C a h i e r s

d u CINEMA

l ï Douglas

SirkJacques Demy Ruy Guerra

2?riæ du numéro 6 francs j numéro 189 avril 1967 studio action Les constatations qu’il nous a été permis de faire tant au cours de nos activités de. cinéphiles qu'au cours de celles d'animateurs nous ont prou­ vé qu'une, grande partie du public hommage « cultivé » — celui qui fréquente les sa lies d'Art et d'E ssai en particu­ lier — limite sa consommation de à films aux seules œuvres de Ford, Hatvks. Hitchcock, Walsh ; quelque fois W ailes* Lan g et plus rarement Kazan. Fuller, Minnelli.

Est-ce dû à l'affirmation axcessive d'une ptfli tique d'auteurs ce qui, (3-18 m ai) somme toute. /l'est que demi-mal, on, plutôt, fait beaucoup plus grave, « une certaine parasse intellectuelle à un confort annihilant, pour ne pas dira un conformisme ?

Il n'est pas question pour nous de TARNISHED ANGELS (la ronde de l'aube) mercredi 3 brûler ceux ifue nous adorons. Il vendredi 12 n'est pas mm plus question de pren­ dre la nouveauté comme seul critère CAPTAIN LICHTFOOT (capitaine mystère) jeudi 4 de qualité. Nous pansons simplement qu'il est bon de remettre art c m usa dimanche .14 certains jugements tenus f:our défi­ nitifs, de se pencher sur Vœuvra de BATT LE HYMN (les ni les de T es p cran ce ) vendredi 5 réalisateurs catab>gués coin nie « mi- mardi 16 naurs », voin: mânte de réhabiliter des « artisans » géniaux. A TIME TO LOVE AN!) A TIME TO DIE samedi 6 Dans cet te optique, il nous a sem­ (le temps d'aimer et le temps de mourir) lundi 15 ble indispensable de vous faire dé­ couvrir on redécouvrir DOUGLAS THE SIGN ÜF THE PAG AN {le signe du païen) dimanche 7 SIRK. jeudi 18

J.-M. CAUSSE IV R ITT EN ON THE W1ND [écrit sur du vent) lundi 8 J.-M. RODON samedi 13 R. TA VERRE

animateurs du IMITATION OF LIFE (le mirage de la vie) mardi 9 STUDIO ACTION mercredi 17

INTERLUDE (les amants de salzbourg) mercredi 10

MAGNIFJCENT OBSESSION (le secret jeud i .1.1 mttgni fit/un) I I

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< On rencontre tout le monde ici, dit Pierrot. Sauf la jeune fille que je recherche, dit Léonic. Et qui a peut-être cinq enfants maintenant. » Kuyniond Queneau.

cahiers du CINEMA. No 189 i AVRIL 1967 Blanches DOUGLAS SIRK______■lombes et vilain monsieur : L’aveugle et le miroir, par Jean-Louis Comolfi 14 Françoise Fabien, Francis ' Entretien avec Douglas Sirk, par Serge Daney et Jean-Louis Noames 19 Blanche et , Maria Latour Biofilmographie, par Patrick Brion et Dominique Rabourdin 26 • Belle de Jour de Luis JACQUES DEMY Bunuel. Les Racines du rêve, par Michel Delahaye , 30 Maurlcio GODARD/DURAS/BERGMAN______Loyola dans Os Fuzls » de De trois films et d'une certaine parole, par André Téchiné 48 Ruy Guerrs. SITUATION DU NOUVEAU CINEMA (SUITE) ~ Entretien avec Ruy Guerra, par Jean-André Fieschi et Jean Narboni______52 Entretien avec James Ivôry, par Michel Delahaye______57 Sur « Shakespeare Wallah », par Jean Narboni______60 ESTHETIQUE (SUITE) « Nana »! ou les deux espaces, par Noël Burch 42 PETIT JOURNAL DU CINEMA Disney, [Mainwaring, Montréal, Tours, Visconti 7 LE CÀHÏÉR CRITIQUE Bresson: : Mouchette. par André S. Labarthe et Sébastien Roulet______63 Tourneur : Pendez-moi haut et court, par Pierre Dubœuf______66 Lefebvre : Le Révolutionnaire, par Michel Delahaye '______66 RUBRIQUES Revue de presse______4 Le Conseil des Dix______J5 Liste des films sortis à Paris du 8 mars au 4 avril 1967______72 CAHIERS; DU CINEMA. Revue mensuelle du Cinéma. Administration-Publicité : 6, rua Marbouf, Paria-6*. Rédaction’ : 5, rue Clément-Marot, Pari6-8* - Téléphone ; 359-01-79.______Comité de rédaction : Jacquet Donlol-Valcroze, Daniel Fllipacchl, Jean-Luc Godard, Pierre Kast, Jac­ quet Rlvette, Roger Thérond, Françol» Truffa ut. Rédacteurs en chef: iean-Louls Comolll, Jean-Loula Glnlbre. M ite en pages : Andréa Bureau. Secrétariat : Jacques Bontemps, Jean-André Fieschi, Jean Narboni. Documentation : Jean-Pierre Blesse. Secrétaire général :Jean Hohman. Directeur de la publi­ cation : Frank Ténot. Lee articles n'engagent que leurs auteurs. Les manuscrits ne sont pas rendus. Tout droits réservés. Copyright by les Editions de l'Etoile.______le cahie

T e dernier numéro de L'Arc rcalisé par cle soit porté par .sou propre moirvcmcnt. Bernard Pinjjaiid et Pierre Samson Même un film comme Marieuhad a sa est consacré à A lain Resnais. Irritant par logique interne : au montage, nous u<’ons certains côtes (il semble souvent que essaye de modifier la suite des bobines. I»mr les auteurs rien ne valait au cinéma (,'d ii<- ffifift’/jr/ff pas. (...) avant la venue du messie Resuais, ce I >

méro à paraître incessamment : un en­ comme expression confirmatncc. Les tretien avec Roman Jakohson et mi texte hommes sont mis en scène par le Plan de Renia nln Bertobicci. et (tv qui est au dehors est aussi au T > 011 r la sortie de Deux ou trois choses dedans), lorsqu'ils parlent, ils énoncent, que je sais d’elle, nos confrères <|iie le mode illusoire du « moi-je », ce Godard inspire rarement se sont en gé­ bric-à-brac qui leur est donné à con­ néral surpassés, Une des peu nombreuses sommer : les « idées ». On connaît le exceptions à cette rèi^le n 'eS L malbeiireu- goût de Godard pour les citations qui sement pas comme (lu f;raiul public puis­ font de ses films des « collages ». Jamais que c’est le press-hook du film, réservé le procédé n’aura trouvé une justification à la presse (laquelle aurait dû s’en inspi­ aussi grande. Par ce moyen, les discours rer un peu plus : notons toutefois que la de chacun révèlent qu’ils sont sans « su- seule publication littéraire sérieuse Les jets », comme est sans auteur un film Lettres Françaises reprend dans son nu­ qui résulte de la rencontre provoquée méro 1174 un intéressant texte de Go­ entre des « morceaux » de réalité toute dard contenu dans ledit press-book) qui faite, des messages qui circulent et for­ la fournit tfriiee à un texte d'André ment le bruit de notre monde... Akoun (lequel allait s'entretenir avec Si, jusqu’alors, le sentiment demeure que Godard clans le n° 24 de La Quinzaine Godard-JJieu nous « montre » et nous littéraire). « démontre » notre monde, iroilà qu’une « On sait le reproche que chacun fait à nouvelle dimension (la quatrième) com­ Jeun-Luc 6’odard : ses films son! bâclés, promet tout. Sans que la vérité politique incohérents. Comme, par ailleurs, chacun en soit détruite, le discours du cinéaste, vent bien reconnaître la « (/ramie béan­ cette i.'oix basse qui est la vraie musique te » (les images, « l’intelligence » des de fond il 11 film, dnnent ontologique... cadrages, il en conclut généreusement Ce qui semblait commentaire sc dâcoitz're qu'oit a affaire fi un « somptueux monologue, pris lui-même dans la totalité chaos ». qu'il croyait commenter, « Problèmes de Ce qui ni'a frappé dans ce film, c’est langage », « problèmes de l'être ». le une qualité contraire : sa très grande démiurge perd son assurance et, dans les rigueur. Le malentendu 7’icnt de ce que cassures de sa parole, nous comprenons chacun 7 'eut confondre cohérence et que le véritable narrateur n'est nulle part anecdote, c'est-à-dire scénario. Cette ri- iti personne. giteur que je crois décoii7.-rir, il est ît iii C'est la réalitc-montréc qui se dit, se qu'elle ne paraît pas résulter d ’un « tra­ conteste et ne trouve aucune certitude vail ». Le film ne se présente pas comme extérieure Jacques R O N T E M P S . Paris 108, bd Haussmann LE CONSEIL DES DIX COTATIONS # Inutile de se déranger ★ à voir à la rigueur ★ ★ à voir ★ ★ ★ à voir absolument i r k i r k chef-d'œuvre

Michel Jean de Jicqutt Jean-Lonii Albert Henry H lch il Michel Jein Gegrges Aubriant Barwicelli Bonîtraps 0817 Cervanl Chapler Delahiye Mantora Narbonf Sadaul (Candide) (Le Monde) (Cahiers) (Le Nouvel (France (Combat) (Cahier») (Parlscope) (Cahiers) (L u Lattrcs Observateur) Nouvelle) françaises)

Deux ou trois choses que je sais d'elle (Godard)'A'-A'-^ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★

Mouchette (Robert Bresson) ★ ★ ★ * ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ • ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★

Les Demoiselles de Rochefort (Jacques Demy) ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★

Le Scandale (Claude Chabrol) ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★

Le Vieil homme et l’enfant (Claude Berrl) ★ ★ * * ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★

Opération diabolique (John Frankenheimer) • ★ ★ ★ ★ ★ •••

Les Treize fiancées de Fu-Manchu (Don Sharp) # • ★ ★ ★ •

La Canonnière du Yang-Tsé (Robert Wise) ★ • ★ • ★ ★ • •

Grand Prix (John Frankenheimer) ★ • • ★ • ★ ★ •

Les Filles... et comment s’en servir (Brian Hutton)’A~A' • • • • ★ •

Agent Z 55 (Robert B. White) • • ★

L’Homme qui rit (Sergio Corbucci) • • ★ •

Quatre bassets pour un danois (Norman Tokar) • • ★ •

Un idiot à Paris (Serge Korber) • •• • • ★ ★ • ••

Le Gentleman de Londres (Jack Smight) • • • • ★ •

Chasse à l’homme à Ceylan (Rud. Zehetgruber) ••

Beau geste, le baroudeur (Douglas Heyes) • • •

Orgies (Irwin Meyer) • • •

Mlnikini Story (Wolfgang Seinig) • • • •

Le Vicomte règle ses comptes (Maurice Cloche)# •• • ë •

Deux minets pour Juliette (Norman Panama) # • • • • . ••

Fantomas contre Scotland Yard (A. Hunebelle) # • • •• ••• PETIT JOURNAL DU CINEMA

José Isbert 51), ■ Dona Francisculta • Walt Disney de Oswald à Haytey Mills {'51), « Blenvenldo Mr. MarB- hall • (Berlanga-’52) où II Né le 3 mars 1086 et mort le était le i maire de VHIar Walt Disney naît le 5 décem­ Glant Killer » (1923), « The 28 novembre 1966 à Madrid, del Rio devenant pour quel­ bre 1901 à Chicago (Illinois). Three Bears ■ (1923), • Gold- il était le plus connu des ac­ ques heures... shérif, • Tarde Il y suit les cours de l'Aca­ locks » (1923) et mélange dé­ teurs espagnols, ce qui ne de Taros i (Vajda-'55). • Un démie des Beaux-Arts et tra­ jà le dessin animé et la pho­ veut pas dire pour autant que Angel paso por Brooklyn • vaille à Kansas-City comme to. L'année 1926 voit l'appa­ sa renommée fut réellement dessinateur commercial, réa­ rition de Oswald le lapin. Ces internationale. Dès 1912, il lisant des diapositives publi­ deux personnages, Alice et débutait au cinéma, dans de citaires projetées dans les Oswald, sont acceptés par courts (• Asesinato de Cana- cinémas, pendant les entrac­ l'Universal qui en distribue Ieja9 • de Enrique Blanco) ou tes. Parallèlement à cette Ie3 dessins animés en com­ longs films (« A los Orden activité et'fasciné par la vie plément de ses programmes. mi Coronel • de Julio Roscet, des animaux, il filme des En 1927, Disney devient indé- • La Mala Tey », • 48 Pese­ journées entières dans un ga­ tas de Taxi », etc.). Ces pre­ rage désaffecté des souris mières années le voient sur­ qu'il capture. Peu à peu II se tout acteur de théâtre, jusqu’à familiarise avec le mouvement • Asesinato de Canalejas », de la vie tel que ces petits où il personnifie l'anarchiste films peuvent le lui restituer assassin du président du et il décide de se lancer dans conseil des ministres Don Jo­ l'animation. Il abandonne Jo3« Isbert dans sé Canalejas. De sa filmogra­ ■ El Cochaclto * de Marco Ferreri ['usine de machines agricoles phie riche de 120 films et où pour laquelle il travaillait et, se remarquent les noms de (Vajda-'57), et surtout * El avec quelques amis, il réalise Cocheclto » de Marco Fer­ Luis Marquina, Ignacio Iquino, sept petits films animés qu'il La souris prisa au piAge : Ladislao Vajda, Luis Lucia, reri (’60) et ■ El Verdugo ■ vend à une firme newyorkai- ' • CendriMon * Rafaël Gil, Antonio Roman, de Berlanga (’63), aux côtés, se. Il rejoint son frère Roy en Marco Ferreri, Luis Garcia de Nlno Manfredi. Il passait Californie et y entreprend pendant et crée Mortimer Berlanga, détachons quelques les derniers mois de sa vie à ■ Alice in Cartoonland • Mouse, le futur Mickey. Mais films : « Te quiero para mi » écrire son autobiographie qui (1924) qui fait suite à « The cette même année, la Warner (Vajda-’44), « El Testamento recoupe pratiquement toute Four Musicians of Bremen » lance sur le marché « The del Virrey ■ (VaJda-’44)P l'histoire du cinéma espagnol (1923), « Llttle Red Riding Jazz Singer • et le cinéma « Ronda Esparïola » [Vajda-’ et qui reste inachevée. - P. B. Hot ■ (1923), « Jack the parlant. Disney met aussitôt au point dès , son troisième Mortimer Mouse. • Steamboat Wlllle -, un système de sono­ risation. A partir de cette date, qui marque l'introduction In Pace définitive des Studios Disney dans la production cinémato­ Entre • La terra vlsta dalla graphique américaine, l'his­ luna » (sketch de « Le Stre- toire du dessin animé holly­ ghe ») et « Œdipe » qu’il woodien va pratiquement se s'apprête è tourner au Maroc, confondre avec celle des stu- Pler Paolo Pasolini a pour­ suivi (après « 'Le Bossu de »*•***•*•** Rome ■) sa carrière d'acteur avec Carlo Lizzanl dans • Re- Ce petit journal a été rédigé quleacant ■. Les autres Inter­ par Farouk Beloufa, Patrick prètes de ce western Italien Brlon, Jean-Louis Comolli, Mi­ sont Corinne Fontaine, Annl- chel Delahaye, Jean-André bale Danovl (entourant sur Fieschi, Marc Sator et Ber­ notre photo P.P.P.), Lou Cas- trand Tavernler. tel, Mark Damon, Franco Clttl, Barbara Frey, Ml relia Mara- vld.

7 tableaux de Franz Marc et où (le personnage du Capitaine les couleurs se fondent les Crochet au bras coupé) et unes dans les autres dans la malgré un graphisme très plus pure tradition du ■ Blaue décevant et outré. A partir de Relter». 1946 : • Song of the cette année Disney va South » avec de nouvelles re­ s'orienter de plus en plus cherches dessin animé/per­ dans la production de longs sonnages réels. 1947 : « Fun métrages avec des vedettes and Fancy ». 1948 : « Melody médiocres. De cette liste in­ Time » avec Roy Rogers. nombrable de films dirigés al­ 1949 • Cendrillon ». En ternativement par Robert Ste­ 1950, ■ Beaver Valley » (• La venson, James Neilson ou Vallée des Castors ») inau­ Norman Foster, dégageons gure la série documentaire • Vingt Mille Lieues sous les ■ C'est la Vie », et suivront Mers » de Richard Fleischer • Water Birds », « The Va- (1954). « Pollyanna » de Da­ nishlng Prairie », ■ The Afri- vid Swift (1960) et • Mary can Lion », etc. Mais 1951 Popplns » de Robert Steven­ reste comme l’une des dates son qui combine une nouvelle Piuio et son cheval Seludoa Amigos >. les plus stupéfiantes de la fois cartoons et personnages. carrière de Disney grâce à Dès lors la pure esthétique dioa de Disney. 1929 : -The ■ La Danse des Heures ■ de « Alice in Wonderland ». Des­ Disney sombre peu à peu Skeleton Dance ■, première Ponchielli et enfin « Une Nuit tiné aux enfants le Film est en malgré quelques cartoons de des Silly Symphonies. Le sur le Mont Chauve » de de98in animé prend pour base Moussorgeky et I' ■ Ave Ma­ rythmique la ■ Danse Maca­ ria » de Schubert. bre » et les Bquelettes se dé­ Le film coûta la somme fabu­ mènent sur la musique de leuse de 1 milliard 125 000 Salnt-SBëns. 1932 : • Flowers dollars et ne put récupérer and Trees ». de la série Silly cette somme qu’en 1963. Symphonies, est le premier Essai passionnant dans ses cartoon en technicolor et tri­ recherches d'équivalences chromie. suivi par • Santa's graphiques de 1b musique, Work Shop », « The Three mais décevant (les séquences Little Pigs » qui contient un où Mickey dirige l'orchestre lyric original ■ Who’s afraid sont autant de temps absolu­ of Big Bad Woolf ? ». et ment morts) et assez Irritant, « Father Noah’s Ark ». 1935: « Fantasia ■ marque pour Mickey Mouse apparait pour Disney l’échec d'une techni­ la première fois en couleur que expérimentale. 1941 dans ■ The Band Concert » où • Dumbo ». Après les recher­ Dumbo el Timotny 0 Mouse Dumbo il dirige l'ouverture de • Guil­ ches de « Fantasia ». * Dum­ réalité l'une des œuvres les valeur, « The 101 Dalma- laume Tell ». • The Tortoise bo • ne risque pas de mé­ plus authentiquement fantas­ tians ». « The Lady and the and the Hare ». « Three Or- contenter le spectateur qui y tiques et hallucinantes de Tramp », « The Sleeping phans Kittens ». 1936 ■ The trouve toutes les constantes l’histoire du cinéma. L’univers Beauty », « Thei Sword in the Country Cousin », ■ Mickey's du cartoon, tous les poncifs de Lewis Carroll dont l'his­ Stone ■. Entre Fess Parker. Polo Game ». 1937 : ■ The et une intrigue particulière­ toire est par ailleurs quelque Hayley Mills, Kevin Corcoran, Old Mill ». • The Four Sea- ment médiocre. Mais dès peu modifiée, est très fidèle­ Brian Keith et Maureen O'Ha- son ■. 1938 : ■ Ferdinand the cette année, Disney reprend ment reconstitué. C'est une ra. les productions Disney ra­ Bull » et • Blanche Neige et ses expériences en combinant véritable osmose entre l'at­ flent tous les prix du Box les-Sept Nains », premier car­ dessins animés et personna­ mosphère des plus belles Office américain malgré des toon de Disney de long mé­ ges réels (ce que feront no­ nouvelles de Poe et des coûts de revient souvent très trage qui nécessite près de tamment George Sidney et plus horrifiantes compositions réduits. En 1955 Disney crée 250 000 dessins et des an­ l'équipe de la M.G.M. dans d'Hokusai. On sait ce qu'il Disneyland. étrange parc d’at­ nées de travail. Dan9 ce pre­ ■ Anchors Aweigh • et Gene advint du film. Jugé terrifiant tractions dont le fantastique mier long métrage, le ■ Mal » Kelly dans ■ Invitation to the par les ligues américaines, est loin d'être absent (cf. les apparaît de manière encore Dance *). Ce sont « The Re- donnant des cauchemars af­ décors que l'on pouvait voir plus manifeste qu'auparavant luctant Dragon », ■ Saludos freux à tous les enfants qui dans • 40 Pounds of Trou­ (le loup des « Three Little ble » de Jewison) et dont au Pigs •) : Incarnation purement moment de sa mort il proje­ fantastique et réellement terri­ tait de faire une succursale fiante qui sera l’une des cons­ en Europe (à Francfort ?). tantes des futurs cartoons de L’avènement de la TV aux Disney (la sorcière). La per­ U.S.A. a évidemment fait de sonnalisation des sept nains, Disney un producteur comblé Blanche Neige et surtout toute qui adapta au petit écran les une technique de réalisation techniques les plus modernes. parfaitement au point font du Partout le nom de Disney film un des plus réussis de est associé aux réalisations Disney. • Prnocchlo » réalisé les plus diverses (gadgets, l’année suivante, en 1939, animaux en peluche, marion­ malgré quelques faiblesses au nettes, décalcomanies, co- niveau de l'histoire, impose mies, etc.). En 1964-65 à la deux animaux Inoubliables : Foire Internationale de New Cleo le poisson et Figaro le York il met au point un pro­ chat. 1940-41 : - Fantasia ». cédé révolutionnaire, l'Audio Une nouvelle fois les car­ Animatronic, qui « donne la toons prennent pour base des vie » è un mannequin repré­ oeuvres musicales : ■ La Toc­ • Dragon -. The Reluctant sentant le président Lincoln cata et fugue en ré mineur » Amigos », • The Three Ca- l'ont vu, il fut rapidement re­ qui se lève, parle et bouge. de Bach, ■ Le Casse-Noiset- balleros » (1944). En 1942 il tiré du circuit et actuellement Ployant sous le poids des te » de Tchaikovsky, « L'Ap­ réalise - Bambi », l’une des c'est le film de Dianey le plus Oscar3 (plus de trente) et prenti Sorcier » de Dukas, plus parfaites réussites plas­ difficile à revoir. Après des visiteurs de Disneyland ■ Le Sacre du Printemps » tiques de l’équipe Disney où « Alice », « Peter Pan » (1952) (plus de 50 millions), célébrité de Stravinsky, « La Sympho­ la beauté du graphisme rap­ choque moins, malgré une at­ malqré lui du débarquement nie Pastorale » de Beethoven, pelle souvent les plus beaux mosphère qui reste trouble (« Mickey Mouse • était le mot de pasae de ['opération dont certains le quittèrent toujours, Or, entre Emile Cohl Cinéma, qui ont créé le Fes­ Overlord) Disney appartient d'ailleurs ' pour veiller aux et Mac Laren, Il y a la grande tival d'Annecy. alors plus à la vie Internatio­ destinées de l’U.P.A. qui pro­ époque du cartoon américain « L'ennui, c’est que, dans ce nale qu'à celle du vieil Holly­ duisit notamment Maggoo, qui, elle aussi, libère toute la domaine, les Américains wood de ses débuts. Peut-on Disney fut toujours « the right dramaturgie,' parce qu'elle per­ n'ont pas encore le sens de alors B'étonner de ce que man in the right place in the l’histoire. certains volent en lui le futur rlght time •. Son éclectisme • Nous sommes allés à Holly­ Prix Nobel de la Paix ? le faisait t engager aussi bien wood et à New York pour de­ La diapBrltion de Disney ne Bela Lugosl, conseiller pour mander des documents : on peut d’ailleurs qu'entraîner le personnage despotique de nous a dit : ■ Prenez, prenez I peu à peu celle de tout l'em­ « Fantasia », que Salvador parce que si vous ne les pre­ pire dont il était le despote Dali et les meilleurs cartoo- nez pa9, on va les jeter I »... éclairé. Rappelons en effet le nists américains. Nous avons, comme ça, récol­ té pas mal de choses : e'il surnom des gigantesques stu­ En 1967 il est certes facile de n'y avait pas eu cette expo­ dios de BurbBnk où Disney frapper Disney d'anathème eu sition, nous sommes persua­ avait logé ses plateaux. • Do­ nom de théories libérales ou nald Dachau », surnom dû dés que beaucoup de choses artistiques bien fallacieuses. le Mickey Superman aux redoutables conditions de de Paul Terry : . Mlghty Mous* se seraient perdues. Ainsi travail que Disney Imposait è Que les dernières années de Tex Avery, lui, a presque tout ses employés (d'où de nom­ sa carrière aient été très In­ met par exemple à un éclair Jeté de ses documents. breuses grèves). A un mo­ férieures aux premières, voilà de devenir une épée, à une • Walt Disney lui aussi sera ment où la politique des qui est évident. Mais à un queue de Félix le chat de représenté. Deux projections auteurs laisse place pour cer­ moment où il est de bon ton devenir un fusil. Tout, absolu­ publiques lui seront réservées. tains è une politique des pro­ de délirer sur les dessins ani­ ment tout, éclate d’invention. Beaucoup de ses « Mickey ■ ducteurs, le cas de Disney més de l'Est et sur d’aussi • Il y a aussi des tas de films sont des chefs-d’œuvre, et, est exemplaire. Chaque projet merveilleux personnages que presque totalement disparus, même en 47, avec • How to des usines Disney était tou­ Sylvester,1 Droopy, Tom et qui traînaient un peu partout play Football » (de la série jours discuté, vérifié et adop­ Jerry ou Woody, il serait In­ dans les archives à travers le Goofy) il a fait quelque chose té par Disney lui-même qui juste de ne pas signaler que monde. Nous avons retrouvé d'extraordinaire. On a eu ten­ contrôlait constamment tout sans Disney le cartoon serait en Tchécoslovaquie le premier dance è dévaloriser un peu la ce qui se faisait à Burbank. très certainement relégué film d'animation américain : production Disney, mais il Entouré de spécialistes de danB les caves des grandes » La Maison Hantée », de John faut la remettre à sa vraie pla­ valeur (ses collaborateurs les firmes productrices. Le deBSln Stewart Blacktown. Ce film ce. Inversement, parmi les plus directs : Hamllton Luske, animé exliste maintenant sans avait d'ailleurs provoqué une Paul Terry, il y a pas mal de Clyde Geroniml, Wllfred Jack­ Disney, malB qu’auralt-ll été sensation quand il fut proleté déchets, surtout ô une certai­ son, Wolfgang Reltherman), san9 lui ? — P. B. en France, et ce sont d'ail­ ne époque, et même parmi les leurs les Français qui ont été « Flip De Frog ». Mais chez le plus marqués par la venue Disney il y a certaines évolu­ de cette nouvelle forme de tions chez les personnages, Le cinéma à l’expo néma d'animation, penBe aux cinéma. Nous allons aussi très intéressantes è étudier. films européens, alors que montrer • Gertie le dinosau­ Ainsi, sous l'influence de Tom de Montréal nouB pensons, nous, aux re », * Buster Brown -, et and Jerry, Donald va devenir films américains, qui repré­ autres personnages célèbres. un personnage de plus en Guy Côté, Directeur de la Ci­ sentent la part fondamentale. La période de 1905 à 1915 est plus agressif et méchant. némathèque canadienne, co­ Donc, dans cette rétrospec­ vraiment la période des primi­ D'ailleurs, nous avons inter­ directeur de l'Office National tive, plus de ta moitié des tifs. Ils ont un charme immen­ rompu notre histoire de l'ani­ du Film Canadien, et l'un des programmes seront consacrés se. et parfois beaucoup plus mation américaine en 1940, principaux responsables de la au cartoon américain. Noua que simplement du charme. Et car c'est lè l'année du tour­ partie audio-visuelle à la pro­ sommes eur place, près de cela noua permet aussi de nant. C'est d’abord — pres­ chaine Exposition Universelle New York, et c'est lé que constater avec quelle vitesse que symbolique du tournant de Montréal, a bien voulu, Max Flelscher, Paul Terry, etc. les Américains se sont appro­ — la grève des animateurs de lore d'un récent passage à ont fait : leurs films. Les priés la technique de l'anima­ Disney, cette même année, Paris, nous parler de ce qui grands studios de Terrytoons tion. En 1915, tes Suédois, puis, après 40, l'exode qui fe­ sera l’événement cinématogra­ sont toujours è New York (à avec Berg Dahl, faisaient des ra sortir de chez Disney des phique de 1967. New Rochelle), et les gens filme tout ce qu’il y a de plus tas d'animateurs. Puis vient la • Si le cinéma n’existait pas, qui ont créé cela, les pion­ primitifs, par rapport à ce que U.P.A., formée par les Bob l’ExposItlon de Montréal ‘ en niers, vivent toujours. faisaient les Américains chez Cannon, Bosustow, et Hubley. serait beaucoup plus pau­ • Il y a aussi un autre aspect qui, à la môme date, tout L'animation, même avec Tex vre. D’abord, Il y aura le fes­ du cartoon qu’il faut révéler : avait ôté Inventé, déjè, toutes Avery, est devenue autre cho­ tival International de Montréal le cartoon de l'époque du les techniques — avec la se. Les Bugs Bunny eux aussi qui, cette année, sera gigan­ muet. On r connaît Tex Avery. grande libération des « Matt ont été créés dans les années tesque. Mais è l’intérieur de et on sait que c’est formida­ and Jeff ». 40, avec (1947) les Tex Ave- ce festival, Il y a un secteur ble, mais le cartoon américain • Il y aura aussi une exposi­ ry... Il y a vraiment, è partir particulier Bur lequel nous tra­ muet a la môme qualité, et, tion de documents originaux. de 40, un renouveau dans vaillons beaucoup, c'est la parfois, est plus étonnant en­ Cette exposition se fait avec l’animation américaine. Il faut rétrospective du cinéma d'ani­ core. Il était fait avec des le concours de l’Association remarquer une chose impor­ mation mondial. Nous avons moyens plus primitifs, mais, Française des journées du tante l’animation avant 40 pensé que le temp9 était venu du point de vue de la beauté Tom et Jerry de Tex Avery. de faire un peu le bilan du du mouvement, de l'invention, dessin animé, et de ne pas de la caractérisation des per­ le faire da manière artificielle­ sonnages, les « Farmere Alfal- ment culturelle, avec unique­ fa ■ (de Paul Terry) sont quel­ ment des trucs plus ou moins que chose d'extraordinaire. M abstraits, basés sur des gra­ y a aussi, — évidemment — phismes Issus de l’art moder­ les ■ Féllxjle chat •. Il faut re­ ne, ou eur des scénarios à voir « Félix le chat » pour la Beckett (cela aussi fait s'apercevoir de ce qu'il y partie du contexte actuel, bien avait lè d'invention. Il faut re­ sur, mais n’en constitue pas voir les « Matt and Jeff *. la seule expression). D'une certaine façon, ils sont - Cette tendance est d'ailleurs tous les héritiers spirituels celle que privilégie le Muséum d'Emile Cohl. D'ailleurs, quand of Modem Art à New York. Mac Laren a pensé au cinéma Car le public « cultivé • amé­ d'animation, il s'est référé è ricain, quand il pense au ci- Emile Cohl, et il s’y réfère est essentiellement germani­ sonnes Michel Patenaude. nom des metteurs en scène. ches. A Hollywood, vous pou­ que dans son graphisme et moi-mème, Robert Daudelin et La première œuvre importante vez dire ou écrire quelque ses personnages. Si vous André Martin. à laquelle j'ai collaboré a été chose de personnel, quelque connaissez un peu l'histoire « La quatrième chose est la ■ Oui of the Past », le célè­ chose qui vous tient à cœur de la caricature, surtout de la venue à Montréal, lors de la bre film de Jacques Tourneur. au moins une fois tous les caricature sociale, il y a rencontre internationale, des J'avais écrit un roman poli­ trois ou quatre ans, si vous deux grands mouvements. Il y grands de l’animation. Par cier, « Bulld my gallows en avez vraiment l'intention A a la caricature de l’école an­ exemple, nous savons déjà high », dont les droits furent la télévision, vous êtes un gé­ glaise et celle de l’école alle­ que Chuck Jones sera là, ain­ achetés par la R.K.O. qui me nie si vous parvenez à réussir mande. Or, ce sont des car- si que John Hubley, Paul Ter­ demanda d'en faire l'adapta­ la même opération une fois toonistes de l'école allemande ry, etc. Tex Avery. lui, sera tion et les dialogues. Quand dans votre vie. Les saucisses comme Opper, (le grand nom notre invité d’honneur, en tout fut fini. Ils choisirent le à Hollywood sont souvent à citer) qui, à New York, ont compagnie de U.B. Iworks, réalisateur et lui donnèrent le bonnes , à la télévision elles créé tous ces personnages Walter Lantz, etc. Nous espé­ script, qu'il respecta soigneu­ ne contiennent que du gras et ronds que l'on retrouve dans rons donc une concentration sement. Je ne pu9 jamais tra­ de la peau. Paul Terry (et qui sur le plan fabuleuse, en nos lieux, des vailler avec lui, ce que je Malgré toute l’aversion que de la bande dessinée, donnè­ talents de l’animation, euro­ n’aime guère. Il est bon en l’on peut avoir pour les pro­ effet que les réalisateurs col­ ducteurs, il faut leur reconnaî­ laborent avec les scénaristes, tre le droit de n’être pas sa­ donnent leur point de vue sur tisfaits du travail d'un écrivain telle ou telle séquence, sur et de vouloir l'améliorer . telle ou telle phrase du dia­ Vous savez, j’ai écrit de très logue. tel ou tel effet drama­ mauvais scénarios ! Mais par­ tique. Cela ne peut être que fois, entre deux productions profitable au scénario. Cela dit, Tourneur réussit une mise importantes, on éprouve le be­ en scène efficace et brillante ; soin de se détendre un peu et Je ne crois pas qu'il ait fait l'on signe des scénarios qui d'aussi bon film par la suite. comportent force péripéties, Cahiers Arnve-t-il souvent que bagarres, chevauchées, ce qui le réalisateur soit choisi une est souvent amusant. Des fois le découpage terminé ? films comme « Bugles in the Afternoon ■ (« Les Clairons • Les locataires d'en face • d'Emlia Cohl ont-ils Mainwaring Oui, assez sou­ influencé MacLarsn quand II fit • Nelghbors ■ 7 sonnent la charge ») ne sont vent dans les grandes compa­ pas des œuvres alimentaires, rent les « Katz and Jammer péens et américains. Et dans gnies ; surtout pour des rai­ Kids »). Ce 9ont des person­ la mesure ou les Américains, au contraire : on s'amuse bien sons financières Quand un en les faisant... Le western, nages qui sont courts et puis au fond, viennent un peu pour réalisateur collabore avec un c'est formidable I Personnelle­ ronds. Félix le chat, c’est voir les films culturels euro­ scénariste, il faut le payer ment. c'est le genre que je court et rond. Alors qu’un péens. et les Européens pour quelques semaines de plus, trouve le plus passionnant chat, c'est long. Et ça c'est voir les cartoons américains, sauf s'il est sous contrat avec Beaucoup plus que le «thril­ très allemand. Si d'autre part comme ça, tout le monde sera la firme. Et puis les produc­ ler ». En effet, le western ne on compare les caricatures content. (Propos recueillis au teurs détestent les scénaris­ possède pas le côté trouble des journaux illustrés de 1890- magnétophone par J.L. C. et tes, beaucoup plus que les du et il permet des 1900-1910 à New York, on re­ M. D.) metteurs en scène, je ne sais variations morales plus sub­ trouve les ancêtres des films »*»**•***•* pourquoi. Aussi je me suis de Paul Terry, éventuellement parfois attaqué à des sujets tiles. de Walter Lantz. éventuelle­ Meet sans savoir qui les réaliserait. Dans le thriller, il y a toujours ment de Walt Disney. Betty D'autres fois, on m'a deman­ une ambiguité dangereuse : Boop (bien que ça commence Mr. Mainwaring dé d'améliorer un découpage, si vous voulez éviter de tom­ à devenir un peu plus sophis­ C'est masqué par un autre des dialogues (quelquefois ber dans le conformisme, tiqué), c’est encore dan9 la que le nom de Daniel Main­ sans être mentionné au géné­ vous risquez de faire une apo­ tradition — non pas de Gains- waring s’est le plus souvent rique), Bans que le producteur logie du mal. Tandis qu'un borough, Daumier et des illus­ manifesté. Celui-là ? Geoffrey sache encore qui il engagerait western peut donner lieu à trateurs franco-anglais, mais Homes. C'est sous ce nom, pour porter ce scénario à d’autres variations. On peut, dans la vieille tradition du en effet, qu'il a publié de l'écran. Tout cela a un petit par exemple, se livrer à une style germanique. Or, à partir nomhreux romans (dont deux air d'usine à saucisses, mais étude historique, sociale ou de 1940, surtout avec la UPA, en France « Marjorle n’est il ne faut pas exagérer. Les politique. Ainsi il. y a quelques on a quelque chose d’extrê­ pas rentrée », coll. Le Mas­ réalisateurs américains ont années, j’avais écrit un scé­ mement différent, qu'on pour­ que et « Pendez-moi haut et plus de liberté qu'on ne l'ima­ nario pour Lewis Milestone rait appeler si l'on veut l’Eco- court ■, Série noir) et signé gine en Europe ; ils ont le dont l'action se déroulait pen­ le de Paris : c’est le qraphis- le scénario d’un certain nom­ droit de remanier les scènes dant la guerre.de Sécession: me angulaire, la libération de bre de films dont les deux qui ne leur plaisent pas. Par un homme s'emparait peu à l’anthropomorphisme, avec des plus beaux sont ressortis à exemple Phi) Karlson a enga­ oeu du ponvoir dans une pe­ personnages qui ne semblent Paris, l'un l’an dernier : • The gé un écrivain pour lui faire tite ville de l'Ouest et son pas bouger, mais dont le mou­ Lawless • et l'autre tout ré­ changer des petits détails ascension n’était pas sans vement est fait de sortes de cemment : • Out of the Past ■ dans un de mes scénarios, rapport avec celle d’Hitler et vibrations — des frétillements (et sous le titre du roman que j'aime bien d'ailleurs du fascisme en Allemagne. de petites pattes Enfin, il y a dont il est tiré : « Peridez-moi * Phœnix City Story ». Pour Mais Kirk Douglas qui devait toute cette stylist^ue de haut et court »). Nous profi­ ma part, j'ai pu collaborer interpréter le principal rôle se Stelnberq qui vient d'une tra­ tons de cette occasion pour étroitement avec certains réa­ brouilla avec Milestone, et le dition qui est à l’oDposé de livrer la conversation suivante. lisateurs. Avec Joseph. Losey film ne se fit pas. J'espère la tradition germanique. Cahiers Votre premier scéna­ pour « The Lawless », avec qu’un Jour on pourra le réa­ « La troisième chose impor­ rio fut celui de « Dangerous Donald Sieqel pour - Baby liser. De même, pour * The tante est le livre que nous al­ Passage »... Face Nelson », « The Big Tall Target »,'■ qui n'est, je lons publier. Le livre vient è Daniel Mainwaring Non, ce Steal • (• Ça commence à crois, jamais sorti en France. titre de développement, si l'on fut celui de ■ Secret of the Véra Cruz »), « Invasion of C'était une histoire formida­ peut dire, d'un arbre généalo­ Underground •. Un film qui ne the Body Snatchers ». Tout ble • la première tentative gique du cinéma d’animation, valait guère mieux. D'ailleurs dépend du producteur. Avec d'assassinat de Lincoln, qui que nous sommes en tram tous les premiers films dont Walter Wanger, vous pouvez échoua à la suite de circons­ d'établir et qui va des origi­ j’ai écrit le gcénario étaient dire ce que vous voulez . il tances étonnantes. Le film de­ nes à 1940. Ce livre ra­ des productions de Pine and vous laisse libre de collabo­ vait être tourné par Losey. conte l'histoire du cinéma Thomas pour la Paramount. à rer avec le metteur en scène qui travailla de très près au d’animation américain pendant très petit budget. Leur intérêt si vous le désirez Mais avec découpage avec George la même période. Il est fait était à peu près nul et je ne Jack Warner ou Sam Spiegel, Wothinq Yates et moi-mème, par une équipe de quatre per­ me souviens même plus du c'est une autre paire de man­ mais il dut abandonner ce

10 au metteur en scène de Juger très important dans l’histoire s’ils ont raison ou tort, s'il de la mise en scène. Je crois faut suivre leurs directives ou qu'au niveau de la réalisation, s’il faut en prendre le contre- c'est un film d'une honnêteté pied. Il existe bien sûr des exemplaire, d’une intégrité metteurs en scène auxquels étonnante. on dicte ce qu'ils doivent Cahiers Tout comme Losey, faire, auxquels on mâche le vous avez figuré, vous aussi, travail... En revanche, j'attache sur la Liste Noire... une grande Importance au Mainwaring Oui, pendant un moindre geste qu'esquisse un an à peu près. Je n'ai pour­ personnage. J'essaie de le tant jamais appartenu au Parti décrire le plus minutieusement et l’on ne m'attaqua pas sur possible. La description du mes scénarios ni sur mes ro­ décor est également capitale. mans. Non, le F.B.I. s’est Chaque objet doit être situé simplement aperçu un jour par rapport aux acteurs et que mes meilleurs amis exister déjô sur le papier. J'ai­ étalent Joseph Losey, Paul Robert Mltchum ei Jane Greer dans * Ont of the Psst • do Jacques Tourneur me beaucoup suivre le tour­ Jarrico (dont J'avais été autre­ projet pour des raisons de Mieux vaut ne pas parler de nage d’un film, discuter de fois le professeur) et l’écri­ contrat et c’est Anthony Mann ce bonhomme-là. Mais J’aime certains problèmes avec le vain Waldo Sait qui étaient qui prit sa suite, en suivant bien « Powder River » de metteur en scène, souvent tous suspects aux yeux de la très fidèlement le script de Louis King, un technicien très pour améliorer mon scénario. Commission des Activités Losey. J'aurais préféré que ce consciencieux. C'est un rema­ Par ailleurs, tout ce qui tou­ Anti-américaines. Un matin, soit ce dernier qui mette en ke de ■ My Darling Clémen­ che à la photographie me pendant que je travaillais au scène le film, car personnelle­ tine » de John Ford qui était passionne. Studio, des policiers sont ve­ ment je trouve qu’Anthony lui un remake de ■ Frontier Les acteurs apportent souvent nus m'interroger. Le lende­ Mann est un réalisateur trop Marshall » joué, celui-ci, par beaucoup au scénariste. Par main, je me suis retrouvé carré, trop rude, trop primaire. Randolph Scott. Nous n'avons exemple, travailler avec Mac- sans travail. Cette situation se C’est un homme charmant et presque rien gardé de l'origi­ donald Carey et Gail Russe! prolongea pendant un an, com­ très intelligent, mais je ne le nal. même; pas le célèbre gun- pour « The Lawless », m'a été me je vous l'aT dit, et en ce placerais pas parmi les grands fight de O.K. Corral. très profitable. qui concerne la télévision il d'Hollywood. Certaines acènes Il existe cie nombreux livres Cahiers Comment avez-vous s'écoula près de deux ans du film sont traitées sans sub­ que'j'aimerais adapter, comme été amené à collaborer avec avant que Je retrouve du tra­ tilité. * The Last Frontier » d'Howard Joseph Losey ? vail... Cahiers Croyez-vous comme Fast, un très beau roman qui Mainwaring Je connaissais Cahiers Pendant ce temps, Philip Yordan que le western n'a rien à voir avec le film bien Joe. C'est un homme avez-vous signé un scénario doive se rapprocher de la tra- d'Anthony Mann et. bien sûr, formidabje, d'une très grande sous un pseudonyme 7 qédie grecque ? le très célèbre - My Antonia ■, intégrité morale. Un jour, i'ai Mainwaring Oui. mais pas Mainwaring Je pense que le le meilleur livre sur l’Ouest lu dans un journal un fait sous un pseudonyme : je ne western doit ressembler à tout jamais écrit. divers qui tournait autour d’un l'ai pas signé du tout. sauf à une tragédie grecque. Cahiers Vous intéressez-vous problème racial très impor­ Il s'agissait d’ « Hitch Hicker • Non que le contenu doive être au côté historique du wes­ tant : les rapports entre les (• Voyage au pays de la sacrifié aux péripéties, au tern ? ouvriers mexicains et leurs peur ») que réalisa Ida Lupi- contraire, mais vouloir recher­ Mainwaring Oui, cela me pas­ patrons. J'ai décidé d'écrire un no. C'était d'ailleurs un assez cher le contenu à tout prix sionne : He scénario que scénario que |'al proposé a bon film. est une erreur. Il faut d'abord i’avais écrit pour Milestone Pine and Thomas qui l'ont Cahiers Est-ce le seul écrit construire une histoire solide, était à la fois actuel et repla­ accepté. J’ai demandé que ce dans ces conditions ? le reste vient ensuite. Cela dit, cé dans un contexte histori­ soit Losey qui le réalise. Ils Mainwaring Oui. le seul. D'ail­ je crois que l'on a trop ten­ que. De 1 même ■ The Tall ont accepté. Tout commençait leurs, il y avait déjà un scé­ dance à considérer ce genre Target ■ où l'on parlait aussi donc très bien. Cela n'a pas nario quand Ida Lupino m'a comme un genre mineur et à bien de Lincoln que de la si­ Huré longtemps. appelé. Je me suis contenté penser que les personnes qui tuation politique contemporai­ Nous avons travaillé ensem­ de l’arranger, d'en changer s'y consacrent le font unique­ ne. Nous avions tenté de ble sur le script. Losey et moi. certains passages au niveau ment pour gagner leur vie. Il montrer que c'était une idée mais Pme and Thomas nous de la scène, du dialogue et y a place pour des œuvres que l'on essayait de suppri­ l'ont fait recommencer trois non de la construction drama­ de * divertissement • . Il n'y a mer plutôt qu'un homme. fois, car chaque fois ils trou­ tique. J'ai collaboré de nou­ pas que la tragédie grecque De même, sur le plan social, vaient que c'était trop violent veau avec elle, un peu plus qui soit digne de considéra­ on peut dire beaucoup de du point de vue social. Pen­ tard, sur des émissions de tion I Dans cinquante pour choses par le biais du wes­ dant le tournaqe nous avons télévision. C'est une femme cent des cas le western con­ tern, sur, le racisme par eu beaucoup d’ennule de cette formidable, très intelligente, tient une morale. C'est d'ail­ exemple. Dans « Walk like a sorte, et certaines scènes ont très douée et surtout très leurs le seul genre où la dragon » que réalisa un jeune été coupées. Néanmoins, je sensible. (Propos recueillis au situation la plus simple, la metteur en scène, Jamea Cla- trouve le film extraordinaire et magnétophone par B.T.) plus primaire, renvoie presque vell, nous'avons Introduit des « The Lawless * de Joseph Losey. automatiquement à une éthi­ Japonais au Far West ; le film que. Prenons par exemple est assez maladroit, mais je ■ The Desperado ■ qui fut crois que James Clavell pour­ tourné en huit iours et sans ra réussir d'excellentes cho­ moyens 'par Thomas Carr : ses d'ici quelque temps. malqré tous ses défauts, on Cahiers Quand vous écrivez sentait que le film voulait met­ un scénario, pensez-vous à la tre l'accent sur la solitude manière dont II sera mis en morale du tueur. Les meilleurs scène ? scénarios se révèlent d'une Mainwaring Vous voulez dire très grande complexité sur ce au point de vue technique ? plan-là, rappeliez-vous ■ The Non, paa ‘du tout ; je n'écris Gunfighter » (■ La Cible hu­ jamais qu'ici il faut faire un maine *). Mais les westerns travelling ou un panoramique, auxquels j'ai collaboré ne que le plan doit être fixe ou brillaient certes pas tous par qu’il serait nécessaire que le la subtilité. Il y en a qui 9ont réalisateur fasse une jolie comolètement dépourvus d'in­ contre-plongée pour exprimer térêt comme « Black Horse ce qui doit l'étre. Certains Canyon » de Jesae Hibbs. scénaristes le font et c'est Il La relecture tie, Il y a l’influence améri­ parle pas, qui apparaît deux Wilson, et toua les autres. caine. Camua l'a d'ailleurs fois seulement et qui lors de Cahiers Qu'est-ce qui vous a viscontienne de admis ; et dana la deuxième sa seconde apparition est tué intéressé en Karina? « L'Etranger » c’est différent, le style s'élar­ par cinq coups de revolver, Viscontl Je trouve que c'est git et tout devient beaucoup mais qui effectue un geste, une fille formidable dans la Cahiers Que pouvez-vous plus Introspectlf donc plue celui de sortir un certain cou­ vie où elle possède la même noua dire à la fin de votre large avec des temps plus teau et de le montrer, ce sincérité, la même honnêteté, tournage ? longs. Je croie avoir conservé couteau, au protagoniste, au la même spontanéité que Luchino Visconti J'aurais pu cette différence mais on ne P!ed Noir, pour moi c'est déjà celles dont elle fait preuve vous dire beaucoup plus de le saura vraiment qu'après, je le symbole d'une sorte de ré­ dans son travail. Je crois que choses au début du tournage ne me préoccupe jamais du bellion, d'une prise de cons­ mon choix de Karina a été qu’à la fin, parce qu'à la fin, style è donner è un film avant, cience, aue l'Histoire allait trè3 bon. Dans ce personnage tout ce que i'avai9 dans ma mais seulement pendant que réaliser. Cela, il fallait en te­ de Maria elle est émouvante, tête est réalisé, c'est donc Je le fais et Je m’inquiète nir compte. elle est juste, n'en fait jamais moins intéressant maintenant. de voir si è la fin j'ai réussi Cahiers Est-ce que « L'Etran­ trop mais trouve la juste me­ Il faut plutôt attendre que le et si j’ai réalisé ce que j'avais ger » ressemblera à • Vaghe sure et c'est très difficile de stelle dell'Orsa ■ ? trouver ça chez les acteur9 Viscontl Pas du tout. Non, qui en font toujours un peu pas du tout parce que chaque trop ou un peu trop peu et histoire a un style qui lui est qu'il faut donc équilibrer. propre. Il n'y a pas un style Avec Karina le travail est sim­ qui s'adapterait aux histoires, plifié parce qu'elle était exac­ ce sont les histoires qui sus­ tement comme elle devait citent un style. Je crois que être. celui de * L'Etranger * sera Cahiers N’en allait-il pas de complètement différent de ce­ même avec Claudia Cardinale lui de ■ Vaghe stelle... *. pour - Vaghe 9telle... » 7 Cahiers Mais en ce qui con­ Visconti C'était trè9 différent. cerne le zoom par exemple, Claudia n'est pas une grande n'est-il pas pour vous un actrice. Claudia e9t un animal, moyen plus simple de tourner un phénomène, une présence quelle que soit l'histoire? physique et tout ça, Karina Visconti Non, ce n'est pas ça. est une comédienne. (Propos Le zoom a des effets psycho­ recueillis au maqnétophone Luchino visconn et Marcello Mastroienni lournHge de * L Ltranfler * (Ph. J. P. Hubert) logiques. C’est le moyen de par F. B. et M. S.) montage et le film soient fi­ en tête. s'approcher d'un certain per­ nis pour porter un jugement Cahiers S’aglssait-il pour vous sonnage ou de s’en éloigner sur le travail que j'ai fait, d’une transcription pure et ou de cueillir une expression pour savoir si j'ai été fidèle simple du roman ou comptiez- tout à coup. Ce n’est pas une La Curée de Tours ou non à l’esprit du roman, chose que l'on prépare à vous y apporter quelque (Nous renonçons à nous at­ qui compte bien plus que la chose de personnel 7 l'avance, moi en tout cas. je tarder ici à l'inventaire de la lettre. Quoi qu’il en soit, il Visconti Vous savez, on ne ne sais jamais quand j'utilise­ confusion. 11 e9t usé pour faut que je revoie ce que j’ai fait jamais une transcription rai le zoom. C'est lorsque j’ai ceux que nou9 formons et 11 fait car je n’ai même pas eu pure et simple d'un roman. choisi le cadrage que ge sais n'intéresserait pas les autres. le^ temps ici è Alger de voir Votre propre point de vue in­ que j'ai besoin de m'appro­ Nous nous contenterons de les rushes du jour. C'est de tervient toujours. Ce roman-là cher ou de m'élolgner d'un proposer à leur médiation personnage ou d'une action toutes façons une chose que nous a beaucoup influencés, commune, l'effet de dépayse­ ou d'un détail ou même d'une je fais assez souvent, je n'ai­ nous, les gens de ma géné­ ment que produit, au regard me pas voir les rushes cha­ ration. Pas ceux de la vôtre expression qui ne sont pas au d'une spéculation qui s'est que soir : ça me dérange un qui est trop jeune. Ce roman déoart d'une importance capi­ peu. Maintenant que c'eBt fini, de Camus a été pour nous tale mais apparaissent com­ bien fini, je peux me le per­ absolument essentiel, or, évi­ me tels en cours de tournaqe. mettre. Notez qu’il manque demment, moi, je le vois main­ C'est comme lorsque l’on encore une séquence essen­ tenant avec une distance écrit n'est-ce pas 7 L'écriture tielle. celle du crime et je d’une trentaine d'années, donc ne se prévoit pas. On écrit, pourrai seulement la tourner ce ne sont plus les impres­ c'est tout. en juin ou juillet, parce que le sions que j'ai eues quand j'ai Cahiers Est-ce que vous cher­ temps ne nous a pas permis lu le roman pour la première chez une reconstitution de la de la tourner maintenant. Or, fois mais ce sont des impres­ couleur ou bien... elle constitue le centre du sions mûries en moi et rai- Viscontl Je cherche une vérité film. Elle donnera l'équilibre à sonnées. L'angle est donc de la couleur mais une vérité tout le reste. déjà un peu différent. De qui ait aussi une fonction dra­ Cahiers Tout le monde s'est plus, il y a le côté historique, matique, naturellement. Je n'ar­ demandé, dès que l'on a su politique, qu'il n'y avait peut- riverais jamais par exemple à que vous alliez tourner être pas à l'époque mais que une élaboration de la couleur « l’Etranger », quelle solution maintenant moi je ne peux dans le sens d'Antonioni. Je vous trouveriez au problème pas négliger. La situation en ne penserais jamais à peindre • Fat Feoi ■ do Rad Groomj (U.S.A.). posé par l'écriture du roman... Alqérie a évolué de la ma­ ce mur en gris ou en blanc vouée è tourner en rond entre Visconti Naturellement. Mais nière que l'on sait. et. dans le s'il est jaune, mais j’utiliserai développement et entourage, vous savez, là encore, il est roman on sent déià une es­ ce mur jaune si à ce moment- la seule mention des traits très d'fficile de réoondre pèce d’intuition de ce qui là |'ai besoin d‘un jaune, vous qui sont pourtant l'armature maintenant, Il faut que je voie adviendra. Ainsi, le procès in­ comprenez, c’est très d.ffè de l’édifice...) ce que j'ai fait. Je crois avoir tenté à un Pied Noir qui tue rent. Glaucon socratise Adimante été fidèle à l'écriture du ro­ un Arabe n'était pas une Cahiers Et votre travail avec (Republic, chapter two). D'où man justement, à cette écri­ chose normale à ce moment- Ips acteur* ? vient la cité, qui est-elle, où ture si — comment dire ? — là en Algérie. Je ne peux pas Visconti C'est un travail que va-t-elle? Est-elle plus grande brève et... ne pas tenir compte de cho­ mnintenant ie pratique depuis que l'individu ? Certes. Glau­ Cahier» Neutre ? ses de cet ordre aulourd’hui tellement d'années I Marcello, con développe, Adimante ac­ Viscontl Neutre et • courte ■ que les choses 3ont ce je le connais depuis vingt ans quiesce. Il ponctue, tempo­ dans un sens, c'est-à-dire pa3 qu'elles sont en Algérie. De à peu prè9, il n commencé rise, admet. (Est-ce à lui que neutre du tout mais en plus, il y a là, dans cet Arahe avec mol au théâtre, ie m'en­ songera Spinoza au théorème ayant l'air. Les styles de la qui est tué — comment pour- tends très bien avec lui. Je XXVIII du Livre V : - L’effort première partie et de la se­ rais-ie dire ? — vraiment le me S 'iis d'a'lleurs très bien — ou le désir — de connaî­ conde *ont tout è fait diffé­ symbole de l'Algérie, parce entendu avec tous les acteurs tre les choses par le troisiè­ rents. Dans la première par­ que ce personnage qui ne français, Anna Karina, Blier, me genre de connaissance.

