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Acteurs territoriaux et promotion touristique de la côte de l’ marocain en perspective de la nouvelle régionalisation

Territorial actors and tourism promotion of the coast of the Oriental in perspective of the new regionalization

Khalid HADDOUTI Docteur en Géographie humaine et aménagement Faculté des Lettres et des Sciences Humaines d’ Laboratoire de recherche DYMADER, Université Mohammed Premier d’Oujda [email protected]

Hakym ZARROUK Docteur en Géographie humaine et aménagement Faculté des Lettres et des Sciences Humaines d’Oujda Laboratoire de recherche DYMADER, Université Mohammed Premier d’Oujda [email protected]

Miloud ZERROUKI Professeur de l’enseignement supérieur, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines d’Oujda Membre du laboratoire de recherche DYMADER) Université Mohammed Premier d’Oujda [email protected]

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Résumé

Le développement territorial ne peut être assuré sans participation effective de ses acteurs territoriaux. Parmi ces derniers, la population locale et la collectivité territoriale devraient être les protagonistes de ce développement. En perspective de la nouvelle régionalisation marocaine, il importe de s’interroger sur la dynamique des acteurs dans le contexte de la promotion touristique de l’Oriental. Nous analysons les articulations entre le tourisme et les acteurs, plus précisément leurs rôles, leurs représentations et leur adhésion à l’égard du développement touristique de la côte orientale du Maroc. Nous terminons par des recommandations pour promouvoir le tourisme dans la région.

Il s’avère que le développement du tourisme n’est pas souvent endogène sur ce littoral. L’initiative de sa promotion a toujours émané d’acteurs publics et semi-publics. Un très faible concours de ce secteur aux finances des communes littorales d’une part, et le défaut d’implication de leurs conseils d’autre part, illustrent les aspects d’un véritable cercle vicieux qui s’installe dans ces communes concernant le développement touristique.

Mots clés : Acteurs territoriaux, promotion touristique, Côte de l’Oriental marocain.

Abstract

Territorial development cannot be ensured without the effective participation of its territorial actors. Among these, the local population and the local authority should be the protagonists of this development. In view of the new Moroccan regionalization, it is important to question the dynamics of the actors in the context of tourism promotion of the Oriental. We analyze the links between tourism and the players, more precisely their roles, their representations and their commitment to tourism development on the eastern coast of Morocco. We end with recommendations to promote tourism in the region.

It turns out that the development of tourism is not often endogenous on this coast. The initiative for its promotion has always come from public and semi-public actors. A very weak contribution of this sector to the finances of the coastal municipalities on the one hand, and the lack of implication of their councils on the other hand, illustrate the aspects of a true vicious circle which settles in these municipalities concerning the development touristic.

Keywords: Territorial actors, tourism promotion, Coast of the Oriental Morocco.

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Introduction

La région de l’Oriental a le privilège d’accueillir des investissements colossaux, dont certains sont consacrés au tourisme qui a été érigé en secteur prioritaire dès les premières années de ce millénaire. Le regain d’intérêt au littoral de cette région (L.M.O) et l’amélioration de son accessibilité ont donné lieu, conjointement ou à postériori, à une dynamique notable d’investissement touristique. Les projets de la nouvelle station touristique de Saïdia (N.S.T.S) et le projet d’aménagement de Marchica en constituent l’essentiel. Ces projets visent, selon le discours officiel, la promotion du tourisme en tant que levier de développement de la région de l’Oriental, qui semble prise dans l’étau d’un contexte frontalier inopportun et d’une situation de marginalisation persistant par rapport aux régions vitales du Maroc. On se focalise sur sa partie littorale, puisque ces investissements y sont concentrés.

Cependant le succès de cette promotion requiert une adhésion effective des acteurs territoriaux locaux au sens large du terme. Établir l’état des lieux de cette adhésion, compte tenu des efforts étatiques déployés à cette fin, est le premier volet de ce travail. Dans quelle mesure la régionalisation, dite avancée, peut pallier aux limites éventuelles de l’apport des acteurs en question, concernant un développement endogène du tourisme dans la région ?

I. Résidents et investissement touristique: représentations, initiatives et secteurs prioritaires

Le développement touristique du L.M.O passe forcément par deux mécanismes : l’aménagement des sites et l’investissement dans ce secteur. En évoquant ce développement, l’étude de l’adhésion de la population locale à ces mécanismes est requise. Elle se fera par l’examen de leurs représentations et leur disposition à investir dans le secteur touristique.

1.1. Résidents et aménagement touristique du littoral de l’Oriental

Il résulte d’une enquête1 que nous avons menée auprès des chefs de ménages du L.M.O que 80,2% de ceux-ci sont pour l’aménagement touristique de ce littoral. Les arguments des contres sont toutefois singuliers et significatifs.

1 Enquête personnelle portant sur un échantillon de 2% des ménages (202 chefs de ménages) dans les principaux sites touristiques du L.M.O en 2013.

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Tab. 1 : Éléments potentiellement touchés par l'aménagement touristique du L.M.O selon les résidents refusant cet aménagement

Nb. ci t. Fréq . Nb. ci t. Fréq . Nb. ci t. Fréq . Nb. ci t. Fréq . Eléments_touchés (rang 1) (rang 2) (rang 3) (s om me )

Environnement et pays age 6 14,6% 5 17,2% 3 42,9% 14 (0,76) 18,2% Mœurs, valeurs & mode de vie 18 43,9% 17 58,6% 4 57,1% 39 (2,24) 50,6% Propri été immobi lière 17 41,5% 7 24,1% 0 0,0% 24 (1,59) 31,2% TOTAL CIT. 41 29 7 77 100% Source : Enquête de l’auteur portant sur les ménages du L.M.O, 2013

Ainsi les craintes d’un possible impact sur le mode de vie, notamment le système de valeurs des résidents en question explique leur refus de l’aménagement touristique du L.M.O (cela concerne la moitié de ces résidents). La propriété immobilière , qui vient au 2ème rang en général, renvoie aux contraintes (y compris restrictions) imposées par l’Etat pour aménager certains sites accueillant de grands projets touristiques tels que le projet Marchica, particulièrement en ce qui concerne l’éventuel recours à la procédure d’expropriation pour l’utilité publique. Quant à l’impact sur l’environnement, les chefs des ménages n’en prennent quasiment aucun souci. Il en résulte que la part des opposants aux projets d’aménagement touristique du L.M.O est constitué de chefs de ménages "conservateurs" et soucieux davantage de préserver leurs modes de vie.

Tab. 2: Raisons de la non-participation au débat sur l’aménagement touristique par site

Source : Enquête de l’auteur portant sur les ménages du L.M.O, 2013

Ce tableau nous renseigne sur un autre volet de la faible adhésion de la population locale au développement touristique du L.M.O : la maigre participation aux débats publics relatifs à l’aménagement dont il s’agit (moins de 10,5% des enquêtés). En général, L’idée de

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l’inutilité (42%) et le désintéressement (38,7%) sont les principaux facteurs explicatifs de ce constat. Certaines différences sont à noter cependant entre certains sites. Ainsi, le défaut de débats et/ou de projets d’aménagement à l’Est de Melilla explique le nombre important des enquêtés ayant justifié leur non-participation aux discussions liées au devenir touristique de leur littoral par le manque d’informations. Paradoxalement, l’avis favorable de la majorité des résidents du L.M.O pour un aménagement touristique de ce littoral, ne s’est pas traduit pour autant en ce qui concerne la participation effective aux débats relatifs à cette question. Qu’en est-il de la disposition à investir dans le tourisme chez ces résidents ?

1.2. Réticence à investir dans un secteur conçu comme non prioritaire et réservé à l’État La disposition à l’investissement privé dans les différents secteurs économiques du L.M.O est rare chez les chefs de ménages enquêtés puisque 12,9% seulement ont exprimé leur volonté de participer au financement de projets d’investissement dans la région.

