructions est tombée à 3 % (figure 29).

Les services, entre 1995 et 2000, étaient le support de l’économie régionale, car ils garantissaient plus de 50 % du PBI régional. Avec le développement de l’activité minière, ils ont perdu du poids. En 2002, leur contribution étaient de 38 % (figure 29).

70

60

50 Agriculture Pêche 40 Mines Industrie % PBI 30 Construction 20 Services

10

0 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 Années

Figure 29 : Participation des principales branches économiques, entre 1995 et 2002, au PBI de la région Ancash (calculé d’après le tableau 19)

96 En outre, entre 1995 et 2000, la contribution de la région Ancash au PBI national était inférieure à 3 % ; en 2001, de 3.3 % et en 2002, de 3.7 % (tableau 20). Dès 1999, la contribution régionale au PBI national a connu un accroissement, certainement lié au démarrage de deux méga-projets miniers dans la région (Pierina en 1998 et Antamina en 2001).

Année PBI Ancash PBI Pérou Contribution d’Ancash (milliers Soles) (milliers Soles) (%) 1995 2903 107039 2.7 1996 2840 109709 2.6 1997 2978 117110 2.5 1998 2968 116485 2.5 1999 3380 117590 2.9 2000 3411 121267 2.8 2001 4044 121543 3.3 2002 4688 127891 3.7

Tableau 20 : Contribution de la région Ancash au PBI national (Source : 1995-2000 : Atlas departamental del Perú, 2003, p. 40 ; 2001-2002 : Région Ancash, 2004, p. 50)

3.2.2. Activités économiques i) Agriculture

Cette branche économique est constituée par l’agro-industrie, les activités agricoles et l’élevage.

Agro-industrie : ce type d’activité est intensif et technique (Région ancash, 2004, p. 57). Elle se concentre principalement dans la partie côtière de la région, dans les provinces de Santa, Casma et Huarmey. Les principaux produits sont le coton, la canne à sucre, le riz, l’asperge et le maïs (Yupari, 2001, p. 48).

L’exemple de trois produits (canne à sucre, riz et maïs jaune liés à l’agro-industrie dans la région côtière) se trouve à la figure 30. D’après ce graphique, la production de la canne à sucre a été très variable ; entre 1986 et 1990, elle était supérieure à 200'000 t par an ; entre 1991 et 1993, il y a eu une chute dans la production, respectivement, 187'680 et 39'735 t ; entre 1994 et 1995, elle était supérieure à 100'000 t/an ; en 1996, la production a connu une chute à 31'428 t. Dès 1997, il y a eu une augmentation constante, pour atteindre une production maximale, en 2001, de 671'729 t (figure 30).

La production du riz, entre 1986 et 1989, était presque constante (≥ 15'000 t/an) ; entre 1990 et 1992, il y a eu une baisse ; entre 1993 et 1997, elle était variable ; dès 1998, il y a eu une augmentation constante, pour atteindre la production maximale, en 2001, de 29'550 t (figure 30).

Le maïs jaune, qui est principalement destiné à l’alimentation des volailles (poulet), a connu une production variable. Entre 1986 et 1988, la région a produit plus de 60'000 t par an ; entre 1990 et 1992, il y a eu une chute dans la production ; en 1993 et 1996, la production était variable ; en 1997, la production a été la plus petite (15'487 t). Dès 1998, il y a eu une augmentation de la production, l’année 2001 ayant été celle de la production maximale (97'134 t) (figure 30).

97 800'000

700'000

600'000

500'000 Canne à sucre 400'000 Maïs jaune

Tonnes 300'000 Riz

200'000

100'000

0 1986 1988 1992 1994 1996 1998 2000 1990 Années

Figure 30 : Evolution de la production de trois denrées de l’agro-industrie de la région Ancash, entre 1986 et 2001 (adaptation d’après INEI-Ancash, 2002b)

Activité agricole : elle est orientée vers la production des denrées alimentaires de première nécessité, comme les diverses variétés de pommes de terre et de maïs, le blé, l’orge, divers légumes, herbes aromatiques, etc. Elle est surtout très traditionnelle, pratiquée dans la partie andine de la région (sierra) et sans recours aux techniques modernes.

La production céréalière régionale est illustrée dans la figure 31. Bien que la production régionale soit riche en variétés, pour des questions de lisibilité, nous n’avons pris en considération que trois variétés : l’orge, le blé et le maïs.

Entre 1986 et 1991, la production céréalière régionale était variable. En 1986, le blé a connu sa production maximale, de 30'128 t ; l’orge, en 1987, de 22’1278 t. En 1992, la production céréalière a connu son plus bas niveau (orge : 4'684 t ; blé : 6'337 t ; maïs : 7'925 t), probablement à cause du phénomène d’El Niño. Entre 1993 et 1996, la production céréalière est à nouveau variable, avec une production maximale, en 1994, pour le maïs (29'340 t). Pour 1997, il y a eu encore une chute dans la production des trois céréales ; toutefois, elle était un peu supérieure au niveau de 1992 (figure 31).

Entre 1998 et 2001, la production de l’orge a connu une légère hausse, pour s’établir, en 2001, à 13'966 t ; le blé a connu un petit pic, en 1999 (16'480 t), et finalement pour connaître une production, en 2001, de 16'261 t. Pour la même période, la production du maïs était variable et en 2001, de 13'386 t (figure 31).

98 35'000

30'000

25'000

20'000 Orge Blé 15'000 Tonnes Maïs 10'000

5'000

0 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 Années

Figure 31 : Production céréalière régionale, entre 1986 et 2001 (adaptation d’après INEI- Ancash, 2002b)

La figure 32 illustre la production des tubercules. Pour une question de lisibilité nous avons retenu seulement deux produits, la pomme de terre et l’« olluco », bien que la production régionale soit variée dans le domaine.

160'000 140'000 120'000 100'000 Olluco 80'000 Po mme d e t err e

Tonnes 60'000 40'000 20'000 0 1986 1988 1992 1994 1996 1998 2000 1990 Années

Figure 32 : Production régionale des tubercules, entre 1986 et 2001 (adaptation d’après INEI-Ancash, 2002b)

Entre 1986 et 2001, la production régionale de la pomme de terre a été variable. Les productions maximale et minimale ont lieu, respectivement, en 1988 (147'118 t) et 1994 (51'799 t) (figure 32). Toutefois, cette variabilité productive est inexplicable et, faute d’études agro-climatiques, il est difficile d’émettre des hypothèses.

Concernant l’olluco, produit éminent andin, la variabilité de la production n’est pas très marquée comme dans le cas de la pomme de terre. Toutefois, la production maximale a lieu en 1991 (10'973 t) et minimale, en 1994 (4'732 t) (figure 32). Entre 19986 et 2001, la production moyenne régionale a été supérieure à 8'000 t.

99 L’élevage : il comporte, entre autres, les bovins, ovins, porcins, volailles (principalement de poulet) et cochon d’inde. Cependant, pour ce dernier produit, il n’existe pas de statistiques officielles, même si chaque maison villageoise en fait l’élevage. La production du secteur, entre 1986 et 2001, est résumée sur la figure 33.

8000

7000

6000

5000 Volaille Ovin 4000 Porcin Tonnes 3000 Bovin

2000

1000

0 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 Années

Figure 33 : Région Ancash, production du secteur élevage, entre 1986 et 2001 (adaptation d’après INEI-Ancash, 2002b)

Entre 1986 et 1987, la courbe de la production a été constante ; en 1988, il y a eu une chute dans la production, surtout pour le porcin (plus de 4500 t à moins de 1000 t). Ensuite, entre 1989 et 2001, elle a été variable, avec moins de 1000 t par an pour le porcin et l’ovin ; avec une production maximale pour les volailles en 1994 (près de 6000 t) et finalement, pour s’établir, en 2000 et 2001, à un peu plus de 4000 t par an ; la production maximale de bovin a été réalisée en 1996 (plus de 6500 t), après il y a eu une baisse jusqu’à 1998 et une petite remontée jusqu’à 2000 ; et finalement, en 2000, la production bovine a été supérieure à 3500 t (figure 33).

ii) Pêche

La pêche industrielle est liée, principalement, à la production de la farine et d’huile de poisson et les conserves (thon, pilchards, etc.). Elle se concentre dans les provinces côtières de la région : Santa, Casma et Huaymey.

Selon Yupari (2001), 91 % de la production régionale de farine et d’huile de poisson est réalisée dans la province de Santa, suivi de Huarmey (7 %) et Casma (2 %) ; Santa assurerait 60 % de la production nationale de farine et d’huile de poisson.

La prise d’anchois par les trois ports Casma, Chimbote (Santa) et Huarmey, entre 1997 et 2001, destinée à la production de farine et d’huile de poisson, est illustrée dans la figure 34. En 1998, année d’El Niño, la prise d’anchois a été la moindre dans les trois ports. Dès 1999, cette prise a augmenté à près de 200’000 tonnes (t) pour les ports de Casma et Huarmey ; tandis que Chimbote a enregistré 1'400'000 t. En 2000, Chimbote a battu son record, près de 1'600'000 t, tandis que Casma a eu presque la même production que l’année précédente et

100 Huarmey un peu plus de 150'000 t. En 2001, Chimbote a eu la même production qu’en 1999 ; Casma et Huarmey ont eu la même production qu’en 2000 (figure 34).

1800000

1600000

1400000

1200000 Cas ma 1000000 Chimbote 800000 Tonnes Huarmey 600000

400000

200000

0 1997 1998 1999 2000 2001 Années

Figure 34 : Prise d’anchois par les trois principaux ports de la région entre 1997 et 2001 (adaptation d’après INEI-Ancash, 2002b)

D’après Région Ancash (2004), la production actuelle de la pêche est estimée à 44 t par an, dont 97 % destinée à la production de la farine de poisson, 3 % à la production des conserves, poisson salé (séché), congelé et frais.

En outre, dans la région côtière d’Ancash, la pêche artisanale est très développée, fournissant quotidiennement les produits marins aux marchés locaux de la côte. Dans la partie andine, la pisciculture est également très développée. Cependant, il n’y a pas de statistiques officielles sur ces activités ; dans ces conditions, il est difficile d’estimer leur valeur ajoutée, surtout qu’elles font vivre de nombreuses familles.

iii) Extraction minière

Durant la décennie des ’70, l’activité minière régionale a connu un développement remarquable avant le déclin durant les années ’80. Dès le début des années ’90, afin d’attirer les investissements, il y a eu des changements dans la législation minière. Les nouvelles normes ont donné beaucoup de facilités d’ordre fiscal aux entreprises minières. Comme le souligne le journaliste Humberto Campodónico, durant les premières années de production, pendant que l’entreprise récupère ses investissements, elle ne paie pas d’impôts (cité par Salas Rodríguez, 2005, p. 19). Profitant de cette conjoncture, dans la région Ancash, deux grands projets miniers ont vu le jour. En 1998, ce fut le cas de la mine aurifère Pierina, localisée à 10.5 km au NO de Huaraz, dans la Cordillera Negra, et en 2001, c’était le tour d’Antamina, localisée à 13.5 km au NE-E de Chavín et à 25 km au SE de Huari, dans le versant est de la Cordillera Blanca.

Pierina, dont la période d’exploitation est assurée jusqu’en 2011, voire plus, et Antamina, dont la durée de vie est estimée à au moins 24 ans, ont redynamisé l’activité minière

101 régionale. Ceci explique la multiplication de la production des minerais de la région durant ces dernières années (figures 35 et 36).

En effet, avant le démarrage de Pierina, la production d’or était insignifiante : entre 1991 et 1996, moins de 100 kg par année ; en 1997, de 127 kg. En 1998, la production d’or a dépassé 1’800 kg et dès 1999, on a produit plus de 25’000 kg par an (figure 35).

500000 450000 400000 350000 300000 Argent 250000 Kg Or 200000 150000 100000 50000

0

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3

9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 0 0 0 0

9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 0 0 0 0

1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 2 2 2 Années

Figure 35 : Production régionale d’argent et d’or, entre 1990 et 2003 (adaptation d’après INEI-Ancash, 2002b [pour 1990-2001] et Région Ancash, 2004, p. 61 [entre 2002-2003])

Concernant l’argent, en 1990, la production était près de 50’000 kg, ensuite et jusqu’à 1994, elle a subi une chute. Entre 1996 et 1997, la production était environ de 50’000 kg par an. Dès 1998, elle a augmenté. Et finalement, la production record a été obtenue en 2003, plus de 430’000 kg.

La mise en marche d’Antamina, en 2001, a aussi dopé la production des métaux tels que le cuivre et le zinc. En effet, entre 1990 et 2000, la production régionale du cuivre était insignifiante ; en 2001, elle était supérieure à 160'000 t, en 2002, elle atteignait plus du double. En 2003, la région a produit plus de 268'000 t (figure 36).

Concernant le plomb, entre 1990 et 1994, la production était insignifiante. Entre 1995 et 1997, elle dépassa 19'000 t par an. Entre 1998 et 1999, elle fut supérieure à 25'000 t par an ; entre 2000 et 2002, plus de 25'000 t par année et, finalement, en 2003, supérieure à 22'000 t (figure 36).

Quant au zinc, entre 1990 et 1994, la production était insignifiante ; entre 1995 et 1997, supérieure à 38'000 t par an ; entre 1998 et 1999, supérieure à 50'000 t par année ; en 2000, à plus de 60'000 t ; en 2001, supérieure à 130'000 t ; en 2002, à plus de 328'000 t, et finalement, en 2003, à plus de 450'000 t (figure 36).

102 500000 450000 400000 350000

300000 Cuivre 250000 Plomb

Tonnes 200000 Zinc 150000 100000 50000 0

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 Années

Figure 36 : Production régionale de cuivre, plomb et zinc, entre 1990 et 2003 (adaptation d’après INEI-Ancash, 2002b [pour 1990-2001] et Région Ancash, 2004, p. 61 [2002-2003])

Bien que les exportations minières génèrent un revenu considérable pour les transnationales (tableau 21), les retombées économiques pour la région sont dérisoires, voire inexistantes, car ces compagnies ne paient pas d’impôts ! L’activité minière suppose une énorme source de croissance économique au niveau régional et provincial, mais elle n’est pas en train de générer le développement et le bien-être dans la population (Salas Rodríguez, 2005, p. 119). En effet, comme le souligne l’ancien maire de Huaraz, les grandes entreprises ne génèrent que peu d’emplois locaux, car la majorité de leur employés ne sont pas de la région et beaucoup d’entre eux sont amenés de l’étranger. Les inputs, les matériaux et jusqu’à la nourriture pour leurs fonctionnaires sont achetés à l’extérieur, en marginalisant les produits locaux (cité par Yupari, 2001, p. 49).

Produits miniers Valeur de l’exportation régionale US $ Cuivre 374'651’120 Or 288'680’140 Zinc 95'514’485 Plomb 20’602’468 Molybdène 4’716’593 Argent 1’949’897

Tableau 21 : Valeur des exportations de quelques produits miniers de la région Ancash, en 2002 (adaptation d’après Région Ancash, 2004, p. 61)

Sous le couvert de la loi estabilidad tributaria (stabilité sur les impôts), promulguée sous le régime Fujimori, les transnationales minières localisées dans la région Ancash ne paient pas d’impôts. Le cas de Pierina (Barrick Misquichilca, entreprise canadienne) est un exemple typique. Entrée en exploitation en 1998, après 8 ans d’activité, l’entreprise n’a pas encore

103 payé d’impôts ! En 2005, la SUNAT6 (Superintendencia Nacional de Administration Tributaria) lui réclamait un arriéré de US $ 141 millions. Or, le ministère de l’économie et des finances, avec ses « Tribunal Fiscal » et « défenseur du contribuable », a trouvé une astuce pour bloquer cette réclamation ! Le monde est à l’envers : ceux qui devraient défendre les revenus d’un Etat pauvre font exactement le contraire (Capodónico, 2005). Cela a indigné les populations de « Callejón de Huaylas » (Recuay, Huaraz, Carhuaz, Yungay, Caraz) qui, en mars 2005, ont déclenché une grève générale qui a duré plusieurs jours.

Selon Guerra (2006), Pierina ne paiera ses impôts qu’à partir de 2012 ! Or, au début de son exploitation, cette mine avait annoncé à 11 ans sa durée de vie (années d’exploitation) ! Si c’est le cas, elle partira sans avoir laissé le moindre sous à titre d’impôts. Toutefois, l’entreprise signale aussi que son exploitation ira, probablement, au-delà de 11 ans. Ceci ne serait-il qu’un leurre pour l’évasion fiscale ?

D’après Yupari (2001), le secteur minier n’est pas un facteur qui incite au développement économique durable d’Ancash. Ceci ne répond pas aux objectifs du développement de la région, car il ne prend pas en considération la culture et les traditions locales, ou les intérêts et valeurs des groupes ethniques dont la vie est affectée. On remarque que les discours politiques et publicitaires des compagnies du secteur miniers sont loin de la pratique réelle.

En outre, l’activité minière a aussi des répercussions négatives sur l’environnement, notamment l’eau, l’air et les sols, ainsi que sur la vie des communautés indigènes (menace sur diversité culturelle) de la région. Voici le témoignage de Feliciana Amado, une paysanne habitant à San Marcos (Huari), contre l’abus d’Antamina : « Dieu nous a offert l’eau, nos jalcas et nos terres, l’Etat les a vendus sans se soucier de la santé de nos enfants » (cité par Salas Rodríguez, 2005, p. 49).

iv) Industrie

L’activité industrielle principale est la sidérurgie, autour de laquelle s’est développée une petite industrie consacrée à la fabrication des canots et de petits bateaux de pêche (Région Ancash, 2004, p. 65). Toutes ces entreprises sont localisées à Chimbote (Santa).

Malheureusement, il existe très peu de statistiques sur la production industrielle. Région Ancash (2004) cite l’exemple de la sidérurgie et de la production d’alcool (tableau 22). Néanmoins, la production du sucre est assez représentative (figure 37).

Produits (unités) 1999 2000 2001 (*) Sidérurgiques (tonnes) 349’050 369’119 100’859 Alcool (106 litres) / 4’616 1’102

Tableau 22 : Production de l’industrie lourde (sidérurgie) et d’alcool, entre 1999 et 2001 (adaptation d’après Région Ancash, 2004, p. 65). (*) production au premier trimestre

En 1999, la production de la sidérurgie régionale était supérieure à 349'000 t ; en 2000, plus de 369'000 t. En 2000, la production régionale d’alcool (de la canne à sucre) était supérieure à 4'600 millions de litres (tableau 22).

6 www.sunat.gob.pe

104 Concernant la production régionale du sucre, entre 1994 et 1997, elle a été en baisse constante. Dès 1998, la production a été en constante hausse et finalement, en 2001, elle était supérieure à 66'000 t (figure 37).

80000

70000 66810 58944 60000 52350 50000

40000 Sucre 32339 Tonnes 30000

20000 12053 11309 10000 2867 1200 0 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 Années

Figure 37 : Production régionale du sucre, entre 1994 et 2001 (adaptation d’après INEI- Ancash, 2002b)

Malgré l’absence des chiffres, l’INEI-Ancash (2002b) cite la contribution de l’activité industrielle de la région Ancash à l’économie nationale (tableau 23). Entre 1994 et 2001, cette participation était variable. Entre 1994 et 1998, c’était, respectivement, la majeure (5.8 %) et la plus petite (2.8 %) contribution. A la fin de 2001, la contribution régionale était un peu supérieure à 3 %.

Année Pérou Ancash Participation d’Ancash (106 Soles) (106 Soles) (%) 1994 15748 916 5.8 1995 16616 721 4.3 1996 16862 824 4.9 1997 17758 715 4.0 1998 17188 480 2.8 1999 17023 611 3.6 2000 17972 650 3.6 2001 17873 604 3.4

Tableau 23 : Valeur de l’activité industrielle du Pérou et de la région Ancash, entre 1995 et 2001 (d’après INEI-Ancash, 2002b)

v) Constructions

Pour ce secteur, les statistiques sont maigres. Néanmoins, l’INEI-Ancash (2002b) cite la valeur ajoutée des constructions entre 1994 et 2001 (figure 38). Selon ce graphique, en 1994, la valeur ajoutée était de 286 millions de soles, une année après de 262 millions. Entre 1996 et 1997, elle a été à la hausse, pour atteindre la valeur maximale en 1998 (327

105 millions). En 1999, elle retombe à 300 millions, et une année après, remonte à 306 millions, et finalement, en 2001, s’établit à 280 millions.

350 317 327 300 306 300 292 286 262 280 250

200

150

Millions (Soles) 100

50

0 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 Années

Figure 38 : Valeur ajouté de l’activité construction de la région Ancash, entre 1994 et 2001 (adaptation d’après INEI-Ancash, 2002b)

La participation du secteur construction à l’économie nationale est résumée dans le tableau 24. En 1994, sa participation était la plus élevée (5.2 %) ; l’année suivante, la moindre (4.1 %). Entre 1996 et 1999, sa contribution a été, en moyenne, de 4.5 %. En 2000, elle remonte à 5 % et finalement, en 2001, elle était de 4.9 %.

Année Pérou Ancash Participation d’Ancash (106 Soles) (106 Soles) (%) 1994 5497 286 5.2 1995 6452 262 4.1 1996 6305 292 4.6 1997 7245 317 4.4 1998 7289 327 4.5 1999 6521 300 4.6 2000 6140 306 5.0 2001 5716 280 4.9

Tableau 24 : Participation du secteur construction d’Ancash dans l’économie nationale (source : INEI-Ancash, 2002b)

vi) Autres activités (services, tourisme, artisanat et commerce)

Pour les activités, telles que le tourisme et le commerce, les statistiques sont maigres et inexistantes pour les services et l’artisanat. Cela implique la difficulté à quantifier l’apport de ces activités à l’économie régionale.

Selon INEI-Ancash (2002b), en 1994, l’activité commerciale d’Ancash aurait eu une valeur ajoutée de 210 millions soles, ce qui aurait représenté 29 % du commerce du pays ; en 1995, 100 millions (16 % du commerce national) ; en 1996, 114 millions (20 %) ; en 1998, 44 millions (9 %) ; entre 1999 et 2001, plus de 100 millions par an (> 15 %) [figure 39]. La chute

106 de l’activité commerciale, en 1998, est probablement liée au phénomène d’El Niño. En effet, durant cet événement, à cause des pluies diluviennes, les routes ont été coupées et les ponts détruits, ce qui affecta les flux commerciaux entre les diverses parties de la région Ancash.

250

210 200

150 114 115 107 105 100 93 100 Millions (Soles) 44 50

0 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 Années

Figure 39 : Valeur ajoutée de l’activité commerciale de la région Ancash, entre 1994 et 2001 (adaptation d’après INEI-Ancash, 2002b)

Concernant le tourisme, l’unique indicateur pour cette activité est le nombre de nuitées. En 1993, plus de 270'000 nuitées de nationaux ont été enregistrées et plus de 6'000 pour les étrangers. Entre 1994 et 1998, le nombre de nuitées des nationaux a encore augmenté ; tandis que celle des étrangers, en 1994, 1995 et 1996, étaient à la hausse, en 1997 à la baisse, et pour remonter en 1998. En 1999, la nuitée des nationaux a connue une baisse ; ensuite, entre 2000 et 2001, elle a été en hausse. Entre 1999 et 2001, la nuitée des étrangers a connu une augmentation significative (figure 40).

450000

400000

350000

300000

250000 Nationaux 200000 Etrangers N° nuités 150000

100000

50000

0 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 Années

Figure 40 : Nombre de nuitées de nationaux et d’étrangers dans la région Ancash, entre 1993 et 2001 (adaptation d’après INEI-Ancash, 2002b)

107 3.2.3. Population Economiquement Active (PEA)

L’Atlas Departamental del Perú (2003) définit la Population Economiquement Active (PEA) comme les personnes de 15 ans ou plus, exerçant une activité économique. En 1993, sur une population de 955'023 habitants, la région Ancash avait une PEA de 272'546 personnes, ce qui représente 28.5 % de la population régionale, dont 17.4 % concentrée dans l’aire urbaine et 11.1 % dans la zone rurale.

Nous estimons que ces chiffres englobent toutes les activités. Malheureusement, nous ne possédons pas d’autres informations sur la PEA régionale, par exemple, par branche d’activités. Il semblerait qu’après 1993, il n’y a pas eu une étude socio-économique de la région, d’où le manque d’informations.

La figure 41 montre la distribution de la population et de la PEA par provinces pour l’année 1993. Huaraz et Santa sont les provinces les plus peuplées, et par conséquent, avec plus de PEA. Aija, Asunción, Corongo et Ocros sont les provinces les moins peuplées, d’où le nombre faible de leur PEA.

400000

350000

300000

250000 Pop. 1993 200000 PEA 1993

Nombre 150000

100000

50000

0 Aija Huari Santa Ocros Sihuas Casma Huaraz Yungay Recuay Huaylas Carhuaz Pallasca Corongo Huarmey Asunción Bolognesi Pomabamba A. Raymondi C.F. Fitzcarrald Mcal. Luzuriaga Provinces

Figure 41 : Population et PEA, en 1993, par provinces de la région Ancash (adaptation d’après Atlas departamental del Perú, 2003, p. 34)

En 1993, les provinces côtières, Casma, Huarmey et Santa, ainsi que Huaraz, la capitale départementale, avaient une PEA urbaine supérieure à celle des zones rurales. Les provinces andines de Bolognesi, Corongo, Ocros, Pallasca et Recuay avaient une PEA rurale et urbaine presque égales. Le reste des provinces (11), éminemment andines, avaient leur PEA rurale supérieure à l’urbaine (figure 42).

108 100 90 80 70 60 Urb. % 50 Rur. 40 30 20 10 0 Aija Huari Santa Ocros Sihuas Casma Huaraz Recuay Yungay Huaylas Carhuaz Pallasca Corongo Huarmey Asunción Bolognesi Pomabamba A. Raymondi A. C.F. Fitzcarrald Mcal. Luzuriaga Mcal. Provinces

Figure 42 : Concentration de la PEA par aire Rurale (Rur.) et Urbaine (Urb.) par provinces, en 1993 ; pourcent par rapport à la PEA totale provinciale (adaptation d’après Atlas departamental del Perú, 2003, p. 34)

3.3. Système socio-démographique

Il existe plusieurs variables pour mesurer le niveau socio-démographique d’une région ou d’un pays, entre autres : la fécondité (nombre d’enfants par femme), la mortalité infantile (taux de décès par 1’000 enfants nés), taux d’alphabétisation (accès à l’éducation), etc.

La mortalité infantile est liée au niveau du développement de la région ou du pays (accès à l’eau potable, à la santé, etc.). De même, le taux d’alphabétisation est lié à combien de budget un pays ou une région destine à l’éducation.

Les indicateurs socio-démographiques reflètent, en quelque sorte le niveau du développement d’une région ou d’un pays. Cependant, les variables étant nombreuses, ce n’est pas souvent facile de trouver les statistiques appropriées pour chaque indicateur. Dans notre cas, c’est la raison qui justifie le choix de l’Indice du développement Humain comme indicateur du système socio-démographique pour notre région d’étude.

3.3.1. Indice du Développement Humain (IDH)

Selon Wikipédia (l’encyclopédie libre) [2006], les indicateurs de développement humain (IDH), sont des indicateurs chiffrés utilisés par le Programme des Nations Unies pour le Développement pour estimer le niveau du développement d’un pays. Ces indicateurs permettent de calculer un indicateur composite, l’indice du développement humain (IDH) [human development index, HDI].

Si, auparavant, le niveau du développement d’un pays ou d’une région était calculé en fonction du revenu par habitant, l’IDH prend en compte le caractère multidimensionnel du développement. Trois indicateurs entrent dans le calcul d’IDH : la longévité, la scolarisation et l’alphabétisation, ainsi que le niveau de vie, qui sont les mesures indirectes de la qualité de vie.

109

La longévité (espérance de vie à la naissance) permet de mesurer la satisfaction des besoins matériels fondamentaux (accès à l’alimentation, au logement, à l’eau potable, au service de la santé, etc.). Le niveau d’éducation (taux de scolarisation et alphabétisation), qui permet acquérir les connaissances techniques et scientifiques et de participer aux prises de décisions dans la société. Le niveau de vie reflète le revenu par habitant et son pouvoir d’achat.

Calcul de l’IDH

L’IDH est la moyenne des indices de longévité, de niveau d’éducation et de niveau de vie, dont la valeur maximale (1) correspond à l’indice « excellent » et la valeur minimale (0) à celui d’« exécrable » [équation 1 et tableau 25] (Wikipédia, 2006). Sa formule est la suivante :

IDH = (A + D + E) / 3 [1]

Indicateurs Mesure Valeur Valeur Formule minimale maximale Longévité (A) Espérance de vie à la 25 ans 85 ans A = (EV – 25) / 60 naissance (EV) Taux d’alphabétisation (TA) 0 % 100 % Education (D) D = (2TA + TBS) / 3 Taux brut de scolarisation 0 % 100 % (TBS) Niveau de vie (E) Logarithme du PIB par

habitant en parité de pouvoir 100 US $ 40'000 US $ E = (log10PIB - 2) / 2.60206 d’achat

Tableau 25 : Indicateurs et calcul de l’IDH (d’après Wikipédia, 2006)

3.3.2. Indice du Développement Humain (IDH) au Pérou par département, année 1997

Au Pérou, en 1997, tenant compte des critères du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), l’INEI (2000) a établi l’Indice du Développement Humain par département (tableau 26).

Indicateurs PNUD Indicateurs Pérou Valeur maximale Valeur minimale

Espérance de vie à la Espérance de vie à la 85 ans 25 ans naissance naissance Alphabétisation adulte Alphabétisation adulte 100 % 0 %

Taux d’immatriculation Années d’étude de la 16 années d’étude 0 années d’étude combiné : primaire, secondaire population ≥ 25 ans (sans étude) et supérieur PIB par habitant en parité de Revenu moyen mensuel par 471.8 Soles 37.0 Soles pouvoir d’achat (US $) habitant (Soles de 1995)

Tableau 26 : Indicateurs pris en compte pour l’établissement de l’IDH départemental du Pérou en 1997 (adaptation d’après INEI, 2000, p. 2-4)

110 De même, l’INEI (2000) a procédé à la classification de l’IDH, comme suit (tableau 27) :

Classification Valeurs Haut IDH 0.800 – 1.000 IDH Moyen 0.500 – 0.799

IDH Moyen Haut 0.700 – 0.799 IDH Demi-Moyen 0.600 – 0.699 IDH Moyen Bas 0.500 – 0.599 IDH Bas 0.000 – 0.499

Tableau 27 : Echelles pour la mesure de l’Indice du Développement Humain (d’après INEI, 2000, p. 5)

Selon INEI (2000) et les critères des tableaux 26 et 27, en 1997, pour une moyenne nationale, d’espérance de vie de 68.2 ans, le taux alphabétisation de 90.5 %, la moyenne d’années d’études de 7.9 ans et le revenu moyen par habitant de 259.7 soles, l’IDH moyen national était de 0.667 (IDH Demi-Moyen). Au niveau national, Lima occupait la première place du classement, avec un IDH de 0.847 (Haut IDH) et Ancash, la place 15, avec un IDH de 0.563 (IDH Moyen Bas).

