LA VÉRITÉ AURA LE DERNIER MOT OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

La République accuse Éd. de la Liberté (épuisé) La Saint-Barthélemy Éd. de Crémille Le Suicide de la flotte française à Toulon Robert Laffont (épuisé) L'Expédition d'Alger, 1830 Cercle du bibliophile Munich ou la Drôle de paix Livre de poche (épuisé) Histoire de la Résistance en France Robert Laffont (en collaboration avec M. Degliame-Fouché et J. - L. Vigier pour les tomes I et II et avec M. Degliame-Fouché pour les tomes suivants) I. La Première Année — II. L'Armée de l'ombre III. Et du Nord au Midi... — iv. Formez vos bataillons ! v. Au grand soleil de la Libération La Vie quotidienne en France au temps du Front populaire (1935-1938) Hachette

La Vie quotidienne des résistants de l'armistice à la Libération Hachette HENRI NOGUÈRES

LA VÉRITÉ AURA LE DERNIER MOT

ÉDITIONS DU SEUIL 27, rue Jacob, VIe ISBN 2-02-008683-2

© ÉDITIONS DU SEUIL, MARS 1985 © ÉDITIONS ROBERT LAFFONT, POUR LES PAGES 15 A 92

La loi du 11 mars 1957 interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contre- façon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. Tout ce qui tend à faire la vérité ne peut être qu'excellent. Émile Zola

Avertissement

Il arrive un moment où, à force d'entendre dire ou de lire le contraire de ce que l'on croit être la vérité, voire de ce que l'on sait, preuves à l'appui, être la vérité, il n'est plus possible de se taire. C'est, très exactement, ce qui m'a conduit — je devrais même dire ce qui m'a contraint — à écrire ce livre tout entier consacré à ce que l'on appelle, par excès de simplification, tantôt l'« affaire » et tantôt l'« affaire de Caluire », c'est-à-dire aux événements qui ont cruellement éprouvé la Résistance française en juin 1943. Il est vrai que Jean Moulin est la plus célèbre des victimes de ces événements — celle aussi qui réunissait le plus de titres et cumulait les plus importantes fonctions. Ancien chef de cabinet de Pierre Cot au temps du Front populaire, Jean Moulin était préfet d'Eure-et-Loir lors de l'arrivée des Allemands en juin 1940. Le 17 juin, arrêté et brutalisé parce qu'il refusait de signer un « protocole » imputant aux tirailleurs sénégalais de l'armée française des violences et des atrocités commises sur des femmes et des enfants Jean Moulin, pour être certain de ne pas céder sous la torture, s'était tranché la gorge à l'aide d'un morceau de verre cassé ramassé sur le sol du cachot improvisé dans lequel on l'avait enfermé. Quelques mois plus tard, il devait être révoqué par le gouvernement de Vichy. Passé en Angleterre, il allait en revenir parachuté dans la nuit de la Saint-Sylvestre de 1941, chargé par le général de Gaulle d'une mission de coordination de la Résistance en zone Sud. Le 22 mars 1943, après un bref séjour à Londres au cours duquel le général de Gaulle lui avait remis la croix de la Libération et l'avait nommé commissaire en mission du Comité français de libération

1. Il s'agissait en fait, Moulin le constatera de visu au hameau de la Taye où les Allemands lui montreront les corps, de civils victimes d'un bombardement. nationale (CFLN), c'est-à-dire ministre du gouvernement constitué à Londres par les Français libres, Jean Moulin était à nouveau en France. Sa mission était, cette fois, beaucoup plus large puisqu'il était devenu le délégué du général de Gaulle pour l'ensemble du pays. Tout en continuant à présider le Comité directeur des Mouvements unis de Résistance (MUR), regroupant les principaux mouvements de zone Sud — « Combat », « Libération » et « Franc-Tireur » —, il allait constituer, conformément aux directives du général de Gaulle, le Conseil national de la Résistance (CNR) rassemblant les principaux mouvements des deux zones ainsi que des représentants des partis politiques clandestins et des principales tendances politiques tradition- nelles. Le 27 mai 1943, voyant ses efforts couronnés de succès en dépit de nombreuses traverses, Jean Moulin présidait, rue du Four, à Paris, la première séance du Conseil national de la Résistance. La personnalité affirmée de Jean Moulin, son rôle, ses fonctions ne doivent cependant pas faire oublier les autres résistants qui ont été, eux aussi, les victimes des arrestations de juin 1943. Même si on limite la liste à ceux qui ont été déportés en Allemagne, il faut mentionner le général Delestraint, chef de l'Armée secrète, qui sera abattu par les SS à Dachau le 19 avril 1945, à la veille de l'arrivée des troupes américaines, le colonel Schwartzfeld, du mouvement lyonnais « France d'abord », et le responsable des Services d'atterrissages et parachutages, Bruno Larat, qui ne reviendront ni l'un ni l'autre de déportation. André Lassagne, professeur de lycée, membre de l'état-major de l'Armée secrète, ainsi que le colonel Gastaldo, adjoint de Delestraint, ne survivront que quelques années à leur retour des camps. Seul, le jeune Théobald réussira à s'évader du convoi l'emmenant de Compiègne en Allemagne 1 Pas plus que de l'affaire Jean Moulin on ne peut se contenter de parler de l'affaire de Caluire. En effet, en dehors de la villa du docteur Dugoujon dans cette localité de la banlieue lyonnaise, les événements de juin 1943 ont eu pour théâtre bien d'autres lieux : les stations de métro Muette et Pompe à Paris, la gare de Chalon-sur-Saône, le fort Montluc et l'École de santé militaire à ou encore la villa de Boemelburg à Neuilly-sur-Seine, pour ne citer que les principaux.

1. Théobald, après son évasion, réussira à atteindre l'Italie, où il fera campagne sous l'uniforme. Tant que cette sombre page de l'Histoire de la Résistance n'avait été évoquée, de façon outrancièrement et grossièrement mensongère, que par Me Jacques Vergès, avocat du Hauptmanführer SS Klaus Barbie, la nécessité de rétablir la vérité historique en rappelant un certain nombre de faits aussi têtus qu'indiscutables ne s'était pas imposée à moi : il s'agissait, il faut bien le dire, de propos sans portée ni valeur, prononcés ou écrits par un homme qui ne cherchait pas à dissimuler leur caractère artificiel et provocateur et qui, surtout, ne versait aux débats qu'il prétendait rouvrir aucun témoignage nouveau, aucun commencement de preuve. De même que les anciens dirigeants de la Résistance pris à partie par Me Vergès et diffamés par lui ont eu bien raison de le traiter par le mépris et de ne pas lui faire l'honneur de le poursuivre et de le faire condamner, de même les historiens ayant particulièrement étudié cette période ont légitimement considéré, sans s'être concertés, que les écrits et les propos de l'avocat de Barbie ne méritaient pas, à eux seuls, une sérieuse mise au point historique. Il en va différemment de cet élément nouveau que constitue l'inter- vention dans le débat de René Hardy. Une intervention qui s'est faite, presque simultanément, sous deux formes : la participation de René Hardy à un film réalisé par M. Claude Bal et intitulé Que la vérité est amère, et la sortie en librairie, sous le titre Derniers Mots 1 d'un gros volume présenté comme étant ses Mémoires. Hardy, pour venir à bout de cet ouvrage, commencé puis interrompu, a été aidé par M. Claude Dubois, et il est impossible de faire le départ entre ce qui a été réellement écrit par René Hardy et ce qui est de la seule plume de M. Dubois, lequel s'est qualifié lui-même de « secrétaire pour la rédaction 2 » de ces Mémoires. Le fait est, en tout cas, que ce livre porte la signature de René Hardy. A la différence de Me Vergès, René Hardy est un témoin. Non seulement parce qu'il se trouvait à Caluire, le 21 juin 1943, lorsque Barbie et ses hommes sont venus arrêter Jean Moulin et les autres