Tab. 3 : Disposition à participer au financement de projets par domaine

Domaine d'inv estissement potentiel Nb. ci t. Fréq . Hébergement touris tique 3 1,5% Café/res tauration 2 1,0% Services collectifs ou personnels 4 2,0% Commerce 12 5,9% Habitat 5 2,5% TOTA L O B S . 202 Source : Enquête de l’auteur portant sur les ménages du L.M.O, 2013

Le secteur touristique de cet espace est le moins intéressant pour les enquêtés en question : le taux de la prédisposition à investir dans les activités caractéristiques de ce secteur est quasi-négligeable (2,5%). La saisonnalité tranchée du secteur peut expliquer ce désintéressement de la population locale, qui se trouve plus prête à financer des projets dans d’autres secteurs comme le commerce (5,9%). Ces derniers permettent une activité plus pérenne et bénéficient d’une clientèle plus variée.

La recherche dans les représentations de la population locale concernant la nature de la partie à laquelle incombe la charge d’investir dans le tourisme s’avère très significative. Ainsi, pour 61,4% des questionnés, notamment les catégories socioprofessionnelles (C.S.P) des ouvriers et des employés, c’est l’État qui est censé investir dans ce secteur.

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Tab. 4 : Promoteur touristique principal selon les représentations des résidents du L.M.O

Représenta_promoteur_touristiq Etat Commune Sect. pri vé Autre TOTA L CSP Elu, directeur, cadre sup. & moy. ou profes si on libérale 55,6% 5,6% 33,3% 5,6% 100% Employé 65,4% 5,8% 21,2% 5,8% 100% Intermédiaire commerci al ou financ ier 50,0% 13,6% 27,3% 9,1% 100% Expl oitant, ouvrier ou pêc heur 71,8% 14,1% 6,4% 5,1% 100% Artisan ou travailleur de petit métier 59,1% 13,6% 9,1% 18,2% 100% TOTA L 63,4% 10,4% 15,3% 9,4% 100% Source : Enquête de l’auteur portant sur les ménages du L.M.O, 2013

Le secteur privé et les conseils communaux sont les moins concernés par le financement de projets touristiques selon les enquêtés. Cela montre une importante réticence à investir dans les activités caractéristiques du tourisme chez les habitants de l’espace étudié. Outres les facteurs explicatifs précédemment évoqués, le tableau suivant met en exergue la place accordée par les résidents au tourisme du L.M.O parmi les autres secteurs économiques.

Tab. 5 : Secteurs économiques prioritaires selon la C.S.P des résidents du L.M.O Secteur_prioritaire Tourisme Agriculture Artisanat Industri e Pêche Commerce Autre TOTA L CSP Elu ,cadre sup./moy. ou profession libérale 11,1% 0,0% 0,0% 44,4% 16,7% 22,2% 5,6% 100% Employé 15,4% 7,7% 9,6% 36,5% 9,6% 21,2% 0,0% 100% Intermédiaire commerci al ou financ ier 4,5% 0,0% 4,5% 50,0% 9,1% 27,3% 4,5% 100% Exploitant, ouvrier ou pêcheur 15,4% 11,5% 3,8% 14,1% 39,7% 15,4% 0,0% 100% Artisan ou travailleur de petit métier 4,5% 22,7% 22,7% 9,1% 22,7% 13,6% 4,5% 100% TOTA L 12,4% 9,4% 6,9% 26,7% 24,8% 18,3% 1,5% 100% Source : Enquête de l’auteur portant sur les ménages du L.M.O, 2013

Le tourisme ne constitue pas un secteur économique prioritaire pour la population locale du L.M.O. Elle le situe au 4ème rang après l’industrie, la pêche et le commerce. Ceci dit que pour 86,1% des questionnés le développement socio-économique de leurs communes doit s’appuier sur d’autres secteurs que le tourisme. Cette remarque est observée surtout chez les

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C.S.P aisées, susceptibles de constituer des investisseurs éventuels dans ce secteur : 11,1% seulement des élus et cadres et 4,5% des intermédiaires financiers estiment que le secteur en question doit être prioritaire.

En somme, les liens entre la population locale du L.M.O et le tourisme, en tant que secteur pouvant générer le développement local escompté, sont paradoxaux : certes la quasi- totalité des chefs de ménages de cet espace est pour un aménagement touristique de leur littoral, ils manifestent toutefois un désintéressement quand il s’agit d’investir dans de ce secteur. La reconnaissance des potentialités touristiques du L.M.O d’une part, et les contraintes inhérentes aux projets touristiques (saisonnalité, montant d’investissement important, craintes liées à la nouveauté de l’activité…) d’autre part, peuvent justifier ce rapport contradictoire.

1.3. Acteurs privés et promotion touristique: une contribution insuffisante

Les ressources humaines et l’initiative privée sont toujours la base de tout succès en matière de développement. Dans quelle mesure les acteurs privés contribuent-ils à l’épanouissement du secteur touristique au littoral de l’Oriental ?

1.3.1. Projets des acteurs privés : implantations audacieuses dont certaines en difficulté

Les investissements déployés dans le cadre des projets touristiques structurants ci-haut cités ont eu également un effet d’entrainement sur l’investissement privé de l’Oriental. Cet effet s’est récemment concrétisé par le Contrat Programme Régional (CPR) pour le développement du tourisme de la région qui a été signé le 1er juin 2013 à Saïdia, et dont l’essentiel des investissements prévus seront portés par le secteur privé.

1.3.1.1. Des investissements touristiques motivés par l’ouverture de nouveaux lieux au tourisme

Encore faut-il le rappeler, l’ouverture de nouveaux lieux du L.M.O à l’activité touristique, grâce à leurs désenclavement notamment par la récente rocade méditerranéenne, a été en mesure d’y stimuler l’investissement touristique. Nous en citerons à titre non exhaustif, des projets dont les montants d’investissement ont été fournis par la délégation régionale du tourisme à Oujda:

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- Des hôtels/motels sur la route nationale 16 (RN16) : Juste après l’ouverture de cette route en 2008, on assiste à la construction d’hôtels, qui ont ouverts leurs portes dès 2010, au bord de cette rocade. Il s’agit du motel Delta Kert bâti dans la commune rurale d’ en mobilisant plus de 6 millions de Dh d’investissements ; d’un motel de 1ère catégorie implanté au sein de la station services Marchica à Arekmane ; du motel La Rocade à (12,7 millions de Dh) et d’un motel de 1ère catégorie dans la commune rurale de (8,8 millions de Dh). Ces unités d’hébergement, qui renferment aussi des restaurants et des cafés, ont la particularité d’être implantées dans des communes rurales nouvellement adhérées au marché touristique de l’espace étudié. Elles ont profité des prix très encourageants du foncier. À titre d’exemple, le coût du terrain n’a pas dépassé 100000 Dh pour le 1er hôtel, soit 1,6% seulement du montant total d’investissement.

- Stimulation de l’investissement dans le littoral et son arrière-pays.

L’effet d’entraînement dont il s’agit s’est répandu vers d’autres lieux que ceux avoisinant la RN16, aussi bien dans les communes littorales qu’au niveau de celles de son arrière-pays. En effet, on note durant les six dernières années, la réalisation d’investissements dans certaines communes comme : Trougout (l’hôtel Costa Mondial de 2 étoiles mobilisant le montant de 10 millions de Dh) ; Bni Bouifrour (l’hôtel Mont Vert de 4 étoiles grâce à 15 millions de Dh et le gite Rif qui a mobilisé 40 millions de Dh) ; Madagh (le gite Karima qui a nécessité plus de 16 millions de Dh) ; etc.

