Sud De L'algérie: Turbulences À L'horizon
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Sud de l’Algérie: turbulences à l’horizon Rapport Moyen-Orient et Afrique du Nord N°171 | 21 novembre 2016 Traduit de l’anglais Headquarters International Crisis Group Avenue Louise 149 • 1050 Brussels, Belgium Tel: +32 2 502 90 38 • Fax: +32 2 502 50 38 [email protected] Table des matières Synthèse .................................................................................................................................... i I. Introduction ..................................................................................................................... 1 II. Pourquoi le Sud compte ................................................................................................... 3 A. Le Sahara algérien ..................................................................................................... 3 B. Une région riche en ressources .................................................................................. 4 C. La transformation du Sud .......................................................................................... 6 III. Turbulences dans le Sud : trois études de cas .................................................................. 9 A. Ghardaïa ..................................................................................................................... 10 1. Conflit ethno-sectaire : Mozabites vs Arabes ....................................................... 10 2. Différences intra-communautaires ...................................................................... 11 3. Une réponse confuse ............................................................................................ 13 B. In Salah ...................................................................................................................... 14 1. D’un mouvement populaire pacifique … .............................................................. 14 2. … à la violence et à la politisation......................................................................... 16 C. Ouargla : le mouvement des chômeurs ..................................................................... 18 1. Les individus derrière la millioniya ..................................................................... 18 2. Risques sécuritaires d’une mauvaise gestion de la « question du Sud » ............. 21 IV. Réponses de l’Etat ............................................................................................................ 23 A. Faire face à l’agitation du Sud .................................................................................... 23 B. Le Sud comme indicateur .......................................................................................... 24 V. Conclusion ........................................................................................................................ 26 ANNEXES A. Carte de l’Algérie .............................................................................................................. 28 B. Carte des champs de pétrole et de gaz en Algérie ............................................................ 29 C. Glossaire terminologique ................................................................................................. 30 D. A propos de International Crisis Group ........................................................................... 31 E. Rapports et briefings de Crisis Group sur l’Afrique depuis 2013 .................................... 32 F. Conseil d’administration de Crisis Group ........................................................................ 34 International Crisis Group Rapport Moyen-Orient et Afrique du Nord N°171 21 novembre 2016 Synthèse Depuis 2013, les zones riches en pétrole du Sud de l’Algérie, marginales politique- ment mais cruciales économiquement, ont connu des vagues successives de contes- tation qui peuvent sembler avoir été occasionnées par des problèmes économiques, environnementaux et communautaires locaux. Dans l’ensemble, cependant, une tendance se dégage : le ressentiment s’accroit à l’égard des autorités centrales dans une partie du pays longtemps restée secondaire politiquement. Face à ce méconten- tement croissant, les pouvoirs publics ont jusqu’à présent eu recours à la politique du bâton et de la carotte, qui a permis de sauvegarder une paix précaire mais n’a pas abordé les questions sous-jacentes. A l’approche d’une succession présidentielle in- certaine et compte tenu des conséquences douloureuses des faibles prix du pétrole, l’Algérie ne peut pas s’en tenir au traitement des symptômes ; elle devrait remédier aux insuffisances de la gouvernance et associer ses populations marginalisées à la prise de décision. Elle devrait le faire dès maintenant, tant que les