1. Fayard, 1984. 2. Dans une lettre adressée le 2 juillet 1984 au directeur du Matin de Paris, lettre qui m'a été communiquée car j'y étais personnellement mis en cause. résistants convoqués à la réunion qui devait se tenir chez le docteur Dugoujon, mais aussi en raison de ce qu'il avait fait avant cette arrestation — et de ce qu'il devait faire par la suite. Certes, il s'agit d'un témoin d'une fiabilité plus que douteuse. D'abord, parce que l'on peut dire de lui « qui a menti mentira » : déjà une première fois, en 1947, René Hardy s'est, en effet, trouvé contraint d'avouer publiquement un mensonge qui lui avait permis, deux mois plus tôt, d'être acquitté — et voici qu'à nouveau, dans ses plus récentes déclarations, il admet d'autres mensonges... Ensuite, il faut bien tenir compte de l'état dans lequel se trouve aujourd'hui René Hardy. Enfin, René Hardy n'a pas toujours été seulement témoin dans cette affaire. Par deux fois accusé, il a été par deux fois acquitté. Mais ce double acquittement ne saurait en aucune façon constituer une pré- somption de bonne foi pour ce qu'il estime avoir à dire aujourd'hui et qu'il n'a pas dit lors de ses deux procès. Néanmoins, en dépit de toutes ces réserves qu'il fallait formuler et du piètre crédit que l'on peut accorder à René Hardy, c'est bien à lui, d'abord, que ce livre entend répondre : même si l'on considère que les « derniers mots » de René Hardy sont, aussi, ses derniers mensonges, ce sont là, puisqu'ils émanent d'un témoin, des matériaux qui appellent cette discussion historique que la manœuvre de diversion entreprise par le défenseur de Barbie ne pouvait, à elle seule, justifier. A partir du moment où cette discussion sera engagée, rien ne saurait s'opposer à ce qu'elle soit menée à son terme. Elle conduira, par la force des choses, à mettre en évidence le rôle joué par Me Jacques Vergès dans cette affaire — et notamment la part qui lui revient dans cette curieuse entreprise cinématographique dont il est, plus que René Hardy, la véritable vedette et, plus que M. Claude Bal, le meneur de jeu... Mais il serait vain d'aborder ces différents débats — car il y en a plus d'un... — sans mettre préalablement sous les yeux du lecteur les éléments d'information qui lui sont abolument nécessaires. En effet, dans la mesure où ce livre est consacré, pour l'essentiel, aux thèses (et hypothèses) contradictoires, plus ou moins récemment formulées au sujet des arrestations qui ont décapité la Résistance en juin 1943, il faut, avant tout examen critique des versions en présence, commencer par évoquer, de façon aussi précise qu'il est possible de le faire en l'état de la connaissance historique, l'enchaînement des faits ayant conduit à ces arrestations. A défaut de cette mise en situation, il faudrait, en abordant chaque nouvelle étape de la discussion, pratiquer systématiquement un retour en arrière. Ce serait fastidieux. Cette évocation doit donc être préalable. Faite en continuité, une fois pour toutes, elle doit respecter scrupuleusement la chronologie. Enfin, elle doit offrir au lecteur des garanties d'objectivité. Certes, prétendre à l'objectivité absolue n'est qu'une manifestation d'outrecuidance... Mais l'objectivité relative est, elle, aisément accessi- ble. Elle consiste, en l'occurrence, à faire en sorte que le récit proposé n'ait subi en aucune façon l'influence des « révélations », des interpré- tations et des déductions qui vont faire l'objet de la discussion. Pour qu'il en soit ainsi de façon indiscutable, le mieux est que cette relation ait été écrite avant que n'aient été rendues publiques les thèses soutenues par MM. Bal et Vergès et les Derniers Mots de René Hardy. C'est pour cette raison que le « Rappel historique » par lequel commence ce livre n'est rien d'autre que la reproduction fidèle, sans modification, suppression ni addition, de l'essentiel du chapitre consa- cré, dans mon Histoire de la Résistance en France, aux événements survenus en juin 1943. Entre ce prologue historique et le reste de l'ouvrage, la différence de ton — et même, peut-on dire, d'écriture, encore qu'il s'agisse bien de la même plume — est évidente. Sans doute n'était-il pas inutile de le souligner, d'autant que le lecteur passera, sans transition, de cet exposé préalable des faits à ce qui constitue l'objet véritable de ce livre : - Une première partie entièrement consacrée aux « derniers mots » de René Hardy, ceux recueillis par M. Bal, ceux publiés par Fayard, mais aussi ceux confiés, au cours de quatre heures d'entretien en tête à tête, à Henri Amouroux. - Une deuxième partie dans laquelle seront évoqués non seulement la participation privilégiée de Me Jacques Vergès au film de M. Claude Bal, mais aussi les ouvrages publiés sous la signature de l'avocat de Klaus Barbie, ainsi que les déclarations nombreuses — et parfois contradictoires — faites par lui à la presse, à la radio, à la télévision. Un certain nombre de documents, en partie inédits, figureront en annexes. Leur choix procède d'une seule préoccupation, celle qui m'a guidé en écrivant ce livre : faire en sorte que la vérité ait le dernier mot.

RAPPEL HISTORIQUE

Juin 1943

Dans les derniers jours de 1972, lorsque j'ai signé le bon à tirer du troisième tome de l de la Résistance en France, près de quatre années s'étaient écoulées depuis la parution du volume précédent. Plus du tiers de ce temps avait été consacré à rassembler et à articuler des matériaux historiques qui n'allaient même pas occuper la dixième partie de ce tome III : moins d'un chapitre sur onze, et soixante-cinq pages sur plus de sept cents... Avec Marcel Degliame-Fouché, compagnon de la Libération, qui était en 1943, à Lyon, un des dirigeants de « Combat » et des Mouvements unis de Résistance, nous nous étions promis de ne livrer ce troisième volume au public qu'après avoir reconstitué le plus complètement et le plus objectivement possible l'enchaînement fatal qui, de Lyon à Chalon, Paris et Caluire, du métro Muette à la villa du docteur Dugoujon, avait fait du mois de juin 1943 l'un des mois les plus sombres d'une histoire cependant fertile en drames de toutes sortes. Dix ans plus tard, mettant à jour l'édition revue et complétée de ce volume, je n'ai ajouté à ces soixante-cinq pages que vingt lignes, extraites d'une lettre qui m'avait été adressée, après la publication de la première édition, par le général André Devigny. Fallait-il en déduire, comme l'a fait tout récemment le journaliste anglais Tom Bowes 1, qu'il s'agissait d'une « étude exhaustive » ? Sincè- rement, je ne le pense pas — et, s'il en était besoin, le présent livre suffirait à démontrer qu'il n'en est rien... Nous avions simplement proposé au lecteur un résumé, un condensé, de ce que l'on pouvait en 1972 — et encore en 1982 — tenir pour acquis concernant les événements de juin 1943.

1. Tom Bowes, Klaus Barbie, itinéraire d'un bourreau ordinaire, Calmann-Lévy, 1984. Exhaustif n'est d'ailleurs pas un mot dont l'historien puisse se satisfaire : le propre de l'Histoire n'est-il pas, justement, d'offrir aux chercheurs un champ dont nul ne pourra jamais affirmer avec certitude qu'il ait été complètement et définitivement exploré ? Cela ne veut pas dire, pour autant, que je renie les pages dans lesquelles, il y a douze ans, nous nous étions proposé de « reconstituer les faits dans leur enchaînement chronologique, tels qu'ils nous semblaient s'être réellement produits, même si, sur le moment, les principaux acteurs du drame les avaient en partie ignorés ». Eût-il mieux valu, pour sacrifier au culte de l'inédit, refaire ce qui avait été fait avec soin et minutie, quitte à se démarquer, se paraphraser — et, pourquoi pas, se plagier — soi-même ? J'ai estimé que le respect du lecteur, celui d'hier comme celui d'aujourd'hui, commandait une autre démarche. J'ajoute qu'il m'est agréable de voir ainsi, une fois de plus, la signature de Marcel Degliame-Fouché associée à la mienne. Voici donc, sur cette affaire de Caluire, ce que nous étions en mesure d'écrire en 1972 1 au moment où venaient d'être livrés au public, avec la publication des pseudo-Mémoires de Barbie et après les réactions que ces « révélations » avaient suscitées, des éléments d'information nou- veaux...