2 ne peut pas naître du pre­ « Appel vers le silence - (Du- aant de la caméra. C’est une mier. mais bien du second san Hanak, Tchécoslovaquie) amusante duperie, de type genre de connaissance ». — renferme les plus merveilleu­ jacopettien, qui fit crier à Je ne ealB.) Franchies les an­ ses et troublantes peintures l'escroquerie ; quoi qu'il en nées - lumière de l'espace- d’aliénés qui se puissent voir, soit, ce superflu où se traduit temp8, Adl. et Glau. chassent resserrant la distance essen­ l’en-deçà de la suffisance ne dans les sables mouvants du tielle récemment slgnslée par peut aller au fait de son dé­ Mont-Saint-Michel d'hypothé­ Deleuze (qu’on me permette faut. si la Suffisance elle- tiques canards, tout en culti­ une citation) : « ce qui fait même ne vient à lui répon­ vant la fleur de rhétorique. Le qu'une maladie n’est pas la’ dre par le superflu de son texte (Platon) part d’un côté, môme chose qu'une œuvre excès. l’image de l’autre. Se rejoin- d’art, c’est le genre de travail * Sebrlng, la cinquième heu­ dront-ll3 ? La conception su­ qui est fait sur le phantasme. re ». de Claude Fourmer (Ca- bordonnée que noua devons Dans les deux cas la source nous faire de la fonction de — le phantasme — est la la réalité dans le processus, môme, mais è partir de là le dans sa cause comme dans • Antonio Llgsbua, peintre ■ travail est très différent, sans ses effets, est Ici l’important. de Raffaollei Andreessl (t.). commune mesure : le travail (« Dialectique », de Claude pendant 364 Jours on remer­ artistique et le travail patho­ Guillemot, France.) cie Dieu. , Juan montre (et fait logique... le phantasme est Le monde est un arbre, les entendre) ces 24 heures en devenu l’objet môme et le illusions ses fleurs et la Jeu­ 21 minutes, ce qui est bien. dernier mot de l’œuvre, com­ nesse, le soleil qui leB fait Qu'on me permette trois ré- me si toute l’œuvre réfléchis­ briller. Adrlaan Dltvoorst, flexIonB, l’une technique : Il sait sa propre origine. » Et dans • Partir pour Madra > y a dissymétrie danB les si­ ce miroir ouvre sur un ail­ (Pays-Bas), ne dit pas autre lences entre leurs entrées leurs, chevelure ou vertige, où chose, même si différemment respectives ; la première s'abolissent nos partages. et par le biais d'un militaire transformation arrive trois « Charpentier du ciel ■, de Celsnda • de Juan Bunuel (F.). doué pour le footing. croches après l'antécédent, la Don Owen (Canada) : un In­ nada), plaît beaucoup à Mar- Avec « Acte sans paroles 2 ■, deuxième , transformation une dien chevauche des poutrel­ corelles qui n’en a vu que les Carlo dl Carlo tente d'illus­ croche aprèa la première les d'acier, à deux cents mè­ cinq dernières minutes, mal­ trer l'inillustrable. Se reporter transformation : la première tres de hauteur, avec des heureusement. Le direct . y au texte, ou bien faites Beu- transformation, une croche grâces de danseur de corde. brille de 6on plus bel éclat, pointée après la deuxième Danger de franchir, danger comme les chromes des voi­ transformation. La seconde, de rester en route, danger de tures de course, ça fait du un peu lourdement psychana­ regarder en arrière, frisson et bruit, ça bouge, ça vit et ça lytique, Je l’avoue : 8*il est arrêt dangereux. Cet homme ne veut rien dire. Mais c'est certain •— ou à peu près — est une corde au-dessus d'un très bien comme ça, ça sup­ pour tout un chacun que c’est abîme, que Don Owen regar­ prime les connotations. par l'intervention d'un pénis de avec l'œil de Plndare. Reste l'animation, du joli qu’il fut conçu dans le sein de sa mère (c'est là l'aspect naturel de la fonction du phallus) Il n'en reste pas moins que la question surgit en ce point précis : pénis de qui ? Si pourtant, horB du dé­ lire, cette question n'apparalt guère, c'est Justement parce que le sujet solidement et • Appel dons la silonce * aveuglément Installé dans l’or­ de Dusan Hanak (Tchéc ). dre symbolique de la socié­ lement ah à peine, dans ce té, se fie à ce qui est écrit silence, et dans l'instant mô­ dans les livres ; c'est fort me pour l'œil de proie l'infime heureusement bien ainsi... de­ tressaillement aussitôt répri­ puis qu'il 'y a des pères de mé. Laissez-les là, en sueur famille. La troisième, méta­ et glacés, il y a mieux ail­ physique la répétition est leurs. unique à Ôtre nécessaire, et Dialectique de Claude Guillemot (F.). Les trois films précités, on celle qui vient à notre charge, « Antonio Llgabue, peintre » « A l'affût dans le petit bois » l’aura compris, s'apparentent n’en viendrions-nous pas è (Raffaelle Andreaasi, Italie) dé­ (Brdecka), « L'Arche de Noé » à la catégorie, vaste, Impré­ bout, qu'il! resterait de notre voile le comportement étran­ (Lagujonle), et de l’affreux : cise, mouvante, touffue, drue, index le commandement de ge d'un peintre naïf qui se « Au fou ■ (Yoji Kuri), • Rosa­ sournoise, envahissante, à la­ sa boucle I livre en pleine campagne à lie » (Borowczyck, très peu quelle le cinéma, dès ses dé­ Avec • Marée basse '*, de des actes plus ou moins lou­ animé du reste) et • Fat feet • buts, n'a échappé que dans Tom Scott Robson (Angleter­ foques ou scabreux, puis ten­ (Red Grooms). Le Joli est très une faible mesure, et pour re). c'est de témoignage qu’il te de séduire une servante joli, l'affreux très affreux. Le bien peu d& temps : celle des s'egit, sur'la vie pénible des d'auberge sous l'œil complal- meilleur : - Fat feet ►, qui récits (voire de la narrati­ mineurs de la mer, et sur leur . A l'affût dans le petit boie • rappelle beaucoup un chef- vité). Les six suivants, eux, aliénation. Ceux-ci ne vivent de Jirl Brdecka (Tchèc.). d’œuvre méconnu, « De l'au­ dépendent de la catégorie qu’en trouvant du travail, et be à minuit ». de Karl-Heinz tout aussi imprécise et mou­ n’en trouvent que si leur tra­ Martin (1920) : décors peints, vante à laquelle le cinéma, vail accroît le capital. Ces personnages réels affublés de dès ses débuts, n’a échappé ouvriers contraints de se ven­ monstrueuses protubérances, que dans une faible mesure : dre eu Jour le jour sont donc démentiels costumes et fabu­ celle des documents (ou tal- une marchandise, un article leux grimage, enclos dans un res. le propre du cinéma de commerce comme un au­ vacarme très subtilement ca­ étant de dire le tu — de tuer tre — et se trouvent ainsi cophonique où la métaphore le dire ?) exposés à toutes les vicissitu­ urbaine trouve un éternel et Dans - Calanda -, de Juan des de la concurrence, è fantastique aboutissement. Bunuel (France), tout est dans toutes les fluctuations du mar­ « J'imagine que Personne n'a le titre, le développement ché. Dans leur détresse, Ils remarqué, disait Forneret (et n’apportant que peu d'imprévu nous rappellent pourtant que tout le monde a eu raison), | à l’exposé du thème. Pendent la bourgeoisie produit avant que « brise » désignait le 24 heures on bat du tambour, tout ses propres fossoyeurs. vent le plua doux. » - J.-A. F.

I 13 DOUGLAS SIRK, BARBARA STANWYCK. FRED MAC~MURRAY : TOUflNAGÈ DE « THERE'S ALWAYS TOMORROW . (1056).

DORÛTHY MALONE ET ROBEflT STACK DANS * - (< LA RONDE DE L'AUBE »)• La guerre réunit deux amants, qui bâ­ J au ressassement.., On sait bien d’autre vivant, sans défauts ni vices) : « Cap- tissent leur bonheur au milieu des rui­ ; part que, pour ce qui est des cinéastes tain Lightfoot • (« Capitaine Mystère »). nes ; la guerre les sépare (« Le Temps américains, ce n’est que très rarement Exception notable, d’autant que, par d'aimer et le temps de mourir ») ; un que leur intervention créatrice se situe bien d’autres côtés, ce film d’aventures arbre mort porte des fleurs ; on imite au niveau de la conception des scéna­ (l'un des plus beaux de Sirk) échappe le bonheur de vivre du temps passé rios et des personnages. à la grille des constantes sirkiennes : dans un restaurant miraculeusement I Pourtant, ces scénarios anonymes, ces non seulement le héros (mais c'est tou­ épargné par les bombe9 : les bombes | personnages sans auteur deviennent jours Rock Hudson) en est tout à fait finissent par l'atteindre ; on recom­ ' film et formes, sont pris tôt ou tard et ingambe (agilité soulignée par le titre mence dans les caves : les caves cè­ plus ou moins en charge par le cinéas­ anglais « Lightfoot -, comme pour dent à leur tour... te : dès lors, de tout ce qui est cliché faire pendant aux diverses paralysies Un but dans la vie. Un aviateur casse- ou type, une part se trouve privilégiée, frénétiques des autres héros), mais cou provoque sans fin la mort, comme affectée d'un supplément de significa- encore nulle malédiction ne s'y re­ sa femme provoque les hommes : mais 1 tion, orientée dans le sens même du cense, le ton' en est des plus serein, la mort est au rendez-vous (■ La Ronde J fiIm. et. plus loin, de l’œuvre. Il est le propos des plus joyeux (l'agitation de l'aube ») un Attila furieux saccage ■ loisible alors de dégager dans cette irlandaise au XVIIIe, loin encore d’être le monde et veut abattre Rome : il ne masse de significations plus ou moins révolte ou révolution : tout au plus court jamais qu'au devant de son des­ brutes que livrent à la fois la trame banditisme déluré). tin, dont il accomplira, signe après si­ même du film, son récit, les trajectoires Rien ne semblait destiner le paysan gne, les arrêts (« Le Signe du Païen ») ; de ses personnages, un double jeu de lourdaud de • Capitaine Mystère » à une femme défie les forces de l’argent ; constantes : les unes, neutres, ou plu­ prendre un jour la place du mystérieux et de l'habitude pour sauver son amour, tôt indifféremment représentatives de x capitaine (ce qui revient non seulement une autre se dégrade de toutes les cinéastes, ou d’un style commun, ou pour le rustre à faire l'apprentissage façons pour conquérir le sien : peines encore d'une société tout entière, dans de la finesse, mais aussi pour le naïf perdues, défi comme dépit tournent ses coordonnées spatio-temporelles à faire celui de l'immoralité et du men­ mal, rien n’est préservé du vent de (l’Amérique de 1950 à 1960). Les au­ songe : les « révolutionnaires » tien­ destruction, même celui qui ne voulait tres. au contraire, exclusives et fidèles, nent des maisons de jeu où les Anglais être que le témoin aux mains pures .propres à l'auteur, traces mêmes de viennent perdre leurs guinées au profit (« Ecrit sur du vent ») ; une autre fois, ison passage. de la « cause -). Rien de commun, un homme qui pratique la charité en De celles-ci, l'oeuvre de Sirk fournit les donc, entre ces Irlandais bagarreurs et secret meurt de sauver (sans le savoir : plus certaines : et ce sont non seule­ ces damnés de l’Amérique, ces hantés ironie cruelle) un homme qui ne le mé­ ment des constantes stylistiques (cou­ de la mort que sont les aviateurs de ritait pas et par la faute de qui (autre leurs, dues au tandem Sirk-Russell - La Ronde de l'aube » ou les milliar­ ironie du sort) la veuve du premier .Metty, décors, d'un certain - mauvais daires d' « Ecrit sur du vent ». devient aveugle : et « Le Secret magni­ (goût -, etc.), mais, tout autant, des Il est pourtant dans « Capitaine Mys­ fique », qui commence comme finissent ischèmes narratifs (circularité), des iden­ tère » un personnage uniformément presque tous les autres films de Sirk, tités profondes entre personnages, en­ sombre, qui semble attirer sur lui toutes par deux drames où le Destin se mon­ tre situations. les malédictions : le chef de l'organi tre implacable, ne s'achèvera dans un Héros infirmes. Ainsi, les héros sirkiens, sation paysanne, qui passe aux yeux précaire bonheur qu’au terme du plus malgré leurs origines multiples — ou, des autres d’abord pour « pur », puis pénible des rachats, patiente remontée plutôt, justement à cause d'elles —■ pour lâche, pour traître enfin, avant de à rebours des lacets du sort. '(Faulkner, certes, mais aussi E.M. Re­ trouver dans la mort sa revanche. Ainsi, Il y a dans les plus beaux films de Sirk marque, et, soit à travers John Stahl les révolutionnaires sont des bandits de telles convergentes accumulations dont Sirk retourna quelques films, soit et des tenanciers de tripot, les purs des plus funestes coups du sort, un directement, divers best-sellers améri­ sont traîtres, les traîtres ne l'étaient pareil acharnement (où il n’est pas dif­ cains ressortissant à cette vaste frange pas : les apparences sont trompeuses ficile de deviner, sous la main du de littérature populaire type - Confi­ mais les destins entiers. Voilà quelque - destin », celle du metteur en scène) dences » dont le caractère fondamental chose que les personnages de « Capi­ à faire encourir à leurs infortunés héros Veste l'essor donné à la mièvrerie et à taine Mystère • partagent avec les toutes les malédictions. L’échec donné la sensiblerie — lesquelles, chez Sirk. autres héros sirkiens : les uns et les comme certitude, la constance dans le deviennent amertume et cruauté, excès autres sont rivés à leurs sorts opposés malheur (ou une égale constance, et morbides, objets et moyens de fasci­ par une même décision supérieure, gui­ tout aussi absurde, agaçante, forcée, nation et de vertige), appartiennent dés par une même fatalité (une même dans le bonheur), l’étonnante et sem­ tous à la même famille : héros, mais providence), qui les désigne entre tous, blable obstination des héros sirkiens ô infirmes, mais tirant de cette infir­ les élit pour les assujettir è ses vues. lutter contre l’inéluctable : autant de mité même toute leur exemplarité. Le Héros aveugles. Tous, ils semblent fuir traits propres à la fois au mélodrame premier paradoxe sirkien, dont les au­ quelque obsédant secret, ou affronter et à la tragédie, et c’est en effet dans tres procèdent, réside dans ce couple quelque secrète certitude. Hantés qu’ils l’écart ou la confusion de ces deux héroïsme-invalidité (ou monstruosité), sont par ce signe à effacer ou è genres qu'il convient, semble-t-il, de lui-même à la fois conséquence et cas accomplir, liés à un contrat du destin chercher l'amplitude propre au cinéma particulier du couple, tout aussi para­ qu'ils veulent résilier ou remplir (c'est de Sirk. doxal, tragédie-mélodrame. Quant aux une même chose), ils vont se préci­ Constantes. S agissant de tout autre infirmités, elles sont aussi bien physi­ piter rageusement dans l’existence, dé-, que Sirk, il serait sans doute vain de ques (cécité du « Secret magnifique ») tailler un à un les accidents de la vie, prendre appui sur la seule analyse des que morales (volontés de puissance, et naturellement pareille fuite en avant, scénarios et des personnages : des obsessions, soucis de rachat, ivresses faite autant de refus que de consente­ thèmes explicites. Très souvent en effet diverses), ou mixtes (l'éthylisme ments, ne manque pas de précipiter à l’analyse thématique force et les signi­ d‘ « Ecrit sur du vent »), ou plus com­ son tour leur rencontre avec cela pré­ fications et les formes à converger en plexes encore : tare raciale dans « Mi­ cisément qu'ils fuyaient ou cherchaient : un tout harmonieux et parfaitement illu­ rage de la vie -, condition de soldat leur destin, pour employer à la fois le soire, dans l'intention de démontrer la (ou compromission, ou délit d’opinion) langage des tragédies et celui des mé­ « cohérence » (démonstration toujours dans « Le Temps d’aimer... ». lodrames (que sont ensemble et indis­ tautologique, par ailleurs) de « l’uni­ Le Mystère du Pied-Léger. Mais il est tinctement, on commence de le com­ vers > du cinéaste envisagé. Mais un film de Sirk où le héros est tout le prendre, les films de Sirk). quand cet univers est d’avance voué contraire d'un invalide (et même un bon C ’est-à-dire que de bout en bout la

17 JliNE ALLYSON ET MARIANNE COÛK (KOCH) DANS « INTERLUDE *. 1 trajectoire des personnages sirkiens est peuvent que trouver au bout de leur menée par ce qu'il faut bien nommer : fuite, marchent en aveugles mais ne fatalité. Nulle liberté ici, et celle à la­ manquent pas pour autant le but, cè­ quelle aspirent ou prétendent désespé- dent au mirage d'avoir lutté alors que j rément les personnages (le choix de d'emblée- la lutte est décidée perdue ■ leur vie), n’est que leurre supplémen­ ou gagnée. Il n’y a aucune progression taire. mirage précisément vision dramatique dans les films de Sirk : ce d’aveugle. Une loi sévère contraint les sont de longs dénouements, d’un drame ; êtres à se détruire, les humilie ou les dès le départ arrêté, et où les coups i fait s'humilier mutuellement. L’humilia- de théâtre sont systématiques (et sys­ 1 tion est le leitmotiv de « Ecrit sur du tématiquement univoques) jusqu'à l'atro­ vent» comme celui du «Temps d’ai­ ce. Fortunes et infortunes du vice mer... » (honte du soldat devant son ex­ comme de la vertu : tout est égal, tout ami. devant les exécutions de prison- est écrit. | niers). Quant au « Secret magnifi- Sadisme ? Mais un sadisme qui com­ ; que », long calvaire de la honte, il sem­ mencerait où cesse le suspense : c’est- ble tout d’abord que par exception les à-dire plutôt lucidité amère qui se ma­ menées du malheur y soient mises en nifesterait d'abord par un refus du : échec par les grâces patientes de la suspense comme effet dramatique. Le | charité. Mais l’une vaut l'autre, quand suspense, avec son couple espoir- I seuls peuvent faire obstacle aux mysté­ crainte. ne serait qu'artifice, l‘un de ces rieux ordres d'une Fatalité hostile les mirages du cinéma que précisément non moins mystérieux chemins d’une ignorent la tragédie comme le mélo­ Providence n'intervenant qu’à coups de drame : dans ce mirage qu'est la vie ■ miracles (ceux du « Signe du Païen », elle-même les personnages n’ont pas aussi) : Fatalité-Providence, on retrouve loisir de» croire ou de craindre, c'est le vieux couple des tragédies et des toujours en deçà ou au delà du pos­ ' mélodrames, double face d'un même sible que les destins se trament, en I absurde, ironique équilibre, qui sert de deçà ou au delà du réalisme que les ■ moteur à tous les films de Sirk, les fictions prennent corps. En deçà ou au ' forçant d aller à la fois dans le sens delà, entre les tâtonnements de l'aveu­ de la plus grande honte et de la plus gle et la main du Destin, le cinéma de grande pitié, dénonçant les excès de Sirk ne se veut qu'une imitation de la , la convention par ceux de l'exception. vie. son recommencement dans ses I Tourner en rond. Ce quotient d'absurde conventions et dans ses exceptions, (non dénué d’humour noir) affecte jus­ dans sa fadeur et sa violence, comme qu'à la construction des films de Sirk. elle est tout à la fois dérisoire et gran­ Les personnages fuient ce qu'ils ne diose. — Jean-Louis COMOLLI. Entretien avec Douqlas Sirk Cahiers Est-il vrai que vous ayez dé­ donc été très rapide. Ce théâtre-là, buté comme metteur en scène de j’y restai jusqu'en 1935 ou 1936, année théâtre à Hambourg ? où l'on me nomma producteur-metteur I Douglas Sirk Oui, c'est exact. Il ar­ en scène du théâtre d'Etat de . rive parfois qu'un jeune homme ait D'autres choses aussi se tramaient la chance de se trouver en face d’un alors, si bien que celle-ci ne se fit heureux concours de circonstances et pas. Puisque les Nazis arrivaient au qu’on lui confie la mise en scène d'une pouvoir, je me tournai vers le cinéma. I pièce dont personne ne veut se char­ Cahiers II semble, s'il faut croire cer­ ger. Ce fut mon cas. J'avais vingt-trois tains index, que vous ayez été acteur ans et je mis en scène une pièce au dans • Serenade » de W illy Forst... Spielhaus de Hambourg. Ce fut un Sirk Non. jamais, c’est complètement grand succès dans lequel je crois bien, faux. Je ne connais d’ailleurs pas ce iaujourd'hui, n’avoir pas été pour grand- film. Mon premier film, je l'ai fait — ichose. La pièce était bonne et les produit et mis en scène — pour la acteurs aussi, voilà tout. Néanmoins, U.F.A., et c'était » Le Malade imagi­ cette expérience tint sans doute lieu naire », avec Hermann Schaufuss dans de tremplin à ma carrière de metteur le rôle principal. Je fis d'ailleurs avec len scène. Ensuite, j'ai été acteur quel­ lui deux autres films à cette époque que temps. Puis, j'ai possédé mon mais je ne me rappelle pas leurs titres. propre théâtre à Chemnitz, une ville En tout cas, l'un d'eux était le remake qui est aujourd’hui en Allemagne de d'un film français... Après ces trois l'Est. Je n'y faisais représenter que films, j'ai signé un contrat avec U.F.A. jd’excellentes pièces de caractère expé­ et j'ai travaillé pour cette compagnie rimental, aussi me ruinai-je très rapide­ jusqu'à ma fuite hors d’Allemagne, en ment. Je partis donc pour Brème où je 1937. à la fin de l’année. C'est pendant devins le principal metteur en scène cette période que j'ai tourné un film d'un théâtre. Puis je fus nommé « in­ hollandais : « April, April », dont j'ai tendant » (c’est ainsi que l'on appelle également tourné une version alleman­ en Allemagne le metteur en scène de. Il y avait dans ladite version alle­ responsable) du théâtre d'Etat de Leip­ mande une très jolie jeune actrice à zig où, pour la première fois, j'utilisai qui ne s'applique plus aujourd'hui au­ Curt Meisel, alors tout jeune acteur, cune des deux épithètes, mais qui est jj’étais jeune, moi aussi, et mon ascen­ restée actrice... Ensuite, j ’ai réalisé sion dans le monde du théâtre avait un film d ’après le roman de Selma 19 Lagerlôf : « Das Madchen vom Moor- film obtint, lui fit signer un contrat. Je identités d'emprunt. A Paris, surtout, hof » (« La Fille de la lande »). crois d'ailleurs que c’était un bon film. il me fallut faire très attention, car les Cahiers Pourriez-vous nous parler plus J'aimais beaucoup et Allemands m’en voulaient d'avoir rompu en détail de ces films allemands? j’ai eu infiniment de plaisir à retravailler mon contrat avec la U.F.A. Ce fut d'ail­ Sirk « April, April - était une comédie, avec elle pour mon film suivant leurs le motif principal de mon « <‘voya- une vraie. Et la première tentative • » que nous avons tour­ ge » aux Etats-Unis. J'avais écrit en aussi de comédie allemande dans le né sur file de Ténériffe. Elle avait une Allemagne un scénario que je comptais style américain. Vous voyez ce que voix très rauque, très « sexy », qui produire pour la U.F.A. et qui m'inté­ je veux dire : du « slapstick -, un avait un effet terrible sur certaines ressait beaucoup, d'après le seul ro­ dialogue rapide à la frontière de l'irréel, personnes, et je dois dire qu’il s'agis­ man de Tchékhov « La. partie de le ton de ce que l'on appelait alors les sait surtout des femmes... C'était d'ail­ chasse ». On le réalisa alors aux Etats- « crazy comedies -, une touche d'ab­ leurs la vedette la mieux payée en Unis sous le titre * Summer Storm ». surde comme dans les films de Buster Europe à ce moment-là et elle est res­ Je renonçai à voir mon nom figurer au Keaton ou des Marx brothers, etc. Tout tée extrêmement riche. J'ai aussi beau­ générique et laissai signer Rowland cela était très nouveau en Europe. Le coup aimé diriger à cette époque Lil Leigh. C'est avec ce film que s'affirma sujet de • Das Madchen vom Moorhof » Dagover et Willy Birgel. Celui-ci inter­ mon succès aux Etats-Unis. était au contraire extrêmement austère. préta, dans « Schlussakkord », le rôle Cahiers Mais quelles en furent les pre­ Le film avait pour cadre les landes du du chef' d’orchestre, du type Karajan. mières manifestations ? nord de l'Allemagne. Il eut énormément Cahiers Vous avez alors travaillé avec Sirk « Hitler's Madman », qui racontait de succès et l’on en fit, je crois, un Gerhard Menzel... le meurtre d'Heydrich en Tchécoslova­ remake ou deux. Sirk Oui, et cela me plaisait beaucoup. quie. Ma contribution au film Universal Ensuite, j'ai fait un film intitulé - Stut- C’était alors un scénariste très popu­ • Never say good bye », que signa zen der Gesellschaft » (« Les Piliers de laire en Allemagne. Il venait de rem­ Jerry Hoper et qu'interpréta Rock Hud- la société ») — encore un grand suc­ porter le Prix Kleist. C ’est lui qui fit son, fut également assez importante. En cès — tiré -d'une pièce d'Ibsen, avec le scénario de ■ La Habanera ». effet, comme le film se portait très Heinrich George dans le rôle principal. Cahiers Et vous souvenez-vous de mal, on appela le médecin. Il se trouva C'était un acteur magnifique, très im­ ■ Wilton's Zoo » (■ Afrique du Sud ») ? que ce fut moi. Je fus ainsi amené à posant. un peu le Harry Baur allemand, Sirk Oui, mais je n'ai fait que préparer retourner la moitié du film sans que peut-être le meilleur acteur de son pays ce film. C’est moi qui ai, par exemple, mon nom, toutefois, figurât au géné­ à cette époque. Ce film fut l’occasion choisi les extérieurs en Afrique. Mais rique. d'une tentative alors assez nouvelle je n’y ai vraiment été mêlé que très Cahiers Les conditions de travail dif­ pour moi : adapter au cinéma une pièce partiellement. Je ne l’ai en tout cas pas férentes entre les Etats-Unis et l’Eu­ de théâtre. A l’époque, on avait en mis en scène. rope vous ont-elles gêné ? effet plutôt tendance à écrire des scé­ Cahiers Etes-vous allé aux Etats-Unis Sirk Les méthodes de tournage diffé­ narios originaux ou à faire des adap­ tout de suite après - La Habanera » ? raient déjà énormément entre deux tations de romans. Cette histoire dra­ Sirk Non. J'ai d'abord travaillé en pays européens comme la France et matique fut tournée dans une des îles France. J'y ai assuré la supervision la Hollande. Songez à ce que ça pou­ du Danemark. J’ai moi-même écrit technique d'un film qui s'appelait vait être entre l'Europe et l'Amérique. l’adaptation de la pièce, mais le film « L'Accord final » et racontait l'histoire Mais justement, en un certain sens, gardait cependant un côté très « dra­ du Conservatoire de musique. J'y ai c'est aux Etats-Unis que j'ai appris à matique », il conservait la rigueur et également écrit quelques scénarios faire du cinéma. C ’est là un point de l'action resserrée de la pièce alors pour M. Loureau, chef producteur vue que les Européens partagent diffi­ qu'il est plutôt d'usage de faire des de Filmsonor à cette époque. Je suis cilement, mais c'est le mien — notez films possédant une coulée dramatique ensuite allé en Hollande où j ’ai pu bien que ce n’est pas d'art qu’il est de caractère épique. réaliser un film grâce à mon passé de question en ce moment. Il me semble Ce fut ensuite « Das Hofkonzert » cinéaste... hollandais. Celui-ci s’appe­ évident qu'à l’époque où je suis arrivé (■ Concert à la cour »), avec Marta lait « Boofier » (?) ce qui signifie : aux Etats-Unis, les techniques du ciné­ Eggerth. Un film dans le « style em­ « petit vagabond » en argot hollandais, ma étaient plus au point que partout pire », c’est-à-dire un style correspon­ ce que l'on appelle aux Etats-Unis les ailleurs. La façon que l'on avait là-bas dant aux années 1820. Un film musical « Bowery kids ». de faire des films fut tout de suite en costumes qui se déroulait dans un L’histoire était inspirée d'un classique pour moi une révélation. Il me fallut petit village allemand, une comédie très populaire en Hollande. Quand le reconsidérer tout mon propre système, aussi. Mais pas une « comédie musi­ film fut tourné et que nous commen­ toutes mes conceptions en matière de cale ». Seulement un film avec de la çâmes le montage, les Allemands en­ cinéma. Je pense, d'ailleurs, que cette musique et des chansons, parce que vahirent la Hollande et j'eus tout juste période du cinéma américain, entre Marta Eggerth était une chanteuse. le temps de m'embarquer pour les 1940 et 1945, était une période mer­ C’était assez stylisé et proche, en un Etats-Unis. Ce fut d’ailleurs une éva­ veilleuse. Les films qu’on y faisait sens, de l'Offenbach de « La Grande sion très dramatique... n'étaient pas, tant s'en faut, aussi lit­ Duchesse de Gerolstein ». Il y avait A mon arrivée là-bas, je signai un con­ téraires qu’en Europe. Mais sans doute un peu de satire, un peu de musique, trat avec la Warner Bros que je devais était-ce mieux ainsi. C ’est devenu une un peu 'le 'J-^me, un peu de sentiment. en grande partie au succès américain véritable manie en Europe il faut Le tout constitua1!; une véritable comé­ de » Paramatta » dont je m’engageai mettre de l'art partout. Ils s'imaginent die. d'ailleurs à tourner un remake. Ce que qu'ils feraient un film artistique en Cahiers Quel souvenir gardez-vous de je fis avec beaucoup d'intérêt. Seule­ adaptant « Bérénice » pour la seule « Zu Neuen Ufern » (• Paramatta, ment, à peine le film était-il terminé raison que Racine l’a écrite. Ce' n'est bagne de femmes ») dont la réputation qu'éclata la guerre entre les Etats-Unis pas comme ça que l'on fait du cinéma. est parvenue jusqu’à nous ? et l'Allemagne : la compagnie ne pou­ Aussi la conception américaine était- Sirk J’ai tourné en Australie ce film vait plus, dans de telles circonstances, elle radicalement neuve aux yeux d’un que j'avais écrit avec Kurt Heuser. Il distribuer le remake d'un film alle­ Européen. Il s’agissait de tenir compte racontait l'histoire des pionniers aus­ mand. Mon premier essai américain de critères visuels et auditifs, de tenir traliens. et décrivait la vie dans Ie9 fut donc infructueux. J'ai alors écrit compte de la nature propre du cinéma. prisons de cette époque-là. L’actrice beaucoup de scénarios pour la Colum­ Il n’y avait alors aucune prétention lit­ suédoise Zarah Leander en était la bia et la M.G.M., dont une dizaine sous téraire. Les choses ont d’ailleurs chan­ vedette et la Warner Bros, impression­ divers pseudonymes que j’ai oubliés. gé de ce point de vue. Peut-être est-ce née par le succès considérable que le J'étais obligé de me cacher sous des de ma part un peu paradoxal de le

20 ' - ERICII MARIA REMARQUE ET JOHN GAVIN DANS - A TIME TO LOVE AND A (TIME TÛ DIE * (■' LE TEMPS D'AIMER E f LE TEMPS DE MOURIR ■). JEFF MORROW, SHEILA BRENNAN, FINLAY CURRIE ET ROCK HUDSON DAMS ■ CAPTAI N LIGHTFOOT - («CAPITAINE MYSTERE ■)• dire, mais il me semble que l'influence succès. C'est que j'y adoptais une déception n’en fut qu’accrue. En re­ européenne qui s'est exercée sur le position propre à faire naître l'ironie vanche, dans « Meet Me in Saint- cinéma américain depuis la guerre a et cela ne convie nt pas du tout au Louis », il y avait beaucoup de pana­ été des plus néfastes. Les tendances public américain, Ce n’est pas un che, Judy Garland qui était extraordi­ actuelles du cinéma américain, telles reproche que je lui adresse. C ’est seu­ naire et mille autres détails qui m’en­ qu'elles sont représentées par exemple lement qu’il est en général trop simple thousiasmaient. Je crois d'ailleurs que dans un western comme « Hud », me et trop naïf — dans le meilleur sens Minnelli est un grand réalisateur de paraissent être tout à fait condamna­ de ces termes — pour être sensible à comédies musicales. bles. L'illustration de cas pathologiques l'ironie. Il lui faut des positions tran- Cahiers Samuel Fuller nous a récem­ par le western me parait être dénuée ; chées, le pour ou le contre. Mais les ment parlé des incidents qui se produi­ de tout intérêt. A quoi bon dès lors i nuances qui ménagent les deux à la sirent lors de l'élaboration du scénario faire un western ? Qu’on fasse autre , fois et nous font sourire lui sont tout de « ». chose ou qu'on aille se faire psycha­ à fait étrangères. C'est ainsi que s'ex­ Sirk Je me rappelle qu’Harry Cohn — nalyser ! Confrontés à ceux-ci, les plique l'insuccès en Amérique de cer­ c était alors le président de la Colum­ vieux films jouissent à mes yeux d'un taines pièces de Shakespeare comme bia— exigea que l’histoire fût modifiée, immense prestique ils sont un peu « Troïlus et Cressida ». Mais pour en et en particulier toute la fin du film. Or, comme les toiles des peintres primitifs, revenir à mon film, je le trouve excel­ le scénario de Fuller était meilleur que pleins de courage et d'audace. Mais lent, bien meilleur que certains autres celui d’Helen Deutsch que l’on voulait en profondeur. Dans le refus de tout qui connurent un plus grand succès lui substituer. Mais celle-ci était alors ce qui ne concerne pas directement ■commercial. Il m’a beaucoup intéressé. bien plus connue que lui à Hollywood. leur nature propre. C'était une époque | Pour « Lured • («Des Filles disparais­ Je trouvais, quant à moi, la fin imagi­ heureuse, l'âge d'or, où l'on faisait des sent»), l'année suivante, je travaillai née par Fuller infiniment supérieure, à films en ne cherchant qu’à faire un i pour la première fois avec le grand tel point que j'en ai tourné une partie, film et seulement ça, n’ayant pour des­ opérateur qu’est William Daniels et la mais je fus néanmoins obligé d'y renon­ sein que de manifester ce que le film photographie fut magnifique. A part ce­ cer. Ce fut un compromis où nous a de spécifique. Il n’était pas alors la, c’était une histoire criminelle typique fîmes en sorte que le film se terminât, question de s’interroger sur les états qui se déroulait à Londres, où le film comme le souhaitait Harry Cohn, par un d’âmes de telle ou telle personne, ce fut partiellement tourné, avec pour ve­ « happy end ». C'est dire que l’âpreté qui n'était pas l'affaire du cinéma mais dette Lucille Bail. Boris Karloff y était qu’il y avait à l’origine dans le scéna­ celle du roman ou du théâtre, beau­ ; très amusant dans un rôle assez étran- rio de Fuller avait disparu. Il voulait, coup mieux armés que lui pour cela. Je I ge de couturier fou et Coburn interpré­ lui, que le film s'intitulât « The Lovers ». ne suis d’ailleurs pas sans m'aperce­ tait le rôle d'un inspecteur de police Notez que le dialogue qu’écrivit Helen voir en lisant un script de la parfaite très nonchalant, un peu du type * Mai­ Deutsch était de première qualité, sans nullité littéraire de ce que j’ai entre les gret ». doute même supérieur intrinsèquement mains. Mais peut-être est-ce justement Cahiers Ce fut encore une histoire po­ à celui de Fuller, mais il n’avait pas parce qu’il n’y a aucun rapport entre licière que celle de votre film suivant : le punch dramatique qu’il avait, lui. su ce script et une pièce bien écrite, qu’il « Sleep, My Love »... y mettre. Ce n’était pas un scénario sera la base d’un film où entreront Sirk Oui. Très exactement : le traite­ pour une femme qui, même talentueuse, en jeu les éléments spécifiques du ment psychanalytique d'une affaire cri- ne pouvait avoir la puissance requise. cinéma. Mais après la guerre, on a , minelle, ce qui était alors en vogue. Ce Cahiers II y avait déjà dans ce film un ruiné cela. On a voulu faire des films fut d’ailleurs un grand succès, mais personnage d’aveugle, bien evant plus raffinés et l'on n’a réussi qu'à l’histoire ne m'intéressait pas tellement. « Magnificent Obsession ». Etait-ce dans perdre le caractère essentiellement Claudette Colbert y fut cependant ex­ un dessein particulier ? américain pour obtenir des bâtards cellente. Sirk Oui, tout à fait. J'ai toujours été américano-européens. Aussi, lorsque je Cahiers Connaissez-vous « Whirlpool », intrigué par les problèmes de la cécité. me rappelle les westerns de la grande que fit peu de temps après Preminger Un de mes projeta les plus chers était époque, j’en garde un souvenir ébloui, sur un sujet assez proche ? d’ailleurs de faire un film qui se passe­ ils me paraissent merveilleux et d'une Sirk Non, je le regrette. Mais il arrive rait dans un asile réservé aux aveu­ technique irréprochable. Ce que l'on souvent que des films moins connus gles. Il n'y aurait que des gens sans ne peut nier, c'est que ces gars-là : ique d'autres soient en réalité très bons, cesse en train de tâtonner, essayant Ford, Hawks, Walsh... connaissaient ’ Les compagnies américaines ne s'inté­ de saisir des choses qu’ils ne voient leur travail. Je connaissais d'ailleurs ressent à un film que s'il fait rentrer pas. Ce qui me semble très intéressant quelques-uns d’entre eux, ainsi que des sommes d’argent prodigieuses, et ici, c'est de tenter d’aborder des pro­ Fritz Lang, Josef von Sternberg... de ce point de vue la situation n’a blèmes de cet ordre grâce à un moyen Cahiers Après la guerre, vous avez guère changé, autant que je puisse d'expression — le cinéma — qui, lui, fait « A Scandai in Paris »... en juger1 d'après ce numéro du « Holly­ ne se soucie que des choses vues. Sirk C'était une comédie pleine d’ironie wood Reporter » que je viens de rece­ C’est ce contraste entre un domaine sur la vie de François Vidocq. L'idée voir. Mais revenons plutôt à mes films. où les mots n’ont qu'une importance initiale était celle-ci : si vous voulez ■ », que je tournai en- réduite et un autre où ils sont presque attraper un voleur, il faut auparavant I suite, était une comédie musicale pour tout qui me passionnerait. C'est un en trouver un autre pour faire ce tra­ la Columbia. Pas à proprement parler décalage en lui-même extrêmement dra­ vail. En effet, Vidocq était, comme vous une comédie musicale d'ailleurs, mais matique. Ce scénario, je l'ai d'ailleurs le savez, un voleur de grand chemin. encore une fois une comédie avec de écrit, pour la Columbia, mais l'affaire L'interprétation qu'en donna George la musique, des chansons et une tou­ ne se fit pas. Aux Etats-Unis, on ne Sanders fut magistrale. L'arrogance, la che de fantaisie, voire même de fan­ peut pas faire les films que l'on veut suffisance (en français dans la conver­ tastique. faire mais seulement ceux que d'autres sation) que vous lui connaissez y firent Cahiers Que pensez-vous des comédies veulent faire... Ce qui peut s'exprimer merveille. Il est devenu depuis l’un de ! musicales que réalisaient alors des ci­ dans ces conditions-là, ce n'est donc mes meilleurs amis. Dans ce film, j’ai néastes comme Minnelli ? , qu’une habileté plus ou moins grande tenté de dépasser le réalisme dans la 'Sirk J'en admire beaucoup certaines. Les au niveau de la réalisation. De temps vision que je donnais de l’histoire. Cela i premières surtout. Ainsi, j’ai beaucoup en temps, il nous arrive de pouvoir devint presque surréaliste. Non pas à aimé « Meet Me in Saint-Louis », et introduire un thème qui nous intéresse, la manière des surréalistes français, pas du tout « An American in Paris », et je n'ai pas manqué de le faire ; ce mais à la manière des américains. Le qui m’a semblé trahir P&ris. Je l’ai d'ail­ fut le cas pour le problème de la film n’eut d'ailleurs pas beaucoup de leurs revu il y a peu de temps et ma cécité. 23 LAUREN BACALL, ROCK HUDSON. ROBERT STACK (PORTE) ET ROBERT KEITH DANS « WRITTEM ON THE WIND • («ECRIT SUR DU VENT»). Cahiers « Shockproof » étalt-il votre Cahiers Vos films (surtout peut - être ' premier mélodrame ? « ») prennent sou­ Sirk Non, ce n’était pas vraiment le vent pour thème la religion... premier... Ou si, peut-être... Maintenant, Sirk Oui, « The First Légion » aussi, la I le mot mélodrame a perdu son sens, même année, qui se passait dans un | on n'y entend plua « melos », la musi- couvent en Angleterre : une tentative ' que... Moi qui ne suis pas américain, pour faire fusionner mélodrame et film j ’ai toujours été fasciné par le genre religieux. Les problèmes de la religion de films auquel appartenait « Shock- m'ont en effet toujours passionné, bien i proof », et sans doute est-ce pourquoi que je ne sois pas croyant. Je n’ai pas : je fus très déçu de voir amputer ce été à l'église depuis plusieurs décades. film d’une grande partie de sa vio­ Il n’empêche que la religion est un des lence. thèmes les plus passionnants de notre Cahiers Pourriez-vous définir ce qu’est époque. C'est une de mes préoccupa­ j le mélodrame à vos yeux ? tions constantes. De plus, en ce qui ! Sirk Voyez-vous, mes amis, le mélo­ concerne le cinéma américain, vous drame est une chose difficile' à définir... devez savoir qu'il est difficile d'y évo­ Je dirais que c’est l'archétype d'un ci­ quer l'athéisme... De toute façon, le néma qui se rattache au drame. La fait de ne pas croire en Dieu, n'est-ce plupart des grandes pièces sont fon­ pas là encore un acte religieux ? On dées sur des situations ou connaissent peut dire que la pièce de Ionesco sur , des dénouements mélodramatiques. laquelle je travaille en ce moment (« Le « Richard III », par exemple, est prati­ Roi se meurt •) est une pièce religieuse quement un mélodrame. Eschyle et So- écrite par un homme qui ne croit pas I phocle en ont écrits beaucoup eux aus- en Dieu. J’ai l’intention d'écrire bientôt ! si. Prenez « L’Orestie », n'est-ce pas un une pièce qui prendra la religion pour mélodrame? Ce qui advenait alors en­ sujet, je pense aussi monter une pièce tre rois et princes, on l’a depuis trans­ d'Euripide sur le fanatisme religieux. posé dans le milieu de. la bourgeoisie. Toutes les grandes pièces classiques ! Et les intrigues restent profondément ont, de près ou de loin, des sujets analogues. C'est une forme d’art abso­ religieux. lument traditionnelle, nécessaire, je Cahiers II y avait dans « Sign of the crois, et merveilleuse. On la retrouve Pagan ■ une scène magnifique : celle chez un romancier comme Faulkner dont où le Pape arrivait lentement sur une i les histoires ont été écrites à partir de barque... i schémas tout à fait mélodramatiques. Sirk Oui. je m’en souviens. C'était la ' Cahiers Que pensez-vous de Léo Me plus belle scène du film et même le Carey, dont la conception du mélodra­ seul moment intéressant. Ce n'est pas me est fondamentalement différente de moi qui devais faire ce film mais quel­ ■ la vôtre ? qu’un d'autre, je ne sais plus qui... Et | Sirk C'est un grand metteur en scène puis, en tournant, je me suis Intéressé ■ sans aucun doute, un des cinéastes à Palance, qui avait la réputation d'être américains les plus profonds. C'est un acteur plutôt... irascible, mais avec vraiment le pur mélodrame qui l’inté- lequel je me suis, moi, très bien en­ . resse, lui. Ce qui est effectivement très tendu. On me propose souvent — sans | différent de mes films car tout à fait doute parce que c'est ma spécialité — , dépourvu de violence. Je m'attache, des films d'époque, des films à costu­ moi, à cette violence qui contrebalance mes, mais je crois que c'est un genre le côté sirupeux de tout mélodrame. Le extrêmement limité, où la réussite ne ' mélodrame est vraiment devenu quelque peut être que partielle. Même quel­ I chose d'affreusement sentimental. Mais qu'un d'aussi intelligent et estimable McCarey a porté le genre à son apo­ que Mankiewicz n'a pu faire avec gée. Une histoire telle que celle de « Cléopâtre » une œuvre vraiment ori­ - An Affair to Remember », avec des ginale. Ce genre de films est en fait . personnages aussi typés que celui de un malheureux retour en arrière, à i la vieille grand-mère, serait Impossible l'époque des premiers films italiens à | à raconter par écrit, ce serait ridicule. grand spectacle. C'est toujours un peu Voilà bien la différence essentielle en­ ridicule.sur un écran car celui-ci exige tre la littérature • et le cinéma. Ce que une action réaliste. . McCarey a pu faire à l’écran dans le Cahiers Nous aimons beaucoup l'utili­ | mélodrame, personne ne peut le racon- sation de la musique dans vos films. ■ ter. Frank Borzage fit également de Vous en servez-vous sur le plateau ■ fort beaux mélodrames. « The Bad and pour faire répéter les acteurs ? the Beautiful » de Minnelli, avec Lana Sirk Oui, partiellement. Je crois que ça Turner, était également assez extraordi- aide beaucoup les acteurs. Vous savez i naire... que c'est ainsi que l'on tournait les I Cahiers A part John Ford et ces pion­ films muets et il est bon de se rappe­ niers américains que vous dites beau­ ler les techniques du muet, de temps coup aimer, quels sont les metteurs en ô autre. Cela contribue à donner une scène qui ont exercé une influence sur impression de baroque. , vous ? Cahiers Pour « Lured », vous avez tra­ | Sirk Les films de Pabst m’ont beau- vaillé avec Michel Michelet qui com­ : coup marqué. Mais vous savez, je ne posa la musique du « Tigre d’Eschna- suis pas vraiment un - fan » de ciné­ pur » : quel souvenir gardez-vous de ma ... cette collaboration? (Suite page 67).

