HISTOIRES DU PAYS D’

N° 9 - Octobre 2003 Prix : 4 € HISTOIRES DU PAYS D’AIGRE Section de l’ADAPA SOMMAIRE - 9 1, rue du Pensionnat Laroque 16140 AIGRE Association loi 1901 OCTOBRE 2003

Président de l’ADAPA Jean Claude MONTUELLE Editorial M. PERRAIN 1 Président Michel PERRAIN Ligné – Cimetière et croix hosannière - L’église et les curés – Le Prieuré Vice-président Sainte-Marie de Ligné – La courte-boule sous l’ormeau – Les maires de Jean BAUBEAU Ligné – Le Logis de La Grange – Le lavoir – Le Mas de Ligné – Noce villageoise – Le distillateur ambulant. 2 – 15 Secrétaire Stéphane METAYER Marie-Pierre et Jean-Paul MARTIN avec la collaboration de : Raymond Secrétaire-adjoint BONNAUD, Anne-Marie BRIAND, André GRUAUD, René LANGLOIS, Jean-Claude BERGEON Gérard LAVALLÉE, Janine NAUD, Monique MONCOEUR-GIRAUD, Maurice PLANCHER, Pierrette ROY, Simone TALLON, Pierre VERGNAUD Trésorier Thierry DUPUIS Trésorier-adjoint La cavalcade de Ligné S. BONNAUD 16 Didier RAVION Histoire archéologique de Ligné P.F. JOY 17-20 Bibliothécaire Dominique GRANDJAUD Une histoire de cierges R. FONTROUBADE 21

Membres du bureau Les réfugiés de Barbezières D. RAVION 22-24 Jacques AUDOUIN Dominique GAUTIER « Saint-Aubin » et Le « Redour » F. HOQUET 24-25 Martine REVEILLAUD Monique REVEILLAUD La sécheresse.... D. RAVION 26-27

Comité de lecture Les caprices dau temps A. FIATSAGOULE 27 Jacques AUDOUIN Jean-Claude BERGEON Vol et survol du Pays d’Aigre J. SAUVE 28-32 Guy BERNARD g René FONTROUBADE Le Roitelet A. WIESMAN 33 Dominique GAUTIER Dominique GRANDJAUD Au temps des persécutions D. GRANDJAUD 34-35 Michel PORCHERON Didier RAVION Le souterrain de G. BERNARD 36

Le chemin des vacances J. DUVERGER 37-39

Quand il ne faisait plus bon ... J.C. BERGEON 40-41

Jean GERVAIS J.M. COIRARD 42-45

La sauce aux lumas F. PINAUD 46

Quoi de neuf en Pays d’Aigre D. GAUTIER 47-48 Cotisation : 7 € pour 1 an. Abonnement : 11 € pour 1 an.

Responsable de la publication Les articles sont publiés sous l’entière responsabilité de leur auteur. Michel PERRAIN Afin d’éviter tout litige, ne pas fournir de documents originaux. Dépôt légal : 4° trimestre 2003 Toute reproduction d’un article, même partielle, est interdite sans l’accord préalable de l’auteur. N° ISSN : en cours Les statuts et le règlement de l’association sont disponibles auprès du bureau de la revue. Conception et mise en page par Tous les documents, photos, cartes postales, plans etc… de ce numéro Dominique GAUTIER sont extraits (sauf mention contraire) de collections privées. Impression : éditions DU LÉROT 16140 Octobre 2003 Histoires du Pays d’Aigre

EDITORIAL Le temps

Le temps que l’on redoute, hier canicule, demain peut-être trop ri- goureux. Eléments naturels toujours dévastateurs et impitoyables pour tous. Le temps, durée que l’on ne peut même pas imaginer, la planète Mars reviendra faire son tour de scène dans 23 millions d’années ! L’enfant que l’on attend et qui va naître, la fin de la vie et que l’on repousse. Le temps du renouveau pour tout, afin que se poursuive l’ œuvre en- treprise et que l’action touche au but. Et nous, comment nous situons-nous dans le temps ? Sommes nous bien par rapport à la vie en général, en retard, en avance ou tout simplement dans le temps ?

MicheL PERRAIN

Ecole de Ligné en 1936

1 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2003

LIGNÉ

ette commune du canton d’Aigre a une superficie de 797 ha et une population de C 161 habitants en 2003. Quatre lieux-dits, en plus du bourg, la composent : « La Touche », « La Grange », « Chez Pauly » et « Vausseguin ». Ligné est traversé par les routes départementales n° 32 (Luxé–Charmé) et n°61 (Tusson–). A l’est, un affluent de la , « le Bief » ou « Ruisseau de Moussac », petit cours d’eau qui vient de la commune de Courcôme, sépare Ligné des communes limitrophes : Juillé et Luxé. A l’ouest, les communes de , Villejésus et Tusson arrivent en limite avec la forêt de Tusson.

Ce n’est pas par hasard que Ligné (Leignaco) au Moyen-Âge s’appelait « Ligné les bois » : les deux mots latins dont il est dérivé : « Lignum » et « Ligneus » voulaient dire « de bois » ou « en bois ». Ce nom de « Ligné les Bois » fut conservé sur les registres de l’état civil de la paroisse jusqu’au XIII° siècle.

La région de Ligné a été habitée depuis des millénaires ; entre dix et cinq mille ans avant Jésus-Christ, la présence de populations préhistoriques est prouvée par les très nombreux dolmens et tumuli (tumulus) alentour. Le « Gros Dognon » de Ligné (photo ci-dessous) est un monument funéraire de l’époque néolithique dont la chambre sépulcrale est en partie détruite. Il reste deux supports de la table du dolmen et le couloir d’accès à la salle ou cella. Il s’étale sur une surface d’une centaine de m². En 1965, il fut dégagé, dans ce couloir trois squelettes préhistoriques, corps présumés de chef, enterrés accroupis, qui portaient sous leurs crânes deux magnifiques poignards en silex.

Au début du christianisme en Gaule, il y avait une villa gallo-romaine située sur la commune. Elle se trouvait au sud du village de « La Touche » et s‘étendait sur le pla- teau entre le village et le bourg. Trois monnaies antiques trouvées dans la terre permettent de dire approximativement à quelle date elle était habitée. La première pièce est une obole ou petite monnaie grecque. La deuxième est un « Autominianus de Tétricus » frappé vers 272 après Jésus-Christ. La troisième est un « follis » de consécration de l’empereur Constance Chlore frappé à Londres en l’an 306 de notre ère. Un buste de pierre sculptée, grandeur nature, orne actuellement l’entrée d’une maison dans ce village.

Ligné est un village à vocation agricole avec un sol fertile (terres de groies, argilo- calcaire, varennes) qui permet la culture des céréales et de la vigne. Autrefois la com- mune de Ligné possédait de belles vignes, qui ont disparu lors de l’invasion phylloxéri- que à partir de 1876. Ligné a beaucoup perdu à la disparition du vignoble, sa popula- tion a diminué de près de moitié depuis cette époque (voir graphique page suivante). Actuellement, 37 hectares 77 sont classés en fin bois pour la fabrication du Cognac.

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Population de Ligné - INSEE

614 621 597 550 545 518 800 435 431 343 339 284 600 262 250 260 226 219 216 194 158 400

200 0 1821 1831 1841 1851 1861 1872 1881 1891 1901 1911 1921 1931 1946 1954 1968 1975 1982 1990 1999

Quatre associations animent la commune :

Le Comité des Fêtes. Il a rendu célèbre la cavalcade avec ses chars décorés de fleurs en papier crépon, elle est aujourd’hui remplacée par une fête médiévale. Loto, concours de belote, réveillons du jour de l’an, brocante, repas du 14 juillet, brin d’aillet…font partie des animations proposées.

L’Amicale des Retraités de Ligné. Le club créé le 1° avril 1981 vient de fêter ses vingt ans. Il compte aujourd’hui 87 adhé- rents ; les rencontres amicales du mercredi, les voyages, les festivités joyeuses inter- club visent un but unique : combattre la solitude. Depuis le mois de septembre 2002 est né au sein du Club des Aînés un atelier « pat- chwork » dont les adeptes se réunissent tous les mardis après-midi et dont vous avez pu apprécier les travaux au cours de l’exposition qui a été organisée le dimanche 15 juin 2002.

Pour ceux d’entre vous pour qui le mot « patchwork » n’évoque rien de particulier, nous vous donnons ci-après quelques éléments concernant cet art : Si on trouve les origines dans les lointaines civilisations en Egypte, en Chine et en Inde, ces assem- blages textiles dont les exemples ont été ramenés par les croisés sous leurs armures ou les selles de leurs chevaux se sont développés dans différentes régions d’Europe et se sont retrouvés exportés vers le nouveau monde par les pionniers de la conquête de l’Ouest du 17° siècle, chaque communau- té personnalisant ses couleurs, motifs ou techniques. L’Amérique des 18° et 19° siècles se retrouva être le berceau d’un très riche patrimoine, la grande époque se situant dans les années 1771 à 1870. Le public français ne découvrit le patchwork traditionnel américain qu’en 1972, au cours d’une impor- tante exposition au Musée des Arts Décoratifs, à Paris. Aujourd’hui ce sont des milliers de femmes (les Quilteuses) qui à travers le monde se passionnent pour cette technique et cet art qui ne cessent d’évoluer. Doriane AUTHIER

La Société Amicale des Propriétaires et Chasseurs de Ligné Elle existe depuis le 26 janvier 1936 et compte aujourd’hui 32 chasseurs. Chaque année un chevreuil est offert au téléthon. Plaisirs, convivialité, bonne humeur sont présents aux diverses manifestations : méchoui et dîner dansant.

Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Culturel et Religieux de Ligné. Créée en novembre 2001 pour la restauration du mobilier de l’église Notre Dame de Ligné. Ces quatre associations se réunissent pour offrir un après-midi récréatif aux enfants de la commune à l’occasion de Noël. Jean-Paul MARTIN

3 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2003

Cimetière des Chevaliers Et Croix Hosannière

u Moyen Age, la A nécropole de Ligné comptait plus de cent pierres tombales grou- pées autour d’une «lan- terne des morts » : mo- nument élevé au XII° siè- cle dans les cimetières du sud-ouest, qui portait à son sommet une lampe à huile dont la flamme figu- rait la lumière divine veil- lant sur les morts, rempla- cée, en 1654, par une Cimetière des Chevaliers de Ligné croix hosannière. La plupart des 70 tombes restantes portent des décors sculptés, représentant des croix de formes différentes. On y voit, gravées, des croix grecques, pattées, inscrites dans des cercles ou des ro- saces. Outre ces croix, on remarque aussi une épée avec le pommeau rond du XIII° siècle, deux étendards ou bannières etc, évoquant le monde militaire de l’époque des croisa- des. Deux autres tombes sont dignes d’intérêt : celle Quelques précisions sur les Templiers d’un moine laboureur portant, gravées sur le Le Temple est un ordre religieux créé en côté, les pièces d’une charrue médiévale : 1119 à Jérusalem par Hugues PAYNS, l’autre, d’un maître maçon portant une équerre et chevalier français. Il avait plusieurs une «boucharde » de tailleur de pierre. On re- vocations : marque aussi deux sarcophages d’enfants et - militaire : les templiers ont lutté contre deux pierres chevalières. les Maures (Arabes) en Espagne et Une vingtaine de tombes plates et sans orne- contre l’Islam en Palestine. ments sont sans doute les plus anciennes. - religieuse : ordre Monastique, les moi- nes faisaient vœu de pauvreté, chasteté et obéissance. La mise en valeur de ces pierres tombales fut - administrative et financière : ils veil- réalisée de 1962 à 1971 par le maire de laient à l’entretien des routes des croisés l’époque : Robert SIMONNAUD. et ils assuraient la protection des pèle- rins. Ils finançaient les croisades, grâce aux revenus, de leurs domaines et aux Les pierres tombales ont été classées «monu- dons qu’ils recevaient. ment historique » par arrêté du Ministère d’Etat Cet ordre très puissant n’a duré que chargé des Affaires Culturelles le 8 juin 1965. deux siècles. En 1307, le roi Philippe le Bel, désireux de s’attribuer leurs biens Elles impressionnent d’abord et intriguent en- les fait arrêter en les accusant de tous suite. Les historiens ont, en effet, longtemps maux et nombre d’entre eux sont suppli- pensé qu’elles abritaient les sépultures de tem- ciés et brûlés. En 1312, le pape Clément pliers, de moines soldats de l’ordre du temple. V supprime l’ordre des Templiers.

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Mais aujourd’hui, malgré la proximité reconnue d’un itinéraire vers Saint Jacques de Compostelle, l’hypothèse de tombes de chevaliers morts chrétiennement est avancée.

Au milieu des sépultures contemporaines se dresse une magnifique Croix Hosannière où traditionnellement la proces- sion des Rameaux faisait halte en chantant l’Hosanna. Un che- min y arrivait jadis en ligne droite de l’église et du prieuré. Cette croix a été érigée en 1654 sur le large socle de cinq mar- ches circulaires où devait s’élever antérieurement la lan- terne des morts datant du XII e siècle. L’histoire veut que sous cette croix s’étendent des rami- fications de souterrains. Sans doute par ignorance, en 1945 cet édifice a été mutilé : une Croix hosannière cinquantaine de pierres furent cassées et enlevées !

Eglise Notre Dame de Ligné les Bois

’église (XII° - XIII° - XIV° et XV° siècles) appartenait à l’ancien diocèse de Poi- L tiers. Elle était à la fois l’église du prieuré et de la paroisse. En 1450, on y voit un religieux avec le prieur. La vicairie est alors perpétuelle, unie au prieuré du lieu, puis à l’abbaye de . Vers 1690, le presbytère est rebâti. La paroisse de Ligné main- tenue en 1803 avec Luxé pour annexe, est supprimée et annexée à Luxé le 30 sep- tembre 1805, puis rétablie par ordonnance royale et épiscopale les 7 et 22 août 1847.

L’église en forme de carré long du XII° siècle, comprend une nef, un transept et un chœur rectangulaire qui ont perdu leurs voûtes en berceaux, sauf le croisillon sud ; ils ont reçu une charpente apparente ou un tillage. La nef a trois travées que séparaient des doubleaux sur colonnes. Le carré du transept était limité, à l’ouest et à l’est, par un grand arc à rouleaux sur colonnes et dosserets, encore en place, sauf celui au nord- est. Les croisillons sans absidiole étaient, à en juger par celui du sud, précédés d’un doubleau sur colonnes. On remarque au croisillon sud, une litre funéraire des du Mas de Ligné (armoiries du XVII° siècle). Messire Jean DU MAS de Ligné et Dame Jeanne- Françoise de la LAURENCIE son épouse, sont enterrés dans ce transept sud. Un cha- piteau s’orne de deux magnifiques têtes de chevaliers portant le heaume et le haubert. L’église datant de la fin du XII e siècle et ce chapiteau étant de la même époque, une présence de la chevalerie existait bien lors de cette construction vers les années 1150-1180.

Le chœur, à chevet plat du XII° siècle, est éclairé par une large fenêtre à l’est, à l’époque en partie bouchée par le plafond, il contient deux piscines liturgiques jumel- les. Des fenêtres en plein cintre sont percées dans les murs de fond de croisillons. Les

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chapiteaux portent un renflement sur leurs angles, annon- çant, ainsi que les bases, au moins la fin du XII° siècle.

Dans la façade du XIII° siècle ouvre la porte à deux rouleaux brisés dont les arêtes sont ornées d’un boudin suivi d’un cavet ; on y remarque une niche vide, de date postérieure ; une arcade plein cintre porte la cloche (cloche refondue en 1877, bénite le 4 mars 1878 par le curé d’Aigre, son parrain : M. J. GLORIEUX, sa marraine : Mme RAMBAUD née CHERGE de ).

Les murs sont renforcés de contreforts droits ; ils sont obli- ques sur les angles. L’édifice a beaucoup souffert ; La cou- pole sur pendentifs au carré a été élargie au XV e siècle par des chapelles latérales peu profondes. A la même époque, Statue réalisée par l’abside à chevet plat reçut une voûte d’ogives. Gabriel LIGNÉ Ornements de l’église : Trois autels en bois ornaient l’église. Un à la Sainte Vierge. Un à Saint Vincent de Paul. Reste seulement l’autel du chœur qui provient de la cathédrale d’Angoulême. La restauration des murs intérieurs et du mobilier s’est achevée en mai 2003. Le Chemin de Croix date de janvier 1855 et la sculpture de la Vierge à l’enfant en bois du XVI° siècle.

Les fresques datent de la fin du XV° ou début XVI° siècle.