Au fil des trois années qui se sont écoulées depuis que l'armistice de juin 1940 a légitimé la Résistance française, chaque mois a apporté à celle-ci plus d'épreuves, de souffrances et de deuils. Arrestations, mesures de représailles, parodies de procès, tortures, exécutions, déportations... ce sont déjà par milliers que se comptent les héros, par dizaines de milliers que se dénombrent les victimes. Juin 1943 ajoutera d'autres noms à ces listes. Mais nul ne sera surpris ni choqué si nous commençons par en retenir deux. Deux héros parmi d'autres, sans doute, mais aussi deux hommes qui, ayant accédé aux

1. Henri Noguères, en collaboration avec Marcel Degliame-Fouché, Histoire de la Résistance en France, Robert Laffont, t. III, édition revue et complétée (septembre 1982). responsabilités les plus hautes, vont tomber l'un et l'autre, victimes de la trahison, entre les mains de l'ennemi. Le 9 juin, le général , chef de l'Armée secrète, sera arrêté à Paris. Le 21 juin, Jean Moulin, membre du Comité national français dont il est le délégué pour l'ensemble de la France, président du Comité directeur des MUR 1 et président du Conseil national de la Résistance, sera arrêté dans la banlieue de Lyon. Perdant ainsi, à douze jours d'intervalle, le chef militaire dont la mission vient d'être définie et acceptée et le chef civil et politique dont l'autorité vient d'être reconnue et consacrée, la Résistance française aura subi le coup le plus rude qui lui ait encore été porté par la Gestapo. Cette double arrestation ou, plus exactement, cette double série d'arrestations, puisque aussi bien avec Delestraint qu'avec Jean Moulin d'autres dirigeants de la Résistance seront capturés, donnera lieu, dans les jours et les mois qui vont suivre et, pendant des années encore, après la Libération, à des enquêtes, menées d'abord par les résistants eux-mêmes, puis par le parquet et la police. Enquêtes qui aboutiront en 1947 et 1950 à deux retentissants procès. Ce sera — car il faut appeler les choses par leur nom — l'« affaire Hardy ».

CHOSE JUGÉE ?

Ces enquêtes et, surtout, ces procès, nous n'avons nullement la prétention de les refaire. Notre seul souci est, ici encore, d'informer nos lecteurs, aussi complètement et aussi objectivement que possible. Pour y parvenir, nous pensons que l'historien, disposant, après plus d'un quart de siècle, d'éléments d'information qui ont été peu à peu révélés, doit user pleinement du privilège qui est le sien. Ce qui revient à dire que nous nous efforcerons de reconstituer les faits dans leur enchaînement chronologique tels qu'ils nous semblent s'être réellement

1. Mouvements unis de Résistance. produits, même si, sur le moment, les principaux acteurs du drame les ont en partie ignorés. Bien entendu, chaque fois que subsisteront des incertitudes, des zones d'ombre — ou des différences d'interprétation —, nous ne manquerons pas de les signaler. Et cela nous conduit à évoquer, très librement, les questions que certains nous ont par avance posées, et d'abord celles-ci : « A quelles conclusions allez-vous aboutir ? Quelle thèse allez-vous retenir ? » Il serait trop facile d'éluder ces questions en se contentant de s'abriter derrière l'autorité de la chose jugée. Beaucoup de ceux qui ont adopté cette attitude commode l'ont d'ailleurs souvent nuancée d'hypocrisie, car les termes mêmes dans lesquels ils affirmaient s'incliner devant deux arrêts de justice définitifs laissaient supposer qu'ils auraient eu beau- coup à dire si la loi ne leur avait imposé d'accepter sans discussion la « chose jugée ». D'autres, au contraire, n'ont pas craint de rejeter publiquement la décision des juges, cherchant à faire partager leur amère certitude plus qu'à entrer dans le jeu trop subtil des preuves et contre-preuves. Ils ont pu le faire sans courir de risques : le silence — et, pourrait-on dire, le respect— avec lequel ont été accueillies ces protestations, dès l'instant où elles étaient exprimées par des proches des victimes des arrestations des 9 et 21 juin 1943, montre qu'il n'est pas toujours possible, ni peut-être souhaitable, d'imposer, avec toute la rigueur voulue par la loi, le respect de la chose jugée. Nous n'avons ni les mêmes arrière-pensées que les premiers ni les mêmes excuses que les seconds. Mais nous croyons avoir, par contre, comme anciens résistants tentant d'écrire de leur mieux l'Histoire de la Résistance sous le contrôle des survivants plus encore que comme historiens, des devoirs. Le premier nous impose de dire ici très librement, sans souci formaliste de la chose jugée, notre sentiment sur les événements au sujet desquels, à deux reprises, la justice s'est prononcée. Non pour épiloguer sur l'innocence ou la culpabilité d'un homme qui a été par deux fois acquitté, mais plus simplement parce que les faits évoqués au cours des débats de ces deux procès appartiennent à l'Histoire, par-delà la justice — et à la Résistance, par-delà l'Histoire. « FICTION LÉGALE »

La première de ces deux décisions — celle rendue le 24 janvier 1947 par la cour de justice de la Seine — n'a plus aujourd'hui, historique- ment, sinon juridiquement, la moindre signification ni la moindre portée. En effet, deux mois, jour pour jour, après son acquittement, René Hardy, confondu par de nouveaux témoignages, devait reconnaî- tre qu'il avait menti à ses premiers juges sur un point essentiel. Plaidant devant le tribunal militaire, lors du second procès Hardy, Maurice Garçon évoquera « le scandale causé par la découverte du mensonge qui avait fait absoudre * » son client. Que pouvait-il rester, après cette constatation d'un lien de cause à effet entre le mensonge de René Hardy et son acquittement, d'une décision de justice réputée définitive ? C'est encore Maurice Garçon qui l'a dit mieux que nous ne pourrions le faire :

La chose jugée crée une fiction légale nécessaire, mais elle ne constitue qu'une présomption de vérité qui n'est que judiciaire. Elle acquiert une force irrévocable, parce que l'ordre social est intéressé, lorsque la justice s'est prononcée, à ne pas laisser renaître les mêmes conflits ; mais je reconnais que la chose jugée, qui est l'expression d'une vérité humaine, est faillible, et qu'elle ne satisfait pas toujours la conscience. Lorsque, au lendemain d'un acquittement, on découvre que l'argument principal, qui a peut-être emporté la conviction, ne repose que sur une affirmation mensongère, ce n'est pas la notion du respect de la chose jugée qui fournit un apaisement à l'âme. L'homme, fût-il innocenté par la justice, demeure accablé par le mépris et condamné dans les cœurs **.

Et Maurice Garçon, qui avait commencé par souligner que l'on avait rouvert, devant les juges militaires, « un débat que le Droit ne

1. Les notes appelées par un astérisque sont réunies à la fin de cet ouvrage, p. 241, et donnent les sources des citations. permettait pas d'engager », ajoutait néanmoins qu'il acceptait « de discuter même ce qui ne pouvait être jugé »... Cette attitude exemplaire — et trop rare — d'un défenseur s'interdi- sant de recourir à la protection formelle que la loi assurait à son client devait donner au verdict rendu le 8 mai 1950 par le tribunal militaire permanent de Paris une valeur objective qui dépassait les questions auxquelles les juges étaient appelés à répondre 1 Il n'en reste pas moins que, après avoir entendu évoquer dans son ensemble une affaire dont ils n'avaient théoriquement à connaître que sous un angle limité et précis, les juges militaires n'ont finalement statué, en leur âme et conscience, que sur les chefs d'accusation qui leur étaient soumis. Mais surtout, s'agissant de ce deuxième procès, la chose jugée reste l'« expression d'une vérité humaine » qui demeure à nos yeux d'autant plus faillible que l'on a cru devoir soumettre à des tribunaux militaires du temps de paix des affaires — car il y en eut d'autres — qui exigeaient une connaissance et une compréhension de la vie clandestine, de ses servitudes, de son climat, que l'on n'était pas assuré de trouver chez tous les juges militaires... et pour cause. C'est assez dire que nous n'entendons faire de cette « fiction légale » ni le mauvais prétexte d'un escamotage du problème posé ni le trop facile alibi permettant d'exprimer sans risques des sous-entendus malveillants. Si nous devions aboutir, à propos de cette affaire, à une conviction profonde, absolue, étayée sur des preuves irréfutables, des faits nouveaux indiscutables, à une confortable et manichéenne vision de la culpabilité totale ou de l'innocence absolue, nous n'hésiterions donc pas à proclamer cette conviction, à nos risques et périls, dût-elle contredire la sacro-sainte « chose jugée ». Mais il n'en sera pas ainsi. Ne serait-ce que parce que notre propos n'est pas, répétons-le, de refaire les procès Hardy. Et, moins encore, d'entrer dans le système d'une juridiction dont nous pensons qu'elle se

