LA BOUTIQUE DE LA MARQUE DE LUXE

LIEU D’EXPÉRIENCES

Marine Pigeon École Camondo Méditerranée Diplôme 2021

Sous la direction de Laure Fernandez 1 2 Je voudrais adresser mes remerciements à Laure Fernandez, ma directrice de mémoire de recherche, pour le temps qu’elle m’a accordé. Sa patience et ses précieux conseils m’ont permis d’avancer dans ma réfIexion. Je voudrais la remercier aussi pour la relecture de ce mémoire.

1 2 3 4 Boutique éphémère Dior, 127 avenue des Champs-Elysées, Comme un voile que l’on soulève, laissant deviner la façade de la boutique, cet envoûtant trompe-l’oeil a été crée par la société de scénographie urbaine Terres Rouges. Le drapé entièrement fait à la main, reproduit la devanture de la boutique historique avenue Montaigne.

5 6 REMERCIEMENTS 1 SOMMAIRE 7 INTRODUCTION 11 01 - LA BOUTIQUE : UN ESPACE HYBRIDE 19

A) Les typologies d’espaces de vente 21

B) La transmission d’une histoire 27

C) Un lieu sacré 39

D) Un musée 47 02 - VIVRE LE LUXE À TRAVERS L’EXPÉRIENCE 57

A) La vitrine, transition dans l’univers de la marque 59

B) La boutique comme expérience multi-sensorielle 66

C) La boutique de demain, une expérience inédite 77 CONCLUSION 85 ANNEXES 91 BIBLIOGRAPHIE 97 RÉSUMÉ 107

7 8 9 10 INTRODUCTION

11 12 « Consommer du luxe, c’est consommer à la fois un produit, une légende/un mythe, une tradition, des savoir-faire et un rite d’usage »1.

Depuis l’apparition des Grands Magasins au début du XIXe siècle, les acteurs du commerce de luxe mettent en scène des espaces de vente esthétiquement soignés. Les splendides vitrines des boutiques fascinent les passants. Ces écrins précieux réglés au millimètre près dévoilent un savoir-faire unique. Entre rêves et réalité, ils s’ouvrent au monde, mis en valeur par le talent de grands architectes et designers. La magie de l’architecture les place au rang de musées. Face aux enjeux contemporains, l’espace de vente doit s’ancrer dans l’air du temps. Digitalisés, augmentés, ils créent des expériences sensorielles et déploient des espaces monumentaux à la pointe de la tendance.

Le luxe est un domaine que j’affectionne particulièrement. Selon moi, il renvoie à l’excellence et au prestige avec un artisanat de la plus grande qualité. Narratif et exclusif, il n’a pas de limites. Entre gigantisme et sobriété, tout est permis. Je suis sensible au côté unique, exceptionnel, élégant, et son côté inaccessible suscite chez moi beaucoup de désir. Cette grande part de rêve a su attiser ma curiosité.

La boutique de la marque de luxe, comme une parenthèse illuminée au coin de la rue, m’attire, elle m’émerveille par la beauté des décors, la justesse de la mise en scène, la sophistication des produits, la no- blesse des matériaux et la précision des détails. Et encore, je n’ai pas passé le seuil de la porte ... Me voilà plongée dans cet héritage qui se transmet depuis des générations.

L’expérience de ces lieux raffinés me touche, et j’apprécie plus particulièrement m’imaginer leur histoire à travers l’architecture et sa scénographie.

Des étincelles dans les yeux et des rêves plein la tête, je poursuis mon chemin...

1 BLANCHERIE Jean-Marc, DANGEL Stéphane, Storytelling du luxe, Levens, Editions du Désir, 2011

13 Le Bon Marché, Aristide Boucicaut, Paris, 1852

14 C’est au XIXe siècle qu’une économie du luxe va naître grâce à de nouvelles formes de fabrication et de distribution. En 1852, Le Bon Marché est créé par Aristide Boucicaut, considéré comme le plus grand magasin de Paris à l’époque. Celui-ci inspire la profession et les Grands Magasins prennent de plus en plus d’ampleur dans Paris, en Europe et aux Etats-Unis. Ces Grands Magasins s’apparentaient à de véritables palais dans les grandes villes, tel que la coupole des Galeries Lafayette boulevard Haussmann à Paris, érigée en 1912 par l’architecte Ferdinand Chanut.

Le mouvement, le bruit ambiant et l’enthousiasme faisaient partie intégrante de la mise en scène du lieu. Emile Zola, dans son ouvrage Au Bonheur des Dames, écrivit d’ailleurs : « Mais la chaleur d’usine dont la maison fIambait, venait surtout de la vente, de la bousculade des comptoirs, qu’on sentait derrière les murs. Il y avait là le ronfIement continu de la machine à l’oeuvre, un enfournement de clientes, entassées devant les rayons, étourdies sous les marchandises, puis jetées à la caisse »2.

À la fin des années 1840, le luxe connaît un incroyable développe- ment puisque cent six Maisons sont labellisées Haute-Couture3. C’est l’anglais Charles-Frédérick Worth4 qui est à l’origine de ce label, créant les saisons dans la mode ainsi que les défilés d’hommes et femmes pour présenter les collections. Dans les années 1880, et notamment avec l’arrivée du prêt-à-porter initié par Christian Dior, les Maisons de luxe veulent pouvoir exposer l’ensemble de leurs produits dans une seule surface. Le luxe s’empare alors d’une nouvelle dimension avec l’ouverture de boutiques familiales, inspirées des échoppes parisiennes, reliées aux ateliers artisanaux.

Depuis le début du XIXe siècle, les boutiques des marques de luxe se veulent de plus en plus spectaculaires et innovantes afin de fidéliser le lien privilégié avec le client. En quoi la boutique de la marque de luxe est-elle devenue un lieu d’expériences à part entière ? Comment se définit-elle en tant qu’espace hybride ? Comment l’histoire de la Maison, ainsi que ses valeurs, sont-elles retranscrites à travers l’architecture intérieure ? Par quels moyens ? Comment la vitrine, espace transitionnel entre la rue et

2 ZOLA Emile, Au Bonheur des Dames, Chapitre 1, Paris, Larousse, 1883 3 JAUSSAUD Julie, Boutique de luxe - Espace hybride, Mémoire de fin d’études, Ecole Camondo, dirigé par Fabien Petiot, 2018

4 Charles Frederick Worth (1825 - 1895) est un couturier français d’origine britannique.

15 la boutique, invite-t-elle le visiteur à vivre une expérience singulière ? Comment l’expérience multi-sensorielle est-elle appréhendée et vécue à travers la boutique de la marque de luxe ? A quoi va ressembler la boutique de demain ? Comment la réinventer ? Comment les nouvelles technologies sont-elles au service des marques ? Ce sont ces questions qu’il conviendra d’adresser ici.