L’église Notre-Dame de Ligné, présente sur la moitié nord du mur occidental, une peinture murale gothique, sur deux registres superposés. Le registre supérieur décrit « Adam et Eve chassés du paradis ». A gau- che, Eve est nue, une pomme à la main, Adam qui lui faisait face, de l’autre côté du pommier dont nous discernons le feuillage, a aujourd’hui disparu. La seconde scène est séparée de la première par une interruption dans la palissade ocre jaune, qui est utilisée comme fond de ce panneau. A droite, un ange armé d’une épée, chasse Adam du paradis. Au registre inférieur, nous observons un Façade de l’église de Ligné personnage auréolé et ailé ainsi qu’une colombe qui

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constituaient probablement l’Annonciation. Les traces noires, au dessus de l’archange Gabriel sont certainement des restes d’une litre funéraire. La palette de couleurs est réduite à l’ocre rouge, l’ocre jaune et le noir. Tous ces pigments on été appliqués à la colle sur du badigeon de chaux, lui-même posé sur un mortier de chaux. Ces peintures murales sont classées monuments historiques au titre des objets mobiliers par arrêté en date du 28 juillet 1966. Pour la conservation des fresques du mur Nord, des mesu- res d’assainissement et de consolidation des murs de l’édifice, visant à éliminer les algues présentes au pied du mur, ont été réalisées.

Titulaires de l’église Notre-Dame de Ligné-les-Bois

CALUEAU Pierre : 1471 DUDOUBLE A. :1664 VIGIER Antoine : février 1669, résigne au suivant en 1697 et meurt peu après DERAZE Jean : mars 1697 – 1707 CLARTÉ Jean : août 1707 et résigne peu après DE CHEVREUSE François : janvier 1708 JUSTAUD Julien : Transféré de Barro en septembre 1708, résigne en 1712 et va à Charmé DEMOYSAY Claude : installé le 12 septembre 1712, permute avec le suivant en 1717 à Cellet- tes. Mort le 6 décembre 1720 à 80 ans MOUROUX Antoine : Transféré de Cellettes le 24 février 1716 et résigne en 1734 NESTRE : curé de Ligné-les-Bois (sans doute vicaire) le 20 février 1730 BOURDEAU Charles : 20 décembre 1734 à 1773 VACHIER : Prêtre vicaire de la paroisse de Ligné en 1757, reçoit « visa » le 5 mai 1760 à Luxé, résigne Luxé en 1775 JOURDAIN Guillaume : Transféré à Ligné en 1773, se retire en 1793 après avoir prêté le ser- ment à la Constitution Civile du clergé. Revient en 1802, est réinvesti le 25 juillet 1803 et meurt le 26 juillet 1806 BOURDON : Curé de Luxé, premier acte 1861, dernier acte 1873. BROUSSE François : Curé de Ligné transféré de Roumazières 1er mai 1863 fait vicaire de Ruffec. CHESNE Julien : Curé de Ligné 1er janvier 1864, va à Paizay-Naudouin THOUIN MAURILLE : d’Obézine, transféré de Saint-Gourson, curé de Ligné du 3 juillet 1869 au 31 décembre 1876. BLOUIN : Curé de Luxé, premier acte 1874, dernier acte 1877. DAVID Eugène : Curé de Ligné, rentré de la Miséricorde d’Orléans le 16 janvier 1877, va à Juillé le 31 août 1878. Assure le Ministère de Ligné jusqu’en 1884. DAVIEUX A. : Curé de ? premier acte 1885, dernier acte 1889. MOREAU P. : Curé de ? premier acte 1889, dernier acte 1900. SELLIER O. : Curé de Luxé, premier acte 1900, dernier acte1904. MONTROUSSEAU Frédéric : Curé de Ligné, premier acte 1904, dernier acte 1907. REGNIER O. : Curé de Tusson, premier acte juin 1907, dernier acte 1930. COIN J. : Curé de Charmé, premier acte 1930, dernier acte 1944. DUCOURET R. : Curé de Tusson, premier acte 1944, dernier acte 1947, (aidé de 1948 à 1949 par Jacques LEDE). BOISMOREAU A. : Curé de Charmé, premier acte 1950, dernier acte 1963. DUCOURET R. : Curé de Tusson, premier acte 1964, dernier acte 1983. TESSERON A. : Curé de Fouqueure, premier acte 1983.

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Le Prieuré Sainte-Marie de LignÉ

u sud du chevet de l’église, le couvent bénédictin, très ancien monastère, devient A au cours des croisades une maison forte de chevaliers, et sans aucun doute un haut lieu de l’histoire chevaleresque. En ses murs et pendant plusieurs siècles, vécut la chevalerie qui était un état d’âme, c’est à dire le code d’honneur des combattants Chrétiens du Moyen-âge. Le Prieuré se compose d’un grand corps de logis orienté est-ouest avec à chaque extrémité un pavillon plus large. Le premier étage de la partie centrale était au XIII° siècle la grande salle du chapitre des Moines. Elle était décorée aux deux extrémités de peintures murales. A l’ouest, était une frise soulignant la courbe en arc brisé du plafond ; entre deux bandes très marquées, des équerres entrelacées composaient l’ornementation. Les trois couleurs dominantes étaient le rouge, le jaune et le noir. Au XIV° siècle, on dessina dans la salle capitulaire des fresques représentant des blasons de combattants. A l’origine la fresque était composée de dix écussons, avec comme émaux le blanc et le rouge. Six de ces fresques déposées et classées en 1966 « monument historique » par le ministère des affaires culturelles sont exposées à la mairie. Ces écussons, de la grandeur d’un bouclier de chevalier, sont décorés des armes de chaque famille noble qui les a possédés et témoignent ainsi du passé militaire certain du Prieuré Notre Dame de Ligné.

La salle capitulaire fut supprimée et tout le bâtiment fut transformé en maison d’habitation pour loger un prieur et un religieux dont on trouve trace en 1460. D’autres modifications furent également apportées à cette construction vers 1690. Il subsiste au rez-de-chaussée un bel escalier massif en pierres dures qui desservait la grande salle du premier étage. Au rez-de-chaussée de la moitié Est, deux grands arcs murés constituaient deux lar- ges ouvertures donnant accès à une salle ayant pu servir d’écurie à trois ou quatre chevaux. De cette salle, on accède, par un escalier de pierres, à une cave profondé- ment enfouie dans le sol ; la voûte est en berceau brisé, et il existe un départ de sou- terrain. Les pavillons construits à chaque bout du corps de logis avaient des fonctions différen- tes : celui de l’ouest était un dortoir au premier étage et une réserve de vivres au rez- de-chaussée, celui de l’est pouvait être une réserve à fourrage à l’étage et réserve à vivres en dessous. A l’extérieur, en haut des murs plein ouest, existent des rangées d’ouvertures de nids à pigeons (boulins) sur toute la largeur du pavillon. Ce Prieuré possédait au Moyen Age un important mur d’enceinte ; il fut supprimé à la révolution et vendu avec son jardin, comme bien national, le 22 Thermidor an IV au prix de 2000 livres.

Pigeonnier du Prieuré

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Titulaires connus et inconnus de l’ancien Prieuré conventuel de Ligné.

1450 - Présence d’un religieux et d’un prieur. Un prieur de Ligné est cité sur un arrêt du 22 août 1614. Charles DEXMIER, senior. Charles DEXMIER, junior, sieur de La Côte, installé le 17 juin. Alexis-Robert MARSAULT dit abbé de la Cailletière, seigneur de Chastelars-La-Rivière, rési- gne au suivant sous réserve de 600 livres de pension. Enterré dans l’église de Ligné le 29 octo- bre1747. Antoine MERCERON installé le 24 février 1746, résigne aussitôt. Hyacinthe LOUMEAU, neveu du prieur MARSAULT. Louis HAINER en 1767.

La courte-boule sous l’ormeau

raditionnellement, le dimanche après-midi, les hommes se réunissaient pour jouer T à la courte-boule. C’était l’occasion de rencontres, de conversations des plus sérieuses au plus désuètes mais aussi le lieu de révélation de la personnalité de cha- cun. En effet jouer à la courte- boule permet de montrer son adresse, son intuition, son esprit d’équipe et…sa coquinerie !

La règle du jeu : La pièce principale est le maître, un petit billot en bois qui sera le reposoir de la mise. Cette mise gérée par le trésorier peut- être de 5 sous ou plus… Autour du « maître » se forment 2 équi- pes de 4 à 20 joueurs, un nombre pair est obligatoire. Chaque équipe se Ligné : une partie de courte-boule vers 1900 choisit un capitaine et bien entendu chaque joueur a sa boule en bois, de préférence dans un bois résistant, qui ne fend pas, comme le buis ou le pommier. Autre étape importante : le tirage de l’équipe qui démarrera le jeu. A tour de rôle, chaque joueur tire sa boule pour s’approcher le plus près du « maître » A un tournant du jeu, à l’initiative du capitaine, il est décidé de « poquer » le « maître » le but est de faire voler l’argent vers les boules de son équipe. La mise revient à la boule la plus près. En fin d’après midi, une soixantaine de personnes pouvaient se trouver ainsi réunies autour de ce jeu de courte-boule, aujourd’hui disparu.

Un « poqueur » célèbre vers 1935 : Auguste GRACIEUX.

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Les 27 Maires de LIGNÉ de 1792 a 2003

1 1792-1794 (2ans) André NAUD 2 1794-1800 (6ans) François RAMBAUD 3 1800 (3 mois) Jean HUGON 4 1800-1816 (16 ans) François RAMBAUD 5 1816-1831 (15 ans) Antoine RAMBAUD 6 1831-1833 (2ans) Jean LAVALLÉE - (Elu député de l’Assemblée Constituante le 23 avril 1848). 7 1833-1837 (4 ans ½) Jean HUGON 8 1837-1848 (11ans) Sébastien BOURDEAU 9 1848-1850 (2ans 1/2) Louis RAMBAUD 10 1850-1851 (1an) TESSIER-BOISGACHET 11 1851-1859 (8ans 1/2) Sébastien BOURDEAU 12 1860-1870 (10 ans) Jean MOUROUX 13 1870 (6 mois) Jean VERGNAUD 14 1871 (9 mois) Ernest MASSELOUX 15 1872-1879 (7 ans) Jean NAUD 16 1879-1880 (1an 1/2) Pierre DUBOIS 17 1881-1884 (3ans) Jean NAUD 18 1884-1892 (8 ans) Pierre DUBOIS 19 1892-1904 (12 ans) Gaétan LAVALLÉE 20 1904-1919 (15 ans) Etienne VERGNAUD Robert SIMONNAUD, 21 1919-1926 (7 ans) Pierre LAMBERT Maire de Ligné et Conseiller 22 1926-1929 (3 ans) Louis BAUDINAUD Général du canton d’Aigre 23 1929-1959 (30 ans) Philippe MONTUSSAC de 1967 à 1973 24 1959-1961 (2 ans) Fernand TALLON 25 1961-1983 (22 ans) Robert SIMONNAUD 26 1983-2001 (18 ans) Robert PICAUD 27 2001- à ce jour Jean-Paul MARTIN

Logis de la Grange

e logis, situé à mi-chemin entre le bourg et le village de « Chez Pauly », en direc- C tion de Luxé, est actuellement habité par Mr et Mme André GRUAUD depuis quelques décennies. Derrière leur domicile actuel, au fond d’une cour et cerné de murs, se situe un beau logis. La date de construction de ce logis est inconnue, mais l’on sait qu’il s’agissait d’une ancienne grange aux dîmes qui récupérait les impôts de la commune jusqu’à la révolution.

En 1699, à l’époque de Louis XIV (le Roi Soleil) Charles DE LESVAL, écuyer, fait faire l’inventaire des meubles. Il est recensé une cuisine, 3 chambres basses, 1 chambre haute, 1 four, 1 cave, des dépendances. En 1715, ce logis se trouve aux mains de la famille GEORGET qui rajoute un salon et garde la grange jusqu’en 1780. En 1788, on apprend qu’il appartient à Louis DURANT, sieur de la Grange. Ensuite, bien plus tard, Gaëtan LAVALLÉE, maire de Ligné au début du XX° siècle en est propriétaire et le garde quelques décennies avant de la vendre à Armand GRUAUD, marchand de bes- tiaux, père du propriétaire actuel.

A l’Est du bâtiment, du côté de Ligné, se dresse un beau colombier datant probable- ment du 17ème siècle, dont la toiture actuelle à 2 pans a remplacée une ancienne toiture à 4 pans. On sait que les colombiers étaient les apanages de la noblesse, au même titre que les moulins et les fours ; seuls les seigneurs avaient le droit d’en pos- séder sur leur fief ; mais selon les coutumes locales le propriétaire devait avoir au moins 50 arpents de terres labourables autour du colombier.

10 Octobre 2003 Histoires du Pays d’Aigre

Durant la période de la dernière guerre, le Logis de la Grange a été aussi lieu d’animation et de distraction pour les jeunes des années 1940. Régulièrement des bals clandestins y étaient organisés et 3 musiciens venaient de Coulonges avec grosse caisse, saxo et accordéon. Le Dimanche après-midi, la jeunesse de Ligné, Charmé, Fouqueure et Tusson venait à vélo y danser valses, tangos, javas et rumbas.

NB : On retrouve actuellement des « DE LESVAL » en Saône et Loire.

Le lavoir

ur la route de « Villesoubis », une procession de brouettes se rend au lavoir. S C’est le lundi, jour rituel pour la lessive, qu’elles sont les plus nombreuses ! Mais le jeudi, notre mercredi aujourd’hui, les enfants se font une joie d’accompagner les brouettes. C’est une sortie qui leur plait, car elle a le goût de liberté et de jeux diffé- rents de ceux de la ferme. Certains prenaient même un malin plaisir à obstruer, ou à l’inverse, ouvrir les pelles, pour savourer les exclamations des femmes devant un lavoir inondé ou bien à sec !

Ah, si les murs de ce la- voir pouvaient parler ! Il y en a eu des « bavettes de taillées » à cet en- droit !!! Lavoir sur la route de « Villesoubis »

Entête d’une facture trouvée dans une bouteille scellée et emprisonnée dans un pilier d’une an- cienne forge à Ligné. Voici le texte de la facture : Nous soussignés déclarons clos à cette date du 14/12/1930 les travaux. Exécutés par Adolphe FEVRIER, Paulin BRAMBILLA, Rémy TOURNE- BOURAUD, Robert BRAMBILLA.

Ont assisté à l’arrosage du dit chantier : Antonin NAUD dit Pistolet, René BERNARD dit Maréchal, Auguste GRACIEUX.

Suivent les signatures des dites personnes.

11 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2003

Le Mas de Ligné

out à côté de la croix hosannière, il y a les sépultures de la famille DU MAS de T Ligné. Diverses inscriptions permettent de suivre les décès des membres de cette famille de 1770 à 1931.

La terre de Ligné a été possé- dée pendant longtemps par une famille DUMAS, ou DU MAS qui en avait pris le nom et qui la possédait encore à la révolution. Le 8 août 1758, François DU MAS chevalier, seigneur de Ligné, épousa dans l’église de Mons, Su- zanne DU BOULET, fille de Jean, seigneur de Villeneuve en partie et de feue Marie DE . La famille DU MAS de Ligné et ses descen- Chapelle intérieure du Mas de Ligné dants ont occupé cette maison forte de 1460 à 1931. « Le Mas », ancien château des seigneurs de Ligné, a conservé sa grande construction des XIII° et XV° siècles avec des restes d’échauguettes (bout de tourelle posé sur un mur, un contrefort pour loger une sentinelle) dans le haut des murs à l’est et des fenêtres à moulures et à meneaux (montants de pierre divisant une fenêtre).

LES SEIGNEURS DE LIGNÉ de 1460 à 1789

DU MAS, Seigneurs de la Touche, de la Grange, du Peux et de Ligné. « de gueules, à 3 têtes de lion (alias 3 hures de sanglier) couronnées d’or, lampassées de même, po- sés 2 et 1 ».

I - Jacques du MAS, marié vers 1460 à Charlotte d’ABZAC ; II - Joachim du MAS, marié le 8 octobre 1485 à Frontonne MAZAT ou MAYAT ; III - Pierre du MAS, enquêteur pour le Roi en Périgord. Marié le 17 septembre 1519 à Marguerite-Hélie de COULONGES de PIEGUT ; IV - Martial du MAS, seigneur de Ligné et du Grand Cluzeau, Marié le 4 juin 1575 à Gabrielle de VOLVIRE d’Aunac. Dont un fils qui suit et une fille Louise, mariée en 1595 à Philippe CORGNOL, seigneur de BEAUREGARD ; V - François du MAS, marié le 28 mars 1622 à Marie des CROUZILLES, Dame du PUY de BRUZ, près de Civray. Enfants : 1 ° - César, qui suit : 2 ° - Charles, sieur de PREMILLANT, marié à Anne MARTIN, sa veuve en 1684 et demeurant alors au Logis de Puyloyer (en Mouton). 3 ° ( ?) Jacquette (1634-1714), mariée à Claude MAGNANT. VI - César du MAS, Sieur du Puy de Brux, marié le 14 janvier 1648 à Louise du LAC, dame du PEUX (en Charmé), inhumée à Ligné le 3 avril 1697, âgée d’environ 60 ans, dont :

12 Octobre 2003 Histoires du Pays d’Aigre

1° - Françoise, mariée le 29 octobre 1708 à Jean CAILLON, écuyer, sieur de La Caillère (en Lorigné) ; 2° - Henri, qui suit ; 3° - Jean, qui suivra (Branche du Peux et de Ligné, degré VII bis).

