Dossier de Préparation des Chefs de Chapitre 2014

« Au Commencement, Dieu créa le Ciel et la Terre »

32e Pèlerinage de Pentecôte de Notre-Dame de Paris à Notre-Dame de Chartres

DOSSIER DE PREPARATION DES CHEFS DE CHAPITRE 2014

SOMMAIRE

REMERCIEMENTS ...... 3 PRÉSENTATION DU DOSSIER DE PRÉPARATION ...... 4 CANEVAS & RECOMMANDATIONS ...... 10 MOT DE L’AUMÔNIER GÉNÉRAL ...... 13 1ERE PARTIE : MÉDITATIONS THÉMATIQUES ...... 15 PLAN DES MÉDITATIONS THÉMATIQUES ------15 SAINT THOMAS D’AQUIN ...... 17 LE MYSTERE DE DIEU ...... 22 LA CREATION DE L’HOMME ...... 29 POURQUOI L’HOMME DOIT-IL CONNAITRE DIEU ? ...... 35 SAINT FRANÇOIS D’ASSISE ...... 41 ORDRE DIVIN ET BEAUTE DE LA CREATION ...... 46 L’HOMME FACE À LA CRÉATION : LE RESPECT QU’IL LUI DOIT ...... 52 LE MAL ET LE DESORDRE OPPOSES A LA BEAUTE DE LA CREATION ...... 59 FOI ET RAISON ...... 65 SAINT THOMAS MORE ...... 74 IL Y A UNE LOI DIVINE AU-DESSUS DES LOIS CIVILES ...... 81 UN SEUL DIEU TU ADORERAS ...... 90 PRIERE ET ACTION ...... 98 EME 2 PARTIE : MÉDITATIONS GÉNÉRALES ...... 106 LISTE DES MÉDITATIONS GÉNÉRALES ------106 LE ROSAIRE ...... 107 LE SACREMENT DE PENITENCE ...... 113 LA SAINTE MESSE ...... 117 POURQUOI AIMER LA MESSE TRADITIONNELLE ? ...... 121

1 LA CONSECRATION A NOTRE-DAME ...... 130 L’ADORATION DE L’EUCHARISTIE ...... 133 LA TRADITION ...... 137 LA CHRETIENTE ...... 142 LA VOCATION ...... 148 CONSTRUIRE SA VIE PAR UNE REGLE DE VIE PERSONNELLE ...... 152 3EME PARTIE : LECTURES COMPLÉMENTAIRES ...... 156 A. LE PÉLERINAGE ------156 QU’EST-CE QU’UN PELERINAGE ? ...... 156 AUX SOURCES DU PELERINAGE DE CHRETIENTE ...... 159 LES SYMBOLES AU PELERINAGE ...... 166 ENGAGEMENTS DU PELERIN ...... 169 B. TRADITION - CHRÉTIENTÉ – MISSION ------170 CHARTE DE L’ASSOCIATION ...... 170 INSTRUCTION "UNIVERSAE ECCLESIAE" DU 13 MAI 2011 ...... 172 SERMON DE DOM GERARD : CHRETIENTE ...... 179 L’ENGAGEMENT DES CATHOLIQUES EN POLITIQUE ...... 183 C. RÉSOLUTIONS PRATIQUES ------192 LA PURETE AVANT LE MARIAGE ...... 192 LA COMMUNICATION DANS LE COUPLE ...... 197 L’AUTORITE DANS LA SAGESSE ET L’AMOUR ...... 202 LE DEVOIR DE SE FORMER ...... 207 L’ACCOMPAGNEMENT SPIRITUEL ...... 208 EME 4 PARTIE : INFORMATIONS DIVERSES ...... 210 ADRESSE AUX CHEFS DE CHAPITRE ...... 210 MOYENS DE FORMATION PROPOSES PAR NDC ...... 212 CULTURE GENERALE ...... 215 CHAPITRE DES « ANGES GARDIENS » ...... 217

2 REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier les communautés religieuses, les organismes et les personnalités amis ci-après, qui nous ont fourni des textes à partir desquels nous avons composé des méditations sur le thème et les sous-thèmes de cette année, et sur des thèmes d’ordre général, communs à tous nos pèlerinages. Sans leur précieux concours, la réalisation de ce dossier destiné aux chefs de chapitres eut été impossible. Abbaye Notre-Dame de Fontgombault, Abbaye Sainte Madeleine du Barroux, Chanoines Réguliers de la Mère de Dieu, Chanoinesses Régulières de la Mère de Dieu, Dominicaines du Saint-Esprit, Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre, Fraternité Saint Vincent Ferrier, Institut du Christ Roi Souverain Prêtre, Missionnaires de la Miséricorde Divine, Abbé Lucien, Rémi Fontaine, A.F.S., Renaissance Catholique, Nous remercions également les communautés religieuses et les organismes amis ci- après, que nous n’avons pas sollicités cette année pour nous fournir un texte, mais qui nous soutiennent de leurs prières et de leur amitié et, pour certaines communautés, de leurs ministères pendant le pèlerinage. Abbaye Notre-Dame de l’Annonciation, Abbaye Notre-Dame de Randol, Abbaye Notre-Dame de Triors, Adoratrices du Cœur Royal de Jésus-Christ Souverain Prêtre, Bénédictins de l’Immaculée, Franciscains de l’Immaculée, Fraternité Saint Thomas Becket, Institut de la Sainte Croix de Riaumont, Institut du Bon Pasteur, Monastère Sainte Marie de la Garde, Petites sœurs de la consolation du Sacré Cœur et de la Sainte Face, Rédemptoristes écossais, Religieuses Victimes du Sacré-Cœur de Jésus, Serviteurs de Jésus et de Marie, Ichtus.

3 PRÉSENTATION DU DOSSIER DE PRÉPARATION Mode d’emploi et recommandations importantes à lire attentivement.

Chers amis pèlerins, chefs de chapitre et adjoints, Voici votre dossier de préparation au 32e pèlerinage de chrétienté, de Notre-Dame de Paris à Notre-Dame de Chartres. Il se compose de quatre parties : 1. Première partie : les Méditations Thématiques 13 méditations traitant chacune d’un aspect du thème du pèlerinage 2014. Elles sont suivies immédiatement par quelques citations et une bibliographie.

2. Deuxième partie : les Méditations Générales 10 méditations sur des thèmes communs à tous nos pèlerinages. Elles sont suivies immédiatement par quelques citations et une bibliographie.

3. Troisième partie : des lectures complémentaires Elles ont été regroupées en trois sous parties. Le pèlerinage : signification de cette démarche, historique et particularités de notre pèlerinage, engagements du pèlerin. Tradition, Chrétienté, Mission : finalité de l’Association Notre-Dame de Chrétienté enracinée dans la tradition, œuvrant pour un retour de la chrétienté de façon résolument missionnaire. Résolutions pratiques : quelques points sur lesquels nous pourrions porter nos efforts pour progresser en sainteté et en efficacité. Certains de ces textes seront lus pendant le pèlerinage. La plupart seront seulement présentés et commentés par le chef de chapitre qui invitera les pèlerins à les lire ultérieurement, à tête reposée. 4. Quatrième partie : des informations diverses Adresse aux chefs de chapitre : vos engagements vis-à-vis de Notre-Dame de Chrétienté et de vos pèlerins Moyens de formation proposées par l’Association : moyens classiques (ouvrages de culture générale, conférences …) et outils réalisés par Xavier Hennequart (dossiers de formation doctrinale, fiches de formation et vidéoformation). Présentations du chapitre des Anges Gardiens qui reprend l’idée principale du chapitre des non marcheurs.

Ce traditionnel dossier de préparation au pèlerinage a été élaboré dans le but de : - Favoriser votre travail personnel de chef de chapitre et celui de vos adjoints, en facilitant la compréhension et la maîtrise du thème. - Améliorer la qualité des méditations, afin de mieux frapper les intelligences et les cœurs. - Renforcer l’unité du pèlerinage, par la délivrance de méditations plus homogènes. - Montrer l’actualité du thème, en l’inscrivant dans le contexte politique actuel.

4 Comme à l’accoutumée, il a été demandé à quelques auteurs (prêtres, communautés religieuses, chapitres, mouvements et laïcs amis du pèlerinage) de rédiger un texte sur l’un des différents aspects des thèmes que nous aborderons au cours de nos trois jours de marche. Nous tenons à leur renouveler nos très chaleureux remerciements pour ce travail tellement vital à la bonne marche du pèlerinage. De ces textes nous avons ensuite tirées des méditations qui, sous une forme condensée, reprennent l’essentiel de l’enseignement qu’il convient de transmettre, en le présentant de façon schématique, pour être plus facilement mémorisable. Ces textes seront reproduits dans le livret, qui sera remis à chaque pèlerin, de façon à lui permettre, s’il le souhaite de s’y reporter ultérieurement pour approfondir sa réflexion. Cette démarche devra d’ailleurs être encouragée, car le thème de cette année est ardu ; en effet, il s’agit du plus grand des mystères : la Vérité sur Dieu et sur son dessein. Mais ce thème est aussi fondamental, car il s’agit du sens à donner à notre vie. Ces méditations sont finalisées en ce sens qu’elles peuvent être lues telles quelles sur la route de Chartre (solution qui peut être retenue par un chef de chapitre peu expérimenté). Cependant, il sera toujours préférable d’adapter votre propos à votre auditoire, et de tenir compte des conditions dans lesquelles votre méditation sera reçue (difficultés de l’itinéraires, conditions météorologiques, fatigue des pèlerins). Cette approche du dossier doit être bien comprise. Il ne s’agit nullement de vous contraindre à l’uniformité, ou pire, de vous inciter à la paresse, en vous contentant d’une rapide lecture du dossier ; ce serait très dommageable pour la sanctification de vos pèlerins. Il s’agit, bien au contraire, de favoriser votre travail personnel, en facilitant l’accessibilité au thème 2014. Très concrètement, il vous est donc demandé un important travail de compréhension du thème et de son découpage, et une bonne appropriation des méditations finales. Cela vous sera facilité par la lecture des citations et des notices bibliographiques. Parmi celles-ci, vous aurez soin d’étudier attentivement les textes du Magistère et quelques manuels pratiques. Vous pourrez également trouver d’intéressantes références dans les dossiers de préparations des précédents pèlerinages que vous pourrez aisément consulter sur le site de Notre-Dame de Chrétienté (voir quatrième partie de ce dossier). Vous mesurez, chers cadres du pèlerinage, combien il est essentiel de ne pas vous contenter de la simple lecture des méditations finalisées, qui ne vous permettrait pas de maîtriser le thème de cette année et de répondre aux questions des pèlerins. Votre propre communication ne sera vraiment vivante et convaincante, que dans la mesure où vous serez imprégnés de ce que vous voulez dire. Que ce travail de préparation fasse grandir en vous l’Amour de Notre Seigneur Jésus-Christ sans lequel votre apostolat n’est qu’illusion. Ainsi, après ce temps personnel de travail, de prière, de compréhension, d’appropriation et d’approfondissement, deux possibilités s’offrent à vous : conserver in extenso les méditations proposées,

5 vous en inspirer très largement et, en reprenant tous les éléments essentiels, personnaliser et recomposer les méditations afin de mieux les adapter aux particularités des pèlerins de votre chapitre. À cet égard, des aménagements devront obligatoirement être apportés aux méditations pour les enfants.

Particularités : 1. Les méditations des différents Mystères Joyeux, Douloureux, Glorieux et Lumineux des Rosaires récités tout au long du pèlerinage, ne vous sont pas fournies. Il vous appartient donc de les préparer très sérieusement, et de les faire préparer, en les personnalisant en fonction du thème du jour et de votre chapitre. (voir ci-après « comment conduire la méditation d’une dizaine de chapelet »). Nous vous demandons de bien impliquer vos adjoints et pèlerins dans la préparation de ces méditations du rosaire. Celles-ci doivent être étroitement reliées au thème général « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre », pour ainsi mieux le méditer pendant les 3 jours. En outre, les méditations du rosaire doivent être l’occasion de porter très concrètement les intentions particulières des pèlerins de vos chapitres. Il vous est demandé de faire preuve d’une délicatesse particulière dans l’expression des méditations, dont certaines pourront toucher profondément les pèlerins qui se trouvent dans une situation familiale difficile (séparation, infécondité, célibat mal vécu,…). 2. Des religieux, des religieuses et des séminaristes nous accompagnent, au sein des chapitres, tout au long de notre pèlerinage. En accord avec leurs supérieurs, nous leur avons demandé de préparer une intervention sur chacun des cinq thèmes: La confession, La prière et la vie d’oraison, La vocation, La Sainte Écriture, Les fins dernières. À l’occasion de leur passage dans votre chapitre, il vous revient de les solliciter pour les faire intervenir sur l’un ou l’autre de ces cinq points. 3. Lorsqu’un prêtre rejoint votre chapitre, proposez-lui de se présenter et d’indiquer qu’il se tiendra en queue de chapitre pour s’entretenir avec ceux qui le désirent et, éventuellement les confesser. Il est recommandé que le prêtre puisse très brièvement dire quelques mots sur le sacrement de pénitence et sur le de la confession, avant de se placer à l’arrière du chapitre. (Précisez aux pèlerins qu’on distingue les prêtres par le port d’une étole). 4. Dans le canevas qui vous est proposé ci-après, il vous est demandé d’inviter les pèlerins à lire, immédiatement ou ultérieurement, quelques textes qui figurent dans la troisième partie du présent dossier et qu’ils trouveront également dans leur livret du pèlerin. Prenez le temps, en quelques mots, de leur indiquer l’intérêt de ces documents. Par exemple :

6 Pour la "Note Doctrinale sur l’engagement des catholiques en politique", vous insisterez sur l’actualité de ce document et sur la personnalité de l’auteur. Pour le document sur "La Communication dans le couple ", vous soulignerez que 83 % des couples séparés, expliquent leur échec par une « mauvaise communication », et qu’il est indispensable que pour éduquer des enfants, les parents s’accordent sur ce domaine très sensible. Pour "l’accompagnement spirituel", vous indiquerez qu’il complète avantageusement l’adoption d’une règle de vie. 5. Insistez auprès de vos pèlerins pour qu’ils conservent le livret qui leur a été remis. Ils y trouveront, non seulement les prières de la messe, assorties d’explications, mais aussi des prières usuelles, des chants, des textes choisis et le résumé de toutes les méditations regroupées par centre d’intérêt. Qu’ils prennent le temps de les lire et d’en approfondir la compréhension, seuls ou avec l’aide d’un prêtre. Pour conclure, nous vous demandons, pendant la marche, d’être particulièrement attentifs à la charité fraternelle et au maintien du recueillement. Que votre degré d’exigence soit en rapport avec la soif des âmes dont vous avez la charge. À chaque instant, gardez bien à l’esprit que les plus beaux discours ne toucheront le cœur de vos pèlerins que dans la mesure où vous serez accueillants, humbles et charitables et que les silences de votre chapitre permettront à la grâce d’arriver jusqu’à eux. « Si je n’ai pas la Charité, je ne suis rien » nous dit Saint Paul. « Plus nous recevons dans le silence de la prière, plus nous donnerons dans la vie active » nous rappelle Mère Térésa. « Toujours prier comme si l’action était inutile, et agir comme si la prière était insuffisante ». Sainte Thérèse de Lisieux. En attendant la joie de nous retrouver, à l’occasion des différentes réunions préparatoires, messes, récollections, retrouvailles amicales ou spirituelles, et, enfin, sur la route de Chartres, que ce travail commun nous unisse profondément au Cœur de Jésus sous le regard de Notre Dame. , ad majorem Dei gloriam, Rémi Mancheron Christian de Certaines Directeur des pèlerins Responsable de la Formation

NOTA : Le canevas et les recommandations qui suivent, constituent un guide indispensable pour la conduite des Chapitres. Il est impératif d’en suivre le déroulement. Nous appelons votre attention sur les outils de formation qui sont mis à votre disposition par Notre-Dame de Chrétienté : Consultez à ce propos, les informations en fin de dossier. 7

COMMENT CONDUIRE LA MEDITATION D'UNE DIZAINE DE CHAPELET

Il est bien évident que chacun a sa méthode, souvent éprouvée. Il s’agit ici, simplement, de rappeler quelques principes directeurs, et de suggérer quelques pistes pédagogiques. 1. Aspect spirituel : Principe : c'est Dieu qu'on doit donner aux pèlerins, non pas nous-mêmes. Donc, laisser Dieu lui-même parler et agir avant, pendant, après, en récitant intérieurement une courte prière, par exemple : Avant : « Esprit-Saint, vous connaissez d'avance ceux qui vont m'entendre, quels sont leurs besoins, leurs blessures, ce que vous voulez leur donner par mes pauvres propos -quel honneur !- Alors, guidez mes lectures, ma réflexion et le choix de mes mots, afin que tout cela profite à ces âmes.... et à vous ! Peu importe ma gloire ou ma honte... » Pendant (juste avant de prendre le micro prendre son temps pour poser un regard sur chaque pèlerin): « Jésus, donnez-moi votre Sacré-Cœur pour les aimer. Et moi, je vous donne mes lèvres pour leur parler. » Après : « Merci Seigneur, pour cet honneur d'avoir été appelé à parler en votre Nom. Maintenant, c'est à Vous de jouer ! 'Vous pouvez laisser votre serviteur aller en paix'. Et faites que je vive ce que j'ai prêché ! » 2. Aspect doctrinal : Principe : Chaque dizaine a deux dimensions : le mystère, et son fruit. Ne pas oublier non plus cette recommandation du Bienheureux Jean-Paul II : « le centre de l’Ave Maria est le nom de Jésus ». Il faut donc mettre en valeur le nom de « Jésus », en marquant une légère pause. Le 'mystique' aura tendance à se perdre en contemplation, certes belle, mais en oubliant de rejoindre le pèlerin, et de lui proposer une conclusion pratique. C'est dommage, car un pèlerinage de Chrétienté entend incarner le spirituel dans le concret de la vie. À l'inverse, le diplomate ne cherchera qu'à amadouer son auditoire, quitte à édulcorer l'exigence de l’Évangile. Quant au moraliste, il se contentera de développer le fruit (par exemple en faisant un véritable sermon sur l'humilité). Tout cela est regrettable, car on perd de vue l'essentiel : Dieu et le Ciel ! En pratique donc, pour introduire une dizaine de chapelets, prenons le pèlerin par une petite accroche là où il en est, et, ce qui est essentiel, introduisons le en plein mystère, où il sera illuminé, réchauffé et fortifié. Et fort de tout cela, il pourra recevoir en conclusion, une brève exhortation pratique, et une intention concrète de prière. Exemple pour le 1er mystère Joyeux : l’Annonciation Présentation du mystère : « Qu'il est grand ce Dieu, de s'abaisser devant Marie ! Qu'il est noble, l'archange fait humble messager ! Qu'elle est belle, la Mère de Dieu se 8 proclamant 'servante du Seigneur' ! Qu'il est adorable celui qui gît tout petit dans son sein !... » Exhortation pratique : « Alors, mes amis, n'ayons pas peur de nous faire petit quand c'est pour la gloire de Dieu ; et si tout à l'heure au bivouac nous rendons un service, cherchons à le cacher aux yeux des hommes pour que notre action soit grande devant Dieu et ses anges ! » Intention de prière : « Nous prierons plus particulièrement dans cette dizaine, pour nos frères et sœurs chrétiens persécutés dans le monde, ces tout petits aux yeux de leurs bourreaux, ces géants aux yeux de Dieu. » 3. Aspect prudentiel : Principe : la prudence est l'art d'adapter l'idéal aux circonstances, le nécessaire au possible, en fonction : Des personnes : on ne parle pas de la même manière à des étudiants qu'à des adolescents ou qu'à des enfants, à des tradis de souche qu'à un chapitre composé de nouveaux pèlerins peu ou pas pratiquant Du temps : en général, 2mn ou 3mn de méditation suffisent pour jeter un rayon de lumière et mettre le feu. Marie fait le reste. Dépasser cette durée, c'est souvent s'écouter soi-même et lasser les autres. Par ailleurs, le samedi ou le dimanche matin, on peut être doctrinal ou mystique. Mais, le dimanche après-midi, soyons hyper simple et concret voire... comique ! Alors, le lundi, nous pourrons être enflammés !! Des lieux : pas de grand discours quand la colonne s'étire (côtes) ou s'étale (sous- bois). Mais une belle histoire peut à l'inverse rassembler le troupeau... À l'arrivée (pause ou bivouac), plutôt chanter sa dizaine de chapelet que le dire (pour la fierté) ! Et comme Jésus, se servir des merveilleux paysages traversés pour illustrer le propos. Du thème : les mêmes mystères reviennent chaque année, au risque de lasser. Essayer donc de les contempler en lien avec le thème ou le saint du jour. Thème et mystère s'éclaireront ainsi mutuellement et les méditations ainsi seront variées. À titre d’exemple, reprenons le 1er mystère joyeux, en fonction du thème et du moment où se récite le chapelet : nous sommes le samedi matin, un peu avant d’arriver au Parc Henri Sellier, le thème du jour a été annoncé et la méditation sur Saint Thomas vient d’être faite. Présentation du mystère : « : « Qu'il est grand ce Dieu, de s'abaisser devant Marie, Lui le créateur, le Dieu Tout Puissant qui a fait le ciel et la terre.. » Exhortation pratique : « les méditations qui vont suivre nous feront découvrir l’insondable mystère de Dieu Un et Trine. Nous nous efforcerons de comprendre ce que Dieu attend de nous, pour qu’à notre tour nous sachions comme Marie dire un ‘Fiat’ à sa Volonté. » Intention de prière : nous prierons particulièrement pour les pèlerins qui ont le plus de difficultés à entrer humblement dans la compréhension des mystères divins. Demandons à Saint Thomas d’Aquin, de nous aider à mieux comprendre l’enseignement que l’Église nous donne sur ces mystères. Bonnes méditations !

Un converti du pèlerinage de Chartres. 9 CANEVAS & RECOMMANDATIONS SAMEDI MESSE DANS LA CATHÉDRALE DE PARIS. Sermon : Sens du pèlerinage et nécessité de notre conversion. Évocation de l’Année de la Foi. Mot d’envoi : le choix du thème et son importance actuelle. 2h40 de ND de Paris au Parc Henri Sellier (Plessis-Robinson) Chants religieux dans Paris. « Qu’est-ce qu’un pèlerinage ? » (texte page 156) et « Aux sources du Pèlerinage » (texte page 159). Présentation des textes à lire dans le livret ultérieurement « Engagements du pèlerin » (texte page 169). Inviter les pèlerins à lire le texte du livret du pèlerin ; faire les commentaires appropriés : esprit, comportement, tenue. Présentation du chapitre et du saint patron du chapitre Prière au saint patron du chapitre Présentation générale succincte du thème, des sous-thèmes, et des saints patrons des trois jours, Simple énoncé du thème du jour : « Dieu et la création de l’homme ». Le Saint du jour : Saint Thomas d’Aquin (méditation 1) Présentation du Rosaire (méditation page 107) Récitation du Chapelet : mystères joyeux, à poursuivre tout au long de la matinée. 1h20 du Parc Henri Sellier à Amblainvilliers (IGNY) « Les symboles au pèlerinage» (texte page 166). Document à lire dans le livret ultérieurement ou immédiatement Chants/Chapelet (suite) La Sainte Messe (méditation page 117) 2h50 d’Amblainvilliers à la halte de Billehou Sacrement de Pénitence : devenir un « miséricordié » (méditation page 113). Cette méditation sera confiée de préférence à un séminariste, un religieux ou une religieuse. l’examen de conscience (invitez les pèlerins à consulter, pendant quelques instants le texte du livret) Récitation du Chapelet : mystères douloureux (pendant les 40 min le long de la N118) « Le mystère de Dieu» (méditation 2) Chants/Chapelet (suite) 1h10 de Billehou à St Rémy-les-Chevreuse « La création de l’Homme» (méditation 3) Récitation du Chapelet : mystères glorieux La Tradition (méditation page 137). Présentation de l’Instruction « Universae Ecclesiae » du 13 mai 2011 (texte page 172).A lire ultérieurement dans le livret 1h30 de St Rémy au bivouac de la Ferté-Choisel « Pourquoi et Comment l’homme peut-il connaître Dieu » (méditation 4)

10 « Chants/Chapelet (suite) DIMANCHE 2h00 de La Ferté-Choisel à la ferme « les Charmes » Prière de départ par chapitre. Rappels : l’esprit du pèlerinage (engagements du pèlerin) ; Simple énoncé du thème du jour : « La création pour adorer Dieu». Saint du jour : Saint François d’Assise » (méditation 5) Récitation du Chapelet : mystères lumineux, «Ordre divin et beauté de la Création» (méditation 6) 1h15 des Charmes au Parc Fougères « L’homme face à la Création : le respect qu’il lui doit» (méditation 7) Chants/Chapelet (suite) 1h30 du Parc Fougères aux Courlis « Le mal et le désordre opposés à la beauté de la Création» (méditation 8) Récitation du Chapelet : mystères douloureux « Pourquoi aimer la messe traditionnelle » (méditation page 121) MESSE AUX COURLIS : Sermon : La création pour adorer Dieu. 1h30 des Courlis à Batonceau « Foi et raison» (méditation 9) Chants/Chapelet (suite) La Chrétienté (méditation page 142). Présentation du sermon de Dom Gérard (texte page 180). A lire dans le livret ultérieurement. 1h20 de Batonceau à Emancé Récitation du Chapelet : mystères glorieux «La pureté avant le mariage» (méditation page 192) ; « la communication dans le couple » (texte page 197) ; « l’autorité dans la sagesse et l’amour » (texte page 202) : présentation de ces trois textes (à lire ultérieurement dans le livret) commentaires éventuels. « La Consécration à Notre-Dame » (méditation page 130) 1h25 d’Emancé au bivouac de Gas «L’Adoration de l’Eucharistie » (méditation page 133) Chants/Chapelet (suite) SALUT DE SAINT SACREMENT. NUIT D’ADORATION. LUNDI 1h30 de Gas au Bois du Séminaire Prière de départ par chapitre. Rappels : l’esprit du pèlerinage (engagements du pèlerin) ; Simple énoncé du thème du jour : « La société à l’image de l’ordre divin». Saints du jour : Saint Thomas More (Méditation 10) 11 Récitation du Chapelet : mystères joyeux ou lumineux «Il y a une loi divine au-dessus des lois civiles» (méditation 11) Chants/Chapelet (suite) 2 h15 du Bois du Séminaire à la halte du déjeuner « Tradition-Chrétienté-Mission : les 3 piliers de NDC» (texte page 174). Inviter les pèlerins à lire la Charte dans leur livret. « Un seul Dieu tu adoreras» (méditation 12) « L’accompagnement spirituel » (texte page 208). Présenter le texte à lire dans le livret ultérieurement. «La vocation» (méditation page 148), de préférence par un séminariste, un religieux ou une religieuse. Présentation de la note doctrinale « Sur l’engagement des catholiques en politique » de 2002 (texte page 183) Chants/Chapelet (suite) 2h00 de la halte du déjeuner à Notre-Dame de Chartres « Prière et action » (méditation 13). Présentation éventuelle de la note doctrinale « Sur l’Engagement des catholiques en politique » de 2002, à l’intention de ceux qui viendrait de rejoindre le pèlerinage. Chants/Chapelet (suite) « Le devoir de se former» (texte page 207). Présenter le texte, à lire dans le livret ultérieurement) « Une règle de Vie» (méditation page 152) Chants religieux dans Chartres. MESSE À CHARTRES (sermon : synthèse de l’ensemble du thème et envoi en mission). Nota : À traiter par un séminariste, un religieux ou une religieuse au cours des 3 jours de pèlerinage : l’Écriture Sainte, la prière et la vie d’oraison, les fins dernières.

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MOT DE L’AUMÔNIER GÉNÉRAL Chers amis, Vous avez entre les mains votre dossier de préparation à notre Pèlerinage 2014. Je dis « votre », car mon plus grand désir est que ces méditations, ces textes fondateurs deviennent vraiment votre propriété personnelle. Maintenant, vous avez deux manières d'agir : la première consiste à déposer votre dossier dans un endroit bien en vue et....de le regarder. Vous vous dites, en effet, qu’il reste nombre de semaines avant nos trois jours de marche, et donc, que vous avez le temps de prendre connaissance de son contenu. D'ailleurs, « il vaut bien mieux que je me réserve quelques jours de travail continu. Ainsi, je prendrai le temps nécessaire pour me mettre à fond dans la rédaction de mes méditations pour mon chapitre. » Magnifique résolution ! Mais êtes-vous bien certains de la réaliser ? Il y a l'autre solution : elle consiste à prendre immédiatement connaissance des textes qui vous sont proposés, de façon à bien situer chaque méditation et chaque lecture dans le contexte général du pèlerinage, en suivant l’ordre des lectures et les directives qui vous sont données dans le canevas figurant en tête du dossier. Puis, chaque jour, vous relirez lentement une méditation que vous pourrez enrichir par d’autres lectures conseillées, de façon à laisser cette méditation pénétrer votre âme, et votre intelligence, de telle sorte qu'avec la grâce de Dieu, vous deveniez un « ruminant » de la doctrine. La rédaction de vos méditations en sera d'autant plus facile. Surtout, pendant les trois jours du Pèlerinage, vous n'aurez plus besoin de notes : c'est librement que vous exprimerez ce que vous aurez si bien médité. Car votre rôle est incontournable : les prêtres célèbrent, prêchent, confessent, conseillent. Les bénévoles qui encadrent le Pèlerinage aident les pèlerins de bien des manières, de telle sorte qu'ils prient en paix. Et vous, chefs de chapitres, vous assurez une présence permanente auprès des pèlerins qui vous sont confiés et vous font confiance. Vous êtes en première ligne : de vous dépend en grande partie la relation qui s'établira avec Dieu pendant ces trois jours. Dieu sait combien on nous parle du rôle des laïcs dans l'Église ! Pour une fois, je suis d'accord ! Seulement, ce n'est pas un rôle bien en vue, permettant d'exprimer un ego satisfait. Non, chers chefs de chapitres, vous êtes des transmetteurs, des relais. Comme

Saint Jean-Baptiste, votre véritable mesure est celle qui fait de vous des instruments 13 de Dieu. En vous écoutant méditer, les pèlerins voudront comprendre ce que Dieu dit à chacun d'eux, dans le secret de son cœur. Votre méditation, votre prière, seront autant de voies préparatoires à l'action sacerdotale. Elles seront l'invitation aux sacrements. Grande responsabilité, certes, impossible à mettre en œuvre sans la grâce de Dieu. C'est pourquoi : Profitez de votre travail préparatoire pour prier et laisser la Providence vous baigner dans l'esprit de prière. « L'Esprit-Saint que Mon Père enverra en Mon nom vous enseignera toutes choses. » (St Jean. XIV. 26.) Comptez sur la prière de tous, et sur la mienne tout spécialement. Dès aujourd'hui, le « Veni, Sancte Spiritus » est sur mes lèvres à votre intention. Je vous donne un rendez-vous spirituel : celui de l’Angélus récité dans la des Saints, matin, midi et soir. Bon et joyeux travail ! Avec toute ma reconnaissance, je demande à Dieu de vous bénir.

Abbé Denis COËFFET. Aumônier Général.

14 1ERE PARTIE : MÉDITATIONS THÉMATIQUES CITATIONS ET BIBLIOGRAPHIE

PLAN DES MÉDITATIONS THÉMATIQUES (Ce document a été remis aux rédacteurs des sermons et méditations ; il est communiqué aux Chefs de Chapitre pour leur permettre de mieux comprendre l’enchaînement des méditations.) « AU COMMENCEMENT, DIEU CREA LE CIEL ET LA TERRE » Dieu, notre Créateur et Notre Père

1. SAMEDI 7 JUIN 2014 SOUS LE PATRONAGE DE SAINT THOMAS D'AQUIN « DIEU ET LA CREATION DE L'HOMME » Méditation 1 : le mystère de Dieu. La connaissance de l'homme est limitée au plan naturel. L'homme recherche la connaissance d'un Être qui le dépasse infiniment. L'homme connaît Dieu par la Révélation : vérité de la Révélation, énoncée principalement par l'enseignement et les actes du Christ. Trinité et Unité : échange de l'Amour Divin dans la Trinité des Personnes. Perfection de l'Unité Divine. Méditation 2 : la création de l'homme. Gratuité absolue de la création de l'homme par Dieu. Genèse I. 26 : « Créons l'homme à Notre image. » L'esprit humain, image proportionnelle de l'Esprit Divin. Le Vrai, le Bon et le Beau, éléments fondamentaux de l'esprit humain. La Justice originelle. L'homme après le Péché Originel : le lien rompu. Méditation 3 : pourquoi et comment l'homme peut connaître Dieu. Nécessité de la Grâce pour la connaissance de Dieu et l'épanouissement de la nature humaine. Servir Dieu est la fin véritable de l'homme : réponse à l'amour premier de Dieu. Aimer Dieu et L'adorer : fondamentaux de la véritable liberté humaine. L'adoration est la plénitude de l'homme.

2. DIMANCHE 8 JUIN 2014 SOUS LE PATRONAGE DE SAINT FRANÇOIS D'ASSISE « LA CREATION POUR ADORER DIEU » Méditation 1 : Ordre divin et beauté de la Création. Constatation d'un ordre certain dans la Création, au milieu d'une très grande variété des êtres. Exemple de la création de l'homme et de la femme. 15 Ordre et beauté de la Création : la Loi Naturelle. Rappel de l'enseignement de l'Église sur la Création. Méditation 2 : l'homme face à la Création ; le respect qu'il lui doit. Dieu a confié la Création à l'homme : dans quel but ? Comment l'homme doit utiliser et protéger la Création. L’écologie Catholique. Méditation 3 : le Mal et le désordre opposés à la beauté de la Création. Pourquoi le Mal : rappel de l'enseignement de l'Église sur le péché originel. La réaction face au Mal : la violence ou l'humilité. Le véritable sens de la Croix : la réparation. Méditation 4 : Foi et Raison. L'enseignement de Benoît XVI : « ». La science qui mène à l'adoration contre la science sans Dieu : l'exemple de la théorie du Gender. Pour quelle science catholique ?

3. LUNDI 9 JUIN 2014 SOUS LE PATRONAGE DE SAINT THOMAS MORE « LA SOCIETE À L'IMAGE DE L'ORDRE DIVIN » Méditation 1 : Il y a une loi divine au-dessus des lois civiles. Le témoignage de Notre-Seigneur devant Pilate. Le témoignage des martyrs de toutes les époques. Les limites au devoir d'obéissance. L'enseignement de Saint Pierre, source de celui de l'Église. Méditation 2 : Un Seul Dieu tu adoreras. Le culte public dû à Dieu. La saine laïcité. Pouvoir spirituel et pouvoir temporel : ni confusion (Islam) ni opposition (Libéralisme, marxisme), mais distinction. D'où la nécessité du Bien Commun. Méditation 3 : Prière et action. La prière d'adoration, la prière de demande, la prière d'offrande et de réparation. Nos différents devoirs d'état. Notre Dame de la Sainte Espérance : le triomphe de son cœur immaculé, signe de la victoire de Dieu.

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SAINT THOMAS D’AQUIN

« Le Docteur commun » Méditation 1 Chers Pèlerins, « Il est meilleur de donner la lumière que de briller seulement ». Avec cette image de la lumière, saint Thomas d’Aquin exprime tout l’idéal de sa vie de frère prêcheur ; et l’histoire de son influence sur la pensée philosophique et théologique montre combien la lumière de son enseignement a éclairé l’Église. Mais, au-delà de la doctrine, qui est cet homme, ce saint du XIIIe siècle, qui a pu ainsi rayonner bien au-delà de son époque ? En vérité, ce docteur est aussi un témoin de vie spirituelle, il nous enseigne par sa parole et par sa vie. I. LA FORMATION 1. La jeunesse On peut placer sa naissance en 1224 ou 1225 dans la famille noble des comtes d’Aquin, d’origine lombarde, probablement au château de Roccasecca, dans l’Italie du sud. D’une famille nombreuse (au moins neuf enfants), Thomas, qui est le plus jeune des fils, est destinée à une carrière ecclésiastique et, dès l’âge de 5-6 ans, rejoint comme oblat l’abbaye toute proche du Mont-Cassin où, avec d’autres enfants de son âge, il est initié à la vie bénédictine et commence sa formation intellectuelle. Il gardera toujours une grande estime pour l'ordre de saint Benoît. 2. L’arrivée à Naples et l’entrée dans l’ordre de saint Dominique Mais, en 1236, le Père Abbé conseille aux parents de Thomas d’envoyer plutôt leur fils à Naples, car des troubles ont repris dans la région. 17 C’est là qu’il fait connaissance avec les dominicains, dont l’implantation datait de 1231. Le jeune Thomas, soutenu par le frère Jean de San Giuliano, décide alors d’entrer chez les prêcheurs, et reçoit l’habit des mains du prieur au début de 1244. Ce qui le pousse vers les dominicains, c'est sans doute son aptitude pour l'étude, et aussi son attrait pour une vie de pauvreté. Craignant les réactions de sa famille devant ce changement d’orientation, les dominicains le font partir pour Rome ; à cette nouvelle, sa mère l’y poursuit et le fait intercepter par ses frères afin qu’il lui soit ramené. Il est alors enfermé dans un château de famille où on essaie de mettre à l’épreuve sa chasteté. Sa réaction est des plus énergiques, ce qui lui vaudra du Seigneur la grâce de ne plus être importuné par les tentations grossières. Il tâche de tirer le meilleur parti de sa semi réclusion : il lit toute le Bible, il étudie les « Sentences » de Pierre Lombard, le manuel de théologie utilisé alors dans toutes les écoles. Il peut aussi encourager la vocation religieuse de sa sœur aînée, Marotta. Finalement, au bout d'environ un an et demi, vaincue par sa constance, sa famille lui permet de regagner le couvent de Naples. Malgré cet épisode fâcheux, le frère Thomas restera toujours très attaché à sa famille. 3. Les études à Paris et à Cologne Rendu à son Ordre, le frère Thomas est alors envoyé à Paris, où il passe trois ans (1245-1248), pour perfectionner, à la faculté des arts, les connaissances acquises à Naples. Il sert aussi de secrétaire bénévole à saint Albert, qui enseigne à Paris en ces années. Mais, en 1248, le chapitre général décide d'ouvrir un studium generale à Cologne, confié à Maître Albert, qui prend avec lui le frère Thomas. Durant quatre ans, celui-ci a le loisir de s'imprégner de la pensée de son maître. Ce fut très probablement le moment de son ordination sacerdotale, sur laquelle nous ne savons rien. Une collaboration fraternelle s'instaure entre le maître et le disciple, qui, d'élève, passe à la fonction d'assistant, achevant sa formation et commençant à enseigner. II. L’ENSEIGNEMENT 1. Les premiers cours Au début de 1252, le Maître général des prêcheurs demande à Maître Albert de lui désigner un frère qui pût être bachelier pour enseigner à Paris ; ce dernier propose le frère Thomas, qui, malgré son âge (il n’a que vingt-sept ans), vient assister le maître dominicain Elie Brunet de Bergerac. 18 À Paris, le frère Thomas suit le cursus qui doit le mener à la maîtrise : À ce travail universitaire intense s'ajoute un certain nombre de travaux, écrits par charité, pour répondre à des demandes de ses frères, ou à des consultations officielles. Cette charité intellectuelle est un des aspects de la sainteté du frère Thomas, et Maritain a pu parler de « sainteté de l'intelligence ». Soulignons qu’il recevait beaucoup de lumières sur les mystères qu’il étudiait, grâce à la prière et à une vie profonde d’union avec Dieu. 2. Le maître en théologie Dans les premiers mois de 1256, le frère Thomas est appelé à se préparer pour sa leçon inaugurale, première étape de sa réception comme maître de l'université, bien qu’il n’ait pas les trente-cinq ans requis. Dès l'automne 1256, il publie un petit ouvrage pour défendre l'idéal religieux des franciscains et des dominicains. Dans plusieurs écrits, il illustre, avec fermeté et parfois ironie, la vocation des prêcheurs pour laquelle il a souffert durant sa jeunesse. Ainsi apparaît un frère Thomas polémiste. En analysant ses manuscrits autographes, on s'aperçoit vite de ce tempérament ardent ; sa plume peine à suivre l'impétuosité de sa pensé, ce qui entraîne des lapsus, des incorrections, des oublis. Ainsi doit-on reconnaître que la modération et la clarté, universellement louées chez lui, sont le fruit d'une patiente conquête, et non des dons innés : il lui a fallu discipliner son génie pour pouvoir transmettre au mieux la lumière. 3. Naples, Orvieto, Rome La vie du frère Thomas, depuis son entrée chez les prêcheurs, a été menée par l'obéissance, et nous le voyons partir pour l'Italie, en 1260, à la demande de ses supérieurs. Après un séjour à Naples dans son couvent d'origine, où il travaille à la Somme contre les Gentils, il est nommé lecteur conventuel à Orvieto. À la demande du pape Urbain IV, il compose un office pour la fête du Saint- Sacrement, et on rapporte qu'en écoutant sa lecture, saint Bonaventure renonça au texte qu'il avait lui-même préparé. Dans ces textes, l'auteur livre un écho de son âme : le thème de la présence du Christ « qui nous joint à lui dans ce sacrement », et celui de l'espérance réconfortée par cette union si intime, révèlent « la tension de son âme vers la vision de Dieu ». Parmi les nombreux travaux de cette période se trouve la Catena aurea, commentaire des quatre évangiles à partir de citations des Pères de l'Église, entreprise à la demande d'Urbain IV. En septembre 1265, le Chapitre provincial envoie le frère Thomas à Rome pour y établir un studium, en vue de former les étudiants de la province

19 dominicaine de Rome. Désirant donner une solide assise théologique à leur formation, il commence à mettre en œuvre la Somme de Théologie, « pour instruire les commençants », avec le souci très pédagogique de bâtir une synthèse claire et ordonnée. Ce grand œuvre, commencé à Rome, sera poursuivi à Paris puis à Naples jusqu'en décembre 1273. En parallèle, il compose pour lui-même un « commentaire du traité de l'Âme » d'Aristote. Cet approfondissement de la doctrine d'Aristote lui parait nécessaire, au moment où il rédige les questions de la Première partie de la Somme consacrées à l'âme humaine (questions 75 à 89). 4. Nouveau séjour à Paris Mais après la fin de l'année scolaire, il est rappelé brusquement à Paris, où il parvient vers la mi-septembre 1268. À Paris, le frère Thomas d’Aquin poursuit la rédaction de la Somme, continu ses commentaires personnels sur Aristote, commente l'Écriture, et donne fidèlement les « questions disputées » prévues. Son intense travail lui permet une immense production littéraire (il pouvait dicter en même temps à trois et parfois quatre secrétaires). Cela souligne sa puissance d'abstraction, et en même temps dénote une véritable rationalisation du travail, avec confection de fiches, d'index, etc. III. LE RETOUR EN ITALIE ET LA MORT Mais bientôt, après environ quatre ans à Paris, il lui faut à nouveau quitter cette ville, après le Carême 1272, pour rejoindre Naples où il doit fonder un studium generale de théologie. Cette dernière année d'enseignement est consacrée à un cours sur saint Paul et à la rédaction d’un commentaire sur les psaumes qui restera inachevé (seuls les psaumes 1 à 54 furent traités). C’est à cette époque que le frère Thomas eut une expérience mystique, alors qu'il célébrait la sainte messe dans la chapelle de Saint-Nicolas. Il n’en parla pas, mais il cessa d'écrire après cette messe, et se sépara de ses plumes et de ses parchemins. « Je ne peux plus écrire », répondit-il à Raynald de Piperno, son compagnon, à qui il confiera plus tard, peu avant de mourir : « Tout ce que j'ai écrit me semble de la paille en comparaison de ce que j'ai vu ». Fin février 1274, il dut s'aliter et demanda qu'on le transportât à l'abbaye cistercienne toute proche de Fossanova, où il mourut le 7 mars suivant, rejoignant enfin Celui dont il avait si bien scruté les mystères. Chers pèlerins, Quand saint Thomas mourut, il n’avait qu’à peine cinquante ans. C’est court pour une vie d’homme, mais quelle vie bien remplie et quelle œuvre magnifique il nous laissait ! 20 Selon l’enseignement du Magistère, Saint Thomas est présenté à tous comme un maître de sagesse qui n’enseigne pas une doctrine particulière, mais expose la vérité en tant que Docteur commun. Comme l’écrivait, en 1923, le pape Pie XI, dans l’encyclique Studiorum ducem, il est « celui dont l’Église a faite sienne la doctrine ». Dans une prière silencieuse, invoquons ce grand Saint ; et, par son intercession, demandons au Saint Esprit qu’il éclaire notre intelligence pour nous aider, au cours de cette première journée de pèlerinage, à mieux comprendre ces vérités que nous allons méditer, que Dieu nous a révélées et que l’Église nous enseigne. Prière à l’Esprit Saint (que les pèlerins trouveront dans leur livret) « Venez Esprit Saint, remplissez le cœur de vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour. Envoyez votre Esprit, Seigneur, et il se fera une création nouvelle, et vous renouvellerez la face de la terre. Prions : Ô Dieu qui avez instruit le cœur de vos fidèles, par la lumière du Saint-Esprit, donnez-nous, par ce même Esprit, de comprendre et d’aimer ce qui est bien, et de jouir sans cesse de ses divines consolations, par Jésus- Christ notre Seigneur. Ainsi soit-il. » Bibliographie - « Initiation à saint Thomas d’Aquin, sa personne et son œuvre » Jean-Pierre Torrell, 3e édition (2008), Cerf, Paris. - « Lire saint Thomas », T. D Humbrecht, Ellipses, 2009. - « Saint Thomas du Créateur », G. K. Chesterton. - « Le Docteur angélique », Jacques Maritain - Encyclique « Aeterni Patris », Léon XIII : 1879. - Encyclique « Studiorum ducem », Pie XI : 1923. - Encyclique « Fides et ratio », Bx Jean-Paul II : 1998.

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LE MYSTÈRE DE DIEU

« Je Suis celui qui Suis » (Ex 3, 14) Méditation 2

Chers Pèlerins, L’homme est un être religieux. Le catéchisme de l’Église catholique le rappelle : « le désir de Dieu est inscrit dans le cœur de l’homme… » (CEC n° 27) et saint Augustin l’exprime par ces mots adressés à Dieu : « Tu nous as fait pour Toi et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en Toi » (Confession I, 1,1). Mais quel est donc le mystère de Dieu ? I. L’HOMME PAR SES PROPRES FORCES EST CAPABLE DE CONNAITRE L’EXISTENCE DE DIEU L’Église nous enseigne à la fois qu’il est possible à l’homme d’arriver par ses seules forces naturelles à la certitude de l’existence de Dieu, et, en même temps que cette démonstration est difficile en raison de l’état blessé de notre nature, qui « souffre difficulté de la part des sens et de l’imagination, ainsi que des mauvais désirs nés du péché originel. De là vient qu’en de telles matières, les hommes se persuadent facilement de la fausseté ou du moins de l’incertitude des choses dont ils ne voudraient pas qu’elles soient vraies » (CEC n° 37) Il existe des preuves de l’existence de Dieu, c’est-à-dire des arguments convaincants et convergents qui permettent à notre raison d’accéder à la certitude de l’existence de Dieu. Évoquons trois voies pour s’élever du monde créé, vers le Créateur : Nous constatons dans l’univers l’existence du mouvement et que tout

être est mis en mouvement par un autre. Un train n’avance jamais sur les 22 rails sans qu’il y ait une cause à ce mouvement. Ultimement, l’existence du mouvement réclame un Premier Moteur, un être qui soit la source de ce mouvement, sans lui-même avoir besoin d’être mû. De même, nous constatons l’existence d’un ordre ; or tout ordre tire son existence d’une intelligence ordonnatrice. L’existence d’un univers ordonné réclame un Ordonnateur, origine et fin de l’univers. Voltaire, lui-même, écrivait : « Et plus je considère et moins je peux songer que cette horloge existe et n’ait point d’horloger ». Saint Augustin, lui, nous montre la voie de la beauté qui part des splendeurs de l’univers : “ Interroge la beauté de la terre … de la mer… du ciel (...) Ces beautés, sujettes au changement, qui les a faites sinon le Beau, non sujet au changement ? ” (Serm. 241, 2 : PL 38, 1134). II. MAIS POUR CONNAITRE L’INTIMITE DE DIEU, IL FAUT QU’IL SE REVELE Certes, sans la Révélation, nous pouvons accéder à la certitude de l’existence de Dieu et même à l’existence de quelques-unes de ses perfections comme sa puissance, sa sagesse, sa bonté, manifestes dans la création ; mais ce n’est que d’une façon très imparfaite. C’est pourquoi l’homme a besoin de la Révélation, d’une part, nous dit Pie XII dans « Humani Generis », pour connaître « les vérités religieuses et morales qui, de soi, ne sont pas accessibles à la raison, afin qu’elles puissent être, dans l’état actuel du genre humain, connues de tous sans difficulté, avec une ferme certitude et sans mélange d’erreur » et, d’autre part et surtout, pour connaître les vérités sur Dieu qui dépassent son entendement. Or, Dieu a parlé aux hommes, par les prophètes, par la Bible, puis en la personne de son Fils Jésus-Christ. Dieu s’est fait homme : c’est l’incroyable et « bonne nouvelle » de l’évangile de Jésus-Christ. En Jésus, nous avons la plénitude de la Révélation : Il nous a révélé les secrets de la vie de Dieu, de sa vie trinitaire, mais aussi les desseins de bienveillance de Dieu sur nous : comment l’homme est appelé à devenir fils de Dieu et à entrer dans le bonheur de Sa vie divine ! En venant nous parler, Jésus nous a donné des signes attestant qu’Il était bien l’envoyé du Père, le Fils Bien-Aimé et égal au Père. Notre adhésion par la foi au Christ n’est pas un pari absurde ou un saut dans l’irrationnel : elle est éclairée par ce qu’on appelle les signes de crédibilité qui conditionnent l’adhésion de la foi, elle-même don de Dieu. Nous avons besoin de ces signes pour rendre témoignage de notre foi et pour expliquer pourquoi nous croyons en l’Évangile plutôt qu’au Coran !

23 En plus de la beauté intrinsèque du message et de la vie de Jésus, ces signes sont constitués par la réalisation des prophéties qui figuraient dans l’Ancien testament et par les miracles que Jésus accomplit en si grand nombre, le plus important étant sa propre résurrection. Le témoignage de milliers de martyrs d’hier et d’aujourd’hui vient confirmer notre foi ! III. DIEU EST UN ET TRINE La raison, avec ses seules forces, peut déjà affirmer que Dieu est unique, mais seule la Révélation a pu nous enseigner le mystère de Sa vie intime : Trois Personnes en un seul Dieu. 1. « Je crois en un seul Dieu » Dieu ne peut qu’être Unique « La confession de l’Unicité de Dieu, qui a sa racine dans la Révélation Divine de l’Ancienne Alliance, est inséparable de celle de l’existence de Dieu et tout aussi fondamentale. Dieu est Unique : il n’y a qu’un seul Dieu: “ La foi chrétienne confesse qu’il y a un seul Dieu, par nature, par substance et par essence ” » (CEC n°200). La raison nous montre déjà qu’affirmer l’existence de plusieurs dieux amène une contradiction dans les termes : par définition, selon Saint thomas d’Aquin, « Dieu est la cause première et la fin ultime de tout » S’il existait plusieurs dieux, chacun d’entre eux aurait besoin de se distinguer par quelque chose que l’autre n’aurait pas et dont il ne serait pas la cause ; il ne serait donc pas la cause de tous les êtres, il ne serait donc pas parfait et ne serait donc pas Dieu ! Qui est ce Dieu Unique ? Parce qu’Il dépasse tout le monde créé, Il est infiniment transcendant et mystérieux. Aucune intelligence créée ne peut embrasser tout l’être de Dieu et le comprendre parfaitement. Dieu seul se connaît parfaitement : « Le nom Divin " Je Suis Celui qui Suis " est mystérieux comme Dieu est mystère. » (CEC n °206) Quels sont les attributs ou perfections de Dieu ? Dieu est infiniment parfait. « Dieu est la plénitude de l’Être et de toute perfection. Alors que toutes les créatures ont reçu de Lui tout leur être et leur avoir, Lui seul est son être même et Il est de Lui-même tout ce qu’Il est. » (CEC, 213) Dieu est éternel : sans commencement et sans fin, Il est hors de notre temps ; Il se possède, en sa plénitude de vie, dans un instant sans durée.

24 Dieu est le Tout-Puissant : « Si Dieu est Tout-Puissant " au ciel et sur la terre " (Ps 135, 6), c’est qu’Il les a faits. Rien ne Lui est donc impossible (Lc 1, 37) et Il dispose à son gré de son œuvre » (Jr 2, 5) « Nous croyons qu’elle [la Toute-Puissance] est universelle, car Dieu qui a tout créé (Gn 1, 1 ; Jn 1, 3), régit tout et peut tout ; aimante, car Dieu est notre Père (Mt 6, 9) ; mystérieuse, car seule la foi peut la discerner lorsqu’ " elle se déploie dans la faiblesse " (2 Co 12, 9 ; 1 Co 1, 18). » (CEC n° 268). Dieu est Vérité : « Dieu est la Vérité même, ses paroles ne peuvent tromper. La vérité de Dieu est sa sagesse qui commande tout l’ordre de la création et du gouvernement du monde » (Sg 13, 1-9). Dieu est Amour : c’est la grande révélation : « " Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique " (Jn 3, 16). L’amour de Dieu est " éternel " 2. « Je crois en un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit » « La Trinité est un mystère de foi au sens strict, un des “ mystères cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus s’ils ne sont révélés d’en haut ” (Cc. Vatican I : DS 3015). Dieu certes a laissé des traces de son être trinitaire dans son œuvre de création et dans sa Révélation au cours de l’Ancien Testament. Mais l’intimité de Son Être comme Trinité Sainte constitue un mystère inaccessible à la seule raison et même à la foi d’Israël avant l’Incarnation du Fils de Dieu et la mission du Saint-Esprit. » (CEC n° 237). Deux vérités doivent être professées : l’Égalité des Personnes : Ces trois Personnes sont égales et consubstantielles… : « Les personnes divines ne se partagent pas l’unique divinité mais chacune d’elles est Dieu tout entier : “ Le Père est cela même qu’est le Fils, le Fils cela même qu’est le Père, le Père et le Fils cela même qu’est le Saint-Esprit, c’est-à-dire un seul Dieu par nature ” (Cc. Tolède XI en 675 : DS 530). » (CEC n° 253). Les Trois Personnes possèdent la même et unique nature divine qui leur est donc consubstantielle. Les Trois Personnes ont donc une même et égale dignité, éternité, Sainteté, Toute-Puissance, Bonté, Sagesse, etc. La Distinction des Personnes : et pourtant ces personnes sont distinctes. “Dieu est unique mais non pas solitaire ” (Fides Damasi : DS 71). “ Père ”, “Fils”, “Esprit Saint” ne sont pas simplement des noms désignant des modalités de l’être divin, car ils sont réellement distincts entre eux. Ils sont distincts entre eux par leurs relations d’origine : “ C’est le Père qui engendre, le Fils qui est engendré, le

25 Saint-Esprit qui procède ” (Cc. Latran IV en 1215 : DS 804). L’Unité divine est Trine. » (CEC n° 254) Au cœur de la vie divine se trouve un mystère d’amour : « Saint Jean atteste : "Dieu est Amour " (1 Jn 4, 8. 16) : l’Être même de Dieu est Amour. En envoyant dans la plénitude des temps son Fils unique et l’Esprit d’Amour, Dieu révèle son secret le plus intime (1 Co 2, 7-16 ; Ep 3, 9-12) : Il est Lui-même éternellement échange d’amour : Père, Fils et Esprit Saint, et Il nous a destinés à y avoir part. » (CEC n° 218 – 220 - 221). Le Père, par amour, engendre éternellement son Fils qui est le Verbe ; tout ce qu’Il a, tout ce qu’Il est – sa nature divine – Il le donne à son Fils, – hormis le fait d’être Père et source –, de telle manière que le Père et le Fils ne soient pas deux dieux mais un seul et même Dieu ; don total et absolu qu’un père humain ne peut jamais réaliser envers son fils : même le père le plus aimant, le plus pédagogue ne réussit pas à transmettre tout ce qu’il a, tout ce qu’il est à son fils. Dieu le Père, Lui, donne tout à son Fils. Et le Fils, par amour, exprime tout le mystère du Père car Il est le Verbe, la Parole du Père. Il est l’image parfaite qui glorifie le Père et ainsi Il « rend » tout au Père, par amour ! Et de cet amour mutuel jaillit la troisième Personne divine, le Saint-Esprit, Amour mutuel et substantiel du Père et du Fils. Chers amis pèlerins, Comme voici un grand mystère ! Mystère d’amour, de don, de communion ineffable : tel est le mystère de la vie surabondante des Trois Personnes divines. Et c’est à partager cette vie d’amour que Dieu appelle chacun d’entre nous ! Prenons quelques instants de silence pour y réfléchir, avant de réciter ensemble notre Acte de Foi (voir livret du pèlerin) Citations « Le désir de Dieu est inscrit dans le cœur de l’homme, car l’homme est créé par Dieu et pour Dieu ; Dieu ne cesse d’attirer l’homme vers Lui, et ce n’est qu’en Dieu que l’homme trouvera la vérité et le bonheur qu’il ne cesse de chercher. » (CEC 27) « De multiples manières, dans leur histoire, et jusqu’à aujourd’hui, les hommes ont donné expression à leur quête de Dieu par leurs croyances et leurs comportements religieux (prières, sacrifices, cultes, méditations, etc.). Malgré les ambiguïtés qu’elles peuvent comporter, ces formes d’expression sont si universelles que l’on peut appeler l’homme un être religieux. » (CEC 28). « Bien que la raison humaine, en effet, à parler simplement, puisse vraiment par ses forces et sa lumière naturelles arriver à une connaissance vraie et certaine 26 d’un Dieu personnel, protégeant et gouvernant le monde par sa Providence, ainsi que d’une loi naturelle mise par le Créateur dans nos âmes, il y a cependant bien des obstacles empêchant cette même raison d’user efficacement et avec fruit de son pouvoir naturel, car les vérités qui concernent Dieu et les hommes dépassent absolument l’ordre des choses sensibles, et lorsqu’elles doivent se traduire en action et informer la vie, elles demandent qu’on se donne et qu’on se renonce. » (CEC 37). « Interroge la beauté de la terre, interroge la beauté de la mer, interroge la beauté de l’air qui se dilate et se diffuse, interroge la beauté du ciel (...) interroge toutes ces réalités. Toutes te répondent : Vois, nous sommes belles. Leur beauté est une profession (confessio). Ces beautés sujettes au changement, qui les a faites sinon le Beau (Pulcher), non sujet au changement ? » Saint Augustin (Serm. 241, 2 : PL 38, 1134). « Il a plu à Dieu dans sa sagesse et sa bonté de se révéler en personne et de faire connaître le mystère de sa volonté grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent dans l’Esprit Saint auprès du Père et sont rendus participants de la nature divine » (Vatican II, Dei Verbum). « La foi est certaine, plus certaine que toute connaissance humaine, parce qu’elle se fonde sur la Parole même de Dieu, qui ne peut pas mentir. Certes, les vérités révélées peuvent paraître obscures à la raison et à l’expérience humaines, mais " la certitude que donne la lumière divine est plus grande que celle que donne la lumière de la raison naturelle "(St Thomas d’Aquin). " Dix mille difficultés ne font pas un seul doute " (Newman, apol.). » (CEC n°157). « Il est le Seigneur de l’univers dont Il a établi l’ordre qui Lui demeure entièrement soumis et disponible; Il est le Maître de l’histoire: Il gouverne les cœurs et les événements selon son gré (cf. Est 4, 17c ; Pr 21, 1). La Toute- Puissance divine n’est nullement arbitraire. » (CEC 269-271) « Dieu qui, seul, a créé le ciel et la terre (Ps 115, 15), peut seul donner la connaissance véritable de toute chose créée dans sa relation à Lui (Sg 7, 17-21). » (CEC n° 216). « La foi catholique consiste en ceci : vénérer un seul Dieu dans la Trinité, et la Trinité dans l’Unité, sans confondre les personnes, sans diviser la substance : car autre est la personne du Père, autre celle du Fils, autre celle de l’Esprit Saint ; mais du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint une est la divinité, égale la gloire, coéternelle la majesté » St Athanase, (Symbolum “ Quicumque” : DS 75, CEC n° 266). « Vivre de la foi veut dire reconnaître la grandeur de Dieu et accepter notre petitesse, notre condition de créature, laissant le Seigneur la combler de son amour afin que croisse ainsi notre véritable grandeur. », Benoît XVI ; « Ainsi grandit la foi ! A travers la rencontre avec une personne, à travers la rencontre avec le Seigneur. Certains diront : « Non, moi je préfère étudier la foi dans les livres ! ». Il est important de l’étudier, mais vous savez, seulement cela ne suffit pas ! L’important est la rencontre avec Jésus, la rencontre avec Lui et cela te donne la foi, parce que c’est précisément Lui qui te la donne ! » Pape François 27 « Tout ce qui est incompréhensible n'en existe pas moins pour cela. (…) En parlant des choses humaines, on dit qu'il faut les connaître pour les aimer. En parlant des choses divines, on dit qu'il faut les aimer pour les connaître. » Blaise Pascal (1623- 1662) « Si nous ne renonçons pas à connaître Dieu par nos propres moyens, jamais nous n'approcherons de lui vraiment. Non seulement il faut dépasser la connaissance sensible, mais encore la connaissance rationnelle. Tant d'âmes de prière restent en panne dans la recherche de Dieu parce qu'elles ne consentent pas à mortifier imagination et sensibilité, ou encore parce qu'elles s'en tiennent à des notions sur Dieu, ne comprenant pas que Dieu ne se laisse pas plus saisir par nos concepts que l'océan ne se laisse prendre aux filets du pêcheur. » Henri Caffarel (1903- 1996) « Recevoir », voilà le maître mot, la seule voie, la plus humble et donc la plus sûre par laquelle les mystères de la vie, de la mort et de l'être-même de Dieu peuvent se dévoiler. (…) Qu'on se le dise : la connaissance de Dieu est fermée à l'orgueil humain qui se prend pour Dieu. » Michel-Marie Zanotti-Sorkine (1959-) Bibliographie « Catéchisme de l'Église catholique » ed. Cerf/Fleurus/Mame, 1998. « Catéchisme du Concile de Trente », éd. DMM, 582 p. « Catéchisme de saint Pie X », éd. DMM, 393 p. « Compendium ou Abrégé du Catéchisme de l'Église catholique », « Le catéchisme expliqué. Entretiens », Mgr Raymond Centène, :éd. Artège, Perpignan, 2012. « Devenez mes disciples, Manuel de catéchèse à l’égard de jeunes adultes, », Carlos Miguel Buela : éd. Téqui, 2009, « La pensée de l’Église de Rome » Claude Tresmontant, ed. DBB, 1996

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LA CRÉATION DE L’HOMME

« Et Dieu dit : faisons l'homme à notre image, à notre ressemblance. » Gen. I. 26. Méditation 3

Chers pèlerins, La présence de l'homme sur la terre est un grand mystère pour nombre de nos contemporains. Si l'homme ignore sa finalité, c'est qu'il est enfermé dans un doute absolu quant à son origine. Ne pas savoir d'où l'on vient n'aide pas vraiment pour savoir où l'on va..... Notre méditation a pour objet d'éclairer cette origine de l'homme, à la lumière de l'enseignement de l'Église, afin que, par la connaissance de sa doctrine infaillible, nous possédions les arguments principaux pour répondre aux théories « évolutionnistes » qui, directement ou indirectement conduisent à une négation de l’âme. I. DIEU EST L’UNIQUE CREATEUR Le livre de la Genèse, premier livre de la Bible, nous montre Dieu opérant la création. Le mot « créer » a une signification précise : c’est le fait de produire à partir de rien. C'est la raison pour laquelle l'auteur sacré nous présente le début de la création dans un univers vide, où seul Dieu existe. Noter que, par définition, Dieu n'a jamais commencé et ne finira jamais : Lui seul est éternel. Dans ce néant, dans ce vide, Dieu fait sortir l'ensemble de la création : manifestement, Il l'organise, Il lui donne une loi interne qui va présider à 29 son développement. Le fait que Dieu créée toutes choses à partir de rien est une vérité de foi, enseignée par l'Église avec constance : « Nous croyons et confessons avec simplicité qu'il y a un seul et unique vrai Dieu...... unique principe de toutes choses, créateur de toutes les choses visibles et invisibles, spirituelles et corporelles, qui, par Sa force toute- puissante, a tout ensemble créé de rien, dès le commencement du temps, l'une et l'autre créature, la spirituelle et la corporelle. » 4ème. Concile du Latran (1215.). Cette création est l'expression de la toute-puissance de Dieu, ce qui établit la distinction entre Dieu créateur et nous qui sommes ses créatures et avons besoin de matériaux et d’outils pour réaliser une œuvre. Dieu, Lui, n'a besoin de rien de préexistant. Sa toute-puissance suffit à Sa volonté pour créer. Par ailleurs, la Sagesse de Dieu organise cette création. Nous sommes aujourd'hui les témoins de cette organisation, que les hommes ont toujours cherché à mieux comprendre. Tout ce qui existe est ordonné : la loi des saisons, comme celle des marées, le mouvement des planètes, comme le monde de l’infiniment petit. II. L'HOMME EST CREE A L’IMAGE DE DIEU « De toutes les créatures visibles, seul l'homme est capable de connaître et d'aimer son créateur. Il est la seule créature que Dieu a voulue pour elle- même. Lui seul est appelé à partager, par la connaissance et l'amour, la vie de Dieu. Il a été créé à cette fin, et c'est là la raison fondamentale de sa dignité. » (CEC n° 356) C'est le point le plus important de la doctrine catholique sur la création de l'homme : l’homme est créé à l'image de Dieu. Dieu étant un pur esprit, être à l'image de Dieu implique que cette créature possède un esprit. Mais cette créature ne peut pas être l'égale de Dieu, ne peut pas être Dieu. Cela est manifesté par le fait que l'homme possède une âme spirituelle dans un corps matériel. La présence de ce corps pose l’homme dans le temps, alors que Dieu est hors du temps. Par ailleurs, cette créature ne possède pas la connaissance parfaite de Dieu, alors que Dieu connaît tous les êtres dans leur essence, sans aucun intermédiaire. Parce que créés à l'image de Dieu, nous sommes dans la dépendance de notre créateur ; mais cette dépendance n'est ni un esclavage, ni une perte d'autonomie : l’homme a été créé libre.

