« À Matignon, J'ai Eu Un Chirac Affectueux »
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jacques chIrac : 50 ans de vIe polItIque entretien « À matignon, j’ai eu un chirac aFFectueux » C’est l’histoire d’un giscardien du Poitou qui aura infiltré sur ordre de son chef le pays ennemi, la Chiraquie. Au point de finir un jour à Matignon, où nul ne l’attendait. Une fois nommé Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin deviendra un infaillible soutien du président Chirac, et réciproquement. Un ami de la famille qui tiendra bon, malgré l’agitation de quelques forcenés dans son gouvernement. propos recueillis par mathilde siraud portraits arnaud meyer 44 Charles jacques chIrac : 50 ans de vIe polItIque jean-pierre raFFarin « GIscard et chIrac sont deuX personnaGes quI se sont baGarrés et quI ne s’aIment Guère. maIs Ils ont été tous les otre histoire avec Jacques Chirac est la réélection de Giscard. Mon contact avec la chiraquie deuX présIdents de la républIque ancienne, et s’est construite lentement. d’une manière générale n’était pas évident, c’était une Grâce à l’autre. et moI je vaIs Racontez-nous les tout premiers moments. période très difficile, je faisais partie des gens qui étaient être l’envoyé de la GIscardIe VJ’ai rencontré Jacques Chirac quand j’étais secrétaire très intransigeants vis-à-vis du RPR de l’époque. J’étais un général des jeunes giscardiens dans les années 1970. militant UDF très engagé. En 1978, je suis candidat aux dans la chIraquIe dans le À ce moment-là, il construit ce qui sera son opposition élections législatives et je bats en primaire à Poitiers un Gouvernement de 1995. » à Valéry Giscard d’Estaing. Pendant toute ma jeunesse ancien ministre du RPR envoyé contre moi, André Fanton, politique, je suis partagé entre l’image qu’a Chirac chez qui est par ailleurs un orateur de bonne qualité. Chirac est les giscardiens − l’image de quelqu’un de peu réfléchi, venu le soutenir à Poitiers. Il fera une salle exceptionnelle, d’assez brutal, plutôt court-termiste − et celle qu’en a mais en janvier, longtemps avant le scrutin. Jusqu’en mon père, un dirigeant agricole qui éprouve pour lui une mars, j’ai eu le temps d’effacer l’effet de sa visite. Je m’en très profonde estime. Je suis donc partagé entre ma piété souviens précisément : il n’y a pas de relation personnelle Comment avez-vous intégré le gouvernement filiale et mon sacerdoce giscardien ! ou bienveillante avec la chiraquie durant cette période. Juppé, après l’élection de Jacques Chirac ? Valéry Giscard d’Estaing est ensuite élu président Comment s’est fait le rapprochement ? Giscard et Chirac sont deux personnages qui se sont de la République. Jacques Chirac est le Premier Progressivement, en 1994, quand Édouard Balladur a bagarrés et qui ne s’aiment guère. Mais ils ont été tous les ministre et les relations se compliquent. Quel rôle annoncé une « OPA » sur l’UDF. Giscard à ce moment-là deux présidents de la République grâce à l’autre. Giscard avez-vous joué entre les deux hommes ? n’exclut pas d’être candidat à la présidentielle en 1995 et est élu avec le concours de Chirac, et en 1995 Chirac est En 1974, pendant la campagne, je vais à une ou deux Balladur va séduire François Léotard, Gérard Longuet, élu avec le concours de Giscard. Et moi je vais être l’envoyé réunions où Jacques Chirac est présent. Je suis ensuite François Bayrou, et pas mal de jeunes dirigeants de l’UDF de la Giscardie dans la Chiraquie dans le gouvernement de reçu avec Dominique Bussereau au mois d’avril 1975 : qui vont partir avec lui. Ce faisant, Giscard est un peu 1995. Juppé a demandé à Giscard qui il souhaitait comme Chirac est à Matignon, et nous venons de perdre les canto- dépossédé de l’UDF. Et là, selon ce que j’appelle « le principe ministre et Giscard a donné mon nom. nales. La tension est réelle entre Giscard et Chirac. Il nous de la dernière haine », la haine Giscard / Chirac s’efface À ce moment-là, vous bâtissez une vraie relation reçoit pour nous expliquer qu’il est le dernier rempart derrière la dernière haine qu’est la haine Chirac / Balladur avec Jacques Chirac. Comment Valéry Giscard pour le président. Et que tous ceux qui le critiquent ne ou Giscard / Balladur. À ce moment-là, je suis secrétaire d’Estaing vit-il ce rapprochement ? se rendent pas compte qu’il lui sert en fait de bouclier. Il général de l’UDF. Chirac entreprend alors de convaincre Giscard m’a reproché ce rapprochement de temps en essaie de nous convaincre que sa situation n’est