En 2001, pour une moyenne nationale d’espérance de vie de 69.2 ans, un taux d’alphabétisation de 87.9 %, une moyenne d’années d’études de 7.8 ans et un revenu moyen par habitant de 344.0 soles, l’IDH moyen national était de 0.626 (IDH Demi-Moyen). Pour la même année, avec un IDH de 0.837, Lima était à la tête du classement et Ancash occupait la place 16, avec un IDH de 0.552 (INEI-Ancash, 2002b).

3.3.3. Indice du Développement Humain par province de la région Ancash, année 2000

Le Programme des Nations Unies pour le Développement pour le Pérou (PNUD-Pérou, 2002), a établi l’IDH, pour 2000 et à niveau provincial, pour l’ensemble du pays. Les résultats montrent une moyenne régionale de l’IDH de 0.577, ce qui place la région Ancash au rang 12 du classement au niveau national.

Au niveau régional, on remarque une disparité entre côte et la sierra. Quatorze provinces sur vingt, localisées dans la partie andine, ont un IDH compris entre Moyen et Bas ; cinq provinces ont un IDH Moyen Haut, dont 2 localisées dans la côte et trois dans la sierra ; et seule une a un IDH Haut, localisée dans la partie côtière (tableau 28 et figure 43).

Classes Description Valeurs Provinces (IDH ; Classement national) 1 Haut IDH [0.653 – 0.755] Santa (0.662 ; 13è) 2 IDH Moyen Haut [0.578 – 0.650] Huarmey (0.634 ; 25è), Casma (0.594 ; 42è), Recuay (0.58 ; 44è), Huaraz (0.582 ; 51) et Bolognesi (0.578 ; 45) 3 IDH Moyen [0.540 – 0.575] Aija (0.572 ; 58), Ocros (0.568 ; 64) Corongo (0.554 ; 77) et Pallasca (0.548 ; 81) 4 IDH Moyen Bas [0.481 – 0.535] A. Raymondi (0.516 ; 108è), Huari (0.508 ; 119è), Pomabamba (0.497 ; 126è), Huaylas (0.496 ; 127è) et Sihuas (0.485 ; 136è) 5 IDH Bas [0.377 – 0.479] Asunción (0.479 ; 143è), Carhuaz (0.479 ; 154è), Mariscal Luzuriaga (0.454 ; 166è), Yungay (0.453 ; 168è) et C. F. Fitzcarrald (0.434 ; 184è)

Tableau 28 : Classes de l’IDH pour 2000 (adaptation d’après PNUD-Pérou, 2002)

111

Figure 43 : Région Ancash, IDH par provinces pour 2000 (source : PNUD-Pérou, 2002)

3.3.4. Indice du Développement Humain par district de la région Ancash, année 2003

Le PNUD-Pérou (2005), a établi, pour 2003 et au niveau de district, l’Indice du Développement Humain pour le Pérou. Les résultats montrent une moyenne pour la région Ancash de l’IDH de 0.558, ce qui la place au 14 rang du classement au niveau national.

D’après les résultats, 8 districts (6 localisés dans la région côtière et 2 dans la partie andine) avaient un IDH Haut ; 46 un IDH Moyen Haut (9 dans la partie côtière et le reste dans la région andine) ; 49 un IDH Moyen, dont 4 dans localisés dans la côte et 45 dans la sierra ; 35 avec un IDH Moyen Bas, dont 2 districts localisés dans la province de Casma et le reste dans la région andine ; et 28 districts avaient un IDH Bas et tous localisés dans la partie andine de la région (figure 44).

112

Figure 44 : Région Ancash, IDH au niveau du district, pour l’année 2003 (source : PNUD- Pérou, 2005)

3.4. Système socio-culturel (socio-diversité)

Dans la région Ancash, entre les versants ouest et est des cordillères Negra et Blanca, entre le nord et le sud des vallées andines de Callejón de Huaylas et de Conchucos, il existe bel et bien une grande socio-diversité. Cependant, les statistiques officielles ne rendent pas compte de cette richesse et tout est résumé sous le terme de « rural ». Il y a aussi une absence d’études dans ce domaine.

113 Entre les populations du versant ouest (connu sous le nom de « las vertientes ») et est de la Cordillera Negra, il y a des différences dans les coutumes et traditions. De même, cette différence est bien marquée entre le versant ouest et est de la Cordillera Blanca. Le seul versant ouest de la Cordillera Blanca, dans l’axe nord-sud, compte une richesse culturelle énorme. En effet, dans cette partie de la région, sur quelques km, les formes vestimentaires et coutumes changent, pour ainsi dire d’un village à l’autre ; et si la distance augmente, les différences vestimentaires sont encore plus marquées.

Un exemple pour illustrer notre propos, dans le versant ouest de la Cordillera Blanca, entre les villages d’Atocpampa (district de San Miguel de Aco, province de Carhuaz) et Collón (district de Taricá, province de Huaraz), il y a une distance de 4 km. Cependant, malgré cette proximité, il y a une différence dans les vêtements des filles, la seule ressemblance étant leurs tresses (figure 45, gauche et centre). Un autre exemple de cette diversité culturelle est illustré par les formes vestimentaires d’une petite fille du village de Llamac (district de Pacllón, province de Bolognesi), localisé à 105 km (direction SE) de Collón (figure 45, droite). A noter la différence des chapeaux entre les trois figures.

Figure 45 : A gauche, fillette du village Atocpampa (district de San Miguel de Aco, province de Carhuaz) ; au centre, fillette du village Collón (district de Taricá, province de Huaraz), [photo C. Durand, 2003] ; à droite, petite fille du village de Llamac (district de Pacllón, province de Bolognesi)

D’après la carte de « centres peuplés » (INEI, 2002), nous avons repéré 1 658 villages qui sont localisés dans la juridiction de la région Ancash. Chacun de ceux-ci représente un potentiel de diversité culturelle que l’on peut observer, surtout durant les journées de marché dans les principales villes de la région, où convergent les populations des villages gravitant autour de chefs lieux (figure 46).

114

Figure 46 : Marché dans la vallée de Callejón de Huaylas

La diversité culturelle se manifeste aussi dans les formes des constructions et les matériaux utilisés. Par exemple, entre les versants est et ouest de la Cordillera Blanca, dans de nombreux villages, les maisons ont les toits en chaume, toutefois, les formes et les matériaux sont différents. Le matériel de base, dans le versant ouest est la paille de blé (figure 47, à gauche), tandis que de l’autre côté c’est l’ichu (figure 47, à droite).

Figure 47 : Maisons villageoises entre les deux versants de la Cordillera Blanca : ouest (à gauche) et est (à droite, photo anonyme)

Au niveau ethnique, les statistiques sont inexistantes, tous les villages étant désignés par le terme de « ruraux ». Concernant la langue, bien que le quechua soit très répandu, il n’y a pas d’information. Sous l’effet « topographique local », il y a fort à parier qu’il existe une diversité de cette langue. Par exemple, entre les villages gravitant autour de Huaraz, jeune fille en quechua se dit « ichic china », quelques dizaines de km au nord, dès la province de Carhuaz, « shipash ». De même, entre les versant est et ouest de la Cordillera Blanca, il y a une différence dans cette langue. Cependant, on se comprend à 95%.

115 La diversité culturelle se manifeste aussi dans les mythes et légendes, surtout dans la région andine où chaque accident géographique évoque un nom, un mythe ou une légende (Yauri Montero, 2000).

3.5. Commentaire sur les données socio-économiques

L’analyse des informations socio-économiques nous a montré la divergence de chiffres, pour la même année et même variable, d’une source à l’autre. Pour résoudre ce casse-tête, nous avons opté de nous référer à une source pour une période donnée et autre source pour une autre période (les divers graphiques et tableaux l’indiquent). Cependant, nous avons essayé de travailler au mieux avec les données officielles. Toutefois, en l’absence d’informations pour certains aspects, nous nous sommes tournés vers d’autres sources.

Nombre d’indicateurs socio-économiques restent seulement au niveau départemental (régional). Selon Yupari (2001), les principaux indicateurs officiels remontent à 1993 et il y a un manque de données documentées sur la dynamique de l’économie régionale.

Il y a pratiquement absence d’information socio-économique au niveau du district. D’après le PNUD-Pérou (2005), au Pérou, l’absence de l’information à ce niveau est omniprésente, et la plupart des districts n’ont pas d’indicateurs socio-économiques fiables depuis plusieurs années, ce qui ne permet pas de détecter la gravité de leurs problèmes sociaux, ni d’avoir une idée de leur situation économique et sociale à l’échelle du pays.

Nous avons adressé des requêtes d’informations socio-économiques aux institutions officielles telles que l’Institut National d’Informatique et Statistique (INEI, basé à Lima), entité chargée des statistiques officielles et le Fond de Coopération pour le Développement Social (FONCODES, basé à Huaraz), qui est censé venir en aide aux populations les plus démunies du pays, par le biais de la construction des infrastructures vitales (stations d’eau potable, canaux d’irrigation, etc.). Malheureusement, nous n’avons pas reçu de réponses.

Les données socio-économiques de la région sont donc à l’état embryonnaire. Toutefois, elles nous donnent un aperçu de l’état du niveau du développement social et économique de la région.

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Yupari, A. (2001) Desarrollo basado en los recursos naturales no renovables : estructura legal, administrativa y financiera para el desarrollo descentralizado en el Perú. Informe préparée pour la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement, 88 p. Document en ligne : www.natural-resources.org/minerals/CD/docs/unctad/Yupari.pdf (au 10.03.2006)

120 VI. MISE EN ŒUVRE DU SIG POUR LA CORDILLERA BLANCA

1. Introduction

Le SIG de la Cordillera Blanca est composé de plusieurs thèmes ou plans d’information : topographie, géologie, couverture du sol, socio-économie et points de captage d’eau. Les informations proviennent de diverses sources et nous leur avons attribué un référentiel géographique commun. Nous présentons ici la manière dont nous avons procédé pour la mise en place du SIG de la Cordillera Blanca ( figure 48 ).

Thèmes Topographie Occupation du sol Géologie Socio-économique Divers

Carte topographique Source Landsat ETM+ 2002 INRENA-INGEMMET INEI ATDR IGN - IRH

Modèle numérique Limites administratifs, Points de captage PI primaire Images satellitaires Carte géologique d’altitude villages, population d’eau

Carte de la couverture Carte des ressources Densité de la PI secondaire Carte des pentes du sol hydriques population Orientation des pentes

Carte du relief Carte de régions naturelles

Limite du bassin versant

Système d’Information Géoréférée de la Cordillera Blanca

Figure 48 : Organigramme de l’élaboration du SIG pour la Cordillera Blanca

1.1. Géoréférence et délimitation de la zone d’étude

Les coordonnées des plans d’informations composant le SIG de la Cordillera Blanca correspondent à celle du système « Universal Transverse Mercator » (UTM) et les informations de la projection sont les suivantes :

Géoréférence : UTM Sphéroïde : WGS 84 Zone Numéro : 18 (Sud) Datum : WGS 84

La zone d’étude a été délimitée entre les coordonnées UTM suivantes :

Xo, Y o : 180’000, 8’872’000 (coin gauche bas) X1, Y 1 : 276'000, 9'048'000 (coin droit haut)

Ce qui représente 96 km de largeur et 176 km d’hauteur et couvrant une superficie de 16'896 km 2.

121 1.2. Logiciels et opérations géomatiques

Pour les diverses étapes (saisies, analyse et représentation des données) de la mise en place du SIG de la Cordillera Blanca, nous avons eu recours à plusieurs logiciels et opérations géomatiques. Ceux-ci sont indiqués, plus bas, pour chaque plan d’information.

1.2.1. Saisie des données

En général, les informations sous format shape et en système de coordonnées géographique (latitude / longitude) ont été converties en coverage et reprojetées sous ERDAS Imagine 7 dans les coordonnées UTM. Ensuite, elles ont été exportées vers ArcView en format shape. Les images satellitaires, elles, ont été importées avec ERDAS Imagine .

1.2.2. Analyse des données

Topographie : le module Topogrid du logiciel Arc/Info , version station Unix, a permis l’élaboration du Modèle Numérique d’Altitude (MNA). Le modèle ombré a été réalisé sous ERDAS Imagine . L’analyse de la qualité du MNA a été effectuée avec Spatial Analyst d’ ArcView .

Images satellitaires : les opérations d’analyse ont été réalisées avec ERDAS Imagine et Spatial Analyst d’ ArcView .

1.2.3. Représentation des données

Toutes les informations du SIG de la Cordillera Blanca sont compatibles avec les logiciels ArcView et ArcGis ; elles peuvent donc être représentées avec ces logiciels.

2. Plans d’information

2.1. Topographie : modèle numérique d’altitude

2.1.1. Saisie de l’information

Les données topographiques sous format vectoriel ( coverage , en système de coordonnées géographiques), provenant de l’Institut Géographique National (IGN – Lima), nous ont été fournies par l’Institut National de Ressources Naturelles (INRENA - Lima).

Dans la figure 49 , nous présentons les étapes et les diverses procédures pour la génération du MNA.

Les informations topographiques de base couvrent la région comprise entre les coordonnées géographiques 7° 56’ 3’’ – 10° 53’ 10’’ S / 76° 35’ 58’’ – 78° 45’ 16’’ O, soit une superficie de 63 775 km 2, plus grande que celle du département d’Ancash (35 936. 5 km 2). Les courbes de niveau sont dans le système de coordonnées géographiques, à équidistance de 50 m et des altitudes minimale et maximale de, respectivement, 25 et 6 700 m.

La première étape a consisté en la reprojection des courbes de niveau topographiques dans les systèmes de coordonnées UTM, zone 18 sud. Le coverage résultant de cette

7 www.erdas.com

122 transformation a été converti en format shape , qui a été corrigé par nos soins à l’écran. Ensuite, l’aire d’interpolation a été délimitée à 58 000 km 2 ( figure 50 ).

Dans le secteur du Nevado Taulliraju (5 830 m) [coordonnées (UTM) X , Y : 216 496 , 9 015 890), nous avons procédé aux corrections des sur-cotations. Les courbes de niveaux suivantes ont été détruites : 6250, 6150, 6050, 5950, 5850, 5750, 5650, 5550, 5450, et 5350. Les corrections apportées sont reportées dans le tableau 29 .

Séquence Opération: logiciel / module

Courbes de niveau coverage (lat/long)

Reprojection: Erdas / Re-project

Courbes de niveau coverage (UTM)

Conversion: ArcView / Convert to Shape

Courbes de niveau shape (UTM)

Correction: ArcView / Edit Découpage: ArcView / Xtools

Courbes de niveau corrigées (.shp , UTM) Conversion: ArcInfo / Import

Courbes de niveau corrigées (coverage , UTM) Interpolation: ArcInfo / Topogrid

MNA pixel 50 m (.grid) Conversion: ArcInfo / Export Conversion: Erdas / Import Mosaïque: Erdas / Mosaic Conversion: Erdas - ArcInfo MNA pixel 50 m (.img ; .grid)

Ré-échantillonnage: Spatial Analyst / Grid Utilities

MNA pixel 25 m (.grid)

Figure 49 : Procédures pour l’élaboration du MNA

Courbes de niveaux Courbes de niveaux Sur-cotées Equivalentes (corrigées) Sur-cotées Equivalentes (corrigées) 6300 5800 5700 5500 6200 5750 5600 5450 6100 5700 5500 5400 6000 5650 5400 5350 5900 5600 5300 5300 5800 5550

Tableau 29 : Correction des courbes de niveaux au Nevado Taulliraju

123 2.1.2. Interpolation

L’étendue de l’aire d’interpolation, très grande (58 000 km 2 ), a posé des problèmes aux capacités techniques des machines. Nous avons donc décidé de faire des découpages en plusieurs sous-zones d’interpolation.

La zone d’interpolation a donc été découpée en 18 « tuiles » ( figure 50 , à gauche) et les courbes de niveau corrigées, contenues dans les fichiers vecteurs, ont été rastérisées à l’aide du module TOPOGRID , option « Interpolation », sous ARC/INFO . Les premiers essais ont donné lieu à un MNA de 75 m de résolution.

L’image ombrée de la mosaïque de ces 18 MNA présentait des artefacts (le long des sutures entre les divers « tuiles »), raison pour laquelle ce modèle numérique d’altitude a été mis de côté.

Pour réduire ou minimiser les artefacts, le nombre de tuiles d’interpolation a été diminué à 10 (figure 50 , à droite). Une fois encore, l’image ombrée de la mosaïque présentait des artefacts le long des zones de « superposition ». Le résultat de cette interpolation a été également mis de côté.

La tentative d’interpolation couvrant tout le département d’Ancash obéit au fait que nous avons passé un accord avec l’INRENA pour leur fournir un MNA pour cette zone ; c’était la condition pour avoir les informations topographiques de base. Nous nous sommes engagés à leur fournir un MNA fiable.

Figure 50 : A gauche, délimitation des 18 « tuiles » d’interpolation ; à droite, 10 sous-zones d’interpolation ; pour les deux images, en gris les courbes de niveau topographiques, en noir les courbes de niveau pour les zones glaciaires

124 Etant donné que les interpolations par des « tuiles » au nombre de 10 et de 18 n’ont pas donné de bons résultats, nous avons procédé à la délimitation d’une zone d’interpolation « raisonnable », qui soit techniquement faisable et qui permette d’éviter d’introduire des artefacts.

Des tests ont démontré que, techniquement, nous pouvions interpoler une zone couvrant 22 089 km 2 à résolution de 75 m ( figure 51 ). Or, notre objectif étant de générer un MNA à pixel de 50 m, cela posait encore des problèmes. Nous avons donc fini par diviser la zone d’interpolation en 2 sous-zones ( figure 51 , polygones 1 et 2).

Pour les deux zones, l’interpolation a été effectuée avec le module TOPOGRID d’ ArcInfo à une résolution de 50 m. Ensuite, ces deux MNA ont été mosaïqués sous Erdas Imagine , et l’image résultante a été découpée aux limites de la Cordillera Blanca :

Xo , Y o : 180 000 , 8 872 000 X1 , Y 1 : 276 000 , 9 048 000

Le MNA résultant du découpage représente une superficie de 16 896 km 2 ( figure 52 ).

Figure 51 : Limites des zones d’interpolation (1 et 2 ; polygones en noir) ; en gris les courbes de niveau topographiques ; en noir, les courbes de niveau pour les zones glaciaires ; en gris clair, limite de la Cordillera Blanca

125 2.1.3. Evaluation de la qualité du Modèle Numérique d’Altitude à résolution de 50 m

La qualité d’un Modèle Numérique d’Altitude peut être estimée par des approches visuelle et quantitative. Dans ce travail, nous nous limiterons à la première approche. Pour l’approche quantitative voir Carrara et al. (1997), El Morjani (2003) et Silverio (2001).

a) Délimitation des zones d’échantillonnage

Toute évaluation de MNA demande de délimiter des zones d’échantillonnage. Dans notre cas, trois zones ont été choisies, chacune couvrant 370 km 2 (figure 52 ) :

Zone 1 (nord) : délimitée autour du massif du Huascarán (point culminant du Pérou), dans la partie nord de la zone d’étude. Cette zone est caractérisée par une topographie très accidentée, avec de grandes dénivellations entre les fonds de vallées très étroites et les sommets dépassant les six milles mètres. Son altitude varie entre 2750 et 6700 m.

Zone 2 (centre) : c’est la zone qui représente le centre de la mosaïque ; elle comprend une partie de la vallée principale (Callejón de Huaylas) et quelques sommets de 5000 m et un de 6000. L’altitude varie entre 2900 et 6100 m. Cette zone est destinée à contrôler la qualité de la mosaïque.

Zone 2 (sud) : localisée dans la partie méridionale de la région d’étude, elle renferme les parties de la vallée principale à pentes « douces » et de la Cordillera Negra. Les courbes de niveau varient entre 3600 et 4800 m.

126

Figure 52 : MNA (pixel de 50 m) couvrant la Cordillera Blanca et les zones d’échantillonnage (1 : nord ; 2 : centre [zone de la mosaïque] ; 3 : sud)

b) Contrôle de la mosaïque

L’image ombrée, à laquelle ont été superposées des courbes de niveau topographiques (pour lisibilité, espacées chaque 100 m), ne présente pas d’artefacts, et la réalité topographique y est bien représentée ( figure 53 ).

127

2

Figure 53 : Modèle ombré pour la zone de la mosaïque

Une autre méthode pour estimer la qualité de la mosaïque est d’observer la distribution des pixels autour d’une courbe de niveau topographique. Dans la figure 54 , nous présentons cette distribution dans l’intervalle entre 4495 et 4505 m d’altitude autour de la courbe de niveau topographique de 4500 m.

Dans les zones à pente moyenne, les pixels (entre ≥ 4495 et ≤ 4505 m d’altitude) sont bien distribués autour de la courbe de niveau topographique. Tandis que dans les zones à pentes plus prononcées, ils présentent une légère dispersion ( figure 55 ).

Pour l’ensemble de la zone d’échantillonnage, les pixels avec des altitudes de notre intervalle se distribuent, autour de la courbe de niveau de 4500 m, presque de manière « harmonieuse ». Cela indique que la qualité de la mosaïque est bonne.

128

Figure 54 : Distribution des pixels des altitudes entre 4495 et 4505 m (en jaune) autour de la courbe de niveau topographique de 4500 m. Pour le cadre violet voir figure 55

Figure 55 : Zoom sur la distribution des pixels d’altitudes entre 4495 et 5505 m autour de la courbe de niveau de 4500 m

129 c) Evaluation de la qualité du MNA par la méthode visuelle

Les modèles ombrés avec courbes de niveau de base des zones d’échantillonnage nord et sud ne présentent pas d’artefacts, et les principaux traits topographiques y sont bien représentés ( figure 56 ).

1

3

Figure 56 : Modèle ombré des zones d’échantillonnage nord (1) et sud (3)

130 Dans une étude de contrôle de la qualité d’un MNA, l’approche visuelle peut permettre une vérification rapide de l’interpolation, avant de passer à des test de qualité très poussés (approche quantitative).

Par conséquent, nous estimons que dans un processus d’élaboration d’un MNA, l’approche visuelle constitue une base pour le contrôle de qualité du « produit ». Cependant, nous recommandons vivement des vérifications de la qualité du MNA par la méthode quantitative.

Et finalement, en vue d’autres applications, le MNA à résolution de 50 m a été ré- échantillonné à 25 m, à l’aide du script « Grid Utilities » de Spatial Analyst.

2.1.4. Détermination du Bassin Versant et du masque « région »

Il existe deux méthodes pour délimiter un bassin versant (BV). La première consiste à tracer manuellement, sur une carte topographique, la ligne de partage d’eaux. La deuxième est automatique, à base d’un Modèle Numérique d’Altitude (MNA) et des cours de rivières, à l’aide d’un logiciel d’application hydrologique. C’est cette dernière méthode que nous avons choisie pour délimiter le BV dans notre région d’étude. Les étapes sont indiquées dans la figure 57 . S é q u e n c e Opération: Logiciel / Module

Limite Rivières MNA externe pixel 50 m (.shp) (.shp) (.grid) Conversion: ArcInfo / Grid to Image Conversion: IDRISI / Import

Edition: ArcView / Edit Rivières MNA Conversiom: IDRISI / Import (.rst) pixel 50 m Conversion: Idrisi / Vector to raster (.rst)

Watershed (IDRISI)

Modélisation: IDRISI / Watershed

Bassin Versant (BV) (.rst)

Conversion: IDRISI / Raster to Vector

BV (.vct)

Conversion: IDRISI / Export

BV (.shp) (polygone)

Conversion: ArcView / Xtools

Limite Ext. BV (.shp) (.shp) / (ligne) (ligne)

Union de thèmes: ArcView / Xtools Conversion: ArcView / Script

BV 1 (.shp) (polygone)

Edition: ArcView / Edit

BV Région Divers BV CN - CB (limite)

Figure 57 : Organigramme pour la détermination du Bassin Versant

131 Tout d’abord, les informations sur les rivières (vecteur) et le MNA (raster) ont été exportées vers le logiciel Idrisi . Ensuite, sous ce programme, les cours des rivières ont été rastérisés. La modélisation a été réalisée à l’aide du module « Watershed » (EPFL-SIRS, 2004). La figure 58 montre les états avant et après cette procédure.

Figure 58 : Le MNA superposé du cours des rivières principales (à gauche) ; après la modélisation, on a obtenu 80 bassins versants de diverses tailles (à droite)

Une fois le Bassin Versant obtenu (format raster), il a été vectorisé sous Idrisi. Le fichier résultant a été exporté en « shape » compatible avec ArcView , où il a subi plusieurs étapes d’édition et de conversion (voir figure 48 ).

A la fin, nous avons obtenu trois types de bassin versant (figure 59 ) :

• « Divers Bassin Versant » : qui permettra de comparer, avec d’autres études, la distribution des glaciers par bassin versant de certaines rivières.

• « BV CN – CB » : Bassin Versant entre les Codillères Negra et Blanca, qui permettra d’étudier la distribution des réserves hydriques par bassin versant de trois rivières principales, Santa, Marañon et Pativilca.

• « Région » : représente la limite de la région d’étude.

132

Figure 59 : Limite de « Divers bassin versants » (à gauche) ; limite des bassins versants entre les Cordillères Negra et Blanca (BV CN – CB) [au centre] ; limite de la région d’étude (à droite)

La qualité de la limite du bassin versant a été vérifiée visuellement. Sous une image composite de Lansat ETM+ de 2002, nous avons constaté que ces limites suivaient bien la ligne de partage des eaux.

2.1.5. Ré-échantillonnage du MNA à 25 m

Afin de combiner avec les images satellitaires (résolution 25 m) pour l’élaboration de la carte de couverture du sol, le MNA (pixels de 50 m) a été ré-échantillonné à 25 m en utilisant l’extension « Grid utilities » dans le Spatial Analyst d’ ArcView .

2.1.6. Découpage du MNA à résolution de 50 m par le masque « région » et classification

Sous ArcView et à l’aide du script « Grid Tools » (Jenness Enterprises) 8, le MNA de 50 m a été découpé avec le masque region.shp . Le résultat a été nommé dem-50_region.grid , dont les altitudes minimale et maximale sont, respectivement, 1131 et 6701 m, et finalement a été classifié en 12 classes : 1131-1500 m, 1500-2000 m, 2000-2500 m, 2500-3000 m, 3000- 3500 m, 3500-4000 m, 4000-4500 m, 4500-5000 m, 5000-5500 m, 5500-6000 m et 6500- 6701 m ( figure 60 , gauche).

8 www.jennessent.com

133 2.1.7. Carte du relief

Une image ombrée a été dérivée à partir du MNA dem50_cb.grid à l’aide du module TOPOGRAPHIC ANALYSIS et l’option « Shaded Relief » d’ ERDAS Imagine . Les paramètres d’illumination relative sont : Azimuth solaire : 315° Elévation solaire : 45°

Ce plan d’informations servira comme fond de carte pour la présentation de certaines informations du SIG de la Cordillera Blanca ( figure 60 , droite).

Légende

Figure 60 : Carte d’altitudes (gauche) et du relief (droite), avec la limite des bassins versants (contour orange)

2.1.8. Carte des pentes

Ce plan d’information a été dérivé à partir du MNA dem-50_region.grid avec l’option « Derive Slope » du module SURFACE de Spatial Analyst ( ArcView ).

Dans la région d’étude les valeurs des pentes varient entre 0° et 72°. Le module ANALYSIS et l’option « Reclassify » de Spatial Analyst a permis la re-classification en 6 classes : 0°-5° , 5°-15°, 15°-30°, 30°-45°, 45°-60° et 60°-72° ( figure 61 , gauche).

134 2.1.9. Carte d’orientation de pentes

Elle a été produite à partir du MNA dem-50_region.grid avec l’option « Derive Aspect » du module SURFACE de Spatial Analyst ( ArcView ). Les valeurs d’orientation sont par rapport au nord et elles varient entre –1° (superficies pla tes, sans orientation) et 360°. Elles ont été re-classifiées en 9 catégories : -1°-0° (sans orien tation), 0°-45° (N-NE), 45°-90° (NE-E), 90°- 135° (E-SE), 135°-180° (SE-S), 180°-225° (S-SO), 22 5°-270° (SO-O), 270°-315° (O-NO) et 315°-360° (NO-N) ( figure 61 , droite).

Légende Légende

Figure 61 : Carte de pentes (gauche) et d’orientation des pentes (droite)

2.1.10. Carte de régions naturelles

En tenant compte des limites altitudinales (Pulgar Vidal, 1987), nous avons établi une carte des régions naturelles à partir du MNA dem-50_region.grid . Cette carte comporte 5 catégories : Yunga, entre 1131-2300 m ; Quechua, entre 2300-3500 m ; Suni o Jalca, entre 3500-4000 m ; Puna, entre 4000-4800 m et Janca ou Cordillera, entre 4800-6701 m ( figure 62 ).

135

Légende

Figure 62 : Carte des régions naturelles

2.2. Géologie

Les informations vectorielles pour la géologie proviennent de l’Institut National des Ressources Naturelles (INRENA). Elles sont sous format coverage couvrant le département d’Ancash et le district de Huallanca (province Dos de Mayo, département de Huánuco) et dans les systèmes de coordonnées UTM, Datum Horizontal PSAD56 (Provisional South American Datum 1956) [Eastman, 2001].

Depuis le 6 février 1990, le district de Huallanca a été annexé au département d’Ancash (INEI-Ancash, 2002a). Mais les données sur la géologie n’ont pas encore été mises à jour.

Pour les géoréférencer dans les systèmes de coordonnées UTM, Datum WGS84, les coverages d’Ancash et de Huallanca ont subi une translation dans les axes X (Est) et Y (Nord), à l’aide du logiciel ArcInfo (version station de travail). D’après l’Institut Géographique

136 National (IGN) 9 du Pérou, les paramètres de conversion du Datum PSAD56 à celui du WGS84 sont les suivants : XWGS84 = X PSAD56 - 228 YWGS84 = Y PSAD56 - 361

Les résultats ont été exportés sous format shape afin d’être corrigés, assemblés et découpés sous ArcView . La carte géologique pour la région d’étude comporte 22 formations ( figure 63 ).

Légende

Figure 63 : Carte géologique, en bas, les couches les plus anciennes et en haut, les couches les plus récentes (pour les ages/périodes voir tableau 12 , partie V)

9 www.ign.gob.pe

137 2.3. Cartographie des aléas liés aux glaciers

Concernent la cartographie des aléas naturels liés aux glaciers, les informations obtenues par Silverio et Jaquet (2003a) ont subi une translation, en tenant compte des mêmes paramètres que pour la géologie. Pour la description des type de phénomènes et les événements qui ont lieu dans la région, se référer à ces auteurs.

2.4. Cartographie de la couverture glaciaire (année 2002)

L’UNEP/GRID-Sioux Falls nous a fourni une image mosaïquée (Path : 008 ; Rows : 066-067) du satellite Landsat 7, Enhanced Thematic Mapper (ETM+), du 17 juin 2002, sous format GeoTIFF (géoréférencée en orbite en système de coordonnées UTM) et sa résolution est de 30 m. Les dimensions sont de 12’173 lignes par 8’482 colonnes.