Comme le dit le Catéchisme, l'homme est la seule créature que Dieu a 30 voulue pour elle-même : dans un acte totalement gratuit de pur amour, Dieu a voulu que l’homme puisse bénéficier de Sa vie divine, et cela pour l'éternité ; c’est dans ce but qu’Il l’a créé. C’est pour cette raison que l'homme est créé à l'image de son créateur : pour que son esprit lui permette de Le connaître, et que cette connaissance le porte à L'aimer et à demeurer avec Lui. Comme l'enseigne Saint Thomas d'Aquin, on ne peut aimer que ce que l'on connaît. C’est pourquoi, Dieu nous a donné la capacité, proportionné à notre état de créature, de Le recevoir, de comprendre qu'Il nous a aimés le premier, afin de nous permettre de répondre à cet amour premier, en acceptant d'être Sa créature et en reconnaissant que nous Lui devons notre être. III. LA JUSTICE ORIGINELLE DU PREMIER COUPLE « Dieu a fait sortir d'une souche unique toute la descendance des hommes. » CEC. N° 360. Adam et Ève sont bien nos premiers parents, le premier couple d'où est issue l'humanité entière. Le texte de la Genèse est formel sur ce point, et la doctrine de l'Église n'a jamais varié. Pour mieux le comprendre, il est nécessaire d'examiner la situation de l'homme avant et après le Péché Originel. Tout d'abord, souvenons-nous que le moindre acte de Dieu est absolument parfait. Ce qui revient à dire qu'il n'y avait nul besoin de plusieurs couples pour que l'acte divin de la création de l'homme obtienne son plein effet. Adam et Ève ont été créés dans l'état de Justice Originelle, puisque voulus directement par Dieu. Ils participent de la perfection de Dieu en possédant un esprit qui leur permet de connaître et d'aimer leur créateur. En raison de cette supériorité sur toutes les autres créatures, Dieu leur donne le soin de toute la création : elle subvient à leurs besoins, mais ils doivent la respecter comme œuvre de Dieu. La perfection de la Justice Originelle fait que tout leur être est tourné vers Dieu ; tout leur bonheur se trouve dans la connaissance qu'ils possèdent de Dieu. Ainsi, en plus de vivre au Paradis Terrestre, ils bénéficient de trois dons liés à leur état et totalement gratuits, appelés « dons praeternaturels », car ils sont en surplus de leur nature propre : - ils ne peuvent pas mourir, - ils ne souffrent d'aucune manière, - ils ont une entière maîtrise d’eux-mêmes. Ils vivent dans un ordre

parfait, dont le but est la connaissance et l'amour de Dieu. 31 Dans cet état de Justice Originelle, Adam et Ève possèdent la véritable liberté, celle par laquelle ils parviennent à la fin pour laquelle ils ont été créés : vouloir Dieu. IV. LE PECHE ORIGINEL ET LA PROMESSE DU SALUT Le drame va venir de l'orgueil : Adam et Ève vont volontairement nier leur lien avec Dieu. Deux acteurs participent à ce drame : - Le premier d'entre eux, c’est Satan. Ange déchu, il s'est volontairement séparé de Dieu dans sa folle prétention à vouloir être son égal, refusant d'être créature. Il en a acquis un être nouveau : celui de la haine, de l'opposition absolue à Dieu et à toute Son œuvre. Il s’identifie au péché contre l'esprit, dont le Christ affirme qu'il ne peut être pardonné : Satan aime son refus de Dieu. Tout à sa haine, Satan ne peut accepter le bonheur d'Adam et Ève, bonheur qui lui a été donné et qu'il a refusé. Jaloux, il va tromper le premier couple pour mieux parvenir à ses fins : « vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal », c’est-à-dire qui ont le pouvoir de décider ce qui est bien et ce qui est mal. - Le deuxième acteur c’est le couple de nos premiers parents, qui acceptent d’entrer dans la tentation et se laissent persuader qu’ils ne seront pas libres tant qu’ils ne seront pas comme Dieu. Ils oublient que, simples créatures, ils n'ont pas les moyens de leur prétention. Dieu les en avait prévenus : ils ne devaient pas toucher au fruit de l'arbre de Vie (la loi naturelle) dont seul Dieu est le maître. « Dans ce péché, l'homme s'est préféré lui-même à Dieu, et par là même, il a méprisé Dieu : il a fait choix de soi-même contre Dieu, contre les exigences de son état de créature, et dès lors contre son propre bien. » (CEC.n°398). Les conséquences sont doubles : 1. Adam et Ève perdent leur état de Justice originelle, ce qui est réalisé par leur expulsion du Paradis Terrestre. De ce fait : - ils doivent désormais subir la mort et la souffrance ; - le lien étant rompu d'avec Dieu, le désordre s'installe dans leur être : l'esprit en révolte contre Dieu, le corps ne vit plus que de sa propre jouissance, recherchée pour elle-même et non plus pour la gloire et l'amour de Dieu ; - la nature, créée elle-même, n'est plus leur aide : ils vont devoir la travailler dans la peine pour assurer leur vie quotidienne ; 32 - ils ont surtout perdu la connaissance de Dieu. Asservis à leurs propres passions, ils n'ont plus les moyens de les combattre. La première manifestation de cet état est le meurtre d'Abel par son frère Caïn. 2. Étant le couple originel, Adam et Ève transmettent la vie telle qu'ils la possèdent : avec le Péché Originel. Tout enfant venant au monde est marqué par la faute originelle, qui ne peut lui être ôtée en ce monde que par le Baptême. N’est-ce pas une faute analogue que l’on observe chaque fois que l’homme pêcheur veut s’affranchir de la loi naturelle en prétendant qu’ « il n’y a pas de loi morale au-dessus des lois civiles » ? Cela ne nous rappelle-t-il pas quelques récents débats ? Chers amis pèlerins, Les promesses de Dieu sont sans repentance : Il a voulu Sa créature à Son image pour qu'elle puisse vivre un jour de la vie trinitaire. C'est la raison pour laquelle Dieu promet, de manière mystérieuse, un rédempteur. S'adressant au diable, qui a pris la forme d’un serpent, Dieu assure mettre désormais une inimitié entre lui et la femme (« entre ton lignage et le sien ») : « il t’écrasera la tête, et tu l’atteindras au talon. » (Genèse. III. 15.). C'est l'annonce de la Nouvelle Ève, la Très Sainte Vierge Marie, laquelle donnera au monde son sauveur : Notre-Seigneur Jésus-Christ, Dieu fait homme. Car l'homme n'a pas la capacité de réparer l'offense faite à Dieu. Le Péché Originel est dirigé contre Dieu : de ce fait, il est marqué par le caractère infini de Celui contre qui il est dirigé. À une faute infinie, il faut une réparation infinie. Qui d'autre que Dieu pourrait poser un tel acte ? Prenons quelques minutes de silence pour y réfléchir, avant de réciter ensemble notre Acte d’Espérance (voir livret du pèlerinage) Citations « Dieu a créé non pour accroître sa Gloire, mais pour communiquer cette Gloire. » Saint Bonaventure (1221-1274) - Sentences 2, 1,2,2,1 « Dans sa bonté, non pour augmenter sa béatitude, ni pour acquérir sa perfection, mais pour la manifester par les biens qu’il accorde à ses créatures, Dieu a, dans le plus libre dessein, tout ensemble, dès le commencement du temps, créé de rien l’une et l’autre créature, la spirituelle et la corporelle. » Concile Vatican I « Dieu a créé l’homme à son image et l’a constitué dans son amitié. Création spirituelle, l’homme ne peut vivre cette amitié que sur le mode de la libre

33 soumission à Dieu. C’est ce qu’exprime la défense faite à l’homme de manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal (…) Cet arbre évoque symboliquement la limite infranchissable que l’homme, en tant que créature, doit librement reconnaître et respecter avec confiance. L’homme dépend du Créateur : il est soumis aux lois de la création et aux normes morales qui règlent l’usage de la liberté. » Catéchisme de l’Église Catholique - 396 « Dieu, infiniment Parfait et Bienheureux en Lui-même, dans un dessein de pure bonté, a librement créé l’homme pour le faire participer à sa vie bienheureuse. C’est pourquoi, de tout temps et en tout lieu, Il se fait proche de l’homme. Il l’appelle, l’aide à Le chercher, à Le connaître et à L’aimer de toutes ses forces. Il convoque tous les hommes que le péché a dispersés dans l’unité de sa famille, l’Église. Pour ce faire, Il a envoyé son Fils comme Rédempteur et Sauveur lorsque les temps furent accomplis. En Lui et par Lui, Il appelle les hommes à devenir, dans l’Esprit Saint, ses enfants d’adoption, et donc les héritiers de sa vie bienheureuse. » Catéchisme de l’Église Catholique - Prologue. Bibliographie Catéchisme de l’Église Catholique, 343, 355 à 390, 396 à 421.

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POURQUOI L’HOMME DOIT-IL CONNAITRE DIEU ?

« […] Nous renversons les sophismes et toute puissance altière qui se dresse contre la connaissance de Dieu, et nous faisons toute pensée captive pour l’amener à obéir au Christ » (Saint Paul, II Cor 10, 4-5). Méditation 4

Chers Pèlerins, Au cours de notre méditation sur le thème de cette première journée de pèlerinage consacré à « Dieu et la création de l’homme », nous avons essayé de percer le mystère de Dieu, et nous nous sommes aperçus qu’il était en notre pouvoir de Le connaître, d’abord parce que le créateur nous en a rendus « capables », mais aussi parce que Dieu s’est révélé à nous. Nous le pouvons ; mais le voulons-nous ? C’est cette question qui va faire l’objet de notre méditation. Pourquoi l’homme doit-il connaitre Dieu ? I. L’HOMME DOIT CONNAITRE DIEU, INFINIMENT BEAU, POUR POUVOIR L’ADORER EN ESPRIT ET EN VERITE « L’homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu, notre Seigneur et, par ce moyen, sauver son âme. » (Saint Ignace de Loyola, Exercices spirituels, première semaine, principe et fondement). Afin de savoir comment ainsi adorer Dieu en esprit et en vérité, nous devons d’abord reconnaître combien Il est infiniment beau. Il importe donc, au préalable, de contempler cette divine beauté, en cherchant à la connaître, car elle est fascinante : «"La foi cherche à comprendre" (S. Anselme, Proslogion, prooem.) : il est inhérent à la foi que le croyant désire mieux connaître Celui en qui il a mis sa foi, et mieux comprendre ce qu’Il a révélé ; une connaissance plus

35 pénétrante appellera à son tour une foi plus grande, de plus en plus embrasée d’amour. Ainsi, selon l’adage de S. Augustin (Sermon 43,7, 9), "je crois pour comprendre et je comprends pour mieux croire" » (CEC 158). Ayant ainsi levé un côté du voile par la foi cherchant l’intelligence, nous percevons mieux combien Dieu est digne de louange et d’adoration. C’est le premier commandement de la loi de Dieu : "Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras … Vous n’irez pas à la suite d’autres dieux" (Dt 6,13-14). « Le premier appel et la juste exigence de Dieu est que l’homme l’accueille et l’adore » (CEC 2084). Mais alors, qu’est-ce qu’adorer Dieu ? « […] Adorer Dieu, c’est le reconnaître comme Dieu, comme le Créateur et le Sauveur, le Seigneur et le Maître de tout ce qui existe, l’Amour infini et miséricordieux » (CEC 2096). « L’adoration est la première attitude de l’homme qui se reconnaît créature devant son Créateur. (CEC 2628). L’adoration de Dieu se pratique intérieurement, mais aussi extérieurement, par les gestes de la liturgie. Cette attitude n’est évidemment pas réservée à l’Ancien Testament ; le Nouveau Testament la confirme : « "Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et c’est à lui seul que tu rendras un culte" (Lc 4,8) dit Jésus, citant le Deutéronome (Dt 6,13) » (CEC 2096). L’adoration de Dieu implique de remettre l’homme à sa place. Pourtant, l’adoration de Dieu n’est pas une dépréciation de l’homme, mais conduit au contraire à révéler à ce dernier sa réelle dignité : « L’adoration du Dieu unique libère l’homme du repliement sur soi-même, de l’esclavage du péché et de l’idolâtrie du monde » (CEC 2097). II. L’HOMME DOIT CONNAÎTRE DIEU POUR POUVOIR LE SERVIR, EN RÉPONSE À SON AMOUR PREMIER 1. Faire la volonté de Dieu : Il ne suffit pas de rendre un culte de religion à Dieu par l’adoration : « Ce n’est pas en me disant: “Seigneur, Seigneur”, qu’on entrera dans le Royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux », dit Jésus (Mt 7,21 ; cf. Lc 6,46). Adorer « Dieu en esprit et en vérité », le servir, c’est donc accomplir la volonté de Dieu, ce qui présuppose de connaître cette volonté, et donc

de connaître Dieu. 36 2. Répondre à l’amour de Dieu : Dieu nous a aimés le premier : « Quant à nous, aimons, puisque lui nous a aimés le premier » (I Jn 4,19). « En ceci consiste l’amour: ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés. » (I Jn 4,10). 3. Nous aimer les uns les autres Dieu nous a révélé sa volonté sur nous, en se révélant lui-même, et en révélant son dessein, qui est un plan d’amour sur nous, et un plan qui nous fait pratiquer l’amour envers Dieu et envers le prochain : « Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres » (I Jn 4,11) ; « […] suivez la voie de l’amour, à l’exemple du Christ qui vous a aimés et s’est livré pour nous, s’offrant à Dieu en sacrifice d’agréable odeur » (Eph 5, 2). 4. Aimer et adorer Dieu fondent la véritable liberté humaine On ne peut aimer ce qu’on ne connaît pas. Il faut par conséquent connaître Dieu, pour pouvoir l’aimer. « De toutes les créatures visibles, seul l’homme est "capable de connaître et d’aimer son Créateur" (GS 12) ; il est "la seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même" (VATICAN II, 7 décembre 1965, Constitution pastorale Gaudium et spes, 24) ; lui seul est appelé à partager, par la connaissance et l’amour, la vie de Dieu. C’est à cette fin qu’il a été créé, et c’est là la raison fondamentale de sa dignité. » (CEC 356). Et comment doit-on aimer Dieu ? « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit ; voilà le plus grand et le premier commandement. » (Mt 22,37-38 ; cf. Mc 12,30 et Lc 10,27). Peut-on néanmoins aimer Dieu autant qu’il est aimable ? Non : seul Dieu aime Dieu autant qu’il est aimable, c’est-à-dire infiniment. Mais nous pouvons et devons tendre à l’aimer autant qu’il est possible ici-bas. Quand aime-t-on Dieu ? « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements » (Jn 14,15). « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime; or celui qui m’aime sera aimé de mon Père; et je l’aimerai et je me manifesterai à lui. » (Jn 14,21) « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera et nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui » (Jn 14,23).

37 Pour aimer Dieu concrètement, il faut donc Le servir, et pour ce faire, il faut connaître Sa volonté. Connaître Dieu et l’aimer est l’épanouissement ultime de la liberté humaine : « vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera » (Jn 8,32). « Le désir de Dieu est inscrit dans le cœur de l’homme, car l’homme est créé par Dieu et pour Dieu ; et Dieu ne cesse d’attirer l’homme vers Lui, et ce n’est qu’en Dieu que l’homme trouvera la vérité et le bonheur qu’il ne cesse de chercher : “L’aspect le plus sublime de la dignité humaine se trouve dans cette vocation de l’homme à communier avec Dieu. Cette invitation que Dieu adresse à l’homme de dialoguer avec lui commence avec l’existence humaine. Car si l’homme existe, c’est que Dieu l’a créé par amour et, par amour, ne cesse de lui donner l’être ; et l’homme ne vit pleinement selon la vérité que s’il reconnaît librement cet amour et s’abandonne à son Créateur” (Gaudium et spes, 19) » (CEC 27 ; cf. CEC 355 ; 1701 ; 1718]). Chers amis pèlerins, Adorer Dieu, l’aimer et le servir est, pour chacun d’entre nous, notre fin véritable. C’est la raison pour laquelle, nous avons le devoir de nous efforcer de toujours mieux le connaitre. La lecture de bons livres est bien sûr indispensable et on ne saurait assez recommander celle du Catéchisme de l’Église Catholique, qui pourrait utilement figurer parmi nos livres de chevet. Néanmoins, nous avons besoin de la grâce divine pour adhérer à ce niveau de connaissances tellement au-dessus de ce que l’homme peut atteindre par ses forces naturelles, car, nous dit le catéchisme : « […] La foi est un don de Dieu, une vertu surnaturelle infuse par Lui. "Pour prêter cette foi, l’homme a besoin de la grâce prévenante et aidante de Dieu, ainsi que des secours intérieurs du Saint-Esprit. Celui-ci touche le cœur et le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l’esprit et donne "à tous la douceur de consentir et de croire à la vérité’" (Dei Verbum, 5) » (CEC 153). Demandons à Dieu cette grâce, en récitant notre Acte de Charité (voir livret du Pèlerin) Citations « Au sommet de tout est « la beauté divine, dans laquelle toute la beauté naturelle et surnaturelle, corporelle et spirituelle de tous les êtres créés ou à créer est très éminemment et très étroitement contenue, et toute cette beauté réunie, en comparaison de la beauté de Dieu, n’est qu’un pur néant. C’est pourquoi l’aspect de la beauté divine transportera et ravira incomparablement plus les habitants du ciel, que l’aspect de la gloire des saints, de toute la cour céleste et de tout l’univers, bien que cet aspect doive être aussi pour eux la source d’incroyables 38 délices. Dieu est appelé Beau, parce qu’il est lui-même formellement la Beauté infinie surpassant infiniment toute beauté créée, ou qui pourrait être créée, et toute autre que l’entendement divin pourrait concevoir, en dehors de soi. Il résulte de là, qu’il est infiniment aimable et une source infinie de délices, et qu’il a une force infinie pour attirer l’esprit à son amour ; et quoique en réalité il n’attire pas infiniment les esprits des bienheureux parce que leur vision n’est pas d’une perfection infinie, il les attire néanmoins avec une telle puissance, que tous l’aiment nécessairement et qu’ils ne peuvent en aucune manière suspendre ou arrêter l’acte de leur amour. Mais plus la nécessité d’aimer Dieu est grande dans les habitants du ciel, plus ils sont heureux ! » Cf. LESSIUS Léonard, S.J. (1554- 1623), Les noms divins, ouvrage trad. du par le P. Marcel Bouix, s.j. - Paris : Gauthier-Villars, 1882. - 424 p., ici chapitre XV : De la Beauté de Dieu, p. 89-91. « Quelle raison T’a fait constituer l’homme en si grande dignité ? L’amour inestimable par lequel Tu as regardé en Toi-même Ta créature, et Tu T’es épris d’elle ; car c’est par amour que Tu l’as créée, c’est par amour que Tu lui as donné un être capable de goûter Ton Bien éternel » (Ste Catherine de Sienne, Dialogue 4, 13) » (CEC 356). « Comme dit S. Jean Damascène "Parce que nous sommes composés de deux natures, intellectuelle et sensible, nous offrons à Dieu une double adoration". L’une est spirituelle et consiste dans l’intime dévotion de l’esprit ; l’autre est corporelle parce qu’elle consiste en l’abaissement extérieur du corps. Parce que, dans tous les actes de religion, l’extérieur est relatif à l’intérieur comme à ce qui est au principe, l’adoration extérieure est faite en vue de l’adoration intérieure. Les signes d’humilité présentés par le corps excitent notre cœur à se soumettre à Dieu, le sensible étant pour nous le moyen naturel d’accéder à l’intelligible » (Saint Thomas d’Aquin, Somme de théologie, II-II, q. 84, a. 2). « Adorer Dieu, c’est, dans le respect et la soumission absolue reconnaître le "néant de la créature" qui n’est que par Dieu. Adorer Dieu, c’est comme Marie, dans le Magnificat, le louer, l’exalter et s’humilier soi-même, en confessant avec gratitude qu’Il a fait de grandes choses et que saint est son nom (cf. Lc 1,46-49) » (CEC 2097). « […] nous ne cessons de prier pour vous et de demander à Dieu qu’Il vous fasse parvenir à la pleine connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle. Vous pourrez ainsi mener une vie digne du Seigneur et qui Lui plaise en tout : vous produirez toutes sortes de bonnes œuvres et grandirez dans la connaissance de Dieu » (Col 1,9-10). « La perfection de la charité peut être envisagée à deux points de vue : 1° par rapport à l’objet aimé ; 2° par rapport à celui qui aime. Par rapport à l’objet aimé, la charité est parfaite quand une chose est aimée autant qu’elle est aimable. Or Dieu est aussi aimable qu’il est bon ; et comme sa bonté est infinie, il est infiniment aimable. Mais aucune créature ne peut aimer Dieu infiniment, puisque toute vertu créée est limitée. Par conséquent, de ce point de vue, la charité ne peut être parfaite en aucune créature, mais seulement la charité par laquelle Dieu s’aime lui-même.

39 Du côté de celui qui aime, on dit que la charité est parfaite quand on aime autant qu’il est possible d’aimer. Et cela arrive de trois manières. D’abord parce que tout le cœur de l’homme se porte de façon actuelle et continue vers Dieu, et telle est la perfection de la charité du ciel ; elle n’est pas possible en cette vie où, en raison de la faiblesse humaine, on ne peut être continuellement en acte de penser à Dieu et de se porter affectueusement vers lui. En deuxième lieu, parce que l’homme s’applique tout entier à vaquer à Dieu et aux choses divines en laissant tout le reste, sauf ce que requièrent les nécessités de la vie présente. Telle est la perfection de la charité qui est possible ici-bas ; elle n’est toutefois pas le partage de tous ceux qui possèdent la charité. Enfin lorsqu’on donne habituellement tout son cœur à Dieu, au point de ne rien penser ni de rien vouloir qui soit contraire à l’amour de Dieu. Et telle est la perfection qui est commune à tous ceux qui ont la charité » (Saint Thomas d’Aquin, Somme de théologie, II-II, q. 24, a. 8).

Bibliographie Catéchisme de l’Église Catholique, 2084 à 2094, 2096 à 2097 ; 2242, 2628.

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SAINT FRANÇOIS D’ASSISE

« Le mendiant de Dieu » Méditation 5 Chers pèlerins, Poursuivant notre réflexion, au cours de cette deuxième journée de pèlerinage, nous allons consacrer quatre méditations à approfondir le thème qui nous est proposé : « La Création pour Adorer Dieu ». Pour mener ces travaux, il nous est demandé de nous mettre sous le patronage de Saint François d’Assise, ce grand saint si populaire, dont le pape actuel choisit symboliquement de porter le nom , et qu’un de ses prédécesseur donna comme saint patron à tous ceux que préoccupe le sort malheureux fait aujourd’hui à l’écologie. Mais voyons qui était François d’Assise et quel fut son message. I. LA VIE DE SAINT FRANÇOIS 1. Une jeunesse légère François est né à Assise en 1182. Fils d’un riche marchand d’étoffes, Pierre Bernardone, et d’une mère provençale, Dame Pica, il apprit très tôt le métier de son père qui comptait sur lui pour faire fructifier ses affaires. D’un naturel joyeux, et plein de générosité, il aimait profiter de la vie, chanter et courir par la ville et la campagne, entraînant avec lui une bande de joyeux compagnons et dépensant en fêtes et loisirs tout l’argent dont il disposait. Le cœur noble et rempli de beaux idéaux, il décida de se faire chevalier et de se couvrir de gloire. Mais le Saint-Esprit lui fit sentir combien sa vie était frivole et inutile : son maître sera donc Jésus-Christ et sa fiancée sera « Dame Pauvreté ». Il sera désormais le chevalier de la Pauvreté. 2. Le chevalier de la Pauvreté Saint François se mit à beaucoup prier dans la solitude et le silence. Tout son argent passait alors en aumône. Mais il comprit qu’il fallait qu’il devienne pauvre lui-même comme un mendiant. 41 Sa vie exemplaire attira rapidement de nombreux hommes qui voulaient l’imiter. Avec l’accord du Pape Innocent III, l’ordre des frères mineurs fut fondé et sa règle approuvée. En 1212, une jeune fille de famille noble, Claire Offreducci, bouleversée par une prédication de Saint François, voulut le suivre et vivre de la même pauvreté. L’ordre des Clarisses vit ainsi le jour. L’affluence des vocations permit aux frères mineurs d’organiser des missions en Europe, en Afrique et même en Orient. 3. L’imitation du Christ Dans les dernières années de sa courte vie (il mourut à 44 ans), Saint François ne songea qu’à se perfectionner dans l’imitation de l’Évangile, afin de ressembler de plus en plus au Christ. Jésus unissait son serviteur aux souffrances de sa Passion par de cruelles maladies et par de douloureuses tentations de désespoir. Un matin, comme il méditait les souffrances de Notre Seigneur, notre saint vit descendre du ciel un séraphin qui portait sur lui l’image d’un homme crucifié. Quand la vision disparut, des plaies étaient gravées dans sa chair. En échange de son amour pour Lui, Jésus avait marqué en François les stigmates de Sa Passion. Le 3 octobre 1226, saint François, souhaitant la bienvenue à « sa sœur la mort », mourut dans la louange et la pénitence comme il avait toujours vécu. II. SAINT FRANÇOIS ET LA CREATION 1. Un grand ami de la nature Saint François était un grand amoureux de la nature. Ce n’était pas de la sensiblerie mais une manifestation de son amour et de son respect pour la création de Dieu. À Sienne, il recueillit des tourterelles et leur fit faire des nids. À Greccio, il délivra un lièvre qui ne voulait plus le quitter et il prêchait aux oiseaux, comme aux hommes !!! Il voulait aussi que les frères jardiniers, en plus de légumes destinés à la cuisine, fassent de la place à « nos sœurs les fleurs » afin que chacun puisse admirer leur beauté. 2. Symbolisme des créatures La contemplation était aussi symbolique. Il aimait l’eau parce qu’elle était l’instrument du baptême, il mettait ses pieds sur les pierres et les rochers avec précaution, pensant à la pierre angulaire qu’est le Christ… Lorsqu’un frère abattait du bois dans la forêt, il le priait de conserver une partie de chaque arbre, espérant qu’il reverdirait, en souvenir de la croix, faite d’un arbre… 42 3. La création, reflet du Créateur. Chaque créature était pour lui une parole vivante de Dieu. Il se rendait compte de la valeur de chaque chose et la créature l’aidait à connaître le Créateur. Lorsqu’il sentait la puissance des rochers, il ressentait aussitôt combien Dieu est fort et quel appui Il nous offre. L’aspect d’une fleur dans la fraîcheur matinale ou de petits oisillons attendant avec confiance leur nourriture, tout cela lui révélait la beauté de Dieu ainsi que la tendresse infinie du Cœur divin d’où tout cela jaillissait. 4. La création pour louer le Père Vous rendez-vous compte de la valeur des cadeaux que Dieu nous donne dans la Création ? Songez comme Dieu nous aime pour nous offrir ces beautés à contempler ! Saint François n’arrêtait pas d’y penser et cela le remplissait d’une joie incessante et d’un ardent désir de rendre grâce à Dieu. Il souhaitait que tous les êtres prissent part à cette action de grâce, et les animaux l’accompagnaient dans sa louange : « Il faut que tu chantes les louanges de Dieu, ma sœur cigale ! » et tout de suite, sa sœur cigale se mettait à chanter, jusqu’à ce qu’il lui ordonna de se taire. Mais avant toute chose, François était reconnaissant pour la création du soleil et du feu : « Le matin, disait-il, lorsque le soleil se lève, tous les hommes devraient louer Dieu qui a créé cet astre pour leur profit ; car c’est à lui qu’ils sont redevables de voir toutes choses. Et le soir, lorsqu’arrive la nuit, tous les hommes devraient louer Dieu pour la création de notre frère le feu, qui donne la lumière à nos yeux pendant l’obscurité. Car par naissance, nous sommes tous comme des aveugles, mais Dieu prête sa lumière à nos yeux par l’entremise de ces deux frères ! » III. À LA SUITE DE SAINT FRANÇOIS La vie de saint François est riche de très beaux enseignements pour chacun de nous. Voici quelques vertus qu’il a particulièrement vécues : 1. La joie Le secret de la joie de Saint François était son action de grâce pour la vie reçue. La sienne, celle de ses frères, celle de tous les êtres vivants. Souvent nous sommes tristes ou tentés de l’être. Levons les yeux, admirons la perfection et la beauté de la création, ne nous y habituons pas en nous conduisant comme des enfants gâtés, mais sachons nous émerveiller ! Ne soyons pas ingrats, mais des âmes de louange et d’action de grâce!

43 Avec un Père si généreux envers ses enfants, comment douter de son Amour et de sa tendresse ? Puisons cette joie dans le Cœur de Dieu et vivons avec cette joie profonde. Toutes les contrariétés que nous rencontrerons nous paraîtront plus douces et la vie nous apparaitra ainsi bien plus belle ! 2. La confiance et la pauvreté Une belle leçon que nous donne saint François est sa confiance illimitée en la Providence de Dieu. C’est ainsi qu’ayant rassemblé un chapitre de plus de 5000 frères, Saint François leur demanda de ne pas s’inquiéter de leur nourriture, mais seulement des choses de Dieu ; et, providentiellement, tous furent rassasiés. À nous, il ne nous est pas demandé de vivre comme des mendiants… Mais, tout ce que nous utilisons est-il vraiment nécessaire ? Et ne sommes-nous pas trop souvent inquiets de l’avenir ? Sans imprudence, sachons nous abandonner dans les bras de notre Père céleste qui sait ce qui est bon pour nous. Et, si nous sommes parfois privés de quelques biens, rendons grâce à Dieu de pouvoir ainsi imiter Jésus qui n’avait pas même une pierre pour reposer sa tête ! N’oublions pas que la première béatitude est « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des Cieux est à eux !» (Mat 5,3) Nous jouirons du bonheur céleste à la condition d’être attachés à Jésus seul. Il nous faut donc être détachés de tout ce qui n’est pas l’Unique Nécessaire… alors nous serons vraiment libres ! 3. Une vie authentique. Saint François disait : « Annoncez toujours l’Évangile, et si nécessaire par la parole. » Il pensait donc que l’exemple et le témoignage sont une meilleure prédication que le discours. On raconte qu’un jour, il emmena avec lui un frère à travers les rues en lui disant : « Viens, nous allons prêcher. » Et les deux frères parcoururent la ville sans s’arrêter, en priant silencieusement. Lorsqu’ils furent de retour, le frère lui demanda : « Mais quand prêcherons-nous ? » François lui répondit : « Nous avons prêché, les gens nous ont vus dans notre pauvre habit de frère mineur, ils nous ont vu prier, cela est suffisant pour leur faire penser au salut de leur âme. » Dans un discours récent, notre Pape François, en bon disciple de son saint patron, disait : « Pour être des témoins joyeux de l’Évangile, il faut être authentiques, cohérents (…) Jésus se battait beaucoup contre les hypocrites, ceux qui ont un double langage. (…) Parler d’authenticité aux jeunes n’est pas compliqué parce que les jeunes, tous, ont cette envie d’être

44 authentiques, d’être cohérents (…) Voulons-nous des jeunes cohérents ? Soyons cohérents nous-mêmes ! Sinon, le Seigneur nous dira ce qu’il disait des pharisiens aux peuple de Dieu : « Faites ce qu’ils disent mais pas ce qu’ils font ! » (Aux séminaristes et aux novices le 8/07/2013)

Chers amis pèlerins, Rendons grâce à Dieu le Père d’avoir suscité dans son Église la belle figure de sainteté de Saint François d’Assise. Demandons son intercession pour qu’à son imitation, nous puissions parvenir à une plus profonde union à Dieu. Que le Saint Esprit ouvre les yeux de notre âme pour qu’au moyen de la création nous adorions et louions sans cesse Le Père Éternel. Enfin, faisons nôtres ces paroles de notre Saint Père le Pape François, qui concluait ainsi un de ses discours : « Avancez, dans la joie, la cohérence, avec toujours le courage de dire la vérité, le courage de sortir de soi pour rencontrer Jésus dans la prière, et de sortir de soi pour rencontrer les autres et leur donner l’Évangile (…) ». Et récitons cette belle prière, attribuée à Saint François d’Assise : « Seigneur faites de moi un instrument de paix. Là où est la haine, que je mette l’amour. Là où est l’offense que je mette le pardon. Là où est la discorde, que je mette l’union. Là où est l’erreur, que je mette la vérité. Là où est le doute, que je mette la foi. Là où est le désespoir, que je mette l’espérance. Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière. Là où est la tristesse, que je mette la joie. O Seigneur, que je ne cherche pas tant à être consolé qu’à consoler. À être compris qu’à comprendre. À être aimé qu’à aimer. Car c’est en se donnant qu’on reçoit. C’est en s’oubliant qu’on se trouve. C’est en pardonnant qu’on est pardonné. C’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie. » Ainsi soit-il. Bibliographie « François d’Assise, entre histoire et mémoire » André Vauchez, ed. Fayard « François d’Assise et l’esprit franciscain » Ivan Gobry, ed. Seuil « Saint François d’Assise où la puissance de l’amour », Stan Rougier, ed. Albin Michel « Frère François » Julien Green, ed. Seuil « Vie de Saint François d’Assise » Omer Englebert, ed. Albin Michel « François d’Assise, la joie parfaite » Stéphane Barsacq, ed. Points « Les fioretti » François d’Assise, ed. Points

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ORDRE DIVIN ET BEAUTÉ DE LA CRÉATION

« Dieu a donné l'être aux choses à cause de Sa bonté qu'Il veut communiquer et représenter en elles. » (St. Thomas d'Aquin.) Méditation 6 Chers pèlerins, Voici une nouvelle étape dans nos méditations sur la création. Aujourd'hui ouvrons nos yeux, nos oreilles et notre cœur et laissons-nous enseigner par cette nature qui nous entoure. I. LA CREATION EST BELLE ET BONNE L’émerveillement face à l'univers est l'une des plus anciennes expériences de l'homme. Déjà Abraham contemplait les étoiles du ciel il y a 4000 ans. Cette expérience consiste d'abord à s’étonner de la grande diversité de la nature, dans laquelle nous voyons un foisonnement d'êtres les plus variés : « la terre est remplie de ta richesse » dit le psalmiste (104,24). L’étonnement nous fait ensuite chercher à comprendre « comment ça marche ? », et cette deuxième étape est à l'origine des recherches scientifiques qui ne cessent de se développer de nos jours. Et notre émerveillement ne fait que croître, car nous observons que ce monde visible est non seulement beau mais, de plus, remarquablement ordonné : - les fleuves suivent leur tracé, lié aux conditions physiques des pays qu'ils traversent. Les marées sont si régulières qu'on peut calculer la date de chacune, sa durée et son coefficient. L'ordre des saisons est immuable.

46 - Les végétaux sont soumis aux lois de leur croissance, et s’adaptent au climat dans lequel ils se développent. Les paysans savent quand il faut semer et quand ils peuvent moissonner. - Les animaux ont cette particularité de se déplacer par eux-mêmes. Mais ils sont soumis à la loi de leur instinct qui les fait vivre, se reproduire, rechercher leur nourriture de manière précise. Ainsi, le scientifique constate que toutes les conditions ont été réunies sur terre pour que des êtres vivants puissent y demeurer : formation d'une atmosphère, présence d'eau à l'état liquide, prolifération de végétaux et d'animaux qui assurent la nourriture ; il peut alors conclure : « c'est comme si tout avait été fait pour que l'homme puisse vivre sur terre » Mais, au-delà de ce monde visible si bien ordonné, la Révélation nous dit qu’il y a un monde invisible, également ordonné, celui de purs esprits qu’elle nomme les "anges". Par nature, les anges se situent au-dessus de l’homme, puisqu’ils sont sans matière. Créés en premier pour adorer et servir Dieu, certains d’entre eux n’ont pas voulu résister à l’orgueil qui les poussait à vouloir s’égaler à Dieu et ils se révoltèrent. C’est l’origine du royaume de Satan dont nous avons déjà parlé dans une précédente méditation. Cependant, parmi les anges, beaucoup demeurèrent dans une parfaite obéissance à Dieu. Ils constituent, autour de Lui, ce que l’on appelle la cour céleste. Trois d’entre eux ont joué un rôle particulièrement important dans la vie de l’Église et dans l’histoire humaine : - L’archange Saint Michel, le prince de la milice céleste qui chassa Satan du paradis, en poussant ce cri terrible à l’adresse de l’ange révolté : « Qui est comme Dieu ? ». Il faisait partie du "conseil" de Jeanne d’Arc et veille particulièrement sur notre pays. Il est invoqué à la fin de toutes les messes privées célébrées selon la forme extraordinaire du rit romain, pour nous secourir dans le danger. Prions- le, pour qu’il nous garde fermes dans la Foi et pour que, dans nos vies, nous réservions toujours à Dieu la première place. - L’archange Saint Raphaël, qui prit soin de Tobie et de sa famille (livre de Tobie, chapitre 12). Prions-le pour nos familles, cellules de bases de la société, aujourd’hui si gravement menacées, et aussi pour les médecins et le personnel de santé dont il est le saint patron, en particulier pour ceux qui se dévouent au sein de notre pèlerinage. - L’archange Saint Gabriel, qui reçut le ‘Fiat’ de la Vierge Marie, le jour de l’Annonciation. Prions-le pour qu’il nous donne le courage de toujours accepter les desseins de Dieu et nous garde fidèles aux engagements que nous aurons pris au cours de ce pèlerinage. 47 Rappelons-nous, aussi, que chacun d’entre nous a son propre « Ange Gardien », donné par Dieu dès sa conception. Il en est de même pour nos familles et nos pays qui ont, eux aussi, leur propre ange protecteur. Souvenons-nous enfin, que c’est sous la protection des Saints Anges Gardiens que l’ancien chapitre des non marcheurs est désormais placé. Rassemblant tous ceux qui, ne peuvent marcher avec nous sur la route de Chartres, mais désirent nous rejoindre, ce chapitre nous soutient par la prière tandis que, de notre côté, nous portons les intentions qu’ils nous ont confiées, pour les déposer aux pieds de la Vierge de Chartres. Ainsi, c’est toute la cour céleste qui veille et prie pour notre sanctification personnelle et pour le retour à Dieu de nos nations, afin que celles-ci retrouvent la paix dans l’ordre et la tranquillité. Et puis, faisant le lien entre le monde matériel et le monde invisible, il y a l’homme, créé avec un corps qui le rattache au monde matériel et une âme qui le relie au monde invisible et lui permet « par la connaissance et l’amour, de partager la vie de Dieu » (CEC 356). À l’homme, Dieu voulut donner une compagne : la femme. Il les créa « dans une parfaite égalité en tant que personnes humaines d’une part, et d’autre part, dans leur être respectif d’homme et de femme. (…) L’homme et la femme sont, avec une même dignité, à " l’image de Dieu." Dans leur ‘être homme’ et leur ‘être femme’, ils reflètent la sagesse et la bonté du Créateur ». (CEC 369) Dieu les a créé « l’un pour l’autre », pour « une communion de personne en laquelle chacun peut être « aide » pour l’autre, parce qu’ils sont à la fois égaux en tant que personne et complémentaires en tant que masculin et féminin. Dans le mariage, Dieu les unit de manière que, en formant une" seule chair " (Gn 2, 24), ils puissent transmettre la vie humaine » (CEC 372). Comment ne pas s’émerveiller, là encore, devant l’œuvre du Créateur, qui de plus, a instauré dans l’univers visible une hiérarchie qu’Il a mise au service de l’Homme : « Qu’ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre... » (Genèse 1,26). II. LA LOI NATURELLE NOUS DIT COMMENT USER DE LA CREATION Nous avons contemplé un ordre de l'univers dans lequel la nature donne à chaque être sa « feuille de route » c'est-à-dire les axes de son développement authentique vers la fin qui lui convient. Pour les êtres matériels, il existe des lois physiques, telle la loi de la gravité qui fait qu’une pierre lâchée dans le vide tombera nécessairement

48 vers le bas ; d’autres phénomènes de la nature obéissent également à des lois : le flux et le reflux quotidien de l'océan, la trajectoire immuable des planètes, mais aussi l’ouverture des fleurs au soleil et l’instinct des animaux qui pousse le lion à chasser et l’oiseau à chanter... Pour les êtres doués de raison, comme les hommes, qui peuvent comparer des biens à atteindre et les choisir librement, il n'y a pas de lois physiques nécessaires pour leur agir, ni d'instinct qui les pousse vers une fin. Certes, ils doivent tenir compte de leurs inclinations naturelles, telles que la peur du danger, l’attirance pour l'autre sexe, le besoin de nourriture, le désir de connaître la vérité..., pour choisir ce qui convient à leur nature. Mais, pour l'agir moral, ils ne peuvent se contenter de suivre leurs penchants. En effet, les personnes et les communautés humaines sont capables, à la lumière de la raison, de discerner les orientations d'un agir moral conforme à leur nature et de les exprimer sous forme de préceptes, tels que : « il faut faire le bien et éviter le mal » ou « ne fais à personne ce que tu ne veux pas subir ». Cette loi naturelle est valable pour tous et toujours. Elle est écrite dans nos cœurs (Romains 2,15) cela veut dire que tout homme est capable de la découvrir et d'être convaincu de sa bonté. Antigone, qui n’était pas chrétienne, nous prouve qu’il n'est pas besoin d'être disciple du Christ pour connaître cette loi naturelle. Cependant, nos péchés personnels et certaines cultures peuvent obscurcir notre jugement et rendre cette loi moins évidente. C'est pourquoi, les dix commandements révélés par Dieu représentent une expression privilégiée de la loi naturelle. Redécouvrir la loi naturelle est une urgence. En effet, sans cette loi supérieure, qui s'impose à tous et qui est donc au-dessus des lois civiles, l'homme pourrait croire que son pouvoir est illimité. III. L’ÉGLISE NOUS DONNE SON ENSEIGNEMENT Alors, que nous dit l’Église à ce propos ? 1. La nature doit être intégralement respectée C'est une erreur de réduire la nature à une matière amorphe à laquelle l’homme est libre de donner la finalité qui lui convient (transformation de la nature y compris du corps humain), au risque de provoquer des catastrophes (marées noires, avortements…). Pour éviter cette erreur il faut se souvenir du regard de Dieu sur sa création : « Dieu vit tout ce qu'Il avait fait: cela était très bon » (Gn 1,31). La nature est bonne. Aussi, l'homme qui est invité à exercer sa maîtrise sur la création n'en est pas le maître absolu. Il en est plutôt l’intendant : un 49 gestionnaire responsable qui doit rendre des comptes, comme l’Église nous l’enseigne : « La domination accordée par le Créateur à l'homme sur les êtres inanimés et les autres vivants n'est pas absolue; elle est mesurée par le souci de la qualité de la vie du prochain, y compris des générations à venir; elle exige un respect religieux de l'intégrité de la création » (CEC 2415) 2. La gérance des choses temporelles est du ressort des laïcs « La vocation propre des laïcs consiste à chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu'ils ordonnent selon Dieu... C'est à eux qu'il revient, d'une manière particulière, d'éclairer et d'orienter toutes les réalités temporelles auxquelles ils sont étroitement unis, de telle sorte qu'elles se fassent et prospèrent constamment selon le Christ et soient à la louange du Créateur et Rédempteur. » (CEC 898)

Chers amis pèlerins, Méditer sur la création ne nous conduit pas à une piété mièvre, car il ne s’agit pas seulement d’aimer les fleurs et les petits oiseaux, mais il s’agit aussi de prendre la mesure de notre dignité d'homme à l'image de Dieu. Notre monde a perdu de vue que notre nature nous appelle à de grandes choses : chercher librement le bien qui nous convient, être des intendants responsables de l'univers, assurer la gérance des choses temporelles. Demandons à Dieu de nous accorder la protection de nos anges gardiens par cette prière : « Seigneur, votre ineffable providence a daigné nous envoyer vos saints anges pour nous garder. Nous vous supplions de nous accorder la grâce d’être sans cesse défendus par leur protection et la joie d’être avec eux dans l’éternité. Par Jésus Christ, Notre Seigneur. » Sans oublier, en ce début de journée, de solliciter, comme nous devrions le faire chaque matin, notre ange protecteur : « Ange de Dieu, qui êtes mon gardien et à qui la bonté divine m’a confié : éclairez-moi, gardez-moi, dirigez-moi, et gouvernez-moi pendant ce jour. Ainsi soit-il ». Citations « Qu’ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre... » (Genèse 1,26). « Les cieux proclament la gloire de Dieu, et le firmament raconte l’ouvrage de ses mains ; le jour au jour en publie le récit et la nuit à la nuit en donne connaissance. Pas de paroles dans ce récit, pas de voix qui s’entende ; mais sur toute la terre en paraît le message et la nouvelle aux limites du monde. » Ps (19, 2-3)

50 « Si, charmés par leur beauté, ils les ont prises pour des dieux, qu’ils sachent que leur Maître est supérieur, car c’est la source même de la beauté qui les a créées. (…) Qu’ils en déduisent combien est plus puissant Celui qui les a formés, car la grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur auteur. » Sagesse 13, 3-5 « Bénissez le Seigneur pour toutes ses œuvres. Magnifiez son nom, publiez ses louanges, par vos chants, sur vos cithares, et vous direz à sa louange : Quelles sont magnifiques toutes les œuvres du Seigneur ! (…) Les œuvres du Seigneur sont toutes bonnes - belles, il donne sa faveur à qui en a besoin, à l’heure propice. Il ne faut pas dire : Ceci" est moins bon que cela !" car tout en son temps sera reconnu bon - beau. » Ecclésiaste 39, 15-16 et 33-34 « Ce qu’il y a d’invisible depuis la création du monde, l’éternelle puissance et la divinité de Dieu, se laisse voir à l’intelligence à travers ses œuvres. » Rm 1, 20 « Immuable, la loi naturelle est commune à tous les peuples. Ses préceptes jouent vis-à-vis de l’action humaine le même rôle que les principes premiers vis-à-vis des sciences. Elle est universellement accessible à la raison : « il y a en tout humain une inclination naturelle à agir conformément à sa raison, ce qui est proprement agir selon la vertu. » Lui appartient ce que l’instinct naturel apprend à tous les animaux : l’union du mâle et de la femelle, le soin des petits, la conservation de la vie etc. Lui appartient aussi tout ce qui relève d’un désir conforme à notre nature propre d’être raisonnable : éviter l’ignorance, ne pas nuire au prochain ... » Saint Thomas d’Aquin – ST, la, q 94 « Dans la Création, nous trouvons l’échelle pour monter vers Dieu. » Benoît XVI « En éliminant le Christ, vous éliminez de l’humanité l’idéal de la beauté et du bien, vous le rendez inaccessible. Car le Christ est venu exactement pour cela : pour que l’humanité sache et reconnaisse qu’un esprit humain véritable peut apparaître dans cet éclat céleste, en fait, et dans sa chair, pas seulement en rêve ou dans l’idéal – que c’est naturel et possible. » Fiodor Dostoïevski (1821-1881) – Les frères Karamazov « La beauté est venue dans le monde avec la création, par la volonté de Dieu et la puissance de l’Esprit de lumière. Elle a été mise en toute chose et en tout être. Dieu, dans sa grande bonté de Père a voulu nous la donner comme cadeau merveilleux afin que l’homme puisse être heureux. Oui, sœur Beauté, fille bien aimée de Dieu est née avec la création du monde. (…) Et" Dieu vit que cela était bon" Dieu, la Beauté même, a été le premier à contempler la beauté. "Et Dieu vit que cela était bon !" : c’est l’exclamation de Dieu devant sa création. Elle lui plaît, il la trouve belle. (…) Quand l’homme fut créé, la beauté déjà inondait la nature. Le jardin resplendissait de lumière et ses premiers habitants étaient beaux. » E. Turony, cité dans Tychique 164 Bibliographie Catéchisme de l’Église Catholique 299, 341, 353, 1333 « Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église », 26 à 39 et 108 à 110.

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L’HOMME FACE À LA CRÉATION : LE RESPECT QU’IL LUI DOIT « Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Eden pour le cultiver et pour le garder » Gn II, 15 Méditation 7 Chers pèlerins, Après que nous ayons entrevu la perfection de l’Ordre Divin à travers la beauté de la création, nous nous proposons maintenant d’examiner la raison pour laquelle Dieu a voulu confier la création à l’homme et quelle conséquences nous devons en tirer dans l’usage que nous pouvons en faire. I. POURQUOI DIEU A-T’IL CONFIE LA CREATION A L’HOMME ? 1. Dieu confie la création à l’homme pour qu’elle nous parle de lui et nous le fasse connaitre et aimer : le « livre de la création » Dieu a confié la création à l’homme non seulement pour qu’elle lui assure les conditions de la vie matérielle (nourriture, abri, etc.) mais plus encore pour qu’elle chante les gloires de Dieu. Nos anciens aimaient dire que Dieu s’est exprimé non seulement dans la Bible, le livre de la révélation, mais aussi dans le monde de la nature, le livre de la création. A. L’EMERVEILLEMENT DEVANT LA CREATION COMME FONDEMENT DE TOUTE CULTURE ET DE TOUTE PHILOSOPHIE «L’émerveillement est le début de la philosophie » (Socrate, Thaetetus, 155d), c’est-à-dire de la recherche de la sagesse ; c’est le fondement de toute culture et de toute philosophie. Devant la richesse de la création nous recherchons tout naturellement sa cause ultime. « Par la contemplation des choses créées, notre intelligence peut monter jusqu’à cerner l’existence de Dieu, tout comme on connaît une cause par ses effets » (concile Vatican I). B. LE TEMOIGNAGE DE L’ÉCRITURE SAINTE La Sainte Bible, aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, témoigne que l’homme peut dans une certaine mesure connaître Dieu, ou tout du moins savoir qu’Il existe, en contemplant la beauté de la création : « la grandeur et la beauté des créatures font connaître par analogie Celui qui en est le Créateur » (Sag 13, 5). Et Saint Paul d’ajouter : « [Les païens] 52 sont donc inexcusables, puisque, ayant connu Dieu, ils ne l'ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces… » (Rom 1, 20-21). C. LE TEMOIGNAGE DE LA TRADITION CHRETIENNE Nous pouvons penser à la longue lignée de saints, – dont notamment saint François d’Assise que nous prions tout particulièrement aujourd’hui, – qui ont fait de l’amour de la création un des points centraux de leur spiritualité. 2. Dieu confie la création à l’homme, pour que l’homme conduise la création vers Dieu : la dimension liturgique de la création A. DIEU CREE TOUT LIBREMENT, POUR SA GLOIRE « Le monde a été créé pour la gloire de Dieu » (Cc. Vatican I : DS 3025). Saint Bonaventure explique que Dieu a créé toutes choses, « non pour accroître la Gloire, mais pour manifester et communiquer cette Gloire » Car Dieu n’a pas d’autre raison pour créer que son amour et sa bonté (C.E.C., nº 293). - cas des êtres dépourvus de raison Sans choix délibéré de leur part, en existant selon leur nature, ils glorifient le Créateur qui les a tirés du néant. - cas des êtres intelligents La « liturgie » de la création a besoin de l’homme pour rassembler le cantique silencieux des êtres dépourvus de raison. « C’est seulement alors, qu’il y a religion et liturgie » (Dom Delatte). B. L’HOMME, SOMMET DE LA CREATION MATERIELLE, EST UN MICROCOSME L’homme, union d’un corps matériel et d’une âme spirituelle, résume en lui-même toute la hiérarchie mystérieuse qui existe au sein de l’univers créé, au sein du cosmos. Ainsi, - nous occupons un lieu comme tous les corps physiques ; - nous accomplissons des opérations communes à tous les êtres vivants, telles que nutrition, croissance, reproduction ; - comme tous les animaux, nous avons des sens internes et externes qui nous mettent en contact avec le monde qui nous entoure… - Spirituelle comme les anges, notre âme s’ouvre aux plus hautes vérités et nous invite à répondre à l’invitation que Dieu adresse seulement aux êtres doués d’intelligence et de volonté. C. SELON LE PLAN DE DIEU, L’HOMME EST COMME LE « GRAND PRETRE » DE LA CREATION Toute proportion gardée, considérer la création comme le Temple de la présence de Dieu, c’est nous inviter à une profonde révérence devant la création.

53 Le monde créé est comme un Temple (ce que font entendre maints passages dans les psaumes), et l’homme est le prêtre que Dieu y met pour le garder et le cultiver : autrement dit, pour manifester la gloire divine à travers la création. La liturgie nous rappelle la beauté et la dignité de la création. L’Église se plaît à nous rappeler que la création n’est point un fait passé mais une réalité qui se prolonge dans la vie du croyant. D’ailleurs, l’un des thèmes principaux du Psautier est la gloire de Dieu manifestée dans la création. Le thème de la création est particulièrement prononcé dans les rites de la Vigile Pascale, avec la lecture des prophéties et la bénédiction des deux éléments primordiaux qui sont la lumière et l’eau. La liturgie sanctifie les biens créés pour les conduire à Dieu. « Dieu nous touche par le moyen des réalités matérielles, à travers des dons de la création qu’Il met à son service... » (Benoît XVI). Les sacrements sont l’exemple le plus évident, mais songeons aussi aux processions des Rogations, avec les bénédictions des champs, ou les très nombreux sacramentaux, qui doivent être pour nous autant d’occasions de remercier le Bon Dieu pour les merveilles de sa création. La liturgie, – et surtout les sacramentaux et les bénédictions des choses créées, – témoigne donc de la récapitulation de toute chose dans le Christ. II. COMMENT L'HOMME DOIT-IL UTILISER ET PROTEGER LA CREATION : L’ECOLOGIE CATHOLIQUE ? 1. Des erreurs concernant les rapports entre l’homme et la création Le Pape Benoit XVI nous met en garde : « L’importance de l’écologie est désormais indiscutée. Nous devons écouter le langage de la nature et y répondre avec cohérence. Je voudrais cependant aborder avec force un point qui aujourd’hui comme hier est – me semble-t-il – largement négligé : il existe aussi une écologie de l’homme. L’homme aussi possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté… Il est esprit et volonté, mais il est aussi nature, et sa volonté est juste quand il respecte la nature, l’écoute et quand il s’accepte lui-même pour ce qu’il est… C’est justement ainsi et seulement ainsi que se réalise la véritable liberté humaine ». A. « ÉCOLOGISME » MODERNE : LA « NATURE » COMME UNE FIN EN SOI Dans l’histoire de la pensée, et même aujourd’hui dans une certaine sentimentalité religieuse à la mode, certains ont cru devoir identifier Dieu avec le monde (c’est l’erreur appelée panthéisme) : Dieu ne serait pas une

54 personne transcendante qui nous créé librement par amour, mais Il serait tout simplement le monde. Une version sécularisée de cette erreur peut se reconnaître dans certains courants de l’écologie moderne. L’homme serait même l’ennemi parce qu’il abîme la nature en l’utilisant. D’où la prétendue nécessité de limiter les populations. Ce courant, qui ne reconnaît pas Dieu tel que la révélation biblique nous le fait connaître, ignore aussi l’homme créé à l’image de Dieu. B. UTILITARISME OUTRANCIER : EXPLOITATION DES BIENS CREES Les papes le plus récents nous ont prévenus sans cesse du danger qui existe lorsque l’homme regarde le monde comme un champ d’exploitation destiné à satisfaire ses désirs personnels. Ainsi l’homme-consommateur perd son lien avec les autres hommes (crées eux-aussi à l’image de Dieu et qui doivent eux-aussi pouvoir jouir des biens de la terre) ; il perd aussi tout sens de l’harmonie avec la création, qu’il ne respecte et ne contemple pas, mais qu’il ne fait qu’utiliser. C’est cette culture de consommation que le Pape François stigmatise, en l’appelant « culture de rebut » : un malfaisant utilitarisme qui tend à devenir une mentalité commune. N’en serions-nous pas coupables, nous aussi ? 2. La vision catholique : l’homme comme intendant de la création En 1979 le Pape Jean-Paul II a proclamé Saint François d’Assise « patron céleste de l’écologie» (lettre apostolique Inter Sanctos), signifiant ainsi que les catholiques ne peuvent se désintéresser des réalités écologiques. Or, le plan de Dieu concernant la place de l’homme dans le monde (dès avant la chute) se résume en deux points : l’homme peut utiliser la création, et il doit la protéger. En bref, l’homme est l’intendant de la création. L’intendant, c’est celui qui doit gérer ce qui ne lui appartient pas, sachant qu’il aura à rendre compte de son ministère : il ne doit ni s’approprier ni gaspiller ce qui lui est confié. A. L’HOMME PEUT UTILISER LA CREATION « Il est légitime de se servir des animaux pour la nourriture et la confection des vêtements. On peut les domestiquer pour qu’ils assistent l’homme dans ses travaux et dans ses loisirs. Les expérimentations médicales et scientifiques sur les animaux sont des pratiques moralement acceptables, pourvu qu’elles restent dans des limites raisonnables et contribuent à soigner ou sauver des vies humaines » (C.E.C. nº 2417). Ce qui est vrai des animaux, (êtres sensibles), l’est également pour les êtres inférieurs de la création.

