LA VÉRITÉ AURA LE DERNIER MOT OUVRAGES DU MÊME AUTEUR La République accuse Éd. de la Liberté (épuisé) La Saint-Barthélemy Éd. de Crémille Le Suicide de la flotte française à Toulon Robert Laffont (épuisé) L'Expédition d'Alger, 1830 Cercle du bibliophile Munich ou la Drôle de paix Livre de poche (épuisé) Histoire de la Résistance en France Robert Laffont (en collaboration avec M. Degliame-Fouché et J. - L. Vigier pour les tomes I et II et avec M. Degliame-Fouché pour les tomes suivants) I. La Première Année — II. L'Armée de l'ombre III. Et du Nord au Midi... — iv. Formez vos bataillons ! v. Au grand soleil de la Libération La Vie quotidienne en France au temps du Front populaire (1935-1938) Hachette La Vie quotidienne des résistants de l'armistice à la Libération Hachette HENRI NOGUÈRES LA VÉRITÉ AURA LE DERNIER MOT ÉDITIONS DU SEUIL 27, rue Jacob, Paris VIe ISBN 2-02-008683-2 © ÉDITIONS DU SEUIL, MARS 1985 © ÉDITIONS ROBERT LAFFONT, POUR LES PAGES 15 A 92 La loi du 11 mars 1957 interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contre- façon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. Tout ce qui tend à faire la vérité ne peut être qu'excellent. Émile Zola Avertissement Il arrive un moment où, à force d'entendre dire ou de lire le contraire de ce que l'on croit être la vérité, voire de ce que l'on sait, preuves à l'appui, être la vérité, il n'est plus possible de se taire. C'est, très exactement, ce qui m'a conduit — je devrais même dire ce qui m'a contraint — à écrire ce livre tout entier consacré à ce que l'on appelle, par excès de simplification, tantôt l'« affaire Jean Moulin » et tantôt l'« affaire de Caluire », c'est-à-dire aux événements qui ont cruellement éprouvé la Résistance française en juin 1943. Il est vrai que Jean Moulin est la plus célèbre des victimes de ces événements — celle aussi qui réunissait le plus de titres et cumulait les plus importantes fonctions. Ancien chef de cabinet de Pierre Cot au temps du Front populaire, Jean Moulin était préfet d'Eure-et-Loir lors de l'arrivée des Allemands en juin 1940. Le 17 juin, arrêté et brutalisé parce qu'il refusait de signer un « protocole » imputant aux tirailleurs sénégalais de l'armée française des violences et des atrocités commises sur des femmes et des enfants Jean Moulin, pour être certain de ne pas céder sous la torture, s'était tranché la gorge à l'aide d'un morceau de verre cassé ramassé sur le sol du cachot improvisé dans lequel on l'avait enfermé. Quelques mois plus tard, il devait être révoqué par le gouvernement de Vichy. Passé en Angleterre, il allait en revenir parachuté dans la nuit de la Saint-Sylvestre de 1941, chargé par le général de Gaulle d'une mission de coordination de la Résistance en zone Sud. Le 22 mars 1943, après un bref séjour à Londres au cours duquel le général de Gaulle lui avait remis la croix de la Libération et l'avait nommé commissaire en mission du Comité français de libération 1. Il s'agissait en fait, Moulin le constatera de visu au hameau de la Taye où les Allemands lui montreront les corps, de civils victimes d'un bombardement. nationale (CFLN), c'est-à-dire ministre du gouvernement constitué à Londres par les Français libres, Jean Moulin était à nouveau en France. Sa mission était, cette fois, beaucoup plus large puisqu'il était devenu le délégué du général de Gaulle pour l'ensemble du pays. Tout en continuant à présider le Comité directeur des Mouvements unis de Résistance (MUR), regroupant les principaux mouvements de zone Sud — « Combat », « Libération » et « Franc-Tireur » —, il allait constituer, conformément aux directives du général de Gaulle, le Conseil national de la Résistance (CNR) rassemblant les principaux mouvements des deux zones ainsi que des représentants des partis politiques clandestins et des principales tendances politiques tradition- nelles. Le 27 mai 1943, voyant ses efforts couronnés de succès en dépit de nombreuses traverses, Jean Moulin présidait, rue du Four, à Paris, la première séance du Conseil national de la Résistance. La personnalité affirmée de Jean Moulin, son rôle, ses fonctions ne doivent cependant pas faire oublier les autres résistants qui ont été, eux aussi, les victimes des arrestations de juin 1943. Même si on limite la liste à ceux qui ont été déportés en Allemagne, il faut mentionner le général Delestraint, chef de l'Armée secrète, qui sera abattu par les SS à Dachau le 19 avril 1945, à