Une sous-scène des bandes 1, 2, 3,4,5 et 7 a été obtenu entre les coordonnées suivantes :

Xmin , Y min : 168’000, 8’850’000 Xmax , Y max : 280'000, 9'060’000

L’image résultante comporte de 3’733 colonnes par 7’000 lignes.

2.4.1. Correction géométrique et ré-échantillonnage des images

La correction géométrique a été réalisée sous ERDAS Imagine , à l’aide du module Geometric Correction, avec le modèle de transformation polynomial de 1 er degré, sur la base de l’image de 1987 et avec 55 points de contrôle. Le ré-échantillonnage a été effectué avec la méthode du plus proche voisin (pixel de 30 m). L’erreur quadratique moyenne s’élève à 1 pixel. De l’image résultante, qui comporte 3’722 colonnes par 7’002 lignes, une sous-image a été découpée, entre les coordonnées :

Xo, Y o : 180’000, 8’872’000 X1, Y 1 : 276'000, 9'048’000

La dimension de cette image est de 3’201 colonnes par 5’868 lignes ; elle a été nommée Etm_2002_cb. img .

2.4.2. Analyse des images

Pour la cartographie des glaciers appliquée à la Cordillera Blanca, une méthodologie a été développée par Silverio et Jaquet (2003b et 2005) sur la base de l’indice de neige normalisé (NDSI : Normalized Difference Snow Index), défini par Hall et al. (1995). Elle est résumée ci- après.

Pour le capteur ETM+ du satellite Landsat 7, le NDSI est exprimé par l’expression arithmétique suivante :

NDSI = [Bande 2 – Bande 5] / [Bande 2 + Bande 5]

138 Le potentiel du NDSI dans la cartographie des glaciers a été démontré par plusieurs recherches (Dozier, 1989 ; Sidjak et Wheate, 1999 ; Silverio et Jaquet, 2005). Cet indice différencie bien les glaciers des autres éléments de couverture du sol ( figure 64 ).

Figure 64 : Sur l’image du NDSI, les glaciers de la Cordillera Blanca sont clairement représentés (en noir)

2.4.3. Segmentation du NDSI

Les valeurs du NDSI sont comprises entre -0.7 et 0.94. La limite des glaciers a été seuillée à NDSI ≥ 0.51, par inspection visuelle et sur la base de l’histogramme de la figure 65 . Les glaciers couverts, les lacs et les rivières ont été numérisés manuellement à l’écran sur une image composite ETM+ 7/4/2.

139

Figure 65 : Histogramme du NDSI. Les valeurs ≥ 0.51 définissent la limite des glaciers

De même, en tenant compte des valeurs NDSI ≥ 0.51, nous avons délimité les inclusions rocheuses, localisées à l’intérieur des glaciers.

2.4.4. Résultats

En 2002, la Cordillera Blanca couvrait une aire de 596 km 2 ; les glaciers avaient une superficie de 574 km 2, les glaciers couverts 18 km 2 et les inclusions rocheuses (à l’intérieur des glaciers) 4 km 2 ( figure 66 , gauche ; tableau 30 ).

Le nombre de lacs qui ont été répertoriés est de 907, couvrant ensemble une superficie de 43 km 2. Vingt-trois petits lacs se trouvent dans le versant est de la Cordillera Negra ; 884 lacs sont localisés entre les deux versants de la Cordillera Blanca ( figure 66 , droite).

Quant aux rivières, elles ont été numérisées afin d’être rastérisées et intégrées dans la carte de la couverture du sol ( figure 66 , droite). Il s’agit de rivières permanentes, qui coulent toute l’année et dont les sources sont des glaciers et/ou des lacs.

Etant donné que les rivières de la Cordillera Negra sont temporaires (en eau principalement durant la saison de pluies), elles n’ont pas été numérisées ( figure 66 , droite). Pour la date de la prise de l’image satellitaire (17.06.200), les 23 petits lacs identifiés dans le versant est de ce massif n’avaient pas de contribution aux débits des rivières, et ces dernières n’étaient plus visibles.

140

Figure 66 : A gauche, les glaciers, les glaciers couverts et des intrusions rocheuses ; à droite, rivières principales, lacs et glaciers

Aire ( km 2) % Glacier 574 96.3 Glacier couvert 18 3.0 Intrusion rocheuse 4 0.7 Total 596 100

Tableau 30 : Superficie de glaciers, de glaciers couverts et d’intrusions rocheuses pour 2002

2.5. Couverture des glaciers pour 1987 et 1996

Les informations sur la couverture glaciaire de 1987 et de 1996, obtenues par Silverio et Jaquet (2005), ont été adaptées au système de coordonnées UTM, Datum WGS84, en suivant la procédure de translation appliquée aux informations géologiques.

141 2.6. Estimation des réserves hydriques de la Cordillera Blanca

2.6.1. Couverture glaciaire pour 1970, 1987, 1996 et 2002

Selon HIDRANDINA (1988), en 1970, les glaciers de la Cordillera Blanca couvraient une superficie de 721 km 2 (en excluant les deux petits massifs de Rosko et Pelagatos, localisés, respectivement, à 30 km au N-NO et à 50 km au N de la Cordillera Blanca). Pour 1987 et 1996, le massif comptait, respectivement, 643 et 600 km 2 (Silverio et Jaquet, 2005). En 2002, grâce aux images satellitaires de Landsat ETM+, nous avons obtenu une superficie de 596 km 2 (figure 67 ).

800 721

700 643 600 596 600 ) 2 500

400

300 Superficie Superficie (km

200

100

0 1970 1987 1996 2002 Années

Figure 67 : Evolution de la couverture glaciaire de la Cordillera Blanca entre 1970 et 2002. Source pour 1970 : Hidrandina (1988) ; pour 1987 et 1996 (Silverio et Jaquet, 2005) ; pour 2002 : nos résultats

La figure 67 montre qu’entre 1970 et 1987, la couverture glaciaire a diminué de 78 km 2, ce qui représente un retrait moyen de 4.6 km 2/an ; entre 1987 et 1996, la diminution est de 43 km 2, avec un retrait moyen de 4.8 km 2/an. Enfin, entre 1996 et 2002, la perte a été de 4 km 2, ce qui signifie un retrait de 0.7 km 2/an.

Ainsi donc, pour la période entre 1970 et 2002, la Cordillera Blanca a perdu 125 km 2 de couverture glaciaire, représentant un retrait moyen de 4 km 2/an. Par conséquent, en 32 ans, le massif a perdu 17 % de sa couverture glaciaire.

2.6.2. Distribution de la superficie glaciaire par bassin versant pour 1987, 1996 et 2002

Afin de déterminer la distribution des ressources hydriques par bassin versant, les couvertures glaciaires pour les années 1987, 1996 et 2002 ont été découpées avec les masques « bassins versants » des rivières Santa, Marañon et Pativilca. Les résultats figurent dans le tableau 31 .

142 Année 1987 Année 1996 Année 2002 Bassin versant (km 2) (%) (km 2) (%) (km 2) (%) Río Santa 444 69.1 419 69.8 420 70.5 Río Marañon 195 30.3 178 29.7 173 29.0 Río Pativilca 4 0.6 3 0.5 3 0.5 Total 643 100 600 100 596 100

Tableau 31 : Distribution de la superficie glaciaire par bassin versant

Pour 2002, sur l’ensemble de la Cordillera Blanca, les intrusions rocheuses couvraient 4 km 2 ; cette valeur est supérieure de 1 km 2 à la superficie des glaciers concentrés dans le bassin versant de Río Pativilca. Toutefois, afin d’avoir les mêmes critères pour les 3 années d’observation, ces intrusions rocheuses n’ont pas été soustraites de la couverture totale de 2002.

Entre 1987 et 1996, les glaciers du bassin versant des rivières Santa, Marañon et Pativilca ont perdu, respectivement, 25, 17 et 1 km 2 de leurs superficies. Entre 1996 et 2002, les glaciers du Santa, dans l’ensemble, ont gagné 1 km 2, tandis que ceux de Marañon ont perdu 5 km 2 et ceux de Pativilca reflètent la même superficie.

Au niveau des bassins versants, la période entre 1987 et 1996 a été synonyme d’un retrait glaciaire aigu, tandis que la période entre 1996 et 2002 a été variable.

2.6.3. Estimation du volume brut et d’équivalent-eau a) Volume brut et d’équivalent eau pour 1970, 1987, 1996 et 2002

Pour l’année 1970, l’épaisseur moyenne des glaciers de la Cordillera Blanca a été estimée à 31 m (Hidrandina, 1988). Cela indique qu’à cette date, le volume brut était de 22 km 3 et le volume équivalent eau 10 de 20 km 3 (20x10 9 m 3) [ figure 68 ].

Pour 1987, 1996 et 2002, vu la perte de la couverture glaciaire, l’épaisseur moyenne des glaciers était probablement inférieure à 31 m. Cela indique que pour ces années, le volume brut et d’équivalent-eau étaient un peu moindres, respectivement : de 20 km 3 et de 18 km 3 (18x10 9 m 3) ; de 18.6 km 3 et de 16.7 km 3 (16.7x10 9 m 3) ; de 18.5 km 3 et de 16.6 km 3 (16.7x10 9 m 3) [ figure 68 ].

Entre 1970 et 1987, la diminution du volume brut a été de 2 km 3 ; entre 1987 et 1996, de 1.4 km 3 ; et entre 1996 et 2002, de 0.1 km 3. Et quant au volume équivalent eau, la perte a été, de 2 km 3, pour la première période, de 1.3 km 3, pour la deuxième période et de 0.1 km 3, pour la troisième période.

Pour la période entre 1970 et 2002, la perte du volume brut a été supérieure à 3.5 km 3 (16 %) et celle de l’équivalent-eau à plus de 3.4 km 3 (17 %). Cela indique que, durant cette période, les réserves hydriques (volume équivalent eau) ont diminué de 106x10 6 m 3 par an.

10 Volume équivalent eau : 1 m 3 de glace = 0.9 m 3 d’eau

143 25 22 20 20 20 18 18.6 18.5 16.7 16.6

15

10 Volume (km3)

5

0 1970 1987 1996 2002 Années

Volume Brut Volume Eq. Eau

Figure 68 : Volume brut et d’équivalent-eau de la Cordillera Blanca pour 1970, 1987, 1996 et 2002

b) Volume brut et d’équivalent-eau pour 1987, 1996 et 2002, par bassin versant

Nous avons obtenu les volumes brut et d’équivalent-eau, par bassin versant, en multipliant les superficies glaciaires du tableau 31 par l’épaisseur moyenne (31 m) correspondant à l’année de 1970 ( tableau 32 ). Toutefois, en absence des valeurs exactes de l’épaisseur, nos résultats ne sont qu’indicatifs.

Pour 1987, 1996 et 2002, le BV du Santa comptait un volume d’équivalent eau, respectivement, de <12.4 km 3, de <11.7 km 3 et de <11.7 km 3 ; celui du BV du Marañon en avait, respectivement, de <5.4 km 3, de <5 km 3 et de <4.8 km 3 et, celui du BV du Pativilca, <0.1 km 3 ( tableau 32 ).

D’après le tableau 32 , on déduit que pour 2002, 70 % des réserves hydriques se concentraient dans le BV du Santa, suivi par celui du Marañon (29 %) et de Pativilca (1 %).

Volume 1987 (km 3) Volume 1996 (km 3) Volume 2002 (km 3) BV Brut Eq. eau Brut Eq. eau Brut Eq. eau Santa 13.8 12.4 13.0 11.7 13.0 11.7 Marañon 6.0 5.4 5.5 5.0 5.4 4.8 Pativilca 0.1 0.1 0.1 0.1 0.1 0.1 Total 20 18 18.6 16.7 18.5 16.6

Tableau 32 : Distribution du volume brut et d’équivalent-eau par bassin versant en 1987, 1996 et 2002

144 2.6.4. Estimation du volume d’eau des lacs de la Cordillera Blanca

Grâce à l’image satellitaire de 2002, nous avons répertorié 907 lacs dans notre région d’étude. Vingt-six petit lacs, localisés sur le versant est de la Cordilleran Negra, ont été mis de côté pour l’estimation des réserves hydriques. Parmi les 881 lacs restants, la plupart sont d’origine glaciaire.

Selon Ames (1988) et UGRH 11 (2005), entre 1970 et 2005, des mesures bathymétriques sur 44 lacs de la Cordillera Blanca ont été réalisées ; 38 d’entre eux sont localisés dans le BV du Santa et 6 dans celui du Marañon. Cela indique que, dans la Cordillera Blanca, il y a 837 lacs dont le volume est encore inconnu. Nous avons tenté d’estimer ces volumes par deux méthodes différentes :

a) Volume du lac comme une fonction de sa superficie

Selon Huggel et al. (2002), le volume (V) d’un lac d’origine glaciaire et pourvu d’une digue morainique peut être défini en fonction de son aire (A) par la relation :

V = 0.104*A 1.42 (1)

Hegglin (2006) a utilisé cette formule pour estimer le volume de 18 lacs localisés dans les zones de Huaraz et de Carhuaz.

b) Approche de cône « renversé »

Nous supposons que la superficie (A) des lacs est équivalente à l’aire de base d’un cône. Dans ce cas, A est définit par :

A = π*R 2 et R = (A/ π)1/2 (2)

Le volume (V) du cône est alors défini par :

V = ( π*R 2*h)/3 (3)

Où : h : est la moyenne des profondeurs maximales (47 m) des 44 lacs qui ont de la bathymétrie. A : superficie du lac établie sur la base de l’image satellitaire de 2002.

De (2) et (3) on déduit :

V = (A*h)/3 (4)

11 Unité de Glaciologie et des Ressources Hydriques, Institut National des Ressources Naturelles (INRENA), Huaraz.

145 c) Comparaison des résultats obtenus par ces deux approches

Dans le tableau 33 , le volume des 44 lacs « échantillons », obtenus en appliquant les équations (1) et (4), est comparé avec celui obtenu par des levés bathymétriques (Ames, 1988 ; UGRH, 2005).

Le volume cumulé réel (Vol. 1) des 44 lacs est de 422x10 6 m 3. En appliquant l’équation (1), ces mêmes lacs stockeraient (Vol. 2) 387x10 6 m 3 d’eau et, par la méthode des « cônes renversés » de l’équation (4), le stock serait (Vol. 3) de 225x10 6 m 3 ( tableau 33 ).

La différence entre Vol. 2 et Vol. 1 (vol réel) est de -35x10 6 m 3 (-8 %). La même arithmétique, entre Vol.3 et Vol. 1, donne comme résultat -197x106 m 3 (-47 %). Ces résultats montrent qu’en appliquant l’équation (1) on est plus proche des valeurs réelles ( figure 69 ).

Pour certains lacs, la figure 69 montre aussi une différence bien marquée entre les volumes obtenus par bathymétrie et en appliquant l’équation (1). Toutefois, ces écarts sont liés aux changements dans leurs superficies respectives : o Laguna Safuna Alta : entre 1975 et 2000, ce lac s’est développé. En 1975, 1987, 1996 et 2000, sa superficie était, respectivement, de 74'000 m 2, de 146'000 m 2, de 320'000 m 2 et de 378'000 m 2 (Silverio et Jaquet, 2003a).

En 2001, le levé bathymétrique de l’UGRH a donné une superficie de 371'520 m 2 (Santillán, 2006). Le 22 avril 202, une avalanche de roche et de matériel morainique (Hubbard et al., 2005) a réduit la superficie et le volume du lac.

Cette diminution de la superficie du lac a été aussi enregistrée par l’image satellitaire du 17 juin 2002, (290'608 m 2). Et finalement, en août 2002, l’UGRH a réalisé un nouveau levé bathymétrique, en obtenant une superficie de 306'250 m 2 (Santillán, 2006). o Cullicocha : le levé cartographique a été réalisé avec les photos aériennes de 1962 et de 1970 (Ames, 1988). En été 2001, lors de notre passage dans cette zone, nous avons constaté une diminution du volume et de la superficie du lac (voir figure 92 , partie VII). Cette baisse est liée à l’augmentation du pompage de l’eau pour faire tourner les turbines de la centrale Cañon del Pato. o Arhuaycocha : en 25 ans, ce lac a aussi connu un fort développement. En 1975, 1987, 1996 et 2000, sa superficie a été, respectivement, de 20'000 m 2, de 32'000 m 2, de 241'000 m 2 et de 336'000 m 2 (Silverio et Jaquet, 2003a). Pour 2002, il couvrait une superficie de 369'391 m 2. Sa bathymétrie a été réalisée en septembre 2004, où l’on a obtenu une superficie de 398'824 m 2 et un volume de 19'158'848 m 3 (UGRH, 2005). o Parón : entre 1984 et 1992, ce lac a vu son volume s’abaisser artificiellement d’une cinquantaine de mètres (Pouyaud et al. 2005). Ses superficies initiale et finale étaient, respectivement, de 1'850'000 m 2 et de 420'000 m 2 (UGHR, 2005). Selon l’image satellitaire du 31 mai 1987, le lac Parón couvrait une superficie de 1'141'356 m 2.

Suite à la privatisation de la Centrale Hydroélectrique de Cañon del Pato (en octobre 1999), le nouveau propriétaire, Duke Energy 12 , a recommencé à stocker de l’eau au lac Parón ; ceci explique qu’en 2002, sa superficie a atteint 1'575'136 m 2. o Llanganuco Alta : le levé cartographique de ce lac a été réalise sur la base des photos aériennes de 1962 et de 1970 (Ames, 1988). En plus, ce lac a été affecté par l’avalanche

12 www.duke-energy.com

146 de 1970, provenant de la paroi nord du Huascarán Nord : les débris tombés sur le cône de déjection séparant les lacs Llanganuco Baja et Alta ont fait barrage sur le torrent et le niveau du lac a monté de 2 m.

La superficie officielle est de 674'600 m 2 et celle obtenue sur la base de l’image satellitaire du 2002 est de 535'522 m 2 ( tableau 33 ). La différence de -139'078 m 2 (-21 %) est certainement liée à notre numérisation car il y a une confusion entre la limite eau/terre, puisque tout le long du rivage, il y a la présence de végétation. o Auquiscocha : le levé cartographique a été réalisé sur les photos aériennes de 1962 et de 1970 ; la superficie officielle est de 781'756 m2 (Ames, 1988). Grâce à l’image satellitaire de 2002, nous avons obtenu une superficie de 737'067 m 2. La différence est de -44'689 m 2 (-5.7 %), certainement liée à notre numérisation. o Querococha : sa cartographié a été réalisé à l’aide des photos aériennes de 1962 et sa superficie estimée à 1'424’750 m 2 (Ames, 1988). A l’aide de l’image satellitaire de 2002, nous avons obtenu une superficie de 1'401'311 m 2. Entre ces valeurs, il existe une différence de -23'439 m 2 (-1.6 %) qui est liée, probablement, à la numérisation. o Purhuay : d’après Ames (1988), sa superficie a été estimée à 864’160 m 2. Grâce à l’image satellitaire de 2002, nous avons obtenu une superficie de 875'037 m 2. Notre superficie représente 10'877 m 2 de « trop » (+1.3 %), qui est, certainement, liée à la numérisation.

Les résultats, en utilisant l’équation (1), étant plus proches des valeurs mesurées, nous appliquerons donc cette procédure pour estimer le volume des 881 lacs qui n’ont pas de données bathymétries.

147 N° Lac Aire (m 2) Vol. 1 ( m3) Prof ( m) Aire ETM+ (m 2) Vol. 2 (m 3) Vol. 3 (m 3) 1 Safuna Baja 171160 1300000 10 127548 1849652 1998252 2 Safuna Alta 306250 14392000 81.5 290608 5955663 4552859 3 Pucacocha 258520 8578700 78 264867 5220750 4149583 4 Quitaracsa 101520 1455760 34 111859 1535133 1752458 5 Milliscocha 1 139040 857500 18 133891 1981620 2097626 6 Milliscocha 2 148560 590500 10 139189 2093883 2180628 7 Matarcocha 38560 217000 16 32217 262128 504733 8 Rajucocha 559760 24340000 89 566946 15383762 8882154 9 Cullicocha 867640 63140000 145 857475 27682660 13433775 10 Yuracocha 289080 7380000 52 286373 5832797 4486510 11 145000 2500000 35 141750 2148800 2220750 12 Jatuncocha 475000 5400000 24 441852 10797580 6922348 13 Arhuaycocha 398824 19158848 99.4 369391 8372669 5787126 14 Parón 420000 11572500 24 1575136 65648526 24677131 15 Llanganuco Alta 674600 1717000 8 535522 14187214 8389845 16 Llanganuco Baja 587400 12030000 30 525531 13812840 8233319 17 Laguna 69 109880 3113920 64 83961 1021465 1315389 18 Artesa 22797 124743.7 12.2 18462 118891 289238 19 Hualcacocha 163067 4664723.8 75.9 165952 2687871 2599915 20 Chequiacocha 386836 12570800 80 339901 7439672 5325116 21 Auquiscocha 781756 48762500 96 737067 22330232 11547383 22 Cochca 75400 946400 24 74615 863866 1168968 23 513 26360 726650 105 197502 3441477 3094198 24 Lejiacocha 188320 1486550 19 170168 2785351 2665965 25 Paccharuri 285650 7599000 51 278391 5603298 4361459 26 Pucaranracocha 177307 2953100 36 207206 3684043 3246227 27 Akillpo 412463 3896312 31.8 401219 9415319 6285764 28 Pacliash Cocha 19727 3500000 41 162763 2614824 2549954 29 Ishinca 87902 785872.2 24.7 76467 894471 1197983 30 Pacliash 146000 3500000 43 175974 2921260 2756926 31 Llaca 43988 274304.6 16.8 40186 358773 629581 32 Palcacocha 342332 3'359'776 14.9 206051 3654916 3228132 33 Cuchillacocha 145732 2138936 27.3 146073 2242449 2288477 34 Tullparaju 448451 12292105 65.9 377932 8648897 5920935 35 Shallap 165251 3467585.3 36.6 156065 2463356 2445018 36 Rajucolta 512723 17546151 72.7 549756 14725658 8612844 37 Tararhua 367380 4222530 36 337706 7371543 5290727 38 Querococha 1424750 46136000 46 1401311 55604812 21953872 39 Purhuay 864160 46840000 113 875037 28491207 13708913 40 Allicocha 265000 5300000 33 355458 7927801 5568842 41 Cancaraca 107880 1841840 39 96324 1241470 1509076 42 Cancaraca Chico 48720 268200 11 51223 506377 802494 43 Yanaraju 209160 7342600 61 206073 3655471 3228477 44 Carhuanca 80640 1480700 46 91387 1152097 1431730 Total 13490544 421771108 Moyenne : 47 14380385 386632545 225292698

Tableau 33 : Superficie et volume de 44 lacs avec bathymétrie. Source : en fuchsia : Ames (1988) ; en bleu : UGRH (2006) ; Aire ETM+ : superficie des lacs numérisées sur composite colorée (bandes 7,4,2) de l’image 2002 ; Vol. 2 : calculé avec l’équation (1) et Vol. 3 : calculé avec l’équation (4)

148 70000000

60000000

50000000 ) 3 40000000

30000000 Volume (m Volume 20000000

10000000

0 513 Llaca Parón Artesa Akillpo Ishinca Cochca Shallap Purhuay Pacliash Yanaraju Allicocha Tararhua Rajucolta Tullparaju Cullicocha Yuracocha Paccharuri Laguna69 Rajucocha Lejiacocha Quitaracsa Cancaraca Cancaraca Pucacocha Carhuanca SafunaAlta Taullicocha Jatuncocha Matarcocha Palcacocha Llanganuco SafunaBaja Querococha Arhuaycocha Auquiscocha Milliscocha1 Milliscocha2 Hualcacocha Cuchillacocha Chequiacocha Pucaranracoch PacliashCocha LlanganucoAlta Lacs

Vol. 1 Vol. 2 Vol. 3

Figure 69 : Volume de 44 lacs de la Cordillera Blanca. Vol. 1 : volume réel (estimé par levé bathymétrique, source : Ames (1988) et UGRH (2005) ; Vol. 2 : calculé avec l’équation (1) et Vol. 3 : calculé avec l’équation (4)

149 d) Distribution du nombre des lacs et du volume par bassin versant

Dans le bassin versant du Santa, les 38 lacs qui ont des données bathymétriques stockent 358x10 6 m 3 d’eau ; le volume, calculé en appliquant l’équation (1), des 393 lacs « inconnus » représente environ 235x10 6 m 3. Cela indique que les réserves potentielles dans ce bassin versant sont d’environ 593x10 6 m 3 (tableau 34 ).

Concernant le bassin versant du Marañon, le volume réel des 6 lacs (avec de la bathymétrie) est de 63x10 6 m 3, tandis que celui des 419 lacs (sans bathymétrie), est d’environ 214x10 6 m3. Cela indique que, dans ce bassin versant, l’ensemble des lacs a un stock potentiel de 277x10 6 m 3. Et dans le BV du Pativilca, le volume potentiel est de 3.6x10 6 m 3 ( tableau 34 ).

Finalement, dans notre région d’étude, la réserve hydrique, concentrée dans les 881 lacs, est d’environ 874x10 6 m 3, dont 421x10 6 m 3 mesurés et 453x10 6 m 3 estimés ( tableau 34 ).

Nombre de lacs Volume (10 6 m 3) BV Avec * Sans Total Mesuré * Estimé Total bathymétrie bathymétrie Santa 38 393 431 358 235 593 Marañon 6 419 425 63 214 277 Pativilca 25 25 3.6 3.6 Total 44 837 881 421 453 874

Tableau 34 : Nombre des lacs et du volume par bassin versant (* d’après les données officielles : Ames, 1988 ; UGRH, 2005)

2.6.5. Synthèse de la distribution des réserves hydriques par bassin versant (état 2002)

En 2002, le BV du Santa avait un potentiel hydrique d’environ 12.3 km 3, ce qui représente 70 % des réserves totales, dont 0.6 km 3 stocké dans les lacs et 11.7 km 3 dans les glaciers. Pour la même année, le BV du Marañon comptait une réserve hydrique de 5.1 km 3, ce qui équivaut à 29 % du total, repartie entre 0.3 km 3 dans les lacs et 4.8 km 3 dans les glaciers. Et quant au BV du Pativilca, il stockait un volume potentiel de 0.1 km 3, ce qui représente 1 % des réserves ( tableau 35 ).

Lacs Glaciers Total BV 3 3 3 Volume (km ) % Volume (km ) % Volume (km ) % Santa 0.6 67 11.7 70.5 12.3 70 Marañon 0.3 33 4.8 29.0 5.1 29 Pativilca <0.01 <1 0.1 0.5 0.1 1 Total 0.9 100 16.6 100 17.5 100

Tableau 35 : Distribution des réserves hydriques par bassin versant pour 2002

D’après le tableau 35 on peut déduire que le volume des réserves hydriques, concentré dans les glaciers de la Cordillera Blanca, représente 95 % du total, les 5 % restant étant stockés dans les 881 lacs.

151 2.7. Couverture du sol

Pour la gestion des ressources hydriques, la carte de la couverture du sol s’avère d’une importance capitale. En effet, elle permet de connaître l’étendue des surfaces agricoles (ou des zones potentielles pour l’agriculture), les zones bâties (urbain) et celles où il y a des activités humaines (mines, industries). Toutefois, en région de montagne, telle que la Cordillera Blanca, l’élaboration d’une carte de ce type n’est pas facile, dans la mesure où l’on a recours à l’imagerie satellitaire (seule solution praticable). Le problème majeur est l’effet topographique sur les images et, par conséquent, sur les signatures spectrales des classes de couverture (Silverio et Jaquet, 2003b, p. 71). A cela, il faut ajouter l’impossibilité de différencier la couverture végétale naturelle des cultures. Or, pour la gestion de l’eau, il est très important de connaître l’étendue des surfaces cultivées, particulièrement dans notre région d’étude, qui est éminemment agricole.

Les étapes principales d’élaboration de la carte de couverture du sol pour l’année 2002 sont résumées dans la figure 70 , et les diverses procédures sont présentées dans la figure 71 .

Figure 70 : Etapes pour l’élaboration de la carte de la couverture du sol à partir de l’imagerie satellitaire

152 2.7.1. Pré-traitement

L’UNEP/GRID-Sioux Falls nous a fourni une image mosaïquée (Path : 008 ; Rows : 066-067) du satellite Landsat 7, Enhanced Thematic Mapper (ETM+), du 17 juin 2002, sous format GeoTIFF (géoréférencée en orbite ; système de coordonnées UTM). Les dimensions sont de 12173 ligne par 8482 colonnes et l’image comprend les bandes suivantes ( tableau 36 ) :

Bandes spectrales Longueur d’onde ( µm) Résolution (m) Bande 1 (bleu –vert) 0.45 – 0.52 30 Bande 2 (vert) 0.52 – 0.60 30 Bande 3 (rouge) 0.63 – 0.69 30 Bande 4 (proche infrarouge : PIR) 0.76 – 0.90 30 Bande 5 (infrarouge moyen : IRM) 1.55 – 1.75 30 Bande 6 (infrarouge thermique) 10.42 – 12.35 60 Bande 7 (infrarouge moyen) 2.08 – 2.35 30

Tableau 36 : Caractéristiques du capteur ETM+ (Source : www.eurimage.com )

Toutes les étapes du pré-traitement ont été réalisées sous ERDAS IMAGINE .

a) Extraction d’une sous-scène

Les bandes 1, 2, 3,4,5 et 7 ont été empilées, puis une sous-image (3’733 colonnes par 7’000 lignes) a été extraite de l’image mosaïque entre les coordonnées :

Xmin , Y min : 168’000, 8’850’000 Xmax , Y max : 280'000, 9'060’000

b) Correction géométrique et ré-échantillonnage

La correction géométrique a été réalisée par le module Geometric Correction , avec le modèle de transformation « polynomial » de 1 er degré, sur la base de l’image de 1987 et 55 points de contrôle. Le ré-échantillonnage a été effectué avec la méthode du plus proche voisin (pixel de 25 m). L’erreur quadratique moyenne s’élève à 1 pixel. De l’image résultante, qui comporte 4465 colonnes par 8402 lignes, une sous-image a été découpée, entre les coordonnées :

Xo, Y o : 180’000, 8’872’000 X1, Y 1 : 276'000, 9'048’000

La dimension de cette image est de 3841 colonnes par 7041 lignes ; elle a été nommée Etm_2002_25m_cb. img .

2.7.2. Analyse

Les diverses étapes accomplies dans cette procédure sont résumées dans la figure 71 , ainsi que les logiciels et modules utilisés.

