H istoire d'H ayange en 4 parties

I. LA SEIGNEURIE D' DANS LE CADRE DE L'HISTOIRE RÉGIONALE II. LE VIEUX HAYANGE AU DÉCLIN DU XVIII me SIÈCLE III. LA PAROISSE D'HAYANGE IV. L'INDUSTRIE DU FER A HAYANGE

par

l'abbé Pierre-Xavier NICOLAY, curé-archiprêtre d'Hayange IMPRIMATUR , le 2 6 Octobre 1 9 3 7 A. LOUIS, provic. cap. HISTOIRE D'HAYANGE

Tome II

LE VIEUX HAYANGE au déclin du XVIII me siècle

AVANT-PROPOS

Dans le Tome 1 de notre Histoire d'Hayange nous avons assisté aux débuts, au développement et à la disparition de notre vieille Seigneurie, balayée avec tant d'autres institutions par la tourmente révolutionnaire.

Avant de rebrousser chemin et d'essayer de reconstruire le passé de notre paroisse, nous nous arrêterons quelque peu pour contempler la physionomie de notre Vieux-Hayange. Les souvenirs et les documents du 17 siècle nous renseignent assez maigrement. Les actes paroissiaux, un peu moins laconi- ques à partir de 1700, nous permettront de reconstituer les mi- lieux familiaux. Mais ce n'est qu'à l'époque de la Révolution que nos sources deviendront plus abondantes. Nous commencerons par évoquer cette période si troublée de notre histoire. Elle nous offrira un cadre historique bien vi- vant pour notre vie locale. En y ajoutant les traits glanés avant et après cette époque, il nous sera possible de faire revivre le visage d'Hayange, avec ses rues, son ruisseau, ses ponts, ses fontaines, son château, et aussi ses champs, ses vignes, ses troupeaux... Nous nous arrêterons plus longuement à la vieille Quergasse qui, parmi toutes nos rues, a le plus fidèlement gardé jusqu'à nos jours son cachet vieux-hay ange ois. Nous essayerons de peupler ces rues en ressuscitant les fa- milles anciennes et en relevant leur caractère professionnel: Les familles notables méritaient une mention détaillée. Nous en avons recherché les généalogies. Malgré la sécheresse laconi- que de nos actes, les traits caractéristiques de ces familles se des- sinent suffisamment. L'une de ces familles demandait une at- tention particulière, celle du maréchal Molitor, le plus illustre des enfants d'Hayange. La famille de Wendel, hayangeoise depuis 233 ans, sera l'ob- jet d'une étude spéciale dans le dernier volume: «L'industrie du fer à Hayange.» Quelques éléments de statistique démographique que nous avons extraits laborieusement de nos vieux actes paroissiaux, ne manqueront pas de nous intéresser, car pour cette époque les re- censements de la population sont inexistants. Nous avons enfin mêlé à cela des souvenirs plus vivants. Tout en étant du 19 siècle, ils nous feront revivre le 18 Jus- que vers le dernier quart du 19 siècle, Hayange et la vie hayan- geoise ne s'étaient pas notablement émancipés du genre que nous y rencontrons un siècle plus tôt. Ce n'est que le développement extraordinaire des usines et l'accroissement simultané de la population, à la fin du 19 siècle, qui ont créé notre Hayange moderne, dont le visage ressemble si peu à l'ancien. Ces vieux souvenirs ne seront pas dépourvus de charmes pour les anciens Hayangeois restés fidèles au passé. Peut-être même les nouveaux Hayangeois n'y seront-ils pas insensibles? L'observateur attentif sait repérer, à travers le bruit et le mouvement intense, derrière les façades nouvelles et les rues mo- dernisées, les vestiges de l'ancien Hayange — vestiges qui dispa- raissent, hélas! de jour en jour. Le lecteur ne nous en voudra pas de préférer le Vieux-Ha- y ange à la cité industrielle moderne. La vie du Vieux-Hayange était autrement délectable: vie plus simple, plus calme, plus intime et plus heureuse .... La vie fiévreuse de notre époque, avec ses spasmes révolu- tionnaires et ses luttes de classe, n'a rien qui puisse charmer ceux qui ont goûté le rythme si paisible de la bonne petite vie d'autrefois dans notre Vallée de la . Ce nous est une joie bien douce de faire revivre aux Vieux- Hayangeois des temps qui déjà s'estompent dans le crépuscule. Saluons ensemble les vieilles maisons, les vieilles rues, les vieilles choses et les vieux noms ...

Mais n'exagérons pas. Le spectre de la Révolution évoqué nous redit que le passé a eu ses tristesses et ses angoisses. — Qu'en sera-t-il de l'avenir? Cultivons les vieux souvenirs, afin de ne pas être pris dans l'engrenage du soi-disant Progrès qui a dé- jà défiguré notre cher Hayange et qui pourrait nous conduire à un cataclysme, dont celui de 1793 ne fut qu'une faible image.

TOME II

Le vieux Hayange au déclin du XVIII siècle

CHAPITRE I

La Résolution

Ses répercussions à Hayange

1 . Introduction

2. Les élections aux Etats-Grénéraux

3. Les doléances

4. Les élections à l' Assemblée Législative et à la Convention

5. La guerre contre les Alliés

6. Le conseil municipal révolutionnaire

7. Les émigrés hayangeois

8. L' arrestation de François-Louis- Ig nace de B althazar

9. Tracasseries de la Municipalité

Le juge Petit

La liste des suspects

1 0. La situation des membres de la famille de Wendel

après l' exécution du jeune de Balthazar

11. Le sort de la famille Balthazar

12. La famille de La Cottière

1 3. Madame d'Hayange

1 4. Math ieu Secquer

15. Les derniers méfaits du maire Tourneur

1. INTRODUCTION

On connaît, dans ses grandes lignes et plus ou moins dans le détail, l'histoire de la Révolution. Notre but n'est point d'en retracer ici toutes les phases qui relèvent de l'Histoire générale du pays. Toutefois il ne sera pas sans intérêt pour nous, d'en pour- suivre la marche, dans le cadre de l'histoire locale, c. à d. de nous rendre compte quelles en ont été les répercussions dans notre Vallée de la Fensch et tout spécialement à Hayange. 1

L'Ancien Régime avait fait vivre la pendant de longs siècles. Mais les institutions avaient vieilli, les rouages des ad- ministrations étaient usés, des abus s'étaient glissés un peu par- tout. Un mécontentement général préparait une crise. Elle éclata, violente, démesurée. Elle se déchaîna sur le pays comme un tor- rent dévastateur, renversant, brisant tout. Désaxé, le pays fut livré aux éléments malfaisants, qui semèrent autour d'eux la terreur et la mort. Mais l'excès du mal appelle la réaction: Sous Napo- léon, sortit du chaos un ordre de choses nouveau qui est loin d'être parfait, comme d'ailleurs tout n'était pas à rejeter dans l'Ancien Régime.

Quelle a été pendant la Révolution l'attitude de la popula- tion hayangeoise ?

(1) L'histoire religieuse sera traitée dans le tome III. Un de nos meilleurs historiens régionalistes fait, au sujet de la population en général, la remarque suivante:

«Une fois de plus, ils (nos ancêtres) montrèrent une docilité, un respect de l'autorité, qu'il est permis de trouver excessifs. C'est en s'inclinant devant les décisions même illégales des gou- vernants, qu'on encourage ceux-ci à s'engager de plus en plus dans la voie de l'arbitraire et du despotisme. Bien des fautes, bien des malheurs eussent été évités, si nos ancêtres avaient apporté, dans la défense de leurs droits légitimes, un peu plus d'ardeur et de ténacité.» (2)

Ce que l'historien dit là de la population lorraine dans l'en- semble, nous le trouvons confirmé dans la Vallée de la Fensch, qui n'a pas voulu, en luttant contre le courant, se distinguer pen- dant cette période troublée.

