Le séisme de Bigorre du 21 juin 1660

ux environs de 4 heures du matin selon les uns, un peu avant le soleil levé selon les autres, une formidable convulsion terrestre ébranle tout le sud-ouest de la , le 21 juin, le jour de l’été de l’année 1660. A Une fois encore, les Pyrénées, habituées aux soubresauts de la Terre, concentrent les effets majeurs d’un séisme qui se fait particulièrement ressentir en Bigorre. De Bagnères à , d’Argelès- à Luz-Saint-Sauveur, les dommages sont conséquents et nombreux.

Les archives révèlent les détails de ce « terre- Moins d’une semaine plus tard, les délibéra- tremble » qui s’avérera extrêmement vio- tions du Conseil de ville nous apprennent que lent. Laissons la parole au vicaire Dangos, de non seulement l’église est fortement endom- Bagnères : « Le vingt uniesme juin mil six cens magée mais que « la maison de ville et toutes les soixante, un si terrible terre tremble arriva qu’il mict par tours et portes de lad. ville » menacent ruine. terre une partie du clocher de l’église paroissiele St-Vin- D’ailleurs, le déblaiement des décombres de cent de la present ville de Baignères et quelques pierres des la porte des Vignaux, de celle de Salies, de la arceaux de la voutte, ensemble plusieurs maisons, entre maison consulaire et du devant de la tour du autres celle de feu Pierre Vergès, chirurgien ; le devant de Portail-Debat est à l’ordre du jour. la maison tenue à louage par Odet Bousigues, cordonier, est aussy tombée… A mesme heure sont tombées contre le Dans la quinzaine qui suit, les Bagnérais pont de l’Adour la maison de Jean Forcade et la maison demandent qu’on leur fournisse du bois afin de Ramonet de Souriguère, tailleur… ». Le séisme d’étayer les maisons. frappe fort. Dans ces seules habitations, onze personnes dont sept enfants périront, écra- sées et étouffées sous les ruines. Elles seront enterrées le jour même.

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www.developpement-durable.gouv.fr Les plus atteintes doivent être détruites tan- À Barèges, un homme eut la tête tranchée par dis que la tour de Salies est à reconstruire. les chutes de pierre. Ailleurs, elles obstruèrent Maçons, menuisiers et charpentiers sont le cours de certaines rivières ou firent dispa- réquisitionnés ; on mande même l’assistance raitre temporairement les eaux qui alimentent d’un architecte de Pau. les bains de Bagnères. À Préchac, Luz-Saint- sauveur, des maisons se sont écroulées. Dans les environs, la situation n’est pas meilleure. À trois kilomètres en amont de À Argelès-Gazost, nombre de moulins l’Adour, l’ermitage de Médoux (aujourd’hui (Calestremé, Biette, Moth, Lostau) sont mis disparu) est très sérieusement endommagé, hors d’usage. L’abbatiale de Saint-Savin- comme le raconte l’un de ses hôtes, capucin en- est dans un piteux état : le de son état : « notre couvent ne sauroit jamais se dôme, les voûtes, les vingt- six piliers de remettre en l’estat qu’il estoit. Il a esté sy fort esbanlé l’église, son portail de dix pieds d’épaisseur que les maitresses murailles qui estoient fort larges et (3,20 m) tout en pierres de taille et diverses touttes basties de pierre de taille ont esté fondues…Les murailles sont entièrement à reprendre, chambres du dortoir presque touttes abattues… A la indique un procès-verbal dressé quatre bibliothèque où j’étois, le couvent fut secoué avec une mois et demi plus tard, le 6 novembre 1660. telle violence qu’il me sembloit que touttes les murailles À , les murs de la ville sont endom- et toutttes les charpentes estoient suspendues en l’air et magés et à Pau la plupart des cheminées sont touttes prestes à tomber… Les voutes du chœur de l’église, jetées par terre. de la sacristie et des chapelles qui estoient très fortes et très bien faictes, trouvées touttes fendues et presque À plus grande distance, il n’est pas une pro- affaissées…Nous mesmes sommes contrainctz de coucher vince qui ne subisse le contrecoup de cette au milieu du jardin… » brutale commotion. Du Béarn au Pays basque, des Landes à la Gascogne et au Bordelais, cha- Non loin, le château de Beaudéan « est resté cun est saisi d’effroi. comme suspendu en l’air ». Dans la montagne, entre Bagnères et Argelès-Gazost, les châteaux Revenant de leur mariage célébré quelques de Castelloubon (Ourdis-Cotdoussan) et de jours plus tôt (9 juin) à Saint-Jean-de-Luz, sont abattus. Les mouvements de terrain Louis XIV et Marie Thérèse d’Autriche ressen- sont légions et impressionnants : « les pierres tent fortement le séisme à Captieux (Gironde). se soulevoient sur la terre avec tant de violence qu’elles À Saint-Justin, où loge une partie de la Cour, sembloient estre lancées par de puissantes machines… » Mademoiselle de Montpensier est soudaine-