D’autres investissements sont confrontés à de sérieuses difficultés. Nous en évoquerons deux exemples : le 1er concerne le grand projet de résidences touristiques implanté au niveau de la plage El Kalat (commune rurale d’Iaazzanene), qui est menacé de démolition parce qu’une partie de ce projet est bâtie sur le domaine public maritime d’autant plus que son site est programmé pour abriter l’éventuel port Med-ouest. Le 2ème est l’hôtel de qui n’a pas encore achevé sa procédure réglementaire et qui renvoie plus à une «opération de blanchiment d’argent»1 qu’à un investissement touristique, outre l’enclavement du site et le défaut de sa connectivité avec l’ensemble des sites touristiques de la région. La quasi-totalité de ces projets s’articulent autour de l’hébergement touristique, ainsi que la plupart des promoteurs sont des nationaux, seul le gite Rif a été mis en œuvre par

1 Personne-source de Temsamane préférant l’anonymat.

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un investisseur étranger.

1.3.1.2. CPR du développement touristique de la région de l’Oriental : le relais d’investissement est passé au secteur privé

Ce CPR1 qui s’inscrit dans le cadre de la vision 2020 constitue sa feuille de route à l’échelle territoriale régionale. Nous ne prendrons compte que des projets faisant partie du nord de l’Oriental, parmi ceux du nouveau territoire touristique dénommé : Maroc Méditerranée. Le plan d’actions compte neuf axes, dont le développement du produit et le soutien à l’investissement, qui retiennent plus notre attention.

Le développement du produit touristique de toute la région de l’Oriental reposera sur la montée de nombreux projets qui sont répertoriés dans six programmes, à savoir : animation, sports et loisirs ; Azur 2020 ; Biladi ; Développement Durable ; Niche à forte valeur ajoutée ; et Patrimoine et héritage. Il s’agit de 118 projets dont trois sont dits structurants : «projets de dimensions importantes et à portée internationale permettant de matérialiser le positionnement touristique préconisé»2. Ces derniers nécessitent l’investissement de 5867 millions de Dh sur une enveloppe budgétaire estimée à 7190,42 millions de Dh. Une importance a été donnée au tourisme balnéaire (4100 millions de Dh, soit 57% du montant total) et aux projets écologiques et de développement durable (81 projets accaparant 31,2% du total des investissements). La réalisation des projets de ce CPR incombe spécialement aux investisseurs privés qui sont censés apporter 6870 millions de Dh correspondant à 96% du budget de ce programme. Le tableau ci-dessous permet deux importantes remarques concernant la ventilation de ce programme: Tab. 6 : Poids des apports financiers privés estimés aux projets du CPR du développement touristique de l'E.T.L.M.O3 (en millions de Dh) Investissement privé Investissement public Partie de l'E.T.L.M.O Montant % Montant % 4166,2 99,2 31,5 0,8 Nador 1737 99,8 4 0,2 34,2 94,7 1,92 5,3 Total 5937,4 99,4 37,42 0,6 Source : CPR du développement touristique de l’Oriental, 2013

1 Ministère du tourisme & Région de l’Oriental, CPR du développement touristique de l’Oriental, 106 p. 2 Ministère du tourisme & Région de l’Oriental, CPR du développement touristique de l’Oriental, p.14 3 Nous avons amputé les projets qui ne font pas partie de l’espace étudié.

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- La part prévisionnelle d’investissement réservée à l’espace en étude (84,5% du total prévu pour l’Oriental) reflète parfaitement sa place en tant que locomotive du développement touristique de cette région.

- A l’instar des autres espaces touristiques de l’Oriental, le secteur privé est appelé à apporter la quasi-totalité des investissements requis pour la mise en œuvre du CPR : 5938 millions de Dh correspondant à 99,4% du total.

Par ailleurs, l’engagement des investisseurs privés, quant à la mise en œuvre des projets définis dans la feuille de route en question n’est pas certain. Nombre de ces projets ne sont pas encore lancés. Plusieurs facteurs peuvent entrainer l’absentéisme des acteurs privés locaux : la nouveauté du secteur touristique dans la plupart des sites de l’espace étudié, la saisonnalité de certains types d’activités touristiques notamment le balnéaire, le défaut de sérieuses mesures incitatives et la complexité du foncier sur les provinces de Nador et Driouch. Outre la non réalisation de projets vitaux dans le cadre du programme de la N.S.T.S, certains investisseurs sont audacieux d’avoir s’aventurier dans des projets touristiques situés dans des lieux à l’écart des flux touristiques de l’Oriental. C’est surtout le cas des résidences touristiques de la plage d’El Kalat et de l’hôtel de Temsamane.

1.3.2. Des acteurs privés s’avérant réticents : les raisons

En ce qui est des acteurs privés, ils ne cessent de montrer une réticence apparente vis- à-vis de la promotion du tourisme. L’hésitation et la difficulté constituent les aspects les plus visibles de cette réticence au sein de l’espace en étude. Les détenteurs de capitaux privés de cet espace ne sont pas motivés pour investir dans le tourisme. Les initiatives en la matière sont rares et concentrées sur deux composantes de l’offre touristiques seulement, l’hébergement et la restauration non classées (y compris les cafés). La défaillance des acteurs locaux se voit aussi bien sur le L.M.O, dans le cadre du tourisme classique, qu’en arrière-pays susceptible de développer un tourisme rural fructueux. Ce qui témoigne d’une incapacité de mise en tourisme par le bas dans la région, contrairement au cas de plusieurs régions du Maroc telles qu’Essaouira1. En effet, «partout où les initiatives sont plutôt spontanées et locales la

1 M. Berriane & B. Moizo, Initiatives locales politiques publiques et développement du tourisme en milieu rural au Maroc : Bilan de 15 années de tourisme dans les arrière-pays, in "Le tourisme dans les arrière-pays méditerranéens : des dynamiques territoriales locales en marge des politiques publiques", Publié en 2009 sous la direction de M. Berriane par l’Université Mohammed V de Rabat, p.20.

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construction de territoires touristiques se fait par le bas avec des évolutions assez probantes».

L’insuffisance des créations d’entreprises dans le cadre du Centre Régional d’Investissement (CRI) illustrent la détérioration de l’esprit de l’entreprenariat dans les provinces de la région orientale. Les statistiques1 de ce centre montrent bien ce constat. Sur toute la région, ce centre n’a reçu au titre de l’année 2015 que six demandes de création d’entreprises touristiques dont un complexe touristique à Trougout. Mais le nombre des créations effectives pour cette année est nul. En fait, la régression du nombre d’entreprises créées concerne surtout les provinces de Nador et Berkane (respectivement 119 et 62 en 2014 contre 94 et 48 en 2015)2. En plus, selon ce centre, la majorité des intentions de création d’entreprises touristiques concerne le statut juridique de SARL, qui a un faible apport en termes de capitaux investis et d’emplois créés.

Parmi les facteurs qui contribuent à la réticence dont il s’agit, nous développons ceux inhérents à la question du soutien à l’investissement touristique. Dans le but de promouvoir l’investissement au Maroc, la charte de l’investissement de 1995 (loi cadre n°18-95) a octroyé plusieurs avantages fiscaux et douaniers aux investisseurs. L’investisseur bénéficie d’un droit d’importation préférentiel concernant les biens d’équipement et autres outillages nécessaires au développement de l’investissement en question. Il est exonéré du prélèvement fiscal à l’importation (art. 3). Il a aussi le droit à une exonération de la TVA des biens d’équipements et autres matériels acquis à l’intérieur et à l’importation (art. 4). L’article 7 de cette charte stipule une exonération totale de l’impôt sur les sociétés (IS) du CA à l’exportation réalisé en devises pendant une période de 5 ans et d’une réduction de 50% au-delà de cette période. De même, l’article 8 indique une exonération totale de l’IGR pour le montant du CA à l’exportation réalisé en devises durant les 5 premiers exercices et une réduction de 50% au- delà de cette période. En outre, l’État prend en charge des incitations supplémentaires dans le cadre de convention d’investissement, dépenses d’acquisition de terrains nécessaires à l’investissement, dépenses d’infrastructures hors-site… (Art. 17 de la même charte). Par ailleurs, dans le cadre de la vision touristique 2020, un Fonds Marocain pour le Développement Touristique (FMDT) a été mis en place. Ceci manifeste l’engagement de l’État à surmonter les contraintes conjoncturelles ayant caractérisé l’économie mondiale

1 CRI de l’Oriental, bilan d’activité du 1er janvier au 31 décembre 2015, 37p. 2 Ibid.

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depuis 2008, qui se sont répercutées sur l’investissement touristique étranger en particulier.