55 L’homme est maître de la création mais il n’en est pas le tyran. La raison devrait nous permettre d’utiliser la création en respectant son but : pourvoir aux besoins de tous les hommes (destination universelle des biens de la terre) et nous faire admirer la sagesse et la bonté du Créateur. L’homme peut « utiliser » la création pour pourvoir à ses besoins physiques, mais aussi pour ses « besoins métaphysiques ». Le chrétien est appelé à utiliser les biens créés avec révérence et gratitude, conscient du fait qu’ils sortent des mains de Dieu. B. L’HOMME DOIT PROTEGER LA CREATION Le Catéchisme nous dit : « La domination accordée par le Créateur à l’homme sur les êtres inanimés et les autres vivants n’est pas absolue ; elle est mesurée par le souci de la qualité de la vie du prochain, y compris des générations à venir ; elle exige un respect religieux de l’intégrité de la création » (C.E.C. nº 2415). De nos jours les pontifes romains insistent fortement sur le lien entre la protection de la nature et le respect pour la vie humaine ; c’est même une note essentielle du magistère pontifical sur l’écologie, De plus, « protéger la nature » veut dire respecter l’être des choses telles qu’elles ont été créées par Dieu, ne pas les manipuler : respecter, par exemple, la différence entre les sexes est un aspect indispensable de la protection de la création.

Chers amis pèlerins, L’écologie catholique repose sur l’état d’esprit qui animait les grands mystiques : l’esprit d’admiration, de joie et de gratitude qui les faisait adorer dans la création les desseins de la providence du Créateur. C’est un état d’esprit qui nous fait éviter les dangereux extrêmes d’un écologisme antihumain et d’un goût excessif pour les prouesses de la technologie. Arrivons-nous, nous même, à garder cet équilibre ? Je vous propose d’y réfléchir quelques instants en silence, avant de réciter ensemble la prière de Saint Ignace de Loyola : « Recevez, Seigneur, l’offrande de ma liberté. Recevez ma mémoire, mon intelligence, toute ma volonté. Tout ce que j’ai, tout ce que je suis, c’est Vous qui me l’avez donné. Je vous le rends, Seigneur, sans réserve, pour que vous en disposiez selon votre bon plaisir. Donnez-moi seulement votre amour et votre grâce ; et je suis assez riche, et je ne demande rien de plus. Ainsi soit-il. »

56 Citations « Puis Dieu dit: Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. » Genèse I-26 « Cette domination, (l’homme) la tient en vertu de sa raison, parce qu’elle surpasse tous les animaux » St Thomas d’Aquin, Super Psalmo 8, n. 5 « L’activité humaine, individuelle et collective, ce gigantesque effort par lequel les hommes, tout au long des siècles, s’acharnent à améliorer leurs conditions de vie, correspond au dessein de Dieu. La capacité de l’homme de transformer et en un sens de créer le monde par son travail s’accomplit toujours à partir du premier don originel des choses fait par Dieu.Dieu a voulu que l’homme soit le roi de la création.» Concile Vatican II - Gaudium et Spes « L’homme en prend brusquement conscience : à travers une exploitation inconsidérée de la nature, il risque de la détruire et d’être à son tour victime de cette dégradation. » Paul VI, Octogesima Adveniens, 21 : « Héritiers des générations passées et bénéficiaires du travail de nos contemporains, nous avons des obligations envers tous, et nous ne pouvons-nous désintéresser de ceux qui viendront agrandir après nous le cercle de la famille humaine. La solidarité universelle qui est un fait, et un bénéfice pour nous, est aussi un devoir. » Paul VI, Populorum Progressio « L’homme, saisi par le désir d'avoir et de jouir plus que par celui d'être et de croître, consomme, d'une manière excessive et désordonnée, les ressources de la terre et sa vie même... Au lieu de remplir son rôle de collaborateur de Dieu dans l'œuvre de la création, l'homme se substitue à Dieu et, ainsi, finit par provoquer la révolte de la nature, plus tyrannisée que gouvernée par lui » Bx Jean-Paul II (, nº 37). « Le respect pour la création découle du respect pour la vie et la dignité humaines… Les chrétiens et les autres croyants doivent jouer un rôle spécifique en (…) éduquant les personnes à une conscience de l’écologie, qui n’est autre que la responsabilité envers soi-même, envers les autres, et envers la création. La société actuelle ne trouvera pas de solution au problème écologique si elle ne révise pas sérieusement son style de vie… Si le sens de la valeur de la personne et de la vie humaine fait défaut, on se désintéresse aussi d’autrui et de la terre. » Bx Jean-Paul II, Journée de la Paix 1990 « Si la nature, et en premier lieu l’être humain, sont considérés comme le fruit du hasard ou du déterminisme de l’évolution, la conscience de la responsabilité s’atténue dans les esprits. Dans la nature, le croyant reconnaît le merveilleux résultat de l’intervention créatrice de Dieu, dont l’homme peut user pour satisfaire ses besoins légitimes – matériels et immatériels – dans le respect des équilibres propres à la réalité créée. Si cette vision se perd, l’homme finit soit par considérer la nature comme une réalité intouchable, soit, au contraire, par en abuser. Ces deux attitudes ne sont pas conformes à la vision chrétienne de la nature, fruit de la création de Dieu » Benoît XVI, Caritas in veritate nº 48

57 « Aujourd’hui plus que jamais il nous paraît clair que le respect pour l’environnement ne peut pas manquer de reconnaitre la valeur et l’intégrité de la personne humaine à chaque stade de vie et dans chaque condition. Le respect pour l’être humain et le respect pour la nature sont une seule et même chose, mais ils ne pourront développer et atteindre leur plénitude si nous ne respectons pas le Créateur et sa créature dans l’être humain et dans la nature ». Benoit XVI « [L’Église] ne doit pas seulement défendre la terre, l'eau et l'air comme des dons de la création appartenant à tous. Elle doit également protéger l'homme contre la destruction de lui-même. Il est nécessaire qu'il existe quelque chose comme une écologie de l'homme, entendue d'une juste manière. Il ne s’agit pas d'une métaphysique dépassée, si l’Église parle de la nature de l'être humain comme homme et femme et demande que cet ordre de la création soit respecté (...) Un message qui ne signifie pas la contradiction de notre liberté, mais sa condition. » Benoit XVI « Si tu veux la Paix, protège la création. » Benoît XVI, Caritas in Veritate « Le respect de la création revêt une grande importance, car la création est le début et le fondement de toutes les œuvres de Dieu et, aujourd’hui, sa sauvegarde devient essentielle pour la coexistence pacifique de l’humanité. » Benoît XVI, Journée mondiale de la Paix 2010 « L’harmonie des lois de la nature, dans laquelle se dévoile une intelligence si supérieure, que toutes nos pensées humaines ne peuvent révéler, face à elle, que leur néant dérisoire. » Albert Einstein « Parle à la Nature et Dieu te répondra. » Raoul Follereau (1903-1977) « C’est la grandeur de l’homme, de dévoiler à ses frères humains les merveilles de la création en ne diminuant pas leur portée métaphysique. » Jacques Vauthier Bibliographie Catéchisme de l’Église Catholique, 354, 2415 à 2418 « Compendium de l’Église Catholique » (catéchisme de l’Église catholique abrégé) 51, 53, 63. « Compendium de la doctrine sociale de l’Église », 26, 487 « Youcat » 436.

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LE MAL ET LE DÉSORDRE OPPOSÉS À LA BEAUTÉ DE LA CRÉATION

« Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5, 20) Méditation 8 Chers pèlerins, Les méditations précédentes nous ont donné de contempler l’harmonie originelle de la Création, la beauté et la bonté de l’ordre établi par Dieu au commencement des temps. Chef d’œuvre de l’univers visible, l’homme a été fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. Alors pourquoi le mal et comment le combattre ? C’est ce que nous allons examiner au cours de cette nouvelle méditation. I. POURQUOI LE MAL : RAPPEL DE L’ENSEIGNEMENT DE L’ÉGLISE SUR LE PECHE ORIGINEL Revenons sur ce que nous disions hier au cours de notre méditation sur la création de l’homme. Seule créature que Dieu a voulu pour elle-même, l’homme a été créé libre, car il ne peut y avoir d’amour contraint. La chute originelle : Hélas, dès nos premiers parents, l’homme s’est dérobé au plan d’amour de Dieu. Par le péché, il a pour ainsi dire imposé à Dieu la violence d’un divorce. « L’homme, tenté par le diable, a laissé mourir dans son cœur la confiance envers son Créateur et, en abusant de sa liberté, a désobéi au commandement de Dieu. C’est en cela qu’a consisté le premier péché de l’homme. Tout péché par la suite, sera une désobéissance à Dieu et un manque de confiance en sa bonté ». (CEC n°397) La séparation d’avec Dieu, par le péché, est l’origine du Mal. Pour décrire cette rupture avec l’harmonie originelle, la Genèse utilise un langage imagé, mais les faits rapportés n’en sont pas moins réels : « Le récit de la chute (…) affirme un événement primordial, un fait qui a eu lieu au commencement de l’histoire de l’homme. La Révélation nous donne la 59 certitude de foi que toute l’histoire humaine est marquée par la faute originelle librement commise par nos premiers parents. » (CEC n° 390) La propagation du péché originel : Parce que Adam et Ève avaient été constitués chefs du genre humain, leur péché s’est propagé à tous les hommes à chacun de nous, à l’exception de la Vierge Marie, en raison du privilège de l’Immaculée Conception, et, bien sûr, à l’exception de son fils, le Christ, Fils de Dieu fait homme précisément pour venir guérir et sauver l’humanité gisant sous le joug du péché. Conséquences : En se séparant de Dieu par le péché, Adam et Ève ont dilapidé les biens précieux reçus de Dieu. Dès lors ils sont devenus incapables de nous les transmettre. En lieu et place de l’héritage excellent originellement reçu, ils nous ont légué une nature blessée, inclinée vers le mal, privée de la grâce sanctifiante et des dons préternaturels qui l’accompagnaient. Ces dons étaient « l’intégrité, c’est-à-dire la parfaite soumission des sens à la raison ; l’immortalité ; l’immunité de toute douleur et misère ; la science proportionnée à leur état » (Grand catéchisme de Saint Pie X). Ces dons étaient absolument gratuits, comme la grâce sanctifiante elle- même. Ils ont été perdus ; nous en naissons privés ; nous connaissons la révolte des sens contre l’esprit, la souffrance physique et morale, la mort, l’aveuglement de l’esprit qui devient facilement la proie de l’erreur. Surtout, la perte de la grâce sanctifiante conduit à la privation de la vision de Dieu et du Royaume des Cieux : sans la Rédemption acquise par le Christ, le Ciel aurait été fermé pour nous. Brisant en lui l’image de Dieu, l’homme est tombé dans la laideur du péché, qui est la vieillesse du monde, et il est entré dans le désordre de la révolte. II. LA REACTION FACE AU MAL : LA VIOLENCE OU L’HUMILITE 1. La violence : La violence contre Dieu, contre le prochain, et contre soi-même est la marque de l’homme révolté. Prisonnier du mal, il ne trouve pas d’échappatoire. Aussi accuse-t-il Dieu du mal dont Dieu est innocent mais dont l’homme est coupable. Dans toutes les difficultés de l’existence, il met Dieu en accusation. Qu’il arrive une catastrophe, et c’est la faute de Dieu : quand la nature devient rebelle à l’homme, ce dernier n’a point l’idée d’en rechercher l’origine dans sa propre révolte contre Dieu. Pourtant Dieu avait constitué l’homme Maître de l’univers visible, chargé de gouverner la terre et de la soumettre. Mais l’univers ne lui est plus soumis depuis qu’il est entré dans la désobéissance à Dieu. Le désordre est entré dans le monde par le fait du péché, non par le fait

de Dieu. La violence contre Dieu ne sert de rien, là où l’homme devrait 60 s’examiner lui-même. Que dire des guerres, de la violence politique ou des injustices sociales ? Que dire des familles éclatées, de l’individualisme qui fait de l’homme un loup pour l’homme ? Faut-il de tous ces maux accuser Dieu ? Ou ne faudrait-il pas reconnaître plutôt que quelque chose dans la nature humaine est abîmé par le péché, que tous ces désordres sont le signe d’une humanité blessée, qui se mutile elle-même, comme ne le font pas les animaux, et qui se montre d’une cruauté, si répandue et conduisant à de tels bains de sang, qu’elle devrait nous guérir à tout jamais de l’utopie consistant à voir en l’homme un bon sauvage ? La violence de l’homme contre son prochain a commencé, dès après la chute, avec le meurtre d’Abel par Caïn. L’idée du meurtre est née du regard mauvais porté par Caïn jaloux de son frère. Qui d’entre nous peut dire que jamais ce mauvais œil ne fausse son regard ? La violence est entrée dans le cœur de l’homme, et Satan, qui est homicide dès le commencement, mène le bal de la destruction de l’homme par l’homme. La culture de mort en est l’achèvement. Cette violence enfin conduit l’homme à se détester lui-même. Esclave de ses passions, il ne s’aime pas lui-même. En s’éloignant de Dieu, l’homme ne trouve pas la liberté mais l’aliénation. La licence qu’il confondait avec la liberté devient son châtiment. Il ne trouve dans ce voyage au bout de la nuit que la tristesse et la mort. En s’éloignant de Dieu, de qui il tire son existence, l’homme s’anéantit lui-même. 2. L’humilité : Heureusement, le constat de son malheur peut conduire l’homme à faire retour sur lui-même. Telle est la voie de l’humilité, qui est fille de la vérité. S’il accepte de considérer combien sans Dieu il est blessé, l’homme pourra se mettre en route comme l’enfant prodigue, sur un chemin de conversion auquel le Christ l’appelle. Or, après la chute, la nature humaine n’est pas entièrement ou définitivement corrompue. Elle reste capable d’accueillir la grâce. Elle gémit après son sauveur. Et cette aspiration au salut correspond au désir de Dieu qui est de racheter sa créature, de la réconcilier avec lui. Seulement, après la chute, entre Dieu et l’homme il y a un abîme qui semble infranchissable : le péché, par-delà sa matière, offense infiniment Dieu. En effet la dignité de la personne offensée est telle qu’aucune action ou sacrifice de l’homme ne saurait suffire à réparer cette offense faite à Dieu, L’aspiration au Salut serait-elle donc vaine ? Abraham, Moïse, les Patriarches, les Juges, les Rois d’Israël ont-ils cru et espéré en vain ? Non, car bientôt entrera dans le monde celui qui seul pouvait restaurer l’ordre, et même établir l’homme dans une dignité nouvelle, une condition plus haute que celle d’Adam. 61 III. LE VERITABLE SENS DE LA CROIX : LA REPARATION Vrai Dieu et vrai homme, le Christ, venu en ce monde pour guérir et sauver ce qui était perdu, consomme par son Sang versé sur la Croix le seul Sacrifice efficace pour notre salut. En se faisant obéissant jusqu’à la mort sur la Croix (Ph 2, 6 et s.), Jésus-Christ répare le désordre de la désobéissance d’Adam ainsi que le désordre de nos péchés personnel, pourvu que nous les regrettions et les lui remettions au lieu de les garder sur nous comme un poids qui nous écrase. Parce que le Christ est vraiment homme, ce sacrifice est vraiment une réparation offerte par l’homme à Dieu. Jésus-Christ est l’agneau sans tache, prophétisé par Isaïe, le serviteur souffrant qui porte les péchés du monde. Parce que le Christ est vraiment Dieu, ce sacrifice est d’une valeur infinie. Là où tous les sacrifices et holocaustes de l’Ancien Testament s’avéraient insuffisants, Jésus-Christ, Souverain Prêtre qui scelle en son Sang une alliance nouvelle et éternelle, consomme, parce qu’il est Fils de Dieu, le sacrifice parfait qui nous réconcilie avec son Père. Notre Père éternel agrée ce sacrifice comme Abraham consentit à sacrifier Isaac, son fils unique. Jésus-Christ, Fils unique du Père, meurt sur la Croix, puis ressuscite. Ainsi sa Croix n’est pas seulement douloureuse mais également glorieuse. Elle est l’instrument du Salut, d’une victoire définitive sur Satan, sur le péché et sur la mort. Jésus-Christ devient le Nouvel Adam, l’aîné d’une multitude de rachetés, d’une humanité rassemblée dans l’Église véritable Arche du salut. Les portes du Ciel nous sont à nouveau ouvertes, et la grâce sanctifiante inonde à nouveau nos âmes. La condition de l’homme racheté l’emporte même sur celle d’Adam, car par le baptême, nous sommes incorporés au Christ, dont nous devenons les membres, lui qui est la tête de l’Église. Sa vie passe en nous par les sacrements, ce qui fait dire en toute vérité à saint Paul : « ce n’est plus moi qui vit, c’est Jésus-Christ qui vit en moi » (Galates 2, 20). Nous devenons par la grâce « participants de la nature divine » (2 Pierre 1, 4), en tant que fils adoptifs, frères de Jésus-Christ. « À ceux qui l’ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu ». (Jn 1,12). Lavés du péché dans le bain de régénération de la Rédemption, nous avons cependant à mener le combat spirituel. « Le disciple n’est pas au-dessus de Maître », et nous devons nous même porter notre croix et participer au sacrifice du Christ, comme le signifie la goutte d’eau versée dans le vin à l’offertoire de la Messe.

62 Chers amis pèlerins, Ces propos que nous venons d’entendre ne doivent pas nous décourager, bien au contraire. Le mal existe certes, mais nos sacrifices, unis à celui du Christ, acquièrent une valeur infinie pour la vie éternelle. Soyons donc généreux dans l’acceptation des souffrances de cette vie, pour participer à l’œuvre de la Rédemption et faisons-le dans la joie, comme Saint Paul s’adressant aux Colossiens : « Je me réjouis, maintenant dans mes souffrances pour vous; et ce qui manque aux souffrances du Christ, je l'achève en ma chair, pour son corps, qui est l'Église » (Col I, 24) Gardons maintenant quelques instants de silence avant de réciter ensemble quelques couplets du Vexilla Regis. « Voici l’étendard du Christ Roi Voici briller sa croix bénie ! Le Dieu de vie subit la mort ; Par sa mort, il nous rend la vie. (…)

Salut, Ô Croix, l’unique espoir, Pendant ce temps de la Passion, Aux justes donne plus de grâces, Aux pécheurs donne le pardon.

Trinité, source du salut, Que tout esprit vous glorifie ! Nous triomphons par votre Croix ; Donnez-nous le bonheur du ciel. Ainsi soit-il » Citations « Dans ce péché, l’homme s’est préféré lui-même à Dieu, et par là même, il a méprisé Dieu : il a fait choix de soi-même contre Dieu, contre les exigences de son état de créature et dès lors contre son propre bien. Créé dans un état de sainteté, l’homme était destiné à être pleinement ‘divinisé’ par Dieu dans la gloire. Par la séduction du diable, il a voulu ‘être comme Dieu’, mais ‘sans Dieu, et avant Dieu, et non pas selon Dieu’ ». (CEC n°398) Si le baptême nous a délivrés de la faute originelle et rendu la grâce sanctifiante, l’Église nous enseigne que « dans le baptisé, certaines conséquences temporelles du péché demeurent cependant, telles les souffrances, la maladie, la mort ou les fragilités inhérentes à la vie comme les faiblesses de caractère, etc., ainsi qu’une inclination au péché que la Tradition appelle la concupiscence … » CEC n° 1264 « La concupiscence n’est pas capable de nuire à ceux qui, n’y consentant pas, résistent avec courage par la grâce du Christ. Bien plus, celui qui aura combattu selon les règles sera couronné (2 Tm 2, 5). « Nul n'est méchant volontairement. » Platon

63 « Le mal diffère aussi bien de l’être pur et simple que du non-être pur et simple, n’étant ni une possession, ni une pure négation, mais une privation. Nous l’avons dit, le mal n’est que la privation du bien, et le bien consiste principalement et par lui-même dans une perfection et un acte. » Saint Thomas d’Aquin– ST Ia, q48, 2 « Le mal n'a rien de commun avec l'existence. Il ne peut créer, puisque sa force est purement négative : le mal est le schisme de l'être, il n'est pas vrai. » Joseph de Maistre « C’est le Diable qui tient les fils qui nous remuent ! » Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal « Si loin qu [e Satan] pousse la ressemblance de Dieu, aucune joie ne saurait procéder de lui, mais, bien supérieure aux voluptés qui n’émeuvent que les entrailles, son chef-d’œuvre est une paix muette, solitaire, glacée, comparable à la délectation du néant. Quand ce don est offert et reçu, l’ange qui nous garde détourne avec stupeur sa face. » Georges Bernanos, Sous le Soleil de Satan « Je n'ai pas besoin de croire au péché originel, je le vois. » Gustave Thibon Bibliographie Concile de Trente, décret sur le péché originel ; décret sur la justification. Catéchisme de l’Église Catholique, 309-310, 385 à 421, 456 à 463, 571 à 623, 1262 à 1284, 1987 à 2029. « Le mal », Charles Journet, ed. Saint-Augustin, 2001 « Le péché originel et les origines de l’homme », M.-M. Labourdette, Colmar 1953 « Dieu et la permission du mal », Jacques Maritain, DDB, 1964 « La mort et l’au-delà », Joseph Ratzinger, Communion/Fayard, 1994

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FOI ET RAISON

« Si elle n’est pas pensée, la Foi n’est rien » St Augustin Méditation 9 Chers pèlerins, Il est très commun dans le monde actuel, même sans intention agressive, de séparer complètement le domaine de la connaissance, qui serait l’apanage des sciences, et celui des croyances, affaire de goût ou de choix subjectif. Dans cette perspective la Foi, croyance parmi d’autres, est étrangère à la raison lorsqu’elle n’entre pas en conflit avec elle. La doctrine catholique est très éloignée de cette vision. En effet la Foi surnaturelle (théologale), même si elle requiert une intervention de la volonté aimante, est une vertu de l’intelligence qui nous rend capables de donner notre assentiment aux Vérités révélées «non pas à cause de leur vérité intrinsèque perçue par la lumière naturelle de la raison, mais à cause de l'autorité de Dieu même qui révèle, lequel ne peut ni se tromper ni nous tromper (DS 2778, DS 3022). » La doctrine catholique montre que Foi et raison se rencontrent et s’épaulent harmonieusement à trois niveaux : 1. Dans l’accès à la Foi, la raison accompagne l’œuvre intérieure de la grâce 2. La raison imprègne intrinsèquement l’exercice de la Foi pour que celle-ci nourrisse en profondeur notre vie spirituelle. 3. La Foi reconnaît les acquisitions de la raison dont elle montre l’harmonie avec la Révélation, tout en contribuant parfois à rectifier certaines erreurs ou déviations qui peuvent s’insinuer dans la longue quête humaine de la connaissance. C’est ce que nous allons voir maintenant. I. LA RAISON DANS L’ACCES A LA FOI Le CEC (n° 156), reprenant Vatican I, déclare : «pour que l'hommage de notre foi fût conforme à la raison, Dieu a voulu que les secours intérieurs 65 du Saint-Esprit soient accompagnés des preuves extérieures de sa Révélation ” (Vatican I, DS 3009). C'est ainsi que les miracles du Christ et des saints (cf. Mc 16,20 ; He 2,4), les prophéties, la propagation et la sainteté de l'Eglise, sa fécondité et sa stabilité “ sont des signes certains de la Révélation, adaptés à l'intelligence de tous ”, des “ motifs de crédibilité ” qui montrent que l'assentiment de la foi n'est “ nullement un mouvement aveugle de l'esprit ” (Vatican I, DS 3008-3010). Nous avons donc là un premier lien entre la Foi et la raison. La démarche pluridisciplinaire (mise en œuvre de l’histoire, de l’exégèse, de l’anthropologie, de la philosophie….) que l’on nomme apologétique établit que le fait de la Révélation divine en Jésus de Nazareth est bien attesté aux yeux mêmes de la raison humaine. L’aboutissement de cette enquête est l’affirmation de la crédibilité de la Révélation divine proclamée par Jésus (puis transmise par son Église) : il est raisonnable de croire, déraisonnable de refuser son assentiment. Sur cette base solide, la vertu surnaturelle de Foi, don gratuit de Dieu, peut être accueillie en pleine conformité avec les justes exigences de la raison. La raison s’ouvre à cette connaissance révélée qui nous fait accéder aux divins Mystères, naturellement inaccessibles. Une précision s’impose concernant ce premier rapport entre raison et Foi. La Foi elle-même n’est pas une simple conclusion du raisonnement apologétique. En effet, les Mystères divins révélés dépassent tellement la capacité de notre intelligence que, même attestés avec la plus haute garantie humainement accessible (d’où le jugement de crédibilité), ils demeurent non évidents en eux-mêmes. C’est pourquoi la Foi ne peut s’exercer sans une intervention de la volonté (sous l’influx de la grâce divine). Cette volonté consiste au moins en l’amour de la vérité, le désir des biens attendus, et même, normalement (c'est-à-dire lorsque le péché est exclu), l’amour de charité envers Dieu lui-même. C’est pour cela que la Foi demeure libre. II. LA RAISON A L’INTERIEUR DE LA VIE DE FOI Il ne faudrait pas penser que la raison ne joue qu’un rôle extérieur et préparatoire vis-à-vis de la Foi. En effet, si Dieu se révèle à nous, c’est pour nourrir notre esprit et non pas pour nous imposer arbitrairement une adhésion purement extérieure à des formules dépourvues de signification. C’est la grande affirmation de Jésus : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4,4). Dans cette perspective, le concile Vatican I a exprimé la valeur religieuse et spirituelle de la théologie qui met l’exercice de la raison au service de la Foi :

66 « Lorsque la raison, éclairée par la foi, cherche avec soin, piété et modération, elle arrive par le don de Dieu à une certaine intelligence très fructueuse des mystères, soit grâce à l'analogie avec les choses qu'elle connaît naturellement, soit grâce aux liens qui relient les mystères entre eux et avec la fin dernière de l'homme ; jamais toutefois elle n'est rendue capable de les pénétrer de la même manière que les vérités qui constituent son objet propre. » (Concile Vatican I, constitution Dei Filius sur la Foi catholique, ch. IV. DS 3016) Il est important d’attirer l’attention de tous sur ce sujet. De graves erreurs se sont répandues, surtout depuis la crise moderniste du début du XXe siècle, consistant à prétendre séparer la piété et la vie spirituelle, de la théologie (ou, plus élémentairement, de l’instruction catéchétique). Cela se produit lorsque l’on ramène : la piété à un pur sentimentalisme, la liturgie à des rubriques arbitraires ou à la pure manifestation de l’unité de la communauté locale qui s’auto-célèbre, la Foi à une obéissance à des formules purement verbales. Alors que : la piété est prompt dévouement de tout notre être (sensibilité, volonté, intelligence, conscience profonde) à Dieu, la liturgie est adoration vivante du Mystère divin dans la médiation de signes sensibles porteurs d’intelligibilité surnaturelle, la Foi est communion de notre intelligence avec la Très Sainte Trinité, communion qui appelle l’amour de charité. C’est ici le lieu de nous souvenir des avertissements solennels de Jean-Paul dans Fides et Ratio (n° 55) : « On rencontre aussi des dangers de repliement sur le fidéisme (doctrine) qui ne reconnaît pas l'importance de la connaissance rationnelle et du discours philosophique pour l'intelligence de la foi, plus encore pour la possibilité même de croire en Dieu. Une expression aujourd'hui répandue de cette tendance fidéiste est le «biblicisme», qui tend à faire de la lecture de l'Écriture Sainte ou de son exégèse l'unique point de référence véridique. (…) pour l'Église, la sainte Écriture n'est pas la seule référence. En effet, la “ règle suprême de sa foi ” (Dei Verbum, n° 21) lui vient de l'unité que l'Esprit a réalisée entre la sainte Tradition, la sainte Écriture et le Magistère de l'Église, en une réciprocité telle que les trois ne peuvent pas subsister de manière indépendante. (Cf Humani Generis AAS 42)

67 III. LA FOI RECONNAIT L’ŒUVRE PROPRE DE LA RAISON ET MANIFESTE L’HARMONIE DU VRAI Le concile Vatican I a donné l’enseignement principal : « Mais bien que la foi soit au-dessus de la raison, il ne peut jamais y avoir de vrai désaccord entre la foi et la raison, étant donné que c'est le même Dieu qui révèle les mystères et communique la foi, et qui a fait descendre dans l'esprit humain la lumière de la raison : Dieu ne pourrait se nier lui- même, ni le vrai jamais contredire le vrai» (Concile Vatican I, constitution Dei Filius sur la Foi catholique, ch. IV. DS 3017). Le CEC (n° 159) après avoir cité cet enseignement le prolonge avec une remarque du concile Vatican II (Gaudium et Spes, 36) : « C'est pourquoi la recherche méthodique, dans tous les domaines du savoir, si elle est menée d'une manière vraiment scientifique et si elle suit les normes de la morale, ne sera jamais réellement opposée à la foi : les réalités profanes et celles de la foi trouvent leur origine dans le même Dieu. Bien plus, celui qui s'efforce, avec persévérance et humilité, de pénétrer les secrets des choses, celui-là, même s'il n'en a pas conscience, est comme conduit par la main de Dieu, qui soutient tous les êtres et les fait ce qu'ils sont. » À cet égard il est essentiel de rappeler, face à une dialectique trompeuse, que l’œuvre de la raison ne se réduit pas aux sciences au sens moderne du mot. La philosophie, y compris la métaphysique (« recherche rationnelle ayant pour objet la connaissance de l’être absolu, des causes de l’univers et des principes premiers de la connaissance » (Dict. Robert), sont elles aussi des œuvres objectives de la raison, aptes à manifester des vérités parfaitement rationnelles. La plupart des entreprises modernes qui prétendent opposer la raison et la Foi sont en réalité des positions scientistes (« attitude philosophique qui prétend résoudre les problèmes philosophiques par les sciences » (Dict. Robert), qui ont commencé par mutiler la raison, lui déniant toute sa capacité proprement métaphysique, c'est-à-dire sa capacité à dépasser les phénomènes et leur expression mathématisée pour atteindre (certes seulement partiellement) à l’essence et à l’être des choses. C’est ainsi qu’au XIXe siècle l’erreur philosophique du rationalisme (doctrine selon laquelle il n’y a pas de vérité qui dépasserait les capacités de la raison humaine), s’est accouplée aux beaux progrès de la physique mathématisée et de la logique renouvelée pour prétendre en conclure, bien trompeusement, au rejet de toute connaissance transcendant la matière sensible.

68 Contre cette amputation de la raison qui fait le lit du rejet de la Foi, Benoît XVI s’est souvent exprimé. Une citation nous éclairera :« Voilà alors le grand défi des Universités catholiques : placer la science dans l'horizon d'une rationalité véritable, différente de celle aujourd'hui largement dominante, selon une raison ouverte à la question de la vérité et aux grandes valeurs inscrites dans l'être lui-même, et donc ouverte au transcendant, à Dieu. » (Discours à l’Université du Sacré-Cœur, 25 novembre 2005) Au XXe siècle et encore de nos jours, l’erreur philosophique dominante, qui pervertit souvent la compréhension des authentiques avancées scientifiques, est celle du relativisme. Ce nouveau scientisme, loin de proclamer l’absolu de la raison, affirme plutôt qu’aucune connaissance ne peut se prétendre définitive et immuable. Et là encore la Foi joue son rôle tutélaire, non seulement en rappelant certaines vérités anthropologiques sur l’homme (comme on le voit dans les actuels débats autour des « théories du genre »), mais plus encore en encourageant et soutenant la démarche philosophique réaliste. Chers amis pèlerins, Pour réaliser en nous cette grande harmonie entre Foi et raison, il nous reste à nous tourner vers le Docteur Commun que l’Église nous indique, sans se lasser, comme l’a encore rappelé Jean-Paul II (Fides et Ratio, n° 43) : « Plus radicalement, Thomas reconnaît que la nature, objet propre de la philosophie, peut contribuer à la compréhension de la révélation divine. La foi ne craint donc pas la raison, mais elle la recherche et elle s'y fie. De même que la grâce suppose la nature et la porte à son accomplissement (Somme Théologique, I, 1, 8 ad 2), ainsi la foi suppose et perfectionne la raison. Tout en soulignant avec force le caractère surnaturel de la foi, le Docteur Angélique n'a pas oublié la valeur de sa rationalité; il a su au contraire creuser plus profondément et préciser le sens de cette rationalité. (…) C'est pour ce motif que saint Thomas a toujours été proposé à juste titre par l'Église comme un maître de pensée et le modèle d'une façon correcte de faire de la théologie. » Faisant appel à son intercession, récitons ou chantons quelques strophes de l’hymne du Saint Esprit « « Veni creator spiritus » (voir livret) Veni, creator, Spiritus, Venez, Esprit Créateur, Mentes tuorum visita, Visitez l'âme de vos fidèles, Imple superna gratia Emplissez de la grâce d'En-Haut Quae tu creasti pectora Les cœurs que vous avez créés.

69 Accende lumen sensibus Faites briller en nous votre lumière, Infunde amorem cordibus, Répandez l'amour dans nos cœurs, Infirma nostri corporis Soutenez la faiblesse de nos corps Virtute firmans perpeti Par votre éternelle vigueur !

Per te sciamus da Patrem, Faites-nous connaître le Père, Noscamus atque Filium; Révélez-nous le Fils, Teque utriusque Spiritum Et vous, leur commun Esprit, Credamus omni tempore. Faites-nous toujours croire en vous.

Deo Patri sit gloria, Gloire soit à Dieu le Père, Et Filio, qui a mortuis Au Fils ressuscité des morts, Surrexit, ac Paraclito À l'Esprit Saint Consolateur, In saeculorum saecula. Maintenant et dans tous les siècles. Amen. Amen.

Citations « Cette foi, qui est commencement du salut de l'homme (Concile de Trente, DS 1532), l'Église catholique professe qu'elle est une vertu surnaturelle par laquelle, prévenus par Dieu et aidés par la grâce, nous croyons vraies les choses qu'il nous a révélées, non pas à cause de leur vérité intrinsèque perçue par la lumière naturelle de la raison, mais à cause de l'autorité de Dieu même qui révèle, lequel ne peut ni se tromper ni nous tromper» (DS 2778, DS 3022). « L'Église catholique a toujours tenu et tient encore qu'il existe deux ordres de connaissance, distincts non seulement par leur principe, mais aussi par leur objet. Par leur principe, puisque dans l'un c'est par la raison naturelle et dans l'autre par la foi divine que nous connaissons. Par leur objet, parce que, outre les vérités que la raison naturelle peut atteindre, nous sont proposés à croire les mystères cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus s'ils ne sont divinement révélés. » Concile Vatican I, constitution Dei Filius sur la Foi catholique, ch. IV. DS 3015. « la certitude que donne la lumière divine est plus grande que celle que donne la lumière de la raison naturelle » Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, II-II, q171 a5 ad3). «“ La foi cherche à comprendre ” ( saint Anselme, Proslogion, proème) : il est inhérent à la foi que le croyant désire mieux connaître Celui en qui il a mis sa foi, et mieux comprendre ce qu'Il a révélé ; une connaissance plus pénétrante appelera à son tour une foi plus grande, de plus en plus embrasée d'amour. La grâce de la foi ouvre “ les yeux du cœur ” (Ephésiens 1,18,) pour une intelligence vive des contenus de la Révélation, c'est-à-dire de l'ensemble du dessein de Dieu et des mystères de la foi, de leur lien entre eux et avec le Christ, centre du Mystère révélé. Or, pour “ rendre toujours plus profonde l'intelligence de la Révélation, l'Esprit Saint ne cesse, par ses dons, de rendre la foi plus parfaite ” (concile Vatican II, Dei Verbum, 5). Ainsi, selon l'adage de saint Augustin (serm. 43,7, 9), “ je crois pour comprendre et je comprends pour mieux croire ”. » Le CEC (n° 158) 70 « D'autres formes de fidéisme latent se reconnaissent au peu de considération accordée à la théologie spéculative, comme aussi au mépris pour la philosophie classique, aux notions desquelles l'intelligence de la foi et les formulations dogmatiques elles-mêmes ont puisé leur terminologie. Le Pape Pie XII, de vénérée mémoire, a mis en garde contre un tel oubli de la tradition philosophique et contre l'abandon des terminologies traditionnelles. » Cf Humani generis AAS 42 (1950), 565-567 ; 571-573) Bx Jean-Paul II, Fides Ratio 55. « Une théologie dépourvue de perspective métaphysique ne pourrait aller au-delà de l'analyse de l'expérience religieuse, et elle ne permettrait pas à l'intellectus fidei d'exprimer de manière cohérente la valeur universelle et transcendante de la vérité révélée. » Bx Jean-Paul II, Fides Ratio 83. « Cette vaine apparence de contradiction [entre Foi et Raison] vient surtout de ce que les dogmes de la foi n'ont pas été compris et exposés selon l'esprit de l'Église, ou bien lorsqu'on prend des opinions fausses pour des conclusions de la raison. » Concile Vatican I, constitution Dei Filius sur la Foi catholique, ch. IV. DS 3017 « Bien plus, celui qui s'efforce, avec persévérance et humilité, de pénétrer les secrets des choses, celui-là, même s'il n'en a pas conscience, est comme conduit par la main de Dieu, qui soutient tous les êtres et les fait ce qu'ils sont. » Vatican II (Gaudium et Spes, 36) : « Les deux exigences que l'on vient d'évoquer en comportent une troisième : la nécessité d'une philosophie de portée authentiquement métaphysique, c'est-à- dire apte à transcender les données empiriques pour parvenir, dans sa recherche de la vérité, à quelque chose d'absolu, d'ultime et de fondateur. (…) Je désire seulement déclarer que la réalité et la vérité transcendent le factuel et l'empirique, et je souhaite affirmer la capacité que possède l'homme de connaître cette dimension transcendante et métaphysique d'une manière véridique et certaine, même si elle est imparfaite et analogique. Dans ce sens, il ne faut pas considérer la métaphysique comme un substitut de l'anthropologie, car c'est précisément la métaphysique qui permet de fonder le concept de la dignité de la personne en raison de sa condition spirituelle. En particulier, c'est par excellence la personne même qui atteint l'être et, par conséquent, mène une réflexion métaphysique. (…) Une pensée philosophique qui refuserait toute ouverture métaphysique serait donc radicalement inadéquate pour remplir une fonction de médiation dans l'intelligence de la Révélation. (…) Si j'insiste tant sur la composante métaphysique, c'est parce que je suis convaincu que c'est la voie nécessaire pour surmonter la situation de crise qui s'étend actuellement dans de larges secteurs de la philosophie et pour corriger ainsi certains comportements déviants répandus dans notre société. ». Jean-Paul II Fides et Ratio (n° 83) : « Cette dernière [la raison], éclairée par la foi, est libérée des fragilités et des limites qui proviennent de la désobéissance du péché, et elle trouve la force nécessaire pour s'élever jusqu'à la connaissance du mystère de Dieu Un et Trine. » Jean-Paul II Fides et Ratio (n° 43) : 71 « Tous les hommes aspirent à la connaissance et l’objet de cette aspiration est la vérité. (… )« La vérité est une, seule l’erreur est au pluriel. » Aristote « Je crois pour comprendre et je comprends pour mieux croire. (…) J’ai rencontré beaucoup de gens qui voulaient tromper mais personne qui voulait se faire tromper. » Saint Augustin « Croire est un acte de l’intelligence adhérent à la vérité divine sous le commandement de la volonté mue par Dieu au moyen de la grâce. » Saint Thom as d’Aquin, ST « Si on soumet tout à la raison, notre religion n’aura rien de mystérieux et de surnaturel. Si on choque les principes de la raison, notre religion sera absurde et ridicule. (…) Console toi, tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé. » Blaise Pascal, Pensées « C'est une méchante manière de raisonner que de rejeter ce qu'on ne peut comprendre. » François-René de Chateaubriand « Dix mille difficultés ne font pas un seul doute. » John Henry Newman « Heureusement qu’il y a des mystères dans le catholicisme, s’il n’y en avait pas, je me méfierais. Je craindrais qu’il n’y ait là qu’une construction artificielle de l’esprit humain. Le mystère me rassure. Il est la marque de Dieu. » Charles Nicolle « Lorsque la raison, éclairée par la foi, cherche avec soin, piété et modération, elle arrive par le don de Dieu à une certaine intelligence très fructueuse des mystères, soit grâce à l’analogie avec les choses qu’elle connaît naturellement, soit grâce aux liens qui relient les mystères entre eux et avec la fin dernière de l’homme ; jamais toutefois elle n’est rendue capable de les pénétrer de la même manière que les vérités qui constituent son objet propre. Car les mystères divins, par leur nature même, dépassent tellement l’intelligence créée que, même transmis par la révélation et reçus par la foi, ils demeurent encore recouverts du voile de la foi, et comme enveloppés dans une certaine obscurité, aussi longtemps que, dans cette vie mortelle, nous cheminons loin du Seigneur, car c’est dans la foi que nous marchons et non dans la vision. Mais, bien que la foi soit au-dessus de la raison, il ne peut jamais y avoir de vrai désaccord entre la foi et la raison, étant donné que c’est le même Dieu qui révèle les mystères et communique la foi, et qui a fait descendre dans l’esprit humain la lumière de la raison : Dieu ne pourrait se nier lui-même ni le vrai contredire jamais le vrai. Cette vaine apparence de contradiction vient surtout de ce que les dogmes de la foi n’ont pas été compris et exposés selon l’esprit de l’Église, ou bien lorsque l’on prend des opinions fausses pour des conclusions de la raison. Nous définissons donc que toute affirmation contraire à la Vérité attestée par la foi éclairée est absolument fausse. » Concile du Vatican I - Constitution dogmatique Dei Filius « La Foi et la Raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité. C’est Dieu qui a mis au cœur de l’homme le désir de connaître la vérité et, au terme, de Le connaître lui-même afin que Le connaissant et L’aimant, il puisse atteindre la pleine vérité sur lui-même (…) Dans le cadre de la recherche scientifique, on en est venu à imposer une mentalité positiviste qui s’est non seulement éloignée de toute référence à la vision 72 chrétienne du monde, mais qui a aussi et surtout laissé de côté toute référence à une conception métaphysique et morale. » Bienheureux Jean-Paul II, Encyclique Fides et ratio 1998 « Le monde n’est pas un produit de l’obscur et de l’absurde. Il vient de la compréhension, il vient de la liberté et il vient d’une beauté qui est amour. Et voir cela nous donne le courage qui nous fait vivre (…) Avoir une foi claire, selon le crédo de l’église est souvent étiqueté comme du fondamentalisme. Tandis que le relativisme, c’est à dire se laisser porter à tout vent de la doctrine apparaît comme la seule attitude digne du temps présent. Peu à peu se constitue une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien comme définitif et qui ne retient comme ultime mesure que son propre égo et ses désirs. (…) Dans l’irrésistible désir de vérité, seul un rapport harmonieux entre Foi et Raison est le chemin juste qui conduit à Dieu et à la pleine réalisation de soi.» Benoît XVI « Si la Révélation est la parole de Dieu à l’humanité, la foi est la réponse de l’homme. La foi saisit, affirme subjectivement la vérité que Dieu nous présente objectivement. Cette foi est, comme on l’établira plus tard, un acte surnaturel. Mais la surnature présuppose généralement la nature. Et ainsi la foi elle-même est précédée d’une activité de raison naturelle ; elle a des « préambules » (praeambula fidei)). Avant la foi se place une connaissance de l’existence de Dieu et de sa Révélation. Avant d’être convaincu d’une manière ou d’une autre que Dieu existe et qu’il a parlé, on ne peut croire à ce qu’il a dit (…) Le fidèle ne peut pas arriver à la foi par la raison mais il peut se convaincre qu’il est raisonnable de croire les mystères. Le concile Vatican I indique par quelle voie on doit arriver à cette conviction. Cela se fait par l’examen rationnel des témoignages et des signes en faveur du fait de l’existence de Dieu et de celui de la Révélation. La théologie appelle ces signes « motiva credibilitatis » : motifs de crédibilité (et non motifs de foi). (…) Le concile Vatican I appelle ces signes des signes certains et à la portée de toutes les intelligences. Les motifs internes (les raisons du cœur), de l’expérience religieuse particulière ne sont pas niés, mais étant différents selon l’âge, la culture, le sexe, les besoins et l’expérience, ils ne sont pas saisissables. C’est pourquoi le concile se borne aux motifs externes : les miracles, les prophéties, l’existence, la durée, et l’action de l’Église. (S. 3, c. 3.) » Baltmann, Précis de théologie dogmatique Bibliographie - « Dictionnaire de Théologie catholique » Vacant, tome 6, article foi §IX - Catéchisme de l’Église Catholique, 35, 39, 47, 50,156 à 159, 237, 274, 286, 1706

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SAINT THOMAS MORE

« Patron des politiques » Méditation 10 Chers Pèlerins, Notre troisième journée de pèlerinage, dont le thème, comme nous venons de le rappeler, s’intitule « La société à l’image de l’ordre divin », a été placée sous le patronage de Saint Thomas More. Cet homme politique, chrétien de conviction sacrifia tout : sa carrière, sa position sociale et enfin sa propre vie, pour rester fidèle aux préceptes de sa conscience. Quel magnifique exemple en ces temps difficiles où nous sommes invités à prendre toutes nos responsabilités ! I. SA VIE ET SON MARTYRE Pour résumer la vie de saint Thomas More, servons-nous de la belle Lettre apostolique en forme de du bienheureux Jean-Paul II qui l’a proclamé patron des responsables de gouvernement et des hommes politiques, le 31 octobre du Grand Jubilé 2000 : « Thomas More a connu une carrière politique extraordinaire dans son pays. Né à Londres en 1478, il fut placé dès sa jeunesse au service de l’Archevêque de Cantorbéry, John Morton, Chancelier du Royaume. Il étudia ensuite le droit à Oxford et à Londres, élargissant ses centres d’intérêts à de vastes secteurs de la culture, de la théologie et de la littérature classique (…) Se sentant appelé au mariage, à la vie familiale et à l’engagement laïc, il épousa en 1505 Jane Colt, dont il eut quatre enfants. Jane mourut en 1511 et Thomas épousa en secondes noces Alice Middleton, qui était veuve et avait une fille. Durant toute sa vie, il fut un mari et un père affectueux et

74 fidèle, veillant avec soin à l’éducation religieuse, morale et intellectuelle de ses enfants… Sa porte était ouverte à beaucoup de jeunes amis à la recherche de la vérité ou de leur vocation .D’autre part, la vie familiale faisait une large place à la prière commune et à la lectio divina, comme aussi à de saines formes de récréation. Thomas participait chaque jour à la messe dans l’église paroissiale, mais les pénitences austères auxquelles il se livrait n’étaient connues que de ses proches les plus intimes. (…) En 1504, il accéda pour la première fois au parlement (il avait 26 ans). Henri VIII renouvela son mandat en 1510 et il l’établit également représentant de la Couronne dans la capitale, lui ouvrant une carrière remarquable dans l’administration publique… Il devint en 1523 porte- parole, c’est-à-dire président, de la Chambre des Communes. (…) Universellement estimé pour son indéfectible intégrité morale, pour la finesse de son intelligence, pour son caractère ouvert et enjoué, pour son érudition extraordinaire…, en 1529 il fut nommé par le roi Chancelier du Royaume (il avait 51 ans). Premier laïc à occuper cette charge, Thomas fit face à une période extrêmement difficile, s’efforçant de servir le roi et le pays. Fidèle à ses principes, il s’employa à promouvoir la justice et à endiguer l’influence délétère de ceux qui poursuivaient leur propre intérêt au détriment des plus faibles. En 1532, ne voulant pas donner son appui au projet d’Henri VIII qui voulait prendre le contrôle de l’Église en Angleterre, il présenta sa démission. Il se retira de la vie publique, acceptant de supporter avec sa famille la pauvreté et l’abandon de beaucoup de personnes qui, dans l’épreuve, se révélèrent de faux amis. (…) Constatant la fermeté inébranlable avec laquelle il refusait tout compromis avec sa conscience, le roi le fit emprisonner en 1534…. Thomas More refusa de prêter le serment qu’on lui demandait parce qu’il comportait l’acceptation d’une plate-forme politique et ecclésiastique qui préparait le terrain à un despotisme sans contrôle. Au cours du procès intenté contre lui, il prononça une apologie passionnée de ses convictions sur l’indissolubilité du mariage, le respect du patrimoine juridique inspiré par les valeurs chrétiennes, la liberté de l’Église face à l’État. Condamné par le Tribunal, il fut décapité » (il avait 57 ans). II. L’HOMME Thomas More fut béatifié par le Pape Léon XIII en 1886, en même temps que cinquante-trois autres martyrs, dont l’évêque John Fischer. Avec ce dernier, il fut canonisé par Pie XI en 1935, à l’occasion du quatrième centenaire de sa mort. Son martyre est analogue, en tant que laïc, à celui de 75 Saint Thomas Becket en tant que clercs, assassiné dans sa cathédrale pour avoir désavoué son ancien ami le roi Henri II qui voulait trop (se) subordonner le pouvoir spirituel. Sans doute l’œuvre littéraire connue de Thomas More, Utopia, empreinte de l’humanisme de son époque, n’est pas un modèle de philosophie thomiste, mais l’homme nous intéresse plus par son mode de vie pratique au pouvoir, cultivant l’humilité, la franchise, le dévouement chrétiens et surtout, en même temps que l’humour, le refus de transiger avec sa conscience et sa foi. Or, nous dit Jean-Paul II « C’est précisément pour son témoignage de la primauté de la vérité sur le pouvoir, rendu jusqu’à l’effusion du sang, que Saint Thomas More est vénéré comme exemple permanent de cohérence morale. Même en dehors de l’Église, particulièrement parmi ceux qui sont appelés à guider les destinées des peuples, sa figure est reconnue comme source d’inspiration pour une politique qui se donne comme fin suprême le service de la personne humaine. » Citons encore largement sa lettre apostolique : « Il est bon de revenir à l’exemple de saint Thomas More, qui se distingua par sa constante fidélité à l’autorité et aux institutions légitimes, précisément parce qu’il entendait servir en elles non le pouvoir mais l’idéal suprême de la justice. (…) Sa vie nous enseigne que le gouvernement est avant tout un exercice de vertus. Fort de cette rigoureuse assise morale, cet homme d’État anglais mit son activité publique au service de la personne, surtout quand elle est faible ou pauvre; il géra les controverses sociales avec un grand sens de l’équité; il protégea la famille et la défendit avec une détermination inlassable; il promut l’éducation intégrale de la jeunesse. (…) Son profond détachement des honneurs et des richesses, son humilité sereine et joviale, sa connaissance équilibrée de la nature humaine et de la vanité du succès, sa sûreté de jugement enracinée dans la foi, lui donnèrent la force intérieure pleine de confiance qui le soutint dans l’adversité et face à la mort. Sa sainteté resplendit dans le martyre, mais elle fut préparée par une vie entière de travail dans le dévouement à Dieu et au prochain. » III. DROITS DE L’HOMME ET DROITS DE DIEU Et on en arrive précisément à la leçon de Thomas More à l’adresse de nos hommes politiques, que l’on voit si dépendants de ce qui arrive aujourd’hui économiquement, scientifiquement, politiquement… sans aucun souci de transcendance. Le Pape Jean-Paul II fait observer : « On ne peut séparer l’homme de Dieu, ni la politique de la morale ; telle est la lumière qui éclaire sa 76 conscience » Or, précise le Saint Père « C’est précisément dans la défense des droits de la conscience que l’exemple de Thomas More brilla d’une lumière intense. On peut dire qu’il vécut d’une manière singulière la valeur d’une conscience morale qui est “témoignage de Dieu lui-même, dont la voix et le jugement pénètrent l'intime de l'homme jusqu'aux racines de son âme” ». (Encyclique , n. 58) « En effet, la défense de la liberté de l’Église contre des ingérences indues de l’État est en même temps défense, au nom de la primauté de la conscience, de la liberté de la personne par rapport au pouvoir politique. C’est là le principe fondamental de tout ordre civil, conforme à la nature de l’homme. » Le droit naturel à l’immunité de contrainte est un droit générique de l’homme et de l’âme qui vaut aussi bien (quoique différemment) pour la morale et pour la religion : c’est une liberté « pour » et non une liberté « de »… « Politique et religion sont nécessairement liés, car la politique et la morale sont inséparables, et la religion est le fondement de la morale », résumait Ronald Reagan. Autrement dit : pas de (bonne) politique sans (vraie) morale, pas de (bonne) morale sans (vraie) religion ! pas de (vrais) droits de l’homme sans droits de Dieu et sans devoirs de l’homme à son égard ! Chers amis pèlerins, Ces remarques que nous venons de faire à l’usage des hommes politiques sont également valables pour nous-mêmes. Dans son exhortation apostolique Christifideles Laïci, le Bienheureux Jean-Paul II nous rappelle en effet que : «L’unité de la vie des fidèles laïcs est d’une importance extrême : ils doivent en effet se sanctifier dans la vie ordinaire, professionnelle et sociale. Afin qu’ils puissent répondre à leur vocation, les fidèles laïcs doivent donc considérer les activités de la vie quotidienne comme une occasion d’union à Dieu et d’accomplissement de sa volonté, comme aussi de service envers les autres hommes, en les portant jusqu’à la communion avec Dieu dans le Christ» (n. 17). C’est ce que saint Thomas More nous enseigne par sa vie et son martyre. Mais me direz-vous, peut-être : « cela n’est plus à la mode » ?

77 Assurément, mais notre pèlerinage de Chrétienté n’est-il pas appelé à devenir une nouvelle forme de croisade, entre le double front du laïcisme et de l’islamisme ? Au risque du martyre ? Peut-être. Aussi, prions pour que, si tel devait être le cas, nous en ayons la force et le courage, en récitant cette prière : « O Dieu notre refuge et notre force, Jetez un regard favorable sur le peuple qui crie vers vous et, par l’intercession de la glorieuse immaculée Vierge Marie, Mère de Dieu, de Saint Joseph son époux, et de vos bienheureux apôtres Pierre et Paul et de tous les Saints, écoutez avec bienveillance et miséricorde les prières que nous vous adressons pour la conversion des pécheurs, pour la liberté et le triomphe de notre sainte mère l’Église. Par le Christ Notre Seigneur, ainsi soit-il. » Citations « Un homme tel que, depuis des siècles, le soleil n'en a pas vu de plus loyal, de plus franc, de plus dévoué, de plus sage. » Erasme « Aucun homme temporel ne peut être à la tête de la spiritualité. (…) Il me semble que Dieu fait de moi Son jouet et qu’Il me berce. (…) Donne-moi Ta grâce, Dieu bon, pour que je compte pour rien le monde et fixe mon esprit sur Toi. (…) Si je sens la frayeur sur le point de me vaincre, je me rappellerai comment un souffle de vent faillit faire faire naufrage à Pierre parce que sa foi avait faibli. Je ferai donc comme lui, j’appellerai le Christ à mon secours. (…) On me reproche de mêler boutades, facéties et joyeux propos aux sujets des plus graves. Avec Horace, j’estime qu’on peut dire la vérité en riant. Sans doute aussi convient-il mieux au laïc que je suis de transmettre sa pensée sur un mode allègre et enjoué ; plutôt que sur le mode sérieux et solennel à la façon des prédicateurs. (…) Le pilote ne quitte pas son navire, devant la tempête, parce qu’il ne peut pas maîtriser le vent. (…) La tâche de l’homme politique est de tirer d’affaire au moins quelques individus. » Saint Thomas More « De la vie et du martyre de saint Thomas More se dégage un message qui traverse les siècles et qui parle aux hommes de tous temps [de la dignité inaliénable de la conscience, dans laquelle, comme le rappelle le Concile Vatican II, réside «le centre le plus secret de l’homme et le sanctuaire où il est seul avec Dieu dont la voix se fait entendre dans ce lieu le plus intime» (Gaudium et spes, n. 16). « Quand l’homme et la femme écoutent le rappel de la vérité, la conscience oriente avec sûreté leurs actes vers le bien.] C’est précisément pour son témoignage de la primauté de la vérité sur le pouvoir, rendu jusqu’à l’effusion du sang, que saint Thomas More est vénéré comme exemple permanent de cohérence morale. Même en dehors de l’Église, particulièrement parmi ceux qui sont appelés à guider les destinées des peuples, sa figure est reconnue comme source d’inspiration pour une politique qui se donne comme fin suprême le service de la personne humaine. (…) 78 De nombreuses raisons militent en faveur de la proclamation de saint Thomas More comme Patron des Responsables de gouvernement et des hommes politiques. Entre autres, le besoin ressenti par le monde politique et administratif d’avoir des modèles crédibles qui indiquent le chemin de la vérité en une période historique où se multiplient de lourds défis et de graves responsabilités. Aujourd’hui, en effet, des phénomènes économiques fortement innovateurs sont en train de modifier les structures sociales; d’autre part, les conquêtes scientifiques dans le secteur des biotechnologies renforcent la nécessité de défendre la vie humaine sous toutes ses formes, tandis que les promesses d’une société nouvelle, proposées avec succès à une opinion publique déconcertée, requièrent d’urgence des choix politiques clairs en faveur de la famille, des jeunes, des personnes âgées et des marginaux. (…) Dans ce contexte, il est bon de revenir à l’exemple de saint Thomas More, qui se distingua par sa constante fidélité à l’autorité et aux institutions légitimes, précisément parce qu’il entendait servir en elles non le pouvoir mais l’idéal suprême de la justice. Sa vie nous enseigne que le gouvernement est avant tout un exercice de vertus. (…) Sa sainteté resplendit dans le martyre, mais elle fut préparée par une vie entière de travail dans le dévouement à Dieu et au prochain. (…) Cette harmonie entre le naturel et le surnaturel est l’élément qui décrit peut- être plus que tout autre la personnalité du grand homme d’État anglais : il vécut son intense vie publique avec une humilité toute simple, marquée par son humour bien connu, même aux portes de la mort. (…) On ne peut séparer l’homme de Dieu, ni la politique de la morale; telle est la lumière qui éclaira sa conscience. [Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, «l’homme est une créature de Dieu, et c’est pourquoi les droits de l’homme ont en Dieu leur origine, ils reposent dans le dessein de la création et ils entrent dans le plan de la rédemption. On pourrait presque dire, d’une façon audacieuse, que les droits de l’homme sont aussi les droits de Dieu» (Discours du 7 avril 1998 aux participants à la Rencontre universitaire internationale UNIV’98). (…) Et c’est précisément dans la défense des droits de la conscience que l’exemple de Thomas More brilla d’une lumière intense. On peut dire qu’il vécut d’une manière singulière la valeur d’une conscience morale qui est «témoignage de Dieu lui- même, dont la voix et le jugement pénètrent l'intime de l'homme jusqu'aux racines de son âme» (Encyclique Veritatis splendor, n. 58), même si, en ce qui concerne l’action contre les hérétiques, il fut tributaire des limites de la culture de son temps. (…) Le Concile œcuménique Vatican II, dans la constitution Gaudium et spes, remarque que, dans le monde contemporain, grandit «la conscience de l’éminente dignité qui revient à la personne humaine, du fait qu’elle l’emporte sur toute chose et que ses droits et devoirs sont universels et inviolables» (n. 26).] L’histoire de saint Thomas More illustre clairement une vérité fondamentale de l’éthique politique. En effet, la défense de la liberté de l’Église contre des ingérences indues de l’État est en même temps défense, au nom de la primauté de la conscience, de la liberté de la personne par rapport au pouvoir politique. C’est là le principe fondamental de tout ordre civil, conforme à la nature de l’homme. (…) En conséquence, après mûre considération, accueillant volontiers les demandes qui m’ont été adressées, j’établis et je déclare Patron céleste des 79 Responsables de gouvernement et des hommes politiques saint Thomas More, et je décide que doivent lui être attribués tous les honneurs et les privilèges liturgiques qui reviennent, selon le droit, aux Patrons de catégories de personnes. » Bienheureux Jean-Paul II, Lettre apostolique en forme de motu proprio pour la proclamation de saint Thomas More comme patron des responsables de gouvernement et des hommes politiques - 31 octobre 2000

Bibliographie « Thomas More, au risque de la conscience » Jacques Mulliez, ed Nouvelle Cité « Thomas More », Bernard Cottret, ed. Taillandier Film : « Un homme pour l’éternité » Fred Zimmerman (1966) : Le destin tragique de Thomas More

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IL Y A UNE LOI DIVINE AU-DESSUS DES LOIS CIVILES

« Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi, s’il ne t’avait été donné d’en haut » (Jn XIX, 11) Méditation 11

Chers pèlerins, Le thème de cette troisième journée s’intitule « La société à l’image de l’ordre divin ». À voir comment vont les choses, on est fondé à penser que la réalité est très éloignée de cet idéal. Pourquoi ? Une première réponse nous est apportée par cette première méditation, dont le titre nous affirme qu’ « il y a une loi divine au-dessus des lois civiles », ce qui laisse supposer qu’il suffirait de s’y référer pour que les choses reviennent dans l’ordre. C’est précisément ce que nous allons examiner. I. NECESSITE ET ORIGINE DES LOIS La vie en société ne peut se concevoir sans l’existence de lois. Certaines lois sont purement arbitraires et n’ont aucune incidence sur le bien commun de la société ; ce qui est important c’est que tout le monde respecte la même règle. Ainsi en est-il, par exemple, du fait de rouler en voiture à droite dans toute l’Europe continentale, mais à gauche en Grande- Bretagne. D’autres lois, au contraire, contribuent à la promotion ou, au contraire, à l’amoindrissement du bien commun. Par exemple, si le bien commun de la société exige qu’un enfant soit, habituellement, élevé par un homme et une femme, son père et sa mère, pour bénéficier des meilleures conditions d’éducation et d’épanouissement, toutes les lois qui favoriseront la stabilité de l’union des époux seront conformes au bien de l’enfant et donc de la 81 société ; en revanche, les lois qui mettront en péril la stabilité du foyer ne seront pas conformes au bien commun. L’homme libre, pour les Anciens, ce n’est pas celui qui fait ce qu’il veut, qui met en œuvre tout ce qui lui passe par la tête, mais celui qui connaît ses devoirs, car ils lui sont fixés par la loi. Origine des lois Les grecs reconnaissaient en fait l’autorité de deux sortes de lois : - d’une part, les lois non écrites, fixées par les dieux, relatives au comportement et à la morale ; - d’autre part, les lois écrites qui réglaient le fonctionnement des institutions, la propriété, la justice, et dont le peuple avait exigé la rédaction afin d’échapper à l’arbitraire des gouvernants. Les lois non écrites étaient immuables. Ce sont elles qu’invoque Antigone, quand elle passe outre aux ordres de Créon, roi légitime de Thèbes, qui refusait que la dépouille de Polynice soit enterrée, le condamnant ainsi à errer sur la terre jusqu’à la fin des temps. Antigone obéit à un ordre supérieur, « Aux lois non écrites, inébranlables des dieux. Elles ne datent, celles-là ni d’aujourd’hui, ni d’hier et nul ne sait le jour où elles ont paru. » Ces lois non écrites ressemblent étrangement…au Décalogue. Elles n’instituent pas des droits mais imposent des devoirs. Divines, elles sont éternelles et universelles, s’imposant à tous. Leur non-respect entraîne la réprobation universelle et les châtiments des dieux. Quant aux lois écrites, qui organisent le fonctionnement de la cité, elles sont la retranscription des traditions transmises par les ancêtres. Elles sont la formalisation des usages, des coutumes et des habitudes séculaires dans lesquels les Grecs croient pouvoir discerner les signes d’un ordre naturel du monde, dont tout l’effort du législateur sera d’essayer de reproduire les contours. La loi n’est ni le fruit de la volonté générale, ni un reflet de l’évolution des mœurs ou de l’état de l’opinion. Pour les grecs, une telle attitude reviendrait à « ériger en loi ses caprices » et se soumettre ainsi à la plus exigeante des tyrannies. II. LE TEMOIGNAGE DE NOTRE-SEIGNEUR JESUS-CHRIST DEVANT PILATE Le procès du Christ est d’une exceptionnelle complexité. En effet le Christ est jugé par trois instances judiciaires différentes : le sanhédrin, Ponce Pilate le procurateur de Judée, et Hérode, le tétrarque de Galilée.

