II. CONFRONTATION DE L’ÉTAT CIVIL AVEC UN RECENSEMENT: UN EXEMPLE DANS LA PRÉFECTURE D’

Bruno Disaine ANDRIAMBOAHANGY Ingénieur à I’lnstitrtt National de la Statistique et de la Recherche Economique (Tarianarive)

But de l’étude dans la province de Tananarive peut s’expliquer par diverses raisons, en particulier : L’étude précédente examinait dans son ensemble - L’enregistrement des faits d’état civil est installé l’état civil de , tant dans sa complétude dans 1’Imerina depuis très longtemps. En effet par (pourcentage des événements enregistrés), que dans un arrêté de la reine Ranavalona II, paru le 14 juillet son étendue (champ des phénomènes observable par 1878, les déclarations à l’état civil sont obligatoires. l’état civil). - Le taux de déclaration des faits démographiques Le présent travail est au contraire une étude de aux bureaux d’état civil dépend en partir du niveau cas. S’appuyant sur le recensementdes trois communes d’instruction de la population. De ce point de vue la de , , de la préfecture Province de Tananarive est avantagée car près des d’Antsirabe, Province de Tananarive (voir carte de 80 % des hommes sont alphabétisés. situation en tête de l’article précédent), il est procédé à une confrontation, au niveau des effectifs, de l’état civil 1970 de ces communes avec les résultats du recensement réalisé au tout début de 1971. Domaine d’étude Dans le cadre de la préparation du Recensement Général de la population, I¶INSRE a effectué depuis La question de la complétude de l’état civil dans la 1967 un certain nombre d’enquêtes-pilotes. Au début province de Tananarive de l’année 1971, I’INSRE a procédé au recensement de quelques régions situées sur les hauts plateaux. Comme le taux de mortalité infantile calculé à Il s’agit des communes de Belazao, d’Ambano et partir des statistiques d’état civil est proche de celui de Faratsiho. Administrativement, ces communes obtenu lors de l’enquête démographique par sondage appartiennent à la Province de Tananarive et toutes de 1966, on admet que l’enregistrement des naissances les trois sont situées dans la préfecture d’Antsirabe. et décès dans la Province de Tananarive est complet. L’enquête par sondage de 1966 a fourni un taux de mortalité infantile de 66,0 “/,,,, pour la Province Méthode d’analyse de Tananarive. L’état civil situe ce taux à 65,9 “loO au cours de la même année. Le recensement a fourni des données statistiques Cette qualité de l’enregistrement de l’état civil détaillées sur la population, permettant de calculer

Cah. ORSTOM, &Y. Sci. Hum, vol. X, no 4 - 1973 : 361-370. 362 B.-D. ANDRIAMBOAHANGY diverses catégories de taux par âge en utilisant les Du point de vue démographique, l’ensemble des chiffres d’état civil. trois communes compte 55 568 habitants, se répartis- sant ainsi dans chaque commune. La méthode d’analyse adoptée se fonde essentielle- ment sur la théorie des populations stables (ONU, 1966 et 1969). Bien entendu, l’utilisation d’une telle TABLEAU 1. - Population au 1” janvier 1971 et superficie par méthode présente quelques risques car il est rare, commune sinon impossible qu’une population réelle puisse présenter rigoureusement les caractéristiques d’une Communes Population Superficie Densité population stable. Cependant l’approximation est en km2 en hab./kme valable pour notre propos. Belazao ...... 17 250 122 1416 Ambano ...... 20 547 143 143,6 Faratsiho . . . . . 17 741 270 65,7 CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES DES COM- Ensemble ...... 55 568 535 103,8 MUNES DE BELAZAO, D¶AMBANO ET DE FARATSIHO Nous sommes dans les régions les plus densément Les trois communes sont situées dans la région peuplées de Madagascar. Rappelons que la densité montagneuse et volcanique de 1’Ankaratra à plus d’ensemble de la grande île est d’environ 12 habitants de 1 600 m d’altitude. Elles sont soumises à un climat au km2. chaud et pluvieux d’octobre à avril et sec et froid Du point de vue ethnique la population est très de mai à septembre. L’altitude donne à ces régions homogène à forte prédominance merina. Dans la un climat tempéré. commune de Belazao les Merina représentent 99,l % C’est une zone agricole très riche. Les principales de la population totale, cette proportion est de 99 % cultures sont le riz, le maïs, la pomme de terre et une dans la commune d’Ambano et 99,6 % à Faratsiho. grande variété de fruits de climats différents. La En ce qui concerne la structure par âge on a affaire population est essentiellement rurale, seule la commu- à une population particulièrement jeune. Le tableau ne de Faratsiho dispose d’une agglomération de plus 2 ci-dessous donne la répartition de la population de 2 500 habitants. par grands groupes d’âges.