1. Du fait même de la « chose jugée », l'arrêt de renvoi devant le tribunal militaire ne retenait, contre René Hardy, que cette double accusation : 1 Livraison à des agents d'une puissance étrangère de documents ou renseignements réputés secrets de la Défense nationale. 2) Non-révélation d'une part, de projets, actes d'espionnage ou de trahison dont il avait connaissance ; d'autre part, de l'activité d'individus avec lesquels il s'était trouvé en relation et dont il avait pu se rendre compte qu'elle était nuisible à la Défense nationale *. fût grandie en se déclarant incapable de connaître et de juger une telle cause, juridiction s'appuyant sur une législation, une procédure et une jurisprudence dont les auteurs, étrangers par vocation à toute vie clandestine et illégale, ne pouvaient prévoir qu'elles s'appliqueraient un jour, artificiellement, à de tels problèmes. Pour ce que l'on a appelé l'affaire Hardy, il ne peut y avoir, selon nous, d'autre « chose jugée » que le verdict rendu secrètement, en son âme et conscience, par chaque ancien résistant, sans omettre René Hardy lui-même dont nul n'a le droit de minimiser les titres de résistance. Par chaque ancien résistant apportant dans les plateaux de la balance non seulement ce que l'on nomme les « faits de la cause », que nous allons, honnêtement, nous efforcer de rassembler, mais aussi d'autres éléments d'appréciation, dont l'importance n'est pas moins grande et que les juges militaires ne pouvaient tous connaître. Des éléments en tête desquels figure cette sorte de loi martiale non écrite qui fut appliquée impitoyablement, sans trouble de conscience, chaque fois que, ayant acquis la certitude d'une trahison, voire d'une défaillance lourde de conséquences, la Résistance a estimé devoir exercer sa propre justice.

LES FABULATIONS DE BARBIE

Une autre question, enfin, nous a été posée, plus récemment, lorsque les circonstances ont fait que, brusquement, les projecteurs de l'actua- lité se sont trouvés braqués à nouveau sur les principaux protagonistes de l'affaire Hardy. Elle peut se résumer ainsi : « Doit-on attribuer un quelconque crédit aux sensationnelles " révélations " faites par Barbie- Altmann au journaliste brésilien Ewaldo Dantas-Ferreira ? » Notre réponse, sur ce point également, sera nette. Et motivée. Sans aller jusqu'à attacher aux dernières déclarations de Barbie une importance que rien, de la première à la dernière ligne, ne justifie, nous pensons qu'il est, malheureusement, impossible de s'en tenir, à leur sujet, au mépris silencieux qu'elles méritent. Et cela en raison de la fracassante publicité qui a accompagné leur publication dans le quotidien issu du journal clandestin Défense de la France et devenu, tout au moins par le tirage, l'un des plus grands journaux français. Approuvant cette publication, Marie-Madeleine Fourcade, qui sem- ble s'estimer habilitée à parler « au nom de la Résistance », a, certes, souligné que Barbie n'a pas dit « toute la vérité ». Même en ajoutant « loin de là... » comme elle l'a fait, c'est un fâcheux euphémisme. Il est vrai qu'elle ne reproche à Barbie que d'avoir « feint d'ignorer son activité tortionnaire * » — ce qui pourrait donner à entendre, par déduction logique, que cette omission constitue, dans le récit de Barbie, la seule atteinte à la vérité. Nous préférons croire que, si la « Résistance », ou tout au moins ce qu'il en reste, en dépit de Barbie et de ses semblables, avait été à même (comme semble l'avoir été son « porte-parole ») de procé- der à un examen préalable, critique et historique de ces textes, elle eût jugé suffisant de dresser constat de l'accumulation d'erreurs grossiè- res et de mensonges flagrants qu'il était aisé d'y déceler. Et qu'elle eût préféré dénoncer, au lieu de la cautionner, une opération dont la consé- quence la plus certaine aura été le versement par journaliste brési- lien interposé, au compte en banque d'un criminel de guerre aux abois, d'une confortable subvention dont il avait le plus évident besoin. Notre conviction est que la publication de ces pseudo-Mémoires de Barbie n'était ni historiquement utile ni moralement souhaitable. Mais force est bien de constater que le retentissement de mauvais aloi qui a accompagné cette publication interdit désormais de l'ignorer. D'autant que René Hardy lui-même, estimant que ces fabulations méritaient réponse — et renonçant, une fois de plus, à s'abriter derrière la « chose jugée » —, a préféré à un débat judiciaire la large hospitalité qui lui était offerte par le journal qui avait ouvert ses colonnes à Barbie. Les trois copieux articles publiés par René Hardy sous son propre copyright 1 sont autant de pièces versées à un dossier auquel les déclarations de Barbie n'avaient ajouté aucun élément nouveau méri- tant d'être pris en considération. Il va de soi que nous utiliserons ces textes récents de René Hardy chaque fois qu'ils seront de nature à compléter le récit chronologique

1. Cf. France-Soir des 1 2 et 3 juin 1972. des faits, ou à apporter sur ceux-ci un éclairage différent de celui donné par les autres témoignages 1

MULTON ET MOOG A LYON

Venons-en aux faits. Et, pour certains d'entre eux, à un point de départ qui se situe encore dans les derniers jours de mai. C'est, en effet, le 24 mai que Dunker-Delage, chef du SD 2 de , a mis à la disposition de la section IV de la Gestapo de Lyon — et, plus particulièrement, du SS Klaus Barbie — le « contre-agent » Multon 3 Ce dernier vient de permettre aux Allemands de réaliser quelques coupes sombres dans les rangs de la Résistance du Sud-Est. Dunker pense, avec juste raison, que son contre-agent est devenu pratiquement inutilisable à Marseille, où son signalement est connu de toute la Résistance, mais peut encore rendre d'appréciables services à Lyon. En effet, du temps où Multon était, sous le pseudonyme de Lunel, l'homme de confiance de Chevance- il avait eu l'occasion de rencontrer à Marseille de nombreux résistants venant de la « capi- tale » de la Résistance en zone Sud. Multon, lorsqu'il arrive à Lyon, n'est pas seul. Un autre contre-agent

1. Nous avons, à plusieurs reprises, rencontré René Hardy afin de recueillir son témoignage direct sur un certain nombre de points encore controversés ou insuffi- samment élucidés. Au terme d'un dernier entretien qui a occupé toute la journée du 6 mai 1972, nous avons communiqué à René Hardy le compte rendu détaillé de nos conversations ainsi que l'énumération d'une série de notes dont il nous avait dit qu'il souhaitait les rédiger à notre intention et la liste des documents qu'il s'était engagé à nous communiquer. René Hardy, à la réception de ce courrier. nous avait confirmé verbalement son accord. Nous n'avions, néanmoins, reçu, au moment où cet ouvrage a été mis sous presse, ni les notes annoncées ni les documents promis. Nous pensons toutefois, très objectivement, qu'ils n'auraient été de nature à modifier considérable- ment ni l'économie de ce chapitre ni sa conclusion. 2. Sicherheitsdients (Service de sécurité SS). 3. Barbie se vantera (en 1972) d'avoir personnellement arrêté et « retourné » Multon. C'est inexact. Multon a été arrêté à Marseille par Dunker le 27 avril 1943 et son « retournement » — également imputable à Dunker — était chose faite dès le 30 avril. l'accompagne : Robert Moog Les deux hommes opèrent ensemble, mais il est possible que cette étroite et constante collaboration corres- ponde, en fait, à une surveillance. C'est en tout cas cette hypothèse qui a été retenue par René Hardy. Ce dernier voit en Moog un véritable « espion de l'Abwehr auprès du SD * ». Il est exact que, tandis que Multon n'a de rapports qu'avec les hommes de la Gestapo : Dunker à Marseille, Barbie à Lyon, Moog est, lui, depuis un an déjà, sous le matricule K 30, un agent de l'Abwehr de Dijon où son officier traitant est le lieutenant Eugen Kramer. C'est d'ailleurs pour le compte de l'Abwehr que Moog, sous le pseudo de Boby, a été infiltré dans le réseau d'André Devigny dont il a organisé et dirigé lui-même l'arresta- tion à Annemasse :