153 MNA Image 2002 Vectors Pixel 25 m Pixel 25 m

1 2 4

MNA NDVI Composition Région Glacier, glacier Pente > 3650 m (.img) colorée (limite) couvert, intrusions Villages rocheuses MNA < = 3650 m

3 5 6

Pente NDVI Urbain Routes

Avalanche Lave torrentielle

7

7

Union de thèmes

8

NDVI Masque (.grid) (reste)

9

NDVI (reste)

1 Opération logique: AV/Spatial Analyst / Map Calculator 10 2 Calcul de pentes: AV/Spatial Analyst / Slope

3 Opération logique: AV/Spatial Analyst / Map Calculator Culture 4 Indice: ERDAS / Operators Couverture végétale 1 5 Conversion: ERDAS / Export Couverture végétale 2 6 Numérisation: AV 11 11 11 12 7 Union de thèmes: AV / Xtools

8 Edition de thèmes: AV / Edit

9 Découpage: AV / Script

10 Opération logique: AV/Spatial Analyst / Map Query 13

11 Rasterisation de thèmes: AV / Convert to Grid

12 Buffer + rasterisation: AV / Xtools / Edit / Convert to Grid Carte de la couverture du sol 13 Superposition de thèmes: AV/Spatial Analyst / Grid Tools

Figure 71 : Organigramme pour l’élaboration de la carte de la couverture du sol (AV = ArcvView)

154 (1) Détermination des altitudes > 3650 m et ≤ 3650 m

Etant donné que dans notre région d’étude la limite des cultures se situe vers 3650 m d’altitude, à partir du MNA à résolution de 25 m, nous avons déterminé les altitudes : > 3650 m et ≤ 3650 m. Les résultats ont été croisés avec la densité végétale (cette procédure a été réalisée à l’aide du module Map Calculator de Spatial Analyst ).

(2) Calcul des pentes

Dans une région comme la Cordillère Blanca, avec une topographie très accidentée, il est indispensable de connaître la distribution des pentes. Cela permet de mettre en évidence, par exemple, les surfaces potentielles (à pente faible) pour l’aménagement de certaines infrastructures. Dans notre cas, les pentes, associées à la densité végétale, peuvent être des indicateurs de la localisation et de l’étendue des surfaces agricoles. Les pentes ont été calculées à partir du MNA de 25 m, avec le module Slope de Spatial Analyst .

(3) Détermination de la pente ≤ 30°

Dans une région avec contrainte topographique, les cultures ne poussent pas partout. Dans notre région, on peut faire des cultures jusqu’à des pentes de ≤ 30°. Au delà de ce seuil, les moyens mécaniques ou animaux peuvent déraper. Le module Map Calculator de Spatial Analyst a permis d’exécuter cette procédure.

(4) Création de l’indice NDVI (Normalized Difference Vegetation Index) à partir des Nombres Digitaux (ND)

Selon Colby (1991), les indices ou les rapports de bandes spectrales permettent d’atténuer les effets topographiques. Le NDVI sert pour le suivi hebdomadaire de la biomasse et comme support aux programmes de modélisation des changements planétaires (Bonn et Rochon, 1992, p. 337).

Pour le capteur ETM+ du satellite Landsat 7, le NDVI est défini par la fonction arithmétique suivante :

NDVI = (Bande 4 – Bande 3) / (Bande 4 + Bande 3) (exprimées en ND)

Notons que le NDVI est normalement calculé à partir de la réflectance. Le calcul de cette dernière dans les zones à fort relief étant compliqué (Colby, 1991), nous avons exprimé le NDVI à partir des nombres digitaux, ce qui est adéquat pour le but poursuivi (classification). L’indice résultant a été nommé NDVI-25m.img .

(5) Conversion du NDVI

L’image résultant dans l’étape précédente a été converti en format « .grid », pour être analysé sous ArcView ; le fichier résultant a été nommé NDVI-25m.grid .

155 (6) Composition colorée et numérisation de thèmes vectoriels

Une composition colorée, comportant les bandes 7, 4 et 2, codées en Rouge, Vert et Bleu, a été réalisée. Cette image a servi pour la numérisation, sur l’écran, des thèmes résumés dans le tableau 37 :

ID Thèmes Types Explication (connaissance de terrain + cartes topographiques) 1 Urbain Polygone correspondant aux zones occupées par les villes et les chef lieu des districts 5 Mines Polygone correspondant aux zones affectées par l’activité minière 6 Avalanche Polygone zone affectée par l’avalanche de 1995 7 Lave torrentielle Polygone zone affectée par la lave torrentielle de 1999 11 Lacs Polygone ensemble des lacs pour la zone d’étude 12 Rivières Ligne il s’agit de rivières « permanentes », ayant une source permanente (glaciers ou lacs) et qui coulent tout le long de l’année. Certaines rivières ne se manifestent que durant la saison humide. 3, 4 Routes Ligne goudronnées et en terre

Tableau 37 : Thèmes numérisés à l’écran

(7) Union des thèmes et intégration d’autres thèmes

Une fois la numérisation terminée, nous avons procédé à l’union des thèmes du type polygone avec celui de la région d’étude (limite pour la classification pour la couverture du sol). De même, les autres thèmes « glaciers » (ID : 8), « glaciers couverts » (ID : 9) et « intrusion rocheuses » (ID : 10), résultant de l’analyse de l’indice de neige normalisé (NDSI), on été intégrés dans cette procédure ( figure 72 , gauche).

(8) Création du masque

L’édition du fichier résultant de l’étape précédente (qui représente l’« union » de tous les thèmes) a permis de créer un masque ( reste.shp ; type : polygone) [ figure 72 , droite]. La méthodologie est décrite dans Silverio et Jaquet (2003b).

Le masque est le résultat de la soustraction de divers thèmes (numérisés et résultant de l’analyse du NDSI) à celui de la « région d’étude ». Dans la partie soustraite (auparavant « occupée » par les divers thèmes), il n’y a plus d’information (No Data), dans le reste de la zone, la valeur est égale à 1 ( figure 72 , droite).

156

Figure 72 : Union des thèmes « région d’étude » (zone de classification) et divers polygones (numérisés et résultant de l’analyse du NDSI) [gauche] ; masque reste.shp résultant de l’édition d’union de thèmes (droite)

(9) Découpage du NDVI avec le masque

Sous ArcView et à l’aide du script Grid Tools (Jenness Enterprises) 13 , l’indice NDVI-25m.grid (figure 73 , gauche) a été découpé avec le masque « reste.shp » ; l’image résultant de cette opération a été nommée NDVI_reste.grid ( figure 73 , droite). Les intervalles des valeurs des NDVI sont résumés dans le tableau 38 .

Images Valeurs du NDVI Explication NDVI-25m.grid [-0.742 , 0.748] Valeurs du NDVI pour la zone comprise entre les coordonnées :

Xo, Y o : 180’000, 8’872'000 et

X1, Y 1 : 276'000, 9'048’000 NDVI_reste.grid [-0.726 , 0.748] Valeurs du NDVI pour la zone d’étude, hors des thèmes : glacier, glacier couvert, intrusion rocheuse, lacs, mines, urbain, avalanche, lave torrentielle

Tableau 38 : Intervalle des valeurs pour le NDVI

13 www.jennessent.com

157

Figure 73 : NDVI-25m.grid (gauche), après découpage avec le masque reste.shp , NDVI_reste.grid (droite)

(10) Segmentation du NDVI, intégration de l’altitude et classification

Etant donné qu’ ArcView n’a pas permis d’afficher l’histogramme de l’image NDVI-25m.grid en 255 classes, sous Erdas Imagine nous avons procédé à l’identification des classes à l’aide de l’histogramme de l’image NDVI-25m.img ( figure 74 ).

L’histogramme de la figure 74 montre un pic pour le NDVI entre les valeurs de -0.0056 et + 0.011. Cet intervalle correspond à la transition entre les surfaces nues et végétalisées (Silverio et Jaquet 2003).

L’histogramme de l’image NDVI_reste.grid présente une unimodalité ( figure 75 ), qui ne permet pas un seuillage adéquat des classes. C’est pourquoi nous avons retenu les quatre classes identifiées à l’aide de l’image NDVI-25m.img (tableau 39 ).

158

Figure 74 : Histogramme du NDVI pour l’ensemble de la zone d’étude (image : ndvi- 25m.img ) avec les intervalles des classes identifiées

Figure 75 : Histogramme du NDVI (image NDVI_reste.grid ) avec les intervalles des valeurs de segmentation (à l’intérieur de la région d’étude)

159

Classes Valeurs du NDVI Interprétation 1 [-0.726 , 0.011] Sol nu 2 [0.011 , 0.209] Végétation peu dense 3 [0.209 , 0.345] Végétation dense 4 [0.345 , 0.748] Végétation très dense

Tableau 39 : Seuillage du NDVI, hors thèmes numérisés

Ces quatre classes représentent la densité de la végétation pour l’ensemble de la zone de classification. Toutefois, dans la région, il y a la présence des cultures qui ne sont pas différenciables d’autres végétaux, car elles ont la même signature spectrale. Etant donné que pour la gestion de l’eau il est indispensable de connaître la distribution des zones de culture, nous avons introduit les paramètres d’altitude et de pente, ce dernier dérivé du Modèle Numérique d’Altitude (MNA). Les critères sont définis dans le tableau 40 .

MNA NDVI Thèmes Image résultante Altitude Pente (.grid) ≤ 3650 m ≤ 30° ≥ 0.209 Culture [classe_17] ≤ 3650 m Pas prise [-0.726 - 0.011] Sol nu type 1 [classe_13] ≤ 3650 m Pas prise [0.011 - 0.209] Végétation peu dense type 1 [classe _14] ≤ 3650 m Pas prise [0.209 - 0.345] Végétation dense type 1 [classe_15] ≤ 3650 m Pas prise [0.345 - 0.748] Végétation très dense type 1 [classe_16] > 3650 m Pas prise [-0.726 - 0.011] Sol nu type 2 [classe_18] > 3650 m Pas prise [0.011 - 0.209] Végétation peu dense type 2 [classe_19] > 3650 m Pas prise [0.209 - 0.345] Végétation dense type 2 [classe_20] > 3650 m Pas prise [0.345 - 0.748] Végétation très dense type 2 [classe_21]

Tableau 40 : Critères pour la définition des classes de la densité végétale

Ces critères ont été établis sur la base de notre connaissance du terrain. En effet, la plupart des cultures ont comme limite altitudinale 3650 m et des pentes ≤ 30°. Cependant, certaines cultures, comme la pomme de terre, le blé, la fève et la quinoa poussent jusqu’à 3950 m d’altitude (Silverio 2003, p. 24). Toutefois, il s’agit de petites parcelles et dans la plupart des cas, leur dimension est moins d’un pixel (25x25 m 2), donc impossible à différencier d’autres végétaux.

(11) Rastérisation des thèmes vectoriels

Les thèmes urbain, mines, avalanches, laves torrentielles, lacs, rivières et routes numérisés sur une composition colorée ETM+ 7,4,5 (Rouge, Vert, Bleu) ont été rastérisés sous ArcView , à l’aide du module Convert to Grid , à une résolution de 25 m.

Les thèmes « glaciers », « glaciers couverts » et « intrusions rocheuses », qui résultent de l’analyse du NDSI, ont également été rastérisés à une résolution de 25 m, comme les autres thèmes vectoriels. Les classes résultant de cette procédure figurent dans le tableau 41 .

160 ID Thèmes Image résultante (.grid) 1 Urbain [classe_1] 3 Route goudronnée [routes] 4 Route en terre 5 Mines [classe_5] 6 Avalanche [classe_6] 7 Lave torrentielle [classe_7] 8 Glaciers 9 Glaciers couverts [glacier] 10 Intrusions rocheuses 11 Lacs [classe_11] 12 Rivières [classe_12]

Tableau 41 : Images résultant par rastérisation des thèmes numérisées

(12) Rasterisation du thème « centres d’agglomération » (villages)

Le thème ponctuel « centres d’agglomération » représente la localisation de diverses zones habitées. La table d’attributs présente comme information le nombre de maisons par agglomération. Cependant, ces maisons sont indétectables dans une image en composition colorée, ou spectralement dans une image ETM+. Généralement, dans les villages, les habitations sont éparpillées et à leurs alentours, il y a la présence de végétation, à densité variable, et des cultures agricoles. Les dimensions d’une maison sont en moyenne d’environ 10x10 (100 m 2), donc moins d’un pixel.

Etant donné que nous ne pouvons pas reconnaître la radiométrie des maisons villageoises dans l’image, nous avons imaginé de « grouper » toutes les maisons autour du point de localisation et ce dans un rayon « r ». Ensuite, nous avons délimité une zone-tampon (buffer), qui représenterait la superficie de l’ensemble des maisons dans chaque village.

• Calcul du rayon « r »

r = [(N*100) 1/2 ] / 2

Où :

N : nombre de maisons 100 (m 2) : dimension moyenne de chaque maison

Cette opération a été réalisée sous ArcView .

• Délimitation et rastérisation des tampons (buffers)

Cette procédure a été réalisée avec l’extension Xtools d’ ArcView , qui permet de créer des zones-tampon en fonction d’un attribut, dans notre cas « r ». Ensuite, le thème tampon (ID : 2) a été rasterisé sous ArcView à une résolution de 25 m. Cependant, lors de la rastérisation, les villages avec un nombre de maisons compris entre 1 et 7 ont posé des problèmes

161 (disparition de certains villages avec la valeur de « r » entre 5 et 13). Pour résoudre ce « bug », nous avons amené le nombre de maisons de 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 à celui de 8. Avec cette dernière opération on observe bien la différence : nombre de pixels 9231 (sans édition) et 9681 après changement.

L’image résultante a été nommée village_2.grid

(13) Superposition des thèmes

La superposition (overlay) de deux thèmes (images) doit suivre un ordre adéquat. Selon l’ordre des images, les pixels de la première remplaceront ceux de la seconde ; l’inverse étant différent des résultats de la première opération :

[Image 1] overlay [image 2] ≠ [Image 2] overlay [image 1]

• Superposition des thèmes issus de la combinaison du NDVI et du MNA

L’opérateur Map Calculator d’ ArcView a permis de faire l’opération d’addition entre les images obtenues dans le tableau 40 . La manière dont nous avons procédé est résumée dans la figure 76 . L’image résultante a été nommée classe_13 à 21 .

Classe_13 + Classe_13-14 Classe_14 + Classe_13-14-15-16 Classe_15 Classe_15-16 + + Classe_13 à 17 Classe_16 Classe_17 + Classe_13 à 21 Classe_18 + Classe_18-19 Classe_19 + Classe_19-19-20-21 Classe_20 + Classe_20-21 Classe_21

Figure 76 : Superposition des thèmes en combinant le NDVI et le MNA ( + : addition entre images)

• Superposition de thèmes rastérisés

La superposition des thèmes rastérisés (voir tableau 41 ) a été réalisée à l’aide du script Grid Tools (Jenness Enterprises), option Merge , de Spatial Analyst ( ArcView ). L’ordre des opérations est indiqué dans la figure 77 .

162

Merge Village_2

Merge Classe_1 Merge Classe_1-5 Classe_1-2-5-6-7 Classe_5 Classe_1-5-6-7 Merge Classe_6

Classe_6-7 Classe_7

Merge Glacier Merge Classe_8-9-10-11 Classe_11 Classe_8-9-10-11-12

Classe_12

Figure 77 : Superposition de certains thèmes rastérisés ( Merge : overlay entre images)

• Superposition des thèmes issus de la combinaison du NDVI et MNA avec des thèmes rastérisés

Cette procédure a été réalisée avec l’option Merge du script Grid Tools , sous ArcView . La séquence est décrite dans la figure 78 . A la fin, nous avons superposé l’image contenant les « routes ». L’image résultante a été nommée classe_1 à 21.grid , qui représente la carte de la couverture du sol.

Merge Routes

Merge Classe_1 à 21 Classe_1-2-5-6-7

Merge Classe_1-2_5 à 21 Classe_8-9-10-11-12

Classe_8 à 21

Classe_13 à 21

Figure 78 : Superposition des thèmes issus de la combinaison du NDVI et du MNA et thèmes rastérisés ( Merge : overlay entre images)

2.7.3. Résultats

La carte finale de la couverture du sol résulte de la reclassification de l’image [Classe_1-au- 21.grid], obtenue dans l’étape précédente ( figure 79 ). Elle comporte 21 classes thématiques (tableau 42 ) : neuf classes obtenues par seuillage du NDVI et en combinaison avec le MNA, trois classes obtenues par seuillage du NDSI, et neuf autres obtenues par rastérisation des vecteurs, numérisés originellement sur une composition colorée.

La classe cours d’eau n’est qu’indicative, car les rivières n’ont pas une signature spectrale « propre » (Silverio 2001, p. 96) ; elles représentent le cours d’eau proprement dit, ses lits mineur et majeur, ainsi que ses berges (Silverio et Jaquet 2003b, p. 73). Il s’agit du cours des rivières « permanentes » qui coulent toute l’année.

163

Légende

Figure 79 : Carte de la couverture du sol

164

N° Thème Surface (ha) Surface (%) 1 Intrusions rocheuses 373 < 1 2 Avalanche (1995) 7 < 1 3 Lave torrentielle (1999) 100 < 1 4 Sols nus et affleurements rocheux type 1 33151 3 5 Sols nus et affleurements rocheux type 2 146239 14 6 Glaciers 57474 6 7 Glaciers couverts 1759 < 1 8 Lacs 4273 < 1 9 Cours d’eau 8379 1 10 Végétation peu dense type 1 161521 15 11 Végétation dense type 1 8109 1 12 Végétation très dense type 1 2145 < 1 13 Végétation peu dense type 2 363494 35 14 Végétation dense type 2 125389 12 15 Végétation très dense type 2 36081 3 16 Cultures 86511 8 17 Activité minière 1606 < 1 18 Urbain 1503 < 1 19 Villages 600 < 1 20 Route goudronnée 883 < 1 21 Route en terre 3731 < 1 Total 1043326 100

Tableau 42 : Statistiques de la carte de la couverture du sol

2.7.4. Discussion

Selon Silverio et Jaquet (2003b), la carte de la couverture du sol peut être évaluée en termes de fiabilité cartographique et de représentativité des associations végétales existantes dans la région d’étude.

a) Fiabilité cartographique

Etant donné que la géoréférence des images satellitaires a été réalisée avec des cartes topographiques au 1 : 100 000 (précision 100 m), nous estimons que la carte de la couverture du sol doit être utilisée dans le même ordre d’échelle, malgré une résolution de 25 m. La généralisation n’a pas été effectuée, car l’opération était irréversible.

En l’absence d’un MNA de résolution suffisante (pixel d’environ 5 m), nous estimons que la segmentation des classes en fonction du NDVI représente assez bien la densité des populations végétales, dont les trois classes choisies, « peu dense », « dense » et « très dense » sont de nature ordinale et arbitraires (Silverio et Jaquet, 2003b, p. 80).

165 Les termes « type 1 » et « type 2 » sont aussi arbitraires. Le premier définit les « basses terres » ( ≤ 3650 m d’altitude) et le deuxième les « hautes terres » ( > 3650 m). Même si certaines espèces se développent « à cheval » à 3650 m, les populations végétales des « hautes terres » et des « basses terres » sont très différentes (tableau 43 ).

Quant aux classes issues de la segmentation du NDSI, elles représentent au mieux les glaciers, les glaciers couverts et les intrusions rocheuses. En effet, le NDSI différencie très nettement la neige des autres éléments environnants (roches, sols, nuages). Dans ce sens, les intrusions rocheuses sont très clairement définies par cet indice (Dozier, 1989 ; Sidjak et Wheate, 1999 ; Hall et al., 2001 ; Silverio et Jaquet, 2005).

b) Interprétation

La carte de la couverture du sol que nous proposons ici est provisoire et devrait être complétée dans l’avenir. Il s’agit bien d’une première carte couvrant les deux versants de la Cordillera Blanca (est et ouest), en passant par les vallées du Callejón de Conchucos et de Huaylas, jusqu’au versant est de la Cordillera Negra.

Dans une précédente étude, Silverio et Jaquet (2003b) ont validé les classes radiométriques, définies par segmentation des indices spectraux, pour les « hautes terres », à l’intérieur du Parc National Huascarán. Pour le reste, y compris les « basses terres », les classes thématiques complètent les cartes de la couverture du sol établies par Silverio (2001) et Silverio et Jaquet (2003b) et permettent une meilleure appréhension de la région.

Concernant la couverture glaciaire, nous n’avons pas distingué de sous-catégories (glace, neige de différentes textures ; voir Hall et al. 1988). De même, à l’intérieur des glaciers couverts, des sous-catégories n’ont pas été différenciées (voir Silverio 2001 et Silverio et Jaquet 2003b).

Dans notre région d’étude, il n’existe pas de carte phyto-sociologique. Nous avons examiné la correspondance entre les classes de densité et les associations végétales observées sur le terrain par comparaison visuelle dans les zones de contrôle (Silverio et Jaquet, 2003b, p. 80).

Dans les « hautes terres », la végétation peu dense est principalement constituée d’herbes hautes ( Stipa ichu ), alors que la végétation dense est surtout buissonnante. La classe de végétation très dense ne permet pas de distinguer entre la forêt mixte à Gynoxis et à Polylepis et les herbes basses, localisées dans les fonds de vallée plus humides (Silverio et Jaquet, 2003b, p. 80) [ tableau 43 ].

Dans les « basses terres », la végétation peu dense est constituée par diverses herbes, tandis que la végétation dense est buissonnante, les espèces les plus répandues étant Kagengekia lanceolata , Cassia hookeriana , Jungia paniculata . La végétation très dense est dominée par les espèces d’ Alnus acuminata , Eucalyptus, Schinus molle , etc.

Concernant les sols nus et les affleurements rocheux, dans les « hautes terres » il s’agit principalement de roches et moraines récentes dues au retrait glaciaire, tandis que dans les « basses terres » il s’agit de zones arides, où le manque de précipitations est associé à des fortes pentes du terrain ; et dans certains cas il s’agit de lits d’inondation de deux grandes rivières.

Quant à la classe culture, pour la saison de la prise de vue, entre les versant est-ouest de la Cordillera Blanca et le versant est de la Cordillera Negra, les céréales sont prédominantes (diverses variétés de blé) et dans la partie base de la vallée du Callejón de Huaylas, entre

166 2200 – 2800 m d’altitude, dominent la culture maraîchère et les arbres fruitiers. Toutefois, il est difficile de différencier les divers types de culture.

N° Classes Interprétation Espèces et leur habitat (m) 10 Végétation peu Prairie Divers herbes dense type 1 11 Végétation Buissons Kagengekia lanceolata* (lloque) [2800 – 3400], dense type 1 (arbustes entre 1-4 m) Cassia hookeriana (wishllaq) [2600 – 3300], Jungia paniculata (qaramati) [3100 – 3800]

12 Végétation très Forêt mixte Alnus acuminata* (aliso, wayo) [1200 – 3800], dense type 1 (arbres > 4m) Eucalyptus [ ≈2500 – 3800], Schinus molle* (molle) [< 3300], etc. 13 Végétation peu Herbes hautes 1 Prédominance : Stipa ichu ** ( ichu, ocsha ) [3300 – dense type 2 4700] Autres espèces Puya raimondi** ( cuncush ) [4000], etc. 14 Végétation Buissons et forêt Buissons : Escallonia resinosa** (chachacoma) dense type 2 mixte 1 [3800], Oreocallis grandiflora** (tsacpa) [3400 – 4000], Barnadesia dombeyana (qontsi casha) [3600 – 4100], etc. 15 Végétation très Forêt mixte 1 (15a) Gynoxis sp.** (japru) [3300 – 4500] , Polylepis** dense type 2 (quenual) [3700 – 4600], Buddlejia et/ou incana** (quishuar) [3400 – 4200], Tristerix longibracteatus** (pupa) [3700 – 4600], Passiflora

trifoliata** (purush) [3700 – 4400], etc.

Herbes basses 1 (15b) Plantago rigida** (tsampa estrella) [4600 - 4800], Distichia muscoides** (qachqa) [4400], etc. 16 Culture Cultures céréalières, Prédominance : diverses variétés de blé. maraîchères et fruitières. Autres : culture maraîchère (au fond de la vallée principale / Callejón de Huaylas) *Nom scientifique des espèces d’après Kolff and Kolff (1997) **Nom scientifique des espèces d’après Kolff and Kolff (1997) et Parque Nacional Huascarán (1990) 1 D’après Silverio et Jaquet (2003b), p. 82

Tableau 43 : Correspondance entre les classes de densité et les associations végétales

La classe culture est bien corrélée avec la distribution (localisation) des centres d’agglomération (villages). En effet, dans notre région d’étude, la présence des villages signifie la présence de cultures, généralement jusqu’à 3650 m d’altitude et dans certains cas jusqu’à 3950 m. Cependant, entre 3650 et 3950 m, les parcelles isolées se confondent avec les autres types de végétation.

2.8. Socio-économie

Pour la gestion durable des ressources hydriques, il est important de connaître le niveau du développement de la région, car ceci est un indicateur du volume d’usage et de consommation de l’eau. Les activités économiques ont besoin de l’eau dans leur processus de production. De même, pour établir des scénarios, il s’avère très important de connaître la

167 dynamique de la population régionale ; la connaissance des flux migratoires peut aussi aider dans cette tâche.

Les données socio-économiques proviennent de diverses sources, et sont généralement sous format alphanumérique. Parfois, pour la même année d’observation, les informations divergent d’une source à l’autre. Dans la plupart des cas, elles ne restent qu’au niveau du département, alors que pour la gestion des ressources hydriques, il serait primordial de les avoir au niveau de la province et du district.

2.8.1. Limites administratives

Les informations ont été acquises auprès d’INEI-Lima (2002), en format shape , géoréférencées dans le système de coordonnées géographiques (latitude / longitude), unités degré décimaux et Datum WGS-84.

Ces informations ont été reprojetées en système de coordonnées UTM, Datum WGS-84, sous ERDAS Imagine . Le résultat à été exporté vers ArcView , d’où les informations, pour le département d’Ancash (limites départementales, provinciales et de district), ont été extraites.

2.8.2. Données sur la population a) Nombre d’habitants par province pour 1972, 1981, 1993 et 2005

Les informations pour les années 1972, 1981 et 1993 proviennent de l’Institut National de Statistique et Informatique d’Ancash (INEI-Ancash, 2002b), sous format Excel. Pour celles de 2005, elles ont été compilées d’après les informations qui nous ont été fournies par l’Institut National de Statistique et Informatique de Lima (2006, communication personnelle).

Sous Excel, nous avons créé une table d’attributs (.dbf ) pour être reliée au shape des provinces.

b) Nombre d’habitants par district pour 1993 et 2005

Au niveau de district, nous avons fait la synthèse seulement pour 2 dates de recensement de la population. Pour l’année 1993, les informations alphanumérique ont été saisies, district par district, de la page web de l’Institut National de Statistique et Informatique de Lima (INEI- Lima) 14 , [Biblioteca Digital / Resultados Censales]. Pour 2005, les données, sous format Excel, proviennent d’INEI-Lima (2006, communication personnelle).

Sous Excel, avec les informations de synthèse, nous avons créé une table d’attributs ( .dbf ) pour être reliée au shape des districts.

c) Population Economiquement Active (PEA) pour 1993

Les données proviennent de l’Atlas départemental du Pérou (Ancash - Huánuco ; 2003), sous format alphanumérique.

La saisie a été faite avec Excel. Sous ce programme, nous avons créé une table d’attributs (.dbf ) pour être reliée au shape des provinces administratives.

14 www.inei.gob.pe

168 2.8.3. Carte de la densité de la population

D’après les données que nous avons compilées au niveau provincial, quatre cartes de la densité de la population 15 peuvent être réalisées, pour : 1972, 1981, 1993 et 2005. La figure 80 montre l’exemple pour les années 1972 et 2005.

Au niveau du district, deux cartes de la densité peuvent être réalisées, correspondant à 1993 et 2005.

2 Hab/km 2 Hab/km

Figure 80 : Région Ancash, carte de la densité de la population pour 1972 (gauche) et 2005 (droite)

2.9. Superficies agricoles irriguées et non irriguées, pâturages gérés et non gérés, forêts et autres pour 1994

Au Pérou, il existe deux types d’agriculture : irriguée et non irriguée ( secano ). La première est pratiquée durant toute l’année grâce aux infrastructures d’irrigation, principalement dans les vallées de la côte. La deuxième est réalisée durant la saison de pluies, surtout dans la partie andine du pays.

Les informations ont été saisies d’après INEI-Ancash (2002b). Elles étaient sous format Excel. Dans ce programme, nous avons créé une table d’attributs (.dbf ) pour être reliée au shape de provinces administratives.

15 Densité de la population = Nombre d’habitants / km2

169 2.10. Points de captage d’eau

Les informations vectorielles, sous format shape (points) proviennent de l’Administration Technique du District d’Irrigation Huaraz (ATDR-Huaraz, 2003) ; elles sont géoréférencées dans le système de coordonnées UTM, Datum Horizontal PSAD56.

En appliquant les mêmes paramètres de translation que pour la géologie, les informations ont été géoréférencées dans le système de coordonnées UTM, Datum Horizontal WGS84 sous ArcInfo (version station de travail).

Les points correspondent aux captages de l’eau pour l’usage agricole et non agricole (mines, génération d’électricité, moulin, piscicole, eau potable et lavage de lupin).

2.11. Plan d’informations faisant partie du prototype du SIG de la Cordillera Blanca

Les divers plans d’informations du SIG de la Cordillera Blanca sont résumés dans le tableau 44 . Ce SIG est composé de 26 couches d’informations ; bien entendu, il s'agit d’un prototype, qui, dans l’avenir, devra être complété et enrichi avec d’autres informations, soit en combinant les informations existantes ou en en créant de nouvelles à partir d’autres sources.

Thèmes Plan d’informations Application potentielle Topographie . Modèle Numérique d’Altitude (MNA) . Modélisation . Carte de pentes . Modélisation . Carte d’orientation de pentes . Modélisation . Carte du relief . Fond de carte . Carte des régions naturelles . Modélisation Géologie Carte géologique . Modélisation . Potentiel agricole Couverture du sol Carte de la couverture des sols (2002) . Potentiel agricole . Modélisation Aléas . Carte des aléas liés aux glaciers . Modélisation . Evolution des lacs . Indicateur du changement climatique Couverture Carte de la couverture glaciaire . Modélisation / scénarios glaciaire (1987, 1996 et 2002) . Indicateur du changement climatique . Estimation des réserves hydriques (solide) Réseau Carte du réseau hydrographique (2002) . Estimation des réserves hydriques (liquide) hydrographique (lacs et rivières) Limite Carte de limites administratives (2002) . Cartographie de la pauvreté à plusieurs administrative (département, province et district) niveaux, etc. Densité population Carte de la densité de la population . Densité de la population à plusieurs niveaux - Par province : 1972, 1981, 1993 et 2005 . Modélisation - Par district : 1993 et 2005 Socio-économie Carte de la population économiquement . Cartographie de la distribution de la PEA et active (1993) des activités Points de captage Carte des points de captage d’eau (2003) . Quantification de la consommation de l’eau d’eau Superficie agricole Carte de la superficie agricole (1994) . Cartographie de la distribution des surfaces agricoles

Tableau 44 : Récapitulatif du plan d’information du SIG de la Cordillera Blanca

170 3. Bibliographie

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173

174 VII. STRATEGIE POUR LA GESTION DURABLE DES RESSOURCES HYDRIQUES DE LA CORDILLERA BLANCA

1. Etat des lieux des ressources hydriques au Pérou

Du point de vu hydrologique, par sa localisation géographique (en zone tropicale) et la présence des Andes, le Pérou est l’un des pays les plus contrastés d’Amérique. D’une part, il y a une distribution hétérogène des ressources hydriques dans son territoire : insuffisante dans les bassins versants (BV) du Pacifique et du lac Titicaca, et abondante dans celui de l’Atlantique (ONERN, 1985, p. 73). D’autre part, la population et les activités économiques se concentrent principalement dans la région côtière (BV du Pacifique) où les précipitations sont rares.

