L'armée SECRÈTE De Sa Naissance Aux Arrestations De Juin 1943
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L'ARMÉE SECRÈTE de sa naissance aux arrestations de Juin 1943 Lorsque au cours de l'été 1941 Jean Moulin décida de se rendre à Londres afin de rencontrer le Général de Gaulle, il avait un programme à lui soumettre concernant la résistance intérieure. Il le rédigea en partie à Lisbonne. Il y était parvenu avec de faux papiers, au nom de Jacques Mercier, un passeport truqué afin de pouvoir traverser l'Espagne. Il attendit un mois à Lisbonne l'autorisation des Britanniques d'être emmené par eux à Londres. Le rapport 1 que Jean Moulin présenta alors au général de Gaulle en octobre 1941 à Londres était l'essentiel de ce qu'il lui exposa oralement lors de leur première rencontre du 25 octobre. Jean Moulin était conforté par les contacts qu'il avait eus avec les trois principaux mouvements de la zone non occupée. Il y insiste sur les activités militaires. D'ailleurs, dans leur discussion quelques jours plus tard, la place réservée à la future armée de la Résistance selon l'expression qu'employait alors le G al de Gaulle, fut capitale. Jean Moulin émit son vœu le plus cher de voir les Français se lever pour participer nombreux à la libération de leur pays. Auprès du chef de la France Libre, il employa deux phrases marquantes. " [Les Résistants] croient que si la France peut compter sur l'aide infiniment puissante et appréciable de la Grande Bretagne, il incombe aux Français d'essayer, par-dessus tout, de se sauver eux-mêmes, ou tout au moins d'apporter leur contribution à leur sauvetage final". Et en évoquant les futurs soldats d'une éventuelle Armée Secrète, il ajouta : "Il serait fou et criminel de ne pas utiliser ces soldats, prêts à faire les plus grands sacrifices, dans l'éventualité d'opérations de grande envergure entreprises par les Alliés sur le continent. Dispersés et anarchiques comme elles le sont aujourd'hui, ces troupes pourront demain constituer une armée organisée de parachutistes sur place connaissant le pays, ayant choisi leurs adversaires et décidé de leurs objectifs. 2" Bien entendu le G al de Gaulle approuva immédiatement. Les discussions se poursuivirent fin octobre et au cours de la première décade de novembre 1941. Les contacts avec le commandant Passy du BCRA, Bureau Central de Renseignement et d'Action, se poursuivirent jusqu'en décembre. Jean Moulin, dénommé Rex par le BCRA, désirait ardemment retourner en France ; cependant son retour fut retardé. Son entraînement personnel au parachutage, les événements de Pearl Harbour du 7 décembre, la déclaration de la guerre d'Hitler et de Mussolini aux USA retardèrent son départ avant qu'il ne soit parachuté dans les Alpilles, dans la nuit du 1er au 2 janvier 42. Jean Moulin (appelé décidément Rex dans ses contacts avec la France Libre et Max en France) partit de Londres avec deux missions principales : - Obtenir l'unification des trois mouvements de Résistance de la Zone Sud d'abord, sans toutefois porter atteinte à leur indépendance, à leur spécificité. - Former l'Armée de la Résistance, l'Armée Secrète, en faisant fusionner les formations paramilitaires des trois mouvements, se servant des cadres, des structures qui pouvaient exister déjà, par exemple à "Combat". Ce mouvement était très en avance sur les deux autres mouvements. (Franc-Tireur était très en retard à ce point de vue). Max s'installa rapidement à Lyon, y établit la Délégation et entreprit l'unification de ces mouvements. Auparavant il demanda à chacun d'entre eux de confirmer leur allégeance au Général de Gaulle. Si "Libération" (Sud) et "Franc-Tireur" acceptèrent rapidement, "Combat" tarda un peu mais donna une réponse positive environ un mois plus tard. 1) Jean Moulin l'intitula "rapport sur les activités, plans et besoins des groupes formés en France, en vue de l'éventuelle libération du pays." 2) Daniel Cordier, Jean Moulin, l'Inconnu du Panthéon , Paris, Lattés t.1.1989, 880 p. page 206. 10 Les multiples rendez-vous clandestins et autres difficultés retardèrent quelque peu l'accord, ou plutôt l'entente de principe de l'unification. Le nom d' « Armée Secrète » fut l'objet de discussions avec Henry Frenay, qui finalement accepta cette appellation pour l'Armée Secrète Nationale. Quant à la fusion des groupes paramilitaires, il y eut certaines différences de vue entre Frenay et d'Astier, ce qui retarda aussi l'évolution de la négociation, à tel point que Pascal Copeau, « de Libération », stigmatisa « l’esprit de chapelle » de ces chefs de mouvements. Seul, Pierre Lévy avait toujours en vue le but à atteindre et défendait Max, dans son désir de voir ces palabres se terminer. Quant à la structure de l'Armée Secrète, les