25 i Bio fi l mag raphia de Douglas Sirk

Sc»n. ; Lothar Mayrlng d’eprés le ro­ Julta Serda, Paul Bildt. Cari Kuhtmann. Nebenzal. Rudolph Joseph (ass.) (Metro- man de Selma Lagerldf. Phot. : Willv Edwin Jürgensen, Roslta Alcaraz. Llsa Goldwyn-Mayer). Scén. : Peretz Hirsh- Wlnterstein. Mui. Hans Otto Borg- Hellwlg. Mlchael Schulz-Dornburg. Wer­ beln, Melvln Levy. Doris Malloy d'après menn. Interprétation : Hansl Knoteck, ner Flnck, Karl Hannemann. Roma Bahn, l ’histoire de Emll Ludwig et Albrecht Ellen Frank. Kurt Fijcher-Fehling. Frie­ Franz Arzdorf. Gaza von F&ldessy. Gün- Joseph et • Hangman's Village • de Douglas Sirk est né le 28 avril 1600 drich Kayssler, Eduard von Wlntersteln, iher Bailler, Bob Bauer. Harry Hardt, Bart Lytton Phot. : Jack Greenhalgh. è Skagen. A l'extrémité nord du Jut- Jeanette Bethge, Theodor Loos. Llna Hans Kettlar. Werner Kepich. Ernst Rot- Déc. Fred Prebla, Edward Wi liens land (Danemark). Il portait Je nom de Carstens. Franz Steln, Fritz Hoopts, mund, Werner Scharf. Franz Stem. Cari (a.d.). Mui. Karl Hajos. Mont. Detdev (Oetlef) Slerk. sous lequel II Erich Dunskus, Erwin Klletsch. Hans Merznicht. Dan Milner. A n . : Mel De Lay. In­ signera tous ses premiers films. Il fait Meyer-Hanno. Maria SeliJler, Anlta Dü- 1937 ZU N'UEN UFERN (Paramatta. ses étüües aux universités de Ham­ terprétation : John Carradlne (Hey- vel, lise Petrl, Klaus Pohl, Dorothea Bagne üe femmes) 106 min. Réal. : drich), Patricia Monson (Jarmllla), bourg, Copenhague et Munich puis com­ Thiess, Betty Sedlmayr, Hllde Sessak. Detlef Slerck. Prod. : Unlversum Film mence è travailler pour la U. F. A. Alan Curtls (Karal), Ralph Morgan (Han- Remeke sous le même titre par Gustav Aktlengesellschaft. Scén.: Detlef Sierck, ka), Howard Fr«m#n (Hlmmler), Lud­ Parallèlement è cette activité cinémato­ Udcky en 195B avec Maria Emo, Claus Kurl Heuser d'après le roman de Lovls wig Stossel (Major Bauer). Edgar graphique, il monte sur les planches et Holm et Horst Frank. H Lorenz. Phot. : Franz Welhmayr. Kennedy (Nepomuk), Jlmmy Conlln (Dvo­ écrit de nombreux articles pour diffé­ Mut. : Ralph Benatzky. Interprétation : rentes revues allemandes. 1B35 STUTZEN DER GE5ELLSCHAFT rak). Blanche Yurka (Mrs. Hanka). Zarah Leander. W illy Birgel. Vlktor Joria Rolllns (Clara Janek). Al Shean SI entre 1935 et IB37 et entre 1643 B4 min. Réal. : Detlef Slerck Prad. Staal, Carola Hôhn. Erlch Zlegel, Hllde (Prêtre). Ellzabeth Russel (Maria), Vic­ et 1659 il est possible de cerner la Robert Neppach (R.N. Fllmprod GmbH). von Stolz. Edwln Jürgansen, Jakob tor Killan (Janek), Johanna Hofer carrière cinématographique de Sirk. Il Scén, : Dr Georg C. Klaren, Peter Tiedtke. Robert Dorsay. Iwa Wanja. (Mrs. Bauer), Wolfgang Zllzer (Colonel), est en revanche malaisé de déterminer Gillman d’après la pièce de Henrlk Ib­ Ernst Légal. Siegfried Schürenberg. Ll­ Tully Marshall (Professeur), Ava Gard- ce qu'il a pu exactement faire en sen. Phot. : Cari Drews. Mus. : Franz na Lossert, Llssy Ama. , ner (Jeune fille tchèque terrorisée par France, en Hollande, en Suède et . au R. Frledl. Interprétation Helnrlch Herbert Hübner. Curd Jûrgens. Paul les .Nazis). Japon où II déclare avoir réalisé un George, Mana Krahn. Horst Teetzmann, Blldr. Llna Carstens. Horst Teetzmann. > Hitler's Madman • aborde le même film (mais n'est-ce pas une boutade ?). Albrecht Schœnhals, Suse Graf, Oskar Slma, Karl Dannemann, Hans - Joachlm Horst Blrr. Hans Kettlar. Walter au | et que « Las Bourreaux meurent Tous les renseignements en notre pos­ Schramm-Duncker. Fritz Hoopts. Franz session concernant ces différents pays Büttner. Walter Sùssenguth. Franz Wb- aussi > da Fritz Lang : l'assassinat de Stein, Klaus Pohl. Ekkehard Arendt. sont non seulement partiels mais contra­ ber. Paul Beckers. H.O. Schœning, Tonl Heydrich (dont l'interprétation par John Walter Werner, Werner Pledath. Karl dictoires. Dans ces conditions la filmo­ Tetzlaff.. Maria Holen, Gerti Ober. Carradine doit être pour le moins cu­ Hannemann, Hella Graf. Cari Auen. rieuse). et les représailles qui suivi­ graphie qui su II ne se veut complète 1931 OAS HOFKONZERT 85 min. Réal. : Hans Waschatko, Hans Joachlm Bütt­ qu'en ce Qui concerne l ’Allemagne et Detlef Sierck. Prod. : Umversum Film rent. On peut noter la présence d'Ava ner. Eisa Boy. Boris Alekin. William Gardner. les Etats-Unis. Pour les autres pays, AktiengeselIschaft. Scén. : Franz Weil- ner-Baste. Detlef Slerck d'après la piè­ Hijch. Oskar Hôcker, Paul Schwed. lise le temps, des Investigations compfémen von Coiani. Olga Schaub. Hermann 1944 SUMMER STORM (L'Aveu) 106 talres et, espérons-le. la bonne volonté ce • Das Klelne Hofkomert • de Paul Pfalffer. S.O. Schœnlng, Lilly Schon- min. Réel. Douglas Sirk. Prod. de nos lecteurs hollandais ou suédois Verhœven et Tonl Impekoven. Phot. : born. Ellen Bang. Seymour Nebenzal. Rudolph Joseph nous permettront de boucler ce travail. Franz Welhmayr. Mui. : Edmund Nlck. Titra américain : • ■. (ass.) (United Artlsts/Aigelus Pictures) Depuis 1959 Sirk n'a réalisé aucun Ferenc Vacsey. Robert Schumann. Inter­ Scén. : Rowland Leigh. Oouglas Sirk Le succès de • Paramatta • valut è film. Une grave maladie l'a. paralt-ll, prétation : Marta Eggerlh. Johannes Sirk d'être engagé aux Etats-Unis pour d'après l'adaptation par Douglas Sirk éloigné des studios. Mars â la fin de Heesters. Otto Tressler. Herbert Hübner, et Michael O'Hara de « Le Duel • de en faire une version américaine que la IBB2 l'Unlversal, sa firme d'élection, Rudolf Klein-Roggo. Flockina von Platen, haine de l'hitlérisme bloqua et qui a, Anton Tchékhov Dialogue edd. Ro­ annonçait deux projets : * Street} ot Frnst Waldow, Hans Richter. Ingaborg en tout cas. échappée è tous les Index bert Thœran. Fhot. : Archla Stout. Paris » (autre titre • Streets of von Kusserow, Kurt MbIsbI. Alfred Abel. Dàc. : Rudl Feld (a.d.). Mut. : Karl at Catalogues de Copyrights américains. Montmartre • ) avec Louis Jourdan, sur Hans H. Schaufuss. Rudolf Platte. Ed- Hajos. Won t. : Gregg TaJ las. An. la vie d'Utrillo : • Madame X • avec wln Jürgensen, Oscar Sabo. W illi Schur. (COLLABORATIONS DIVERSES) Bill McGarry Com. teeh. : Eugen Shuf- Lana Tumer d'après la pièce d'Alexan­ Werner Stock. Tonl Tetzlaff. iwa Wanja, 1B37 LIEBLING DER MATROSEN 91 min. tan. Prod. man. : Walter Mayo. Inter­ dre Blsson. La premier projet n'abou­ Günther Ballter. Johannes Bergfeld, Réal. . Hans Hinrich. Prod. . Mondial prétation : George Sanders (Fedor Pe- tira pas et le second sera réalisé en Fritz Barghof. Jac Diehl, Rudolf Essek. Internationale Filmlndustrlo- AG (Vien­ traff). Llnda Darnall (Olga), Anna Lee IBBS par David Lowaîl Rich, avec Lana Hans Halden, Cari Merznicht, Arnlm ne). Scén. K P Glllmann. Detlef (Nadina), Edward Everett Horton (Comte Turner, John Forsythe. Ricardo Montal- Sùssenguth, Max Vierlinger. Sierck d'après l'idée de Rudolf Brett- Volsky), Hugo Haas (Urbenln). Lorl ban, Kelr Dullea. dans un style qui Une version française du film a été scnelder. Phot. Oskar Schnirch. Lahner (Clara). John Phllipper (Poly- rappelle l ’oeuvre de Sirk. La photogra­ réalisée parallèlement â la version ori­ Mus. : W illy Schmldt-Geniner. Interpré­ cerp), Sig Rumen (Kuzma). André Char­ phie de Russell Metty en est-elle la ginale allemande tation : Treudl Stark. Woll Albach- iot (Mr. Kalenin), Mary Servoss (Mrs causa principale ou Sirk a-t-ll réelle­ LA CHANSON DU SOUVENIR. Réal. Retty. Hertha Feiler. Lotte Lang. Ri­ Kalenin). John Abbott (Cunm), Robert ment supervisé toute la préparation du Detlef Slerck. Collaboration fra n ftitt : chard Romanowsky. Hans Frank, Jullus Cralg (Gregory). Paul Hurat (Orloff), Hlm ? Serge de Poligny. Dialogues : Georges Brandt, Hans Unterklrcher. Philipp von Charles Trowbrldge (Médecin). Byron Sirk est retourné'en Allemagne pour Neveux d'après la pièce de Verhæven Zeska. Eduard Loibner. Wllhalm Hufna- Foulgar (Employé au bureau du jour­ s'y livrer à ce qui fut la passion de et Impekoven. Mui. r Edmond Nlck. gei, Karl Ehmann, Ernst PrOckl, Fritz nal). Charles Wagenhelm (Facteur). sa Jeunesse : le théâtre. Oubliant le Supervision : Raoul Ploquln. Interpré- Helnlsch. Mlhail Xantho. Frank Orth (Propriétaire du café). Ell­ cinéma. Il e M oublié par lui. puis­ titio n : Martha Eggerth, Max Michel. 1931 DREIKLANG. 96 min. Réal. - Hens zabeth Russel (Invitée eu dinar), Ann que le « Film Laxlcon » Italien le fait Colette Darteuil, Pierre Magmer. Ger­ Hinrlch. Prod. : Georfl Wltt Film GmbH. Stanton (Invitée au dîner). Nina Ko- mourir en juin 1692, c'est-è-dire deux maine Laugier, Arvel. Boverlo. Jean Scén. Friedrich Forsier-Burggraf schetz, Jlmmy Conlin, Kete MacKenna. ans avant l'enregistrement de rIn te r­ Coquelln, Jean Toulout. Robert Vattler, d'après une idée de Detlef Sierck. Fred Nurney. Sarah Padden, Sharon Me view que nous publions Ici... Marcel Simon, Félix Oudart. Phot. Werner Krien. Mus. Kurt Manus, Gabriel Lianoff, Mlke Mazurkl. 1936 SCHLUSSAKKORD 101 min. Réel. : Schrflder. Interprétation : LII Dagover, Woody Charles. Rex Evans, Kenneth Detlef Slerck. Prod. : Unlversum Film Paul Hatmann, Roif Mœblus. Heiga Ma- Jones, Anlta Venge, Frances Morris, Aktlengesellschaft. Scén. : Kurt Heu- rold, Walter Werner, Cari Günther. Constance Purdy, Don Brodle, Joyce ser, Detlef Slerck Phot. : Robert Ba- Frane Weber. Werner Pledath, Otto Gates. berske. Mut. : Kurt Schrtider Inter­ Matthles. Maria Seldler. Lilly Schon- « Summer Storm • est une adaptation prétation : Lit Dagover, W illy Biroel. born. Ewald Wenck. Lotte flausch. Ernst de Tchékhov. Le journal de Fédor 1} CARRIERE ALLEMANDE Maris von Tasnady, Maria Koppenhéfer. G. Schlffner. Emma Bergner. Hildegard Petroff (George Sanders) sert de trame 193$ APRIL, APRIL B2 min Réal. Theodor Loos. Peter Bosse, Kurt Melsel. Frànzel. Kunlùert Genslchen, Hans au récit composé d'un long flashback. Detlef Slerk. Prod. : Unlversum Film Albert Llppert. Erlch Ponto. Helfa Graf. Heinz Mûl 1er, Leonle Stadle. L'action se passe en 1912 dens la Aktlengesellschaft. Scén. : H.W. Llt- Paul Otto, Alexander Engal. Eva Tin- . 1939 SEHNSUCHT NACH AFRIKA. 82 Russie pré révolutionna Ire. Le film ra­ schke. Rudo filttir. Phot. Willy schmann, Walter Werner. Cari Auan. mm Réal. : Georg Zoch Prod. . To- conte comment, mariée é Hugo Haas, Wlntersteln. Mui. : Warner Bochmann. Erlch Bartels. Johannes Bergfeld. Ursula bis. Scén. : Georg Zoch. Phot. : G.L. Llnda Darne II séduit Edward Everett Interprétât ion : Cerola Hûhn. Albrecht Delnert. Peter Elsholtz. Robert Forsch. Arko, Bengt Berg Mus. : Vlktor Cor- Hortoh et George Sanders. avant d’être Schœnhals, Charlott Daudert. Wemer Llselotte Kôster. Richard Ludwig. Odet­ zilius interprétation : Bengt Berg et assassinée. Une remarquable reconstitu­ Flnck, Lina Carstens. Erhard Sledel. te Orsy, Hermann Pfelffer. Emsi Sait- sa famille. Kurt Felden, Heinz Jung- tion recrée le climat de la Russie Paul Westermeler. Hilde Schneider. An< 1er. Walter Steinweg. Bruno Ziener. klaus. Detlef Slerck. Hans Schulz, d'alors, celui que l'on trouva chez nemarie Korff. Hubert von Meyerlnck, 1937 LA HABANERA (La Habanera) 98 Karlheinz Horn. Helmut Focke. Bernd Tourgueniev. Des scènes d'amour roman­ Herbert Welssbach, Wilhelm Egger-Sell.. min. Réel. Detlef Slerck. Prod. Russbûlt, Wolfgang Lohmeyer, tiques annoncent les réminiscences de Kurt Felden. Odette Orsy, Josef Reltho- Unlversum Film Aktlengesellschaft. Marylee près de la rivière dans • Writ- fer, Wera Schultz. Dorothée Thiess. Scén. : Gerhard Menzel. Phot. : Franz II) CARRIERE AMERICAINE ten on the Wind •. ou la fuite nocturne 1135 OAS MADCHEN VOM UOORHOF Welhmayr. Uus : Lother Brühne. In­ 1843 HITLER ' S UAOUAN / HITLER'S de Reni dans • Interlude • La prome­ 82 min. Réal. : Detlef Slerck. Prod. terprétation : Zarah Leander, Ferdinand KANGMAN (Inédit en France). 85 min. nade d'Olga dans les bois, sa chevau­ Unlversum Film Aktlengesellschaft. Merlan, Karl Martell, Boris Alakln, Réal. : Douglas Sirk. Prad. : Seymour chée avec Fédor, la scène où Sanders T. « A il thBt Haavin Allowi : Jant W ymin, Rock Hudion.

2. < B ltt l* Hymn ■ : Anna K iih fl, Rock Hudion.

3. « La Hibanira •

joue (tu violon dans un cabarei b! di­ Rogers, halph Cohn, Harold Gréons Ferguson (Logan). Ann Shoemakar (Dr. Avec ■ Myatery Submarine >, commence rige t'orchestra ; autant d'accents typi­ (ass.) pour Mary Pickford (United A r Daniels), Klng Donovan (Joe Wiljon), ia longue collaboration de Sirk h l'Unl- quement germaniques. Intégrés è un Usts/Trlangle). Scén. : St. Clair Me Claire Carleton (Florrle Koblski), Al venal. Film étrange. « La Sous-Marin style de production hollywoodien. Kelway. Léo Rosten d'après l'histoire de Eben (Joe Kobiskl). Mystérieux • est constitué par le récit Léo Rosten. Phot. : Joseph Valentlne • Shockproof -, sur un scénario da Ful­ de Madeleine Srenner (Marte Toren) IMS (Inédit en Déc.‘ : (a.d.). Howard ler, raconte la liaison d'une condamnée accusée de trahison par le gouvernement Francs). '00 mn. M il. : Douglas Sirk. Bristol (s.d.): Mut. : Rudy Schragar ; en liberté surveillée (Patricia Knlght) américain. Comme « Summer Storm •, le Prod. : Arnold Pressburgar, Fred Press- David Chudnow (S). Mont. : Lynn Hen­ et du policier chargé de veiller sur film repose donc sur un flashback, au burgar (ass.) (United Artlsts / Arnold ri son. A il. I: Clarenca Eurist. Prod. elle (Cornai Wilde). Passion folle qui cours duquel officiers nails, agents Prassburgar Prod. Inc.). Scén. : El lis men. : Robert Bâche. Script eup. : pousse le couple é fuir au Mexique. américains, faux espions et vrais sa­ St. Joseph d'après la vis de François Mary Gibsone' Whltlock. Coi. : Sophie, Sans argent, le policier devient un vo­ vants s'affrontant en une sorte de Vidocq. Phot. : Guy Roe. Die. : Gor­ Margaret Jennlngs. Cam. : Edward Coie- leur, mais finalement tout s'arrange, comba( particulièrement obscur. La per­ don Wlles (p.d ). Frank Sylos (a d.), man. Interprétation Claudette Col- l'ancien amant da Patricia Knlght, sonnalité da Von Molter (Robert Dou­ Emile Kurl (s.d ) Mm. : Kanns tlsler, ber t (Allson Court I and), Robert Cum- blessé par Cornet Wilde, retirant sa glas). commandant du sous-marln alle­ David Chudnow (D), Henlz Roemheld mings (Bruce Eli lot), Don Ameche plainte de lul-même. Les scènes de la mand U 64, est particulièrement In­ (C) Lyrici : Paul Webster. Mont. (Richard CourtIand), RIta Johnson (Bar- fuite du couple, sa lutte face i l'in ­ compréhensible et c'est le personnage Al Joseph. A it. : Joe Dapew. Inter­ by). George Coulourls (Charles Vernay). compréhension de ceux qui les entoure, da Marta Toren et l'ambiguïté du sujet prétation Goorgo Sanders (VIûocq). Hazel Brooks (Daphne). Keya Luhe la crainte da la police, autant d'élé­ qui rendant la film attachant, bien plus Signe Hasso (Thérèse). Carole Landls (Jlmmle), Fred Nurney (Haskins), Ralph ments qui rappellent les très belles que la réalisation de Sirk. (Loretta), Akim Tamlroff (Emile), Gêna Morgan (Dr. ! Rlnehart). Queenie Smith scènes da la Tin da « You only llve 1B51 (La Première Lockharl (Hlthet), Jo Ann Marlowo (Mrs. Vernay), Maria San Marco (Jean- once > de Lang. La beauté des détails (Mlmi). Aima Kruger (Marquise). Alan Légion). 66 min. Réal. : Douglas Sirk. nie). Anne Trlola (Servante), Llltan (ainsi le foulard que Wilde offre A Napiar (Houdon), Vladimir Sokoloff Prod. : Douglas Sirk. Rudolph Joseph Bronson (Helen), Raymond Burr (Lieu­ Patricia Knlght...), un climat de pas­ (Onde Hugo). Pedro de Cordoba (Prê­ (United Artlsts). Scén. Francis D. tenant Strake). Lilllan Randolph. sion et da fatalité transcendent è cha­ tre). Leona Maride (Modisia), Frit j Lyon d'après la pièce d» Emmett La- « Sloep my. Love ■, déçoit. Don que Instant un scénario quelconque Bn Lelbar (Peintre). Skeiton Knaggs (Cou­ very. Adaptation : Emmett Lavéry. Ameche veut faire disparaître sa filigrane duqusl on peut distinguer das sin Pierre). Fred Nurney (Cousin Ga­ Phot. Robert de Grasse. Mut. femme Claudette Colbert. Comme II se allusions à la chasse eux sorcières. briel). Glsella Werbiseck (Tanta Ernas- Hens Sommer. Corn. tech. ; Père Tho­ doit, Robert ! Cummlngs empêchera le mas J. Sullivan de l'Unlversité de St- tlne). Marvin Davis (P rit Louis). 184S SLIGHTLY FRENCH (Inédit en forfait de s^accompIlr. L'attention de France). SI min. Réel. : Douglas Sirk. Ignaca de Loyola. Interprétation : Titre de tournage • Thlava s Holl- Sirk sa parte presque exclusivement sur day ». Prod. : Irving Starr (Columbia). Scén. : Charles Bayer (Père Marc Arnoux), le personnage de Claudette Colbert, su­ Karan da Wolf d'après l'histoire da William Demarast (Monseigneur Michael 1947 LUflED (Des Filles disparaissant). jette à d u crises da somnambulisme et Herbert Flelds Phot. : Charles Lawton. Carey), Lyle Bettger (Dr Peter Morell). 102 min Réel. : Douglas Sirk. Prod. : vivant donc une seconde vie parallèle à Déc. Cari Andarson (a.d.), James Barbara Rush (Terry Gllmartin), Léo G. Hunt Stromberg (axac.). James Nasser. la première. . Crowe (s.d.). Mui. : George Dunlng. Carroil (Péra Paul Duquesne), Walter Henry Kesler (ass.) (United Artlsts). 1D4B S J R EN OF ATLANTI3 I ATLANTIS Morris Stolofl (D). Mont. : Al Clark. Hampden (Père Edward Quatermaln). Scén. : Léo Rosten d'après l'histoire THE LOST CONTINENT (L'Atlantide). Lyrlct Ail an Robarts. Lester Lee. Weslay Addy (Père John Fulton), Tay- de Jacques Companaaz. Ernest Neuville 75 min. Réal. : Gregg G. Talias et. Script eup. : Rose Loewlnger. Chor. lor Holmes (Père Kaena), H.B. Warner et Simon Ganlillon. Phot. : William non crédités.1 Arthur Rlpley, Oouglat Robert Sidney Coi. -. Jean Louis. A it. -. (Pèra José Sierra), George Zucco (Père Daniels. Dde. : Nicolal Remlsoff (p.d. Sirk, John Brahm. Prod. Seymour Paul Donnaily. Prod. man. : Jack Fier. Robert Stuert), John McGulra (Père Tom et B.d.). Mu». Michel Michelet. Nebenzal, Roman I. Plnes (ass.) (Sey­ Interprétation : Dorothy Lflmour (Mary Rawlelgh), Clifford Brooka (Frère La la), Mont. : James E. Newcom. John M. mour Nebenzal - United Artlsts). Scén. : O'Laary). Don Amache (John Gayle). Oorothy Adams (Mrs. Dunn), Molty La- Foley. A n . : Clarence Eurist. Dial, Rowland Leigh. Robert Le* d'après le Janls Carter (Loulsa), Wlllard Parker moni (Mrs. Gilmartin). Queenie Smith dlr. Stuart Hall. Interprétât iûn roman de Pierre Benoit. Dial. add. (Doug Kl de). Adele Jergens (Actrice (Henriette), Jacqueline de W ltt (In fir­ George Sanders (Robert Fleming), Lu- Thomas Job. Phot. : Karl Struss. Dèc.: française). Jeanne Manet (Nlcoletia), mière). Bill Edwards (Joe). cllie Bail (Sandra Carpenter), Charles Lionel Banks (p.d.), George Sawley Frank Ferguson, Myron Healey. Léonard • The First Légion • se déroula dans Cobum (Inspecteur Temple), Boris Kar­ (a.d.). Mont. Gregg G. Talias. Mue. : Carey, Earle Hodglna. un collège Jésuite et décrit les cir­ loff (Artiste), Sir Cedrtc Hardwicka Michel Michelet. David Chudnow (S), Un metteur en scène, privé de la constances d'un miracle et les espoirs (Juhan Wilde). Alan Mowbray (Maxwell). Heinz Roemheld (D). An. : M11ton Car­ vedette de son film , tâcha, tel Pyg- d'une Jeune paralysée (Barbara Rush), George Zucco (Officier Barrait). Joseph ter Cam. : Robert Gough. Prod. men : mailon. da faire d'una Inconnue (Do- sûre da sa guérison prochaine, d'un Callela (Dr. Mordyani). Tanls Chendier Walter S. Mayo Jr Sc. mp. : Kay Phi­ rothy Lamour). sa vedetta. Le film com­ nouveau miracle. (Lucy Barnard), Alan Napler (Gordon), lips. Chor. : Lester Homion. Cas. porte. paraît'il, un grand nombre de IflGI THUNDER ON THE HILL (Tempête Robert Coole (Policier). Sam Harris Jean Schlumberger. Eff. ip i. : Rocky numéros muslceux, chorégraphiés par sur la colline). 94 min. Réal. : Dou­ (Vieil homme qui, au concert, deman­ Cllne. Interprétation Maria Montez, Robert Sidney. glas Sirk. Prod. : Mlchael Kralke (Uni­ de un whisky). Dennls O'Kaafa. Jean-Pierre Aumont, 1050 MYSTERY SUBMARINE (Le Sous- versel - International) Scén. : Oscar 46 jours de tournage. Morris Carnovsky. Henry DanielI. Alexis Marin mystérieux). 78 min. Réel. Saul. Andrew Soit d'après la pièce Remake de • Pièges » de Robert Slod- Minotls, John Shelton, Russ Conkiln, • Bon aventure • de Charlotte Hastings. mak (IB30) avec Maurice Chevalier et Douglas Sirk. Saeondo équipe : Frank Alan Nixon. iHerman Boden, Margaret Phot. : William Daniels. Déc. : Ber­ Erlch von Slroheim. Shaw. Prod. : Ralph Diatrich (Unlvar- Martin, Mllada Mladova. sal-lnternatlonal). Scén. : Ralph Die- nard Herzbrun, (a.d.). Des bas fonds parisiens. Sirk passe Durée de tournage : 50 lours Arthur tri ch. George W George d'après l'h is­ Russall A. Gausman. John Austln (s.d.). tout naturellement * ceux de Londres. Ripley commence le film. Il est rem­ toire de George W. George et George Mus. : Hani J. Salter. Mant. ; Ted La capitale britannique est plongés placé par Sirk puis ce dernier l'est J. Kent. A il. : John Sherwood. Col. dans la terreur, è cause d'un tueur F Slavin. Phot. : Clifford Stlne. Déc. : A son tour par John Brahm. Mais au­ Bernard Herzbrun, Robert Boyla (a.d.). 8111 Thomas. Prod. man. : E. Dodds. qui commet forfait sur forfait. Le cun des trois metteurs en scène na Russall A. Gausman. Otto Slagel (s.d.). Intarprétatian : Claudette Colbert (Sœur thème bien connu da ce remake veut porter la responsabilité du film et Mui. Joseph Garshanson. Mont. Mary Bonavanture). (Valerle de • Pièges • da Slodmak, conviant c'est finalement la monteur, Gragg G. Virgil Vogal. Eff. spé. : David S. Hors- Carns), Robert Douglas (Dr. Jaffreys). parfaitement à Sirk qui multiplia Talias, qui signe. lay. Cai. : Bill Thomas. Cons. teeh. Ann Crawford (Isabel Jaffreys). Philip des trouvailles : le criminel envole à Commander B.R. van Busklrk U.S.N. Friend (Sidney Klngham), Gladys Coo- la police des poèmes Inspirés des t94S SHOCKPROOF (Jenny, femme mar­ Au. : Mllton Carter. Charles Bennett. par (Mère supérieure), Mlchael Pâte • Fleurs du Mai - de Baudelaire : Lu- quée). 78 min. Réel. : Douglas Sirk. Interprétation : Mac Donald Carey (Wllile). John,] Abbott (Abel Harmer). cilie Bail permet la capture du tueur Prod. : S. Sylvan Simon. Helen Deutsch. (Bratt Young). Mario Tcren (Medellne Gavln Mulr (Mailing), Connle Gilchrist en s’ engageant dans las brigades fémi­ Earl McEvoy (ass ) (Columbia). Scén. Brenner), Robert Douglas (Comm. von (Sœur JosephIne). Phyills Stanley (In­ nines de la police (i) : tout au long Helen Deutsch, Samuel Fuller. Phot. Molter). Cari Esmond (Heldman). Lud- firmière Phillips), Norma Varden (Pler- de son enquêta (et du film), sort de Charles Lewton. Dèc. : Cari Andarson wlg Doneth (Dr. Adolph Guernltz). Jac­ ce), Valerle Cardaw (infirmière Colby). l'ombre un fascinant monda Interlope : (a.d.), Louis Diage (s.d.). Mus. : Geor­ queline Dalya Hllllard (Caria), Fred Queenie Léonard (Mrs. Smlttison), Pa­ un artiste fou (évidemment Boris Kar­ ge Dunlng. Morris Stoloff (D). Mont. Nurney (Bruno). Katharlna Warren trick O'Moore (Mr. Smithson). loff), des trafiquants de femmes qui Gene Havlick! Au. Earl Bellamy. Script sup. • Rose Loewlnger Prod. (Mrs. Weber), Howard Negley (Capt. « Thunder on the Hlll ■ prend la reli­ ont établi un véritable réseau de traite Elllott), Bruce Morgan (Kramer), Ralph gion pour thème principal. Une inonda­ des blanches (fait clnématographlque- men. : Jack !Fier. Coi. : Jean Louis. Cam. : Vie Schurkh. Interprétation Brooker (Stefan), Paul Hoffman (Hart- tion dans le comté de Norfolk oblige ment rare pour l'époque), etc. Enfin, le les habitants h sa réfugier au couvent tueur amateur de Baudelaire s'appelle Cornai Wilde (Griff Marat), Patricia wlg), Peler Mlchael (Membre da l'équi- Knlght (Jenny Marsh), John Baragrey oege). Lorry Wlnter (Membi a de voisin. Ann Blyth, condamnée è mort Wilde et II est Interprété par Cedrlc (Harry Wesson). Esther Mlndott) (Mrs. l'équipage). Frank Rawls (Membre de pour le meurtre de son frère, se re­ Hardttlcke. Maret). Howard St. John (Sam Brooks), l'équipage), Peter Slmlluk (Membre de trouve donc, elle aussi, dans ledit 1947 SLEEP. MY LOVE (L'Homme aux Russall Coltina (Frederick Bauar), Char­ l'équipage), Lester Sherpa (Cltadel cap- couvant. Saur Marie Bonaventure (Clau­ lunettes d'écaille). 87 min. Réal. les Bâtes (Tommy Marat), Gll Barnett tain). Jimmy Best (Lieutenant de la dette Colbert) s'attacha i Ann Blyth et Douglas Sirk. Prod. : Charles Buddy (Barry). Frank Saquet (Monte). Frank Navy). i déeouvra la vérité at l’ innocence de la 1. Never Say Goodbye : Cornai! Borchiri.

2. Imitation of Ufa Kirin Dickir, Tw ry Bumham, Ltni Tumer.

jeune condamnes. Quelque peu g&né par lyard Brown (ad). Mut. Joseph (Vermillon O'ïoote), Sterling Hayden cret magnifique). I0B mm Real. le script, mixte d’ intrigue policière re­ Gcrshenson. Mont. : Russell Schoen­ (Wlll Hall). Philip Reed (Newton Cole). Dojglos Sirk. Seconde équipe : James ligieuse et de drame métaphysique (po­ garth. Chor. Harold Belfer. Cons. Phyllls Stanley (Mrs. Stoffer), Larry C. Havens. Prod. : Ross Hunier (Uni- sant notamment le problème de la fata­ coul. : William Fritzsche. Cos. : flose- Gates (Ed Daggett). Lea Patrick (Rose), versai - Internatlonal) Scén. Robert lité), Sirk trouve dans ce climat mary Odell. Titre Illustration : John Forrest Lewis (Ed Higglns), Lee Aaker Blets, d'après le roman de Lloyd C. psychologique extrême, au milieu des Held jr. Lyrlct • Five Foot Two, (Corn a y Hall), Ann Tyrell (Louise* Pl- Douglas et le scénario de Sarah Y. éléments déchaînés, le sens exact du Eyes of Blue », • Whan the Red. Red cket). Dorothy Nawman (Fallce PIckelt). Mason et Victor Heerman. Adapt. [ mélodrame, surtout dans I"étonnant per­ Robin comas bob. bob, bobbln' aïong », Robert Andersen (Chuck). Lane Chand- Wells Root. Phot. Russell Metty sonnage d'un simple d'esprit joué par - Glmme a llttle h Isa, wili ya. huh ? • ler (Mlke). Frank Sully (Sammy), The (Technicolor). Coni. couleurs : William Michael Pate. • It Aint Gonna Raln no more », • Tl- Pickett Slstars, Harvey Grant (Petey Fritzscha. Dec. : Bernard Herzbrun, 1851 (Inédit en ger Rag ». Interprétation : Charles Co- Hall). Dusty Henley (Bucket Hall). Ly- Emrlch Nlcholson (ad.). Russell A. France). 80 min. M al. : Douglas Sirk. burn (Samuel Fulton),. Piper Laurie (Mll- ric i : ■ Holy. Holy, Holy ». chanté par Gausman. Ruby R Levltt (s ü ) Mui. Prod. : Albert J. Cohen (Un i versa I- licent Blalsdell). Rock Hudson (Dan un chœur. • Oh You Read-Head *, Frank Sklnner, Joseph Gershenson. Interoatlonal). Scén. : Frank GUI jr., Stebblns), Gigl Perreau (Roberta Blal- (Herbert-Rosen). chanté par Ann Sherl­ Mont. : Milton Carruth. Au. : William Albert J. Cohen. Phot. : William H dell). Frank Ferguson (Edward Norton). dan. Lee Patrick at das glrls ; • Teke Holtand. Gordon McLesn. Cot. : Bill Daniels. Déc. : Bernard Herzbrun, Ro­ Skip Homaler (Cari Pennock). Natal le Ma to Town • (Lee-Shaplro), chanté Thomas. Eff. ipé. : David S. Horsley. bert Boyle (a d ). RusseM A. Gausman. Schafer (Clarlssa Pennock). Paul Harvey par les Pickett Slsters : * The Taie of Interprétation Jana Wyman (Halen Julie Héron (s.d.) Mui. : Frank Skln- (Juge Wllklns). Forrest Lewis (Qulnn), Vermillon O'Tcole * (Herbert) chanté Phillips), Rock Hudson (Bob Merrick). ner. Mont. : Russall Scoengarlh. Aïs. : Lynn Qarl (Harrlet Blalsdell), Larry par Dusty Welker. Agnes Moorehead (Nancy Ashford). Otto Fred Frank. Coi. : Bill Thomas. Eff. Gates (Charles Blalsdell). William Rey­ Titre de tournage : • Flama of Tim- Krugar (Randolph). Barbara Rush ipé. : David S. Horsley. Prod. man. nolds (Howard Blalsdell). James Dean berllna ». (Joyce Phillips), Gregg Palmer (Tom A. Mack d'Agostlno Interpréta tien (L'amateur d'Ice cream). 1953 . 79 min. Réel. : Masterson), Sara Shane (Valérie). Paul Linda Damell (Evelyn Warren), Siephen 1952 ME ET ME AT THE FAIR. 87 min. Douglas Sirk. Prod. Ross Hunter Cavanagh (Docteur Glraud). Judy Nu- McNally (Matt Braddock), Gigl Perreau Réal. : Douglas Sirk. Prod. : Albert (Universel International) Scén. : James gent (Judy), George Lynn (Williams), (Diana Braddock). Virginia Fleld (Kay J. Cohen (Universel - International) Gunn, Robert Blaes, d'après le roman Richard H Cuitlng (Docteur Dodge). Stoddart), Ann Codee (Mario). Lynne . Sein. : Irvlng Wailaca. d'après l'adap­ • Stop Over • de Carol Brlnk adapté Robert B. Williams (Sergent Bumham), Hunier (Mlnnle), Nestor Palva (Manuel). tation par Martin Berkeley de * The par Glna Kaus. Phot. : Cerl Guthrle. W ill White (Sergent Ames). Helen Kleeb 195) WEEK END WITH FATHER (Inédit Grest Comparions • de Gene Markey. Dec. : Bernard Herzbrun, Alexandar Go- (Mrs. Eden). Rudolph Anders (Médecin), en France). B3 min. Rial. : Douglas Dial. dir. : Jack Daniels. Phot. IItien (a.d.). Russell A. Gausman. Ju- Fred Nearney (Médecin), John Myiong Sirk. Prod. : Ted Rlchmond (Universal- Maury Gertsman (Technicolor) Cont. lia Héron (s.d.). Mus. : Joseoh Ger­ (Médecin), Joseph Mell (Pauvre homme Internatlonal) Scén. : Joseph Hoffman. coul. : William Fritzsche Oée. : Ber' shenson. Lyrlct : * AU I Desire»,, de auquel Mernck donne de l'argent). d'après l'histoire de George F Slevln nard Herzbrun, Eric Ortom (a.d.). Rus­ David Lleber Mont. : Mllton Carruth. Remake du film portant le même titre et George W. George. Phot. : Clifford sell A. Gausman. Ruby R Levitt (s d ) Aïs. : Joseph E. Kenny, Ronnta Ron réalisé en 193S par John Stahl, avec Stlne. Die. : Bernard Kerzbrun. Robert Mut. : Joseph Gershenson. Lyrlct dell Prod. man. : Mack D'Agostlno. Irane Dunne, Robert Taylor et Charles Boyle (a.d.). Russel A. Gausman, Ruby • Meet Me at the Fàlr • (Mil ton FI os en. Dial. dir. : Jack Daniels. Coi. : Ro- Butterworth. R. Levltt (s.d.). Mue. : Frank Skln- Frederick Herbert), ■ I Was There ■ semary Odell. Chor. : Kariny Williams. 1954 (Le Signe ner. Mont. : Russell Schoengarth A tl : (F.E. Mlllerk, Benjamin * Scatman * Interprétation Barbara Stanwyck du Palan). 92 min. Réal. : Douglas Fred Frank. Coi. : Bill Thomas. Prod. Crothers). • Remember the Time • (Joe (Naoml Murdoch). Richard Carlson fHen- Sirk. Seconde équipe : James C Ha­ man. : A. Mack d'Agostlno Interpré­ Kenny, Marvin Wright). Saven Stan- rv Murdoch) ' Lyle Bettger (Diitch vens. Prod. : Albert J. Cohen (Unlvar- tation Van Hof lin (Brad Stubbs), darts • Ave Maria • (Frani Schu­ Heineman), Marcia Henderson (Joyce sal-International). Scén. Oscar Brad- Patricia Neal (Jean Bowen). Gigl Per­ bert), * Ezeklel Saw de Wheel ». Murdoch), Maureen O'Sulllvan (Sara ney. Barre Lyndon. Phot. Russell reau (Anna Stubbs), Virginia Fleld ■ Sweet Genevieve • (Geo Cooner, Hen­ Harper). Richard Lonp (Russ Under- Metty (Technicolor et Cinémascope) (Phyllls Reynolds). Richard Dennlng ry Tucker), » Ail God's Chlllun' Got wood), Fred Numey (Peterson). Bllly Corn. coul. : William Fritzsche. Déc. (Don Adams), Jlmmy Hunt (Gary Bo- Wlngs ». • I Got the Shlniest Mouth In Gray (Tad Murdoch], Latte Steln (Lena , Emrlch Nlcholson wen). Janine Perreau (Patty Stubbs), Town * (Stan Fraebarg), < Oh Suzanna • Engstrom}. Dayton Lummis (Colonel Un- (a.d.), Russell A. Gausman, Oliver Tommy Rettlg (David Bowen). Gary Pa- (Steohen Foster). Bill Bailey. Mont. : derwood). Lorl Nelson (Lllv Murdoch), Emert (s d.). Mut. : Frank Sklnner, gett (Eddie Lewis), Frances Williams Russell Schoengarth. A it. : Frad Frank. Lela Bllss (Belle Stalev). Ed Cobb (Dri­ Hans J. Salter, Joseph Gershenson (Cleo). Elvla Allman (Mrs. G.). Phll Bowles. Prod. man. : Arthur Slte- ver). Henry Hoople (client de Dutch (D). Mont. : Mitton Carruth, Al Clark 1952 NO R00M FOR THE GROOM (Iné­ man Coït. ; Rosemery OdelI. Chor. Heineman). Guv Williams (Huissier é A » . : John Sherwood. Marshall Green, dit en France). 82 min. Rial. : Dou­ Kenny Williams. Interprétation : Dan l'Universlté). Charles Hand (Partenaire George Lollier Cos. Bill Thomas. glas Sirk. Prod. : Ted Rlchmond (Unl- Dalley (Doc Tllbee). Diana Lynn (Ze- de Llly au théâtre de l'Unlversité). Chor. : Kenny Williams. Cont. tech. : versal-lnternatlonal). Sein. Joseph relda Wlng), Hugh O'Brian (Ch II ton 1954 TAZA, SON OF COCHISE (Taza, Rodolfo de Villeras (éaultation), Smo- Hoffman d’après l'histoire • My True Corr), Carole Mathews (Clara Brlnk), fils de Cochlse) 79 min. Réal. : Dou­ key Edwards (Pyrotechnie). Dopey Love • de Darwin L. Tellhat. Phot. • Seat Man » Crothers (Enoch Jones), glas Sirk. Prod. : Ross Hunter (Uni­ Dlppleton (mouvements de foule), Al Clifford Stlne. Déc. Bernard Herz- Rhys Williams (Pate McCovl, Russell versel - international) Scén. George Ryatt (Spokesman). Interprétation brun. Richard H. Rledel (a.d.), Rus­ Simpson (Sherlff Evans), Thomas E. Zuckarman. d'après l'histoire de Gé­ Jeff Chandler (Marclanus). Jack Palance sell A. Gausman, Ruby R. Levltt (s d.). Jackson (Blllv Greyl. George Chandler ra Id Drayson Adams. Adapt. : Gerald (Attila). Ludmilla Tcharina (Pulchôrle). Mut. ; Frank Sklnner. Mont. : RusseM (Deputy Sherlff Leach). Dorls Packer Drayson Adams Phot. ; Russell Mettv RIta Gam (Kubra). Jeff Morrow (PaulI- Schoengarih. A it. : Fred Frank. George (Mrs Swailey). ■ Iron Eves » Cody (Technicolor 3D). Coni. coul. : Wll nus). George Oolenz (Theodose), Eduard Lolller. Diaf. dir. : Jack Daniels Prod. (Chlef Raln-ln-the-Face), Robert Shafto liam Fritzsche Dec. : Bernard Herz­ Franz (L1 astrologue), Alllson Hayes man. : Jack Gertsman. Cot. : Bill Tho­ (Primer Mlnlster Dlsra). John Maxwell brun. Emrlch Nlcholson (a.d.). Russell (lldlco), Alexander Scourby (Chrysa- mas. Interprétation r Tony Curtis (Al- (Mr. Spooner). Virginia Brlssac (Mrs. A. Gausman. OMver Emert (sd). Mm.: phlus), Sara Shane (Myra), Pat Hogan veh Morrell}. Piper Laurle (Lee Kings- Spoonerl. George L. Spauldlnq (Gover- Frank Sklnner Mont. : Mllton Carruth. (Sanglban), Howard Patrie (Gundahar), head), Don de Fore (Herman Strouolo), nor), Franklin Farnum (lul-même) Ro- A it. : Tom Shaw Coi. : Jay A. Mor- MIchHel Anjara (Edecon). Léo Gardon Sprlng Bylngton (Mama). Jack Kelly aer Moore (lul-même). Harle Wayne ley Jr. Interprétation Rock Hudson (Brada), Rusty Westcoatr (Tula), Chuck (Wlll Stubblns), Lae Aai

1. Lurad : Georg» 5andtri, Chariot Coburn.

2. M agnifiant O binilen : Rock Hudton, Otto Krugar.

John Sherwood. Cos. Bllt Thomas. Mannlng. John Klorar et Leonerd Lee, Philip Ahn (Vieil homme), Bartlett Ro- Bord an (Claude Mollet), Stephen Eli la Interprétation : Rock Hudson (Mlchael basé sur la pièce * Coma Prima Me- blnson (Général Timbarldge). Simon (Mécanicien). Martin). Barbera Rush (Age Doherty), gllo Dl Prima >. de Lulgl Pirandello. Scott (Lieutenant'Hollls), Teru Shlma- 1958 A TIME TO LOVE AND A TIME Jeff Morrow (John Doherty, allas Capi­ Phot. : Maury Gertsman. (Technicolor). d* (Offtcier coréen), Carleton Young TO DIE (Le Temps d’aimer et le Temps taine Thunderbolt). Kathleen Ryan (La­ Cont. coul. : William Frltzsche. Die. (Commandant Harrtson), Jung'Kyoo Pyo de mourir). 133 min. Réel. : Douglas dy Ann More). Finlay Currle (Mahoney). Alexender Golltzen, Robert Boyle (a d.), (Chu), Art Mlllan (Capitaine Reardon), Sirk. Prod. : Robert Arthur, (Unlversal- Denis O'Dea (Régis), Geoffrey Toone Russell A. Gausman, Julla Héron William Hudson (Lieutenant de la Na- Internatlonal). Scén. : Orln Jannlngs, (Capitaine Hood). Shay 0 Gormen (Tlm (s.d.). Mut., : Frank Sklnner, Joseph vy). Phll Harvey (Pilote), Paul Soren- d'après le roman d'Erlch Maria Remar­ Keenan). Robert Bernai (Ciagett). Nlgel Gsrshenson (S). Mont. : Paul Weether- son (Sentinelle) et 25 enfants de • The que. Phot. : Russell Metty. (Eastman- Fitzgerald (Sir George), Chris Casson wex. Att. ; Frank Show, George Orphans Home of Korea • dans leurs color et Cinémascope). Déc. : Alexan­ (Lord Ciommel), Kenneth Mac Donald lo lller. Cot.' : Bill Thomas. Interpréta­ propres rftles. Le film est présenté par der Golltzen. Alfred Sweenay (a.d ), (Hugh Stewart). James Devlln (Tuer tion : Rock Hudson (Dr Mlchael Par­ le General Earle E. Partrldge, qui Russell A. Gausman (s d.). Mui. : Mi- O’Bnen), Hilton Edwards (Lord Glen), ker). Cornell Borchers (Llsa). George commandait la &• Air Force en Corée. klos Roua. Mont. : Ted J. Kent. A u . : Shella Brennan (Serveuse), Harry Gold- Sanders (Victor), Ray Coll/nj (Dr Bel­ James C. Havens réalise toutes las Joseph E. Kenny, Docteur Mlchael blâtt (Brady). Charles Fltzslmmons lay), David! Janssan (Dave), Shelley séquences aériennes. Broun. Prod. man. : Norman W. De­ (Shanley), Philip O'Flynn (Trlm). Ed­ Fabares (Suzy Parker). Raymond 1967 INTERLUDE (Les Amants de Salz- ming. Henz Gotze (ass.). Coi. : Bill ward Aylward (Patriote). Louise Stud- Greenleaf (Docteur Kally Andrews). bourg). BO min. Réal. : Douglas Sirk. Thomas. Cont. Tech. : Cepltalne Her­ lay (Patriote). Paul Farrall (Oppresseur Frank Wllcox (Docteur Barnee). Robert Prod. : Ross Hunter, (Uni versai-Inter­ man Ulbrlcht. Eff. Spé. Clifford anglais). ■ F. Simon (Médecin). Cesey Adams (Sol national). Scén. : Daniel Fucht. Frank­ Stlne. • Whitey • Me Mahan (S). In­ 1955 ALL THAT HE AVEN ALLOWS août dat). Terry Ann Rossworn (Suzy Parker, lin Coen. Adapt. : Inez Cocke, d’après terprétation : John Gavln (Ernst Grae- ce que le Ciel permet). B9 min. Réal. : bébé}. Eisa |Neft. le scénario de Dwlght Taylor et la ber), Lllo Pulvar (Ellzabeth Krusa), Douglas Sirk Prod. Ross H un ter. Jerry Hopper commença le film , Sirk roman do James Caln. Phot. : W il­ Jock Mahoney (Immerman), Don De Fora (Unlvarsal - International). Scén. : Peg le termine et seul Hopper signe au liam Daniels (Technicolor et Cinéma­ (Boattcher). Keenan Wynn (Rauter), Fenwlck. d'après l'histoire d’ Edna Lee générique. scope). Com. coul. : William Fritz- Erlch Maria Remarque (Professeur et Harry Lee. Phot. : RusselI Metty, 1956 WRITTEN ON THE. WIND (Ecrit sche. Déc. : Alexander Golltzen. Robert Pohlman), Dtater Borache (Capitaine (Technicolor). Coni. coul. William sur du vent). 96 min. Réal. -, Douglas E. Smith (a d.). Mut. : Frank Skln- Rahe), Barbara Ruttlng (femme franc- Frlusche. Die. : Alexender Golltzen, Sirk. Prod. : Albert Zugsmlth. (Univer­ ner, Ludwig van Beethoven, W.A. Mo­ tireur), Thayar David (Oscar Blnding). Eric Orbom (a.d.). RusselI A. Gaus- sel- International). Seén. : George Zu- zart, Richard Wagner, Johannes Brahms. Charles Regnler (Josef), Dorothee Wlack man. Julla Héron (s.d.). Mui. : Frank ckerman, d'après le roman de Robert Franz Llsrt. Robert Schumann, Joseph (Frau Lleser). Kurt Meisel (Halnl), Skinner. Joseph Gershenson (D) Mont. : Wilder. Phot. : Russell Metty, (Tech­ Gershenson (S). Lyr, : ■ Interlude *. de Agnes Wlndeck (Frau Wltte), Clancy Frank Gms. Fred Baratta. A u . : Jo­ nicolor). Coni. coul. : William Frltï- Paul - Francis Webster (L) et Frank Coopar (Sauer), John Van Dreelen seph Kenny. George Lolller. Prod. sche. Déc. : Alexander Golltzen. Robert Sklnnar (M), Interprété par les Me (Agent du gouvernement). Klaus Klnskl Man, : Sergei Petschnikoff. Dial. Dlr. : Clatworthy (a.d.). Russell A. Gausman, Gulre Sut on. Mont. Russell F. (Lieutenant de la Gestapo), Alice Treff Jack Daniels. Coi. : Bill Thomas In­ Julla Héron | (s.d.) Mut. : Frank Skln- Schoengarth. A n . Marshall Green. (Frau Langer), Alexander Engal (Mad air terprétation : Jane Wymen (Cary Scott), nar. Joseph Gershenson (S). Lyrlc : Prod. man. : Norman Deming Cot. raldwarden). Dana J. Hutton (Hlrsch- Rock Hudson (Ron Klrby). Agnes Moo- • Wrltten on tha Wlnd > de Victor Jay A. Morley, Jr. Cont. Tech. : Wol- land), . Bengt Llndstrom (Stelnbrenner). rehead (Sara Warren), Conrad Nagal Young (L) at Sammy Cahn (M), Interpré­ fang Edward Rabner. Interprétation Wolf Harnlsch (Sargent Muecke). Llsa (Harvey), Virginia Grey (Allda Ander- té par The Four Aces. Mont. : Russell June Allyson (Helen Bannlng). Rossano Helwlg (Frau Klelnert), Karl Ludwig son), Gloria Taibot (Kay Scott). William F. Schoenqarth. A n . : William Holland. Qraizl (Tonl Fischer). Marianne Cook Llndt (Docteur Karl Fraienburg), Chris- Reynolds (Ned Scott). Jacqueline de Cos. : Bill i Thomas. Eff. Spé. : Clif­ (Renl Fischer). Françoise Rosay (Com­ tlane Mayüach (Fille de Joie), Sandy Wltt (Mone Plash). Charles Drake (Mlck ford Stlne. Interprétation : Rock Hud­ tesse Relnhart), Kelth Andes (Docteur H. Roth (Officier SS). Anderson). Lefgh Snowden (Jo Ann). son (Mltch Wayne), Lauran Bacall Morley Dwyer), Frances Bergen (Ger- Paul Newman qui devait Jouer le rfile Merry Anders (Mary Ann). Donald Cur-' (Lucy Hadley). Robert Stack fKyle trude), Llsa Helwlg (Intendante). Ker- de Ernst Graetier refusa au dernier tls (Howard Hoffer). Alex Gerry (Geor­ Hadley). Dorothv Malona (Marylee Had- man Schwedt (Henlg). Anthony Tripoli moment et l'Unlversal engagea alors ge Warren). Nestor Pal va (Manuel), teyl. Robert Kefth (Jesner Hadley), (Docteur Smith). John Steln (Docteur John Gavln qu'elle avait sous controt. Hayden Roarka (Docteur Hennossy), firent Williams (Bltf MHevl Harry Steln). Jane Wyatt (Prue Stubblns). 1056 IMITATION OF LIFE (Mirage de Forrast Lewis. Toi Avery. G la Scaïa. Shennon (Hoak Wayna), Robert J. Gerd Kllnkhardt (Domestique da la la vie). 124 min. Réal. : Douglas Sirk. Joseph Mell. (Mr. Gow, le boucher). Wllka (Dan Wlllls), Edward C. Platt Comtesse), Rudolph Anders (Hans). Prod. : Ross Hunter (Universai-Inter­ 10SB THERE'S ALWAYS TOMORROW. 84 (Docteur Cochran). John Larth (Roy Le film comporte les œuvres suivantes : national). Scén. Eleanore Griffin, min Réal. : Douglas Sirk. Prod. r.arterl Joseph Cranby (R J. Courtnay). la symphonie • Jupiter •, la Llnzer Allen Scott, d'après le roman do Fan­ Ross Hunter. (Umversal-lntarnatlonal). Rov Glenn (Sam), Mairie Norman (Ber- Symphonie, la Bléser Serenada, de nie Hurst. Phot. : Russoll Metty. (East- Scén. : Bernard C. Schoenfeld, d'après thaï. William Schallert (Reporter). Mozart ; I’ * Erotca >, de Beethoven ; mancolor). Déc. : Alexander Golltzen, l'histoire de Ursula Parrott. Phot. : Joanna Jordan (Brunette), Danl Cravne la Première ouverture, ds Brahms : la Richard H. Rledal (a.d.). Russell A. Russell Metty. Déc. : Ale.xander Gollt­ fBlondel Dorothv Porter (Secrétaire). Ouatrléme Svmphonle de Schumann et Gausman. Julla Héron (s.d ). Mus. zen, Eric Orbom (a d ), Russell A. Pour son Interprétation dans le film, l'ouverture de Tennhauser de Wagner. Frank Sklnner.Lyrlct -. Sammy Faln et Geusman. Julla Héron (s.d). Mut. Dorolhy Mal on» obtient l'Arademy Sont aussi Interprétés, au piano : la Paul Francis Webster. Arnold Hughes Herman Steln, Hein Roemheld, Joseph Award de second plan (Interprétation Sonate au Clair de Lune, de Beethoven ; et Frédéric Herbert. Mont. MMton Gsrshenson (S). Mont. : William Mor­ féminine), j le Consolation no 3 de Liszt et la Carruth. A tt. : Frank Shaw, Wllson gan. A n . : Joe Kenny. Gordon McLean 1857 BATTLE HYMN (Les Ailes de l'Es- second mouvement de la première sym­ Shyer. Cot. : Bill Thomas, Jean Louis Prod. Men. : Foster Thompson Dial. pèrance). 10S min. Réel. Douglas phonie de Brahms. (pour Lana Turnar). Eff. Spé. : Clif­ Dlr. : Jack Deniels. Co». : Jay Mor- Sirk Seconde équipe James C. 18S7 THE TARNtSKED ANGELS (La ford Stlne. Interprétation : Lana Tur- ley. Jr. Interprétation : Barbara Sien- Havans. Prod. : Ross Hunter (Unlversel- Ronde da l'Aube). 91 min. Réal. ner (Lora Meredllh). John Gavln (Ste­ wyck (Norma Miller), Frîd Mac Mur- Internatlonel}. Scén. : Charles Gray- Douglas Sirk. Prod. ; Albert Zugsmlth ve Archer). Sendra Dee (Susle Mere- ray (Clifford Groves). Joan Bennatt son, Vincent B. Evans, d'après l'his­ (Universal-lnternetlonal). Scén. : Geor­ dlth è 16 ans), Susan Kohner (Sarah (Marion Groves). Pat Crowley (Ann), toire vécue | du Colonel Dean Hess. ge Zuckerman. d’après la roman Jane Johnson b 18 ans). Dan O'Her- Jane Darweli (Mrs Rogere), William Fhot. : Russell Metty. (Technicolor et < Pylon • da William Faulkner. Phot. llhy (David Edwards), Robert Aida Reynolds (Vincent Groves), Glql Perreau Cinémascope). Com. coul. William Irvlng Glassberg (Cinémascope). Déc. (Allen Loomla), Juanlta Moore (Annie) (Ellen Groves), Race Gentry (Bob), Myr- Fritzsche. Déc. : Alexander Golltzen. Alexander Golltzen, Alfred Sweeney Johnson), Mahalla Jackson (Elle-même), na Hensen (Ruth), Judy Nugent (Fran- Emrlch Nlcholson (a.d). Russell A. (a.d.). Russell A. Gausman. Oliver Karen Dlcker (Sarah Jane Johnson è We), Paul Smith (Beilboy), Helan Geusman. Oliver Emart (s.d.). Mue. Emeri (a.d.). Mut. , B ans). Terry Bumham (Susle Mare- Kleeb (Mrs Waiker), Jane Howard (Flo- Frank Sklnner. Joseph Gershenson (S). Joseph Gershenson (S). Mont. : Rus­ dlth è 6 ans). John Vlvyan (Jeune wer Glrl), Frances Mercer (Ruth Do- Mont. : Russell F. Schoengarth. A it. sell F. Schoengarth. Aet. : David Sll- homme). Lee Goodman (Photographe). ran), Shella Bromley (Femme de Pa- Marshall Green, Terry Nelson. Prod. ver. Cos. : Bill Thomas. Eff. Spé. Ann Roblnson (Show Glrl), Troy Do­ sadena). Dorothy Bruce (Sales Manaoer). Man. : Norman Deming. Cot. : Bill Clifford Stlne. Interprétation Rock nahue (Frankia), Sandre Gould (Récep­ Fred Nurney (Touriste). Hal Smith (Bar- Thomas. Cont. teeh. : Colonel Dean Hudson (Burke Devlln), Robert Stack tionniste). David Tomack (Early Man). tender), Ross Hunter. Hess. Eff. toé. : Clifford Stlna. Inter­ (Roger Shumenn). Dorothy Malone (La- Joël Fluallen (Pasteur). Jack Weston Remake du film du même nom réalisé prétation : Rock Hudson (Colonel Dean verne Shumann), Jack Canon (Jlpqs^ (régisseur). Bllly House (Homme obè­ en 1934 par Edward Sloman. avec Hess), Anna Kaahfi (En Soon Yanq). Robert Mlddleton (Matt Ord), Alan Reed se), Malda Severn (Professeur). Than Frank Morgan. Binnle Bernas, Lots Dan Duryea < (Sergent Herman). Don De (Colonel Flneman), Alexander Lockwood Wyenn (Romano), Pag Shlrley (Fay). Wllson Fore (Capitaine Skldmore), Martha Hyer (Sam Haqood), Chris Olsen (Jack Shu­ Bess Flowers (Broadway Star). Richard 1858 NEVER SAY GOODBYE (Ne dites (Mary Hess), Jock Mahoney (Comman­ mann), Robert J. 'W llka (Hank). Troy Collier, et la voix da Earl Grant Jamais adieu). 96 min. Réal. : Jerry dant Moore). Alan Haie (Sergent du Donahue (Frank Bumham), William Remake du film de John M. Stahl Hopper (et Douglas Sirk). Prod. : Al­ Mass), James Edwards (Lieutenant Ma- Schallert (Ted Baker), Batty Utay (Dan­ • Imitation of Life • (1934), avec bert J. Cohen. Scén. : Charles Hoff- ples), Cari I Banton Reld (Oeacon Ed­ seuse). Phll Harvey (Telegraph editor), Claudette Cofbert, Warren William. man, d'après le scénario de Bruce wards), Richard Loo (General Kim) , Steve Drexel (Jeune homme), Eugane Patrick BRION et Dominique RABOURDIN. JACQUES DEMY PENDANT LE TOURNAGE DES • DEMOISELLES DE ROCHEFOAT .. Jacques Demy ou les' racines du rêve i \ par Michel Delahaye

