B a R T Ó K Florent Boffard, Piano Béla Bartók (1881-1945)
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B A R T Ó K florent boffard, piano BÉLA BARTóK (1881-1945) Deux Danses roumaines | Két román tánc | Two Romanian Dances, Quatorze Bagatelles | Tizennégy bagatell | op. 8a, BB 56 Fourteen Bagatelles, op. 6, BB 50 1. Allegro vivace 16. Molto sostenuto 2. Poco allegro 17. Allegro giocoso 18. Andante Improvisations sur des chansons paysannes hongroises | Improvizációk 19. Grave (« Mikor gulyásbojtár voltam ») magyar parasztdalokra | Improvisations 20. Vivo (« Ej’ po pred naš, po pred naš ») on Hungarian Peasant Songs, op. 20, BB 83 21. Lento 3. I. Molto moderato (« Sütött ángyom rétest ») 22. Allegretto molto capriccioso 4. II. Molto capriccioso [« Meggyüttem én jól este »] 23. Andante sostenuto 5. III. Lento rubato (« Imhol kerekedik egy fekete felho˝») 24. Allegretto grazioso 6. IV. Allegretto scherzando (« Kályha vállán az ice ») 25. Allegro 7. V. Allegro molto 26. Allegretto molto rubato 8. VI. Allegro moderato, molto capriccioso (« Jaj Istenem, ezt a vént ») 27. Rubato 9. VII. Sostenuto, rubato (« Beli fiam, beli ») 28. (Elle est morte – – –) : Lento funebre 10. VIII. Allegro (« Télen nem jó szántani ») 29. Valse (Ma mie, qui danse...) : Presto En plein air | Szabadban | Out of Doors, BB 89 Durée : 59 minutes 11. Avec les fifres et les tambours | Síppal, dobbal | With Drums and Pipes 12. Barcarolle | Barcarolla | Barcarolla 13. Musettes 14. La Musique de la nuit | Az éjszaka zenéje | The Night’s Music 15. Poursuite | Hajsza | The Chase Enregistrement réalisé à la MC2 de Grenoble (France) en janvier 2018 / Direction artistique, prise de son et montage : Hugues Deschaux / Conception et suivi artistique : René Martin, François-René Martin et Christian Meyrignac / Design : Jean-Michel Bouchet - LMWR / Réalisation digipack : saga illico / Photos : Jean-Baptiste Millot / Piano et accord: Denijs de Winter, Pianomobil / Fabriqué par Sony DADC Austria. / & © 2018 MIRARE, MIR 410 www.mirare.fr TRACKS 2 PLAGES CD Fin mars 1945, six mois avant son décès préma- nouveau qui, sans renoncer à la polarité (notes re- turé, Bartók achève les trois volumes de La Musique pères, points de repos), introduit des dissonances populaire roumaine. Cette somme ethnomusicolo- qui échappent à l’harmonie tonale. « Enfin quelque gique couronne les recherches de toute une vie, et chose de vraiment nouveau », salua Ferruccio Busoni. leur connaissance est fondamentale à la compré- Dès 1906, Bartók élargit son terrain de chasse ; hension de son œuvre de compositeur. Dès le pre- jusqu’en 1917, il collectera des milliers d’airs hon- mier contact, en 1904, le folklore a aiguillonné la grois, mais aussi roumains, slovaques et même plume du compositeur hongrois, façonné son style. arabes, toujours en quête de nouvelles nourritures Ces airs populaires qu’il recueillera sans relâche musicales. Contrairement aux célèbres Danses po- jusqu’en 1917 engendreront de multiples arrange- pulaires roumaines de 1915, qui empruntent d’au- ments – par le simple ajout d’accompagnements thentiques airs villageois, les Deux Danses rou- pianistiques, puis sous des formes plus diverses. maines op. 8a reposent sur un folklore inventé. Ils irrigueront ensuite ses partitions les plus ambi- Elles suivent de près (1909 et 1910) les Bagatelles, tieuses, qui ne s’appréhendent pleinement qu’à la dont elles prolongent la modernité : prééminence lumière d’un cheminement progressif depuis les de l’intervalle de triton (le Diabolus in musica des airs paysans les plus humbles. anciens), accords complexes (agrégations de plu- Les œuvres choisies par Florent Boffard illustrent sieurs degrés d’un mode), chromatisme (né de parfaitement cela. Les Quatorze Bagatelles op. 6 la rencontre entre plusieurs modes). Bartók em- (1908) comptent parmi les pages les plus expéri- prunte aux danses paysannes un rythme sauvage, mentales du jeune Bartók. Sous la double influence voire obsessionnel, développant le piano percussif de Debussy et du chant populaire, qu’il collectait expérimenté dans les Bagatelles. Mais la nouveauté frénétiquement depuis le choc initiatique de 1904, est surtout formelle. Les danses roumaines tradi- ces miniatures jettent les bases du langage de ma- tionnelles reposent sur de courtes cellules ryth- turité. Le compositeur y abandonne l’exubérance miques et mélodiques soumises à toutes sortes de pianistique héritée de Liszt et Brahms et déploie répétitions irrégulières et de permutations. Séduit une variété étonnante de modes de jeu (Bagatelles par ces structures à la fois cohérentes et imprévi- nos 7 et 10 notamment), jusqu’à ce piano percussif sibles, Bartók les adapte à ces formes plus vastes où issu des vigoureuses danses hongroises qui devien- il joue avec brio de la sensation de « variation dans dra une marque de fabrique (Bagatelle no 2). Les la permanence ». échelles modales et pentatoniques issues du folk- Les Improvisations sur des chansons paysannes lore hongrois induisent un monde harmonique hongroises op. 20 (1920) marquent – avec la pan TRACKS 3 FraNÇAIS PLAGES CD tomime Le Mandarin merveilleux et d’autres par- du clavier. Le folklore est à présent totalement inté- titions contemporaines – la fin du cycle entamé gré, digéré en un langage viscéralement personnel. par les Bagatelles : le langage forgé au contact du Scarlatti, Zipoli ou Della Ciaja – ainsi que Stra- folklore y atteint son paroxysme de complexité. Les vinsky – lui offrent les outils pour le transcender huit pièces sont réparties en quatre groupes (nos 1 et et faire naître les grands chefs-d’œuvre des années 2, nos 3 à 5, no 6, et nos 7 et 8) au sein desquels elles 1930 – tels le Second Concerto pour piano (1931), s’enchaînent sans interruption et selon un tempo le Cinquième Quatuor (1934) ou la Musique pour croissant. Elles montrent les différentes facettes du cordes, percussions et célesta (1936). style bartókien de cette période, du climat déso- Ce nouveau style éclot en 1926 sous la forme d’une lé des nos 3 ou 7 à l’impertinence du no 4 ou à la floraison de pièces pour piano dont En plein air est vigueur réjouissante du no 5. Si les Improvisations l’une des plus emblématiques. Cette suite s’orga- reposent sur d’authentiques airs hongrois, ceux-ci nise en cinq mouvements concentriques. Au milieu se diluent dans un tissu musical qui les transcende. figure un scherzo, Musettes. De part et d’autre sont L’élaboration du matériau populaire est portée à disposés les deux mouvements lents : Barcarolle et son point le plus abstrait, et une tension naît de La Musique de la nuit. Et, aux extrémités, on trouve la confrontation même entre ces airs extrêmement deux pages vigoureuses et percussives, Avec les fifres simples et la modernité qui les enveloppe. Toute- et les tambours et Poursuite. En plein air est un ma- fois, les harmonies même les plus étranges ou dis- gnifique hymne à la campagne – le havre de Bar- cordantes trouvent leur origine dans les mélodies tók, qui haïssait la ville et en avait peint la violence paysannes elles-mêmes. « Je crois, confessera Bar- dans Le Mandarin merveilleux. Ce qui semblerait tók en 1943, que j’ai atteint ici l’extrême limite dans ressortir à de la musique populaire (Avec les fifres l’ajout des accompagnements les plus audacieux à de et les tambours, Barcarolle, Musettes) n’est plus ici simples airs populaires. » qu’une peinture sonore, un peu à la manière – mu- Après la Suite de danses (1923), kaléidoscope de tatis mutandis – de la Rapsodie espagnole de Ravel. folklores répondant à une commande officielle, À plusieurs reprises, la frontière entre son et bruit Bartók cesse de composer, conscient d’être allé au s’estompe ; les phénomènes sonores dégagent une bout d’un processus. Un divorce et un remariage beauté intrinsèque et ne dépendent plus de ce qui éclairs, ajoutés au climat délétère qui règne en Hon- les précède ou les suit. grie après le traité de Trianon (le royaume a perdu Le summum est atteint dans le quatrième mouve- deux tiers de son territoire), complètent le pano- ment, La Musique de la nuit, que Bartók jouait sou- rama d’une profonde crise personnelle. Il faudra, vent en concert. Cette page est le prototype des « mu- pour tirer le compositeur de cette impasse, un choc siques nocturnes » que le compositeur placera dans puissant : la découverte des maîtres italiens anciens de nombreuses pièces ultérieures, et qui sonneront TRACKS 4 FraNÇAIS PLAGES CD bientôt comme un refuge face aux horreurs du philharmonique de Radio France... Soliste à nazisme, puis de la guerre. D’après son fils aîné, l’Ensemble Intercontemporain de 1988 à 1999, Bartók en eut l’inspiration lors d’un séjour chez sa il a côtoyé les principaux compositeurs de notre sœur Elza, où il écoutait « le concert des grenouilles temps et effectué la création de pièces de Boulez, dans le calme paysage de la Grande Plaine [hongroise] Donatoni, Ligeti... et d’autres sons évocateurs ». L’effet extraordinaire de En 2010, il a présenté en direct sur Arte «Chopin, cette pièce est produit par un jeu immuable de ré- une écoute aujourd’hui» à La Folle Journée de sonances et de vibrations sympathiques, qui créent Nantes. Soucieux d’aider le public à une meilleure le halo magique d’où émergent les coassements, les compréhension du répertoire contemporain, bruits étranges, et même au centre un chant popu- il a également réalisé de nombreux ateliers et laire puis l’écho d’une flûte paysanne qui, eux aus- présentations de concerts, en particulier au festival si, ne semblent qu’un bruit de la campagne parmi de La Roque d’Anthéron. Il a en outre écrit le film d’autres. La pièce finale, Poursuite, rompt brutale- «Schoenberg, le malentendu» qui accompagne son ment ce charme en plongeant dans l’univers infer- enregistrement de l’œuvre pour piano de Schoenberg nal du Mandarin. Avec ses fragments de gammes paru chez Mirare en 2013, enregistrement frénétiques, ses rythmes obsessionnels, ses accords récompensé par « 5 Diapasons » dès sa sortie et noté cinglants, ce morceau renoue avec la sauvagerie de « Editor’s Choice » par le magazine Gramophone.