82 En acceptant de répondre aux questions du Sanhédrin et de Ponce Pilate, Le Christ reconnaît la légitimité de chacun, dans son domaine de compétence propre. En revanche, il refuse de répondre aux questions d’Hérode qui n’a qu’une apparence de pouvoir et de légitimité. D’autre part, le Christ répond à Pilate : « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi s’il ne t’avait été donné d’en haut » (Jn XIX, 11), lui rappelant ainsi que le détenteur de l’autorité politique ne tire pas sa légitimité d’en bas, c’est-à-dire d’un quelconque soutien ou assentiment populaire, mais de Dieu. « Si l’on veut déterminer la source du pouvoir dans l’État, l’Église enseigne avec raison qu’il faut la chercher en Dieu. » Léon XIII (Diuturnum illud- 29 juin 1881) Logiquement cette autorité politique ne saurait s’exercer contre la volonté de Dieu manifestée dans la loi naturelle, qui est l’autre nom de la loi divine. Dans toutes les civilisations, avant la nôtre, chaque détenteur de l’autorité était considéré comme devant être obéi, non pas en raison de ses qualités personnelles, mais parce que son autorité découlait de celle de Dieu. C’est ce que signifie le mot « hiérarchie », de « ieros » qui veut dire « sacré », et « arkein » qui veut dire « commander ».Ainsi, le roi de France était-il dit « lieutenant de Dieu », c’est à dire « tenant lieu » de Dieu en son royaume. Le sacre manifestait cette soumission du roi « très chrétien », à la loi de Dieu. III. LE TEMOIGNAGE DES MARTYRS DE TOUTES LES EPOQUES C’est dans le témoignage des martyrs qu’éclate, de la manière la plus éclatante, cette soumission du chrétien à la loi de Dieu, s’il le faut contre la loi civile : Saint Maurice et la légion thébaine, Saint Thomas More, les prêtres réfractaires lors de la révolution française... Le cas de Monseigneur Von Galen (1878-1946), mérite d’être cité : évêque de Munster, il sera appelé « le lion de Munster ». Dans un célèbre sermon du 3 août 1941, il s’éleva contre le programme d’euthanasie des personnes handicapées dit Program Aktion T4 décidé par le gouvernement nazi. Il déclara : « C'est une doctrine effrayante que celle qui cherche à justifier le meurtre d'innocents, qui autorise l'extermination de ceux qui ne sont plus capables de travailler, des infirmes, de ceux qui ont sombré dans la sénilité… N'a-t-on le droit de vivre qu'aussi longtemps que nous sommes productifs ? » Propos toujours d’une singulière actualité… Le XXème siècle est sans doute celui qui a fourni à l’Église le plus grand nombre de martyrs. À cela deux raisons : d’une part, l’accroissement de la population ; d’autre part, l’installation, dans un nombre croissant de pays, de dirigeants politiques, qui ont mené contre l’Église une lutte acharnée et 83 sanglante. Le communisme et le nazisme sont, bien sûr, les archétypes de ces systèmes politiques, qui sont d’abord totalitaires parce qu’ils nient l’existence d’une loi naturelle universelle et commune à tous les hommes. L’Église n’a pas hésité à attribuer le titre de martyrs, tués en haine de la foi, aux victimes des persécutions où le politique et le religieux se sont étroitement imbriqués. Ont ainsi été déclarés martyrs : des victimes de la Révolution française, mais aussi de la croisade cristera au Mexique (1926 - 1929), de la guerre civile espagnole (1936-1939) et des persécutions communistes et nazies. IV. LES LIMITES AU DEVOIR D’OBEISSANCE L’obéissance ressortit à la vertu cardinale de justice. Saint Paul, dans son épître aux Romains (XIII- 1-6), insiste de manière vigoureuse sur cette vertu : « Que tout vivant soit soumis aux augustes détenteurs du pouvoir. Car il n’est pas de pouvoir qui ne vienne de Dieu ; c’est ainsi que les choses sont ordonnées par Dieu même. Dès lors quiconque résiste à l’autorité s’insurge contre Dieu ; et celui-là mérite la damnation…L’autorité en effet est ministre de Dieu pour promouvoir le bien…et pour châtier le crime. » Ainsi comprise, l’obéissance subordonne littéralement l’humanité à Dieu. Les détenteurs de l’autorité ne sont jamais que des sous-ordres ou des subalternes ; ils sont soumis à Dieu dans le même temps qu’ils commandent aux hommes. Ils ne peuvent exiger l’obéissance des hommes que dans la mesure où ils montrent l’exemple de l’obéissance à Dieu. Cependant, dans une société fondamentalement apostate et donc antichrétienne, il peut arriver que les autorités donnent des ordres en opposition avec la loi de Dieu. Dans ce cas : « Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes. » (Actes V, 29) Le refus d’obéissance est toujours un acte d’obéissance à une loi supérieure. La loi n’est pas qu’un commandement de l’autorité légitime ; elle vise au bien commun dans la fidélité à la loi naturelle. L’Église, par la bouche de saint Thomas d’Aquin, l’a proclamé depuis des siècles : « Toute loi portée par les hommes n’a raison de loi que dans la mesure où elle découle de la loi naturelle. Si elle dévie en quelque point de la loi naturelle, ce n’est plus alors une loi mais une corruption de la loi. » (Somme théologique, Ia, IIae, q95, a2) Seule cette conception de la loi peut justifier notre opposition persistante à la pseudo- loi dénaturant le mariage. 84 V. L’ENSEIGNEMENT DE SAINT PIERRE, SOURCE DE CELUI DE L’ÉGLISE L’enseignement de Pierre, puis celui de l’Église sont constants : au-dessus de la loi des hommes il y a la loi de Dieu. Le Pape Jean-Paul II l’a rappelé à de multiples reprises, n’hésitant pas à dénoncer : « Une démocratie sans valeurs (qui) se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois comme le montre l’histoire. » (Centesimus Annus) Dans , le Pape se montre insistant : « En réalité, la démocratie ne peut être élevée au rang d’un mythe, au point de devenir un substitut de la moralité ou d’être la panacée de l’immoralité. Fondamentalement, elle est un « système » et, comme tel, un instrument et non pas une fin. Son caractère « moral » n’est pas automatique, mais dépend de la conformité à la loi morale(…) La valeur de la démocratie se maintient ou disparaît en fonction des valeurs qu’elle incarne et promeut : sont certainement fondamentaux et indispensables la dignité de toute personne humaine, le respect de ses droits intangibles et inaliénables, ainsi que la reconnaissance du « bien commun », comme fin et comme critère régulateur de la vie politique. Le fondement de ces valeurs ne peut se trouver dans des « majorités » d’opinion provisoires et fluctuantes, mais seulement dans la reconnaissance d’une loi morale objective qui, en tant que « loi naturelle » inscrite dans le cœur de l’homme, est une référence normative pour la loi civile elle-même. (EV, 70) Cet enseignement a, bien sûr, été repris par le pape Benoît XVI : « La démocratie ne réussit seulement que dans la mesure où elle est fondée sur la vérité et sur une compréhension correcte de la personne humaine ». (8 septembre 2007 à la conférence épiscopale de l’Ontario) et par le pape François : « Le pouvoir civil trouve sa limite face à la loi de Dieu ». (30 août 2013)

Chers amis pèlerins, Si la soumission à la loi divine, parfois au détriment, voire en opposition à la loi civile, est une obligation morale elle est aussi la condition d’une authentique liberté. La parole de l’Écriture s’avère d’une brûlante actualité : « La vérité vous rendra libres. » (Jn VIII, 32) Face à l’arbitraire, qui est la pente naturelle des puissants du jour, lesquels s’efforcent toujours d’accroître leurs pouvoirs et, surtout à notre époque, d’imposer leurs idéologies au détriment des libertés naturelles, l’existence de lois auxquelles personne ne peut porter atteinte est une protection pour tous et en particulier pour les plus faibles.

85 Le respect inconditionnel de la vie humaine innocente, le droit des parents à élever leurs enfants selon leurs convictions, le droit de propriété, le libre consentement des époux pour contracter mariage, le droit d’user des fruits de son travail, le droit de rendre un culte au vrai Dieu…sont des droits inhérents à la nature humaine à sa dignité, conséquence de sa filiation divine. Là contre se brisent tous les totalitarismes qui ont pour racine commune le pouvoir sans limites de l’homme : « Quand l'insolence de l'homme, obstinément, rejette Dieu, Dieu dit enfin à l'homme : que ta volonté soit faite! Et le dernier fléau est lâché : ce n'est pas la famine, la guerre, la peste...c'est l'homme! Et quand l'homme est livré à l'homme, on peut connaître ce qu'est la Colère de Dieu. » (Louis Veuillot) Demandons à saint Michel qui est un des protecteurs de la France, de nous préserver de ce redoutable fléau, en récitant ensemble cette prière : « Saint Michel Archange, défendez-nous dans le combat ; soyez notre secours contre la malice et les embuches du démon. Que Dieu lui fasse sentir son empire, nous vous en supplions. Et vous, prince de la milice céleste, repoussez en enfer, par la force divine, Satan et les autres esprits mauvais qui rôdent dans le monde, en vue de perdre les âmes. Ainsi soit- il ». Citations « Jugez-vous-mêmes s’il est juste, devant Dieu, de vous obéir plutôt qu’à Dieu ; car pour nous nous ne pouvons pas ne point parler des choses que nous avons vues et entendues. » Actes IV, 1-20, réponse de Pierre et de Jean, devant le sanhédrin. « Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi s'il ne t'avait pas été donné d'en haut. » Jn 18, Jésus devant Pilate. « Tout pouvoir vient de Dieu ». St Paul, Rm XII 1.10 « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » Ac 5,29 « La loi est ordination de la raison au bien commun, promulguée par celui qui a la charge de la communauté. (…)« La loi humaine a raison de loi en tant qu’elle est conforme à la raison droite ; à ce titre, il est manifeste qu’elle découle de la loi éternelle. Mais, dans la mesure où elle s’écarte de la raison, elle est déclarée loi inique et dès lors, n’a plus raison de loi, elle est plutôt une violence ». Saint Thomas d’Aquin, ST 1-2, 90, 4 « La loi naturelle est écrite et gravée dans l’âme de tous et de chacun des hommes parce qu’elle est la raison humaine ordonnant de bien faire et interdisant de pécher ... Mais cette prescription de la raison humaine ne saurait avoir force de loi, si elle n’était la voix et l’interprète d’une raison plus haute à laquelle notre esprit et notre liberté doivent être soumises. » Léon XIII , Libertas præstantissimum

86 « Il n’y a pas de doute que, dans l’actuelle société pluraliste, le législateur chrétien se trouve face à à des conceptions de la vie, à des lois et à des demandes de légalisation qui sont contraires à sa conscience. C’est alors la prudence chrétienne, vertu propre à l’homme politique chrétien, qui lui indiquera comment se comporter pour ne pas manquer, d’une part, à l’appel de sa conscience correctement formée, ni d’autre part à sa tâche de législateur. Il ne s’agit pas, pour le chrétien d’aujourd’hui, de sortir du monde où l’appel de Dieu l’a placé, mais de donner un témoignage de sa foi et d’être logique avec ses principes, dans les circonstances difficiles et toujours nouvelles qui caractérisent la sphère de la politique. » Bienheureux Jean-Paul II, Discours du 4 novembre 2000 « Les chrétiens, de même que tous les hommes de bonne volonté, sont appelés, en vertu d’un grave devoir de conscience, à ne pas apporter leur collaboration formelle aux pratiques qui, bien qu’admises par la législation civile, sont en opposition avec la Loi de Dieu (…) Certains pourraient penser que, faute de mieux, son rôle aussi devrait être apprécié en fonction de son utilité pour la paix sociale. Tout en reconnaissant quelque vérité dans cette opinion, il est difficile de ne pas voir que, sans un ancrage moral objectif, la démocratie elle-même ne peut pas assurer une paix stable, d'autant plus qu'une paix non fondée sur les valeurs de la dignité de tout homme et de la solidarité entre tous les hommes reste souvent illusoire. Même dans les régimes de participation, en effet, la régulation des intérêts se produit fréquemment au bénéfice des plus forts, car ils sont les plus capables d'agir non seulement sur les leviers du pouvoir mais encore sur la formation du consensus. Dans une telle situation, la démocratie devient aisément un mot creux. » Bienheureux Jean-Paul II, Evangelium Vitae « La décision historique, avec laquelle était décrétée la liberté religieuse pour les chrétiens, ouvrit de nouvelles routes à la diffusion de l’Évangile et contribua de façon déterminante à la naissance de la civilisation européenne. La mémoire de cet évènement offre l'opportunité, pour le présent Symposium, de réfléchir sur l’évolution des modalités avec lesquelles le monde chrétien s’est mis en relation avec la société civile et avec l'autorité qui la définit. De telles modalités se sont développées tout le long de l’histoire dans des contextes assez différents, en connaissant des différences significatives en Orient et en Occident. Dans le même temps, elles ont conservé certains traits fondamentaux communs, dont la conviction que le pouvoir civil trouve sa limite face à la loi de Dieu, la revendication du juste espace d’autonomie pour la conscience, la conviction que l'autorité ecclésiastique et le pouvoir civil sont appelés à collaborer pour le bien intégral de la communauté humaine. » Pape François, Message au symposium interchrétien « La loi naturelle est, comme l’a si bien dit saint Thomas, « le reflet de la lumière divine en nous » ; la voix de notre conscience qui la proclame n’est que l’écho de la voix même de Dieu. Les païens eux-mêmes ont reconnu cette loi et en ont parlé avec admiration. « Cette loi, disait Cicéron, n’a pas besoin d’être écrite, car elle est imprimée dans le cœur de l’homme ; elle est innée ; nous ne l’avons ni apprise, ni reçue, ni lue, mais nous l’avons tirée de la nature même… Elle n’est point autre

87 à Rome, autre à Athènes, autre aujourd’hui, autre demain. Tous les peuples, tous les siècles sont soumis à cette règle universelle et immuable par laquelle Dieu les régit en seul maître et monarque souverain. » Olivier de Durfort de Civrac, Lettre pastorale 1925 « Devant la loi civile, une conscience formée et éclairée ne s’incline pas automatiquement : elle réfléchit. Elle discerne, elle décide avant d’agir pour le mieux, dans la situation qui se présente à elle. Parfois elle s’oppose. « Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes » (Mc 5. 29), répondait déjà l’apôtre Pierre au tribunal qui l’interrogeait. Telle est la règle à suivre en conscience. » Olivier de Dinechin « Les tensions entre la loi civile et la loi naturelle sont aussi anciennes que la civilisation mais elles se sont considérablement accrues depuis que le législateur moderne a entrepris de s’émanciper de ses normes supérieures de référence. Avec le temps, cette séparation a tourné à une véritable répudiation. L’extension de souveraineté politique au domaine éthique a entraîné de graves distorsions dans la confection des lois et l’administration de la justice. Ce sont les notions mêmes de loi, d’ordre juste, voire de nature humaine et de liberté individuelle, qui ont été obscurcies par le triomphe conjugué du positivisme juridique et du laïcisme républicain.Pourtant, entre la loi naturelle et la loi civile, il ne devrait y avoir aucun antagonisme mais plutôt complémentarité : la loi naturelle a besoin de la loi civile pour passer à la positivité et assurer son effet activité ; et la loi civile a besoin de la loi naturelle pour fonder sa légitimité et garantir sa rationalité. C’est ainsi qu’on parviendra à ci authentique État de droit auquel aspirent les démocraties contemporaines. » Joël-Benoît d’Onorio (dir.), Loi Naturelle et loi civile « Y a-t-il une loi morale, ou une loi religieuse, appelez-la comme vous voulez, qui soit supérieure à la loi civile, à la loi démocratiquement votée ? Oui, bien sûr ! Il y en a une, et il y en a même plusieurs : de façon générale, il y a le Décalogue, qui est la transcription de la loi naturelle inscrite au cœur de toute conscience droite. Et à laquelle la loi civile doit en principe se conformer. Il y a une exigence de justice et une notion du bien et du mal qui sont inscrites dans la conscience de l’être humain, et qui transcendent les lois civiles. Le droit positif n’est légitime que s’il ne viole pas le droit naturel. Certes, la volonté d’un pouvoir politique à un moment donné, serait-ce celle de la majorité, est investie d’une certaine légitimité : indiscutablement, vox populi, vox Dei, ce n’est pas simplement un adage. Même les philosophes et penseurs antiques et médiévaux reconnaissaient que la loi civile puisse, sur le plan formel, être dégagée par l’expression d’une volonté majoritaire, mais celle-ci ne saurait aller à l’encontre d’un certain nombre de principes fondamentaux. On nous parle souvent, à juste titre, de l’illégitimité de lois adoptées par des régimes totalitaires dont certains pouvaient cependant se targuer, à un moment ou à un autre, d’une adhésion populaire massive. C’est donc que cette adhésion ne peut suffire à rendre juste ce qui ne l’est pas ! » Bruno Gollnish

Déclaration contraire : 88 « Il n'y a pas de loi morale au-dessus de la loi civile » Jacques Chirac Bibliographie « Centesimus Annus » Jean-Paul II « Splendor veritatis » Jean-Paul II « Evangelium Vitae » Jean-Paul II « La démocratie peut-elle devenir totalitaire ? » Collectif, ed. Contretemps « L’ordre immoral » Collectif, ed. Contretemps « La loi : sa nature, sa source, sa force » Michel De Jaeghere, disponible sur le site www.renaissancecatholique.org Quelques films « Sophie Scholl Les derniers jours » (2006) Marc Rothemund : Une résistance chrétienne au nazisme « Un homme pour l’éternité » Fred Zimmerman (1966) : Le destin tragique de Thomas More « For greater glory” Dean Wright (2013): L’aventure des cristeros mexicains

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UN SEUL DIEU TU ADORERAS

« Tu n’auras pas d’autre dieux devant moi » Gn 20,3 Méditation 12 Chers pèlerins, Il ne suffit pas de mettre nos lois civiles en accord avec la loi divine, comme nous l’avons vu ce matin, pour que nos sociétés vivent en paix et retrouvent le chemin de la prospérité. Il faut que Dieu y soit honoré, qu’un culte public lui soit rendu et que L’Église Catholique y retrouve sa juste place, de façon à ce que les pouvoirs spirituel et temporel puissent exercer leur rôle respectif au service du Bien Commun. I. LE DEVOIR SOCIAL DE RELIGION La société civile s’efforce, au nom de la laïcité de l’État, de reléguer la religion dans le domaine de la vie privée. C’est oublier l’enseignement traditionnel du magistère de l’Église. Le catéchisme de l’Église Catholique (CEC 2105), s’appuyant sur l’encyclique de Léon XIII Immortale Dei reprise par la déclaration Conciliaire Dignitatis Humanae (DH 1§3), rappelle que le devoir de rendre à Dieu un culte authentique concerne l’homme individuellement et socialement. En effet, Les hommes, unis par les liens d'une société commune, ne dépendent pas moins de Dieu que pris isolément ; autant au moins que l'individu, la société doit rendre grâce à Dieu, dont elle tient l'existence, la conservation et la multitude innombrable de ces biens. Les sociétés concernées sont aussi bien la cité que la nation mais également la société des nations. Le Catéchisme de l'Église Catholique est particulièrement explicite sur cette question : « La plupart des sociétés ont référés leurs institutions à une certaine prééminence de l'homme sur les choses. Seule le Religion divinement révélée a clairement reconnu en Dieu, Créateur et Rédempteur, l'origine et la destinée de l'homme. L’Église invite les pouvoirs politiques à référer leurs jugements et leurs décisions à cette inspiration de la Vérité 90 sur Dieu et sur l'homme. (Centisemus Annus n°45) Certes l’État est incompétent juridiquement en matière religieuse ; cependant, l’État n’est pas incompétent pour discerner quelle est la vraie religion et ceci en raison des motifs de crédibilité. Ainsi, le Pape Benoit XVI, dans l’encyclique Caritas in Veritate, rappelle que « la liberté religieuse ne veut pas dire indifférence religieuse et elle n’implique pas que toutes les religions soient équivalentes. Un discernement [...] s’avère nécessaire en particulier de la part de ceux qui exercent le pouvoir politique. Ce discernement devra se fonder sur le critère de la charité et de la vérité » (CV n° 55) Reconnaître quelle est la vraie religion, voilà la première étape du culte public que l’on doit rendre à Dieu : « C'est pourquoi, de même qu'il n'est permis à personne de négliger ses devoirs envers Dieu, et que le plus grand de tous les devoirs est d'embrasser d'esprit et de cœur la religion, non pas celle que chacun préfère, mais celle que Dieu a prescrite et que des preuves certaines et indubitables établissent comme la seule vraie entre toutes, ainsi les sociétés politiques ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n'existait en aucune manière, ou se passer de la religion comme étrangère et inutile, ou en admettre une indifféremment selon leur bon plaisir. » (Léon XIII, Immortale Dei) II. LA SAINE LAÏCITE La Doctrine Sociale de l'Église se fondant sur la distinction des pouvoirs, à partir de la phrase du Christ : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est Dieu », reconnaît avec Pie XII une saine laïcité : « Il y en a qui s’agitent parce qu’ils craignent que le christianisme prenne à César ce qui est à César. Comme si donner à César ce qui lui appartient n’était pas un commandement de Jésus ; comme si la légitimité et saine laïcité de l’État n’était pas un principe de la doctrine catholique ; comme si ce n’était pas la tradition de l’Église de faire un effort continuel pour maintenir les deux pouvoirs distincts et toutefois unis, selon les vrais principes ; comme si, par contre, le mélange du sacré et du profane ne s’était pas le plus fortement vérifié dans l’histoire, quand une part des fidèles s’est détachée de l’Église » (Pie XII, 23 mai 1958) Ainsi, même si cette distinction prendra différentes formes dans l’histoire, il s’agit d’un principe que l’État ne saurait renier dans tomber dans de graves erreurs. Le pape Pie XII était donc dans la suite de Saint Pie X quand il disait: « Qu’il faille séparer l’État et l’Église, c’est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur… C’est pourquoi, si le laïcisme dirige la pensée de l’Etat, les papes affirment que c’est un leurre et une folie, qui 91 aboutira à la destruction de la loi naturelle et à une anarchie sociale. Le Catéchisme de l'Église Catholique ne dit pas autre chose : « En évangélisant sans cesse les hommes, l'Église travaille à ce qu'ils puissent "pénétrer d'esprit chrétien les mentalités et les mœurs, les lois et les structures de la communauté où ils vivent" (Vatican II, AA 13). Le devoir social des chrétiens est de respecter et d'éveiller en chaque homme l'amour du vrai et du bien. Il leur demande de faire connaître le culte de l'unique vraie religion qui subsiste dans l'Église catholique et apostolique (DH 1). Les chrétiens sont appelés à être la lumière du monde (AA 13). L'Église manifeste ainsi la royauté du Christ sur toute la création et en particulier sur les sociétés humaines (cf. Léon XIII, "Immortale Dei"; Pie XI, Quas " primas"). CEC, n° 2105 Si la société politique poursuit sa finalité, qui lui est propre, de rechercher dans l’ordre temporel le bien commun, ce dernier comprend la dimension morale et spirituelle dont l’Église est le garant. Ainsi le pouvoir temporel, qui ne saurait être celui des clercs, est subordonné au pouvoir spirituel pour tout ce qui touche à la dimension éthique et spirituelle de l’homme et de la société. Une analyse pertinente et approfondie des textes du magistère ne limite donc pas l’influence de l’Église, sur la société, aux seules questions éthiques ; elle est fondée à rappeler aux États leur devoir de favoriser et protéger la vraie religion par des actes publics. En aucune manière cette pratique politique ne pourrait s’identifier à l’Islam qui absorbe dans le spirituel toute la vie politique, sociale et culturelle. Il ne s’agit pas alors de distinctions mais d’une fusion complète. La charia n’est plus qu’une application judiciaire de la révélation divine par une autorité politique qui se veut sacrée. Outre le fait que cette révélation est fausse et parfois contre nature, la confusion des deux pouvoirs ne pourra conduire qu’au totalitarisme. C’est à l’opposé de la Doctrine Sociale de l'Église, que Jacques Maritain résumait en une courte formule : « Distinguer pour unir et non confondre pour diviser ». III. POUVOIR SPIRITUEL ET POUVOIR TEMPOREL L’équilibre entre l’autorité civile et la mission de l’Église est délicat à trouver. Les deux pouvoirs, temporels et spirituels, sont distincts mais doivent se compléter harmonieusement et non s’opposer, car les deux devraient travailler au même royaume, mais sous des modalités différentes. Laissons la parole au pape Léon XIII : « Dieu a donc divisé le gouvernement du genre humain entre deux puissances, la puissance ecclésiastique et la puissance civile, celle-là préposée aux choses divines, celle-ci aux choses humaines. Chacune d’elles, en son genre, est 92 souveraine ; chacune est renfermée dans des limites parfaitement déterminées et tracées en conformité de sa nature et de son but spécial… Toutefois, leur autorité s’exerçant sur les mêmes sujets, il peut arriver qu’une seule et même chose…, ressortisse de la juridiction et au jugement de l’une et de l’autre puissance. Encyclique Immortale Dei La juste distinction des pouvoirs est donc posée par le Magistère. L’Église n’est pas là pour faire concurrence au pouvoir temporel, ni pour s’immiscer dans celui-ci; on tomberait alors dans la théocratie, telle que Calvin a voulu l’instaurer à Genève. La mission de l’Église n’est pas d’édicter les lois civiles, mais de les inspirer chrétiennement. Mais, puisque l’Église, comme la société civile, est au service de la vocation personnelle et sociétale des hommes, la distinction des pouvoirs n’implique donc, en aucun cas, que l’Église n’aurait rien à dire sur l’élaboration des lois. Dans le cas de projets de lois contraires à la loi naturelle, l’Église a compétence pour rappeler que de telles lois sont contraires au bien véritable des personnes. Chers amis pèlerins, Les propos que nous venons d’entendre nous concernent directement. Loin d’être des individus autosuffisants, nous sommes, en réalité, toujours dépendants les uns des autres. Ce réseau de personnes interdépendantes, qui forme toute société humaine, peut être comparé à un « capital humain, social et spirituel » appelé à aider chaque individu à progresser vers le Bien. Entre donc en ligne de compte ce que l’on appelle le Bien Commun, qui vise le bien de l’ensemble et de chacun des membres. Il est ce qui appartient à tous les êtres humains en vertu de leur humanité commune. Le catéchisme de l’Église catholique nous en donne une définition simple : « Le Bien Commun est l'ensemble des conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu'à chacun de leurs membres d'atteindre leur perfection, d'une façon plus totale et plus aisée. (CEC n °1906). Ceci ne va pas sans conséquences : - Parce que nous sommes interdépendants, le Bien Commun ne doit pas être considéré comme une addition, mais plutôt comme une multiplication dans laquelle si un seul membre est zéro, alors le total sera aussi zéro. Il revient donc à chaque membre d’une société de viser le « Développement humain intégral », c’est-à-dire éliminer les problèmes de pauvreté (de la faim à l’illettrisme), créer les opportunités pour l’éducation, créer un réel partenariat et une réelle solidarité entre les peuples. Cela implique un engagement actif dans les processus sociaux et politiques. 93 - Plus fondamentalement, la fin ultime de ce développement intégral de l’homme se reconnait dans le fait que chaque être humain est un être spirituel fait pour l’amour et la vérité. Le Bien Commun doit toujours inclure cette croissance spirituelle qui ouvre sur Dieu : « Le bien commun réside dans les conditions d'exercice des libertés naturelles qui sont indispensables à l'épanouissement de la vocation humaine : droit d'agir selon la droite règle de sa conscience, droit à la sauvegarde de la vie privée et à la juste liberté, y compris en matière religieuse » (CEC n° 1907). Prenons quelques instants pour réfléchir aux engagements que nous pouvons prendre dans la "cité" afin que Dieu y ait sa juste place, avant de réciter ensemble la prière que nous avons apprise de Notre Seigneur : « Notre Père …» Citations « les sociétés qui ignorent cette inspiration, [de la vérité sur Dieu et sur l’homme] ou la refusent au nom de leur indépendance par rapport à Dieu, sont amenés à chercher en elles-mêmes ou à emprunter à une idéologie leurs références et leur fin, et, n' admettant pas que l'on défende un critère objectif du bien et du mal, se donnent sur l'homme et sur sa destinée un pouvoir totalitaire, déclaré ou sournois, comme le montre l 'histoire » Centisemus Annus n°45. « Cette thèse, [de la séparation de l’Église et de l’état] est la négation très claire de l’ordre surnaturel. Elle limite en effet l’action de l’État à la seule poursuite de la prospérité publique durant cette vie, qui n’est que la raison prochaine des sociétés politiques ; elle ne s’occupe en aucune façon comme lui étant étrangère de leur raison dernière qui est la béatitude éternelle proposée à l’homme quand cette vie si courte aura pris fin. Et pourtant l’ordre présent des choses, qui se déroule dans le temps, se trouvant subordonné à la conquête de ce bien suprême et absolu, non seulement le pouvoir civil ne doit pas faire obstacle à cette conquête mais il doit encore y aider. » Vehementer 1906 « L’enseignement social de l’Église n’est pas une ingérence dans le gouvernement des différents pays. Il propose certainement un devoir moral de cohérence pour les fidèles laïcs, à l’intérieur de leur conscience une et unique. Dans leur existence, il ne peut y avoir deux vies parallèles, d’un côté la vie qu’on nomme spirituelle, avec ses valeurs et ses exigences ; et de l’autre la vie dite séculière, c’est à dire la vie de famille, de travail, de rapports sociaux, d’engagement politique, d’activités culturelles» Jean-Paul II, Christifideles laïci. […] Ainsi, tout ce qui dans les choses humaines est sacré à un titre quelconque, tout ce qui touche au salut des âmes et au culte de Dieu, soit par sa nature, soit par rapport à son but, tout cela est du ressort de l’autorité de l’Église. Quant aux choses qu’embrasse l’ordre civil et politique, il est juste qu’elles soient soumises à l’autorité civile, puisque Jésus-Christ a commandé de rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Léon XII, Encyclique Immortale Dei

94 « De même que nous voulons que les laïcs n’usurpent pas le droit du clergé, nous devons vouloir aussi que le clergé ne s’empare pas des droits des laïcs » quatrième concile du Latran, 1215. (…) Il est interdit aux clercs de remplir les charges publiques qui comportent une participation à l’exercice du pouvoir civil » 285, 3. « L’Église n’a pas la tâche de s’occuper des programmes politiques, sinon pour leurs implications religieuses et morales » Compendium de la doctrine sociale de l’Église, n. 424. « Bien commun : C’est le bien du ‘nous-tous’, constitué d’individus, de familles et de groupes intermédiaires qui forment une communauté sociale. Ce n’est pas un bien recherché pour lui-même, mais pour les personnes qui font partie de la communauté sociale et qui, en elle seule, peuvent arriver réellement et plus efficacement à leur bien. C’est une exigence de la justice et de la charité que de vouloir le bien commun et de le rechercher. Œuvrer en vue du bien commun signifie d’une part, prendre soin et, d’autre part, se servir de l’ensemble des institutions qui structurent juridiquement, civilement, et culturellement la vie sociale qui prend ainsi la forme de la pólis, de la cité. On aime d’autant plus efficacement le prochain que l’on travaille davantage en faveur du bien commun qui répond également à ses besoins réels. Tout chrétien est appelé à vivre cette charité, selon sa vocation et selon ses possibilités d’influence au service de la pólis. C’est là la voie institutionnelle – politique peut-on dire aussi – de la charité, qui n’est pas moins qualifiée et déterminante que la charité qui est directement en rapport avec le prochain, hors des médiations institutionnelles de la cité. L’engagement pour le bien commun, quand la charité l’anime, a une valeur supérieure à celle de l’engagement purement séculier et politique. Comme tout engagement en faveur de la justice, il s’inscrit dans le témoignage de la charité divine qui, agissant dans le temps, prépare l’éternité. Quand elle est inspirée et animée par la charité, l’action de l’homme contribue à l’édification de cette cité de Dieu universelle vers laquelle avance l’histoire de la famille humaine. Dans une société en voie de mondialisation, le bien commun et l’engagement en sa faveur ne peuvent pas ne pas assumer les dimensions de la famille humaine tout entière, c’est-à-dire de la communauté des peuples et des Nations, au point de donner forme d’unité et de paix à la cité des hommes, et d’en faire, en quelque sorte, la préfiguration anticipée de la cité sans frontières de Dieu. » Benoit XVI, Caritas in Veritate, n°8. CEC n° 1907 « Ne vivez point isolés, retirés en vous-mêmes, comme si vous étiez déjà justifiés, mais rassemblez-vous pour rechercher ensemble ce qui est de l’intérêt commun. » Épître de Barnabé 4,10 « On doit adorer l’unité dans la Trinité et la Trinité dans l’unité. » Saint Athanase « On peut donc dire que l'Église enseigne la prééminence du spirituel sur le temporel, mais, en aucune façon, l'absorption de l'un dans l'autre. Il y a un abîme entre cette doctrine [..] et celle de l'état-Dieu, source de tous les droits, absorbant tout en lui, se chargeant de tout et ne laissant aucune force se développer 95 indépendamment de lui. » Gustave Neyron, Le gouvernement de l’Église «(…) Le devoir de rendre à Dieu un culte authentique concerne l’homme individuellement et socialement. C’est là la doctrine catholique traditionnelle sur le devoir moral des hommes et des sociétés à l’égard de la vraie religion et de l’unique Église du Christ. (…) Qu’en matière religieuse, nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience, ni empêché d’agir, dans de justes limites, suivant sa conscience en privé comme en public, seul ou associé à d’autres. Ce droit est fondé sur la nature même de la personne humaine dont la dignité lui fait adhérer librement à vérité divine qui transcende l’ordre temporel. C’est pourquoi il persiste même en ceux-là qui ne satisfont pas à l’obligation de chercher la vérité et d’y adhérer. (…) Si, en raison des circonstances particulières dans lesquelles se trouvent des peuples, une reconnaissance civile spéciale est accordée dans l’ordre juridique de la cité à une société religieuse donnée, il est nécessaire qu’en même temps, pour tous les citoyens et toutes les communautés religieuses, le droit à la liberté en matière religieuse soit reconnu et respecté. » Concile Vatican II, Déclaration Dignitatis Humanae, 1, 2, 6. « Il est alors du devoir de tous les croyants, et en particulier des croyants dans le Christ, de continuer à élaborer un concept de laïcité qui, d'une part, reconnaisse à Dieu et à sa loi morale, au Christ et à son Église, la place qui leur revient dans la vie humaine, individuelle et sociale et, de l'autre, qui affirme et respecte la « légitime autonomie des réalités terrestres », en entendant par cette expression, comme le répète le Concile Vatican II, que « les choses créées et les sociétés elles- mêmes ont leurs lois et leurs valeurs propres que l'homme doit peu à peu apprendre à connaître, à utiliser et à organiser. » Concile Vatican II, Constitution Gaudium et Spes n°36 « Le refus lui-même de référence à Dieu n'est pas l'expression d'une tolérance qui veut protéger les religions non théistes et la dignité des athées et agnostiques, mais plutôt l'expression d'une conscience qui voudrait voir Dieu effacé définitivement de la vie publique de l'humanité et cantonné au milieu du subjectif des cultures résiduelles du passé. (…) Le refus de reconnaître les racines chrétiennes de l'Europe porte sur la mémoire historique. Elle obéit au même processus d'exclusion : cette culture « se coupe consciemment de ses propres racines historiques, se privant par là des forces fécondes dont elle est elle-même née, elle abandonne ce que l'on peut appeler la mémoire fondamentale de l'humanité, sans laquelle la raison perd son orientation. » Benoît XVI, Conférence à Subiaco, 1er avril 2005 « Il est conforme à la nature de l'Église d'être séparée de l'État et que sa foi ne puisse pas être imposée par l'État, mais repose au contraire sur des convictions acquises librement...L'Église se doit d'être non pas un État ou une partie d'un État, mais une communauté de conviction. Elle se doit aussi de se savoir responsable de l'ensemble et de ne pas pouvoir se limiter à elle-même. Il lui faut à partir de sa propre liberté parler à l'intérieur de la liberté de tous. » Benoît XVI, Valeurs pour un temps de crise « Il faut que l'État ne considère pas la religion comme un simple sentiment 96 individuel qui pourrait être limité au seul domaine privé. Au contraire, la religion, étant également organisée en structures visibles, comme cela a lieu pour l'Église, doit être reconnue comme présence communautaire publique. » Benoît XVI, Discours au Congrès des Juristes catholiques italiens - 9 décembre 2006 Bibliographie « Du bien commun », Marcel Clément, ed. de l’Escalade « Choisir le bien commun », déclaration de la conférence épiscopale d’Angleterre et du Pays de Galles, 2010 Catéchisme de l’Église Catholique 1906-1907 (bien commun).

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PRIÈRE ET ACTION

« Les hommes d’arme combattront et Dieu donnera la victoire » J. d’Arc Méditation 13 Chers Pèlerins, Le dernier thème de notre pèlerinage, « Prière et Action », rejoint la devise de saint Benoît, Patron de l’Europe : « Ora et labora » (« Prie et travaille »). C’est sur cet idéal que se sont construits tous les monastères, qui sont des petites sociétés vivantes et équilibrées, modèles de toute autre société. Dans ce titre, la prière est nommée en premier : en effet, la prière doit précéder, envelopper et conclure toute action. Mais elle ne peut suffire : la prière exige l’action et doit déboucher sur elle. En effet, « La Foi sans les œuvres est morte » (St Paul). C’est ce que nous allons voir au cours de cette dernière méditation. I. QU’EST-CE QUE LA PRIERE ? « La prière est l’élévation de l’âme vers Dieu » (Saint Jean Damascène). « Dans la nouvelle Alliance, elle est la relation vivante des enfants de Dieu avec leur Père infiniment bon, avec son Fils Jésus-Christ et avec l’Esprit Saint » (CEC 2559, 2565). Elle est donc quelque chose de très intime qui concerne chacun dans sa relation à Dieu. Dieu est avant tout Père et nous sommes ses enfants par le baptême. Aussi, le meilleur moyen d’entrer dans le mystère de la prière est-il de se représenter un petit enfant devant son père. La prière d’adoration L’enfant se sent tout petit devant son père. Ainsi en est-il devant Dieu. L’homme comprend sa petitesse face à l’infinie grandeur de Dieu et il s’anéantit. Telle est l’adoration : « Elle est la première attitude de l’homme qui se reconnaît créature devant son Créateur » (CEC 2628) 98 Nous éprouvons vivement ce saisissement devant un beau paysage, un ciel étoilé et son silence ou devant l’immensité de l’océan, parce que nous découvrons la grandeur du Créateur à travers sa Création. L’un des drames de notre époque est cette séparation entre l’homme des villes et la nature. Aimons les plaisirs simples qui nous mettent directement en contact avec l’œuvre de Dieu. Alors nous pressentirons la grandeur de Dieu, sa Beauté et sa Bonté, et nous souhaiterons nous taire, nous agenouiller… Mais il est une adoration qui l’emporte sur toutes les autres : c’est celle qui se fait devant le tabernacle ou, si l’on peut, devant le Saint-Sacrement exposé. C’est que la Présence sacramentelle du Christ-Jésus rayonne alors sur nos âmes d’une façon particulière. Pourquoi ne pas aller de temps en temps assurer une heure d’adoration devant le Saint Sacrement et déposer là, dans le Cœur de Dieu, toutes nos intentions, celles de la France, celles du monde, celles de l’Église ? Cela ne mérite-t-il pas un petit effort ? La prière de demande L’enfant ne possède rien. Tout son nécessaire pour vivre, il l’attend de son père et n’hésite pas à le lui demander. L’homme moderne ne veut plus reconnaître sa dépendance absolue vis-à-vis de Dieu : il ne veut plus voir que l’essentiel lui manque ; il est autosuffisant. Pourtant Jésus nous encourage : « Demandez et vous recevrez ». Tous les saints ont été de grands priants, ils ont eu l’audace de la Foi qui fait des miracles. Saint Dominique passait ses nuits en prière et il confia à un frère que Dieu ne lui avait rien refusé de toute sa vie. Et nous, savons- nous demander ? (Par exemple, des vocations dont l’Église a tant besoin ?) Dieu répond aussi aux prières de détresse : ainsi le bienheureux Charles de Foucauld, avant sa conversion, s’était-il écrié : « Mon Dieu, si vous existez, faites-le moi connaître ». Quelque temps après, il entrait dans l’église St-Augustin à Paris et se confessait. Aussitôt, la foi lui fut rendue… On peut aussi demander de toutes petites choses de la vie : quand sainte Bernadette s’étouffait la nuit à l’infirmerie, elle suppliait la Vierge de lui obtenir de ne plus tousser pour ne pas gêner ses sœurs, et la toux se calmait… Dans la prière il faut être simple comme l’enfant qui s’adresse à son père : il ne doute pas d’obtenir ce qu’il demande, si cela est bon pour lui. La prière d’offrande On offre aux autres ce qui peut leur faire plaisir. C’est pourquoi il est bon, chaque matin, de commencer par une prière d’offrande de notre journée à 99 Dieu : que tout ce que nous allons vivre, penser, dire ou faire soit agréable à Dieu, que tout lui appartienne ! Disons par exemple : « Mon Dieu, je m’offre entièrement à Vous et je Vous offre tout ce que je vais faire aujourd’hui, aux intentions et pour la gloire du Cœur de Jésus. ». Ne méprisons pas ces formules de prière toutes simples qui sont l’expression des dispositions de notre cœur. Il peut y avoir aussi des offrandes beaucoup plus importantes dans nos vies : celles que l’on sent que Dieu attend de nous, comme celle de renoncer à une relation qui n’est pas selon Dieu, celle d’une action généreuse qui peut nous coûter, celle enfin de Lui donner toute notre vie dans la vocation religieuse ou sacerdotale. N’éteignons pas l’appel dans nos âmes s’il se fait entendre… Offrir, s’offrir, c’est toujours penser à l’autre, le contraire de l’égoïsme tourné uniquement vers soi. Et le vrai bonheur se trouve dans ce don de soi à un autre, aux autres, et finalement à Dieu puisque le prochain, c’est Dieu qui vient à nous. Enfin, peut venir l’offrande de son sang, dans le martyre. Pensons à Anne- Lorraine assassinée dans le train pour garder sa virginité : c’était l’offrande suprême… la prière suprême, celle qui n’a plus besoin de mots pour s’exprimer parce qu’elle est un témoignage vivant. La prière de réparation Revenons à l’enfant devant son père… Bien souvent, il commet quelques bêtises. Le papa doit alors intervenir. Il faut que « les choses rentrent dans l’ordre ». Quelle magnifique expression ! Oui, il y a un ordre objectif. Et s’il a été enfreint, une réparation s’impose. Qu’elle soit en rapport avec le méfait, mais aussi à la mesure du coupable. Quand l’âme reconnaît ses torts, elle désire spontanément réparer… Avoir obtenu le pardon ne lui suffit pas. Il y a là un devoir de justice. C’est un besoin du cœur, une exigence de l’amour. Ainsi en est-il envers Dieu. C’est ainsi que dans le sacrement de la Réconciliation, le prêtre, au nom de Dieu, nous prescrit une pénitence, en vérité bien légère par rapport à nos péchés. N’omettons pas de la faire. Soyons généreux dans les petits sacrifices pour réparer nos manquements et ceux des autres, comme le demandait le Sacré-Cœur à Sainte Marguerite-Marie à Paray-le-Monial. Nous pouvons aussi réparer « pour les autres », dans le mystère de la communion des saints. Savons-nous accueillir joyeusement, en esprit de réparation, toutes les petites pénitences que nous imposent la vie moderne et ses contraintes ? Il y a là un vrai trésor de sanctification… Et n’oublions pas que la Sainte Messe est prière d’adoration, de demande, d’offrande et de réparation : ce sont les prières de Jésus sur la Croix auxquelles nous nous associons. Peut-il y avoir plus puissante prière sur le

100 Cœur de Dieu ? Aussi n’omettons jamais notre messe dominicale, comme le demande la Sainte Église. II. NOS DIFFERENTS DEVOIRS D’ETAT Nous sommes dans une société où l’homme a une conscience aiguë de ses droits. L’homme s’est ainsi mis au centre de son univers… Alors la notion de devoir s’estompe avec le sens des responsabilités. Or, il est certain que l’homme est aussi un être de devoirs dans ses relations aux autres. Il doit se décentrer de lui-même pour considérer Dieu et son prochain : Ainsi, chacun a des « devoirs d’état » particuliers. On pourrait dire que le devoir d’état est un autre nom de « la volonté de Dieu » sur chacun ; or, « ce ne sont pas ceux qui crient : Seigneur, Seigneur qui entreront dans le royaume des Cieux, mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les Cieux ». Nous serons jugés sur l’amour, bien sûr, mais sur l’amour que nous aurons mis à bien accomplir nos devoirs d’état. Le devoir d’état peut être dans le « faire », mais aussi dans le « laisser faire », dans le « lâcher prise », dans la « pure offrande » non de son avoir mais de son être, spécialement dans la maladie et dans la vieillesse. Cela est bien consolant ! Une société ne peut vivre que si ses membres ont tous le souci d’accomplir consciencieusement leurs devoirs d’état : chacun a sa tâche à remplir en vue du Bien commun. C’est une question de justice. Si quelqu’un défaille, c’est au détriment de tous. Cela est vrai de toute société en particulier de la plus petite d’entre elles : la famille. Contemplons la Sainte Famille : la Vierge, saint Joseph, l’Enfant Jésus. Nous ne les imaginons pas bâclant leur travail, négligeant la prière, se manquant d’égards… Ayons à cœur d’accomplir tous nos devoirs d’état avec générosité, et la joie et la paix fleuriront dans nos familles. Ayons le souci d’accomplir notre tâche dans la société civile, sans injustice, sans tromperie, sans se faire un dieu de l’argent…, et le monde autour de nous se portera mieux. Ayons la force de nous battre, chacun à notre mesure, contre les fausses lois qui détruisent la société en ne respectant pas les commandements de Dieu. Rappelons-nous qu’il « vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » comme le disait saint Pierre, le 1er Pape. Cela aussi est un vrai et urgent devoir d’état pour le chrétien dans la cité terrestre. C’est notre devoir politique. Mais toujours appuyés sur la prière : « Les mains à l’ouvrage et le cœur à Dieu » comme disait sainte Catherine Labouré. Que chacune de nos actions soit un « Fiat voluntas tua ! » de notre cœur, tout pénétré de droiture et d’amour. 101 III. NOTRE-DAME DE LA SAINTE ESPERANCE : LE TRIOMPHE DE SON CŒUR IMMACULE, SIGNE DE LA VICTOIRE DE DIEU. Mais face à tant de forces du mal qui se déchaînent, où trouver le courage de la fidélité à notre conscience ? Où trouver, avant tout, la lumière pour appeler le bien : « bien », et le mal : « mal » ? Et pour faire que « notre oui soit oui, et notre non, soit non ». ? Car nous ne pouvons pas pactiser avec le mal… C’est la Vierge qui sera notre secours. En contemplant le visage de la Mère de Dieu, en la priant, nous comprendrons ce qu’elle ferait à notre place, dans telle situation difficile. « En la priant, vous ne vous égarez pas » disait saint Bernard. Le premier pas vers la victoire contre les forces du mal est celle d’un bon discernement. Ainsi le chrétien comprend la route à suivre en regardant la Vierge immaculée. C’est ensuite dans le cœur de chacun que se joue le grand combat spirituel... Regardons encore Marie : c’est dans son Cœur immaculé que triomphe l’Amour de Dieu, qu’il règne en maître bien au-dessus de toutes les autres créatures. Aussi est-elle la « Toute Sainte » car le degré d’amour est le degré de la sainteté. C’est dans son Cœur que se trouvent les Paroles de Dieu, gardées, méditées…C’est donc en nous consacrant à ce Cœur Immaculé que nous pourrons peu à peu nous modeler sur lui et grandir dans la lumière et le pur amour de Dieu. L’Abbé Desgenettes, curé de ND des Victoires à Paris, qui se désolait du peu de ferveur de ses paroissiens, entendit un jour dans son âme après sa messe : « Consacre ta paroisse au Cœur Immaculé de Marie ». Ce qu’il fit. Et sa paroisse devint l’une des plus ferventes de Paris. À Fatima, la Vierge révéla son Cœur immaculé et douloureux, et dit à Lucie : « Mon Cœur sera ton refuge et la voie qui te conduira sûrement à Dieu ». Comme à Cana, le Cœur de Marie est tout-puissant sur le Cœur de son Fils, mais Elle nous répète : « Faites tout ce qu’Il vous dira ». Nous souvenant que l’Islam a été vaincu à Lépante par la prière du Rosaire, ordonnée par Saint Pie V à toute la chrétienté, revenons à cette humble et simple prière qui était la préférée du bienheureux Jean-Paul II. Elle va droit au Cœur de notre Mère du Ciel. Elle l’a demandé à Fatima où Elle est invoquée comme « Notre-Dame du Rosaire ». Elle l’a demandé à Lourdes à sainte Bernadette.

102 Chers pèlerins de Chartres, "Prière et action", sont toutes deux nécessaires, mais suivant les périodes de la vie, leur équilibre peut être bien variable : L’enfant est tout entier dans l’action, avec la force de sa jeunesse, mais il est aussi très réceptif aux choses de Dieu et spontanément contemplatif devant la beauté ; il doit cependant apprendre à prier en famille. Le jeune homme prépare son avenir ; il peut se laisser prendre par le paraître, le superficiel ou le poids des études. Qu’il se réserve toujours le temps de la prière et de la réflexion au moment des grands choix de la vie ! L’homme mûr a son métier, sa famille ; il peut être écrasé par les tâches professionnelles et familiales, se laisser entraîner par l’ambition, les lourds soucis. La prière sera son secours et sa respiration, sa source de lumière et de force. Dans la vieillesse ou dans la maladie, l’homme se trouve dégagé du travail, il doit trouver un autre rythme, l’action peut prendre une autre forme, celle du bénévolat ; le temps de la prière devient beaucoup plus large : c’est une grâce ! Prions pour ceux qui ne le peuvent pas beaucoup ; ayons le sens de la Communion des saints, à tous les âges de la vie. Alors notre vie sera pleine et heureuse, pour nous, pour nos proches et même pour le monde entier, car l’Église n’a pas de frontières. Et revenons à notre chapelet : Il est, avec la Sainte Eucharistie, l’arme la plus puissante contre les forces du mal aujourd’hui déchaînées, surtout s’il est récité en commun. Prions-le avec ferveur, comme nous avons appris à le faire. Pour nos familles, pour notre pays, pour l’Église et pour que, fermes dans la foi, nous restions fidèles à nos engagements au service du Vrai, du Bien et du Beau. Prions-le avec confiance, car Marie est appelée « la victorieuse de toutes les batailles de Dieu », et parce qu’elles sont sûres, ces paroles de notre Mère : « À la fin, mon Cœur Immaculé triomphera ! » « Je vous salue Marie….. » Citations « Mais priez, mes enfants, mon Fils se laisse toucher. Dieu vous exaucera en peu de temps ». La Vierge à Pontmain, 17 janvier 1871 « Si j’ai fait du tort à quelqu’un, je lui rends le quadruple » Luc 19,8, réponse de Zachée à Jésus. « Que ferais-tu si tu devais mourir dans quelques instants ? ». Il répondit : « Je continuerais à jouer… » Saint Louis de Gonzague enfant 103 « Aide-toi et Dieu t’aidera. » Esope – Fables « Les gens d’armes combattent et Dieu donnera la victoire. » Sainte Jeanne d’Arc « Il faut toujours prier comme si l'action était inutile et agir comme si la prière était insuffisante. » Sainte Thérèse de Lisieux « Traiter de la vie spirituelle pour le grand public des lecteurs de toute sorte, quelle entreprise risquée! Quelle étrange prétention! Rien n'est plus facile en soi, rien ne tient en moins de mots et de mots à la portée de tous. L'admirable difficulté git presque toute entière du côté de l'application pratique. » Bienheureux Vladimir Ghika « Certains tempéraments, par une tendance irrépressible, ont du mal à se libérer de l’enchaînement des actions dans la journée. Il faut donc trancher énergiquement et se tailler coûte que coûte un certain temps régulier réservé pour l’oraison. Le meilleur moment semble être le matin, et sans doute il faut un certain courage pour commencer sa journée par du gratuit, quelque chose qui n’a aucune rentabilité. Mais c’est alors que se forge la volonté et que l’oraison devient facteur d’équilibre, capable de soutenir l’âme et de l’orienter pour tout le reste du jour. » Un moine du Barroux – Comment faire oraison ? « Le monde actuel est tout absorbé dans un activisme fiévreux qui a besoin d'être équilibré par la paix profonde qui rayonne d'un monastère bénédictin. Ce que les hommes en retirent ne peut être évalué, car il s'agit d'un bien spirituel, mais il n'en est pas moins réel et vital : c'est un gage de la présence de Dieu parmi nous. » La vocation bénédictine – Abbaye de Saint-Wandrille « La vie des Saints manifeste l’unité profonde entre la prière et l’action, entre l’amour total pour Dieu et celui pour les frères. Trop d’occupations, une vie frénétique finissent souvent par endurcir le cœur. Chers amis, ce rappel est précieux aujourd’hui alors que nous évaluons tout à l’aune de la productivité et de l’efficacité ! Le travail est important, mais nous avons aussi besoin de Dieu, de sa lumière. Sans la prière quotidienne, l’activisme nous guette. La prière est la respiration de l’âme et de la vie. » Benoît XVI, Audience du 25 avril 2012 « Le moment est venu de réaffirmer l’importance de la prière face à l’activisme et au sécularisme dominant de nombreux chrétiens engagés dans le travail caritatif. Bien sûr, le chrétien qui prie ne prétend pas changer les plans de Dieu ni corriger ce que Dieu a prévu. Il cherche plutôt à rencontrer le Père de Jésus Christ, lui demandant d’être présent en lui et dans son action par le secours de son Esprit. La familiarité avec le Dieu personnel et l’abandon à sa volonté empêchent la dégradation de l’homme, l’empêchent d’être prisonnier de doctrines fanatiques et terroristes. Une attitude authentiquement religieuse évite que l’homme s’érige en juge de Dieu, l’accusant de permettre la misère sans éprouver de la compassion pour ses créatures. Mais celui qui prétend lutter contre Dieu en s’appuyant sur l’intérêt de l’homme, sur qui pourra-t-il compter quand l’action humaine se montrera impuissante ? » Benoît XVI ? Encyclique Deux Caritas est (36-37) Bibliographie Catéchisme de l’Église Catholique, 4ème partie, Mame / Plon 104 « Pour qu’Il règne », Jean Ousset « L’âme de tout apostolat », Dom Chautard « Le jour du Seigneur », Bx Jean-Paul II, ed.Téqui « Le Rosaire de la Vierge Marie », Bx Jean-Paul II, ed.Téqui « Manuscrits autobiographiques », Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus « St Dominique, le visage d’un cœur », Sœur Dominique Racinet, ed. St Augustin « Un cœur qui écoute » Sœur Jeanne d’Arc o.p., Collection du Laurier, DDB 1993 « La dévotion des 1ers samedis », Père Coveliers, ed. Téqui « Mémoires de Sœur Lucie », Sœur Lucie, ed. Téqui « Ste Bernadette », Père Laurentin « La nuit étoilée de Pontmain », Père André Caplet, ed. L’Icône de Marie « Cent lettres sur la prière », Père Caffarel « Charles de Foucauld », René Bazin, Nouvelle Cité « Apprendre à prier avec sœur Elisabeth de la Trinité », Jean Lafrance, ed. Médiaspaul « Les petites béatitudes », Paul-Dominique Marcovits, ed.Cerf « Ste Bernadette et son chapelet », Père Ravier, s.j., ed. Couvent St Gildard Nevers « Dieu existe, je l’ai rencontré », André Frossard, Fayard « Une vie avec Karol », Stanislas Dziwisz, ed. Desclée de Brouwer « Du temps pour Dieu », P. Jacques-Philippe, ed. des Béatitudes « Notre Père qui es aux Cieux », Cardinal Journet, ed. Saint-Augustin

105 EME 2 PARTIE : MÉDITATIONS GÉNÉRALES

CITATIONS ET BIBLIOGRAPHIE

LISTE DES MÉDITATIONS GÉNÉRALES

LE ROSAIRE

LE SACREMENT DE PÉNITENCE : DEVENIR UN «MISÉRICORDIÉ »

LA SAINTE MESSE

POURQUOI AIMER LA MESSE « TRADITIONNELLE » ?

LA SAINTE MESSE

CONSÉCRATION Á NOTRE-DAME

L’ADORATION DE L’EUCHARISTIE

LA TRADITION

LA CHRÉTIENTÉ.

LA VOCATION

UNE RÈGLE DE VIE.

106

LE ROSAIRE

Méditation

Chers pèlerins, Tout au long de notre pèlerinage, nous allons être invités à réciter le Rosaire ou à dire le Chapelet. De quoi s’agit-il ? Un rosaire, c’est une couronne de roses ; quant au chapelet, c’est un petit chapeau de fleurs. Dire son Chapelet ou réciter le Rosaire, c’est tresser à la Sainte Vierge une couronne de prières. Toutefois, comme nous le rappelle Jean-Paul II, dans la Lettre apostolique ‘’, à laquelle nous ferons souvent référence dans le propos qui suit : «… tout en ayant une caractéristique mariale, le Rosaire est une prière dont le centre est christologique… Il concentre en lui la profondeur de tout le message évangélique, dont il est presque un résumé ». I. DE QUOI SE COMPOSE LE ROSAIRE ? Traditionnellement, un Rosaire comprend trois Chapelets, chaque Chapelet comprenant lui-même cinq mystères, c'est-à-dire cinq méditations centrées sur les principaux évènements de la vie de Jésus et de Marie : cinq mystères joyeux : ceux de l’enfance de Jésus ; cinq mystères douloureux : ceux de la Passion du Christ ; cinq mystères glorieux : ceux du triomphe de Dieu. À ces quinze mystères, qui constituent la trame traditionnelle du Rosaire, le Pape Jean-Paul II, reprenant un usage datant du Moyen-Âge, proposa (sans l’imposer) d’ajouter cinq « mystères lumineux » correspondant aux faits les

107 plus marquants de la vie publique de Jésus, en sorte que, selon son expression, le Rosaire constitue un véritable « résumé de l’Évangile ». II. COMMENT RECITE-T-ON LE CHAPELET ? Laissons parler Jean-Paul II : « Le Rosaire est à la fois méditation et supplication… Il est aussi un parcours d’annonce et d’approfondissement ». La récitation de chaque Chapelet commence par un ‘Je crois en Dieu’, « comme pour mettre la profession de foi au point de départ du chemin de contemplation que l’on entreprend » fait remarquer le Saint Père. Puis on récite (ou on chante) un ‘Notre Père’, suivi de trois ‘Je vous salue Marie’ et d’un ‘Gloire au Père’. Pour l’énoncé du premier mystère, qui servira de trame à la première méditation, le Pape fait observer que « pour donner un fondement biblique et une profondeur plus grande à la méditation, il est utile que l’énoncé du mystère soit suivi de la proclamation d’un passage biblique correspondant ». Par ailleurs, après cette lecture « il est opportun de s’arrêter pendant un temps significatif pour fixer le regard sur le mystère médité avant de commencer la prière vocale ». Cette prière vocale consiste en la récitation (ou le chant), en français ou en latin de : un « Notre Père » (Pater), dix « Je vous salue Marie » (Ave), un « Gloire au Père » (Gloria), suivi de la courte prière que nous a appris la Sainte Vierge lors de l’une de ses apparitions à Fatima : « O mon Jésus, pardonnez-nous nos péchés, préservez-nous du feu de l’enfer, et conduisez au Ciel toutes les âmes, surtout celles qui ont le plus besoin de votre sainte miséricorde ». Concernant la récitation de ces différentes prières, le pape nous fait quelques recommandations : « Le centre de l’Ave Maria … est le nom de Jésus. C’est justement par l’accent qu’on donne au nom de Jésus et à son mystère que l’on distingue une récitation du Rosaire significative et fructueuse ». Ainsi, peut-on « donner du relief au nom du Christ, en ajoutant une ‘clausule’ évocatrice du mystère que l’on est en train de méditer. C’est une pratique louable, spécialement dans la récitation publique ». Par ailleurs, nous dit-il, «il est important que le Gloria, sommet de la contemplation, soit bien mis en relief dans le Rosaire ». Enfin, il faut « faire en sorte que chaque mystère s’achève par une prière destinée à obtenir les fruits spécifiques de la méditation de ce mystère »…de façon à «imiter ce qu’ils contiennent et obtenir ce qu’ils promettent ». Deux remarques à propos de la récitation du Notre-Père : 108 Le vouvoiement : par respect pour Dieu, le Père Tout Puissant, Créateur du ciel et de la terre, nous le vouvoyons. Certes, quelques grands mystiques, parce qu’ils ont une grande intimité avec Jésus, se permettent parfois de le tutoyer ; mais ce sont de grands mystiques…. L’emploi de la formule « ne nous laissez pas succomber à la tentation ». C’est la formule qui correspond le mieux à la formule de l’original grec, selon le Catéchisme de l’Église Catholique (CEC 2846). « Dieu n’éprouve pas le mal ; Il n’éprouve non plus personne » (Jc I, 13) Il veut, au contraire, nous en libérer. III. MEDITATION ET GRACE A DEMANDER

Ainsi donc, chaque méditation portera sur un moment de la vie du Christ, mais pour en tirer des conclusions pour notre vie présente et en liaison avec le thème qui nous est proposé chaque jour pendant le pèlerinage : ce seront les fruits du mystère et les grâces à demander. C’est ce que le pape Jean-Paul II exprimait par cette formule : « Chaque mystère du Rosaire, bien médité, éclaire le mystère de l’homme… Méditer le Rosaire consiste à confier nos fardeaux aux Cœurs miséricordieux du Christ et de sa Mère ». Quelles sont donc ces méditations et quelles peuvent être les grâces à demander comme fruit de ces mystères ? Nota : Ne pas lire la liste complète des mystères, mais illustrer par quelques exemples. 1. Mystères Joyeux : L’Annonciation ; fruit du mystère : « l’humilité » La Visitation ; fruit du mystère : « la Charité fraternelle » La Nativité ; fruit du mystère : « l’esprit de pauvreté » La Présentation de l’Enfant Jésus au temple ; fruit du mystère : « l’obéissance et la pureté » Le Recouvrement de Jésus au temple ; fruit du mystère : « la recherche de Dieu en toute chose ».