BRANCHE de la TOUCHE en LIGNÉ

VII - Henri du MAS, écuyer, sieur de la Touche, inhumé en l’église de Ligné le 22 dé- cembre 1707. Marié à Jeanne, Marie TIZON, dont : 1° - Michel, qui suit ; 2° - Françoise (1648-1722) 3° - Jacquette (1700) Prieure du Couvent des Dames de Tusson ; 4° - Jeanne (1702) ; 5° - ( ?) Jean, écuyer. VIII - Michel du MAS, écuyer, seigneur de la Touche, baptisé le 7 juin 1697, mort le 19 août 1777, marié à Marie-Anne-Jacquette de NOSSAY (1700-1750), dont : 1° - Marie-Louise (1738) 2° - Jean-Jacques-Philippe-Joseph (1739) 3° - Marie (1741) ; 4° - Charles (1742) ; 5° - Jean (1743) 6° - Pierre, qui suit ; 7° - Louis, dit Monsieur de la Touche. Il émigra. De son mariage avec Marie-Louise de VIAUD de la Charbonnière, il laissa ; a) un fils, tué sans alliance au siège de Mayence en 1793 ; b) Hortense ; c) Agathe ; d) Mélanie, mariée à Jean GRANT de Luxolière de Nauchapt ; IX - Pierre du MAS, écuyer, seigneur de la Touche et de la Raffinière, capitaine d’Infanterie, Chevalier de Saint-Louis. Il émigra en 1792 avec toute sa famille. Il avait épousé en 1776 sa belle-sœur Louise-Marie de VIAUD de la Charbonnière, qui lui donna 6 filles et 2 garçons.

BRANCHE du PEUX, puis de LIGNÉ

VII bis - Jean du MAS, écuyer, seigneur du Peux de Bruz en 1697. Marié à Louise Marguerite de BOURSOREILLE, dont Jean qui suit ; VIII - Jean du MAS, écuyer, seigneur du Peux et de Ligné, né en 1708. Il vendit la terre du Peux en 1734 à Jean JOLLY, notaire à Brux. Mort à (Charente), le 5 avril 1788. Marié le 25 mai 1731 à Jehannne-Françoise de la LAURENCIE de Chadu- rie (1708-1799) inhumée à Ligné. Enfants : 1° - Louis 2° - François, qui suit et deux filles mortes au berceau IX - François du MAS de LIGNÉ, Seigneur de BOISGACHET (1735, mort le 21 juin 1803), marié à MONS (Charente) le 8 août 1758, à Suzanne du BOULLET (1740- 1812), dont 2 fils et 4 filles.

Dernière descendante des DU MAS, Madame Marie TARDIF est morte à Ligné en 1931.

13 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2003

noce villageoise a Ligné

n avril 1946, après la démobilisation de 1945, l’initiative de cette noce est prise E dans le but de réunir le village dans une ambiance de fête après une période si morose et le souvenir joyeux de la noce de Charmé en 1939 dope les préparatifs. Chacun s’active pour trouver son costume de noce et les malles des grand-mères sont réouvertes.

Le choix des personnages principaux est fait : • La mariée : Pierrette VERGNAUD • Le marié : Gérard CLERGEAUD • Le notaire qui va lire le contrat de mariage : André SAULNIER • Le maire : Auguste GRACIEUX • Le garde champêtre : Raymond BONNAUD

La noce se réunit sur la place, pour le défilé du cor- tège autour de la commune.

En pleine période de restric- tions (Plan Marshall), le menu du repas de noce est établi grâce à la participation de chacun : soupe de pain, ragoût de poule, « mojet- tes », salade des alentours (pissenlits), fromages blancs de chèvre et de vache, bouillie et millas. Le repas sera servi dans la salle de bal « chez Poirier ».

14 Octobre 2003 Histoires du Pays d’Aigre

Le distillateur ambulant

éritier d’une tradition centenaire, le distillateur ambulant parcourt plusieurs villa- H ges, de l’automne à la belle saison, pour transformer le marc de vin, le marc de fruit, ou le vin, fournis par le bouilleur de cru, en ce liquide que l’on appelle eau-de-vie. Dans notre canton, de 1927 à 1946, Eugène MARTIN le père, puis le fils de 1947 à 1963, ont exercé cette profession. On se souvient du rendez-vous annuel avec l’alambic, sur l’atelier public du village (lieu qui était déterminé par les contrô- leurs des contributions indirectes). L’ambiance est très conviviale, on se retrouve, on discute, on goûte…

La campagne commence après le descellement de l’alambic, c'est-à-dire la récupération du « col de cygne » déposé à la fin de la campagne précé- dente à la recette buraliste du canton et avec l’obtention du « permis de circuler ». De nos jours, les alambics sont plom- bés par le service des douanes, à la demande du bouilleur ambulant, à la fin de la campagne dont l’époque et la durée sont fixées par ce même ser- vice.

Les outils du distillateur ambulant: - L’alambic formé de deux corps, une chaudière pour chauffer le marc ou le vin à distiller et un deuxième récipient Eugène MARTIN devant son alambic appelé « réfrigérant » garni d’eau froide dans lequel se trouve le serpen- tin., le « col de cygne » relie les deux corps. - les entonnoirs en cuivre qui servent à mettre l’eau de vie en bonbonne au sortir de l’alambic. - le pèse-alcool permet quant à lui de mesurer le degré d’alcool produit.

Les articles concernant Ligné ont été rédigés par : Marie-Pierre et Jean-Paul MARTIN avec la collaboration de :

Raymond BONNAUD, Anne-Marie BRIAND, André GRUAUD, René LANGLOIS, Gérard LAVALLÉE, Janine NAUD, Monique MONCOEUR-GIRAUD, Maurice PLANCHER, Pierrette ROY, Simone TALLON, Pierre VERGNAUD

15 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2003

La cavalcade

e comité des fêtes de Ligné a été créé le 13 mars 1962. M Robert SIMONNAUD, L président et M Alain BOUCHET étaient les initiateurs et les fondateurs de ce défilé de chars fleuris que l’on nomme : cavalcade. A cette époque, le rôle principal du Comité était d’organiser et de développer des fêtes dans la commune (bals, représentations théâtrales, excursions scolaires etc...). La première cavalcade de Ligné est officiellement née en 1968. A partir de cette date, le compte à rebours a commencé et perduré pendant 34 ans. Au départ, la structure des chars était réalisée, avec beaucoup d’imagination, avec des matériaux de récupération (bois, carton, fer etc...) puis, le fer et le grillage sont deve- nus indispensables pour la mise en forme de personnages ou d’animaux. Ces squelettes métalliques étaient ensuite recouverts de plusieurs couches de papier journal, support essentiel pour le papier crépon. Ces importantes surfaces étaient alors recouvertes de milliers de roses en crépon, confectionnées et collées à la main. La « spécialiste » dans ce domaine était Mme Raymonde BOUCHET. Dès le mois de juin, les habitants de Ligné se mettaient à l’œuvre afin de terminer le travail pour le deuxième dimanche du mois d’août. Petits et grands étaient au rendez- vous pour préparer et coller ces nombreux chars. L’amitié et la solidarité étaient la force de notre petite commune. En 1968, la cavalcade comptait une vingtaine de chars fleuris avec fanfare et person- nes déguisées. Mais avec les années le défilé diminuait. Le manque de volontaires et l’important travail nécessaire à la conception d’un beau défilé sont les principales conséquences de l’essoufflement de cette cavalcade. Cependant, elle ne se termine pas sur une note de tristesse car en 2001, Ligné fut récompensé de tous ses efforts par la remise du premier prix du plus beau char fleuri (Miss Euro) lors de la fête des vendanges à Cognac (photo ci-dessous). A ce moment-là, tous les habitants et amis de Ligné furent fiers et heureux d’avoir participé à l’accomplissement de cette traditionnelle cavalcade et n’oublierons jamais ces moments passés... Sylvie BONNAUD

Char de la cavalcade : ci-dessous Mickey en 1988 et ci-contre « Miss Euro » en 2001 lors de la dernière.

S

16 Octobre 2003 Histoires du Pays d’Aigre

Histoire environnementale et Archéologique de Ligné

e nom du village de Ligné aurait pu provenir d’un dérivé de l’ancien français « lei- L gne »(bois), à mettre en relation avec deux mots du dialecte local : « ligne ou lai- gne ». Mais en vérité, il semble plus probable que le patronyme provient d’un nom d’homme gallo-romain « Lemnius » lui-même issu du Gaulois « Lemnos ». Le village se serait donc développé à partir d’une vaste villa gallo-romaine ayant appartenu à un riche propriétaire terrien, cette vaste entité agricole se trouvant probablement à l’emplacement de la ferme de La Touche.

On voit apparaître pour la première fois le nom de « Leigniaco » à la fin du XII° siècle lors de l’édification de l’Église Notre- Dame qui est à la fois l’église du Prieuré et de la paroisse.

Les terrains affleu- rant sur la com- mune sont essen- tiellement compo- sés de calcaires argileux et de mar- nes où s’intercalent de minces bancs de calcaires litho- graphiques (Rau- racien). Au nord de la Tou- che se trouvent des dépôts cryo- clastiques formés aux dépens des calcaires jurassi- ques lors des der- nières glaciations quaternaires. À l’examen de la carte de Cassini (carte n° 1), le bourg se trouve sur

17 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2003

le versant d’une colline au pied de laquelle serpente la rivière le Bief (Cliché n° 1) prenant sa source à . Au XVIIIe siècle se trouvaient trois mou- lins édifiés sur son cours : le Moulin Chauvaux, le Moulin Ligné et le Moulin Chateleu (devenu le Moulin de Châtelut) À ce jour, Ligné est une commune de 161 habitants, d’une superficie de 797 hectares dont 89 hectares de surface boisée (soit 8,95 %).

Cliché 1 : le Bief à Ligné au moment des hautes eaux, en mars 2000, moment où le débit est le plus intense. Au mois d’août, la rivière n’est plus qu’un lit asséché alors que l’on y pêchait la truite il y a encore 30 ans.

Ligné est l’une des plus petites communes du Pays d’Aigre. Malgré la faible surface du terroir, son passé archéologique est assez conséquent. Par exemple, les premiers agriculteurs charentais du néolithique (Âge de la Pierre Polie) laissèrent des vestiges sous forme de nécropole (tumulus du Gros Dognon, fouillé en 1976) (Cliché n° 2), un atelier de taille de silex ainsi que la présence d’un tumulus attestés au lieu-dit « les Fosses d’Enfournard ».

Les Âges du Bronze et du Fer sont loin d’être absents, représentés également par des tombes tumulaires et un enclos dans le « Bois Mon- jaud ». La période gallo-romaine est particulièrement repré- sentée par le site de « la Touche » (Cliché n° 3) qui

Cliché 2 : le tumulus du « Gros Dognon ». Nécropole datant de la période néolithique, bien que protégée des regards par un couvert boisé, les restes de ce « dolmen » subissent les outra- est probablement l’emplacement d’une ges du temps et surtout des fouilleurs clandes- vaste villa perdurant au moins quatre siè- tins. cles et qui pourrait être l’élément fondateur du village. Le site a été particulièrement étudié par son propriétaire actuel, M. Maurice PLANCHET, bien nommé dans les jour- naux comme « le paysan-archéologue ». De nombreux vestiges ont été mis au jour sous formes de statue (Cliché n° 4), cadran solaire, pierres tombales, céramiques et monnaies. Un puits (Cliché n° 5) datant d’il y a deux mille ans donne naissance à une source et peut toujours fournir de l’eau malgré la grande sécheresse de 1976 et la dernière canicule, par exemples.

D’autres traces d’occupation gallo-romaine se trouvent aux « Teignes », « Chez Pau- ly » et au « Champ de la Cingle ». Pour achever cette évocation de l’Antiquité romaine,

18 Octobre 2003 Histoires du Pays d’Aigre

n’oublions pas l’aqueduc menant l’eau de la « Font de Frêne » à « la Terne ». Cet aqueduc a été décrit dans le n° 3 des Histoires du Pays d’Aigre.

Cliché 3 : l’écart de « La Touche », ferme dont certains bâti- ments datent de la Renaissance et dont l’emprise moderne se trouve à l’emplacement d’une grande « villa » gallo romaine. Ce site peut-être considéré comme l’élément fondateur du village de Ligné à la période mérovingienne.

Pour finir ce rapide inventaire, nous évoquerons brièvement le passé médiéval du vil- lage.

Au risque de déplaire, il faut tordre le cou à cette « légende » du cimetière de Tem- pliers qui est une invention tellement bien montée qu’elle figure dans le Guide Bleu de 1990, p. 166. Pour ne citer que l’Abbé DUCOURET, dans un article paru dans le Cour- rier français fin 1976 : « Il faut que la commune (et la paroisse) se fasse une raison : il n’y a jamais eu de chevaliers du Temple à Ligné. Personnellement, nous avions infir- mé cette thèse depuis longtemps. Le livre qui va paraître de notre ami Charles DA- RAS : « Les Templiers de Charente » en apporte un témoignage supplémentaire. Sur les trente-quatre Commanderies de la Charente, les plus proches de chez nous sont : Barbezières, Fouqueure, Villejésus (le nom est déjà très indicatif) et le Temple de Boixe ». D’autre part, dans un article du quotidien Sud-Ouest, en date du lundi 8 novembre 1976, l’ancien maire de Ligné expliquait la sauvegarde et la mise en valeur de quelques pierres tombales par l’alignement de celles-ci à l’entrée du ci- metière. D’autres les rejoignirent dont onze pierres tombales en provenance du Prieuré de Gourville ainsi que deux autres (dont une d’un laboureur) en provenance de Bessé. Patrick F. JOY

Cliché 4 : élément de statuaire monumental (plus de 1 mètre de haut) évoquant la richesse du patri- moine enfoui sous la ferme de « La Touche » 19 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2003

Cliché 5 : margelle de puits gallo-romain, sur le domaine de « La Touche ». Le diamètre de l’orifice est de deux pieds ro- mains (environ 60 cm). Bien que le puits soit rempli de limons, une eau claire s’en échappe sous forme d’une source au pied de laquelle pousse du cresson sauvage. Si l’eau de ce puits devait être bue, il serait juste de le nettoyer et de le curer. Pour mémoire, les habitants des « In- chauds » venaient y prendre de l’eau dans les années 1940 lorsque les leurs étaient à sec.

Sources : « Inventaire archéologique de la frontière --Charente » – G. GABORIT - Angoulême, 1954. « Les templiers en Charente » – Ch. DARAS - S.A.H.C, 1981. « Dictionnaire étymologique des noms de lieux en » - A. DAUZAT et Ch. ROSTAING - Librairie GUÉNÉGAUD, Paris - 1978 Préfecture de la Charente et Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt de la Charente, Angou- lême. « Carte géologique de la France au 1/50 000° » - Ruffec - BRGM, Orléans. 1984. « Le Gros Dognon de Ligné (Charente) » – E. GAURON - S.A.H.C., Angoulême, 1978. « Sites n° 693, 722, 811, 813 et 14, 940, 1 321, 22, 23 et 24. Rapports scientifiques » – Patrick F. JOY. Direction Régionale des Affaires Culturelles. Service régional de l’archéologie. Poitiers. 1998 à 2003. « Notes historiques sur les communes de l’ancien arrondissement de Ruffec » - A. FAVRAUD - Ruffec, 1898. « Le Courrier français », décembre 1976 - Abbé DUCOURET « Histoire de Prieuré Notre-Dame et du Cimetière Ancien de la paroisse de Ligné-les-Bois » - Robert SIM- MONNAUD, Angoulême, Imprimerie Blanchard, 1973.

Ancien pigeonnier du château. Il a commencé de s’écrouler en 1947 et est complètement détruit en 2003 20 Octobre 2003 Histoires du Pays d’Aigre

UNE HISTOIRE DE CIERGES

« Marcillac 5 décembre 1815 »

« Monsieur,

La conduite scandaleuse et indécente qu’a tenue envers moi, dimanche dernier, le sacristain d’Ambérac, dans le lieu même du rassemblement des fidèles et en la présence de plusieurs d’entre eux, m’oblige de vous faire entendre mes justes plaintes. Vos principes et les sentiments religieux dont vous êtes animé, ainsi que toute votre respectable famille, me sont de sûrs garants que je ne ferai pas inutilement cette démarche, et que vous ne souffrirez pas qu’un ministre des autels soit publiquement humilié chez vous par celui qui, naturellement, doit être à mes ordres et ne faire que ma volonté dans le lieu saint.