TABLEAU II. - Répartition de la population par groupe d’âge et par sexe dans chaque commune

Belazao Ambano Faratsiho Groupes d’âges SM 1 SF ( Ensemh; SM ( SF 1 Ensemble SM 1 SF 1 Ensemble

0-14ans ...... 48,5 49,2 51,2 51,2 51,2 51.2 . 51,6 52,3 51,9 15-59ans ...... 45,0 45,2 43,2 44,l 43,7 45,0 43,6 42,7 43,l 60 ans et + ...... 6,5 5,6 56 497 %1 6,5 5s 520 530 Ensemble ...... 100 100 100 100 100 100 100 100 100

Le secteur agricole occupe presque la totalité des LES PYRAMIDES DES AGES DU RECENSE- actifs. Dans l’ensemble 95 id des travailleurs sont MENT (fig. 1). dans l’agriculture : - 94 y;; dans la commune de Belazao ; Les pyramides des âges fournies par le recensement sont d’un grand intérêt pour notre propos car elles - 97 y! dans la commune d’Ambano ; sont une preuve qui peut être apportée de la valeur - 95 % dans la commune de Faratsiho. de l’état civil. Voici au tableau 3 les répartitions

Cd. ORSTOM, sér. Sci. HI~., vol. X, no 4 - 1973 : 361-370. CONFRONTATION DE L’ETAT CIVIL AVEC UN RECENSEMENT 363 proportionnelles par sexes et âge des populations tuées en Afrique donnaient toutes des pyramides recensées. assez perturbées, présentant en particulier des creux anormaux pour chacun des deux sexes entre 10 et TABLEAU III. - Répartition proportionnelle par sexes et groupes 20 ans. Ce n”est pas le cas pour les pyramides des d’âges de la population dans les communes recensées communes recensées. II faut signaler qu’un effort particulier a été fait pour la détermination des âges Commune de Commune Commune de dans les différentes enquêtes démographiques effec- Faratsiho d’Ambano Belazao Age tuées par I’INSRE. En particulier les enquêteurs devaient se référer aux pièces d’état civil des enquêtés SM SF SM SF SM SF -P---P lorsque ces derniers ne donnaient pas un âge exact. O-4 ans . . . . 102 103 112 10s 8: 102 On peut alors conclure que l’allure régulière des 5-9 - . . . . 86 81 86 79 80 pyramides des âges est l’indice que l’état civil fonc- 10-14 - . . . . 74 74 64 :; 65 64 tionne correctement dans les trois communes depuis 15-19- . . . . 63 51 53 53 deux a trois décennies. 25-2920-24 - . . . . 2134 2034 2631 :: 2538 2;1. 30-34 - t . . 22 24 25 26 22 27 35-39 - . . . . 21 21 21 18 19 22 40-44 - . . . . 19 20 19 18 20 20 45-49 - . . . . 16 14 16 16 19 15 ANALYSE DE LA MORTALTTÉ ET DE LA 50-54 - . . . . 13 14 13 14 16 17 55-59- . . . . 12 ; 12 12 12 13 FÉCONDITÉ PAR CONFRONTATION DES STATISTIQUES D’ÉTAT CIVIL DE 1970 60-6465 ans - et +.. . . . 188 15 1019 167 2211 :t AVEC CELLES DU RECENSEMENT AU Total ...... 509 491 511 459 499 501 1-1-1971. Ensemble . . . . 1000 1 000 1 000 - Afin d’éviter les aléas des nombres trop faibles, il est préférable d’étudier l’état civil dans l’ensemble Les graphiques montrent des pyramides relative- des trois communes et non pas dans chacune d’entre ment régulières. Les enquêtes démographiques effec- elles. Ceci peut se justifier par le fait que quoique

TABLEAU IV. - Taux de mortalité par sexe et par âge

Sexe masculin Sexe féminin Ensemble Age (ans) , Décès 1 Population 1 gz Décès 1 Population 1 $z Dé&s 1 Population 1 $5