2. Mystères Lumineux : Le Baptême de Jésus ; fruit du mystère : « l’esprit de pénitence » Les Noces de Cana ; fruit du mystère : « la confiance dans la prière et l’intercession de Marie » L’Appel à la conversion et la prédication du Royaume ; fruit du mystère : « le courage dans l’engagement et la persévérance » La Transfiguration de Jésus ; fruit du mystère : « l’esprit de prière et le don de sagesse »

109 L’Institution de l’Eucharistie ; fruit du mystère : « la dévotion eucharistique »

3. Mystères Douloureux : L’Agonie au Jardin des Oliviers ; fruit du mystère : « la contrition de nos péchés » La Flagellation ; fruit du mystère : « le regret des péchés des sens » Le Couronnement d’épines ; fruit du mystère : « le regret des péchés d’orgueil » Le Portement de Croix ; fruit du mystère : « le courage dans les épreuves » La Crucifixion ; fruit du mystère : « un plus grand amour de Dieu »

4. Mystères Glorieux : La Résurrection de Jésus ; fruit du mystère : « la foi » L’Ascension de Jésus au Ciel ; fruit du mystère : « un plus grand désir du Ciel » La Pentecôte ; fruit du mystère : « le zèle pour les âmes » L’Assomption de Notre Dame ; fruit du mystère : « la grâce d’une bonne mort » Le Couronnement de Marie au Ciel ; fruit du mystère : « une plus grande dévotion à Marie ».

IV. LES BIENFAITS DU ROSAIRE

Du Rosaire, le pape Jean-Paul II vantait ainsi les mérites : « Le Rosaire, grâce à Marie, fait descendre, pour ainsi dire, la lumière salvifique de tous les mystères du Christ dans les circonstances et les difficultés de la vie quotidienne normale, du travail, de la fatigue, du doute, de la souffrance, de la vie sociale et familiale, et transfigure tout, élève tout, purifie tout ». Il disait encore : « Le Rosaire est ma prière préférée. C’est une prière merveilleuse de simplicité et de profondeur…pour exhorter à la contemplation du visage du Christ en compagnie de sa Très Sainte Mère et à son école ». 1. Le Rosaire : une prière de la famille, pour l’unité et la paix a. Le Rosaire récité en famille est ferment d’union et de concorde. Voilà, ce que disait le pape Pie XII, à ce sujet : « en récitant le Chapelet, la famille prie unie … Si la famille prie, en effet, elle vit ; et si elle prie unie, elle vit unie. Peu de moyens nous semblent aussi efficaces, pour promouvoir et conserver l’union des esprits, que la prière en commun récitée en famille, sous le regard affectueux et souriant de Marie ».

110 Et encore : « C’est surtout au sein des familles que nous désirons que la pratique du Rosaire soit répandue, religieusement conservée et sans cesse développée. C’est en vain qu’on s’efforce d’enrayer le déclin de la civilisation si on ne ramène pas à la loi de l’Évangile la famille, principe et fondement de la société ». Quant au pape Jean-Paul II, il nous exhortait en ces termes : « Je répète aujourd’hui à tous, ce que j’ai dit aux familles : une grande prière pour la vie, qui parcourt le monde entier, est une urgence » b. Le Rosaire est aussi un remède aux grands maux de notre temps. Le pape Paul VI en octobre 1969 s’exprimait ainsi : « Nous exhortons le clergé et les fidèles à demander instamment à Dieu, par l’intercession de la Vierge Marie, la paix et la réconciliation entre tous les peuples. La paix est certes l’affaire des hommes…, mais la paix est aussi l’affaire de Dieu. La prière (la récitation du Rosaire), par laquelle nous demandons le don de la paix, est donc une contribution irremplaçable à l’instauration de la paix ». Tandis que Jean-Paul II affirmait : « Le Rosaire est une prière orientée, par nature, vers la paix. En réalité, tandis qu’il nous conduit à fixer les yeux sur le Christ, le Rosaire nous rend aussi bâtisseur de la paix dans le monde ». 2. Le Rosaire : la prière recommandée par la Sainte Vierge Toutes les fois que la Vierge apparaît à Fatima en 1917, elle porte un Chapelet et elle ne manque pas de recommander la récitation du Rosaire : « Récitez le Chapelet tous les jours, afin d’obtenir la paix pour le monde et la fin de la guerre » « Je veux que… vous disiez le Chapelet tous les jours » « Je suis Notre-Dame du Rosaire. Que l’on continue à réciter le Chapelet tous les jours… » Enfin, apparaissant à sœur Lucie, au couvent de Pontevedra, le 10 décembre 1925, la Sainte Mère de Dieu accompagné de l’Enfants Jésus, lui dit, en lui montrant son cœur : « Vois ma fille, mon cœur entouré d’épines, que les hommes ingrats y enfoncent à chaque instant par leurs blasphèmes et leurs ingratitudes. Toi au moins tâche de me consoler et dis qu’à tous ceux qui pendant cinq mois, le premier samedi, se confesseront, recevront la Sainte Communion, réciteront un Chapelet, et passeront quinze minutes avec moi, en esprit de réparation, je promets de les assister à l’heure de la mort, avec toutes les grâces nécessaires pour le salut de leur âme ». Chers pèlerins, gardons le silence pendant quelques instants pour méditer ces dernières paroles de la Très sainte Vierge et prendre la résolution de 111 suivre ses recommandations : pour la paix dans le monde et pour notre salut. Citations « Cette salutation angélique est infiniment agréable à la sainte Vierge, parce qu’il semble que par là on lui renouvelle la joie qu’elle ressentit quand saint Gabriel lui annonça qu’elle avait été choisie pour être la Mère de Dieu ; nous devons, dans cette intention, la saluer par l’Ave Maria… » St Alphonse-Marie de Liguori « Je ferais la conquête du monde, si j’avais une armée qui dise le Chapelet » Bienheureux Pie IX « Après la Sainte Messe, il n’y a pas de prière plus puissante que le Rosaire » St Pie X « La prière du Rosaire est de toutes, la plus belle, la plus riche en Grâces, et celle qui touche le plus le Cœur de la Mère de Dieu, et si vous voulez que la paix règne dans vos foyers, récitez le Chapelet en commun.» Extrait du Testament de St Pie X Bibliographie Lettre Apostolique « Rosarium Virginis Mariae », Jean Paul II, éd. Téqui, 2002 Tu es Petrus, Revue des Amis de la Fraternité Saint-Pierre, numéro spécial 86- 87, « LE ROSAIRE », Mars-Juin 2003. Catéchisme de l’Église Catholique : 971, 2673-2679, 2708. « Le secret admirable du Saint Rosaire », Saint Louis Marie Grignon de Montfort, ed. du Seuil.

112

LE SACREMENT DE PÉNITENCE

DEVENIR UN «MISÉRICORDIÉ» ! Méditation Chers pèlerins, Les avez-vous remarqués ? Oui, les avez-vous remarqués ces hommes vêtus de robes noires ou blanches qui marchent derrière les chapitres, le vôtre peut-être ? Pourquoi portent-ils une étole violette autour du cou ? Pourquoi certains pèlerins passent-ils un bon moment avec eux et rejoignent-ils le chapitre avec un large sourire ? Ces hommes en robe sont les distributeurs de la Miséricorde de Dieu ! Car Jésus a voulu, toujours et encore, nous attendre quand nous avons péché. Tout l’évangile est un appel à la conversion et à l’accueil des pécheurs : « Va, et ne pèche plus » dit-Il à la femme adultère ; et Il répète « Tes péchés te sont remis » à tous ceux qui s’approchent de Lui avec confiance. I. TOUS PECHEURS Pécheurs, l'êtes-vous ? Dans chaque « Je vous salue Marie », vous avez répondu à cette question : « Priez pour nous, pauvres pécheurs. » Oui, vous êtes pécheurs ! De pauvres pécheurs ! Peut-être n'avez-vous jamais osé vous approcher d’un de ces hommes « en robe » qui vous suivent ? Peut- être avez-vous tout oublié de vos péchés ? Peut-être vous sentez-vous écrasés par vos péchés ? Peut-être ne savez-vous pas comment vous y prendre ? Alors, n’ayez pas peur, chers pèlerins ! Avant vous, sur cette route, des dizaines de milliers de personnes se sont approchées d’un prêtre et ont reçu

113 le pardon de Dieu, qui a transformé leur vie et leur a rendu la paix et la joie. Préparez-vous, à l’aide du "livret du pèlerin", en faisant un bon examen de conscience ; n’hésitez pas à demander des conseils à votre chef de chapitre, aux séminaristes, religieux, religieuses qui marchent avec vous, et lancez- vous dans l’aventure de la Miséricorde du Cœur de Jésus qui vous attend… Pas demain, pas plus tard, mais maintenant. II. RECONNAITRE SA MISERE « Miséricorde », un mot, une réalité essentielle, celle du Cœur de Dieu qui vient à la rencontre de votre misère. Une seule condition : l’humilité ; être suffisamment humble, petit, pour reconnaître votre misère, pour reconnaître que vous avez besoin de Dieu. Ce n’est pas drôle d’aller avouer toutes ses turpitudes… C’est vrai ! La démarche est difficile, sauf pour les enfants ; mais quelle paix, quelle joie après cet effort! Peut-être redoutez-vous ce que va dire le prêtre, à qui vous allez dire vos péchés ? Mais il ne va que répéter avec Jésus : « va et ne pèche plus ! » Il va vous donner quelques bons conseils, qu'il serait difficile de trouver ailleurs. Il va vous aider, si vous avez du mal à tout dire, il va vous expliquer ce que vous ne comprenez pas, il va se réjouir avec vous, car « il y a plus de joie au Ciel pour un pécheur qui se convertit que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de Lui ». Écoutez cette histoire : c’est celle d’un trafiquant de drogue condamné à 13 ans de prison. Son compagnon de cellule lui a patiemment parlé de Dieu et lui a prêché les fameux « Exercices de Saint Ignace ». Oui, en prison ! Et cet homme s’est converti… Aujourd’hui il témoigne, et pour mieux faire comprendre son aventure, il a inventé un mot merveilleux : « je suis un miséricordié ». Jeunes, qui découvrez l’Amour de Dieu sur cette route, pères ou mères de famille accablés par une vie difficile, ou écrasés par le poids de la Croix, devenez des « miséricordiés » à votre tour ! Laissez-vous aimer par Celui qui a versé tout Son Sang pour vous. Et pour vous, pèlerins, qui avez l’habitude de vous confesser, saisissez l'occasion de tenter une meilleure confession que d’habitude. Sur cette route, vous avez le temps de vous préparer, de faire un bon examen de conscience, de réveiller dans votre âme une contrition sincère. Car, il est important pour tous, en s'aidant notamment du "livret du pèlerin", de bien rechercher en quoi vous avez pu offenser Dieu. La disposition principale de la confession, c'est la contrition. Ce n’est pas un plus ; c’est l’essentiel du retour à Dieu !

114 III. REGRETTER SES FAUTES

Ce que Jésus attend de chacun de vous, c’est surtout ce regret sincère et vrai d’avoir péché, d'avoir offensé Dieu. Sans ce regret, vos confessions ne valent rien. Et ce regret sincère comporte nécessairement un ferme propos de ne plus recommencer. Sinon, ce serait se moquer de Dieu ; ne pensez- vous pas ? C'est ce ferme propos qui va vous faire trouver les moyens concrets de ne plus recommencer. Par exemple, de renoncer à telle fréquentation, de ne plus regarder tel programme etc. Cependant, même avec ce ferme propos, il peut vous arriver de rechuter, et vous vous direz peut-être : « à quoi bon me confesser, puisque finalement je recommence toujours ! » Chers pèlerins, faites bien attention à ne pas confondre « vouloir recommencer » et « savoir que vous recommencerez probablement ». Par exemple, quelqu'un qui s’accuse de s'être mis en colère et qui ne veut plus recommencer fait bien de se confesser, même s'il sait que, vu son tempérament, il recommencera probablement. L'hypocrisie consisterait à dire "je m’accuse de m'être mis en colère" tout en voulant intérieurement recommencer. Avez-vous saisi ? Alors, revenons à notre Dieu, comme un fils revient vers son père après l’avoir offensé, avec une grande humilité et une confiance sans borne : comme l’Enfant prodigue. Chers pèlerins, Cette route entre Paris et Chartres est belle, très belle, car avant vous et bientôt avec vous, elle est celle du pardon, celle de la Miséricorde, celle de l’Amour de Jésus. Alors, ne tardez plus et allez trouver un des prêtres qui nous accompagnent : vous donnerez à Dieu la joie de faire de vous un nouveau « miséricordié » ! Et soyez sans crainte : Le prêtre à qui vous vous adressez sait ce qu’il en coûte de faire cette démarche à laquelle lui-même se soumet en tant que pêcheur, de plus il a déjà beaucoup entendu et rien ne saurait l’étonner, enfin, en sa qualité de représentant du Christ, il est tenu au secret le plus absolu : le secret de la confession ne peut, en aucun cas, être révélé. Restons maintenant en silence pour réfléchir à la beauté de ce sacrement merveilleux et pour nous y préparer, en consultant notre "Livret du Pèlerin". Citations « Si nous confessons nos péchés, Dieu est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité. » (Jn I, 1-9)

115 « Il y en a qui disent : j'ai trop fait de mal, le Bon Dieu ne peut pas me pardonner. C'est un gros blasphème. C'est mettre une borne à la miséricorde de Dieu, et elle n'en a point : elle est infinie. (…) Nous avons bien besoin des lumières du Saint- Esprit pour connaître nos péchés, parce que notre cœur est le siège de l'orgueil, qui ne cherche que les moyens de nous les faire connaître moindres qu'ils ne sont. Vous voyez que nous avons absolument besoin des secours du Saint-Esprit pour connaître nos péchés tels qu'ils sont. (…) La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage. » Saint Curé d’Ars « Oh ! Si les pécheurs connaissaient ma Miséricorde, il n’en périrait pas un si grand nombre. Parle aux âmes des pécheurs, pour qu’elles ne craignent pas de s’approcher de moi, parle-leur de ma Miséricorde. » À Sainte Faustine « Il est beau de pouvoir confesser nos péchés, et d'entendre la parole qui est comme un baume, qui nous inonde de miséricorde et nous remet en chemin. » Bienheureux Jean Paul II « Nous sommes en état de grâce dès que nous sommes délivrés du péché. En outre, chaque absolution sacramentelle est comme un bain de lumière solaire sur une plante. Chaque fois, celle-ci se colore, se développe et s’épanouit davantage. » Un Chartreux (École du Silence). Bibliographie «La Miséricorde divine », encyclique de Jean-Paul II, 1980 «Réconciliation et Pénitence », exhortation apostolique de Jean-Paul II, 1984, Catéchisme de l’Église Catholique, 1420-1498. Pour adultes : « Pourquoi et comment se confesser » du Père Augustin Roméro, éd. du Laurier, « On demande des pécheurs » du Père Bernard Broo.p., éd. du Cerf, « Les sacrements de la miséricorde » de Jean-Claude Sagne o.p., éd. Médiaspaul, « Les merveilles de la confession » du R.P. Paul O'Sullivan o.p., « La pénitence » de Dom Bernard Maréchaux o.s.b, éd. du sel de la Terre. Pour enfants : « Mon carnet de confession » de Monique Berger, éditions Transmettre « Petit guide pour la confession des enfants (de 7 à 10 ans) » de Jean-Paul Savignac, éditions du Laurier « Mon guide de première communion, première confession » de Madeleine Russocka, éditions Transmettre.

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LA SAINTE MESSE

Méditation

Chers pèlerins, Imaginez un voyageur dans le désert... Il fait chaud, très chaud et, depuis plusieurs jours, il n’a plus rien à boire ! Sa bouche est sèche, sa soif brûlante, sa fatigue écrasante ! Et voici que notre voyageur passe devant une source d'eau pure et fraîche. Que va-t-il faire ? Se précipiter pour boire et se baigner ? Et bien non, notre voyageur jette un regard distrait et indifférent à la source délicieuse et passe son chemin ! Ne serait-il pas fou ce voyageur ? Chers pèlerins, nous sommes à l'image de ce fou, quand nous considérons la messe avec un regard distrait ou indifférent. Écoutez plutôt : nous avons été créés par Dieu et pour Dieu. Aussi, nous dit Saint Augustin, « notre cœur est sans repos tant qu'il ne se repose en Dieu ». Tout notre être, que nous en soyons conscient ou non, aspire au bonheur de le connaître et de l'aimer. Mais le péché nous a séparés de Lui. Alors, Il est venu à nous. Il s'est fait homme, pour s'offrir gratuitement en sacrifice, afin de réparer nos fautes. Pour nous, Il s'est offert en victime sur la Croix. Vous me direz peut-être, chers pèlerins que la croix, le Golgotha, c'était il y a bien longtemps ! Et bien vous vous trompez. Le sacrifice de la croix est actuel : Il est renouvelé à chaque messe. À chaque fois que la messe est célébrée, nous sommes au pied de la croix, avec la Vierge Marie et Saint Jean et nous pouvons contempler le cœur de Jésus ouvert pour nous par la lance du soldat. C'est cela la messe : Jésus se rend réellement présent sous les

117 apparences du pain et du vin pour renouveler son sacrifice. Et dire que nous sommes distraits ! « Jamais rien ne remplacera une messe pour le salut du monde ! » nous rappelait Benoit XVI à Paris. Alors, pourquoi pendant la messe, sommes-nous si distraits ? Certainement, parce que nous ne nous préparons pas assez à entrer dans ce mystère. Si nous cherchons à ressentir des émotions, alors nous risquons d'être déçus. Dieu vient à notre rencontre à un niveau plus profond et plus intime que l'émotion sensible. Pour nous rendre disponibles à la réalité cachée du mystère de la messe, l'Église met à notre disposition des moyens simples et concrets. Ce sont les rites de la liturgie. Pour aujourd’hui, nous en retiendrons trois : I. L’USAGE DU LATIN Pour bien nous faire comprendre que ce que nous allons faire et dire au cours de la messe n'est pas dans la continuité de nos actions et de nos paroles banales et quotidiennes, on utilisera une langue différente : le latin. Une langue différente de nos langues habituelles, une langue consacrée par un usage plus que millénaire, n’est-ce pas un langage sacré, plus apte à célébrer le culte divin qu‘une langue banalisée par l‘usage courant ? Le latin est notre langue maternelle, tout simplement. L‘Église romaine est notre mère, elle veut rassembler tous ses enfants dans l‘unité d‘une même langue, quelle que soit leur nationalité. Il y a ici des pèlerins de toute l‘Europe, et même d‘autres continents. Le latin est le signe de notre unité. C‘est ainsi depuis de nombreux siècles, et cela a été encore rappelé au concile Vatican II (Constitution sur la liturgie). Mais qui comprend le latin aujourd’hui ? Eh bien… Dieu tout d‘abord ! N‘est-ce pas l‘essentiel, puisque c‘est à Lui que l‘on s‘adresse ? Et, pour vous, dans votre livret du pèlerin, vous avez la traduction de toutes les prières de la messe. II. L’ORIENTATION DU PRETRE Vous avez déjà remarqué que le prêtre est tourné vers la croix de l'autel ; non pas face aux fidèles, mais dans le même sens qu'eux. Quelle en est la raison ? C‘est tout simple… et très beau : dès les origines, les chrétiens se sont tournés vers l‘Orient pour prier. Ils ont vu, en effet, dans le soleil levant, le symbole du Christ ressuscité et de son retour à la fin des temps. On a donc 118 tout naturellement construit les églises de telle manière que les fidèles et le prêtre à l‘autel soient tournés vers Dieu. Conduits par le prêtre, nous voulons nous laisser emmener vers la Croix où se réalise le sacrifice qui nous sauve. Nous voulons nous tourner vers le Seigneur. III. LA COMMUNION A GENOUX ET SUR LA LANGUE Et pourquoi communie-t-on à genoux et sur la langue? Par la communion, nous recevons Dieu en nous : un Être immense que l‘univers ne saurait contenir, plus grand que tous les rois, créateur des galaxies et de l‘infiniment petit ! N‘est-ce pas la moindre des choses de lui marquer un peu de respect ? C‘est aussi pourquoi, seul le prêtre, dont les mains ont été consacrées, a le droit de toucher l’Hostie de ses mains. Chers pèlerins, Vous avez tous reçu, au départ, un livret du pèlerin, que je vous invite à conserver. Pour mieux vous aider à retenir ce que nous venons d’évoquer, ne manquez pas de lire attentivement les commentaires que vous y trouverez en accompagnement des textes de l‘ordinaire de la messe. Que ceux qui n'ont pas l'habitude n'hésitent pas à demander de l'aide. Et sachons bien que l'essentiel n'est pas de tout comprendre mais plutôt de se laisser saisir par la réalité qui nous dépasse. Prenons maintenant un moment de silence, ouvrons notre cœur et tournons- nous dès maintenant vers la Croix, vers le Cœur ouvert de Jésus. Citations « "Faites ceci en mémoire de moi" : c’est-à-dire non seulement en mémoire de ce que j’ai fait, en mémoire de ma mort pour vous. » « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’Il vienne » I.Cor.11, 26. « Le sacrifice que l’on voit est le sacrement, c’est-à-dire le signe sacré, d’un sacrifice invisible. Il est donc essentiel au sacrifice d’être une réalité intérieure : c’est le cas de toute bonne œuvre faite pour nous unir à Dieu. C’est une offrande de l’âme à Dieu comme à son principe et à sa fin : comme à son principe en totale soumission ; comme à sa fin pour l’apaiser et s’unir à Lui ». Saint Augustin (Cité de Dieu, X) « Bien que la Passion et la mort du Christ n’aient pas à être recommencées, cependant, la ‘vertu’ de cette hostie, offerte une fois, demeure à jamais. » Saint Thomas d’Aquin IIIa, Q. 22, a.5 « C’est le même et unique Sacrifice, parce que c’est le même Prêtre et la même Hostie, offerte d’une autre manière. La Messe est le sacrement du Sacrifice de la Croix en tant que celui-ci perdure. Elle en a toute la vertu ; elle en applique le fruit (…) Par la consécration s’opère la transsubstantiation du pain et du vin dans 119 le corps et le sang du Christ. Sous les espèces consacrées du pain et du vin, le Christ lui-même, vivant et glorieux, est présent de manière vraie, réelle et substantielle, son corps et son sang avec son âme et sa divinité » . Concile de Trente (Session XXII, ch. 2) rappelé dans CEC, 1413 « Toutes les fois que le sacrifice de la Croix, par lequel le Christ notre Pâques a été immolé, se célèbre sur l’autel, l’œuvre de notre rédemption s’opère. » Lumen Gentium 3 «L’Eucharistie est le mémorial de la Pâque du Christ, l’actualisation et l’offrande sacramentelle de son unique sacrifice (…) Dans le sens de l’Écriture Sainte, le mémorial n’est pas seulement le souvenir des évènements du passé (…) Dans la célébration liturgique de ces évènements, ceux-ci deviennent d’une certaine façon présents et actuels (…) Parce qu’elle est mémorial de la Pâque du Christ, l’Eucharistie est aussi un sacrifice (…) Le sacrifice du Christ et le sacrifice de l’Eucharistie sont un unique sacrifice. » CEC, 1362-1367 Bibliographie

Évangiles selon St. Matthieu, XXIV, 26-29 ; St. Marc, XIV, 225 ; St. Luc XXII, 14-20 ; St. Jean ch 13 à 17 Épitres de St. Paul : 1ère aux Corinthiens XI, 17-34 ; aux Hébreux, chap. 5 à 7 XXIIe session du Concile de Trente : exposition de la doctrine touchant le sacrifice de la messe, dans le « Bref examen critique du nouvel ordo Missae », édition Renaissance Catholique, Exhortation apostolique sur l’Eucharistie : « Sacramentum caritatis » : Benoît XVI, éd. Téqui. Constitution « » du Concile Vatican II, n° 47 Catéchisme de l’Église Catholique, n° 1322-1419

On consultera aussi avec profit : « Explication de la Sainte Messe », Dom Guéranger « La Sainte Messe, hier, aujourd’hui et demain » et « La Messe commentée », Père Jean-Denis Chalufour, éditions Petrus a Stella, abbaye de Fontgombault. « Une histoire de la Messe » par un moine de Fongombault « La messe, une forêt de symboles », Abbé Claude Barthe

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POURQUOI AIMER LA MESSE TRADITIONNELLE ?

Méditation « Le rite exprime la communion de prière et d’action de l’Église dans une forme qui transcende l’histoire. Il concrétise le lien entre la liturgie et l’Église, laquelle garde le dépôt de la foi transmis par la tradition apostolique. Ce lien avec l’Église admet différentes structurations, permet un développement, mais exclut absolument l’arbitraire ». Cardinal Ratzinger, 2000. Chers pèlerins, Vous le savez et vous l'avez probablement remarqué, les messes célébrées au cours du pèlerinage sont dites selon la forme extraordinaire du rite romain. Comme c’était la forme du rite partout en usage avant la réforme liturgique postconciliaire, ces messes sont souvent appelées « messe traditionnelles », ou « messe de Saint Pie V ». Peut-être que certains d'entre vous se demandent pourquoi ce choix. Pourquoi aimer ce rite ancien, dont l’ordonnance remonte pour l’essentiel au VIe siècle ? I. LES GRANDS PRINCIPES DE LA LITURGIE Pour répondre à cette question et trouver les raisons profondes de notre attachement à la messe traditionnelle, il faut absolument remonter au grand principe de la Liturgie. Le concile Vatican II (constitution « Sacrosanctum Concilium »), à la suite du concile de Trente, nous rappelle que « la Liturgie est avant tout un culte rendu à Dieu ». Bien sûr, à l’occasion de ce culte, il y aura tout un enseignement donné au peuple de Dieu. Mais avant tout, la Liturgie est un culte à la divine majesté. Un culte que les fidèles rendent à Notre Seigneur Jésus-Christ, mais aussi que Notre Seigneur Jésus-Christ, lui-même, rend à son Père. Aussi ce culte doit-il être sacré et tel que Dieu le désire. On ne va donc pas à la messe pour être agréable à un prêtre, ni parce que un tel ou une telle y va, ou pour je ne sais quelles autres raisons humaines, mais on va à la messe pour rendre un culte à Dieu, un culte qui soit vraiment digne de Lui.

121 Autre point à souligner, c’est que la Liturgie n’est pas une leçon de catéchisme. N’attendez pas de trouver au détour d’une page de votre missel, une définition exhaustive et complète de la messe. En revanche, ce que vous trouverez en suivant la liturgie de la Sainte Messe, c’est un ensemble de prières, de paroles, de gestes, de vêtements et d’objets liturgiques qui vous feront connaître ce qu’est la messe, sa véritable nature. Ce sont tous ces signes extérieurs, visibles, qui nous indiquent clairement la nature et l’essence du mystère. D’où l’importance de tous ces signes sensibles et visibles qui nous conduisent à l’Invisible. Certes, ce n’est pas tel signe de croix, ou telle génuflexion, pris séparément qui est essentiel et indispensable, mais bien l’ensemble de tous ces signes extérieurs. Nous touchons là à un domaine très délicat, car vous connaissez sans aucun doute l’adage : « lex orandi, lex credendi », que l’on traduit par : « telle prière, telle croyance ». En effet, si la liturgie ne manifeste pas clairement, par tout ce qui doit la composer, la nature même du mystère, alors c’est la Foi elle-même qui peut être touchée. Si, par exemple, vous priez toujours avec des livres protestants, vous risquez fort de devenir protestant vous-même, car ces prières protestantes véhiculent forcément une doctrine protestante. Pie XII explique très bien tout cela dans sa magnifique encyclique sur la Liturgie "". II. RAISONS PROFONDES DE NOTRE AMOUR DE LA LITURGIE TRADITIONNELLE Maintenant que nous avons rappelé quelques principes essentiels à la liturgie, voyons brièvement les raisons profondes de notre amour de la liturgie traditionnelle. Il y en a trois : théologique, liturgique et spirituelle. 1. Raison théologique Il existe trois aspects de la théologie de la messe, que la liturgie traditionnelle met particulièrement bien en valeur. 1er aspect théologique : Le caractère sacrificiel de la messe. Dans son encyclique sur l’Eucharistie « », le pape Jean-Paul II rappelait avec force le caractère sacrificiel de la messe : « La messe, disait-il, est à la fois et inséparablement le mémorial sacrificiel dans lequel se perpétue le sacrifice de la Croix, et le banquet sacré de la communion au Corps et au sang du Seigneur ». Si un jour vous veniez à douter du caractère sacrificiel de la messe, alors

étudiez cette encyclique ou, mieux encore, informez-vous sur la manière de 122 célébrer la messe de St Padre Pio. Vous verrez alors que ce capucin stigmatisé revivait au cours de sa messe toute la passion du Christ : de l’agonie au Jardin des Oliviers, à la mise au tombeau. C’est vraiment impressionnant et même bouleversant. Signalons au passage que le St Padre Pio avait demandé et obtenu de Paul VI, le 17 février 1965, de garder la messe traditionnelle jusqu’à sa mort. Dans la messe traditionnelle, ce caractère sacrificiel est admirablement mis en valeur dans les prières de l’offertoire mais aussi dans bien d’autres prières. Il y a également tous les signes de croix faits par le prêtre, qui désignent la divine victime. Il y a aussi les baisers de l’autel où, précisément, le Christ va s’offrir lui-même, en victime à son Père. 2ème aspect théologique : La présence réelle. Tout catholique sait que dans une hostie consacrée, de par la transsubstantiation, Notre Seigneur est réellement présent avec toute son humanité et sa divinité. Cette présence réelle réclame de notre part un très grand respect et des gestes d’adoration. C’est pourquoi, à la messe traditionnelle, le prêtre fait une génuflexion avant et après avoir touché le corps du Christ ou le calice de son sang. C’est pourquoi aussi, le prêtre a l’obligation de garder le pouce et l’index de chaque main joints, de la consécration jusqu’à la purification de ses doigts, parce que ces doigts, qui ont tenu l’hostie consacrée, ont touché le corps du Christ et qu’il convient de ne pas risquer de les souiller ou de laisser échapper une parcelle de l’hostie. La communion sur la langue a également une grande importance. Ce n’est pas que la langue soit plus digne que les mains (on pèche autant, si ce n’est plus, par la parole que par le geste). Mais c’est en raison du fait que dans la moindre parcelle d’hostie, nous dit St Thomas d’Aquin, Notre Seigneur se trouve aussi présent que dans une hostie toute entière. C’est donc pour éviter au maximum le risque de perdre des parcelles d’hostie, qu’à la messe traditionnelle, on donne toujours la communion dans la bouche et que l’on tient un plateau sous le menton de la personne qui la reçoit. La bienheureuse Mère Térésa a eu à ce sujet des paroles très vigoureuses : « La chose la plus horrible, disait-elle, dans notre monde aujourd’hui, c’est la communion dans la main » (23 mars 1989, The Wanderer, Pakistan). Voilà pourquoi Benoît XVI ne voulait donner la communion qu’à des fidèles se tenant à genoux et recevant l’hostie sur la langue.

123 3ème aspect théologique : le rôle du prêtre par rapport à celui des fidèles. Le prêtre, à la messe, a un rôle unique, car, pour reprendre la formule consacrée, il agit “”, c’est-à-dire que c’est le Christ qui agit à travers le prêtre. Le prêtre est alors un instrument au service du Christ, afin que ce dernier puisse réactualiser son sacrifice. Les fidèles, eux, ont pour rôle d’offrir la victime une fois immolée et non pas de réactualiser le sacrifice. Ils doivent aussi s’offrir eux-mêmes en union avec le Christ qui s’offre sur l’autel pour leur salut. Dans la messe traditionnelle ce rôle unique du prêtre est mis en valeur, en particulier, par le fait qu’à l’autel il est tourné vers le Seigneur et non pas vers les fidèles, sauf quand il les invite à prier. Le prêtre est alors le « pontife », celui qui fait justement le pont entre Dieu et les fidèles : il est tout à la fois celui qui prie Dieu au nom des fidèles et celui qui donne les dons de Dieu aux fidèles. 2. Raison liturgique. Rassurez-vous, chers pèlerins, l’exposé sera beaucoup plus court. Benoît XVI, du temps où il était cardinal, a exprimé à de nombreuses reprises l’idée que la Liturgie est un don de Dieu que l’on doit recevoir et non pas que l’on peut fabriquer. Voici ce qu’il dit dans son livre "La célébration de la foi" : « Il faut constater que le nouveau missel, quels que soient tous ses avantages, a été publié comme un ouvrage réélaboré par des professeurs, et non comme une étape au cours d’une croissance continue. Rien de semblable, continue le cardinal, ne s’est jamais produit sous cette forme, cela est contraire au caractère propre de l’évolution liturgique ». D’où la grande idée de Benoît XVI de « la réforme de la réforme ». Pour lui, il faut libérer la messe traditionnelle, non seulement parce qu’elle est un rite vénérable qui doit avoir toute sa place dans l’Église, mais aussi pour qu’elle puisse servir de modèle à la réforme de la réforme. D'où son Motu Proprio "" du 7 juillet 2007 sur l'usage du rite de la messe selon sa forme extraordinaire. 3. Raison spirituelle Là, il faudrait donner la parole à beaucoup d’entre vous, car nous sommes nombreux ici, à avoir été touchés et souvent retournés par cette messe traditionnelle. Non, le latin n’est pas un obstacle à la mission, bien au contraire, car il concourt à donner à la Liturgie un caractère sacré ! Et les gens, et surtout les jeunes, veulent du sacré, de l’authentique ! La messe traditionnelle est véritablement un moyen extraordinaire pour toucher les âmes et les conduire à Dieu :

124 - Combien de jeunes ont connu le catholicisme par la liturgie traditionnelle et ont reçu le baptême par la suite ; - Mais il y a aussi tous ceux, et ils sont nombreux, qui sont revenus à une vie franchement chrétienne et à une pratique fervente, en la découvrant. Tous pourraient témoigner des bienfaits spirituels de cette liturgie séculaire. Enfin, pour conclure, voici une anecdote : C’était il y a plusieurs années. Le Père Gy était venu au Barroux pour discuter avec Dom Gérard, alors abbé de cette Abbaye. Le père Gy était le grand spécialiste de la réforme liturgique, et il ne comprenait pas du tout notre attachement à l’ancienne liturgie. Il était persuadé que c’était pour des raisons purement intellectuelles, cérébrales. Alors Dom Gérard lui dit : « Mais, mon Père, notre attachement à la liturgie traditionnelle, ce n’est pas un mariage de raison, mais un mariage d’amour ! » Le Père Gy fut visiblement ému de cette réponse à laquelle il ne s’attendait pas, et déclara alors : « À cela, il n’y a plus rien à redire… » Chers pèlerins, gardons maintenant le silence pendant quelques instants, pour mieux réfléchir sur cette méditation. Citations « La tradition et l’expérience millénaire de l’église nous montrent que c’est la Foi, célébrée et vécue dans la liturgie, qui nourrit et fortifie la communauté des disciples du Seigneur.» Jean-Paul II, 11 mai 1991 « Je suis convaincu que la crise de l’Église que nous vivons aujourd’hui repose largement sur la désintégration de la liturgie. » Benoît XVI « Une ‘liberté’ sans frein, risquant de se perdre dans l’improvisation, n’est pas conciliable avec l’essence de la Foi de la liturgie. La grandeur de la liturgie, faut- il la répéter, tient justement au fait qu’elle échappe à l’arbitraire… Le repliement sur l’utilitaire n’a pas eu pour effet de rendre la liturgie plus ouverte, mais il l’a, au contraire, appauvrie. » Cardinal Ratzinger « On a voulu faire de la crise liturgique qui a sévi en Occident une crise de rite. Elle l’était, mais principalement comme le révélateur d’une crise plus profonde, plus grave, celle de l’intrusion de l’autonomie absolue de l’homme dans l’action liturgique. » Ph. Maxence (Introduction à "L’Enquête sur l’Esprit de la liturgie" du Cardinal Ratzinger) « Parce que les rites sont chargés d’une signification précise et profonde, un changement de rite peut déclencher une guerre, un schisme ou une hérésie... Le rite est une pensée en acte. Il est la pensée humaine incarnée dans un geste capable d’une intense force d’expression comme la plus exquise délicatesse mentale. » Un moine Bénédictin « S’il fallait résumer tous les bienfaits que nous apporte la fréquentation quotidienne de la prière publique de l’Église, on devrait la résumer à quatre points essentiels : 125 Le rappel incessant de la transcendance divine, Le pouvoir attrayant de la beauté de la liturgie, Le sens de l’Église, L’éducation de l’homme intérieur. » Un moine bénédictin, dans les quatre bienfaits de la liturgie. « Si nous voulons saisir vraiment le secret de la liturgie, il nous faut voir avant tout en elle un chant du Ciel » Un moine bénédictin, dans "découvrir la Messe" Extraits des livres de Monseigneur Klaus Gamber, "la Réforme liturgique" (1978) et "Tournés vers le Seigneur" (1987) ed. Ste Madeleine : « On s’accorde en général à considérer que, d’une manière ou d’une autre, un renouvellement, mais surtout en enrichissement du rite romain, en grande partie figé depuis le Concile de Trente en une sorte de rubricisme, était devenue nécessaire. On s’accorde aussi largement que la Constitution sur la Sainte liturgie promulguée par le deuxième Concile du Vatican correspond, au bien des points, aux demandes légitimes de la pastorale actuelle. En revanche, le jugement porté sur les réformes effectivement réalisées ne fait, en aucune manière, l’unanimité, en particulier en ce qui concerne les nouveaux livres liturgiques élaborés à l’issu du Concile par un groupe des spécialistes. » « …il y a coïncidence entre la doctrine et certaines formes de la piété. Pour beaucoup, modifier les formes traditionnelles signifie modifier la foi. (…) Au lieu du renouvellement de l’Église et de la vie ecclésiale attendue, nous assistons à un démantèlement des valeurs de la foi et de la piété qui nous avaient été transmises » « S’y ajoute, sous le signe d’un œcuménisme mal compris, un effrayant rapprochement avec les conceptions du protestantisme et, de ce fait, un éloignement considérable des veilles Églises d’Orient. (…) On ne s’est pas contenté de quelques réformes judicieuses et nécessaires, on a négligé la recommandation du Concile en l’article 23 de la Constitution sur la liturgie : « On ne fera des innovations que si l’utilité de l’Église exige vraiment et certainement » On a voulu davantage : on a voulu se montrer ouvert à la nouvelle théologie si équivoque, ouvert au monde d’aujourd’hui. » « La langue est un élément de la patrie. La patrie liturgique possède elle aussi une langue déterminée, celle-ci n’est cependant jamais la langue de tous les jours. » « Il ne suffit pas de parler sans arrêt de ce que le sacrifice de la messe a de sublime, il faut bien plutôt tout faire pour mettre en évidence aux yeux des hommes la grandeur de ce sacrifice à travers la célébration elle-même, à travers l’agencement artistique de la maison du Seigneur, spécialement de l’autel. » Qui est Monseigneur Klaus Gamber ? Docteur en philosophie et en théologie, membre d’honneur de l’Académie Pontificat de liturgie, Monseigneur Gamber fonda l’Institut liturgique de Ratisbonne et en resta le directeur jusqu’à sa mort. Le catalogue de ses écrits compte 361 titres. Le Cardinal Ratzinger disait de lui : « Gamber, avec la vigilance d’un authentique voyant et l’intrépidité d’un vrai

126 témoin, s’est opposé à la falsification de la liturgie et nous a enseigné inlassablement la vivante plénitude d’une liturgie véritable ». Extraits des préfaces des deux livres cités : « Après plus de vingt ans d’après-concile, la publication en langue française des études scientifiques de Mgr. Klaus Gamber est un évènement de première importance. » Cardinal Oddi . « Ce qui fait l’importance de ce livre, c’est surtout le substrat théologique mis à jour par ses savantes recherches. Cette orientation de la prière exprime le caractère théocentrique de la liturgie » Cardinal Ratzinger. Extrait du livre de Monseigneur Nicola Bux, "la Réforme de Benoît XVI : la liturgie entre innovation et tradition". « Il est étrange que ceux qui ont fait de Jean XXIII le symbole du progressisme s’opposent au missel romain que ce pape a mis à jour, et qui est maintenant remis en vigueur. L’existence des deux missels montre que, au-delà des formes, l’identité de l’Église demeure la même » « On substitue, de nos jours, au rubricisme et au légalisme d’autrefois, l’anarchie et l’illégalité, qui sont bien pires. L’obéissance à la sainte liturgie est la mesure de notre humilité » « L’effondrement de la liturgie commence lorsqu’elle n’est plus comprise et vécue comme un acte d’adoration de la Très Sainte Trinité en Jésus-Christ, ni comme la célébration de toute l’Église Catholique et pas seulement la célébration d’une communauté locale. Le phénomène de la créativité liturgique se cache derrière le relativisme doctrinal » « Pour comprendre correctement le motu proprio [Summorum Pontificum de 2007 libéralisant l’usage de la forme extraordinaire du rite romain], il faut le considérer comme un développement en continuité avec toute la tradition de l’Église » « Les abus dans le domaine de la liturgie, et donc sa dégradation, sont les symptômes du vide spirituel actuel, et nous voudrions indiquer la voie qui permettra à la fois de restaurer l’esprit de la liturgie, comme signe de l’unité de la foi apostolique et catholique, et aussi de promouvoir un débat sérieux et un chemin d’éducation » « Le culte catholique est passé de l’adoration de Dieu à l’exhibition du prêtre, des ministres et des fidèles. La piété a été abolie, y compris le mot lui-même » « Ratzinger souhaite qu’on retrouve "la tradition apostolique de l’orientation vers l’Est des édifices chrétiens et aussi de l’action liturgique là où c’est possible". » « Le prêtre doit avoir conscience que ce n’est pas lui-même, et encore moins ses idées qu’il doit mettre au premier plan, mais seulement le Christ » « On a réussi à imposer les applaudissements…Ratzinger a donc raison quand il dit : "Quand les applaudissements font irruption dans la liturgie, c’est un signe très sûr qu’on a perdu l’essence de la liturgie, et qu’on l’a substitué par une sorte de divertissement de type religieux". » 127 « …la liturgie comporte le silence, qui est fondamental pour pouvoir se mettre à l’écoute de Dieu, qui parle à notre cœur. L’âme n’est pas faite pour le bruit et les discussions, mais pour le recueillement ; et il est vrai que le bruit nous gêne. » Qui est Monseigneur Nicola Bux ? Consulteur de la Congrégation pour la Doctrine de la foi et de la Congrégation pour les causes des saints, Monseigneur Bux est professeur de liturgie et théologie sacramentaire à l’Institut de théologie de Bari (Italie) et, depuis septembre 2008, consulteur au Bureau des célébrations liturgiques du Souverain Pontife. Préface de son livre "La réforme de Benoît XVI" : « Le mérite de Nicola Bux est de fonder, sans détour et textes à l’appui, les convictions exprimées par le Saint-Père dans sa lettre accompagnant le motu proprio. » Monseigneur Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, 2009. Extrait du livre de l’Abbé Claude Barthe, "La Messe à l’endroit : un nouveau mouvement liturgique". « Une grande extension de la liturgie tridentine, d’une part, et la réforme de la réforme, d’autre part, dont l’objet est d’opérer une transmutation de l’intérieur de la liturgie de Paul VI, ont partie liée. » « Comme le disait Nicola Bux [entretien avec l’Abbé Barthe le 28 avril 2008] : "Ce ne sera que par une large diffusion de l’ancienne Messe que cette ‘contagion’ de l’ancien sur le nouveau rite sera possible. C’est pour cela que réintroduire la Messe ‘classique’, si vous me permettez l’expression, peut constituer un facteur de grand enrichissement. Il faut donc mettre en œuvre une célébration festive régulière de la Messe traditionnelle, au moins dans chaque cathédrale du Monde, mais même dans chaque paroisse" ». « La réforme de la réforme suppose impérativement la présence de cet aiguillon [la liturgie tridentine] ; de même aussi que la liturgie ancienne ne peut espérer une réimplantation significative dans les paroisses ordinaires sans la disposition que peut créer la réforme de la réforme. » Qui est l’Abbé Barthe ? Auteur de nombreux ouvrages de réflexion et de chroniques religieuses sur la crise actuelle et sur la liturgie romaine, l’Abbé Barthe expose dans son livre "La Messe à l’endroit : un nouveau mouvement liturgique" sa conviction que le projet de la réforme de la réforme souhaitée par le Très Saint Père, ne peut se réaliser sans la colonne vertébrale que constitue la célébration la plus large possible selon le missel traditionnel, mais que cette dernière ne peut espérer se réinsérer massivement dans les paroisses ordinaires sans la recréation d’un milieu vital opéré par la réforme de la réforme qui pour lui tient en cinq points : la réintroduction importante de l’usage de la langue liturgique latine la distribution de la communion selon le mode traditionnel l’usage de la première prière eucharistique l’orientation de la célébration vers le Seigneur l’usage, en silence, de l’offertoire traditionnel.

128 Bibliographie - « Mediator Dei », encyclique, Vénérable Pie XII, 1947 « Ecclesia de Eucharistia », encyclique, Bienheureux Jean-Paul II « Summorum Pontificum », motu proprio, Benoît XVI, 2007 Instruction « Universae Ecclesiae » de la Commission , 2011 (document joint page 176) Catéchisme de l’Église Catholique (CEC, 1066-1209) « La Célébration de la Foi », Cardinal Ratzinger, Téqui 1985 « Un Chant nouveau pour le Seigneur », Cardinal Ratzinger, Desclée 1995 « Introduction à la liturgie », Martimort, Desclée 1983-1984 « Regards sur la liturgie et la modernité », Nicols O.P., Ad Salem 1998 « La réforme liturgique en question », Mgr. Gamber, Ste Madeleine-Le Barrou 1992 « Tournés vers le Seigneur », Mgr. Gamber, Ste Madeleine-Le Barrou 1993 « L’Esprit de la liturgie », Cardinal Ratzinger, Ad Salem 2001 « Autour de la question liturgique », Actes des journées liturgiques de Fontgombault avec le Cardinal Ratzinger 2001 « Enquête sur l’Esprit de la liturgie », sous la direction de Ph. Maxence, l’Homme Nouveau 2002 « Bref examen critique du nouvel ordo missae » des cardinaux Ottaviani et Bacci (1969). Nelle édition préfacée par le Cardinal Stickler pour l’année de l’Eucharistie. Ed. Renaissance Catholique 2004. « La réforme de Benoît XVI : la liturgie entre innovation et tradition », Monseigneur Nicola Bux, Tempora 2008 « La Messe à l’endroit : un nouveau mouvement liturgique », Abbé Claude Barthe, L’Homme Nouveau 2010 « Réflexion sur la Messe traditionnelle », sous la direction d’ 2001 « La liturgie », Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre, Tu es Petrus 1998 « Quatre bienfaits de la liturgie », un moine bénédictin, Sainte Madeleine-Le Barrou 1995 « Découvrir la Messe », un moine bénédictin, Sainte Madeleine-Le Barrou 1996 « La Sainte liturgie », un moine bénédictin, Notre-Dame de Fontgombault 2000 « La Messe commentée », Notre-Dame de Fontgombault 1992 « La communion dans la main », Monseigneur Laise « La Messe traditionnelle, pourquoi ?», Oremus « Le Sacrifice de la messe dans la nouvelle catéchèse », AFS « La nouvelle Messe », Louis Salleron « Padre Pio, le stigmatisé », Yves Chiron

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LA CONSÉCRATION À NOTRE-DAME

Méditation Chers pèlerins, Ce soir, ceux d'entre vous qui le désirent sont invités à se consacrer à Notre-Dame. I. MAIS QU'EST-CE QU'UNE CONSECRATION ? On consacre un calice, pour qu'il ne puisse plus être utilisé qu'à célébrer la Messe. Un bébé est consacré au Seigneur par les rites du baptême, qui chassent de son âme le péché originel et le libèrent de l'esclavage de Satan. II. POURQUOI UNE NOUVELLE CONSECRATION ? Mais, direz-vous, si notre âme a été consacrée à Dieu par le baptême, pourquoi effectuer une nouvelle consécration ? Parce que nous sommes rarement fidèles aux promesses de notre baptême. Nous tombons facilement dans les pièges et les traquenards du démon. Les tentations gardent pour nous un attrait certain. Nous ne fuyons pas les occasions, les lieux, les personnes dont nous savons pourtant qu'ils nous entraînent au mal. Nous tolérons les critiques trop faciles sur le prochain, les regards impurs. Nous négligeons nos devoirs de prière, etc… Ce qui nous manque le plus, c'est donc la ferme volonté de demeurer désormais fidèles à nos promesses. Or, en renouvelant notre consécration, nous raffermissons notre volonté. III. MAIS, POURQUOI SE CONSACRER A MARIE ? Nos fautes commises après le baptême, nous ont appris à nous défier de nous-mêmes. Nous sommes faibles. Nous avons péché si souvent que nous

130 n'osons nous présenter directement devant notre Père du ciel. Alors, nous faisons comme le petit enfant qui se blottit dans les jupes de sa mère. Car Marie est notre Mère, et une très bonne mère. En effet, au moment de mourir, « Jésus, voyant sa mère et, se tenant près d'Elle, le disciple qu'Il aimait, dit à sa Mère: "Femme, voici ton fils." Puis il dit au disciple: "Voici ta Mère." Dès cette heure-là, le disciple l'accueillit comme sienne ». (Jn XIX, 26-27).

Alors, pourquoi nous consacrer à Marie ? Eh bien, tout simplement, pour mieux appartenir à Dieu. IV. QUELS ENGAGEMENTS FAUT-IL PRENDRE ? Chers pèlerins, par la Consécration à Marie, vous imiterez saint Jean, et vous choisirez Marie pour votre Mère. Vous vous mettrez ainsi à son service, comme un chevalier servant. Pour sceller cet engagement, vous pourrez à l'avenir décider de réciter chaque jour le Chapelet ou au moins une dizaine. Excellente résolution ! Autres résolutions souhaitables : Prenez Marie pour modèle et demandez-vous, chaque fois que vous devrez choisir : « Qu'aurait-Elle fait à ma place ? » S'il vous arrive de trouver les épreuves de la vie trop dures, offrez-lui vos épreuves. Présentées à son Fils par ses mains, ces épreuves prendront de la valeur, et vous verrez combien elle saura vous rendre les croix plus légères à porter. Enfin, confiez-lui souvent vos joies et vos peines dans un grand abandon. La devise fameuse ne ment pas : « Un serviteur de Marie ne périt jamais. Sa Mère a soin de lui ». Maintenant, chers pèlerins, lisons ensemble la consécration à Marie de Saint Maximilien Kolbe, qui sera faite ce soir au bivouac de Gas, afin que ceux qui veulent faire cette consécration ou la renouveler puissent bien s'y préparer (voir livret du pèlerin) : Acte de consécration de Saint Maximilien Kolbe «Daignez recevoir ma louange, Ô Vierge bénie ! Immaculée Conception, Reine du Ciel et de la terre, Refuge des pécheurs et Mère très aimante, à qui Dieu voulut confier l’ordre de la miséricorde. Je me prosterne devant Vous, moi, N… [Dire son nom silencieusement], pauvre pécheur que je suis, je vous supplie humblement d’accepter mon être tout entier, comme votre bien et votre propriété, et d’agir en moi et en toutes les facultés de mon âme et de mon corps, en toute ma vie, ma mort et mon éternité, comme il Vous plaira. 131 Disposez de moi comme Vous le désirez, pour réaliser ce qui est écrit de Vous "Elle écrasera la tête du serpent ", et, encore, "Vous seule vaincrez les hérésies dans le monde entier. Qu’en vos mains toutes pures et si riches de miséricorde, je sois un instrument docile, pour Vous faire connaître et aimer de tant d’âmes tièdes ou égarées. Ainsi s’étendra le Règne du divin Cœur de Jésus. En vérité, là seulement où vous venez, s’obtient la grâce de la conversion et de la sanctification des âmes, parce que toutes les grâces jaillissent du divin Cœur de Jésus et s’écoulent sur nous en passant par vos mains maternelles.» Prière de consécration à la Ste Vierge d’un enfant nouvellement baptisé « Sainte Vierge Marie, vous que Jésus nous a donnée comme mère au calvaire, nous vous présentons cet enfant que Dieu nous a confié. Par le baptême, il est devenu frère de Jésus-Christ : nous vous l’offrons, nous vous le consacrons, nous le confions à vos soins, à votre tendresse et à votre vigilance maternelles. Que par votre intercession Dieu le protège dans son corps et le défende dans son âme ; s’il venait à s’égarer, poursuivez-le de votre amour maternel, et ramenez-le pour qu’il obtienne de votre Fils le pardon et renaisse à la vie. Et nous, son père et sa mère, aidez-nous dans la tâche que nous aurons désormais à remplir auprès de lui. Aidez-nous à lui transmettre les enseignements de la foi, à lui apprendre à vivre selon la loi du Christ, afin qu’un jour nous soyons tous réunis dans la maison du Père, dans l’intimité de votre Fils, et dans la joie du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.» Et après cette lecture, nous garderons le silence, comme nous le faisons à la fin de chaque méditation. Citation « Voulons-nous devenir riches des biens du ciel ? Allons à Marie, nous trouverons auprès d'elle toutes les grâces que nous pouvons désirer : grâces d'humilité, de pureté, de chasteté, d'amour de Dieu et du prochain, de mépris de la terre et de désir du ciel.» Saint Curé d’Ars Bibliographie « Les Gloires de Marie » de Saint Alphonse de Liguori, éd. Saint Paul, 1989. « Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge » de Saint Louis-Marie Grignion de Monfort, éditions du Seuil, 1966. « Mon idéal, Jésus fils de Marie », Père E. Neubert, éd. X. Mappus, 1944. « Contempler Marie », Dom Jean Roy. éd. du Cèdre, 1980. « Marie, Reine et Mère », Dom Édouard Roux. Abbaye de Fontgombault.

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L’ADORATION DE L’EUCHARISTIE

Méditation Chers pèlerins, Ce soir, nous serons rassemblés pour une veillée d’adoration devant le Saint Sacrement exposé. Ce doit être, pour nous, un « temps fort » de ce pèlerinage. Et il le sera, si vous nous y préparons soigneusement. Nul n’irait à un rendez-vous important sans s’être habillé en conséquence, sans avoir réfléchi à la conversation à tenir. Eh bien, Sainte Thérèse d’Avila nous enseigne que l’oraison est « un entretien d’amitié, seul à seul avec ce Dieu dont nous nous savons aimés » (Vie 8, 5)… On n’improvise jamais une rencontre avec le plus grand des amis… « On s’habille le cœur » comme dit Saint-Exupéry. I. MAIS QU’EST-CE QUE L’ADORATION ? EST-CE SI IMPORTANT ? Oui ! C’est très important, car Dieu en a fait son premier commandement « C’est le Seigneur, ton Dieu, que tu adoreras, et à Lui seul tu rendras un culte. » (Mt IV, 10) Adorer est un acte de l’esprit qui reconnaît en Dieu son Créateur, et donc le souverain Seigneur de sa vie. Cet acte ne peut s’adresser qu’à Dieu, car tout, absolument tout, lui appartient de droit : nos personnes, nos biens, le temps qu’Il nous donne à vivre… nous avons tout reçu, nous recevons tout de Dieu à chaque instant. Sans lui, nous ne serions rien ! Nous ne nous appartenons pas, nous rappelle Jésus : « Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien car je le suis » (Jn XIII, 13) L’homme moderne ne sait plus adorer ; il ne veut pas "perdre de temps" avec Dieu, car, à quoi cela sert-il ? Mais quand un enfant va se blottir auprès de sa maman, se demande-t-il à quoi cela sert ? Regrette-t-il de perdre du temps ? Non. C’est pour lui le plus doux des moments. C’est un 133 besoin de son cœur d’enfant et la plus grande joie qu’il puisse offrir à sa mère. Dans ces instants bénis, gratuits, se tissent des liens éternels. Dieu lui-même, dans la Bible, se compare à une mère : « Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous caresserai sur mes genoux » (Isaïe LXVI, 13-12) Ou encore : « Une mère oublie-t-elle son petit enfant ? Est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas. » (Isaïe XLIX, 15) II. QUE FAIRE DEVANT LE SAINT-SACREMENT EXPOSE ? Commençons notre adoration par un examen de conscience, sous le regard de Dieu. Demandez-vous loyalement si nous ne sacrifions pas aux idoles. Ne serions-nous pas esclave de l'un de ces faux dieux qui empêchent d'être totalement livrés au vrai Dieu : argent, télévision, internet, voiture, plaisirs défendus, loisirs effrénés (rallye sur rallye, soirée sur soirée), course au succès…etc. Chers pèlerins, faisons alors un bon acte de contrition : brisons notre cœur. Puis, dans le silence, laissez la parole au Seigneur Jésus réellement présent dans l'Hostie. Il nous parlera au cœur, comme il s’entretint avec Moïse au Buisson ardent « Comme un homme parle à son ami » (Ex. XXXIII, 11). III. QUE NOUS DIRA JESUS ? D’abord, il nous appellera par notre nom, car, nous avons beau être des milliards d’hommes, Il connaît chacun d’entre nous par son nom. Jésus est notre Bon Pasteur : «Il appelle ses brebis une à une» (Jn X.3). Oui, Dieu a quelque chose de particulier à dire à chacun d’entre nous. Oui, Jésus a quelque chose à nous dire, à nous personnellement, qui que nous soyons : enfant, adolescent, fiancé(e), époux ou épouse, parent ou célibataire, souffrant ou bien-portant, pécheur ou disciple fervent, heureux ou malheureux. Répondons-lui alors simplement : « Parle, Maître », et tenons-nous à ses pieds, comme Marie de Béthanie qui écoutait sa Parole. (Luc X, 39) Chers pèlerins, n'hésitons pas, à ce moment de l'adoration, à utiliser les textes qui nous sont proposés dans notre livret du pèlerin. Jésus s'y adresse à nous en des paroles simples et aimantes. IV. QUE POUVONS-NOUS LUI DONNER EN RETOUR ? S’adressant à la samaritaine, Jésus lui dit : « Donne-moi à boire ! » (Jn IV, 7). Cette demande s’adresse aussi à nous. Mais, que veut dire par là le Seigneur ? Tout ne lui appartient-il pas déjà ? 134 Ce que Jésus nous demande, c'est notre cœur : « Mon fils, donne-moi ton cœur » (Office du Sacré-Cœur / Prov. XXIII, 26). Car Dieu désire, d’un désir infini, cette réponse libre de notre amour. Ferons-nous la sourde oreille ? Refuserons-nous notre amour au Seigneur Jésus qui est mort sur la croix pour le conquérir ? Si pauvres que nous soyons, nous pouvons faire la joie de Dieu en lui donnant notre cœur ? Dieu s'occupe du reste… Il purifie, Il sanctifie, Il verse sa Joie Divine dans nos âmes, parce que l’amitié est joie partagée. Par ce Cœur à cœur, nous entrons en effet dans cette intimité de l’amitié divine. « Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis » disait Notre- Seigneur à ses apôtres au soir du Jeudi-Saint (Jn XV, 15). Cette amitié nous est ouverte. En gage de quoi, Jésus nous fait le plus grand des dons : le don même de son Esprit-Saint, reçu par les apôtres au Cénacle, que l’Église fête en ce jour de Pentecôte. V. UNE DEMARCHE TOUTE SIMPLE, QUI APPORTE BEAUCOUP Chers pèlerins, vous le voyez, une adoration est quelque chose de tout simple. Et soyez-en convaincus, on y reçoit beaucoup… Plus nous y ouvrirons notre âme, plus Jésus y versera. Montrons-nous donc très simples avec lui. Demandons-Lui tout ce dont nous avons besoin. Disons-lui, par exemple, comme l’Abbé Berto le conseillait à une petite fille: « Jésus, j’ai telle démarche à faire ; comment faut-il que je la fasse pour qu’elle soit selon vous ? J’ai tel sentiment dans le cœur, cela vous plaît-il ? J’ai tel projet ; pensez-vous qu’il soit bon ? » Et, comme l’Abbé Berto l'assurait avec raison, « Jésus répond toujours… » Et si nous ne savons vraiment quoi dire à Jésus, rappelons-nous l'histoire bouleversante de ce petit garçon philippin. C'était un de ces milliers d'enfants des rues qui vivent d'ordures ramassées dans les décharges ou de petits travaux. Un jour d'épouvantable épreuve où il avait été victime de violence, le père Thomas, missionnaire, entra dans la chapelle déserte. L'enfant, se croyant seul, était monté jusqu'à l'autel et il tenait l'ostensoir embrassé. Il savait que dans son malheur, un seul pouvait le secourir : Jésus, son Dieu et son ami. Nous aussi, tenons embrassés les pieds de Jésus, notre Sauveur.