J'ai été effectivement arrêté à Annemasse le 17 avril 1943, nous écrira André Devigny, par Robert Moog venu de Lyon en zone d'occupation italienne avec deux autres agents de la Gestapo. Ce fut la première arrestation opérée par les Allemands en Haute- Savoie. Moog avait été recruté à Toulouse, alors qu'il exerçait les fonctions de contremaître à la Poudrerie Nationale, par l'un de mes agents, le Lieutenant Hitter qui me l'avait amené à plusieurs reprises à Lyon **.

LA « BOÎTE DUMOULIN »

Moog et Multon, à Lyon, l'un surveillant peut-être l'autre, vont être utilisés non seulement pour « monter » un certain nombre d'opérations à partir des adresses et des renseignements dont ils disposent eux- mêmes 2 mais aussi pour aider Klaus Barbie à identifier des résistants sur lesquels la Gestapo lyonnaise a déjà recueilli des informations 3

1. Ancien contremaître à la poudrerie de Toulouse, Moog est généralement considéré comme ayant été, lui aussi, un agent français des services allemands. Toutefois René Hardy parle de « l'Allemand (?) Moog *** ». 2. Ce fut le cas, notamment, pour l'arrestation de Marie Raynouard et celle de Berty Albrecht. 3. Une des principales sources d'information sur les activités de Multon — source allemande, donc à ne pas utiliser sans réserves — est le fameux « rapport Flora » établi le 19 juillet par la Gestapo de Marseille. Au centre des préoccupations de Klaus Barbie figurent Combat et l'Armée secrète (que le rapport Kaltenbrunner du 27 mai ne dissocie guère) ; le COPA 1 contre lequel une première opération a été déclen- chée en avril, aboutissant à l'arrestation de Monjaret ; la Délégation ; le NAP-FER enfin, dont la « boîte aux lettres » lyonnaise, chez Mme Dumoulin, 14, rue Bouteille, est connue et contrôlée depuis le début du mois de mai.

Multon, précise René Hardy, ne connaissait pas 3 les « boîtes aux lettres » des sabotages pour lesquels les messages m'étaient adressés. Ce renseignement lui fut fourni le 7 mai 1943 par un responsable des liaisons de Marseille passé à l'ennemi, de Couster *.

Multon a été notamment chargé de surveiller la « boîte Dumoulin » et d'y relever le courrier. Mais cette surveillance n'aurait dû, théorique- ment, entraîner aucune conséquence fâcheuse pour la Résistance :

Il ignore, écrit Hardy, que j'ai avisé mes correspondants depuis le début de mai, et notamment le chef de l'état-major de l'Armée Secrète, Aubry, de ne plus utiliser [cette boîte aux lettres] pensant qu'elle pouvait être grillée après les arrestations du Sud-Est **.

C'est là cependant que Multon va trouver, dans les premiers jours de juin, un message en clair 4 signalant à Didot, c'est-à-dire à René Hardy, chef du NAP-FER, détaché depuis le 6 mai par le CD 5 des MUR auprès de l'état-major de l'Armée secrète, que Vidal 6 lui fixe rendez-vous pour le 9 juin à Paris au métro Muette. Il avait été question de ce rendez-vous le 29 mai, au cours d'une rencontre entre Delestraint et Henry Aubry, devenu chef d'état-major

1. Centre des opérations de parachutage et d'atterrissage en zone Sud (précédem- ment nommé Service des opérations aériennes et maritimes — SOAM). 2. Branche spécialisée dans les chemins de fer du service NAP (Noyautage des administrations publiques). 3. Contrairement aux affirmations de Barbie. 4. Non codé. 5. Comité directeur. 6. Les Allemands n'ignorent pas que ce pseudonyme est celui du chef de l'Armée secrète (le général Delestraint). de l'Armée secrète à la suite de l'arrestation de Morin-Forestier. Delestraint souhaite en effet connaître la réponse de René Hardy à qui il a offert le poste de chef du 3e bureau de l'Armée secrète.

Il [Delestraint] me demande, nous a dit Aubry, de voir Hardy le 9 juin à Paris. Si je ne m'abuse, c'est bien le 9 juin à Paris, au métro Muette. Gastaldo 1 y sera aussi *.

IMPRUDENCE ET NÉGLIGENCE

Delestraint a laissé le soin de convoquer Hardy à Aubry qui, lui-même, a chargé sa secrétaire, Mme Raisin 2 de faire le nécessaire. C'est donc elle qui rédige le message en clair et va le déposer à la boîte aux lettres de la rue Bouteille.

Mme Raisin, affirme René Hardy, avait cependant prévenu Aubry que cette boîte était grillée. Il négligea l'avertissement. Mais cependant il lui dit quand elle revint : « Alors vous avez eu de la chance, les Allemands étaient dans la maison **. »

Ainsi, selon Hardy, Mme Raisin, avant de se rendre rue Bouteille, aurait mis Aubry en garde contre le risque que représentait cette boîte aux lettres brûlée ; Aubry l'y aurait néanmoins envoyée avec un message en clair — et, à son retour, se serait étonné qu'elle n'ait pas été arrêtée. Il y a des limites à l'invraisemblance. Qu'Aubry ait été, en l'occur- rence, d'abord imprudent, puis négligent, cela ne fait aucun doute. Que cette imprudence et cette négligence soient l'une et l'autre sans excuse — et que leurs conséquences accablent et condamnent leur auteur —, cela ne peut davantage être sérieusement contesté. L'imprudence consistait à faire déposer dans une boîte aux lettres, quelle qu'elle soit — même si l'on pouvait la croire sûre —, une

1. Chef du 2 bureau de l'AS, le capitaine breveté Joseph Gastaldo était à l'origine de la désignation du général Delestraint comme chef de l'Armée secrète : c'est lui qui avait présenté Delestraint à Frenay. 2. Mme Raisin était l'épouse d'un officier engagé dans les FFC. convocation comportant des précisions de noms, de date, d'heure et de lieu sans s'être assuré que les mots clés étaient codés. Quant à la négligence — plus grave encore et revêtant le caractère d'une faute très lourde —, Aubry s'en est rendu coupable en « oubliant » de prévenir non seulement le général Delestraint mais aussi René Hardy qu'ils devaient annuler leur rendez-vous du 9 juin dès l'instant où le message avait été déposé dans une boîte aux lettres brûlée. Mais affirmer, comme le fait Hardy, qu'Aubry, préalablement mis en garde par sa secrétaire, aurait néanmoins enjoint à celle-ci de se rendre rue Bouteille et d'y déposer — au risque de tomber elle-même dans une souricière — un message immédiatement intelligible qui, selon toute probabilité, serait lu par les Allemands, c'est, on en conviendra, aller bien au-delà des notions d'imprudence ou de négligence. C'est, en fait, accuser Aubry — ce que l'on n'a pas fait de son vivant — d'avoir délibérément livré aux Allemands le rendez-vous de la Muette, et l'accuser aussi d'avoir, en connaissance de cause, envoyé Mme Raisin dans une souricière 1 C'est, accessoirement — ce qui suffirait à souligner l'invraisemblance du propos —, admettre que Mme Raisin avait pu non seulement accepter de se rendre complice d'un acte de trahison, mais encore risquer dans l'affaire sa liberté et peut-être sa vie. Nous ne pensons donc pas que, sur ce point, les affirmations avancées par Hardy puissent être prises au sérieux. Mieux vaut s'en tenir aux termes mêmes dont s'était servi Maurice Garçon après l'audition, comme témoins, de Mme Raisin et d'Henri Aubry :

Aubry, devait-il dire, chargea sa secrétaire, Mme Raisin, de prévenir Hardy et la jeune femme rédigea en clair — les imprudents ! — un billet qu'elle déposa à Lyon dans la boîte de Mme Dumoulin. (...) Or la boîte de Mme Dumoulin était connue, perquisitionnée et surveillée par les Allemands depuis la veille. Aubry le savait, la preuve en est rapportée par le témoignage de Mme Raisin. Lorsqu'elle revint et dit ce qu'elle avait fait, Aubry s'exclama : « Vous êtes allée mettre la lettre dans cette boîte ! malheureuse, vous avez de la chance d'être revenue, la Gestapo était dans la maison (...). »

1. Il n'apparaît pas que ces graves accusations aient été formulées, soit par René Hardy, soit par Maurice Garçon, lorsque Aubry s'est trouvé à la barre des témoins. Mme Raisin avait échappé au danger, mais la lettre était entre les mains de l'ennemi *.