la veille de l'arrivée des troupes américaines, le colonel Schwartzfeld, du mouvement lyonnais « France d'abord », et le responsable des Services d'atterrissages et parachutages, Bruno Larat, qui ne reviendront ni l'un ni l'autre de déportation. André Lassagne, professeur de lycée, membre de l'état-major de l'Armée secrète, ainsi que le colonel Gastaldo, adjoint de Delestraint, ne survivront que quelques années à leur retour des camps. Seul, le jeune Théobald réussira à s'évader du convoi l'emmenant de Compiègne en Allemagne 1 Pas plus que de l'affaire Jean Moulin on ne peut se contenter de parler de l'affaire de Caluire. En effet, en dehors de la villa du docteur Dugoujon dans cette localité de la banlieue lyonnaise, les événements de juin 1943 ont eu pour théâtre bien d'autres lieux : les stations de métro Muette et Pompe à Paris, la gare de Chalon-sur-Saône, le fort Montluc et l'École de santé militaire à Lyon ou encore la villa de Boemelburg à Neuilly-sur-Seine, pour ne citer que les principaux. 1. Théobald, après son évasion, réussira à atteindre l'Italie, où il fera campagne sous l'uniforme. Tant que cette sombre page de l'Histoire de la Résistance n'avait été évoquée, de façon outrancièrement et grossièrement mensongère, que par Me Jacques Vergès, avocat du Hauptmanführer SS Klaus Barbie, la nécessité de rétablir la vérité historique en rappelant un certain nombre de faits aussi têtus qu'indiscutables ne s'était pas imposée à moi : il s'agissait, il faut bien le dire, de propos sans portée ni valeur, prononcés ou écrits par un homme qui ne cherchait pas à dissimuler leur caractère artificiel et provocateur et qui, surtout, ne versait aux débats qu'il prétendait rouvrir aucun témoignage nouveau, aucun commencement de preuve. De même que les anciens dirigeants de la Résistance pris à partie par Me Vergès et diffamés par lui ont eu bien raison de le traiter par le mépris et de ne pas lui faire l'honneur de le poursuivre et de le faire condamner, de même les historiens ayant particulièrement étudié cette période ont légitimement considéré, sans s'être concertés, que les écrits et les propos de l'avocat de Barbie ne méritaient pas, à eux seuls, une sérieuse mise au point historique. Il en va différemment de cet élément nouveau que constitue l'inter- vention dans le débat de René Hardy. Une intervention qui s'est faite, presque simultanément, sous deux formes : la participation de René Hardy à un film réalisé par M. Claude Bal et intitulé Que la vérité est amère, et la sortie en librairie, sous le titre Derniers Mots 1 d'un gros volume présenté comme étant ses Mémoires. Hardy, pour venir à bout de cet ouvrage, commencé puis interrompu, a été aidé par M. Claude Dubois, et il est impossible de faire le départ entre ce qui a été réellement écrit par René Hardy et ce qui est de la seule plume de M. Dubois, lequel s'est qualifié lui-même de « secrétaire pour la rédaction 2 » de ces Mémoires. Le fait est, en tout cas, que ce livre porte la signature de René Hardy. A la différence de Me Vergès, René Hardy est un témoin. Non seulement parce qu'il se trouvait à Caluire, le 21 juin 1943, lorsque Barbie et ses hommes sont venus arrêter Jean Moulin et les autres 1. Fayard, 1984. 2. Dans une lettre adressée le 2 juillet 1984 au directeur du Matin de Paris, lettre qui m'a été communiquée car j'y étais personnellement mis en cause. résistants convoqués à la réunion qui devait se tenir chez le docteur Dugoujon, mais aussi en raison de ce qu'il avait fait avant cette arrestation — et de ce qu'il devait faire par la suite. Certes, il s'agit d'un témoin d'une fiabilité plus que douteuse. D'abord, parce que l'on peut dire de lui « qui a menti mentira » : déjà une première fois, en 1947, René Hardy s'est, en effet, trouvé contraint d'avouer publiquement un mensonge qui lui avait permis, deux mois plus tôt, d'être acquitté — et voici qu'à nouveau, dans ses plus récentes déclarations, il admet d'autres mensonges... Ensuite, il faut bien tenir compte de l'état dans lequel se trouve aujourd'hui René Hardy. Enfin, René Hardy n'a pas toujours été seulement témoin dans cette affaire. Par deux fois accusé, il a été par deux fois acquitté. Mais ce double acquittement ne saurait en aucune façon constituer une pré- somption de bonne foi pour ce qu'il estime avoir à dire aujourd'hui et qu'il n'a pas dit lors de ses deux procès.
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