1.1. Distribution spatiale et temporelle des ressources hydriques au Pérou

Du point de vue spatial, le Pérou compte 12'201 lacs qui sont localisés dans la région andine et dont la plupart sont d’origine glaciaire ; 1’000 lacs sont localisés dans le département d’Ancash (INRENA, 2006a). Selon le Ministère de l’Agriculture (2006), le pays compte aussi 1'007 rivières, dont 381 qui drainent vers le Pacifique, 564 vers l’Atlantique et 62 vers le lac Titicaca (figure 81 ; tableau 45).

Figure 81 : Pérou, limite des bassins versants (adaptation d’après FAO, 2002)

175 Superficie N° de rivières Rivières principales Bassin Versant (km2) (%) Pacifique 279'689 22 381 53 Atlantique 956'751 74 564 4 Titicaca 48'775 4 62 12 Total 1’285’215 100 1’007 69

Tableau 45 : Pérou, distribution des rivières par bassin versant (source : N° de rivières : Ministère de l’Agriculture, 2006 ; superficie : ONERN, 1985, p. 74)

Du point de vu temporel, les rivières de la côte (BV du Pacifique) et de la sierra (dont une partie alimente le BV du lac Titicaca) ont un régime irrégulier et de courte durée ; elles disposent d’eau entre décembre et avril (Emanuel et Escurra, 2000, p. 5), soit durant la période des précipitations. Le reste de l’année, ce sont les glaciers andins qui régulent le débit d’un grand nombre de rivières.

Selon l’inventaire national des eaux superficielles de 1980, qui a été mené par l’Office National d’Evaluation des Ressources Naturelles (ONERN), l’ensemble des rivières du BV du Pacifique drainent 34'625x106 m3 (2 % du total), celui du BV de l’Atlantique 1’998’752x106 m3 (98 %) et celui du lac Titicaca 10'172x106 m3 (< 1 %). Cela signifie que le Pérou dispose d’un volume annuel de 2'043'549x106 m3 d’eau superficielle (tableau 46).

Eaux superficielles Volume utilisé Bassin Versant (106 m3) (%) (106 m3) % Pacifique 34’625 2 20’952 61 Atlantique 1’998’752 98 29'515 2 Titicaca 10’172 < 1 702 7 Total 2’043’549 100 51’169

Tableau 46 : Pérou, distribution des eaux superficielles par bassin versant (adaptation d’après ONERN, 1985, p. 82)

D’après ONERN (1985), le volume total utilisé représente 51'169x106 m3, soit à peine le 3 % des eaux superficielles disponibles. Dans le BV du Pacifique, on utilise 20’952x106 m3 d’eau, soit 61 % des eaux qui s’écoulent dans l’océan Pacifique, dans celui de l’Atlantique 29'515x106 m3 (2 %) et dans celui du lac Titicaca, 702x106 m3 (7 %) [tableau 46].

1.2. Distribution spatiale de la population, des activités économiques et de la consommation d’eau au Pérou a) Population et activités économiques

La population et les activités économiques se concentrent principalement dans le bassin versant du Pacifique où il existe une pénurie hydrique chronique. En effet, en 1972, pour une population nationale de 13'549'208 habitants, 58 % vivaient dans le BV du Pacifique, 36 % dans celui de l’Atlantique et 6 % dans celui du lac Titicaca. Pour 1981 et 1993, pour une population nationale, respectivement, de 17'025'024 et 23'997'279 habitants, 60 % se

176 concentrait dans le VB du Pacifique, 35 % dans celui de l’Atlantique et 5 % dans le BV du lac Titicaca (figure 82).

16000000

14000000

12000000

10000000

8000000

Habitants 6000000

4000000

2000000

0 1972 1981 1993 Années

Pacifique Atlantique Titicaca

Figure 82 : Pérou, concentration de la population par bassin versant, pour 1972, 1981 et 1993 (source : 1972 et 1981 : ONERN, 1985, p. 75 ; 1993 : Emanuel et Escurra, 2000, p. 17)

Concernant les activités économiques, pour 1976, la valeur de la production dans les secteurs agricole, industriel et des mines, montre la prédominance du bassin versant du Pacifique (tableau 47).

Agriculture Industrie Mines Total BV (106 US $) % (106 US $) % (106 US $) % (106 US $) Pacifique 758 57 3’366 91 254 59 4’378 Atlantique 515 39 325 9 174 40 1014 Titicaca 54 4 5 < 1 3 1 62 Total 1’327 100 3’696 100 431 100 5’454

Tableau 47 : Pérou, valeur de la production agricole, industrielle et minière, pour 1976, par bassin versant (source : ONERN, 1985, p. 75)

En 1976, pour une valeur de la production agricole estimée à 1'327x106 US $, le BV du Pacifique avait contribué avec 57 %, celui de l’Atlantique avec 39 % et celui du lac Titicaca était de 4 %. L’apport de l’industrie était de 3’696 x106 US $, dont 91 % générés dans le BV du Pacifique, 9 % dans celui de l’Atlantique et <1 % dans celui du lac Titicaca. La valeur de l’activité minière était de 431 x106 US $, repartie entre 59 % pour le BV du Pacifique, 40 % pour celui de l’Atlantique et 1 % pour le BV du lac Titicaca (tableau 47).

177 b) Consommation de l’eau pour l’année 1984

En 1984, pour une consommation nationale estimée à 15'293x106 m3 d’eau, 92 % étaient destinés à l’agriculture, 6 % à la population, 1 % à l’industrie, 1 % à l’activité minière et <1 % à l’élevage. Dans le BV du Pacifique on avait consommé un volume de 12’954x106 m3 d’eau, dans celui de l’Atlantique 2’245x106 m3 et dans celui du lac Titicaca 94x106 m3 (tableau 48).

Agriculture Population Mines Industrie Elevage Total BV (106 m3) % (106 m3) % (106 m3) % (106 m3) % (106 m3) % (106 m3) Pacifique 11’988 85 722 81 71 62 150 96 23 33 12’954 Atlantique 1’996 14 162 18 43 37 6 4 38 54 2’245 Titicaca 71 1 13 1 1 1 0.1 < 1 9 13 94 Total 14’055 100 897 100 115 100 156 100 70 100 15’293 % du total 92 6 1 1 < 1

Tableau 48 : Pérou, utilisation de l’eau par bassin versant, année 1984 (adaptation d’après ONERN, 1985, p. 88)

La consommation d’eau agricole était estimée à 14’055x106 m3, dont 85 % ont été utilisés dans le BV du Pacifique, 14 % dans celui de l’Atlantique et 1 % dans celui du lac Titicaca. L’eau consommée par la population était estimée à 897x106 m3, dont 80 % dans le BV du Pacifique, 18 % dans celui de l’Atlantique et 1 % dans celui du lac Titicaca. L’activité minière avait fait usage de 115x106 m3 d’eau, repartis entre 62 % pour le BV du Pacifique, 37 % pour celui de l’Atlantique et 1 % pour le lac Titicaca. L’industrie avait consommé 156x106 m3 d’eau, dont 96 % dans le BV du Pacifique, 4 % dans celui de l’Atlantique et <1 % dans le lac Titicaca. Et, finalement, l’activité d’élevage avait disposé de 70x106 m3 d’eau, dont 54 % utilisés dans le BV de l’Atlantique, 33 % dans le BV du Pacifique et 13 % dans celui du lac Titicaca (tableau 48).

Les chiffres du tableau 48 donnent une idée du volume d’eau utilisé par les divers secteurs de l’économie ainsi que par la population. Cependant, il faut avoir à l’esprit qu’en deux décennies, la population a bien augmenté et surtout dès les années ’90, l’activité minière s’est fortement développée, ce qui signifie une source de pollution des ressources hydriques.

c) Utilisation de l’eau pour la production de l’énergie hydraulique pour 1984 et 1995

Selon ONERN (1985), en 1984, la production de l’énergie hydraulique du pays avait utilisé un volume d’eau de 6’930x106 m3, dont 42 % dans le BV du Pacifique, 58 % dans le BV de l’Atlantique et < 1 % dans celui du lac Titicaca (tableau 49).

Emanuel et Escurra (2000) estiment qu’en 1995, le volume de l’eau utilisé dans la génération de l’énergie était de 11'139x106 m3, dont 38 % dans le BV du Pacifique, 62 % dans l’Atlantique et <1 % dans le lac Titicaca (tableau 49). Ce volume d’eau a permis de faire tourner les turbines de 257 centrales hydroélectriques du pays, de produire 372 Méga Watts d’électricité et de refroidir 924 centrales thermiques.

178 Année 1984 Année 1995 Bassin Versant (106 m3 ) % (106 m3 ) % Pacifique 2’874 42 4’245 38 Atlantique 4’043 58 6’881 62 Titicaca 13 < 1 13 < 1 Total 6’930 100 11’139 100

Tableau 49 : Pérou, utilisation de l’eau pour la production hydroélectrique par bassin versant (adaptation d’après ONERN, 1985, p. 88, pour l’année 1984 et Emanuel et Escurra, 2000, p. 31, pour 1995)

1.3. Disponibilité hydrique

En tenant compte du volume d’écoulement superficiel et de la concentration de la population, ONER (1985) a estimé la « disponibilité hydrique »16 pour l’année 1981. Dans le BV du Pacifique chaque habitant disposait de 3'370 m3 d’eau, dans celui de l’Atlantique 336'980 m3 et dans celui du lac Titicaca 12'423 m3 ; la moyenne nationale était de 120'032 m3 (tableau 50).

Population 1981 Ecoulement superficiel Disponibilité hydrique Bassin Versant (106 m3) (m3/habitant) Pacifique 10’274’838 34’625 3’370 Atlantique 5’931’366 1’998’752 336’980 Titicaca 818’820 101’72 12’423 Total 17’025’024 2’043’549 Moyenne nationale : 120’032

Tableau 50 : Pérou, disponibilité hydrique par habitant en 1981 (source : ONERN, 1985, p. 100)

Selon INRENA (2006b), en 2003, pour une population nationale estimée à 27'148'101 habitants, la disponibilité hydrique était de 75'274 m3 par habitant. Cela indique qu’en deux décennies, il y a eu une diminution de la disponibilité hydrique par habitant de 37 %.

Toutefois, cette disponibilité hydrique des eaux superficielles par bassin versant dépend des conditions climatiques du territoire péruvien. D’après FAO (2002), plusieurs sécheresses ont frappé le Pérou. Entre 1982 et 1983, la région de l’altiplano (BV du lac Titicaca) a été affectée par la sécheresse, tandis que dans la côte nord, El Niño avait produit des pluies diluviennes. Entre septembre 1989 et février 1990, l’altiplano était encore frappé par une autre sécheresse, et le déficit des précipitations était estimé à 40 %. Entre 1990 et 1992, la sécheresse fut d’ampleur nationale, les départements les plus affectés étant Ancash, Apurimac, Ayacucho, Cajamarca, Puno, Lima et Lambayeque ; les barrages étaient remplis à 20 % dans la zone du nord et à 10 % dans la zone sud. Dans la région de l’altiplano, la dernière sécheresse remonte à la période 1997-1998, qui avait coïncidé avec le phénomène d’El Niño.

16 Disponibilité hydrique = Volume d’écoulement superficiel / Nombre d’habitants

179 1.4. Accès aux services de l’eau potable et d’assainissement

Au Pérou, bien que la disponibilité moyenne nationale de l’eau soit plus de 75'000 m3 par habitant, l’eau potable et les services d’égout ne sont pas garantis partout.

Selon la Defensoria del Pueblo (2005), au Pérou, pour une population estimée à 26.8 millions en 2003, au niveau national, 75 % avaient accès à l’eau potable. Dans la zone urbaine, 14.4 millions de personnes pouvaient compter sur ce service et 3.4 millions n’en avaient pas. Dans les zones rurales, 5.6 millions de personnes avaient accès à l’eau potable et 3.4 millions en était privés (tableau 51).

Concernant les services d’égout, au niveau national, 57 % de la population avait accès à ce service et 43 % en était privés. Dans les zones urbaines, 12.6 millions de personnes jouissaient de ce service, contre 2.7 millions dans les zones rurales ; le nombre de personnes qui n’avaient pas accès à ce service étaient de 5.2 millions dans les zones urbaines et 6.3 millions dans les aires rurales (tableau 51).

Population 2003 Service d’Eau Potable Service d’Assainissement

Zone (habitant / %) Avec (106 / %) Sans (106 / %) Avec (106 / %) Sans (106 / %) Urbaine 17'800’000 66 14.4 81 3.4 19 12.6 71 5.2 29 Rurale 9'000’000 34 5.6 62 3.4 38 2.7 30 6.3 70 Nationale 26'800’000 100 20 75 6.8 25 15.3 57 11.5 43

Tableau 51 : Pérou, population avec accès aux services d’eau potable et d’égout (source : Defensoria del Pueblo, 2005, p. 27)

En outre, en 2005, pour une population nationale estimée à 27'946'774 habitants (INEI, 2002), au niveau national, 76 % de la population avaient accès à l’eau potable et 59 % au service d’égout (Sulem, 2006).

Concernant le traitement des égouts, il y a un retard certain. En effet, si auparavant tout était jeté à la rivière ou dans la dépression topographique la plus proche, les choses sont en train de changer. D’après Sulem (2006), dans les zones urbaines, 23 % d’égouts sont traités ; 7 % dans les petites villes. Dans les zones rurales, ce service n’a pas encore vu le jour.

2. Politique péruvienne de gestion de l’eau

2.1. Cadre légal

Au Pérou, la gestion de l’eau est régulée par la « Ley General de Aguas » (loi générale de l’eau) N° 17752, du 24 juillet 1969. L’article N° 1 du document signale que l’eau est propriété de l’Etat et exclut toute forme de propriété privée dans ce domaine. Dans l’article N° 4, la loi énumère toutes les formes et sources d’eau, y compris les sommets, glaciers et lacs andins. Ladite loi signale le Ministère de l’Agriculture comme étant l’organisme chargé de la gestion des ressources hydriques du pays.

Bien que la loi encourage l’utilisation « économique », « rationnelle » et « multiple » de l’eau, depuis la date de sa promulgation, la « gestion » de l’eau a été menée de manière sectorielle, privilégiant surtout la production agricole, d’où les grands projets d’irrigation (Majes, à Arequipa ; Chavimochic, à La Libertad, pour n’en citer que deux) et la construction des barrages (Poechos, à Piura ; Tinajones, à Lambayeque, etc.).

180

Dans le domaine de l’eau, il y a plusieurs ministères avec leurs instituts respectifs qui sont impliqués, mais chacun travaille de son côté. Au Pérou, il n’y a pas de cadre institutionnel qui régule la gestion de l’eau comme une ressource naturelle à usage multiple (Bernex, 2005, p. 3). Comme le souligne cet auteur, au Pérou, la gestion de l’eau a été conçue du point de vue des technocrates, car elle ne connaît pas l’assignation des ressources à la réalité géographique, politique, sociale et institutionnelle du pays. En fait, il ne s’agit pas d’une vraie politique de gestion, mais plutôt d’une administration des ressources hydriques, d’où les diverses « Administrations du District d’Irrigation » (Administration Técnica del Distrito de Riego) éparpillées sur tout l’espace national.

Il faut souligner aussi qu’à ce manque de vision intégrale s’ajoute l’instabilité institutionnelle. Au Pérou, chaque bouleversement politique implique un changement dans le nom, les fonctions et même le personnel des institutions, ce qui génère des confusions.

2.2. Institutions impliquées dans le domaine de l’eau

Divers Ministères sont impliqués dans le domaine de l’eau (état juin 2006) ; toutefois ils opèrent de manière sectorielle.

• Ministère de l’Agriculture : c’est l’autorité nationale de l’eau, chargée de veiller sur la quantité de cette ressource (Zegarra, 2005. p. 3). Sous la houlette de l’Institut National de Ressources Naturelles (INRENA)17, l’Intendance des Ressources Hydriques (IRH), regroupe les Administrations Techniques des Districts d’Irrigation (ATDR : Administraciónes Técnicas de los Distritos de Riego). Au sein de ce Ministère, il y a aussi le Programme National de Gestion des Bassins Versants et Conservation des Sols (Programa Nacional de Manejo de Cuencas Hidrográficas y Conservación de Suelos : PRONAMACHCS) et les Directions Régionales du Ministère d’Agriculture. Leurs fonctions sont décrites plus bas.

• Ministère de Défense : à travers le Service National de Météorologie et d’Hydrologie (Servicio Nacional de Meteorología e Hidrología : SENAMHI), il est responsable de l’évaluation quantitative et qualitative des ressources hydriques au niveau national (Emanuel et Escurra, 2000, p. 42).

• Ministère de l’Energie et des Mines : sa relation avec les ressources hydriques est la production de l’énergie hydraulique et le refroidissement des centrales thermiques Emanuel et Escurra, 2000, p. 40). L’Institut Géologique Minier et Métallurgique (INGEMMET)18 est chargé de surveiller la non pollution des ressources hydriques par l’activité minière ; chaque projet minier doit présenter une étude d’impact sur l’environnement (EIA).

• Ministère de l’Economie et des Finances : il intervient de manière indirecte dans la gestion de l’eau, en garantissant les emprunts des municipalités qui exécutent des projets d’adduction ou d’aggrandissement du réseau d’eau potable.

• Ministère du Logement, Construction et Assainissement (Ministerio de Vivienda, Construcción y Saneamiento) : à travers l’Institut National du Développement (INADE)19, il exécute les projets d’infrastructure hydraulique (barrages), afin d’élargir les frontières

17 www.inrena.gob.pe 18 www.ingemmet.gob.pe 19 www.inade.gob.pe

181 agricoles. Ce ministère est le principal exécuteur des projets sur l’eau potable et l’assainissement au niveau national.

• Ministère de la Femme et du Développement Social (Ministerio de la Mujer y Desarrollo Social) : à travers le Fonds National de Compensation pour le Développement Social (Fondo Nacional de Compensación y Desarrollo Social : FONCODES)20, il est censé aider les populations les plus démunies du pays, surtout dans les zones rurales, avec la construction de stations d’eau potable et de canaux d’irrigation.

• Ministère de la Production : à travers le vice-ministre de la pêche (vice Ministro de Pesquería) dirige, régule et fait la promotion de l’utilisation des ressources hydrobiologiques des eaux marines et continentales. Le vice-ministre de l’industrie est responsable de faire respecter la loi générale des industries afin que leurs activités n’affectent pas l’environnement (Emanuel et Escurra, 2000, p. 41-42).

• Ministère de la Santé : c’est l’autorité chargée du contrôle de la qualité de l’eau et de l’octroi des droits sur les rejets (Zegarra, 2005, p.3). Selon Roncal Vergara (2006), au travers de sa Direction Générale de la Santé Environnementale (DIGESA)21, il surveille la qualité des ressources hydriques du pays, y compris celle de l’eau potable.

• Présidence du Conseil des Ministres : à travers de la « Superintendencia Nacional de Servicios y Saneamiento » (SUNASS)22, régule les tarifs et surveille la qualité de l’eau potable. Et le Conseil National de l’Environnement (Consejo Nacional del Ambiente : CONAM)23 est chargé de la protection de l’environnement national, y compris l’eau.

2.3. La gestion de l’eau par le Ministère de l’Agriculture

2.3.1. Cadre institutionnel

Actuellement (2006), les institutions du Ministère de l’Agriculture impliquées dans la gestion des ressources hydriques du pays sont : le « Programme National de Gestion des Bassins Versants et Conservation des Sols » (PRONAMACHCS)24, l’Institut des Ressources Naturelles à travers l’Intendance des Ressources Hydriques (Intendencia de Recursos Hídricos : IRH) et les Directions Régionales du Ministère de l’Agriculture (figure 83).

20 www.foncodes.gob.pe 21 www.digesa.gob.pe 22 www.sunass.gob.pe 23 www.conam.gob.pe 24 www.pronamachcs.gob.pe

182

MINISTERIO DE AGRICULTURA

DIRECCION PRONAMACHCS INRENA REGIONAL

INTENDENCIA DE RECURSOS HIDRICOS

DIRECCION DE CUENCAS DIRECCION DE RECURSOS UNIDAD TRANSITORIO DE HIDROGRAFICAS HIDRICOS RIEGO

ADMINISTRACION TECNICA DE DISTRITO DE RIEGO

Figure 83 : Organigramme des institutions du Ministère de l’Agriculture impliquées dans la gestion des ressources hydriques

PRONAMACHCS : le « Programme National de Gestion des Bassins Versants et Conservation des Sols » opère principalement dans la région andine du pays ; il développe des programmes de gestion des bassins versants en impliquant les communautés natives. L’axe principal de ces programmes est la reforestation des micro-bassins versants par des espèces indigènes (www.pronamachcs.gob.pe).

Bien que ces dernières années le concept de « gestion intégrale » des bassins versants ait fait irruption dans cette institution, tout est resté au niveau du discours et, dans la réalité, ce concept n’a pas été appliqué. Dans la pratique, nous avons terminé en faisant ce que nous faisions toujours : des canaux et des petits barrages pour mieux profiter de l’eau, quelques pratiques de conservation des sols et de la reforestation de terrains avec des pentes modérées (Serruto Bellido, 2003, p. 5).

INRENA : l’Institut National des Ressources Naturelles est l’entité chargée de la gestion durable des ressources naturelles renouvelable du pays, ainsi que de la protection de l’environnement rural et de la biodiversité biologique (www.inrena.gob.pe ).

Direction régionale du ministère de l’agriculture : les directions régionales de ce ministère sont établies dans toutes les régions du pays et sont basées dans les capitales des régions. Une de leurs fonctions est de promouvoir, localement, le bon usage des infrastructures d’irrigation (Emanuel et Escurra, 2000, p. 41).

Intendance des Ressources Hydriques (IRH) : rattachée à l’INRENA, elle représente l’autorité au plus haut niveau chargée de promouvoir, superviser et contrôler les politiques, plans, programmes, projets et normes sur l’utilisation durable des ressources hydriques au niveau national. Une de ses fonctions est de superviser et d’évaluer les actions des autorités locales de l’eau. En outre, elle formule les plans directeurs de gestion et réalise des projets de recherche avec des institutions nationales et internationales (www.inrena.gob.pe ).

183 Dirección de Cuencas Hidrográficas (Direction des Bassins Versants) : elle propose et formule des politiques pour l’utilisation durable des ressources hydriques dans les bassins versants. Une de ses fonctions est de superviser l’extraction de matériaux de drainage des cours d’eau (des sables qui sont utilisés dans toutes les formes de constructions) [www.inrena.gob.pe ].

Dirección de Recursos Hídricos (Direction des Ressources Hydriques) : elle a comme objectif d’obtenir l’efficacité technique et administrative par rapport à l’utilisation et conservation des ressources hydriques, moyennant des normes techniques adéquates. Une de ses fonctions est de faire l’inventaire des ressources hydriques superficielles et souterraines, ainsi que le monitoring des glaciers (www.inrena.gob.pe ).

Unidad Transitorio de Riego (Unité Transitoire d’Irrigation) : à travers l’Administration Technique de District d’Irrigation (Administración Técnica de Distrito de Riego : ATDR), elle est chargée de superviser, d’octroyer des concessions de l’eau, d’actualiser le recensement des usagers et, en accord avec le conseil d’usagers, établir les tarifs de l’eau (www.inrena.gob.pe). Les ATDR sont en quelque sorte des autorités locales de l’eau et dans certains cas, leur domaines coïncident avec les limites des bassins versants ou dans d’autres, il comporte plusieurs bassins versants (figure 84 ; tableau 52).

Selon INRENA (2004), au Pérou, il existe 106 bassins versants, où sont implantés 68 ATDR (figure 84), 104 « conseil d’usagers » (junte d’usagers), 1'282 « commissions d’usagers » et 515'090 usagers agricoles. Les terres irriguées seraient environ 1'114'900 ha, réparties entre 903'000 ha dans le BV du Pacifique, 205'900 ha dans celui de l’Atlantique et 6'000 ha dans celui du lac Titicaca (tableau 52).

Figure 84 : A gauche, division de l’espace national par bassin versant ; à droite, les ADTR, état en 2005 (source : www.inrena.gob.pe )

184

N° de Bassin N° des ATDR N° de conseil N° de N° d’usagers Superficies BV Versant d’usagers commissions irriguées (ha) d’usagers Pacifique 53 32 70 785 352’160 903’000 Atlantique 44 32 30 378 158’060 205’900 Titicaca 9 9 4 119 4’870 6’000 Total 106 68 104 1’282 515’090 1'114’900

Tableau 52 : Nombre de bassins versants, des ATDR, des « conseils d’usagers », des « commissions d’usagers », d’usagers et de superficies irriguées par bassin versant (source : www.inrena.gob.pe , au 26.04.2004)

2.4. Administration des ressources hydriques par les ATDR dans la région d’Ancash

En vue de la gestion des ressources hydriques superficielles, dans la région d’Ancash, l’Intendance des Ressources Hydriques (IRH) [2003a] a identifié vingt bassins versants, classés comme suit : huit comme étant des « inter-bassins versants », dépourvus de rivières ; un « inter-bassin versant » et huit bassins versants, avec des rivières temporaires, principalement durant la saison de pluies ; trois (Santa, Pativilca et Alto Marañon) avec des rivières permanentes, qui naissent dans la Cordillera Blanca (figure 85).

Parmi les vingt bassins versants, dix-neuf drainent leurs eaux vers le Pacifique et un, celui du BV de l’Alto Marañon, est tributaire de l’Atlantique (figure 85).

Figure 85 : Limites des bassins versants dans la région d’Ancash (source : IRH, 2003a)

185 Selon IRH (2003b), dans la région d’Ancash, il y a cinq Administrations Techniques de District d’Irrigation (ATDR : Administración Tecnica de Distrito de Riego) qui y ont leur siège, trois (Santa-Lacramarca-Nepeña, Huaraz et Casma-Huarmey) sont chargées de l’administration des ressources hydriques qui vont dans le Pacifique et deux (Pomabamba et Huari) pour celles qui vont dans l’Atlantique. Toutefois, la gestion des ressources hydriques de la Cordillera Blanca implique aussi d’autres ATDR, principalement, des régions de Lima et de La Libertad (figure 86).

Figure 86 : Administrations Techniques des Districts d’Irrigation impliquées dans la gestion des ressources hydriques de la Cordillera Blanca [source : limite des ATDR : IRH, 2003b ; canaux d’irrigation : UNASAM, 1999]

Cinq ATDR sont impliquées directement dans l’administration des ressources hydriques de la Cordillera Blanca :

• Huaraz s’occupe de l’administration des ressources hydriques de la partie haute du BV de Río Santa, qui est tributaire du Pacifique, dans la vallée du Callejón de Huaylas. Son siège est à Huaraz (région Ancash).

186 • Santa-Lacramarca-Nepeña administre la partie basse du BV de Rio Santa et les BV des rivières Lacramarca et Nepeña. Son siège est à Chimbote (région Ancash).

• Barranca administre les ressources hydriques de Río Pativilca, qui naît dans la partie sud de la Cordillera Blanca. Son siège est à Barranca (région de Lima).

• Pomabamba est chargée de l’administration des ressources hydriques de la partie nord du versant est de la Cordillera Blanca. Son siège est à Pomabamba (région Ancash).

• Huari est chargée d’administrer les ressources hydriques de la partie sud du versant est de la Cordillera Blanca. Son siège est à Huari (région Ancash).

Trois autres ATDR sont aussi impliquées, indirectement, dans la gestion des ressources hydriques de la Cordillera Blanca :

• Moche-Virú-Chao est lié à la Cordillera Blanca par le projet d’irrigation CHAVIMOCHIC, qui conduit les eaux du Río Santa et irrigue la côte désertique de la région de La Libertad. Son siège est à Trujillo (région de La Libertad.

CHAVIMOCHIC est un projet d’irrigation à usages multiples de l’eau, qui comprend la génération d’électricité (71 MW), de l’eau potable pour la ville de Trujillo (500'000 hab.), l’amélioration de l’irrigation et la mise à disposition de nouvelles terres de culture (Pinto Villanueva, 2003). Entre 1991 et 2006, le projet CHAVIMOCHIC a mis à disposition 56'665 ha de nouvelles terres pour la culture et permis d’améliorer l’irrigation de 28'263 ha de cultures (figures 86 et 87) [ www.chavimochic.gob.pe ].

Figure 87 : Dans la région de La Libertad, la côte désertique (gauche) irriguée par les eaux du Río Santa grâce au projet d’irrigation CHAVIMOCHIC est devenue productrice d’asperges (droite) [Source : Pinto Villanueva, 2003]

• L’ATDR Chicama sera lié à la Cordillera Blanca par le biais de la 3ème étape du projet d’irrigation CHAVIMOCHIC. Son siège est dans la vallée de Chicama (région de La Libertad).

La 3 ème étape du projet CHAVIMOCHIC conduira les eaux du Río Santa jusqu’à la vallée de Chicama, dans la partie nord de la région La Libertad et devra mettre à disposition 19'410 ha de nouvelles terres pour la culture ainsi qu’améliorer l’irrigation de 50'047 ha de culture ( www.chavimochic.gob.pe ).

187 • Casma-Huarmey est lié à la Cordillera Blanca par le biais du projet d’irrigation CHINECAS, qui conduit les eaux du Río Santa et irrigue une partie de la côte désertique de la région d’Ancash (figures 86 et 88). Son siège est à Casma (région Ancash).

Selon INADE (2006), le projet spécial CHINECAS bénéficie à 12'423 personnes et a permis l’amélioration de l’irrigation de 20'154 ha de culture et mis à disposition 9'187 ha de nouvelles terres destinées à la culture.

Figure 88 : Canal du projet d’irrigation CHINECAS (Source : www.inade.gob.pe )

La gestion des ressources hydriques par les ATDR se limite à l’octroi des concessions d’eau, au recensement des usagers et à l’inventaire des points de captage d’eau et des infrastructures (canaux et réservoirs) d’irrigation. A noter que de nombreux ATDR de la figure 86 sont dépourvues de telles informations. Bien entendu, la collecte de ce type d’informations a besoin de ressources financières et techniques ; malheureusement les moyens financiers limités du pays ne permettent pas l’octroi de telles ressources aux Administrations Techniques de District d’Irrigation.

Selon Junes Cornejo (2003), dans les vallées de la côte de la région d’Ancash, les fonctions des ATDR se limitent à la dérivation (captage) de l’eau, à la remise de celle-ci aux usagers agricoles et à l’encaissement du prix de l’eau. Cependant, les systèmes d’irrigation ne comptent pas de stations hydrométriques capables de mesurer, avec exactitude, la quantité d’eau fournie aux usagers ; ainsi il y a un manque de connaissances des besoins réels des usagers.