À travers ce mémoire, je me suis intéressée dans un premier temps à la boutique comme un espace hybride, né de la fusion d’une architecture et d’une image de marque. De typologies différentes, les boutiques se distinguent mais leurs enjeux restent les mêmes : transmettre une histoire à travers leur savoir-faire. Je me suis ensuite questionnée sur la tournure que prend la boutique aujourd’hui, en se transformant en un véritable lieu sacré érigé pour la marque, puis sur son caractère muséologique. Dans un deuxième temps, je me suis consacrée aux différentes expériences vécues au travers de la boutique, à commencer par la vitrine qui crée une transition entre la rue et l’espace de vente. Je me suis intéressée aux expériences uniques procurées grâce aux sens et émotions. Enfin, je me suis questionnée sur ce à quoi pourrait ressembler la boutique de demain, entre réel et virtuel.

Pour cela, j’ai orienté ma réfIexion autour de trois icônes du luxe : la Maison Hermès, la Maison Louis Vuitton et la Maison à travers leur histoire, traditions et savoir-faire, tout en m’intéressant à d’autres exemples.

16 17 18 01 - LA BOUTIQUE : UN ESPACE HYBRIDE

19 20 La boutique de la marque de luxe résulte d’une fusion entre un espace et une identité de marque. L’architecture est au service de la Maison car la boutique est le point de rencontre entre le consommateur et la marque. Chaque Maison transmet des valeurs qui lui sont propres à travers une histoire ancrée dans son passé, redoublant de modernité pour toujours être à la pointe de la tendance. Tels des écrins toujours plus grands, les boutiques deviennent des cathédrales sacrées. Tels des galeries ou musées, les espaces de vente résultent d’une mise en scène sacralisant les produits aux côtés des pièces d’arts des artistes les plus renommés de la planète.

A) Les typologies d’espaces de vente

La boutique de la marque de luxe se différencie de la boutique de produits de consommation courante par sa taille. En effet, la superficie moyenne d’une boutique de luxe était de 1000m25 dans les années 2000. Cela montre que l’architecture devient un symbole de puissance pour la marque.

Avant même d’énoncer les différentes typologies d’espaces de vente, il me semblait important d’évoquer la valeur de leur emplacement. L’intervention de l’architecture peut prendre différentes formes selon l’implantation géographique. Les marques de luxe s’installent principalement dans les centres historiques des villes, leurs rues principales ou dans les centres commerciaux. Ces dernières se servent de l’image patrimoniale de ces villes et de leur qualité pour renforcer leur prestige. À Paris, capitale de la mode, la place Vendôme est le repère des Maisons de haute joaillerie : Guerlain s’est installé au 15 place Vendôme, Van Cleef & Arpels au 22 et enfin Cartier, au numéro 23. Quant à l’avenue des Champs Élysées, très prisée, elle représente plutôt un carrefour touristique mais offre peu d’opportunités d’implantation par faute de place. Ce sont des références incontournables pour les boutiques qui s’y installent. Cependant, depuis 2015, des Maisons comme Gucci, Moncler, Fendi et Givenchy s’implantent rue des Archives, dans le Marais, quartier novateur pour le luxe6.

5 BRIOT Eugénie, DE LASSUS Christel, Marketing du luxe, stratégies innovantes nouvelles pratiques, Cormelles-le-Royal, Edition EMS Management & Société, 2014 6 DE BOISSIEU Elodie, MILLERET Guénolée, Les vitrines du luxe, Une histoire culturelle du commerce haut de gamme et des ses espaces de vente, Paris, Eyrolles, 2016

21 Boutique Chanel, 31 rue de Cambon, Paris

22 La Maison mère, emblème de la marque, bénéficie quant à elle d’une place importante avec ses compléments d’espaces de vie.

Prenons Chanel, au 31 rue de Cambon à Paris, situé à deux pas de la place Vendôme et au coeur d’un quartier très élégant. Cet immeuble à la façade sobre, lisse, aux lignes épurées, est dédié entièrement à la Maison. Au rez-de-chaussée se trouve la boutique, au premier se situe le grand salon de présentation des collections et des essayages de Haute-Couture. Les appartements de Mademoiselle Chanel sont accessibles depuis le grand esca- lier aux miroirs, espace uniquement réservé à certains privilégiés. Enfin, au troisième étage se logent les ateliers : bijoux, chapeaux, couture, ... L’histoire de la Maison Chanel est ancrée rue Cambon et représente un repère pour la marque. D’ailleurs, le ministère de la Culture a classé en 2013 l’appartement de Gabrielle Chanel ainsi que son escalier au titre des monuments historiques.

Aujourd’hui, avec la concurrence, certaines marques ne se contentent plus d’une boutique sur rue, nichée dans un bel immeuble. Il s’agit d’une quête interminable de la boutique la plus extraordinaire, la plus singulière. Comme dit précédemment, dans les grandes villes européennes, le patrimoine a toute son importance, contrairement à l’Asie ou au Moyen-Orient où des bâtiments entiers se déploient sous l’impulsion des plus grands architectes de la planète.

Par ailleurs, l’allure extérieure de la boutique est très importante pour la Maison de luxe. Cette dernière attire l’attention du consommateur ; comme une vitrine, elle donne envie d’entrer pour découvrir ce qui se cache à l’intérieur. Des Maisons telles que Louis Vuitton, Chanel ou encore Hermès possèdent des façades tout aussi impressionnantes les unes que les autres, tout en véhiculant l’identité de la marque.

23 Façade de la Maison Louis Vuitton Vendôme, Atelier ATHEM, 2 place Vendôme, Paris, 2017

24 L’exemple qui me séduit particulièrement est la façade de la Maison Louis Vuitton Vendôme à Paris. Au numéro deux de l’une des plus belles places de France, symbole de l’art du XVIIe siècle, la boutique s’est implantée sur deux hôtels particuliers rénovés. La très belle façade néoclassique a été réalisée par Jules Hardouin-Mansart7, architecte du Palais de Versailles. L’atelier ATHEM est venu sublimer cette dernière à l’automne 2017 avec ce sculptural soleil doré d’un diamètre de six mètres. Louis Vuitton s’est emparé du prestige du Château de Versailles pour faire honneur au Roi Soleil. La pièce d’art, brillante de mille feux, « fait rayonner le luxe à la française »8. Tel était le voeu de la Maison, qui a souhaité montrer au monde entier son intérêt pour l’art et son savoir-vivre à la française, faisant briller les yeux de milliers de spectateurs.

Pour en revenir aux espaces de vente, leur nature se distingue. Il en existe trois principaux : la boutique ou le magasin, le fIagship store ou encore le concept store. Par ailleurs s’ajoutent les points de contact comme les shop-in-shops dans des grands magasins.