Oan ...... 977 59,4 121 2047 59,l l- 4 ...... / 50 / gis / 1sp 17; j 4 773 10,2 109 9 440 11,5 5- 9 ...... 10 4 381 18 1 8 968 10-14 ...... 4 3 707 3 3 651 2: 7 358 29 15-19...... 5 3 040 8 2 843 2:s 1: 5 883 212 20-24 ...... 2000 1 930 7 3 930 178 25-29...... ; 1 333 :2 5 1 278 ci 7 2 611 2,7 30-34 ...... 1 253 116 1408 114 4 2 661 1,5 35-39...... 4 1 120 326 9 1 095 s;2 13 2215 579 40-44 ...... 3 1040 23 11 1 069 10,3 14 2 109 696 45-49...... 3 933 3,2 \ 5 835 6.0 8 1168 435 50-54 ...... 7 747 974 808 1 555 55-59...... 5 667 11 626 1% :6 1 293 lZ4 60-64 ...... 507 2% 469 1912 23 976 23:6 65et + ...... fi: 1 067 6119 6: 913 65,7 126 1 980 63,6 ~~ _- TOTAL ...... 251 27 738 9,05 248 27 056 ) 9,17 499 ] 54 794 9,11 .- - .. .^ _ _ Note : La poputatton de 0 an est la meme.

Cak. ORSTOM, se?. Sci. Hum.. vol. X, no 4 - 1973 : 361-370. 364 B.-D. ANDRIAMBOAHANGY ~~ ces trois communes ne soient pas voisines, elles se sont probablement dues à de mauvaises déclarations trouvent dans une même aire géographique et elles des âges dans les bureaux d’état civil. présentent des caractéristiques démographiques iden- tiques. Pour construire les tables de mortalité, il nous faut recourir à une formule de transformation des taux en quotients. Les quotients de mortalité peuvent être calculés à partir des taux de mortalité en utilisant Mortalité (fig. 2). la formule approchée suivante :

Au cours de l’année 1970 les bureaux d’état civil des communes étudiées, ont enregistré : 499 décès dont 251 de sexe masculin et 248 de sexe féminin. où nous avons : Au milieu de la même année la population totale des trois communes est estimée à : 54 020 habitants. x = âge Soit un taux brut de mortalité de : tX = taux de mortalité à l’âge x m = 499154794 = 9,11 “jo0 a = amphtude du groupe d’âge considéré (en général 5 ans). Par sexe on a les taux suivants : L’espérance de vie à la naissance s’établit à 57,lO ans, une différence de presque une année existe entre Sexe masculin : m = 251127738 = 9,05 “Jo0 les hommes (57,79 ans) et les femmes (56,34 ans) en Sexe féminin : m = 248127056 = 9,17 “lo0 défaveur de celles-ci. L’enquête de 1966 donnait un taux de mortalité : pour Madagascar : 25 “loO +3 “loO ; et pour la pro- vince de Tananarive : 16 %,, &3 O/OO. Natalité (fig. 3). La représentation graphique des taux de mortalité par âge ne s’écarte pas de l’allure générale des courbes L’ensemble des naissances vivantes enregistrées de mortalité. Dans le cas présent les courbes accusent au cours de l’année 1970 par les bureaux d’état civil cependant beaucoup d’irrégularités. Ces irrégularités est de 2 047.

TABLEAU V. - Les tables de mortalité

Sexe masculin Sexe féminin Ensemble Age ~..- (années) 18 Survivants Quotients (“IO.) Survivants Quotients (“lno) Survivants Quotients (“/,,)

0 1000 58,9 1000 59,4 1 000 59,l 1 941 49,5 941 39,6 941 446 10 894SS5 10,5 904S96 990 899890 999 575 15 850 870 892 1;: SS6 1;; 20 873 775 880 2x 876 25 866 775 871 868 192:FJ 3: 559852 17: 855849 710 851857 39,6 2% 40 837 1319 815 50,2 827 3215 45 825 15,9 774 29,6 800 22,7 50 812 45,4 751 35,4 782 40,7 5: 775746 36,s 724664 82,5 750705 60,l 126,O 89,8 108,3 65 652 452,0 604 492,0 639 477,9 85 3210 1 000,o 3070 1 000,o 3280 1 000,o