Notre région, certes, n'était pas malheureuse. Elle était croyante et ne s'était point laissée entamer par le voltairianisme du siècle, si nous en exceptons quelques milieux qui ne firent point école. Au point de vue social, il n'y avait pas d'opposition entre le bas peuple, le clergé et la noblesse. Le clergé était plutôt pauvre; aucune abbaye dans la vallée, donc aucune raison d'envier le clergé. Le domaine des châtelains d'Hayange n'était pas considérable et ne gênait guère l'exploitation rurale par les petites gens. Point de corvées seigneuriales. Au contraire, le seigneur était comme la Providence du pays, il procurait du travail à tous ceux qui en voulaient. Aucune trace d'exploitation égoïste de la masse du peuple qui pouvait rappeler le servage des temps an- ciens. Ce ne sont pas les Droits de l'homme qui ont donné la li- berté aux Hayangeois, elle existait. Depuis le commencement du 18 siècle, c. à d. après la Guerre de Trente Ans et la dépression économique qui s'ensuivit, la population s'était assez rapidement reconstituée, évidemment avec des apports étrangers. A l'épo- que de la Révolution, Hayange avait pris l'aspect d'un bourg bien vivant de 8 à 900 âmes, la paroisse en comptait 1664. Les Usines, sous l'impulsion de maîtres de forges intelligents et actifs, s'é-

(2) PARISOT, tome III, p. 3. Planche I

Le buste de MOLITOR (Oeuvre exécutée en 1931 par l'artiste hayangeois Eugène GATELET et acquise par la ville de Hayange) taient renouvelées et développées et étaient devenues des établis- sements très importants pour l'époque. D'où vient alors le mécontentement ?

C'est que la France d'alors était en proie à une agitation, à une excitation qui venaient on ne sait d'où. C'était comme si un fluide traversait l'air et se communiquait à ceux qui le respi- raient. L'esprit d'irrespect et de critique, un esprit dissolvant, s'attaquait depuis longtemps aux bases de l'édifice et des infil- trations montaient dans les murs et en atteignaient petit à petit toutes les couches saines. L'esprit précurseur de la Révolution faisait son œuvre.

On s'en rendait compte. Mais personne n'avait ni la sagesse ni l'énergie de réagir contre ces tendances. On laissait faire. On jouait avec le danger. 2. LES ELECTIONS AUX ETATS-GENERAUX

Enfin, le roi Louis XVI, pour essayer de remédier à la situa- tion de jour en jour plus difficile, se décida à convoquer les Etats Généraux.

Les élections des membres de ces Etats se firent en mars 1789.

La circonscription électorale était le bailliage. En principe, chaque bailliage avait droit à 4 députés: 1 ecclésiastique, 1 noble et 2 membres du Tiers-Etat.

Mais nos bailliages, étant moins étendus que dans le reste de la France, on groupa plusieurs bailliages en une circonscrip- tion. Metz devint donc notre centre électoral au lieu de Thion- ville. Metz eut droit à 2 députations, c. à d. à 2 fois 4 députés (donc 8).

Il fallut d'abord procéder à l'élection des délégués-électeurs. Ceux-ci ensuite devaient se réunir au centre de la circonscription pour procéder à l'élection proprement dite. La désignation des délégués par la noblesse et le clergé était une opération très sim- ple. Celle du Tiers-Etat plus compliquée. Dans les villes, les cor- porations et les bourgeois non groupés désignaient d'abord leurs délégués. Ceux-ci avaient à nommer les délégués-électeurs de la ville. Ces derniers joints aux délégués des villages, nommaient enfin, au centre de la circonscription électorale, les députés. (2a)

Voici les noms des délégués-électeurs :

Pour : MM. Blouet, lieutenant-général, J.-B. Tail- leur, Schweizer, Rolly, Probst et Mathias Kleffert.

(2a) PARISOT, tome III, p. 8 ss. GÉRARDIN, Histoire de Lorraine, tome II p. 5. Hayange: Jean Pételot et François Nicolas; : B. Guilminot et Jacques Fréling, syndic; : Vincent Weber et Georges Fréchien; Marspich: Fr. Battin, syndic et Jacques Nicolas; Erzange: Nicolas François et François Cheltien, syndic; : J.-Fr. Cheltien, syndic, et Charles Peiffer, greffier; Serémange et Suzange: Paul Scharff, syndic, et Jean Ber- nard ; : Pierre Hym, syndic, et Didier Noël; Daspich et Ebange: de Latouche, chevalier de St-Louis (du château de Daspich) et le sieur Scharff; : Jean Laraut, maire, et Jean Archeim, laboureur. (3)

Tous ces délégués se rendirent à Metz pour les élections. Inutile d'indiquer les noms de tous les députés aux Etats géné- raux élus.

Nous ne nommerons que les deux pris dans la région de Thionville :

1. M. Brousse (1) Mathias-Pierre, curé de Wolkrange. Il était né à Thionville, le 13 septembre 1742. Son père était conseiller au Bailliage. Il avait été Jésuite. La Société de Jésus ayant été dis- soute, les Jésuites de Trèves, qui étaient collateurs de la cu- re de Wolkrange, lui obtinrent cette cure. En 1791, il fut can- didat à l'épiscopat constitutionnel de la . Ce fut M. Fran- cin, curé de Koenigsmacker, qui l'emporta.

2. M. Wolter de Neurbourg Benoit-Nicolas, né à , le 16 juillet 1726, décédé à Cattenom le 23 février 1804. Son père était conseiller au Parlement de Metz. Il entra dans l'armée.

En 1761, il est lieutenant dans la compagnie des Cent-Suis- ses, colonel en 1766, brigadier d'infanterie le 1 mars 1780, ma- réchal de camp en 1784.

(3) D'après les cahiers de doléances. (4) TEISSIER, Histoire de Thionville, p. 322. Le bailliage de Thionville avait demandé un troisième dé- puté, celui du Tiers-Etat. Il ne lui fut pas accordé. Il fallut donc s'unir à d'autres bailliages.

Les députés élus furent chargés de porter à Versailles, de- vant les Etats généraux, les doléances ou réclamations du Bail- liage. (5)

Dans chaque commune avait eu lieu auparavant une réunion pour fixer et noter ces doléances. A Hayange, cette réunion se fit le 8 mars 1789, par devant le maire de justice, Pierre-Jacques Priscal, après la publication au prône de la messe paroissiale du même jour, par le curé M. Stéphany.

Dans quelle salle ? Comme il n'y avait pas de salle commu- nale à Hayange, ce tte réunion se fit tout simplement sur la place devant l'église, c. à d. devant l'Hôtel de Ville actuel.