7 Jules Hardouin-Mansart (1646-1708) est un architecte qui a perfectionné le classicisme français et plus connu pour avoir été l’architecte de Louis XIV. 8 Source : « Le Soleil Louis Vuitton rayonne sur la place Vendôme », Medium, 06.12.2019, URL : https://medium.com/ @athem

25 LA BOUTIQUE : LA PLUS CLASSIQUE

Dans un premier temps, la boutique désigne un petit local commercial. La boutique de luxe fait référence à l’échoppe, où l’artisan exerce son métier avec un savoir-faire unique, et vend ses produits qui sont d’une très grande qualité. C’est le point de vente où l’on retrouve les produits phares de la Maison ainsi que les collections du moment. La boutique se différencie du magasin qui est plus grand, plus brut, qui évoque davantage le dépôt ou la marchandise.

LE FLAGSHIP STORE : LA VITRINE

Le fIagship store, lui, se caractérise comme un magasin vitrine, pas nécessairement fait pour vendre des produits. Emblème d’une marque, il fait valoir son prestige et sublime ses produits. Implantés dans des grandes capitales telles que Paris, New-York, Londres ou encore Tokyo, ils s’érigent tels des écrins gigantesques façonnés par de grands architectes.

Ce sont des espaces assez vastes qui proposent une large variété de produits, dont certains exclusifs, comme par exemple issus de col- laborations avec des artistes. Souvent, le fIagship regroupe, au-delà de la boutique, des ateliers de fabrication ou encore une galerie d’art. Le lieu ne se résume pas à un simple espace de vente mais se vit comme une expérience à travers l’architecture intérieure, sa scénographie et les services proposés.

LE CONCEPT STORE : LE PLURIFONCTIONNEL

Enfin, le terme de concept store n’a pas vraiment de définition. Venu des Etats-Unis, il désigne une boutique unique et innovante au niveau de l’offre qu’elle propose ou de sa mise en scène. Il peut même s’avérer qu’un fIagship store soit un concept store. Dans l’air du temps, c’est un lieu multimarques. Par exemple, Colette, à Paris, proposait à ses clients une sélection pointue de produits hauts de gamme venus de tous les horizons. Aujourd’hui, un grand nombre de boutiques proposent des espaces de vie comme un espace de restauration ou encore une librairie, à l’image du concept store Merci à Paris.

26 B) La transmission d’une histoire

« Pour nombre de marques, notamment françaises, la référence au passé est l’un des paramètres permettant de créer prestige et distance »9. En effet, souvent d’origine familiale, la marque de luxe prend ses racines dans son histoire. Cette dernière est liée à son fondateur, hissé au statut d’icône, pour son parcours, son prestige et son ancrage. Outre une passion, la Maison cherche à faire briller une attitude, un langage, un esprit, un talent et une croyance. Une histoire peut être racontée de mille façons. À travers l’imaginaire qui s’en dégage, la narration de chacune est unique, lui permettant de créer sa propre identité et ses propres codes.

Le storytelling10, à travers un univers singulier, rend sensible le consommateur en exaltant ses sens et en lui procurant des émotions, lui permettant de s’identifier.

De plus, le fait de posséder un ou plusieurs articles de luxe permet d’accéder aux valeurs d’une marque et de s’imprégner de son essence.

De ce fait, les Maisons orchestrent leur propre histoire à travers les campagnes publicitaires, les défilés et évènements, les collaborations, les réseaux sociaux et sites internet. Et plus particulièrement dans ce qui m’intéresse : la scénographie des points de vente.

Comme évoqué précédemment, la boutique est un lieu chargé d’histoire mais aussi le premier élément physique qui matérialise la relation entre le client et la marque11. Il permet aux Maisons de « raconter » les créations, faire fantasmer les consommateurs en donnant l’illusion de l’inaccessibilité.

L’histoire qui se perpétue de générations en générations doit évoluer et se projeter dans le futur. Il s’agit, au-delà d’une histoire, d’un héritage.

9 BERTRAND Jean-Michel, « Les communications des marques de mode et de luxe », in Hermès, La Revue, n° 70, Paris, C.N.R.S. Editions, 2014, p. 120-123 10 « Le storytelling est littéralement le fait de raconter une histoire à des fins de communication. La technique du storytelling doit normalement permettre de capter l’attention et de susciter l’émotion. Elle peut également être utilisée pour élever la marque au rang de mythe. » Bertrand Bathelot, professeur agrégé en marketing 11 JAUSSAUD Julie, Boutique de luxe - Espace hybride, Mémoire de fin d’études, Ecole Camondo, dirigé par Fabien Petiot, 2018

27 Hermès 24 Faubourg, Thomas Vieille, Paris Illustration de la boutique-atelier, la Maison mère d’Hermès

28 HERMÈS, DEPUIS 1837

Pour la Maison Hermès, tout commence il y a plus de 180 ans avec Thierry Hermès, le fondateur, né en 1801 à Crevelt en Allemagne. En 1821, dès son plus jeune âge, il part apprendre les techniques de fabrication des harnais en Normandie et regagne Paris en 1837 pour fonder sa première manufacture près de la Madeleine. Cette dernière sera déplacée boulevard des Capucins en 1842, située sur les « Grands Boulevards », attache des Grands Magasins et des hôtels luxueux.

Hermès se crée une véritable réputation dans les selles et harnais. « Notre premier client c’est le cheval, le deuxième le cavalier »12, disait l’homme d’affaires Jean-Louis Dumas. Avec le développement des nouveaux moyens de locomotion et le début du voyage, la famille Hermès parie sur l’essor de l’indus- trie du bagage et transpose les savoir-faire de la sellerie dans la maroquinerie. Transformé du jour au lendemain, Hermès se lance dans les cuirs les plus raffinés : autruche, serpent, crocodile pour la confection de malles, sacs, portefeuilles et articles de voyage. Puis la marque lance ses premiers articles de prêt-à-porter à Paris.

La Maison entretient un lien étroit avec le monde de l’équitation et a créé Le saut Hermès, une compétition internationale de saut d’obstacles tenue au Grand Palais chaque année depuis 200913.

Hermès, hommage au nom du créateur, se positionne sur l’image d’une Maison dédiée à l’appartenance familiale et au travail artisanal. La Maison oeuvre notamment sur la notion de patrimoine avec par exemple la rénovation en 2007 de la boutique-atelier du 24 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris. Point de repère, c’est la plus grande boutique dans le monde, s’étendant sur 1700m2, avec la volonté de préserver l’esprit du « berceau de la maison » et « temple du luxe vrai »14.

