Florence Loewy
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FLORENCE LOEWY 9 RUE DE THORIGNY FR-75003 PARIS T : +33 (0)1 4478 9845 F : +33 (0)1 4478 9846 www.florenceloewy.com [email protected] du mardi au samedi de 14h à 19h Faire des fleurs Rémy Brière, Morgan Courtois, Ann Craven, Daniel Gordon, Inga Kerber, Christophe Lemaitre, Aurélien Mole, Jean-Luc Moulène, Kate Owens, Batia Suter Vernissage le 15 novembre 2014, 17h – 21h Exposition ouverte du 15 novembre au 20 décembre Une proposition de Camille Azaïs Faire des fleurs Par Camille Azaïs Mondrian peignait des fleurs. On connaît de lui autour de 150 tableaux et dessins représentant presque invariablement une unique fleur se détachant sur un fond neutre, peinte avec expression et vigueur. Le contraste est grand entre les peintures de fleurs de Mondrian et le développement de son système néo-plastique, qu’il poursuivait en parallèle ; et si elles demeurent méconnues1, c’est à la fois en raison du mépris dans lequel les commentateurs du peintre ont tenu ces œuvres figuratives, mais également à cause des réticences de l’artiste lui-même. Les fleurs étaient un gagne-pain, une pratique mineure. Mondrian « faisait des fleurs » pour gagner sa vie, à une époque où ses toiles abstraites rencontraient l’incompréhension. Et pourtant, Mondrian aimait à peindre les fleurs, et malgré ses efforts pour antidater certaines de celles-ci afin de faire croire à des œuvres de jeunesse, cette production l’accompagna tout au long de sa carrière. Le critique Michel Seuphor, biographe de référence de l’artiste, rapporte que Mondrian lui aurait dit un jour de 1925 ou 1926 : « Maintenant, tant pis, je veux bien mourir de faim, mais je ne fais plus de fleur ». Ce rejet participait d’un dégoût plus large pour la nature, de plus en plus marqué à mesure que le peintre prenait la voie de l’abstraction. Seuphor raconte qu’un jour, chez Albert Gleizes, il demanda à changer de place à table afin de ne pas manger face aux arbres du Bois de Boulogne. Comment expliquer une telle aversion chez un artiste dont, pourtant, l’œuvre bouleversa la peinture occidentale à partir d’une extraordinaire série de peintures d’arbres ? Sans doute parce que l’artiste savait que son amour des formes de la nature s’opposait au but extrêmement exigeant, presque fanatique, qu’il s’était fixé à lui-même. Et qu’en prenant seul cette voie difficile, il renonçait d’une certaine manière à une fascination presque coupable. Cette exposition est pensée comme un hommage aux fleurs de Mondrian. Elle réunit les « fleurs » de dix artistes contemporains que l’on pourrait qualifier de conceptuels, parce que leur travail s’inscrit dans une démarche intellectuelle de questionnement de l’image. Sous leurs différentes formes, les œuvres réunies pour cette exposition empruntent à l’histoire de la représentation florale en peinture et dans les arts décoratifs : papiers peints artisanaux de Morris & Sanderson (Kate Owens), Ikebana (Christophe Lemaitre & Aurélien Mole), bronzes décoratifs (Rémy Brière), photographies de plantes (Jean-Luc Moulène, Batia Suter, Inga Kerber), aquarelles (Ann Craven), collage (Daniel Gordon) fleurs séchées (Morgan Courtois). Le motif de la fleur est un prétexte pour aborder les limites du genre ; une recherche qui passe, par exemple, par la répétition inlassable du même sujet chez Ann Craven, ou au contraire par la suppression du motif chez Kate Owens ; par la déconstruction des conventions de la nature morte chez Jean-Luc Moulène ; ou encore par la reconstruction artificielle d’un simulacre de fleur à partir d’images numériques chez Daniel Gordon. L’ensemble s’émancipe de la simple représentation figurative pour laisser penser que peut-être, le genre floral ne survit qu’à travers son propre épuisement ; et que c’est avant tout comme non-sujet que la fleur apparaît encore dans l’art contemporain. Mais ce serait sans doute trop simple. Car l’ensemble témoigne d’une ambiguïté qui n’est pas sans rappeler celle de Mondrian. Par leur jeu d’attraction et de mise à distance, ces œuvres viennent poser la question toujours actuelle du rapport des artistes aux formes de la nature, au décoratif et aux conventions. Elles démontrent que les lignes pourtant connues et re-connues de l’orchidée ou de la fleur des champs sont encore le prétexte à l’invention et à l’expérimentation. Car plutôt qu’un non- sujet, la fleur ne serait-elle pas le sujet de l’art par excellence ? 