(5) Cahiers de doléances des bailliages et généralités de Metz et de Nancy pour les Etats Généraux de 1789. Deuxième série, département de la Moselle, tome I, bailliage de Thionville. par N. DORVAUX et P. LESPRAND, Bar-le-Duc. 1922. 3. LES DOLEANCES

Nous donnons ci-après le texte des doléances d'Hayange, en le complétant par les doléances des autres localités de la Vallée, notamment par celles des annexes paroissiales d'Hayange. (5a)

DOLEANCES

plaintes et remontrances de la communauté d'Hayange «Cejourd'hui 8 mars 1789, en vertu des lettres du roi don- nées à Versailles le 24 janvier 1789 pour la convocation et tenue des Etats généraux du royaume, du règlement y joint, de l'ordon- nance de M. le lieutenant général du bailliage de Thionvillle et de la signification faite par l'huissier Deutzh au sieur Nicolas, syndic de la municipalité d'Hayange, nous, membres, syndic et habitants composant la communauté dudit Hayange, nous som- mes assemblés au lieu et en la manière accoutumés pour former le cahier de nos doléances, plaintes et remontrances, ainsi qu'il suit, savoir :

Hayange: Algrange, Knutange, Erzange : 1. La suppression de l'édit 9. L'abrogation de la loi qui des clos, comme préjudicia- autorise la clôture des prairies ble à tout le peuple par les rai- naturelles et qui défend le par- sons qu'il ne restait aux mal- cours réciproque des bestiaux heureux avant cet édit que la d'un village à l'autre, comme ressource de vaine pâture qu'ils préjudiciable à l'agriculture en avaient sur le parcours des hé- général et à la multiplication ritages des propriétaires, qui des bestiaux et à la subsistan-

(5a) Nous mettons dans la colonne, à gauche, les doléances d'Hayange dans l'ordre de leur numérotation, telles qu'elles furent présentées dans le cahier ; dans la colonne, à droite, nous mettons les doléances des autres communes non pas dans l'ordre de leur numérotation, mais en regard des plaintes correspondantes d'Hayange, les mettait en situation de nour- ce des pauvres et à la fertilité rir quelques vaches, brebis et des terres et très préjudiciable autres bestiaux, dans lesquels même aux propriétaires par la ils trouvaient une ressource, moindre quantité des foins singulièrement dans les années qu'ils perçoivent et parce qu'il de disette, pour aider à susten- ne leur reste pour fruit de ter leurs familles et payer leurs leurs dépenses de clôture que impositions, étant le seul avan- le stérile plaisir d'une proprié- tage que le pauvre a sur le ri- té exclusive. che en cette partie. Cet édit a Daspich-Ebange : occasionné quantité de procès, a privé les cultivateurs des «Clôtures. L' édit des clô- amendements nécessaires pour tures si avantageuses en cer- l'amélioration de leurs terres, tains pays a porté un coup fu- ne pouvant plus faire les mê- neste aux habitants du duché mes nourris, a dégénéré le sol de français en ce même des clos, faute d'être fou- les partages étant égaux, lé par les bestiaux, a fait enché- les pièces de terres sont morce- rir la viande au moins d'un lées. tiers, ainsi que les cuirs, les lai- Les seuls gens riches ont pu nes et les denrées. profiter du bénéfice de la loi; les pauvres, en perdant le droit de parcours, n'ont plus les moyens d'élever des bestiaux... Le partage des terres commu- nes a aussi beaucoup contribué à cette diminution: le pauvre a trouvé un petit avantage mo- mentané, mais au bout de 15 ou 20 ans toutes les portions communales tomberont dans les mains des gens riches. Il n'est qu'une façon d'aider les pauvres avec les communes: c'est de leur donner seulement la jouissance pendant 9 ans ... Florange : La suppression de l'édit des clôtures des propriétés du mois de mai 1768 et rétablissement de l'ancien droit de parcours... Marspich : 2° Droits de parcours sur toute l'étendue du ban ... les manœuvres, en grand nombre dans notre communauté, étaient forcés de diminuer le nombre de leur troupeau ou d'acheter au poids de l'or les fourrages...

Schrémange-Suzange : 4. Notre ban est en grande partie clos: c'est ce qui dimi- nue beaucoup la vaine pâture; donc suppression de l'édit ...

2. Les impositions étant énor- Algrange, Knutange, Erzange : mes, il conviendrait d'en faire 3. Le moyen d'alléger le poids supporter une bonne partie au de l'impôt ... ce serait de le clergé et à la noblesse, chacun simplifier en supprimant la à proportion de leurs forces et taille et en ne laissant subsister facultés, par un point d 'égalité que le 20 et la capitation, à la- voulu par le souverain, et ce que le20 quelle seraient soumis les trois pour le soulagement de son pau- vre peuple. ordres du clergé, de la nobles- se et du Tiers-Etat, proportion- nément aux revenus de chacun, dont il serait fait une nouvelle vérification.

Florange : 10. Que tous les impôts soient réunis en un seul, et qu'il soit supporté indistincte- ment par le clergé, la noblesse et le Tiers-Etat, chacun selon la valeur de ses propriétés. Schrémange-Suzange : 13. Les impositions ont dou- blé depuis 20 ans.

Mars pi ch : 8. Que la plupart des pauvres soient déchargés des imposi- tions ...

3.... Il convient d'établir Algrange, Knutange, Erzange : une caisse provinciale dans la- 4. identique. quelle les communautés iraient verser directement et sans frais Algrange,Algrange,Knutange, Ezrange : Knutanqe, Erzanqe : leurs impositions. 5. La conversion des droits 4. Suppression des aides de gabelles et d 'aides dans une gabelles, comme extrêmement prestation en argent équiva- enéreuses et tyranniques, à tout lant à la somme versée par les le peuple ... en y suppléant par fermiers généraux dans les des impôts équivalents. coffres du roi qui serait repar- tie sur toutes les provinces ...

Daspich-Ebange : «Il est bien difficile de con- tenir les habitants de la fron- tière qui trouvent le sel a 2 sols la livre à 1/2 lieu ou à 1 heure, de le prendre à 3 lieues et le payer 8 sols moins 1 liard. Florange : Suppression de la gabelle moyennant rachat. Mars pi ch : «Modération dans le prix du s el.» (6)

(6) Cattenom : « La gabelle et ses abus augmentent sensiblement la misère de s gens de campagne. Combien ne se trouve-t-il pas d'indigents privés pendant une partie de l'année de sel ?... Combien d'autres, pour s'en procurer, courent les risques de perdre... leur fortune et leur liberté ?... Les étrangers obtiennent de nos salines un sel de bonne qualité à 1 sol 6 deniers la livre, et nous, Fran- 5. Il est à désirer que toutes Algrange, Knutange, Erzange : les marchandises . .. qui se 6 .... nous demandons que fabriquent en France soient toutes les marchandises de fa- exemptes de toutes impositions brication nationale soient af- pour l'amélioration et prospéri- franchies de tous impôts et, té de la nation, qui, jusqu'ici n'a pour l'encouragement de l'in- eu que les entraves par l'avidité du strie nationale, de transpor- des fermiers généraux. ter l'impôt sur les marchandi- 6. Sous un même régime et ses étrangères, surtout celles de gouvernement être traité com- luxe et d'agrément. me un pays étranger, c'est ce «L'abolition des Droits de qui se passe entre la Lorraine traites foraines qui rendent la et la France par la continua- province de Lorraine étrangè- tion non interrompue ... des re à la province des Trois Evê- droits d'acquits de marque des chés, qui lui est contiguë.» (7) fers, des cuirs, etc. Ce qu'il est Marspich : nécessaire de faire tomber com- «Modération sur les droits. me autant d' entraves injustes établis sur le cuir et le fer... » entre les sujets communs. Schrémange-Suzange : «Suppression de la marque des cuirs, onéreux principale- ment à la campagne.» (8)

7. L'exécution de l'ordonnan- Algrange, Knutange, Erzange : ce concernant le droit de colom- «Renouvellement des ordon- bier; autoriser tous les particu- nances et de plus rigoureuses liers à détruire ce volatile vora- encore sur le droit de colom- ce pendant le temps que les sei- bier des seigneurs, qui fait le gneurs doivent les tenir renfer- plus grand tort aux gens de

çais, payons 7 sols 9 deniers une livre de sel de très mauvaise qualité, sel que les buralistes arrosent d'eau ou exposent à l'humidité pour lui donner du poids. Il y a presque dans tous les villages des bureaux de tabac, et l'on ne peut avoir de sel qu'en faisant quelquefois 4 et 5 lieues... » (Cahiers de doléances, tome I, p. 62). Ailleurs : « Les pauvres sont forcés de faire la contrebande. Ils sont souvent pris par les employés, ils ne sont pas seulement maltraités, mais ne pouvant pas payer l'amende, ils sont conduits ou à ou ailleurs pour périr dans les prisons... » (Cahiers de doléances, p. 69.) (7) Tome I, p. 10. (8) Les gens d'Aboncourt : « On dirait que nous ne sommes ni Lorrains, ni Français, puisque nous sommes obligés de payer pour conduire nos marchan- dises en France et en Lorraine » (p. 5), més, pour éviter un préjudice campagne et à la semaille et à que l'on ne peut apprécier, sur- la moisson.» tout les denrées étant à un prix Les autres n'en parlent point. si haut, et le pain étant une né- cessité absolue.