12 Jean-Louis Dumas (1938-2010) a été le Président-Directeur Général et Directeur Artistique de la Maison pendant près de trente ans. 13 Saut Hermès, URL : https://www.sauthermes.com/fr/ 14 Patrick Thomas, ancien Président-Directeur Général d’Hermès International. Source : Agence France-Presse, « Hermès inaugure son magasin rénové du Faubourg Saint-Honoré », Fashion Network, 23.10.2007, Paris, URL : https://fr.fashionnetwork.com/ news/hermes-inaugure-son-magasin-renove-du- faubourg-saint-honore,23024.html

29 Hermès 24 Faubourg, Thomas Vieille, Paris Illustration de la boutique-atelier, la Maison mère d’Hermès

30 « L’image que je préfère du Faubourg, c’est celui de l’étrave d’un navire. J’aime l’idée de la Maison Hermès comme un vaisseau, un vaisseau incroyable qui traverse à la fois le temps et l’espace » confie Pierre-Alexis Dumas15. Selon lui, la « sève » d’Hermès, dont enfant, il a le souvenir, réside encore aujourd’hui dans l’esprit d’une ruche familiale baignant dans une atmosphère très chaleureuse, à l’image de l’illustration de Thomas Vieille. Il raconte que c’était à l’époque un lieu très joyeux où l’on rigolait dans les couloirs, et cette bonne humeur est restée.

Enfin, l’univers d’Hermès se loge tout entier dans le souci du détail, l’élégance, la qualité des matières nobles, le luxe sans ostentation et la discrétion.

15 Pierre-Alexis Dumas, arrière-petit-fils d’Emile Hermès, est l’actuel Directeur Artistique de la Maison depuis 2011. Source : HERMÈS, Le Monde d’Hermès - About a dream, Episode 1 : Pierre-Alexis Dumas, le maître des songes, 12.02.2019, Spotify

31 Malles de voyage Louis Vuitton, Magazine Vogue, 1930

32 LOUIS VUITTON, DEPUIS 1854

La Maison Louis Vuitton naît aussi d’une histoire familiale. Fils de menuisier, le jeune Louis Vuitton est né dans le Jura en 1821. A l’âge de 16 ans, il rejoint Paris et débute son apprentissage de « layetier- emballeur-malletier » chez Monsieur Maréchal, fournisseur de la cour impériale. De même que pour Hermès, l’essor des nouveaux moyens de transports permet à la classe aisée de voyager. Cependant, leurs bagages sont trop souvent malmenés. Les artisans du métier sont alors très sollicités pour emballer et protéger leurs effets personnels. Très rapidement, Louis Vuitton s’impose comme artisan de renom dans l’atelier et se met à créer des malles sur-mesure, objets pratiques et réutilisables à chaque voyage pour répondre aux souhaits des clients.

En 1854, Louis Vuitton fonde enfin son premier atelier au 4 rue Neuve-des-Capucines, non loin de la place Vendôme. C’est ici qu’il créa la fameuse « malle plate », plus adaptée pour le rangement et le voyage avec une structure allégée grâce à un revêtement en toile imperméable. Quelques années plus tard, en 1859, le créateur déplace ses ateliers à Asnières, en bord de Seine, où il compte vingt employés. Au fil du temps, le berceau de l’entreprise se développe et devient aussi un lieu de résidence pour la famille. Aujourd’hui, le site demeure un atelier légendaire et le coeur de la création des produits sur-mesure de la Maison. En 1886, la Maison Louis Vuitton révolutionne les serrures de bagages avec un système de fermeture ingénieux permettant de protéger les biens des clients.

Louis Vuitton a puisé dans ses racines pour transmettre ses valeurs à travers l’imaginaire du voyage et l’élégance. Son imprimé incontournable, le Monogram, révélé en 1886, devient l’icône graphique de la marque. Intemporel, il se décline selon les tendances. À travers son héritage, Louis Vuitton traverse les époques, nous accompagne et nous fait voyager à bord d’un navire chargé d’histoire, même jusqu’à l’autre bout du monde...

33 Gabrielle Chanel dans les escaliers du 31, rue Cambon, photographie en noir et blanc, Robert Doisneau, 1953

34 CHANEL, DEPUIS 1910

Gabrielle Chanel, plus connue sous le nom de Chanel, naît à Saumur dans le Maine et Loire, le 19 août 1883. Fille de couturière, elle s’intéresse très vite à cette passion, et crée en 1910 sa première boutique de chapeaux, Chanel Mode, au numéro 21 de la rue Cambon à Paris. Ses créations seront portées par de grandes actrices françaises de l’époque et façonneront sa réputation.

Deux années plus tard, ouvre une boutique à Deauville, où elle vend une ligne de vêtements sportswear en jersey. Véhiculant l’image de la femme puissante, cette collection va sublimer le corps des femmes, et marquer une véritable révolution dans le monde de la mode.

C’est à Biarritz qu’en 1915, elle installe sa première Maison de Couture, avec trois cent ouvrières, et imagine sa première collection de Haute-Couture.

Quelques années plus tard, victime de son succès, Gabrielle délocalise ses ateliers et s’installe dans une boutique plus vaste au numéro 31 de cette même rue. Ici, elle va inventer un nouveau concept, celui de la boutique contemporaine. Pour accompagner ses vêtements et chapeaux, Coco Chanel va proposer à ses fidèles clientes des accessoires, des bijoux ainsi que des produits de beauté.16

En 1921, Mademoiselle Chanel lance son premier parfum, le CHANEL: N°5, en collaboration avec le parfumeur Ernest Beaux. Un « parfum de femme à odeur de femme », révolutionnaire par sa composition et son nom. Gabrielle Chanel est alors à son apogée et possède cinq immeubles dans la rue Cambon.

À sa mort le 10 Janvier 1971, Chanel passe dans l’ombre et ce n’est qu’en 1983 que , nommé directeur artistique, reprend la main sur les collections, la Haute-Couture et crée le prêt-à-porter.

Chanel a toujours su étonner par ses sublimes décors de défilés prêt- à-porter, tout aussi éclectiques les uns que les autres, tenus au Grand Palais à Paris depuis 2005.

16 Source : « 31 Rue Cambon - Une histoire derrière la façade », Chanel News, 23.02.2011, URL: https:// www.chanel.com/fr/mode/news/2011/02/31-rue-cambon-the-story-behind-the- facade.html

35 La marque a su imposer son style « simple, élégant, androgyne »17 avec ses créations mondialement connues. Son tailleur en tweed gan- sé, sa jupe stricte aux lignes droites, sa veste à quatre poches, sa petite robe noire, ses souliers bicolores ou encore le sac matelassé 2.55 ont marqué le temps et restent indémodables de nos jours. Gabrielle Chanel a marqué l’histoire de la mode, et comme elle le disait si bien : « Que ma légende fasse son chemin, je lui souhaite une bonne et longue vie ! »18.