pas du Giscard qu’il n’est pas l’individu primaire et sommaire que temps. Je lui ai répété que c’est lui qui a négocié mon tout celle d’un rebelle mais au contraire d’un soldat au pense Giscard, Il vient au siège de l’UDF, rue François 1er, entrée au gouvernement pour que l’UDF existe dans le service de son chef. Mais nous avions été convoqués dès rencontrer Giscard, pendant de longues heures. J’ai pu gouvernement d’Alain Juppé. J’ai les PME, le commerce et 7 heures du matin ce jour-là par le ministre de l’Intérieur assister à certains tête-à-tête. Je faisais patienter les jour- l’artisanat, je profite d’une grande proximité avec Juppé Michel Poniatowski qui nous avait expliqué que la volonté nalistes parce que ces entretiens duraient très longtemps, et Chirac. Progressivement, Chirac s’intéresse à la France de Chirac était de déstabiliser Giscard. Nous avions donc bien plus que prévu. Ils parlaient de l’histoire de France, de l’agriculture, des artisans, des PME, des territoires, etc. été dopés à l’ « EPO Ponia » avant même de voir Chirac. de l’Asie, du Japon, de géopolitique. Pendant cette période, C’est à ce moment-là qu’il construit des relations avec Les débuts sont donc plutôt difficiles entre vous et Chirac a réussi à se rendre giscardo-compatible. La famille Philippe Vasseur, ministre de l’Agriculture, ainsi qu’avec Jacques Chirac. UDF se divise en deux, les giscardiens se scindent ensuite : moi. J’ai travaillé en très bons termes avec Chirac qui Pendant toute cette période j’en ai beaucoup voulu à une partie avec Léotard, Bayrou et Balladur et l’autre avec m’a soutenu, m’a fait gagner mes arbitrages. Je retrouve Chirac et aux chiraquiens de 1981 qui n’ont pas facilité Madelin, moi, Giscard et donc Chirac. aussi la paix familiale – même s’il n’y a jamais eu de 46 Charles jacques chIrac : 50 ans de vIe polItIque jean-pierre raFFarin Avec Jacques Chirac je n’ai rien négocié. Pendant la « Je suIs allé voIr jacques campagne de 2002, à laquelle je participe, Chirac voit que chIrac dès juIllet 1997 pour luI je suis un bon orateur, il m’observe. Il m’envoie beaucoup sur le terrain, mais les autres aussi. Il veille à ce qu’il n’y demander s’Il avaIt l’IntentIon ait pas une tête qui dépasse. À Poitiers, le 10 avril, c’est d’être candIdat en 2002, sachant un grand succès, il me fait monter sur scène, ce qui n’était pas arrivé jusque-là. Les médias pensaient que j’allais être qu’Il étaIt au plus bas, que ça choisi à Matignon. Le lendemain, Sarkozy est invité par n’allaIt pas Fort. j’aI comprIs que Jean-Louis Debré à Évreux. Trois jours plus tard, c’est au sI le présIdent de la républIque tour de Fillon d’être choisi pour un plateau télé. On voit qu’à chaque fois, un ou deux sont avancés. sortant étaIt candIdat, c’est luI À ce moment-là, vous vous préparez à devenir quI seraIt au second tour. au Premier ministre ? Je ne pense pas devenir Premier ministre mais je pense moment où beaucoup ont décIdé être appelé à un poste important, parmi les quatre ou cinq de le lâcher, moI j’aI décIdé de poids lourds du gouvernement. Je me prépare en faisant un livre, qui s’appelle Pour une nouvelle gouvernance. Avec travaIller avec luI. » une équipe d’experts, on a travaillé sur le fond. Vous voulez dire qu’il y a eu du suspense jusqu’à tensions –, mon père étant alors très heureux de cette l’élection de Jacques Chirac ? évolution ! Je me rapproche de cette équipe, notamment Le soir de l’élection de Chirac, nous sommes au QG, il de Juppé, même s’il a des relations compliquées avec nous fait quelques commentaires avant qu’on parte sur certains autres ministres. Je le soutenais activement. Puis, les plateaux télés. Il y a Philippe Douste-Blazy, Nicolas avec la dissolution, j’avais le sentiment que le septennat Sarkozy, Alain Juppé… Je vais saluer Chirac en me disant : s’était interrompu trop brutalement. Je me suis interrogé « Il va me dire quelque chose. » Je lui dis : « Au revoir monsieur sur ce qu’il fallait faire. Je suis allé voir Jacques Chirac dès le Président, je vais à TF1 »… Et il me répond : « Merci Jean- juillet 1997 pour lui demander s’il avait l’intention d’être Pierre pour tout ce que tu as fait et surtout ce soir, pas de triom- candidat en 2002, sachant qu’il était au plus bas, que ça phalisme. » C’est le seul message. Je traîne un peu avant de n’allait pas fort. J’ai compris que si le président de la Répu- partir pour écouter ce qu’il va dire à Sarko qui est derrière blique sortant était candidat, c’est lui qui serait au second moi.