Appelé dans votre commune pour y faire un enterrement, le sacristain, avant la fin des prières, ramasse à la hâte les cierges de l’autel et autres, les met sous clef et me les refuse insolem- ment, lorsque informé qu’il n’y aura pas de service, je les lui demande, pour les emporter selon l’usage, prétendant et soutenant que, parce qu’il les a fournis, ils lui appartiennent. Est-ce à titre de marchand qu’il les a fournis ? Dès lors, il a le droit de les faire payer par celui qui les lui a demandé. Dès qu’ils ont servi à la cérémonie funèbre, ils appartiennent au prêtre. De quel droit veut-il donc se les approprier ? Il n’a point fait valoir de pareils droits en d’autres circonstances semblables. Sur la menace que je lui fais d’en porter mes plaintes à l’autorité compétente, il se moque de moi et me répond que peu lui importe mes plaintes et l’autorité. C’est ainsi que forcé au silence pour ne pas en entendre davantage, je pris le parti de me retirer. A peine sorti de l’église, j’appris le vrai motif de cette conduite extraordinaire. Ces cierges, m’a-t-on dit, sont pour lui un grand produit. Ce sont ceux qui ont servi pour l’enterrement du vieux David. Monsieur le curé de Gourville qui fut appelé pour cette cérémonie par son paroissien M. NICAUD, les laissa pour le service qui devait se faire peu de jours après. Les héritiers ne s’étant occupés que de partager la succession et M. le curé étant parti sans disposer de ses cierges, le sacristain doit-il se les approprier ? Il me semble alors qu’on ne doit s’en servir qu’en faveur de l’indigent dont la dépouille mortelle ne doit point être déposée dans la tombe sans quelque honneur, et non les laisser à la disposition d’un homme qui les fait tourner à son avantage, qui se les a déjà fait payer plusieurs fois par des particuliers aisés, et qui continuera de frauder ainsi les droits du pauvre si vous n’y mettez obstacle. Je pense donc que les droits de l’église et les clefs ne doi- vent plus être confiés qu’a un homme fidèle et craignant Dieu et qui ne s’écarte pas du respect qu’il doit à ses chefs.

Si, contre mon attente, il en était autrement, je ne m’exposerai plus à une pareille avanie, et malgré que Monseigneur l’Evêque m’ait invité et recommandé expressément, comme prêtre le plus voisin d’Ambérac, de porter les secours de mon ministère à ceux qui auraient recours à moi, je déclare formellement que je les refuserai à qui que ce soit. Veuillez, monsieur, présenter mes hommages respectueux à vos dames et me croire avec la considération la plus distinguée.

Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur ».

MARGINIERE, prêtre René FONTROUBADE

Sources : Archives de la mairie d’Ambérac

21 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2003

LES REFUGIÉs À BARBEZIERES

uyant la guerre et ses affres, des populations entières se sont vues refluer vers F des zones plus hospitalières. D’après les témoignages, la guerre de 14 avait en- traîné l’arrivée des familles DELAPORTE et VISEUR, du Pas-de-Calais, qui occupè- rent le presbytère de Barbezières. Au retour du front, Camille LAMY était accompagné de Lucien LEJEUNE, que l’on appelait familièrement « Chauny », du nom de sa ville natale. Alors âgé d’environ 14 ans, la mémoire collective prétend qu’il avait été retrou- vé, sa famille complètement décimée. Il demeura plusieurs années chez Camille LAMY, en attendant de trouver un travail stable. La photo ci-contre le représente lorsqu’il faisait la distribution du courrier. Ce n’est qu’en 1939-1940 que Barbezières se verra confier de nombreux réfugiés. Ceux-ci obtenaient la qualité de réfugiés s’ils appartenaient : - aux régions évacuées par ordre des autorités militaires - aux localités dont, par mesure de sauvegarde, l’éloignement a été conseillé ou la dispersion per- manente ordonnée - aux localités qui, sans avoir fait l’objet d’une des mesures ci-dessus, se trouveraient soumises au feu de l’ennemi dans des conditions justifiant des dé- parts rapides et spontanés. Le département de la Charente devait pouvoir ac- cueillir 8500 personnes, chaque commune rurale étant susceptible d’en recevoir un nombre donné, en fonction des maisons libres ou des pièces inoc- cupées dans des maisons habitées, recensées par les Maires sur requête préfectorale en temps de paix. Sur ordre du Préfet, la dite habitation était réquisitionnée par le Maire, avec attribution d’un billet de loyer. A Barbezières, une vingtaine de maisons furent ainsi occupées, pas toujours simultanément, par des réfugiés. Mosellans, Ar- dennais, Belges, Luxembourgeois se succédèrent ainsi que des gens du Nord, de Champagne, de la région parisienne et enfin de Normandie. Les propriétaires rece- vraient éventuellement des indemnités d’occupation, conformément aux dispositions de la loi du 11 juillet 1938 et du Règlement d’administration publique du 28 novembre 1938. On relève « une somme mensuelle de 57 francs, payée trimestriellement aux échéances d’usage (25 mars, 25 juin, 29 septembre, 25 décembre de chaque année) sans déduction des dépenses de réparations effectuées aux frais de l’Etat ». Fin 1939, Mr MALLICK était Préfet de la Charente. On lui doit de nombreuses mesures en faveur des populations déplacées. Par exemple dans chaque canton, en raison de l’augmentation de la population, il est crée deux infirmeries de 40 lits chacune. On relève également des mesures d’hygiène générale ; « les fatigues qu’ont dû supporter les réfugiés, surtout les personnes âgées, les ont mis en état de moindre résistance. Il est donc indiqué de leur donner, outre le maximum de confort, une alimentation subs- tantielle et de leur faire distribuer, deux fois par jour, des boissons alcoolisées (thé au rhum) » Afin d’éviter l’éclosion d’affections épidémiques ou contagieuses, il encourage l’installation de douches, la javellisation de l’eau, le service de nettoiement, la cons- truction de feuillées.

22 Octobre 2003 Histoires du Pays d’Aigre

Administrativement, le canton d’Aigre est rattaché à la Sous-préfecture de , où le Sous-préfet de Sarreguemines a installé ses bureaux. Le préfet remercie les maires de leur concours et conclut en disant qu’ « ils auront à cœur d’améliorer sans cesse les conditions d’existence de leurs réfugiés et que, grâce à la bonne volonté de tous, la Charente gardera sa réputation de terre accueillante et compatissante ». Les réfugiés mosellans recevront, à partir du 1er octobre 1939, 10 francs par jour pour les adultes et 6 francs pour les enfants jusqu’à 13 ans, afin de pourvoir à la nourriture, le logement et l’entretien, sauf le chauffage et l’éclairage. Ces derniers ont droit aux services médicaux et pharmaceutiques prévus par la loi sur l’assistance médicale gra- tuite. La main d’œuvre apte à travailler dans l’industrie ou l’agriculture, très démunies en ces temps, est invitée à se manifester et se faire connaître. Pour préciser les emplois spé- cialisés recherchés, la Fonderie Nationale de Ruelle, dont le rôle est bien connu en cette période de guerre, appelle les maires à recenser les chauffeurs de four, ajus- teurs, tourneurs, fraiseurs et mouleurs. Le Préfet demande également aux maires « de tout mettre en œuvre pour assurer un logement convenable, pour procurer châlits, couvertures et si nécessaire, aux plus nécessiteux, vêtements chauds. Il importe qu’aucun réfugié ne soit couché sur la paille ». Les maires doivent signifier les besoins en lits isolateurs, couvertures, draps, vête- ments, chaussures, objets de cuisine, fourneaux dits « cubilots » ; préciser s’il existe une école et suffisamment de logements afin de prévoir d’éventuels baraquements. En octobre 39, le Ministère de l’Intérieur confirme les conditions d’attribution d’allocations aux réfugiés français, étrangers appartenant aux nations alliées, Anglais et Polonais, aux nations neutres à condition d’avoir un mari, un fils ou un père sous les drapeaux. « Sont également exclus les évacués parisiens, réfugiés de leur propre mouvement dans un autre département que celui d’accueil définitif ». Si toutes ces mesures sont mises en place dès 1939, Barbezières verra arriver ses premiers réfugiés mosellans en mai 1940. On recensera un vieux couple de mosel- lans chez Théodore NAULIN, 14 Belges ; 2 hommes chez BAHUET, 2 femmes et un homme à « Lucheville », une femme chez GASQUET, mariée par la suite à « Boi- beaudrant », un couple et une fille chez Théodore, une femme et deux filles chez BUR- GAUD, un couple et une fille (flamands) chez SILLARD. Un Luxembourgeois, Adolf NICOLAY, logeant chez Angélique, donnera des cours d’allemand. Chez FERRET, ce seront des Ardennais qui éliront domicile ; Mmes GUILLEMAIN, Juliette AVELANGE, son beau-père et Mme SUPERNANT. La Meuse sera représentée par 4 personnes, les DOLORY, chez POINÇON, et l’Aisne ne sera pas en reste avec 2 femmes (NOIRE et PAILLÉ) chez LAFONTAINE, 1 homme (Arthur FOSSARD) et 2 femmes chez Eloi GASCHET, 1 homme et 2 femmes, les LENOIR chez Navarre à « La Brousse » avec un bébé né en cours de route, arrivé chez AUBERTHIER pour le 1° repas et la 1° toilette, 1 homme, David JOVIGNOT à « Lucheville ». Au fur et à mesure de l’avancée des troupes allemandes, on verra des Rémois, 1 homme et une femme (NOIZET) chez Camille LAMY, 1 femme de l’Oise (Mme GARDON) chez BURGAUD, 4 Parisiens, 3 femmes et une fille (Mmes GRISON, DEMANGE et Marie-Rose SERRE) chez la GARDESSE) et enfin un homme, Fernand CARON des Mureaux (Seine et Oise) à « Lucheville ». Grâce aux adresses laissées chez Adrienne AUBERTHIER, conservées précieusement, on relève les noms de GAUTHIER de Seine-et-Oise, ALONZO d’Ivry-sur-Seine, Mme MARRÉ de l’Oise, Mmes MAZET et PIOCHE de Reims.

23 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2003

En 1944, c’est au tour des Normands de rejoindre Barbezières, 3 femmes et 5 hom- mes, (Mmes SABINE et BOUGIE) chez JUILLET, et la famille BINET, avec les pa- rents, 3 garçons et Désiré GUERIN qui s’installeront d’abord au presbytère pour en- suite rester au village. Certaines familles sont restées peu de temps. Un courrier de Mme DELORY du 8 Août 1940, raconte leur retour à Bazancourt où les maisons, si elles sont debout, sont entiè- rement pillées. La famille GRISON est repartie en 1941, les GUILLEMIN et AVE- LANGE en 1942. D’autres lettres ont été échangées pendant quelques années avec les gens du village, mais, petit à petit les liens directs se sont éteints et seul au- jourd’hui, restent quelques vagues souvenirs qui je l’espère perdureront à travers ces modestes lignes.

Didier RAVION

Sources : Souvenirs d’Adrienne AUBERTHIER et d’André RAVION « Si Rouillac m’était conté » - A AUDOUIN – 06/2002

Quand et comment les villages de « Saint-Aubin » et du « Redour » ont été rattachés en totalité à la commune de Villejésus pour leur administration

ffectuant des recherches sur mes ancêtres charentais, j'avais constaté qu'avant E 1789, et au moins jusqu'en 1796, certains des habitants des villages de « Saint- Aubin » et du « Redour » étaient baptisés, se mariaient ou étaient inhumés à Villejésus alors que d'autres se considéraient comme relevant de la paroisse de Fouqueure. Je n'avais pu trouver aucun découpage territorial ou autre expliquant cette situation. Mon ignorance a cessé lorsque j'ai consulté les registres des premières délibérations de la Municipalité de Villejésus. Le texte ci-après est la copie fidèle d'une délibération de la Municipalité de Villejésus significative de quelques problèmes de l'époque. Que l'attachement d'ordre religieux manifesté à leur paroisse originelle ait été effectivement une des raisons des protesta- tions des pétitionnaires n'exclut pas que des considérations plus terre à terre et no- tamment fiscales, aient probablement été présentes dans certains esprits. J'ajoute que faisant ainsi honneur à leurs convictions, certains villageois ne se sont pas tout de suite pliés â la règle. Entre autres exemples, mon ancêtre Jean VEILLE- RAND, signataire de la pétition relatée a, le 16 prairial an IV (4 juin 1796), déclaré le décès de son épouse Marie VIARNAUD à la mairie de Fouqueure où il s'est remarié le 7 thermidor suivant (25 juillet 1796) avec Marie GOYAUD : il avait alors quatre enfants âgés de sept ans à moins de un an. L'acte de mariage précise : « toutes les parties demeurant au village de Saint-Aubin commune de Fouqueure », ceci plus de trois ans après la délibération de la Municipalité de Villejésus !

- « Aujourd'hui, seize décembre mil sept cent quatre vingt douze, an premier de la République Française, séance publique du Conseil Général de la commune de Villejé- sus assemblé au lieu de ses séances ordinaires ; vu les pétitions des citoyens Charles MAROT LASSAUZAIE, Etienne FRADIN, François MAROT LAPLANCHE, Jean

24 Octobre 2003 Histoires du Pays d’Aigre

GOYAUD, François BANLIER et Jean FRADIN son consort, Jean TALLON, Jean LU- RAND, Jacques MARROT, Pierre DRUT, Charles GOYAUD, François AUDURAUD, Pierre BILLOCHON, Simon GOYAUD, Pierre PINAUD et Pierre MAROT son gendre, Jean VEILLERAND et la veuve VIARNAUD sa belle-mère, la veuve de Pierre LU- RAND, Jacques BANLIER et Etienne MAROT son consort, faites par les susnommés au sujet de leurs taxes mobiliaires de 1791, ce qu'ayant été taxés sur les communes de Fouqueure et de Villejésus ils ont demandés à être déchargés dans le rôle de la commune de Villejésus, sous prétexte qu'ils sont pour le spirituel de la commune de Fouqueure ; vu également l'observation de la municipalité de Fouqueure en date du premier décembre présent mois, dont le tout adressé à notre municipalité sous enve- loppe ; Le Conseil Général de la commune de Villejésus, observe qu'il n'ignore pas qu'une partie du village de Saint Aubin et du Redour était sur la Paroisse de Villejésus et l'autre partie sur celle de Fouqueure pour le spirituel, que pour répartir les imposi- tions de 1790, les deux municipalités n'ayant pu convenir de leurs limites choisirent pour les régler celle de Tusson, qui en effet la régla, et arrêta que lesdits villages du Redour et de Saint Aubin seraient sur le territoire de la commune de Villejésus. En exécution de cet arrêté la municipalité de Fouqueure fit passer à celle de Villejésus pour les rôles de 1790 les déclarations de ceux des deux villages qui étaient pour le spirituel seulement de leur commune, qu'ils avaient fait de tout ce qu'ils possédaient dans lesdits villages, et ont été taxé audit rôle pour ces objets ; pour les rôles de 1791 les particuliers de ces deux villages, quoiqu'ils ayent continué à être pour le spirituel de Fouqueure, ont individuellement fait la déclaration de tous leurs bâtiments et habita- tions à la municipalité de Villejésus et ont été taxés sur le rôle foncier en raison du terrain que les habitations occupaient, et taxés au rôle mobilier de la ditte commune de Villejésus, il parait qu'ils ont été égaiement imposés au rôle mobilier de la commune de Fouqueure sous prétexte qu'ils y ont fait leurs pasques et y sont enterrés, et qu'ils ont vottés aux assemblées, mais le Conseil Général de Villejésus fait réponse en expli- quant les motifs qui l'ont déterminé à les taxer en leur rôle mobilier sont ceux cydessus énoncés, puisque autrefois une partie des habitants de Saint Aubin et Duredour se faisait enterrer à Villejésus , l'autre à Fouqueure, et que par le règlement qui a été fait, les deux villages se trouvaient en entier dans le territoire de la commune de Villejésus, il n'a pas été libre aux parties des contribuables de ces villages, pour se dispenser d'être imposés au rôle mobilier de Villejésus de continuer à voter à Fouqueure, et à y faire leurs pasques, ces raison n'étaient pas suffisantes pour engager la municipalité de Fouqueure à les comprendre en leur rôle mobilier, et ils doivent en être déchargés ; mais la municipalité n'a pas pu se dispenser, conformément à la loi, de les comprendre dans le leur, dès qu'ils ont leur domicile dans l'enceinte du territoire de la commune de Villejésus, qu'ils ont même reconnu eux-mêmes par les déclarations qu'ils ont faites de leurs maisons et domiciles ; pourquoy ils ne peuvent être diminués de leurs taxes fixes, et au regard de leurs taxes d'habitation, ils doivent être réglés selon la loi d'après l'estimation qui a été faite de leurs loyers d'habitation par la commission de la com- mune de Villejésus. Fait les jour et an que dessus, séance publique, et avons signé sauf ceux qui ont déclaré ne savoir faire». Signé : LABONNE, maire – EMPURÉ, officier municipal – MAROT DE LA COMBE, officier mu- nicipal - CHARDON François HOQUET

Sources : Extrait du registre des délibérations de la Municipalité de Villejésus - Tome 2, séances du 29 janvier 1791 au 19 nivôse an IV, pages 251/2.

25 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2003

La sécheresse à travers divers témoignages

ait marquant de cette année 2003, la sécheresse attise les conversations avec F son lot de détresse, ses nombreux décès, ses calamités agricoles, ses incendies. Pour abonder dans le sens des optimistes, qui croient en la ponctualité d’un tel évé- nement, j’ai trouvé dans la documentation d’André RAVION la preuve que de telles périodes sèches ont déjà existé ;

Cette pierre est scellée dans un mur de ferme à Barbezières « Le 20 juin 1822 onna commencé la metive en coupen les fromains froments » – I.N.R. D.A.