17 Source : BOUGÈRE Marie-Caroline, « Chanel, de Gabrielle à la légende aux deux C », Marie Claire, 22.03.2020, URL : https://www.marieclaire.fr/histoire-chanel,1341604.asp 18 Citation de Gabrielle Chanel. Source : CHANEL, URL : https://www.chanel.com/fr/about-chanel/l-histoire/1970/

36 Vitrine du flagship store Louis Vuitton, Production Dino Skeleton, avenue des Champs-Elysées, Paris, 2013

37 Vitrine du flagship store Louis Vuitton, Production Dino Skeleton, avenue des Champs-Elysées, Paris, 2013

38 C) Un lieu sacré

Entrer dans l’enseigne d’une marque de luxe, c’est accepter de vivre un spectacle. Voyager, rêver, fantasmer, font partie du jeu. La magie opère dans les premières secondes où l’on met un pied dans la boutique. Les Maisons de luxe imaginent des mises en scènes toujours plus spectaculaires, jouées dans les vitrines et boutiques. Il se dessine une scénarisation de l’espace, à travers le visual merchandising, qui est « l’art de mettre en scène les produits en conciliant des objectifs d’efficacité commerciale, d’esthétisme et d’image d’enseigne »19. Les articles mis en vente deviennent les héros de la pièce qui se joue. Ils se présentent comme des objets sacrés sur des piédestaux et prennent place, tels des comédiens, dans un décor de théâtre minutieusement étudié. Les volumes sont optimisés pour raconter les produits aux passants. Des matières nobles et du mobilier sur-mesure sont choisis pointilleusement. Enfin, les éclairages naturels et artificiels subliment le spectacle.

Louis Vuitton crée l’effet de surprise avec ses impressionnantes vitrines. Comme dans un musée d’histoire naturelle, les dinosaures scintillants mettent en scène les divers sacs, vêtements et chaussures devant l’oeil fasciné des spectateurs. Louis Vuitton nous délivre un beau voyage dans le temps ...

Les enseignes de luxe d’aujourd’hui sont conçues comme des écrins majestueux, toujours plus grands. Ils s’inscrivent dans les villes comme des cathédrales sacrées à l’image des marques. Un culte monumental et des rituels « quasi sacrés » s’installent petit à petit.

Les Maisons cherchent à se différencier en instaurant des lieux de vente gigantesques, et font appel aux plus grands architectes mondialement connus pour faire construire leur édifice. Nous trouvons entre autres Peter Marino, Eric Carlson et Moshe Safdie pour Louis Vuitton, Zaha Hadid pour Chanel et Jean-Michel Willemotte pour Chaumet et Cacharel. Certains designers et artistes sont aussi invités pour la conception des vitrines des maisons. C’est Andrée Putman pour la Maison Guerlain, Patrick Jouin pour le joaillier Van Cleef & Arpels et enfin Philippe Starck pour la cristallerie Baccarat.

19 Définition de Bertrand Bathelot, professeur agrégé en marketing.

39 Louis Vuitton Island Maison, Moshe Safdie et Peter Marino, Singapour, 2011

40 Prenons deux exemples de bâtiments remarquables par leur présence et leur singularité : la boutique Louis Vuitton Island Maison, érigée par Moshe Safdie20 à Singapour et la boutique House of Dior imaginée par l’architecte Christian de Portzamparc21, en plein coeur du Cheongdam-dong district à Séoul.

Ce navire de croisière fIottant, en verre, à l’image d’un écrin scintillant dans la nuit, a été édifié en 2011. Véritable prouesse architecturale, il se situe sur une île artificielle dans Marina Bay Sands. Construit par l’architecte Moshe Safdie et le célèbre architecte d’intérieur Peter Marino22, il illustre extérieurement le gigantisme d’avant-garde. Le lieu se veut à dimension culturelle : un tunnel relie l’île à la librairie artistique Louis Vuitton, située dans le centre commercial du Marina Bay Sands, faisant voyager le visiteur à travers une galerie d’art contemporain.

L’âme du voyage, symbolique de la Maison Louis Vuitton, trans- paraît à travers ce vaisseau immobile : coursives d’acier brillant, bois sombres, évocation d’une cheminée de paquebot, voiles intérieures tamisant la lumière, cordages en bois tressé et luminaire en forme de mât de voilier. Une loggia aux allures de pont de yacht aménagée à l’extérieur vient souligner l’ensemble. Tout est imaginé pour nous faire voyager, nous transposer dans un univers singulier et surtout nous vendre du rêve...

20 Moshe Safdie (1938) est un architecte et urbaniste canadien, d’origine palestinienne. Il a une renommée planétaire, pour ses réalisations très variées, primées à l’international, présentes sur cinq continents.

21 Christian de Portzamparc (1944) est un architecte et urbaniste français, d’origine marocaine. C’est le premier architecte français à obtenir la plus haute distinction en architecture, le Pritzker Prize. 22 Peter Marino (1949) est un architecte d’intérieur d’origine américaine. Il a travaillé avec des grandes Maisons dans le monde entier comme Fendi, Chanel ou Louis Vuitton.

41 House of Dior, Christian de Portzamparc, Séoul, 2015

42 House of Dior, Christian de Portzamparc, Séoul, 2015

43 L’histoire de ce fIagship store Dior haute-couture commence en 2011, quand la Maison décide de faire appel à Christian de Portzamparc. Il s’immerge alors dans les archives et est impressionné par la justesse et la rigueur dont Monsieur Christian Dior faisait preuve pour confec- tionner ses créations.

En s’inspirant de son travail et pour se démarquer des immeubles de la rue, il dessine un écrin aux courbes séduisantes, fait de onze voiles à la manière des toiles que le couturier sculptait pour former les patrons. Moderne et impressionnante, la façade blanche, immaculée, composée de coques inspirées de celles des bateaux, s’assimile à des drapés cousus les uns aux autres. L’architecte explique d’ailleurs : « J’ai repensé au mouvement des étoffes, à la trame des tissus, et j’ai imaginé une façade qui jouerait un peu avec ces éléments. Cette douceur blanche est comme la toile du couturier quand il la travaille : elle a ce mouvement qui joue avec la lumière »23. Le bâtiment semble ainsi se mouvoir avec les courants d’air, il attire la curiosité des passants en les invitant à entrer dans le monde de Dior.

House of Dior, ouverte en 2015, met en scène l’univers de la Maison sur six étages. Tout comme la boutique Louis Vuitton Island Maison, c’est Peter Marino, décorateur des boutiques Dior depuis 1994, qui a habillé l’intérieur. Il s’est inspiré de l’ambiance des ateliers de la Maison mère située à l’adresse mythique rue Montaigne, en déclinant les tons de gris et d’argenté. Le travail des matériaux est étudié : bois, laque, cuir, fourrure et tissages. Dans la boutique, un mélange de fibres de verre et de laine de verre imprégnées de résine donnent un léger relief aux murs, à la façon du cannage emblématique de la Maison. Le rez-de-chaussée est dédié aux accessoires, puis un superbe escalier conçu comme un ruban de miroirs mène à la boutique de prêt-à-porter, montres et joaillerie. Une galerie d’art est présente au quatrième étage, pour les clients amateurs d’art, ainsi que les salons privés pour les clients les plus fortunés.

Dior a voulu apporter une petite touche française au cinquième étage avec un café Pierre Hermé en terrasse, proposant des douceurs telles que ses célèbres macarons ainsi que des bonbons, des glaces, des boissons fraîches et chaudes.