L’œuvre de Jacques Demy, un beau ! mais telle qu’on la vit et la manie au la distraction, la malice), sources d'in­ jour, fut là, avec l'évidence du « c'est j cœur de certaines provinces, c’est-à- nombrables captations, dédoublements, comme ça », monde fini, tout fait, tout dire avec plus d'imagination, de vigueur réductions, dérivations... Claire est dis­ parfait. Monde qui ne se pose pas de et de spontanéité qu'on ne fait dans traite. Roland est énervé (« Lola ») : question, pas plus qu’il ne semble en le plat pays parisien. « Oui, une serviette... pas une serviette poser, Monde qui semble en deçà ou Ce parler, que l’enfant Demy a vécu, de table, une serviette en cuir... ». Si au delà de tous problèmes, comme il i assimilé (qu'il a « photographié », pour maintenant Claire met sur le même se trouve en deçà et au delà des cou­ | reprendre le mot par lequel Polanski plan deux expressions dont l'éloigne- rants du temps — qu'il ne cesse de définissait l'opération langage chez ment, dans le discours de Roland, traverser. Monde qui, de même, ne Skolimowski), il nous le rend tel quel, garantissait la différence de niveau, cesse de traverser la réalité en deçà avec ses tours, tics et tropes ; avec sa cela donne: « Monsieur Roland a trouvé et au delà de laquelle il se situe. Et ; vivacité, avec ses richesses et ses l'emour à sa porte ». -Même opération il la rend de si extraordinaire façon, i hardiesses, et, créateur, il en prolonge chez la même Claire (par égalisation cette réalité, que c’est bien de là qu'il la création pour en faire la matière du figuré et du concret) : « On lui faut partir, si l’on veut faire le tour d’un style propre. offre un pont d’or entre Amsterdam et du cinéma-Demy. Vivacité délocution, d'association Johannesburg ». Dans « Lola » (comme plus tard dans , mots, idées, ont chez Demy un rythme,1 Si maintenant nous nous livrons nous- « Les Parapluies » et « Les Demoisel­ , une respiration très particuliers. Chez mêmes à l’une de ces opérations que les »), on sentait présents, comme i lui, comme dans la vie, on saute de pratique couramment Claire (isoler une jamai9 dans notre cinéma, une ville | mots en idées (sans savoir toujours le expression de son contexte), nous vraie, avec des gens vrais, et parlant secret de certaines associations), et transformons certaines petites phrases leur vraie langue. Tout un monde, dans quitte à les faire se collisionner un (dans le film parfaitement limpides, en­ son étendue et son épaisseur. Et l’on peu. Car on va vite (« Je suis en re- core que déjà bizarres du fait de la nous disait les courants secrets — i tard I » - « Lola »), la vie va vite rapidité de pensée que les mots, à jonctions, biffures, chevauchements — l(« Les journées passent c’est fou on coups d'ellipses, tâchent à suivre) en qui animent ce monde, sur les lignes vieillit »), on n'a pas de temps à perdre mystérieux petits poèmes, du type : alliées du temps et dç l'espace. Or, (■ Je suis seulement là depuis trois « Tous les abstraits sont à la caser­ s'il y a une logique des hasards, reste jours quelle heure est-il « ?). Résultat : ne • (Rochefort) ou : « Le ciel a coulé à savoir si elle leur est interne — et jamais, chez lui (pas plus que dans la sur la mer » (Nantes). Dans les deux tout peut s'expliquer — , ou externe, vie), de ces pauses à fonction d'écluse cas, curieusement, il s'agit de peinture. et rien ne peut s’expliquer que par i où la péniche du sens fait un stage, S'il arrive, comme on T'a vu, que la l’œuvre de quelque Dieu ou Destin. avant de gagner le niveau second d'où vie nous conduise au jeu de mots, il Dans chacun des deux cas, n'importe elle repartira. D’où ces éjaculations peut se faire, inversement, que le jeu qui, avec un minimum de mauvaise foi, ramassées du type : - ... Et vous trou­ de mots vous soit donné tout fait dans pourra vous démontrer brillamment que vez ça honnête où est ma boîte ? ». Il la vie (cas fréquent des noms propres). tout se passe bien « comme si... ». jy a surcompression du langage, Juxta­ Voici (le jeu de mots se faisant moteur Alors ? Où est la vérité ? comme on dit position, sur le môme plan, d’expres­ du film) le Monsieur Dame de « Roche- à la fin des « Girls ». Sans doute dans sions hétérogènes. fort • — à répétition, lui aussi. Et ledit la somme des deux possibilités, ce qui A la limite, on a le coq-à-l’âne, tour à nom évoque infailliblement une éven­ revient à la définir comme indéfinissa­ Demy familier, et dont il ne se privera tuelle madame Dame — éventualité que ble. Ae mystère de * Lola » se confond ^pas de jouer, sans que ce jeu cesse l'intéressée a d'ailleurs pris le parti de ave(?Ne mystère même de la vie. Mais Ipour autant de renvoyer à une réalité fuir au Mexique. Remarquons qu’avec la complexité rebute. On n'a de cesse où, de fait, on le pratique, exprès ou ce jeu d'allitérations syllabiques, Demy de réduire Demy à l’une seulement de pas. Exprès : quand on a du temps. approche une autre limite du langage : ses dimensions. On se paye ce luxe : une pause de celle même que la poésie populaire a En fait, à partir d’un seul constituant, poésie. Et pour peu qu'on soit facé­ constituée en Poétique dans les comp­ les dimensions déjà sont multiples. tieux, ce sera I' « astuce » caractérisée tines et autres enfantines. Prenons le langage, bon révélateur. Du (le figuré au pied de la lettre : « Vous Mais le jeu de mots avait déjà permis Nantes de « Lola » à Cherbourg et à vous voyez sans tête pour peindre des à Demy de fonder tout un film : le Rochefort, qu’il soit parlé, versifié, ou marines ? » - « Lola ») ou le calem­ sketch : « La Luxure ». Une sonorité chanté, c'est toujours le même langage, bour : le « Perm' à Nantes » de Roche- et une connotation communes à « luxe » ou le même réalisme sécrète la même fort assorti du ressassement de rigueur. et à « luxure » : c’est la captation poésie. Plaisanteries qui. toutes deux, relèvent d'héritage sémantique, les auréoles de La langue Demy est le parler ordinaire. elles aussi de la « mise sur le même mini-significations douteuses, à l’inter­ La langue vulgaire, au sens où on plan ». section desquelles éclate la Poétique l’entendait autrefois (et. j'y songe, un il faut ajouter à cela, entre les deux des sens déviés. Mystère, magie des peu au sens où l’entendaient ces cuis­ extrêmes de l'inattention et de la sub­ sonorités signifiantes telles que les dé­ tres bien en cour qui la soumirent, il y version délibérée, toute une gamme de couvrent et les subvertissent les en­ a trois-quatre siècles, à l'épuration que petites inconséquences linguistiques fants. Jeux de mot, jeux d’idées. Nous l’on sait), la langue française, donc, (où entrent, à parts diverses, le hasard, ne sommes plus très loin, ici, du Michel

31 Leiris de « Blffures », ethnologue du leversé le cours, bien monotone j ’en personnage a sa « voix » propre, qui réel et du surréel. conviens, de mon existence... » (Ro­ correspond à sa réalité et à sa magie Dé toute façon, nous en revenons tou­ land). Récit qu’à Cherbourg il poursui­ propre. Chaque lieu, de même, a sa jours à cela : le besoin, ou le plaisir vra ainsi : « Autrefois, j’ai aimé une « voix ». Car on ne s’exprime pas chez (ou les deux) de manier rapidement la femme... ». soi, par exemple, comme on fait dans langue. Dans tous les cas la rapidité Autre forme d’amplification (mettant en la rue. Ni surtout comme on fait au des mots va de pair avec la rapidité œuvre les mêmes mécanismes qui café ou au magasin, lieux qui ont une de la pensée. Rapidité = efficacité = donnaient lieu aux inconséquences de vocation particulière, et qui sont parti­ alacrité, alias euphorie. tout à l’heure) : celle à quoi se livre culièrement importants chez Demy. Or, le plaisir qu'on éprouve à raffiner la mère de Cécile qui, à partir de Ce sont par excellence lieux d'échanges sur le maniement de la langue (et une quelques mots lâchés par sa fille, et — de nouvelles et d'impressions, com- certaine tentation du raffinement est après s’être abusivement livrée aux rtie de biens de consommation. On peut toujours au cœur des parlers populai­ opérations de juxtaposition, condensa­ y échanger de ces mots légers . et res), vous conduit tout droit, non seu­ tion, concrétisation, pluralisation et gé­ passe-partout (du type « Le temps est lement à cette forme de distance que néralisation, se voit en mesure d’énon­ au beau ») qui incarnent à l’état pur sont les jeux de langage, mais à cette cer : « Ma fille fait la fête avec des la lourde fonction de la communication. autre : la distance que, porté par le Américains ». La phrase, dans le On y échange aussi parfois de ces langage, on prend vis-à-vis de soi contexte de la scène, n'est pas dange­ banalités très profondes dont la signi­ (comme on fait souvent chez Demy, reuse. Il n’empêche : c’est exactement fication est d'une importance telle qu'on Roland Cassard en tête) l'humour. là le processus qui mène à la dispute peut bien se passer d’y insister : les ■ L’humour, cette tendre faculté de familiale ou, pour passer à l'échelle « Il ne faut pas se laisser abattre » sourire de soi-même, qui trouble tant ■ internationale, qui donne naissance aux et - les jours passent, on ne s'en rend de consciences cartésiennes * dit (à • bobards des temps de guerre. pas compte, on vieillit ». C'est bête, propos de « Lola ») Morvan Lebesque," . Ce couple mère-fille (noyau moteur de mais c'est vrai. C'est surtout utile. lequel introduit une autre nuance pré­ trois Demy sur quatre) nous permet Sans rites d'échanges, que devien- cieuse, avec ce « cartésien ■ par quoi maintenant de saisir d’autres aspects drions-nous ? Dans la vie, comme chez jl définit négativement Demy. du langage Demy, de son réalisme et Demy, on ne parle jamais pour ne rien Pour en revenir au besoin, et à l'effi­ de sa poétique. La mère ne s'exprime être. cacité : voyons cet étrange « Il fait pas de la même manière, suivant qu'elle Aux cafés de Demy, on trouve toujours, son militariat » de « Rochefort ». Il s’adresse à ce qui est encore une fil­ outre le client de passage, l’habitué y a dans ce « militariat » (nouvelle lette ou déjà une jeune fille (« Lola »), (Roland, à Nantes ; le vieux monsieur, preuve de l’alliance du poétique et du ou s'adresse (- Parapluies ») à ce qui à Rochefort) et l'incrusté : mère peintre pratique) un souci de rendement, bien est encore une jeune fille ou déjà une de Nantes, bricoleur de Rochefort. L’in­ plus que de raffinement. Cela même femme. crusté est un artiste. Et l'artiste, chez qui fait dire à telle vieille paysanne Avec la fillette de « Lola », nous avons Demy, c’est cela un sympathique illettrée du Pays Nantais : - J’ai trait (suivant qu'elle s'adresse à sa mère, à déphasé rêveur, un raté qui travaille nuitamment mes vaches ». Dans l’un et Roland ou au marin) la gamme extra­ aux anges. Or, si nous pensons qu'au l'autre cas, nous voyons au travail le ordinaire de toutes les nuances possi­ cinéma la majorité des gens font métier, même rêve d’une souplesse et d’une bles de naïveté, de maladresse, de généralement profitable, d'activités tou­ concision perdues de la langue, qu’il rouerie et de préciosité qui caractéri­ tes auréolées des prestiges de l'art faut retrouver, le même souci de faire sent l’expression des êtres (petites filles (on est toujours, dans les films, peintre, sauter (ici par l’adverbe, là par le subs­ en particulier) qui sont entre deux écrivain, éditeur, script, décorateur, tantif) quelques-unes des charnières de formes. Avec aussi ce côté - préten­ coureur, architecte, mannequin, modèle, cette langue à charnières qu’est devenu tieux » qui caractérise le langage et les modéliste, maquettiste, designer ou le français. gestes (la première cigarette) des êtres cascadeur), nous vérifions, une fols de Le raffinement, maintenant, ce peut être, qui prétendent à une classe (ici classe plus, que Demy est un des rares réa­ dans certaines situations, le ton conve­ d’âge, mais ce peut être classe sociale) listes de son temps. Chez lui, au nu pour la distance convenable (qu'il dont ils ne font pas ou pas encore moins, l'artiste n'est que ce qu'il est faut d’abord respecter si l'on veut pou­ partie. Mais parfois surgit chez la fil­ presque toujours dans la vie un voir établir la communication qui la lette un mot qui réalise un accord paumé, poussé par quelque rêve obscur réduira). Le ton que prend Roland parfait entre naïveté et raffinement : de compensation. quand il aborde pour la première fois * J’ai comme une grande peine de vous Il est par contre une autre sorte d’ar­ la mère de Cécile, dans la librairie. quitter », dit-elle au marin qui va partir. tiste que le cinéma généralement oublie, Le ton qu’il garde pour s’adresser à C'est la réapparition spontanée de ce mais pas Demy, bien sûr. Ceux qui, Cécile (avec ce « Mademoiselle » qui * recul de majesté » que vous impose n'ayant pu se réaliser, se sont résignés prend ici une pointe d'étrangeté de l'éloignement dans le temps. Non, cette sans se résigner : qui ont transféré s’adresser à ce qui est encore une fois, le temps passé (dimension qu’elle le point d'application de leur art et, fillette), quand il lui parle de cette ignore encore), mais le. temps qui va faute d'y être créateur, s’en sont faits amie d'enfance à qui elle lui fait penser. passer — et lui faire bientôt cadeau les vendeurs. Voici (libraire, luthier), le Mais on sent poindre là une autre de ce « péché de la mémoire » dont marchand connaisseur, amateur, amou­ forme de distance : celle qu'il convient elle est encore innocente. reux de sa marchandise. Avec et à côté de prendre pour évoquer le passé. Un Entre la mère et la fille de Cherbourg : d’eux, la marchande de parapluies pas de plus, et nous avons le ton du autre et même forme de rapports. Le (Cherbourg), mais surtout (Nantes, Ro­ récit : ce - recul de majesté » (comme ton couveur de la mère à l’enfant. Le chefort) la cafetière qui trône au lieu on dit « pluriel de politesse •) que cri de toute mère devant l'énormité des (également refuge contre la pluie et la prend celui qui se penche sur son bêtises de l’enfant. Qui désormais n'est solitude) où se débitent les boissons passé, recul par lequel il va radicaliser plus une enfant : d'où le ton familier (monnaies d’échange des politesses), l'éloignement de la chose racontée, lui qu’on prend, de femme à femme, pour sont des personnages qui participent à conférer le prestige de l'aventure, en échanger des histoires de femmes — la création continue de ce qui constitue même temps que (de par l’élévation dont ces histoires de grossesse qu’on l’art de vivre. soudaine du ton), il attire l’attention de se raconte depuis tout temps de mère Ces personnages, comme tous les l'auditeur sur l'importance de ce qui va à mère ou de mère à fille, du type : Demy, on les sent d'emblée riches de lui être dit. C ’est la Parole du Conteur : * La veille de ta naissance, je montais toute une arrière-vie, illuminés de quel­ « Certains événements, que vous me encore à l’échelle 1 ». que lointaine aventure, amoureuse ou permettrez de garder secrets, ont bou­ Là, comme toujours chez Demy, chaque voyageuse. Un libraire de Nantes peut

32 Alan Scott et Anouk Aimée dans « Lola ».

bien être revenu d'un fabuleux tour du Orlan) autour de quelques lieux et monde ; un luthier de Rochefort, d'un personnages privilégiés : les bateaux, grand amour de jeunesse, et une café- matelots, filles et boîtes à filles, ports. tière de Rochefort peut bien à elle toute Le port : lieu d’évasion, d'escale, d'an­ seule être revenue des deux. crage, d’échouage ou d’enlisement. Lieu Le luthier, en outre, revenu de ses am­ où faire la rencontre du plus provisoire bitions, vit désormais la gloire par pro­ ou du plus irrémédiable des destins. curation, en suivant de loin la carrière Voie royale ou cul-de-sac. de son ami de conservatoire, devenu De l’autre côté de la guerre, voici cette artiste célèbre. Mais l'artiste est triste, mythologie qui réapparaît. Juste assez quand il dit à son ami retrouvé l'état près, juste assez loin pour bénéficier où l'a mis la gloire. Fatigue, solitude, à la fois des vigueurs de la présence mur des flatteurs ou des solliciteurs : et des prestiges de l'absence. Elle il se sent coupé du monde qui fut réapparaît, mais ce monde est déjà sien. Coupé, peut-être, de ses racines. cassé. Hasards, rencontres, destins, Comme le serait Demy lui-même, si formes irrationnelles de l'aventure, on son art ne représentait le prolongement, n'y veut plus croire. A peine traverséo l'efflorescence naturelle des racines la pagaie sans grandeur de l'immédiat que dès son enfance il poussa. après-guerre, le monde nouveau, hanté Car Demy est resté étranger aux arti­ de rigueurs, multiplie les barrières. Et fices de Paris, pays fictif, étranger au certain petit fait a contribué à vider le mépris qu'a Paris pour le pays réel port (et ses ruelles) de leur pouvoir (baptisé la Province — lieu où l’on de fascination : la Loi Marthe Richard. « s'enterre » et où l’on - s’étiole »), La disparition des « Maisons • (qui ■ étranger è toute cette mythologie à avaient aussi leur prestige collégien) laquelle un Balzac (mal compris — ou fera longtemps jaser, dans les cours trop bien —, je ne sais) a largement de récré. à l’âge où l’on rêve de fré­ contribué. Demy, lui, que son goût du quenter des dames louches. Catherine mystère pousse à revenir aux endroits De l’autre côté de la guerre, ce monde Deneuve et Nlno où il sait trouver de plus précieuses tente de se prolonger. Le cinéma res­ Castelnuovo fermentations, est aujourd'hui le seul sort en stocks des rêves quatre ans dans « Les Parapluies de provincial du cinéma français — sans interdits et dont on ne réalise pas Cherbourg ». compter Moullet, évidemment, mais encore que le temps les a lassés avec lui nous tombons dans une tout (■ Quai des brumes » — Carné-Prévert autre histoire. 1938 — ressurgit, auréolé du prestige Aller à Paris ? se demandait déjà un de quatre ans de proscription), tandis instituteur de Louisfert près Château- que le cinéma du jour, quand il se briant, qui, né en Brière, à Ste-Relne- remet en route, tente de reprendre le de-Bretagne, se vit récemment consa­ fil des vieux mythes : « Macadam • crer, après avoir été édité à Nantes, (1946). « Dédée d’Anvers » (1947), un numéro des - Cahiers de l'Herne » : « Au delà des grilles • (1948). - La René-Guy Cadou. Et voilà qui nous Marie du Port » (Carné tout seul — permet d'introduire le pays (Nantais) 1949), quitte, parfois, à tenter d'intégrer et le décor (port), qui marquèrent aux troubles du temps le fantôme de Demy, facteurs importants pour qui son destin d’antan : « Les Portes de veut le dessiner.-Il faut savoir la terre la nuit » (1946 — dédié à Gabin- où se nourrirent les racines qui distil­ Marlène, et dernier sursaut du tandem lèrent la sève. Morvan Lebesque ne Carné-Prévert), « Les Amants de Vé­ s'y était pas trompé, qui, dès - Lola ». rone • (1948), « Manon » (1948). voyait chez Demy ■ ... aussi et surtout Il y eut aussi l’irruption du cinéma le goût de brasser des destins, de les américain : l’avant, le pendant, et emmêler et de les identifier, à quoi on l'après-guerre d’un coup. On remonte reconnaît un conteur celte ». parfois jusqu’aux thirties. C'est d'une Non moins que le lieu, le temps est autre classe (mais là non plus, au re­ important. Jacques Demy naquit en gard du mythe comme aux yeux du 1931, au milieu de l'année. C ’est donc souvenir, les classes n’ont que faire), entre 41 et 51 qu'il va faire son plein quoique, là aussi, le rêve d’Aventure de lectures et de visions — si tant se soit quelque peu dégradé, qui finit est que de 10 à 20 ans on avale tout aux îles de Dorothy Lamour. Mais la sans discernement, à cet âge où tout vigueur des originaux continue de sur­ sert, qui vous permet de faire fonc­ plomber de haut (tôt réapparus, tôt tionner l'imagination et de forger le redisparus, mais dont on suivra la pen­ discernement futur. sée jusqu’au moment de leur redécou­ Or, ce qu'on avale ainsi en premier verte ultérieure) - Une fille dans (pour ceux du moins qui savent s'im­ chaque port • (1928). matrice toujours prégner de ce qui flotte dans l'air des prégnante, les Tay Garnett (« Son temps), c'est la » mythologie » de la Homme ». 1930, « Le Voyage sans génération précédente, juste assez âgée retour ». 1932, « La Maison des Sept pour traîner partout, juste assez récente Péchés », 1940), ou « The Long Voyage pour garder quelque chose encore de Home » 1940. Une certaine idée de sa vitalité première. Il se trouve que l'Aventure continue de diffuser. la mythologie dont s’imprégnèrent les Il se trouve aussi qu'en ce port précis enfants de ce temps-là tournait (de de Nantes, certaines idées se sentaient ses plus hautes à ses moins hautes des attaches. Du réalisme poétique au formes — disons de Cendrars à Mac surréalisme, bien des choses se nouè-

35 rent, entre le Passage Pommeraye de cessaires que les nôtres, mais ceci est rêve que poursuivait depuis plus de • Lola » et ce pont qui, dans - Les une autre histoire), pour culminer en trente ans le cinéma français. Mais ce Demoiselles -, transborde à Rochefort 1949 avec « Un Jour à New York ». Il film qui regardait derrière lui était trop des souvenirs nantais. se maintiendra jusqu’au moment d’une en avance. Il répondait à l’appel d’un Nantes fut le port d'attache des Prévert. seconde culmmance : ■ Chantons sous certain public qui n’existait plus, et Benjamin Péret y naquit, et Julien Gracq la pluie » (chef-d'œuvre du tandem d’un autre qui n'existait pas encore. (et Jules Verne aussi), et Jacques Kelly-Donen) — 1951. Il mettia long­ Demy faisait un peu figure de déphasé, Vaché y mourut, d'une intoxication or­ temps à mourir. En 1955, « It’s Always comme en son temps Rouquier. Mais giaque dont le mythe s'empara pour Fair Weather - (sur le thème du temps pour des raisons exactement inverses. la transformer en suicide. Ce n'est pas qui pas^e et qui lasse) ne sera qu’un De même que Rouquier, au milieu du là que naquit André Breton, mais c’est dernier — mais magnifique — surgeon. poétisme ambiant, avait détonné, Demy là qu’il rencontra Aragon, et dans Entre-temps, en 1952. Demy est entré détonnait, qui surgissait au milieu d’un • Nadja », la Bible des Rencontres, il en cinéma : il collabore avec un hom­ nouveau réalisme. devait écrire : - Nantes, peut être avec me qui fut un autre complice de Pré­ C'est pourtant le réalisme, et celui du Paris la seule ville de France où j’ai vert : Paul Grimault. documentaire, qui fut pour Demy la l'impression que quelque chose qui en Parallèlement, en 1945 et 1950, le fol­ première base, dans son premier court vaut la peine peut m’arriver, où certains klore chansonnier de la libération allait métrage (« Le Sabotier du Val de regards brûlent pour eux-mèmes de s’éteindre (ces curieuses javas swm- Loire » - 1956), où il partait, précisé­ trop de feux, où pour moi la cadence guées où il était question de cow-boys ment, de Rouquier. Il se trouve d’ail­ de la vie n’est pas la même qu’ailleurs, texans et de soldats de l’armée améri­ leurs que l’année d'avant, dans « Lour­ où un esprit d’aventure au delà de caine — qui chez nous se promènent) des et ses miracles », Rouquier avait toutes les aventures habite encore cer­ et celui de l’après-guerre, apparaître, tenté d'approcher par le documentaire tains êtres... » dominé par un autre tandem : Prévert- cette réalité qui se trouverait au delà A cette époque aussi, celui qui n’avait Kosma, et qu'interprète, entre autres, de la nôtre. Il se trouve aussi que jamais cessé, partout et en tous les Yves Montand, transfuge des « Plaines Demy tentera une opération analogue domaines, de recevoir et marquer son du Texas » passé sans transition aux avec « Ars - (1959) où il enregistrera temps, qui l’avait catalysé, remué, fé­ ■ Enfants qui s'aiment » des « Portes la trace laissée ici-bas par le passage condé comme pas un, à cette époque, de la nuit » et aux » Pas des amants de la Grâce et celui du Malin. Dans Cocteau réapparaît. Ou plutôt, se pour­ désunis ». A travers ces chansons, et tous les cas, la réalité sert de tremplin suit, car il n'avait, lui, jamais aban­ quelques autres • Paroles » sans mu­ vers quelque chose d’autre. donné. Mais c’est dans le cinéma, dont sique, Prévert, sans dételer, va réussir Seulement, en 1960, on a eu la révéla­ il avait déjà tâté, bien sûr (sans oublier à marquer une génération de plus. tion d’un autre réalisme. I960, c'est « L’Eternel Retour » — 1943 — qui Kosma, de son côté, tout en continuant l’année de « La Pyramide humaine », avait réussi, par factotum interposé, à à musîquer des films, fait quelques et le nouveau cinéma s’est choisi pour illuminer le cinéma des années grises), incursions du côté des comptines à maître Jean Rouch, dont on avait déjà qu’il choisit maintenant de poursuivre Desnos, et met en chanson un poème vu « La Circoncision ». « Les Gens du son destin propre. Et, bien entendu, là de Queneau tiré de - L’Instant fatal » : Nil » et « Les Fils de l'eau », avant comme partout, il coiffera tout le monde Si.tu t’imagines ». Queneau : autre de recevoir en 1958 le choc de « Moi sur le poteau. ■ ancien », bien qu’il lui reste encore un Noir - et des « Maîtres-Fous ». 1945, ce fut la féerie de « La Belle à donner le meilleur. Un qui ne cesse C ’était une autre voie, assurément. et la Bête », également la cruauté (dont de refondre au moule d'un populisme Mais un curieux retour de courbe allait il fit les dialogues) du second Bresson poétique bien à lui (et qui tend à la la faire recouper un certain nombre (après • Les Anges du Péché », 1943) .- recréation du langage la plus radicale d’autres voies : dans - Gare du Nord » « Les Dames du Bois de Boulogne ». qu’on ait vue depuis longtemps) tous (1965), Jean Rouch, à l'intérieur de sa En décembre 1948, au • Palace », sor­ les mythes, des plus anciens aux plus vision propre de la réalité et du cinéma, tent « Les Parents terribles ». L’année récents, dont se nourrit l’imagination allait relier d'un seul coup de caméra- suivante ce sera (par factotum inter­ populaire. L'aventure du voyage, dans vérité à travers la Rencontre, le Destin posé) - Les Enfants terribles », et avec * Loin de Rueil », y prendra une forme et la Mort finale, le réalisme et le sur­ - Orphée » reprendra cette traversée qui retentira jusque sur « Lola ». No­ réalisme. des miroirs que Cocteau avait entre­ tons maintenant en passant qu’une Demy, lui, avec « Le Sabotier ». faisait prise avec • Le Sang d’un Poète », curieuse résurgence va nous apporter déjà un cinéma de l'au-delà-vérité. Il dans l’année-clef 1930. l’écho d’un air connu : la chanson à s'ancrait dans cette réalité où la vie Mais n’oublions pas que 1945 avait fille, couteau et matelot, de Mac Orlan. répond encore aux rythmes immuables, également marqué (outre la brève ren­ Mais c’est « fabriqué ». Ça ne élémentaires, du cosmos : travail, re­ trée du tandem Carné-Prévert avec - prend » pas. C ’est un bide. pos, saisons..., comme aux gestes élé­ - Les Enfants du paradis ») l’apparition Ainsi l’époque s'est-elle traduite, dans mentaires, précis, de l’artisan. Il nous d’un outsider, Georges Rouquier. Au­ sa vie, dans son art, juxtaposant de entraînait dans la dérive de la réalité teur déjà de trois C.M. (« Vendanges », noires complaisances et d'euphoriques jusqu'à la lumière blanche de la mort. 1929 ; - Le Tonnelier », 1942 ; « Le exubérances. Celles-ci, il est vrai, nous Demy, par ailleurs, commençait déjà Charron », 1943), il allait, au beau étaient surtout venues de. l’extérieur. de placer sa « voix », entre les mots milieu du cinéma d’alors, faire tomber Nous n’en avions point de notre cru de tous les jours et la poésie de tous un aérolithe (le » Pour la suite du qui fussent exprimables, et il n’était pas les temps le commentaire jouait monde » français) : ■ Farrebique ». On jusqu’aux plus fascinantes et aux plus savamment des rugosités de la langue cria au fou. Mais la leçon n'était pas oniriques de nos évasions qui ne se terrienne, un peu dans la lignée qu'avait perdue pour tout le monde. situassent, avec Cocteau, du côté de explorée un autre tandem célèbre De son côté, le cinéma américain, en l’ombre. Un trou restait à combler. Pagnol-Giono. 1945, fait exploser les magies de son Demy, plus tard, s'y emploiera. Demy, Inversement, là-même où Demy (avec folklore musical. Ce sont : - La Reine qui devra d’ailleurs autant à l'ombre « Les Parapluies » et surtout « Les de Broadway » (Rita — et déjà Kelly), qu'à la lumière. Demoiselles ») semblera n'être plus les » Ziegfeld FoIJies » (encore lui) et Mais le premier grand Demy déconcer­ que le gentil magicien des couleurs et (lui marin) « Escale à Hollywood », tera le public. « Lola » (1961) réalisait des voix, il ne fera jamais que pour­ tous trois réalisés, d’ailleurs, en 1944. enfin, dans la perfection d’un aboutis­ suivre sa ligne première : à travers la Le genre se poursuivra, parallèlement sement profondément personnel (ce par terre et les gens qu'il aime, rendre un aux noirceurs qu’engendre aux mêmes quoi il rejoignait l'esprit de la Nouvelle chant profond du monde. lieux le cinéma (plus profondes et né­ Vague, alors en train de s'imposer) un Dans le « chant » de « Lola ». déjà.

36 ■ La Luxure », sketch des • 7 péchés capitaux ». Jeanne Moreau dans • La Baie des Anges certaines virevoltes et modulations ap­ 'profondément personnel. Et nous le; vé­ contester l’incontestable bien-fondé du pelaient les formes précises du chant rifions sur le plan même de la danse. - Roman de la Rose » ou de « Fantô­ et de la danse. - Les Parapluies » Car, à la différence des musicals amé­ mes ». développeront naturellement la premiè­ ricains j où la danse est un monde Mais définir ainsi l'œuvre comme monde re, et « Les Demoiselles ». la seconde. parallèle, métaphorique, transposant, sur clos, né de lui-même et se suffisant à Cela grâce à l’appui de Michel Legrand, j un autre niveau ce qu’exprime| le lui-même, échappant è la limite à avec qui Demy forme désormais le ! « vécu]» du film', la danse chez Demy toutes normes, à commencer par celles grand tandem de notre cinéma. Or, ! tend toujours à coïncider avec le monde du jugement, cela reviendrait peut-être nous avons là (dans cette complicité d'ici et1 de maintenant (voir les danses à la soustraire à toute critique, mais entre deux créateurs qui joignent leurs des passants dans la rue). Elle répond pourrait aussi bien en être la critique talents — et dont l’œuvre représente donc très exactement à la question : la plus radicale — sa condamnation. donc, déjà, une forme de création col­ ! comment danserait-on si on dansait L'œuvre, en fait, close si l’on veut, se lective), le type même d’alliance dont | dans la vie ? Et par là nous apercevons trouve enfermer des dimensions venues on vérifie que sont, toujours nées, au l la voie possible (probable ?) d’un pro­ comme par surcroît et ainsi, se fermant cinéma, les œuvres (généralement en chain Demy : faire danser to u s . les sur plus de choses qu'on croit, s’ouvre forme de • séries ») qui répondaient le gens, partout et tout le temps, de la en fait sur des avatars imprévus. mieux à l’esprit d’un temps et d'un ' même façon que « Les Parapluies » Ici, avant de repartir, plaçons une réfé­ lieu, qui en constituaient le - mythe ■ ; répondaient au propos : faire chanter rence qui pourra être éclairante, à une ou le « folklore ». i tous les gens partout et tout le temps. certaine phase de l'aventure surréaliste: Or, en ce qui concerne cet aspect , Mais à la différence des Américains de celle qui s'inscrivit dans l’écriture auto­ précis du folklore qu’est la chanson, l'époque musicale (et de tous les créa­ matique. Car tout se passe comme si il est intéressant de constater en pas­ teurs qui se trouvent exprimer naturel­ l'œuvre de Demy surgissait tout armée sant que l'Amérique, à travers Sinatra, lement l'esprit et l’humeur d’une collec- du plus^profond d’un inconscient per­ a récemment adopté les airs des - Pa­ ; tivité dont ils ne sont que les metteurs sonnel dont le bras de l'écrivain-cinéas- rapluies ». Demy-Legrand auront-ils, en ■ en forme), Demy travaille dans un ici te ne ferait que transcrire les impératifs, la matière, le succès de Prévert-Kosma i (France) et un maintenant (vingt ;ans tandis que lui-même resterait dans avec • Les Feuilles mortes * ? Tou­ : après) qui font qu'il n'est pas porté l'ignorance des profondeurs qui enfan­ jours est-il qu'ils ont. pour leur part, par un courant dont il serait l'expres­ tèrent cette œuvre, de celles aussi sur inversé le courant qui veut que l’échan­ sion. En ce sens, il est même à lesquelles l’œuvre elle-même exige de ge folklorique se fasse dans le sens 1 contre-courant, et il est d’autant plus déboucher. de la plus grande vers la moins grande ' personnel qu'il veut, contre ce courant, Nous aurons une idée des unes et des vigueur, en l’occurrence le sens Amérl- ] rejoindre la lignée des œuvres-specta- autres si nous prêtons attention, parmi que-France. Le fait qu'ils aient pu 1 des populaires. Et si Demy est cons­ les racines et radicelles que nous remonter ce courant prouve justement cient de son but : • Rendre les gens avons inventoriées, à toutes celles dont leur vigueur. heureux », c’est parce que, loin de les canaux véhiculent les sucs amers Il est vrai que les films de Demy doi­ pouvoir exprimer un bonheur de vivre de la solitude, de la déréliction, de l'an­ vent bien quelque chose au folklore existant (il se déclare notamment frap- goisse — sans parler de la cruauté. ! pé par l'extrême agressivité qui règne américain. Et cela pose un problème Mais voyons comment dans l'œuvre se — mais qu’il faut aussitôt déposer. Car en France dans les rapports humains), manifestent les plus anodines de ces Demy n'a jamais voulu américaniser des il se voit dans la situation de « fabri­ tonalités. quer • ce bonheur en un temps et un motifs français ou franciser des motifs Nous avons d’abord une chaîne de lieu où ils n'existent pas. Mais comme américains, bref : « faire américain ». petits faits précis, dont les maillons — disait Roland dans < Lola » : - Vouloir Son œuvre — sur ce plan précis — joie, douleur — sont tissés sur le provient de cet humus mixte que sé­ I le bonheur, c’est peut-être déjà le bon- même plan, par la même trame — , sur ; heur ». créta l'après-guerre, dont tous les com­ le même mode qui fait, dans le langage, posants ont, au même titre, nourri les C ’est peut-être de cette somme de se jouxter le coq et l'âne. Lola, sa mêmes racines qui sécrétèrent la même décalages que naît, déjà, cette tristesse mère : « Quand je dis qu'elle est morte sève. Les marins, par exemple, d’où , que souterrainement distille l’œuvre de d'une expulsion de logement, on rit. viennent-ils ? Il y avait dans les rues Demy. ;Mais ici, nous entrons dans un C'est bête mais c’est vrai ». Et Roland, de Nantes des marins français, il y I domaine qui semble échapper à la sur le même ton : .l'histoire de sa avait sur les écrans de Nantes des conscience de l’auteur. Car Demy reste mère qui avait divorcé d’un marin tou­ marins américains, il y avait dans les un nalf. Par chance : c'est justement jours absent pour épouser un employé rues de Nantes des marins américains. la force de son œuvre (qui échappe des chemins de fer qui s’absentait tout Où finit la vie, où commence le rêve ? ainsi à l'arbitraire et au factice de la autant. Nous voici également ramenés Et, dans « Lola », les marins auraient ■ - fabrication » où ne manquent pas de à cet humour qui « trouble les cons­ déjà dû danser et chanter, bien sûr. ! tomber les produits de cet intellec- ciences cartésiennes », celles-mêmes Comme tous les gens, d’ailleurs, de­ : tualisme hyperconscient que travaille la qui, incapables de saisir plusieurs di­ vraient faire dans la vie. Ce serait tel­ nostalgie d’une naïveté perdue) que mensions à la fois, ne verront jamais lement plus joli. Assurément, c’est ce d’être portée par l'inconscience royale dans les Demy qu’allégresse, gentilles­ que s'est dit Demy. et c’est bien là d'un créateur qui ne se pose pas l'om­ se ou mièvrerie. ce qui nous explique le mieux comment bre d'un problème et d’une mise en Et dans - Les Demoiselles • : la guerre il en est arrivé aux - Parapluies » et j question sur le pourquoi et le comment en sandwich entre deux réflexions de de là aux - Demoiselles ».où (dernière du cinéma en général et de son cinéma la cafetière (sur ce ton qu’ont les fem­ variation, dans une œuvre qui ne cesse en particulier. Demy est un des derniers mes : « Ah, les hommes avec leur de varier les mêmes thèmes — deuxiè­ auteurs qui puissent sans tricher igno­ manie de se battre I... »), et ce lieu me référence à Renoir) les rythmes rer la conscience taraudante de « faire du crime devant lequel on passe, chan­ précédents s’épanouissent naturellement du cinéma ». I tant, dansant du même pas, après un en danse. Il s'ensuit que l’on n'a guère de prise regard jeté sur le sang qu'on éponge. Il se trouve que Demy y parvient a I pour « | mettre en question » cette œu­ Et le crime lui-même, fait divers de travers certains américanismes, mais vre qui surgit, bloc lisse, avec l’évi­ journal, avec l'humour des morceaux comment et pourquoi ne pas emprunter dence, le naturel et la nécessité du bien en ordre. Et la dérisoire oraison certaines choses (ou gens : les dan­ « c'estlcomme ça ». Pas plus qu'on ne funèbre — de celles qu’on a quand on seurs) qui ont fait leur preuve là-bas saurait' contester l’existence même de laisse libre cours à la première asso­ et que nous n’avons point ici ? Le pro­ , l’œuvre, on ne saurait contester ce qui ciation venue : « Et dire qu’il ne voulait pos de Demy n’en reste pas moins ; fonde cette existence. Autant vaudrait pas découper le gâteau I ». Ici. le geste

39 du découpeur de cadavre et du décou­ l’amant au cœur dur, l’ombre projetée peur d'aliments (et Dieu sait le rôle par le héros d'un autre film : le Lace- qu’a pu jouer l’euphonie gâteau-couteau) naire des « Enfants du Paradis ». se trouvent associés (en deux temps) Citation (comme c’était le cas dans dans le même esprit où les associa « Lola •) ? Résurgence (comme c’était (en un temps) l’humour du feuilleto­ le cas dans « Les Parapluies ») ? Après niste et du chansonnier (Victor Hugo tout, peu importe. L’œuvre de toute et Théodore Botrel) quand Ils immor­ façon ne peut que rester elle-même, talisèrent le gag inépuisable de l’homme au delà de toutes affiliations. Il est au couteau qui découpa le gigot. Du même curieux de constater que l’œuvre reste, la façon dont Demy passe abrup- à laquelle on peut trouver le plus de tement du rose au noir et du miel aux références est précisément celle qui cendres n’est pas sans évoquer la frappe par son étrangeté, qui est née façon dont, dans les ballades, chansons et qui s’est imposée en marge de toutes ou comptines, la cruauté soudain, vient les tendances actuelles — dont parfois au jour, la mort. Nous y sommes déjà elle s’écarte, que parfois elle rejoint, avant même d’avoir senti le passage, indifféremment. entraînés que nous étions par le cou­ Ceci, avant d’aborder une autre filia­ rant indifférent d'un air uniformément tion : Bresson. Entre l’œuvre de Demy allègre. Référons-nous — entre autres et celle de Bresson, il y a, sur un innombrables exemples — à « La Fille certain point, un certain esprit commun. prisonnière » ou à « La Fille de Saint Car l'œuvre de Demy n’est pas étran­ Martin » — par ailleurs chansons des gère à l’idée de prédestination (qu’on pays d'Ouest. Or, ce genre de vigueur sent poindre dans l'arbitraire et la né­ est aujourd'hui perdue. La chanson ne cessité des rencontres), idée qui fonde sait plus provoquer la mort, ni même l'œuvre de Bresson. De là vient aussi l’aborder (à l'exception de Brassens) que ces deux œuvres portent en elles- avec le naturel qui siérait. mêmes leur propre raison d’être et sont Fait sur la cruauté de la séparation ou constituées (au terme des avatars où l'incertitude des rencontres. « Roche­ elle s’incarne) par l'accomplissement de fort » prend le parti des trouvailles ou cette raison d’être. Mondes clos ? On retrouvailles (pari abrupt, d’une néces­ y voit en tout cas décrit le monde clos saire gratuité), mais les amants du vice : le vol (et quel autre évoqué ?) qu’avaient séparés (comme les autres, dans « Pickpocket ». le jeu dans - La une guerre), sur un simple jeu de mots, Baie des Anges ». Elina Labourdette, un bien féminin coup de tète, dans un déjà, dans « Lola » : «... Car mon mari mois, dans un an, comment souffriront- jouait, monsieur, il avait tous les vices. ils ? Le temps les a peut-être changés, Dieu nous préserve des joueurs I... » comme ces autres, dans Cherbourg, Dans les deux cas, la pauvreté est le qu'une simple guerre avait fait dériver. moteur initial du vice, lequel bientôt Curieusement, le temps, grand sujet de se suffit à lui-même : c’est l’euphorie Kazan, conduisit celui-ci à donner à du mal qui entretient le perpétuel mou­ son « Splendor in the Grass » une fin vement de ces cercles d’Euler. Mais très proche de celle des « Parapluies •. quelle fin est la plus profondément que Demy avait déjà écrit (fin 61) terrible? Celle qui clôt le - Pickpocket • quand il vit (mars 62) le film de Kazan. (saut arbitraire dans le monde clos de Et le temps, c’était aussi le sujet de ce la Grâce) ou celle de « La Baie des dernier et magnifique surgeon du mu­ Anges » qui ouvre sur la lumière blan­ sical U. S. « It's Always Fair Wea- che d'un surplomb abrupt, au bord d'un ther » (Kelly-Sinatra), où des amis de gouffre où — malgré le saut arbitraire­ guerre, dix ans après, se retrouvaient ment dit dans une soudaine sagesse — pour faire amitié. Mais le cœur n’y était on a peine à croire que, lancés comme plus. Leur cœur avait vieilli et le monde ils sont sur leur pente, les amants ter­ avec lui. La dérive avait joué, ils ribles ne vont pas tomber? s’étalent éloignés. Ici, constatons que, contrairement aux Il faut ici rappeler que - Le Sabotier » autres œuvres où l'angoisse est la était déjà un film sur le temps qui dimension secrète d'une euphorie tou­ passe et tue. Un film sur la mort d’un jours présente, l’euphorie première de métier, sur la mort d ’un monde, sur la - La Baie des Anges » (dont les signes mort tout court. Et « Ars ». Et - Le Bel sont plus nombreux et plus évidents Indifférent », sur la mort d'un amour, que partout ailleurs — évasion, vacan­ sous la cruauté du silence. ces, soleil, argent, femme... — , au point Avec ce film, voici Cocteau retrouvé, que l’on se demande si cette insistance comme on retrouvera, via Cocteau, le ne veut pas masquer quelque chose) Bresson des « Dames du Bois de Bou­ se trouve bientôt n’être plus que le logne >, auquel fait suite - Lola • repoussoir ( il. n'est pas jusqu’aux ac­ (quand nous découvrons en Elina La- cessoires de la Féminité — guêpière, bourdette celle qui dut se faire dan­ fume-cigarette — qui ne renforcent la seuse) et dont, plus tard, l'affrontement monstruosité de Moreau) d’une angois­ mère-fille des dames de Cherbourg se de plus en plus évidente. (prolongement des dames de Nantes et Mais d’où vient ce personnage de !a annonce des Demoiselles de Roche­ Moreau des « Anges »? Il semble bien fort) nous fera retrouver quelques tona­ que nous ayons là une dernière trans­ lités. De même retrouverons-nous dans formation d'un personnage cher à la • Rochefort », avec le personnage, de (Suite page 70.) CATHERINE DENEUVE ET GENE KELLY DANS • LES DEMOISELLES DE ROC HE FORT >. Entre 1920 et 1930, le cinéaste se faisait ra », distinct des tranches d'espace volontiers le .théoricien de son art. autour du cadre, même si les person­ Aujourd'hui (depuis Pagnol), le goût nages y accèdent généralement en pas­ semble s'en être perdu et si les cinéas­ sant juste à gauche ou à droite de la tes « s’expliquent ». aucun d'entre eux caméra. Enfin, la sixième tranche com­ ne s'attache à tirer de la pratique de prend tout ce qui se trouve derrière le son art cet ensemble cohérent de prin­ décor (ou derrière un élément du dé­ cipes qui définit une théorie. Aucun cor) : on y accède en sortant par une sauf peut-être Bresson dont les propos porte, en contournant l'angle d'une rue, (à défaut d'ouvrage rédigé dans les en se cachant derrière un pilier... ou règles) vont toujours dans le sens de derrière un autre personnage. A l'ex­ la généralisation et de la formalisation trême limite, cette tranche d’espace se de découvertes particulières. Faisant trouve derrière l’horizon. des films, Bresson réalise le cinéma : Maintenant, par quels moyens ces tran­ ses choix sont des ukases. Dernier ches d’espace interviennent-elles dans survivant d ’une espèce disparue (les le devenir du film ? théoriciens) ou ancêtre intimidant d'une ______i______Histoire (le Cinéma) qui commencerait avec lui, Bresson — suivi ou non — On pourrait répondre à cette question reste un cas. dans l'abstrait, mais il nous a semblé Admirateur de Bresson (mais qui ne préférable de nous référer à un film qui l’est ?). auteur de plusieurs courts mé­ semble se poser en modèle de l'utilisa­ trages, professeur au Cours Littré (qui tion exhaustive de l’espace-hors-champ prépare aux grandes écoles du cinéma), et de son opposition systématique à Noël Burch est. à ma connaissance, le l’espace du champ lui-même. Ce film seul depuis Bazin à proposer non pas est « Nana », le chef-d’œuvre de Jean une théorie, mais un examen systéma­ Renoir et l'un des films-clef de l'histoire tique et non normatif du cinéma à par­ du langage cinématographique. tir de son ontogénèse. Nous voici donc En effet, ce film pose, dès la première éloignés à la fois des utopies découra­ grande scène dramatique (la rencontre geantes (les théories) et des formes de Muffat et de Nana),-comme condi­ récentes d’analyse qui répercutent sur tion essentielle de son déroulement le cinéma les disciplines méthodologi­ plastique, la présence d’un espace hors-champ, et dont l’importance égale ques issues de la linguistique. Voici le celle de l'espace du champ. Par quels cinéma cerné au plus près de ses choix réels (pratiques), c'est-à-dire de !a moyens ? Les tranches spatiales sont définies, “Nana” coupe, du raccord, des entrées et sor­ ties de champ... et de la réalité artis­ dans « Nana » comme dans tous les films, d'abord par les entrées et sorties tique que ces choix engagent. Je sou­ du champ. Dans « Nana », plus de la ou les deux haite, personnellement, que cette série moitié des plans commencent par une d'articles (qui sont en fait les chapitres entrée dans le champ et (ou) se termi­ d’un ouvrage à paraître) suscite une nent par une sortie du champ, laissant espaces orientation plus exigeante de la ré­ plusieurs images du champ vide avant flexion sur le cinéma. La voie est et (ou) après. On peut affirmer que féconde. — André S. Labarthe. par Noël Burch, tout le film est rythmé par les entrées et les sorties, dont l'importance dyna­ Il peut être utile, pour comprendre la mique est d'autant plus grande que le nature de l’espace au cinéma, de consi­ film est presque entièrement en plans dérer qu’il se compose en fait de deux fixes, avec seulement une demi-dou­ espaces : celui qui est compris dans zaine de travellings ou panoramiques le champ et celui qui est hors champ. (dont nous parlerons plus loin). Evi­ Pour les besoins de cette discussion, demment, ce sont surtout quatre des la définition de l'espace du champ est tranches d'espace dénombrées plus extrêmement simple : il est constitué haut qui sont définies de cette façon : par tout ce que l'œil perçoit sur l'écran. celle qui se trouve derrière la caméra, L'espace-hors-champ est, à ce niveau celle qui se trouve derrière le décor et, d'analyse, de nature plus complexe. Il surtout, celles qui sont contiguës aux se divise en six « tranches » les bords droit et gauche du cadre. Les confins immédiats des quatre premières tranches inférieure et supérieure n’in­ tranches sont déterminés par les qua­ terviennent. en ce qui concerne les en­ tre bords du cadre : ce sont des pro­ trées et sorties du champ, qu'en cas jections imaginaires dans l'espace de plongée ou de contre-plongée ex­ ambiant des quatre faces d’une « pyra­ trême — ce qui est fort rare dans ce mide » (mais ceci est évidemment une film — ou alors dans les plans d'esca­ simplification). La cinquième tranche ne lier. Nous avons dit que ces tranches peut être définie avec la même (fausse) sont « définies » par les entrées et précision géométrique, et cependant sorties du champ. Nous entendons par personne ne contestera l'existence d’un là que ces parties de l'espace pren­ espace-hors-champ « derrière la camé­ nent corps dans l'imagination du spec- 42 I