On le voit, pour Maurice Garçon, cela ne faisait aucun doute : Aubry n'avait su que le message avait été déposé rue Bouteille que lorsque Mme Raisin était revenue et lui avait dit ce qu'elle avait fait. Hardy ajoutera encore :

Sachant cela, Aubry n'informa pas le général Delestraint le 4 juin 1943 quand il le rencontra à Lyon **.

Si ce nouveau détail était exact, la responsabilité d'Aubry, déjà sérieusement engagée, serait singulièrement aggravée. Mais il n'appa- raît pas — à notre connaissance — que Delestraint et Aubry aient pu se rencontrer à Lyon le 4 juin. Sans doute Delestraint était-il bien à Lyon ce jour-là 1 mais Aubry, lui, n'y était pas : il se trouvait à Marseille auprès de sa femme, immobilisée dans une clinique. Là encore, il semble donc que l'on puisse — que l'on doive — s'en tenir à la version donnée par le propre défenseur de René Hardy :

Par une négligence impardonnable, dira Maurice Garçon, Aubry oublia de prévenir et d'annuler le rendez-vous. Avec inconscience il partit pour une autre ville et ne se préoccupa plus de rien ***.

HARDY PREND LE TRAIN

Ce qui, par contre, n'a jamais été mis en doute, c'est le fait que René Hardy ait ignoré avoir été invité par Delestraint à le rencontrer à Paris le 9 juin. On admettra sans peine, en effet, que, dès l'instant où Hardy a signalé à tous ses correspondants éventuels que la boîte Dumoulin était brûlée, il a, pour sa part, cessé de la faire relever.

1. Un de ses agents de liaison, l'étudiant en médecine François Guillin, précisera : « Le samedi 5 juin, le général prit le train pour Paris à Perrache vers 16 heures. Je l'ai accompagné à son wagon * * * *. » L'affaire Vergès... Parlons-en !

PAR HENRI type="BWD" Président de la Ligue des Droits de l'Homme

A lire la grande presse, à écouter la radio, à suivre les émissions de la télévision, on pourrait croire qu'il n'y a plus, qu'il n'y aura plus jamais d'affaire Barbie, celle-ci ayant été définitivement remplacée par une autre affaire, beaucoup plus importante : l'affaire Vergès. C'est l'avocat du SS Barbie qui a fait, à ses risques et périls, ce qu'il fallait pour prendre ainsi la relève. Sans écouter ceux qui nous ont dit et répété « ne répondez pas à Vergès... ne lui faites pas ce plaisir, c'est tout ce qu'il souhaite... », et tout en sachant qu'ils ont probablement raison, c'est bien de M. Jacques Vergès et de l'« affaire Vergès » que nous allons parler. Non sans avoir, cependant, écarté une objection préjudicielle... Il est indiscutable que tout ce que M. Vergès a pu dire ou écrire ces temps derniers, notamment à la suite de son intervention fracassante, le 12 novem- bre, devant la caméra d'Antenne 2, il ne l'a dit et écrit qu'en faisant état de sa qualité d'avocat, usant — ou prétendant user — des droits de la défense. C'est là un domaine dans lequel la Ligue des Droits de l'Homme peut se prévaloir d'une longue et glorieuse tradition. Née en 1898 à l'occasion, très précisément, d'un des plus grands procès de notre histoire judiciaire : le procès Zola, et s'étant placée délibérément, dès le premier jour, aux côtés de Labori, la Ligue n'a plus jamais cessé de combattre pour que soient reconnus, respectés et librement exercés tous les droits que peuvent revendiquer ceux qui ont fait de la défense autre chose qu'une profession parmi d'autres. D'âpres batailles, en quatre-vingt-cinq années, ont marqué ce combat. M. Vergès, qui n'a pas toujours consacré son talent à défendre des nazis, pourrait en citer quelques-unes auxquelles il a été directement mêlé. Qu'il s'agisse des retombées judiciaires de la guerre d'Algérie, de l'extradition de Klaus Croissant ou de l'exercice des droits de la défense dans l'institution militaire, la Ligue des Droits de l'Homme n'a jamais, à aucun moment, dévié de sa ligne, composé avec le pouvoir quel qu'il soit, admis des accommodements avec les principes, voire simplement péché par omission ou par négligence complice, dès lors que les droits de la défense étaient en cause. Nous n'en sommes que plus à l'aise, aujourd'hui, pour faire le départ entre ce qui doit être respecté et protégé, parce que cela fait partie de l'exercice des droits de la défense, et ce qui mérite d'être dénoncé et stigmatisé comme un véritable détournement de ces droits. Un détourne- ment d'autant plus grave qu'il s'exerce au détriment de tous les avocats qui usent loyalement, eux, du privilège de parole reconnu aux défenseurs. Ayant accepté — ce qui était son droit le plus strict — d'assurer la défense du nazi Klaus Barbie, M. Vergès était dans son rôle en prétendant que les conditions dans lesquelles Barbie avait été arrêté et transféré à Montluc étaient illégales ; la Cour de cassation, par un arrêt solidement motivé, lui a répondu. Qui songerait à faire grief à l'avocat de Barbie d'avoir fait, et même d'avoir renouvelé cette tentative ? De même, M. Vergès est inattaquable lorsqu'il affirme que la pièce maîtresse du dossier Barbie est un faux. Certes, il lui restera à l'établir... Mais s'il croit vraiment que cette pièce a été effectivement forgée pour les besoins de l'accusation, il a le devoir de le dire. Il n'y aurait donc pas d'« affaire Vergés » si celui-ci s'était cantonné dans son rôle d'avocat. Mais tel n'a pas été le cas, bien loin de là. M. Vergès sait mieux que personne dans quelles limites strictes sera maintenu le procès Barbie. Il n'ignore pas que ces limites existent parce que la France est un État de droit, dans lequel la chose jugée, la prescription de la peine, ia prescription du crime sont autant de règles que les juridictions ont le devoir de respecter d'autant plus scrupuleusement, religieusement, que ces règles ont été édictées, essentiellement, dans l'intérêt des inculpés, des accusés. Pour sortir de ces limites et évoquer l'affaire de Caluire, l'arrestation et la mort de Jean Moulin, M. Vergès a trouvé un prétexte... qui n'est qu'un mauvais prétexte. Prétendant que les juges, lorsque Barbie comparaîtra devant eux, ne voudront voir en lui que l'assassin de Jean Moulin, M. Vergès estime devoir laver son client de toute responsabilité dans ce crime de guerre qui ne lui sera cependant pas reproché. C'est, par avance, faire insulte aux juges et jurés que de les estimer incapables de remplir loyalement leur office, incapables de s'en tenir à la cause qui sera soumise à leur appréciation, incapables, enfin, de faire abstraction du sort de Jean Moulin alors qu'ils auront à juger un homme à qui l'accusation reproche d'avoir commis des crimes contre l'humanité ayant fait 949 victimes actuellement dénombrées — et la liste n'est hélas pas close (791 déportés, dont au moins, avec certitude, 52 enfants, 19 personnes torturées, 139 personnes massacrées ou fusillées)