8. Suppression des maîtrises, Algrange, Knutange, Erzange : pouvant être remplacées par les «De nouvelles lois plus effi- municipalités de chaque com- caces pour la conservation des munauté, à condition que ces bois.» dernières observeront et sui- vront ponctuellement les ordon- nances concernant les bois, rien ne touchant tant que l'inté- rêt, les maîtrises étant très dis- pendieuses par leurs honorai- res.

9. Il est d'une nécessité abso- Marspich : lue de pourvoir à la diminution 14. «Nous demandons la di- du prix des bois, vu la disette minution des forges et four- qui existe dans les Trois-Evê- neaux dont la municipalité aug- chés par la grande multiplicité mente beaucoup le prix du des forges qu'il y a dans la par- bois. tie située entre Thionville et Longwy qui en font une con- sommation montant à plus de 120.000 cordes par année; ...

(10) : « La maîtrise est nécessaire pour empêcher la ruine des forêts, mais ses formes sont inutiles, ses frais excessifs. Les permissions pour couper le bois s'accordent, mais à si grand frais que la coupe n'est le plus souvent pas suffisante pour satisfaire à la maîtrise des frais de la permission... » Beyren : « Pour avoir permission de couper 600 arbres, ils on tpayé 639 livres aux officiers de la maîtrise. » « Les officiers viennent marquer les arbres... Travail deux heures... payement 99 livres 10 sols. » « Si le paysan a une pièce de terre à la campagne et qu'il y a un arbre mort... ou qui ne porte pas de fruits ou qu'il fait tort à la pièce, il ne peut l'ar- racher... sans requête à MM. de la maîtrise... Et si, faute d'argent, il ne peut présenter requête, il arrache cet arbre... le garde surveillant n'a qu'à voir la place... en fait son rapport, à moins que le particulier ne lui donne dans sa poche jusqu'à ce qu'il soit content » Le peuple, qui se trouve dénué de ce nécessaire, surtout dans un hiver comme celui actuel, ne sait à qui s'en prendre... Nous estimons que le souverain ... fera défense aux maîtres de forges de ne faire marcher leurs usines qu'avec les bois qui leur appartiennent en fonds ... On sait qu'il faut des muni- tions de guerre pour le service de Sa Majesté; les forges qui sont établies à Hayange sont les seules qui approvisionnent les arsenaux de Metz et autres places, attendu qu'elles ont les mines nécessaires pour faire l'alliage des fontes propres pour les bombes, boulets, obus, peti- tes balles, etc., et que les for- ges voisines ne pourraient pas le faire. Pour mettre lesdites forges d'Hayange à même de continuer les approvisionne- ments des arsenaux sans absor- ber le nécessaire du peuple, Sa Majesté pourrait affecter ses bois dépendant des forges de Moyeuvre à celles d'Hayange et supprimer celles de Moyeuvre, cù l'on pourrait y construire soit salpêtre, foulons et autres usines qui n'exigent aucune consommation de bois : alors le cri des malheureux sera ac- compli.

10. Il y a plusieurs commu- Knutange : nautés qui n'ont que modicité 16. Il y a plusieurs commu- de bois, comme celle d'Hayan- nautés qui ont perdu la pro- ge: ce qui provient par le dé- priété d'une partie de leurs bois vastement des guerres faites les et autres biens communs par le siècles derniers. Ne pourrait-on désastre des guerres et mala- pas rentrer dans la jouissance dies contagieuses qui ont rava- des bois dont le roi s'est empa- gé la plus forte partie du pays, ré et qu'avaient nos ancêtres, ne laissant subsister que très en payant le cens, si aucun il y peu de monde, dont la néces- a, et à la vue des titres? sité n'obligeait point à conser- ver tout ce qui leur apparte- nait. Les communautés désire- raient rentrer dans leurs an- ciens droits en justifiant par titres et papiers authentiques de leur ancienne possession.

11.... Autoriser chaque Florange : paroisse à nommer trois hom- 9. Que les procès soient ju- mes les plus éclairés pour arbi- gés dans le terme le plus court trer entre eux sur toutes les dis- possible, les longueurs des pro- cussions qui naissent tous les cès étant ordinairement cause jours sur des objets minutieux de la ruine de ceux qui sont savoir quel est l'objet qui mé- obligés de plaider. rite ite de passer devant le juge su- périeur ou d'en être rejeté.

12. La suppression des inten- dants, qui sont très onéreux aux communautés, ne leur rendant presque aucune justice et ne daignant même pas lire et s'oc- cuper des requêtes en plaintes à eux adressées, aveuglés par la trop grande confiance qu'ils ont de leurs subdélégués, qui se laissent gagner par des présents et des recommandations....

13. La suppression des bana- Florange : lités . . . pour les infidélités 3. La suppression de la ba- que sont forcés de commettre nalité des moulins, servitude les fermiers qui en sont char- qui rappelle trop sensiblement gés, pour s'indemniser des ca- le règne de la barbarie féodale. nons exorbitants portés par leurs baux, et les difficultés -qu'ont les banalistes d'aller ail- leurs, ce qui préjudice à leur fortune.

14. Réformer tous les abus Marspich : commis dans les contrôles des 16. Nous demandons modé- actes, dont les tarifs sont téné- ration dans les droits de con- breux et arbitraires, et obliger trôle, dont la plupart sont ex- ceux qui en sont chargés, de cessifs et même arbitraires. produire à toutes les municipa- lités des tarifs plus clairs et Daspich et Ebange : plus modérés pour mettre des «Un édit clair qui fixe les bornes à leur cupidité. droits de contrôle de manière que chaque sujet sache d'avan- ce combien un acte lui coûtera et qu'il ne soit pas à la merci des vexations d'un contrôleur particulier, qui taxe arbitrai- rement.

Algrange, Knutange et Erzange demandent encore : Les Etats généraux périodiques, les Etats provinciaux dans la pro- vince des Trois-Evêchés, abolition des droits de péage, la sup- pression des haras, la suppression des huissiers priseurs, une dé- fense rigoureuse contre l'exportation des grains et leur mono- pole.

Daspich-Ebange : Construction des églises par les décima- teurs. Mise au point de la justice seigneuriale.