tateur chaque fois qu'un personnage y | Enfin, Renoir utilise, beaucoup plus ______Ml______entre ou en sort. Il y a un plan, vers qu’il n'était de coutume en 1925, la sor­ La troisième façon dont se détermine le début de « Nana », dans lequel Muf- tie « en rasant la caméra », ce qui défi­ l'espace-hors-champ (par rapport au fat, se précipitant vers la loge de Nana, nit, à notre avis, cet espace qui se plan fixe... et muet), c’est par les per­ croise le jeune Georges, nouvelle vic­ trouve « dans le dos » de la caméra. sonnages dont une partie du corps se time de la cocotte, qui, lui, sort de la ;Mais, d’une façon générale, on peut se trouve hors du cadre. Evidemment, le loge dans une sorte d’extase. Le plan |demander comment il faut interpréter décor lui-même, qui s'étend forcément qui nous montre ce croisement est 1 les sorties en biais (pour accéder à tout autour du champ, sert également extrêmement court, il dure à peine une l’espace derrière la caméra, on passe à définir l’espace-hors-champ, mais seconde : les deux hommes, vus en en effet presque toujours par le bord d’une manière tout à fait « inopéra- plan moyen contre un mur nu, sont pris droit ou gauche du cadre, sauf dans le tive ». Après tout, cet espace est exclu­ en plein élan ; Muffat entre par la gau­ cas, relativement rare, du passage « à sivement mental, et c'est donc le sujet che et Georges par la droite, ils se travers la caméra », où le personnage d'attention principal qui joue ici le rôle croisent comme deux flèches, sans se vient boucher l’objectif — le débou- déterminant. C'est lorsqu'un bras sans regarder, et sortent par les bords op­ 'chant parfois dans le plan suivant pour corps entre dans le champ pour pren­ posés. L'essentiel de l'action de ce s’éloigner dans le • contre-champ •). dre des mains de Muffat la coquetière plan (les trajets des deux hommes) se .Nous estimons que 99 % des entrées avec laquelle il joue de façon distraite, déroule *> off » bien que ce soit dans un 1 et sorties ont une direction prédomi- c'est alors seulement que nous pen­ temps si bref — celui qui précède et Inanto (c'est évidemment le cas d’une sons explicitement à l'espace-hors- suit chaque entrée et chaque sortie — [entrée ou sortie qui rase la caméra): champ : jusqu’alors, ni les jambes du qu'il est presque imaginaire... et cette (seul un personnage qui sortirait par Comte, invisibles sur le bord inférieur action définit à la fois les tranches l'angle du cadre dans une plongée du cadre, ni les étagères qui s'éten­ droite et gauche de l’espace-hors- rigoureusement verticale, peut être dent sans doute au-delà du bord gau­ champ. .considéré comme proposant l’existence che ne nous concernaient de la même Mais Renoir s’est également efforcé, ce j de deux tranches à la fois. Il y a aussi façon. Car il est important de compren­ qui était fort rare à cette époque, de île cas d’un personnage dont la tête dre que l'espace-hors-champ a une définir par ces sorties et entrées l’es­ sort du cadre lorsqu’il se met debout, existence épisodique, ou plutôt fluc­ pace situé « derrière la caméra » et puis qui sort tout à fait du champ par tuante, au cours de n'importe quel film. • derrière le décor », et ceci presque la gauche ou la droite : mais ici il fait Et c’est la structuration de ce flux qui aussi fréquemment qu'il le fait pour , jouer successivement deux tranches, peut être un outil si puissant dans les l'espace qui se trouve de part et d'au­ I d'abord celle qui est limitrophe au bord mains du réalisateur, ce que Renoir le tre du champ. Les sorties et entrées {supérieur, ensuite celle qui est limi­ premier, croyons-nous, avait pleinement par les portes situées au beau milieu trophe au bord droit ou gauche. Toutes compris. La main qui entre dans le du cadre, précédées ou suivies par des les combinaisons « horizontales * de champ est fréquente dans « Nana », champs vides, abondent dans le film cette sorte sont évidemment réalisa­ l'exemple le plus frappant étant la main (voir surtout le traitement du grand bles. d’un homme, par ailleurs invisible, qui salon et du boudoir chez Nana). Or, | entre dans le champ pour faire boire c’est surtout le champ vide qui attire j ______m______l’attention sur ce qui se passe hors l’héroïne pendant la scène du Bal Ma- champ (et donc sur l'espace-hors- La deuxième façon dont le réalisateur bille. En un sens, il s'agit ici d'un cas champ lui-même) puisque rien, en prin­ peut définir l'espace-hors-champ est spécial d'entrée dans le champ, bien que, du fait qu'une importante partie cipe, ne retient plus (ou encore) l’œil ( par le regard « off ». Souvent, dans dans le champ proprement dit. Evidem­ , - Nana », une séquence ou sous-sé- du personnage reste « off». l'espace ment, une sortie qui laisse un champ j quence (voir surtout les péripéties de hors-champ soit plus présent que lors­ vide attire notre esprit vers une tran-, lia course hippique) commence par un qu'un personnage vient d'en surgir tout che déterminée de l'espace-hors-champ,* gros plan ou plan rapproché d’un' per­ à fait. Mais cette troisième catégorie alors qu’un plan qui commence par un sonnage qui s'adresse à un autre hors comporte aussi une subdivision entière­ champ vide ne nous permet pas tou­ champ, et parfois la situation est telle, ment statique : c'est le cas. par exem­ jours de savoir de quel côté va surgir 1 le regard si appuyé, si essentiel, que ple, du plan où la tête et le torse de notre personnage, ou même s'il va en ; ce personnage hors champ (et donc Nana sont coupés verticalement par le surgir un (voir plus loin nos remarques j l’espace imaginaire où il se trouve) bord gauche pendant la grande explica­ sur Ozu), bien que les principes du prend autant sinon même plus d'impor­ tion avec Muffat, toujours au Bal Ma- raccord de direction et d'angle nous tance que le personnage dans le bi Ile. aident dans certains cas (ceux, sur­ cadre et l'espace du champ. Les do­ tout, qui comportent l'entrée éventuelle mestiques de Nana sont constamment ______iv______dans le champ d’un personnage dont le I en train de passer la tête par une Maintenant il faut parler de l'autre ma­ trajet s’est amorcé dans le plan précé­ I porte pour voir qui se trouve dans l’es- nière dont se divise l'espace-hors- dent — ce qui est loin d'être toujours [pace derrière le décor, et encore une champ : en espace concret... et imagi­ le cas dans « Nana »). Mais en tout fois cet espace et ce personnage invi­ naire. Lorsque la main de l'impresario cas, dès que le personnage entre effec­ sibles prennent une importance au moins entre dans le champ pour prendre la tivement dans le champ, cette entrée égale à ce que l'on voit. Enfin, le re- coquetière, l'espace où celui-ci se trou­ propose rétrospectivement à notre esprit | çjard vers la caméra (mais non dans ve et qu'il définit est imaginaire, puis­ l'existence de la tranche d’espace dont i l’objectif ; un regard dans l’objectif vise qu’on ne l’a pas encore vu, qu'on ne il est surgi. Et alors que, pendant que ' le spectateur et non l'espace derrière sait pas, par exemple, à qui appartient le champ était vide, tout l'espace am­ la caméra : c’est pourquoi on ne s’en ce bras. Mais, au moment du raccord biant possédait un potentiel sensible­ sert que pour les films publicitaires et dans l'axe qui nous révèle la scène ment égal, la tranche d’où surgit le pour les apartés), le regard vers la dans son ensemble (Muffat et l'impre- personnage prend, au moment de son ; caméra sert è définir l’espace derrière sarlo debout côte à côte), cet espace entrée, une existence spécifique et pri­ j la caméra où se trouve l'objet de ce devient, rétrospectivement, concret. Le mordiale. regard. processus est le même dans un champ-

<43 contrechamp, le - contrechamp » ren­ hors-champ et les décalages dans Ozu, un des plus grands cinéastes ja­ dant concret un espace « off • qui était l’appréhension de la nature spatio-tem­ ponais de l'entre-deux-guerres. C ’est imaginaire dans le • champ ». Parfois, porelle du « raccord » (1). Et c’est une aussi peut-être le premier de tous les cet espace-hors-champ peut demeurer dialectique qui recèle des possibilités réalisateurs à avoir vraiment compris imaginaire, dans la mesure où aucun extrêmement complexes, notamment l’importance du champ vide (2) et de la plan plus vaste ou dans un autre axe dans la mesure où l’appréhension de tension qui peut en naître. (ou aucun mouvement d'appareil) ne l’espace-hors-champ, outre qu'elle peut Si Renoir utilisait très souvent dans vient nous montrer l'origine du bras, se faire par un des trois moyens dé­ « Nana » l'entrée dans un champ vide l'objet du regard - off», ou la tranche crits plus hauts (ou par deux ou trois et la sortie qui laisse le champ vide, • off » vers laquelle un personnage sor­ à la fois), peut également être prémo- ces champs vides ne restaient sur tant s’est dirigé (c’est le cas, par exem­ nitoire-et-imaginaire ou rétrospective-et- l'écran que pendant quelques images ple, du bras anonyme du Bal Mabille, concrète (au moyen, par exemple, du à peine — juste le temps de laisser car nous n'en voyons jamais le proprié­ type « d’ellipse spatiale » décrit à l’ins­ « bien sortir - ou « bien entrer » le per­ taire, ni — explicitement, du moins — tant), tout ceci indépendamment de la sonnage. On peut même dire qu'une l’espace où celui-ci se trouve). tranche ou des tranches d’espace certaine monotonie visuelle est engen­ Par contre, dans la scène remarquable mises en jeu, qui constituent un autre drée par le procédé en lui-même (bien où Vandeuvre vient faire des remon­ facteur multiplicateur très considérable. que son intervention répétée joue, nous trances à Nana au sujet du petit Geor­ Mais l'ambiguïté peut également exis­ l'avons dit, un rôle primordial dans la ges, le passage d’un plan américain ter au niveau même des deux espaces. structure rythmique de ce chef-d'œu­ des deux personnages assis côte à Il est possible de voir l’espace-hors- vre). Ozu, le premier sans doute, a côte à un plan de grand ensemble nous champ sans le savoir (lorsque la camé­ joué sur la durée de ces champs vides, montrant seulement le Comte, assis à ra est braquée vers une glace dont avant les entrées mais surtout après la même place, à l’extrème droite du on ne voit pas le cadre), et de ne s'en les sorties des personnages. Cette ten­ cadre, évoque un espace-hors-champ rendre compte qu'après un panorami­ dance chez lui apparaît de façon sys­ tout à fait concret, puisque tout à l’heu­ que ou un déplacement des personna­ tématique à partir de son dernier film re nous avons vu que Nana doit être ges ; il est également possible de sup­ muet (« Histoire d'un Acteur ambulant», assise à 50 cm de lui, juste au delà poser qu’un personnage ou un objet 1935) et surtout de son premier film du bord du cadre. Le Comte continue figurant dans un plan précédent est parlant — et son chef-d'œuvre — « Le d’ailleurs à regarder vers Nana et à hors champ alors qu’en fait il est dans Fils unique « (1936). Elle devient mal­ lui parler, ce qui rend ce fragment de le champ... mais camouflé par un jeu heureusement une sorte de tic dans l'espace-hors-champ particulièrement d'ombre ou.de couleurs (exemples dans l'œuvre de sa vieillesse, beaucoup plus présent à l’écran. Et il le demeure par I' « Histoire d’un acteur ambulant - de figée et académique que ses films la suite, bien que le Comte se lève Ozu et - Journal Intime » de Zurlini). d'avant-guerre. et fasse les cent pas au milieu du Evidemment, ce ne sont que des cas Dans « Le Fils unique », le champ vide cadre, car son fauteuil reste en place, relativement rares et assez équivo­ est utilisé pour créer tout un réseau et dans le plan précédent il était bien ques : nous jouons presque sur les d'espaces «off», souvent concrétisé établi que ce fauteuil se trouvait tout mots (par définition, on ne peut - voir » d'une façon entièrement originale par contre celui de Nana. Mais ici, la na­ l'espace-hors-champ). Mais il importe des plans de détail du décor, non si­ ture de cet espace se modifiera à de savoir que ce type d’inversion est tués, purement « décoratifs », presque notre insu nous croyions bien le concevable (peut-être en d'autres ter­ abstraits, qui interviennent générale­ connaître ; nous croyions savoir où se mes. d'ailleurs) puisque cela aide à ment à la suite d’une sortie d'un champ trouvait Nana, et donc quel fragment définir les limites dans lesquelles ce précédent ou avant une entrée dans exact de la « tranche de droite » jouait paramètre peut évoluer. un champ suivant. L'emploi de ce pro­ pendant que Vandeuvre arpentait le v cédé culmine dans un plan vide, assez tapis. Et pourtant, lorsqu’enfin il sort vaste (l'équipement d'un plan moyen), à droite pour la rejoindre à nouveau, le On pourrait se demander vers quoi qui clôt une séquence dialoguée « nor­ plan suivant, où il rentre venant de la tend cette analyse ? Même en admet­ male » et qui nous montre un coin par­ gauche, nous montre que Nana s’était tant que Renoir ait tiré de l’opposition faitement neutre du décor pendant vautrée, entre-temps, sur un canapé que entre ces deux espaces une partie quelque trois minutes I Pendant tout ce nous ne connaissions pas (du moins essentielle à la réussite de ce film réa­ temps, un discret bruitage « off » évo­ pas dans cette séquence, ce qui revient lisé il y a plus de quarante ans, ne que de vagues possibilités d'action au même : la faculté d'oubli est extra­ s'agit-il pas, aujourd’hui, d’une classi­ hors champ, se résolvant enfin en un ordinaire au cinéma, et c’est pourquoi fication scolaire et stérile ? N'est-ce bruit d'usine qui amène la séquence la structuration — et restructuration — pas simplement décrire comment sont suivante, laquelle se déroule dans un de l'espace n'est possible qu’à l'échelle faits, sous cet angle, tous les films ? terrain vague, près de l'usine qui pro­ de la séquence) ; donc, nous consta­ Certes, tous les films utilisent les en­ duit ce bruit. Or, ce plan étonnant met tons rétrospectivement que notre idée trées et sorties du champ : certes, tous bien en évidence cette vérité fonda­ de cet espace-hors-champ était fausse, les films nous proposent une opposi­ mentale : plus le champ vide se pro­ que l'espace-hors-champ qui jouait tion entre l’espace du champ, par le longe. plus il se crée une tension entre n'était pas celui que nous pensions, truchement des regards, des champs- l'espace de l'écran et l'espace-hors- qu’il n'était pas, selon le vocabulaire contrechamps, des personnages cou­ champ, et plus cet espace-hors-champ que nous avons adopté, « concret » pés, etc. Mais, depuis « Nana -, seuls prend de l’importance sur l'espace du mais imaginaire. de très rares (mais de très grands) cadre (dont l’intérêt s'épuisera d'autant Il doit être déjà apparent que nous réalisateurs se sont servis de cette plus rapidement qu'il sera plus simple, sommes ici, encore une fois, devant dialectique de fait à des fins structu­ la limite, ici. étant l'écran blanc... ou une des dimensions dialectiques de la rales à l’échelle du film. noir). Et Ozu, tout au long de ce film forme cinématographique et il est d'ail­ vt et des films qui l’ont immédiatement leurs intéressant d'établir un parallèle Le premier après Renoir à avoir plei­ suivi, s'est servi de cette tension entre ce type d'appréhension à retarde­ nement compris l'importance de l’exis­ comme d'un paramètre variable pour ment du véritable visage de l’espace- tence des deux espaces fut Yasujiro structurer son découpage, puisque la 44 1. Martin Lasaalle dans « Pickpocket » de Robert Breseon. 2. Eljl Okede et Sachlko Hidarl dans ■ Kanajo to Kare - : • Elle et Lui » de Sueumu Hanl. 3. « Uklguea Monogatarl » : «L'Histoire d'un acteur ambulant» de Yasujiro Ozu. durée des champs vides varie, de quel­ ques vingt-quatrièmes de seconde à quelques secondes... Gamme réelle­ ment immense et parfaitement percep­ tible, pour l'œil entraîné (3). L'autre réalisateur pour qui le champ vide, et donc l'espace-hors-champ qu'il met en jeu, ont une Importance capi­ tale, est Robert Bresson. Cela est sur­ tout sensible dans « Un condamné à mort s'est échappé * et dans « Pickpo­ cket ». Le plan du « Condamné à mort » où Fontaine va tuer la sen­ tinelle est particulièrement frappant à cet égard. C ’est un plan très rapproché qui nous montre d’abord Fontaine, de trois quarts dos, plaqué contre un mur tout près de l’angle derrière lequel nous savons que se trouve la senti­ nelle. Rassemblant son courage, Fon­ taine s'avance, sort du champ à droite pour y rentrer aussitôt dans un mouve­ ment contournant, le retraverser et res­ sortir à droite derrière l’angle du mur. Le champ reste maintenant vide (et extrêmement neutre) un assez long moment pendant le meurtre présumé (nous n’entendons rien), puis Fontaine rentre à nouveau. Tout comme le plan où Muffat et Georges se croisent dans - Nana », il s’agit tel d’un plan qui met essentiellement en jeu l'espace «off», mais d'une façon complexe et « synco­ pée ». On a pu attribuer ce procédé et d'autres semblables à la pudeur de Bresson, mais depuis « Balthazar » nous savons qu'il n'est pas si pudique que cela, et nous avons toujours su que ce sont les fonctions plastiques qui comptent avant tout pour lui, ce dont témoigne précisément la structuration des entrées et sorties de ce plan. Dans « Pickpocket ». les champs vides jouent un rôle beaucoup plus systéma­ tique ; Bresson s'y livre à une vérita­ ble orchestration, répartissant rigou­ reusement l’apparition de tels moments, leurs durées et, par le son, l'étendue de l’espace « off » qu'ils concernent (on pense particulièrement aux plans où le pickpocket sort de sa chambre, puis du champ, dévalant longuement i’escalier en son « off »). D'une façon générale, il y a des cas (notamment dans le cinéma muet) où la simple du­ rée d’un champ vide avant ou après une entrée ou sortie peut déterminer, indépendamment du son, l’étendue de la tranche d’espace qui joue dans tel ou tel cas, même si celle-ci est imagi­ naire ; il en va de même pour le regard d’un personnage dans le champ qui regarde un autre «off » (immobile ou en mouvement). Mais le son « off » fait toujours jouer l’espace «off», qu’il soit associé ou non à une des moda­ lités spatiales décrites plus haut. Et lorsque le son joue seul (ambiance, musique ou voix ■ off » sans indica­ tion de direction), on peut dire qu’il met 1. Jean Angelo et Catherine Hessllng dans « Nana » de Jean Renoir. 2. Jeanne Moreau dans ■ La notte » de Michelangelo Antonioni.

en jeu l’ensemble de l'espace ambiant, sans distinction de « tranche », mais qu’il y a des possibilités séduisantes de passage du non-directionnel au di­ rectionnel (ex. : musique apparemment « d'ambiance • se révélant être la radio des voisins de gauche, lorsque « elle » tape sur le mur, dans l’admirable « Elle et Lui » de Hani). Mais même lorsqu'il n’y a pas d'indication de direction (et déjà la stéréophonie peut nous l'appor­ ter sur le plan strictement sonore) le son comporte toujours un paramètre « distance », par la présence du plan sonore, autre paramètre encore très peu exploité (voir cependant « Les Amants crucifiés » de Mizoguchi). Donc, que ce soit par le son, par la durée du champ vide ou par le regard, il est également possible, non seule­ ment de mettre en jeu à tour de rôle teJle ou telle tranche d'espace, mais aussi d'en régler l'étendue imaginaire d'une façon indirecte mais fort pré­ cise (du moins en ce qui concerne « l’étalon » : on ne peut pas dire qu'un personnage « off » se trouve à dix mètres du bord du champ, mais on peut dire qu'il lui faut 4 secondes 20 images pour arriver jusqu’au bord du cadre, et c'est cela qui rend ce para­ mètre susceptible d'organisation). Autre grand organisateur des entrées et sorties Michelangelo Antonioni, surtout dans son premier film, celui qui demeure son chef-d'œuvre « Chro­ nique d'un amour ». Mais ici, pas de champs vides. On sait que ce film est découpé en quelques deux cents plans seulement, dont la plupart sont très longs et témoignent d’un degré d'élabo­ ration plastique absolument sans pareil. Or, le principal facteur structural ici est l'entrée et sortie du champ, en tant que phénomène ponctuel surtout, mais qui fait jouer néanmoins d'une manière très complexe les parties limi­ trophes au cadre des six tranches spa­ tiales (mais surtout celles de droite et de gauche). La séquence du bridge-par- ty, composée de deux ou trois pians totalisant quelques trois minutes, est structurée d'une manière assez com­ plexe par les entrées et sorties répé­ tées de Clara, d’une part, et d'une petite dame ridicule portant son toutou dans les bras, d’autre part. Par le truchement des mouvements de caméra et des déplacements « off » des person­ nages, les entrées et sorties se font toujours à des moments et à des endroits inattendus. Par ailleurs, Anto­ nioni prolonge souvent les sorties de champ par les regards, « animant » ainsi l'espace-hors-champ. C’est le cas sur­ tout de l’admirable plan-séquence du pont (préparation du crime), sorte de grand panoramique circulaire, où les amants entrent et sortent à tour de 2 L_ rôle, lesquelles entrées et sorties, en des grosseurs constamment variées, nous avons dit qu’on n’y trouve qu’une même, sont encore plus complexes que rythment d'une façon hallucinante la demi-douzaine de mouvements de les possibilités d'organisation des rac­ v querelle qui les oppose... et les relie. caméra, ce qui leur confère évidem­ cords (d'autant plus que le raccord in­ Dans ses derniers films, par contre, ment un caractère extrêmement pri­ tervient ici également, à travers le rap­ Antonioni utilise assez systématique­ vilégié. Cependant, il nous semble que port Imaginaire-concret décrit plus ment le champ vide, et ceci d'une façon deux seulement d’entre eux ont été haut), et notre analyse de ce grand qui rappelle quelque peu Bresson. Ce­ pensés explicitement en fonction du paramètre n’est peut-être pas aussi pendant, dans « La notte », il introduit à rapport entre l’espace du champ et exhaustive que celle que nous avons plusieurs reprises un procédé tout à l’espace « off • (nous pensons au long consacrée aux types de changements de fait original, par lequel l’échelle ■ réel­ travelling arrière qui, à partir des oreil­ plan. Mais l'organisation des deux es­ le » du champ vide reste parfaitement lers du lit (5), dévoile l'énorme boudoir paces est également concevable selon indéterminée avant que l'entrée du per­ de Nana, faisant jouer l’espace-hors- ces mêmes principes - para-sériels » sonnage ne la définisse. Au moment où champ dans la mesure où la fonction (répétition, alternance, élimination ou le mari rentre seul chez lui, nous du plan est précisément de nous le prolifération progressive, etc.). Certes, voyons d’abord la surface d’un dé­ montrer..., et au plan qui nous montre une telle organisation systématique et cor, accidentée mais sans aucune d’abord les jambes puis, par pano pleinement articulée à l'échelle du film indication d’échelle, de telle sorte que bas-haut, le torse de Muffat au moment est encore assez utopique, mais l'œu­ l'entrée du personnage, sortant d’une où il découvre le cadavre de Georges). vre d’un Bresson ou d’un Antonioni porte d'ascenseur (qui n'était pas iden­ Il est évident que n’importe quel mou­ montre, pensons-nous, qu’elle sortira un tifiable en tant que telle avant son vement d'appareil suscite des transfor­ jour du domaine de la spéculation ouverture) opère non seulement une mations d’espace-hors-champ en pure. — Noël BURCH. (A suivre.) modification dans la nature de l'espace espace-du-champ et inversement. hors champ (faisant intervenir d'une Cependant, ceci est loin d’être la (1) Voir « Comment s’articule l'espace- manière spécifique l’espace « derrière raison d'être de tous les "mou­ temps », in «Cahiers» no 188. le décor ») mais aussi une modification vements d'appareil. Souvent, le (2) Le champ vide a un curieux ancêtre de l’espace du champ lui-même, qui mouvement a pour but de créer un précinématographique un fragment devient tout à coup beaucoup plus plan fixe, plastiquement parlant, autour dramatique de Baudelaire, dans lequel petit (et le plan plus « gros «) qu’il n’ap- d’un ou de plusieurs personnages en une importante partie de l'action se paraîssait lorsque le cadre était vide. mouvement (citons, dans 1’ - Othello » joue dans la coulisse, laissant la scène Un peu plus tard, lorsque Mastroianni de Welles, les longs travellings arrière vide. est étendu sur une banquette, atten­ qui précèdent lago et Othello sur les (3) Et pourquoi l'œil ne serait-il pas en­ dant le retour de sa femme, il lève les remparts ici, Y espace-hors-champ traîné ? Pourquoi les cinéastes ne yeux comme pour regarder devant lui n'intervient qu'au moment où lago de­ s'adresseraient-ils pas à une élite, tout et nous passons à une contre-plongée vance Othello pour sortir du champ). comme les musiciens l'ont toujours fait d’une surface carrelée. Le regard de C'est peut-être parce que les Russes, dans leur temps ? Et nous entendons Mastroianni suggère que cet élément et notamment Dovjenko, sentaient cette par élite des gens qui veulent se don­ d’échelle ambiguë fait partie du décor multivalence des mouvements de camé­ ner la peine de voir et revoir les films de son appartement très moderne... et ra (nous n'avons cité que deux de (beaucoup de films) comme l'on doit pourtant, lorsque Jeanne Moreau entre leurs fonctions nombreuses) qu'ils les écouter et ré-écouter beaucoup de mu­ dans ce nouveau cadre tout à fait en ont confinés, pour certains de leurs sique pour comprendre les derniers bas de l'image, elle est minuscule, et films, dans un rôle particulier. Dans quatuors de Beethoven ou l’œuvre de nous constatons alors qu'il s'agit de « La Terre », les rares mouvements Webern. l’immense façade aveugle d'un building de caméra sont de légers recadrages (4) 11 y a des compositions de ce type de plusieurs étages. Ces deux exem­ qui nous montrent très explicitement (scènes d'amour dans « Hiroshima », ples d'une prise de conscience après un espace - off » très voisin du ca­ « La Femme mariée •) qui mettent en le « raccord » de l’échelle véritable drage original. Et nous pensons que, jeu d'une façon minimale l’espace-hors- d'un plan peuvent être rapprochés des s’il est effectivement possible d'établir champ (mais qui le mettent néanmoins exemples de - raccords à appréhension une organisation rigoureusement dia­ davantage en jeu que si les corps décalée » cités dans notre premier ar­ lectique entre l'espace-hors-champ et étaient entièrement contenus dans le ticle. t celui du champ, les mouvements de cadre). D'ailleurs, on pourrait, par rap­ La troisième méthode dont s’était ser­ caméra devraient intervenir dans cette port à une situation semblable, Imagi­ vie Renoir pour articuler les deux es­ dialectique d'une manière analogue à ner une Intensification ponctuelle de paces entre eux consistait à couper un la conception russe. Ce qui ne veut l'espace - off » si, à un moment donné, personnage par le bord du cadre. On pas dire qu'ils devront être aussi rares l'un de ces « fragments de sculpture » s’en sert couramment aujourd’hui dans qu'ils le sont dans « La Terre » (ou se mettait à bouger, sortant tout à fait le procédé dit de l’amorce, et les Ja­ dans « Nana »), ni qu’ils devront tou­ du cadre, ou se faisant rejoindre par le ponais, surtout, en ont tiré une partie jours participer à cette dialectique reste du corps — encore une possibi­ compositionnelle (4) tout à fait admira­ (mais alors une autre dialectique se lité dialectique qui s'esquisse. ble, s'inspirant évidemment des princi­ propose : entre les mouvements qui (5) Ces oreillers sont vus d'abord dans pes de leurs arts graphiques. Ceci est participeraient à celle des deux espa­ une vignette, qui s'élargit au moment particulièrement frappant chez Kuro­ ces... et ceux qui n‘y participeraient où le travelling démarre. La vignette et sawa et Ichikawa. pas). l'iris, bien que peu employés de nos jours (voir cependant - Jules et Jim », ______vm______j ______vm______« La Nuit du Chasseur »), constituent Nous avons gardé pour la fin de cette On le voit, les possibilités d'articula­ une façon très intéressante de rendre discussion le problème des mouve­ tion raisonnée, d'organisation structu­ » off » une certaine partie de l'espace ments d’appareil, car ceux-ci sont beau­ rale des rapports entre les deux du champ : ce sont des procédés qui, coup plus réfractaires à l'analyse sous espaces, à travers et par-delà la sim­ dans l’optique dialectique que nous l'angle des - deux espaces » que ne ple organisation rythmique des entrées proposons, retrouveront peut-être la l’est le plan fixe. Revenant à « Nana », et des sorties, déjà fort rare en elle- place qu'ils méritent. 47 I

MARINA VLADY. RAOUL J. LEVY ET ANNIE DUPEREY OANS • DEUX OU TROIS CHOSES QUE Si SAIS D'ELLE *. De trois films et d’une certaine parole par André Téchiné

A propos de « La Muslca », Marguerite Duras constatait : « Dans ce film tout arrive par la parole. » Dès les premiers plans cette fameuse parole apparaît comme l'unique « recours ». Les per­ sonnages sont voués à la pratiquer et à ne pratiquer rien d'autre. Etrange fonction du verbe qui donne aux grands films d'aujourd'hui la seule dimension possible, chaque être n'ayant d'autre épaisseur que celle de sa propre lan­ gue. Il ne s'agit pas d'une parole iden­ tique se répercutant d'œuvre en œuvre selon un mode privilégié mais d'une parole mouvante, quotidienne ou pré­ cieuse, littéraire ou musicale, différem­ ment employée chez Godard (« Deux ou trois choses que Je sais d'elle »), Duras (« La Musica *) ou Bergman (« Persona »), mais chargée d'un égal et difficile pouvoir de révélation. Si bien qu'il semblerait que tout flashback, toute image au sens traditionnel du terme n'ait plua sa raison d’être. Car de tels procédés substitueraient au vi­ sage faisant naître les choses dont il parle une transposition illustrative ris­ quant de restreindre tous les possibles engendrés par le souffle humain livrant des mots prêts à courir leur chance.

49 Dans le cinéma d’aujourd'hui, la voix commence à prendre un relief inconnu, à se faire entendre isolément, détrui­ sant peu à peu le masque social dont elle provient pour atteindre une espèce de présence, d '« innocence - — dernier retranchement où la vie et la mort apparaissent intimes. Seule importe la résonance. Au lieu d'être fonctionnelle et directement tournée vers l'action, la parole semble de plus en plus profon­ dément « consciente », élan aventureux et irréductible. Voici trois exemples ve­ nus de trois films récents. Cela ne si­ gnifie pas que les cinéastes suivent le même chemin mais qu'ils fournissent des réponses différentes à une préoc­ cupation commune.

1) GODARD : * DEUX OU TROIS CHOSES QUE JE SAIS D'ELLE. .

Dans « Deux ou trois choses -, il y a d'abord des passants entrevus dans le flot discontinu de la foule, au hasard des rencontres. Godard leur laisse à pleine le temps de dire quelques mots, quelque chose, avant de passer à d'au­ tres choses. Pour Marina Vlady il ne fait guère exception : elle reste seu­ lement plus longtemps que les autres devant la caméra. Ces bribes, ces em­ bryons de phrase sont lâchés tantôt brusquement et débités d'un seul jet, tantôt lentement et entrecoupés de si­ lences extérieurs à toute volonté de ponctuation. En fait, Godard accule les gens à la parole en les coinçant de­ vant des parois souvent murales, par­ fois monochromes, sans leur laisser d’échappatoire. Le geste lui-méme est suspecté. Seul le battement des pau­ pières, le mouvement des lèvres, la di­ rection du regard peuvent encore gui­ der, mais faiblement, moins pour nous éclairer que pour nous perdre. Le re­ fus du faux-semblant en ce qu'il contient d'efficace et d'ornemental aboutit à la pure et simple « citation ». Non pas la spirituo-neutrallté bresson- nienne mais la nudité. Car on dirait que Godard confronte le visage, élément humain bien vivant, au langage'— élé­ ment conceptuel, abstrait. Et la parole devient le court-circuit, le véhicule, le point d’interférence. Elle rend la pen­ sée concrète, lui insuffle au sens pro­ pre une force instantanée. Les mots écrits possèdent un caractère invulné­ rable, une sorte de pesanteur rassu­ rante, figée. Les mots prononcés, au contraire, sont échappés, suspendus, en proie à des craquements de toute nature, à d'incessantes redites, à d'im­ prévisibles ruptures, en marge de toute convention syntaxique. Quand ils ne servent plus à une appropriation immé­ diate ou plus exactement à une investi­ gation directe du réel, les mots se trouvent mystérieusement exposés à l'écriture. Ecriture à partir de laquelle une voix nouvelle peut naître et se pro­ pager, comme en pleine lumière. Cette voix aux multiples visages — une pros- tituée, un client, une manucure, une ■ deuse et cohérente peut jaillir par les fondeur, empreint d’une opacité résis­ coiffeuse — va et vient, évitant aussi ! mots. Mais cette vertu dynamique et tante. L'espace bergmanien est celui de bien l'immobilité du texte que la vanité ' génératrice de la parole n’échappe pas la terreur muette : attitude invraisem­ du bavardage. Elle est chez Godard le à la dérision qui la guette. Aucune véri­ blablement hiératique du bonze dévoré poignant et insurmontable désir de re­ fication, aucune application concrète ne par les flammes, photo fixe d’un enfant tenir ce moment privilégié où une phy­ peut s'en dégager. Cette parole créa­ levant les bras. Les scènes silencieu­ sionomie, une « apparence • s'accorde trice comporte sa propre négation. Elle ses de « Pereona » sont excessivement avec un système de 9ignes. ' est vouée à entrevoir un monde et dramatisées, décisives : l'errance noc­ A cette parole qu'on peut qualifier d'in­ 1 à se refermer sur lui. Elle témoigne turne où l’emprise sexuelle s'avoue, le hérente puisqu’elle fut captée à l’instant ' d’une irrémédiable impuissance, et il tesson de bouteille placé en évidence du tournage vient s’ajouter une autre lui arrive de dévorer les personnages pour provoquer la blessure, la lecture parole tout à fait arbitraire, sans visage qui s'imaginent éclaircir les choses. de la lettre tandis que la pluie ruisselle et privée de support concret. Elle re­ On ne se trouve pas par la parole, sur la vitre de l'auto. La parole permet tentit sur des plans muets et il semble­ elle n'est d'aucun secours. une éventuelle délivrance, mais une rait que le film eût été autre mais pos­ L'acharnement pour parvenir au mot aléatoire libération. Elle est fantasma­ sible sans elle. C ’est la raison qui 'juste reste purement ludique, aussi exi- gorique, écrasée par la profusion des donne au commentaire cette tonalité : géant qu'il soit, puisqu’il vise à outre­ sollicitations obsessionnelles. Les per­ impérative où, 6ans recourir à l’emploi passer l'imaginaire selon un processus sonnages la pratiquent ici dans un but de la deuxième personne, l'ordre est spécifiquement magique. Cette magie apparemment thérapeutique, finalement donné et établi ou plutôt le désordre verbale atteint sont point culminant contagieux et maléfique. De sorte que constaté. Car il semblerait que la voix dans le procédé d'incantation, cons­ se fait jour peu ô peu une mystérieuse chuchotante de Godard s’efforce de tante inévitable du langage durasien. symbolique du verbe, de ses métamor­ lutter contre l'absence même du visage , Par la parole, le phénomène le plus phoses et de ses sortilèges : associa­ qui la parle, contre cet artifice de ré­ ! ordinaire — celui de la perception par tion du sang et des mots, dialectique cupération qu’implique le commentaire exemple — se trouve ici brusquement de l'épanchement et de l’absorption. traditionnel. Elle est d ’autant plus chargé d’une force démesurée. Comme si Elizabeth Vogler — actrice émouvante qu’elle n'est plus en repré­ Le fait de constater un simple chan­ ayant perdu la parole — avait besoin sentation mais en critique, en dévelop­ gement de température se colore d’in­ des confessions et des interminables pement, en variations inattendues. Elle times répercussions, charrie des obses­ déclarations de l’infirmière pour se devient le double du film, son fantôme, sions et stimule des analogies. Parce nourrir et pour subsister, isolée dans et dans un même temps sa pulsation, 'que déjà le choix d'un vocabulaire — un effrayant mutisme et rivée sur sa sa nécessité. aussi simple soit-il — , doublé de son proie affolée. Les fantasmes sortent retentissement sonore, tient du * mira­ alors de la nuit individuelle où ils bai­ cle », implique - l'étonnement de dire » : gnaient pour devenir masque commun, 2) DURAS : • LA MUSICA » d’arriver à peupler le silence par la non seulement partage mais échange voix et les mots, mais en même temps et remplacement. Comme si les ramifi­ de vouloir que cet acte parlé éclate, cations inextricables des êtres les con­ L’univers de Duras est celui du vide à i ■ porte » (comme on le dit justement combler. A te nudité incisive de Godard fondaient les uns aux autres plus qu'ils 1 d’une certaine puissance vocale). Et ne les unissaient ou les différenciaient, s’opposent ici des zones d’ombres flot­ c’est là que prend racine l’effort vers déterminant le visage d'une commune tantes. Le dialogue — plutôt les mono­ la persuasion poussant les personnages logues — obéissent à l’unique intention folie. La parole unique est le délire, à s’accrocher aux mots et à s'enfoncer non pas l'artifice farfelu mais le délire de faire naître un monde, de faire sur­ en eux plus avant. Mais la vanité d ’une morbide, l'agonie. C'est-à-dire une pa­ gir quelque chose. Le mot durasien est telle épreuve ne tarde pas à transpa­ le seul projet possible pour continuer role emmêlée, saturée d'images em­ raître par le langage même, par son pruntées à l'imagination et à la mé­ de durer, c’est-à-dire pour introduire caractère mécanique, systématique, par une liaison, une transition ou une rup­ moire, n'opérant plus la part des l'inconséquence finale de ses vertus choses, laissée à la dérive. Les som­ ture entre un moment et un autre. Dans allusives se contentant d'instaurer et un temps et une lumière • uniformé­ nambules bergmaniens sur leur lit d'hô­ de prolonger ■ l'illusoire ». Cet illusoire pital articulent fébrilement les phrases ment décolorés », la parole à grand durasien peut être la préservation d'une peine souvent et souvent par le biais qui font basculer les époques et re­ chaleur connue et oubliée (duo Seyrig - nouent avec la préhistoire inchangée de l’alcool reste le seul courant sus­ Hossein) ou la prescience d une inti­ ceptible de perturber, d’animer, de pro­ de la détresse : le borcJ de mer ou la mité attendue en vain (duo D assin- clinique dressent le bilan du même voquer, ultime symptôme de survivance. hossein). Et cette précieuse parole de Aussi les personnages se raccrochent- naufrage. A n'importe quelle heure du l’illusion est évocation sonore où la vie jour la nuit reste entière. Il se trouve ils désespérément à cette énergie en­ semblerait prendre vie en restant ce: core capable de les mouvoir et de les que les sorcelleries nordiques ont pendant lointaine, engloutie et comme changé d'arsenal : le visage humain a éprouver. Mais cette parole ne fait introuvable, mais révélée telle quelle remplacé te grotesque vampire et notre qu'abstraire davantage l'alentour. l'espace d'une nuit ou d'un après-midi. Devant l’importance qu’elle prend, les peur n'a cessé de grandir. décors ou autres éléments accessoires La citation godardienne, l'illusion dura- se trouvent du même coup plus pro­ 3) BERGMAN : • PERSONA • sienne et la fantasmagorie bergma- fondément effacés, on pourrait dire nienne ne se posent pas comme des - dispensés ». Cette progressive dispa­ limites ou des compartiments distincts rition du lieu aboutit à une Interchan­ Chez Bergman, ce n'est plus l'absence de la parole cinématographique. Qu'elle geabilité locale. L'hôtel caractérise mais un silence oppressant qui force à prenne un pouvoir démystificateur, In­ cette dépersonnalisation : on retrouve parler. Non plus un univers de nuan­ cantatoire ou symbolique, la parole dé­ le même à Hiroshima, dans une petite ces, de demi-teintes, où toute matière passe la restriction des significations ville d’Espagne ou du bassin parisien. s'estompe, mais un arrière-monde me­ qu'elle amorce. Il se trouve simplement En favorisant l’imprévu, un tel endroit naçant, grouillant d'éléments informes qu'en voyant quelqu'un parler intermi­ ouvre ô la parole toutes les perspec­ s’entredévorant. Chez Duras, les per­ nablement. diversement — Gertrud, Ju­ tives. Les personnes qui se rencontrent sonnages tendaient vers le mot comme liette. Elle, Aima — , l'impression que ne connaissent rien les unes des autres vers le salut. Ici le mot provient des quelque chose commençait s’est peu à (ou bien le temps les a séparées et les affrontements secrets, des descentes peu précisée, comme si le cinéma par­ retrouve étrangères, ce qui revient au lointaines. Quand II émerge, il semble lant avait transformé une parole donnée même) : une sorte de réalité hasar- remonter de quelque insondable pro­ en une parole acquise. André TECHINE.

51 Cahiers Est-ce que certains films vous Entretien ont plus particulièrement donné envie de faire du cinéma ? Guerra C'est toujours très difficile de avec dissocier les éléments qui peuvent vous donner envie de faire quelque chose. Ruy Guerra Cependant, certains films m'ont alors beaucoup frappé, en particulier ceux du néo-réalisme italien et certains films par américains. Je n'aimais pas beaucoup, par contre, le cinéma anglais. Jean-André Fieschi Cahiers Noël Burch, qui était à la et Jean Narboni même promotion I.D.H.E.C. que vous, nous a dit que vous aviez alors réalisé un film qui l'avait beacoup frappé, et dans lequel on trouvait déjà presque tous les thèmes de vos deux longs métrages. Guerra C'est vrai. J'ai d'ailleurs re­ tourné dans « Les Fusils » un petit Ruy Guerra. morceau du film qui m'intéressait. Les Il fut le grand absent de la table ronde militaires et l'anthropophagie m'intéres­ du Cinéma Novo (« Cahiers », n° 176). sent, deux thèmes qui vont bien ensem­ Absence, abstention plutôt, sur laquelle ble. J'avais fait à l'I.D.H.E.C. une adap­ il s’explique un peu plus loin dans tation d'un roman de Elio Vittorini, notre entretien. Déjà connu de nous « Les Hommes et les autres ». Bien sûr, cependant par Os Cafajestes » sorti en dix minutes, je ne pouvais pas ren­ à la sauvette... au Midi-Minuit. A pro­ dre toute l’ambiance de la Résistance pos de son second long métrage, « Os italienne, et j'ai filmé une scène où je Fuzis ». dont il disait qu'il avait in­ pensais pouvoir rendre le climat de fluencé le tempo de - L’Homme au violence propre à la guerre. C'étaient crâne rasé », André Delvaux, pourtant des soldats qui gardaient des otages, peu enclin aux formules péremptoires, il y avait des morts, et on voyait les déclarait à Pesaro : ■ C ’est une des soldats manger, parler de choses ano­ œuvres les plus mûres que j’aie vues. dines, de leurs histoires d’amour, pen­ Je serais tenté de dire que c'est le dant que les gens les regardent. meilleur film d'Eisenstein... ». Cahiers C'est vous-même qui aviez Sur ce film, noire explosion lyri­ fait les décors... que, poème du torride, marqué aux Guerra Oui, c'était un film que j'avais fers de la faim et de la misère, chant beaucoup travaillé. A cette époque je d'une terre que craquèlent le manque pensais qu'il fallait tout prévoir, élabo­ et la sécheresse, nous aurons l'occa­ rer, organiser de près. J'avais dessiné sion de revenir bientôt plus largement. chaque plan, le trajet des travellings, Page 51, le Petit Littré donne comme les déplacements de personnages. Tout exemple d'allitération (notons que le le film était sur le papier avant le tour­ titre « Os Fuzis » joue, lui, habilement nage. Je crois que ça se voyait un peu de la rhétorique, — par lequel il faut d'ailleurs, et que le film avait perdu en entendre aussi bien les armes dans leur spontanéité. J’ai beaucoup évolué de­ matérialité que les soldats qui en dé­ puis, et je crois que ce qu'il faut, c'est tiennent les pouvoirs) : « Qui terre a, penser le film fortement et longtemps, guerre a ». — J. N. avant, mais qu'il n’est pas nécessaire Cahiers Vous êtes né dans la colonie de le dessiner. portugaise du Mozambique en 1931. Le film avait deux parties : dans la pre­ Comment et quand êtes-vous allé au mière, on présentait les otages et les Brésil ? soldats. Il y avait un dialogue entre Ruy Guerra Je n'y suis allé qu’en 1958 eux, et, à un moment, dans la foule, après avoir fait mes études ici à quelqu’un traitait les soldats d'anthropo­ l’I.D.H.E.C. de 52 à 54. J’avais fait aupa­ phages. L’officier se levait, interrogeait ravant au Mozambique quelques courts les gens pour savoir qui avait crié cela. métrages en huit et seize millimètres et Seulement, à l'époque, on n'avait pas comme il n'y a pas là-bas de produc­ la possibilité de faire de mixage, il fal­ tion cinématographique, je suis venu à lait choisir entre dialogue, commentaire Paris. J'ai été assistant de Rouquier et musique, et comme je pensais que pour « S.O.S. Noronha » et surtout l’impression de violence ne dépendait acteur. J’ai également été assistant-sta­ pas tellement du dialogue, je l'ai finale­ giaire de Delannoy, alors que j’étais ment supprimé et remplacé par un encore à l’I.D.H.E.C., et assistant-opé­ solo de batterie. On voyait donc les rateur d'un court métrage. Cahiers Aviez-vous vu beaucoup, de films à l'époque ? Guerra Très peu de films français et de films italiens. Mais en revanche, beau­ coup de films américains et presque tous les films anglais.