1. Au moment où cet article a été publié, on ignorait encore combien de dossiers seraient finalement retenus par le juge Riss. Si M. Vergès tient aujourd'hui pour négligeables ces 949 victimes et préfère ne parler que de la mort de Jean Moulin c'est parce que la défense de Barbie — manifestement passée au deuxième plan de ses préoccupations — lui permet de jouer son rôle, qui n'est pas négligeable, dans une entreprise politique où se réalise la conjonction entre l'ultra-gauche et l'ultra-droite, entreprise de banalisation, voire de négation des crimes nazis, entreprise tendant à discréditer, à disqualifier la Résistance française. Pour reprendre ainsi à son compte une thèse pseudo-historique définiti- vement jugée et condamnée, M. Vergès n'a rien trouvé de mieux que d'utiliser un procès pour tenter d'en ouvrir un autre. Et pour alimenter ce deuxième procès (en attendant, pourquoi pas, le troisième ?) il ne s'embar- rasse ni de la vérité, ni des lois. Il ment et il diffame. Il ment lorsqu'il affirme être en mesure d'établir que si Klaus Barbie a arrêté le délégué du général de Gaulle, c'est parce qu'il a été « informé par de hauts responsables de la Résistance qui voulaient se débarrasser de Jean Moulin» (Antenne 2. 13-11-83). Il ment lorsqu'il se dit capable de prouver que Jean Moulin « écœuré par la trahison de résistants a préféré se suicider en se blessant mortellement dans sa cellule » (AFP. 14-1-83). Il ment lorsqu'il prétend savoir que « Jean Moulin n'a pas été torturé à mort par Barbie » (AFP. 13-11-83). Et non content de mentir, il diffame. Il diffame ceux dont il cite les noms et qu'il accuse d'avoir voulu et provoqué l'arrestation de Jean Moulin, alors qu'il est bien incapable d'apporter le moindre élément de preuve à l'appui de ces accusations. Il diffame collectivement les résistants du mouvement Combat, feignant d'avoir découvert des éléments nouveaux dont les historiens savent qu'ils n'existent pas et ne peuvent pas exister. C'est donc bien délibérément et en pesant mes mots que j'accuse M. Vergès de détourner le privilège du défenseur et d'utiliser la mauvaise cause de Barbie pour se lancer dans une opération politique visant à nier et à banaliser les crimes nazis, ainsi qu'à tenter de discréditer la Résistance française. Et c'est donc bien délibérément que je l'accuse d'être un menteur et un diffamateur. Sans doute spécule-t-il sur l'impossibilité dans laquelle se trouveraient les victimes de ses diffamations, de le confondre sur le terrain de la preuve, puisque les faits qu'il évoque sont vieux de plus de dix ans 1

1. L'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 exclut toute possibilité de preuve — donc de contre-preuve — lorsque les faits évoqués remontent à plus de dix ans. Mais les mensonges et les propos diffamatoires dont je l'accuse de s'être rendu coupable ne remontent pas à dix ans ; il les a écrits ou proférés il y a quelques jours à peine, et il ne tient qu'à lui d'engager des poursuites — en prenant cette fois, le risque de voir prouver qu'il a menti et diffamé. Ainsi, de deux choses l'une : — ou bien M. Vergès décidera de traduire en justice Hommes et Libertés et moi-même pour avoir écrit qu'il était un menteur et un diffamateur, — ou bien M. Vergès préférera s'abstenir de poursuivre d'aussi évidentes atteintes portées « à son honneur et à sa considération ». Dans l'un ou l'autre cas, il sera possible d'en terminer avec l'« affaire Vergès » et de consacrer enfin à l'affaire Barbie l'attention que méritent les 949 innocentes victimes du bourreau de Lyon.

Hommes et Libertés n° 29-30, décembre 1983.

Je soussigné Brédillot Eugène Léon (dit Alphonse), ancien chef de groupes d'usines dans la Résistance, ancien membre des Groupes-Francs de Libération, ayant participé, entre autres, à l'attaque du camion cellulaire de la Gestapo le 21 octobre 1943 où 14 détenus, dont et Besson, ancien contrôleur de la SNCF aux usines SOMUA à Vénissieux, ont été délivrés. Donc, le 21 octobre, une équipe de GF est formée en vue de la libération des détenus qui allaient du fort Montluc à l'École de santé militaire, avenue Berthelot, en vue d'« interrogatoires » par Barbie et ses agents. L'attaque devait se produire le matin au départ de Montluc mais, par la faute d'une voiture qui ne voulait pas démarrer, l'attaque a échoué. L'affaire fut remise au soir même, au retour de l'École de santé militaire. 3 tractions et un fourgon, 4 membres des GF dans chaque voiture et 3 dans le fourgon. Dans la 1 voiture, il y avait Lauron, Rolland, Lucie Aubrac, Che- valier; 2 voiture : Toro, Brédillot, Paupier, Mellet; 3 voiture : Guenier, Limasset, Maurice, de Abreu; Fourgon : Bernard, Duthy, Gruget. La première voiture se trouvait devant l'École de santé militaire pour attendre la sortie du camion; dès que celui-ci s'engage dans l'avenue, la première voiture le suit (à 80 km/h); en passant devant le dépôt de la SNCF de la Mouche, un coup de lampe de poche pour signaler à la deuxième voiture le passage du camion et surtout qu'il y avait bien Raymond Aubrac à bord. La troisième voiture fut avertie, de la même façon que la première, et également le camion, que l'attaque devait se produire avenue Berthelot; mais à l'heure de la sortie des ouvriers, il y avait trop de monde, donc des victimes possibles. C'est donc sur le boulevard des Hirondelles que l'attaque eut lieu, dans la première courbe après le pont du chemin de fer, en face des entrepôts-garages. Dans la première voiture, qui doublait le camion à ce moment, Rolland et Chevalier tirent à la mitraillette silencieuse, abattent le chauffeur; le camion s'immobilise sur la droite; la première voiture passe devant; la deuxième voiture arrive, s'arrête sur le côté; le convoyeur, qui était à côté du chauffeur, avait sauté à terre. C'est à ce moment-là que Chevalier a été blessé gravement à la face, la balle ressortant près de la colonne vertébrale. Il était nécessaire d'évacuer Chevalier, ce qui fut fait chez le Dr Barenge de Villeurbanne. Dans la deuxième voiture, nous avons éliminé celui qui avait blessé Chevalier, mais les deux membres de la Gestapo qui étaient à l'arrière avaient sauté à terre et s'abritaient derrière les platanes. Les occupants de la troisième voiture, à l'affût, guettaient la sortie des détenus quand un ou plutôt deux - car ils étaient deux par deux, enchaînés avec des menottes - le premier qui était vêtu d'un imperméable a été pris pour un membre de la Gestapo par de Aubreu qui blessa sérieusement Raymond Aubrac à la face. Après cela, embarquement urgent d'Aubrac et de son compagnon de chaîne, mais un des agents de la Gestapo tirait toujours, c'est alors que Duthy, qui arrivait avec Bernard et Gruget, Bernard élimine le dernier agent de la Gestapo, c'est alors que Duthy vide le camion de ses 12 occupants restant et les charge dans son fourgon, et les douze gars seront dispersés dans la nature après leur avoir coupé les menottes, et à part Raymond Aubrac et Théodore Besson, je ne sais pas ce qu'ils sont devenus. Voilà le rapport d'une action qui, à l'époque, a été l'une des belles actions de la Résistance, applaudie par les uns, critiquée par d'autres. Je suis quant à moi fier d'y avoir participé et si, 40 ans après, pour que justice soit rendue, pour que Barbie soit jugé comme il le mérite, je signe ce rapport, fait à Fayence, le 1 juin 1984, qui le cas échéant peut servir en justice. Brédillot dit Alphonse. PS: Voici les noms, avec les pseudonymes, des 15 GF qui ont effecti- vement participé à J'attaque du boulevard des Hirondelles. 1 voiture: Aubrac (Lucie), Rolland (Daniel), Lauron (Christophe), Chevalier (Julien). 2 voiture : Toro (Léon), Brédillot (Alphonse), Paupier (le Gros), Mellet (Georges). 3 voiture : Guenier (Henri), Limasset (Guy), Maurice, cousin de Lucie, de Abreu (Lyonnet). Fourgon : Duthy (Legrand), Bernard (Musca), Gruget (Toupli). Sources du « Rappel historique »