Cah. ORSTOM, sbr. Sci. Hum., vol. X, no 4 - 1973 : 361-370. CONFRONTATION DE L’ÉTAT CIVIL AVEC UN RECENSEMENT 365

Le taux de natalité s’établit donc à : une femme durant toute sa période féconde (en général de 15 à 50 ans) en absencede la mortalité. Ce nombre n = 2 047154794 = 37,36 “loO. moyen d’enfants est de 6,6 pour l’ensemble des trois communes. L’enquête par sondage de 1966 donne Le rapport de masculinité à la naissance (nombre un nombre moyen d’enfants de 6,63 pour Madagascar. de naissances masculines pour 100 naissances fémi- L’ensemble de ces analyses montre que les statis- nines) est de 109,5. Ce rapport est un bon indice pour tiques d’état civil dans les communes de Belazao, apprécier la complétude des enregistrements de l’état d’Ambano et de Faratsiho fournissent des résultats civil, quasi-constant, il se situe aux alentours de cohérents, vraisemblables et qui ne s’écartent pas 105 garçons pour 100 filles. trop de ceux obtenus lors de l’enquête par sondage de 1966. Les deux analyses se corroborent. Un taux de masculinité égal à 109,5 est donc trop élevé. Deux raisons peuvent expliquer ce phénomène : Nous essaierons toutefois de vérifier la cohérence de ces résultats et de voir le crédit que l’on peut - d’une part, on peut penser qu’un certain nombre accorder à ces statistiques en utilisant une autre de naissances féminines n’est pas enregistré à l’état méthode d’analyse. Jusqu’ici en effet l’on s’est conten- civil (enfants décédés en bas âge et mort-nés) ; té de comparer les statistiques d’état civil avec les -. d’autre part, ceci pourrait provenir de l’effectif résultats de l’enquête par sondage de 1966. L’analyse des naissances : l’écart par rapport à la moyenne qui suit met en œuvre la théorie des populations observée ne serait pas significatif. stables. L’enquête de 1966 avait obtenu un taux de natalité de 46 “10,, et un rapport de masculinité de 100 à la naissance. Pour la province de Tananarive le taux de natalité est de 44 “loO I-8 “loO. APPLICATION DE LA THÉORIE DES PO- PULATIONS STABLES ET QUASI STABLES A L’ANALYSE DE LA POPULATION Fécondité (fig. 4). DES TROIS COMMUNES

En rapprochant les naissances vivantes selon l’âge de la mère, de la population féminine selon l’âge Exposé de la méthode on peut calculer des taux de fécondité par âge. La théorie de population stable TABLEAUVI. - Taux de fécondité par âge de la mère Les populations dont les lois de mortalité et de fécondité demeurent constantes finissent par acquérir une structure par âge invariable : cette population finale est dite stable. Une population stable se caractérise donc par la 10-14 ans 11 3 651 3 permanence de sa composition par âge et par la 15-19 - 387 2 843 136 constance de son taux annuel d’accroissement. La 20-24 - 512 1 930 265 composition par âge d’une population stable corres- 25-29 - 368 1 278 288 J. LOTKA : 30-34 - 339 1 408 241 pond à la formule bien connue de Alfred 35-39 - 1 095 237 C(x) = neprx S(x) 40-44 - 133 1 069 124 dans laquelle 45-49 - 25 835 30 50 ans et - C(X) est la proportion de la population d’âge x ; plus 808 - n le taux de natalité de la population stable ; (1) chez des femmes du groupe d’âge considéré. - e la base des logarithmes népériens ; - Y le taux d’accroissement et En additionnant les taux de fécondité par âge, - S(X) la proportion des survivants entre la nais- on obtient le nombre d’enfants qu’aurait en moyenne sance et l’âge x.

Cah. ORSTOM, sGr. Sci. HI~., vol. X, d’ 4 - 1973 : 361-370. 366 B.-D. ANDRIAMBOAHANGY -~. -. -.-.~.