Florange: Suppression du droit d'ensaisinnement (spécial à la Seigneurie de Florange), qui désavantage les habitants des Domaines de Sa Majesté vis-à-vis des habitants des Domaines seigneuriaux. Suppression des droits de péage dans toute la province. Suppression des charges d'huissiers priseurs. — Que toutes les doléances locales soient remises à l'assemblée pro- vinciale. Marspich : Abolition de la gruerie. — Diminution des im- pôts pour les terrains peu productifs. — Diminution de corvées. — Les décimateurs doivent être chargés de la construction des églises. — Demandent à être déchargés des bêtes mâles pour en charger les décimateurs. (pauvres décimateurs, vous avez le dos large!) Les décimateurs doivent laisser une partie pour les pauvres. — les décimateurs doivent contribuer à payer le maître d'école. — Obligations pour les boulangers à peser le pain. — Modération des droits d'entrée à Thionville. — Contre cherté du blé. — Serémange-Suzange : Suppression de la déclaration du roi du mois de janvier 1772, qui charge les communautés de la bâ- tisse et entretien de leurs églises; que ladite bâtisse et entretien soient remis à la charge des décimateurs non-curés, et comme notre communauté est divisée en trois paroisses (Hayange, Flo- range, ) et qu'elle a été obligée de subvenir aux paye- ments, chaque partie à leur église, qui ont été nouvellement cons- truites, c'est ce qui causa la perte d'une grande partie des (habi- tant s.» (12)

Voilà, à peu près, l'ensemble des doléances de la Vallée de la Fensch. Que valaient ces doléances ? Notre illustre compatriote Lenôtre (13) pense que «les cahiers de 1789 ne méritent pas le crédit qu'on se plaît aujourd'hui à leur attribuer.

«Est-ce parce qu'ils suspectèrent la véracité de ces lamenta- tions et leurs mélodramatiques hyperboles que les députés élus pour les examiner n'en tinrent aucun compte?» Lenôtre cite l'exemple d'un mémorialiste qui avait rédigé des Doléances la- mentables, et qui plus tard, dans ses mémoires écrit, de la même époque :

(12) Doléances, p. 291. (13) Revue des Deux-Mondes, 15 décembre 1935. «Aucune parcelle de terre qui ne fût cultivée et dont le blé occupait la moitié; des herbages complantés d'arbres fruitiers; bœufs, vaches et chevaux y pâturaient ... Tous les jardins étaient suffisamment pourvus de plantes potagères, voire de fleurs telles que roses, œillets, lys et giroflées. La nourriture des habitants, même des moins aisés était substantielle et abondante: le pain fort bon; la soupe, au dîner et au souper, suivie d'un plat ... de légumes ... la consommation de lard énorme ... les vê- tements d'hommes et de femmes sont propres ...» (14) Dans notre-région, il y a un demi-siècle, c'était encore tout à fait cela. Le boucher ou plutôt «le juif» passait le samedi au village, et les bonnes familles avaient comme régal familial du di- manche le pot-au-feu. Les cultivateurs ajoutaient à leur menu, le dimanche, un saucisson de ménage ou un morceau de jambon, tant que la provision durait. Quand on tuait le cochon, c'était grande liesse. Et on était parfaitement heureux ainsi.

Après les vêpres dominicales le père, la mère et la bande d'enfants faisaient une promenade à travers champs ou jusqu'à la lisière de la forêt. Ah! la bonne simplicité du bon vieux temps! Nous affirmons donc que les Cahiers de Doléances exa- gèrent. «Ces cahiers (15) présentent avec une unanimité singulière, un aspect si navrant de l'état du pays que l'on a ju- gé, il y a quelque 30 ans, leur publication indispensable, afin que les générations présentes fussent à même de mieux apprécier les bienfaits de la Révolution. Cette unanimité est même si frappante que l'on a pu supposer la circulation de modèles uniformément rédigés par des agents intéressés à noircir le tableau.» Cela est exact.

Nous en avons la preuve pour notre vallée, car les doléances d'Algrange, de Knutange et d'Erzange sont identiques, sauf quel- ques légères modifications sur quelques points. Les cahiers de Nilvange se sont égarés. Les doléances étaient encore les mêmes, sans doute.

LENÔTRE, La vie à Paris pendant la Révolution, Revue des Deux-Mondes, 15 décembre 1935. (15) LENÔTRE, ibid., p. 789. Sans attacher une importance excessive à ces doléances, qui sont en partie l'expression d'une suggestion collective, nous es- sayerons d'en démêler la part de vérité. En tous cas, elles nous révéleront, et c'est là ce qui nous in- téresse, au point de vue de l'histoire locale, la mentalité de nos ancêtres, leurs conditions de vie, l'aspect du pays et maint détail pittoresque. 1. «La suppression de l'édit des clos, comme préjudiciable à tout le peuple.» (16) Une loi assez récente avait permis aux propriétaires de clô- turer leurs prairies naturelles, ce qui limitait ou diminuait plus ou moins le droit de vaine pâture, vieil usage que les anciennes coutumes avaient toujours respecté, et qui est en vigueur jusqu'à nos jours. Ainsi les coutumes générales du Pays de Thionville, main- tenues et confirmées par Louis XIV en 1643, 1657 et 1661, disent: «La vaine pâture ... se prend ès chemins, bois et prèz après les premiers fruits coupéz et emportéz; et en aucuns (quel- ques) lieux après les seconds fruits (récolte) ... » (17) «Les prèz sont ouverts ordinairement jusques au premier de may, et par après abannis jusques à ce qu'ils soient fauchez et vuidez.» (18) Un changement dans ces vieux usages, qui sont devenus des droits bien ancrés dans les habitudes du paysan, irrite les popu- lations, surtout les petites gens qui autrefois pouvaient «nourrir quelques vaches, brebis et autres bestiaux, dans lesquels ils trou- vaient une ressource, singulièrement dans les années de disette, pour aider à sustenter leurs familles.» (19) Les mêmes plaintes se retrouvent dans les cahiers d'Algran- ge, de Knutange et d'Erzange, qui jugent la suppression de la vaine pâture: «préjudiciable à l'agriculture, en général, et à la

(16) Le texte des Doléances, voir p. 2 1. (17) Coutumes générales de la ville de Thionville et des autres villes et lieux du Luxembourg, François, Metz, 1706, § XXIII, p. 130. (18) § XXV, p. 131. (19) Doléances Hayange. Planche II

Dépendance du Château d'Hayange (v. p. 216).

multiplication des bestiaux et à la subsistance des pauvres et à la fertilité des terres et très préjudiciable même aux propriétai- res.»

Daspich-Ebange rélève que cet édit de clôture «est avanta- geux en certains pays, mais qu'il a porté un coup funeste aux habitants du duché de Luxembourg français» où «les pièces de terre sont morcelées.»

Il appert donc que l'édit des clos avait été un peu mala- droitement généralisé. Il est intéressant de relever que les gens de la Vallée de la Fensch de la fin du 18 siècle se disaient encore «du Duché de Luxembourg français», alors que depuis un siècle et demi ils étaient incorporés à la France, dans la province des Trois- Evêchés.

Florange réclame le rétablissement de l'ancien droit. Le ca- hier indique incidemment la date de ce fameux édit de clôture: c. à d. mai 1768.

Marspich relève que la plupart des habitants de l'endroit sont des manœuvres forcés de diminuer le nombre de leurs bêtes.

Schrémange-Suzange souligne que presque tout le ban est clos.

2. La seconde plainte du cahier de doléances d'Hayange concerne les impôts.

«La répartition des impôts est injuste.» On voudrait une répartition plus équitable. Chacun doit payer en proportion «de ses forces et facultés.»

Algrange et Florange font des propositions de simplification.

Schrémange souligne que depuis 20 ans les impôts ont dou- blé.

Marspich demande que les pauvres soient exonérés.

Mais parmi les nombreux impôts plusieurs sont particulière- ment onéreux.