1753 et 1754 : « la sécheresse fut si grande qu’elle tua toutes les récoltes. Le pain se vendait 45cts la livre, le blé 50 francs le boisseau, le foin 5 liards la livre, le vin 24 francs le tonneau. En Espagne il fut 18 mois sans tomber d’eau » 1767 : « sécheresse sans pareille » 1770 : « l’été a été excessivement chaud ; En dernier le thermomètre n’avait jamais monté à un tel degré » 1778 : « le 1er octobre a commencé à pleuvoir après 5 mois d’une sécheresse dont aucun homme de ce temps n’a vu de pareille. La rivière Aume a desséché presqu’en entier depuis sa source jusqu’au pont des Pilles dans un espace d’environ trois lieues » 1846 : « L’année 1846 a été sèche et ensuite pluvieuse. Peu de blé, peu de pommes de terre. Le blé a valu avant la moisson jusqu’ 47 francs l’hectolitre » 1861 : « En 1861, le mois de juillet et le mois d’août, il tomba pas une goutte d’eau, enfin les monghettes moururent sans avoir d’eau. Après vint le mois d’octobre qui fut qu’on ne pouvait pas semer faute d’eau. Tous les petits ruisseaux à sec » 1862 : « Le 25, 26,27, 28 juillet, la chaleur fut si forte que ça brûlait tout ce qui était dans les vignes et les monghettes furent toutes mortes dans trois jours » 1863 : « Les métives ont commencé le 6 juillet et un peu trop tôt ; Les froments étaient d’une abondance en paille et en grains et les avoines très grainées. Les métives se sont portées à la chaleur. Il tomba de l’eau le 25 juin et jusqu’au 27 juillet on eut pas autre chose que des cha- leurs ; les pauvres récoltes de tard n’ont valu rien et les vignes en noir ont beaucoup brulé par l’ardeur du soleil et ça causa une perte à la récolte en vin » 1864 : « Avril nous est venu à sec, une grande sécheresse et des gelées tous les matins, et une mauvaise allure de pacage. Mai nous est venu à sec, une chaleur et nous avons eu de l’eau le 9 et le 11. Après, que des chaleurs trop fortes, et les froments ont monté à peine. Juillet nous est venu à sec…les malheureuses récoltes de terre ont frémi par sécheresse. Août nous est venu par des chaleurs insupportables pour notre pays. Les vignes ont brulé comme en 1863 et les prairies étaient brûlées, que le bétail était si malheureux et à bas prix dans le mois d’août le plus terrible de ma connaissance… tous les cours d’eau étaient à sec, les prés naturels et

26 Octobre 2003 Histoires du Pays d’Aigre

artificiels étaient brûlés comme s’ils avaient brûlé par le feu. Août s’est fini par la sécheresse, nous avons pas pu semer de navettes mais des navets, mais ils ne sont pas nés et les blés d’Espagne étaient mûrs » 1870 : « ...sécheresse extraordinaire…depuis le 15 mars jusqu’au 7 août, il n’est pas tombé d’eau, les prés naturels et artificiels n’ont donné en général que le quart d’une année ordinaire, presque pas de regain ny de vigne. Disette complette. Presque pas de pommes de terre, ny de garouil, ny monjettes ; ...il y avait presque pas d’eau dans les ruisseaux ; même au neuf sep- tembre, l’on passe à pied dans presque tous les ruisseaux »

Les remarques météorologiques reprises sur des documents signés par J. ROUCHIER habitant Villejésus et Pierre GASCHET de Barbezières, concernent la période d’existence de ces paysans du pays d’Aigre et les bulletins paroissiaux de 1778 complètent ces témoignages. Bien sûr, d’autres périodes de climat extrême ont existé et je vous invite à nous faire part de vos connaissances sur le sujet. Remarque : l’orthographe est celle des textes retrouvés.

Didier RAVION

Les caprices dau temps !

O y pas si lontant, ine an si me rapeul’ bein, qu’o n’na qui creyiant qu’o l’étai la fin dau monde. O l’étai putou la fin des haricot ; pas pu d’monghettes que d’pouèl su ine oeu. Et leis patates, boune ghens ! grousses coum’ des calaud. Leis pésans s’vouéyant déjha mourri d’faim et pis encouère,…d’souèf ; pu d’éve dan leis poués. Mais o y’a pas pu malin qu’in gars des champs, leis barriques étyiant teurjhou pyenes à craqué. O l’a p’tèt bein gari d’la souèf mé o n’na à qui o l’a douné daut maux , mé coume dit l’père La Trempine, o vaut meu eite soul qu’sot, o passe pu vite. Leis bétiaires autant qu’leis chrétiens étiant toute accabassé peur in chaud d’meinme. Et leis cagouilles ? Jh’en causons s’ment pas, o n’n’avai pu qu’dan leis conléghateur. A l’aviant fait cortaud et leis.. coument qu’o s’apeule…leis… couloghistes aviant fait t’ine crouè su thielle espace de beite à corne. O l’étai la catastrophe, tote ine réghion étai ébeuzillé, tout cheyai en branle moucle. Le maux, tout l’monde le qu’neussiant, o l’étai thiellé sputnik é thiellé fuzées et pis thielle veurmine de tuyau qui coriant dan leis seyons d’garouil’ peur supé tote l’éve . O y’avai point d’garisseurs ! O y’a que l’gouvarnement qu’a t’envouyé deis ourdonnan- ces aux gars d’la ville… o l’étai l’impôt seuch’resse. Leis ghens dau Gond-Pontouvr’ l’avant r’çu en nouvembr’…o y’avai t’in mèt d’ève dan zeu mésons, l’ariant pu fare deis p’tit bateau envec thiéllé feuill’ ! Et dépeut thieu temps, o l’a teurjhou mouillé, à rempyi leis paniers t’à salad’, si tant qu’o l’a nighé leis garouill’ é o l’a meinme bronzé par d’sus la l’vée.(1) Et olé pas tout… l’freit s’y a mis li étout, leis beurgnons avant tout gh’lé. O l’ p’teit bein fé r’veni à z’elles leis cagouilles, mai meinme leis s’rises avant gh’lé d’pour ; Fini l’piaisi deis groles et deis étournas, pu qu’deis s’rises dan leis bocau pyein d’ève-de- vie peur r’tapé nos paur’ vieux. Et thiéllé tisanes que jh’fazions avec zeu coues. !

Arnesse FIATSAGOULE

Cet article dû à un journaliste observateur, du « Gueurlet », journal de Barbezières, aujourd’hui disparu, relate, en 1977 la sécheresse de 1976. Il témoigne de cet événement climatique que beaucoup ont en mé- moire. (1) chemin qui relie le Bourg à la Garenne, près du château de Barbezières.

27 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2003

Vols et survols du Pays d’AIGRE

A tous ceux qui ont des yeux et des oreilles, le monde des oiseaux s’offre généreuse- ment à condition d’en payer le prix : patience, persévérance et respect de leur quié- tude. Leur découverte s’apprécie d’autant plus que le spectacle est fugitif mais sans cesse renouvelé au fil des saisons et selon les milieux visités ; des marais de Saint-Fraigne aux grandes plaines de Tusson et d’Ebréon, de la forêt de « Vergnette » aux prairies d’Ambérac, des pelouses calcaires de Villejésus et de « Cessac » à la vallée de l’Osme et de la Charente, les oiseaux trouvent gîte et couvert.. Bourgs, villages, parcs et jardins ne sont pas oubliés par la grande diversité de l’avifaune. Armé d’un bon guide d’identification et d’une paire de jumelles, vous agrémenterez vos promenades à travers le pays aigrinois ; il ne sera plus question de « se promener idiot ». Il vous arrivera parfois de croiser « l’oiseau rare », c’est-à-dire l’espèce acci- dentelle qui ne se trouve pas normalement dans notre région. Bien sûr, certains sites sont plus riches que d’autres et il faut tenir compte des meilleu- res saisons de visite si vous voulez rencontrer les espèces les plus remarquables ou les moins fréquentes. Voici, au fil de mes souvenirs, quelques espèces observées depuis plusieurs années et toujours observables. Les rendez-vous avec l’oiseau ne seront pas toujours fidèles mais sans être un ornithologue chevronné, vous pourrez découvrir pas mal d’espèces avec le temps, pour peu que vous soyez un simple amoureux de la nature. De plus, observer l’oiseau, c’est aussi observer les milieux dans lesquels il évolue ; ainsi les roseaux des berges de la Charente ou de l’Osme abriteront en automne quantité d’oiseaux insectivores, alors qu’au printemps, les quelques haies épargnées, le lierre d’un vieux mur attireront les passereaux frugivores. Bonne promenade ! Et surtout ayez en mémoire le respect de la nature : c’est la garantie d’une promenade réussie ! En forêt de Tusson, le pic épeiche grimpe le long des troncs des vieux arbres ou des arbres morts, accroché par ses griffes, à la recherche des insectes sous l’écorce ; c’est le « tambourineur » de service ; ce bruit accéléré déloge les insectes. Vous pourrez observer les allées et venues des parents nourrissant leurs progéniture nichée dans une cavité creusée par l’oiseau dans le tronc de l’arbre. Durant la belle saison, ne manquez pas cet aigle « mangeur de serpents », le circaète jean-le-blanc. Il arrive en forêt de Tusson en avril et repart fin août, début septembre. Aux heures chaudes de la journée, il chasse les reptiles et en fin d’après-midi, il se perche sur son reposoir (grand arbre, souvent isolé) avant de regagner le lieu où il passera la nuit. Lors de la mue, vous pourrez emporter de grandes plumes tombées à terre, souvent sous le reposoir, accompagnées de fientes au pied de l’arbre. C’est un oiseau discret, farouche à la vue de l’homme mais peu sensible au bruit. Ecoutez jusqu’à la tombée du jour, la flûte mélodieuse de la grive musicienne : c’est un chant éclatant, répétant plusieurs fois de courts motifs variés avec de brèves pau- ses.

28 Octobre 2003 Histoires du Pays d’Aigre

Grand amateur de raisins, cet oiseau se nourrit presque exclusivement d’escargots ; peut-être découvrirez-vous une de ses forges : pour obtenir le mollusque, la grive brise la coquille en la martelant de son bec sur une surface dure (pierre plate le plus souvent). Par une belle soirée de mai ou de juin, après une chaude journée, vous percevrez comme un ronronnement lointain de motocyclette ; c’est l’engoulevent, tapi au sol ou sur une branche. A l’envol, vous entendrez des « ouit- ouit » ponctués de temps à autre par un claquement d’ailes : il chasse les insectes crépusculaires. Curieux de nature, il vous survolera de près. Le hibou moyen-duc aux mœurs nocturnes, lance un « hoû » assez sourd. Peu intimidé, il vous contemplera de près, trônant sur une branche basse, intrigué, abaissant et relevant une de ses aigrettes. Au cours d’une promenade au creux de l’hiver, le bois de pins que vous traverserez, vous semblera désert. Au sol, des boulettes grises et des fientes indiqueront la présence indubitable d’un dortoir d’une dizaine de hiboux moyen-ducs. Avec précaution et un œil de lynx, vous distinguerez, immobile, les yeux mi-clos, le corps de l’oiseau, raide, collé contre le tronc avec lequel il s’identifie ; attentif au moindre bruit et à vos gestes, il s’esquivera habilement ; s’il s’estime en danger, ce sera alors la débandade générale ! En forêt de « Vergnette », dès les beaux jours, on la repère à son cri sifflé, sonore : c’est la sitelle torchepot, courtaude, active, escaladant les troncs ou descendant la tête en bas, en véritable acrobate. Son compère, le grimpereau des jardins, au bec fin et arqué, grimpe en spirale le long des troncs à la recherche d’insectes ; sa présence est souvent détectée par son chant clair et bien rythmé. Par une chaude après-midi de juin, vous entendrez à coup sûr, les « tsip-tsap » au rythme sautillant du pouillot véloce, appelé encore compte-écus à cause des notes métalliques égrenées comme les chutes suc- cessives des pièces de monnaie. Fin mars, début avril, à l’orée du bois, vous assisterez à la grande parade nuptiale du milan noir et avec un peu de chance, à l’accouplement sur les hauteurs d’un arbre. Quant au nid, c’est un véritable dépotoir où se mêlent sans ordre, branchages, débris végétaux, mottes de terre, chiffons, plastiques, papiers sales, glanés alentour, sur des tas d’ordures. C’est l’éboueur de la campagne ! Dans les prairies longeant la Charente entre Ambérac et Marcillac, en avril, c’est l’arrivée de nuées de bergeronnettes printanières au plumage brillamment coloré, s’abattant dans les peupleraies. En mai, le faucon hobereau peut faire son apparition ; il chasse au-dessus de l’eau de gros insectes ; en vol on peut le confondre avec le martinet noir, ce visiteur d’été, inlassable, dont les cris perçants animent les soirées de nos villages.

29 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2003

Après le coucher du soleil, prêtez l’oreille à ce chant monotone et pénétrant, le « crrr- crrr » du râle des genêts ; oiseau solitaire, crépusculaire, il vit retiré, caché dans les hautes herbes de la prairie. Vous ne manquerez pas non plus le concert des rousserolles effarvates dans les roseaux de la berge, ponctué par le gloussement bref et perçant d’une poule d’eau. Si vous la surprenez, elle décollera de l’eau en courant à sa surface à moins qu’elle ne rentre furtivement dans la végétation de la rive. Annoncée par un sifflet strident, une flèche d’azur rasera la transparence de l’eau : le martin-pêcheur vient de passer. Le héron cendré, « emmanché d’un long cou », quasiment sédentaire, hiératique, immobile, pêche dans les eaux peu profondes, attendant patiemment que la proie se rapproche pour la har- ponner d’un rapide coup de bec. Fin avril, début mai, il est intéressant de voir sur la héronnière, les parents gaver les héronneaux du nid. Le pipit farlouse, le bruant des roseaux, la bergeronnette grise, la bergeronnette des ruisseaux fréquentent aussi ces prairies où les rives des bras de la Charente ou de l’Osme. En automne, sur les piquets des clôtures, le traquet pâtre, perché bien droit, agite de mouvements nerveux, les ailes et la queue. En juin, au sommet d’un peuplier, vous apercevrez peut-être la livrée magnifique du loriot mais vous entendrez sans aucun doute son chant clair et flûté. grèbe castagneux, grèbe huppé, foulque, canards, sarcelle, grand cormoran sont les hôtes des « lacs », anciennes sablières près de la Charente. En hiver, au bord de la Charente, près de Fouqueure, admirez les troupes de tarins des aulnes, aux gazouillis incessants et les pinsons du nord qui se joignent aux bandes des différentes mésanges. Dans les buissons, un petit oiseau toujours frétillant, le plus petit des oiseaux euro- péens avec le roitelet, mène une vie solitaire : le troglodyte mignon, rondelet à courte queue relevée, toujours à terre, se faufile comme une souris dans les fourrés. Son chant très fort est un mélange de notes stridentes et de trilles aigus. Jour et nuit, les variations riches et sonores, très musicales, montent en lent crescendo d’un fourré : le rossignol, bien caché, difficile à déceler annonce les beaux jours comme le coucou gris, hôte de nos bois. Les collines cultivées, les plaines de Tusson, Ebréon, Ambérac sont le domaine des rapaces diurnes. En juin, dans les champs de céréales, niche le busard Saint-Martin ; on le voit, infati- gable, rasant les cultures en vol plané : il chasse la gent trotte-menue : mulots, souris, campagnols. Spectaculaire le vol de ses noces : ascensions simultanées du mâle blanchâtre et de la femelle brune, descentes vertigineuses, larges cercles planés, chutes en vrille, lar- ges courbes calmes, de quoi faire pâlir la Patrouille de France ! Spectaculaire aussi le passage des proies dans le ciel bleu de juin ; quand le mâle tient une proie, il arrive au-dessus du nid caché à même le sol parmi les blés. Il pousse quelques cris stridents, la femelle monte alors à sa rencontre et reste un peu au- dessous de lui ; quand le mâle juge l’espace assez rapproché, il lâche la proie dans les