II. Collectivités territoriales et promotion touristique de leur territoire

La charge du développement socioéconomique au Maroc incombe aussi sur les collectivités territoriales. On en distingue trois types : la commune, la province et la région. Nous nous intéressons à l’éventuel apport des acteurs à la promotion touristique du L.M.O.

2.1. Communes littorales et développement touristique de leur territoire

Le conseil communal est censé être le principal acteur du développement économique de son territoire. Nous analysons le rôle éventuellement joué par ces communes au L.M.O, en vue de ce développement, tout en s’appuyant sur le plan communal de développement (PCD).

2.1.1. Vision de développement dépourvue de tourisme

Les objectifs assignés à cette analyse consistent dans l’examen de l’existence d’une vocation touristique chez ces communes, le poids des projets touristiques parmi les projets économiques programmés et de leurs taux de réalisation parallèlement à la dynamique touristique constatée. L’analyse des PCD établis par les communes, montre une forte vocation à la mise à niveau de leur territoire. Ainsi, la priorité a été donnée, dans la quasi-totalité des communes en question, à la promotion des infrastructures de base et des équipements sociaux. L’inventaire des projets programmés pour la 1ère période du PCD révèle que la majorité de ces projets ont une nature sociale (100% à Iaazzanène et 66,7% à El Barkanyene).

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Fig. 1 : Projets programmés dans le cadre du PCD, par communes et axes de développement

24 21 18 15 12 9

Nombre de projets 6 3 0

Développement social Développement économique Gouvernance Environnement & développement durable Source : PCD des communes1 du L.M.O (1ère période, 2012-2013)

Cela est bien cohérent avec la vision de développement formulée par la majorité des communes étudiées, elle reflète leur insuffisance en termes d’infrastructures et d’équipements sociaux de base : construction de pistes et revêtement de routes, construction d’établissements scolaires, extension du réseau d’eau potable et d’électricité, etc. Les projets de développement économique viennent au 2ème rang dans l’ensemble des communes du L.M.O (10,9%), alors que sept communes n’ont envisagé aucun de ces projets. De surcroit, la nature des projets est loin de traduire la richesse de la majorité de ces communes en potentialités touristiques naturelles et paysagères. En effet, le nombre de projets touristiques programmés par ces communes ne dépasse pas cinq, soit 28% des projets économiques du L.M.O. Sur le plan spatial, ces projets se concentrent dans quatre communes seulement parmi les 18 communes constituant ce littoral, à savoir : Nador, Arekmane, Trougout et Tazaghine.

En réalité, bien que ces projets soient classés dans le cadre des PCD étudiés en tant que projets économiques touristiques, ils concernent dans leur majorité la mise à niveau et l’équipement de sites à vocation touristique. Le réaménagement du site s’articulant autour du marabout Sidi Ali, par la commune de Nador est un exemple à citer. Il a été transformé en place publique et port de plaisance organisant des promenades sur barques dans la Marchica

1 Nador a effectivement établi un plan de développement de son territoire en 2010, mais cela a été selon une méthodologie différente de celle préconisée pour les villes de moins de 35000 Ha, par le ministère de tutelle.

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en faveur des visiteurs de la corniche de Nador.

Fig. 2 : Répartition des projets économiques communaux au L.M.O par secteur

4

3

2

1

0 Nombre de projets

Tourisme Commerce Agriculture Pêche A.G.R Source : PCD des communes littorales1 du L.M.O (1ère période, 2012-2013)

Le projet de construction d’un palais des festivals à Arekmane, dont le montant d’investissement est estimé à 6 millions de Dh dans le cadre du PCD de cette commune, est l’unique projet ayant le caractère touristique, dans l’ensemble des communes du L.M.O. Cependant ce projet n’est pas réalisé, sous contrainte de ressources financières insuffisantes. La contribution des collectivités locales du L.M.O au développement touristique de leur territoire est quasi-nulle, en dépit de la dynamique remarquée récemment dans ce secteur. Toutefois, une telle réticence ne fait pas règle à l’échelle nationale. En effet, des communes littorales comme Sidi Abed et Sidi Bouzid à El Jadida et d’autres sur la Méditerranée occidentale ont entamé des aménagements et des projets touristiques en vue d’améliorer leurs recettes financières (Berriane, 2009)2.

Ce développement demeure la tâche exclusive des acteurs publics nationaux dans un 1er rang et privés dans un second rang. Plusieurs facteurs permettent d’expliquer la réticence des conseils communaux concernant le développement en question:

1 La ville de Nador a effectivement établi un plan de développement de son territoire en 2010, quoique cela ait été selon une méthodologie différente de celle préconisée pour les villes de moins de 35000 hab., par le ministère de tutelle. 2 M. Berriane, Tourisme des nationaux, tourisme des étrangers au Maroc : articulations, stratégie des acteurs et appropriation de l’espace, In "Tourisme des nationaux, tourisme des étrangers: Quelles articulations en Méditerranée ? ", Publication de la FLSH de Rabat - Série Essais et Études n° 41, 2009, pp.125-168

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- la faiblesse des ressources financières propres à ces communes;

- la faiblesse des recettes et produits issus de ce secteur et la saisonnalité tranchée;

- la priorité accordée aux secteurs sociaux, vu les carences existant en matière d’infrastructures et d’équipements de 1ère nécessité dans la quasi-totalité des communes concernées;

- la non prise de conscience du rôle que peut jouer le tourisme dans le développement de ces communes aux yeux de la majorité de leurs élus.

En outre, Au moment où le tourisme était au dernier rang des priorités économiques de l’Oriental, les communes littorales du L.M.O, disposant d’un potentiel favorable à l’épanouissement d’un tourisme balnéaire, se sont lancées dans des projets touristiques et immobiliers. Ce fait a été constaté aussi sur d’autres côtes marocaines par des chercheurs nationaux, M. Berriane1 en particulier, quoique les contextes dans lesquels ont évolué diffèrent de celui du L.M.O. Ce chercheur distingue deux types d’initiatives communales : le premier type est sous l’influence des classes sociales supérieures tout en s’inscrivant dans le cadre d’actions communales, alors que le deuxième type consiste dans le désir de ces communes d’améliorer leurs revenus (Berriane, 2009). La situation des collectivités territoriales étudiées au L.M.O ne divergent pas énormément de ces constats.

Effectivement, le projet de lotissement destiné à la construction de villas, implantées en pleine plage d’Arekmane dans les années 1990, s'apparente parfaitement au premier type. Ce sont des personnes appartenant surtout à la classe supérieure (Hauts fonctionnaires civiles et militaires en particulier) qui s’emparèrent des lots de villas dans cette plage. Ce projet a constitué une erreur d’aménagement devenue "un problème d’opinion publique"2 qui avait des conséquences graves sur la plage d’Arekmane. Il s’avère que «le but premier n’était pas la recherche d'une mise en valeur du site susceptible d'un apport en recettes supplémentaires pour les finances locales; il s'agissait avant tout de satisfaire les besoins en loisirs et en

1 M. Berriane, Op. Cit. 2 En effet, cette opération a pris une dimension nationale, suite au mouvement de contestation déclenché par la société civile à Arekmane. Ces faits sont soldés par une affaire judiciaire plaidée par le célèbre avocat Abderrahim Jamai, à l’issue de laquelle une partie du lotissement prévue sur la plage a été annulée (photo ci- dessous).