Le cahier d'Hayange demande «la suppression des aides et gabelles comme extrêmement onéreuses et tyranniques à tout le peuple.» C'est vrai. Les cahiers d'Algrange, Knutange et Erzange voudraient «la conversion des droits de gabelles et d'aides dans une prestation en argent, équivalant à la somme versée par les fermiers généraux dans les coffres du roi.» En théorie, c'est ingénieux, mais com- ment faire rentrer ces impôts? Il faudra quand même des em- ployés. Quels étaient donc ces impôts qu'on appelait «l'aide et la gabelle» ? La gabelle (20) est un impôt très ancien. Gabelle veut dire ja- velle, faisceau. Ce faisceau toutefois n'est alimenté que par l'im- pôt sur le sel. Mais il équivalait à un véritable faisceau: Sous François I on payait le muid de sel 45 livres, au XVI siècle 325 livres. Vers le 18 siècle, il rapportait 30 millions, sans compter les 30 millions qui restaient entre les mains des fermiers. Les aides étaient l'impôt sur la boisson. Il y avait, à l'épo- que de la Révolution, 35 impositions différentes sur le vin, dont 20 furent totalisées, en 1680, sous le nom de «droits réunis.» Ces impôts étaient affermés, ce qui avait l'avantage de pro- curer immédiatement et «praenumerando» à l'Etat une somme fixée; mais autour de ce système, il y avait 100.000 poches à remplir ... celles des fermiers-généraux, des fermiers, des am- bulants, des contrôleurs, des inspecteurs, des receveurs, des com- mis, des agents et de toute l'armée des Employés des Fermes du Roi, qui étaient impopulaires au possible. Voici comment était organisée la vente du sel. Au Siège du Bailliage il y avait un grenier à sel. C'était là et uniquement là que l'on devait s'approvisionner de quatre ou cinq lieues à la ronde et souvent de plus loin encore. Et ce sel, si nécessaire à tous, au pauvre comme au riche, était excessivement cher en France. — Pour notre bailliage donc à Thionville. Le cahier de Cattenom relève avec amertume que «les étran- gers obtiennent de nos salines un sel de bonne qualité à 1 sol 6 deniers la livre, et nous Français, payons 7 sols, 9 deniers une

(20) Voir Alexis MONTEIL, Histoire financière de la France. livre de sel de très mauvaise qualité ... et l'on ne peut avoir le sel qu'en faisant quelquefois quatre et cinq lieues.»

Le cahier de Daspich-Ebange avoue «qu'il est bien difficile de contenir les habitants de la frontière qui trouvent le sel à deux sols la livre à une demi-lieue ou une lieue, de le prendre à trois lieues, et le payer 8 sols moins 1 liard.»

Et la contrebande était alors très sévèrement punie: «ne pou- vant pas payer l'amende, ils sont conduits ou à Reims ou ailleurs pour périr dans les prisons.»

Le cahier d'Hayange s'élève ensuite contre les droits de dou- anes qu'il fallait payer entre provinces françaises :

«Sous un même régime et gouvernement être traité comme un. pays étranger, c'est ce qui se passe entre la Lorraine et la France ... par des droits d'acquits, de marques des fers, des cuirs, etc.

En effet Hayange, pays frontière entre les 3 Evêchés et la Lorraine de l'autre côté, le Luxembourg, et, près de Sierck, l'Al- lemagne, avait beaucoup à souffrir dans ses débouchés, à cause d'une politique douanière si peu raisonnable, puisqu'il fallait payer des droits de douane, soit que l'on expédiât des marchandi- ses à l'étranger, soit qu'on les vendît en France dans une autre province que celle des Trois-Evêchés.

Il est compréhensible que le cahier d'Hayange désire: «que toutes les marchandises qui se fabriquent en France soient exemptes de toutes impositions» pour la France, ce qui équivaut à dire: nous demandons l'abolition des douanes entre provinces françaises.

Par contre nous trouvons exagérées les plaintes au sujet des colombiers. Le cahier voudrait que tous les particuliers fussent autorisés «à détruire ce volatile vorace pendant le temps que les seigneurs doivent les tenir renfermés, pour éviter un préjudice que l'on ne peut apprécier.»

Les cahiers d'Algrange, de Knutange et d'Erzangé lui font écho, en réclamant des «ordonnances plus rigoureuses sur le droit de colombier des seigneurs qui fait le plus grand tort aux gens de campagne et à la semaille et à la moisson.» Le colombier du seigneur d'Hayange est conservé. C'est une espèce de tour trapue du 18 siècle. Elle porte la date de 1767. Elle vient d'être restaurée par M. Humbert de Wendel, qui tient à conserver ce vestige de l'ancienne seigneurie, mais «ce volatile vorace» l'a abandonnée. Les pigeons de ce colombier auraient-ils fait dans tout le pays des dégâts au point d'ameuter toute une population? Di- sons plutôt: le colombier était un privilège, voilà pourquoi on l'attaquait. Et puis les cahiers-modèles qui circulaient le vou- laient ainsi. Pourtant les paysans auraient pu remarquer que «ce volatile» ne gratte point la terre pour y découvrir les semences, il se contente de ramasser proprement les graines perdues à la surface, et qui n'auraient donc point germé. Ils auraient remar- qué encore qu'au temps de la moisson ou avant, ils ne s'attaquent point aux épis sur pied ou sur tas, mais qu'ils recueillent unique- ment ce qui est perdu sur le sol. Le préjudice n'est donc pas bien considérable. On voit que dans ces plaintes il y avait de l'exagération col- lective, puisque même les communes sans colombier, comme Er- zange, Knutange, Algrange, s'en émeuvent. Poursuivant ses plaintes, notre cahier d'Hayange voudrait «la suppression des maîtrises, pouvant être remplacées par les municipalités de chaque commune.» Il s'agit de la maîtrise des foi . Si nous en croyons les plaintes d'un peu partout, cette réclamation semble justifiée. Un autre cahier du pays de Thionville affirme: «pour avoir permis- sion de couper 600 arbres, ils ont payé 639 livres aux officiers de la maîtrise.» Voici des détails encore plus suggestifs: «Si le paysan a une pièce de terre à la campagne et qu'il y a un arbre mort , . . ou qui ne porte pas de fruits ou qui fait tort à la pièce, il ne peut arracher cet arbre ... le garde surveillant n'a qu'à voir la place ... en fait son rapport, à moins que le par- ticulier ne lui donne dans sa poche jusqu'à ce qu'il soit content.» (21)

(21) Doléances, tome I, p. 166. Voilà certes des abus intolérables et qui prouvent que le sys- tème était bien vermoulu. Quant au moyen que propose notre Cahier d'Hayange pour guérir le mal, je le trouve quelque peu simpliste. Laisser les mu- nicipalités, les grandes comme les petites, libres d'administrer à leur guise leurs forêts, ce serait, en somme, condamner à mort nos belles forêts. Il faut de toute évidence, pour prendre soin de nos forêts, des autorités, des administrations compétentes. Et cela ne s'im- provise pas au sein de n'importe quelle municipalité, qui n'a sou- vent en vue que des intérêts immédiats. Mais les employés com- pétents, chargés du soin de nos forêts, ne doivent pas dépendre du plus offrant et la place elle-même ne doit pas être vénale. La vé- nalité est la cause de l'incompétence et la source des appétits d'argent. Voilà peut-être l'un des points les plus faibles de l'Ancien Régime. C'est là qu'il fallait commencer la Réforme. A l'époque de la Révolution la question des prix du bois était devenue angoissante pour les particuliers. Le cahier d'Hayange dit: «Il est d'une nécessité absolue de pourvoir à la diminution des prix du bois, vu la disette qui existe dans les Trois-Evêchés par la grande multiplicité des forges qu'il y a dans la partie si- tuée entre Thionville et Longwy qui en font une consommation de 120.000 cordes par année ... Le peuple qui se trouve dénué de ce nécessaire, surtout dans un hiver (22) comme celui actuel, ne sait à qui s'en prendre... Nous estimons que le souverain fera défense aux maîtres de forges de ne faire marcher leurs usines qu'avec les bois qui leur appartiennent en fonds ...» On n'avait pas encore trouvé le moyen de rendre le charbon utilisable dans la fabrication du fer. Cette découverte était ré- servée au siècle suivant, où elle devait révolutionner toutes les méthodes de production anciennes et permettre un développe- ment considérable de l'industrie du fer, comme nous le verrons dans l'histoire de cette industrie.