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serres de la femelle, qui, simultanément, d’un brusque coup d’aile s’est retournée en tendant les pattes vers son compagnon. Dans les grandes plaines céréalières de Tusson et d’Ebréon, Ambérac ou Mons, vous pouvez assister au mois de septembre, au grand rassemblement pré migratoire des outardes et des œdicnèmes. En janvier, c’est le vanneau huppé qui occupera ces lieux, séjournant en troupes nombreuses dans les champs labourés. Toujours en hiver, exceptionnellement, vous aurez la chance de surprendre au creux d’un vallon, une troupe de pigeons colombins dans les terres labourées, s’abritant du vent du nord en gonflant leurs plumes. Ce sont des oiseaux proches du pigeon ramier (palombe) mais ils sont plus colorés que ce dernier. Répartis dans tous les champs, les bandes sinistres des corneilles, corbeaux freux, choucas des tours vous accueillent par une cacophonie de croassements lugubres. A partir du mois d’octobre, avec un peu de patience et beaucoup de chance, vous pourrez apercevoir, perché sur les mottes de terre en plaine labourée, le discret fau- con émerillon, plus petit que son cousin le faucon crécerelle ; il chasse à même le sol et guette des petits mammifères à défaut de petits passereaux. Son cousin chasse en vol, en faisant le « Saint-Esprit », c’est-à-dire du surplace avant de fondre sur sa proie. Dans les villages ou dans votre jardin le spectacle est à domicile : admirez l’élégant chardonneret au masque rouge, souvent en petits groupes, parfois en compagnie de pinsons des arbres et de verdiers ; c’est un assidu des mangeoires avec la mésange et le moineau. Le verdier, reconnaissable à son plumage jaune verdâtre et à ses trilles sonores et rapides, annonce une chaude journée de printemps. La mésange bleue et la mésange charbonnière, peu craintives, vous surprendront par leurs acrobaties aux extrémités des fins rameaux ; elles nicheront sans façon dans votre boîte à lettres, dans une vieille pompe, dans un tuyau, dans le tronc d’un arbre ou tout simplement dans le nichoir que vous aurez suspendu et mis à leur disposition. Le pic vert, friand de fourmis, viendra picorer dans votre pelouse ; vous le repèrerez facilement à son plumage vert et jaune, à sa calotte rouge et son ricanement sonore attirera votre attention. La belle huppe fasciée, au long bec arqué, la huppe érectile orange aux pointes noires, les ailes et la queue zébrée de noir et blanc, pâturera dès le mois d’avril dans votre pelouse en trottinant rapidement à la recherche de larves et d’insectes. Celui qui vit sous le même toit que vous, ce paillard, ce braillard, vous ne pouvez l’éviter : c’est le moineau domestique qui ne craint pas de prendre des bains de

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poussière dans l’allée du jardin, histoire de se déparasiter. Tout ébouriffé, il se querelle constamment. A l’écart de votre maison, habite le campagnard de la famille : le moineau friquet, une moustache noire collée sur ses joues, est plus rural ; ce sont le moineau des villes et le moineau des champs ! Le rouge-queue noir, qui vit dans le trou du vieux mur de la grange ou dans la mu- raille du jardin, campé sur votre cheminée, lance de brèves phrases grésillantes et dures ; cette cascade de verre pilé, de clefs que l’on remue, est suivie d’un bruit de papier froissé moins sonore. Rouges-gorges, merles auront squatté votre visite et vous rendront visite à l’approche de l’hiver. Cette bavarde impénitente, la fauvette a tête noire, marque sa présence par un gazouillis liquide, clair, vif et varié. Toujours en mouvement, elle joue à cache-cache parmi les arbustes du jardin ou dans la haie d’aubépine. Profitez des belles soirées d’été pour écouter le « hoû » répété de la chouette chevêche, le chuintement de la chouette effraie ou le « tiou » plaintif du hibou petit-duc. En octobre et novembre, par des nuits froides et claires, le hululement du « chat-huant » ou hulotte marque le domaine des parents et invite les jeunes nés quelques mois plus tôt, à se disperser vers d’autres territoires. Enfin vous vous émerveillerez et rêverez au long voyage des migrateurs pour peu que vous scrutiez le ciel d’automne ou de printemps.

Des rencontres exceptionnelles sont toujours possibles comme le passage en janvier du butor étoilé près des roselières de la Charente à Ambérac, le séjour éphémère de deux cigognes blanches aux « Granges » de Villejésus, le pluvier guignard en février dans les plaines de Tusson, les guêpiers d’Europe près de Luxé, l’aigle criard à Saint- Fraigne, la sterne caugek dans la plaine de Mons, le pingouin torda près de Barbe- zières, l’aigrette garzette et l’ibis falcinelle près de Marcillac, les hérons gardebœuf près d’Ambérac.

Jean SAUVE

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Le Roitelet

n acte de 1302 atteste que le « Bois de Hopitaux », portion de la forêt de Tusson, U appartenait à la Commanderie de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem en propre, mais que les habitants d’entre les « Quatre-Croix » y avaient un droit d’usage depuis des temps immémoriaux ; que ces droits ont été établis par un procès verbal de 1615 et confirmés par la transaction du 31 juillet 1633 qui fut définitivement réglé dans les conditions suivantes :

« Les manans et habitans, procureur, fabriqueurs et sindics de la paroisse de Villejé- sus ont dits en satisfaisant aux injonctions qui leur ont été faites à la requête du dit sieur Commandeur qu’ils déclarent et reconnaissent que de tout temps et ancienneté immémoriale confrette (comporte) et appartient à tous ceux qui sont demeurant cou- chant et levant au dedans de la juridiction du dit Seigneur Commandeur de Villejésus qui sollait être borné de quatre croix y sont en chacun d’eux en bonne possession sai- sine par un droit d’usage d’aller par chacun an couper, prendre, emmener et faire fago- ter pour la fourniture et chauffage, seulement de chacune maison des dits justiciables et couper pour bâtir en la dite forêt appelée de Tusson. Comme aussi ont les dits justiciables du dit sieur Commandeur, droit d’y mener mordre par chacun an en tout temps et saisir que bon leur semblera, tout bestial à eux appartenant de quelque qualité qu’il soit dans les Bois de l’Hopital pour y brouster, paistre, pacager et manger gland quand aucun aurait le tout paisiblement et sans aucun contredit au vu et seu de tous moyennant que pour raison desdits droits possession saisines, les dits justiciables doivent, sont tenus et ont accoutumé par chacun an, premier jour de l’an par forme d’hommage et redevance noble, offrir et présenter en l’église paroissiale du dit Villejé- sus ou par manière d’oblation, un oizeau communément appelé Roitelet Bertaud pour être pris et reçu par le dit sieur Commandeur, son curé ou son vicaire de la ditte pa- roisse de Villejésus, sy aucun si trouve pour en faire à leur volonté en ce que les cir- constances et solemnités qui suivent : Premièrement que le dit roytelet BERTAUD pris vif par les justiciables et apporté au lieu canton cy devant la Croix appelée du Peret, plantée au côté du chemin qu’on va de Villejésus à Fouqueure à main senestre ; ils le doivent attacher par les pieds pen- dants, dans le milieu d’une cage pour ce dresser de six jettés de bois pointues par le haut bout et carré par l’autre ; lequel oizillon sa cage doit être portée par quatre jeun- nes enfans lesquels, jambes, cuisses et fesses nues doivent être pris et enlevés par quatre hommes justiciers qui les conduirons tant haut qu’ils montrerons les parties honteuses et disant et criant vive le roy, vive le roy, et cela ainsi doit être fait et célé- bré sur chacun des carrefours du chemin ou rue Basse du dit Villejésus tendant jus- qu’au devant la grande porte de la ditte église à commencer sur iceluy de la Croix du Peret en se faisant sonner de la tromperye si bon semble aux justiciables sans secan- dalle, et étant parvenus à l’église, doit le dit roytelet BERTAUD et sa cage être offert et présenté devant le grand autel d’icelle par les dits quatre enfans en leur faisant baiser la patène du calice et à chacun des dits enfans, les dits justiciables doivent donner pour leur salaire un denier et un pain blanc valant douze deniers. »

Cette coutume fut transformée au XVIII° siècle par l’offrande d’une somme d’argent au Commandeur et la fourniture d’une paire de gants blancs.

André WEISMAN

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Au temps des persécutions religieuses : VILLEJÉSUS - mars 1685

Logement d’un lieutenant des Dragons des armées de sa Majesté

Des courants philosophiques, divers facteurs économiques, de nombreux chrétiens déçus de l’Eglise romaine vont faire éclore au XVI° siècle, dans l’Europe chrétienne, un mouvement religieux, œuvre de l’allemand Martin LUTHER : La Réforme.

En France, dès 1533, le clerc Jean CALVIN, initié à la théologie par un luthérien, se rallie à ce mouvement. Pour se soustraire à l’Inquisition, CALVIN se réfugie à Angoulême, sous le nom de Charles d’ESPEVILLE, chez le chanoine Louis DUTILLET, curé de Claix. Ayant plusieurs fois changé de nom afin de ne pas être reconnu, CALVIN accompagné de plusieurs ecclésiastiques se rendaient à une maison nommée Girac, près d’Angoulême ; là le novateur, au fur et à mesure de leur composition, lisait et commentait des chapitres de son « Institution chrétienne », oeuvre qui allait devenir la charte de la doctrine calviniste. La venue de CALVIN en Angoumois contribue à la rapide propagation du nouveau culte dans les provinces de l’Ouest. Des artisans, négociants, nobles se regroupèrent dans un parti protestant, tel le comte François III de LA ROCHEFOUCAULD dont le fief de Villejésus était dans la mouvance de ses terres. Ce nouveau culte ne sera pas accepté par la Monarchie qui y voit un état dans l’état et dont la devise est « une foi, une loi, un roi ». De l’intolérance du pouvoir vont naître les guerres religieuses. L’Édit de Nantes, signé par Henri IV le 13 avril 1598, mettra fin à 36 années de conflit et accordera aux Réformés le libre exercice de leur culte. Au début du XVII° siècle de nombreuses Eglises de la Religion Prétendue Réformée se développent en Poitou, , Angoumois. Dans notre région, les temples de Montignac, Marcillac, Aigre, Verteuil sont particulièrement fréquentés ; l’Eglise de Villefagnan est considérée comme la « Petite Genève » par la lumière qu’elle répand dans le pays. Malgré la si- gnature de l’Édit de Nantes, ce développement allait être de courte durée. Le nombre et la puissance des protestants inquiètent. A l’avènement de Louis XIV, la répression contre les Réformés s’organise avec la création d’une caisse de conver- sions, leur exclusion de la plupart des professions libérales, la démolition de nombreux temples, l’obligation de procéder aux enterrements de nuit et enfin le recours à la vio- lence en envoyant des « missionnaires bottés ». Ces soldats, issus du corps des Dragons institué par le maréchal DE BRISSAC en 1554, avait pour mission de convertir par la terreur les religionnaires. Les outrages, pillages, tortures opérés par les armées du Roi incitèrent des milliers de Huguenots à abjurer. La révocation de l’Édit de Nantes le 18 octobre 1685 officialisera les répres- sions. Certains protestants prendront le chemin de l’exil, d’autres célébreront leur culte dans la clandestinité dans des lieux appelés « le Désert ». L’Édit de Tolérance, signé par Louis XVI le 17 novembre1787, accorde aux Réformés leur inscription à l’État-civil, droit qui leur avait été retiré en 1685 ; enfin la Révolution

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proclame la liberté des cultes et la loi du 18 germinal an X leur assure la plénitude de leur liberté. Mais revenons à Villejésus, plus précisément le 10 mars de l’année 1685, ce jour là est annoncée devant la porte de l’église l’arrivée d’un lieutenant de Dragons des armées de sa Majesté...

Dominique GRANDJAUD

Bibliographie : « Histoire et statistique des Eglises Réformées ou Protestantes du département de la Charente depuis leur origine jusqu’à nos jours avec carte » G. GOGUEL – Cognac DEDE et PERONNEAU, imprimeurs – 1836 « Procès de Mansle » - Angoulême chez HUMBERT, colporteur biblique – 1847 « Chronique protestante de l’Angoumois XVI°, XVII°, XVIII° siècles » - Victor BUJEAUD – Paris, MEYRUEIS – Angoulême, GOUMARD – 1860

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« Histoire de l’église de Villefagnan (département de la Charente) – A. E. PICANON, pasteur – Paris - Typo- graphie de CH. MARECHAL – 1873 « Les Temples de Segonzac et de (1607-1684) » – Pièces publiées par Jules PELLISSON – Société des Archives Historiques de la Saintonge et de l’Aunis – Pons – Imprimerie N. TEXIER – 1880 « Origine et introduction du protestantisme en Angoumois » - Abbé Louis FOURGEAUD – Angoulême – Imprimerie DESPUJOLS – 1909 « Histoire de la Réforme en Angoumois » - Daniel TOUZAUD – Bulletins et Mémoires de la S.A.H.C. – An- née 1915-1916 – Angoulême E. CONSTANTIN, libraire « Protestants de l’Angoumois au temps des persécutions » - Gabriel DELAGE – Paris – Bruno SEPULCHRE – 1985 « Sur les traces des protestants de Barbezieux (1685-1985) – Catalogue d’une exposition réalisée au châ- teau de Barbezieux en octobre 1985 par la communauté protestante de cette ville dans le cadre de la com- mémoration du tri-centennaire de la Révocation de l’Édit de Nantes.

Le souterrain de Verdille

e souterrain-refuge, situé au Breuil-au-Loup est distant de 2500 mètres de l’église L de Verdille, monument bien conservé du XIII° siècle.

Le souterrain était voûté. Affaissé depuis longtemps, la voûte présente une excavation de 0,50 mètres et un diamètre de 3,85 mètres. Quatre ouvertures, pouvant donner passage à un homme existent encore. On peut suivre un de ces boyaux sur une dis- tance de 15 à 20 mètres. Des personnes âgées, du village du Breuil-au-Loup, déclarent avoir suivi le souterrain en se tenant debout. Une de ces ouvertures orientées sur l’église de Verdille se dirige, alors vers le cou- chant ; une deuxième vers le village de « Chillé », commune d’Oradour (d’Aigre), situé à 3 kilomètres au Nord du village du Breuil. Une troisième vers le midi en direction du bois de « La Touche » ; enfin une quatrième ouverture au Sud-ouest, paraissant don- ner accès au souterrain se dirige vers le château d’Estrade, sur une éminence de trente mètres de hauteur environ, au Sud-est de Verdille à 1800 mètres de l’église. On ne sait pas à quelle époque remonte le souterrain-refuge. Cependant, une légende court à son sujet. En voici le résumé : « LA ROCHEJAQUELEIN, illustre chef Vendéen se cachait depuis quelques temps chez le seigneur de JANSAC de Verdille ; des commissaires de la Convention vinrent l’y arrêter. LA ROCHEJAQUELEIN prévenu, cherchant à leur échapper put faire seller sa jument noire et la monter. Poursuivi dans la vaste cour rectangulaire du château et se voyant pris, l’animal bondit sur un énorme tas de fumier et s’y embourba jusqu‘au ventre. LA ROCHEJAQUELEIN fut capturé et gardé à vue dans une chambre du châ- teau. Un instant après, lorsqu’on voulut se saisir à nouveau de sa personne, le pri- sonnier avait disparu. On a su après que cette chambre communiquait avec le souter- rain-refuge allant de l’église au Breuil-au-Loup.

Malheureusement il n’existe, pour l’heure, aucun écrit officiel de ce fait, qui paraît s’être déroulé en 1793, un an avant la mort du chef Vendéen.

Guy BERNARD

Sources : Etudes Locales – Numéro 86 – A.D.C.