Pour déterminer la proportion à chaque âge d’une respondant à une espérance de vie voisine de 25 ans, population stable, il suffit de trouver la table de mor- les diverses populations du monde s’acheminent plus talité qui reflète la structure constante de la mortalité ou moins rapidement vers un niveau correspondant à et le taux annuel moyen d’accroissement. Le taux de une espérance de vie à la naissance de 75 ans. L’ob- natalité est déterminé par le fait que la somme des servation montre que cette baisse se produit toujours proportions à tous les âges doit être égal à l’unité. à peu près de la même façon. On peut donc construire En effet : une série de tables-types de mortalité représentant les divers états de la mortalité dans l’espèce humaine. A chaque table-type de mortalité correspond une série de populations stables possibles dont le taux d’accroissement dépend du niveau maximal et du d’où : n = 1/ e-rf1S(X) dx niveau minimal de la fécondité compatible avec la s 0 table de mortalité considérée. cc)désignant l’âge limite de la vie. En comparant la composition par âge de la popula- tion stable et la composition correspondante tirée Comme le montre l’équation ci-dessus, la composi- d’un recensement, et avec quelques autres paramètres tion par âge d’une population stable est déterminée tels que le taux d’accroissement, déjà connu, on pourra par la structure de la mortalité et par le taux annuel repérer dans la série de populations stables celle qui d’accroissement. convient le mieux. Le taux de natalité, le taux de mor- talité, l’espérance de vie à la naissance et plusieurs Population quasi stable autres caractéristiques sont ensuite tirés de la popula- L’on sait que seule la variation de la natalité a des tion stable type et attribuées à la population réelle. effets sensibles sur la structure par âge d’une popula- Pour plus de renseignements sur la question, se tion. Donc, une population a une distribution par âge reporter aux manuels édités par les Nations Unies peu variable quand sa mortalité baisse et que sa et cités en bibliographie (,ONU - 1966 et 1969). fécondité reste constante. On a donné à de telles po- pulations le nom de populations quasi stables. De nombreuses populations réelles ont des distri- butions par âge, sinon tout à fait constantes, du moins Application de la méthode dans les communes de peu variables, si bien que le concept de population Belazao, d’Ambano et de Faratsiho stable, qui apparaissait comme une création mathéma- thique devient, par le truchement de la théorie des Conditions d’application de la méthode populations quasi stables un instrument de l’analyse démographique. Pour pouvoir appliquer les techniques précédentes Pratiquement, on peut assimiler une population à la population des trois communes de la préfecture réelle à une population quasi stable chaque fois que d’Antsirabe, il nous faut d’abord s’assurer de la la fécondité n’a subi que des variations de faible stabilité ou de la quasi-stabilité de la structure de la amplitude et de courte durée pendant les cinq ou six population. décennies précédentes et que la mortalité ne s’est En ce qui concerne la fécondité, on peut affirmer modifiée que faiblement et graduellement au cours de sans risque de se tromper que la pratique de limitation la génération précédente. des naissances est inexistante. On peut donc en con- La relative constance de la fécondité est un trait clure que la natalité n’a pratiquement pas changé dans assezcommun sinon universel des populations essen- ces régions depuis plusieurs dizaines d’années. tiellement agricoles et non malthusiennes, sauf si des L’évolution de la mortalité est beaucoup plus diffi- perturbations (guerres, révolutions, grandes épidé- cile à estimer car l’on ne dispose d’aucune série per- mies,...) se sont répercutées sur la fécondité. mettant d’évaluer la baisse de la mortalité. Probable- ment la diminution de la mortalité lente au début, Les tables-types de mortalité s’accélère depuis les années cinquante. Une des caractéristiques fondamentales de l’évolu- Comme la structure par âge d’une population est tion démographique actuelle du monde est la baisse déterminée surtout par les variations de la fécondité, de la mortalité. Parties d’un niveau de mortalité cor- tant que la mortalité baisse lentement, ses variations