52 soldats parler sans entendre le son, Guerra Un certain temps, j’ai aban­ de Rio. Pendant deux mois, l’histoire a avec tout autour les otages couverts donné l’idée de le faire. C'était un film évolué, nous l'avons écrite et récrite. de sang. A cause de ça, j’ai eu pas mythique, du moins le projet que j ’en Cahiero Les acteurs étaient-ils connus mal de problèmes à l’I.D.H.E.C., où on 'avais alors. Les armes y avaient une à l'époque, par exemple Norma Ben­ n'appréciait pas du tout ce côté sangui­ valeur de mythe. C'était fait pour se guell ? naire. Par contre, la seconde partie du Ipasser en Espagne, ou en Grèce, chez Guerra. Non. Norma Benguell avait film, elle, était entièrement dialoguée, à ides gens qui depuis plusieurs an­ joué deux ou trois fois au cinéma, dans l’exception d'un ou deux plans, pendant nées n’avaient pas vu < d’armes. Elles des films très mauvais, où elle était lesquels on entendait une-musique bré­ 'devaient avoir à la fois de la beauté et censée plagier Brigitte Bardot. Moi, silienne jouée à l'accordéon. Le film une valeur de frappe, symboliser la s’appelait « Quand le soleil dort -, Il force, le mystère, l’inaccessible. Au était un peu dans la tradition néo­ Brésil, cela ne jouait pas, les armes réaliste. font partie du quotidien. N’importe qui Cahiers Comment avez-vous émigré au .a un petit revolver à la ceinture, en Brésil ? ville ou à l'intérieur. De plus, comme Guerra Je suis resté à Paris de 52 à je vous l'ai dit, c’était un film d'hiver. 58. En fait, je n’étais pas toujours là, La condition dramatique, c’était celle j’ai vécu un peu en Espagne, un peu de gens qu’on a privés d’armes, à qui en Grèce, mais mon pied-à-terre était on les a confisquées à cause des ré­ Paris. Je pensais faire un film. Pendant voltes, et qui en demandaient pour se que j’étais sur le tournage de « S.O.S. protéger des loups qui descendent de • Os CafaJajtel * : Jbc# Valadao, Norma Benguell. Noronha », on m’avait proposé d'écrire la montagne pendant l’hiver. Tout cela j'estimais qu’elle pouvait être très bien, l’adaptation d’une nouvelle, « Joana -, était impensable au Brésil, et j’ai un mais personne n’y croyait, du moins que j ’avais écrite avec Pierre Pelegri, 'peu renoncé au film. C'est uniquement comme actrice. Aujourd'hui, elle est de­ après • Os Cafajestes » que j'y ai venue un nom du cinéma brésilien. repensé, en transformant les données Cahiers Est-ce que déjà, au moment où premières. Des soldats, donc des gens vous tourniez « Os Cafajestes », il y ,armés. venaient protéger des villageois avait l’amorce de ce qu'a été le « Ci­ icontre les loups. Et comme pendant cet néma Novo » ? Ihiver, les loups ne descendaient pas, il Guerra Glauber Rocha tournait à ce !commençait à ee créer une espèce de moment - Barravento », son premier mythe chez les soldats, la même fas­ film. C'est à Bahia qu’on commençait cination des loups que celle qu'éprou- un peu à faire un cinéma qui sorte des 'vaient les villageois pour les armes. comédies ou des policiers médiocres • Oa CalajBStBS • : Jecs Valadao, Norme Benguell. Les soldats en venaient à prendre peur alors courants à Rio, si l'on excepte pour le Brésil, et, un peu plus tard, eux-mêmes, à craindre ces gens dont les films de Dos Santos. Mais ces films d'en faire moi-même la mise en scène. ils ne comprenaient pas les réactions. ne quittaient jamais Bahia. Quand « Os Quelques mois plus tôt au cours d'un Il se créait des rapports troubles en Cafajestes - est sorti, c'était le premier voyage en Grèce, j’avais trouvé un eux, alimentés par une façon différente film différent des films bassement com­ producteur pour « Les Fusils », aux­ de réagir aux mêmes choses. J'ai un merciaux. Il a fait beaucoup de bruit quels je pensais déjà. Mais à l’époque, peu gardé ça dans le film que j'ai fait, à tous les points de vue, non seule­ la pré-censure en Grèce ne m’a pas mais atténué. ment commercialement, mais en attirant accordé d’autorisation. C’était le mo­ Cahiers Dans quelles circonstances l'attention sur le cinéma brésilien. ment des élections de Karamanlis. avez-vous fait « Os Cafajestes -, avant L’Eglise, l'Armée, la Police sont inter­ Comme je suis têtu et que je tenais « Les Fusils » ? venues tour à tour. Tous les critiques, au film, j'ai insisté jusqu’au moment où même ceux ne l'ayant pas aimé, ont on me l’a accordée. Seulement, il de­ Guerra Quand je n'ai pas pu faire le reconnu qu'il marquait un tournant, ou vait se passer en hiver, et c’était trop film pour lequel j'étais allé au Brésil, je plutôt un début dans le cinéma natio­ tard. Il me fallait attendre une année. me suis trouvé sans billet pour rentrer nal. C'est le premier film à propos du­ De plus les déboires avec la censure en France, et j'ai pensé à travailler sur quel on a employé l'expression « Ci­ avaient un peu refroidi mon producteur. place. A cette époque, le cinéma bré­ néma Novo ». C ’est à ce moment-ià qu'on m'a pro­ silien était un cinéma de basse comé­ Cahiers Ce qui est curieux, c'est qu’à posé la réalisation d’un film au Brésil die. On ne pouvait même pas proposer Paris le film est sorti au Midi-Minuit, et je suis parti le faire. Je ne l'ai d'ail­ un film policier correct aux producteurs, avec l’étiquette apposée aux films habi­ leurs jamais fait. Mais, de toute façon, ils ne marchaient pas. C'étaient partout tuels à ce cinéma. C'est un peu par le Brésil m'intéressait. En tant que Mo- des « comiques », même pas visuels, hasard qu’il a été remarqué. zambiquais, j’étais beaucoup plus con­ des films bavards, des numéros de ca­ Guerra Alors qu'au Brésil, par contre, ditionné par ce pays que par le Por­ baret. Un jour, j'ai rencontré Miguel on l’a vu tout de suite avec références tugal, à cause de choses comme la Torres qui avait écrit un très beau scé­ et - lettres de noblesse ». Les gens littérature, le problème noir, etc. Le nario sur les Cangaceiros, et qui l'avait allaient le voir en sachant d'avance que Mozambique c’est un petit Brésil : de­ cédé à quelqu'un, Aurelio Texeira, pour ce n'était pas un film commercial ou puis toujours, je connaissais la littéra­ le réaliser, n’ayant pas de producteur. • érotique -, et ceux qui ne le savaient ture du pays, j’avais des affinités avec Ce type était prêt à travailler avec moi, pas et s'y rendaient comme au Midi- lui. Dans mon voyage au Brésil, il pour faire un petit film pas cher. J’ai Minuit ont été drôlement déçus. C’était y avait donc le mélange d’un concours cherché une histoire, et avec un acteur considéré comme un film « artistique », de circonstances et de ma volonté brésilien on a créé une sorte de coo­ propre. pérative. Le devis s’élevait à six mil­ Cahiers Vous aviez alors toujours en lions de cruzeiros. Il fallait peu de tète de faire « Les Fusils - à cette figuration, de décors, d’acteurs et le époque ? moins possible d'impondérables. L'his­ toire est née ainsi, sous des contraintes de production. La situation dramatique, le scénario, est pour ainsi dire venu idu contexte économique. Il y a eu dans l'histoire trois acteurs d’abord, puis un quatrième, puis une voiture pour sortir

53 bien que je déteste ce mot. mencé à naître, nous travaillions tous Cahiers Walter Hugo Khouri nous a dit ensemble... une fois à Cannes qu'il avait pris la Il y avait Carlos Diegues, Léon Hirsz- défense du film dans un journal et qu'il man, les gens du Centre Populaire de s’était mis mal avec certains cinéastes culture. Quant à Nelson Pereira dos brésiliens à cause de cela... Santos. lui, il avait déjà réalisé des Guerra C'est vrai, les critiques ont été films, mais il était avec nous. A Sao quand même très partagés. Le film Paulo. il y avait Anselmo Duarte, et existait comme « événement », mais il Khouri qui sont toujours restés à part. a été aussi fortement attaqué comme C'est seulement quand je suis rentré • Os Fuzis • : Maria Gladys et Nelson Xavier. tel. L’Eglise, les Ligues de bonnes fem­ du tournage des « Fusils » que se sont mes lui sont tombées dessus. Je suis le posés de petits problèmes. Je sentais aurait été gommé, et je ne voyais pas seul cinéaste brésilien à ne pas pou­ que quelque chose n'allait plus, sans l’intérêt d’y aller. voir par exemple me montrer à la fa­ m'expliquer quoi. De petites rivalités Cahiers Quels sont les films du groupe culté catholique de Droit. J’étais le individuelles ont commencé à jouer, que vous trouvez intéressants ? représentant d’une morale que pas mal des ragots ont été colportés à l'un et Guerra Le film de Glauber Rocha « Le de gens réprouvent violemment. à l'autre, mais toujours à l'échelle indi­ Dieu noir et le diable blond » me parait Dans certains journaux, des critiques viduelle, du moins à ce moment-là. être le meilleur. Glauber est un type ont demandé l'intervention des forces C ’est un peu après que les choses ont très bien, mais il se laisse influencer armées. Le film' a été retiré de l’affiche cassé nettement. Carlos Lacerda. qui par ceux qui créent autour de lui le au bout de dix jours, et c’est seulement était gouverneur à l'époque, a décrété mythe du « génie ». « Vidas Secas • aussi depuis qu’il y a un nouveau gouverneur une loi d'aide pour le cinéma. De façon est un très bon film, et Nelson est un à Rio qu’il peut être normalement pro­ très subtile et intelligente, car la loi type très honnête. Toujours en marge grammé. Il y a un an encore, des fem­ était finalement très discrétionnaire et des différends. Hirszman est très intelli­ mes ont fait des marches dans les rues fasciste au fond. Elle était exactement gent, direct, mais je n'aime pas beau­ en protestant contre Norma Benguell, celle du cinéma espagnol. Pour se ral­ coup - La Morte ». qui devait tourner un film à Minas lier les cinéastes brésiliens, il a com­ Cahiers Quelles ont été les réactions Gérais, endroit hautement réactionnaire. mencé à distribuer des prix en espèces devant votre deuxième film, « Les Fu­ aux uns et aux autres, mais le principe sils » 7 restait très faux. Tout le monde main­ Guerra II y a d’abord eu la séance tenant s’en est rendu compte, mais spéciale dont je vous ai parlé, où le j'avais tout de suite tiqué. Ce que nous film a été démoli, sauf par le critique voulions, c'était - l'additionnel -, c'est- Alex Viany, puis il est sorti, mais cou­ à-dire un pourcentage sur les recettes, pé. J’avais un accord avec le produc­ pas cette libéralité arbitraire. Alors, et teur, selon lequel il pouvait faire ce qu'il voulait du film au Brésil, à condi­ immédiatement, j’ai eu tout le monde contre moi. Le seul avec qui je gardais tion que je ne le signe pas. La plupart des contacts amicaux était Léon Hirsz- des critiques en ont profité pour se re­ fuser à parler d’un film non signé. Dans ■ Os Fuzis ■ : Maria Gladys et Neljon Xavier. man. Je suis devenu un peu l'homme à abattre. Le jour où j’ai présenté - Les l'ensemble, il est passé inaperçu. Par Khouri, lui, est de Sao . Paulo, et de­ contre, à Sao Paulo, je l'ai projeté de­ puis toujours il existe une vieille riva­ Fusils • à une séance spéciale, les gens de fa - gauche pensante • du vant des étudiants et à la Cinémathè­ lité entre cette ville et Rio en ce qui que, et ils l'ont beaucoup aimé. concerne le cinéma. C ’est à Sao Paulo cinéma et du théâtre, exception faite de ceux du groupe théâtral de Sao Cahiers Comment en est-il venu à re­ que naissaient les premiers mouve­ présenter le Brésil au Festival de Ber­ ments opposés au cinéma commercial Paulo, m'ont violemment attaqué. A partir de là, tout a été fini. Et quand lin en 1963, où Doniol-Valcroze l'avait de Rio. Beaucoup de gens là-bas, ne vu et aimé (cf. « Cahiers », n° 158) 7 voulaient pas admettre mon film parce les gens du groupe, qui sont très actifs, et là je les approuve totalement, Guerra C'est le parfait exemple de que c’était admettre l’existence de Rio contradiction brésilienne. Le film avait se manifestent d'une façon ou d’une dans le panorama cinématographique pris beaucoup de retard dans son mon­ autre — conférences, interviews, tables du pays. Khouri s’est donc crée pas tage il y a peu de salles et Glauber mal d'ennuis à cause de son attitude. rondes — tout le monde est là, même ceux qui n'ont encore pas fait de films, devait finir le sien. Il était prêt au mo­ Il ne voyait pas dans « Os Cafajestes » ment où le coup d'Etat a eu lieu. Avant un film fait dans le but de provoquer sauf moi. Ce qui ne les empêche pas de venir me faire toujours de grandes cela son scénario avait été très atta­ le cinéma de Sao Paulo, comme on le qué, on lui reprochait d'être réaction­ prétendait, et il l'a défendu. déclarations d’amour et de fidélité, d'essayer de m’amadouer, et de me re­ naire parce qu'il s'en prenait à une Cahiers Quand on envisage le cinéma armée qui était censée être celle de la brésilien, et même parfois quand on procher « mon » attitude. Qu’ils aient leur avis, c'est leur droit, mais je légalité. Quand le coup d'Etat s'est fait, parle avec des représentants du - Ci­ la Commission de Sélection, dont les trouve répugnant ce genre d'attitude. néma Novo », on a l'impression qu'il membres n’ont pas été changés tout existe là-bas des groupes, des rivalités, Chaque fois que je quitte le Brésil, on se précipite vers moi en me demandant de suite, l'a vite choisi pour Berlin. et pas mal de terrorisme. Vous, par Sur ce. le Comité de sécurité a de­ exemple, vous paraissez un peu tenu à si je pars pour de bon. Ils en ont très envie. mandé à le voir, parce que le bruit l’écart des autres... avait couru qu’à Cannes des cinéastes Guerra Au départ, j’appartenais tout à Cahiers Que s’est-il passé au moment fait au groupe, j'étais même dans le de la Table Ronde (in - Cahiers » n° noyau de gens qui ont contribué à le 176), à laquelle vous n'avez pas parti­ fonder. Au moment des - Cafajestes *, cipé ? Glauber Rocha qui était à Bahia est Guerra Marcorelles m'en avait parlé, venu à Rio, des tas de projets ont com­ mais je n'ai pas voulu y aller. Elles se passait chez Saraceni et je savais com­ ment les choses allaient tourner. Toute la petite cuisine est à usage purement intérieur. Tout ce que j’aurais pu dire

54 brésiliens avaient pris position contre ne peut faire que du documentaire, mais aurait-révélé un nouvel, état d'es­ le gouvernement nouveau. Dorénavant même si c’est le documentaire d’une prit. Seulement, cela, c’était le point de tous les films devant représenter le fiction. Dans .« Os Cafajestes », par départ d'un autre film... Brésil devaient être vus par ce Comité. exemple, avec Miguel Torres, j’ai beau­ Cahiers C'est un peu ce qu’on trouve Et le plus drôle, c’est qu'à fa fin de la coup travaillé le langage, le rendu d’un dans les films de Bufiuel où une action projection, un général s’est levé en di­ argot très particulier aux jeunes de Rio. sincère et altruiste, si elle reste limitée, sant : « Ça, c’est un film de mâle l » Dans la scène d’amour des « Fusils », ne peut que transitoirement et locale­ Là-dessus, les autres n’ont pas voulu les murs, leur couleur, leur matière, ment arranger les choses, sans avoir jouer les femelles, et le film est passé sont aussi importants que Ie9 person­ de grande portée définitive... comme ça. Il a été le premier film à nages et leurs actes. Les gens du vil­ Guerra Exactement. C'est pour cela représenter le gouvernement après le lage sont inséparables du lieu où ils qu’il faut toujours inscrire les actions coup d'Etat, et à Berlin, les gens ne vivent, la nature de leurs habitations que l’on décrit dans un grand cercle comprenaient pas très bien ce qui se les oppose aux soldats au même titre qui les englobe et les dépasse. passait, puisque le film est nettement que des conflits apparemment plus im­ Cahiers Justement, dans « Les Fusils ». antimilitariste. Comme il a eu un prix portants. on a l'impression d'un film en vase clos à Berlin, la censure à son retour n’a Cahiers En voyant « Les Fusils », on se mais sur une grande surface. pas osé l’interdire, et il est passé Guerra Tout à fait. C ’est encore plus comme ça, avec les coupures du pro­ oppressant sur tout le territoire d’une ducteur. région, de sentir que le cercle est ce­ Cahiers Est-ce que - Os Cafajestes » pendant très limité, et partie infime est un film auquel vous tenez mainte­ d’un problème plus vaste, celui du féo­ nant ? dalisme, de l’isolement, de la faim... Un Guerra Je tiens à beaucoup de choses étouffement à l'air libre. Pour cela, il dans ce film. Une certaine liberté dans fallait laisser avancer l'action dans les l’exposé des faits, certains moments, sens les plus divers, ne pas l'infléchir, et aussi le refus de prise de position ne pas adopter un point de vue immua­ ble et dirigé, donc forcément étroit sur sur le récit et les personnages. Les • Os Fiu Ij • : Maurlüû Loyola. les choses. personnages ne tentent jamais d'expli­ rend compte que le film comporte plu­ CahierB Votre film semble renvoyer à quer l'action, et si des choses sem­ sieurs niveaux : le documentaire, sur toute une série de mythes, de tradi­ blent obscures aux spectateurs, c’est lequel se greffe une fiction, et, englo­ tions. Parler de symbolisme par exem­ parce que la vie l’est aussi. Le film bant le tout, une sorte de vaste para­ ple à propos de la séquence du bœuf était très organisé, très construit, mais bole. comme une dimension mythologi­ est simpliste, on a l’impression que les je me suis efforcé de dissimuler la que... choses sont plus profondes, plus enra­ colonne vertébrale, la ligne dramatique, Guerra C ’est vrai, alors que - Os Ca­ cinées dans le passé et les traditions de rendre les choses de manière sen­ fajestes » pouvaient se lire sur un seul du Brésil... sorielle. Les choses tues sont tues plan. Mon second film a été très diffi­ Guerra L’histoire que raconte « Les Fu­ aussi au niveau de la conscience des cile è écrire. Au départ, ce qui m'inté­ sils • est un peu ce qui était arrivé, personnages, et le film reste volontai­ ressait, c’était de poser le problème de mais à une échelle infiniment plus rement à ce niveau, pas à celui d’une toute une région, de l’état d’esprit des compréhension plus vaste par le public. vaste, à Canudos. C'était une républi­ habitants, représentatif de cette ré­ que indépendante qui s'est formée au Cahiers La scène de la voiture sur la gion, mais dont eux-mêmes ne seraient début du siècle, où les mendiants, les plage et celle du fortin représentent pas conscients. Il fallait poser d’abord misérables se sont ralliés autour d'une assez bien deux tendances de votre la région de façon très documentaire, sorte de guide spirituel. Le Conseilhero. style, sensibles aussi bien dans « Les trier les groupes humains, car les men­ Ils ont établi des lois, un mode de vie, Fusils ». D'un côté, quelque chose de talités collectives n'excluent pas l’exis­ une autonomie. La république de Canu­ rageur, de frénétique, de violent, de tence de divergences profondes, expo­ dos est devenue tellement gênante que l’autre, un étirement de la durée, un ser les mythes de chacun de ces le gouvernement y a envoyé plusieurs laisser-aller dans le temps où rien ne groupes. Je ne voulais pas exposer expéditions pour la détruire. Les habi­ semble se passer... cela de façon linéaire ou statique, ou tants ont chaque foi9 refusé de se Guerra Je me soumets toujours aux définitive. Les gens et les groupes soumettre, ils ont résisté et décimé plu­ mouvements des personnages, à leur changent, et je voulais montrer cela de sieurs expéditions militaires, même état d'esprit du moment, et aux situa­ façon vivante, pas imposée artificielle­ celle que commandait le plus fameux tions où ils se trouvent, et qu’eux- ment par une idée préalable que j’au­ général du pays, Moreira César. La mêmes modifient à leur gré. Je les rais eue de cette évolution. J'étais éga­ troupe a été défaite par des gens laisse aller, je me soumets à eux, sans lement intéressé par ce que la situation armés de haches et de couteaux. Fi­ rien couper, masquer, sans ellipse. avait de profondément absurde. Tout ce L'excès ou le vide apparent s'imposent nalement, ils ont été massacrés par que les qens auraient pu faire, les vil­ une quatrième expédition de 1 800 hom­ d’eux-mêmes. Je refuse les construc­ lageois. les soldats ou le chauffeur du mes. Un essai a été écrit sur cet épi­ tions dramatiques où tout est utile à camion, ne pouvait pas modifier la si­ sode de l’histoire brésilienne, dont je l’action et è sa progression, où tout tuation véritablement. Leurs actes, si me suis inspiré. Mon film est une sorte tend à la faire avancer. Tout tient à la sincères, si excessifs soient-ils, ne de Canudos réduit. J'ai essayé de ren­ durée et aux rapports entre les person­ modifient pas tes données profondes dre tout le contexte superstitieux et nages, et ils leur faut le temps de se du problème. Si à la fin. les villageois créer, ou de ne .pas se créer. La fanatique du Nordeste brésilien. Tout s’étaient emparés de la nourriture, cela le côté emprise mystique. La seule chose dont j'ai le plus horreur est l’el­ n’aurait pas changé grand’chose pour lipse systématique. C’est dans le temps issue que les gens de cette région en­ l'avenir de leur situation matérielle. visagent est d’ordre mystique, c'est le de l’ellipse que les choses et leur évo­ lution me semblent les plus intéres­ recours ô Dieu. Lequel peut prendre santes. J’essaye de refuser l'utilitarisme pour eux les formes les plus diverses, au profit de l’action. les plus absurdes et contradictoires. Le bœuf est un événement qui a eu lieu Cahiers Ce qui nous a frappé aussi dans vos films, c’est une sorte de jus­ tesse documentaire sur la réalité du Brésil. Guerra Dans une certaine mesure, on

65 vers 1924. Le bœuf a été tué par les Cahiers La bande-son est très travail­ qui a duré quatre mois et demi, sur militaires. Le mythe de cet animal com­ lée... lesquels on a perdu plus d’un mois : mençait à prendre tant d'importance Guerra Au Brésil, les films sont pres­ maladies, pluie, incidents divers, pépins dans l’esprit des villageois qu’un autre que tous post-synchromsés, et le. son de production. Avant le tournage, j’y prêtre très influent en a pris ombrage en général très mauvais techniquement. avais passé un mois. Je voyais les et a obtenu du gouvernement qu'on le rushes tous les quinze jours, ce qui fasse tuer. J'ai pris une seule liberté en n'est pas pratique. Pourtant, le film n'a ce qui concerne ce fait, celle de le coûté qu’environ dix millions d'anciens faire manger ensuite par les gens du francs. village. Tout le film est ainsi lié à une Cahiers Quels sont vos projets ? série de traditions du Brésil. Guerra Une série d'émissions pour Cahiers Est-ce que ces deux épisodes l’O.R.T.F. dans le cadre de « Présence ont gardé de l’importance comme my­ du passé -, sur l'esclavage. Trois émis­ the, dans l’esprit des Brésiliens ? sions de 1 h 20 mn sur l'esclavage Guerra Enormément pour les gens du dans le monde, des origines à nos Nordeste. J'ai tourné l'épisode du dépe­ jours. Je ne voudrais pas faire une çage du bœuf le dernier jour, et j’avais histoire chronologique, mais plutôt défi­ demandé qu'on en distribue des parts • Os Fuzls * : Maris Gladyi, Nelson Xavier et Hugo Cervena nir une mentalité esclavagiste, des constantes. Quelque chose comme une aux villageois qui crèvent de faim. Je me suis donné beaucoup de mal technique de l'esclavage qui jouerait Parmi eux, il y avait une vieille femme pour les dialogues et les bruits, avec encore aujourd’hui. Poser la question très pauvre à l'écart, et elle a refusé mon ingénieur du son Aluizio Viana. de savoir si l’esclavage est une donnée le morceau, disant qu’avant de mou­ J'ai essayé d’établir plusieurs plans so­ naturelle, en commençant aux niveaux rir te bœuf l’avait bénie. Pour elle, il nores, de modifier les bruits de pas des animaux. Les fourmis, les abeilles avait quelque chose de sacré. Là-bas, selon qu’ils étaient sur des pavés ou ont un système de domination très les seuls êtres violents sont les prê­ de la terre battue, avec des sandales cohérent, alors que d’autres animaux tres, complètement fanatiques, survol- ou des bottes, même quand on ne voit n'ont pas ce genre de rapports. J’aime­ tés. Ils estiment détenir la parole de pas les gens marcher. Mais je suis rais aussi voir comment on devient, on Dieu, il faut les voir dans des foires, quand même assez mécontent de la accepte d’être un esclave, pourquoi la dans des réunions. On m’a reproché de qualité sonore du film. plupart du temps l’esclave chante plu­ les montrer comme je t'ai fait, mais J’ai aussi beaucoup travaillé au mon­ tôt que de se révolter. Peut-être même c’est qu’on ne les a jamais entendus, tage, j’ai monté le film plusieurs fois, alors. aborder par instants la psychanalyse. j’ai changé l’ordre de certaines sé­ Ce qui n’empêchera pas le film d ’avoir Un autre fait important, c’est celui de quences. Le film n'obéit pas à une la conduite de masse. Quand, à la fin, un côté fiction, de ne pas se cantonner chronologie stricte, et j'avais plusieurs à l’essai. Je parlerai de l’armée, de la le chauffeur de camion se révolte, il possibilités. Les images d’une des der­ est persuadé que les villageois vont le religion, des lavages de cerveau, du nières scènes, quand les soldats quit­ racisme. Ça me demandera au moins suivre et attaquer les soldats. Or, ils tent le village, se trouvaient initialement ne le font pas, ils se jettent sur le une année de travail. Je tournerai en au début. 16 mm pour être libre en ce qui con­ bœuf qui pourtant est un animal saint En fait, un film n’est jamais fixé une pour eux, et le mangent, franchissant cerne la pellicule. Un peu partout dans fois pour toutes. Les acteurs modifient le monde ; c’est le côté agréable, bien une étape qui. leur est beaucoup plus le scénario de départ, le tournage difficile. Et cela, pour la seule raison que j'aie une peur bleue de l’avion. change les choses, et ainsi de suite, Cahiers Quels sont les films qui vous que le chauffeur n’appartient pas au jusqu'à la vision même que chaque village, n’est pas intégré. Nous-mêmes, intéressent aujourd'hui ? spectateur peut se faire d'un film, une Guerra J'aime les films de Rosi, en par­ qui avons passé plusieurs mois dans le fois projeté. Ce qui ne signifie pas obli­ village, nous étions toujours « d’autres ticulier « Giuliano ». mais surtout ceux gatoirement que tous les changements de Bufluel, « Simon du Désert » est pro­ gens* pour eux. Pourtant,. ils ont par­ survenus, dans l’évolution d’un film ticipé de bonne volonté au tournage. digieux. Egalement le cinéma japonais, soient bénéfiques. Il y a par exemple pour son côté exacerbé, excessif, sur- Par exemple, il arrivait qu'on leur de­ une scène que j’ai tournée deux fois, mande de prendre telle ou telle posi­ volté. Le cinéaste français que je pré­ et que je ne pouvais pas garder, inté­ fère, de loin, est Renoir. tion, eh bien, ils seraient restés des grer au film, quelle que soit sa plasti­ heures ainsi, même entre les prises, Cahiers Et certains films de Kazan, cité, parce qu'elle créait une rupture de comme « Viva Zapata I » 7 sans bouger, au soleil, il fallait que ton trop forte, irrémédiable. Pourtant nous leur disions nous-mêmes de Guerra La première fois que je l'ai vu, c'était une scène très importante, où il m’a beaucoup impressionné, mais en s’abriter, de faire ce qu’ils voulaient en on voyait Mario, le soldat principal, et attendant qu’on filme. Il y a en eux une y réfléchissant, je le trouve, comment le chauffeur de camion se promener en dire, un peu superficiel, presque folklo­ sorte d’apathie prodigieuse. Pourtant, discutant. Le chauffeur provoquait Ma­ ils ont très bien compris ce qu’ils de­ rique dans son approche du pays. Peut- rio en lui disant : « Tu te crois malin être ai-je tort, puisque le Mexique lui- vaient faire, qu’ils participaient à une avec tes armes, tu crois pouvoir faire sorte de jeu. même tient énormément à son folklore ce que tu veux, eh bien tire sur celui-ci personnel. Ce n’est pas par hasard que Cahiers Est-ce que vous aviez écrit ou celui-là, tu as peur hein I • Mais tous les dialogues avant le film ? tous les acteurs jouent mal dans ce ça n'allait pas, je ne l'ai pas gardée. pays, il y a là quelque chose de pro­ Guerra Oui, mais ensuite je les ai mo­ C’était trop figé, trop composé. fond quant aux comportements. Chez difiés. J’avais fait des essais cinq ou Cahiers Vous viviez dans le village ? Kazan, je déteste' « On the Water- six jours avant le tournage avec les Guerra Oui, tout le temps du tournage, front », mais j’adore « Baby Doll » et acteurs, dans les décors du film. « America America • sauf la toute fin. Comme ils ont beaucoup improvisé, j'ai Tout ce qui m’intéresse s’y trouve : la changé les dialogues et même la psy­ cruauté, la violence, le racisme, et le chologie de certains personnages. temps qui n’en finit plus... (Propos re­ J’avais écrit le scénario avec Miguel cueillis au magnétophone.) Torres, qui travaillait déjà avec moi pour « Os Cafajestes », et qui s’est tué au cours d’un voyage de repérages, en voiture. Le projet initial, je l’avais écrit à Paris, avec Pierre Pelegri.

56 partis. Mais, avant de quitter i’école, De j’avais demandé si l’on pouvait m’en­ voyer faire un documentaire, sur Ve­ nise par exemple, car j’avais été è Renoir Venise et voulais trouver un prétexte pour y retourner. J’y allai, mais à ce à moment je dus partir pour l’armée, et j ’y restai deux ans, en Allemagne. En­ suite, je terminai mon film sur Venise. Shakespeare Il eut un certain succès auprès des cri­ tiques et dans les festivals, et il fut propos acheté par un distributeur de New York. Comme ce film était principale­ de ment sur l’art, on m’invita à faire un autre film sur l’art : je fis « Le Sabre et sur et la Flûte », sur des miniatures orien­ tales. Ensuite, la société de l’Asie, è James Ivory New York, m’envoya aux Indes pour faire un court métrage sur Delhi. C'est là que je connus Ismaïl Merchant, qui devait produire mes deux longs métra­ ges : « The Houaeholder » et - Sha­ kespeare Wallah ». Ainsi, devenir réalisateur fut pour moi un processus graduel, car je n'avais jamais pensé le devenir, j'étais surtout intéressé par la décoration et autres choses de ce genre. Bien sûr. cela m'intéresse toujours, mais je n’aimerais Jamsj Ivory : tournage de • The Houssholdir >. pas faire mes propres décors. Seule­ Cahiers Comment êtes-vous entré dans ment les superviser... Je suis donc de­ le cinéma ? venu réalisateur un peu par accident, James Ivory J'ai eu très tôt l'idée d'y car je n'ai jamais eu cette passion brû­ faire quelque chose. Ma première idée lante et décisive qu'ont certains pour était de devenir - set designer », car la carrière du cinéma. Il se trouve seu­ J'ai toujours été intéressé par l'archi­ lement que j'en suis arrivé là, après tecture, le mobilier, le costume... J'au­ avoir, dès le début, tourné autour. rais donc été - set designer -, à Hol­ Cahiers Quels sont vos projets ? Ont- lywood. Mais je n'envisageais pas du ils quelque chose en commun avec tout de devenir réalisateur, surtout à - Shakespeare Wallah » ? Hollywood, ce qui me paraissait Impos­ Ivory Je voudrais d'abord faire un film dans mon pays, ce qui ne m’est jamais sible pour diverses raisons. J'ai donc été à l'université de Californie, dans arrivé. Il y a à New York des auxi­ liaires de police non professionnels. Ils la section artistique, où j'ai étudié ont une autre vie, un autre Job : étu­ l’histoire de l'architecture, de la pein­ ture, etc., ainsi que le - theatrical de­ diante. vendeurs... Mais ils sont là. pour chercher une vie un peu plus sign ». Ensuite, j'ai eu l'idée d'aller excitante. Alors, une fois la semaine, étudier en France. Il me fallait donc ils mettent un uniforme, enfourchent un apprendre le françaia. En 1950, j'allai cheval, s'il y a lieu, et parcourent de dans une curieuse école, à Tours, où long en large Central Park, et II leur des tas de gars venaient pour appren­ arrive parfois des choses curieuses. dre le français et où J'étais moi-même Mon héros, lui, est étudiant, et il a censé l’apprendre. Mais la plupart du certaines difficultés avec son amie, une temps nous étions à la piscine. A la Française, qu'il voudrait bien garder fin cela me parut assez ennuyeux. De mais dont le visa a expiré. Sans par­ toute façon, Je n'ai pas appris grand' ler de sa mère qui voudrait bien la voir chose. Aux Etats-Unis, je me dis que rentrer au paya pour se marier, travail­ je devais étudier le cinéma de façon ler. Ce qui m'intéresse, à travers cela, un peu plus sérieuse. Je suivis les c'est de décrire la classe moyenne, à cours de cinéma de l'université de Cali­ fornie, dont on disait qu'elle enseignait tout ce qu'on pouvait savoir sur la question. En fait, ce qu'on enseignait était, je crois, très secondaire. Nous ne sommes môme Jamais allés dans un vrai studio, où l'on faisait vraiment des films. L'école ne s'occupait pas de ça. Alors, après un bout de temps, je

57 lange, de métissage, cela aussi c'est leuse. un triomphe. Tout ce qu’elle en l’Inde, et cela fait partie de l’intérêt pouvait dire, c’est que c ’était la plus qu’on lui porte. Ces mélanges,- ou jux­ merveilleuse chose qu’elle eût vécue, et tapositions, sont présents partout : so­ même, sa seule raison de vivre. Or, ce ciété, langue, architecture, habits... et que nous montrions dans le film : des ce qui en résulte, c’est une culture en gens qui ne sont pas heureux, une soi. propre à l’Inde, et qui fait partie compagnie qui se désintègre, elle ne intégrante de la culture indienne. pouvait tout simplement pas le ressen­ Cahiers Comment vous est venue l’idée tir comme une chose vraie. Cela la de réaliser « Shakespeare Wallah » ? rendait malheureuse, et parfois elle Ivory Je l’ai eue très tôt, avant « The haïssait son rôle. Elle est pourtant une Géneriquo de • Shakespeare Wallah >. Householder ». Cela m’attirait, cette vraie grande actrice, mais elle n’a ia- New York, chose qui n'a jamais été idée de montrer des Indiens jouant des mais pu prendre aucune distance faite dans un film américain, en tout classiques étrangers, Shakespeare... vis-à-vis de sa vie ou du film, distance cas pas d'une façon que j’estime juste. Cela concrétisait ce qui m’attirait dans qui lui aurait permis de mieux s'adap­ J’aimerais aussi faire un autre film aux la culture indienne : le mélange de ter à celui-ci. qui nous aurait permis, Indes. Au sud de Bombay, il y a une plusieurs cultures. Je me mis donc à aussi, à nous, de faire davantage de maison sur une plage, propriété d'une travailler cette idée (et je pensais choses avec elle. Mais elle vivait dans le souvenir de temps meilleurs, dans un riche Anglaise d’âge moyen, venue là d’abord prendre une troupe d’acteurs pour gagner de l'argent. Aux vacances purement indienne — avec peut-être rêve qui lui interdisait de voir certaines de Noél, arrive chez elle un groupe un étranger au milieu) mais je m'in­ dimensions de la réalité présente. Mais d’indiens, très sophistiqués, très occi­ terrompis pour faire - The Househol­ dentalisés. Il y a là aussi un chef de der », d’après un roman de R. Prawer publicité, avec sa fille, très attirante, un Jhabvala. romancière assez connue jeune homme, qui espère tirer quelque aux Indes. J’en profitai pour lui deman­ argent de la dame anglaise, un poète, der ce qu’elle pensait de mon idée qui n’a jamais rien publié et a un job de troupe ambulante. D'abord, cela ne misérable dans une radio indienne, et parut pas l’emballer beaucoup, mais quelques autres... Pendant ce week- elle finit par s'y intéresser. A ce mo­ end, des choses arrivent... ment, je repris l'histoire, nous nous Ce qui m’intéresse aussi, ce sont, sur mimes à travailler sur le script, et elle un autre plan, les rapports Orient- me suggéra beaucoup de choses, no­ Occident. Les Indiens, qui ont mis par­ tamment sur les rapports anglo-indiens. fois si longtemps pour venir aux idées C'est elle aussi qui me suggéra de occidentales : livres, musique, habits faire tourner dans mon film la famille et mobiliers modernes, etc., sont fasci­ Kendall. Car la famille de « Shakes­ Jaheen Jahl et Ernast Cajtaldo The Householder nés par ces choses, superficielles, en peare Wallah » est une véritable fa­ un sens, et qui ne leur sont pas d'un mille d'acteurs : le père, la mère, la la fille était très souple. Elle n'avait que grand profit ; qui sont, un peu. de fille, la sœur... Or, il se trouve que je 18 ans. Elle tournait son premier film fausses idoles. les avais déjà rencontrés, au moment et celui-ci l'excitait beaucoup. Tout, Cahiers Les rapports entre deux mon­ où je tournais - The Householder ». d'ailleurs, l'excitait, l'amusait beaucoup. des semblent être une constante chez Donc, je les engageai, et c'est ainsi De plus, l’entreprise était une véritable vous, même dans votre projet améri­ que mes acteurs sont devenus Anglais. affaire de famille, car le jeune homme, cain, avec l’histoire de la Française. Cahiers La famille Kendall vous a-t-elle dans le film, est le beau-fils des Ken­ Ivory Le fait que l'héroïne soit Fran­ suggéré des idées, concernant le mé­ dall. Sa femme joue aussi dans le film çaise n’est pas absolument essentiel. tier du théâtre ? (le rôle de la propriétaire, Mrs Bowen) Mais dans mes films indiens, là oui, les et celle-ci est cousine, et comme sœur Ivory D’abord. M. Kendall a le plus contacts entre deux mondes différents de la star, celle qui est dans le film complet mépris pour le cinéma. Il pense sont un thème conscient. C'est là une la maîtresse du jeune homme... état de que c'est un des plus bas niveaux chose que je dois vivre, moi qui ne chose qui nous mettait dans une posi­ jamais atteint par l’art, si tant est que suis pas Indien, qui ne puis me rap­ tion quasi incestueuse. Par ailleurs, les le cinéma pour lui soit de l’art, et c'est procher de la culture indienne, dans autres membres du film étaient tous de là qu'il est parti, ce qui n’était pas mes films, aussi près que, par exem­ liés par liens de parenté ou d'amitié. très prometteur. Mais, au fur et è me­ ple, Satyajit Ray, qui connait très bien Mais j'ai eu aussi une idée pour un sure du film, il y prit un certain intérêt, sa culture et sait toujours exactement nouveau film avec la jeune fille. Ce et il lui venait pas mal d’idées. comment la montrer. Moi, je suis étran­ serait une suite de - Shakespeare ger, et je ne connais aucune langue Quant à la mère, elle éprouvait une Wallah », qui reprendrait les choses à indienne. Je dois faire mes films en grande difficulté à maintenir séparés partir de la séquence du retour. On la anglais. Et je suis forcé de vivre, de son rôle et sa vie. Parfois, l’un et l'au­ verrait en Angleterre, à Londres, et on travailler dans un milieu partiellement tre lui semblaient très proches. D’au­ suivrait ce qui lui arrive. Cette idée occidentalisé, dans cette société indo- tres fois, son rôle lui paraissait trop m’est venue, en fait, au moment où anglo-américaine, sorte de - société de éloigné de sa vie et lui apparaissait Satyajit Ray composait le morceau final langue anglaise », à l'intérieur de la­ dès lors comme une sorte de menson­ quelle je prends aussi mes sujets. Je ge. Elle avait aussi beaucoup de diffi­ suis bien obligé de m’y limiter : c’est cultés pour s’adapter à la caméra, pour avec ce qui existe qu’il faut travailler, répéter devant elle, et surtout, elle et. dans ce qui existe, avec ce que avait du mal à accepter que certaines l’on connaît. Mais ce genre de mé­ scènes ou certains dialogues dussent, être coupés. Toutes ces choses la bouleversaient beaucoup. Elle avait aussi certaines idées sur le script, mais qui entraient en conflit avec celui- ci. Car. pour autant qu'elle pouvait en juger, l'histoire de sa propre vie, son expérience dans une troupe comme celle-ci, avalent été une chose merveil­

58 vous achetez un Renoir avec des pom­ Renoir exposa comment lui aurait réa­ mes. ou même des pommes de cer­ lisé la prise. O r c'était exactement la tains autres artistes, vous achetez . en façon que je venais d’imaginer moi- quelque sorte toute la douceur et la même. Bien sûr, j’en fus très fier. Je fermeté française. C’était là le genre pensais : voilà I... j’ai eu la même idée de choses que Renoir disait. Mais ce que lui. qu’il disait exactement, je ne peux le Cahiers Vous avez déjà fait allusion à rendre, car c’était à la fois extrême­ votre premier long métrage : « The ment simple et très beau. Ce fut, hélas, Householder ». Parlez-nous en un peu. mon seul contact personnel avec lui. Ivory Le film eut une histoire malheu­ Renoir donnait donc ce cours de réa­ reuse. Merchant, mon producteur, pour lisation à l’Université. Et moi je pen­ qui je venais de faire le film sur Delhi, Shashi Kapoor ai Madhur Jaffray • Sfiakasperao Wallah *. sais un cours de Renoir, tout le voulait qu'il soit tourné en deux ver­ de la partition musicale, celui qu'on en­ monde è Los, Angeles doit vouloir y sions : en anglais et en Indoustani. tend lorsque le bateau quitte le quai, être, on doit s’y entasser... Et je n’y Ainsi avons-nous fait, mais ce fut très et que se font les signes d'adieu. Cette allais pas. Plus tard, j’appris que bien dur, très long — il fallait tout tourner musique nous remua, et c'est alors que peu de gens — comment cela était-il deux fois — et je ne connaissais pas je suggérai la suite du film. Et je pense possible ? — suivaient ces cours, et l’indoustani... Le sujet : un jeune homme, aussi que le cas de ces gens-là, pour encore ne les suivaient-ils qu occa­ professeur dans un petit collège, a une autant que je sache, n'a pas encore sionnellement. Ils y entraient en pas­ femme qu'il n'aime guère et qui ne été montré au cinéma. Le cas de ceux sant, s'asseyaient pour un instant, l’aime guère non plus. Un jour, il dé­ qui, déjà Anglais, ne connaissaient pas regardaient, ressortaient... Je pensais couvre qu’elle est enceinte, et à ce leur pays, et y arrivent, comme des que c’était un peu grossier, comme moment, sa mère vient habiter avec étrangers, après avoir quitté quelque conduite, mais lui, Renoir, était tou­ eux dans leur petite maison. Il y a des territoire de l'Empire britannique. jours très poil. Il donnait ses leçons bagarres terribles entre la mère et Cahiers Le premier qui aborda les rap­ sous la forme d’esquisses à la fois sa belle-fille. Celle-ci finit par retourner ports occidentaux - indiens au cinéma, brèves et amples. Il avait choisi une dans sa famille. Lui découvre alors que fut Renoir, dans « Le Fleuve »... pièce française dont je ne me rap­ sa femme lui. manque, et. après qu'elle Ivory J'ai vu ce film très souvent. En pelle plus le nom — pièce très célè­ est revenue d’elle-même à la maison, fait, ce film représente pour moi la bre des années vingt — et il en pre­ il se débarrasse de la mère. Et ils vé­ toute première impression que j'eus de nait une scène, puis une autre scène, curent toujours heureux... C’est une l’Inde. Jusqu'alors, l’Inde n’était qu’un et il demandait aux étudiants de ' lui petite histoire très simple et que j’aime nom pour moi. lu dans les livres... Lors­ donner des idées sur la façon dont on bien, et j'ai été content de faire ce que je vis le film, en 1951. ce fut mon pourrait la tourner. Les étudiants don­ film, malgré son tournage pénible, mais premier contact avec ce pays, la pre­ naient leurs idées, et il les corrigeait, je pense qu'il aurait été souhaitable mière matérialisation visuelle que j'en de façon extrêmement soigneuse, d’une d’adapter un autre roman. Ce qui me eus. Et, à l'intérieur du film, la pre­ façon très douce et très subtile, et il plaît dans le film, ce sont les scènes mière .et plus grande impression que les guidait. Il avait une façon d’ensei­ d'affrontement, de duel verbal entre j’eus de l'Inde fut cette peinture que gner vraiment merveilleuse, car pen­ la jeune indienne exécute sur le sol dant que Renoir parlait, et, en fait, les pendant le générique. Assez curieuse­ guidaient, les étudiants se trouvaient ment : la musique de sitar qui est en quelque sorte conduits à adopter jouée dans le film à ce moment, l’est une position où ils pensaient qu'ils par l'homme qui devait devenir le ca­ étaient en train de faire quelque chosel meraman de - Shakespeare Wallah ». par eux-mêmes. Ils découvraient des tas Cahiers Avez-vous rencontré Renoir ? de choses, mais tout ce qu'ils décou-i Ivory Oui, en Californie. Il professait vraient, ils ne pensaient pas que c’était alors dans l'une des classes de l’uni­ Renoir qui le leur faisait découvrir, versité de Californie, celle de la der­ que c’était lui qui leur donnait tout. nière année, où il donnait une sorte de Un jour, il décrivait une scène, et il cours sur la mise en scène. Un jour, Feliclty Kendall ei Laura Llddeil - « Shakaapaara Wallah ». demanda à un étudiant : comment la après la classe, je l'ai abordé et me les femmes, dans le genre de celui tourneriez - vous ? Je pensai en moi- suis présenté. Je voulais le saluer de qu’il y a dans - Shakespeare Wallah » même : je ferais de telle et telle fa­ la part d’un de mes amis indiens, un entre la jeune anglaise et l’actrice in­ çon.., Pendant ce temps l'étudiant ex­ cameraman qui m'avait dit : si jamais dienne. J’aime aussi beaucoup la façon posait ses idées, et, quand il eut fini, vous le rencontrez un jour, transmet- dont la scénariste écrit ce genre de tez-lui s’il vous plaît mes respects. Or, dialogue, avec le sens des rapports et Renoir se souvenait très bien de cet du langage anglo-indien. Mais quand le ami, et il me rappela ses aventures film sortit à New York, le « New York aux Indes. Et je me souviens d’une Times » écrivit que c’était un mauvais chose : il regarda mon nœud de cra­ scénario, et écrit dans un anglais terri­ vate et dit : je crois que ce dessin blement mauvais : les Indiens ne de­ que vous portez est indien. Je dis : vraient pas parler de cette façon... non, je ne crois pas, je pense que c’est De fait : les Indiens eux-mêmes pen­ persan. Renoir dit non. Le dessin sent qu’ils ne devraient pas parler an­ représente des mangues, il ne peut glais de cette façon. Ils pensent qu'ils donc être que purement indien. Et il a ajouté : les mangues sont le fruit le plus délicieux qu’il y ait aux Indes et j'aimerais bien qu’il y en ait ici. Quand vous mangez des mangues, poursuivit-il, vous avez toute la saveur de l’Inde, exactement comme, lorsque

59 devraient parler comme Laurence films très bons, mais ils me dépriment, Il a fallu, curieusement, que dans deux Olivier... et « Alphaville * n’est pas le genre de films l'Angleterre soit absente d’elle- Cahiers Allez-vous beaucoup au ci­ film que je puisse ressentir très pro­ même pour qu'enfin quelque chose de néma ? fondément. Il y a aussi Bresson : « Le juste et de fort passe d’elle au cinéma. Ivory A New York, presque un jour Journal d'un curé de campagne » est Non l’image étique à quoi jusqu'alors sur deux. Aux Indes, un peu moins, un des meilleurs films que j'ai vus. — new wave ou non — la réduisait un forcément... d'autant que je ne me A part cela... * L'Eclipse ». Je n’aime petit réalisme grignoteur, mais cela soucie pas d’y voir les films que je pas tellement les autres films d’An- — ■ génie », « esprit » d'un peuple ou peux aussi bien voir à New York, puis­ toniom, mais celui-ci, beaucoup. Il y a d’une nation — par quoi l'on entend un que tous les films non-indiens projetés aussi Dreyer, mais je n'ai vu que mixte d'imprégnation culturelle, de mo­ là-bas sont anglais ou américains. Rien « Jeanne d'Arc » et * Jour de colère -, des de langage, d'habitudes de gestes d'européen. Or, j’ai un parti pris contre Celui-ci est le premier film étranger et de mentalités. Et que, pour parler les films américains. Il y a 90 % que j'aie jamais vu. J’étais alors au col­ d'elle, ces deux films aient dû en quel­ d’entre eux que je ne vais pas voir car lège. Cela m’a fait une très forte im­ que sorte s'en passer, voilà qui finale­ je suis sûr à l'avance qu'ils vont m'en­ pression. ment n'est pas si curieux, tant ses nuyer. J'ai un autre projet que j’aimerais réa- rapports avec le cinéma furent et res­ Cahiers Vous me semblez bien sévère tent malaisés : à quoi, dans leur tête-à- pour le cinéma américain. tête de cinquante heures, Hitchcock et Ivory Chaque fois que j’ai pu voir un Truffaut firent une courte allusion. tçès bon film américain, j'en ai été Le premier de ces films, - It Happened heureux et fier. Simplement, j'en ai vus Here ». propose l’utopie d'une Angle­ très peu de ce genre. Les films amé­ terre telle qu’elle ne fut jamais : occu­ ricains ne me semblent pas fidèles à pée. Fiction si convaincante que s’im­ la vie, particulièrement à la vie améri­ pose à son propos le terme, qu’on lui caine. Je sais qu’en Europe on a beau­ aurait cru de prime abord le moins coup d’estime pour ce cinéma il approprié, de reconstitution ; postulat m’arrivé de lire des revues de cinéma... f fllid iy Kendall . • Shakespeare Wallan -. sur-réalisé de plan en plan à force de Et j’y découvre des noms de réalisa­ liser en France, d’après un roman lucidité et d’intuition des possibles, teurs américains dont je n’ai jamais intitulé « Le Château », écrit par un amé­ qu'une admirable clairvoyance des au­ entendu parler. Mais pour moi... enfin, ricain : William Maxwell. C’est l'his­ teurs en ce qui concerne les compo­ peut-être ai-je tort, c'est simplement toire d'un très jeune couple américain santes de l’angoisse fit se dérouler au que je n'aime pas ça. Je n’y éprouve qui vient habiter un château, en France, passé : tant elle trouve mieux à se aucun plaisir. C'est tout. Parmi ceux peu après la guerre : vers 48-49. Ils y nourrir dans le sentiment d'un quelque que j’ai vraiment aimés, il y a « Les restent deux ou trois semaines. Il chose à quoi on a de peu échappé et Raisins de la colère » de Ford, et aussi pleut tout le temps. Ils y rencontrent du « voilà ce qui a failli être », que « La Déesse », de John Cromwell. beaucoup de gens étranges et il leur dans la connaissance ou la prévision Voilà des films qui me semblent justes arrive beaucoup de choses qu'ils ne d’un danger, si imminent soit-il et inévi­ sur la vie américaine et sur ses faus­ peuvent comprendre. Là-dessus, ils re­ table, à venir. ses valeurs. Il y a aussi - Docteur tournent en Amérique, mais dix ans L’autre film, « Shakespeare Wallah », Strangelove ». C'est un film extraordi­ plus tard, ils reviennent au château, est le deuxième long métrage de James naire. Tout y est extrêmement juste, sur et là, tout ce qui leur arriva trouve Ivory, dont Delahaye rendit compte l’Amérique. Outre cela j’ai aussi aimé, son explication. Ce roman est extrê­ dans « Berlin 65 » (n° 171) : pérégrina­ par exemple, - Le Mouchard », de Ford. mement français, bien qu'écrit par un tions d’une famille de comédiens an­ Cahiers Qu'aimez-vous d'autre dans le Américain, et extrêmement américain, glais aux Indes pour y jouer Shakes­ cinéma ? car les Américains qu'on y voit sont peare, ou le passé lointain de Ivory En tête de liste, je mets Satyajit tellement vrais... (Propos recueillis au l’Angleterre à la recherche de son Ray. C ’est pour moi le plus grand. J'ai magnétophone par Michel Delahaye.) passé récent. Et de ses traces, pro­ vu et revu ses films... Je suis aussi fondes. très proche de ce qu’il montre. C’est Shakespeare, l'Inde ; la rencontre des là mon monde... J'aime aussi Fellini, et. deux mots sonne déjà étrange, en beaucoup, Ermanno Olmi. De Polanski, même temps qu'autour d ’eux — théâtre j’aime bien « Le Couteau dans l’eau », itinérant et pays prospecté — , viennent mais pas du tout « Repulsion ». J’aime graviter obscurément, quelques films et assez Bergman, même si le sujet ne figures. « Le Fleuve », « India » ; cer­ me plaît pas nécessairement, car ses tain carrosse d’or perdu en plein Pé­ films sont si nets, si clairs... Et ils rou ; de faméliques comédiens visitant sont pleins : il ne perd pas une minute. l’Ouest américain, avec pour tout ba­ Dans le cinéma français, je considère gage un collant rose et « Mazeppa » ; que Truffaut est quelqu'un de très un ivrogne shakespearien déclamant grand. La sortie d ’un de ses films est devant des gunfighters éberlués dans toujours un événement pour moi. « My Darling Clémentine • ; mais aussi Quant à Godard, j’ai été très impres­ Pertcles et Gérard Lenz étouffés, enser­ sionné par « A bout de souffle », mais rés dans les sournois labyrinthes d’un je peux difficilement juger son œuvre Paris qui se dérobe à eux. Ajoutons à que je connais très mal. Je trouve ses cela que le film de Renoir fut détermi­ nant dans la vocation de cinéaste d’Ivory et que, de Cukor, qui par ail­ leurs parla aussi ou parlera (« Les Indes Galantes »), de l'Inde, « Shakespeare

60 Wallah », dès le générique — marquis gestes les plus justes, les intonations la représentation d’ « Othello ». peu et marquise dix-huitième en tilbury — et les habitudes les mieux rendues que après la scène de jalousie de la fille, possède l’élégance. nous ayons vus. Dans leurs vieilles représentation troublée d'ailleurs par Théâtre en marche, Inde. L’un et l'autre demeures survivent quelques coloniaux s'inscrivent sous le signe du parcours, nostalgiques, et les indigènes, pour ce de la découverte et de l’itinéraire, spi­ qui est de l’assimilation, en rajoutent rituel dans un cas. physique dans quelque peu. Témoin certain prince in­ l'autre. Ivory avait beau jeu, mettant en dien qui pour tui seul organise une présence théâtre — recherche, pros­ représentation, et n'a de cesse de mon­ pection, mouvement vers — et Inde — trer et prouver que Shakespeare, il ne réceptacle, creuset, foyer de l'Un et connaît que ça. et l’Angleterre. Et, hu­ du Tout, lieu d'apparition, à ceux qui mour imperceptible, Ivory laisse une ¥ surent s'y soumettre, de leur propre vi­ question en suspens. N’est\ce pas alié­ JD Tytler : ■ Snakajpeara W allah*. sage révélé par le sien. On pouvait nation. la plus sournoise puisque niée l’intrusion de la vedette de cinéma déjà s’attendre, une fois résorbée t'alténté par l'alibi culturel, que cette sorte d'ex­ vue. laquelle fut la maîtresse du jeune première par une suite d’intégrations et cès, et de renoncement è ses sources homme. Recoupements infinis ô tous les de refus, d'acceptations et d’exclusions, propres ? Dégradation intime de l’ex- niveaux. è les voir s’unir dans l'acquiescement dominé, mais que le dominateur a beau En fin de compte, reste le problème du et la reconnaissance des vérités com­ jeu de nommer au contraire enrichis­ choix et de la voie à prendre. Les pa­ munes aux deux, ou, par chacun, de sement, puisque marquée par l'in­ rents de la fille, prétextant qu'elle n’a celle de l’autre. La concordance finale fluence de ce qu’il offrait de mieux : la jamais vu l'Angleterre et que là est sa eut alors remplacé l'étrange, présent au culture. véritable patrie — mais on soupçonne départ. Or, le film d’Ivory réalise exac­ Présente l'Angleterre par son image en qu’ils ne voient pas d’un bon œil l’idylle tement le parcours inverse. Il fait naître creux dans le moule qu’elle emplit, avec un Indien — la persuadent de une nouvelle forme d'étrange par la absente donc l'Inde par ses reliefs les quitter le pays, et, sans ironie, cle révélation d'une familiarité aue nous ne plus authentiques. Ce pourquoi du film « rentrer ». Pas de cris, ni de résis­ soupçonnions pas, pour, au terme du d’Ivory sont absents mysticisme, religio­ tance, juste le temps d’un départ à la film, aboutir au divorce. C ’est que déjà, sité, sens du sacré et panthéisme, dont Rozier. avec un très bref et poignant point de convergences et de concor­ il montre au contraire qu'à leur tour ils flashback sur les jours passés. Lucidité dances, lieu de toutes les fusions, l’Inde peuvent servir de valeur marchande inévitable, retour vers ce qui ne fut avait tout accueilli, et fait de Shakes- aux fins d’exportation, sous la forme pas, mais de toute façon, doit être un la plus dégradée. Telle séquence s'ou- jour ou l’autre, ou renoncement à un vre avec un très lent panoramique sur appel plus profond et *plus authenti­ paysage de collines, avec voix de que qui la ferait rester où elle est née, femme et chant profond. Contemplation, a vécu, a peut-être envie de vivre et méditation et corollaire obligé... Pas le d'aimer ? Ivory ne juge pas plus que moins du monde. Le panoramique Kazan ne le faisait avec Ella Garth, qui aboutit è une danseuse gesticulant abandonna sa maison au milieu du quelque danse folklorique. Mais après fleuve sauvage. Reste qu'à la fille fait tout, pourquoi nier le folklore, lui aussi défaut l’esprit de désobéissance, et authentique. Dernier tour d'écrou, le par-là s'introduit l’autre Ray. l’Indien Gaoltray Kendall : • Shakespeare Wallah • contrechamp révèle une équipe de ci­ (par ailleurs musicien du film), second maître d lvory : dans chacun de ses peare son contemporain. Point alors la néma type film bassement commercial : films, un tel esprit règne fort, donné découverte d’un tel pays par des An­ utilisation révélée des thèmes natio­ sans préjuger du sort qui vous attend glais, et, de là, par nous-mêmes, mais naux, mythes et traditions, pour le plus après comme valeur positive, et au retrouva.fies de l'Angleterre et de l’An­ grand bonheur des demandeurs occi­ moins tentative de mise à nu. Et que gleterre, au travers d'un pays prédis­ dentaux (même phénomène que pour posé à recevoir et garder, mieux que certains films japonais par exemple). la fille n’ose pas encore pratiquer. tout autre, les traces profondes qu’on y Occasion aussi pour Ivory d'introduire, Ainsi fit Nadine, qu’on voyait à la fin de « La Pyramide Humaine », arpenter imprime. Et celles de l’Angleterre, en après Angleterre, Inde et théâtre, le les Champs-Elysées, mais avec Natha­ ce qui concerne ('Empire, se posent un quatrième et dernier sommet du qua­ lie, la Noire. peu là. Dès lors, aucune difficulté que drilatère, le cinéma. Ivory nous dit que son héroïne, dans la moindre troupe de comédiens ne Ces quatre sommets, tout au long du un autre film, retrouvera à Londres la pourrait, dans sa propre province, ren­ film, tous les axes possibles les unis­ communauté indienne. Jean NARBONI. contrer. Ennuis d’argent, ou incidents sent. opposent, en tout cas les mettent de transports, maladies, morts, défec­ en rapport. Tous appariements et con­ tions (comme dans le film de Rivette. flits jouent de l'un à l’autre, et deux à là aussi, on part pour gagner sa vie deux. Au centre de la figure, les axes ailleurs et un peu mieux. Par exemple généraux convergent vers et recoupent élever des poulets). Et les visages ren­ l’individuel : la jeune fille du groupe, contrés gardent et maintiennent celui et ses problèmes propres. Soit l’amour de l’Occident désormais absent : les qu’elle voue à un jeune Indien. Jusque- là chronique, le film tend à l'intimisme. Avec l’attention et la douceur Insuppor­ table que Ray, Bertoluccl ou Rozier vouèrent aux couples menacés, Ivory guette les progrès de cet amour, qui précipitent son échec. Le théâtre n’est dès lors plus donné è voir pour lui- même. il figure par analogie le drame second et voisin, et en concordance avec ses successives colorations. Com­ me Hamlet Introduisant des bouts de Shakespeare, Ivory déploie ses paral­ lélismes. Ainsi l’admirable moment de

61 le cahier critique

I ROBERT BRESSON : Mouchette (Nadine Nortier). 2 JEAN-PIERRE LEFEBVRE : L& Révolutionnaire (Louise Rasselet). 3 JACQUES TOURNEUR : Out of the Past (Robert Mitchum).