2.5. Administration des ressources hydriques dans les vallées de Callejón de Huaylas et de Cochucos

Selon INRENA (2006c), les Administrations Techniques des Districts d’Irrigation de Huaraz, de Pomabamba et de Huari ont été créées, respectivement, le 31 mars 2001, le 14 juin 2001, et le 12 avril 2005. L’ATDR Huaraz est localisée entre les provinces de Recuay, Huaraz, Carhuaz, Yungay, Huaylas et Corongo ; celle de Pomabamba, entre les provinces

188 de Sihuas, Pomabamba, Mariscasl Luzuriaga, Yungay et Asunción et celle de Huari, entre les provinces de Huari et Antonio Raymondi (figure 89).

Figure 89 : Localisation des ATDR Huaraz, Pomabamba et Huari, au niveau provincial, dans la région d’Ancash

L’ATDR de Huaraz administre les ressources hydriques dans la vallée de Callejón de Huaylas (surnommée la « Suisse péruvienne »), qui est localisée entre le versant ouest de la Cordillera Blanca et le versant est de la Cordillera Negra. Tandis que celle de Pomabamba et de Huari sont chargées de l’administration des ressources hydriques dans la vallée de Callejón de Conchucos, localisée sur le versant est de la Cordillera Blanca. Parmi ces institutions, seule l’ATDR Huaraz a des informations concernant les superficies irriguées et le nombre d’usagers.

En vue d’une gestion efficace des ressources hydriques dans la vallée de Callejón de Huaylas, l’Intendance des Ressources Hydriques (INRENA) a chargé l’Administration Technique du District d’Irrigation de Huaraz de faire l’inventaire des points de captage de l’eau à des fins agricoles et non agricoles, ainsi que de délimiter les « commissions d’usagers ». L’inventaire a été conclu en 2003 et les résultats montrent que dans le versant ouest de la Cordillera Blanca (rive droite du Río Santa), il existe 124 points de captage d’eau à des fins agricoles, qui ensemble irriguent 16'152 ha de parcelles ; les usagers seraient au nombre de 29’109 personnes. Egalement, 91 points de prise d’eau à usage multiple ont été répertoriés, repartis comme suit : 60 pour l’eau potable, qui représentent 71'261 usagers ; 3

189 pour la génération de l’électricité ; 19 pour la pisciculture (dont 9 se concentrent dans le Río Paria ou Cojup), pour l’ensemble des points, il aurait 119 usagers ; 4 pour l’activité minière ; 4 pour faire tourner des moulins de pierre et 1 pour le lavage des graines de lupin (ATDR Huaraz, 2003) [figure 90].

D’après l’ATDR Huaraz (2003), dans le secteur agricole, l’ensemble des canaux d’irrigation (124) auraient un débit de 18.9 m3/s, cela indique que le volume annuel utilisé est de 596 MMC (million de mètre cube) [tableau 53]. Au niveau de la population, nous estimons que le nombre d’usagers (71'261) représente le nombre de connexions pour l’eau potable, puisque au dernier recensement (2005), Huaraz, la capitale régionale, compte déjà 114'297 habitants. Si en moyenne on compte 5 personnes par connexion, cela représenterait environ 356’305 consommateurs directs des eaux de la Cordillera Blanca.

Pour les autres branches, la génération de l’énergie utilise 1'163.7 MMC/an, dont la centrale de « Cañon del Pato » (Huallanca), à elle seule, utilise 1’103.8 MMC/an. La pisciculture utilise 19.2 MMC/an ; l’activité minière utilise 0.7 MMC/an ; les moulins utilisent 12.3 MMC/an et pour laver les graines de lupin on utilise 2 MMC/an (tableau 53). Ces estimations ont été réalisées à partir des informations contenues dans les shapes (points de localisation des sources).

Activités Débit Volume annuel (m3/s) (MMC : 106 m3) Agricole 18.9 596 Minière 0.022 0.7 Energie 36.9 1'163.7 Pisciculture 0.61 19.2 Moulin 0.39 12.3 Lavage de lupin 0.062 2 Eau potable 0.52 16.4 Total 1'810.3

Tableau 53 : Volume de l’eau utilisé par secteurs des sources provenant de la Cordillera Blanca

190

Figure 90 : Points de captage de l’eau à multiples usages et limites des « commissions d’usagers » (source : ATDR Huaraz, 2003) ; pour cause de lisibilité nous ne présentons pas les points de captage à usage agricole

L’inventaire des points de captage de l’eau à usage multiple dans la vallée de Callejón de Huaylas représente une petite avancée. Cela devrait être complété par l’inventaire des infrastructures d’irrigation (canaux, réservoirs). Cependant, cette tâche est un peu compliquée car ces infrastructures ont été construites par d’autres institutions, notamment par FONCODES. Cela montre bien que dans l’avenir, il devrait y avoir une coopération entre les diverses institutions impliquées dans l’eau.

Selon l’ATDR Huaraz (2003), dans le versant ouest de la Cordillera Blanca (rive droite du Río Santa), il existe 15 « commissions d’usagers » ; deux d’entre elles (Santa Fe – Caraz et Yungay) s’étendent jusqu’à la Cordillera Negra (figure 90). La plupart de ces commissions n’auraient pas accompli leurs fonctions dans la distribution de l’eau.

191 En outre, la limite extérieure établie par l’ATDR Huaraz ne correspond pas à celle établie par l’Intendance des Ressources Hydriques (IRH) [INRENA –Lima] [figure 90], laquelle correspond au mieux à la limite administrative, au niveau du district, établie par l’INEI (2002). Ceci reflète le manque de coordination entre les divers niveaux hiérarchiques dans la même institution, d’autant plus que l’ATDR Huaraz est dépendante de l’IRH (INRENA –Lima). De tels disfonctionnements impliquent des doublons dans les projets, ce qui coûte de l’argent et du temps, et surtout, conduit à des confusions.

L’ATDR Huaraz (2003) signale également que les usagers agricoles ne paient pas pour leur consommation d’eau. Dans certaines comisiones, lors de recensement, l’usager paie 1 sol (environ 0.40 CHF). Toutefois, nous pensons que le non-paiement des taxes est dû à ce que les usagers sont en majorité des paysans ou des communautés indigènes vivant en autarcie. Ils pratiquent une économie de subsistance, le peu d’excédent de la production agricole est proposé dans les marchés de la région et le petit gain sert à l’achat des denrées alimentaires (pâtes, huile, sucre, sel, boîtes de conserves …). Ils ne disposent donc pas des moyens financiers pour payer leur consommation d’eau. En outre, dans les populations andines, l’eau est perçue comme un bien libre, image de lien communautaire et de réciprocité.

3. Stratégie pour la gestion durable des ressources hydriques de la Cordillera Blanca

3.1. Acteurs et enjeux (conflits) autour des ressources hydriques de la Cordillera Blanca

Les acteurs impliqués autour des ressources hydriques de la Cordillera Blanca, dans la vallée de Callejón de Huaylas, sont résumés dans la figure 91.

CORDILLERA Barrage Pollution BLANCA

Pollution

INRENA (PNH, ATDR, UGRH)

Autorisations Autorisations Eau (potable, agriculture) (potable, Eau d’électricité) (production Eau Eau

Villes, villages Mines EGENOR DOElectricité

Demande Production Electricité

Offre Demande / Offre d’Electricité Hidrandina Electricité Commercialisation

Figure 91 : Acteurs impliqués autour des ressources hydriques de la Cordillera Blanca ; les flèches indiquent les interrelations

192 • INRENA

L’INRENA, par l’intermédiaire du Parc National Huascarán (PNH) veille à la protection et à la conservation de l’écosystème. Toute prise d’eau à l’intérieur du PNH devrait avoir l’autorisation de cette institution. L’ATDR-Huaraz administre les eaux de surface et octroie les autorisations respectives pour l’usage de cette ressource. L’Unité de Glaciologie et des Ressources Hydriques (UGRH) est chargée des recherches glaciologiques et de la mitigation des risques liés aux glaciers. En somme, l’INRENA est l’autorité de contrôle et de régulation des ressources hydriques de la Cordillera Blanca, impliquant que pour tout usage de l’eau, les acteurs doivent demander l’autorisation et sont obligés d’en avoir une.

• Villes et villages

La Cordillera Blanca fournit de l’eau potable aux villes. Cependant, celles-ci ne traitent pas leurs égouts et déchets, elles deviennent donc des agents pollueurs. Jusqu’à maintenant, dans la vallée de Callejón de Huaylas, les principales villes jettent leurs déchets dans le Rio Santa. Ceci indique que la partie basse du BV de cette rivière reçoit des eaux contaminées.

Les villages profitent des eaux de la Cordillera Blanca pour leur consommation ainsi que pour leurs cultures. Mais leur impact sur la qualité de l’eau est négligeable, car ils pratiquent une agriculture peu consommatrice en engrais inorganiques (nitrates).

• Mines

Les mines utilisent de l’eau dans leurs processus d’exploitation, de préparation des concentrés ainsi que pour l’eau potable de leur campements. Certaines mines sont actives près des glaciers, par ex. la mine California, localisée au pied de Huascarán, et utilise l’eau provenant du glacier ouest de la montagne à raison de 1'728 m3/jour.

Les rejets miniers sont sources de pollution de l’eau et des sols. Ainsi, le Río Santa coule vers le Pacifique chargé de métaux lourds, alors que cette eau est captée pour l’eau potable de Chimbote, la ville la plus peuplée de la région Ancash (217’303 habitants en 2005) et pour les projets d’irrigation CHINECAS et CHAVIMOCHIC (figure 86). Selon Junes Cornejo (2003), durant les dernières années la qualité des eaux du Río Santa s’est détériorée : les paramètres physico-chimiques et la teneur en métaux lourd seraient au dessus de la limite permissible.

• EGENOR S. A.

EGENOR S. A. est une filiale de la transnationale Duke-energy25 et propriétaire de la centrale de « Cañon del Pato ». Elle produit de l’électricité pour la région. Pour faire tourner ses turbines, durant la saison sèche, elle utilise certains lacs de la Cordillera Blanca comme des réservoirs naturels (Cullicocha et Parón). Ces dernières années, afin d’augmenter le stock d’eau, elle a entamé la construction de « barrages » (Aguascocha, dans la zone sud ; Shallap et Tambillo, dans la zone centrale, au dessus de Huaraz). Les ouvrages consistent à la mise en place de systèmes de régulation, pour le lâchage de l’eau au moment voulu, sur les digues artificielles qui ont été construites pour diminuer le niveau d’eau et prévenir des éventuels aluviones.

Généralement, ces digues sont un conglomérat de terre et de pierres, revêtues de ciment et des blocs de pierres (cf. partie IV, section 2.6.3), sensibles donc aux secousses sismiques. Par conséquent, ces nouveaux barrages représentent un risque pour les populations.

25 www.duke-energy.com

193 • Hidrandina

Hidrandine est une entreprise chargée de la commercialisation, de la distribution et des connexions de l’électricité. EGENOR vend sa production à Hidrandina qui, à son tour, s’occupe de la vente de l’électricité aux clients (particuliers, entreprises, etc.).

Conflits

Selon l’ATDR Huaraz (2003), il existe des conflits, entre EGENOR et les habitants du village de Hualcayán (zone nord de la Cordillera Blanca) pour les eaux du lac Cullicocha (volume : 41.8x106 m3) [figure 92]. L’entreprise d’électricité utilise ce lac comme un barrage naturel car l’unique ouvrage réalisé à été le percement de la digue naturelle (en roche) et la mise en place d’un système de régulation pour le lâchage de l’eau durant la saison sèche. A quelques mètres plus bas du système de régulation, les villageois ont construit un canal d’irrigation. Résultat, les parties s’accusent de vol de l’eau ! En 2003, l’ATDR Huaraz mentionnait des négociations futures entre les parties ; malheureusement nous ne connaissons pas l’issue de telles négociations.

Figure 92 : Le barrage naturel de Cullicocha (gauche) et le canal d’irrigation de même nom (droite)

Les grands projets miniers comme Pierina et Antamina ont construit leur propre cité minière et, pour les alimenter en eau courante, se sont procuré la meilleure source d’eau. Ainsi, Antamine, pour sa cité minière El Pinar (localisée à 2 km au NE de Huaraz) depuis 2003, capte l’eau dans la vallée de , à 5 km du lac Tullpacocha, à l’intérieur du PNH, en amont des villages.

Vu que la cité El Pinar a tout le confort moderne (son propre marché ; son école, avec des enseignants venant de l’étranger ; ses parcs, etc.), elle utilise un volume considérable d’eau et, durant la saison sèche, elle continue à utiliser la même quantité : pour le reste des acteurs, il y aura moins d’eau. Encore des conflits en perspective…

Il faut rappeler que lors de la construction de la cité El Pinar, les villageois de Marian ont vu leur canal d’irrigation s’assécher par le détournement de l’eau, ce qui a impliqué des conflits entre les parties. Malheureusement, dans ce type de conflits, les villages sont impuissants

194 face aux transnationales qui, avec leur pouvoir financier peuvent « trouver » des arrangements pour que les décisions soient en leur faveur, voire acheter la justice !

Selon Pierina (1997), dès 1997, cette mine a présenté deux demandes d’autorisation à l’ATDR-Huaraz, pour le captage de l’eau. Le premier projet visait à pomper l’eau du Río Santa depuis l’altitude de 2858 m jusqu’à 4100 m, à raison de 432 m3 par jour. Le deuxième projet voudrait conduire les eaux provenant du glacier ouest de Vallunarju Sur (5686 m), depuis un point localisé à 4000 m d’altitude, en traversant le Rio Santa, jusqu’à un point de 3980 m d’altitude, dans la Cordillera Negra, à raison de 120 l/s (10'368 m3/jour).

En outre, depuis quelques années, l’eau potable de certaines agglomérations et des villages de la Cordillera Negra est garantie par la Cordillera Blanca. Un exemple pour illustrer : l’eau potable de Los Olivos, localisé à moins de 1 km à l’ouest de Huaraz, vient du Río Paria (Rio Cojup). Selon ATDR-Huaraz, dans ce quartier il aurait 769 usagers (connexions), donc environ 3’845 consommateurs.

Les quelques exemples que nous venons de citer nous montrent qu’il existe bel et bien des convoitises autour des ressources hydriques de la Cordillera Blanca. Actuellement, on n’est qu’au début des conflits. Dès que les acteurs voudront plus d’eau et que le niveau des réserves s’amenuisera, dans les années à venir les conflits devraient s’accentuer. Cela indique qu’il s’avère important d’établir une politique de gestion durable pour ces ressources.

3.2. Gestion durable des ressources hydriques de la Cordillera Blanca par micro bassin- versant

La gestion actuelle des ressources hydriques de la Cordillera Blanca par les ATDR, en s’appuyant sur les commissions d’usagers, n’est pas adaptée pas à la réalité sociale, économique, administrative et culturelle de la zone. Il s’agit d’une politique du haut vers le bas, sans connaissance préalable de la vie des populations montagnardes.

Les comités et les commissions d’usagers, créés par les ATDR, représentent une forme artificielle d’administration des ressources hydriques. Généralement, dans les communautés indigènes, il y a une autorité de l’eau et les décisions sont prises lors des assemblées de l’eau (Alfaro et Melgar, 2003, p. 31). Ces autorités veillent à la distribution équitable de l’eau, selon les besoins, les coutumes et les normes communautaires et sa disponibilité cyclique (CONDESAN, 2003, p. 3). Elles veillent également à l’entretien des infrastructures d’irrigation (canaux) et, surtout, elles représentent les intérêts communautaires. Cela indique que les autorités (président, secrétaire, etc. des comités et des commissions) créées et imposées par les ATDR ne seront pas acceptées ni reconnues par les indigènes, d’où l’inefficacité des commissions dans la distribution de l’eau.

Du point de vue culturel, pour les populations andines, comme celles des communautés indigènes habitant les versants est et ouest de la Cordillera Blanca, l’eau est la base de la réciprocité et de la complémentarité. Gérée par des accord communautaires, elle facilite la solution des conflits et surtout, elle appartient à tous et personne n’en est propriétaire (CONDESAN, 2003, p. 3).

Contrairement à l’agriculture de la côte (extensive et commerciale), celle pratiquée entre les deux versant de la Cordillera Blanca est de subsistance. Elle fait vivre la majorité de la population. Pour ces populations, l’eau est un bien commun et elle ne peut pas être privatisée ni contrôlée par les transnationales.

Une des stratégies pour la gestion des ressources hydriques de la Cordillera Blanca devrait être la gestion par micro bassin-versant. En effet, ces dernières années, la gestion intégrée

195 des ressources en eau par bassin versant ayant fait école, nous pensons que ce modèle s’appliquerait aussi pour la gestion durable des ressources hydriques de ce massif. Toutefois, vu la complexité topographique de la zone et la diversité culturelle dans la population, cette politique devrait être implémentée entre les limites des micro bassin versant (mBV), en s’appuyant sur les autorités locales de l’eau des communautés indigènes. Cette politique de gestion devra être fondée sur la participation de tous les acteurs (présents dans les mBV) dans les prises de décisions et, surtout, dans la reconnaissance des besoins de tous les acteurs y compris de l’écosystème, tant quantitativement que qualitativement. A cet effet, nous proposons un prototype de limite des mBV pour les rivières principales dans la juridiction de l’ATDR Huaraz, qui a été obtenu à partir d’un Modèle Numérique d’Altitude (MNA) [figure 93, droite].

Figure 93 : Limite de commissions d’usagers (gauche) et de micro bassin versants (droite)

Dans le versant ouest de la Cordillera Blanca, les limites des commissions d’usagers de l’ATDR Huaraz ne correspondent pas à celles des bassins versants (figure 93, gauche). Nous suggérons donc une gestion ayant comme territoire les limites des bassins versants de rivières principales et que les limites des commissions d’usagers soient adaptées à celles-ci (figure 93, droite).

196 Dans le versant est de la Cordillera Blanca, dans la juridiction des ATDR de Pomabamba et Huari, pour des raisons de lisibilité, les mBV ont été édités pour ne former que deux bassins (figure 93, droite). Toutefois, selon les besoins, il est possible de dériver les mBV à partir du MNA.

La reconnaissance des besoins en eau de tous les acteurs y compris les écosystèmes, signifie que l’autorité régulatrice (ATDR) n’aura pas de préférences et n’octroiera pas des permis (concessions) aux meilleurs soumissionnaires, par exemple les transnationales minières. Il s’agira d’égalité de traitement de tous les acteurs et surtout de la transparence dans les prises de décisions pour l’octroi de tels permis.

L’eau devra être garantie tant quantitativement que qualitativement pour tous les acteurs y compris l’écosystème. Au niveau de la qualité de l’eau, les mines sont censées traiter leur eaux usées, mais il n’existe pas de contrôles réguliers, et les rivières continuent à être polluées. Un exemple est la disparition des truites du Río Santa, dès les années ‘80. Un autre cas concerne la disparition des truites du Río Paria (Cojup) à la fin des années ’90. Dans cette rivière, la ville de Huaraz et ses nouveaux quartiers d’expansion urbaine, sur 5 points de captage, puisent leur eau potable, à raison de 31'030 m3/j (figure 94). Selon l’ATDR Huaraz, le nombre d’usagers (connexions) seraient de 39'269 ; si l’on admet 5 personnes par connexion, cela représente 196'345 consommateurs directs. Dans cette même rivière se concentrent aussi 9 piscicultures sur 19 qui existent dans la région. Résultat, une partie de l’écosystème fluvial du Río Paria n’a plus assez d’eau et la qualité des eaux n’est plus garantie pour les truites (figure 95).

Figure 94 : Point de captage d’eau sur Río Paria (gauche) pour la nouvelle station de traitement de l’eau potable pour Huaraz (droite), en fonctionnement depuis 2002 (photo 2005)

197

Figure 95 : Cours du Río Paria en été 1989 (gauche ; à 2 km de Huaraz) et 2005 (droite ; au point de jonction avec Río Quilcay, à 1 km de Huaraz ; photo E. Hegglin). Notez la différence du débit entre les deux dates

Les populations habitant les parties hautes des mBV sont généralement pauvres et ne profitent pas des ressources hydriques comme celles qui habitent dans les parties basses. Ces populations sont en quelque sorte les « producteurs » de l’eau. En plus, avec leur forme de vie simple et leurs pratiques agricoles, elles ne nuisent pas aux sources de l’eau et à l’environnement : pour de tels services, elles mériteraient des compensations économiques pour leur développement.

De même, nous pensons que dans l’avenir, il y aura des déséquilibres entre les réserves et les besoins par mBV. Dans une telle situation, les transvasages d’eau entre un mBV vers un autre seront effectués et la construction des barrages est prévisible. Cependant, la mise en œuvre de ces derniers aura des répercussions négatives (« confiscation » de terres, par ex.) dans certains mBV. Dans de tels cas, les acteurs affectés doivent recevoir une rétribution financière, comme la péréquation financière pratiquée en Suisse (aide des régions riches aux pauvres).

Une gestion des ressources hydriques de la Cordillera Blanca, par mBV, permettra aussi de mieux connaître les activités des acteurs et, surtout, d’identifier les sources de pollution des eaux. La gestion de l’eau par mBV représente l’équivalent de la gestion au niveau local, car l’étendue de ces espaces n’étant pas grande, tout le monde connaît ce que fait l’autre ; ce serait donc un avantage, contrairement aux délimitations artificielles et de grande étendue.

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200 VIII. DISCUSSION ET PERSPECTIVES

1. Evolution de la couverture glaciaire et des réserves hydriques

Dans la partie VI (tableau 35) nous avons démontré que les glaciers de la Cordillera Blanca représentent 95 % des réserves hydriques pour la région, les 5 % restant étant stockés dans 881 lacs. Toutefois, ce volume potentiel est directement lié à l’étendue de la couverture glaciaire ; l’évolution de cette dernière, dans le temps, aura donc des conséquences sur les réserves hydriques.

D’après Georges (2004), les glaciers de la Cordillera Blanca couvraient une superficie, respectivement, entre 800-850 (1930), entre 660-680 (1970), 620 (1990) et de <600 km2 (2000) [figure 96]. Selon le premier inventaire des glaciers du Pérou, en 1970, le massif avait une superficie de 721 km2 (Hidrandina, 1988). En 1987 et 1996, le massif comptait, respectivement, 643 et 600 km2 (Silverio et Jaquet, 2005). Et finalement, pour 2002, à l’aide des images satellitaires de Landsat ETM+, nous avons obtenu une superficie de 596 km2 (figure 96).

Pour l’année 1970, il y a une différence de ± 51 km2 entre les deux sources d’information. Cependant, les superficies que nous utilisons dans ce travail (pour 1987, 1996 et 2002), se trouvent dans la fourchette avancée par Georges (2004).

900 825 800 721 700 643 ) 2 600 596 600 670 500 620 600 400 300 Superficie (km Superficie 200 100 0 1930 1935 1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 Années

Georges Notre étude

Figure 96 : Evolution de la couverture glaciaire de la Cordillera Blanca entre 1930 et 2000 (Georges, 2004) et 1970 et 2002 (notre étude). Source pour 1970 : Hidrandina (1988) ; pour 1987 et 1996 (Silverio et Jaquet, 2005) ; pour 2002, notre résultat

Entre 1970 et 2002, la Cordillera Blanca a perdu 125 km2 (17 %) de sa couverture glaciaire, ce qui représente un retrait moyen de 4 km2/an. Cette perte a aussi des conséquences sur les réserves hydriques : pour 1970 et 2002, le volume d’équivalent eau représentait, respectivement, 20 km3 (20x109 m3) et 16.6 km3 (16.6x109 m3). Cela signifie une perte de 3.4 km3 (3.4x109 m3) en 32 ans, soit 106x106 m3 par an. A ce rythme et en extrapolant les conditions actuelles du climat, les glaciers de la Cordillera Blanca devraient encore garantir de l’eau pour environ 150 ans.

201 2. Causes possible du retrait glaciaire dans la Cordillera Blanca

2.1. Analyse des paramètres climatologiques a) Température

Pour ce paramètre, nous n’avons pu compiler les informations que pour la station de Querococha, localisée à 4087 m d’altitude (figure 97). Pour la période entre 1965 et 1986, les informations proviennent d’Ames (1988) et pour celle de 1987 à 1993, il s’agit d’une communication personnelle d’Abel Rodriguez d’EGENOR26 (2005).

Figure 97 : Localisation des stations climatologiques et hydrologiques et le point de reanalysis de NCEP27 (coordonnées d’après Pouyaud et al., 2005, p. 1003)

26 EGENOR est l’entreprise qui a acheté la centrale hydroélectrique du Cañon del Pato ; c’est une filiale de la transnationale Duke-Energy (www.duke-energy.com ) 27 National Center of Environmental Predictions (www.ncep.noaa.gov)

202 Pour la période entre 1965 et 1993, les températures minimales et maximales sont variables. Toutefois, la tendance de la température maximale est en très légère baisse, tandis que celle de la minimale est en légère hausse (figure 98).

15.0

14.5

14.0

°C 13.5 R2 = 0.1 13.0

12.5

12.0 1965 1967 1969 1971 1973 1975 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 Années

3.0

2.5

2.0

°C 1.5 R2 = 0.2 1.0

0.5

0.0 1965 1967 1969 1971 1973 1975 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 Années

Figure 98 : Evolution des températures maximales (haut) et minimales (bas) dans la station de Querococha (4087 m), entre 1965 et 1993

La tendance à la hausse de la température minimale pourrait expliquer le retrait glaciaire de la Cordillera Blanca. Cependant, en tenant compte des observations d’une seule station, il est difficile d’affirmer que la région est en train de subir un réchauffement climatique. Quoique les données sur la température dans la station Querococha aient pu être l’indicateur le plus approprié sur le réchauffement régional, elles montrent un manque d’homogénéité (Pouyaud et al., 2003a, p. 59).

Mark et Seltzet (2005) estiment que dans la Cordillera Blanca, la température moyenne croît de 0.26 °C par décennie (période d’observation 37 ans et dans 29 stations climatologiques du massif). Malheureusement, nous n’avons pas pu accéder aux informations pour confirmer ou infirmer l’affirmation de ces auteurs. Toutefois, cette tendance au réchauffement régional

203 a été observée dans d’autres recherches. Selon Vuille et Bradley (2000) et Vuille et al. (2003), dans les Andes tropicales, depuis 1939, la température a augmenté entre 0.1-0.11 °C par décennie et dans les 25 dernières années ce taux a triplé, augmentant de 0.32-0.34 °C par décennie.

En outre, selon Pouyaud et al. (2005), la tendance des températures de « reanalysis »28 au dessus de la Cordillera Blanca (9° S / 77° 30’ W ; 500 mb ≅ 6000 m d’altitude ; figure 97), entre 1948 et 2000, montre un réchauffement de 0.5 °C en 50 ans et 1 °C par siècle. A moyen terme (2000-2020), les prévisions de SENAMHI29 indiquent également l’augmentation de la température pour la région de la Cordillera Blanca (figure 99). A plus long terme (2050-2080), Hulme et Sheard (1999), prévoient le réchauffement pour les pays andins (Venezuela, Colombie, Equateur et Pérou) de 1 – 3 °C. Cela indique que si ces prévisions se confirment, dans les prochaines décennies, la hausse des températures devrait encore accentuer le retrait glaciaire dans la Cordillera Blanca.

Figure 99 : Simulation par SENAMHI de la température atmosphérique au dessus de la Cordillera Blanca (T°CB), entre 2000 et 2020 (source : Pouyaud et al., 2005, p. 1018)

b) Précipitations

Les données corrigées sur les précipitations proviennent de Bernard Pouyaud (IRD, Lima/Montpellier) [2005, communication personnelle]. Pour notre analyse, nous n’avons retenu que 7 stations : Parón (localisée à 4215 m d’altitude), Llanganuco (3918 m), Chancos (2895 m), Huaraz (3050 m), Querococha (4087 m), Pachacoto (3786 m) et Recreta (4020 m) (figure 97). Ces stations sont les plus proches de la Cordillera Blanca, toutes localisées sur la rive droite du Río Santa.

Au niveau mensuel, les précipitations maximales tombent durant le mois de mars (Pouyaud et al., 2003a) dans 6 stations : Chancos (127 mm), Llanganuco (138 mm), Pachacoto (122

28 Températures de réanalyse (1948-2000) pour le monde à une résolution de 2.5° (lat./long.) et à plusieurs altitudes (en mb) NCEP-NCAR de la NOAA. Données disponibles en : http://dss.ucar.edu/pub/reanalysis/ 29 Service National de Météorologie et Hydrologie du Pérou : www.senamhi.gob.pe

204 mm), Querococha (160 mm), Huaraz (125 mm) et Recreta (115 mm). Dans la station Parón, février est le mois le plus pluvieux (147 mm) [figure 100].

Durant le mois de juillet, les précipitations sont quasiment inexistantes dans toutes les stations : Chancos (0 mm), Pachacoto (0 mm), Recreta (0 mm), Llanganuco (1 mm), Parón (4 mm), Querococha (5 mm) et Huaraz (1 mm) [figure 100].

180 160 140 120 100

mm 80 60 40 20 0 Mai Avril Juin Août Mars Juillet Février Janvier Octobre Novembre Décembre Septembre Mois

Chancos Llanganuco Pachacoto Par ón Querococha Huaraz Recreta

Figure 100 : Précipitation mensuelle dans sept stations de la Cordillera Blanca

Quant à la précipitation annuelle, elle est variable. En moyenne, à Chancos tombent 553 mm de pluie, à Llanganuco 644 mm, à Pachacoto 589 mm, à Parón 831 mm, à Querococha 932 mm, à Huaraz 686 mm et à Recreta 485 mm.

Durant les années 1968, 1978 et 1992, les précipitations dans toutes les stations ont été au- dessous des moyennes respectives. Le phénomène inverse s’est produit en 1963, 1973, 1982 et 1993 (figure 101).

Dans six stations, Chancos, Llanganuco, Pachacoto, Parón, Querococha et Recreta, la tendance générale est pratiquement stable ; à Huaraz seulement, elle montre une légère hausse (figure 101).

D’après Pouyaud et al. (2003a), la tendance à la hausse des précipitations à la station Huaraz, est probablement liée au changement du site de la station après le tremblement de terre de 1970. En effet, la nouvelle station est localisée à 4 km N-NE de l’ancien site et à environ 3240 m d’altitude.

Selon Hulme et Sheard (1999), dans les cinq prochaines décennies, le Pérou, l’Equateur et le sud de la Colombie devraient devenir plus humides. Pour cette période, les précipitations au dessus de la Cordillera Blanca devraient augmenter de 2-4 % et dès 2080, de 3-6 %. Dans cette perspective, ce changement dans le régime des précipitations devrait certainement affecter les glaciers de la Cordillera Blanca, surtout si elles ne sont pas sous forme solide (neige) : des pluies sur les glaciers ne feront que diminuer leur albedo (Francou et al., 2003) et par conséquent induiront une accélération du retrait.

205 1600

1400

1200

1000

800 mm 600

400

200

0 1949 1952 1955 1958 1961 1964 1967 1970 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 Années

Chancos Llanganuco Pachacoto Parón Querococha Huaraz Recreta

Figure 101 : Précipitation moyenne annuelle dans sept stations de la Cordillera Blanca

2.2. Informations hydrologiques (débits)

Comme pour les précipitations, Pouyaud (IRD, Lima/Montpellier) [2005, communication personnelle] nous a fourni les données hydrologiques corrigées. Nous avons retenu 10 stations (figure 97), qui mesurent le débit des principales rivières provenant de la Cordillera Blanca.