difficultés sont encore amplement maitrisables, plutôt que de les laisser s’envenimer et influer dan- gereusement sur la transition politique à venir. Trois mouvements distincts dans trois villes du Sud ont évolué ces dernières an- nées jusqu’à mobiliser des milliers d’Algériens, aussi bien dans la zone désertique qu’ailleurs dans le pays. Dans la ville historique de Ghardaïa, des affrontements récurrents ont eu lieu entre les Arabes sunnites et une minorité berbère adepte de l’ibadisme, une école islamique de jurisprudence, constituant l’un des rares cas de violence sectaire dans un pays majoritairement sunnite. C’est dans la ville de In Salah, dans l’extrême Sud, qu’est né le mouvement de protestation écologique le plus important du Maghreb, des milliers de personnes se mobilisant contre l’exploration du gaz de schiste que le gouvernement avait dissimulée. A Ouargla, le chômage gé- néralisé a suscité des émeutes parmi les jeunes, qui ont créé un mouvement exigeant qu’il soit mis fin à ce qu’ils estiment être un abandon des autorités centrales. Ces questions, longtemps délaissées, doivent être prises au sérieux, non seulement dans l’intérêt de cette vaste région, mais aussi en raison de leur impact grandissant et bien réel sur le « cœur » politique du pays dans le Nord. Les autorités centrales d’Alger, qui ont tendance à regarder le mécontentement local avec méfiance, sous- estiment son ampleur. Elles continuent de raisonner en fonction de subventions, de répression et de maintien de l’ordre, des outils qui ont à peine pu empêcher qu’un cli- mat parfois violent ne dégénère. Le fait que la majeure partie du Sud reste calme et que l’Etat ait réussi à rétablir l’ordre dans les zones en proie aux turbulences indique que le malaise est encore maitrisable. Entraver l’éventualité d’une réapparition et d’une propagation de la contestation est une occasion autant qu’une nécessité : un engagement politique en profondeur porterait ses fruits à travers le pays. Confrontée aux défis économiques les plus importants des dernières décennies en raison du recul de la production pétrolière et de la baisse des prix internationaux, l’Algérie est de moins en moins en mesure de substituer la dépense publique à une politique inclusive et à la bonne gouvernance. Une stratégie qui a contribué à la paix dans les années 2000 – alors que le pays se remettait d’un conflit entre l’Etat et les insurgés islamistes qui avait fait plus de 200 000 morts et qu’il recherchait la récon- Sud de l’Algérie : turbulences à l’horizon Rapport Moyen-Orient et Afrique du Nord de Crisis Group N°171, 21 novembre 2016 Page ii ciliation nationale – n’est plus viable. L’instabilité de ces dernières années démontre que les citoyens du Sud ne sont plus disposés à taire leurs revendications d’un ren- forcement, par leur gouvernement, de la transparence, de la communication et du respect. L’Etat algérien, né d’une longue lutte contre le colonialisme et partisan d’une doctrine stricte de la souveraineté, rejettera à coup sûr tout ce qu’il percevra comme de l’ingérence, ainsi qu’il interprète souvent les conseils extérieurs. Mais il devrait écouter ses citoyens : une grande partie de l’indignation des manifestants découle du sentiment qu’ils ne sont ni entendus ni impliqués. Le gouvernement devrait tenir compte de plusieurs exigences fondées dont la satisfaction contribuerait à renforcer la confiance. Celles-ci comprennent : lancer une enquête parlementaire ou une autre forme d’investigation indépen- dante sous la direction de personnalités acceptées par les habitants de la région, pour examiner les relations intercommunautaires à Ghardaïa. Une telle entité pourrait rechercher les causes des violences passées, concevoir des mesures pour améliorer les relations communautaires, évaluer quelles réparations pourraient être faites et formuler des recommandations pour parfaire les stratégies de main- tien de l’ordre et la gouvernance locale ; élaborer des procédures plus transparentes d’embauche dans le secteur public et améliorer les garanties d’équité lors de ces nominations. Promouvoir l’investis- sement privé responsable et la diversification de l’économie, actuellement très dépendante des industries extractives, dans les provinces sahariennes, permet- trait également de diminuer la pression sur l’Etat pour créer des emplois, qui pèse sur ses finances ; et adopter une politique plus transparente en matière d’exploration et de production de gaz de schiste, en commençant par indiquer clairement où elle a lieu et en en- courageant la recherche sur ses effets potentiellement négatifs au niveau local et sur la façon de les atténuer. Cela pourrait revêtir la forme d’un dialogue avec les populations locales et d’une incitation du monde universitaire, des groupes de la société civile et des partenaires du secteur privé à