23 Propos tenus après une visite aux couturières des ateliers de couture parisiens. Source : « Séoul accueille la nouvelle boutique Dior », Journal du luxe, 23.07.2015, URL : https://journalduluxe.fr/ boutique-dior-seoul/

44 Ce fIagship store vient rendre hommage au créateur, passionné d’architecture et de haute-couture, alliant à la perfection ses deux passions.

45 Boutique Hermès, RDAI, 17 rue de Sèvres, Paris Rive-Gauche, 2010

46 D) Un musée

Les marques de luxe cherchent à diffuser une image des plus élitistes, en mêlant leur magasin à une galerie, un musée, où la vitrine est une installation artistique à part entière.

En 1975, Andy Warhol disait : «Tous les grands magasins deviendront des musées et tous les musées deviendront des grands magasins»24. Derrière cette citation critique, l’artiste avait prédit que dans le futur les magasins n’allaient plus du tout être les mêmes. Le monde du luxe et celui de l’art ont toujours été proches : ils combinent esthétisme et excellence. En effet, ils sont complémentaires puisque le luxe s’inspire profondément de l’art. Les partenariats entre le luxe et l’art peuvent prendre diverses formes.

Dans certains cas, la Maison de luxe s’empare du patrimoine architectural d’un lieu pour se mettre en valeur.

Prenons la Maison Hermès : selon Denis Montel, « chaque magasin Hermès est une pièce unique, sur mesure »25. En s’implan- tant au 17 rue de Sèvres à Paris Rive Gauche dans l’ancienne piscine municipale Lutetia, Hermès vient sublimer le passé. « Chez Hermès, le point de départ du projet est le choix du local, la qualité de l’adresse. C’est la valeur patrimoniale qui prime. Hermès cherche à pérenniser un lieu et à s’inscrire dans le temps. Le choix du bâtiment est déterminant et notre démarche tend à le valoriser »26. Construite par Lucien Béguet en 1935, elle est classée monument historique en 2005. Le cahier des charges imposait la conservation de la façade sur rue, l’ancien bassin ainsi que la restitution des dorures des chapiteaux, des ferronneries des garde-corps et la restauration des mosaïques existantes au sol. Disposant d’une surface de 1 470m2, et ne pouvant pas transformer le lieu, les architectes d’intérieurs ont dû imaginer des structures réver- sibles qui n’endommagent pas le patrimoine. L’espace étant très haut, il a fallu le fractionner en créant des « boîtes dans la boîte » afin de

24 Citation tirée de son journal en 1975. 25 MONTEL Denis, architecte, Directeur Artistique et gérant de RDAI (Rena Dumas architecture intérieure). Source : SCHÖNENBERG Géraldine, « L’architecture, dernier bastion conquis par le luxe », Le Temps, 04.06.2013, URL : https://www.letemps.ch/economie/larchitecture-dernier-bas- tion-conquis-luxe 26 Idem

47 Boutique Hermès, RDAI, 17 rue de Sèvres, Paris Rive-Gauche, 2010

48 réduire le sentiment d’immensité27 et faire naître un magasin dans cet espace monumental aux murs courbes et ondulants, baigné de lumière grâce à trois verrières. La thématique du nomadisme, chère à la Maison Hermès, les a inspirés pour la réalisation des cabanes / huttes sous l’atrium. Conçues en collaboration avec les ingénieurs Bollinger et Grohmann, ces trois sculptures hautes de neuf mètres abritent les nouvelles collections mobilier de la marque. Chaque pièce autoportante est compo- sée de deux cent soixante-dix liteaux de frêne tressés d’une grande sophistication. C’est une manière pour Hermès de mettre en lumière son artisanat, à travers l’usage de matériaux nobles. L’univers de la Maison tient une large place au sein de la boutique, sublimé par cet escalier majestueux au premier plan, dont les garde- corps ont été créés avec le même bois tressé. L’espace compte aussi un fIeuriste, une librairie et un salon de thé. (voir davantage en annexes)

D’autres reprennent les codes des musées et expositions afin de mettre en lumière les produits dans des scénographies spectaculaires. Certains exposent même des uvres dans les boutiques, ce qui infIuence le consommateur, met en valeur les produits à travers la scénographie proposée et renforce le caractère unique de la marque. Dès les années 1960, Christian Dior présentait ainsi les uvres des photographes et artistes Man Ray et Marx Ernst dans ses lieux de vente.

Des marques de luxe développent des espaces entièrement dédiés à l’exposition d’oeuvres d’art. C’est notamment le cas du fIagship store de la Maison Louis Vuitton, située au 101 avenue des Champs-Élysées à Paris. Cathédrale du luxe signée Eric Carlson, cette dernière se qualifie de « haute-couture architecturale ». La boutique est placée sous le signe de l’art contemporain. C’est pourquoi le quatrième étage est entièrement consacré à l’exposition d’oeuvres. Il s’organise autour de l’exposition permanente d’artistes : on trouve les tableaux colorés de James Turrell ou encore l’écran en fibre optique du vidéaste Tim White Sobieski. Des expositions temporaires ont aussi lieu, comme par exemple « La confusion des sens » en 2009. Cela consistait à la mise en scène de huit oeuvres d’artistes, dont Olafur Eliasson28. Dans ce cadre, ce dernier a imaginé une oeuvre assez surprenante. Intitulée

27 MONTEL Denis, architecte, Directeur Artistique et gérant de RDAI (Rena Dumas architecture intérieure). Source : THOMAS Jean, « Architecture d’intérieur, Hermès - RDAI », Archistorm, URL : http://www.archistorm.com/ hermes-rdai/

28 Olafur Eliasson (1967) est un artiste contemporain danois, qui travaille sur la perception et l’expérience sensorielle.

49 Fondation Louis Vuitton, Franck Gehry, Paris, 2014

50 Votre perte des sens, elle plongeait les visiteurs dans une obscurité totale au sein de l’ascenseur. Cette expérience unique transportait chacun dans un court voyage sensoriel au coeur de la perception individuelle et la conscience de soi. Face à lui-même et avec une perte totale de ses sens et de ses repères, l’individu ne pouvait que prendre conscience de son corps et de son rapport à l’espace. Comment imaginer ce qui se passait autour de lui ? Cela impliquait à chacun de développer sa propre imagination. Ainsi, selon l’artiste, à l’arrivée, les spectateurs imprégnés de cette expérience ne pouvaient qu’apprécier les autres oeuvres exposées.