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tourisme de la classe aisée»1.

Fig. 3 : Erreur d’aménagement sur la plage d’Arekmane effectuée à l’initiative du conseil communal dans les années 1990

La tranche programmée sur le front de mer (boites de raccordement délaissées) est annulée suite aux protestations de la société civile (Source : l’auteur, 2015)

Ce projet a constitué une erreur d’aménagement devenue "une question d’opinion publique"2 qui avait des conséquences graves sur la plage d’Arekmane. Il s’avère que «le but premier n’était pas la recherche d'une mise en valeur du site susceptible d'un apport en recettes supplémentaires pour les finances locales; il s'agissait avant tout de satisfaire les besoins en loisirs et en tourisme de la classe aisée»3.

En contrepartie, la réalisation de certains campings dans les années 1980 sur les trois principaux sites balnéaires de la partie Est du L.M.O peut exemplifier complètement le second type précité. C’est le cas d’une part de Saïdia qui dispose toujours de campings communaux et d’autre part des communes d’Arekmane et de Ras El Ma où on a assisté à leur éradication récente. Des recettes domaniales telles que la location d’emplacements dans ces campings, outre la réanimation de l’activité commerciale de ces communes, grâce au séjour des estivants, permettent certainement des rentrées financières.

2.1.2. Faible poids des recettes touristiques dans les finances locales

Étant donné que le tourisme constitue une activité importante dans le L.M.O, nous essayerons d’apprécier le poids de ses apports aux finances des communes assurant une

1 M. Berriane, Op. Cit. p 34. 2 En effet, cette opération a pris une dimension nationale, suite au mouvement de contestation déclenché par la société civile à Arekmane. Ces faits sont soldés par une affaire judiciaire plaidée par le célèbre avocat Abderrahim Jamai, à l’issue de laquelle une partie du lotissement prévue sur la plage a été annulée (Fig. 3). 3 M. Berriane, Op. Cit. p 34.

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fonction touristique. Nous examinons aussi la contribution de ces communes dans le développement touristique de leur territoire en mettant en évidence les éventuelles contraintes entravant cette contribution, notamment celles inhérentes au volume des recettes touristiques.

Le tableau ci-dessous permet d’apprécier l’évolution des finances des communes littorales entre 2010 et 2014. Les ressources financières du L.M.O sont généralement faibles. Parmi les communes retenues pour l’étude de ces ressources, Nador est la seule commune où les recettes ont dépassé le seuil des 100 millions Dh en 2014.

Tab. 7 : Évolution des recettes des principales communes touristiques du L.M.O Total des recettes en Dh. Commune T.C.M.A en % 2010 2014 Saïdia 29 126 332,9 54 221 971,4 16,8 Nador 95 434 522,4 108 757 827,2 3,3 Ras El Ma 6 938 249,9 8 646 477,9 5,7 Arekmane 7 836 528,6 9 947 452,3 6,1 Iaazzanene 5 342 321,2 7 000 438,5 7,0 Source: Comptes administratifs, secrétariats généraux des communes, 2015.

Mis à part les recettes financières de Saïdia, qui ont enregistré un accroissement moyen annuel important (16,8%), celles des autres communes n’ont connu qu’une légère hausse (moins de 7%) entre 2010 et 2014. Il importe de nuancer ces évolutions en examinant la participation de l’activité touristique aux finances de ces communes. La contribution des activités caractéristiques du tourisme dans les finances des communes est quasi-négligeable. Elle varie entre 0,2% à Iaazzanene et 12% à Saïdia. Ce fait nous renseigne sur la nature de l’activité touristique de ces lieux qu’on peut qualifier de précaire et anarchique. Le dernier chiffre explique l’étonnante croissance des recettes de Saïdia, comme il témoigne de l’impact positif des investissements touristiques consacrés récemment à sa nouvelle station balnéaire.

Paradoxalement, quoique la fonction touristique soit bien présente dans toutes les communes considérées, la majorité des articles (taxes et produits) propres au tourisme ne sont pas comptabilisés dans les finances de ces communes. La taxe sur les débits des boissons constitue une exception puisqu’elle figure dans les finances de toutes ces communes. La part de celle-ci est cependant très faible (0,2% à Arekmane et 1,7% à Saïdia).

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Fig. 4 : Contribution des activités caractéristiques du tourisme dans les finances des communes littorales en 2014

Recettes 120 100 totales 80 60 Recettes 40 20 touristiques Millions de Dh 0

Source : Inventaire des comptes administratifs des communes concernées, 2015.

Il s’est avéré que les communes littorales au L.M.O ne participent guère au processus de développement du tourisme sur leur territoire. Les contraintes auparavant relevées ainsi que la réticence apparente de leurs conseils communaux permettent l’assimilation de ce constat. Par conséquent, elles ne tirent pas profit suffisamment de leur potentiel touristique. La situation des terrains constitue le principal facteur inhibant le développement touristique du L.M.O. L’empreinte négative du système foncier khalifien est toujours présente. Le cas de la commune de Ras El Ma est très significatif, vu le nombre de projets qui ne se sont pas réalisés. En contrepartie, d’autres communes au Maroc ont déployé des efforts considérables pour mettre des terrains à disposition des investisseurs, touristiques en particulier, aboutissant ainsi à des résultats probants. Par d’exemple, une pareille mesure est prise à Ouarzazate dès les années soixante-dix en deux phases, pour acquérir et mobiliser finalement 230 ha en faveur de son développement touristique (A. Oujamaa, 1999).

2.3 Acteurs à l’échelle régionale et tourisme dans l’Oriental

À l’échelle régionale et provinciale, les acteurs institutionnels sont autant réticents quant à l’initiative de promouvoir le tourisme dans l’espace en étude. De même pour les mesures d’accompagnement de la dynamique touristique initiée au niveau central. Les actions (études, stratégies, programmes d’action, etc.) inhérentes au tourisme qui sont établies par les acteurs institutionnels (collectivités territoriales et autres acteurs publics) revêtent souvent un caractère sommaire. Il s’agit surtout de simples mentions et d’objectifs déterminés sans réels plans d’action définissant clairement les moyens mobilisés (fonciers, financiers, etc.), les

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délais, ainsi que les modalités d’évaluation. C’est le cas de l’étude1 réalisée en 2007 par la Chambre de Commerce, d’Industrie et de Services d’Oujda qui a consisté en un diagnostic de ce secteur en analysant la demande et l’offre et en proposant des recommandations finalement. Bien qu’elle ne soit effectuée qu’à titre indicatif, cette étude constitue une base de données assez exhaustive du secteur dans la région. Dans le cadre du Plan2 de Développement Stratégique de la Région de l’Oriental (2011), le conseil régional s’est contenté de mentionner les deux projets touristiques structurant du L.M.O avant de citer le but d’enrichir et de compléter l’offre touristique et ce, au dernier rang des objectifs fixés et assignés aux entreprises du secteur privé.