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Le chemin des vacances vers 1910

Cet article, paru dans la revue de la SEFCO dont l’auteur, Mr DUVERGER est au- jourd’hui décédé, nous a semblé être un témoignage particulièrement précis et plein de poésie pour être intégralement publié dans nos colonnes. Il fait suite à une parution du Docteur LESENNE se rapportant au « Petit Rouillac ». « J’ai connu son frère jumeau, celui qui assurait la liaison entre Saint-Angeau et Se- gonzac et que Mr André PROUST dénomme le « Petit Mérat » (bulletin de Mai-Juin 1977, p. 177) ; j’ai eu plusieurs fois, pendant mon enfance, l’occasion de monter dans ce « Chemin de fer économique », qui desservait sur un parcours tourmenté et si- nueux les agglomérations de Mansle, Aigre, Rouillac et Jarnac. Je n’avais jusqu’à ce jour, pas de date précise à fournir au lecteur, quant à l’inauguration de ce tortillard, comme on disait à l’époque. Mais Mr PROUST apporte dans son article cité plus haut, une précision utile : février 1912. Je sais que la vie de ce train fut brève…Je me sou- viens fort bien de la halte qu’il faisait à Luxé, où nous débarquions, ma famille et moi, venant de Saint-Saviol. Deux petites marches métalliques donnaient accès à une plate-forme, puis les voyageurs gagnaient les sièges disposés de part et d’autre d’un couloir central ; une plaquette de fonte avec des caractères en relief, peints en clair sur un fond plus sombre, précisait bien aux voyageurs qu’il était « formellement interdit de descendre des wagons ou d’y monter pendant la marche du train ». Je le revois en- core, ce petit train, venant de Mansle, quitter son arrêt de Luxé, dans un nuage de vapeur mêlée de fumée noire, s’éloigner lente- ment, traverser au gré de sa fantaisie, un parc, par une brèche ouverte dans le mur de clôture, se glisser furti- vement, profitant en cela d’un chemin près de la Charente, sous la voie ferrée Paris- Bordeaux, puis retrou- ver la route d’Aigre en utilisant habilement l’accotement et gagner tout doucement le chef- lieu de canton par le pont de la Terne, Fouqueure et Villejésus. L’existence de ce train d’intérêt local provoqua la disparition d’un autre moyen de transport : la diligence, on disait aussi le « courrier » ou l’omnibus, dont j’ai gardé des souvenirs précis et que j’aimerais évoquer ici, dans toute leur simplicité, souvenirs qui datent des années comprises entre 1906 et 1912 et qui méritent d’être notés car ils caractérisent bien les voyages à cette époque. Ma famille et moi-même, allions chaque année, en vacances d’été, chez mes grands-parents paternels, qui, cultivateurs, habi- taient un joli village nommé « La Brousse », dans la commune de Barbezières, canton d’Aigre. Un peu avant 8 heures du matin, nous quittions Montmorillon, sous-préfecture de la Vienne, où nous habitions ; nous prenions en direction de Poitiers, un train qui nous déposait à Lussac-les-Châteaux. Là, une correspondance nous permettait d’emprunter une voie ferrée aujourd’hui disparue, qui reliait Lussac à Saint-Saviol, et à

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cette dernière localité, nous montions dans le train om- nibus qui, venant de Poi- tiers, nous déposait en gare de Luxé aux environs de midi. Dans la cour de la gare, deux lourds véhicules hippomobiles attendaient, l’un vert et blanc, attelé de deux chevaux gris pommelé, allait prendre à son bord les voyageurs pour Mansle. L’autre, rouge et jaune, tiré par deux chevaux de même robe alezane, transportait marchandises, passagers et bagages en direction d’Aigre et c’est ce dernier qui était pour moi d’un grand attrait ; c’est lui qui allait me conduire vers des vacances heureu- ses. Quelle joie de nous installer, mes parents, mes sœurs et moi, dans cette grande voiture colorée et capitonnée intérieurement de velours bleu foncé !…Des coussins moelleux et de couleur assortie, garnissaient les sièges de chaque côté de l’allée cen- trale et permettaient à une douzaine de voyageurs de prendre place, confortablement installés. S’aidant d’une petite échelle, le « messager » montait à l’épaule les lourdes malles qui bruyamment prenaient place sur le toit. Le chargement des bagages termi- né, la porte arrière fermée avec tout le soin indispensable, le conducteur prenait place à l’avant, haut perché et c’était le grand départ dans un claquement de fouet, un grand bruit de roues cerclées de fer, et un piétinement de l’attelage, cependant que les vitres de la carrosserie commençaient à bruire dans leur châssis. Mais quel merveilleux voyage !…, animé, coloré, chacun alimentait la conversation, plaisantait sur le moindre sujet, tout en prenant le temps d’admirer le damier coloré des cultures qu’offrait la campagne charentaise aux yeux ravis des voyageurs : grands carré de maïs, immen- ses champs de luzerne bleutés et parfumés, vignes aux rangs réguliers, cultivées comme un jardin, grandes « palisses », qui déposaient sur la chaussée blanche de la route, de grandes taches d’ombre. Premier arrêt : Fouqueure, déjà trois bons kilomètres effectués sans hâte, mais sans défaillance ; le temps pour le conducteur de déposer à la halte traditionnelle, un café- buvette, quelques paquets, de faire un brin de causette avec le tenancier et les ser- veuses, de boire un petit verre de vin, et la diligence repartait dans une « gloire de poussière ». Bientôt se profilaient, en haut de leur promontoire, le clocher et le village de Villejésus (un bien joli nom) en même temps que se précisait la longue montée qui conduit tout droit au cœur du village. La plupart du temps, le conducteur, au pied de la côte, arrêtait son attelage, et, aimablement, venait nous prévenir qu’il fallait descendre afin que le lourd véhicule puisse gagner le haut de la rampe. Je revois encore ma mère, coiffée d’une grande capeline claire, vêtue d’un corsage classique, gonflé aux épaules, et d’une jupe de moire foncée, s’efforcer de disperser à petits gestes répétés, les grains de poussière déposés dans les plis de l’étoffe soyeuse et brillante. Nous montions à pas comptés, la longue côte aux accotements herbeux où fleurissaient les scabieuses bleutées et les centaurées rougeâtres sur lesquelles se balançait parfois un bourdon brun et velu ou un papillon aux ailes de velours. Quelle merveilleuse promenade !…faîte de surprises répétées, de découvertes cons- tantes, tout cela dans la joie de se dégourdir les jambes et dans la bonne humeur gé-

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nérale. Quelques minutes plus tard, chacun reprenait sa place dans le véhicule qui nous attendait en haut de la montée, alors qu'à quelques centaines de mètres seule- ment se profilaient les blanches silhouettes des premières maisons de Villejésus. Un crochet à droite pour gagner une petite place ombragée et la halte prévue au café- tabac traditionnel…nouvel arrêt. Il fallait bien reposer les chevaux et comme c’était au mois d’août, il faisait chaud, les gosiers étaient assoiffés, quoi de plus normal de se désaltérer, surtout si on est responsable de la bonne marche d’un véhicule. Les minu- tes s’écoulaient bien sûr, mais la bonne humeur restait de mise, quoiqu’il arrive ; l’impatience était inconnue en ce début de siècle. Mais voici le « messager » qui sort de la grande salle de l’auberge, essuyant sa moustache d’un large revers de main. Il s’installe à nouveau sur son siège, et nous repartons pour une étape de deux kilomè- tres qui nous conduira cette fois, au terme de notre voyage en diligence. L’attelage, qui sent la fin de l’étape, hâte le pas et bientôt nous traversons Aigre aux rues étroites dans lesquelles les sabots des chevaux semblent résonner plus fort, de même que s’amplifie le bruit des roues ferrées. Le conducteur salue au passage les commerçants qui se sont avancés sur le seuil de leur boutique et qui, de loin, ont entendu venir le bruyant véhicule dont le passage est incontestablement pour la petite ville un événe- ment de la journée. Voici la place de l’église, en même temps place du marché, nous prenons à droite, une rue étroite, parcourons encore cinquante mètres, et par un por- che monumental, entrons dans la cour de l'auberge qui marque la fin de l'étape. Il nous aura fallu une bonne heure pour parcourir huit kilomètres (la distance qui sépare Luxé d’Aigre). Mais cette campagne charentaise était si belle, si lumineuse, si colorée que cette heure avait été pour moi un enchantement. Mais notre périple n’était pas terminé, l’aïeul était là, qui nous attendait, coiffé de son feutre noir à bords plats, en blouse bleue, bouffante, fermée au col par une chaînette à crochets. Embrassades, étreintes, compliments, joie de se retrouver après une longue année de séparation. Il nous faut encore parcourir sept kilomètres. C’est Fanny, la bonne jument noire de grand-père qui, de son pas lent et mesuré, attelée à la lourde charrette habituellement utilisée pour transporter les gerbes ou le foin, conduira à la maison paternelle, tout le chargement, voyageurs et lourdes malles. C’est ainsi que nous atteignons « Saint-Mexant », puis « Germeville », dominée par son château, « Oradour » et son église solitaire et son école de hameau (comme j’aurais aimé être écolier dans ces classes au milieu des champs et des bois). Voici le « Pont de Chillé » avec son filet d’eau, sa verte vallée et ses grands peupliers Il faudra à Fanny deux heures environ pour atteindre le terme du voyage et il est bien près de 16 heures, quand, par le grand portail, nous faisons notre entrée dans la cour de la ferme, ivres de grand air, un peu étourdis, mais ravis d’être arrivés sur les lieux de nos belles va- cances libres et champêtres. Partis de Montmorillon le matin, un peu avant huit heures, nous nous retrouvions au terme de notre voyage seulement en fin d’après-midi. Que de temps direz-vous pour parcourir les quelques cent kilomètres séparant la sous-préfecture de la Vienne, du petit village charentais de mes grands-parents ! Le voyage fut long en effet, mais en récompense, quel émerveillement à travers une nature encore si respectée, si vraie, si pure, si réconfortante et à une époque où chacun vivait selon son rythme, sagement, simplement et sereinement: c’était la belle époque ».

L’article est donc signé de J. DUVERGER, qui ajoute en post-scriptum que l’hôtel était celui des Trois Piliers, que tenait Mr MOTTION (NDLR : MOSSION) et que le « mes- sager » s’appelait Louis GAUTHIER.

Extrait de « Aguiaine » - Tome XII - juillet –août 1978 - Reproduit avec l’aimable autorisation de la SEFCO.

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QUAND IL NE FAISAIT PLUS BON VIVRE « AU PAYS D’AIGRE » …

estin tragique des émigrés de la période révolutionnaire (1789-1814) et du der- D nier Prince de MARCILLAC. Commencée au lendemain même de la prise de la Bastille, effective après la confisca- tion des biens du clergé et la fuite de LOUIS XVI à Varennes, l’émigration nobiliaire va se poursuivre pendant toute la période révolutionnaire et jusqu’aux lois d’amnistie du Premier Consul BONAPARTE ; les derniers réfractaires ne rentreront en France qu’en 1814 avec le retour des Bourbons. Qu’en fût-il dans notre Pays d’Aigre en apparence paisible, mais bientôt saisi de fièvre révolutionnaire et patriotique, comme la plupart des communes de l’ancien district de Ruffec ? Notices de quelques émigrés concernant plus particulièrement les communes de Mons, Fouqueure, Bessé, Saint-Fraigne, Verdille et Marcillac :

- François BABINET DE RANCOGNE, chevalier, fils de Pierre, seigneur de Ranco- gne et de Marie MAIGNEN. Il était né à Mons le 18/06/1758, époux de Jeanne HOR- RIC, fille du seigneur de la Motte Saint-Genis (Saint- Genis d’ actuellement), il fit parti des gardes du corps du Roy ; émigré, il participa à la campagne de 1792 dans l’armée des princes, compa- gnie de Noailles, puis volon- taire dans la cavalerie de la région de Béon. Propriétaire à Lanville et à Ambérac, il ne reverra jamais son pays, il fut tué en Allemagne le 26 avril 1794. Son cousin Pierre Au- Entrée du Logis de Rancogne guste BABINET DE NOUZIE- RES, fils de Pierre, écuyer, seigneur de Ranville, mourut lui aussi en émigration.

- Charles de BARBEZIERES, chevalier seigneur de La Chapelle près de Marcillac, , Souvigné en partie, né au Logis de La Talonnière, paroisse de Fouqueure le 15/10/1736, fils de Charles-Antoine et de Marie DE LIVENNE, il fit une longue carrière militaire, capitaine des grenadiers au régiment de Guyenne ; en 1789, il fut un des rédacteurs des cahiers de doléances de l’ordre de la noblesse. Emigré en 1793, il re- joint l’armée des princes en Allemagne, où lui aussi connaîtra un sort funeste le 22/09/1799 à Iserlohn, sans revoir les rives de la Charente.

- Marie, Mélanie, Adélaïde, Angélique, Félicité DE LAMBERTIE, dame de Bessé et de Gragonne, fille du marquis de LAMBERTIE et de Marie D’ANCHÉ ; elle partira en émigration en Angleterre, où elle décèdera le 05/06/1797 dans le comté de Middlesex ; elle sera amnistiée à titre posthume le 18 messidor de l’an XI.

- Henry, Gaspard DE LA PORTE AUX LOUPS, Chevalier de Saint-Louis, fils de Jac- ques, écuyer seigneur d’Estrade en Verdille et de Marie-Anne LERIGET, de confes-

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sion protestante. Emigré dès 1791, il fut amnistié le 10 germinal an XI. Il fit campagne en Allemagne, où il fut bles- sé au pied gauche, puis rétabli en Russie, il ne rentrera en France qu’en 1814, où il mourut en 1823. Son frère cadet Jacques Gaspard DE LA PORTE AUX LOUPS eut moins de chance, né à Verdille le 10/10/1762, lieutenant au régi- ment de Guyenne Infanterie, émigré en même temps que son frère en 1791, il mourut à l’hôpital de l’armée le 12/01/1791 et fut inhumé près de Obetrich, sans revoir sa petite patrie.

- Joseph CHABOT DE LESTANG, né à Saint-Fraigne, le Meurtrière du Logis d’Estrade 30/10/1752, fils de Pierre, seigneur de Marcillé et de Marie CABAULD DES NOBLES. Nous n’avons pu suivre sa trace en émigration. Sous la Restauration, une indemnité fut réclamée par ses frères et sœurs (cf : le milliard des émigrés accordé par Charles X).

Cas particulier de personnes inscrites à tort sur la liste des émigrés puis radiées sous le consulat.

- Pierre DES BORDES DE JANSAC, seigneur de Verdille et du Breuil au Loup, capi- taine d’artillerie au régiment de Rouergue, fils de François, écuyer et de Marie Anne DE MONTALEMBERT. Il a épousé à Verdille le 26/02/1753 Anne Marie SALMON DE LA DOUETTE, fille du précédent seigneur ; c’est à tort qu’il fut considéré comme émi- gré par le département de la Charente-Inférieure, il bénéficiera d’une amnistie sous le consulat à titre posthume le 28 Octobre 1792, son fils Charles DES BORDES DE JANSAC sera l’objet d’une visite domiciliaire et d’une perquisition ; des armes ayant été retrouvées à son domicile du logis de Verdille, il sera quelque peu insulté et mal- mené, menacé de l’épée par un membre de la garde nationale de Verdille en la per- sonne de Jacques PELLISSON ; mais bien vite les choses se calmèrent et il ne fut pas inquiété par la suite. Cette famille résida à Verdille jusqu’en 1885, elle s’est éteinte récemment en 1989 pour sa postérité masculine.

- Bien plus douloureux fut le sort réservé au dernier prince de Marcillac, Louis Alexandre de l’illustre famille des LA ROCHEFOUCAULT, fils de la duchesse d’Anville (l’amie de VOLTAIRE). Il était né le 12 juillet 1743, marié en 1762 avec Louise Pauline DE GAND DE MERODE DE MONTMORENCY, duc de La Rochefoucault et de La Roche-Guyon, prince de Marcillac (il s’agit d’un titre de courtoisie dévolu à la châtelle- nie du même nom), grand seigneur estimé de tous ses sujets, il fut assassiné au châ- teau de Gisors en Normandie de façon particulièrement ignominieuse, une bande de sans-culottes venus de Paris, excités et avinés vont le massacrer à coup de pierres le 14 septembre 1792, sous les yeux de sa femme et de sa mère octogénaire. Il ne lais- sait pas d’enfants et c’est son cousin, duc de Liancourt qui prendra le titre de duc de La Rochefoucault, mais à cette date en pleine tourmente révolutionnaire, il n’y a plus de châtellenie et de principauté à Marcillac devenu entre-temps et pour une courte période (1750-1800) chef lieu de canton. Jean-Claude BERGEON

Sources : - « L’émigration militaire, émigrés de Saintonge, Angoumois et Aunis » - Jean PINASSEAU. - « Les émigrés charentais » - Abbé Pierre BUREAU. - « Terres et fiefs relevant de l’évêché d’Angoulême » - Edmond SENEMAUD

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JEAN GERVAIS

l était né en 1814 dans une famille heureuse, honnête, aimante et pieuse au I « Grand Sallerit » village de . Sa mère Marie-Madeleine FURGIER épouse de Jacques GERVAIS des Gours aimait beaucoup les enfants. Dès qu’elle se rendait au chef-lieu de la commune, ceux-ci l’entouraient, tel un essaim d’abeilles. C’est dire que Jean, sa sœur aînée Francette, et ses deux frères Jacques et Pierre ont été les bienvenus. Mais un jour il faut quitter le nid familial. Ce sera pour Jean, l’Ecole Normale à Angou- lême. Il ne devait pas avoir une très bonne santé, celle exigée pour la culture de la terre ; de plus son père souffrait de son manque d’instruction, et Jean paraissait doué pour l’étude. Long trajet de « Sallerit » à Angoulême ! Pas de vacances ou presque… Durant ces années de pension il attrapa la variole appelée petite vérole et il fut très malade. Beaucoup mouraient alors, car le vaccin n’existait pas. Le directeur voulut écrire à son père de venir le chercher, mais Jean eut peur de ne pas revenir à l’école. Guéri, il resta le visage tatoué de points noirâtres… Mais il avait bon moral, il serait instituteur, il le désirait. Il passera le Brevet de Capacité de l’Instruction Primaire Elémentaire le 6 septembre 1835. « Il a été examiné sur l’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, les élé- ments (sic) de la langue française et du calcul, le système légal des Poids et Mesures et les premières notions de géographie et d’histoire, ainsi que sur les procédés et mé- thodes d’enseignement de ces diverses connaissances »… « Estimons que le candi- dat a fait preuve de la capacité requise pour donner l’instruction primaire élémentaire et en conséquence, avons accordé au dit Sieur GERVAIS Jean, le présent Brevet pour lui servir et valoir ce que de raison » - Les signatures de la Commission des Membres de l’Instruction Primaire sont illisibles. Peu après, le 29 février 1836, il reçoit sa nomination d’instituteur au poste de Lupsault, canton d’Aigre. M. le Recteur de l’Académie de Bordeaux est chargé de l’exécution du présent arrêté - signatures illisibles – Il a prêté serment et a été immédiatement installé dans ses fonctions d’instituteur de la commune de Lupsault, ceci le 17 septembre 1836. Poste rêvé pour un natif de cette commune !

Pratiquement, il est alors secrétaire de son père à la mairie, rédigeant tout en double : brouillon et copie ; tout est noté d’une écriture fine et franche, puis barré lorsque le travail est terminé.