Cah. ORSTOM, sd. Sci. Hum., vol. X, no 4 - 1973 : 361-370. CONFRONTATION DE L’ÉTAT CIVIL AVEC UN RECENSEMENT -- 361 ont peu d’effets. Il en résulte que dans les trois com- une série de graves pénuries alimentaires (grande munes, où la fécondité demeure invariable et où la guerre, rebellion de 1947). L’importante’ sous-alimen- mortalité varie en restant dans les limites des tables tation qui en résultait causa de fortes perturbations de mortalité, la population conserve une distribution dans la fécondité ainsi que dans la mortalité, notam- par âge peu variable. Donc la population des trois ment la mortalité infantile. communes possède approximativement les caracté- ristiques d’une population quasi-stable. Ce qui nous TABLEAU VII. - Proportion d’effectifs jusqu’à l’âge x [C(X)] permet de faire une application des méthodes pré- dans la population masculine de trois communes de la préfecture cédemment exposées. d’Antsirabe et dans la population stable ayant un taux d’accroissement de 4 % du niveau 17. Choix d’une population stable-type à partir de la com- ,-s, \ 1~ -1 position par âge de la population des trois communes L~X) aan s la C(x) dans la Age population OU~Y~ popdzhion stable Le choix de la population stable-type revient à x ^- 0, niveau 17, eo= 56,47 repérer parmi plusieurs types de populations celui en % dont le taux d’accroissement annuel correspond à une. 5 20,57 20,76 valeur donnée et dont la composition par âge ressemble 10 37,15 37,26 le plus étroitement possible à celle de la population ~ 15 50,49 50,62 recensée. 20 61.49 61,44 25 6&71 70,15 Le taux de croissance utilisé sera le taux moyen 30 73.53 77.14 d’accroissement entre deux recensements adminis- 3.5 75;11 82;73 tratifs espacésde 5 ans. Comme il n’était pas possible 82,14 87.19 :i 85,92 go;72 d’obtenir un taux d’accroissement intercensitaire pour 50 89,29 93,48 l’ensemble des 3 communes nous admettons que la population des 3 communes s’accroît au même rythme que la population de la préfecture d’Antsirabe. Entre Comparaison des paramètres de deux populations 1966 et 1971, l’effectif de la population de la préfecture d’Antsirabe s’accroît à un taux moyen de l’ordre de Le tableau ci-dessous nous permet de comparer les 4 o/o. Etant donné que la population masculine est différents paramètres dans la population réelle et la mieux scolarisée que la population féminine, nous population stable. prendrons, pour effectuer l’enregistrement, la répar- tition par âge de la population masculine car les dis- TABLEAU VIII. - Valeur des paramétres de la population réelle torsions dûes aux mauvaises déclarations des âgessont de la population stable plus faibles. Après examen des tables de populations stables- Population Population Paramètres réelle stable types de COALE A.J. et DEMENY P., 1966, notre choix se porte sur le niveau 17 de la population masculine correspondant à une espérance de vie à la naissance Taux de natalité . . . . . 35,Ol “I,, 50,8 “1.o Taux de mortalité...... 831 “l,, 1w “1,. de 56;47 ans du groupe « Ouest » car les ogives coïn- Taux brut de reproduction 3,26 3,73 cident parfaitement jusqu’à 35 ans (Tableau no 7 et Espérance de vie à la nais- figure 5). sance eo ...... 57,79 ans 56,47 ans Taux d’accroissement na- Ce choix est justifié par les raisons suivantes : turel ...... 2,9 vo. 4 %. - les jeunes connaissent mieux leur âge que les personnes âgéesde sorte qu’il est préférable d’adopter Les taux bruts, et en particulier le taux brut de nata- la population stable dont la proportion des jeunes lité, accusent un écart important dans les deux popu- s’ajuste avec celle de la population observée. lations. On peut penser qu’un nombre important de - Les générations nées après 1951, c’est-à-dire les naissances ne sont pas déclarées aux bureaux d’état personnes âgéesde moins de 20 ans en 1971sont venues civil des trois communes. Cette hypothèse se trouve au monde au moment où la fécondité est redevenue renforcée car nous avons vu que le taux de masculinité normale. En effet, depuis le début ,de la secondeguerre à la naissance est anormalement élevé. Ce qui permet mondiale jusque vers 1950, Madagascar a connu d’affirmer en première analyse qu’un certain nombre