62 du travail de Burel, ou même, du Clo­ B. Dan9 le scénario. Il est certain que La quet de « Balthazar », mais c’est surtout le ton apitoyé du film provient en le mécanisme du film qui tourne à vide, grande partie de celui du livre de Ber­ cybernétique comme si les lois générales que s'est nanos, bouquin illisible englué dans un de Robert forgé Bresson se mettaient à fonc­ vocabulaire de directeur de conscience tionner toutes seules, en l’absence, (ah I les adjectifs de Bernanos : « mi­ Bresson dirait-on, du metteur en scène, à peine sérable matelas de chiffons », etc.). surveillées par quelque élève qui aurait Mais à ce livre, qui commence avec la sa confiance, « dans ce mouvement fugue de Mouchette, Bresson a adjoint MOUCHETTE Film français de Robert souple d'horlogerie suisse qui marque une première partie qui rassemble, Bresson. Scénario : Robert Bresson l'heure de l'académisme ». Lorsque sous forme de « tableaux » (comme d’après « Nouvelle histoire de Mou- Mouchette sort du cadre par la gau­ disait Antoine) un inventaire complet, chette ■, de Georges Bernanos. Ima­ che, on sait que dans le plan suivant un dossier -accablant des vicissitudes ges : Ghislain Cloquet. Musique elle entrera par la ‘droite. Aucune sur­ qui vont emprisonner Mouchette et d'ou - Magnificat », de Monteverdi. Décors : prise, aucune invention. Seuls les rac­ elle ne pourra sortir que par la mort. . Caméraman : Jean Chia- cords dans l’axp parviennent parfois è Ces tableaux Qe passe sur la scène baut. Assistant : Jacques Kebadian. étonner (cf. la fête foraine lorsque des collets qui suit le générique et qui Son : Daniel Couteau, Séverin Frankiel, Mouchette se dirige vers le stand de trouvera son symétrique dans la scène Jacques Carrère. Montage : Raymond tir, suivie, puis précédée, par un jeune de chasse de la fin du film : elles sont Lamy Interprétation : Nadine Nortier homme qui l’a remarquée). Ou encore aussi bêtement symboliques l'une que (Mouchette), J. - C. Guilbert (Arsène), ce plan — mais c’est le seul — où l'autre), ces tableaux, donc, sont au Marie Cardinal (La mère), Paul He- Mouchette, entrant par la gauche et se nombre de quatre : 1) Le café. Le bra­ bert (le père), Jean Vimenet (Garde dirigeant vers la droite du cadre, sou­ connier, puis le garde-chasse, viennent Mathieu), Marie Susini (Femme de Ma­ dain change de direction, modifiant du boire un dernier verre. Bruit des verres thieu), Liliane Pringet (L’institutrice), même coup la dynamique de l'espace qu’on repose sur le comptoir. C’est la Raymonde Chabrun (L’épicière), Robert que l’orientation de sa marche nous première grande notation sociale, souli­ Bresson (Un passant de la fête foraine). avait transmise. Venant au moment où gnée par le déchargement d'une car­ Dir. de prod. : Philippe Dussart. Pro-' Mouchette a découvert la révolte, un gaison de contrebande. Deux thèmes ducteurs : Anatole Dauman-Mag Bo- tel plan est évidemment prodigieux liés : l'alcool et l'argent. 2) Le taudis dard, Michel Choquet. Production : Ar- d’intuition. Mais ce sont là des excep­ où vit Mouchette. Une mère malade, gos Films, Parc Film, 1966. Distribution : tions et qui frisent souvent l'exercice un père abruti, un bébé sur un grabats. C.F.D.C. Durée : 1 h 30 mn. ,de style (cf. la séquence des auto tam- Thème : la misère familiale (la promis­ Iponneuses). Tout le reste est lamen­ Comment parler de - Mouchette »? Je cuité, etc.). 3) L’école. Une maîtresse table. Lorsque, par exemple, la caméra sadique, des compagnes moqueuses. pourrais, par exemple, décrire à la ma­ Ipanoramlque vers les pieds de Mou- nière de Barthes la photographie qui Thème : la brimade. 4) La sortie de jchette qui se dirige vers l’église, on se l'école. Deux jeunes garçons sortent ornait mon carton d'invitation. Ou en­ jdit que voilà l’amorce d’une synecdo­ core recenser les déclarations de Bres­ d’une grange (qu'y faisaient-ils ?), inter­ que comparable à celle qui conduit pellent Mouchette. L’un d'eux laisse son et les confronter au film qui les jjeanne au bûcher. Mais Mouchette a suscitées. Gros travail qui ne va glisser son pantalon à ses pieds. Thè­ s'arrête, tape des pieds dans une fia* me : le sexe. pas avec la colère. Qu'on me pardonne 'que d’eau et la caméra remonte. Fonc­ donc d’aller vite et sans précautions. En entrelaçant ces thèmes, en les tionnellement, ce panoramique est confrontant successivement à son hé­ 1. — Bresson a toujours été hanté par l'équivalent d’un insert, c’est-à-dire une le souci de l'unité, de la continuité et roïne (Mouchette et la misère, Mou­ manière de souligner le sens de la de la cohérence. La cohérence de l'uni­ chette et l’alcool, Mouchette et l'argent, scène, soudain réduite, comme chez Mouchette et le sexe), Bresson va em­ vers bressonien vient de la cohésion Duvivier ou Robert Hossein, à l’état de qui unit les éléments qui composent prisonner celle-ci, susciter sa révolte, la précipité naturaliste. ses films. Problème de l'enchaînement conduire enfin à la mort, c’est-à-dire, que Bresson a progressivement résolu 2. — Or jusqu’ici l'une des forces du selon l’éthique bressonienne, vers la en se forgeant empiriquement un cer­ cinéma de Bresson résidait dans le Grâce (le • Magnificat » de Monteverdi). tain nombre de lois liées elles-mêmes refus de cet ancrage du sens, un peu Tout cela, malheureusement, évoque à des choix stricts : style de la photo­ comme il advient en musique (et l'em­ plus Maxence Van der Meersh que graphie, choix de l'objectif, rigueur des ploi mille fois noté de la synecdoque Zola et « Les Victimes de l’Alcoolisme » raccords. Tout doit fonctionner sans n’est évidemment pas pour rien dans (Zecca, 1902) que « Procès de Jeanne heurts, s'articuler avec élégance dans la musicalité de certaines séquences d’Arc » (Bresson, 1963). un mouvement souple, délié, rapide, comme celle de la Gare de Lyon dans direct. De même que le temps bresso­ '« Pickpocket »). Avec « Mouchette » 3. — Reste l’autre versant du film. Jus­ nien ne doit laisser aucun dépôt, l'es­ nous sommes en plein écœurement na­ qu’ici, Bresson avait su insuffler à ses pace doit être logique, immédiatement turaliste. Le destin de Jeanne, sa ré- films la présence d’une âme, pour par­ lisible, continu (en dépit des ellipses). ;volte, se lisaient dans le jeu clair, ler comme Agel, par le seul jeu des D'où la sensation que laissent ses j délié, différentiel, des plans, des re- regards et des gestes-événements. films de l'extraordinaire spectacle d’une jgards, des gestes. Ceux de « Mou- Dans « Mouchette », cette âme, Bres­ toile qui se tisse à partir d'éléments . chette sont assénés avec une incroya-' son l'injecte (comme disent les natu­ essentiellement fluides : les gestes, Ie9 j ble complaisance, et cette complai­ ralistes) sous forme de glycérine : les déplacements, les regards. D'où aussi sance s'exerce à deux niveaux : larmes de Mouchette sont une première que cette toile — faite, semble-t-il, uni­ A. Dans la notation tautologique, c'est- étape dans le chemin que se fraie la quement des options techniques et sty­ à-dire la précision qui provoque un Grâce. listiques du metteur en scène —, cons­ trop-plein de sen9. Les exemples four­ La « crise ■ du braconnier est la se­ titue le lieu réel, génétiquement ambigu millent. J'en citerai deux : le plan où conde. Arsène (c’est le nom du bra­ (ni contenant ni contenu), qui sécrète Mouchette entre dans la classe en connier) se roule par terre, vomit son la « péripétie », et simultanément empri­ traînant exagérément ses sabots et vin, bave. Un moment interdite, Mou­ sonne et conduit à la rport le héros celui de la poignée de boue qui vient chette s’accroupit, sort son mouchoir, bressonien. s'écraser sur le vaporisateur de parfum essuie le visage du « malheureux », et « Mouchette » ressemble à un film réa­ que manipulent deux fillettes (on se te remet dans sa poche (ici Bresson lisé à la manière de Bresson. Non seu­ croirait transporté dans quelque cada­ renchérit sur Bernanos qui écrit : « Elle lement la photographie est un pastiche vre exquis). l'essuie d'un coin de son tablier »).

63 C'est l'étape décisive d'une âme qui La aux éléments purement littéraires de découvre la charité — signification l’œuvre, et d'un rejet non moins systé­ accentuée lorsque Mouchette se met à si belle éthique matique de tout le foisonnement chanter juste le chant qui lui valait, d’images propre à l’écrivain, l'aspect, dans les premières scènes, les sévices de Robert Bresson et le commentaire littéraires insérés de sa maîtresse. dans le film formant rupture avec la Dès lors, voici Mouchette engagée réalité de l’image et dégageant ainsi dans la voie du salut, qui emprunte, par choc un style. Au contraire de comme toujours chez Bresson, celle de l'âpreté du « Journal... », ['accessibilité la révolte. Elle dira merde à son père, Conciliante, explicite, tels sont les plus évidents attributs de la dernière de « Mouchette », et le moins grand ne prêtera aucune attention aux deux dépouillement de l'image participent jeunes garçons qui sortent de la grange œuvre de Bresson, « Mouchette », as­ sez librement adaptée du roman de simplement ■ de l’effet contraire. Bres­ (mais qu'y faisaient-ils, grands dieux ! son ayant conservé plus d'image et Mais on voit bien ce que Bresson veut Georges Bernanos.-Que cette clarté ex­ plicative soit, de la part de Bresson, moins de littérature, plus de spectacle, nous laisser entendre sans le dire. Li­ de richesses et moins d'austérité, tote ou lâcheté ?), refusera la pitié des volontaire ou due à un certain inachè­ vement de l'œuvre, conséquence d'une d'âpreté. mais aussi de style. Ces frag­ gens du village, et viendra mourir ellip­ ments de richesses amalgamées au tiquement dans un « à la manière de » trop rapide élaboration (« Mouchette » fut, au contraire des précédents films sein d'une image plus généreuse grotesque emporté par la musique de communiquent au film une certaine dou­ Monteverdi. de l'auteur, pensé et réalisé en un temps record) nous n'en savons rien ceur à laquelle ne nous avaient pas • La musique me dégoûte » dit Mou­ habituée les œuvres précédentes du chette au début du livre de Bernanos. et n'en saurons sans doute jamais rien. Cela n'a que peu d'importance et n'est * maître », dans lesquelles le monde Elle n'avait pas encore la Grâce. était sec. neutre, totalement impassi­ Que Bresson fasse l’ellipse de la mort en fait qu’anecdote. L’important est Bresson, son public (encore malheu­ ble. Ici, au contraire, la nature compatit, de Mouchette comme il a fait celle de prenant part au malheur des hommes, la mort de Jeanne ou de la ‘ mort de reusement fort restreint), la grandeur et l’intérêt de la conception cinémato­ de Mouchette en particulier — lièvres la sentinelle du « Condamné », c'est pris aux pièges de l’homme et de la dans la logique de son humanisme : graphique que de film en film il s’achar­ ne à proposer aux aveugles et aux mort, pluie ruisselante, sorte d'intro­ on ne peut montrer ce passage qu'est duction supra-terrestre aux futures lar­ la mort pour le chrétien, on ne mon­ sourds dont les panégyriques incondi­ tionnels semblent souvent aussi inef­ mes de la jeune fille, arbres bruissants tre effectivement que quelqu'un qui d'inquiétudes, tous pénétrés d'un « ail­ soudain se fait cadavre. Montrer la ficaces que leurs contraires à pénétrer son monde et à divulguer son action. leurs » mystérieux. Plus le film avance mort c’est montrer que la mort n'est toutefois dans son déroulement, et plus pas un passage mais ce cul-de- L'important est « Mouchette », où Bres­ ces petites concessions, préliminaires à sac absurde (comme la vie) dont parle son, comme las d'être incompris par une esthétique et à une vision difficiles Kafka. Soit. Mais pourquoi Bresson la majorité et une bonne partie de la d'accès et rébarbatives, cessent. Bres­ n’a-t-il pas fait l’ellipse de ce qu’avec minorité semble pour la première fois son semblant de plus en plus, et après quelque raison on appelle la petite aller vers l'autre, tentant de l’entraîner avoir acclimaté l'étranger à son univers, mort — le viol de Mouchette ? Indis­ avec mansuétude des rivages du ciné­ vouloir le faire pénétrer au plus pro­ cutablement, Bresson, ici, est embar­ ma vers les Days lointains du cinéma­ fond de ses recherches. La coupure se rassé. Il ne sait comment s'en sortir, tographe au moyen d’une œuvre simple fait nette : c’est l'avant-dernière sé­ comment montrer (puisqu'il a décidé et plus directement accessible, excel­ quence, lors de laquelle la vieille fem­ de la montrer) cette chose un peu lente introduction à sa stylistique et aux me, d'une voix neutre, passant et spéciale. Le viol de Mouchette — évé­ purs chefs-d'œuvre passés et à venir. repassant au fil des plans gris absolu­ nement-clé du récit — est la scène la En cela ■ Mouchette » est une œuvre ment fixes, parle de la mort et du plus mauvaise du film. sacrifiée dont le sacrifice même est action positive puisqu'il réside en une temps passé, inopinément, en un lan­ 4. — ie pourrais parler pendant des explication claire et simplificatrice des gage construit, façonné, quasi littéraire, heures de ce film qui m’a mis hors éléments formels bressoniens, mais qui n’a plus rien à voir avec un quel­ de moi. Je me contenterai d'une der­ aussi, du fait de l'explication, se trouve conque langage parlé ; et la dernière nière réflexion. On a déjà remarqué être une œuvre estompée, désagrégée, scène, elle aussi dépouillée de tout (notamment à propos de Renoir) que dont nous allons tenter d’apercevoir les jeu, de toute falsification, de tout spec­ tout film reflète plus ou moins le climat limites, si limites il y a. tacle (la mort de Mouchette n’étant dans lequel il a été conçu et tourné. même pas montrée), où Bresson C'est d’ailleurs, peut-être, l’ultime mes­ Expliquée, estompée d'abord par une retrouve Bresson. sage d’un auteur, le plus authentique, forme plus fluide, par une caméra plus Quoique l'aspect de l'œuvre, et l'im­ que ce document par la bande qui se mobile, moins statique que dans les pression finale qui en découle, fassent lit au delà du récit et en deçà des œuvres précédentes, moins déroutante penser à une simplification des divers choix de l’auteur. « Mouchette », dans donc, et moins rebelle aux « déprava­ éléments formels précédemment pré­ cet ordre d'idées, révèle un atterrant tions » du cinéma. Par certains accents portrait de son ■ auteur, portrait que aussi, par certains tons employés par sentés au plus haut de leurs possibi­ vient justement de corroborer un livre les non-acteurs (en particulier Nadine lités, remarquons toutefois que l'auteur passionnant, généreux et précis, écrit .Nortier), qui paraissent ainsi « jouer » de « Pickpocket » ne trahit en rien les par Marie Cardinal — la mère de Mou­ plus que de coutume (ce qui n'occa­ principes qu'il énonça précédemment, chette. Il s'appelle « Cet été-là » et est sionne nullement rupture avec les théo­ et que ce qui réellement importe, à publié chez Julliard. ries de Bresson, puisque ces acteurs, savoir la composition à l'aide de maté­ n'en étant pas, n'ont jamais appris à riaux bruts, fragmentaires, nécessaire­ 5. — On aura compris que je n'aime schématiser). Enfin, et surtout, par un ment neutres, d'une totalité déroulée en pas ■ Mouchette » (le film), et que je enrichissement plastique de l’image, mouvement, succession d'instants cons­ tiens le livre de Bernanos pour très rendue plus grasse, plus riche lors de truits selon un ordre unique, est à nou­ mauvais. C ’est néanmoins une fort certaines séquences (le bois et la scè­ veau dans - Mouchette » nettement belle histoire. Dans un scénario qui ne du cyclone). L'on se souvient cer­ identifiable. Assouplissements, conces­ s’en inspirait, Godard imaginait Mou­ tainement de la remarquable analyse sions et, peut-être, volonté d'explica­ chette (mâtinée, il est vrai, de Jus­ où André Bazin notait que le style de tion : oui ; trahison en bloc d'une con­ tine) en prison. Elle s'ouvrait les veines l'auteur du « Journal d’un curé de cam­ ception originale : certainement pas. A avec une bouteille de Coca-Cola. pagne », adapté du même Bernanos, nouveau des acteurs non profession­ André S. LABARTHE. procédait d'une fidélité systématique nels, tenants d'une réalité intégrale, 64 récitant leurs textes d’une voix mono­ plupart des gestes sont signifiants d’un “ Oh, que corde. non pas personnages mais bien état, et ponctuent l’œuvre. Ainsi, par plutôt essences d’ètres, synthèses et le seul fait qu'au lieu de participer au ma quille signes à la fois de leur situation réelle mode gestuel normalisé, neutre, com­ et de réflexions qui les dépassent et mun au monde adulte (monde de la éclate ! ” dont ils ne sont que les porte-parole mort), Mouchette s’exprime, elle se obéissants et soumis. A nouveau l'ima­ trouve d’emblée rejetée et incomprise. ge grise, dépouillée, bien et mal, doute Incomprise de sa mère, avec laquelle et connaissances mélangés tels une elle tentera le contact, mais qui meurt nuit pénétrée d'éclairs de lumière opa­ soudainement ; d’Arsène le braconnier, que. A nouveau le bruit des objets et qui comme les autres, et malgré la foi OUT OF THE PAST (BUILD MY GALLOWS du monde, objets fermes et crédibles, et la confiance qu elle met en lui, la HIGH - PENDEZ-MOI HAUT ET COURT, ex seules certitudes des sens, nettement trompe ; du monde entier enfin, coupa­ LA GRIFFE DU PASSE) Film américain séparés de l’homme et du gris qui l'en­ ble d’indifférence. de Jacques Tourneur. Scénario : Geof- toure. Surtout, et enfin, cette même Jamais Robert Bresson n’a cloîtré un frey Homes, d’après son roman « Build place donnée au geste, immédiatement personnage dans un tel réseau de dé­ my Gallows High » publié en France révélateur du fait même qu'il est exé­ sespoirs et de solitudes, d'impossibi­ dans la série Noire sous le titre « Pen­ cuté par des hommes (non des sché­ lités omnipotentes et omniprésentes. dez-moi Haut et Court ». Images mas. des acteurs), et qu'il est plein, Nicholas Musuraca. Décors : Albert S. entier, restant ainsi le principal consti­ Malgré tout ce qui les séparait du D'Agostino, Jack Okey (a.d.), Darrell monde, les personnages de - Pick­ tuant de ce morceau de réalité qu’est Silvera (s.d.). Montage : Samuel E. le plan. pocket », « Jeanne d’Arc », ou « Un Beetley. Costumes : Edward Steven­ condamné à mort... » parvenaient néan­ son. Musique : Roy Webb, C. Bakalei- Fidélité donc, malgré le compromis (« le moins à établir un processus d'échange nikoff (s ). Effets spéciaux : Russell A. compromis est la plus belle des opéra­ avec l’autre, quel qu’il soit, jeune fille, Cully. Assistant : Harry Mancke Inter­ tions intellectuelles *, déclarait Roger juges, ou compagnons de cellule. Dans prétation : Robert Mitchum (Jeff Bailey), Leenhardt dans ■ Une femme mariée ■). « Mouchette », au contraire, la solitude Kirk Douklas (Fred Sterling), Jane Greer mais aussi prolongement et invention, se révèle sans limites, puisqu'elle est (Kitty Moffart), Rhonda Fleming (Meta puisque - Mouchette - se caractérise non seulement description, mais dispo­ Carson), Steve Brodie (Jack Fisher), dans l’œuvre de Robert Bresson par sition formelle ; solitude qui prend Paul Valentine (Joe Stefanos). Virginia un type de construction semble-t-il conscience d'elle-même au fur et à me­ Huston (Ann Miller), Richard Webb nouveau, je veux dire la construction sure du film, devenant finalement cri­ (Jim), Ken Niles (Lloyd Fels), Dickie et l'expression par juxtapositions de tique du monde. ■ Mouchette » est Moore (The Kid), Oliver Blake (Mr. Til- modes gestuels différents. - Mou­ l'histoire d'un passage, de ce passage lotson). Production : Warren Duff pour chette ■ est certainement le film de désespérant du sentiment à l’intelli­ Robert Sparks. Distribution Mac- Bresson donnant au geste la place la gence, de l'appréhension au raisonne­ Mahon-Distribution. Durée : 97 mn. plus importante. Dans - Pickpocket » ou ment logique, clair, froid, sans pitié, de ■ Au hasard Balthazar » paroles et mou­ l'enfance au monde adulte. Mouchette, Qu'est-ce qu'un beau film, sinon un vements, s’ils étaient bien distincts, en effet, ne fait d’abord que ressentir, film qui nous ravit et nous arrache à élaboraient toutefois la construction du et ne réagit qu’en fonction de ses res­ la terre, comme cet avion qui passe film. « Mouchette » au contraire n’est sentiments au moyen d’actes absolu­ dans le ciel de - La Barrière » et dans plus qu'un geste (mis à part deux ou ment primaires. Haines de ces petites lequel le héros de Skolimowski aime­ trois moments où la parole garde une filles bêtes qui ànonnent une prière rait se trouver, ne serait-ce qu'un ins­ importance sémantique et quantitative). sans comprendre la signification de tant?... Si ■ Prima délia rivoluzione » Avec lui, par lui. Bresson édifie son leur acte ; terreur et mépris de l'autre, était un jour projeté en permanence œuvre, en donne clefs et significations, aliéné par l’habitude et l’alcool, par la dans une salle, peut-être se trouverait- en pose les thèmes et les situations, sotte jalousie et la laideur ; sentiment il un spectateur pour mourir « en pro­ le geste devenant ici aussi révélateur surtout de quelque chose de plus jection » — après un grand nombre de qu’un signe verbal déterminant un état grand, généralement incompris ou tra­ visions successives... romanesque. L’équilibre de - Mou­ hi, d'un inconnu dont la sensation Il se peut aussi qu'un cosmonaute éga­ chette ■ procède de deux formes de vient avec ie vent et la pluie, avec la ré, perdu entre Neptune et les étoiles gestique. La première, utilisée généra­ couleur de la nuit et le « cyclone ». de seconde grandeur, oublie sa mort lement par R. Bresson dans ses œu­ Sentis d'abord plus que compris, ces prochaine, et se mette è rêver .sur les vres précédentes, consiste en un sim­ faits, de par la puissance de leur répé­ comètes, comme ce personnage de ple dépouillement des attitudes, en une tition deviennent en Mouchette prise Thomas Mann qui poursuit sur une pla­ apparente négation du geste aboutis­ de conscience, généralités, conclusions. ge de Venise l'image idéale d’un jeune sant en fait à sa revalorisation défini­ Sa faculté de raisonnement, pure en­ adolescent et ne se soucie pas de tive. La seconde, habituelle à Bresson. core, entière et sans complaisance la peste qui dévaste la ville. La beauté consiste au contraire en une distribu­ rejette, seule, toutes les trompeuses nous égare. Elle nous investit et nous tion. précisément limitée à certains per­ tendresses de l’extérieur. Laideur, tris­ dépossède, et nous avons tous éprouvé sonnages (è un seul en fait), de gestes tesse. oubli, alcool d’une part. Elle un jour devant une œuvre cette impos­ significatifs d’une prise de position ca­ choisit la mort, poussant le raisonne­ sibilité d’en finir, ce sentiment d’anéan­ ractérielle. d'une réaction fulgurante ment au bout de lui-même, se libérant tissement dont seuls semblent nous aux choses et aux événements. Ces en suivant exactement son jeu (terme délivrer en définitive le sens des deux formes s'opposant, et signifiant dans l’idée duquel Bresson déclare convenances — certain préjugé sur le par là même l’affrontement de deux avoir créé la séquence finale), et dis­ temps qu'il convient d'accorder à la mondes, l’un extérieur, regardé sans paraît dans cette même eau, élément contemplation — ou bien la fatigue intelligence ni compréhension, l’autre au mystérieux et inconcevable (l'eau du physique. contraire décrit (par la signification des cyclone, l'eau des larmes), laissant en Sans doute est-il déplacé d’évoquer è gestes mêmes) subjectivement, dans guise de faire-part ses robes lacérées, propos de ■ Out of the Past » les espa­ toute sa complexité. D ’une part, donc, derniers témoins du monde et de ses ces intersidéraux et leur inquiétant un monde adulte — le garde Mathieu, échecs. Contrairement à Faulkner, pa­ silence. Mais c’est le propre des ci­ la mère. Louisa, etc. muet, statique, reillement au Michel Poiccard-Belmondo néastes secondaires, d’éveiller notre dont la seule existence se traduit par d’ « A bout de souffle ». entre le cha­ imagination et de ne pas la satisfaire : des déplacements individuels et inex­ grin et le néant, Mouchette choisit la il nous faut suppléer au lyrisme dont pliqués, d'autre part Mouchette dont la mort. — Sébastien ROULET. ils nous ont frustrés par des beautés

65 poétiques que nous inventons nous- cendent et montent vertigineusement, et tage : Marguerite Duparc. Petit film : mêmes. C'est vrai d'un grand nombre où les voitures avancent avec lenteur, petite histoire du Canada gravée sur de films américains, dits « films noirs » San Francisco ? ■ Nous nous sommes pellicule par Pierre Hébert. Interpréta­ ou • thrillers », surtout lorsqu'ils sont aimés et nous rions souvent ensem­ tion : Louis Saint-Pierre (Le Révolution­ tirés de romans policiers. L'auteur est ble », raconte-l-il dans le beau com­ naire), Louise Rasselet (Une femme) et resté trop fidèle à sa source et n’a mentaire du début du film. A moins l’hiver. Production : Jean-Pierre Lefeb- pas craint d'accumuler un nombre de que ce ne soit : ■ Nous nous sommes vre, 1965. Distribution : Circuit de la situations tel qu'il eût suffi à fournir aimés et nous nous tenions souvent première chance. Durée : 1 h 30 mn. la matière de quatre ou cinq films La par les épaules »... Ils se sont aussi contrepartie de cette ouverture d’esprit perdus de vue , par lassitude, ou par ■ Le Révolutionnaire » est un film qui — ou de cette absence de point de vue, une de ces complications stupides pousse en no man's land. Il y a un comme on voudra — est qu’il n’a pas comme on n'en trouve que dans les malaise canadien, il n’y a pas de ci­ su mettre en valeur un parti pris essen- films policiers. Nul doute alors que néma canadien. Le film de Lefebvre est lorsque Kitty va apparaître dans l’en­ une opération de commando visant à cadrement de la porte-fenètre, tout va soigner le premier en faisant exister le basculer pour Jeff — et la question se second. Le style de l'opération a donc pose de savoir s’il vaut mieux, pour la quelque chose de celles du type Go­ beauté de l’histoire, que Fred sache ou dard ou Moullet. non l’intimité de leurs rapports passés. Pour définir le film négativement, à titre Mais l’on voit bien en tout cas que de première approche, disons d'abord pour eux deux tout recommence, avec qu'il échappe à toutes les catégories en plus une plénitude et une gravité du drôle et du pas drôle, du plaire et de sentiments jusque là inconnues à du pas plaire. En ce sens, on peut dire cause des chagrins et des fatigues que. comme un vaccin, il prend ou ne qu'ils ont éprouvés entretemps. Sans prend pas. Le spectateur, lui. vire ou doute tout cela n’est-il pas dans * Out ne vire pas. Mais s’il vire, c'est l'eu­ of the Past ». et il est difficile de parler phorie. Même s'il en reste à ce plaisir de ce qui ne se trouve pas dans le film premier que distille le film : celui, u n de Jacques Tourneur. Comme de ce peu pervers, qu’on peut prendre à voir qui s’y trouve, de cette audace vers la ou à foire dérailler des trains. Mais on fin du film, lorsque Jeff fait en toute sait que le déraillement peut être un sincérité des projets d’avenir avec Ann, acte poétique, politique, ou les deux. puis décide brusquement, quelques se­ Le film est aussi (et par là) un acte Roberî Mirctium dans • Ont ol the Put >. condes plus tard, de partir avec Kitty. thérapeutique (comme « Brigitte et Bri­ tiel, quant au sens et aux prolonge­ Il est vrai qu’entretemps Kitty a tué gitte »). Précisons ici le malaise : il ments moraux et poétiques des situa­ Fred, ce qui est somme toute pour Jeff s'agit de la névrose révolutionnaire de tions qu'il nous présente il nous une bonne raison de s'en aller. Mais il type québecquois, dont la forme rejoint laisse ainsi le soin de choisir parmi n’en reste pas moins que s'il quitte ou recoupe celle que prennent, dans les matériaux qui sont dans son film, finalement Ann, c'est aussi parce qu’il divers autres pays, des malaises ana­ et de reconstituer une histoire accor­ a trouvé, dans les yeux noirs de jais logues, diversement particularisés, mais dée à nos désirs. de l’ancienne amie de Fred, des raisons généralement éprouvés. Plus précisé­ Lorsque, sur la terrasse de son appar­ de préférer le désordre et l’aventure à ment l'idée révolutionnaire, telle tement, Fred (Douglas) invite Jeff (Mit- une vie bien rangée au bord d'un lac. qu’elle est vécue (parfois dans une si­ chum) à s'asseoir, pour prendre ce Ann, elle, est toujours assise au bord tuation de mauvaise foi) par les habi­ qui semble être un petit déjeuner, il de son ruisseau, et si elle a les yeux tants, généralement bourgeois, de pays n’est pas indifférent que la scène se levés vers le ciel, c’est parce qu’elle généralement assez bien développés, et passe en face de la mer, car il entre, pense au bonheur d’être aimée. Elle chez qui l’idée en question, devenant quoiqu’on dise, plus de poésie dans ne sait pas qu’un peu plus loin, entre rêve de compensation, résulte souvent certains paysages maritimes que dans une voiture et un garage, Jeff subit le du transfert sur le plan politique de les boulevards extérieurs de Paris. Et feu des séductions de sa rivale, et qu’il malaises plus ou moins personnels. sans doute est-ce l'air du large qui désespère, lui. de retrouver un jour les Une telle situation consterne évidem­ vient ainsi rafraîchir leurs tempes et manières de penser si positives et si ment ceux qui. parmi les révolution­ donner à leur sourire cette innocence agréables qu’il avait encore récemment, naires, veulent rester lucides. Lefebvre qui fait penser à une vieille amitié, lorsqu’il mettait un peu d'ordre dans sa ne mâche pas ses mots : « Le Révo­ quand le regard de Fred vient croi­ vie — et qui lui font cruellement défaut, lutionnaire veut faire la révolution, mais ser celui de Jeff. Depuis qu'ils ne maintenant qu'il aurait besoin d'elles, il a peur de se geler les pieds ». C'est se sont pas vus, Fred a poursuivi plus que jamais. — Pierre DUBŒUF. même de cette définition précise du sa route, en maître, selon son style, révolutionnaire canadien qu'il est parti toujours souriant et sûr de lui, n’était pour faire son film (entretien, « Ca­ cette attache parfois mal dissimulée : hiers • 186). • Cette fille n'est tout de même pas Partant de là, lui les met dans le plat, irremplaçable I » disait Jeff. « Je suis les pieds, 'comme couteau dans une persuadé du contraire I » répondit Mort plaie. Pour mieux pouvoir l’exorciser, Fred... Et Jeff, de son côté, avec sa ce rêve, en un vase clos que le moin­ raie au milieu et sa vareuse de gara­ au chant des dre coup d'éventail briserait. Lefebvre giste, a oublié bien des choses. Il a va d’abord commencer par le concré­ des projets une ferme, là-bas, de signes tiser. Très exactement : il va faire que l’autre côté du lac. une femme très le lieu du film soit lui-même un de ces douce, la pêche, tranquille au bord de lieux clos où fermentent les rêves de l’eau, le dimanche, avec les nuages puissance. ou-dessus de la tête, sur lesquels, le LE REVOLUTIONNAIRE Film canadien Le lieu, en l'occurrence, est sa ferme, jour de sa mort, on lit son nom. Est-il en 16 mm de Jean-Pierre Lefebvre. à lui, Lefebvre : quelques bâtisses en possible qu’il ait totalement oublié Kitty Scénario : Jean-Pierre Lefebvre. Ima­ bois vétustes, entourées d'arpents de (Jane Greer) la femme avec laquelle il ges : Michel Régnier. Musique : Airs neige, où il entasse quelques gars re­ a couru une fois, sous une pluie d’ora­ canadiens joués aù violon par Lionel crutés. pour vivre le cinéma — mais, ge. dans cette ville où lès rues des­ Renaud. Son Roger Leclerc. Mon­ honnête, il les a prévenus : ce sera

66 pas marrant. Là, donc, il va leur faire sence à longs cheveux.-Signe- de l’en­ gissent constamment la tendresse ou vivre les signes de la révolution,, étroi­ tité « Femme ». Mot. Mot que Ton se la -gravité, avec la plus douce et la tement conjugués aux ingrates réalités passe comme un mot de passe, dans plus violente poésie des lieux ou ob­ du cinéma indépendant et des intem­ une chaîne stupéfaite où Ion semble jets (la nature morte à la cafetière), péries locales. Tout au long de l'opé­ réinventer t’acte de nommer,', avec tou­ des gestes et des visages, et des vira­ ration, et jusqu’à l’obtention très cal­ tes ses puissances cognitives et incan­ ges du gag en drame, et des angois­ culée de l'eau de boudin finale, ces tatoires. Quant à l’être en question, ses latentes qui stagnent aux sous-sol différents éléments vont s'user mutuel­ invité lui-même, au terme de l’opéra­ du pays québecquois : tout cela qui se lement — comme s’usent les fantas­ tion, à se décliner (« Qui es-tu ? ») il noue autour de l’amour qu!a Lefebvre mes mal enracinés sous la mitraille ne pourra que s’incliner devant l’évi­ pour sa terre et ses gens, en faveur répétée des terrifiants pépins préver- dence : « Une Femme ». de qui il s'exprime, et à qui il délivre tiens. Ensuite, et s’il faut dire « Amour »,. il son film, ainsi annoncé dans son pre­ Au début, on ne se doute de rien. Le suffit à Lefebvre de figer deux-trois mier carton : « A ceux qui ne veulent film démarre sec et fort, qui nous mon­ mouvements empruntés à la gestuelle pas mourir pour rien ». tre une petite troupe (sorte de garde de « Roméo et Juliette ». Et l’offrande, Insistons, précisons : sérieux, gravité, noire, brune ou rouge) apparemment corollaire de l’amour, devient une cueil­ poésie, ne sont pas seulement « en bien partie pour se tremper au bain lette en champ neigeux de deux-trois creux » dans le film. Quand on voit le de solides exercices spirituels (la leçon végétaux arbitraires. Ainsi nous est dit jeune révolutionnaire et sa lettre à la de poésie) ou militaires. Au soir du le conflit où l’ascèse de l’idéal se voit fiancée, pris dans sa solitude, ses dou-' premier coucher, le grand chef avant menacée par l’enlisement sentimental. tes, et la cruauté du choix, on est de­ d’éteindre laisse tomber (il faut contrô­ Cette douloureuse faille, faut-il la col­ vant le vrai désespoir, vraiment dit, du ler jusqu'à leur vie intime) : - Je vous mater par la mort ? Le Grand Chef combattant perdu. Et il y a ces autres interdis de rêver ». Mais, franchi ce hésite. Arrive un soudain mari qui ré­ combattants perdus pour leur cause cap, les signes viennent à vous. clame sa femme : voici du coup la dans l’épisode (dont le mystère sécrète Le mouvement s'enclenche au petit ma­ révolution menacée par le signe conve­ à la . fois drôlerie et gravité) où les tin quand les gars vont pisser. Une nu de la réalité cruelle et convention­ révolutionnaires jouent aux cartes dans opération comme une autre, mais qui nelle du ménage à trois. Pour le bien le fredon d'une Internationale fatiguée. vous frappe justement dans la mesure de tous, il faut enterrer l’affaire. Le D'où le Grand Chef : « Un vrai révolu­ où c'est une opération comme les au­ mari se fait une raison. Il descend dans tionnaire ne joue pas avec des petits tres contrôlée par la discipline révolu­ sa tombe. cartons... Il gage sa vie et sa mort. » tionnaire, qui vise à organiser Jusqu’à Après ces troubles, il faut relever le Grandeur et ridicule du propos. Car il cette forme d’intimité. Non moins frap­ niveau des préoccupations. Durcir les est vrai, mais trop vrai, en ce sens pante est la forme que donne Lefebvre troupes. C’est le nouveau grand mot du qu'il répond trop bien à l'idée toute à cette opération, irréelle à force de grand chef » Qui a peur de la abstraite que se font de l'action (Aven­ rapidité, mais dont on ne cherche pas mort ? ». ture ou Révolution) ceux qui ne l’ont un instant à authentifier la réalité Ici, nouvelles modulations dans le sys­ pas vécue : le grand jeu de la vie à celle-ci vous est simplement et pure­ tème de la rupture d’enfilades. Tout à la mort, grandiosement calculé toute ment signifiée. l’heure on avait les variations de la la sainte journée. Et sans doute est-ce A partir de là, et approfondissant plus chaîne des ■ femme ». puis de celle le propre des vrais révolutionnaires, avant cette voie, les opérations sui­ des - doucement » (née d’un ordre en comme des vrais aventuriers, que de vantes (comme si elles avaient été sou­ retour du grand chef, et rompue d’un savoir faire face quand et comme il mises à quelque épuration ou réduction • merde »). Maintenant, on a le pano le faut à une situation dangereuse, qui n’en laisserait plus subsister que sur les garde-à-vous, avec la subite mais si l'on ne craint pas de l'affronter, le dépôt résiduel des signes) se volent rupture d’ordonnance qu’introduit le on s'est bien gardé généralement de continuellement dépossédées de leur geste final et le - mol I ». défier ou provoquer délibérément le réalité, et nous nous trouvons dès lors Il naît perpétuellement chez Lefebvre, sort. En ce sens, on peut dire que Le­ en face d’une étrange facticité qui par­ avec ces manipulations et variations febvre fait un film sur les signes exté­ ticipe de la nature ambiguë de l’idéo­ rythmiques (qui affectent aussi parfois rieurs de la Révolution comme Hawks gramme. les durées, soumises à des accéléra­ avec « Man's Favorite Sport ? » fit un Histoire de nous mettre tout de suite tions ou ralentissements savants) un film sur les signes extérieurs de la dans le bain (et de nous donner en type particulier d’événements (parfois virilité et comme d'autres (de Verne à même temps une foule de renseigne­ apparentés au gag) qui peuvent être Vidor) mirent en œuvre avec leurs ments sur les causes historiques de indifféremment comiques, dramatiques faux Robinsons la dérision des signes quelques complexes et traumatismes ou poétiques. La malice et la pureté extérieurs de (‘Aventure. En somme, Le­ locaux) Lefebvre va très tôt placer une de ces calculs ressortissent ici à l’es­ febvre pourrait (sauf à substituer un vigoureuse parenthèse. A partir d’atti­ prit sinon à la lettre du dessin animé, mot à un autre) reprendre le mot de tudes ou mouvements esquissés par tel que le pratique un Mac Laren (mê- Claude Lévi-Strauss qui deviendrait : les personnages, et que viennent com­ mement humoreux et canadien) quand, « Je hais les révolutionnaires et la pléter des gratouillis animés (surgisse­ par exemple, une soudaine variation révolution ». ment, dans l’ordre chronologique, des sonore ou visuelle vient perturber les tl se trouve, par ailleurs, que cette ré­ éléments qui constituèrent l’humus ca­ alignements chiffrés de « Rythmetic ».- flexion sur les sens et non-sens, re­ nadien : indiens, curés, anglais, fran­ Après la Question vient l’Epreuve. La tournements et dégradations de l’aven­ çais, batailles, canots, flèches, alcools, voici figurée par un sac de signes tout ture révolutionnaire, avec sa part de etc.) : voici la grande parade des si­ droit venus de Guillaume Tell : la pom­ rêves et de nostalgies, finit par re­ gnes qui tracent la triste histoire du me en tête et le tir dessus. Suicide et joindre — et dépasser de haut — les Canada français. Et tout est bon qui punitions s'ensuivent, et un homme en « Professionnels » de Brooks qui, sous peut provoquer l’association souhaitée, bout de chaîne sous l’écriteau « Piège une forme épico-héroïque renforcée de même tank en siècle reculé si tank à ours », ce peut être à la fois le camp toutes les complaisances dans le vent peut signifier bataille. et la prison, et la lourdeur (trait cana­ et aidée de toute l'armada superpro­ Là-dessus, une fois le spectateur rom­ dien, suivant Lefebvre) du plantigrade ductive des séductions décaties du pu au système et nourri de quelques fautif. néo-Hollywood, essayait de transmettre, solides données de base, le film re­ Le plus étrange est que le film ne re­ dans un domaine proche, quelques bra­ prend son ascétique mouvement de lève en rien de la pochade, dans lequel ves idées reçues. Idées que « Les Ama­ désincarnation et désintégration. au contraire, (et si. à lire ces lignes on teurs » de Lefebvre anéantissent d'un Une femme soudain se trouve là. Pré­ ne s'en était pas encore aperçu), sur­ coup.