Annotation du séisme pyrénéen du 21 juin 1660 sur le registre paroissial de Montirat (collection archives départementales du Tarn) : « un tremble- ment général de terre…si fort que les citoiens des villes estoient obligés de quitter leurs maisons… » ment réveillée par un formidable bruit à la Dans la région de l’épicentre, des récits suite duquel son chirurgien lui crie : « Sauvez- contemporains n’évoque de signes avant- vous ! la maison tombe. » coureurs de cette formidable commotion. Le choc du 21 juin 1660 eut lieu « en trois Dans l’Agenais, le Quercy, le Périgord, la diverses fois » et le sol fut si fortement secoué secousse est subie « avec épouvantement, le branle- que « la terre où nous estions couchés nous soulevoit ment des maisons étant si fort qu’on appréhenda qu’elles tous en l’air », rapporte le capucin de Médoux. dussent cheoir et renverser. » Incroyable violence.

En Languedoc, Carcassonne, Narbonne, À l’heure actuelle, ce séisme reste le plus vio- Béziers, Montpellier signalent aussi le phéno- lent jamais vécu dans les Pyrénées françaises. mène mais d’une manière moins prononcée L’intensité des effets de la secousse (degré VIII- que dans la bourgade ariègeoise de Saint-Félix- IX sur une échelle de XII degrés) et sa propa- de-Rieutord où « il sembla que toutes les maisons gation à distance en font toujours le « numéro s’en allassent en ruine… » un » des séismes pyrénéens. Sa magnitude serait voisine de 6,1 sur l’échelle de Richter. En Auvergne, Limousin, et Poitou, la secousse est encore nettement ressentie. En atteste ce Moins d’un siècle plus tard, le 24 mai 1750, la récit d’un moine de l’abbaye de Saint-Maixent, Bigorre sera de nouveau violemment ébranlée proche de Niort, à 400 kilomètres de Bagnères- (degré VIII), particulièrement dans la région de-Bigorre : « le 21 juin, sur les quatre heures du de Lourdes, Juncalas et Saint-Pé-de-Bigorre. matin, arriva un grand tremblement de terre qui esmut tellement l’ancien réfectoire qui sert d’église et le dortoir Rajoutons encore un siècle et le 20 juillet qui est dessus que toutes les chambres en furent ébranlées 1854, nouvel ébranlement (degré VII-VIII) et les lits des religieuses secoués comme si on les eut dans le secteur de Juncalas, Ousté, Ségus. renversés… ». Décidément.

Mais jusqu’où se sont donc propagées ces Au XXe siècle, la province voisine du Béarn pren- ondes telluriques ? En Anjou ? En Touraine ? dra le relais : Arette, 13 août 1967 (degré VIII) En Berry ? Toujours est-il que le séisme ne fut et Arudy, 29 février 1980 (degré VII-VIII). Pas de pas « entendu » à Paris rapporte un témoin doute, les Pyrénées sont bien la première région de l’époque. sismique de France métropolitaine.

Isoséistes du séisme du 21 juin 1660 à partir des données Sisfrance (BRGM). Imprimé sur du papier certifi é écolabel européen écolabel é certifi papier du sur Imprimé - - /im@ge - Collection Archives départementales du Tarn - Sisfrance - Texte : J. Lambert (BRGM) - Impression : METL-MEDDE/SG/SPSSI/ATL2 : Impression - (BRGM) Lambert J. : Texte - Sisfrance - Tarn du départementales Archives Collection - /im@ge RGM

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