En 2013, le conseil en question a cosigné le Contrat-Programme Régional (CPR) pour le développement touristique des territoires touristiques baptisés "Maroc méditerranée" et "Atlas et vallées", avec le ministère du tourisme, la Wilaya de la région et l’Agence de Développement de l’Oriental (ADO). Ce contrat est une déclinaison du Contrat-Programme National élaboré à la lumière de la Vision 2020 du développement touristique. Ce plan a vocation d’intégrer le L.M.O dans un nouveau "territoire touristique"3, baptisé "Maroc Méditerranée". Ce territoire est constitué à la fois de sept provinces et préfectures. La visée de ce plan est de positionner ce territoire comme la nouvelle destination « balnéaire et loisirs du pourtour méditerranéen avec une orientation développement durable/écotourisme »4. Il faut s’interroger sur cette nouvelle territorialité touristique au niveau de l’espace étudié, dans la mesure où il y aurait d’éventuelles contraintes d’ordre administratif et réglementaire. En fait, les limites dudit territoire ne sont pas en harmonie avec celles des régions selon le dernier découpage administratif. Sachant qu’aucun "groupement des régions"5 concernées en vue de surmonter les difficultés précitées, n’est en vigueur. Un éventuel groupement est de nature à permettre la mise en œuvre de ce plan. En tout cas, le CPR dont il s’agit est une politique touristique territorialisée, qui consiste dans la définition d’un territoire de projets envisagés par des acteurs institutionnels extérieurs en "partenariat" avec certains acteurs locaux. Or en réalité, ce CPR n’a fait que d’évoquer brièvement les provinces qui n’appartiennent pas à

1 Chambre de commerce, d’industrie et de services d’Oujda, Op. Cit. 147 p. 2 Conseil régional de l’oriental, plan de développement stratégique de l’Oriental, 2011, 56 p. 3 Dans le cadre de la Vision touristique 2020, le ministère de tutelle a défini huit territoires touristiques. Chacun d’entre eux présente une offre complète, une cohérence et une identité critique en termes de capacité d’hébergement et de ressources touristiques. 4 Ministère de tourisme et Région de l’oriental, CPR pour le développement du tourisme, 2013, p.7. 5 L’article 148 de la loi organique n°111-14 relative aux régions prévoit ce type d’entité territoriale et la dote d’une personnalité morale et d’une autonomie financière.

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l’Oriental et leurs projets. Ce qui est évident, cette région s’abstient de préciser les détails des projets qui ne les concernent pas, puisqu’ils auront lieu sur une autre Région administrative en l’occurrence la région d’Al Hoceima, et surtout d’y consacrer des montants d’investissement dans le cadre de son budget. Une position conforme à toutes les lois organiques relatives aux régions, dont le dernier Dahir1 n°1-15-83 du 20 ramadan 1436 (7 juillet 2015) portant promulgation de la loi organique n°111-14 relative aux régions. Dès lors, la contribution de cette politique de territorialisation touristique au développement local par le tourisme est loin d’être opérationnelle et pertinente. L’initiative et le degré d’adhésion et de mobilisation des acteurs locaux autour de leurs territoires, s’avèrent comme des indicateurs supplémentaires examinant l’éventuel apport de ce CPR. D’ici 2020, ce dernier prévoit la construction d’au moins 140000 lits additionnels pour pouvoir recevoir environ 770000 touristes par an et multiplier ainsi les recettes touristiques. La quasi-totalité des investissements attendus sont dédiés aux sites du nord de l’Oriental, mais c’est au secteur privé qu’incombe la charge de procurer ces investissements. En plus, l’engagement au financement, de la part des acteurs publics à l’échelle régionale et provinciale, des projets définis est très insatisfaisant.

Tab. 8 : Ventilation des engagements des acteurs publics au financement des projets du CPR de tourisme concernant le nord de l’Oriental C. régional & ADO C. provinciaux Total C. régional ADO Berkane Nador Driouch Montant de contribution (106 Dh.) 0,45 1 29,5 4 0 34,95 Part des investissements du littoral 0,01% 0,02% 0,49% 0,07% 0% 0,58% Source : D’après le CPR de tourisme, région de l’oriental (2013)

En effet, le montant de l’engagement de ces acteurs ne dépasse pas 34,95 millions de Dh, soit 0,58% du total des investissements prévus. Paradoxalement, ce montant ne représente que 10,93% du total des investissements publics mobilisés par ces acteurs pour mettre en œuvre l’ensemble des projets du CPR traité. Or, le poids des investissements (privés et publics) des sites de cette partie de la région orientale est remarquable au sein de la région. Un poids soutenu par les différents objectifs et orientations stipulant que cet espace soit la locomotive du tourisme dans le territoire touristique "Maroc méditerranée", ce qui n’est pas traduit par la part des engagements des acteurs publics en question.

1 L’article 80 stipule expressément que « la région est chargée, à l’intérieur de son ressort territorial [..] »

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III. Synthèse et perspectives

Nous synthétisons l’apport des acteurs locaux et régionaux à la promotion touristique de l’espace en étude, avant de dresser les perspectives de ceci à la lumière de la nouvelle régionalisation, récemment entamée au Maroc.

3.1. Des acteurs endogènes réticents et délaissés : un développement touristique par le "haut"

La dynamique touristique entamée au L.M.O n’a pas été initiée par ses propres acteurs économiques et institutionnels. La décision de promouvoir ce secteur est prise au plus haut niveau de l’État. Des projets touristiques structurants ont été ainsi envisagés et mis en œuvre aussi par des acteurs, autres que des locaux ou régionaux.

Certes à l’époque, la nature des acteurs locaux et régionaux ne se prêtaient pas à mettre en conception et en œuvre avec efficacité et efficience les projets touristiques en question. Des projets qui ont des dimensions foncières, financières et techniques démesurées. Cependant, aucune mesure participative et de concertation à l’égard de l’ensemble des acteurs des communautés locales, aussi bien institutionnels qu’économiques, n’a été opérée lors des différentes étapes de ces projets en particulier.

Le recours à un aménageur-développeur étranger (Fadesa) s’est soldé en échec sur plusieurs plans : retard dans les délais de réalisation, programme d’aménagement inaccompli, atteinte à l’environnement côtier, etc. Ce recours a été plaidé pour un éventuel apport de valeur ajoutée au tourisme marocain par la société espagnole, grâce à son expérience en matière d’aménagement touristique et sa capacité de commercialisation et d’attraction des investisseurs touristiques internationaux, notamment les grandes enseignes d’hôtellerie et de golf. Un tel échec s’est généralisé à d’autres projets du plan Azur à l’échelle nationale. La défaillance des investisseurs étrangers concernant ces projets touristiques est très évoquée par les médias. Par conséquent, les pouvoirs publics ont dû intervenir en vue de faire avancer les chantiers en difficulté. C’est ainsi que le contrat a été renégocier avec l’aménageur- développeur de la N.S.T.S moyennant des acteurs nationaux, la Société Marocaine d’Ingénierie Touristique (SMIT), en coopération avec la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG). La reprise en main de la 1ère station du plan Azur par l’État a nécessité des enveloppes

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budgétaires supplémentaires, qu’on a puisées dans le Fonds Marocain d’Investissement Touristique (FMIT). Elle a impliqué la révision du processus d’aménagement de cette station en tentant le redressement de ses grandes "dérives", puisqu’on a redonné la priorité à l’hôtellerie et l’animation touristique.

On tirant les leçons des stations balnéaires du plan Azur, l’État n’est plus que jamais déterminant à s’offrir les moyens de réussir ses projets d’aménagement sans rester à la merci des opérateurs étrangers. En effet, le projet d’aménagement de la lagune de Marchica, le deuxième projet d’envergure et structurant du L.M.O, a été accordé à l’A.A.S.L.M, un acteur public créé spécialement à cet effet, et chargé par le Roi de mettre en œuvre la mise en valeur touristique et urbaine de l’espace s’articulant autour de cette lagune.

En ce qui concerne les acteurs privés, ils ne cessent de montrer une réticence très apparente, vis-à-vis de la promotion du tourisme dans la région. L’hésitation et la difficulté constituent les aspects les plus visibles de cette réticence. Les détenteurs de capitaux privés de cet espace ne sont pas motivés pour investir dans le tourisme. Les initiatives en la matière sont rares et concentrées sur deux composantes de l’offre touristiques seulement, l’hébergement et la restauration non classées (y compris les cafés). La défaillance des acteurs locaux se voit aussi bien sur le L.M.O, dans le cadre du tourisme classique, qu’en arrière-pays susceptible de développer un tourisme rural fructueux. Ce qui témoigne d’une incapacité de mise en tourisme par le bas dans le L.M.O, contrairement au cas de plusieurs régions du Maroc telles qu’Essaouira. En effet «partout où les initiatives sont plutôt spontanées et locales la construction de territoires touristiques se fait par le bas avec des évolutions assez probantes»1.