Il est aussi nommé sous-lieutenant dans la Garde Nationale de Lupsault le 4 février 1838. Ce même diplôme certifié par le Préfet lui a été décerné tous les ans. Tout lui souriait : il sera bon instituteur, dévoué à ses élèves et à leurs familles (à voir plus loin)… Il lui manquait une femme… Dans le « journal » de sa petite fille Ernestine GERVAIS, on peut lire ce paragraphe romantique : « Lorsque vous eûtes témoigné à votre père (le maire) le désir d’épouser la jeune Madeleine MESNARD, celui-ci se rendit chez son ami Me Antoine MESNARD de Lupsault, et après lui avoir fait compliment sur le bon air, la gentillesse de sa jeune fillette, il la demanda en mariage pour son fils aîné. On consulta Madeleine qui dit crû- ment qu’il était trop vieux. Jacques GERVAIS reprit avec bonté : tu sais mon enfant, j’ai deux garçons auxquels tu plais également, le cadet assortit mieux ton âge. Lequel

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préfères-tu Jean, Jacques ou Pierre ? Mais la belle enfant était trop timide pour répon- dre une seconde fois. Les deux papas convinrent que l’on réfléchirait et l’on se sépa- ra…Il paraît même que Madeleine persistait à dire qu’elle ne voulait ni de l’un, ni de l’autre. Mais la famille la persuada qu’elle ferait bien d’épouser l’aîné, étant instituteur à Lupsault, elle resterait chez elle avec ses parents et serait tout à fait heureuse…On la décida à recevoir les visites de Jean ; mais dans les premiers temps, le bon pédago- gue avec son air sérieux, lui en imposait fort, et lorsqu’elle voyait le moment appro- cher, elle prenait résolument sa poupée dans ses bras et allait s’asseoir dans l’ouche voisine… » Crois-je que mon grand-père riait quand il la voyait ainsi jouer à la poupée ! Mais elle n’avait que 15 ans ! Elle épousa Jean. Leur contrat de mariage est daté du 9-10 décembre 1839 par devant Me Jean-François ANDRÉ, notaire à Aigre. A noter que les époux GERVAIS donnent entre autres, au jeune couple «une maison servant de salle d’école, sise à « Sallerit », composée de chambre basse au premier et au-dessus, et les « aireaux » devant qui en peuvent dépendre, le tout confrontant le chemin public des époux FURGIER, etc… « Un an après son mariage, Marie-Madeleine abandonna sa poupée pour le poupon Eugène ». Mais l’école ne pourra rester à « Sallerit » : la commune passera un bail en 1858 de 3 ans jusqu’en 1861, entre Jean GERVAIS instituteur, et PROUX Louis fils, maire de la commune de Lupsault de : 1 – Une maison au rez-de-chaussée et son grenier par dessus, située au bourg de Lupsault servant de salle d’école, plus les « aireaux » qui se trouvent devant la fa- çade de la dite maison… Le présent bail est fait pour la somme de quarante francs par an en deux termes égaux du 1° juin au 1° décembre de chaque année. 2 – Le dit GERVAIS afferme aussi à la commune la chambre haute qui se trouve sur sa maison d’habitation le tout contigu à la salle d’école moyennant le prix et somme de 20 F du loyer qui seront payés annuellement de la même manière.

L’instituteur

Jean s’adonne à son métier d’instituteur avec passion. Malheureusement les cahiers de classe retrouvés aujourd’hui sont en très mauvais état, sauf quelques pages. Exemples : - Journal de classe du 9/11/1859… 1867 signés J. GERVAIS fils. - Cours écrit à la main intitulé : « notion de sphère » - très abîmé. - Registre de correspondance 1841 avec les parents d’élèves. Il avait environ 51 élèves de Lupsault, , « Le Vivier-de-Chives », tous garçons, sauf 1 fille : Madeleine. Il y avait des indigents. Les noms des élèves sont notés par commune et adresse des parents. A remarquer : 1 – Les élèves qui viennent d’autre commune que celle de Lupsault paient une scolari- té trimestrielle suivant leur âge. La scolarité est de 1.50 Fr. à 3 Fr. par mois selon l’âge. Les indigents sont exemptés. Les comptes sont vérifiés par le Maire et l’inspecteur de l’Enseignement Primaire de Ruffec. Un seul mois de vacances, du 16 septembre au 16 octobre. Les vendanges sans doute… L’année est découpée en 4 trimestres. 2 – Les élèves des communes voisines doivent parcourir matin et soir les chemins sur plusieurs kilomètres. 3 – Timidement il y a une fille par ci, par là…

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Sur les listes des communes non réunies à Lupsault est marquée : 1 – La commune : « Le Vivier », « Sècheboux », « La Font-Perrin », Les Gours, « Ri- chard », « Saint-Eloi », « Boisbeaudrant », « Germeville » (d’Oradour). 2 – Le nom du père, de son fils (parfois de sa fille), avec son âge, date de naissance, date d’entrée à l’école, nombre de mois dans le trimestre.

- Cahier de notes des élèves avec appréciations. - Cahier de classe par jour : désignation des aides (1 élève) et surveillant général (1 élève) pour aider le maître. Un ou deux élèves, dans les grands, étaient désignés. - Cahier de conduite. - Cahier de préparation succincte des cours, par jour, en 3 colonnes (pas très lisi- ble). - Journal pédagogique : dictée et explications sur le déluge. - Liste des inspecteurs. - Achats : acheté une bibliothèque en 1865.

Inspections – « Par arrêté de son Excellence le Ministre de l’Instruction Publique ont été accordées aux instituteurs, directeurs d’école, des récompenses. Suivant les noms : Instituteur Public… Mention honorable : Mr Jean GERVAIS, instituteur public à Lupsault, arrondissement de Ruffec, le 14 août 1868 ». Sur les « notes », il est fait mention d’inspections avec éloges : « il est vrai que je fais tous mes efforts, que je redouble de soins pour l’éducation et l’instruction des enfants qui me sont confiés et dont les progrès sont très sensibles » - Il fait aussi remarquer que tous les inspecteurs lui ont dit qu’il avait droit à un salaire de 100 Fr. alors qu’il n’avait que 60 Fr. Ce n’est pas pour en profiter, il dépensera cet argent pour l’achat de livres à la bibliothèque scolaire, pour les linges et vêtements pour l’église qui en est dépourvue, pour l’entretien du nouveau cimetière, etc… Après 35 ans de service, il demande une augmentation comme les autres collègues ; il voudrait 225 Fr. pour le 2° trimestre. Il écrit : « Instituteur par vocation, ayant le zèle de mon état, je suis heureux de la confiance que l'on m’accorde et je puis dire qu’elle a surpassé mon attente ». On trouve des notes sur le pays, les mœurs des habitants ; c’est dit d’une façon poétique avec le style imagé de l’époque.

LE SECRETAIRE DE MAIRIE

Travail très régulier ; il n’est pas possible de tout écrire.

- Etat nominal des animaux se trouvant à Lupsault en 1848 : 412 moutons, 83 bœufs, 14 juments, 5 chevaux,1 vache,3 ânes,24 porcs. - Séance du conseil municipal du 16 mai 1858 de Barbezières, sur les chemins et routes ; il faudrait d’autres tracés. Proposition du Maire de Lupsault, Jean ME- NARD, en date du 9 mai 1858, croquis des routes et plan tiers – brouillon de Jean GERVAIS pour envoyer le tout au Préfet. - Plan du nouveau cimetière de la commune de Lupsault réalisé par Jean GER- VAIS contenant 48 ares 80 ca, divisé en 4 quartiers contenant en totalité 612 fos- ses, etc.…

LES MUTATIONS – EXPERTISES - ASSURANCES

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Il est demandé par tous les organismes : c’est tout un travail relaté dans ses cahiers.

TRESORIER DU CONSEIL DE FABRIQUE

Il est nommé par l’évêque Mgr Ch. ROUSSEAU, trésorier du conseil de fabrique, qu’il doit animer car il n’existe pas (lettre de l’évêque). Les comptes de l’église vont être tenus minutieusement.

PROPRIETAIRE TERRIEN

N’oublions pas qu’il est de par sa femme et les partages – donations de son père Jac- ques GERVAIS, propriétaire dans la communauté MENARD et GERVAIS – il fait les comptes – fait distiller son vin et le vend - procède aux lots dans les partages des collatéraux, en dessine les croquis. Dessine aussi ceux des voisins qui l’appellent, leur explique plans et aménagements – Tout ceci n’est évidemment pas à l’échelle de 2002 !

ENFIN, IL A UNE FAMILLE

Son seul fils : Eugène épousera le11/06/1866 Marie GALLARD de « Fondoume » de Villefagnan. Elle viendra habiter Lupsault. Naîtra une petite fille en 1867. Le 28/02/1872, sa femme aimée Marie-Madeleine s’éteindra… et lui, Jean, aura une mort terrible le 18/02/1873. Si l’on se réfère au « Journal » de cette petite fille, en ré- sumant les faits, on apprend qu’un soir après la classe, il a voulu se détendre en allant à la chasse… et il n’est pas revenu… Tous les voisins et amis sont allés jusqu’à Bar- bezières… on l’a trouvé, froid dans un bois non loin de sa maison. Avec de grands soins, il survécut à une attaque soudaine de paralysie pendant 3 mois ; mais son côté gauche resta sans mouvements. On lui envoya un adjoint, qu’il conseillait en tout, en sorte qu’on peut dire qu’il dirigeait encore sa classe et il écrivait avec plaisir des jour- nées entières. Il a été 37 ans dans l’enseignement : Une vie utile et bien remplie !

J-M. COIRARD

Sources : Archives familiales Journal d’Ernestine GERVAIS

Lupsault : ancienne école transformée en mairie

45 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2003

La sauce aux lumas

Thielle chanson qui nous vante ine spécialité chérentaise n’en doune point la r’cette, alors mouè, jh’vous raconte la meune.

Peurnez in cent de bounes cagouilles, jheunées à point. .Mettez lé dan n’in seau d’ève frèche peur lé réveillé et les feurmeugher (nettoyer). Et pis envec ine passoère, trempez lé dan l’ève bouillissante.O faut lé quytté l’temps d’lé tuer, jusqu’au moument ou l’ève r’prenit l’bouilli. R’coumencez jusqu’à la fin, et, emprès, tirez lé envec ine éguill’ à tricouter ou ine fourchette à cagouille, peur les sorti d’zeu coquille. Mettez lé dan la passouère et, fasez couler d’l’ève freide peur enlever la bave. Seuchez lé in p’tit et étendez lé dan n’ine poèlle su in feu moèyen, envec cinq ou six tomates copées en mourcias et bordassez lé souvent. Quand o coumence à s’asseucher, peur pas qu’o preune au fond, mettez zi in grou morcia d’saindoux et pi, o pourra pa zou gater, ine boune tranche de jhambon copée en p’tit mourcias. Vous peuvez y ajhouter ine tranche de pain bein émitté.

Salez et poivrez. Quand o s’ra quasiment cuit, jettez deux ou trouès têtes d’ail qu’vous arez pelé à l’avance et copé assez fin, et un bia bouquet d’persil misaillé coum’ peur les canets. Brassez zou beun et laissez zou d’su in p’tit feu. Vous arez ainsi préparé in amour de p’tit pia qu’vous peurez manghé sans vous sali leis mains. O lé vrai vous z’arez pas l’piaisi d’vous en licher leis quat’ deis et l’pouce,… mais quand meinme vous m’en direz deis nouvelles !

Cette recette, recueillie il y a environ 30 ans auprès de M. Fernand PINAUD, n’est pas la plus connue ni la plus économique en temps de préparation, mais on la retrouve quelque fois…essayez-la à votre tour !

Formulettes enfantines

Quand le roi va-t-à la chasse Il attrape des bécasses Il en tue, il en fricasse Il en donne à ses voisins Bonjour Guillaume Brelin, dindin, je le tiens. As-tu bien déjeuné Et oui, et oui Madame J’ai mangé du pâté Guillaume et Guillaumette Tanne, tanne Chacun s’embrassera Bois d’houzanne, Guillaume restera. Pour Monsieur et pour Madame Pour les oies et pour les canes Et pour le p’tit virolet Qui a ch… dans son bonnet.

Ces formulettes faisaient la joie des enfants et tous les connaissaient par cœur. Cel- les-ci sont encore dans les mémoires. Vous en avez peut-être entendues, alors rap- portez les nous, qu’elles continuent à vivre et qu’elles fassent encore le bonheur des enfants.

46 Octobre 2003 Histoires du Pays d’Aigre

Quoi de neuf en Pays d’Aigre ?

Le 14 mars 2003, a eu lieu une soirée sur les dialectes d’oïl et d’oc par Erik NOVAK à la salle des fêtes d’Oradour.

Lors de la sortie du numéro 8 d’Histoires du Pays d’Aigre, aux Gours, le 26 avril 2003, l’Association a présenté une vidéo projection sur la vie du Docteur Joseph MOUCLIER et de Marc, son frère où environ 150 personnes ont assisté. A cette occa- sion la municipalité Des Gours a baptisé la place devant la mairie : Place Joseph MOUCLIER.

Les 3 et 4 mai 2003, Foire Exposition d’Aigre. Présence d’Histoires du Pays d’Aigre à l’exposition culturelle consacrée cette année à la fabrication des instruments de musique. Une rétrospective sur l’harmonie Sainte-Cécile d’Aigre a également été réalisée lors de cette exposition. Cette rétrospective a soulevé beaucoup d’émotion parmi les habitants du canton. Sur la photo prise à cette occasion on peut re- connaître de gauche à droite : Messieurs Robert TARDIVEAU, Fernand EGRE- TAUD, Jeannot GEOFFRION, Gustave SYLVES- TRE, Mme PETONNET fille de Gabriel RICHON et Monsieur André-Louis GABARD

Le 16 mai 2003, sortie du numéro 2 de « Jadis... Le canton de Saint-Amant » à la salle des fêtes de Marsac.

Le 17 mai 2003, l’heure de la ren- trée a sonné lors de l’inauguration du Musée Départemental de l’École Publique à Saint-Fraigne.

(ci-contre, la cour de récréation lors de l’inauguration)

47 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2003

Le 18 mai 2003, l’Association Généalogique de la Charente a organisé sa sortie an- nuelle à Aigre.

En mai 2003, rénovation dans le cimetière d’Aigre du monument aux morts de la guerre de 1870 et de la stèle dédiée par l’harmonie Sainte-Cécile d’Aigre à son chef de musique : Antoine CHAUMEIL

Le 21 juin sortie du numéro 2 des « Carnets de Ranville » au Logis de Ranville

Le samedi 5 juillet 2003 l’association a orga- nisé une journée à thème sur la découverte des tourbières de la vallée de l’Osme. Visite de la tourbière de « Chantemerle » à Saint- Fraigne avec démonstration d’extraction de la tourbe (photo ci-contre), suivie d’une conférence par M. Frédéric BLANCHARD de la mission conservatoire botanique national Aquitaine Poitou-. A cette occasion le vase découvert à « La Motte » en 1989 a été exposé. (photo ci-dessous)

Le mardi 9 septembre 2003, la commune de Fouqueure était à l’honneur dans la Cha- rente Libre avec la publication dans la rubrique « La Charente vue du ciel » d’une ma- gnifique photo aérienne du bourg.

Rectificatif au numéro 8 Une malencontreuse erreur concernant la date de la photo de classe de Fouqueure (page 1 du numéro 7). C’était bien l’année 1936 et non 1920-21 comme mentionné dans le numéro 8. Dans l’article de Jean SAUVE, lire GOUET au lieu de GONET à la première ligne de la page 32.

C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris le 12 septembre 2003 le décès de Guy BERNARD. Ancien professeur, il collaborait depuis le début à notre revue. Il avait appris le français, l’histoire, la géographie à nombre d’entre nous et il laisse un souvenir impérissable à chacun de ses anciens élèves. Le Président ainsi que les membres du bureau et du comité de lecture présentent à Madame BERNARD ainsi qu’à sa famille leurs plus sincères condoléances.

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A vos plumes ! ! !

Amis lecteurs, Histoires du Pays d’Aigre recherche pour ses prochains numéros des articles inédits sur le Pays d’Aigre et fait appel à vos souvenirs. Si vous avez dans votre famille ou si vous connaissez un personnage qui a marqué son époque, n’hésitez pas à raconter sa vie, son métier, ses passions etc… en vous servant de papiers lui ayant appartenu, de photos, d’objets etc… Si vous avez également connaissance d’un fait divers inédit, d’un lieu mal connu ou de tout autre chose concernant le passé de notre région, qui mériterait d’être mis en lumière, n’hésitez pas à nous en faire part. Publier un article dans notre revue, c’est sortir de l’oubli des personnes, des faits, des lieux afin de le transmettre aux générations qui vont nous suivre et c’est aussi faire œuvre de mémoire. Contactez-nous à : A.D.A.P.A . « Section Histoires du Pays d’AIGRE » 1, rue du Pensionnat Laroque 16140 AIGRE

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HISTOIRES DU PAYS D’AIGRE - N° 9 - LIGNÉ