(22) L'hiver très rigoureux de 1788-89, Et voici que les plaignants d'Hayange font au roi une propo- sition assez curieuse pour remédier au mal : « On sait, disent-ils, qu'il faut des munitions de guerre pour le service de sa Majesté ; les forges qui sont établies à Hayange sont les seules qui approvisionnent les arsenaux de Metz et autres places, attendu qu'elles ont les mines nécessai- res pour faire l'alliage des fontes propres pour les bombes, bou- lets, obus, petites balles, etc. et que les forges voisines ne pour- raient pas le faire. Pour mettre lesdites forges d'Hayange à même de continuer les approvisionnements des arsenaux sans absor- ber le nécessaire du peuple, Sa Majesté pourrait affecter ses bois dépendant des forges de Moveuvre à celles de Hayange et sup- primer celles de Moyeuvre, où l'on pourrait y construire soit sal- pêtre, foulons et autres usines qui n'exigent aucune consomma- tion de bois.»

Hayange et Knutange réclament aussi la propriété de cer- taines forêts qui leur ont été prises par le fisc à un moment, où « par le désastre des guerres et maladies contagieuses qui ont ravagé la plus forte partie du pays, ne laissant subsister que très peu de monde, dont la nécessité n'obligeait point à con- server tout ce qui leur appartenait» (23) « Ne pourrait-on pas rentrer dans la jouissance des bois dont le roi s'est emparé et qu'avaient nos ancêtres, en payant le cens, si aucun il y a, et à la vue des titres?» (24)

Les communautés d'Hayange et de Knutange s'offrent à prouver par les titres et les parchemins authentiques leur droit à ces forêts qu'ils possédaient anciennement et dont elles ont un si grand besoin.

Malgré les réclamations, les démarches et les procès, on ne fit pas droit à ces requêtes. C'est que l'Etat, quand il prend quelque chose, n'est pas enclin à rendre sa proie. « La raison du plus fort est toujours la meilleure » dit notre bon La Fon- taine. (25)

(23) Doléances Knutange. (24) Doléances Hayange. (25) La commune d'Hayange fit des démarches et, plus tard, un procès pour récupérer ses droits ; elle n'y réussit pas. Nous ne nous arrêterons pas aux doléances qui n'ont rien de local comme l'institution d'arbitres, la suppression des in- tendants, le contrôle des actes, etc. Mentionnons brièvement qu'Hayange et Florange demandent «la suppression de la banalité des moulins, servitude qui rap- pelle trop sensiblement le règne de la barbarie féodale. » L'usage de la banalité remonte au 11 siècle. Il voulait que les vassaux se servissent exclusivement du moulin du seigneur du lieu, contre redevance évidemment. Le seigneur lui-même affermait son moulin. Plus tard le droit de banalité ne fut plus reconnu qu'à ceux qui pouvaient le prouver par titre. Le moulin banal existait à Hayange. Le système avait l'inconvénient d'ex- clure toute concurrence, ce qui n'était pas sans influence sur le prix et la qualité de la farine. Un décret-loi du 17 juillet 1793 abolit définitivement la banalité.

Et voici une plainte bien locale encore au sujet de la pollu- tion des eaux de la Fensch, dans le cahier de Daspich et Ebange : «Ruisseau de la Fensch. — Le présent article regarde les vil- lages de Suzange, Serémange, Florange, Daspich, Terville, Le Beau Regard, les tanneurs, les jardiniers, tous situés sur le ruis- seau de Fenche. Outre ce, la ville et la garnison de Thionville y ont un intérêt particulier. Le ruisseau dont il est question, un des plus beaux qui existent dans le royaume, qui prend sa source dans un rocher au village de Fontois, et qui, dans 3 heu- res de cours, fait mouvoir 9 moulins à plusieurs tournants et des forges au village de Hayange, était la ressource unique des villages dénommés ci-dessus pour abreuver les hommes et les animaux. Depuis un certain temps le sieur Wendel d'Hayange, possédant ces forges, a imaginé de laver la mine dans le ruis- seau. Sur les plaintes qui lui en ont été portées par les différents villages, il a répondu que, travaillant à la fonte des bombes et des boulets pour le roi, il était autorisé à faire usage du ruisseau ainsi qu'il l'entendait. Les communautés n'ont jamais osé inten- ter une action en justice réglée contre un homme riche et puis- sant: ce qui a occasionné une diminution sensible des labou- reurs aux villages riverains, et ceux qui y sont restés ont essuyé et essuient journellement des pertes de bestiaux fort considérables et pour surcroit de malheur, leurs juments avortent ou sont stériles par l'infection de ce ruisseau occasionnée par le lavage de la mine; au lieu que, s'il plaisait au souverain de défendre à ce maître de forges de laver la mine dans ce ruisseau et d'ordon- ner de suivre son ancien usage, tous les villages qui sont en des- sous jouiraient de l'avantage qu'ils avaient ci-devant, et la ville de Thionville, ainsi que la garnison, pourrait, au moyen d'un pe- tit bassin, qu'on construirait entre les deux chemins couverts, avoir les eaux les plus saines et les plus limpides possible. On ne serait plus forcé d'aller en puiser dans la Moselle, qui se trouve aujourd'hui infectée par le mélange de cette eau trouble, jaune et remplie de rouille de fer, au point même que les jardiniers ne peuvent en arroser leurs jardins et les tanneries prétendent que cela porte un préjudice notable à leurs cuirs : nous croyons que le bien général doit être préféré au bien particulier ». Qu'il nous suffise d'avoir relevé ces plaintes. Nous lais- sons de côté celles qui ne touchent point Hayange. Ajoutons encore que la question de la pollution des eaux de la Fensch fut portée par les mêmes devant le Directoire de la Moselle qui y répond par une délibération du 30 déc. 1790 (28) après avoir reçu un mémoire de la dame d'Hayange dans lequel il est dit : (27) «La dame d'Hayange, qui a eu communication de la Requête présentée à MM. les Administrateurs du Dép. de la Moselle par les municipalités des villages de Florange, Suzange, Schrémange, Ebange, Daspich et Terville et les meuniers des moulins de Daspich, Moulin-Rouge, Beauregard et Thionville qui se plaignent du dommage qu'ils éprouvent par le lavage des mi- nes de fer au lavoir établi près de la Fenderie d'Hayange sur le ruisseau de la Fensch a l'honneur d'observer que le lavoir en question est établi de temps immémorial et que les plaignants mêmes ne peuvent l'ignorer, que d'ailleurs jusqu'à ce moment il n'y a eu aucune espèce de plaintes sur les dommages que l'on sup- pose qu'il occasionne aujourd'hui, c'est donc à tort et mal à pro- pos qu'ils avancent ne pouvoir depuis 10 ans tirer partis des eaux de la Fenche puisque ce lavoir a de tout temps été employé à la- ver les Mines destinées au service des forges, il est constant que