L’insuffisance des créations d’entreprises dans le cadre du Centre Régional d’Investissement (CRI) de l’Oriental illustrent la détérioration de l’esprit de l’entreprenariat dans les provinces du L.M.O. Les statistiques du CRI montrent bien ce fait. Sur toute la région, ce centre n’a reçu au titre de l’année 2015 que six demandes de création d’entreprises touristiques dont un complexe touristique à Trougout. Mais le nombre des créations effectives pour cette année est nul. En fait, la régression du nombre d’entreprises créées concerne

1 M. Berriane & B. Moizo, Op. Cit. , Initiatives locales politiques publiques et développement du tourisme en milieu rural au Maroc : Bilan de 15 années de tourisme dans les arrière-pays, in "Le tourisme dans les arrière- pays méditerranéens : des dynamiques territoriales locales en marge des politiques publiques", Publié en 2009 sous la direction de M. Berriane par l’Université Mohammed V de Rabat, p.19-20.

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surtout les provinces de Nador et Berkane (respectivement 119 et 62 en 2014 contre 94 et 48 en 2015). En plus, selon ce même centre, la majorité des intentions de création d’entreprises touristiques concerne le statut juridique de SARL, qui a un faible apport en termes de capitaux investis et d’emplois créés.

Parmi les facteurs qui contribuent à la réticence dont il s’agit, nous développons ceux inhérents à la question du soutien à l’investissement touristique. Dans le but de promouvoir l’investissement au Maroc, la charte de l’investissement de 1995 (loi cadre n°18-95) a octroyé plusieurs avantages fiscaux et douaniers aux investisseurs. L’investisseur bénéficie d’un droit d’importation préférentiel concernant les biens d’équipement et autres outillages nécessaires au développement de l’investissement en question. Il est exonéré du prélèvement fiscal à l’importation (art. 3). Il a aussi le droit à une exonération de la TVA des biens d’équipements et autres matériels acquis à l’intérieur et à l’importation (art. 4). L’article 7 de cette charte stipule une exonération totale de l’impôt sur les sociétés du chiffre d’affaire (CA) à l’exportation réalisé en devises pendant 5 ans et d’une réduction de 50% au-delà de cette période. De même, l’article 8 indique une exonération totale de l’impôt sur le revenu pour le montant du CA à l’exportation en devises durant les cinq premiers exercices et une réduction de 50% au-delà de cette période. L’État prend en charge des incitations supplémentaires dans le cadre de convention d’investissement, dépenses d’acquisition de terrains requis à l’investissement, dépenses d’infrastructures hors-site, etc. (Art. 17 de la même charte).

Par ailleurs, dans le cadre de la vision touristique 2020, un Fonds Marocain pour le Développement Touristique (FMDT) a été mis en place. Ceci manifeste l’engagement de l’État à surmonter les contraintes conjoncturelles ayant caractérisé l’économie mondiale depuis 2008, qui se sont répercutées certainement sur les investissements touristiques étrangers en particulier.

Il s’est avéré que ces mesures n’ont pas abouti concrètement à l’encouragement de l’investissement dans le secteur touristique de la région. Elles sont moins compétitives en comparaison avec celles proposées par des pays comparables. Effectivement, la Tunisie offre une prime pouvant atteindre 25% du coût de l’investissement dont le fonds de roulement dans certains secteurs d’activités tels que le tourisme, une prise en charge de la cotisation patronale au régime de sécurité sociale, etc. En plus, la charte en question est pratiquement dépassée puisque 12 mesures fiscales ont été intégrées dans le code général des impôts dès 2007 et dans

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d’autres textes, notamment la loi1 n° 47-06 relative à la fiscalité locale. L’idée de constituer une réserve foncière destinée à la réalisation de projets d’investissement n’est jamais concrétisée. En définitive, à la basse échelle de la typologie des acteurs d’un territoire, la population locale au L.M.O prouve son désintéressement en ce qui concerne sa prédisposition à investir dans l’une des activités caractéristiques du tourisme. En plus, au fond de ses représentations à propos de cette question, le tourisme n’est pas un secteur prioritaire et la charge d’y investir incombe tout d’abord à l’État.

3.2. Un cercle vicieux du développement touristique qui s’installe aux communes du L.M.O

Au 2ème rang de la typologie des acteurs de développement local, les collectivités territoriales locales sont quasi-absentes quant à leur adhésion à la mise en tourisme du littoral. C’est un cercle vicieux de développement touristique de leur territoire qui s’y installe. Ce schéma résume la situation en reflétant la maigre articulation entre la commune et le tourisme.

Fig. 5 : le cercle vicieux du développement touristique au L.M.O

Faibles aménagement

et investissement touristiques

Faibles recettes Saisonnalité, unicité de financières du secteur l’offre, qualité moindre, poids de l’informel…

Réticence à l’investissement de la part des communes Source : L’auteur, 2016

La réticence des communes littorales, ci-haut constatée, est encore plus considérable à l’occasion du CPR de tourisme, à l’instar de son indifférence concernant le développement de ce secteur sur leur territoire constaté plus haut. Ainsi, seules quatre communes se sont engagées, dans ce CPR, à contribuer au financement de projets programmés sur leur territoire communal. Il s’agit de communes dont les poids au sein de la hiérarchie territoriale touristique du L.M.O, sont quasi-négligeables voire nuls : Tafoughalt, , et

1 Cf. le dahir 1-07-195 du 30 novembre 2007 portant promulgation de la loi n° 47-06 relative à la fiscalité des collectivités locales.

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Azlaf. Toutefois, elles s’engagent à apporter de faibles apports financiers, lesquels n’excèdent pas 2,47 millions de Dh au total. En outre, certaines communes ne manifestent aucun engagement, bien que des projets touristiques importants soient programmés sur leurs territoires. Tel est le cas de la commune de Ras El Ma où est prévue la station dédiée au tourisme interne (le Plan Biladi). Toutefois, le cadre juridique concernant les communes s’est amélioré pour les inciter à déployer plus d’efforts en vue d’une gouvernance locale de leur territoire, notamment en ce qui concerne la dynamisation de l’activité économique de façon générale. À cet effet, la loi n° 78-00 portant charte communale a attribué aux communes des compétences importantes quant à l’encouragement de l’investissement privé sur leur territoire.

3.3. En perspective d’un développement touristique dans l’Oriental

Les pratiques des instances au niveau local et régional, en rapport avec le développement du tourisme dans la région, renferment plusieurs limites : insuffisance des ressources financières, défaut de déconcentration, carences de compétences des élus, défaut de vision rationnelle de promotion touristique…. Le changement nécessite que les pratiques et comportements individuels et collectifs des différents acteurs locaux évoluent. La nouvelle régionalisation peut être perçue en tant qu’outil de développement socioéconomique au Maroc. Les mutations administratives, législatives et financières en matière de la gestion territoriale motivées par cette régionalisation doivent pallier ces limites.

- L’adhésion effective des acteurs locaux au progrès touristique : en vue d’un développement touristique également par "le bas"

Les ONG des différents territoires proposés sont appelées à être un vrai levier de l’initiative touristique locale, en termes de formation, de sensibilisation, d’identification de potentialités, d’initiation aux projets touristiques, de porteurs de projets et de soutien aux nouveaux porteurs de projets, de la recherche d’investisseurs et de bailleurs de fonds, etc. L’apport des ONG dans le cas de destinations touristiques phares du Maroc (Berriane et Moizo, 2009; Oiry-Varacca, 2013) fait de celles-ci de bons modèles à suivre.