67 Car il ne faut pas oublier que les si­ portera pas le contact avec les ambi­ gnes qu’organise Lefèbvre ne cessent guïtés d’un monde décidément trop E ntretien de renvoyer, phases après phases, à complexe), et la façon très différente toutes celles que, très historiquement, qu'ont les deux auteurs de mouler des avec Douglas Sirk traversent les révolutions. C’est un des intuitions parentes me parait elle-même (m ite dm la p. 25) (nombreux) angles sous lequel on peut très révélatrice, jusque dans la façon voir le film, c'est même celui sous le­ dont ils organisent le finale de leur quel le vit, lors des « Journées des Ca­ œuvre, fait dans les deux cas sur le Sirk Un excellent souvenir. C'était un hiers » un spécialiste et militant dans grandiose et le dérisoire. Dégradation musicien très doué et que j’ai choisi ce domaine : « Le Révolutionnaire » ou reniement du rêve : dans les deux bien qu'il ne fût pas très connu à était pour lui la description très ser­ cas c’est bien là l’idée, et l'éclatement, Hollywood à cette époque. rée de ce qui advient effectivement de celle-ci, dans « Le Révolutionnaire » Cahiers Avec «The Lady Pays Off», dans les révolutions, et de ce qu'il au contact des intempéries à ciel ou­ c'est une collaboration régulière avec advient d’elles. vert de l’Histoire, ne me parait pas si Frank Skinner qui commença... La fin du film est à cet égard un som­ éloigné du spectacle de sa dilution, tel Sirk C'est exact. Mais que peut-on dire met, dans la violence et la dérision, que le magnifie «Prima», à l’intérieur de sa musique si ce n’est qu’elle est avec une virulence polémique qui frôle des grands airs de l'opéra, majestueux typiquement américaine et que l'on ne la satire ou la caricature. C’est l’exé­ lieu clos des efflorescences musicales, peut la comprendre qu’en Amérique ? cution préparée de la fille. Les hési­ mondaines et architecturales. Et je Nous étions alors tous deux sous tations de la troupe (curieux recoupe­ pense ici au rêve qu'entretint quelque contrat avec Universal. D'ailleurs, je ment avec « Les Carabiniers », avec en temps Visconti de mouler l’idéal ou le suis resté dans une certaine mesure. plus le gramophone dans la neige — l’histoire révolutionnaire aux efflores­ Maintenant, ils voudraient que je re­ mais qui diffuse ici un air crépusculaire cences précieuses du baroque, rêve prenne « Madame X », un projet que et wagnérien), puis, dans une apo­ qui devait achever sa dégradation dans j'avais dù abandonner à cause de ma théose de discordances, c'est le ca- le précautionnisme gâteux du « Gué­ maladie. J'avais aussi un autre projet, fouillis et l’entretuerie. Alors arrive le pard » — point si loin d’ailleurs des c'était « Streets of Montmartre », la Grand Emissaire à calotte soviétique, et « Professionnels » de Brooks. vie d'Utrillo et de Suzanne Valadon, auto américaine, encadré de deux da­ Dernières notes : « Le Révolutionnai­ pour lequel j’avais même pensé faire dais à courte culotte allemande et cha­ re », qui pousse la volonté de désin­ appel à Ionesco poür le scénario. J’ai- peaux de police montée canadienne — carnation plus loin que ne fera jamais mais vraiment beaucoup le sujet, qui également chapeaux d’ex-armée U.S. et Bresson, qui rejoint la volonté politi­ est extraordinaire : c’était surtout l’his­ de scouts (internationaux), tout droit que d’un « Nicht Versôhnt », qui re­ toire de Valadon que je voulais racon­ sortis de quelque Grand Jeu. Pour fi­ joint aussi l’esprit de dérision polonais ter et j'avais, pour ainsi dire, toutes nir : la récupération du Grand Chef, (la chaîne des recoupements nous les libertés. Jusqu'à présent, personne promu héros, décoré, pendant qu’on conduirait alors jusqu’au « Barriera » ne s'est intéressé à ce sujet, mais j'ai­ monte à mi-mât un drapeau canadien de Skolimowski). « Le « Révolutionnai­ merais bien le reprendre. Je devais en renversé. Après le meurtre du Chef par re » retrouve non moins nécessairement être non seulement le metteur en scène un rescapé écœuré (et meurtre du res­ (mais plus secrètement peut-être) un mais également le producteur pour capé), reste la femme, comme restent autre rêve du cinéma d’aujourd’hui « Allied Artists ». J'ai toujours été pas­ généralement les femmes : vivantes, (qu'incarne à sa façon Demy, mais qui sionné par la peinture et j’ai même seules, lucides. n'était pas étranger à un Visconti non pensé devenir peintre. Pour moi. la S’il y a eu tout à l’heure un recoupe­ plus qu'à un Bertolucci) : déboucher peinture est l'art par excellence. Pour ment Godard, il faut replacer cet acci­ sur une poésie de la musique et du Utrillo et Valadon, c'est d’autant plus dent dans son cadre : il ne se peut pas chant. excitant que la vie qu'ils ont menée que les films faits sur l’ici et le main­ Car si nous voyons dans « Le Révolu­ était fascinante. Lui était animé par une tenant, qui respirent l’air de ce temps, tionnaire », « Guillaume » et « Roméo » vitalité extraordinaire qui rapprocherait avec les problèmes et aspirations qui nous faire signe, et si nous y enten­ presque son existence de celle que l’empoisonnent ou l'enrichissent, il ne dons l’insistance des leit-motive (chant mènent nos actuels beatniks. Je pen­ se peut pas que ces films ne se re­ et musique folkloriques), il faut y voir sais employer Horst Buchholz pour in­ coupent ou convergent sur quelque les signes d’une parenté essentielle de carner Utrillo, j’avais aussi pensé è point d'ensemble ou de détail. Et beau­ l’œuvre avec cet art qui organise musi­ Gérard Blain. coup pourraient échanger leurs titres, calement les signes abstraits du réel : Cahiers Choisissez - vous vos acteurs et s’appeler indifféremment « Le Révo­ l’opéra. Lefebvre vient de créditer le suivant des critères différents selon lutionnaire », « L’Age des Illusions », ou jeune cinéma d’une grande première : qu'il s'agit du cinéma ou du théâtre ? « Le Chat dans le sac ». Je pense, à ce « Le Révolutionnaire » est la seule œu­ Sirk Le problème de l'acteur se pose propos, qu’il faut avoir maintenant une vre qui, devant les quat'sous de la mi­ de manière radicalement différente au petite pensée pour ce «C hat», qui fut sère et de la révolte, refuse d'y voir théâtre et au cinéma. Ainsi James Ste- chez nous jeté en un sac en Seine, la matière d'un art, mais relève le défi wart qui est un très grand acteur de mais qui fut au Canada un élément de ne jamais se payer et de ne jamais cinéma ne pourrait pas jouer dans une moteur, un peu comme furent « A Bout nous payer que de cette grandiose et pièce. Inversement, la plupart des ac­ de Souffle » en France et - Nicht Ver- dérisoire monnaie. — M. DELAHAYE. teurs de théâtre ont tendance à trop sôhnt » en Allemagne ; ce « Chat » dans « en faire », ce qui les rend difficilement lequel il faut voir aussi l’annonce du LA MUSICA Film français de Marguerite employables au cinéma, où ils manquent « Révolutionnaire » à cet autre titre : Duras et Paul Seban. Scénario : Mar­ de naturel. que l’on voit très bien comment son guerite Duras. Images : Sacha Vïerny. Cahiers Reprenons le fil de votre œu­ héros, une fois sorti de son sac, aurait Caméraman : Philippe Brun. Décors : vre. Nous en étions restés à « The pu tout droit s’engager dans celui de Maurice Colasson. Assistants : Pierre First Légion »... Lefebvre. Uytterhoeven, Jean Mascolo. Son : Guy Sirk C’est là que j'ai employé Barbara Villette. Montage : Eric Pluet. Distribu­ Mais, question de rapprochements, il Rush pour la première fois. C ’était tion : Delphine Seyrig (« Elle »), Robert faut aller plus loin. Il faut rappeler le l’adaptation d'une pièce à succès que Hossein (« Lui »), Julie Dassin (« La « Prima délia rivoluzione » de Berto- nous tournâmes entièrement dans un jeune fille »). Production : Raoul Plo- lucci, également fait sur la dégradation monastère, sans un seul plan de studio. quin, Films Raoul ’PIoquin-Productions de l’idée révolutionnaire (incarnée chez Puis, « Week-end with Father », une Artistes Associés, 1966. Distribution : un jeune bourgeois d’une trop grande petite comédie un peu folle, une satire Artistes Associés. Durée : 1 h 35 mn. et trop enfantine rigueur, et qui ne sup­ des végétariens. Je suis d'ailleurs deve­ 68 nu végétarien lors de ce film et le suis son était, lui. beaucoup moins convain­ puis, produit un autre film « à succès », resté plus ou moins. C ’était donc un cant, mais je me suis bien amusé. Le m’a téléphoné il y a quelques jours peu la 9atire de moi-même que je tournage fut très pénible car il faisait pour me demander si je n'accepterais faisais. une chaleur torride, mais le pays était pas de faire pour lui une adaptation Cahiers Vous avez donc très souvent si beau et les Indiens si romantiques des fameuses « Mémoires de Fanny adapté des pièces de théâtre et des et... si sales, puant comme des bêtes Hill » I J’ai refusé. Pour • Written on the romans pour le cinéma. Que pensez- sauvages 1... La même année, je tournai Wind » l’interprétation était vraiment ex­ vous du problème de l’adaptation ? aussi « Magnificent Obsession ». La cellente, ce qui explique le grand suc­ Sirk D'une manière générale, je crois première version, celle du regretté cès de ce film dans le monde entier. qu’il vaut mieux adapter vraiment, c’est- John Stahl, avait eu beaucoup de suc­ J’ai travaillé avec beaucoup d’attention à-dire faire des changements. Le film cès, ainsi que le livre de Lloyd Douglas à la couleur et j’ai même organisé des étant un moyen d’expression différent d ’où elle était tirée et la version que scènes en fonction seulement de la du roman, la technique d'introspection j’en ai faite fut une des opérations les couleur, en faisant moi-même des ta­ qu’utilisent Joyce ou même Faulkner, plus fructueuses de l'Universal. bleaux pour chaque scène. J'ai voulu le monologue intérieur, ne peut s’ex­ Cahiers Avec » Captain Lightfoot », faire là un film baroque et je crois que, primer techniquement de la même fa­ vous abordiez pour la première fois le sur la couleur, c'était assez réussi. çon au cinéma. C'est évide'nt. Les Cinémascope... Cahiers On retrouve le thème de l'im­ modifications sont donc inévitables. Sirk Oui, et je devais, par la suite, uti­ puissance sexuelle dans bon nombre Lorsque j'ai adapté - Pylon » de Faulk­ liser souvent ce format, mais je ne de vos films... ner pour en tirer « The Tarnished An- l’aime pas trop. Il « magnifie » peut-être Sirk Oui, peut-être parce que c’est gels », j’ai été amené à faire des chan­ la réalité quand on projette le film aussi un des grands problèmes de la gements assez sensibles. Or, Faulkner dans une grande salle, mais . on le vie moderne... L’homme d'aujourd’hui m’a lui-même confié qu’il considérait ce coupe si souvent dans les petites I En est souvent presque « impotent » de­ film comme le meilleur de ceux qui fu­ fait, ça n'ajoute pas vraiment à la qua­ vant la religion, ou dans sa conduite, rent réalisés d’après ses romans. Il a lité du film. Au théâtre, j’avais mis en car il ressent une certaine frustration. même été jusqu'à me dire qu’à bien des scène beaucoup de pièces irlandaises, Vous savez que, médicalement, il est égards j’avais amélioré l'original. Faulk­ car j’aime énormément la littérature de prouvé que si vous pensez trop à ner était pourtant très sévère avec les ce pays, or, ce que j'ai voulu faire l'acte sexuel vous perdez votre pouvoir adaptations de ses œuvres. Il faut dire avec ce film, c’est une évocation de sexuel. Cela est vrai de Robert Stack qu’il adorait l’interprétation de Rock l'Irlande, un film qui soit à la fois révo­ et d’une certaine catégorie d'américains Hudson, son talent, sa simplicité. Il lutionnaire et souriant, grâce à une de la haute bourgeoisie. pensait que ce serait un nouveau Gary certaine ironie envers ce sérieux que Cahiers Ne vous efforcez-vous pas Cooper. L'avenir n'allait pas confirmer mettent les Irlandais à parler de leur dans vos films de décrire des milieux ces prévisions. Révolution. N’étant pas Irlandais, je assez fermés... Cahiers Votre collaboration avec Rock pouvais prendre des distances par rap­ Sirk Si, vous avez entièrement raison, Hudson avait commencé avec « Has port à ces choses-là. Je crois que et je dois dire que mon idéal est la Anybody Seen My Gai ? »... dans ce film Rock Hudson était vrai­ tragédie grecque où « tout se passe Sirk Effectivement, et elle allait durer ment très bon. en famille, dans un même lieu ». Et longtemps. Il n'était rien du tout alors, Cahiers Mais dans » Ail That Heaven cette famille est à l’image du monde, mais il était très jeune. A l'Universal, Allows », il n'est pas possible de croire elle en est le symbole. C'est différent il était considéré comme un très mau­ complètement au personnage qu’il in­ du drame naturaliste qui présente sim­ vais acteur. Cependant, il avait très carne... plement une « tranche de vie » et rien envie d’apprendre, son rêve était de Sirk Ce film, qui n'a pas coûté très de plus. Il faut l’unité de lieu. devenir un bon acteur et je puis dire, cher, fut un prodigieux succès finan­ Cahiers Le thème de l’échec est éga­ non sans fierté, que c’est moi qui me cier. Le succès américain vient d'ail­ lement une des constantes de vos suis chargé de i'y aider. Il accepta de leurs de ce que le film était fondé sur films... jouer dans « The Tarnished Angels » un une philosophie typiquement américai­ Sirk Oui. bien sûr... C ’est même un rôle très inhabituel pour lui mais dans ne, celle d’Emerson et de ses disciples, des seuls thèmes qui me passionnent lequel je ne voyais aucun autre acteur philosophie où la nature tient une vraiment. Le succès ne m'intéresse pas, américain. En Amérique, on aime bien grande place. Et je vous assure que, seul l'échec me passionne. La fin de cataloguer les gens et les forcer è quoique vous pensiez du film, les dia­ • » est à cet faire toujours la même chose parce logues en étaient sublimes et très logi­ égard très significative : elle a tout que ça marche mieux ainsi, commercia­ ques. Le thème du retour à la nature perdu, elle n’a plus rien... Je ne veux lement. était, sans doute, Inspiré par Rousseau. pas dire l'échec dans le sens où le Cahiers A peu près en même temps, Son influence n‘a d’ailleurs gagné prennent les auteurs décadents, les vous lanciez également Barbara Stan- l’Amérique qu’assez tard parce qu’à néo-romantiques qui prônent la beauté wyck..: l'époque où il écrivait, les problèmes de l'échec. C'est plutôt l’échec qui Sirk C’est par elle que valait surtout qu'il abordait ne se posaient pas en­ vous envahit sans raison et non celui « Ail I Desire ». Elle y était une jeune core aux Américains qui n'avaient que que vous pouvez trouver par exemple célibataire qui représentait l’Amour. Je des contrées sauvages et pas encore dans les œuvres d'Hoffmannstahl. voulais, en fait, surtout rendre à l'écran construit de villes. Ce désir de retour L'échec est un des seuls thèmes dra­ l'atmosphère d’une petite ville améri­ à une vie primitive et simple était à matiques vraiment passionnants. caine. C'était cela le vrai sujet du film. mon sens parfaitement incarné par cet Cahiers Pourquoi cette construction cy­ Si bien que c'était un peu la même homme qui s'occupait de faire pousser clique qui est caractéristique de vos histoire que celle de « There's Alway9 des arbres, vivait dans un jardin et films ? To-Morrow », où Fred Mac Murray était méprisait l'argent et la haute bourgeoi­ Sirk Parce qu'elle me paraît être un très drôle dans le rôle d'un fabricant sie. Or, ça, c'est tout le rêve amé­ schéma dramatique tout à fait fasci­ de jouets vivant un peu dans un monde ricain. nant. J’aurais voulu l'employer plus à part. Une fille qu’il avait connue réap­ Cahiers Si vous nous disiez quelques souvent, mais je n'ai pas toujours pu. paraissait et détruisait presque sa vie mots de votre » classique » « Written Voilà encore un effet de la - frustra­ de petit bourgeois. Puis, j'ai eu très on the Wind »... tion » qui est caractéristique de notre envie de faire un western, et ce fut Sirk Ce film, produit par Albert Zug- époque : on n'avance pas, on tourne - Taza, Son of Cochise », dans le dé­ smith, fut le fruit d'une très heureuse en rond... sert de l'Utah. Si Chandler pouvait à collaboration entre lui et moi. D'ailleurs Cahiers » The Tarnished Angels » est la rigueur passer pour un indien, Hud­ ce pauvre Zugsmith qui n'a plus, de­ fait tout entier à partir de ce thème 69 de l'absurdité du monde... de mener tranquillement leur vie quoti­ ne rencontrent qu’une surface de verre Sirk Oui, c'est vrai. Mais ce qui -est dienne. peut-être pour se cacher le car ce bonheur n’a pas d’existence important, c’est qu’avec ce film, j'ai eu tragique de la réalité. Mais ils vont propre et, probablement, il n'existe la liberté la plus complète qu'on puisse inévitablement vers leur fin. L’insuccès qu’à l’intérieur de vous-même. Cette souhaiter. J'ai lu l'histoire pour la pre­ du film est sans doute dû à ce pes­ manière de voir les choses vaut à mon mière fois en 1936 et elle me plut tout simisme qui dérangeait le spectateur. avis cent fois mieux que la manière de suite beaucoup. J'étais très fasciné Quant à ■ Battle Hymn ». c’était l’illus­ des écrivains naturalistes qui * es­ — en tant que cinéaste — par ces « bo­ tration d'un fait authentique qui s'était sayaient, eux. d'enlever ce miroir dont hémiens de l'air ». C’était une des passé en Corée. La vie est-elle le plus je vous parlais pour faire du specta­ histoires les moins connues de Faulk­ beau des mélodrames ? teur presque le protagoniste de l'ac­ ner et elle intéressait très peu les gens Cahiers Vous êtes très attaché à l'idée tion on peut même avec eux sentir de cinéma qui préféraient de beaucoup d'un bonheur très bref, somme d’ins­ l'odeur des choux dans la cuisine. Cela, ses œuvres mélodramatiques plus tants privilégiés, n’est-ce pas ? ce n'est pas de l'art, je crois quant à connues comme • Sanctuary ». Je crois Sirk C 1 est que je ne suis pas aussi moi que Zola est un des écrivains les que l'adaptation que nous avons faite pessimiste que je puis en avoir l’air. plus ennuyeux qu’on puisse imaginer, était assez bonne. Il y avait une tris­ Et -je crois de toute façon que le si l’on met de côté quelques-unes de tesse extraordinaire dans cette histoire bonheur existe, ne serait-ce que par le ses nouvelles. Je me méfie des gens et dans le personnage de Stack. Je simple fait qu’il peut être détruit. Un qui ne font pas vraiment de l’art, sauf connais beaucoup de personnes qui bonheur sans faille serait comme un s'ils sont - engagés » d’une ma­ sont comme lui, toujours à l'affût de la poème mal écrit... Je pense que si l’on nière ou d’une autre : car alors leur vie, et qui croient qu’elle leur échappe. avait fait un « happy end » à la fin de engagement leur tient lieu de style. Même si ce film n’a pas eu autant de - A Time to Love and a Time to Die », Je crois que l'art doit établir des dis­ succès que d’autres que j’ai faits, je ce qui dans le cadre de l’histoire tances et j'ai été étonné en revoyant trouve particulièrement émouvant le était logiquement possible, on n’aurait mes films du nombre de fois où j'avais cas de ce reporter qui est entraîné pas eu cette impression de douceur utilisé des miroirs car ce sont les dans cette atmosphère fascinante, par extrême dans les rares moments de symboles mêmes de cette distance. leurs étranges habitudes sexuelles, par bonheur que partagent les héros. Il n’y Pour des raisons quasi mystiques, les le fait qu'ils soient complètement diffé­ a que les choses qui sont condamnées miroirs exercent sur moi une étrange rents de lui, le sentiment infini de tra­ pour être aussi douces. Les choses qui fascination. Je ne m'étais pas rendu gédie qui se dégage de leur existence. durent peuvent avoir une certaine compte de l’emploi systématique que Dans le dernier acte du film, on sait beauté en elles-mêmes, mais elles j'en faisais avant que Metty. mon ca­ ce qu’est le - Wake » irlandais (la n’ont pas cette force étrange qui ne se méraman, ne me plaisantât à ce sujet : veillée funèbre et le petit matin qui la manifeste qu'à certains moments, com­ « Mais décidément, il te faut toujours suit). Cette impression-là, c’est moi qui me par exemple dans cette scène où un miroir. • On comprend que cela l'ai ramenée d’Irlande et qui l’ai ajou­ Gavin et Pulver réalisent que c'est ennuie particulièrement un caméraman. tée au livre de Faulkner : quand les leur devoir d'être heureux car le monde J'aime bien donner ces impressions personnages sont assis autour de la autour d'eux s'effondre : il faut qu’à lointaines, si faibles qu'on a le sentiment même table, on peut penser aux Irlan­ ce moment, ils jouissent autant qu'il est qu'elles ont été filtrées... Ce qui est dais qui s'asseyent en cercle et se possible de leur bonheur, qu’ils s’en- intéressant dans le phénomène optique lamentent sur la perte de leurs héros. nivrent... Les vrais bonheurs ne durent du miroir, c'est qu'il ne vous montre Cahiers II nous semble que les enfants jamais. Voyez-vous, - Shockproof » pas comme vous êtes, mais qu'il vous ont dans vos films la position de spec­ était, dans la version de Samuel Fuller, montre l'envers de vous-même. Je tateurs innocents devant lesquels se un peu construit sur ce même schéma : crois que cela fascinait aussi Brecht, déroule le drame... deux personnes traquées dont le bon­ sans oublier les surréalistes, mais je Sirk Oui, certainement, car ce contraste heur ne dure qu’un moment car il va crois que ceux-ci ont exagéré dans ce m’intéresse beaucoup : c’est un monde être détruit. Et ces personnes sont sens, car si on va trop loin, on détruit qui est en train d’en regarder un autre elles-mêmes les agents de cette des­ la chose. qui se dégrade, et qui ne sait pas truction. . lors même qu'elles tentent de Cahiers Vous n'êtes jamais allé aussi encore si son sort à lui sera le même... faire durer leur bonheur, de le prolon­ loin dans le mélodrame qu’avec « Imi­ Le regard d’un enfant est toujours fas­ ger. Quel dommage qu’on n'ait pu tation of Life »... cinant, il semble vouloir dire : est-ce mettre cela dans le film ! Sirk Ce film est une parabole sur la cela que la fatalité me réserve à moi Cahiers Pour reprendre Jean-Luc Go­ vie américaine et peut-être même peut- aussi ? dard, ne peut-on pas dire de tous vos on dire que par les problèmes qu’il Mais ces enfants sont-ils vraiment films qu’ils sont un peu une imitation traite, il est * engagé ■ : il est encore purs ? Je ne le crois pas. Comme leur de la vie. le reflet d’un monde imagi­ plus tragique de voir une jeune fille innocence sera détruite elle aussi, ils naire que I on ne peut entrevoir que essayer d’échapper à sa race, car ne sont pas à mon avis des symboles les yeux fermés ? c’est une tragédie intérieure, que de de pureté, tant s’en faut. On utilise Sirk Si, c'est exactement cela. Et j’au­ décrire les méfaits de l’esclavage. d’habitude les enfants dans les films, rais fait - Imitation of Life ». de toute Cahiers Nous aimons beaucoup la seulement à la fin, pour montrer qu’une façon, nen que pour le titre. Je le scène finale de ce film. nouvelle génération commence. Dans trouve merveilleux, et il est malheu­ Sirk C'est encore une version du mes films, c'est exactement le contraire reux qu’en français ou en allemand, il « Wake » irlandais, une lamentation sur que je veux suggérer : je crois, moi, ne soit traduisible qu'à moitié et perde les morts. que ce sont les tragédies qui recom­ beaucoup de son étrangeté. Il y a une Cahiers Votre position personnelle se mencent, toujours et toujours... expression en anglais que je trouve reflète-t-elle plutôt dans la fin très pes­ Cahiers Préférez-vous comme nous merveilleuse et qui, à mon avis, expri­ simiste de « Tho Tarnished Angels » - A Time to Love and a Time to Die « me la totalité de l'art, ou au moins son ou dans celle, un peu plus heureuse, à « Battle Hymn » ? langage : seeing « Through a Glass d' « Imitation of Life » ? Sirk « A Time to Love and a Time to Darkly » (voir à travers un miroir, Sirk Dans « The Tarnished Angels », Die » ne fut financièrement qu’un suc­ confusément). Cela veut dire que tout, bien sûr... La fin de « Imitation of Life • cès moyen. Mais je le préfère. C ’est même la vie, vous est inévitablement est un peu un compromis, bien qu'en une histoire qui m’est très chère : nous, ôté, on ne peut saisir ni même toucher vérité elle ne soit pas si optimiste que les spectateurs, savons déjà que la fin cette impression, on ne peut atteindre cela... (Propos recueillis au magnéto­ ne peut pas être heureuse, mais les que ses reflets. Si vous essayez de phone par Serge Daney et Jean-Louis personnages du film, eux, continuent saisir le bonheur lui-même, vos doigts Noames.)

70 présente qu’en nous tournant le dos. l'œuvre telle ou telle tonalité dominante J. D. Car les mêmes éléments que nous — chaude ou froide (faudrait-il alors ou les racines du rêve trouvons ailleurs font ici l’objet d’un se référer à l’atonalité et, passant à certain nombre de distorsions. Cette une autre référence musicale, dire de [Suite de ta fHigc 411 ville en bordure de mer (cadre pre­ cette œuvre, comme on dit de la mu­ sique. qu’elle ne voudrait rien dire ?). mythologie d'avant-guerre : l’entraîneuse mier de tous les Demy), n'est pas un Tout vient sur le même plan, marqué fatale (par ailleurs rêve de débauché port, pas plus que cette mer n'est une de cette même légèreté qui, vue sous ou de puceau, comme l’argent du jeu mer. qui, du point de vue de ('Atlan­ un autre angle, peut aussi bien être est rêve de pauvre ou de richard). tique, se définit comme immobile et La Moreau de « La Baie des Anges » fermée, donc, et doublement, comme gravité. Et que rien ne soit grave, c'est cela, justement, qui est grave, et si jette son amant dans l’enfer du jeu, un une «anti-mer». La ville elle-même se tout est grave, alors, finalement, plus peu comme la Lola-Lola de « L’Ange constitue doublement en « anti-port » : rien ne l'est. Mais cette réduction au Bleu » (1930) conduit à la déchéance son centre vital est un lieu clos (le ca­ - même plan », avec l'ambiguité et la le professeur Unrath. La Lola de Nan­ sino), lui-même lieu privilégié d'échange, poésie qui en naissent, elle était à tes, elle (plus éloignée de la Marlène de mais d’échange - gratuit », en quelque l'œuvre déjà quand nous avons vu sa Sternberg, plus proche de celle de Tay sorte ■ endogamique -, et qui se situe logique mettre sur le même plan coq- Garnett — de part et d’autre de ce ainsi, par rapport au véritable échange à-l'anesque (comme on dit aussi que moyen terme que constituait celle de (dont le port est un des lieux majeurs), fait la logique du rêve) les calembours, Walsh dans « L’Entraineuse fatale », comme le vice solitaire par rapport à les catastrophes et tous leurs entre­ 1941), fait sans le vouloir (« Moi qui l’amour. Si l’on ajoute à cela qu’au deux ; et cette même logique définis­ voudrais que tout le monde soit heu­ couple mère-fille des autres films fait reux I ») le malheur de Roland. Malheur ici place le couple oère-fils (avec les sait déjà « Lola •, où tout devenait mys­ térieux. où rien ne l'était olus, suivant dont celui-ci dans - Les Parapluies » inversions en chaîne qui s'ensuivent), semble s’être remis, bien qu’il y pense nous voyons que, par rapport aux l'angle sous lequel on choisissait de encore (■ Autrefois j’ai aimé une fem­ autres films, celui-ci se constitue en voir le film — et la vie. me »...) mais qui continuera de creuser « Anti-Film ». Nous sommes dans cette autre logique, son chemin puisque, bien longtemps Tout se passe comme si le film avait ou géométrie, où les plans courbes après, un vieux monsieur, poussé au voulu au départ exprimer sa différence. font tout se recouper en d'éternels désespoir par des années de refus, Comme si, sachant bien qu'il ne mas­ retournements, monde clos, là aussi, finira par la découper, Lola, à Roche- querait pas longtemps sa noirceur (fût- peut-être, entraînant ceux qui s’y en­ fort, en morceaux. ce par la blancheur de la nuit finale), ferment vers quelle dangereuse dérive? Encore que cette dérive, au fond, qui Voyons maintenant la mère de « Cher­ il pouvait au moins la constituer en menace-t-elle ? Pas ceux, après tout, bourg ». Elle est assurément bien loin exception, parenthèse sans lien aucun, que la rondeur du monde ramènera de l’entraîneuse, puisque reprise de la à la limite, avec le reste de l'œuvre toujours — au fil de leurs détours — mère de Nantes, mais n’oublions pas dont la nature profonde serait essen­ au point où s'assure leur ancre, tandis que celle-ci avait été danseuse (et que tiellement autre. Mais dans la mesure que le droit fil de la linéarité va nous sa fille voulait être danseuse une même où le film établissait ainsi son entraîner, nous, à quelles extrémités ? petite Lola, déjà, en quelque sorte une altérité (stade auquel effectivement Comment est le monde et qui est de­ Lolita). Elle n’a rien non plus de fatal, nous en restons si nous nous conten­ dans ? A travers le cas de Bidou-le- mais elle couve sous sa gentillesse tons de démasquer sa noirceur — et Menteur, une vieille chanson (du temps une dureté profonde si elle ne va ici on peut même supposer, suprême que l’humour et la dialectique faisaient pas jusqu'à faire délibérément le mal­ perversité, que le masque ne se trou­ encore bon ménage) disait pour sa heur de sa fille (mais elle trahit par vait là que pour nous inciter à l’en­ part fort bien le problème : un geste son désir de subtiliser son lever — et à en rester là), dans la * Bidou dit que la terre est ronde courrier), elle n’en souhaite pas moins, mesure et dans la façon mêmes où il » Mais l’on croit qu'elle est carrée au fond, que la séparation des deux s'obstinait à se différencier des autres, « Il sait donc pas qu’il est dans l'monde jeunes gens dure jusqu’à ce que rup­ il révélait la conscience qu'il avait « Il marche parce qu'il est obligé... » ture s’ensuive — et mariage avec un d’être, non tant leur contraire que leur Michel DELAHAYE. autre. La mère de Rochefort, elle, sem­ envers, leur face cachée ou leur cons­ ble s être bien vite résignée à une cience obscure. En ce sens, sa noir­ LES DEMOISELLES DE ROCHEFORT Film séparation d'avec les deux petits mons­ ceur n’est autre que la traduction en français en eastmancolor et Franscope tres qui lui étaient venus par hasard. clair de leur face obscure, à moins de Jacques Demy. Scénario : Jacques Mais c’est aussi cela, le monde des qu'il ne faille voir dans leur face claire Demy. Images : Ghislain Cloquet. Mu­ femmes : de coups de tête en rési­ à eux la traduction obscure (comme sique : Michel Legrand. Décors : Ber­ gnations, de passions en indifférences, dans un cryptogramme — ou un miroir nard Evein. Chorégraphie Norman de « c’est comme ça » en - c'est la selon saint Paul) de sa noirceur à lui. Maen. Son : Jacques Mawart. Montage : vie », la simple et saine cruauté de Mais poser en système ce « message », Jean Hamon. Assistant : Michel Roma- l’existence. qui doit rester obscurément présent à noff. Interprétation : Catherine Deneuve Par ailleurs, si l’on songe que la phrase la conscience, comme il l'est dans (Delphine Garnier), Françoise Dorléac du « Pickpocket • à Jeanne (■ Quel drô­ l'œuvre, n'aboutirait qu’à des transpo­ (Solange Garnier), Danielle Darrieux le de chemin il m'a fallu faire pour par­ sitions arbitraires. Car aucune « clef » (Yvonne), George Chakiris (Etienne), venir jusqu’à toi ») pourrait s’appliquer n'est ici à trouver. Ouvrez l'œuvre elle Gene Kelly (Andy Miller), Michel Pic- à presque tous les personnages de se ferme : fermez-la elle s’ouvre ; pre­ coli (Simon Dame), Jacques Perrin Demy, on constate que dans « Les Pa­ nez le noir, prenez le rose, c'est du (Maxence), Gover Dale (Bill), Henri rapluies » cette phrase prend un sens pareil au même. Crémieux (Subtil Dutrouz), Jacques Ri- dont l’ironie se fait particulièrement Tout vient sur le même plan, avec l’in­ berolles (Guillaume Lancien), Geneviève atroce, en même temps que, au terme différence de l’évidence, pour consti­ Thénier (Josette), Pamela Hart (Esther), d’un apparent paradoxe, on découvre tuer un seul et même événement qui Leslie North (Judith). Agnès Varda (Une que ■ La Baie des Anges » est le seul a la transparence et l'opacité de cer­ bonne sœur), Daniel Mocquay (Un ma­ des Demy où elle ne saurait trouver taines entités têtues. Est-ce doux ou rin), Dorothée Blank (Une passante). place. rude, brut ou façonné, un galet, et ça Dir. de prod. : Philippe Dussart. Pro­ C ’est que, par rapport aux autres films, n'appelle-t-il pas indifféremment la ducteurs Mag Bodard. Gilbert de « La Baie des Anges » est un film contemplation, la caresse et le meur­ Goldschmidt. Production Parc Film, • dénaturé ». Ou plutôt, un film où. si tre ? Demy, lui, a choisi le parti pris Madeleine Films, 1966. Distribution je puis dire, la nature des autres n’est des êtres, mais il ne s'ensuit pas dans Comacico. Durée : 2 h.

7 1 liste des films sortit du 8 mars

8 film s Les Demoiselles de Rochefort. Film en scope et sujet, des personnages, comme lieu d'élection du couleur de Jacaues Demy. Voir Petit Journal n° 181, propos, refuge des valeurs et des significations fra n ça is p. 8 (tournage) . « J.D. ou les racines du réve » du film On voit bien ce qu'un tel système (hérité (Delahaye) dans ce numéro, p. 30. de l'hollywoodien) a de vicieux il conduit le Deux ou trois choses que je sais d’elle. Film en cinéaste à se désolidariser des trois quarts de scope et couleur de Jean-Luc Godard. — Voir son film. Or, la notion d auteur, aujourd'hui où les - Versus Godard » (Bertolucci), ■ Notes ■ (Nar- contraintes et compromis sont des choix, ne prend boni) dans notre n° 186, p. 28, - J.-L.G. ou l'ur­ corps que dans une responsabilité totale. Si Cha­ gence de l'art - (Delahaye) dans notre n° 187, brol a voulu plusieurs niveaux dans « Le Scan­ p. 26, * De trois films et d'une certaine parole • dale -, croyant se préserver des uns par les (Tèchiné) dans ce numéro, p 48 et critiques dans autres, il faut penser alors que c'est lui et non un prochain numéro son film qu'affecte un tel dédoublement Chabrol en guerrt contre lui-même, critique et complai­ Fantomas contre Scotland Yard. Film en scope et sance du même au même entrerait-il autant de couleur de André Hunebelle, evec Jean Marais. masochisme que de méchanceté et de prudence Louis de Funès, Mylène Demongeot, Françoise dans le complot chabrolien ? C'est ce que, déjà. Christophe, Jacques Dynam. — La suite des précé­ • La Ligne de démarcation » incitait à penser. A dents Mais on ne dira jamais assez ni la tristesse, moins, puisque le réve de se vouloir autre et ni la laideur, ni l'impuissance même à divertir qui d'exiger que toute chose vaille pour une autre que ce soit, de ces sénes-suicides où c'est à qui caractérise les conduites enfantines, à moins que perd gagne entre acteurs et cinéaste. Le cinéma tout cela ne soit encore qu'enfantillages. Mais le français va mal, et ce sont des • remèdes • de ce cinéma a grandi (mûrissement auquel « Le Beau genre (inférieurs aux pires séries télévisées) qui Serge -. par exemple, ou - Les Bonnes Femmes • l'achèvent. — J.-L.C. ne' contribuèrent pas peu). — J -LC Mouchette. Film de Robert Bresson. Voir critiques Un idiot à Pari3. Film en couleur de Serge Korber, dans ce numéro, page 63. avec lean Lefebvre. Dany Carrel, Bernard Blier. — Le Scandale. Film en scope et en couleur de Caricature vraiment outrée d’une bonne cinquan­ Claude .Chabrol, avec Anthony Perkins, Maurice taine de navets français. Une pute au grand cœur Ronet. Yvonne Furneaux, Stéphane Audran, Christa et au compte en banque appréciable favorise l'as­ Lang. Voir Petit Journal n° 184, p. 11 (tournage) — cension sociale et les progrès tant esthétiques que Chef-d'œuvre d'illusion. Non. • Le Scandale ■ ne sexuels d'un débile Serge Korber semble avoir requiert pas, comme les films d'Hitchcock et de trouvé sa voie dès son second film et ce n’est Lang, et contrairement à ce que prétend Chabrol, pas nous qui allons le lui reprocher, nous que ses une lecture à plusieurs niveaux, plusieurs visions, courts métrages ou les randonnées à vélo de Marie un étagement de l'analyse. Loin de se superposer Dubois et Trintignant sur le sable de Perros-Guirec et d’entrer ainsi en résonance, les divers niveaux étaient loin de transporter au dix-septième ciel. du film — le policier, la critique sociale, le méta­ Comme le dit Truffaut à Michel Aubriant (- Paris- physique (thème, eh oui, du dédoublement) — sont Presse -, 12 avril), des machines à millions. • il tout au plus contigus. successifs et non simulta­ en faut I • Korber a du même coup irouvé les admi­ nés. donc l'un après l’autre lisibles et épuisables rateurs qu'il mérite : Jean Duché ému : « On vou­ Il n'y a pas plusieurs films en un. mais un mé­ drait parfois être cet idiot-là -. Léon Zitrone recon­ lange dont les composants font bande à part, film naissant : « Le plus étincelant dialogue qu'Audiard tiré à hue et à dia, à mi-chemin des - Godelu­ ait écrit » (extrait dudit . - Le micheton d'aujour­ reaux • et de ces mauvaises plaisanteries poli-- d'hui quand y s’envoie en l’air c'est avec Zitrone. cières à quoi Chabrol semble avoir décidé de Chapatte et Couderc 1 ») et. MJ René Clair, pour consacrer son talent. Si bien que l'intrigue ne vaut une fois modeste : • Je suis fier de mon élève ■ que ce que valent ses héros, et comme Chabrol (il s'agit de Dany Carrel). Mais comme dit Truffaut : les a choisis idiots et vides, et que de plus il ■ L'idéal serait que tous les films aient du succès. s'ingénie à les rendre odieux et ridicules, les char­ Même ceux d’Audiard et de Delannoy (...) Je ne geant à outrance (mais pourquoi, alors, filmer ce suis pas ennemi d'un cinéma de rscherche mais il que l'on déteste le plus au monde? Ou bien cette ne faut pas oublier que le cinéma est d’abord horreur n'est-elle que feinte ?). le résultat de cette spectacle. ■ Mais alors que je suis sur le point conjonction doublement plate ne peut être que de me réjouir, moi aussi, en constatant qu'une piteux, quelle que soit l’aisance stylistique du ci­ - certaine tendance du cinéma français ■ est bien néaste. ■ Le Scandale ■ dit adieu è la méchanceté en vie (plus les films marchent — bons ou mau­ guère aimable et d'autant plus admirable des vais — plus on peut en faire — de bons ou de • Bonnes Femmes » la critique que Chabrol y mauvais), je ne peux m'empécher de songer fait de la haute bourgeoisie, et qui se veut féroce, que si aujourd'hui 12 avril les grévistes de'Saint- ravit au premier chef la part la plus bourgeoise Nazaire ont moins de succès que Serge Korber, du public. Voici le piège désamorcé, la bombe il y a peut-être là un rapport qui ne demande inoffensive « Le Scandale • es! un jeu de bonne qu'à être aperçu et un paradoxe tout à fait scan­ société. Quant è la • mise en scène *. son bril­ daleux qui ne demande peut-être qu'à être souli­ lant, son efficacité, son habileté — ses qualités — gné, comme le faisait Godard le 27 janvier (dans sont précisément autant de cautions supplémen­ ■ Le Monde -) : - L'ouvrier de la C.G.T. qui fait taires à la compromission fondamentale de Cha­ grève le> lundi, disons pour l'amélioration des condi­ brol Poudre aux yeux. Reste le plus grave.' Nous tions de travail, aura été, le dimanche, l'un des n'avons jamais cessé, même au dur temps des spectateurs qui font le succès d’un film du genre - Tigres *, de faire confiance à Chabrol, non seu­ - Les Grandes Familles *. Il aura aimé, le diman­ lement par politique d'auteurs, mais parce qu'il che. le type (Jean Gabm) contre qui (Pisani ou semblait attendre, è travers tant de foutaises aux­ leanneney) il se battra lundi. • Soit pour • Un idiot quelles d'ailleurs il ne devait pas croire beaucoup è Paris ». Bernard Blier et Sanguinetti. Alors, si lui-même, son heure et son sujet Ce devait être l'on ne fait rien pour essayer d améliorer cela, - Le Scandale ■. Eh bien I il semble que la per­ il n'y a aucune raison pour que cela s'améliore tout versité chabrolienne se soit prise à ses pièges. Les seul. Bien sûr Truffaut dit généreusement : « Je effets de style sont impuissants à racheter la gra­ n'écrirais plus certains articles que j’écrivais autre­ tuité de l’entreprise, parce qu'ils sont indissocia­ fois quand j’étais critique Je me sens aujourd'hui bles d'elle. Tout le système de Chabrol, c'était la solidaire de tous les gens qui font le même mé­ foi en la mise en scène comme transcendance du tier que moi •, mais il y a entre le métier de Kor-

72 en exclusivité à Paris avril 1967

ber et celui de Godard, par exemple, la différence Le Vieil Homme et l’enfant. Film de Claude Berri.. qu'il y a entre le soldat de carrière et l'objecteur — Voir . petit journal ■ (Andrevon) dans notre de conscience, comment pourraient-il9 , dèe lors, n° 184, p. 9 et critique dan9 un prochain numéro. se sentir solidaires ? Pour nous, nous ne nous — Ces petites chroniques d'enfance et de guerre sentons pa9; le moins du monde solidaires de Kor- sont le film de quelqu'un qui sait regarder la vie et ber. Il est vrai que nous ne faisons pas le même le faire regarder ; qui sait allier la plus extrême métier. (Mais Godard -S i je ne pouvais plus élaboration et le plus extrême naturel : qui sait tourner, oh I je ferais autre chose. J'irais plus sou­ montrer, dans les grandes ou les petites choses, vent au cinéma. Je ferais de la critique. Il y a comment elles renvoient du particulier au général peut-être là comme une attitude morale ■)• — J-B. et de l'accessoire è l'essentiel. Ainsi, la condition de l'enfant juif, nœud du film, nous renvoie cons­ Le Vicomte règle ses comptes. Film en scope et tamment è la condition de l'enfant tout court, couleur de Maurice Cloche, avec Kerwin Matthews, découvrant et affrontant le monde. Monde marqué Sylvia Sorrente, Jean Yanne. — Bien que prati­ de signes dangereux (de la circoncision è la ton­ quant également l'assonance dans le titre, n'arrive sure — maladie ou punition) ; de dépaysements pas à régler celui de son bressomen et presti­ brutaux (juifs-catholiques ; ville-campagne) ; de gieux aîné. Son affligeante laideur, l'incroyable bê­ tabous étranges (antisémitisme, végétarisme) ; de tise des dialogues et le jeu continûment ridicule jeux d'enfants ou d'adultes, habituels, rituels ou des acteurs inciteraient à penser à quelque dimen­ marginaux. Du sujet aux notations — et retour — sion parodique, si le nom de Cloche è la * mise qui s'entrelacent et s'entrefiltrent, tout e6t frappé en scène » n'obligeait à lui accorder la plus sé­ au coin de la plus grande pénétration, et le résul­ rieuse attention. Garvarentz continue imperturba­ tat est cet objet rare : un grand film qui soit aussi blement à doter les meilleurs navets français de un film sur la France — et France d'uns certaine sa tonitruante musique, aidé par un Dick Hivers époque : 1944. Par là, le film se trouve recouper particulièrement inspiré par le thème du beau et parfois le ton de celui de Dewever : « Les Hon­ redoutable - Vicomte >. Seul s’en tire à peu près neurs de la guerre C'est sans doute qu'ils se Jean Yanne qui, répondant au doux nom de Biette, sont donnés tous deux le même Patron : Repoir. joue de l'électronique comme pas un — J N. M. D.

10 film s Beau GeBte (Beau Geste le Baroudeur). Film en Philippins, abjects Japa, valeureux Américains. Nous scope et couleur de Douglas Heyes, avec. Guy connaissons la musique. Les scènes dialoguées am éricains Stockwell, Doug McClure, Leslie Nielsen, Telly sont sinistres, celles de combat astucieusement fi­ Savalas, David Mauro. — Dans son actuelle poli­ celées et on pourra noter que les troupes régu­ tique des remakes, l'Universel fait donc succéder lières américaines arrivent lorsque tout est termi­ Heyes à Herbert Brenon et William Wellman Acca­ né... Les admirateurs de Jock Mahoney devront blant pour le nouveau réalisateur, ce changement d'autre part constater que leur héros est plus fata­ I’e6t au moins autant en ce qui concerne les ac- liste que jamais. — R C teurB (les Ronald Colman, Ray Milland, Brian Don- Kaléidoscope (Le Gentleman de Londres). Film en levy, Gary Cooper des précédentes versions ne couleur de Jack Smight, avec Warren Beatty, Su- trouvant évidemment pas de remplaçants). L'homo­ sannah York, Clive flevill, Eric Porter, Murray Mel- sexualité du scénario est particulièrement dévelop­ vin. — « Harper • (■ Moving target » — « Détective pée dans cette mouture et mises à part deux ou privé ■), c'était d'abord un rythme. L’image, le jeu trois belles Idées (le fort et sa garnison de cada­ de l'acteur, l'événement, semblaient soumi9 à un vres, etc ), l'ensemble est bien ennuyeux, aggravé temps précieusement économisé, organisé avec la par un tirage de copie inqualifiabls. — R.C. rigueur d'une mécanique de précision. D'où la Grand Prix (Grand Priât). Film en scope et couleur complicité de notre regard entraîné malgré lui. de John Frankenheimer, avec James Garner, Eva D'où le sentiment de plaisir et de satisfaction que Marie Saint, Yves Montand, Françoise Hardy, provoquait le déroulement inéluctable de chaque Toshiro Mifune, Kyoko Kosaka, Kumlko Muraoka. scène, de chaque surprise, de chaque transition. Voir Petit Journal n° 187, p. 11 (Frankenheimer). — A certains moments, • Kaléidoscope • rappelle le ■ The Manchurian Candidate » et • Seven Days in précèdent (poursuite finale, partie de poker, etc.). May ■ marquèrent, l'espace d’un instant, l'œuvre Mais ces morceaux de bravoure ne sont malheu­ de Frankenheimer de quelques velléités polémiques reusement plus que des instants morcelés par de et politiques, bien souvent amalgamées, il est vrai, lourds moments où le dialogue et l'ornement, la à un sens du spsctacle raccoleur et efficace assez fioriture et la « psychologie ■ encombrent une ac­ déplaisant. « Grand Prix *, au contraire, jette cartes tion qui se devait au contraire d’être dépouillée et sur table, aliment sans prétention à la hauteur de rapide. Oubliant le parti pris formel de « Harper • Bon ambition. Humilité qui n'empèche pas les mo­ (qui consistait paradoxalement à ne pas tenir ments dramatiques du film d'ètre Insupportables, compte de la forme, mais seulement de l’acteur en puisqu'il ne ' s'agit que d’une suite de champs- mouvement, celle-là naissant de celui-ci), Smight contre-champs figés sur des coureurs en larmes et fait de ta belle image (plongée savante 6ur une des rédactrices de mode à problèmes. Et l'aspect table de jeu, travelling sur deux verres, etc ), ce esthétique de la course (cf. Hawks) d'être inexis­ qui rompt le tempo initial du film, et désamorce tant, chacune de ces énormes images lancées à l'intensité de ses effets. Participant de cette chute toute allure sur les. divers circuits proposés étant de tension, Warren Beatty et son personnage sem­ d'une laideur, d'une_.fausseté peu communes. Que blent constamment freinés, le jeu du premier n’étant reste-t-il à l'arrivée ? Un très beau plan, intermi­ jamais cautionné par la définition (imprécise) du nable travelling lancé à deux cent cinquante a second ; et sont en tout cas inférieurs au Newman l'heure sur le circuit de Monaco, qui parvient par détective privé, dont tous les tics et revirements sa seule continuité â exprimer tout à la fois la fas­ gratuits étaient (pour une fois) justifiés, puisqu'ils cination et la peur, la haine de cette vitesse infer­ entraînaient l'image dans sa course folle. — S.R. nale, par ailleurs tronquée parce que sublimée par Not with my wife, you don’t (Deux Minets pour un metteur en scène formule - Z *. — S.fl. Juliette). Film en scope et couleur de Norman Intramuros / The Walls of Hall (Les Murailles de Panama, avec Tony Curtrs, Virna Liai, George C. l’Enfer). F ilm de Gerardo de Léon et Eddio Romero, Scott, Carroll O'Connor, Eddie Ryder. — Genre avec Jock Mahoney, Fernando Poe jr., Mike Par- bien périlleux que le vaudeville militaire, dont sons, Oscar' Roncal, Cecilia Lopez. — Héroïques Hawks ou Edwards dans leurs meilleurs Jours tirè­

73 rent le meilleur parti. Partant perdant, Panama ar­ est que plus désolant. Il y a là une platitude et rive donc bon dernier. Cary Grant n'étant pas là. un conformisme que n'éclairen^ que bien faiblement Janet Leigh non plus, on se demande bien ce qui le visage bergmanlen (pas Ingmar, Ingrid) de Can­ pourrait pousser un spectateur è un tel rendez- dice Bergen. — J.B. ______vous. — P.B. Seconds (Opération Diabolique). Film de John The Orgy of the golden nudes (Orgies). Film en Frankenheimer, avec Rock Hudson, Salome Jen9, couleur de Irwin Meyer avec Ingrid Albert, Mary John Randolph, Wil Geer, Jeff Corey. Voir compte Robbins, Robert Pansons, Abbey Heller. — A la rendu de Cannes 66 (Fieschi) dans notre n° 179, recherche de la quadrature du cercle, un sculpteur p. 43 et Petit Journal n° 187, p. 11 (Frankenhei­ la trouve dans la circularité de la folie (en immo­ mer). — « The Manchurian Candidate • trouva la lant ses modèles). On comprend qu'il s'agit d une vérification que l'on sait et * Seven Days m May • parabole policière sur le thème du - Portrait reste lépée de Damoclès de la politique U.S. Ovale -. Tout est affreux, surtout les statues (en Cette fois, c'est aux sources du fantastique (le 01 massif). Par deux fois, interlude type TV en dédoublement de la personnalité) que Frankenhei­ moins esthète, sans aucun rapport avec le sujet : mer va chercher son inspiration. Suivant son script trois dames long-dèvétues conversent, horriblement avec un retard constant, il déséquilibre le film. guindées, au bord d'une piscine. D'où le titre. J.N. Le fait aussi que la Paramount ait jugé bon de The Pad ... and how to use it (Les Filles... et com­ l'amputer de près de treize minutes dans sa copie ment s'en servir). Film en couleur de Brian G. Hut- v.o, obscurcit l'histoire et laisse dans l'ombre plus ton, avec Brian Bedford. Julie Sommars, James d'un point important. Ainsi, des séquences particu­ Farentino, Edy Williams, Nick Navarro. — Version lièrement indispensables (la visite de Hudson à sa pessimiste et partant plus réaliste, de « The Knack •: fille et à son gendre) ont étrangement disparu. comment ne jamais l'avoir. Sur la dialectique du Malgré (ou à cause de 7) cette mutilation, nouvel ■ looser - et du • winner ■ chère à Delahaye, Dino exemple de la mauvaise foi des distributeurs, « Se­ Risi dans • Il sorpasso >, allait bien plus loin. La conds ■ reste assez insolite. — P. B. mise en scène de Hutlon, très molle, parvient à The Ugly Dachshund (Quatre Bassets pour un rendre antipathiques (peut-être est-ce volontaire, Danois). Film en couleur de Norman Tokar, avec auquel cas elle ne serait pas si molle que ça), les Dean Jones, Suzanne Pleshette, Charlie Ruggles. trois personnages, mais la fille reste assez curieuse Kelly Thordsen, Parley Baer. — Si les productions (rappelant un peu Judy Holliday). Bande-son cor­ Disney se suivent régulièrement sur les écrans recte, incitant à voir le film en entier (Mozart, parisiens, marquons celle-ci d'une pierre noire car Wagner...). — J.N, il s'agit d'une des plus faibles. Le charme inhérent The Sand Pebbles (La Cannonière dii Vang-Tsé). aux précédentes est ici absent et Tokar y porte Film en scope et couleur de Robert Wise, avec bien son nom. Avouons-le, les bassets comme le Steve Mac Queen, Richard Crenna, Richard Atten- danois sont odieux et seule Suzanne mérite notre borough, Candice Bergen, Marayat Andriana. — indulgence. « Winnie l’Ourson », complément de Entre deux nxes. les membres de l'équipage de programme est un pastiche, totalement raté de son cette * Cannonière * se posent des problèmes qui modèle, le très beau « Winnie the Poo -, l'un voudraient sans doute avoir des résonances très des chefs-d'œuvre de la littérature enfantine anglo- contemporaines. L'ennui que l'on y éprouve n'en saxonne. — P. B. 4 film s I Quatro Inesorabili (Quatre Hommes â abattre). à sa perfection et ici parfois retrouvé, on peut voir Film en scope et couleur de Primo Zeglio, avec ce film étrange et anachronique. — P B italiens Adam West, Robert Hundar, Red Ross, Roberto Z 55, Missao desisporata (Agent Z 55 Mission Dé­ Camardiel, John Bartha. — Les bandits italiens sespérée). Film en 9C0pe et couleur de Robert étant las d'être hors la loi, ils y rentrent et pour­ White (Roberto Bianchi Montero), avec German chassent les shérifs, avec les honneurs et les Cobos, Yoko Tani, Gianni Rizzo, Susan Baker. — primes. Renversement qui ne change rien à l'essen­ S'avère digne de Babel au stade même du label : tiel : bien et mal s'annulent de la même façon, franco-ilalo-espagnol, c'est juste pas assez pour dans le pire — R C. lui. Donc, il racontera les . aventures, en Chine, L'Uomo che Ride {L'Homme qui rit / L'Imposture d'un savant américain mâtiné de suédois, que cher­ des Borgia). Film en couleur de Sergio Corbucci, che une agent secret au sigle prudemment arabe. avec Jean Sorel, Lisa Gastoni, llaria Occhrm, Ed- Le spectateur honnête, y perd vite son latin, et mund Purdom. — Entre deux westerns, Corbucci file en suisse. — R. C. remet à l'honneur une des vieilles spécialités du cinéma transalpin le mélodrame historique. Le Zorro il Ribelle (Zorro le Rebelle). Film en scope roman d'Hugo est quelque peu modifié et le nom­ et couleur de Piero Pierotti, avec Howard Ross, bre de scénaristes crédités explique sans doute Diana De Santis, Charles Borromel, Arturo Domi- que l'on trouve côte à côte • Lucrèce Borgia ■, nici. Un père tyrannique veut contraindre une jeune * Angelo ■ et ■ Le Roi s'amuse », sans parler de jouvencelle à épouser son sadique de fils : mais * Notre-Dame de Paris ». La réalisation terne, dans c’est encore ce profiteur de Zorro qui tirera les l'ensemble, est sauvée par quelques - moments ». marrons du feu. Ici, se justifie la célèbre phrase Pour une belle scène de séduction, pour une assez de Paul Souday : • Le cinéma, c'est de la sous- juste • compréhension » du mythe du ■ monstre « crotte de bique ■ (in • Intelligence du cinéma ■ de et enfin pour un retour à tout un style jadis porté Marcel L'Herbier). — J.-P. B. 2 film s Chasse â l'Homme à Ceylan. Film en scope et cou­ à l'oubli ». — P.B. leur de Rudolph Zehetgruber, avec Tony Kendall. allem ands Brad Harris, Ann Smyrner, Philippe Lemaire. — Die Ohnen ohne Story (Minikini Story). Film en Nouvelle aventure du Commissaire X, ex-adversaire scope et couleur de Wolfgang Seinig, avec Bambi des chiens verts. Une fois encore Zehetgruber Miller, Dolly Doreac, John Wala. — Repose dans sa délaisse les gadgets à la mode, ses personnages bouleversante nudité le problème cher à nos lin­ utilisant comme arme le bon vieux karaté. Mais guistes : naturisme ou culturisme? Smon, tout à fait cette rigueur de script allant de pair avec une réa­ anodin. Seinig, pour avoir substitué mono puis mini lisation anecdotique et complaisante, • donnons-le au bikini, n'encourt pas la taule. — R. C. 1 f i l m The Brides of Fu Manchu (Les Treize Fiancées de c’est une nouvelle fois le héros de Sax Rohmer Fu Manchu). Film en couleur de Don Sharp, avec qui est mis en charpie par le même tâcheron, c'est anglais Christopher Lee, Marie Versini. Roger Hanin, Dou­ dire que l’ennui que provoque l'entreprise se dou­ glas Wilmer, Heinz Drache. — Après Raspoutine, ble d'une profonde tristesse. A éviter. — R.C. 1 film espagnol Mourir â l’Aubo. Film de Xavier Seto, avec Sylvia à faire mourir Salazar, c est assez tôt. La prochaine Morgan, A. Salazar. — Ce Xavier commence déjà fois, ce sera peut-être Franco. Espérons. — J.-P. B. Ces notes ont été rédigées par Jean-Pierre Biesse, Jacques Bontemps, Patrick Brion, Jean-Louis Comolli, Ralph Crandall, Michel Delahaye, Jean Narboni et Sébastien Roulet.

Edité par Ici Édition* de (‘Etoile - S A.R.L. au capital da 16 000 F - R C. Seine 57 B 19 373 - Dépôt à la date de parution - Commission paritaire n" 22 35* Imprimé par P.P.I., 26. rue Clavel, Paris-19* - Le directeur de la publication : Frank Tenot. UNE RELIURE GRATUITE (VALEUR 10 F) POUR TOUT ABONNEMENT AUX CAHIERS DU CINEMA. En vous abonnant ou en vous réabonnant, vous bénéficiez d'abord d'une importante remise : douze numéros reviennent à 66 F pour l'abonné (58 F pour les étudiants et les ciné-clubs) au lieu de 76 F. Ensuite, vous ne payez pas de supplément pour les numéros spéciaux (en 1966: le numéro spécial de Noël, en 1967 : le disque Renoir et...). Enfin, nous vous offrons une reliure spécialement conçue pour les Cahiers (voir photo), contenant douze numéros, reliés par un système souple et pratique, dos titré à l'or. C ette reliure (d'une valeur de 10 F) vous sera offerte si vous vous abonnez ou vous réabonnez avant le 1" mai prochain. Et, ne l'oubliez pas, nos abonnés sont les meilleurs de nos alliés.

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