Chers pèlerins, Méditons en silence cette histoire bien touchante et préparons notre cœur à cette rencontre de ce soir avec Jésus Hostie. 135 Bibliographie Catéchisme de l'Église Catholique (CEC) : Chapitre sur le 1er commandement Lettre encyclique « Ecclesia de Eucharistia », Bx Jean-Paul II éd.Téqui, « Sacramentum Caritatis », Benoît XVI, éd. Téqui « Prières de St Thomas d’Aquin », Presses de Sainte Radegonde « Imitation de Jésus-Christ » Livres III et IV éd. Foi Vivante « La doctrine spirituelle de Sœur Élisabeth de la Trinité », Père Philipon o.p., éd. Desclée de Brouwer « Chemin vers le silence intérieur », Edith Stein, éd. Parole et Silence « De l’Eucharistie à la Trinité » Père Bernadot o.p., éd. Foi Vivante « Les sept paroles du Christ en Croix » Cardinal Journet, éd. Foi Vivante « Cent lettres sur la prière » Père Caffarel, éd. du Feu Nouveau

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LA TRADITION

Méditation Chers Pèlerins, Tout au long du Pèlerinage, vous nous entendez parler de la Tradition. Nous insistons même, au prétexte qu'elle fait partie des trois piliers de notre association « Tradition, Chrétienté, Mission », et que nos statuts y font référence. Par ailleurs, nombre de prêtres qui nous accompagnent ne craignent pas de se considérer comme « traditionalistes ». Enfin, vous avez remarqué que la Liturgie célébrée pendant le Pèlerinage, en dehors du fait d'être nommée « la forme extraordinaire du rit romain », fait aussi appel à cette Tradition. Cela vous intrigue ? Pour y voir plus clair je vous propose ce dialogue. Q : Quelle est la signification exacte du terme tradition ? Quelle en est la réalité ? R : Dans la vie d'un homme, il y a de nombreuses traditions : la famille, le village ou la ville qu'il habite, l'entreprise qui l’emploie, le métier qu’il exerce, la société à laquelle il est agrégé, toutes ces réalités possèdent des traditions propres, c'est à dire des manières d'être ou d'agir. Il en est ainsi de la politesse, qui exprime le respect dû au prochain, à travers de nombreuses traditions, mais sous des formes qui ont beaucoup changé au fil du temps. Parmi ces traditions beaucoup ont disparu, victimes de l'oubli ou de la mode ; parfois elles ne sont plus aujourd’hui que l'expression d'un groupe particulier ; parfois elles ont été remplacées par d'autres manières d'être et d'agir, lesquelles deviendront traditionnelles si elles durent. Q : Si je comprends bien, vous pensez que toute tradition évolue ?

137 R : Les traditions dont je viens de parler s'écrivent avec un petit « t ». La Tradition dont je vais vous parler maintenant s'écrit, elle, avec un grand « T ». Cela signifie qu'elle est immuable, qu'elle ne peut pas changer dans ce qu'elle nous apporte. Pour le comprendre, imaginez-vous sur la Place Saint Pierre, à Rome. Devant l’imposante façade de la basilique, vous ne pouvez manquer de voir deux immenses statues : - à gauche, Saint Pierre, « traditionnellement » représenté avec les clefs du paradis. - à droite, Saint Paul, « traditionnellement » représenté avec le glaive de la Vérité. Les clefs signifient la mission exclusive confiée par le Christ au Prince des Apôtres ; le glaive, la mission d'évangéliser reçue par l'Apôtre des Gentils. Q : Quel rapport avec la Tradition ? R : Ces deux apôtres, colonnes de l'Église, ont reçu leur mission du Christ Lui-même : - Saint Pierre, lors de l'échange auprès du lac de Tibériade : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai Mon Église. » (Saint Matthieu. XVI. 18.) - Saint Paul, lorsque, après avoir entendu le Christ lui reprocher de Le persécuter, il comprendra, par l’entremise d’Ananie (un discipline de la ville de Damas), que Notre-Seigneur l'a choisi pour porter Son nom à travers toute la terre. (Actes. IX. 15.) Que vont donc enseigner Saint Pierre, Saint Paul et tous les apôtres ? Saint Paul, l’Apôtre des Gentils (des païens), le dira lui-même : « J'ai jugé ne pouvoir vous parler que de Jésus-Christ et de Jésus-Christ crucifié. » (1ère. Cor. II. 2.) Quant à Saint Pierre, il affirmera dans sa deuxième épître : « Nous ne vous avons pas invité à suivre des fables, mais la puissance et la présence de Notre-Seigneur Jésus-Christ. » (I. 16.) Tout est dit : les apôtres ne sont là que pour parler du Christ, Dieu fait homme. Et le Christ, Lui-même, n'est venu que pour nous enseigner l'amour que la Sainte Trinité porte à chacun d’entre nous, Se livrant Lui- même à la mort de la Croix pour nous obtenir le Salut dont Sa propre résurrection est le gage. L’Église fondée par le Christ ne peut qu'enseigner ce que les apôtres ont reçu du Christ : fondée sur les apôtres, l'Église est apostolique. C'est le fondement de la Tradition de l'Église. Q : Mais pourquoi dire que la Tradition est immuable ? R: Parce-que Dieu ne peut pas changer. Si Dieu change, le problème est 138 simple, mais demeure sans réponse : - Soit Dieu acquiert une qualité qu'Il ne possédait pas auparavant. Si cela est vrai, Il n'est pas Dieu, l’Être parfait qui possède toutes les qualités de manière infinie. (C'est la définition même de Dieu.) - Inversement, et pour la même raison, Il ne peut pas perdre l'un quelconque de Ses privilèges. Ainsi, toute la doctrine enseignée par l'Église sur Dieu ne peut pas changer : ce que nous croyons en 2013, les catholiques de toutes les époques, depuis la fondation de l'Église, l'ont cru de la même manière. Q : Pourtant, au tout début, tout n'était pas écrit. Par exemple, l'Assomption de Notre-Dame n‘a été proclamée, par le Pape Pie XII, qu’en 1950...! Alors ? R : Notre nature humaine ayant ses limites, on ne peut d’un seul coup d’œil voir la façade d’une maison et découvrir tout ce qu’elle contient. C’est encore plus vrai de la maison de Dieu. Bien, plus, comme Dieu est infini, nous n'aurons jamais terminé de Le connaître, même dans l'éternité du ciel. Ainsi, sous l'Ancien Testament, le peuple Juif ne savait qu'une chose : « Dieu est Unique », et c'est Notre-Seigneur qui nous a révélé la Sainte Trinité et qui a voulu que son Église nous dévoile peu à peu les vérités de la Foi, en nous les expliquant au fur et à mesure. Cet enseignement est résumé dans le , qui nous montre que tous les dogmes sont liés les uns aux autres, de telle sorte que celui qui nie un seul dogme détruit le Credo dans son entier. Ce Credo ne peut pas changer puisqu'il nous parle de Dieu. Et pour répondre plus précisément à votre question, il est évident que la Très Sainte Vierge n'a pas attendu 1950 pour recevoir de Dieu la grâce de l'Assomption... C'est un fait historique que l'Église a pris le temps de bien étudier avant de le proclamer comme dogme catholique, vérité que tout catholique doit croire. Q : L’Église est donc indispensable ? R : Certainement ! C'est à Elle, et à Elle seule, que Notre-Seigneur a remis le dépôt de la Tradition. C'est pour cette raison qu'Elle possède l'infaillibilité pour définir toutes les vérités sur Dieu et la loi morale qui en découle. C’est ainsi que, par exemple, l'Église enseigne la défense de la vie depuis la conception jusqu'à la mort, l’indissolubilité du mariage, etc... Q : Suffit-il de croire ce qu’enseigne l’Église, pour respecter la Tradition ? R : Non, il ne suffit pas de croire, il faut aussi agir. Il faut rendre à Dieu ce qui Lui est dû et Lui montrer, par nos paroles et nos actes, que vraiment 139 nous croyons. Prenons l'exemple de L’Eucharistie : pour affirmer que Notre-Seigneur est vraiment présent dans l'Eucharistie, l'Église emploie un terme précis : la Transsubstantiation. Cela veut dire que la substance du pain est changée dans la substance du corps du Christ, celle du vin dans la substance du sang du Christ. De même, lorsqu'il est affirmé que le Christ est « consubstantiel » au Père, cela indique de manière définitive que Jésus- Christ, Dieu fait homme, possède, avec le Père et le Saint-Esprit, une seule et même substance, une même essence, une même nature : il n’existe qu’un seul Dieu en trois personnes, égales et distinctes. Les termes « transsubstantiation » et « consubstantiel » sont traditionnels, donc définitifs, parce-que défini par l'Église ; il faut les employer pour affirmer notre Foi. Q : Mais la Liturgie dans tout cela ? R : Pour adorer Dieu, ce qui est le but premier de la Liturgie, il faut des termes adéquats, des cérémonies qui correspondent à l'Infini de Dieu. Seule l'Église peut donner aux fidèles les instruments nécessaires pour exprimer l'adoration due à Dieu. C'est le cas tout particulier pour la Sainte Messe, renouvellement non-sanglant de l'unique sacrifice du Calvaire, qui nous sauve pour l'éternité, et que la liturgie doit exprimer. C'est la raison pour laquelle nous sommes très attachés à la « forme extraordinaire » du rit romain qui, depuis des siècles, exprime si bien, par les textes lus et les gestes employés, la vérité qu’ils manifestent et l'adoration due à Dieu. Ainsi, selon cette forme extraordinaire du rit : Le prêtre garde le pouce et l'index de chaque main joints, depuis la Consécration jusqu'aux ablutions après la communion, parce que ce sont ces quatre doigts qui ont été en contact avec l’hostie consacrée, c’est-à-dire avec le corps du Christ. Il exprime ainsi, par le geste, le dogme de la présence réelle du Christ dans la moindre parcelle d’hostie. Les fidèles, qui ont besoin de gestes tels que génuflexions et agenouillement pour exprimer et fortifier leur prière intérieure, sont invités à ces manifestations extérieures de respect et d’adoration. Certes, l'Église a le pouvoir de modifier l'expression du rit, et elle l’a fait au cours des siècles ; mais toujours en lien avec sa Tradition, comme l’a rappelé le Pape Benoît XVI, dans le Motu Proprio « Summorum Pontificum » du 7 juillet 2007. Et, comme dans ce même document, le Pape rappelait que cette forme extraordinaire du rit n’avait jamais été abrogée et devait « être honorée en 140 raison de son usage vénérable et antique », nous sommes confortés dans le choix que nous avons fait, dès la création du pèlerinage, d’user de cette forme extraordinaire du rite qui exprime si exactement la vérité qu’il veut exprimer. Chers pèlerins, Prenons quelques instants de silence pour réfléchir et méditer sur ces paroles que nous venons d’entendre, et qui ne devraient pas rester sans incidence sur notre façon de voir, de penser et d’agir.

Bibliographie Constitution « Dei Verbum » sur la révélation divine, Concile Vatican II Catéchisme de l’Église Catholique, § 75 à 83, 109 à 120, 174, 1124 à 1126, 2650 à 2651. Motu Proprio « Summorum Pontificum », 2007 Instruction « Universae Ecclesia », 2011 (document joint page …) Voir citations et bibliographie de la méditation : « Pourquoi aimer la messe traditionnelle ».

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LA CHRÉTIENTÉ

Méditation Chers pèlerins, Sur la route de Chartres, on entend beaucoup parler de Chrétienté : pèlerinage de Chrétienté, Notre-Dame de Chrétienté… Mais de quoi s’agit-il ? Pour répondre à cette question, plutôt qu’un exposé, je vous propose un bref dialogue sur la route, entre un nouveau pèlerin et un ancien pèlerin, par exemple son chef de chapitre. Nouveau pèlerin : Pourquoi l’association N.D.C. insiste-t-elle tant sur la Chrétienté ? Ancien pèlerin : Tout simplement, parce que la Chrétienté est le modèle de société qui permet à chaque individu, qui le veut, de faire le plus aisément possible son salut sur terre. D’accord, mais qu’est-ce que la Chrétienté ? C’est une question à la fois très simple et très compliquée. Néanmoins, pour être concis, on peut dire qu’une chrétienté, c’est une société qui vit ou, plus exactement, essaie de vivre selon l’Évangile. C'est-à-dire ? Eh bien, vivre selon l’Évangile, c’est appliquer les principes qui s’y trouvent. Notre-Seigneur Jésus-Christ est venu "accomplir", au sens de rendre définitive, la loi qui nous vient de l’Ancien Testament. Et Il l’a complétée avec un commandement nouveau, celui de l’Amour. Donc, vivre selon l’Évangile, c’est vivre en appliquant les commandements de Dieu (Les dix commandements), à la lumière du commandement nouveau : la Charité. D’accord, mais alors ce n’est bon que pour les chrétiens !

142 Pas du tout ! Dieu a mis, dans l’âme de tout homme une loi qu’on appelle la loi naturelle. C’est la loi qui, naturellement, quelle que soit notre religion, nous fait, par exemple, protéger les faibles, aimer la beauté, vouloir la paix,…Et Dieu, Créateur de toute chose, ne pouvant vouloir une chose et son contraire, a donné à Moïse des commandements qui ne sont que la traduction de cette loi naturelle. C’est pourquoi, vivre selon la loi naturelle ou selon les commandements de Dieu, c’est équivalent. Mais ces sociétés qui vivent selon l’Évangile, elles existent déjà ! Par exemple, les familles (du moins certaines), les monastères, certaines écoles… C’est vrai, et on pourrait y ajouter aussi les troupes scoutes, le chapitre du pèlerinage dans lequel nous marchons, et encore beaucoup d’autres petits groupes. C’est bien, et il faut les encourager, mais ce n’est pas suffisant. En effet, ces sociétés qui forment comme des micro-chrétientés ne disposent que d’un pouvoir très limité dans le temps et dans l’espace. Ce qu’il faut, c’est que la société qui dispose de tous les pouvoirs, c'est-à-dire la nation elle-même, soit une chrétienté. En effet, c’est elle qui exerce le plus d’influence sur notre vie de tous les jours, et c’est donc elle qui doit vivre selon l’Évangile. Alors ce qu’on veut, c’est une forme de société comparable aux sociétés musulmanes ! Pas du tout ! Nous ne voulons pas de confusion entre les pouvoirs temporels et les pouvoirs spirituels, comme dans les théocraties musulmanes. Mais nous ne voulons pas non plus de la séparation qu’essaient de nous imposer certains laïcistes. Nous voulons une distinction entre les deux pouvoirs, tout en demandant que le pouvoir temporel soit irrigué par le pouvoir spirituel. Nous voulons « rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu », sachant que César, lui-même, doit un culte à Dieu. En bref, ni confusion, ni séparation, mais distinction des pouvoirs et soumission de l’ensemble à Dieu : voilà ce qu’est que la Chrétienté. Bon d’accord. Mais moi, qu’est-ce je peux faire pour aboutir à la Chrétienté ? Ce qu’on présente comme l’âge d’or de la Chrétienté en France, c’est le 13ème siècle, le siècle de Saint Louis. Eh bien, Saint Louis n’a pas dit, un matin au réveil : « A partir d’aujourd’hui, je crée une chrétienté ! » Il a, sa vie durant, essayé d’agir en chrétien. Et, comme il était roi, il a pu créer les conditions qui ont permis à la société de suivre son exemple. Même s’il manque actuellement un Saint Louis à la tête de la France, faisons comme les français du XIIIème siècle : agissons, dans le milieu où nous vivons, en

143 chrétien, c'est-à-dire en respectant les lois de Dieu, et, petit à petit, nous arriverons à changer la face de la société. Eh bien, on n’est pas prêt d’y arriver ! Oui, et c’est pour cela qu’il faut s’y mettre tout de suite. Et puis, ne vous découragez pas en route ; compte tenu de la nature de l’homme, il n’y a pas de société parfaite. Cela n’empêche pas que nous avons tous le devoir d’agir pour que chacun puisse faire son salut. Notre salut, c’est notre « Bien Commun » ; la Chrétienté, c’est le moyen d’y parvenir. Tel est le but et l’un des trois piliers de notre pèlerinage.

Chers pèlerins, Restons maintenant en silence, pour méditer quelques instants sur ce que nous venons d’entendre, avant de réciter la « prière pour la chrétienté » que vous trouverez dans votre livret.

PRIERE POUR LA CHRETIENTE « O Mon Dieu, permettez-moi maintenant de Vous prier, en forme de méditation, pour la chrétienté. Donnez-moi les mots pour toucher Votre Cœur ; sur ce chemin de Chartres, nous venons vous la demander, cette chrétienté qui nous rassemble et qui Vous ressemble. Autour de nous ce mot sonne mal ; pour beaucoup, il signifie un passé révolu ; plus grave, il résume tout ce que les chrétiens ont fait de pire au cours de l’histoire. Pour nous, la chrétienté c’est ce que les chrétiens peuvent faire de mieux, par l’imitation de Vos vertus et l’obéissance à ce que Vous nous commandez. Pour nous, la chrétienté c’est la société conforme à Votre volonté de sauver tous les hommes ; c’est la société où chacun peut orienter sa vie, s’il le veut, selon le Décalogue et les Béatitudes. Les docteurs, inspirés de Votre Église et Vos saints pontifes, nous ont appris, depuis l’origine, que l’amour du prochain est la porte d’entrée de Votre royaume éternel, que cet amour se traduit par des comportements précis et que l’organisation temporelle d’une société n’est pas indifférente au salut éternel de ses membres ; elle doit leur permettre de pratiquer sans obstacle le bien selon leurs dons et leur vocation. Bien plus, le salut temporel d’une société est lié au respect de Vos commandements ; une loi morale supérieure, indépendante des fluctuations d’une majorité, s’impose à ses décrets et à ses institutions. Cette exemplaire doctrine sociale de Votre Église, aidez-nous à la connaître, à la faire aimer et à y être fidèles. Vous nous avez ainsi conduits à ne pas accepter l’état actuel de nos sociétés européennes ; elles s’avilissent dans le rejet de toute référence publique à Dieu et à leur histoire chrétienne. 144 Aidez-nous à prendre conscience que ce rejet contredit Votre volonté formelle. Certes, Vous n’êtes pas venu dans notre histoire pour investir le pouvoir temporel et politique. Le tentateur Vous a montré les royaumes de la terre et leur gloire ; il en revendique la domination ; il la donne à qui il veut. Mais devant cette usurpation, Votre réponse oppose les droits absolus de Dieu sur le réel et sur la nature. Le pouvoir du mauvais sur les choses et les consciences lui vient de nos transgressions et il faut la puissance de Votre sacrifice pour lui ravir son empire. La réalité de ce pouvoir mauvais continue à nous paralyser, et peut être avons-nous peur de l’affronter dans son domaine ; peur de perdre nos âmes dans le jeu politique, peur de la violence de la persécution. Ces dangers sont bien réels, et on ne manquera pas de nous tenir rigueur de nos dénonciations des ambiguïtés d’une laïcité trompeuse et d’une tolérance sans issue. Seule la vérité fait le lit de la charité. Aidez-nous à ne pas déserter le temporel ; c’est là que se joue notre éternité; aidez-nous à témoigner de l’Espérance qui nous habite. Si Vous avez dit à Pilate que Votre Royauté n’était pas de ce monde, Vous lui avez dit aussi que lui-même n’aurait aucun pouvoir sur Vous si son autorité ne lui avait pas été donnée d’en haut. Vous avez confirmé à Vos apôtres que Vous n’étiez pas de ce monde mais Vous avez prié Votre Père, non de nous retirer du monde, mais de nous protéger du mal. Vous leur avez recommandé aussi de ne pas exercer le pouvoir comme le font les puissants mais de servir, même en exerçant l’autorité. Il y a donc une façon chrétienne d’exercer la paternité et le pouvoir temporel. Vous nous avez dit de rendre des devoirs à la puissance publique, à César. Mais, en nous disant de rendre à Dieu ce qui lui est dû, Vous avez voulu nous signifier que César, lui aussi, est soumis à Dieu. Pour nous chrétiens, vivants de la dévotion au Christ-Roi, nous disons même que César Vous doit un culte public. Ce culte public nous le pratiquons nous-mêmes dans les rassemblements de nos communautés. Pour nous, c’est ainsi que commence la chrétienté. Les promesses de bénédictions de Votre Sacré Cœur sont attachées à l’honneur que nous devons porter à Votre Amour, Vos plaies, Votre Passion et Votre Sacrifice de propitiation. Cette distinction du temporel (la nature, "César"), et du spirituel (la grâce, Dieu), constitue le secret du bon fonctionnement d’une société chrétienne. Aux laïcs revient le temporel, le lieu d’exercice de leurs responsabilités de parents, d’éducateurs, de gestionnaires ; le lieu où se réalisent les œuvres de miséricorde : nourrir, éduquer, loger, 145 soigner, consoler, visiter et ensevelir ; le lieu où se pratiquent les vertus morales universelles : la prudence, la justice, la force et la tempérance. À Vos prêtres est confié le pouvoir de donner la vie surnaturelle à nos âmes, le pouvoir de nous donner la grâce sacramentelle, grâce actuelle et grâce sanctifiante, le pouvoir du for interne, le pouvoir de gouverner l’Église en Votre nom. C’est la fréquentation du « Notre Père » qui donnera à notre société chrétienne l’harmonie et la fécondité, par la distinction des ordres et la complémentarité des dons. Réapprenez-nous le «Notre Père », la prière de l’Espérance. Donnez à notre génération la lucidité et la force de bâtir la chrétienté car là est Votre volonté. Relevez nous et faites de nous des chrétiens selon Votre Cœur. Placez à notre tête ce signe grandiose qui apparaît dans le ciel : c’est une Femme, revêtue de soleil, la lune pour parure, couronnée d’étoiles ; c’est Notre Mère ; nous lui appartenons. O Seigneur, écoutez la prière du pauvre pèlerin que je suis, pour que Votre règne arrive. Que Votre volonté soit faite. Ainsi soit-il. »

CHRISTUS IMPERAT

Citations « On ne bâtira pas la société autrement que Dieu ne l’a bâtie » Saint Pie X « Vous ne m’avez pas accueilli ! Ce jugement lui aussi fait son chemin à travers l’histoire de nos familles ; il fait son chemin à travers l’histoire des nations et de l’humanité. Les paroles du Christ concernent aussi des institutions sociales, des gouvernements et des organisations internationales » Jean-Paul II, "Lettre aux familles" « D’autres nations attendent de votre exemple chrétien. Dans le contexte de la société européenne, les valeurs évangéliques, encore une fois, deviennent une contre-culture, tout comme elles l’étaient du temps de saint Paul. » Benoît XVI (aux membres de "l’exception culturelle" de Malte, rare micro-chrétienté à part dans le mondialisme de la culture de mort) « On est toujours capable de revenir au bien lorsqu’on n’a pas quitté le vrai » Mgr Freppel « Je vous invite à prendre ici cette forte résolution : nous allons sauver tous les petits enfants, tous les enfants à naître, nous allons leur donner une chance de naître. (…) aujourd'hui, on tue des milliers d'enfants à naître (…) personne ne parle des millions de petits êtres qui ont été conçus avec la même vie que vous et moi, avec la vie de Dieu. Et nous ne disons rien. Nous l'admettons pour nous conformer aux vues des pays qui ont légalisé 146 l'avortement ». Mère Térésa à Oslo en 1979, après avoir reçu le Prix Nobel de la Paix

Bibliographie Catéchisme de l’Église Catholique § 2420, 2423 et 2442, « La doctrine sociale de l’Église », « », Exhortation apostolique, Bienheureux Jean Paul II, la vocation et la mission des laïcs dans l’Église et dans le monde, éd. Tequi, 1988, Note doctrinale sur « l’engagement des catholiques dans la vie politique », 2002, (document joint page 187) « Pour qu’Il règne », Jean Ousset « Demain la Chrétienté », Dom Gérard « Une civilisation blessée au cœur », Jean Madiran

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LA VOCATION

Méditation Chers amis pèlerins, Un photographe faisait un jour le guet sur une pirogue avec son appareil. Un faux mouvement et le voilà qui chavire. Le fleuve était infesté de crocodiles. Sa seule chance de survie était de faire la planche sans bouger. Pendant les deux heures qu'il attendit ainsi, il eut le temps de penser à sa vie. Qu'en avait-il fait ? Il avait quarante ans et il n'avait rien construit, rien entrepris… Chers pèlerins, n'attendons pas de paraître devant Dieu pour songer à bien remplir notre existence. Rappelons-nous que nous ne repasserons pas deux fois par le chemin de la vie. Tout le bien que nous pouvons faire, faisons- le… I. VOCATION GENERALE : LA SAINTETE « La volonté de Dieu, c’est votre sanctification » nous dit Saint Paul. Nous devrions écrire cette petite phrase en lettres d’or à un endroit où nous puissions la lire tous les jours. "Vous savez ce que je veux être plus tard ?" disait joyeusement Claire de Castelbajac à une amie. "Oui, je le devine. Tu veux être religieuse. " "Non, c'est plus fort que ça. " "alors je ne devine pas…" "Je veux être sainte. Voilà ! C'est plus fort que d'être religieuse, hein ?" Chers pèlerins, Dieu nous appelle à être des saints. C'est à cette condition que nous le verrons au ciel. Au ciel, il n'y a que des saints !

148 Pour devenir un saint, le grand moyen est de suivre la volonté de Dieu. Et là, intervient ce qu'on appelle plus ordinairement la vocation : à savoir l’état de vie dans lequel Dieu veut que nous effectuions notre pèlerinage sur terre, notre vocation personnelle, c'est-à-dire ce à quoi Dieu nous appelle. En effet, le mot vocation vient du latin "vocare" qui veut dire appeler. En créant l'homme et la femme, au commencement du monde, Dieu leur a donné le commandement de s'unir pour donner la vie à des enfants qui rempliraient la terre. Jésus a sanctifié cette vocation par le sacrement de mariage : source de sainteté pour les époux et moyen de donner à Dieu des âmes qui le glorifieront dans l’éternité. La vie des parents de Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus, les Bienheureux Louis et Zélie Martin, montre la beauté, la grandeur et la fécondité religieuse d'un mariage pleinement chrétien. II. VOCATION PARTICULIERE : RELIGIEUSE OU SACERDOTALE

À côté de la voie commune du mariage, inscrite dès l'origine dans la nature complémentaire de l'homme et de la femme, il y a cet appel plus particulier de la vocation "religieuse" ou "sacerdotale". Dieu appelle un jeune homme ou une jeune fille, d'une façon spéciale, et lui dit : « Suis-moi ! ». Pour faire comprendre ce qu'est la vocation religieuse, Dom Marmion prend une très belle image. « Lorsqu'un homme et une femme se marient, remarque-t-il, ils quittent père et mère afin de s'attacher l'un à l'autre. Et aucune union ne surpasse celle-là en intimité, en tendresse, en fécondité ». Eh bien ! C’est à une telle union que Dieu, fait homme, invite l'âme du religieux ou de la religieuse. Rien n'est plus grand. On comprend que certaines âmes, comme la bienheureuse Anne-Marie Javouhey, ait pu dire : « Je crois qu'il faudrait m'arracher le cœur pour m'ôter le désir d'être religieuse ». Dans l’Évangile un jour, un jeune homme riche vint trouver Jésus et lui demanda : « Bon maître, que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle ? » Notre-Seigneur lui dit, « observe les commandements. » « Tout cela, je l’ai fait », lui répondit le jeune homme. L’évangéliste note alors que Jésus le regarda et l’aima et Il lui dit, « si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as et suis-moi. » C’était l'appel à la vocation religieuse lancé dans le regard d’amour de Jésus sur cette âme. C'était l'appel à suivre le Christ en embrassant les conseils évangéliques de l'obéissance, de la pauvreté et de la chasteté. Le sacerdoce, lui, est un appel de Jésus à devenir « ouvrier de la moisson ». Souvenez-vous comment Jésus disait à ses apôtres : « La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux. Priez le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson ! » Il est bon qu'un garçon 149 pose une fois au moins la question au Seigneur : "Voulez-vous de moi comme prêtre ?" Il n'y a pas à craindre d'être embrigadé. Le Seigneur n'embrigade pas : Il attire ou n'attire pas et, dans ce cas, rien ne se passe. III. REPONDRE A SA VOCATION EST SOURCE DE JOIE Soyez en bien persuadés : vous ne serez heureux sur terre que là où le Seigneur vous appelle à être. Si les parents de Ste Thérèse avaient refusé leur belle vocation au mariage, nous n’aurions pas eu de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus…et si le Saint Curé d’Ars avait refusé la sienne, combien de milliers d’âmes, qui se sont plus tard converties à son contact, se seraient peut-être perdues ! Alors, priez et demandez à Dieu, avec un cœur très sincère et très ouvert, qu’Il vous montre le chemin qu’Il a préparé pour vous. Puis n'hésitez pas à demander conseil à un prêtre qui vous aidera à discerner. Enfin, si possible, n'hésitez pas à faire une retraite : rien de tel qu'une bonne retraite pour voir clair sur sa vocation. C'est un puissant moyen de discernement. La vocation, notre vocation personnelle est une des plus grandes affaires de notre vie.

Chers pèlerins, Quand l’ange Gabriel annonça à la Sainte Vierge le dessein de Dieu sur elle ; elle avait 15 ans à peine et elle répondit simplement : « Qu’il me soit fait selon votre parole.» Sans ce fiat, elle n’aurait pas été la Sainte Vierge et nous n’aurions pas eu de Sauveur. Restons en silence quelques instants pour méditer tout cela et nous mettre sous l'inspiration du Saint Esprit.

Citation « Nous sommes créés pour aimer Dieu et devenir des saints. Nous nous épouvantons à ce mot de saint et nous pensons que c’est une chose extraordinaire et impossible. Mais regardez bien ceci : les saints ordinaires ne sont pas devenus saints tout d’un coup. Non, ils y sont parvenus peu à peu par l’exercice des vertus : la patience, l’amour de Jésus, de la Vierge Marie. Ils avaient des défauts, mais ils les ont extirpés ; ils avaient des passions, mais ils les ont domptées ; ils vivaient dans un monde pervers, mais ils en ont triomphé. La grâce de Dieu ne manque à personne. Ce que les saints ont fait, essayons de le faire et nous deviendrons des saints. » Saint Benoît-Joseph Cottolengo.

Bibliographie « La vie monastique à l'école de saint Benoit », Dom Paul Delatte, éd. de Solesmes 150 « Lettre aux jeunes sur les vocations », Thierry-Dominique Humbrecht o.p., éd. Parole et silence « L'avenir des vocations », Thierry-Dominique Humbrecht o.p., éd. Parole et silence « La vie religieuse d'après saint Thomas d'Aquin », Laurent-Marie Pocquet du Haut-Jussé, préface de Jean-Pierre Torrell o.p., éd. Téqui « L'appel du Seigneur : entretiens sur la vocation », Dom Guy Mesnard, éd. de Solesmes « Viens, suis-moi : à la source du sacerdoce ministériel », Mgr Patrick Chauvet, éditions Parole et silence. « Connaître et aimer sa vocation », Ludovis Lécuru, éd. Le Sarment-Jubilé

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CONSTRUIRE SA VIE PAR UNE RÈGLE DE VIE PERSONNELLE

Méditation Chers pèlerins, Nous approchons du terme de notre pèlerinage, et vous avez probablement commencé à vous poser la question de savoir comment vous allez faire pour mettre en pratique toutes ces bonnes résolutions que vous avez prises au cours de ces trois jours Oui, il va vous falloir changer de vie, il va vous falloir aller au bout de votre conversion, pour que votre vie prenne tout son sens et que votre action, désormais mieux orientée, devienne ainsi plus efficace. Oui, vous le voulez ; mais seul, cela vous sera peut-être difficile. Nous retombons si facilement dans nos travers. Alors ! Pourquoi ne pas prendre la décision de mettre en place une règle de vie personnelle ? Elle vous aidera à répondre à votre vocation (quelle qu’elle soit) et vous fera vivre en conformité avec ces résolutions que vous avez prises, et, qu’avec la grâce de Dieu, vous tiendrez. I. TOUT D'ABORD, EN QUOI CONSISTE UNE REGLE DE VIE ? Elle consiste dans le choix de moyens précis pour tendre chaque jour à la sainteté, selon les exigences de l'état de vie qui est le nôtre. Or, adopter une telle règle est absolument nécessaire, sans quoi nos bonnes résolutions ne restent souvent que de pieuses velléités. Gustave Thibon le disait de façon lapidaire: « Là où la règle est brisée, l'amour avorte ». II. COMMENT METTRE EN PLACE UNE TELLE REGLE ? Voici d'abord trois présupposés qui en commanderont toute la mise en œuvre :

152 Votre règle reposera tout entière sur une prise de conscience, celle que seule la vie que Notre Seigneur vous propose est intéressante. Ainsi, loin de constituer un carcan, elle sera au contraire la marque d'une préférence, d'un désir authentique de vivre comme Dieu vous le demande. Ensuite, elle doit être personnelle, donc taillée sur mesure pour chacun. Aussi, l'aide d'un père spirituel est indispensable, tant pour l'élaborer concrètement que pour la suivre ensuite fidèlement. Enfin, sa réussite résidera dans son équilibre. III. COMMENT SERA-T-ELLE FRUCTUEUSE ? Pour être fructueuse, elle portera au moins sur ces quatre points principaux de vos vies que sont la vie spirituelle, le combat spirituel, la formation personnelle et vos devoirs d'état : 1. La vie spirituelle N'oubliez jamais en effet, chers pèlerins, que l'union personnelle à Notre Seigneur Jésus est le cœur de la vie chrétienne. Cultiver cette union sera donc la priorité absolue. Pour ce faire, vous devrez cultiver avec soin trois moyens principaux : une vie de prière quotidienne que rien ne saurait supprimer : prière du matin et du soir, un temps d'oraison, chapelet…, à vous de choisir ce que raisonnablement vous pouvez faire. une vie sacramentelle régulière : confession (une fois par mois est une bonne moyenne) ; des communions bien préparées, suivies d'une action de grâce réelle. une direction spirituelle vous sera d'un grand secours. Elle vous aidera à approfondir une vraie vie de prière, ainsi qu'à mener efficacement le combat spirituel sans lequel il ne peut y avoir de vie chrétienne. 2. Le combat spirituel Nul ne peut y échapper en raison de notre blessure par le péché originel. Il faut donc, chers pèlerins, l'affronter de face et ne pas se voiler les yeux. Voici les quatre points où vous pouvez faire porter vos efforts : Supprimer les occasions de pécher : par exemple, en supprimant les fréquentations dangereuses, les sorties, spectacles et films douteux. En organisant bien vos journées : par exemple, en veillant à ne pas perdre de temps sur l'ordinateur avec des jeux, ‘Facebook’, des sites etc. L'ordinateur est, pour beaucoup d’entre nous, la source la plus nuisible pour l'équilibre de vie. Il faut vraiment faire des choix et vous libérer de cette nouvelle drogue. Attention aussi à la dépendance vis-à-vis des

153 portables, des ‘ipods’… Rien de tel pour détruire de vraies communications et n’établir que des relations superficielles. En combattant tels défauts : par exemple, l'orgueil, l'avarice, l'impureté, l'envie, la gourmandise, la colère, la paresse… Enfin, en vous appliquant à acquérir telles vertus : par exemple, la prudence, la justice, la force, la tempérance etc. 3. La formation personnelle Si la question de la formation personnelle a toujours été importante, elle devient aujourd'hui d'une urgence absolument cruciale. Face au délabrement de la pensée et à l'affaissement inouï de la culture de masse, il est urgent, chers pèlerins, de réagir. Ce qui signifie concrètement que votre règle incluera le souci de structurer et nourrir votre vie spirituelle et votre vie intellectuelle en général. Une saine utilisation de votre temps vous permettra d'user des moyens adaptés qui sont abondants : lectures, conférences, sessions, universités d'été, groupes de formation etc. Prenez, par exemple, dix minutes tous les soirs pour lire sérieusement un livre de formation. En un mois vous aurez lu un livre entier ! 4. Les devoirs d’état Enfin, votre règle vous aidera à avoir un véritable culte pour vos devoirs d'état. N'oubliez pas que la sainteté que Dieu veut pour vous n'est pas éthérée, mais passe par un accomplissement très fidèle de vos devoirs d’état, dans un esprit surnaturel. Que l'étudiant prenne donc les moyens d'être sérieusement à ses études ; le père de famille de vivre sa profession en vrai chrétien, et sans négliger son épouse et sa vie de famille ; et que la mère de famille s'organise de manière à bien s'occuper de ses enfants et à avoir du temps pour son mari. De plus, chacun se rappellera que le Bon Dieu attend de vous qu'ayant reçu gratuitement, vous sachiez donner gratuitement. Ainsi, une activité missionnaire adaptée à chacun (même très ponctuelle) est indispensable pour vous rappeler que vous n'êtes pas seul, et que bien des gens qui vous entourent ont besoin de vous. Chers pèlerins, Vous voyez donc, en définitive, qu'une règle de vie est la traduction pratique du désir de vivre authentiquement sa vie chrétienne à tous les niveaux. Il est donc essentiel d'adopter une règle de vie. Aussi, si ce n’est déjà fait, demandez à la très Sainte-Vierge Marie qu’elle vous obtienne la grâce de le faire, avant la fin de ce pèlerinage ; elle ne manquera pas de vous l'accorder. Et maintenant gardons donc le silence, afin de revoir ou de mettre en place notre Règle de vie personnelle.

154 Citation « Le goût de la vérité dans tous les ordres, religieux, intellectuel, moral, politique, c'est cela essentiellement qui est l'armature d'une civilisation, c'est cela qui a fait la chrétienté, et c'est cela, dans le rayonnement de l'amour, qui sera le principe de sa renaissance ». Dom Gérard Calvet Bibliographie « Une règle de vie », Dom Gérard Calvet, éd. Sainte-Madeleine. Ouvrage destiné à toute personne désireuse d'adopter une règle de vie. « Manuel de survie d'une mère de famille. Comment tenir sa maison en ordre et son âme en paix », Holly Pierlot. éd. de l'Emmanuel. « Lettre aux 18-20 ans de l'an 2000 », Dom Gérard Calvet, éd. Sainte- Madeleine. « Lettre aux jeunes sur les vocations », Père Thierry-Dominique Humbrecht, éd. Parole et Silence.

155 3EME PARTIE : LECTURES COMPLÉMENTAIRES

A. LE PÉLERINAGE

QU’EST-CE QU’UN PÈLERINAGE ?

Pourquoi ? Un pèlerinage est une marche c'est une marche religieuse ; c'est la marche religieuse d'un peuple. « Chers Pèlerins de Chartres, Avant que le soleil ne monte à l'horizon et que vous ne posiez vos pas sur la route, vos aînés ont voulu que nous vous adressions quelques réflexions. Nous nous interrogeons donc: “ Qu'est-ce qu'un pèlerinage ? ” Et la tradition nous répond : “ un pèlerinage est une marche, c'est une marche religieuse, c’est la marche religieuse d'un peuple ”.

I. LE PÈLERINAGE EST UNE MARCHE Pour ce qui est de se mettre en route, nous vous faisons confiance. Mais il faut qu'une marche aboutisse au terme désiré : très peu d'hommes vont jusqu'au bout de leurs idées, de leurs sentiments et de leurs projets. Et puisque vous mettez vos pas dans ceux de nos anciens, nous invoquerons le témoignage d'un homme qui avait pris l'habitude d'aller jusqu'au bout de lui-même, qui ne prenait son parti de rien. Pour Charles PÉGUY, la route était une règle et un rite ; écoutons-le : “ Vous nous voyez marcher sur cette route droite, Tout poudreux, tout crottés, la pluie entre les dents. Sur le large éventail ouvert à tous les vents, La route nationale est notre porte étroite. ”

Aussi l'honneur du pèlerin est-il de ne pas revenir sur ses pas : “ D’ ici vers vous, O Reine, il n'est plus que la route. Celle-ci nous regarde, on en a fait bien d'autres. Vous avez votre gloire, et nous avons les nôtres. Nous l'avons entamée, on la mangera toute. ” Nous souhaitons que vous marchiez sur les traces de PÉGUY, d'un pas souple, alerte, régulier, parce que la vie est un combat, et que la marche est l'image de la vie. 156 II. LE PELERINAGE EST UNE MARCHE RELIGIEUSE "Mais priez mes enfants !" disait la Très Sainte Vierge à Pontmain. À nous aujourd'hui, plus qu'hier, s'adresse ce reproche voilé, sous une ferme insistance, que les petits voyants purent lire jadis, inscrit dans le ciel autour de la célèbre apparition. Nous sommes malades d'une carence de prière. Il faudrait prier comme on respire. Vous verrez combien marcher sur les routes permet de prier instinctivement, presque sans le savoir ; d'un cœur libre, l’esprit et le corps rythmés par la cadence d'une prière litanique, qui stimule en même temps qu’elle apaise ; dans l'unité d'un acte qui vous résume tout entier, et vous relie à Dieu plus profondément que les raisonnements. Les grands pèlerinages – qui ne sont qu’une extension de la procession liturgique - expriment le mouvement essentiel de la créature retournant à Dieu dans l'effort de conversion laborieuse. Aujourd'hui vous marcherez en priant et en chantant, vers la Cathédrale de Marie, qui symbolise le ciel et le préfigure. Vous avez la marche et la halte avec sa méditation ; vous avez le chant, la charité fraternelle, l'Hostie et le Chapelet. Tout cela exprime excellemment la condition du Chrétien, qui est de mériter le ciel en le regardant et en se hâtant vers lui.

III. LE PELERINAGE EST LA MARCHE RELIGIEUSE D'UN PEUPLE Charles PÉGUY s'était mis en route pour confier à la Sainte Vierge sa détresse de père de famille, ses enfants malades, “ Prenez-les, je n'en peux plus! ” disait-il, et la guérison d'une blessure secrète qu'il portait cachée au fond de son âme tourmentée. Vous autres, pèlerins, vous irez vers Marie pour confier à sa maternelle royauté l'immense infortune d'un peuple abandonné par ses chefs naturels. Car, nous aussi, nous n'en pouvons plus ! Nous mourons asphyxiés, dans une France aux discours menteurs qui ne parle que de l'homme, et qui abaisse l'homme. Nous vous chargeons d'une mission bien précise : nous vous demandons de représenter notre Pays pendant trois jours sur la route de Chartres : il faut que votre départ exprime un refus et un renoncement. Que la Jeunesse de France se lève et dise non à la turpitude, non à la médiocrité, non à ce qui souille les imaginations, non à ce qui amollit le cœur et qui fausse l'esprit. Non à la drogue, non au mensonge publicitaire, non au confort, à la vie facile, aux amours coupables, aux morales permissives, aux dogmes vidés de leur transcendance. Non aux écoles sans Dieu, non aux professeurs qui rayent le passé de la France, non aux lois iniques qui désintègrent la famille, tuent l'enfant et dévergondent la mère ; qui remplacent l'adoration de Dieu par les droits de l'Homme, le devoir par le caprice, les joies austères par les plaisirs sensuels. Et quand, fatigués par la marche, et purifiés par le sacrement, vous apercevrez au détour de la route, à ras du sol, plus haut que tous les saints, plus haut que tous les rois, « la flèche irremplaçable et qui ne peut faillir », que les vœux des pèlerins s'échappent alors comme un vol de colombes vers l'horizon, en faveur de cette terre ingrate, afin qu'elle retrouve sa vocation surnaturelle, son beau titre de fille aînée de l'Église, la pureté de sa Foi et la générosité de son élan missionnaire, sans lesquels nous serons toujours orphelins de sa vraie grandeur. 157 Arrivés au sanctuaire de Marie, veuillez, chers pèlerins, déposer à ses pieds un peu de nos larmes, un peu du sang de notre cœur, et ce goût amer mêlé à notre tendresse pour l'ancien royaume de France. » Frère Gérard, moine bénédictin

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AUX SOURCES DU PÈLERINAGE DE CHRÉTIENTÉ

I. SES PRINCIPES ET SA NATURE L’idée du pèlerinage est née au Mesnil-Saint-Loup à la troisième université du Centre Henri et André Charlier. Ces trois noms propres claquent déjà comme un drapeau qui en donne l’esprit. Mais il faut rappeler qu’à la première université du Centre Charlier (en 1980) était déjà née l’idée de « l’Amitié Française » (incarnée lors d’une fameuse journée à la Mutualité) et à la seconde (1981) celle du quotidien « Présent ». Après la fondation de l’Amitié française et la création de « Présent », il s’agissait aussi pour le Centre Charlier de placer ce nouvel élan militant sous la protection de Notre Dame. C’est donc au Mesnil-Saint-Loup que Bernard Antony, fondateur et président du Centre Charlier, nous a demandé de concevoir et organiser, pour les trois jours de la Pentecôte, ce pèlerinage à pied de Paris à Chartres, baptisé « de chrétienté », avec l’équipe du Centre. D’emblée le pèlerinage de chrétienté se présentait comme un pèlerinage de tradition organisé par des laïcs engagés dans le temporel, à la fois dans une volonté de résistance nationale et chrétienne (à l’exemple de Czestochowa) et dans un esprit missionnaire et de réconciliation. Le pèlerinage devait se nourrir de plusieurs inspirations : l’héritage des Charlier et de Péguy, bien sûr, avec la tradition étudiante (entretenue alors par le MJCF), mais aussi la tradition scoute (avec l’exemple du Puy notamment en 1942), celle des pèlerinages majeurs comme Compostelle et surtout l’exemple contemporain de Czestochowa en Pologne d’où quelques-uns d’entre nous revenaient, émerveillés par la ferveur d’un peuple qui associe sa marche religieuse au sort de la nation...

II. CHRÉTIENTÉ ET DOCTRINE SOCIALE Notre pèlerinage est de chrétienté non comme un pèlerinage parmi d’autres dans une chrétienté qui, hélas, n’existe plus, mais comme un pèlerinage qui souhaite le retour, l’avènement d’une chrétienté nouvelle et qui agit, prie et combat en ce sens. La chrétienté, selon la définition de Gustave Thibon, c’est un « tissu social où la 159 religion pénètre jusque dans les derniers replis de la vie temporelle (mœurs, usages, jeux et travaux...), une civilisation où le temporel est sans cesse irrigué par l’éternel» C’est une alliance du sol avec le Ciel, une alliance des nations avec la Sagesse éternelle. C’est le régime politique au sens large qui, inspiré spirituellement par l’Église, mais temporellement autonome, permet à la double et unique loi de Dieu de régner : celle du Décalogue (résumé de la loi naturelle) et celle de l’Évangile (avec sa loi d’Amour et sa charte des béatitudes). C’est la proclamation de la royauté de Jésus-Christ sur les âmes, sur les institutions et sur les mœurs. C’est le corps charnel de l’Église... Notre pèlerinage est en outre de chrétienté, comme « parabole vivante» (Dom Gérard), modèle de « micro-chrétienté », appliquant pro domo les principes de la chrétienté. Il ouvre en somme la voie, en commençant par lui... Outre la conversion indispensable des âmes, la finalité propre du pèlerinage de chrétienté est donc le bien commun temporel et surnaturel de la cité charnelle, dans une juste distinction et (sub)ordination du temporel et du spirituel. C’est un pèlerinage de laïcs responsables du temporel, militants du temporel chrétien dans l’Église militante et dans leur nation. Car la chrétienté et sa restauration passent par la nation - Jeanne d’Arc en témoigne - et particulièrement par la France, comme l’avait désiré Péguy : « II faut que France et chrétienté continuent ! ». Selon l’adage classique, si ce sont les prêtres qui prêchent la croisade, ce sont les fidèles qui la font avec des chefs laïcs pour la diriger. Ainsi en va-t-il du pèlerinage de chrétienté qui rompt, à cet égard, avec la mauvaise habitude d’une certaine Action catholique où les clercs, faute d’un pouvoir temporel chrétien du laïcat, s’arrogeaient abusivement ce pouvoir, mettant indûment les laïcs sous leur tutelle. « Il y a un aumônier sur chaque navire mais on ne lui demande pas de fixer la ration de vivres de l’équipage, ni de faire le point », résume à sa façon Jean Anouilh. Il en est de même dans nos chapitres et, en dehors du pèlerinage, dans nos combats de la cité. À ce propos, notre pèlerinage s’inspire aussi beaucoup de l’œuvre de Jean Ousset, dont l’un des grands buts fut de rétablir le pouvoir temporel chrétien du laïcat. Selon le modèle de la chrétienté, l’ordre chrétien se divise en deux pouvoirs : à l’échelle du pèlerinage, le temporel revient d’abord aux chefs de chapitre (sous la direction du Président) dans une juste autonomie, quasiment une souveraineté même si elle est limitée, et le spirituel revient essentiellement aux aumôniers (sous la direction de l’aumônier national) soumis à l’autorité de l’Église. C’est la « sainte alliance » entre le clerc et le laïc dans ce binôme chef-aumônier qu’on retrouve aussi dans le (vrai) scoutisme catholique, non sans une commutativité possible des tâches par suppléance. Il y a, en outre, dans l’ordre temporel du pèlerinage une application pro domo de la doctrine sociale de l’Église avec le « système des chapitres » (analogue au système des patrouilles du scoutisme) qui applique admirablement le principe de totalité et le principe de subsidiarité. Ce « système des chapitres » (par affinité régionale et sans distinction de classes, d’âges et de mouvements), illustre bien la conception organique que se fait le pèlerinage de la société et de son ordre hiérarchique (conformément à la doctrine 160 sociale de l’Église), aux antipodes d’une conception totalitaire, mécaniciste. Le rôle-pivot du chef de chapitre (qui a charge d’âmes) est à cet égard le rôle essentiel du pèlerinage (comme celui du chef de patrouille dans le scoutisme), entre les pèlerins et l’état-major qui oriente l’ensemble. Enfin, autre héritage de la Cité catholique : le pèlerinage de chrétienté est une œuvre auxiliaire, qui se refuse, depuis son origine, à être un mouvement parmi les autres. Limitant son organisation, son encadrement et son « suivi » à sa seule finalité de pèlerinage de chrétienté, il est en revanche au service des mouvements, des partis, des organisations militantes, de tous ceux qui, dans le respect de la diversité des initiatives, ont le souci de la complémentarité des forces. « Au-dessus des partis », par sa finalité temporelle et spirituelle, il propose, dans l’esprit de l’Amitié française, à tous ceux-là de venir se ressourcer, voire se réconcilier, dans une marche de chrétienté où les partis disparaissent justement et se fondent pour trois jours dans le cadre des provinces et des chapitres locaux et familiaux qui reproduisent ou plutôt représentent (sous leurs bannières avec leurs saints patrons) des corps intermédiaires naturels (fondés sur la géographie et un réseau social : villes, paroisses…), où est exclu toute dialectique artificielle. Cellule de base du pèlerinage, le chapitre est sensé reconstituer socialement, pour lui-même aussi, une micro-chrétienté (comme on dit analogiquement que la famille est une Église domestique). D’où l’importance d’éviter précisément (dans la mesure du possible) les regroupements unitaires par âges (à l’exception du « chapitre enfants » pour des raisons évidentes), par mouvements, par secteurs professionnels (selon l’expérience malheureuse aussi de l’Action catholique…) pour susciter la solidarité des générations, des classes sociales, etc… C’est la chrétienté qui vient principalement spécifier notre pèlerinage. Si la tradition et la mission sont aussi des éléments essentiels, constitutifs de son être, ils peuvent en effet se retrouver dans d’autres pèlerinages qui ne sont pas de chrétienté. On voit mal en revanche comment un pèlerinage de chrétienté aujourd’hui, dans notre monde sécularisé et désorienté, pourrait ne pas être de tradition et de mission, de résistance et de reconquête...

III. TRADITION ET ÉGLISE Né en 1982 dans une crise majeure de l’Église, le pèlerinage de chrétienté a été organisé par des catholiques de tradition (s’il est permis ce pléonasme) qui n’avaient pas besoin de « mandat » pour ce faire (et n’en demandaient pas), mais qui savaient (éclairés par des maîtres laïcs et religieux) ce qui dépendait d’eux et ce qui n’en dépendait pas. Dans la révolution culturelle qui touchait et que subit encore l’Église depuis le milieu du XXème siècle, ils faisaient leur ce résumé de Jean Madiran dans sa postface à la réédition de L’Hérésie du XXème siècle : « L’Église de Jésus-Christ est une, sainte, catholique et apostolique. À chaque époque. Cette apostolicité, cette catholicité, cette sainteté, cette unité animent ou désertent plus ou moins la structure de fondation divine sur laquelle repose temporellement sa continuité visible : la succession apostolique et la primauté du Siège romain. Cette succession, cette primauté ne sont pas exemptes de défaillances graves ; aujourd’hui universellement catastrophiques. Mais ce 161 qu’elles font mal, ou ce qu’elles ne font pas, personne d’autre ne peut le faire à leur place. » Membres de l’Église enseignée, il dépendait néanmoins de nous, avec les moyens du bord, dans le courant de résistance où nous nous trouvions, de sauvegarder pour nous et nos enfants les points fixes du peuple chrétien : le missel, le catéchisme, la Bible, qui fondent précisément le temporel chrétien. Nous refusions dans les nouveautés obligatoires, les armes par destination qu’elles constituaient objectivement (par leurs décrets ambigus et leurs interdictions corollaires) contre ce qui avait fait jusque-là la nourriture spirituelle et sacramentelle des fidèles, y compris des saints. Comme Mgr Lefebvre et avec ses prêtres parmi d’autres, nous demandions respectueusement et légitimement qu’on nous laisse la faculté de « faire l’expérience de la tradition ». Et quand cela nous était refusé, nous répondions : "Non licet ": ce n’est pas permis ! Non point par désobéissance obtuse, mais au contraire pour rappeler l’ordre, comme des (tout petits) disciples d’Antigone (ou plutôt de saint Thomas More) face au Créon ecclésial. Et nous passions outre, comme Jeanne d’Arc, en demandant en tant que laïcs, l’assistance spirituelle des prêtres qui comprenaient notre insurrection morale mais ne pouvaient, par leur état, organiser cette insurrection. On retrouve ici la distinction du temporel et du spirituel très bien résumée encore par Jean Madiran : « 1) D’une part, nous ne pouvons jamais, nous catholiques, avoir d’autres chefs religieux que le Pape, les évêques et les chefs nommés par eux. Quand ceux-ci s’abstiennent (en ne faisant rien contre la désintégration du catéchisme) ou bien commandent un péché (en imposant un faux catéchisme et un Évangile falsifié), c’est une catastrophe pour tous, il ne s’agit pas de s’en dissimuler l’étendue : mais aucun prêtre ne peut de lui-même les remplacer en tant que chefs religieux. 2) D’autre part, au contraire, les pouvoirs temporels du laïcat chrétien demeurent ce qu’ils sont, en fait et en droit, quelles que soient les défaillances, les manœuvres ou les impostures de divers représentants de l’Église hiérarchique. Nous pouvons avoir des chefs laïcs, cela ne regarde que nous ; rien ne nous empêche, tout nous presse de créer, dans la mesure où nous en sommes capables, des autorités [des institutions] temporelles. Elles n’ont bien sûr aucun pouvoir religieux…. » (Itinéraires, juillet 1969). Ainsi, est né le pèlerinage de chrétienté, organisation temporelle, non pour prendre une décision religieuse, trancher les questions religieuses, mais pour permettre aux fidèles laïcs de mieux survivre dans la crise religieuse, de ne pas demeurer isolés dans le malheur, de mieux remplir spirituellement leurs tâches temporelles. En nous en remettant (aujourd’hui comme hier) pour le jugement souverain à la succession apostolique et à la primauté du Siège romain, nous refusons de nous séparer de l’Église, mais nous refusons dans le même temps, par droit naturel et surnaturel, de suivre ceux qui s’en séparent, quel que soit leur rang hiérarchique, en nous imposant une nouvelle messe, un nouveau catéchisme, une nouvelle Bible qui servent à interdire la messe, le catéchisme et la Bible de tradition. Un tel pèlerinage, une telle organisation temporelle, a néanmoins besoin de 162 prêtres ? Assurément : comme aumôniers. Et non comme chefs. Comme aumôniers pour distribuer les sacrements, pour éclairer, instruire et réconforter spirituellement nos pèlerins selon une autorité morale de conseil, de suppléance, mais qui ne peut prétendre à une autorité de décision, voire de juridiction, comme le curé dans sa paroisse ou l’évêque dans son diocèse... Il faut redire en effet que le « traditionalisme » n’est pas un parti avec son chef ou ses chefs de file. Il n’est pas un groupement hiérarchisé avec ses curés parallèles, voire ses évêques parallèles, comme une Église particulière, parallèle, voire dissidente. La tradition étant une des sources constitutives de l’Église, un pèlerinage de tradition ne peut être que d’Église. Le catholicisme étant forcément traditionnel, la tradition ne peut que respecter la structure de l’Église visible (malgré ses défaillances) et se mêler (malgré ses résistances) à cette Église. Aussi, dans cette révolution culturelle qu’a connu et connaît encore l’Église, s’est- il nécessairement constitué, dans l’Église, par suppléance (en dehors des rares paroisses traditionnelles), plusieurs demeures temporelles et spirituelles de la tradition, avec des prêtres et même des prieurés, mais sans se substituer néanmoins à la hiérarchie. Il y a plusieurs demeures spécifiques de et dans la tradition (d’importance inégale), mais il n’y a pas de monopole de la tradition, sinon celui (aujourd’hui défaillant) de l’Église ! Dès le début, le pèlerinage a voulu coopérer avec toutes ces « demeures » particulières dans un souci d’unité et de réconciliation pour le bien commun de la tradition et donc le bien commun de l’Église. Pour cela, les chefs laïcs du pèlerinage, en tant que tels, malgré certaines dérives, se sont toujours voulus et se veulent indépendants de toute société cléricale (y compris de la Fraternité Saint Pie X et de la Fraternité Saint-Pierre). Sans nier pour autant les liens de reconnaissance et d’amitié envers l’une ou envers l’autre (comme envers d’autres communautés religieuses ou d’aumôniers en particulier). Le pèlerinage, de par la liberté temporelle des laïcs, s’est toujours voulu un pont qu’il faut évidemment garnir de parapets. Il est un ambassadeur et un avocat de la tradition auprès de la hiérarchie.

IV. MISSION ET NOUVELLE ÉVANGÉLISATION Le pèlerinage de chrétienté est un pèlerinage missionnaire avant tout, comme cause exemplaire, par la vérité de son message, par la beauté de sa liturgie, par la bonté de ses mœurs, par l’illustration d’une chrétienté en marche, même si cela reste un microcosme. Mais enfin, il est malgré tout, missionnaire par mode d’appel et d’efficience, comme institution vivante et remarquable qui attire, forme, convertit puis envoie ses fidèles en mission dans le monde. Le bien demande en effet à se communiquer : il entraîne au bien. En termes imagés, « le pélé, c’est une station- service qui distribue du carburant, et quel carburant ! » Bref, le pèlerinage est missionnaire comme une « structure de bien », le contraire de ce que Jean-Paul II appelle une « structure de péché ». À ces autoroutes du mal que nous construit systématiquement la culture de mort, il convient d’opposer envers et contre tout, jusqu’au témoignage du martyre s’il le faut, les sentiers du bien et les structures de sainteté que balisent les béatitudes avec le Décalogue. C’est la nouvelle évangélisation face à la méta-tentation de la 163 culture de mort qui conjugue toujours plus le péché d’Adam au pluriel : vouloir, comme des dieux, se donner à soi-même sa propre loi ! Mais l’erreur serait de réduire ces structures de bien à la seule morale en oubliant précisément la dimension politique de cette nouvelle évangélisation, indiquée aussi par Jean-Paul II. « Un régime absurde [pécheur] en sa structure, quelle que soit la vertu [morale] des citoyens et des gouvernants, risquera de manquer son but tout comme une mauvaise arme, même maniée par un homme adroit et bien intentionné, ne vaudra jamais une arme perfectionnée. », disait Louis Jugnet. Si celui qui dit qu’il aime Dieu et n’aime pas son prochain est un menteur, celui qui dit qu’il aime son prochain et ne croit pas à la vertu politique est un impie auquel il manque la charité politique. Car « de la forme donnée à la société dépend et découle le bien et le mal des âmes » (Pie XII). Une des originalités de notre pèlerinage est son souci fondamental de charité politique. Certes, il veut être missionnaire par la réforme intérieure, (« commencer par soi »), mais il veut l’être aussi politiquement par la formation de ses pèlerins et de ses cadres qui agissent dans le monde. C’est aussi à cet égard une école de formation au bien commun, une école de chefs. Si les structures de péché s’appuient sur la Révolution et une politique très efficace pour mener leur œuvre de mort en décuplant les péchés personnels, les structures de vertu et de bien comme le pèlerinage doivent s’appuyer sur la Contre- Révolution et une politique du bien commun pour décupler les vertus et rebâtir un temporel chrétien. Politique d’abord et primauté du spirituel ne s’opposent pas si l’on comprend qu’il y a un ordre réciproque à des niveaux différents et que la charité doit respirer par ses deux poumons moral et politique, leur union faisant la force du bien pour souffler sur le mal et le refouler. Une chrétienté, en définitive, c’est la charité organisée de la morale à la politique, de la famille à la cité, pour qu’elle soit rayonnante et conquérante, avec la grâce de Dieu. Charité organisée : l’exemple vient de haut. Notre pèlerinage s’inspire de Notre Seigneur lui-même lors de la multiplication des pains. Devant cette foule nombreuse (cinq mille) dont il eut pitié, « parce qu’ils étaient comme des brebis qui n’ont pas de berger » (saint Marc), parce qu’ils avaient faim et soif, que fait Jésus ? : il ordonne de les faire tous asseoir « par carrés de cent et cinquante ». C’est comme une figure de nos chapitres. Il faut organiser notre charité, non seulement dans nos rassemblements, mais dans la société, pour mieux donner à manger le pain de vie, offrir à chacun le don du Christ... selon le but de la mission. En guise de conclusion, je voudrais dire que le pèlerinage de chrétienté est désormais notre précieux bien commun à tous, un bien commun particulier au service du bien commun national et ecclésial, temporel et surnaturel, de la société. II est aujourd’hui le plus grand pèlerinage à pied de France. II draine depuis sa naissance des dizaines de milliers de pèlerins et une jeunesse dont la ferveur et l’affluence sont forcément un gage d’espérance pour la première baptisée des nations, la fille aînée de l’Église.