Au niveau mensuel, l’hydrologie des rivières de la région est liée aux précipitations. En mars, l’on observe le débit le plus élevé et en juillet et août le plus faible (figures 100 et 102). Durant la saison sèche, le débit des rivières est assuré par la fonte des glaciers de la Cordillera Blanca (Kaser et al., 2003 ; Tamayo, 1995). Ceci permet au Río Santa d’être l’une des rivières les plus régulières de la côte péruvienne tout au long de l’année.

Quant aux débits annuels des principaux affluents du Río Santa, pour les années d’observation, ils sont variables. Cependant, on observe une baisse générale pour 1968 et 1985. Le phénomène inverse est irrégulier ; néanmoins, pour 1983 les débits sont supérieurs aux moyennes respectives (figure 103).

Pour l’année 1998, la figure 103 montre aussi un débit très élevé dans la station Chancos. Nous ne pouvons avancer aucune hypothèse pour expliquer ce surcroît. Il pourrait s’agir d’une erreur de mesure.

206 25.0

20.0

15.0 /s 3 m 10.0

5.0

0.0 Mai Avril Juin Août Mars Juillet Février Janvier Octobre Novembre Décembre Septembre Mois

Chancos Colcas Llanganuco Los Cedros Pachacoto Parón Querococha Huaraz Quitaracsa Recreta

Figure 102 : Débit mensuel dans 10 stations hydrologiques de la Cordillera Blanca

25.0

20.0

15.0 /s 3 m

10.0

5.0

0.0 1953 1955 1957 1959 1961 1963 1965 1967 1969 1971 1973 1975 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 Années

Chancos Colcas Llanganuco Los Cedros Pachacoto Parón Querococha Huaraz Quitaracsa Recreta

Figure 103 : Evolution du débit des principaux affluents de Río Santa

Dans la région, les débits des rivières sont fonction des précipitations ; durant la saison sèche, en l’absence de ces dernières, les glaciers sont les principaux contributeurs aux régimes des rivières. Divers auteurs (Niedertscheider, 1990 ; Tamayo, 1995 ; Kaser et al.,

207 2003 ; Pouyaud et al., 2003a, 2003b et 2005 ; Mark et Seltzer, 2003 ; Mark et al., 2005) ont étudié le comportement des débits des principaux affluents du Río Santa, grâce à la contribution des glaciers de la Cordillera Blanca.

Kaser et al. (2003) et Pouyaud et al. (2003a) ont démontré qu’il existe une relation étroite entre l’écoulement des rivières et le taux d’englacement des bassins versants. Mark et Seltzer (2003) estiment que les 35 % du débit mensuel des rivières seraient la contribution des glaciers et que durant la saison sèche, elle serait proche du 100%. Aujourd’hui, la fonte glaciaire représenterait 58 % de l’écoulement annuel des rivières (Mark et al., 2005).

En outre, selon Pouyaud et al. (2003a), le fort retrait glaciaire dans la Cordillera Blanca durant les années ’80, a contribué principalement à l’augmentation des débits des rivières de la partie haute du bassin versant du Río Santa, soit la vallée de Callejón de Huaylas. Et dans l’avenir, l’actuelle tendance bénéfique devrait s’inverser au fur et à mesure de la disparition progressive des glaciers (Pouyaud et al., 2005).

2.3. Les événements d’El Niño et de La Niña et leur influence

2.3.1. El Niño et La Niña

El Niño et La Niña correspondent, respectivement, aux phases chaude et froide de l’ENSO (El Niño Southern Oscillation / El Niño oscillation australe) [NOAA]30. D’après Trenberth (1997), El Niño a lieu quand la température de la surface marine de la région, comprise entre les coordonnées 5°N-5°S et 120°-1790° W (surnommée la « région Niño 3.4 »), est supérieure de 0.4 °C aux moyennes habituelles. Durant La Niña, au contraire, la température marine est en dessous de la moyenne. La composante atmosphérique est surnommée « Southern Oscillation/Oscillation australe » ; il s’agit d’une différence de pression entre Tahiti (Polynésie Française) et Darwin (Australie). El Niño serait associé aux valeurs faibles de l’oscillation australe, La Niña aux valeurs hautes (NOAA) [figure 104].

Figure 104 : Evolution temporelle de l’ENSO (SST : Température de la Surface Marine ; SOI : Indice d’Oscillation Australe ; Episodes d’ El Niño (rouge) et de La Niña (bleu) ; SN1, SN2, SN3 : Super Niño 1, 2 et 3) [d’après Douglass et al., 2002]

30 www.pmel.noaa.gov : Definitons of El Nino, La Nina, and ENSO.

208 Entre 1950 et 1995, Trenberth (1997) a identifié plusieurs épisodes d’El Niño et de La Niña. Ces observations ont été complétées par une « table périodique » (Douglass et al., 2002) [table 54]. Ces derniers auteurs estiment qu’il existe une période d’environ 15 ans où alternent les événements d’El Niño et de La Niña - période couronnée par un « Super Niño » (Niño extrême ou de très forte intensité). Ainsi, le SN1 aurait débuté en septembre 1968 et s’est terminé en janvier 1979 ; SN2 aurait duré entre octobre 1979 et juin 1989 ; SN3 a débuté en juin 1994 et en janvier 2004 il continuait encore son cycle [table 55 ; figure 104].

Evén. El Niño La Niña Durée Source (mois) 1 Mars 1950 - Février 1951 12 Trenberth (1997) 2 Août 1951- Fév. 1952 7 Trenberth (1997) 3 Mars 1953 - Nov. 1953 9 Trenberth (1997) 4 Juin 1954 - Mars 1956 22 5 Mai 1956 - Nov. 1956 7 Groupé par Trenberth (1997) 6 Avril 1957 - Jan. 1958 15 Trenberth (1997) 7 Juin 1963 - Fév. 1964 9 Trenberth (1997) 8 Mai 1964 - Janvier 1965 9 Trenberth (1997) 9 Mai 1965 - Juin 1966 14 Trenberth (1997) 10 Sep. 1968 - Mars 1970 19 Trenberth (1997) 11 Juillet 1970 - Janvier 1972 19 Trenberth (1997) 12 Avril 1972 - Mars 1973 12 Trenberth (1997) 13 Juin 1973 - Juin 1974 13 14 Sep. 1974 - Avril 1976 20 Groupé par Trenberth (1997) 15 Août 1976 - Mars 1977 8 16 Juillet 1977 - Jan. 1978 7 Groupé par Trenberth (1997) 17 Mars 1978 - Jan. 1979 11 Douglass et al. (2002) 18 Oct. 1979 - Avril 1980 7 Trenberth (1997) 19 Jan. 1981 - Sep. 1982 21 Douglass et al. (2002) 20 Avril 1982 - Juillet 1983 16 Trenberth (1997) 21 Sep. 1984 - Juin 1985 10 Trenberth (1997) 22 Août 1986 - Fév. 1988 19 Trenberth (1997) 23 Mai 1988 - Juin 1989 14 Trenberth (1997) 24 Mars 1991 - Juillet 1992 17 25 Fév. 1993 - Sep. 1993 8 Groupé par Trenberth (1997) 26 Juin 1994 - Mars 1995 10 27 Sep. 1995 - Mars 1996 7 Trenberth (1997) 28 Mai 1997 - Avril 1998 12 Douglass et al. (2002) 29 Juillet 1998 - Mars 2000 21 Douglass et al. (2002) 30 Juillet 2001 - Jan. 2003 19 Douglass et al. (2002) 31 Mars 2003 - Jan. 2004 11 Douglass et al. (2002)

Table 54 : Liste des événements d’El Niño et de La Niña, entre 1950 et 2004 ; les cases orange indiquent les Niños extrêmes

Evénements Super Niño SN1 (1972-1973) SN2 (1982-1983) SN3 (1997-1998) Mois du maximum Novembre 1972 Janvier 1983 Novembre 1997 Rang de Super Niño Avril 1969 - Mai 1979 Juin 1979 - juillet 1989 Avril 1994 - juillet 2000

Table 55 : Intervalle temporel de trois Super Niños (source : Douglass et al., 2002, p. 15)

209 En outre, l’analyse de deux carottes de glace, extraites en 1993, au col du Nevado Huascarán (6050 m) par l’équipe de Thompson du Bird Polar Research31, université d’Ohio, (Henderson et al. 1999) a démontré l’existence de 5 épisodes d’El Niño de forte intensité : 1930, 1941, 1952, 1983 et 1992 (figure 105). Cela indique qu’El Niño ne se manifeste plus depuis les dernières décennies dans la région de la Cordillera Blanca.

Figure 105 : Evidences d’El Niño et de La Niña (cold event) enregistrés dans la glace du Huascarán (PacSST / AtlSST : température de la surface de l’océan Pacifique / Atlantiques ; VS : très fort ; S : fort ; M : moyen ; W : faible) [d’après Henderson et al., 1999]

2.3.2. Températures durant El Niño et La Niña

A la station Querococha, pour 29 ans d’observation, la moyenne mensuelle des températures minimale et maximale est résumée dans le table 56 et la variation de la moyenne annuelle, entre 1965 et 1993, dans la figure 106.

Jan. Fév. Mars Avril Mai Juin Juil. Août Sept. Oct. Nov. Déc. Moy. Min. (°C) 2.4 2.6 2.7 2.6 1.8 0.9 0.6 0.8 1.3 1.7 1.7 1.9 Moy. Max. (°C) 13.3 13.1 13.1 13.5 13.9 13.9 13.8 14.3 14.4 14.1 14.2 13.8

Table 56 : Moyenne des températures mensuelles minimale et maximale (1965 – 1993), dans la station de Querococha

31 http://www-bprc.mps.ohio-state.edu

210 0.8

0.6

0.4

0.2 °C 0.0

-0.2

-0.4

-0.6 1965 1967 1969 1971 1973 1975 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 Années

Figure 106 : Variation de la température moyenne annuelle dans la station Querococha, entre 1965 et 1993, par rapport à la moyenne de 29 ans d’observation (1965 – 1993)

D’après la figure 106, le pic positif (+0.6) de 1969 correspond à El Niño qui a lieu entre septembre 1968 et mars 1970 (19 mois). Cet événement a été suivi par La Niña, qui a duré aussi 19 mois (juillet 1970 – janvier 1972) [tableau 54]. Certainement, ce long refroidissement n’a pas permis une hausse significative de la température durant le Super Niño 1 (SN1) qui a eu lieu entre avril 1972 et mars 1973. Cependant, à son maximum du SN1 (novembre 1972), les températures minimale et maximale, étaient, respectivement, 1.5 °C et 16.2 °C ; cela indique une variation, respectivement, de -0.2 °C et de +2 °C.

Le pic négatif (-0.5 °C) de 1975 est le couronnement de La Niña qui a eu lieu entre septembre 1974 et avril 1976 (20 mois) [figure 106 et table 54]. Cet événement a été suivi par trois El Niño modérés (août 1976 – mars1977 ; juillet 1977 – janvier 1978 ; octobre 1979 – avril 1980) et deux Niña modérées (mars 1978 – janvier 1979 ; janvier 1981 – septembre 1982).

Le SN2 a eu lieu entre avril 1982 et juillet 1983 (16 mois) [tableau 54]. En 1983, la variation de la température moyenne annuelle a été de 0.4 °C (figure 106) et au maximum de l’événement (janvier 1983) la température minimale et maximale étaient, respectivement, de 3.4 °C et 14.4 °C, ce qui représente une variation, respectivement, de +1 °C et de 1.1 °C.

La variation négative de la température moyenne annuelle de 1984 (-0.5 °C) correspond à La Niña qui a eu lieu entre septembre 1984 et juin 1985. La variation positive de 1987 (+4 °C), correspond à l’événement d’El Niño qui a duré 19 mois (août 1986 et février 1988) [figure 106 et table 54].

A Querococha, la variation de la température moyenne annuelle est corrélée avec les événements d’El Niño et de La Niña (figure 106 et table 54). Une période longue d’El Niño signifie une forte variation positive et une baisse négative due à La Niña.

211 D’après Pouyaud et al. (2003a), dans la région, un événement El Niño est systématiquement associé avec l’augmentation de la température de l’air ; cette variation est fonction de la magnitude de l’événement. Au contraire, La Niña est associée avec des températures inférieures aux normales.

En outre, selon Francou et al. (1997), durant El Niño, les températures dans les Andes augmentent de 0.5 à 1 °C. Au Pérou et en Bolivie, durant les années ENSO, la ligne d’équilibre des glaciers se situe 150 à 300 m au-dessus de sa position moyenne et les glaciers perdent au moins deux fois plus d’eau qu’ils n’en reçoivent par les précipitations.

2.3.3. Les précipitations durant El Niño et La Niña

Pour les années où nous disposons d’informations, la caractérisation des précipitations, durant les années Niño/Niña, est résumée dans le tableau 57. En gras, les années où les précipitations sont déficitaires ou excédentaires dans toutes les stations climatologiques. Les années variables indiquent quand les précipitations, dans 2 ou plusieurs stations, sont déficitaires ou excédentaires et l’inverse dans le reste des stations. Les périodes 1949-1953 et 2000-2004 ont été exclues car la plupart des stations n’ont pas d’information.

El Niño La Niña Année / Précipitation Juin 1954 - Mars 1956 1954 : Déficit dans 6 stations (-60 – -160 mm), Parón : +200 mm 1955 : Variable Mai 1956 - Nov. 1956 1956 : Variable Avril 1957 - Jan. 1958 1957 ; 1958 : Variable Juin 1963 - Fév. 1964 1963 : Excédent (70 – 200 mm) Mai 1964 - Janvier 1965 1964 : Déficit dans 6 station (-50 – -270 mm), Recreta : +14 mm Mai 1965 - Juin 1966 1966 : Variable Sep. 1968 - Mars 1970 1968 : Déficit (-100 – -390 mm) Juillet 1970 - Janvier 1972 1971 : Variable Avril 1972 - Mars 1973 1972 ; 1973 : Excédent (40 – 370 mm) ; (60 – 320 mm) Juin 1973 - Juin 1974 1974 : Variable Sep. 1974 - Avril 1976 1975 : Excédent dans 6 stations (55-260 mm), Recreta : -80 mm 1976 : Déficit (-78 – -190 mm) Août 1976 - Mars 1977 1977 : Variable Juillet 1977 - Jan. 1978 1978 : Déficit (-80 – -220 mm) Mars 1978 - Jan. 1979 1979 : Déficit (-10 – -260 mm) Oct. 1979 - Avril 1980 1980 : Déficit dans 6 stations (-10 – -300 mm), Q : +100 mm Jan. 1981 - Sep. 1982 1981 : Excédent dans 6 stations (20-170 mm), Parón : -120 mm Avril 1982 - Juillet 1983 1982 : Excédent (20 – 370 mm) 1983 : Variable Sep. 1984 - Juin 1985 1984 : Excédent (120 – 380 mm) 1985 : Déficit dans 6 stations (-70 – -230 mm), Q : +19 mm Août 1986 - Fév. 1988 1987 : Variable Mai 1988 - Juin 1989 1988 : Excédent (10 – 160 mm) Mars 1991 - Juillet 1992 1991 : Variable 1992 : Déficit (-100 – -360 mm) Fév. 1993 - Sep. 1993 1993 : Excédent (150 – 585 mm) Juin 1994 - Mars 1995 1994 : Excédent (45 – 310 mm) Sep. 1995 - Mars 1996 1996 : Excédent dans 6 stations (50 – 280 mm), Q : -5 mm Mai 1997 - Avril 1998 1997 : Déficit dans 6 station (-80 – -400 mm), Hz : +26 mm Juillet 1998 - Mars 2000 1998, 1999 : Variable

Tableau 57 : Précipitations durant El Niño/La Niña. En orange, El Niño le plus connu au Pérou (Stations : Q = Querococha ; Hz = Huaraz ; R = Recreta)

212 D’après le tableau 57, les années d’El Niño et/ou de La Niña ne riment pas forcément avec abondance des précipitations ou sécheresses ; elles sont variables. D’après Pouyaud et al. (2003a), dans le bassin versant du Río Santa, la corrélation entre les précipitations et les événements El Niño/La Niña n’est pas si simple. Il semble que cette région soit la zone de transition, entre l’abondance des précipitations au nord et celle de sécheresse au sud, qui caractérisent un événement d’El Niño.

Même pour les mois où l’intensité d’El Niño était au maximum, les précipitations ne sont pas toujours élevées ; elles sont variables. Soit il y a des excédents et/ou des déficits dans les stations. C’est ainsi qu’au maximum du Niño 1972/1973, en novembre 1972, trois stations étaient déficitaires et quatre excédentaires. Pour le mois de janvier 1983 (maximum du Niño 1982/83), dans six stations les précipitations étaient excédentaires et Parón était la seule déficitaire. Pour novembre 1997 (maximum du Niño 1997/98), quatre stations ont connu un déficit de pluies et trois un petit surplus (table 58).

Précipitation Chancos Llanganuco Pachacoto Parón Querococha Huaraz Recreta Moy. nov. (mm) 46 58 49 77 82 56 34 Nov. 1972 (mm) 52 91 27 86 47 62 19 Variation (mm) +6 +33 -22 +9 -35 +6 -15 Moy. jan. (mm) 86 95 96 120 147 110 82 Jan. 1983 (mm) 122 98 127 118 213 126 134 Variation (mm) +36 +3 +31 -2 +66 +16 +52 Moy. nov. (mm) 46 58 49 77 82 56 34 Nov. 1997 (mm) 4 3 70 90 28 93 3 Variation (mm) -42 -55 +21 +13 -54 +37 -31

Table 58 : Variation des précipitations au maximum d’El Niño 1972/73, 1982/1983 et 1997/98

Il semblerait que le fort retrait glaciaire de la Cordillera Blanca des années ’80 ait été déclenché par le déficit des précipitations durant 1976, 1978 et 1979 (tableau 57 et figure 107). En plus, en 1977, seulement quatre stations ont connu un excédent (Llanganuco, Pachacoto, Querococha et Huaraz, respectivement, de 13, 67, 189 et 94 mm) et trois autres ont connu un déficit (Chancos, Parón et Recreta, respectivement, de -22, -16 et -90 mm) [figure 107].

En 1980, six stations ont connu un déficit pluviométrique (Chancos, Llanganuco, Pachacoto, Parón, Huaraz et Recreta, respectivement, -106, -185, -181, -297, -12 et -261 mm) et seule la station Querococha a enregistré des pluies excédentaires (+110 mm) [figure 107].

La période sèche (1976-1980) a été suivie d’une année 1981 un peu plus pluvieuse, où six stations ont connu un excédent de précipitations (entre 20 et 300 mm) et une déficitaire (Parón : -120 mm). L’année 1982 a été la plus pluvieuse, où toutes les stations ont été excédentaires, entre 20 et 370 mm (figure 107). Toutefois, cette période pluvieuse n’a pas été suffisante pour contrer le retrait glaciaire de la Cordillera Blanca, qui durant les années ’80, était de 4.8 km2/an.

En revanche, il semble que la période pluvieuse, comprise entre 1993 et 1994, où les précipitations ont été excédentaires dans toutes les stations, respectivement, entre 150 et 585 mm et, entre 45 et 310 mm (figure 107), a permis d’atténuer le retrait glaciaire de la Cordillera Blanca, puisque à la fin des années ’90, le phénomène ne représentait qu’une perte de 0.7 km2/an.

213 800

600

400

200

mm 0

-200

-400

-600 1949 1952 1955 1958 1961 1964 1967 1970 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 Années

Chancos Llanganuco Pachacoto Par ón Querococha Huaraz Recreta

Figure 107 : Evolution de la variation des précipitations dans sept stations de la Cordillera Blanca

En outre, Kaser et al. (2003) affirment qu’après l’événement d’El Niño 1997/98, les glaciers de la Cordillera Blanca ont accru leur masse, raison pour laquelle leurs langues avaient commencé à avancer (vérifications de terrain en mai 2001). Or, en 1997, six stations ont été déficitaires [Chancos (-300 mm), Llanganuco (-400), Pachacoto (-290), Parón (-80), Querococha (-380) et Recrete (-336)] et seule Huaraz a eu un excédent (+26). En 1998, les précipitations ont été encore mitigées, excédentaires à Llanganuco (+20 mm), à Huaraz (+80) et à Recreta (+300), déficitaires à Chancos (-70), à Pachacoto (-100) et à Querococha (-300) et, en équilibre à Parón (-1) [figure 107]. Cela impliquerait que les avancées observées en 2001, probablement, correspondent à l’excédent des précipitations de la période 1993-1994, car durant 1997/98, les précipitations ont été plutôt déficitaires ; à moins qu’en altitude les précipitations aient été abondantes et que les pluviomètres ne les aient pas enregistrées, car elles sont localisées au-dessous de 4100 m d’altitude. Cela laisse supposer que les glaciers de la Cordillera Blanca ont un temps de réaction de 5-7 ans, ce qui est raisonnable compte tenu de leurs pentes abruptes. Dans les Alpes, où les glaciers ont des pentes plus modérées, on estime le temps de réaction à environ 12-15 ans.

Apparemment, dans la Cordillera Blanca, El Niño n’a pas les mêmes effets que dans les autres glaciers tropicaux : en Bolivie, des déficits dans les précipitations et en Equateur, une augmentation des températures (Favier et al., 2004). En Bolivie, durant El Niño, le bilan de masse est négatif ; en Equateur, le taux d’ablation augmente systématiquement durant El Niño et décroît durant La Niña (Francou et al., 2004).

En résumé, le retrait glaciaire de la Cordillera Blanca serait lié à l’augmentation de la température et de l’humidité (Mark et Seltzer, 2005). Dans les Andes, entre 1950 et 1995, l’humidité relative s’est accrue de 0.5-1 % par décennie (Francou et al., 2003). Selon Francou et al. (2004) la température s’est accrue en plus de 0.5 °C en 30 ans. Ce sont cette hausse et celle de l’humidité, associées à la fréquence et intensification d’El Niño, depuis le milieu des années ‘70, qui induisent la fonte accélérée des glaciers tropicaux. Le retrait

214 général des glaciers de la Cordillera Blanca, durant les dernières cinq décennies, est corrélé avec le changement global (Kaser et al., 1990).

3. Scénarios climatiques

Si les conditions climatiques actuelles dans les Andes (hausse de température et d’humidité, associée à la fréquence et intensification d’El Niño, comme conséquence du réchauffement global) persistent, elles auront certainement des répercussions sur les glaciers de la Cordillera Blanca. Selon Francou et Wagnon (1998), dans vingt ou trente ans, les petits glaciers, dont la superficie varie entre 0.1 et 0.5 km2, vont disparaître. Ceci est inquiétant pour les ressources hydriques de la région puisque, selon Hidrandina (1988), en 1970, sur un total de 711 glaciers inventoriés, la Cordillera Blanca comptait seulement 194 glaciers (27%) avec des superficies supérieures à 1 km2.

Dans la région, les années El Niño ne signifiant pas forcement déficit et/ou abondance des précipitations mais une hausse des températures, nous pensons que ce phénomène aura des répercussions négatives sur les glaciers de la Cordillera Blanca et par conséquence sur les réserves hydriques de la région : o Hausse de la température et baisse des précipitations : la hausse de la température impliquera la remontée (en altitude) de la ligne d’équilibre des glaciers ; la baisse des précipitations impliquera le non-renouvellement des glaciers. Ce qui signifiera le retrait glaciaire, voire son accélération. Par conséquence, l’amenuisement des réserves. o Hausse de température et surplus dans les précipitations : vu que durant El Niño les températures seront au dessus de la moyenne normale, cela impliquera que les précipitations ne seront pas sous forme solide (neige) sur les zones d’ablation des glaciers. Ce qui signifie que les glaciers seront « découverts » face à la radiation solaire. Encore du retrait en perspective…

En suivant cette tendance générale du climat, durant les dernières décennies, de nombreux petits glaciers de la Cordillera Blanca ont disparu. L’évolution du glacier Broggi, entre 1932 et 2004, peut témoigner de cette situation (figure 108). Au 14 juillet 2004, ce glacier n’existait pratiquement plus, les taches blanches ne correspondant qu’à la neige du « mauvais temps » de la veille.

Durant la saison sèche, les glaciers alimentent les lacs, qui à leur tour en font de même avec les rivières. Or, les glaciers étant « déprimés »32, leur fonte n’assure plus le volume normal des lacs ; par conséquent, le niveau de nombreux lacs est en baisse et certains d’entre eux ont disparu. Durant les deux dernières décennies, le niveau du lac Laguna 69 (localisé au pied du Nevado Chacraraju, Q. Demanda / Q. Llanganuco) à diminué de 2 m (figure 109, gauche) et le petit lac qui existait, dans les années ’80, au pied du glacier du Pisco, a disparu (figure 109, droite).

32 En été 2004, Marcelino, un ami indigène, m’a dit : « nos glaciers et lacs sont tristes, ils sont déprimés »

215

1932 1977

1997 2004

Figure 108 : Evolution du glacier Broggi, entre 1932 et 2004 [source : années 1932, 1977 et 1997 : www.inrena.gob.pe (au 4 août 2005) ; 2004 : notre photo]

Figure 109 : Baisse du niveau du Laguna 69 (gauche) et disparition d’un petit lac (droite) [photos : Silverio, 2004]

Du point du vue de la sécurité, la baisse du niveau des lacs ou la disparition de petits lacs (sans provoquer des aluviones), s’avère positif. Mais, à long terme, ce phénomène va compromettre l’existence-même des populations de la région, d’autant plus que l’agriculture est leur principale activité. De même, il y aura des répercussions négatives pour la génération de l’électricité à la centrale de Cañon del Pato et les projets d’irrigation CHINECAS et CHAVIMOCHIC, qui sont voués à l’agro-exportation. Selon Erout (2000), ces projets, qui représentent 113'300 ha de terres irriguées, connaissent déjà 6 mois de déficit hydrique dont le volume est estimé à 1’477x106 m3 d’eau.

216

En outre, selon Bradley et al. (2004), dans les prochaines décennies, la moyenne de la température annuelle devrait augmenter davantage dans la haute montagne que dans la partie basse le long de l’axe de la Cordillère des Andes ; à la latitude 10° sud (localisation de la Cordillera Blanca : 8° 30’ – 10° 10’ S), à 4000 et 6000 m d’altitude, l’augmentation sera, respectivement, de +2 et 2.75 °C. Ce phénomène devrait encore accélérer le retrait glaciaire et par conséquent, induire la diminution des ressources hydriques (Bradley et al., 2006)

4. Scénario anthropique

Les ressources hydriques qui sourdent de la Cordillera Blanca sont utilisées au-delà des frontières de la région Ancash : pour l’eau potable, la génération de l’électricité, l’agriculture, et l’industrie. Même la mine Antamina33 utilise les eaux de ce massif pour le transport, via son mineroducto (pipeline de 302 km), des concentrés de minerais vers le port de Punta Lobitos, près de Huarmey (dans le Pacifique). Cela indique que la demande d’eau est en constante hausse, tandis que les réserves hydriques sont en nette diminution.

Toutes les provinces de la région Ancash sont dépendantes des ressources hydriques de la Cordillera Blanca, certaines directement, d’autres indirectement, via les projets d’irrigation et de l’agriculture extensive de la côte. Dans ce sens, pour estimer les réserves hydriques par habitant, on doit prendre en considération l’ensemble de la région Ancash.

Entre 1972 et 2005, la population de la région Ancash s’est accrue de manière constante. Pour les périodes 1972-1981 et 1981-1993, elle a augmenté, respectivement, de 12.9 et 15.6 %, soit une croissance annuelle supérieure à 1 % ; entre 1993 et 2005, elle s’est accrue encore de 8.8 %, ce qui représente un taux annuel de 0.7 % (tableau 59)

Pop. 1972 Pop. 1981 Pop. 1993 Pop. 2005 Var. 72-81 (%) Var. 81-93 (%) Var. 93-05 (%) Ancash 732’092 826’399 955’023 1’039’415 12.9 15.6 8.8

Tableau 59 : Dynamique de la population de la région Ancash, entre 1972 et 2005

Pour la période comprise entre 1993 et 2005, les principaux districts du Callejón de Huaylas, (Huaraz, Carhuaz, Yungay et Caraz), ont connu une forte croissance de leur population. En 1993, Huaraz, comptait une population de 92'385 habitants, en 2005, il avait 114'297 habitants (figure 110).

Entre 1993 et 2005, le taux de croissance annuel de la population des districts de Callejón de Huaylas a été variable (figure 111). C’est Yungar qui a connu la croissance la plus haute (6 %). Tandis que Huaraz, Jangas, Carhuaz, Pariahuanca et Tinco se sont accrus de 2 % par an ; Taricá, Marcará, Caraz, Catac et Yungay de 1 % par an ; Anta, San Miguel de Aco et Ranrahirca de < 1 % par an. Les districts miniers de Recuay et de Ticapampa ont perdu leur population, à raison de, respectivement, -1 % et -0.7 % ; certainement comme conséquence de la forte diminution de l’activité minière des années ’80 et ’90 dans cette zone.

33 www.antamina.com

217 140000

120000

100000

80000

60000 Habitants 40000

20000

0 Anta Tinco Caraz Catac Taricá Huaraz Yungar Yungay Jangas Recuay Marcará Carhuaz Ranrahirca Ticapampa S. M. de M. S. Aco Pariahuanca Districts

Année 1993 Année 2005

Figure 110 : Population des districts du Callejón de Huaylas, entre 1993 et 2005 (Huaraz regroupe les districts de Huaraz et Independencia)

6.0

5.0

4.0

3.0

% 2.0

1.0

0.0

-1.0

-2.0 Anta Tinco Caraz Catac Taricá Huaraz Yungar Yungay Jangas Recuay Marcará Carhuaz Ranrahirca Ticapampa S. M. de M. S. Aco Pariahuanca Districts

Figure 111 : Taux de croissance annuel des districts de Callejón de Huaylas, entre 1993 et 2005

218 La cause principale de l’accroissement de la population dans les principales villes du Callejón de Huaylas est l’immigration provenant des districts et provinces les plus pauvres de la région Ancash. Ce flux migratoire génère une croissance urbaine, parfois anarchique, car on construit n’importe où, même dans les anciens lits d’inondations des rivières ou des aluviones (figure 112, gauche).

Dès la fin des années ’90 et début 2000, le phénomène de l’immigration a été accéléré par le démarrage des deux méga-projets miniers de Pierina et Antamina. Cette fois, l’immigrant est venu d’autres régions du pays. Pour accueillir leur personnel, les mines ont construit leur propre cité minière (figure 112, droite)

Figure 112 : Nouvelles maisons construites dans l’ancienne zone de l’aluvion de 1941 (gauche ; photo E. Hegglin, 2005) et la cité minière Pinar en 2004 (droite)

Pour 1970 et 2002, le volume de réserves d’eau stockées dans les glaciers de la Cordillera Blanca étaient, respectivement, de 20x109 m3 (20 km3) et de 16.6x109 m3 (16.6 km3). Cela indique, qu’en 1972 et 2005, chaque habitant de la région Ancash disposait d’une réserve hydrique34, respectivement, de < 27'000 m3 et de < 16'000 m3.