Cah. ORSTOM, sér. Sci. Hum., vol. X.. no 4 - 1973 : 361-370. 368 B.-D. ANDRIAMBOAHANGY .~ - de naissanceset en particulier des naissancesféminines de la table de mortalité-type dont est issue la popula- ne sont pas enregistrées à l’état civil. tion stable. Remarquons par ailleurs que la situation géogra- Le taux de mortalité infantile (décès d’enfants de phique de ces trois communes joue un rôle très im- moins d’un an) et le taux de mortalité juvénile (décès portant dans le système d’enregistrement des nais- d’enfants âgés de 1 à 4 ans révolus) présentent une sances et décès dans les bureaux d’état civil. anomalie assez frappante. La mortalité infantile Les communes d’Ambano et de Belazao qui se semble être sous-estiméetandis que la mortalité juvé- trouvent à proximité de la ville d”Antsirabe ne sont nile est sur-estimée. On pourrait penser que ceci est pas dotées de maternité. Les femmes enceintes doivent dû à des erreurs dans la déclaration des âges, à moins donc se rendre à Antsirabe pour accoucher et les que ce soit la table type qui ne décrive pas exactement naissances sont enregistrées dans les bureaux d’état la réalité. civil de la ville. Il en résulte que le taux de natalité Cependant le taux de mortalité infantile de 58.9 0/00 obtenu en rapportant les naissancesdéclarées dans les paraît vraisemblable puisqu’il coïncide avec celui bureaux d’état civil d’hmbano et de Belazao à la obtenu lors de l’enquête par sondage de 1966. Quant population de ces deux communes est fortement sous- au taux de mortalité juvénile. il est très élevé, mais ceci estimé. est un trait caractéristique de la mortalité en Afrique. Il n’en sera pas de même pour la commune de Rémy CLAIRIN (1971) signalait le phénomène de la Faratsiho qui est situé à plus de 80 km d’Antsirabe surmortalité juvénile en Afrique tropicale. Le sevrage et qui dispose d’une maternité. Les bureaux d’état est une des causes principales de la surmortalitédes civil de cette commune ont enregistré 1 054 naissances enfants au-delà d’un an d’âge. Au-delà de 15 ans les pour une population de 17 741 habitants, ce qui four- écarts entre les deux types d’estimations augmentent nit un taux brut de natalité de 59,41 “/,,,, ce taux est énormément. un peu trop élevé, La maternité est utilisée par une En conclusion de cette comparaison de la population population plus importante que la population de droit de trois communes de la préfecture d’Antsirabe avec et de fait de la commune. une population stable type, nous remarquons : En ce qui concerne les décès,les taux bruts diffèrent - que la taille de la population étudiée aggrave relativement peu dans les deux estimations. L’effet les défauts qualitatifs de l’état civil en déviant l’ana- de la proximité d’un grand centre urbain est moins lyse par des détails d’infrastructure (présence d’une sensible sur l’enregistrement des décès que sur celui maternité par exemple) ou de conjoncture, des naissances. Nous avons vu précédemment que le - que la correspondance entre les taux et les in- taux brut est un indice trop grossier pour analyser dices calculés avec les données d’état civil et la table la mortalité. Aussi allons-nous comparer le taux de type de mortalité montre que l’état civil peut être mortalité par âge de la population réelle avec ceux utilisé à des fins démographiques, avec cependant certaines précautions. TAELEAU IX. - Taux de mortalité par groupe d’âge dans la population réelle et dans la population stable

Groupe d’âge Population rkelle Population stable CONCLUSION I 0 an...... 58,9 91,8 I- 4 ans ...... 12,7 83 De cette étude on peut conclure que dans les trois 5- 9 - ...... 2.1 2,4 communes de la préfecture d’Antsirabe, l’enregistre- 10-14 - ...... 191 198 ment des naissances et décès dans les bureaux d’état 15-19 - 126 23 civil n’est pas loin d’être complet. Notre analyse eut 20-24 - : : : : : : L5 379 25-29 - ...... 195 42 été plus concluante si elle avait porté sur la population 30-34 - . . . 136 4,8 d’une division administrative beaucoup plus importante 35-39 - ...... 3,5 599 que trois communes. 40-44 - 223 7,6 45-49 - : : : : : 10,3 D’ores et déjà cependant l’on peut affirmer que les 50-54 - 9:: 14,6 statistiques d’état civil dans la province de Tananarive 55-59 - . . . . . 20,9 atteignent un degré de précision et de complétude 60-64 - . . 279 31.1 65 ans et +. . ( 6O;l suffisant pour qu’elles puissent se prêter à une bonne analyse démographique.

Cak. ORSTOM, sér. Sci. Hum, vol. X, 11’ 4 - 1973 361-370. - *.. mdin -__ C.X. hinin

FIG. 2. - Taux de mortalité par sexe et par âge. FIG. 3. - Courbes de survie.

l^. * 13,* .” %

FIG. 4. - Taux de fkcondité par âge. FIG. 5. - Ogives des compositions par âge. 370 B.-D. ANDRIAMBOAHANGY

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