P. 19 * Maurice Garçon, Plaidoyer pour René Hardy, Paris, Fayard, p. 71. ** Ibid., p. 78. P. 20 * Cité par Maurice Garçon, ibid., p. 43. P. 22 * Marie-Madeleine Fourcade, article in France-Soir, n° du 24 mai 1972. P. 24 * René Hardy, série d'articles in France-Soir, n° du 1 juin 1972. ** Général André Devigny, lettre à Henri Noguères du 9 janvier 1973. *** René Hardy, cf. note *. P. 25 * René Hardy, cf. note * de la p. 24. ** Ibid. P. 26 * Henri Aubry, témoignage recueilli par Jacqueline Delrieu. ** René Hardy, cf. note * de la p. 24. P. 28 * Maurice Garçon, op. cit., p. 83 et 84. ** René Hardy, cf. note * de la p. 24. *** Maurice Garçon, op. cit., p. 84. **** François Guillin, cité par Jean-François Perrette, in le Général Delestraint, Paris, Presses de la Cité, p. 127. P. 29 * Interview de Klaus Altmann-Barbie par Ewaldo Dantas-Ferreira ; version française in France-Soir (du 24 mai au 8 juin 1972), n° du 29 mai 1972. P. 30 * Jean-François Perrette, op. cit., p. 135. P. 33 * René Hardy, cf. note * de la p. 24. ** Ibid. P. 34 * René Hardy, témoignage recueilli par les auteurs. P. 35 * René Hardy, interrogatoire du 22 juillet 1947 cité par le commandant Gardon, substitut du commissaire du Gouvernement, dans l'acte d'accusation du 3 avril 1950. In Maurice Garçon, op. cit., p. 19-22. P. 36 * René Hardy, interrogatoire du 25 octobre 1948, ibid., p. 23. ** Jean-François Perrette, op. cit., p. 136 et 139. P. 37 * René Hardy, cf. note * de la p. 24. P. 39 * René Hardy, cf. note * de la p. 24. ** Commandant Gardon, acte d'accusation cité in Maurice Garçon, op. cit., p. 26 et 27. P. 40 * René Hardy, série d'articles in France-Soir, n° du 2 juin 1972. P. 41 * Renaud Vincent, article in France-Soir, n° du 10 juin 1972. ** Lettre du commissaire Bibes, cité par Renaud Vincent, ibid. *** Ibid. P. 42 * René Hardy, cf. note * de la p. 40. P. 43 * Pierre Guillain de Bénouville, Le Sacrifice du matin, Paris, Robert Laffont, p. 411. ** René Hardy, cf. note * de la p. 40. *** Ibid. P. 44 * Jean Moulin, rapport à André Philip du 4 juin 1943. ** Joseph Monjaret, témoignage recueilli par Jacqueline Delrieu. P. 46 * Claude Bouchinet-Serreulles, témoignage recueilli par Jacqueline Delrieu. P. 48 * Henri Aubry, témoignage cité. ** André Lassagne, déclaration citée par Laure Moulin, in Jean Moulin, Paris, Presses de la Cité, p. 439. P. 50 * Pascal Copeau, témoignage recueilli par Marcel Degliame-Fouché. P. 51 * Henri Aubry, témoignage cité. P. 52 * Gaston Defferre, lettre à Henri Michel du 20 septembre 1963. P. 53 * René Hardy, cf. note * de la p. 40. P. 54 * Maurice Garçon, op. cit., p. 112. ** Ibid., p. 115. P. 55 * Henri Michel, in Jean Moulin l'Unificateur, Paris, Hachette, p. 185. P. 56 * Henri Aubry, témoignage cité. P. 57 * Claude Bouchinet-Serreulles, témoignage cité. P. 58 * Ibid. ** Gaston Defferre, lettre citée. P. 59 * Henri Aubry, témoignage cité. P. 60 * Henri Gorce-Franklin, déclaration recueillie par Marie Granet. P. 62 * Général André Devigny, lettre citée. P. 63 * René Hardy, série d'articles in France-Soir, n° du 3 juin 1972. ** Marcel Rivière, interview de Renaud Vincent in France-Soir, n° du 10 juin 1972. P. 64 * Henri Aubry, témoignage cité. ** Laure Moulin, op. cit., p. 441. P. 68 * Henri Aubry, témoignage cité. P. 69 * Raymond Aubrac, déclaration recueillie par Laure Moulin, op. cit., p. 445. ** Docteur Dugoujon, ibid. P. 70 * Raymond Aubrac, interview de Guy Sitbon in le Nouvel Observateur, 12 juin 1972. P. 71 * René Hardy, cf. note * de la p. 63. ** Klaus Altmann-Barbie, interview citée ; France-Soir, 30 mai 1972. *** René Hardy, cf. note * de la p. 63. P. 72 * René Hardy, cf. note * de la p. 63. ** Henri Aubry, témoignage cité. *** Ibid. P. 73 * Laure Moulin, op. cit., p. 444. P. 74 * René Hardy, cf. note * de la p. 63. ** Laure Moulin, op. cit., p. 446 et 447. P. 75 * Raymond Aubrac, cf. note * de la p. 70. ** Laure Moulin, op. cit., p. 447. *** René Hardy, cf. note * de la p. 63. **** Henri Aubry, témoignage cité. P. 76 * René Aubry, témoignage cité. P. 77 * René Hardy, cf. note * de la p. 63. ** Henri Aubry, témoignage cité. P. 78 * René Hardy, cf. note * de la p. 63. ** Raymond Aubrac, cf. note * de la p. 70. P. 79 * René Hardy, cf. note * de la p. 63. ** Laure Moulin, op. cit., p. 447. P. 80 * René Hardy, cf. note * de la p. 63. ** Ibid. *** Marcel Degliame-Fouché, témoignage. P. 87 * Christian Pineau in la Simple Vérité, Paris, Julliard, p. 112 sq. P. 88 * Henri Aubry, témoignage cité. ** André Lassagne, déclaration citée, in Laure Moulin, op. cit., p. 451. P. 89 * Document IV A/2 BN 2 186/43 g RS du 27 mai 1943 sur « L'Armée Secrète en France ». P. 90 * Ibid. P. 91 * Henri Michel, op. cit., p. 210.

IMPRIMERIE HERISSEY A EVREUX DÉPÔT LÉGAL : MARS 1985-N° 8683 (36286) Il arrive un moment où, à force d'entendre dire ou d lire le contraire de ce que l'on sait être la vérité, il n'es plus possible de se taire. C'est ce qui m'a conduit à écrire ce livre consacré à ce que l'on appelle, par excès de sim plification, l'affaire Jean Moulin, ou l'affaire de Caluire. Tant que cette sombre page de l'Histoire de la Résis tance n'avait été évoquée, de façon outrancièremen mensongère, que par Me Jacques Vergès, avocat d Hauptmanführer SS Klaus Barbie, la nécessité de réta blir la vérité historique en rappelant un certain nombre de faits aussi têtus qu'indiscutables ne s'était pas imposée à moi. Il en va différemment de cet élément nouveau type="BWD" constitue l'intervention dans le débat de René Hardy pan sa participation à un film intitulé Que la vérité est type="BWD"amère et la publication de Mémoires sous le titre Derniers Mots Ce sont là, puisqu'ils émanent d'un témoin des évé- nements de juin 1943, des matériaux qui appellent cette discussion historique que la manœuvre de diversion entreprise par le défenseur de Barbie ne pouvait, à elle seule, justifier. Mais, à partir du moment où la discussion sera enga- gée, elle conduira par la force des choses à mettre type="BWD" évidence le rôle joué par Me Jacques Vergès dans cette affaire. Une seule préoccupation m'a guidé en écrivant type="BWD" livre : faire en sorte que la vérité ait le dernier mot. H.N.