De plus, les Maisons sollicitent le monde de l’art, en se positionnant comme des acteurs, mécènes qui développent des fondations qu’on pourrait qualifier de « haute architecture » pour asseoir leur prestige29. La Fondation Louis Vuitton est certainement l’un des exemples français les plus remarquables. La Maison a choisi Frank Gehry, architecte de renommée interna- tionale, pour dessiner les plans du musée de sa Fondation, située au Jardin d’acclimatation, dans le 16e arrondissement de Paris. L’architecte a imaginé un vaisseau de verre, à l’image des prouesses architecturales de Louis Vuitton, devenues emblématiques dans le monde entier. Entre rêve et tradition, Gehry innove et surprend par la technique. Ce sont douze voiles en verre courbé au millimètre près qui habillent la structure. Erigé sur un bassin, l’édifice a été pensé comme un vaisseau posé dans un environnement naturel, entre bois et jardin, jouant de la lumière avec des jeux de transparence et des effets de miroir. Ce bâtiment unique surprend, comme dans un rêve. LVMH s’est lancé en 2006 dans le projet à destination de la création et de l’art contemporain. La fondation réunit aujourd’hui une partie de la collection privée de Bernard Arnault et des oeuvres acquises par le groupe LVMH ces dernières années. Elle s’engage à rendre l’art et la culture accessibles à tous.

29 BERTRAND Jean-Michel, DE BOISDEFFRE Marie-Aurore, RAINERO Pierre, « Le luxe et l’art sont-ils devenus indissociables ? », France Culture, 03.02. 2014

51 Épicentre Prada Aoyama, Herzog & de Meuron, Tokyo, 2003

52 La Maison Prada a inventé un nouveau concept de boutique où art et mode vont de pair : les Épicentres. Pour Miuccia Prada30, l’aspect éphémère de la mode est compensé par l’assise et la pérennité de l’art. Ce ne sont pas les marques de luxe qui se déplacent dans le monde de l’art mais l’inverse.

Le deuxième Épicentre Prada, situé dans le quartier de la mode Aoyama à Tokyo, a été conçu par les architectes suisses Herzog & de Meuron en 2003. Cette boutique prend place sur six étages. Très mystérieux, c’est un lieu d’expériences visuelles et spatiales.

Dans un premier temps, la façade, la structure et l’espace intérieur ne font qu’un. En effet, la façade s’efface, laissant place au verre, qui par transparence laisse deviner les espaces de vente ainsi que les salons. Tous les vitrages n’ont pas la même nature : certains sont transparents, réfIéchissants tandis que d’autres sont déformés. Leurs courbes convexes et concaves créent une vitrine en trois dimensions, qui depuis l’extérieur, permet de créer un focus sur les éléments importants. Les architectes disent eux même « ces différentes géométries génèrent des réfIexions facettées, ce qui permet aux observateurs, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’édifice, de voir des images qui changent constamment et une perspective quasi cinématographique des produits Prada, de la ville et d’eux-mêmes»31. Selon l’endroit où se trouve le spectateur, les vitrages créent une illusion de sorte qu’il ait l’impression que le bâtiment n’a jamais la même forme.

Les colonnes centrales verticales ainsi que les tubes horizontaux à l’intérieur renforcent l’originalité de la boutique, comme si nous étions au centre d’un organisme vivant. Des bras articulés suspendus au plafond proposent des écrans interactifs, tandis que d’autres servent de haut-parleur. L’imaginaire de chacun prend vie, s’imaginant dans différentes parties d’un organisme vivant, comme par exemple le système nerveux32.

30 Miuccia Prada (1949) est devenue l’une des créatrices de mode les plus iconiques. Elle est à la tête de Prada et Miu Miu, entreprises familiales. 31 Source : HERZOG & DE MEURON, «178 PRADA AOYAMA », URL : https://www.herzogde- meuron.com/index/ projects/complete-works/176-200/178-prada-aoyama.html 32 Source : WILLIAMS Romany, « Expérience utilisateur : Prada Aoyama Tokyo », Ssense, URL : https:// www.ssense.com/fr-fr/editorial/mode/user-experience-prada-aoya- ma-tokyo?lang=fr

53 Les espaces plus privés sont situés dans les tubes horizontaux à section rhomboïdale33. Les cabines d’essayages sont surprenantes. Le client est invité à vivre une expérience unique puisqu’elles sont placées le long de la façade, en vitrine, avec un verre plus opaque. Concernant les matériaux, Herzog & de Meuron ont fait le choix qu’ils soient artificiels (silicium, fibre de verre et résine, par exemple). En revanche, d’autres sont naturels comme le cuir, le bois ou bien la mousse.

L’intérieur, très lumineux et blanc, procure une ambiance très futuriste voire aseptisée. Tout est fait pour transporter le visiteur dans un monde à part entière. Enfin, cette expérience se termine par un tunnel en aluminium pour conclure le voyage dans ce mystérieux organisme vivant. (voir davantage en annexes)

Depuis plusieurs années, la boutique de la marque de luxe change: le showrooming34 émerge peu à peu. Ainsi, le consommateur peut venir faire un tour en boutique quand il veut et apprécier la nouvelle collection. L’ensemble des articles peut être observé et essayé, mais l’on tend vers une ère où plus rien ne peut être acheté en boutique. Il s’agit alors de commander sur place avec son smartphone ou depuis chez soi. Finalement, la démarche est similaire à celle d’un musée dans lequel le visiteur va voir une oeuvre qu’il connaît déjà.

Le fait de mettre une distance entre les produits et les clients, à l’image des visiteurs dans un musée, est tout calculé. Cela crée de l’admiration, du désir et sacralise le produit qui est exposé seul et en une seule taille. Le client se transforme en spectateur dans l’attente : il ne peut rien toucher, ne peut se servir lui-même et le vêtement lui est apporté par le vendeur avec des manières propres à la marque.

33 Forme qui s’apparente à un losange. 34 Sous ce terme se cache la contraction de showroom et shopping, se définit en marketing par « la pratique selon laquelle un consommateur réalise une démarche d’information et de découverte d’un produit sur un lieu de vente physique avant de le commander éventuel- lement en ligne immédiatement (à partir de son smartphone) ou plus tard sur Internet.» Bertrand Bathelot, professeur agrégé en marketing

54 55 56 02 - VIVRE LE LUXE À TRAVERS L’EXPÉRIENCE

57 58 La boutique de la marque de luxe est un lieu d’expériences uniques. La première expérience qui s’offre au visiteur est celle de la vitrine, qui l’attire par son aspect spectaculaire, l’invitant à rentrer. Ensuite arrive l’expérience de l’architecture qui le plonge dans un univers singulier, puis une expérience sensorielle lui procurant des émotions l’invitant à l’achat. Il est aussi sujet de la boutique du futur, lieu d’une tout autre expérience. Face à un monde de plus en plus virtualisé, à quoi ressemblera-t-elle et quel est son avenir ?

A) La vitrine, transition dans l’univers de la marque

Revenons un peu en arrière, au tout début de l’ère industrielle. La boutique prend une tout autre dimension, à la fois esthétique et fonctionnelle, grâce à une évolution architecturale et des matériaux innovants. Les marchandes sont les premières à mettre en avant depuis la rue leurs confections, c’est alors que naissent les vitrines. Cependant elles n’ont pas toujours eu l’apparence que nous connaissons aujourd’hui. En effet, dans un premier temps, ce ne sont que des petites ouvertures, laissant à peine deviner l’intérieur aux passants. Puis, à la fin du XVIIIe siècle, ces dernières se transforment en de grands vitrages offrant une vue plus large sur le luxe parisien.