groupes paramilitaires de « Combat » étaient très organisés, tels les régions qui correspondaient géographiquement aux 6 régions militaires de l'armée d'armistice zone sud. Max se tourna alors vers Henry Frenay, pour que l'A.S. adoptât ce qui existait déjà. Il s'adressa à lui et à Emmanuel d'Astier de la Vigerie, chef de "Libération" afin d'obtenir d'eux les cadres nécessaires pour les six régions de l'A.S. zone sud. Il insista déjà pour séparer la Résistance armée du politique. En juillet fut posée la question de la désignation du chef de cette Armée Secrète. Henri Frenay posa sa candidature. Elle fut immédiatement repoussée par Jean Moulin et les chefs de « Libération » et « Franc-Tireur ». Ils refusaient que le responsable d'un mouvement fût de plus le chef de l'A.S. nationale ayant ainsi autorité sur leurs propres troupes. Celle d'Aubrac fut aussi rejetée. Le général Cochet, résistant de la première heure, fut sollicité. Il refusa. Les conditions de candidature au poste de chef de l'A.S. furent alors précisées : 1- Être hostile à l'occupant. 2- Être hostile au gouvernement de Vichy ; ne lui avoir donné aucun gage. 3- Être indépendant de tout mouvement de Résistance. 4- Être un officier d'un grade élevé (pouvoir se présenter à l'É-M allié). 5- Avoir un passé militaire au moins très honorable, sinon prestigieux. Bien entendu, toute candidature retenue devra être approuvée par le général de Gaulle. Fin juillet, Jean Moulin demanda aux chefs de mouvement et à leurs lieutenants de chercher dans la région, ou ailleurs, un officier supérieur qui puisse répondre à ces conditions. Marcel Peck de « Combat » fut un de ces « Missi Dominici ». Il rencontra un officier de l'Armée de l'Armistice, le capitaine Joseph Gastaldo du 2 ème Bureau de Bourg-en-Bresse, au passé de résistant déjà brillant 1. Par lui, Marcel Peck fit la connaissance du général Delestraint 2. Il fut immédiatement convaincu. Delestraint reçut les visites de Frenay, de Claude Bourdet. Après 24 heures de réflexion il accepta de devenir le chef de l'A.S. La rencontre du 28 août à Lyon entre Max et Delestraint fut déterminante. Max apporta son accord et lui donna son pseudo : « Général Vidal ». Max télégraphia au BCRA. Un échange de câbles confirma l'approbation du Chef de la France Libre. En octobre les chefs des mouvements furent convoqués à Londres. Max et J-P. Lévy ne purent arriver en Angleterre, du fait de l'erreur du sous-marin britannique chargé de les y amener. Seuls Frenay et d'Astier étaient présents. La candidature de Frenay fut une nouvelle fois présentée et repoussée par tous. Le choix de Jean Moulin fut ratifié. La lettre manuscrite du G al de Gaulle confirmant cette nomination, parvint mi-novembre à Vidal. 1) Officier de cavalerie, breveté, Gastaldo fut cité plusieurs fois lors de la guerre de 40, pour ses actions dans les groupes francs. Puis il se battit à la tête des Tchécoslovaques réfugiés en France. Il essaya de partir avec eux en G-B. Voulant camoufler leurs armes, il fut dénoncé. Il passa au 3 ème Dragons où il fit de la propagande gaulliste. Il fut dénoncé à nouveau au Ministère de Vichy, rayé du tableau d'avancement, affecté au 2 ème bureau à Bourg- en-Bresse. Il y créa un réseau d'information sur la Wehrmacht en France. Il adressa de fausses cartes d'identité aux prisonniers candidats à l'évasion et camoufla armes et munitions. 2) Le Gal Delestraint avait été le supérieur du colonel de Gaulle à Metz en 1938. 11 Elle est reproduite par ailleurs. Elle est datée du 22 octobre 1942 à Londres. Elle fut confiée à François-Yves Guillin, et remise à madame Delestraint à la Libération. L'organisation de l'A.S. était en route. De 1940 à 1942, Vidal ne connaissait, en dehors de Gastaldo, que très peu d'officiers réellement gaullistes. Il demanda aux chefs des mouvements de l'aider dans cette tâche en lui procurant des éléments aptes et dignes de figurer à l'état-major (É-M) de l'A.S, des officiers, qu'ils fussent d'active ou de réserve. Certains, issus de « Combat » ou de « Libération », y entrèrent. L'É-M que Vidal forma se fixa à Lyon comme l'avait fait la Délégation. Cependant, dès décembre 1942, Vidal se heurta à l'opposition croissante de Henry Frenay (Gervais) qui prétendait à nouveau obtenir le commandement de l'A.S. nationale, identifiant ou assimilant sciemment l'appellation de la nouvelle A.S. aux formations paramilitaires de « Combat », dénommées auparavant « Choc ». La confusion était d'autant plus aisée que, nous l'avons dit, plusieurs « lieutenants de Combat » fidèles à H. Frenay, étaient déjà inclus à l'état-major, tel son chef d'É-M, Morin Forestier. Certains y entreront plus tard. Ainsi Henri Aubry (Thomas) de « Combat », deviendra chef de cabinet de Vidal.