(26) Archives de Wendel, n° 512. (27) Archives de Wendel, n° 530, s'il eût pu occasionner des dommages il se serait manifesté dès l'origine de son établissement. La dame d'Hayange ne peut se dispenser de faire laver ses mines qu'elle est tenue d'employer pour les munitions d'artille- rie qu'elle fait fabriquer dans ses forges, elle convient que l'opé- ration du lavage qui se répète cinq à six jours par mois trouble faiblement l'eau pendant ce temps et seulement à quelque dis- tance du lavoir, mais il n'en résulte rien de pernicieux et il est absurde d'avancer que cette eau est infecte et que l'effet en est mortel pour les bestiaux, puisqu'au contraire il est démontré que l'eau ferrugineuse est la plus saine, il est faux que jamais il y ait eu des bestiaux malades et encore moins dépéris pour avoir bu de cette eau...

la Dame d'Hayange demande au surplus qu'on nomme des commissaires pour en vérifier les effets ». Voici le texte de la délibération du Directoire en date du 30 décembre 1790 :

« Vu la requête, la réponse de la dame de Hayange et l'avis du Directoire du District de Thionville

Le Directoire... a arrêté que, par deux experts chimistes dont l'un sera nommé par les exposants et l'autre par la dame de Hayange, et après serment par eux prêté devant le Directoire du District de Thionville, les eaux du Ruisseau de la Fenche seront vues et visitées un jour où le lavage des mines sera en pleine activité pour reconnaître si elles sont pernicieuses à la santé des bestiaux lors de laquelle visite, à laquelle les parties intéressées seront appelées, elles feront toutes les observations que bon leur semblera...

Fait en séance, Metz, le 30 déc. 1790. Signé: Hunolstein, P. Collin, Sequerre, Thibault, Flosse, Pierron, Durback, Poutes, proc. gén., syndic et Hensienne, sec.»

Nous ignorons comment l'affaire se termina... Quoiqu'il en soit, malgré les cahiers de Doléances et la Révolution, l'eau de la Fensch est encore trouble et le poisson, malgré les chimistes, en a complètement disparu, Mais revenons à nos Cahiers. Les députés furent chargés de les emporter à Versailles. Il est évident que ces vœux, tout en faisant abstraction des exagérations, auraient dû faire quelque impression sur l'Assemblée et lui dicter des réformes opportunes. Hélas! on n'en fit rien. Les populations furent déçues. Elles perdirent confiance. L'atmos- phère s'alourdit. L'orage montait à l'horizon... Nos régions restèrent assez calmes. Il y eut bien à Metz, une émeute où la populace massacra un marchand de blé, ac- cusé d'accaparement, émeute aussi, à Thionville, dirigée contre les Employés des Fermes du Roy.

(28) PARISOT, tome III, p. 35. 4. LES ELECTIONS A L'ASSEMBLEE LEGISLATIVE ET A LA CONVENTION

La Constituante, qui avait siégé de 1789 à 1791, avait hâtive- ment et maladroitement supprimé les Provinces, uniquement pour briser les traditions. Elle institua les départements, les dis- tricts et les cantons. (29) Les intendants, subdélégués et maires royaux furent remplacés par des procureurs généraux et des syn- dics. On créa les Assemblées départementales, des districts et municipalités. Tous ces organes jouissaient d'attributions très étendues. Ce fut l'œuvre de la Constituante. Le 30 septembre 1791, elle se sépara. (30) L'Assemblée législative la remplaça. Notre historien régio- nal Parisot la caractérise ainsi: «inexpérimentée, brouillonne,

(29) Hayange devint canton. Appartenaient au canton, outre le chef- lieu, les villages d'Erzange, , Nilvange et . Ce canton dura de 1790 - 1795. En 1795, Hayange fut rattaché au canton de Vitry (Hayange resta toutefois le siège du tribunal cantonal de Vitry). avec Ranguevaux. — Erzange, Neufchef et Nilvange allèrent au can- ton de Sancy. En 1801, Hayange fit partie du canton de Thionville, lequel de 1790 à 1801, ne comprenait que la ville et la banlieue. A partir de 1801 : Beuvange-s.-Justemont, Budange, Boussange, Erzange, Fameck, , , Moyeuvre-Grande, Moyeuvre-Petite, Hayange, Clouange, Knutange, Maquenom, , Morlange, Neufchef, Basse-, Nil- vange, Haute-Yutz, Ranguevaux, Richemont, , Serémange, Ter- ville, , Volkrange, Vitry, Weyme range. Venaient de l'ancien canton de Vitry: Beuvange-s.-Justemont, Moyeuvre- Grande, Moyeuvre-Petite, Hayange, Clouange, Morlange, Ranguevaux, Ros- selange, et Vitry. Du canton de Fl orange, le reste. En 1802, Erzange, Knutange, Neufchef, Nilvange allèrent au canton d'Audun-le-Roman. Erzange revint au canton de Thionville, en 1854, les autres restèrent jusque 1870, firent ensuite partie de . En 1816, Thionville acquit encore Algrange; en 1841, venant de Cattenom. En 1901 (9 avril), fut formé le canton d'Hayange avec Algrange, Erzange, Fameck, Florange, Hayange, Knutange, Marspich, Neufchef, Nilvange, Ran- guevaux, Richemont, Serémange, Uckange, Volkrange. (Knutange, Nilvange et Neufchef venant de (Fontoy, le reste de Thiou- ville). (V. Elsass-Lothringen op. cit.) (30) E. GERARDIN, op. cit. p. 9 à 11. dépourvue de sens politique, incapable de mesurer les consé- quences de ses votes» et Gérardin ajoute: «violente et sectai- re.» (30a)

La Convention (1792) ne fit qu'accentuer le mal. Si on lui doit quelques réformes heureuses «elle a violé cyniquement tous les grands principes de liberté, d'égalité et de fraternité.» C'est elle qui a institué le régime honteux de la Terreur. Notre département envoya 8 députés à l'Assemblée législa- tive. Relevons ceux du Pays de Thionville : 1. Merlin Antoine, dit «Merlin de Thionville.» Il était âgé de 29 ans, né le 13 sept. 1762. Trois de ses frères étaient officiers dans l'armée française. Il fut un des plus violents orateurs de l'Assemblée législative et siégea à la Convention avec des attitudes différentes.

Il se distinguait par sa haine contre le clergé, dont il deman- da la déportation, le 23 avril 1792. Ce qui explique quelque peu sa fureur anticléricale, c'est ce fait que son admirateur Bégin a bien gardé de mentionner dans son élogieux article biographique : «Il étudiait en théologie au séminaire de Metz et n'était pas encore engagé dans les ordres, mais il portait déjà l'habit ecclé- siastique, lorsqu'il s'enflamma d'une belle passion pour une jeune personne qui était pensionnaire au couvent de la Madeleine.» «Antoine Merlin ne pouvant lui parler lui écrivit une lettre qui fut interceptée au pensionnat et remise ensuite au supérieur du séminaire. Le jeune théologien se vit forcé de renoncer à l'état ecclésiastique, et alla faire ses études de droit à l'Université de Nancy» (31) Il devint avocat à Metz et adopta avec enthousias- me les idées de la Révolution. Louis XVI était pour lui «l'infâ- me », la reine « l'infâme Marie-Antoinette ». Terroriste, il atta- qua la Montagne qu'il avait tant exaltée, il se rallia en plein à Napoléon. Bégin (32) le juge sans discernement. Parisot en fait un déséquilibré « qui professa plus tard des opinions diamétra-

(30) PARISOT, op. cit. p. 70 GERARDIN p. 11. (31) Biographie parlementaire, par Em. MICHEL, p. 364. (32) Tome III, Biographie, p. 227-267, Achevé d'imprimer le 19 mars 1938 sur les

Presses de l'Imprimerie Marchai Hayange (Moselle)

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Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal. Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

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La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une licence confiée par la Sofia ‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒ dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.