Les enfants du début sont devenus à leur tour chefs de chapitre, de nombreuses 164 vocations sont nées : la "génération Chartres" commence à produire ses fruits que d’aucuns voudraient voir plus visibles sans doute. A tort, car dans cet ordre-là, ce qui importe vraiment, comme dit Henri Pourrat, vient silencieusement et se lève dans les âmes pour n’apparaître que peu à peu. Le rôle du pèlerinage de chrétienté est de semer, non de récolter. En outre, modestement, s’il a permis beaucoup de conversions, il ne signe pas, comme dans un parti, ses réussites. Cela se passe entre Dieu et chacun dans le secret des consciences et n’est évidemment pas quantifiable en cartes d’adhésion, ni immédiatement productif. Dieu aidant, le pèlerinage de chrétienté est devenu néanmoins un fer de lance de la tradition, « le symbole de la Chrétienté en France » (le Cardinal Gagnon en 1985), « notre Czestochowa national » (Dom Gérard en 1985). L’appel de Chartres, c’est chaque année cette invitation tonique, de dimension nationale (et maintenant internationale) à une véritable reconquête spirituelle, pour nous- mêmes, nos familles, nos communautés, nos patries… au cœur de l’Église une, sainte, catholique, apostolique et romaine. C’est un appel à remplir notre devoir de charité politique, à nous mettre ardemment au service de l’instauration du règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ, en pleine fidélité avec l’encyclique de Pie XI (Quas Primas) sur le Christ-Roi, et l’enseignement de la doctrine sociale de l’Église. Qui dit bien commun dit communauté dans l’espace et dans le temps dont les chefs de chapitre sont les gardiens essentiels sous l’autorité distincte du Président et de l’Aumônier : « Gardez le pèlerinage et le pèlerinage vous gardera ! » Pour bien garder le pèlerinage, outre la pratique d’une vie intérieure exigeante, il faut avoir l’intelligence des trois grands principes développés ici et de leur harmonie. L’intelligence implique une certaine souplesse dans la fidélité, la piété et l’audace. « Unité sur les choses nécessaires, liberté sur les choses qui ne le sont pas. Charité en toutes choses », disait saint Augustin. En dépit des querelles byzantines qui trop souvent divisent notre famille, la concorde régnera toujours sur le pèlerinage si tous ses responsables comprennent qu’ils tissent non seulement une amitié au service du Vrai et du Beau mais une amitié au service d’un Bien Commun qui les dépasse. Si le Vrai (ou ce qui apparaît tel) peut parfois opposer — on veut souvent avoir raison contre l’autre, en termes dialectiques de camps opposés, sur des questions qui nous semblent nécessaires mais sont souvent d’ordre prudentiel —, le Bien est ce qui attire et réunit et permet souvent au vrai ‘Vrai’, si j’ose dire, d’assumer sa bonne place. Formons donc une véritable amitié au service du Bien Commun que constitue le pèlerinage de chrétienté. Et le reste viendra de surcroît... Avec la bienveillance de Notre-Dame de la Sainte Espérance. Rémi Fontaine (8 décembre 2001)

165 LES SYMBOLES AU PÈLERINAGE

Chers pèlerins, Voici maintenant quelques heures que nous marchons. En tête de chacun de nos chapitres, une croix portant sur sa branche transversale le nom d’un saint ou d’une sainte, d’un bienheureux, voire d’un personnage au nom prestigieux (Baudouin IV de Jérusalem, Tom Morel, Général de Sonis, Père Sevin…) connu pour ses fortes convictions religieuses et son intégrité intellectuelle et morale. À côté de cette croix, souvent, une bannière représentant ce même personnage avec parfois une devise, une prière… Tout autour de nous, comme ce matin devant la cathédrale, des drapeaux aux couleurs d’un pays ou d’une région, avec parfois en surcharge l’insigne du Sacré Cœur et une devise, et toutes ces oriflammes dont l’étamine bleue ou blanche est parsemée de fleurs de lys d’or. C’est beau, c’est émouvant… Mais tout cela a-t-il un sens ou n’est-ce que du folklore ? Regardons-y de plus près.

I. UN SIGNE DE RALLIEMENT ET DE PIETE Nos croix et nos bannières, outre le fait qu’elles sont un signe de ralliement pour les pèlerins (vous entendrez souvent dire « serrez sur la bannière »), sont aussi un signe d’identification pour les organisateurs du Pèlerinage « voilà Sainte Claire qui arrive… nous sommes légèrement en avance sur l’horaire », ainsi qu’un témoignage pour toutes les personnes qui nous voient passer : « c’est une manifestation ?, non c’est un pèlerinage… » Mais, c’est surtout un rappel du lien qui nous unit, autour de notre saint patron, et qui nous relie au ciel, d’où il nous écoute et d’où il nous protège. Nos croix et nos bannières nous tracent le chemin vers le ciel. C’est pourquoi il est important pendant les 3 jours de pèlerinage de veiller à ce que bannières et croix, symboles de Jésus Christ et de ses saints et saintes, marchent devant le chapitre, ouvrant ainsi la route. Ces drapeaux aux couleurs nationales (françaises, mais aussi étrangères) nous rappellent que notre pèlerinage de Chrétienté est international, qu’il est un lieu de rencontre amical entre peuples unis par une même foi et une même espérance ; les 166 drapeaux régionaux nous disent que cette espérance s’incarne dans la vie des nations, leurs terroirs, leurs histoires et leurs coutumes….

II. UNE PROCLAMATION DE LA ROYAUTE SOCIALE DU CHRIST Mais ce Sacré-Cœur, cette couronne d’épines sur le drapeau français, et cette devise « Espoir et Salut de la France », n’est-ce pas sacrilège ? Est-il convenable de surcharger ainsi l’emblème de notre pays ? En principe, non bien sûr !! Mais, quand il s’agit de la marque du « Christ, Roi de l’Univers »... !! D’ailleurs cette idée n’est pas venue de l’un d’entre nous. Elle est la réponse à une demande pressante du Christ Lui-même. Voyons cela. Nous sommes en 1689, Louis XIV règne sur la France, mais les nuages s’amoncellent : quelques revers militaires, des hivers rudes qui entraînent de mauvaises récoltes… : le mécontentement gronde. Dans son couvent, une religieuse reçoit depuis quinze ans la visite de Jésus. Elle s‘appelle Marguerite-Marie Alacoque. Au cours d’apparitions successives, le Christ lui montre ses plaies, se plaint de l’ingratitude des hommes vis-à-vis de son Cœur transpercé et lui demande de répandre la dévotion à son Sacré-Cœur. Et puis, en cette année 1689 (retenez bien cette date) Il lui fait cette demande extraordinaire d’aller dire au Roi de France qu’Il souhaite que l’effigie de son Sacré-Cœur figure sur les drapeaux. Marguerite-Marie confiera cette demande à son confesseur, afin qu’il la transmette au confesseur du Roi, le Père Lachaise. On ne sait pas si le message parvint à Louis XIV car il n’y eut pas de suite. La demande de Jésus fut renouvelée en 1917, auprès d’une jeune fille de Loublande (près de Cholet) appelée Claire Ferchaud. Le Christ lui demanda de faire apposer sur le drapeau français l’image de son Sacré-Cœur. Claire transmit la demande au Président de la République, Raymond Poincaré, qui la reçut en audience. Mais il ne fit rien. Les principaux généraux des Armées françaises auxquels elle s’adressa alors, ne l’écoutèrent pas davantage. Cependant, des centaines de milliers de petits drapeaux tricolores portant l’insigne du Sacré-Cœur, avec la mention « Cœur Sacré de Jésus, Espoir et Salut de la France » furent confectionnés et portés par nos soldats… Il y eût de nombreux miracles… et ce fut la Victoire... ! »

III. UN TEMOIGNAGE DE NOTRE ABANDON A LA SAINTE PROVIDENCE Quant aux oriflammes bleues et blanches surchargées d’un semis de fleurs de lys d’or…, elles nous rappellent que la France a une longue histoire (le drapeau fleurdelisé fut pendant plus de mille ans l’emblème de la Patrie) et que nous souhaitons nous souvenir de nos racines. Le Blanc et le Bleu sont les couleurs de la Vierge et le lys, symbole de pureté, sa fleur préférée, celle que le Christ choisit pour faire l’éloge de la confiance et de l’abandon à la Sainte Providence : « Observez les lys des champs comme ils poussent : ils ne peinent ni ne filent. Or je vous dis que Salomon, lui-même dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux... Cherchez d’abord le Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. À chaque jour suffit sa peine » (Mt VI, 28-34) 167 Chers pèlerins, toutes ces raisons ne sont-elles pas suffisantes pour arborer nos drapeaux et nos emblèmes ? Prenons quelques instants en silence pour y réfléchir.

Bibliographie "Au plus fort de la tourmente…Claire Ferchaud " de Claude Mouton, éd. Résiac 1983. Commentant en 1936, la demande du Christ, Claire Ferchaud disait : « Peindre son Cœur sur nos étendards, c’est dire au Christ : ‘je crois en votre Puissance’ »

168 ENGAGEMENTS DU PÈLERIN

vivre la spiritualité du pèlerinage dans son chapitre, accueillir et soutenir les nouveaux pèlerins et les pèlerins isolés, marcher jusqu’au terme de l’étape, sauf motif sérieux, adopter une tenue et une attitude correctes, conformes à l’esprit du pèlerin : les vêtements indécents sont à proscrire, tout spécialement jupes et shorts très courts, ainsi que les débardeurs très décolletés ; les effets paramilitaires sont également prohibés. L’usage des drogues est strictement interdit. La consommation d’alcool et de tabac est également interdite aux mineurs. Il est demandé aux adultes de s’abstenir de fumer au sein de la colonne et de faire preuve, en ce domaine et en tout lieu, de modération et de discrétion. respecter la règle du silence, lorsqu’elle est demandée ; s’interdire l’usage du téléphone portable pendant la marche ; réduire le volume sonore des porte-voix…. éviter tout gaspillage alimentaire et contribuer au maintien de la propreté : c’est un devoir élémentaire de ne pas jeter, sur l’itinéraire, bouteilles vides, papiers etc. apporter son aide aux équipes logistiques, selon leurs demandes, et respecter leurs consignes (notamment montage des tentes aux emplacements indiqués).

L’ORGANISATION SE RESERVE LE DROIT D’EXCLURE DU PELERINAGE TOUTE PERSONNE QUI NE RESPECTERAIT PAS CES CONSIGNES OU REFUSERAIT DE LES SUIVRE.

169 B. TRADITION - CHRÉTIENTÉ – MISSION

CHARTE DE L’ASSOCIATION

NOTRE-DAME DE CHRETIENTE

TRADITION – CHRETIENTE - MISSION

1. L’association Notre-Dame de Chrétienté, régie par la loi de 1901, a pour objet de promouvoir la chrétienté entendue comme la réalisation, dans la vie de la cité, de la « royauté du Christ sur toute la création et, en particulier, sur les sociétés humaines » (CEC N°2105). Son moyen d’action principal est l’organisation d’un pèlerinage vers Notre-Dame de Chartres, chaque année à la Pentecôte, selon la tradition reprise par Charles Péguy et réactivée depuis 1983 dans l’esprit d’Henri et André Charlier. 2. L’association est catholique et dirigée par des laïcs assistés d’un aumônier. Elle est libre de toute appartenance politique. 3. Le pèlerinage est marial et missionnaire. Il cherche à rassembler tous ceux qu’anime le désir de promouvoir le règne social de Notre Seigneur Jésus- Christ, permettant ainsi à chaque homme de s’épanouir conformément à sa vocation d’enfant de Dieu. C’est dans cet esprit que chaque pèlerin est invité : - pendant le pèlerinage, à approfondir, découvrir ou redécouvrir toutes les dimensions de la foi Catholique et de son incarnation nécessaire dans la cité ; - au-delà du pèlerinage, à participer, selon ses capacités et sa propre situation, aux diverses initiatives temporelles visant à « tout instaurer dans le Christ » (Saint Pie X). 4. Dans une fidélité totale au Saint Siège, les organisateurs du pèlerinage se réfèrent à l’enseignement constant de l’Église. Ils traduisent leur attachement à la Tradition sous toutes ses formes, en particulier doctrinale, liturgique et sacramentelle, par l’utilisation exclusive du rit tridentin, tel qu’il a été codifié dans les livres liturgiques de 1962, et à nouveau confirmé par le motu proprio « Summorum Pontificum » du 7 juillet 2007, comme étant la forme extraordinaire, jamais abrogée, de la liturgie du Saint Sacrifice de la Messe. Ils demandent aux prêtres, qui les accompagnent, de respecter ce choix dans le ministère qu’ils exercent pendant le pèlerinage et au cours des différentes activités préparatoires. 5. La participation au pèlerinage se fait obligatoirement au sein de chapitres officiellement reconnus et autorisés. Ceux-ci sont encouragés à conserver une vie propre en dehors du pèlerinage. Ils doivent partager son élan missionnaire. 170 6. Les organisateurs et les chefs de chapitre adhèrent à toutes les dispositions de la présente charte et préparent le pèlerinage par un travail approfondi. Celui-ci est pour eux l’occasion, par l’étude et la prière, de renforcer leur union et d’accroître leur amour de l’Église. 7. Les membres de l’association Notre-Dame de Chrétienté savent qu’ils ne sont que des instruments entre les mains de la Providence. Ils déposent leurs efforts aux pieds de Notre-Dame et mettent en Elle toute leur espérance. C’est dans cet esprit qu’ils s’attachent à répandre la consécration à Marie et la récitation quotidienne du chapelet, afin que, par Elle, toutes les âmes, les familles et les nations soient gagnées à Jésus.

Mise à jour du 18 février 2010

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INSTRUCTION "UNIVERSAE ECCLESIAE" DU 13 MAI 2011

De la commission Ecclesia Dei, sur l’application de la Lettre apostolique Summorum Pontificum donnée motu proprio par Sa Sainteté le Pape BENOÎT XVI, le 7 juillet 2007.

I. INTRODUCTION

1. La Lettre apostolique Summorum Pontificum, donnée motu proprio par le Souverain Pontife Benoît XVI le 7 juillet 2007 et entrée en vigueur le 14 septembre 2007, a rendu plus accessible la richesse de la liturgie romaine à l’Église universelle. 2. Par ce Motu Proprio, le Souverain Pontife Benoît XVI a promulgué une loi universelle pour l’Église, avec l’intention de donner un nouveau cadre normatif à l’usage de la liturgie romaine en vigueur en 1962. 3. Après avoir rappelé la sollicitude des Souverains Pontifes pour la sainte liturgie et la révision des livres liturgiques, le Saint-Père reprend le principe traditionnel, reconnu depuis des temps immémoriaux et à maintenir nécessairement à l’avenir, selon lequel « chaque Église particulière doit être en accord avec l’Église universelle, non seulement sur la doctrine de la foi et sur les signes sacramentels, mais aussi sur les usages reçus universellement de la tradition apostolique ininterrompue. On doit les observer non seulement pour éviter les erreurs, mais pour transmettre l’intégrité de la foi, car la règle de la prière de l’Église correspond à sa règle de foi ». (BENOÎT XVI, Motu proprio Summorum Pontificum, art. 1 : AAS 99(2007), p. 777 ; La Documentation catholique 104 (2007), pp. 702-704 ; cf. Présentation générale du Missel romain, 3e éd., 2002, n. 397). 4. Le Souverain Pontife évoque en outre les Pontifes romains qui se sont particulièrement donnés à cette tâche, notamment saint Grégoire le Grand et st Pie V. Le Pape souligne également que, parmi les livres liturgiques sacrés, le Missale Romanum a joué un rôle particulier dans l’histoire et qu’il a connu des mises à jour au cours des temps jusqu’au bienheureux Pape Jean XXIII. Puis, après la réforme liturgique qui suivit le Concile Vatican II, le Pape Paul VI approuva en

172 1970 pour l’Église de rite latin un nouveau Missel, qui fut ensuite traduit en différentes langues. Le Pape Jean Paul II en promulgua une troisième édition en l’an 2000. 5. Plusieurs fidèles, formés à l’esprit des formes liturgiques antérieures au Concile Vatican II, ont exprimé le vif désir de conserver la tradition ancienne. C’est pourquoi, avec l’ spécial "" publié en 1984 par la Sacrée Congrégation pour le Culte divin, le Pape Jean Paul II concéda sous certaines conditions la faculté de reprendre l’usage du Missel romain promulgué par le bienheureux Pape Jean XXIII. En outre, avec le Motu Proprio Ecclesia Dei de 1988, le Pape Jean Paul II exhorta les Évêques à concéder généreusement cette faculté à tous les fidèles qui le demandaient. C’est dans la même ligne que se situe le Pape Benoît XVI avec le Motu Proprio Summorum Pontificum, où sont indiqués, pour l’"usus antiquior" du rite romain, quelques critères essentiels qu’il est opportun de rappeler ici. 6. Les textes du Missel romain du Pape Paul VI et de la dernière édition de celui du Pape Jean XXIII sont deux formes de la liturgie romaine, respectivement appelées ordinaire et extraordinaire : il s’agit de deux mises en œuvre juxtaposées de l’unique rite romain. L’une et l’autre forme expriment la même "Lex Orandi" de l’Église. En raison de son usage antique et vénérable, la forme extraordinaire doit être conservée avec l’honneur qui lui est dû. 7. Le Motu Proprio Summorum Pontificum s’accompagne d’une lettre du Saint- Père aux Évêques, publiée le même jour que lui (7 juillet 2007) et offrant de plus amples éclaircissements sur l’opportunité et la nécessité du Motu Proprio lui- même : il s’agissait effectivement de combler une lacune, en donnant un nouveau cadre normatif à l’usage de la liturgie romaine en vigueur en 1962. Ce cadre s’imposait particulièrement du fait qu’au moment de l’introduction du nouveau missel, il n’avait pas semblé nécessaire de publier des dispositions destinées à régler l’usage de la liturgie en vigueur en 1962. En raison de l’augmentation du nombre de ceux qui demandent à pouvoir user de la forme extraordinaire, il est devenu nécessaire de donner quelques normes à ce sujet. Le Pape Benoît XVI affirme notamment : « Il n’y a aucune contradiction entre l’une et l’autre édition du Missale Romanum. L’histoire de la liturgie est faite de croissance et de progrès, jamais de rupture. Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improviste se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste». (BENOÎT XVI, Lettre aux Évêques qui accompagne la Lettre apostolique « motu proprio data » Summorum Pontificum sur l’usage de la liturgie romaine antérieure à la réforme de 1970 : AAS 99 (2007), p. 798 ; La Documentation catholique 104 (2007), p. 707). 8. Le Motu Proprio Summorum Pontificum constitue une expression remarquable du magistère du Pontife romain et de son "munus"propre - régler et ordonner la sainte liturgie de l’Église (Cf. Code de droit canonique, c. 838, § 1 et § 2.) - et il manifeste sa sollicitude de Vicaire du Christ et de Pasteur de l’Église universelle

(Cf. Code de droit canonique, c. 331.). Il se propose : 173 d’offrir à tous les fidèles la liturgie romaine dans l’"usus antiquior", comme un trésor à conserver précieusement ; de garantir et d’assurer réellement l’usage de la forme extraordinaire à tous ceux qui le demandent, étant bien entendu que l’usage de la liturgie latine en vigueur en 1962 est une faculté donnée pour le bien des fidèles et donc à interpréter en un sens favorable aux fidèles qui en sont les principaux destinataires ; de favoriser la réconciliation au sein de l’Église.

II. LES MISSIONS DE LA COMMISSION PONTIFICALE ECCLESIA DEI

9. Le Souverain Pontife a doté la Commission pontificale Ecclesia Dei d’un pouvoir ordinaire vicaire dans son domaine de compétence, en particulier pour veiller sur l’observance et l’application des dispositions du Motu Proprio Summorum Pontificum (cf. art. 12). 10. § 1. La Commission pontificale exerce ce pouvoir, non seulement grâce aux facultés précédemment concédées par le Pape Jean Paul II et confirmées par le Pape Benoît XVI (cf. Motu-Proprio Summorum Pontificum, art. 11-12), mais aussi grâce au pouvoir d’exprimer une décision, en tant que Supérieur hiérarchique, au sujet des recours qui lui sont légitimement présentés contre un acte administratif de l’Ordinaire qui semblerait contraire au Motu Proprio. § 2. Les décrets par lesquels la Commission pontificale exprime sa décision au sujet des recours pourront être attaqués "ad normam iuris"devant le Tribunal Suprême de la Signature Apostolique. 11. Après approbation de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements, il revient à la Commission pontificale Ecclesia Dei de veiller à l’édition éventuelle des textes liturgiques relatifs à la forme extraordinaire du rite romain.

III. NORMES SPECIFIQUES 12. À la suite de l’enquête réalisée auprès des Évêques du monde entier et en vue de garantir une interprétation correcte et une juste application du Motu Proprio Summorum Pontificum, cette Commission pontificale, en vertu de l’autorité qui lui a été attribuée et des facultés dont elle jouit, publie cette Instruction, conformément au canon 34 du Code de droit canonique. La compétence des Évêques diocésains 13. D’après le Code de droit canonique (Cf. Code de droit canonique, c. 223 § 2 ; 838 § 1 et § 4.), les Évêques diocésains doivent veiller à garantir le bien commun en matière liturgique et à faire en sorte que tout se déroule dignement, pacifiquement et sereinement dans leur diocèse, toujours en accord avec la mens du Pontife romain clairement exprimée par le Motu Proprio Summorum Pontificum. (Cf. BENOÎT XVI, Lettre aux Évêques qui accompagne la Lettre apostolique « motu proprio data » Summorum Pontificum sur l’usage de la

174 liturgie romaine antérieure à la réforme de 1970 : AAS 99 (2007), p. 799 ; La Documentation catholique 104 (2007), p. 707.). En cas de litige ou de doute fondé au sujet de la célébration dans la forme extraordinaire, la Commission pontificale Ecclesia Dei jugera. 14. Il revient à l’Évêque diocésain de prendre les mesures nécessaires pour garantir le respect de la forme extraordinaire du rite romain, conformément au Motu Proprio Summorum Pontificum. Le "coetus fidelium" (cf Motu Proprio Summorum Pontificum, art 5. §1) 15. Un "coetus fidelium" pourra se dire stable (stabiliter exsistens), au sens où l’entend l’art. 5 § 1 de Summorum Pontificum, s’il est constitué de personnes issues d’une paroisse donnée qui, même après la publication du Motu Proprio, se sont réunies à cause de leur vénération pour la liturgie célébrée dans l’"usus antiquior" et qui demandent sa célébration dans l’église paroissiale, un oratoire ou une chapelle ; ce coetus peut aussi se composer de personnes issues de paroisses ou de diocèses différents qui se retrouvent à cette fin dans une église paroissiale donnée, un oratoire ou une chapelle. 16. Si un prêtre se présente occasionnellement avec quelques personnes dans une église paroissiale ou un oratoire en souhaitant célébrer dans la forme extraordinaire, comme le prévoient les articles 2 et 4 du Motu Proprio Summorum Pontificum, le curé, le recteur ou le prêtre responsable de l’église acceptera cette célébration, tout en tenant compte des exigences liées aux horaires des célébrations liturgiques de l’église elle-même. 17. § 1. Dans chaque cas, le curé, le recteur ou le prêtre responsable de l’église prendra sa décision avec prudence, en se laissant guider par son zèle pastoral et par un esprit d’accueil généreux. § 2. Dans le cas de groupes numériquement moins importants, on s’adressera à l’Ordinaire du lieu pour trouver une église où ces fidèles puissent venir assister à ces célébrations, de manière à faciliter leur participation et une célébration plus digne de la Sainte Messe. 18. Dans les sanctuaires et les lieux de pèlerinage, on offrira également la possibilité de célébrer selon la forme extraordinaire aux groupes de pèlerins qui le demanderaient (cf. Motu Proprio Summorum Pontificum, art. 5 § 3), s’il y a un prêtre idoine. 19. Les fidèles qui demandent la célébration de la forme extraordinaire ne doivent jamais venir en aide ou appartenir à des groupes qui nient la validité ou la légitimité de la Sainte Messe ou des sacrements célébrés selon la forme ordinaire, ou qui s’opposent au Pontife romain comme Pasteur suprême de l’Église universelle. Le "sacerdos idoneus" (cf Motu Proprio Summorum Pontificum, art 5. §4) 20. Les conditions requises pour considérer un prêtre comme « idoine » à la célébration dans la forme extraordinaire s’énoncent comme suit : 175 tout prêtre qui n’est pas empêché par le droit canonique (Cf. Code de droit canonique, c. 900 § 2.), doit être considéré comme idoine à la célébration de la Sainte Messe dans la forme extraordinaire ; il doit avoir du latin une connaissance de base qui lui permette de prononcer correctement les mots et d’en comprendre le sens ; la connaissance du déroulement du rite est présumée chez les prêtres qui se présentent spontanément pour célébrer dans la forme extraordinaire et qui l’ont déjà célébrée. 21. On demande aux Ordinaires d’offrir au clergé la possibilité d’acquérir une préparation adéquate aux célébrations dans la forme extraordinaire. Cela vaut également pour les séminaires, où l’on devra pourvoir à la formation convenable des futurs prêtres par l’étude du latin (Cf. Code de droit canonique, c. 249; CONC. OECUM. VAT. II, Const. Sacrosanctum Concilium, n. 36 ; Décr. Optatam totius, n. 13.), et, si les exigences pastorales le suggèrent, offrir la possibilité d’apprendre la forme extraordinaire du rite. 22. Dans les diocèses sans prêtre idoine, les Évêques diocésains peuvent demander la collaboration des prêtres des Instituts érigés par la Commission pontificale Ecclesia Dei, soit pour célébrer, soit même pour enseigner à le faire. 23. La faculté de célébrer la Messe "" (ou avec la participation du seul ministre) dans la forme extraordinaire du rite romain est donnée par le Motu Proprio à tout prêtre séculier ou religieux (cf. Motu Proprio Summorum Pontificum, art. 2). Pour ces célébrations, les prêtres n’ont donc besoin, selon le Motu Proprio Summorum Pontificum, d’aucun permis spécial de leur Ordinaire ou de leur supérieur. La discipline liturgique et ecclésiastique 24. Les livres liturgiques de la forme extraordinaire seront utilisés tels qu’ils sont. Tous ceux qui désirent célébrer selon la forme extraordinaire du rite romain doivent connaître les rubriques prévues et les suivre fidèlement dans les célébrations. 25. De nouveaux saints et certaines des nouvelles préfaces pourront et devront être insérés dans le Missel de 1962 (Cf. BENOÎT XVI, Lettre aux Évêques qui accompagne la Lettre apostolique « motu proprio data » Summorum Pontificum sur l’usage de la liturgie romaine antérieure à la réforme de 1970 : AAS 99 (2007), p. 797 ; La Documentation catholique 104, p. 706), selon les normes qui seront indiquées plus tard. 26. Comme le prévoit le Motu Proprio Summorum Pontificum à l’article 6, les lectures de la Sainte Messe du Missel de 1962 peuvent être proclamées soit seulement en latin, soit en latin puis dans la langue du pays, soit même, dans le cas des Messes lues, seulement dans la langue du pays. 27. En ce qui concerne les normes disciplinaires liées à la célébration, on appliquera la discipline ecclésiastique définie dans le Code de droit canonique de 1983. 176 28. De plus, en vertu de son caractère de loi spéciale, le Motu Proprio Summorum Pontificum déroge, dans son domaine propre, aux mesures législatives sur les rites sacrés prises depuis 1962 et incompatibles avec les rubriques des livres liturgiques en vigueur en 1962. La Confirmation et l’Ordre sacré 29. La permission d’utiliser la formule ancienne pour le rite de la confirmation a été reprise par le Motu Proprio Summorum Pontificum (cf. art. 9 § 2). Dans la forme extraordinaire, il n’est donc pas nécessaire d’utiliser la formule rénovée du Rituel de la confirmation promulgué par le Pape Paul VI. 30. Pour la tonsure, les ordres mineurs et le sous-diaconat, le Motu Proprio Summorum Pontificum n’introduit aucun changement dans la discipline du Code de droit canonique de 1983 ; par conséquent, dans les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique qui dépendent de la Commission pontificale Ecclesia Dei, le profès de voeux perpétuels ou celui qui a été définitivement incorporé dans une société cléricale de vie apostolique est, par l’ordination diaconale, incardiné comme clerc dans l’Institut ou dans la Société, conformément au canon 266 § 2 du Code de droit canonique. 31. Seuls les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique qui dépendent de la Commission pontificale Ecclesia Dei ainsi que ceux dans lesquels se maintient l’usage des livres liturgiques de la forme extraordinaire peuvent utiliser le Pontifical romain en vigueur en 1962 pour conférer les ordres mineurs et majeurs. Le Bréviaire romain 32. Les clercs ont la faculté d’utiliser le Bréviaire romain en vigueur en 1962 dont il est question à l’article 9 § 3 du Motu Proprio Summorum Pontificum. Celui-ci doit être récité intégralement et en latin. Le Triduum sacré 33. S’il y a un prêtre idoine, le "coetus fidelium" qui adhère à la tradition liturgique précédente peut aussi célébrer le Triduum sacré dans la forme extraordinaire. Au cas où il n’y aurait pas d’église ou d’oratoire exclusivement prévu pour ces célébrations, le curé ou l’Ordinaire prendront les mesures les plus favorables au bien des âmes, en accord avec le prêtre, sans exclure la possibilité d’une répétition des célébrations du Triduum sacré dans la même église. Les rites des Ordres religieux 34. Il est permis d’utiliser les livres liturgiques propres aux Ordres religieux et en vigueur en 1962. Pontifical romain et Rituel romain 35. Conformément au n. 28 de cette Instruction et restant sauf ce qui est prescrit par le n. 31, l’usage du Pontifical romain et du Rituel romain, ainsi que celui du Cérémonial des Évêques en vigueur en 1962 sont permis. 177 Au cours de l’audience du 8 avril 2011 accordée au Cardinal Président de la Commission pontificale Ecclesia Dei, le Souverain Pontife Benoît XVI a approuvé la présente Instruction et en a ordonné la publication.

Donné à Rome, au siège de la Commission pontificale Ecclesia Dei, le 30 avril 2011, en la mémoire de saint Pie V. William Cardinal Levada, Président, Monseigneur Guido Pozzo secrétaire.

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SERMON DE DOM GÉRARD : CHRÉTIENTÉ

(Sermon prononcé par Dom Gérard, prieur du Barroux, en la cathédrale de Chartres, au cours de la Sainte Messe célébrée par le Révérend Père Lecareux, en clôture du IIIe pèlerinage organisé par le Centre Charlier à la Pentecôte 1985). " Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. Chers pèlerins de Notre-Dame, Vous voilà enfin rassemblés en compagnie de vos anges gardiens, présents eux aussi par milliers, que nous saluons avec affection et reconnaissance, au terme de cet ardent pèlerinage, plein de prières, de chants et de sacrifices, et déjà certains d’entre vous ont retrouvé la robe blanche de l’innocence baptismale. Quel bonheur! Vous voilà rassemblés par une grâce de Dieu dans l’enceinte de cette cathédrale bénie, sous le regard de Notre-Dame de la Belle Verrière, une des plus belles images de la Très Sainte Vierge. Image devant laquelle nous savons que Saint Louis est venu s’agenouiller après un pèlerinage accompli pieds nus. Est-ce que cela ne suffit pas à nous rendre le goût de nos racines chrétiennes et françaises ? Nous vous remercions, chers pèlerins, parce que, en l’honneur de cette Vierge Sainte, vous vous êtes mis en marche par milliers, et ce sont des milliers de voix, sortant de milliers de poitrines, de tous les âges et de toutes les conditions, qui nous donnent ce soir la plus belle et la plus vivante image de la chrétienté. Nous vous remercions de vous présenter ainsi chaque année comme une parabole vivante ; car lorsque vous vous avancez au cours de ces trois jours de marche vers le sanctuaire de Marie en priant et en chantant, vous exprimez la condition même de la vie chrétienne qui est d’être un long pèlerinage et une longue marche vers le paradis ! Et cette marche aboutit dans l’église, qui est l’image du sanctuaire céleste. La vie chrétienne est une marche, souvent douloureuse, passant par le Golgotha, mais éclairée par les splendeurs de l’Esprit. Et qui débouche dans la gloire. Ah ! On peut bien nous persécuter, cependant j’interdis qu’on nous plaigne. Car nous appartenons une race d’exilés et de voyageurs, douée d’un prodigieux pouvoir d’invention, mais qui refuse — c’est sa religion — de laisser détourner son regard des choses du Ciel. N’est-ce pas ce que nous chanterons tout à l’heure à la fin du Credo : Et exspecto, — et j’attends, — Vitam venturi saeculi. — la vie du siècle à venir. Oh ! Non pas un âge d’or terrestre, fruit d’une évolution supposée, mais le vrai paradis de Dieu 179 dont Jésus parlait en disant au bon larron : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis ! » Si nous cherchons à pacifier la terre, à embellir la terre, ce n’est pas pour remplacer le Ciel, c’est pour lui servir d’escabeau. Et si un jour, face à la barbarie montante, nous devions prendre les armes en défense de nos cités charnelles, c’est parce qu’elles sont, comme le disait notre cher Péguy, « l’image et le commencement et le corps et l’essai de la maison de Dieu ». Mais avant même que ne sonne l’heure d’une reconquête militaire, n’est-il pas permis de parler de croisade, du moins lorsqu’une communauté se trouve menacée dans ses familles, dans ses écoles, dans ses sanctuaires, dans l’âme de ses enfants ? Aussi bien, chers amis, nous n’avons pas peur de la révolution nous craignons plutôt l’éventualité d’une contre-révolution sans Dieu ! Ce serait rester enfermés dans le cycle infernal du laïcisme et de la désacralisation ! Il n’y a pas de mot pour signifier l’horreur que doit nous inspirer l’absence de Dieu dans les institutions du monde moderne ! Voyez l’O.N.U, architecture soignée, aula gigantesque, drapeaux des nations qui claquent dans le ciel. Pas de crucifix ! Le monde s’organise sans Dieu, sans référence à son Créateur. Immense blasphème ! Entrez dans une école d’État : les enfants y sont instruits sur tout. Silence sur Dieu ! Scandale atroce ! Mutilation de l’intelligence, atrophie de l’âme sans parler des lois permettant le crime abominable de l’avortement. Ce qu’il y a de plus triste, mes chers frères, et de plus honteux, c’est que la masse des chrétiens finit par s’habituer à cet état de chose. Ils ne protestent pas ; ils ne réagissent pas. Ou bien, pour se donner une excuse, ils invoquent l’évolution des mœurs et des sociétés. Quelle honte ! « Il y a quelque chose de pire que le reniement déclaré, disait l’un des nôtres, c’est l’abandon souriant des principes, le glissement avec des airs de fidélité ». Est- ce qu’une odeur putride ne se dégage pas de la civilisation moderne ? Eh bien! Contre cette apostasie de la civilisation et de l’État qui détruit nos familles et nos cités, nous proposons un grand remède, étendu au corps tout entier ; nous proposons ce qui est l’idée-force de toute civilisation digne de ce nom : la chrétienté ! Qu’est-ce qu’une chrétienté ? Chers pèlerins, vous le savez et vous venez d’en faire l’expérience : la chrétienté est une alliance du sol et du ciel ; un pacte, scellé par le sang des martyrs, entre la terre des hommes et le paradis de Dieu ; un jeu candide et sérieux, un humble commencement de la vie éternelle. La chrétienté, mes chers frères, c’est la lumière de l’Évangile projetée sur nos patries, sur nos familles, sur nos mœurs et sur nos métiers. La chrétienté, c’est le corps charnel de l’Église, son rempart, son inscription temporelle. La chrétienté, pour nous autres Français, c’est la France gallo-romaine, fille de ses évêques et de ses moines ; c’est la France de Clovis converti par Sainte Clotilde et baptisé par Saint Rémi ; c’est le pays de Charlemagne conseillé par le moine Alcuin, tous deux organisateurs des écoles chrétiennes, réformateurs du clergé, protecteurs des monastères.

180 La chrétienté, pour nous, c’est la France du XIIème siècle, couverte d’un blanc manteau de monastères, où Cluny et Cîteaux rivalisaient en sainteté, où des milliers de mains jointes, consacrées à la prière, intercédaient nuit et jour pour les cités temporelles ! C’est la France du XIIIème siècle, gouvernée par un Saint roi, fils de Blanche de Castille, qui invitait à sa table Saint Thomas d’Aquin, tandis que les fils de Saint Dominique et de Saint François s’élançaient sur les routes et dans les cités, prêchant l’Évangile du Royaume. La chrétienté, en Espagne, c’est Saint Ferdinand, le roi catholique, c’est Isabelle de France, sœur de saint Louis, rivalisant avec son frère en piété, en courage et en intelligente bonté. La chrétienté, chers pèlerins, c’est le métier des armes, tempéré et consacré par la chevalerie, la plus haute incarnation de l’idée militaire ; c’est la croisade où l’épée est mise au service de la foi, où la charité s’exprime par le courage et le sacrifice. La chrétienté, c’est l’esprit laborieux, le goût du travail bien fait, l’effacement de l’artiste derrière son œuvre. Connaissez-vous le nom des auteurs de ces chapiteaux et de ces verrières ? La chrétienté, c’est l’énergie intelligente et inventive, la prière traduite en action, l’utilisation de techniques neuves et hardies. C’est la cathédrale, élan vertigineux, image du ciel, immense vaisseau où le chant grégorien unanime s’élève, suppliant et radieux, jusqu’au sommet des voûtes pour redescendre en nappes silencieuses dans les cœurs pacifiés. La chrétienté, mes frères, (soyons véridiques), c’est aussi un monde menacé par les forces du mal ; un monde cruel où s’affrontent les passions, un pays en proie à l’anarchie, le royaume des lis saccagé par la guerre, les incendies, la famine, la peste qui sème la mort dans les campagnes et dans les cités. Une France malheureuse, privée de son roi, en pleine décadence, vouée à l’anarchie et au pillage. Et c’est dans cet univers de boue et de sang que l’humus de notre humanité pécheresse, arrosé par les larmes de la prière et de la pénitence, va faire germer la plus belle fleur de notre civilisation, la figure la plus pure et la plus noble, la tige la plus droite qui soit née sur notre sol de France : Jeanne de Domrémy ! Sainte Jeanne d’Arc achèvera de nous dire ce qu’est une chrétienté. Ce n’est pas seulement la cathédrale, la croisade et la chevalerie : ce n’est pas seulement l’art, la philosophie, la culture et les métiers des hommes montant vers le trône de Dieu comme une sainte liturgie. C’est aussi et surtout la proclamation de la royauté de Jésus-Christ sur les âmes, sur les institutions et sur les mœurs. C’est l’ordre temporel de l’intelligence et de l’amour soumis à la très haute et très sainte royauté du Seigneur Jésus. C’est l’affirmation que les souverains de la terre ne sont que les lieutenants du roi du Ciel. « Le royaume n’est pas à vous, dit Jeanne d’Arc au dauphin. Il est à Messire. — Et quel est votre Sire ? demande-t-on à Jeanne. — C’est le roi du Ciel, répond la jeune fille, et Il vous le confie afin que vous le gouverniez en son nom. »

181 Quel élargissement de nos perspectives ! Quelle vision grandiose sur la dignité de l’ordre temporel ! En un trait saisissant, la bergère de Domrémy nous livre la pensée de Dieu sur le règne intérieur des nations. Car les nations, — et la nôtre en particulier, — sont des familles aimées de Dieu, tellement aimées que Jésus-Christ, les ayant rachetées et lavées de son sang, veut encore régner sur elles d’une royauté toute de paix, de Justice et d’amour qui préfigure le Ciel. « France, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? » interrogeait le pape il y a cinq ans. Très Sainte Vierge Marie, Notre-Dame de France, Notre-Dame de Chartres, nous vous demandons de guérir ce peuple infirme, de lui rendre sa pureté d’enfant, son honneur de fils. Nous vous demandons de lui rendre sa vocation terrienne, sa vocation paysanne, ses familles nombreuses penchées avec respect et amour sur la terre nourricière. Cette terre qui a su produire, au cours des siècles, un pain honnête et des fruits de sainteté. Très Sainte Vierge, rendez à ce peuple sa vocation de soldat, de laboureur, de poète, de héros et de saint. Rendez-nous l’âme de la France ! Délivrez-nous de ce fléau idéologique qui violente l’âme de ce peuple. Ils ont chassé les crucifix des écoles, des tribunaux et des hôpitaux. Ils font en sorte que l’homme soit éduqué sans Dieu, jugé sans Dieu et qu’il meure sans Dieu ! C’est donc à une croisade et à une reconquête que nous sommes conviés. Reconquérir nos écoles, nos églises, nos familles. Alors, un jour, si Dieu nous en fait la grâce, nous verrons, au terme de nos efforts, venir à nous le visage radieux et tant aimé de celle que nos anciens appelaient la douce France. La douce France, image de la douceur de Dieu. Nous sera-t-il permis, ce soir, devant quelques milliers de pèlerins de parler de la douceur de Dieu? C’est un moine qui vous parle. Et la douceur de Dieu, vous le savez, récompense au-delà de toute prévision les combats que ses serviteurs livrent pour le Royaume. Douceur paternelle de Dieu. Douceur du crucifié! Ô douce Vierge Marie, enveloppez d’un manteau de douceur et de paix nos âmes affrontées à de durs combats. L’an prochain, c’est à toute la chrétienté que nous donnons rendez-vous aux pieds de Notre-Dame de Chartres, qui sera désormais notre Czestochowa national. Que le Saint-Esprit vous illumine, que la Très Sainte Vierge vous garde et que l’armée des anges vous protège. Ainsi Soit-il. "

Notre-Dame de Chartres, Pentecôte 1985.

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L’ENGAGEMENT DES CATHOLIQUES EN POLITIQUE

Extraits La congrégation pour la Doctrine de la foi, après avoir pris, entre autres, l’avis du Conseil pontifical pour les Laïcs, a jugé opportun de publier la présente "Note doctrinale concernant certaines questions sur l’engagement des catholiques dans la vie politique". Cette "Note" est adressée aux évêques de l’Église catholique et de manière spéciale aux hommes politiques catholiques ainsi qu’à tous les fidèles laïcs appelés à participer à la vie publique et politique dans les sociétés démocratiques.

I. UN ENSEIGNEMENT CONSTANT En deux mille ans d’histoire, l’engagement des chrétiens dans le monde s’est réalisé sous des formes diverses. L’une d’entre elles a été la participation à l’action politique : les chrétiens, affirmait un écrivain ecclésiastique des premiers siècles, « participent à la vie publique comme citoyens ». Parmi ses saints, l’Église vénère beaucoup d’hommes et de femmes qui ont servi Dieu par leur engagement généreux dans les activités politiques et gouvernementales. L’un d’entre eux, Saint Thomas More, proclamé patron des responsables de gouvernement et des hommes politiques, a su témoigner jusqu’à la mort de la « dignité inaliénable de la conscience ». Bien que soumis à diverses formes de pressions psychologiques, il a refusé tout compromis et, sans renier « sa constante fidélité à l’autorité et aux institutions légitimes » qui l’avait distingué, il a affirmé par sa vie et par sa mort que l’ « on ne peut séparer l’homme de Dieu, ni la politique de la morale ». En accomplissant leurs devoirs civils normaux, « guidés par leur conscience chrétienne » (Gaudium et spes n°76), selon les valeurs conformes à cette conscience, les fidèles réalisent aussi la tâche qui leur est propre d’animer chrétiennement l’ordre temporel, tout en en respectant la nature et la légitime autonomie, et en coopérant avec les autres citoyens, selon leur compétence spécifique et sous leur propre responsabilité. Il résulte de cet enseignement fondamental du concile Vatican II que « les fidèles laïcs ne peuvent absolument pas renoncer à la participation à la "politique", à savoir à l’action multiforme,

économique, sociale, législative, administrative, culturelle, qui a pour but de 183 promouvoir, organiquement et par les institutions, le bien commun » (Christifideles laici n°42). Ce bien commun inclut la défense et la promotion de réalités telles que l’ordre public et la paix, la liberté et l’égalité, le respect de la vie humaine et de l’environnement, la justice, la solidarité, etc. La présente "Note" ne prétend pas proposer de nouveau l’intégralité de l’enseignement de l’Église en la matière, qui est d’ailleurs repris dans ses lignes essentielles dans le "Catéchisme de l’Église Catholique", mais elle veut simplement rappeler quelques principes propres à la conscience chrétienne, qui inspirent l’engagement social et politique des catholiques dans les sociétés démocratiques. Et cela parce que, ces derniers temps, souvent par suite du cours rapide des évènements, sont apparues des orientations ambiguës et des positions contestables, qui rendent utile la clarification de dimensions et d’aspects importants d’une telle question.

II. QUELQUES POINTS CLES DANS LE DEBAT CULTUREL ET POLITIQUE ACTUEL La société civile se trouve aujourd’hui dans un processus culturel complexe, qui signe la fin d’époque et l’incertitude pour celle qui se profile à l’horizon. Mais, en même temps, il n’est pas possible de passer sous silence les graves dangers vers lesquels certaines tendances culturelles voudraient orienter les législations, et par voie de conséquence, les comportements des futures générations.

On constate, aujourd’hui, un certain relativisme culturel, qui se manifeste de manière évidente en érigeant en théorie et en défendant le pluralisme éthique, qui est la preuve de la décadence et de la dissolution de la raison et des principes de la loi morale naturelle.

Il en résulte que, d’une part, les citoyens revendiquent la plus complète autonomie pour leurs choix moraux, tandis que, de l’autre, les législateurs pensent qu’il faut respecter cette liberté de choix, en formulant des lois qui font fi des principes de l’éthique naturelle, pour se montrer indulgent uniquement envers certaines orientations culturelles ou morales transitoires, comme si toutes les conceptions possibles de la vie avaient une égale valeur.

En même temps, en s’appuyant de façon trompeuse sur la valeur de la tolérance, on demande à une bonne partie des citoyens – et notamment aux catholiques – de renoncer à participer à la vie sociale et politique de leur pays, selon la conception de la personne et du bien commun qu’ils pensent humainement vraie et juste, (…) Les citoyens qui ont raison, sont ceux qui jugent totalement fausse la thèse relativiste, selon laquelle il n’existe pas une norme morale enracinée dans la nature même de l’homme, au jugement de laquelle doit se soumettre toute conception de l’homme, du bien commun et de l’État. Cette conception relativiste du pluralisme n’a rien à voir avec la légitime liberté qu’ont les citoyens catholiques de choisir, parmi les opinions politiques compatibles avec la foi et la morale naturelle, celle qui, selon leur propre critère, correspond le mieux aux exigences du bien commun. La liberté politique n’est pas fondée, et ne peut pas l’être, sur l’idée relativiste selon laquelle toutes les

conceptions du bien de l’homme ont la même vérité et la même valeur, mais sur le 184 fait que les activités politiques visent, pour chaque cas, à la réalisation extrêmement concrète du vrai bien humain et social, dans un contexte historique, géographique, économique, technologique et culturel bien déterminé. La réalisation concrète et la diversité des circonstances engendrent généralement une pluralité d’orientations et de solutions, qui doivent toutefois être moralement acceptables.

Il n’appartient pas à l’Église de formuler des solutions concrètes - et encore moins des solutions uniques- pour des questions temporelles que Dieu a laissées au jugement libre et responsable de chacun, bien qu’elle ait le droit et le devoir de prononcer des jugements moraux sur des jugements temporels, lorsque la foi et la morale le requièrent. Si les chrétiens sont tenus « de reconnaître la légitime multiplicité et diversité des options temporelles » (Gaudium et Spes, n.76), ils sont également appelés à s’opposer à une conception du pluralisme marquée par le relativisme moral, qui est nuisible pour la vie démocratique elle-même, celle-ci ayant besoin de fondements vrais et solides, c'est-à-dire de principes éthiques qui, en raison de leur nature et de leur rôle de fondement de la vie sociale, ne sont pas « négociables ».

En ce qui concerne le militantisme politique concret, il faut noter que le caractère contingent de certains choix en matière sociale, le fait que diverses stratégies sont souvent possibles pour réaliser ou garantir une même valeur substantielle de fond, la possibilité d’interpréter de manière différente certains principes fondamentaux de la théorie politique, ainsi que la complexité technique d’une bonne partie des problèmes politiques, tout cela explique le fait qu’il y ait en général une pluralité de partis à l’intérieur desquels, les catholiques puissent choisir de militer, pour exercer – surtout à travers la représentation parlementaire – leurs droits et leurs devoirs dans la construction de la vie civile de leur pays.

Ce constat évident ne peut, cependant, se confondre avec un pluralisme indéterminé dans le choix des principes moraux et des valeurs fondamentales auxquels on se réfère. La légitime pluralité des options temporelles garde intacte la source d’où provient l’engagement des catholiques dans la politique, et cette dernière se réfère directement à la doctrine morale et sociale chrétienne. C’est à cet enseignement que les laïcs catholiques doivent toujours se conformer pour avoir la certitude que leur participation à la vie politique est empreinte d’une responsabilité cohérente à l’égard des réalités temporelles. L’Église a conscience que si, d’une part, le chemin de la démocratie exprime au mieux la participation directe des citoyens aux choix politiques, d’autre part, il n’est possible que dans la mesure où il est fondé sur une juste conception de la personne. Sur ce principe, l’engagement des catholiques ne peut tolérer aucun compromis, car, autrement, le témoignage de la foi chrétienne dans le monde, ainsi que l’unité et la cohérence interne des fidèles eux-mêmes, feraient défaut. La structure démocratique, sur laquelle entend se construire un état moderne, aurait une certaine fragilité, si elle ne prenait pas comme fondement le caractère central de la personne. C’est d’ailleurs, le respect de la personne qui rend possible la participation démocratique. Comme l’enseigne le concile Vatican II, « la sauvegarde des droits de la personne est en effet la condition indispensable pour 185 que les citoyens, individuellement ou en groupe, puissent participer activement à la vie et à la gestion de la nation ». (Gaudium et spes, n.73).

À partir de là, s’étend le réseau complexe des problématiques actuelles, qui ne peuvent être comparées aux questions qui se posaient aux siècles passés. Les conquêtes scientifiques ont en effet permis d’atteindre des objectifs qui ébranlent les consciences et qui obligent à trouver des solutions susceptibles de respecter les principes éthiques d’une manière cohérente et solide. On assiste au contraire à des tentatives de législation qui visent à briser le caractère intangible de la vie humaine, sans tenir compte des conséquences qui en découlent pour l’existence et l’avenir des peuples, dans le domaine de la formation de la culture et des comportements sociaux. Dans une telle situation, les catholiques ont le droit et le devoir d’intervenir pour rappeler le sens le plus profond de la vie et des responsabilités qui incombent à tous en cette matière. Dans la droite ligne de l’enseignement constant de l’Église, Jean-Paul II a maintes fois répété que ceux qui sont engagés directement dans les instances législatives ont, « une obligation précise de s’opposer » à toute loi qui s’avère un attentat contre la vie humaine. Pour eux, comme pour tout catholique, il est impossible de participer à des campagnes d’opinion en faveur de telles lois, et il n’est permis à personne de les soutenir par son vote.

Comme l’a enseigné Jean-Paul II dans l’encyclique "Evangelium vitae" à propos du cas où il ne serait pas possible d’éviter ou d’abroger totalement une loi permettant l’avortement déjà en vigueur ou mise au vote, cela ne m’empêche pas qu’ « un parlementaire, dont l’opposition personnelle absolue à l’avortement serait manifeste et connue de tous, pourrait licitement apporter son soutien à des propositions destinées à limiter les préjudices d’une telle loi et à en diminuer ainsi les effets négatifs sur le plan de la culture et de la moralité publique ».(Evangelium vitae, n.73).

Dans ce contexte, il faut ajouter que la conscience chrétienne bien formée ne permet à personne d’encourager par son vote la mise en œuvre d’un programme politique ou d’une loi dans lesquels le contenu fondamental de la foi et de la morale serait évincé par la présentation de propositions différentes de ce contenu ou opposées à lui. Parce que la foi est un tout indivisible, il n’est pas logique d’isoler un de ses éléments au détriment de la totalité de la doctrine catholique. L’engagement politique en faveur d’un aspect isolé de la doctrine sociale de l’Église ne suffit pas à répondre totalement à la responsabilité pour le bien commun. Les catholiques ne peuvent pas non plus songer à déléguer à d’autres l’engagement qu’ils ont reçu de l’évangile de Jésus-Christ, pour que la vérité sur l’homme et sur le monde puisse être annoncée et atteinte.

Quand l’action politique est confrontée à des principes moraux qui n’admettent ni dérogation, ni exception, ni aucun compromis, l’engagement des catholiques devient plus évident et se fait lourd de responsabilités. Face à ces exigences éthiques fondamentales, auxquelles on ne peut renoncer, les chrétiens doivent en effet savoir qu’est en jeu l’essence de l’ordre moral, qui concerne le bien intégral de la personne.

186 Tel est le cas des lois civiles en matière d’avortement et d’euthanasie (à ne pas confondre avec le renoncement à l’acharnement thérapeutique qui, même du point de vue moral, est légitime), qui doivent protéger le droit primordial à la vie, depuis sa conception jusqu’à sa fin naturelle. De la même manière, il faut rappeler le devoir de respecter et de protéger les droits de l’embryon humain. De même, il faut préserver la protection et la promotion de la famille, fondée sur le mariage monogame entre personne de sexe différent, et protégée dans son unité et sa stabilité, face aux lois modernes sur le divorce : aucune autre forme de vie commune ne peut en aucune manière lui être juridiquement assimilable, ni ne peut recevoir, en tant que telle, une reconnaissance légale. De même, la garantie de liberté d’éducation est un droit inaliénable des parents, reconnu entre autre par les déclarations internationales des droits humains. (…) Enfin, comment ne pas voir dans ces exemples le grand thème de la paix. Une vision irénique et idéologique tend parfois à donner un sens profane à la valeur de la paix, tandis que, dans d’autres cas, on se limite à un jugement éthique sommaire, oubliant la complexité des raisons en question. La paix est toujours « œuvre de la justice et effet de la charité » (CEC, n. 2304) ; elle exige le refus radical et absolue de la violence et du terrorisme, et elle requiert un engagement constant et vigilant de la part de ceux qui ont une responsabilité politique.

III. PRINCIPES DE LA DOCTRINE CATHOLIQUE SUR LA LAÏCITE ET LE PLURALISME. Face à ces questions, s’il est permis d’admettre une pluralité de méthodologies qui reflètent des sensibilités et des cultures différentes, aucun fidèle chrétien ne peut cependant en appeler au principe du pluralisme et de l’autonomie des laïcs en politique, pour favoriser les solutions qui compromettent ou qui atténuent la sauvegarde des exigences éthiques fondamentales pour le bien commun de la société.

En soi, il ne s’agit pas de « valeurs confessionnelles », car de telles exigences éthiques sont enracinées dans l’être humain et appartiennent à la loi morale naturelle. Elles n’exigent pas de ceux qui les défendent la profession de la foi chrétienne, même si la doctrine de l’Église les confirme et les protège toujours et partout, comme un service désintéressé de la vérité sur l’homme et sur le bien commun de la société civile. D’autre part, on ne peut nier que la politique doive aussi se référer à des principes qui possèdent une valeur absolue précisément parce qu’ils sont au service de la dignité de la personne et du vrai progrès humain. Le rappel qui est souvent fait, en ce qui concerne la "laïcité" et qui devrait guider l’engagement des catholiques, exige une clarification, et pas seulement d’ordre terminologique. La promotion en conscience du bien commun de la société politique n’a rien à voir avec le « confessionnalisme » ou l’intolérance religieuse. Pour la doctrine morale catholique, la laïcité, comprise comme autonomie de la sphère civile et politique par rapport à la sphère religieuse et ecclésiastique 187 - mais pas par rapport à la sphère morale -, est d’une valeur acquise et reconnue par l’Église, et elle appartient au patrimoine de civilisation déjà atteint. (…)

En effet, la "laïcité" désigne en premier lieu l’attitude de qui respecte les vérités procédant de la connaissance naturelle sur l’homme qui vit en société, même si ces vérités sont enseignées aussi par une religion particulière, car la vérité est UNE. Ce serait une erreur de confondre la juste autonomie que les catholiques doivent avoir en politique, avec la revendication d’un principe qui fait fi de l’enseignement moral et social de l’Église. Par son intervention dans ce domaine, le magistère de l’Église n’entend pas exercer un pouvoir politique, ni supprimer la liberté d’opinion des catholiques sur des questions contingentes. Il veut au contraire – conformément à sa mission – éduquer et éclairer la conscience des fidèles, surtout de ceux qui se consacrent à la vie politique, afin que leur action reste toujours au service de la promotion intégrale de la personne et du bien commun. L’enseignement social de l’Église n’est pas une ingérence dans le gouvernement des pays. Il établit assurément un devoir moral de cohérence pour les fidèles laïcs, intérieur à leur conscience, qui est unique et une. (…)

Vivre et agir en politique, conformément à sa conscience, ne revient pas à se plier à des positions étrangères à l’engagement politique ou à une forme de confessionnalisme ; mais c’est l’expression par laquelle les chrétiens apportent une contribution cohérente pour que, à travers la politique, s’instaure un ordre social plus juste et conforme à la dignité de la personne humaine. Dans les sociétés démocratiques, toutes les propositions sont soumises à discussion et évaluées librement. Les personnes qui, au nom du respect de la conscience individuelle, voudraient voir dans le devoir moral qu’ont les chrétiens d’être en harmonie avec leur conscience, un élément pour les disqualifier politiquement, leur refusant le droit d’agir en politique, conformément à leurs convictions sur le bien commun, tomberaient dans une forme de laïcisme intolérant. Dans une telle perspective en effet, on entend refuser à la foi chrétienne non seulement toute importance politique et culturelle, mais jusqu’à la possibilité même d’une éthique naturelle. S’il en était ainsi, la voie serait ouverte à une anarchie morale qui ne pourrait jamais être identifiée à une forme quelconque de pluralisme légitime. La domination du plus fort sur le faible serait la conséquence évidente d’une telle position. D’autre part, la marginalisation du christianisme ne pourrait servir à l’avenir envisagé d’une société, ni à la concorde entre les peuples. De plus, elle minerait les fondements culturels et spirituels de la civilisation.

IV. CONSIDERATIONS SUR DES ASPECTS PARTICULIERS. Dans des circonstances récentes, il est arrivé que, même au sein de certaines associations ou organisations d’inspiration catholique, sont apparues des orientations en faveur de forces et de mouvements politiques qui, sur des questions éthiques fondamentales, ont exprimé des positions contraires à l’enseignement moral et social de l’Église. De tels choix et de telles connivences, parce qu’ils sont en contradiction avec des principes fondamentaux de la 188 conscience chrétienne, ne sont pas compatibles avec l’appartenance à des associations ou à des organisations qui se définissent comme catholiques. De manière analogue, il faut noter que, dans certains pays, certaines revues et certains périodiques catholiques ont donné à leurs lecteurs, à l’occasion de choix politiques, une orientation ambiguë et incohérente, interprétant de manière équivoque le sens de l’autonomie des catholiques en politique, sans prendre en considération les principes auxquels on devrait se référer. La foi en Jésus-Christ, qui s’est présenté lui-même comme « la Voie, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6) demande aux chrétiens un effort pour participer, avec un plus grand engagement à l’édification d’une culture qui, inspirée de l’Évangile, propose à nouveau le patrimoine de valeurs et de contenu de la tradition catholique. La nécessité de présenter en termes culturels modernes le fruit de l’héritage spirituel, intellectuel et moral du catholicisme apparait aujourd’hui marquée par une urgence qu’on ne peut différer, notamment pour éviter le risque d’une dispersion culturelle des catholiques. En outre, la densité culturelle acquise et la maturité d’expérience dans l’engagement politique que les catholiques ont su développer, dans divers pays, surtout dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, ne peuvent susciter en eux aucun complexe d’infériorité en regard d’autres propositions dont l’histoire récente a montré la faiblesse ou l’échec radical. Il ne suffit pas de penser, et ce serait réducteur, que l’engagement social des catholiques puisse se limiter à une simple transformation des structures, car, si à la base il n’y a pas une culture capable de recevoir, de justifier et d’envisager les exigences qui découlent de la foi et de la morale, les transformations reposeront sur des fondements fragiles. (…) En même temps, l’Église enseigne qu’il n’existe pas d’authentique liberté sans vérité. « La vérité et la liberté, en effet, vont de pair ou bien elles périssent misérablement ensemble », a écrit Jean-Paul II (Fides et ration, n.90). Dans une société où la vérité n’est pas recherchée et où on ne recherche pas à l’atteindre, toute forme d’exercice authentique de la liberté est aussi affaiblie, ouvrant la voie à une attitude libertaire et à un individualisme qui nuisent à la protection du bien de la personne et de la société entière. V. CONCLUSION

Les orientations données dans cette Note veulent éclairer un des aspects les plus importants de l’unité de la vie chrétienne : la cohérence entre la foi et la vie, entre l’Évangile et la culture, rappelée par le concile Vatican II. (…)

Le Souverain Pontife Jean-Paul II, durant l’audience du 21 novembre 2002, a approuvé cette "Note", qui avait été décidée par la Session ordinaire de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, et il en a ordonné la publication. Rome, au siège de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, le 24 novembre 2002, Solennité du Christ Roi de l’Univers. Joseph Cardinal Ratzinger, Préfet Tarcisio Bertone, S.D.B., archevêque émérite de Vercelli, Secrétaire.