Pour l’année 2002, l’ensemble des 881 lacs de la Cordillera Blanca stockait un volume d’eau d’environ 0.9 km3. Cela indique que pour cette date, la réserve hydrique de la région Ancash était < 16'800 m3 par habitant.

Baisse dans les réserves hydriques et augmentation de la population, et par conséquent augmentation de la demande en eau, sont des conditions favorables pour des conflits sociaux dans un proche avenir. La population non seulement demande de l’eau potable et des systèmes d’assainissement, elle veut aussi de l’électricité et pour en produire, il faut plus de débits pour les turbines.

Récemment, EGENOR (propriétaire de la centrale hydroélectrique de Cañon del Pato) a entrepris le stockage de l’eau dans trois lacs de la Cordillera Blanca : Aguascocha (au sud), Shallap et Tambillo (au centre ; près de Huaraz). Pour ces derniers « barrages », la population de Huaraz est contre car, en cas de séisme, ils pourraient être la source d’aluviones potentiels. Au lieu d’informer, l’entreprise a interdit l’accès à ces lacs. Pourtant, ces derniers se localisent à l’intérieur du Parc National Huascarán, patrimoine naturel de l’humanité, donc accessible à tout le monde !

L’augmentation de la population signifie aussi l’augmentation de la demande en denrées alimentaires, notamment agricoles. Pour les produire, il faut plus de surfaces agricoles et des

34 Réserve hydrique = volume potentiel / nombre d’habitant

219 canaux d’irrigation, donc moins d’eau pour faire tourner les turbines, ou encore moins d’eau pour les populations en aval des points de captage. En plus, le problème majeur est que ces projets ne sont bénéfiques que pour certains groupes économiques au détriment, principalement, des populations locales et indigènes.

En outre, ces lacs et sommets (glaciers) de la Cordillera Blanca offrent aussi des services environnementaux, notamment du point de vue du paysage. Ils constituent donc des destinations prisées pour les touristes nationaux et étrangers. Or, sous le couvert de la pseudo protection du Parc National Huascarán, les agences de voyage veulent imposer que tous les touristes visitant le Parc National Huascarán utilisent leur service et celui d’un guide. A cela, il faut ajouter l’appétit d’un groupe religieux qui tente de construire des refuges dans les quebradas et des camps de base de certains sommets. Avec un actif de 4 refuges, construits en transgressant la loi de protection du PNH, qui a été pourtant déclaré zone intangible, ce groupe prive les porteurs et muletiers des villages environnants du parc de leur revenu. Les villageois sont contre la construction de nouveaux refuges. Encore des conflits en perspective…

Les convoitises pour les ressources naturelles et environnementales de la Cordillera Blanca ne font que commencer. A terme, ces conflits entre les divers acteurs présents devraient se multiplier, car les enjeux sont grands : il s’agira tout simplement de la survie des populations indigènes, donc de la diversité culturelle. Dans ce sens, il est urgent d’établir une politique de gestion durable des ressources naturelles de ce massif, principalement celle pour l’eau.

5. Scénario environnemental

L’eau de la Cordillera Blanca, à la sortie des glaciers, des lacs et des quebradas, n’est généralement pas polluée, à moins qu’il y ait la présence de mines près des glaciers. La mauvaise qualité de ces eaux est liée à l’activité minière et aux agglomérations urbaines. En effet, les villes ne traitent pas leur déchets et leur eaux usées. Les déchets sont directement jetés dans les dépressions les plus proches ou dans les rivières, principalement, dans le Río Santa. D’après UNASAM (1999), en 1997, la ville de Huaraz35 comptait 30 décharges sauvages ; en 1992, elle produisait 16 t/j de déchets urbain ; pour les années 1997 et 2002, pour une population, respectivement, de 82'049 et 95'375 habitants, la production journalière de déchets, représentait, respectivement, de 41 et 48 tonnes.

Tout le long de la vallée de Callejón de Huaylas, le Río Santa est le collecteur des déchets urbains des villes. Durant la saison sèche, faute de grand débit, les détritus s’accumulent et par conséquent, deviennent un danger pour la santé publique des riverains. Si cette pratique n’est pas corrigée, en plus de l’augmentation de la population qui aura son effet multiplicateur dans la production des déchets, la qualité de l’eau dans la partie basse du bassin versant du Río Santa sera dégradée. Ceci représente une menace pour la santé humaine, car faute de moyens techniques et financiers, la population et l’agriculture risquent d’utiliser de l’eau polluée.

UNASAM (1999) a démontré la présence de métaux lourds dans le Río Santa : arsenic, cadmium, zinc, plomb (> 2 mg/l) et cuivre (0.5 mg/l). La présence de ces éléments est liée à l’activité minière dans la région. Dans l’avenir, la pollution des eaux, des sols, de la faune, flore, etc. risque encore d’être amplifiée, car avec le démarrage de Pierina et d’Antamina, l’activité minière dans la région a pris l’ascendant.

Les mines représentent une menace pour l’environnement et même si, dans la théorie, elles affirment être respectueuses de l’environnement, cette activité n’est guère inoffensive. Faute

35 Inclus les chefs lieu des districts de Huaraz et d’Independencia

220 de contrôle et de surveillance, certaines mines jettent leur rejets directement dans les rivières ; en plus, les bassins de rétention des rejets [figure 113], peuvent présenter des infiltrations dans les sols/sous-sol. En outre, l’activité minière provoque des grands changements dans le paysage, modifie aussi les cours d’eau (à cause des retenues) et, par conséquent, est une menace pour les écosystèmes (figures 113 et 114).

Figure 113 : Bassin de rétention d’Antamina vu par le satellite Aster (8 juillet 2004) [courtoisie de GRID-Sioux Falls36)

36 www.na.unep.net

221 Mine Pierina Mine Antamina

TM du 11 août 1996, b742 TM du 11 août t1996, b742

ETM+ du 26 mai 2000, b742 ETM+ du 26 mai 2000, b742

ETM+ du 12 juin 2002, b742 ETM+ du 12 juin 2002, b742

Figure 114 : Changement du paysage, entre 1996 et 2002, dû à l’activité des mines Pierina (colonne de gauche) et Antamina (colonne de droite)

222 Finalement, l’activité touristique génère aussi des déchets qui sont sources de pollution du sol et des eaux. Dans des nombreux camps de base, les poubelles des expéditions s’entassent. Les grottes qui, durant les années ’80, servaient comme refuges naturels, sont pleines de poubelles (figure 115). A cause du comportement irresponsable des touristes, les « wc turcs » construits par le Parc National Huascarán (PNH) dans les camps de base sont dans un piètre état de salubrité. En plus, les agences de voyage, qui veulent imposer leurs services aux touristes désireux d’accéder au parc, n’évacuent pas leurs poubelles. Il n’y a pas de prise de conscience écologique de leur part. Durant leur séjour, chaque agence établit son propre wc (figure 115). A terme, ces wc vont compromettre la qualité des sources d’eau que l’on consomme dans les camp de base.

Figure 115 : Le camp de base de Pisco à 4800 m d’altitude (gauche), le carré rouge représente la grotte en deux états : refuge naturel en 1987 (droite en haut, photo V. Henry) et dépôt de déchets en 2004 (droite en bas, notre photo)

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225

226 IX. CONCLUSION DE LA PARTIE PRATIQUE

o Système Cordillera Blanca

L’approche systémique a permis d’identifier l’écosystème et le système socio-économique dans la région de la Cordillera Blanca. En tenant compte de l’activité minière, nous avons mis en évidence les interactions entre les divers acteurs du système socio-économique.

L’écosystème Cordillera Blanca sert bien comme support pour le développement des collectivités. Il leur fournit des ressources (sol, eau, bois, minerais, etc.) et des services environnementaux. L’interaction, entre ces collectivités (systèmes socio-économiques) et l’écosystème, a pour manifestation l’utilisation du sol dans le Parc National Huascarán, les zones tampon et de transition entourant ce parc. L’utilisation du sol reflète le bas niveau de développement socio-économique de la région, qui se traduit par la faible intensité d’usage des ressources et l’absence d’une organisation spatiale (politique d’aménagement du territoire).

Le faible usage des ressources est bénéfique pour l’écosystème Cordillera Blanca mais, avec l’augmentation de la population et surtout avec la présence de transnationales minières, la donne est en train de changer et les convoitises commencent à se dessiner. Si les autorités locales, régionales et nationales n’établissent pas une politique de gestion durable des ressources de l’écosystème Cordillera Blanca, on assistera, à long terme, à des conflits entre les acteurs.

Le système Cordillera Blanca occupe le cœur de la région Ancash, dont les districts et provinces ont l’Indice de Développement Humain (IDH) le plus bas de la région, voire du pays. Au niveau régional, il existe bel et bien des disparités socio-économiques entre les parties côtière et andine. Même si les villages des deux versants de la Cordillera Blanca sont frappés par la pauvreté, ils sont garants de la socio-diversité ; cette richesse se manifeste dans les diverses variantes de la langue quechua et les coutumes.

o Un SIG pour la Cordillera Blanca

Le système d’information à référence spatiale (SIRS) ou SIG de la Cordillera Blanca est composé d’une vingtaine de couches d’informations. Il s’agit là d’un prototype qui, dans l’avenir, devra être complété et enrichi par de nouveaux plans d’informations, issus de la combinaison des informations existantes ou provenant de nouvelles sources.

Les plans d’information qui forment la base du SIG de la Cordillera Blanca sont le Modèle Numérique d’Altitude (MNA), la géologie et la carte de la couverture du sol. L’utilisation potentielle de ces d’informations est dans la modélisation.

Une autre information fondamentale du SIG de la Cordillera Blanca est la couverture glaciaire pour 1987, 1996 et 2002, obtenue par télédétection satellitaire. Grâce à ces informations, nous avons pu estimer la distribution des réserves hydriques par bassin versant des trois rivières principales. Globalement, pour les années indiquées, les glaciers de la Cordillera Blanca stockaient un volume d’équivalent eau, respectivement, de 18 km3, de 16.7 km3 et de 16.6 km3. Par rapport à l’année 1970 (volume d’équivalent eau : 20 km3) ces chiffres correspondent, respectivement, à 90 %, à 83.5 % et à 83 %. Cela indique qu’en 32 ans, la Cordillera Blanca a perdu 17 % de ses réserves hydriques.

227 En outre, pour l’année 2002, le volume des réserves hydriques stocké dans les 881 lacs de la Cordillera Blanca est d’environ 0.9 km3 d’eau, ce qui représente 5 % du stock total (17.5 km3).

Concernant les informations socio-économiques, elles devront être complétées dans l’avenir par des données plus récentes. A titre d’exemple, nous présentons deux cartes (densité de la population par province pour 1972 et 2005), notre but n’étant pas de créer de nombreuses cartes mais plutôt d’établir une base des données géoréférencées qui permette de cartographier un indicateur ou phénomène social souhaité.

o Gestion durable des ressources hydriques de la Cordillera Blanca

Au Pérou, la majeure partie de la population se concentre dans la région côtière, où il existe un déficit chronique des ressources hydriques. Dans ce pays, plusieurs Ministères sont impliqués dans le domaine de l’eau, mais ils opèrent sans coordination. Au sein même du Ministère de l’Agriculture, il y a trois entités (PRONAMACHCS, INRENA et les Directions Régionales du Ministère) qui sont chargées de la gestion d’eau mais elles travaillent de manière sectorielle.

Au sein de l’INRENA, l’Intendance des Ressources Hydriques (IRH) chapeaute la Direction des Bassins Versants, la Direction des Ressources Hydriques et l’Unité Transitoire d’Irrigation ; cette dernière garde sous sa tutelle les Administrations Techniques des Districts d’Irrigation (Administración Técnica de Distrito de Riego : ATDR). Cependant, il n’y a pas la moindre coordination entre ces dépendances, chacun travaillant de son côté, ce qui induit des doublons. A vrai dire, au Pérou, il n’y a pas une politique de gestion de l’eau ; il s’agit plutôt de l’administration de l’eau destinée principalement aux projets d’irrigation, d’où les diverses Administrations du District d’Irrigation (ATDR) éparpillées sur tout l’espace national.

Les ressources hydriques issues de la Cordillera Blanca sont utilisées au-delà des frontières de la région Ancash. Grâce au projet spécial CHAVIMOCHIC, elles irriguent la côte désertique de la région de La Libertad, fournissent de l’eau potable à la ville de Trujillo (500'000 hab.) et permettent la génération de l’énergie hydroélectrique (71 MW) dans cette même région.

Trois ATDR (Huaraz, Pomabamba et Huari) sont directement impliquées dans l’administration des ressources hydriques de la Cordillera Blanca et huit indirectement par le biais des projets d’irrigation (Chicama, Moche-Virú-Chao, Santa-Lacramarca-Nepeña et Casma-Huarmey) ou en profitant des rivières dont les affluents proviennent de ce massif (Santiago de Chuco, Barranca, Huamachuco et Alto Marañon). La gestion de l’eau de ces ATDR se limite à la concession de la ressource, au recensement des usagers et à l’inventaire des points de captage. Cependant, la plupart d’entre elles sont dépourvues de ces informations. Les systèmes d’irrigation ne comptant pas de stations hydrométriques, il est impossible de mesurer la quantité fournie aux usagers et leur besoins exacts.

Dans la partie haute du bassin versant de la rivière Santa (vallée de Callejón de Huaylas), plus de 350'000 personnes sont les consommateurs directs des eaux de la Cordillera Blanca (eau potable), à raison de 16.4 MMC (106 m3) par an ; l’agriculture en consomme 596 MMC/an, l’activité minière 0.7 MMC/an, et pour la génération de l’énergie hydroélectrique on utilise 1'163.7 MMC/an ; l’activité piscicole utilise 19.2 MMC/an, les moulins 12.3 MMC/an et l’activité de lavage de lupin consomme 2 MMC/an. Le volume total des ressources hydriques de la Cordillera Blanca utilisé annuellement représente 1'810.3 MMC (état en 2003).

228 Avec l’augmentation de la population (qui se traduira principalement par une hausse de la demande en eau potable et en électricité) et le développement de l’activité minière, le volume des besoins en eau devrait augmenter, conduisant à l’augmentation du potentiel de conflits. C’est dans ce contexte que nous proposons une stratégie de gestion durable des ressources hydriques de la Cordillea Blanca par micro bassin versant (mBV), en tenant compte des besoins quantitatifs et qualitatifs de tous les acteurs, y compris de l’écosystème, sur la base d’une égalité de traitement pour tous. A cet effet, sur le versant ouest de cette cordillère, nous proposons des limites prototypes de mBV adaptées aux rivières principales et nous suggérons l’adaptation des limites des commissions d’usagers à celles-ci.

La gestion des ressources hydriques par mBV nécessite d’impliquer les autorités locales de l’eau des communautés indigènes, car depuis fort longtemps, elles pratiquent une gestion durable de l’eau ; dans ce domaine, leur pratique peut servir comme source d’inspiration. Il serait temps d’arrêter de leur imposer les formes artificielles des comités et des commissions d’usagers, qui ne reflètent pas la réalité de la vie des populations montagnardes.

Finalement, dans l’avenir, la gestion durable par mBV des ressources hydriques de la Cordillera Blanca, ou tout autre modèle de gestion à implémenter par les autorités, devra garder à l’esprit la diminution des réserves hydriques comme conséquence du changement climatique. En effet, entre 1970 et 2002, les glaciers de ce massif ont perdu 3.4 km3 d’eau (à raison de 106x106 m3 par an), ce qui représente 17 % des réserves. Par conséquent, quel que soit le modèle de gestion choisi, il sera confronté à l’augmentation de la demande en eau et à une baisse substantielle des réserves hydriques.

o Discussion et perspectives

Entre 1970 et 2002, le phénomène du retrait glaciaire, comme on l’a vu, a impliqué la perte de 17 % de la couverture glaciaire, ce qui a induit une diminution des réserves hydriques du même ordre de grandeur. D’après les experts, les conditions climatiques des prochaines décennies ne seront guère meilleures pour les glaciers et par conséquent, les réserves hydriques devraient s’appauvrir, voire disparaître dans certains cas.

Les résultats de l’analyse des données climatologiques (précipitation et température) et hydrologiques (débits) ne permettent pas de déceler les causes exactes du retrait des glaciers de la Cordillera Blanca, mais ils donnent un aperçu de la complexité du système physique de la région. Par contre, les résultats sur les précipitations laissent supposer que le temps de réaction des glaciers de la Cordillera Blanca est de 5 à 7 ans.

Il semblerait que le retrait glaciaire dans la Cordillera Blanca soit lié à l’augmentation de la température (+0.5 °C en 30 ans) et de l’humidité (0.5-1 % par décennie), associés à la fréquence et intensification d’El Niño depuis le milieu des années ’70. En effet, durant El Niño, dans les Andes tropicales, les températures augmentent entre 0.5 et 1 °C et la ligne d’équilibre des glaciers remonte de 150-300 m au-dessus de la limite habituelle. Par conséquent, dans la zone d’ablation des glaciers, les précipitations ne se font plus sous forme solide (neige) mais liquide (pluie), ce qui implique que les glaciers sont découverts face à la radiation solaire et que le retrait s’accélère. La disparition du glacier Boggi, entre 1932 et 2004, peut témoigner de l’intensité du phénomène.

Le retrait glaciaire implique aussi que les glaciers ne garantissent plus le volume habituel des lacs. Comme par magie, certains petits lacs se sont « volatilisés » ! Si les conditions climatiques actuelles perdurent (ou empirent), à long terme, les réserves hydriques disparaîtront, ce qui compromettra l’existence-même des populations de la région, voire les projets d’irrigation de CHAVIMOCHIC et de CHINECAS. Par conséquent, un avenir sombre se dessinerait pour l’agriculture extensive de la côte nord du Pérou.

229

Toutes les provinces de la région Ancash sont dépendantes des ressources hydriques de la Cordillera Blanca, certaines directement, d’autres indirectement, via les projets d’irrigation et de l’agriculture extensive. En 1972 et 2005, la population départementale était, respectivement, de 732'092 et de 1'039'415 habitants ; ce qui représente une croissance moyenne annuelle de 1.3 % et qui se traduit par le développement urbain, parfois anarchique, des principales villes du Callejón de Huaylas et de la partie côtière du département. Ceci implique l’augmentation de la demande en eau et la baisse dans la disponibilité des réserves hydriques par habitant : <27'000 m3, en 1972 ; <16'000 m3, en 2005. Baisse dans les réserves hydriques et augmentation de la demande en eau sont des conditions favorables pour les conflits sociaux dans un proche avenir.

En termes de gestion environnementale, il y a encore un long chemin à parcourir. En effet, à cause de l’activité minière et des agglomérations urbaines, la qualité des eaux des rivières s’est détériorée durant les trois dernières décennies. Dans la vallée de Callejón de Huaylas, le Río Santa est le collecteur des déchets urbains, car les villes jettent leur déchets et égouts directement dans cette rivière à quoi s’ajoutent les métaux lourds des rejets miniers. Si ces pratiques ne sont pas corrigées, il y aura une menace pour la santé publique. En outre, les mines à ciel ouvert de Pierina et d’Antamina sont en passe de provoquer des grands changements dans le paysage ; elles modifient même les cours d’eau, ce qui représente une menace pour les écosystèmes. A cause de l’activité touristique, dans les camps de base des principaux sommets de la Cordillera Blanca la situation n’est guère meilleure : les tas de déchets qui s’accumulent sont source de pollution du sol et des eaux.

230 X. REPONSE AUX QUESTIONS

1. Quel est l’indicateur principal des effets des changements climatiques dans une zone de haute montagne (écosystème de montagne) ? Est-il quantifiable ?

Dans un écosystème de montagne, l’un des indicateurs des effets du changement climatique peut être l’évolution des glaciers. En effet, ceux-ci réagissent au moindre changement climatique par une avancée ou un retrait de leur front. Localement, ces changements peuvent être cartographiés par des levés topographiques et appuyés par des mesures glaciologiques sur le terrain. Au niveau régional, l’évolution de la couverture glaciaire peut être suivie à l’aide de l’imagerie satellitaire.

Grâce à la télédétection, nous avons pu cartographier la couverture glaciaire de la Cordillera Blanca pour 1987, 1996 et 2002 ; les résultats obtenus sont, respectivement, de 643, de 600 et de 596 km2. Si on tient compte de la couverture de base de 1970, estimée à 721 km2, le retrait glaciaire représente 125 km2. Ce qui indique, qu’en 32 ans, le massif a perdu 17 % de sa couverture glaciaire comme conséquence du changement climatique.

D’après ces valeurs, entre 1970 et 1987, la couverture glaciaire a diminué de 78 km2, à raison de 4.6 km2/an ; pour la période entre 1987 et 1996, la perte a été de 43 km2, avec un retrait moyen 4.8 km2/an. Enfin, entre 1996 et 2002, la perte représente 4 km2, ce qui signifie un retrait moyen de 0.7 km2/an. Cela indique que l’intensité du retrait n’a pas été constante ; les décennies de ’70 et de ’80, et jusqu’au milieu des années ’90, auront été les périodes les plus néfastes pour la Cordillera Blanca ; la période entre la fin du dernier siècle et le début du XXIe siècle a été un peu plus propice pour le massif, le retrait s’étant amoindri.

2. Comment conceptualiser et formaliser les rapports entre les acteurs autour d’une ressource (eau) en zone de montagne, en vue de sa gestion durable ?

Pour envisager la gestion durable des ressources hydriques d’une zone de montagne, tout d’abord, il faut identifier et formaliser les rapports entre les acteurs autour de ces ressources ; ensuite, il faut se pencher sur un modèle et un outil de gestion.

Dans la vallée de Callejón de Huaylas, l’analyse systémique a permis d’identifier et de formaliser les interactions entre les divers acteurs autour des ressources hydriques de la Cordillera Blanca. L’INRENA est l’autorité de contrôle des ressources hydriques : par l’intermédiaire du Parc National Huascarán, elle veille à la protection et à la conservation de l’écosystème ; grâce à l’ATDR-Huaraz, elle octroie des autorisations pour l’usage de cette ressource. Avec son Unité de Glaciologie et des Ressources Hydriques, elle fait des recherches glaciologiques et assure la mitigation des risques liés aux glaciers.

La demande en eau provient principalement des villes (pour l’eau potable et système d’égouts), des mines (pour leur processus d’exploitation et la préparation des concentrés) et d’EGENOR (pour la production d’électricité). Parmi ces acteurs, les mines sont les agents les plus pollueurs des sols et de l’eau, suivis par les villes qui ne traitent pas leurs déchets ni égouts. Ces pollutions représentent des rétroactions négatives pour l’écosystème Cordillera Blanca. De même, EGENOR, avec les lâchages d’eau durant la saison estivale, porte atteinte à la flore du Parc Huascarán et probablement aussi à la faune piscicole de certaines rivières ; ou encore, avec la rétention de l’eau dans ses barrages, elle affecte l’écosystème fluvial et, en cas de séismes, des aluviones potentiels menacent les populations.

Quant aux villages, ils profitent aussi des ressources hydriques de la Cordillera Blanca pour leur consommation ainsi que pour leurs cultures. Mais leur impact est négligeable, car le

231 type d’agriculture qu’ils pratiquent n’est pas grande consommatrice d’engrais inorganiques. Les cultures se font principalement durant la saison des pluies ; durant la saison estivale, la majeure partie de parcelles agricoles restent en jachère. Par conséquent, l’étendue des surfaces sous cultures n’est pas très grande.

3. Comment et avec quels outils peut-on envisager la gestion durable des ressources hydriques d’une région de montagne ?

Une des stratégies pour la gestion durable des ressources hydriques de la Cordillera Blanca devrait être la gestion par micro bassin-versant (mBV). En effet, la gestion intégrée des ressources en eau par bassin versant ayant fait école, nous estimons que ce modèle de gestion s’applique aussi pour les ressources hydriques du massif. Cette politique devrait être implémentée entre les limites des micro-bassins versants (au moins des rivières principales), en s’appuyant sur les autorités locales de l’eau des communautés paysannes, afin de garantir la diversité culturelle. Elle devrait être fondée dans la reconnaissance des besoins, tant quantitativement que qualitativement, des acteurs y compris de l’écosystème, et la participation de tous les acteurs dans les prises de décision.

Les populations habitant les parties hautes des mBV, pratiquant généralement une économie de subsistance, sont pauvres et en quelque sorte productrices des ressources hydriques. Leurs pratiques agricoles ne nuisent pas à l’environnement et ne gaspillent pas l’eau (volume de consommation minime), à la différence des populations habitant les parties basses. Pour de tels services, elles mériteraient des compensations financières pour leur développement.

La gestion des ressources hydriques de la Cordillera Blanca, par mBV, représente l’équivalent de la gestion au niveau local, car les acteurs se connaissent entre eux et leurs activités sont aussi connues.

Le prototype du SIG établit pour la Cordillera Blanca représente un outil de gestion durable des ressources hydriques de ce massif. En effet, ce SIG comporte des informations, allant de la géologie, en passant par la couverture du sol et le modèle numérique d’altitude (MNA), jusqu’à la distribution des ressources hydriques (glaciers et lacs) par bassin versant de trois rivières principales. Les informations sur la couverture glaciaire pour 1987, 1996 et 2002, s’avèrent d’une grande importance pour les ATDR qui administrent, directement (Huaraz, Huari et Pomabamba) et indirectement (5 ATDR dans la côte Pacifique et 3 dans le versant amazonien) les ressources hydriques, car ces institutions n’ont pas de connaissances sur l’évolution des réserves hydriques. Pour preuve, dans les documents officiels datant de ces dernières années figure la superficie glaciaire de 1970 !

L’évolution des réserves hydriques de ces 32 dernières années et l’accroissement de la population constituent des informations de première main pour la prise de décisions des autorités compétentes. De même, l’enrichissement du SIG de la Cordillera Blanca, soit en combinant les informations existantes ou en créant de nouvelles informations, va constituer un atout supplémentaire pour l’aide à la décision.

Finalement, la cartographie des glaciers sur la base des images satellitaires est novatrice pour le Pérou. Dans l’esprit de transfert de technologie Nord-Sud, nous souhaitons partager les expériences acquises dans ce domaine avec les collègues péruviens, par exemple en appliquant notre méthodologie aux autres cordillères andines, puisque le premier, et jusqu’ici unique inventaire des glaciers du pays remonte à l’année 1970.

232 XI. COMMENTAIRE FINAL

Bien qu’avec les maigres informations à disposition sur la température, nous n’ayons pu démontrer le réchauffement climatique régional, il existe bel et bien un retrait des glaciers dans la Cordillera Blanca. Les spécialistes s’accordent pour attribuer ce phénomène au réchauffement global comme conséquence de l’activité humaine.

Le retrait glaciaire de la Cordillera Blanca, implique l’amenuisement des réserves hydriques pour la région Ancash et le projet d’irrigation CHAVIMOCHIC (région La Libertad). Cela indique que les conséquences du réchauffement global sont à prendre en considération dans toute politique de gestion des ressources hydriques. A noter que ce projet d’irrigation a été conçu sans prendre en compte une éventuelle disparition des glaciers, qui garantissent de l’eau pendant la saison sèche (dans les conditions normales, 6 mois par an). A l’heure actuelle (2007), pour toutes les autorités et institutions impliquées dans la gestion des ressources hydriques de la Cordillera Blanca, la superficie glaciaire n’a pas changé depuis 1970 : après plus de trois décennies, tous les rapports officiels mentionnent encore 721 km2 ! Une autre conséquence du retrait glaciaire est le développement des lacs qui ne sont retenus, dans la plupart de cas, que par de fragiles moraines. La disparition de petits lacs est aussi à noter.

Les méthodes utilisés et les résultats obtenus dans ce travail représentent une première pour la région. Les informations faisant partie du SIG de la Cordillera Blanca constituent donc un instrument d’aide à la décision. Maintenant, on ne peut plus prétendre « on ne savait pas » pour justifier une décision erronée. Ce SIG devra aider à la bonne gouvernance des ressources hydriques de ce massif. Espérons qu’il ne sera pas utilisé comme un instrument de marginalisation et de domination des communautés indigènes, qui sont les garantes de la diversité culturelle (connaissances ancestrales de plantes médicinales) et biologique (production des diverses variétés de pomme de terre et d’autres produits agricoles typiques de la région andine) ; elles sont également productrices de l’eau. En effet, en pratiquant une agriculture de subsistance, qui a très peu recours aux engrais inorganiques, elles portent très peu atteinte à leur écosystème.

La politique de gestion, plutôt d’administration des ressources hydriques de la Cordillera Blanca a été élaborée à Lima. Cette politique vise à imposer aux communautés indigènes les « commissions d’usagers » dont les limites géographiques sont arbitraires et ne correspondent pas à la réalité socio-économique et culturelle des indigènes. Nous adhérons quant à nous à une politique de gestion élaborée sur la base des pratiques des communautés indigènes. En effet, leur modèle de gestion a fait ses preuves durant des siècles, voire des millénaires et par conséquent, il est une source d’inspiration. Il serait temps de dépasser le « mythe » de tout ce qui vient de Lima (la capitale) signifie forcement modernité : loin d’être rassembleur, il est porteur de mécontentements ; les modèles de gestion élaborés par les technocrates et décideurs de la capitale n’ont pas su intégrer les pratiques indigènes ; par conséquent, ils sont inapplicables dans la région. De ce fait, il est impensable d’imposer les lois et les règlements par la force, en disant : « la loi c’est la loi ».

Les ingénieurs et les gestionnaires administratifs prétendent que « les indigènes sont des ignorants », raison pour laquelle ils rejettent leur modèle de gestion. Au contraire, les techniciens sous-estiment le modèle de gestion des indigènes en disant qu’il fait partie de l’antiquité. Pourtant, le système de gouvernance des ressources hydriques par les indigènes est efficace et s’insère dans la perspective du développement durable car il est fondé sur la réciprocité, la complémentarité, la distribution équitable et les travaux communautaires. Pour les communautés indigènes, l’eau est un élément intégrateur et sa disponibilité est cyclique.

Ce « champ du pouvoir » se retrouve dans d’autres parties du pays et, bien entendu, ailleurs dans le monde latino-américain. Il est responsable d’une déperdition de la ressource

233 hydrique, détournée des usages les plus fondamentaux pour les populations vers des usages à fin mercantile. Compte tenu de la raréfaction inéluctable de l’eau dans les glaciers andins, ces pratiques ne font qu’accélérer l’avènement d’une situation de déficit général. La seule issue à ce problème lointain mais qui s’approche de jour en jour, passe par la mise en place d’une politique cohérente de la gestion des ressources, à la fois en mains publiques et décentralisée. Encore faudrait-il que la notion même d’aménagement du territoire soit prise au sérieux et passe dans les mœurs politiques.

Finalement, les glaciers et lacs de la Cordillera Blanca représentent les uniques réserves hydriques pour la région Ancash, voire pour la côte nord du Pérou. En même temps, dans une zone soumise à des contraintes topographiques, sismiques et climatiques, ils représentent un danger potentiel pour la région. Ces éléments sont donc à prendre aussi en considération quel que soit le modèle de gestion de ressources hydriques à implanter dans la région.

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