1 et ce malgré une exposition qui leur était consacrée en 1991 à la Sidney Janis Gallery, « Mondrian Flowers in American Collections ». Rémy Briere Les bronzes éphémères, 2014 fleurs, poudre de bronze oxydée, dimensions variables pièces uniques Rémy Brière produit des sculptures et images qu’il agence dans des mises en scène qui sont autant de situations potentiellement narratives. Si la plupart de ses œuvres jouent du simulacre quant aux critères de valeur et d’usage de telle forme ou matériau, il leur confère peu à peu une dimension chorégraphique voire cinématographique. Tout en respectant la notion de standard comme condition de production a minima, il la pervertit par association d’idées de l’ordre du sensible, par exemple lorsqu’une rangée de feuilles A4 de différentes nuances de jaune administratif sont augmentées de plumes de paon éminemment romantiques (Etats d’âme, 2012). Dans Ligne de conduite (2013), c’est la tige de lierre qui dicte sa forme au tube de cuivre, obligeant la pièce à être recréée à chaque exposition la retenant dans un équilibre précaire entre protocole et ornement. Chaque exposition est l’occasion d’un nouvel agencement où les œuvres font partition et personnage, dans un décor d’artifice tout droit issu d’une maquette, à mi-chemin entre le magasin de décoration et la scène de théâtre expérimental. Ainsi à la dernière Biennale de Bourges, il présentait une scène figée mais où tout indique le mouvement : les plis et drapés, les masses en suspension et les tiges de cuivre « conductrices » du regard (Archives muettes °3, 2012), la lente dégradation des végétaux sous leur gangue métallique (Bronzes éphémères n°2, 2012), les objets posés au sol comme des accessoires au début d’un spectacle. L’esthétique des matériaux ou objets de décoration industriels, ceux qui conditionnent le style des lieux d’attente et de passage, succédanés d’une culture du non-choix et du compromis, deviennent ainsi les acteurs de « tableaux vivants » recélant un potentiel de fiction, voire de mélancolie. Ainsi Rémy Brière déploie dans l’espace un langage qui convoque plusieurs scénarios potentiels et simultanés, comme autant de projections de nos propres espaces mentaux, à la fois iconographiques et émotionnels. Axelle Blanc, 2013 Morgan Courtois Ohmu No Bousou (to Nausicaä), 2014 techniques mixtes 60 x 60 x 160 cm pièce unique (…) La première chose que m’a montré Morgan Courtois, ce sont des dépouilles qu’il allait exposer au Creux de l’enfer. Dans le jargon technique du modelage, préparer en dépouille c’est faciliter la sortie du moule. D’habitude, il s’agit de formes souples, elles gardent l’empreinte du modèle et sont destinées à être détruites. Ici ce sont ces restes de formes qui, dans une étape inventée pour l’occasion, sont remoulées en plâtre et font le show. Les installations de Morgan Courtois ont quelque chose de ce dépouillement en cours, une lassitude d’objets qui ne se gênent pas pour se plaindre, pour céder le secret de leur embarras: une fontaine qui sent la rose, l’empreinte de bouteilles dans leur équivalent en plâtre coloré du jus qu’elles contenaient, une chemise en lévitation sur deux tréteaux figée dans du sucre et du café, ou des colonnes qui vous supplient de les emmener avec vous. (…) Morgan est en train de me parler de ses lectures: De la misère en milieu hippie de Ken Knabb (texte autour duquel il a pensé une exposition avec deux amis), ou a pensé une exposition avec deux amis), ou encore, il me passe le livre, L’aventure des Plantes de Jean-Pierre Cuny et Jean-Marie Pelt, tiré de la série documentaire homonyme qui passait sur TF1. « Ces plantes immobiles et silencieuses, en quoi nous ressemblent-elles ? » peut-on lire sur la quatrième de couverture. « Créer des personnages, pas des héros, mais comme des allégories » poursuit Morgan sur son envie d’aller davantage vers la performance. Texte de Laetitia Paviani Ann Craven Pansy (Guilford, Black Moon Pansy, 2-10-13 #1), 2013 aquarelle sur papier Arches 300 gr. 43 x 28 cm Pansy (Guilford, Black Moon Pansy, 2-10-13 #2), 2013 aquarelle sur papier Arches 300 gr. 43 x 28 cm Pansy (Guilford, Black Moon Pansy, 2-10-13 #3), 2013 aquarelle sur papier Arches 300 gr. 43 x 28 cm pièces uniques Ann Craven est peintre, fondamentalement. Elle peint la lune. Parfois aussi des oiseaux, des fleurs, des biches, ou des bandes de couleur diagonales. Elle peint 400 lunes, non pas comme un éphéméride, mais comme si la lumière pâle de ce visage éternel appelait des êtres chers, lointains ou disparus, dans une rêverie nocturne où le pinceau serait maître de cérémonie. Les œuvres portent silencieusement cette charge affective. Puis l'artiste recopie ces mêmes lunes, pour tordre le cou à la revendication persistante de la peinture qui veut toujours faire son originale. Elle peint des sujets désuets, car elle connaît la puissance symbolique des images qui nous accompagnent, même parmi les plus insignifiantes : les images sans contenu que nos grand-mères gardent sans raisons véritables, les bons-points que l'écolier punaise fièrement dans sa chambre… Ses séries d'oiseaux ou de fleurs déclinent sans fin le rapport essentiel de la peinture entre le fond et la forme, la vibration de couleurs éblouissantes comme autant de signes du temps.