189

LES AUTORITES DANS LA SOCIETE CIVILE Extraits Le quatrième commandement de Dieu nous ordonne aussi d’honorer tous ceux qui, pour notre bien, ont reçu de Dieu une autorité dans la société. Il éclaire les devoirs de ceux qui exercent l’autorité comme de ceux à qui elle bénéficie. Devoirs des autorités civiles Ceux qui exercent une autorité doivent l’exercer comme un service. Nul ne peut commander ou instituer ce qui est contraire à la dignité des personnes et à la loi naturelle. L’exercice de l’autorité vise à rendre manifeste une juste hiérarchie des valeurs afin de faciliter l’exercice de la liberté et de la responsabilité de tous. Les pouvoirs politiques sont tenus de respecter les droits fondamentaux de la personne humaine. Ils rendront humainement la justice dans le respect du droit de chacun, notamment des familles et des déshérités. Les droits politiques attachés à la citoyenneté peuvent et doivent être accordés selon les exigences du bien commun. Ils ne peuvent être suspendus par les pouvoirs publics sans motif légitime et proportionné. L’exercice des droits politiques est destiné au bien commun de la nation et de la communauté humaine. Devoirs des citoyens. Ceux qui sont soumis à l’autorité regarderont leurs supérieurs comme représentants de Dieu qui les a institués ministres de ses dons. Leur collaboration loyal comporte le droit, parfois le devoir d’exercer une juste remontrance sur ce qui leur paraîtrait nuisible à la dignité des personnes et au bien de la communauté. Le devoir des citoyens est de contribuer avec les pouvoirs civils au bien de la société dans un esprit de vérité, de justice, de solidarité et de liberté. L’amour et le service de la patrie relèvent du devoir de reconnaissance et de l’ordre de la charité. La soumission aux autorités légitimes et le service du bien commun exigent des citoyens qu’ils accomplissent leur rôle dans la vie de la communauté politique. La soumission à l’autorité et la coresponsabilité du bien commun exigent moralement le paiement des impôts, l’exercice du droit de vote, la défense du pays. 190 Les nations mieux pourvues sont tenues d’accueillir autant que faire se peut l’étranger en quête de la sécurité et des ressources vitales qu’il ne peut trouver dans son pays d’origine. Les pouvoirs publics veilleront au respect du droit naturel qui place l’hôte sous la protection de ceux qui le reçoivent. Les autorités politiques peuvent en vue du bien commun dont elles ont la charge subordonner l’exercice du droit d’immigration à diverses conditions juridiques, notamment au respect des devoirs des migrants à l’égard du pays d’adoption. L’immigré est tenu de respecter avec reconnaissance le patrimoine matériel et spirituel de son pays d’accueil, d’obéir à sa loi et de contribuer à ses charges. Le citoyen est obligé en conscience de ne pas vivre les prescriptions des autorités civiles quand ces préceptes sont contraires aux exigences de l’ordre moral, aux droits fondamentaux des personnes ou aux enseignements de l’Évangile. Le refus d’obéissance aux autorités civiles, lorsque leurs exigences sont contraires à celles de la conscience droite, trouve sa justification dans la distinction entre le service de Dieu et le service de la communauté politique. « Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu ». (Mt XXII, 21). « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ». (Ac V, 29). Si l’autorité publique, débordant sa compétence, opprime les citoyens, que ceux-ci ne refusent pas ce qui est objectivement demandé par le bien commun. Il leur cependant permis de défendre leurs droits et ceux de leurs concitoyens contre les abus du pouvoir, en respectant les limites tracées par la loi naturelle et la Loi évangélique. La résistance à l’oppression du pouvoir politique ne recourra pas légitimement aux armes, sauf si se trouvent réunies les conditions suivantes : En cas de violations certaines, graves et prolongées des droits fondamentaux, Après avoir épuisé tous les autres recours, Sans provoquer des désordres pires, Qu’il y ait un espoir fondé de réussite, S’il est impossible de prévoir raisonnablement des solutions meilleures. La communauté politique de l’Église.

Il appartient à la mission de l’Église de « porter un jugement moral, même en des matières qui touchent le domaine politique, quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l’exigent, en utilisant tous les moyens, et ceux-là seulement, qui sont conformes à l’Évangile et en harmonie avec le bien de tous, selon la diversité des temps et des situations ».

191 C. RÉSOLUTIONS PRATIQUES

LA PURETÉ AVANT LE MARIAGE

Méditation Partons d’une vérité : que vous le vouliez ou non, vous êtes faits pour aimer. Or, « la source de tout amour vient de Dieu, car Dieu est Amour » nous dit Saint Jean. De plus, cet amour en Dieu a un nom et vous le connaissez, car on ne cesse de parler de Lui en ce jour de la Pentecôte ! Mais oui, c’est le Saint-Esprit ! Il est, en effet cet amour mutuel entre le Père et le Fils, qui nous est donné le jour de la Pentecôte. C’est donc dans la mesure où vous vivrez sous l’emprise du Saint-Esprit que vous pourrez vraiment aimer Dieu, mais aussi vous aimer entre vous. Pour vous, chers pèlerins, qui dans la grande majorité n’êtes pas encore mariés, se pose la question récurrente : qu’est-ce que l’amour entre un garçon et une fille avant le mariage ? Si vous écoutez ce que vous disent la télévision, la radio, bien des revues et des personnes autour de vous, vous êtes sûrs d’aller droit dans le mur ! C’est pourquoi il ne faut pas jouer avec la grandeur de l’amour et bien connaître les lois qui y mènent. Ces lois peuvent se résumer en trois mots d’ordre : pas trop tôt, pas trop vite et donc pas trop près ! I. TOUT D’ABORD, PAS TROP TOT : CONSTRUISEZ-VOUS D’ABORD Il est certain que l’on peut ressentir très jeune des sentiments pour un garçon ou pour une fille. Mais est-ce vraiment de l’amour ? Vous réalisez bien que pour le savoir c’est trop tôt, car l’amour ce n’est pas que du sentiment ; c’est beaucoup plus profond, et pour l’analyser en toute vérité il faut une réelle maturité. Il faut donc du temps pour cela. Mais alors que faire entre-temps ? Eh bien, il faut respecter une étape essentielle : l’amitié. De belles amitiés entre garçons et filles, 192 c’est possible ! L’expérience est là pour le prouver. De belles amitiés qui sont pures, où il n’y a pas de sous-entendus. Des amitiés pures, c’est cela qui structure des personnes, c’est cela qui construit un futur amour. Chers pèlerins, construisez de vraies amitiés entre vous et autour de vous. Profitez, dans le bon sens du terme, de votre jeunesse, et ne commencez pas trop tôt une relation amoureuse. Chaque chose en son temps. Et puis retenez bien cette vérité : L’amour est le don de sa personne à l’autre. Attention donc à l’amour captatif qui consiste à s’aimer soi-même à travers l’autre. Ce n’est pas de l’amour, mais de l’égoïsme. Dans beaucoup de relations entre des garçons et des filles c’est cela qui prévaut aujourd’hui, aussi n’est-ce pas étonnant que cela finisse mal ! Oui, l’amour consiste à se donner véritablement et totalement à l’autre, mais pour cela il faut s’être déjà construit soi-même. Si la fille et le garçon sont immatures, pleins de défauts et imbus d’eux-mêmes, ils ne pourront rien construire ensemble dans le mariage. Car le mariage ne consiste pas à se regarder dans le blanc des yeux toute la vie, mais à construire à deux un foyer. Vous connaissez peut-être cette très belle phrase de Saint-Exupéry dans "Terre des hommes" : « Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, mais regarder ensemble dans la même direction. ». II. ENSUITE, PAS TROP VITE; SOYEZ PATIENT ET DISCRET Le temps ne respecte pas ce qu’on fait sans lui. Dans notre monde d’aujourd’hui, nous avons une formidable illusion du temps réel, on veut tout de suite ! On a des moyens de communication immédiats : Facebook, Twitter, Sms, Msn… tout va très vite ! Un garçon et une fille qui se rencontrent à une soirée, et ça y est : c’est le grand amour. On commence les confidences, on a déjà noué des liens qu’on ne pourra plus défaire après… Même si vous avez déjà une réelle maturité et l’âge pour penser à des fiançailles : Pas trop vite ! Pas trop vite les confidences ! Un temps viendra pour les confidences. Les confidences, réservez-les à celle ou à celui qui sera le trésor de votre vie, et non pas au premier venu. Il y a des garçons qui ont patienté plusieurs années avant de dire à une jeune fille ce qu’ils éprouvaient pour elle, parce qu’ils ne savaient pas encore comment orienter leur vie profondément ; ils se sont gardés, ils n’ont rien dit, ils n’ont rien fait qui aurait pu prêter à confusion ! Par contre, il y a aussi ceux qui, après une relation bien établie, repoussent sans cesse la date des fiançailles ou du mariage par peur de l’engagement ! Il faut que vous aussi, Mesdemoiselles, vous appreniez à patienter. Souvent les filles veulent se marier très vite, trop vite, et puis, du coup, elles s’en mordent les doigts après. Qu’elles ne tombent pas non plus dans le travers inverse qui consiste à attendre le prince charmant, car elles pourront attendre bien longtemps… ; les garçons auront toujours des défauts, c’est inévitable. Seules celles qui épouseront Notre-Seigneur dans la vie religieuse auront le privilège d’avoir un époux parfait.

193 III. ENFIN, PAS TROP PRES : SOYEZ PRUDENT Jean-Paul II s’adressant à la jeunesse catholique, lors de JMJ, disait : « Vous avez tous une vocation au martyre ; ça ne sera plus le martyre sanglant des premiers chrétiens, ce sera le martyre à contre-courant. Je pense en particulier, précise-t-il aux jeunes, à la difficulté de rester pur dans les relations amicales, je pense aux fiancés et à la difficulté de vivre de vraies fiançailles. » Oui, chers pèlerins, vous le savez par expérience, le monde ne vous fera pas de cadeau en matière de pureté ; alors, faites-vous-en mutuellement ! Oui, il faudrait que l’attitude et les mœurs des chrétiens et des chrétiennes soient vraiment dignes de leur nom. Pour cela il faut que les garçons et les filles apprennent à s’entraider, et non pas à se faire tomber mutuellement, que ce soit dans l’amitié ou dans les fiançailles. La faiblesse de la fille : c’est son cœur ! En elle, prédominent les sentiments et l’imagination, d’où sa difficulté à maîtriser ses émotions. Aussi, jeunes gens, ne jouez pas avec le cœur des jeunes filles ; vous ne savez pas le mal que vous pouvez leur faire, quand vous vous amusez à leur faire croire que vous avez des sentiments pour elles. Gardez vos distances : pas trop près et pas trop souvent, s’il vous plaît ! La faiblesse du garçon : c’est son corps ! En lui prédomine le besoin d’action, de se réaliser en faisant quelque chose ; c’est pour cela que le Bon Dieu a voulu que son amour pour la femme passe beaucoup par le corps. Mais le péché originel a tout détraqué, aussi l’homme a-t-il bien du mal maintenant à se maîtriser en matière de chasteté. Donc, Mesdemoiselles, ne jouez pas avec le corps des garçons. Ne les provoquez pas, s’il vous plaît ! Vous avez la capacité soit de les purifier grandement par une attitude digne d’une chrétienne, soit de les faire chuter parfois gravement ! Ce n’est pas pour rien que l’on vous dit qu’il faut faire attention à la manière de vous tenir, à votre manière de vous habiller, à ne pas mettre en valeur telle ou telle partie de votre corps, à votre manière de vous comporter… De plus, sachez qu’un garçon bien vous fuira si vous ne savez pas vous tenir, et vous attirerez au contraire les mauvais qui espéreront obtenir de vous ce que vous affichez. Au contraire, si vous savez refléter extérieurement, par votre maintien, les qualités de votre âme, alors les garçons biens vous fréquenteront volontiers parce que vous leur ferez du bien, et les mauvais iront “chasser” ailleurs ! Le combat pour la pureté et la chasteté en vaut vraiment la peine, Claudel le montre superbement : « La chasteté, dit-il, vous rendra vigoureux, prompt, alerte, pénétrant, clair comme un coup de trompette et tout splendide comme le soleil du matin… vous vous priverez de quelques plaisirs avilissants et qui ne mènent à rien, mais vous connaîtrez le fer et l’acier, les joies salubres, martiales, athlétiques de la victoire sur soi-même. »

194 Chers pèlerins, Au terme de cette méditation, vous réalisez certainement toute la pertinence de cette sentence du Saint Padre Pio : « L’amour vrai ne peut être bon marché ; il est exigeant. » Vous réalisez aussi, probablement, qu’il va falloir prendre des décisions, faire des choix, et que vous ne pouvez peut-être pas continuer à vivre comme jusqu’à présent ! D’ailleurs beaucoup d’entre vous sont venus à ce pèlerinage précisément pour que quelque chose change dans leur vie ! Alors ayez le courage, pendant ces quelques minutes de silence, d’analyser avec l’aide du Saint-Esprit, source de tout amour, ce qui doit changer après le pèlerinage. Demandez-lui alors la force de le mettre en pratique. Et puis n’oubliez jamais ces quelques mots qu’André Charlier vous adresse : « Le plus grand honneur qu’on puisse faire à la jeunesse, c’est de lui dire qu’elle est vouée à la pureté et à la grandeur. » Citations « L’amour conjugal révèle sa vraie nature et sa vraie noblesse quand on le considère dans sa source suprême, Dieu, qui est amour (…) le Père de qui toute paternité tire son nom au ciel et sur la terre (…) Le mariage n’est donc pas l’effet du hasard ou un produit de l’évolution des forces naturelles inconscientes : c’est la sage institution du Créateur pour réaliser dans l’humanité Son dessein d’amour. » Paul VI, "Humanae Vitae", 8 « L’union des corps a toujours été le langage le plus fort que deux êtres puissent se dire l’un à l’autre (…) Un tel langage (…) exige qu’on n’accomplisse jamais les gestes de l’amour sans que les conditions d’une prise en charge totale et définitive de l’autre soient assurées, et que l’engagement en soit pris publiquement dans le mariage. ». Bx Jean-Paul II, France, "qu’as-tu fais des promesses de ton baptême?" « L’amour réalise notre aspiration la plus profonde ; et quand nous aimons, nous devenons plus pleinement nous-mêmes, nous devenons plus pleinement humains. Mais comme il est facile de transformer l’amour en une fausse divinité ! Souvent, les gens pensent aimer, alors qu’en réalité ils tendent à posséder l’autre et à le manipuler. Parfois, les gens traitent les autres comme des objets, pour satisfaire leurs propres besoins, plutôt que comme des personnes à apprécier et à aimer. Comme il est facile d’être trompé par les nombreuses voix qui, dans notre société, défendent une approche permissive de la sexualité, sans prêter attention à la pudeur, au respect de soi et aux valeurs morales qui confèrent aux relations humaines leurs qualités ! C’est là adorer une fausse divinité. Au lieu de donner la vie, elle donne la mort », Benoît XVI, "Discours aux jeunes", JMJ 2008 « Pouvoir faire exister une personne unique au monde [donner la vie à un enfant], une personne qui ne va plus jamais cesser d’exister, qui est mise sur orbite de vie éternelle, qui reçoit une âme immortelle sur laquelle la mort n’aura jamais d’emprise : n’est-ce pas ce qu’il y a de plus fabuleux au monde, de plus passionnant à vivre ? Cela suppose chaque fois une

195 intervention personnelle de Dieu lui-même, par Son Esprit-Saint, le donateur de vie par excellence ». Père Daniel Ange Bibliographie « Divin iillius magistri », Pie XI, encyclique sur l’Éducation « Casti connubii », Pie XI, encyclique sur le mariage chrétien « Evangelium Vitae », Bienheureux Jean-Paul II, « Vérité et signification de la sexualité humaine des orientations pour l’éducation en famille », Conseil Pontifical pour la famille, 8 décembre 1995 (document très important quant au rôle primordial des parents en ce domaine). Catéchisme de l’Église Catholique, le Mariage n°1601-1658, l’Éducation n° 2221-2231, la Chasteté n° 2349, la Pureté n° 2520, « Chrétienté source de Vie », dossier du pèlerinage de Chartres 2001 « Les neuf fondamentaux de l’éducation », Yannick Bonnet, éd. Presses de la Renaissance, « Simples questions sur la vie », publié par la Conférence des Évêques de France, voir livres de référence.

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LA COMMUNICATION DANS LE COUPLE

Méditation Le dialogue est nécessaire pendant toute la durée du mariage. Savoir écouter, mais également parler à l’autre est un élément essentiel d’un mariage qui dure. I. LE DEFAUT DE COMMUNICATION, CAUSE PRINCIPALE D’ECHEC À la question : « Pourquoi notre mariage a-t-il échoué ? » 83% des couples séparés répondent « Mauvaise communication ». Un foyer est en état de crise quand les époux n’arrivent plus à communiquer. Il est donc de la plus haute importance de savoir ce qu’est une bonne communication dans le couple. Nous n’avons pas la prétention de traiter d’un si vaste sujet en un seul article, mais nous voudrions donner aujourd’hui quelques pistes basiques. Le but de la communication en couple, c’est de permettre la croissance de l’intimité entre les époux, pour arriver autant que possible à la communion des personnes. Communiquer en couple, c’est alternativement parler à son conjoint et écouter à son tour. Cela peut paraître une lapalissade ! II. APPRENDRE A ECOUTER SANS INTERROMPRE Et pourtant statistiquement, combien de temps sommes-nous capables d’écouter un interlocuteur sans le couper pour placer nos propres idées ? La réponse, consternante, est : 17 secondes en moyenne. Faites le test, amusez-vous à chronométrer deux personnes en train de discuter. À moins d’avoir appris les secrets d’une saine communication, ou d’avoir un tempérament qui soit très accommodant, on n’écoute l’autre que pour préparer les arguments contraires et on l’interrompt avant 17 secondes, avant qu’il ait pu expliquer convenablement sa pensée profonde. Une bonne conversation n’est pas une joute oratoire ! Il faut donc apprendre à écouter sans interrompre ; mais il faut aller plus loin et s’entraîner à pratiquer une écoute active, qui manifeste, par l’attitude générale, par les traits du visage, 197 l’intérêt que nous portons au sujet de la discussion. Nous devons aussi demander des précisions, nous assurer que nous avons bien compris en reformulant les propos de l’autre, qui confirmera que telle est bien sa pensée. Notre conjoint mérite toute notre attention et notre bienveillance quand il s’adresse à nous. Savoir écouter est donc essentiel. III. SAVOIR PARLER A L’AUTRE Il faut ensuite parler à son tour, répondre à notre interlocuteur : savoir parler de ce que nous pensons, de ce que nous ressentons, de ce que nous souhaitons, voilà qui n’est pas aisé pour tout le monde. La pudeur paralyse parfois certains qui n’ont jamais appris à parler d’eux-mêmes et cela est très dommageable pour la relation du couple. « Un couple qui ne se parle pas est un couple en danger » ; ne l’oublions pas ! Ce n’est pas en se taisant que les problèmes seront résolus. IV. PENDANT LE TEMPS DES FIANÇAILLES L’idéal est donc d’apprendre à communiquer correctement pendant le temps des fiançailles. De quoi faut-il donc se parler ? Il faut parler : du passé, de sa famille, du futur, des convictions auxquelles on tient, des lignes de conduites auxquelles on ne renoncera pas, des exigences de vie que l’on s’impose et que l’on voudrait partager, des convictions religieuses, de Dieu, des enfants à venir. La joie des fiancés est de se parler. Ce domaine est le leur et ils n’ont d’ailleurs que celui-là. V. CONTINUER UNE FOIS MARIES Mais attention, il faudra continuer une fois mariés à se ménager régulièrement de vrais temps de dialogue réconfortant, où nous nous parlons de ce qui est essentiel pour chacun. Il apparaît trop souvent que les fiancés qui aimaient tant passer des heures à discuter, oublient après le mariage que ces temps de dialogues doivent se poursuivre. Car, lorsque les relations conjugales s’installent, c’est fréquemment au détriment des temps de véritables échanges verbaux et cela est un tort. La communication des corps est certes importante, mais elle ne remplace pas les échanges d’une communication orale, confiante et enrichissante. Nous imaginons parfois qu’au bout de quelque temps de vie commune, nous sommes capables de nous comprendre à demi-mot. Cela est un leurre ou plutôt cela n’arrive que de manière très ponctuelle, à cause des différences de perception entre homme et femme, des différences de logique et de jugement, des différences d’expression … A cela se rajoutent les différences de tempéraments, les différences d’habitudes familiales antérieures. Tout cela constitue des difficultés 198 réelles à une communication aisée. L’homme est d’ailleurs malhabile à parler de lui. Mais, si nous avons le désir de faire croître l’intimité en nous, il faut apprendre l’art de l’autorévélation. L’intimité dans le couple est source de grande joie, d’une véritable complicité entre les époux. Elle est le fruit de beaucoup de travail de la part de chacun pour apprendre à mieux communiquer. Et si nous sommes convaincus qu’il faut apprendre cet art, nous serons bien récompensés de nos efforts. Car, Saint Thomas d’Aquin n’hésite pas à écrire que cette communion de personnes dans le mariage est « un avant-goût du Ciel ». Extrait d’un article paru dans "L’Homme nouveau", n°1508, du 31 décembre 2011, de Marc et Maryvonne PIERRE, animateurs des sessions sur les thèmes du mariage, des relations au sein du couple et de la famille et de l’éducation. (Association "Croître et progresser ensemble, Notre-Dame de Cana"). (Avec l’autorisation des auteurs et du journal "l’Homme Nouveau". Les sous-titres sont de Notre-Dame de Chrétienté). Pour tous renseignements concernant les futures sessions, contacter les animateurs au 04 74 35 04 92 ou 06 03 28 96 82, courriel : [email protected].

OBSERVATIONS TIREES DE LECTURES OU DE CONFERENCES

I. LES PALIERS DE LA COMMUNICATION : la conversation de couloir : « ça va ? Très bien et vous ? ». C’est mieux que rien ; le discours du journaliste : « les faits et rien que les faits ». Le degré d’intimité intellectuelle, émotionnelle, spirituelle ou physique reste très limité ; le discours rationnel : « Tu sais ce que je pense ? ». La probabilité de conflit ou de divergence s’élève ; le discours émotionnel : « je vais te dire ce que je ressens ». C’est beaucoup plus difficile, car nos sentiments appartiennent à notre vie privée et le risque de divergence s’accroit. Mais c’est essentiel pour faire grandir l’intimité ; le discours de la vérité, dans l’amour et la sincérité : « soyons honnêtes ». nous sommes francs sans condamner et ouverts sans rien imposer : chacun jouit de la liberté de penser et de réagir différemment. À ce 5ème palier, la communication débouche sur un profond sentiment de complicité et d’intimité dans le mariage. L’exigence de ce palier est une attitude d’acceptation de l’autre.

II. CONDITIONS REQUISES POUR POUVOIR DISCUTER : savoir parler : ne pas s’imaginer que l’autre peut tout deviner, ne pas accuser : le « tu » tue,

199 savoir écouter : ne pas interpréter ce que dit l’autre, comme un jugement ou une accusation, essayer de comprendre ce que l’autre veut dire et ne pas essayer de se justifier immédiatement, être tout à son interlocuteur et ne pas faire autre chose en même temps, ni manifester son impatience par son attitude, ne pas essayer de trouver immédiatement des solutions. D’abord écouter et comprendre. III. LES 10 COMMANDEMENTS DU DIALOGUE : nous accepter tels que nous sommes, dans la joie, considérer ce qu’on a reçu plutôt que ce qui nous manque, remercier plutôt que se plaindre, dire du bien des autres ; ne pas se contenter de le penser, ne jamais se comparer aux autres, s’attacher à la Vérité : le bien est bien ; le mal est mal, résoudre les conflits par le dialogue et non par la force ; ne pas garder pour soi des rancœurs, commencer par évoquer ce qui rassemble avant d’aborder ce qui divise, faire le 1er pas de la réconciliation avant le soir, être persuadé que pardonner est plus important qu’avoir raison. IV. LES PIEGES A EVITER : les malentendus de départ (les préjugés en bien et en mal), la fusion (je n’admets pas qu’une partie de l’autre m’échappe), les faux dialogues intérieurs (je sais ce qu’il va me dire), la pauvreté des dialogues (lieu commun, répétition…), l’imposition de son propre ressenti (pression morale, ordres…), la mésestime de soi (je me sens jugé), les fausses interprétations (je ne sais pas reformuler), les blessures du passé (y compris dans l’enfance : susceptibilité), le ressentiment (rancœurs accumulées, ruminations…), les cercles vicieux (plus je parle, plus il se tait…), les besoins en communication divergents, fonction du caractère et de l’éducation reçue, les obstacles externes : fatigue, stress, manque de temps, TV, internet, l’immobilisme : la non-envie de faire uneffort pour sortir des habitudes, pour trouver le temps et le courage de parler.

200 Bibliographie

«Couples et complices» et «les langages de l’amour» de Gary Chapman «la communication», «amour humain, amour chrétien», «réussir son couple», «conseils aux couples qui s’aiment… ou qui peinent» du Père Denis Sonet «les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus» de John Gray

201

L’AUTORITÉ DANS LA SAGESSE ET L’AMOUR

Pie XII aux Jeunes Époux…

L’AUTORITE EFFICACE. L’exercice normal de l’autorité ne dépend pas seulement de ceux qui doivent obéir, mais aussi, dans une large mesure, de ceux qui ont à commander. En d’autres termes : autre chose est le droit à détenir l’autorité, le droit de donner des ordres, et autre chose la supériorité morale qui constitue et rehausse l’autorité effective, opérante, efficace, qui réussit à s’imposer aux autres et obtient de fait l’obéissance. Le premier droit vous est conféré par Dieu lui-même, dans l’acte même qui vous rend père et mère ; la seconde, prérogative, il faut l’acquérir et la conserver ; elle peut se perdre comme elle peut s’accroître. Or le droit de commander à vos enfants obtiendra d’eux bien peu de chose, s’il n’est accompagné de ce pouvoir et de cette autorité personnelle sur eux, qui vous assurera une obéissance réelle. Comment, par quel art savant, pourrez-vous donc acquérir, conserver et faire grandir un tel pouvoir moral ? Dieu accorde à certains le don naturel de commandement, le don de savoir imposer à autrui sa propre volonté. C’est un don précieux : réside-t-il tout entier dans l’esprit, ou en grande partie dans la personne, le comportement, la parole, le regard, le visage ? Il est souvent difficile de le dire. Si vous le possédez, n’en abusez pas dans vos rapports avec vos enfants : vous risqueriez d’emprisonner leur âme dans la crainte, d’en faire des esclaves et non des fils aimants. Tempérez cette force par l’effusion d’un amour qui réponde à leur affection, par une bonté douce, patiente, empressée, encourageante. Écoutez le grand apôtre Saint Paul qui vous exhorte : « Pères, ne provoquez pas vos enfants à la colère, de peur qu’ils ne perdent courage ». Parents, souvenez-vous que la rigueur mérite un éloge seulement lorsque le cœur est doux. LA MAITRISE DE SOI Joindre la douceur à l’autorité, c’est vaincre et triompher dans cette lutte où vous engage votre rôle de parent. Du reste, pour tous ceux qui commandent, la condition

202 fondamentale d’une maîtrise bienfaisante sur la volonté d’autrui, c’est la maîtrise sur soi-même, sur ses propres passions et impressions. Une autorité, quelle qu’elle soit, n’est forte et respectée que lorsque les esprits des sujets la sentent dirigée dans ses mouvements par la raison, par la foi, par le sentiment du devoir : car alors, les sujets sentent pareillement que leur devoir doit répondre à celui de l’autorité. Si les ordres que vous donnerez à vos enfants, si les réprimandes que vous leur adresserez, procèdent des impressions du moment, de mouvements d’impatience, d’imaginations ou de sentiments aveugles ou irréfléchis, ces ordres ne pourront qu’être, la plupart du temps, arbitraires, incohérents, peut-être même injustes et inopportuns. Aujourd’hui vous serez pour ces pauvres petits d’une exigence déraisonnable, d’une sévérité inexorable ; demain, vous laisserez tout passer. Vous commencerez par leur refuser un rien, et le moment d’après, fatigués de leurs pleurs ou de leur bouderie, vous le leur accorderez avec des démonstrations de tendresse, pressés d’en finir une bonne fois avec une scène qui vous irrite les nerfs. Pourquoi donc ne savez-vous pas dominer les mouvements de votre humeur, mettre un frein à votre fantaisie, vous conduire vous-mêmes alors que vous entreprenez de conduire vos enfants ? Si, à un moment donné, vous croyez ne pas vous sentir parfaitement maîtres de vous-mêmes, remettez à un moment meilleur la réprimande que vous voulez faire, la punition que vous pensez devoir infliger. Dans la fermeté paisible et tranquille de votre esprit, votre parole et le châtiment trouveront une tout autre efficacité, plus de pouvoir éducateur et plus d’autorité, que n’en sauraient avoir les éclats d’une passion mal dominée. CE QUI AMOINDRIT L’AUTORITE Gardez-vous donc de tout ce qui pourrait amoindrir votre autorité auprès d’eux. Gardez-vous de gaspiller cette autorité en les habituant à de continuelles, insistantes recommandations et observations qui finissent par les lasser ; ils feront la sourde oreille et n’y attacheront plus aucune importance. Gardez-vous de jouer ou de tromper vos enfants avec des raisons ou explications fallacieuses et sans consistance, données au petit bonheur, pour vous tirer d’embarras et vous débarrasser de questions importunes. S’il ne vous paraît pas bon de leur donner les vraies raisons d’un ordre, mieux vaudra faire appel à leur confiance en vous, à leur amour pour vous. Ne faussez pas la vérité, au besoin taisez-la ; vous ne soupçonnez peut-être même pas quels troubles et quelles crises peuvent naître dans ces petites âmes le jour où elles viendront à constater qu’on a abusé de leur naturelle crédulité. Gardez-vous aussi de laisser transparaître le moindre signe de désunion entre vous, la moindre différence entre vous dans la façon de traiter vos enfants ; ils s’apercevraient bien vite qu’ils peuvent se servir de l’autorité de la mère contre celle du père, ou du père contre la mère, et ils résisteraient difficilement à la tentation d’employer cette divergence à satisfaire toutes leurs fantaisies.

203 Gardez-vous enfin d’attendre que vos enfants aient grandi en âge pour exercer sur eux une autorité, bonne et calme, mais en même temps ferme et nette, qui ne cède à aucune scène de larmes ou de colère. AUTORITE NEE DE L’AMOUR Ce sera une autorité sans faiblesse que la vôtre, mais une autorité née de l’amour, toute imprégnée et soutenue par l’amour. Soyez les premiers maîtres et les premiers amis de vos enfants. Si vraiment c’est l’amour paternel et maternel qui inspire vos ordres –un amour chrétien à tous égards et non une complaisance égoïste plus ou moins inconsciente -, vos enfants en seront touchés et ils lui répondront au fond de leur âme sans que vous ayez besoin de beaucoup de paroles : car le langage de l’amour est plus éloquent par le silence de l’action que par les accents des lèvres.

Mille petits signes, une inflexion de voix, un geste imperceptible, une légère expression du visage, un signe d’approbation leur découvriront, mieux que toutes les protestations, quelle affection inspire une défense qui les afflige, quelle bienveillance se cache dans une recommandation qui les ennuie : alors la parole de l’autorité apparaîtra à leur cœur non comme un fardeau pesant ou un joug odieux qu’il faut secouer le plus tôt possible, mais bien comme la suprême manifestation de votre amour. L’EXEMPLE Et l’amour, ne s’accompagnera-t-il pas de l’exemple ? Comment les enfants, naturellement prompts à imiter, pourraient-ils apprendre à obéir s’ils voient en toute occasion leur mère ne faire aucun cas des ordres de leur père ou même se plaindre de lui ? S’ils n’entendent, entre les murs de la maison, que critiques irrespectueuses de toute autorité ? S’ils remarquent que leurs parents sont les premiers à ne pas accomplir les commandements de Dieu et de l’Église ? Faites qu’ils aient au contraire sous les yeux un père et une mère, qui dans leur façon de parler et d’agir, donnent l’exemple du respect des autorités légitimes, de la fidélité constante aux propres devoirs. Un exemple si édifiant leur apprendra, plus utilement que la plus étudiée des exhortations, ce qu’est la véritable obéissance chrétienne et comment ils devront la pratiquer eux-mêmes envers leurs parents. Soyez persuadés, chers nouveaux époux, que le bon exemple est le plus précieux patrimoine que vous puissiez donner et léguer à vos enfants. C’est la vision ineffaçable d’un trésor d’œuvres et de faits, de paroles et de conseils, d’actes pieux et de démarches vertueuses, qui restera toujours vivante, imprimée dans leur mémoire et leur esprit, comme un des souvenirs les plus émouvants et les plus chers, qui rappellera et ressuscitera pour eux vos personnes aux heures de doute et d’hésitation entre le bien et le mal, entre le danger et la victoire. Aux heures troubles, quand le ciel s’assombrira, vous leur réapparaîtrez comme à un horizon lumineux qui éclairera et dirigera leur chemin grâce au chemin déjà fait

204 par vous, parcouru dans ce travail et ces peines qui sont le prix du bonheur d’ici- bas et du ciel. Est-ce là un rêve ? Non ! La vie que vous commencez avec votre nouvelle famille n’est pas un rêve : c’est un sentier où vous marchez, investis d’une dignité et d’une autorité qui veulent être une école et un apprentissage pour les enfants de votre sang qui y marcheront après vous. Que le Père céleste, qui, en vous appelant à participer à la grandeur de sa paternité, vous a communiqué aussi son autorité, daigne vous accorder de l’exercer, à son imitation, dans la sagesse et l’amour ! Bibliographie I. Textes du Magistère sur l’éducation Textes scripturaires cités : Luc 2, 42-51 ; Jn 4, 34 ; Jn 6,38 ; Jn 8, 29 ; Mt 26,39 ; Mt 28,18 ; Act 4,19 ; He 5, 7-8 ; He 10, 5-10 ; Phil 2, 8-10. Somme théologique, St Thomas d’Aquin (en particulier le traité des vertus Ia IIae qu. 49 à 70). Catéchisme du Concile de Trente. Catéchisme de Saint-Pie X. Catéchisme de l’Église Catholique (1992), CEC n°1701 et 1707 (le péché originel) ; n° 1716 et suivants (la béatitude) ; n° 1803 et suivants (les vertus). Compendium de la doctrine sociale de l’Église, n° 238-243. Encyclique « Divini illius Magistri », Pie XI (1229), sur l’éducation chrétienne de la jeunesse (spécialement la condamnation du naturalisme pédagogique). Déclaration « Gravissimum educationis », Vatican II (1965), sur l’éducation chrétienne (voir extraits dans ce dossier). Exhortation apostolique « », Bx Jean-Paul II (1981), sur les tâches de la famille dans le monde d’aujourd’hui (spécialement n°36 à 40). Discours « aux jeunes d’aujourd’hui », Bienheureux Jean-Paul II, Sarment /Fayard 1990. Exhortation apostolique « », Bx Jean-Paul II (1996), sur la vie consacrée (spécialement Ch I 1 Louange de la Trinité). Discours au congrès ecclésial de Rome, Benoît XVI. II. Sur l’éducation : réflexions et guides pratiques « L’Église et l’éducation », Jean de Viguerie, professeur émérite des Universités, éd. DMM 2010. Voir également, du même auteur : « Les pédagogues. Essai historique sur l’utopie pédagogique » 2011. « Les 9 fondamentaux de l’éducation », Père Yannik Bonnet, éd. Petite renaissance, collection pratique 2007 « Être heureux au travail » Père Yannik Bonnet, éd. Presses de la Renaissance 2006, « Les hommes acteurs dans la stratégie de l’entreprise », Père Yannik Bonnet éd. Liaisons 1993 « le défi éducatif », Père Yannik Bonnet, éd Fleurus 1989.

205 « Éduquer aujourd’hui pour demain », Père Jean-Marie Petitclerc, éd. Salvator 2010. « Éduquer des êtres libres », Mgr Chauvet, éd. Paroles et silence, 2001. « La famille : héritage ou avenir ? » Conférences de carême 2011. Présentation par le Cardinal André Vingt-trois, Archevêque de Paris, éd. Paroles et silence, particulièrement la 3ème conférence sur « Paternité, maternité, fraternité » et la lettre pastorale du cardinal « la famille et la jeunesse » 2010, qui est jointe. « Au cœur de l’amour », Père Marie-Dominique Philippe, fondateur des frères de St-Jean. « Construire sa personnalité », Père Pascal Ide, docteur en médecine, docteur en philosophie, maître en théologie, édit Sarment/Fayard, 1991. « L’art d’être parents et grands-parents », Père Denis Sonet, conseiller conjugal et formateur au CLER, collection livre ouvert, 2001. « la volonté de Dieu, devoir et bonheur », chanoine Albert Pasteau. « Vers la maturité spirituelle », un Chartreux, Presses de la renaissance. « Le temps des forces vives chez l’adolescent », Père Thomas Philippe, éd. Saint-Paul. « Former la personnalité de l’enfant » James B. Stenson, collection Laurier 2000. « lettre aux 18-20 ans de l’an 2000 », un moine, éd. Sainte-Madeleine du Barroux. « la foi en famille », Christine Ponsard, éd. Edifa 2006. Huit tomes regroupant ses chroniques hebdomadaires dans « Famille Chrétienne ». Le tome titré « grandir dans la lumière de Dieu » est une mine d’idées et de conseils pour aider à l’éducation chrétienne des. enfants et des adolescents. « Éduquer pour le bonheur », Monique Berger, éd. Transmettre / communication et cité 2012. « La vie dans la Seigneurie du Christ », Raniero Cantalamesa, éd. Cerf. «L’esprit d’obéissance », A.M. Crignon, in revue « Sedes Sapientiae » Chéméré n°114. « Mon journal de sage-femme », Lisbeth Burger, éd. Chiré 2004. « Transmettre l’amour, une éducation à l’écoute de l’enfant », Dr Paul Lemoine, pédiatre, éd. Nouvelle cité, 11e édition 1997. « Lettres à mes petits-enfants sur des sujets qui fâchent », Général Delaunay, fondateur de l’association « France Valeurs » d’inspiration chrétienne éd. Tequi 2001.

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LE DEVOIR DE SE FORMER

« La découverte et la réalisation de leur vocation et de leur mission personnelles comportent, pour les fidèles laïcs, l’exigence d’une formation à la vie dans l’UNITÉ. Dans leur existence, ils ne peuvent avoir deux vies parallèles : D’un côté, la vie qu’on nomme « spirituelle », avec ses valeurs et ses exigences, De l’autre côté, la vie dite « séculière », c'est-à-dire la vie de famille, de travail, de rapports sociaux, d’engagement politique, d’activités culturelles. Ce divorce entre la foi dont ils se réclament et le comportement quotidien d’un grand nombre est à compter parmi les plus graves erreurs de notre temps (cf décret sur l’activité missionnaire de l’Église, Ad gentes 21) Il n’est pas douteux que la formation spirituelle ne doive occuper une place privilégiée dans la vie de chacun. La formation doctrinale des fidèles laïcs se révèle de nos jours, de plus en plus urgente…, du fait de la nécessité de « rendre raison à l’espérance » qui est en eux. Il est tout à fait indispensable, en particulier, que les fidèles laïcs, surtout ceux qui sont engagés de diverses façons sur le terrain social ou politique, aient une connaissance plus précise de la doctrine sociale de l’Église…qui renferme des principes de réflexion, des critères de jugement et des directives pour l’action. Cette doctrine doit se trouver dans le programme de base de la catéchèse. Il n’y a pas de formation véritable et efficace si chacun n’assume pas et ne développe pas par lui-même la responsabilité de sa formation : toute formation, en effet, est essentiellement « auto-formation »…Mieux nous nous formons, plus nous nous rendons capables de former les autres » Exhortation Apostolique « Christifideles Laïci » Jean Paul II, 30 décembre 1988

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L’ACCOMPAGNEMENT SPIRITUEL

I. UN PERE SPIRITUEL POUR NOUS AIDER A GOUVERNER NOTRE VIE Gouverner sa vie n’est pas chose aisée et les réponses aux questions que celle-ci nous pose, ne nous paraissent pas toujours évidentes. Au-delà même du discernement entre le Bien et le Mal, il s’agit parfois de choisir le meilleur bien, dans les circonstances de la vie conjugale, familiale, professionnelle, sociale, le meilleur chemin pour progresser dans l’amour de Dieu et du prochain. L’histoire des saints, dûment reconnus comme tels par l’Église, montre qu’ils ont bénéficié des services d’un père spirituel. II. LE CHOIX DU PERE SPIRITUEL EST DELICAT Dans certains cas, c’est le Ciel, lui-même, qui a fait savoir à tel ou telle qu’Il lui ferait rencontrer en temps utile le guide adéquat. Le terme adéquat a son importance, car chaque âme est unique, comme chaque père spirituel l’est également, ce qui explique la nécessité d’une compréhension humaine mutuelle des deux sujets. L’expérience montre, en tout cas, que beaucoup ressentent un bienfait spirituel d’un tel accompagnement.

III. DIVERS TYPES D’ACCOMPAGNEMENT L’accompagnement spirituel peut prendre des formes diverses, certains ressentent le besoin d’être dirigés, d’autres d’être guidés, d’autres d’être conseillés. Toutefois il y a des caractéristiques communes à ceux qui ont le charisme de l’accompagnement en question, et la plus importante est une saine humilité, car le père spirituel n’est qu’un médiateur et c’est le Saint-Esprit qui opère. L’esprit de service et une vie de prière fervente lui sont donc indispensables pour faire du bien à ceux qui se confient à lui. Quant aux qualités humaines nécessaires, on peut citer : une bienveillance sans faiblesse, une rigueur intellectuelle sans rigidité, une fermeté sans dureté, une douceur sans complaisance. Tel prêtre, qui est un « lion » en chaire, peut se montrer sous un jour très différent dans cette mission.

208 IV. DISTINGUER EXERCICE DE L’AUTORITE ET DIRECTION SPIRITUELLE Dans tous les cas, il faut que s’instaure un climat de confiance réciproque, car celui qui est guidé livre au guide les éléments clés de sa vie intérieure, son for interne selon la formule consacrée ; mais le guide n’a pas à vérifier si le « guidé » est, dans sa vie, en cohérence au for externe avec ce qu’il dit de lui. La confidentialité absolue est évidemment requise, ce qui est une règle familière aux prêtres, habitués à garder le secret de la confession. On peut également penser qu’une religieuse cloîtrée, à condition d’avoir été formée à ce rôle et d’en avoir le charisme, peut légitimement accompagner avec fruit des fidèles. Même avis pour des moines, qui ont souvent joué ce rôle dans l’histoire de l’Église. Pour ma part, je suis beaucoup plus réservé sur le fait que cette mission puisse être remplie en dehors de ces cas. Je pense que beaucoup de difficultés, survenues dans les communautés nouvelles, nées depuis une quarantaine d’années, ont été dues au « mélange » for interne-for externe et à la confusion entre l’exercice de l’autorité et la direction spirituelle.

V. DISTINGUER DOMAINE PSYCHOLOGIQUE ET DOMAINE SPIRITUEL Il existe en outre un autre danger, à l’intérieur même de l’accompagnement spirituel, c’est la confusion entre le domaine psychologique et le domaine spirituel. Une bonne distinction : Dans la demande faite aux accompagnateurs potentiels intervient souvent en fait un besoin d’aide lié à psychisme perturbé par les évènements de la vie de la personne. Remettre de l’ordre à ce niveau peut être un préalable indispensable à un accompagnement spirituel fructueux, mais ce n’est pas de la compétence d’un guide spirituel. En revanche, sa formation doit lui permettre de déceler les difficultés psychologiques pour éclairer le fidèle et lui conseiller de rencontrer, dans un autre cadre, une personne compétente et …chrétienne. De fait, l’être humain est complexe, son psychisme est à l’interface de ce qui vient « d’en haut », l’esprit fait à l’image de Dieu, et de ce qui vient « d’en bas», les émotions et pulsions sans oublier l’imaginaire, domaine où l’esprit du mal est dans son élément pour semer le trouble. L’écheveau n’est pas toujours facile à démêler et, sans la grâce de Dieu et le merveilleux don de conseil, c’est même mission impossible. Extrait d’un article paru dans "L’Homme nouveau", n°1508, du 31 décembre 2011, du Père Yannik Bonnet. (Avec l’autorisation de l’auteur et du journal "l’Homme Nouveau". Les sous-titres sont de Notre-Dame de Chrétienté) Polytechnicien, ancien chef d’entreprise, père de famille nombreuse, Yannik Bonnet, veuf depuis 1995 a été ordonné prêtre en 1999. Spécialiste reconnu dans les questions d’éducation, conférencier très apprécié et auteur de livres à succès.

209 EME 4 PARTIE : INFORMATIONS DIVERSES

ADRESSE AUX CHEFS DE CHAPITRE

Notre pèlerinage est catholique. Le Credo, les Commandements de Dieu et le Notre Père nous enseignent ce que nous devons Croire, Faire, Espérer et Demander. La prière et les sacrements nous procurent la Grâce, « don gratuit que Dieu nous fait de sa Vie infusée par l’Esprit Saint dans notre âme pour la guérir du péché et la sanctifier » (CEC N°1999). Nous croyons que la Sainte Église Catholique et Apostolique gouvernée par le Pape et les évêques unis à lui est la seule et véritable Église. Répondant aux appels du bienheureux Jean Paul II, du pape émérite Benoit XVI et de notre Saint Père le Pape François, nous œuvrons résolument à la Nouvelle Évangélisation et mettons nos cœurs et toutes nos forces au service de Dieu. La chrétienté, « lumière de l’Évangile projetée sur nos patries, sur nos familles, sur nos mœurs et sur nos métiers » (Dom Gérard) et entendue comme la réalisation dans la vie de la cité, de la « royauté du Christ sur toute la création et, en particulier, sur les sociétés humaines » (CEC N°2105), est l’objet spécifique de notre pèlerinage, marche de prière et de pénitence soutenant la réalisation de notre devoir de charité politique. Nous voulons la restauration d’un ordre social-chrétien, ayant pour fondement le décalogue et pour finalité la Royauté de Notre Seigneur Jésus-Christ. Le souci du bien commun de la cité charnelle ne peut, en aucun cas, réduire la religion à une affaire privée. Le bien commun de la cité doit être recherché, dans une juste distinction de l’ordre naturel et de l’ordre surnaturel (« distinguer pour unir »). Nous sommes attachés à la forme extraordinaire du rite romain. Toutes les activités liturgiques du pèlerinage et des chapitres utilisent la forme extraordinaire du rite romain tel qu’il a été codifié dans les livres liturgiques de 1962 et à nouveau confirmé par le motu proprio « Summorum Pontificum » du 7.07.2007. Conscients de la crise que traversent la société et l’Église, nous rejetons avec force les erreurs mortelles (relativisme, syncrétisme, matérialisme, libéralisme…) véhiculées par le modernisme condamnées dès 1907 par Saint Pie X (Encyclique

210 Pascendi Dominici Gregis) et tant de fois dénoncées par le pape émérite Benoit XVI. Le chef de chapitre fait siens les grands enjeux du pèlerinage. L’importance qu’il leur accorde sur le plan individuel et sur le plan de la cité, se traduit par une attitude convaincue et militante. Le chef de chapitre s’efforce tout au long de l’année de faire vivre son chapitre dans un cadre amical de prière, d’apostolat, d’action et de formation. Le pèlerinage est le temps fort où chaque chapitre, qui en est la cellule de base, est l’image prometteuse de la chrétienté. Le chef de chapitre est responsable de l’intégrité doctrinale de son chapitre. Il a donc le souci de sa formation personnelle, de celle de ses adjoints et exerce sa pédagogie avec la plus grande charité. Avant de quitter son chapitre, il anticipe et prépare sa succession. Le chef de chapitre est responsable de l’équilibre matériel et spirituel de son chapitre. Il sait que l’unité exige concertation et transparence avec la direction du pèlerinage. Il consulte donc ses responsables pour toute décision importante liée au pèlerinage ou à sa préparation. Sa vie intérieure s’accorde aux exigences de sa fonction. Il donne une âme à son chapitre en s’efforçant d’être un exemple des vertus naturelles et surnaturelles. Il prie pour son chapitre et dépose son œuvre entre les mains de la Très Sainte Vierge Marie.

211 MOYENS DE FORMATION PROPOSÉS PAR NDC

3 OUTILS DE FORMATION PROPOSES PAR NOTRE DAME DE CHRETIENTE

Sur le site internet de NDC (www.nd-chretiente.com)

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Dossiers de Formation doctrinale

Fiches de Formation « Année de la Foi » pour relire le Catéchisme de l’Église Catholique

Vidéoformations

212 MENU « FORMATION » :

Dossiers Doctrinaux : 7 000 pages numérisées reconnues en caractères texte. Principaux thèmes abordés : spiritualité, vie spirituelle, vies de saints, textes de méditation, chapeletsmédités, famille, catéchisme, morale, liturgie, théologie,mariologie, les sacrements, le mal, histoire,…

Exemple : => Articles rangés par thème

(Il suffit avec la souris de pointer sur le nom de l’article qui se met en surbrillance, puis de double cliquer sur ce nom pour que l’article correspondant s’ouvre ; vous pouvez alors, le lire en ligne ou le sauvegarder sur votre ordinateur).

213 Fiches de formation Année de la Foi : 60 fiches de formation de 3 pages ont été rédigées pour aider à relire le Catéchisme de l’Église Catholique.

À la fin de chaque fiche sont proposées une bibliographie, pour approfondir le thème traitée, et des résolutions possibles. Exemple de fiche : rédigée pour la fête de l’Immaculée Conception

Vidéoformations :

Vidéo d’un durée courte (5-7’) réalisée sous forme d’entretien avec un ecclésiastique ou un laïc d’une association amie portant sur un thème spirituel ou de doctrine en rapport avec le thème du pèlerinage de l’ année. En 2014 : sur la Création : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre » et Dieu le Père. Chaque vidéo est accompagnée d’une fiche-résumé avec des repères bibliographiques pour aller plus loin. Vidéo + Fiche-résumé

214 CULTURE GÉNÉRALE

« L’ordre social-chrétien », Jean Daujat, normalien, docteur ès lettres et théologien, fondateur en 1925 du Centre d’études religieuses. éd. Beauchesne, « La vie surnaturelle », Jean Daujat, édit Fayard, 1971. Traité de théologie et de spiritualité à l’usage des laïcs cultivés ; ouvrage couronné par l’Académie Française. Les ouvrages de Jean Ousset, fondateur de la Cité Catholique (dont Ichtus, l’A.F.S.) et notamment « Pour qu’il règne » 1957, «Fondements de la cité » 1963, « L’Action »1968, « À la découverte du Beau »1997 Les ouvrages de Marcel Clément, ancien professeur de l’enseignement supérieur, et directeur de « l’Homme Nouveau », notamment « Une histoire de l’intelligence » 1979, « Du Bien commun »1998. Les ouvrages de Gustave Thibon, philosophe autodidacte (il n’a que son certificat d’études), Grand prix de littérature de l’Académie Française. Ses « Entretiens avec Christian Chabanis » repris dans un livre éponyme paru chez Fayard 1975, sont une bonne approche de sa pensée. Les ouvrages de Jean Madiran, ancien professeur et directeur de la revue « Itinéraires », notamment « les droits de l’homme » 1988, « Une civilisation blessée au cœur » 2002, « La laïcité dans l’Église » 2005. Les ouvrages d’Henri Charlier, sculpteur, en particulier « Le martyre de l’art »1989, et de son frère André Charlier, ancien directeur de l’École des Roches, en particulier « Les lettres aux Capitaines (les grands élèves) » 1942- 1960, « Que faut-il dire aux hommes ? » 1964. « Demain la Chrétienté », Dom Gérard, fondateur et 1er Père abbé de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, (et ancien « capitaine » à l’École des Roche), éd. Dismas 1986, préface de Gustave Thibon. « Notre Dame de joie », correspondance de l’abbé V.A. Berto, (1900-1968), docteur en philosophie et en théologie, fondateur de l’Institut des Dominicaines du Saint-Esprit, ancien co-directeur de « la Pensée catholique ». Les ouvrages de Jean de Viguerie, historien, ancien professeur d’université, dont «Les deux patries», éd. DMM 1998 ; « l’Église et l’éducation » éd. DMM 2010 « Construire la civilisation de l’amour, synthèse de la doctrine sociale de l’Église », Marc-Antoine Fontenelle ob, éd. Téqui, 1997. « La mort de la culture chrétienne » et « la restauration de la culture chrétienne », John Senior, éd. DMM. Les ouvrages de Rémi Fontaine, professeur de philosophie et journaliste ; un des fondateurs du pèlerinage de Chrétienté, dont « Politique et morale » éd. 215 DMM 2001 ; « La laïcité dans tous ses débats » éd. de Paris 2004 ; « Les enjeux du printemps français » 2013. «Socrate contre Antigone ? », Thierry de Vingt-Hanaps, éd. Tequi 2005. Le problème de l’obéissance à la loi inique en philosophie morale, selon Saint- thomas d’Aquin. Les ouvrages de Jean Sévillia : « L’Histoire passionnée de la France » éd. Perrin 2013, « Historiquement correct », « Moralement correct », « Politiquement incorrect » éd. Perrin collection Tempus, format poche. Les ouvrages de Michel De Jaeghere : « Enquête sur la Christianophobie », « La repentance : histoire d’une manipulation » éd. Renaissance Catholique 2006. Les ouvrages de Bernard Antony notamment sur l’Islam. L’ensemble des publications de l’A.F.S. (Action Familiale et scolaire) et d’Ichtus, qui, dans leurs domaines respectifs, poursuivent l’œuvre de Jean Ousset et de la Cité Catholique. (consulter leurs sites) Les publications de Renaissance Catholique, notamment les « Actes » de ses universités d’été, et celles du Centre Charlier et de Chrétienté Solidarité. (consulter leurs sites). D’intéressants articles dans « Sedes sapientiae », la revue de la Fraternité saint-Vincent Ferrier (Chéméré-le-roi), les magazines « L’Homme Nouveau » (et ses tirés à part), « la Nef » et « Famille chrétienne ». D’intéressantes émissions radiophoniques sur « Radio courtoisie » (en particulier les « journaux » de Daniel Hamiche et de Bernard Antony). D’intéressantes productions sur internet du « Salon Beige » et de la nouvelle chaîne « TV Libertés ».

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CHAPITRE DES « ANGES GARDIENS »

DU PELERINAGE PARIS-CHARTRES DE NOTRE DAME DE CHRETIENTE

« Les anges sont nos amis très chers, à la fois délicats et puissants : ils admirent nos combats, nos détresses, nos tristesses d'amour, ils voient dans nos souffrances de la terre quelque chose de mystérieux et de sacré qui leur rappelle la Passion et la Croix du Seigneur Jésus. » Dom Gérard

Le chapitre des « anges gardiens » réunit tous ceux qui, ne pouvant être physiquement présents les trois jours de la Pentecôte, désirent accomplir spirituellement et non moins réellement le pèlerinage de Chartres. Ce chapitre reprend l’idée principale des non marcheurs en voulant l’étendre. Avant de le présenter plus précisément, nous tenons à rendre hommage à Christian et Catherine Chauvière qui ont créé et organisé pendant tant d’années, au prix d’un travail remarquable, ce beau chapitre des non marcheurs qui se transforme pour un plus grand rayonnement de l’œuvre de Notre-Dame de Chrétienté. Comment cela est-il possible, peut-on ainsi réellement faire le pèlerinage de Chartres ? L’Église nous enseigne que, dans la communion des saints « nul d’entre nous ne vit pour soi-même, comme nul ne meurt pour soi-même » (Rm, 14, 7). « Un membre souffre-t-il ? Tous les membres souffrent avec lui. Un membre est-il à l’honneur ? Tous les membres prennent part à sa joie. Or vous êtes le Corps du Christ, et membre chacun pour sa part » (1 Co 12, 26-27). Le moindre de nos actes fait dans la charité retentit au profit de tous, dans cette solidarité avec tous les hommes, vivants ou morts, qui se fonde sur la communion des saints (Catéchisme de l’Église catholique (CEC) n° 953). Unis au Christ, nous pouvons mériter les uns pour les autres les grâces utiles pour notre sanctification, pour la croissance de la grâce et de la charité, comme pour l’obtention de la vie éternelle (CEC n° 2010). Ainsi, par la communion des saints, les prières et les sacrifices effectués par les « anges gardiens », où qu’ils se trouvent, et unis par la charité à Notre Seigneur Jésus-Christ, mériteront de nouvelles grâces pour la colonne des pèlerins marcheurs tandis que réciproquement, ceux offerts par les marcheurs attireront les grâces du pèlerinage sur les « anges gardiens ». Cette réciprocité fait des « anges gardiens » de véritables pèlerins de Chartres.

Elle peut être comparée aux « coopérateurs » de sainte Mère Teresa qui adoptent 217 une Sœur et offrent pour elle toutes leurs souffrances et prières ; la Sœur, elle, implique totalement le coopérateur dans tout ce qu’elle fait : ils deviennent comme un seul être et s’appellent l’un l’autre leur second moi. A qui s’adresse le pèlerinage de Chartres des « anges gardiens » ? Le pèlerinage de Chartres des « anges gardiens » s’adresse à tous ceux qui ne peuvent être physiquement présents les trois jours de la Pentecôte ou qui ne peuvent pas marcher. Les « anges gardiens » concernent les religieuses et les religieux, les parents de jeunes enfants, les malades et les personnes trop âgées pour parcourir les 100 km du pèlerinage, les prisonniers, les expatriés, les marins et les militaires en opération, …. En résumé, tous ceux qui sont retenus par leur devoir d’état ou empêchés par leur condition physique. Nous voulons ainsi toucher le plus grand nombre en créant cette immense chaîne de prière. Le pèlerinage pour tous finalement ! Pourquoi faire le pèlerinage de Chartres des « anges gardiens » ? En ces temps où les valeurs chrétiennes sont très directement menacées, il y a urgence à élargir et intensifier le mouvement de prière et de pénitence que constitue le pèlerinage de Chartres. Nul ne doit être empêché de prendre part à ce mouvement. La prière des « anges gardiens » unis à la colonne montera vers le Père pour implorer sa Miséricorde, intercéder pour l’Église et pour notre société, convertir les cœurs et les âmes et les grâces du pèlerinage retomberont sur tous. Quel est l’esprit du pèlerinage de Chartres des « anges gardiens » ? Comme pour les marcheurs, le pèlerinage de Chartres des « anges gardiens » repose sur les trois piliers que sont : Tradition, Chrétienté, Mission. « Nous sommes des nains montés sur des épaules de géants » disait Bernard de Chartres au XIIe siècle : appuyés ainsi sur la Tradition – doctrinale, liturgique et sacramentelle de l’Église, avec l’usage de la forme extraordinaire du rit romain – nous pouvons à notre tour apporter notre pierre à l’édification du XXIe siècle. Cela passe notamment par la restauration de la Chrétienté. Il ne s’agit pas là d’une notion passéiste, de faire revivre un temps révolu : la chrétienté est entendue comme la réalisation de la « royauté du Christ sur toute la création et, en particulier, sur les sociétés humaines » (CEC n° 2105). Le philosophe Gustave Thibon le traduisait comme « une civilisation où le temporel est sans cesse irrigué par l’éternel ». La Mission en découle, tout naturellement, comme étant la suprême charité faite à autrui. Le Pape François nous invite à « une nouvelle étape d’évangélisation dans la joie », avec « un vrai dynamisme ». Il ajoute : « La vie s’obtient et se mûrit dans la mesure où elle est livrée pour donner la vie aux autres » (Evangelii gaudium, n° 11) ; les « anges gardiens », par leur prière, en feront directement l’expérience. Comment faire le pèlerinage de Chartres des « anges gardiens » ? Les « anges gardiens » pèlerins de Chartres prendront des engagements simples, clairs et adaptés à leur situation : récitation quotidienne de la prière du pèlerinage, et, en fonction des possibilités de chacun, chapelet ou rosaire, messe, confession, œuvre de charité ou acte de pénitence. 218 La prière du pèlerinage, récitée par tous, constituera un lien tangible entre les « anges gardiens » et la colonne. Les « anges gardiens » qui le désirent recevront le livret du pèlerinage et pourront ainsi en suivre les méditations, presque heure par heure. Ils prieront aux intentions du pèlerinage et, réciproquement, pourront confier aux chapitres de la colonne leurs intentions de prières. Localement, les « anges gardiens » pourront prendre l’initiative de se retrouver pour prier ensemble. Un dernier mot ? Dans le contexte actuel, l’urgence est à la prière. Celle-ci est à la portée de chacun, quelle que soit sa situation. Avis donc à tous les cadres et amis du pèlerinage pour recruter des « anges gardiens » dans leur entourage : tout le monde ne peut pas marcher mais tout le monde peut prier !

Responsables : Yves & Brigitte Guigueno ([email protected])

219 NOTES PERSONNELLES

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