Par ailleurs, le succès touristique des territoires ne peut se réaliser sans contribution des collectivités locales. Elles doivent assumer leurs responsabilités en tant que planificateurs du développement socio-économique de leurs territoires. Les compétences de gestion de

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certains services et biens communaux leur acquiert le statut d’un vrai promoteur. L’intervention dans des lieux propice à l’activité touristique à travers l’équipement, l’aménagement et l’acquisition de terrains en vue d’une promotion touristique sont de simples exemples à suggérer. Cette intervention est appelé à s’intensifier et à s’étendre pour dépasser les seules limites administratives des collectivités territoriales, en vertu de la récente loi organique n°113-14 relative aux communes promulguée en 2015. Effectivement la possibilité de créer des sociétés dites "sociétés de développement local" s’avère comme un mécanisme réel offert aux communes de l’espace étudié pour promouvoir le développement local de leur territoire en exerçant des activités à caractère économique, en l’occurrence le tourisme. En ce qui concerne des projets dépassant le territoire d’une seule commune et/ou ses capacités financières, les communes liées territorialement peuvent recourir à "l’intercommunalité". Ceci s’avèrera certainement efficace dans le cas des territoires de projets touristiques: à titre d’exemple, la création de produits touristiques, dans le cadre de circuits tels que ceux du mont Kebdana et des Bni Saïd requiert la coopération de plusieurs communes étant donné que, d’une part ces circuits s’étend sur les territoires administratifs de plusieurs communes, et d’autre part ces communes sont en situations financières difficiles à cause de leur faible revenu. De surcroît, ces établissements de coopération s’appuieront sur une unité tribale des communes concernées. Cette unité est de nature à limiter les conflits et à favoriser des synergies au sein de la communauté intercommunale. Parmi les missions assignées à ces établissements par la loi organique évoquée, nous citons celles qui nous semblent réalisables et pertinentes au contexte des territoires de projets touristiques auparavant suggérés : les transports en commun et l’élaboration du plan de déplacement pour les communes concernées, l’entretien des voies publiques communales, création et gestion des équipements et des services de loisirs, création de zones d’activités économiques et opérations d’aménagement, etc.

- Le groupement des collectivités territoriales, des opportunités de coopération prometteuses :

Ces groupements sont régis par les lois en vigueur (spécialement la loi 78.00 portant charte communale et la loi 17.08 complétant et ladite charte), peuvent regrouper des collectivités territoriales d’hiérarchies différentes. Ils sont de nature à favoriser la coopération entre ces collectivités aboutissant aussi à la mise en œuvre de projets touristiques intéressants. Ce type de groupements est très utile pour surmonter des éventuelles contraintes

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administratives qui peuvent surgir lorsque les limites du territoire de projets dépassent les termes des communes, des provinces ou des régions. C’est le cas de quelques territoires de projets possibles (territoire du cap des Trois Fourches ; territoire des béni Snassen ; etc.) ou des communes littorales telles que Saïdia et Ras El Ma. En réalité, les initiatives de regroupement de communes ou de coopération en général sont rares dans la région de l’Oriental, notamment ceux profitant au secteur touristique. Deux groupements intercommunaux sont constitués, et ce dans un but purement environnemental «Groupement de Communes Pour l’Environnement » sur le Grand Nador et le «groupement Trifa» réunissant la commune urbaine de Berkane et ses communes avoisinantes : la gestion de décharges publiques.

Les collectivités locales sont appelées à encourager les investissements en améliorant l’environnement entrepreneurial sur leur territoire. Dans ce sens, les communes disposant d’un fort potentiel touristique dans la région se trouvent dans l’obligation de faciliter l’investissement touristique au sein de leurs territoires. Des mesures incitatives, à l’occasion de l’octroi des autorisations ou de la réalisation des aménagements hors site, seraient très utiles. De même elles peuvent envisager des exonérations au profit des entreprises désirant investir dans des activités caractéristiques du tourisme, selon des cahiers de charges bien précis. La priorité sera aux projets susceptibles de générer des emplois et constituer une valeur ajoutée à l’offre touristique de ces collectivités.

- L’adhésion du secteur privé local et régional à la volonté de développer le tourisme activité :

La mise à niveau des professionnels du tourisme nécessite un investissement dans les ressources humaines au niveau régional et communal. Les instances régionales, inhérentes au tourisme en particulier, sont invitées à contribuer activement dans cet investissement.

Faire surgir des entreprises touristiques locales serait avantageux, notamment pour les métiers de l’hébergement et du voyagiste. Les prestations de services offertes par ces derniers dans cet espace doivent dépasser la seule délivrance de titres de transport et de réservation d’hébergement. L’émergence de vrais tour-opérateurs dans la région de l’Oriental en général est très nécessaire, du moment qu’ils sont soucieux et bien avertis du potentiel touristique local, outre leur capacité à promouvoir convenablement la destination littorale, et permettre à la région de tirer profit d’un éventuel afflux touristiques national et international. D’autres

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sociétés spécialisées dans l’offre de prestations touristiques doivent voir le jour aussi. Il en est de même pour l’animation touristique telle que l’organisation de la chasse récréative. Ces entreprises, notamment celles dont les acteurs sont issus de la région, doivent bénéficier de réels subventions et facilités financières, outre l’encadrement et l’accompagnement de l’office national de tourisme et des délégations régionales et provinciales de tourisme.

Il convient par ailleurs de développer l’hébergement touristique à l’échelle régionale : On peut développer de nouvelles formes d'hébergement touristique, telles que les résidences immobilières de promotion touristique (RIPT) pour pallier à l'hébergement informel fortement présent au L.M.O, et répondre par conséquent à la demande interne, à laquelle l'hôtellerie classique ne convient souvent pas, vu la spécificité de sa pratique touristique (voyage en famille de plusieurs personnes, restauration chez soi…). Un effort de décentralisation, dans le cadre de la régionalisation avancée, quant à l’octroi de licences d’entreprises de gestion des RIPT au niveau régional est susceptible d’accélérer aussi bien cet octroi que la transformation des résidences secondaires en RIPT conformément aux dispositions de la loi 01-07 et de la nouvelle loi régulant les établissements touristiques récemment apparue (2014).

La promotion des métiers de tourisme, en l’occurrence la restauration, est cruciale. Elle doit être faite dans le but d’encourager l’innovation et la mise en valeur du patrimoine gastronomique de la région. On propose, dans ce sens, l’accroissement qualitatif et quantitatif de lauréats en la matière, ainsi que l’organisation régulière de compétitions afin de stimuler l’innovation et la valorisation de l’art culinaire de la région en général. La contribution des parties prenantes, particulièrement les acteurs touristiques régionaux, est très demandée.

Conclusion

Le changement nécessite que les pratiques et comportements individuels et collectifs évoluent. La nouvelle régionalisation entamée par le Maroc, en dépit de ses limites, présente une opportunité d’aboutir à ce changement. La participation du personnel des services et des élus des institutions publiques du territoire aux démarches de développement touristique est primordiale. La gestion et l’intégration des ressources humaines (population, investisseurs privés, élus, ONG, etc.) est une des clés pour la réalisation d’un développement touristique harmonieux et fructueux. Cela passe forcément par un effort d’information et de formation de tous les agents, par une mise en valeur des compétences acquises et une gestion active des

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connaissances en matière de conception de territoire de projets et de leur mise en œuvre.

Par ailleurs, la région ainsi que les autres instances publiques et les élues doivent bénéficier de suffisamment d’autonomie en matière de planification, de programmation et de proposition de projets de développement en faveur du secteur touristique au littoral de l’Oriental. Le volet financier et fiscal requiert une importance majeure si l’on veut réguler le secteur et remédier aux grands maux qui continuent de nuire à cette activité, vu le poids pesant de sa partie informelle. Ceci se répercutera positivement à la fois sur les revenus des communes en difficulté et sur la nature des prestations de services touristiques escomptées. Les communes sont de nature à profiter des nouvelles possibilités de regroupements afin de constituer des territoires touristiques importants. Ceci permettra certainement de surmonter, d’une part les méfaits du découpage administratif, souvent défavorable à la création de tels territoires, et d’autre part les insuffisances financières qu’elles connaissent.

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