Comme une parenthèse illuminée dans la rue, la vitrine crée un moment de pause sur le chemin. Que l’on doive se dépêcher ou non, elles attirent le regard par leur lumière. Il faut prendre le temps de les contempler. Elles embellissent les rues, les rendant plus joyeuses et poétiques.

La vitrine est un espace à part. Avec son caractère hybride, elle ne fait ni partie du magasin, ni partie de la rue. Entre intérieur et extérieur, la vitrine crée une transition entre l’espace public et privé. Elle marque un seuil.

« Si les yeux sont les fenêtres de l’âme, les vitrines révèlent l’âme d’un magasin. Elles communiquent ce qui fait son essence même par l’intermédiaire d’une présentation impassible, qui reste la même longtemps après l’heure de fermeture et le départ du dernier client »35. A l’image de cette citation, la vitrine a une place importante puisque

35 PORTAS Mary, Vitrines : Stratégies de la séduction, Londres, Edition Thames & Hudson, 2000

59 Vitrine Hermès, printemps-été 1995, Leïla Menchari, 24 rue du Faubourg Saint-Honoré, Paris Sculpture de Christian Renonciat

60 c’est le lieu d’exposition du lieu de vente, le lieu d’expression de la marque. Bien évidemment, c’est la première chose que va voir le client. C’est pourquoi la scénographie des vitrines est de plus en plus spectaculaire et exceptionnelle. Rien ne doit être laissé au hasard et tout est parfaitement calculé : à vingt mètres elle est censée accrocher le regard du passant, à cinq mètres, l’attirer grâce à sa mise en scène, enfin à un mètre elle doit le convaincre d’entrer dans la boutique.36

Prenons le cas de la Maison Hermès. Antoine Platteau, l’homme qui se cache derrière les vitrines du vingt-quatre Faubourg, explique que tout est orchestré. Elles sont renouvelées quatre fois par an, en accord avec les saisons. Tous les trois mois, le scénario est le même : quinze jours sont destinés à la réfIexion et à l’écriture du propos à l’aide de moodboards et collages, comme un carnet de voyage. Les quinze jours suivants sont prévus pour faire une étude rapide et développer les dessins, et enfin le mois qui suit sert à concevoir les produits, les décors et le mobilier. La particularité de la Maison est qu’ils conçoivent des produits sur-mesure, en accord avec le thème annuel choisi, qui ne se vendent pas, destinés uniquement aux vitrines37.

À travers l’exemple de la Maison mère du vingt-quatre Faubourg, Antoine Platteau confie que quasiment la totalité des boutiques de la marque sont en angle. Un choix stratégique car cela permet de faire rentrer davantage de lumière dans le magasin. La boutique dispose de douze petites vitrines à composer et d’une vitrine d’angle, « la double page du livre » qui se lit de part et d’autre, comme une vitrine à deux points de vue38.

Qu’elle soit amusante, poétique ou bien inattendue, la vitrine raconte une histoire. Elle se présente comme une petite scène de théâtre avec différents plans : le fond, le lointain, les côtés cour et jardin. Les articles, comme les acteurs principaux et les figurants sont mis en

36 DE GALARD Prune, Vitrines - Interface de la société de consommation, Mémoire de fin d’études, Ecole Camondo, dirigé par Anne Bony, 2016 37 PLATTEAU Antoine, directeur décoration des vitrines du magasin Hermès du Faubourg Saint-Honoré Source : HERMÈS, Le Monde d’Hermès - About a dream, Episode 2 : Antoine Platteau, l’homme derrière les vitrines, 12.02.2019, Spotify

38 Idem

61 Vitrine Hermès, printemps-été 2005, Leïla Menchari, 24 rue du Faubourg Saint-Honoré, Paris

62 scène tels des écrins dans des décors spectaculaires39. Les lumières accentuent le spectacle pour émerveiller les passants qui s’agitent dans la rue, tandis que d’autres, charmés, franchissent le seuil de la porte. Les voilà plongés dans cet héritage qui se transmet depuis des générations. Il faut marquer les esprits, surprendre pour éveiller un souvenir chez le spectateur, mais aussi amuser. C’est ce dont témoigne le directeur décoration des vitrines Hermès40 : Mon travail est de, je pense, faire des décors qui fassent rêver.

Il ne s’agit pas de montrer des objets dans des vitrines, il s’agit de mettre en scène ces objets afin que ces petites mises en scène fassent rêver sur la Maison. Il s’agit de montrer tel sac ou tel objet comme un univers complet dans un décor qui nous permette de faire rêver cette maison dans son histoire, dans son actualité, dans son sens illimité de la précision, de l’excellence.

Même si le visiteur ne rentre pas dans la boutique ou ne fait pas d’achat, il pourra tout de même se souvenir de tel ou tel décor, de telle Maison, car elle aura su marquer son esprit. Si la magie opère, à travers son imaginaire, il saura raconter l’histoire dont il s’est imprégné, ce qu’il en a retenu. Pour cela, les vitrines doivent s’adresser aux gens de tous âges, même aux enfants. Leur petites tailles leur permettent de voir des choses plus basses, proches de lui. Il perçoit des choses différentes par rapport à un adulte, qui a une vision plus générale. L’adulte va chercher ce qui l’intéresse, ce qui l’attire alors que l’enfant balaye son regard41.

« Ce pseudo-lieu sacré (...) où la marchandise est célébrée, tel un objet de culte, incite à une dévotion béate »42. Comme le disait si bien Heinrich Heine en 1828, la vitrine est séparée du spectateur par une paroi de verre, qui lui donne davantage d’importance et permet de sacraliser les produits. Il est impossible de toucher, ce qui laisse une part d’inaccessible, mais n’empêche pas pour autant de dévorer du

39 Propos de Antoine Platteau, directeur décoration des vitrines du magasin Hermès du Faubourg Saint-Honoré Source : HERMÈS, Le Monde d’Hermès - About a dream, Episode 2 : Antoine Platteau, l’homme derrière les vitrines, 12.02.2019, Spotify 40 Idem 41 Idem 42 Heinrich Heine (1797-1856) est un écrivain allemand du XIXe siècle. Citation de 1828. Source : DE BOISSIEU Elodie, MILLERET Guénolée, Les vitrines du luxe, Une histoire culturelle du commerce haut de gamme et des ses espaces de vente, Paris, Eyrolles, 2016

63 Vitrine Hermès Ginza, Tokujin Yoshioka, Tokyo, 2009

64 regard ce qui se trouve sous nos yeux, dans un jeu de séduction. La vitrine fait elle aussi référence au musée. Éphémère, elle peut être vue comme une exposition dans la rue.

Enfin, nous ne pouvons pas parler des vitrines d’Hermès sans évoquer l’illustre Leïla Menchari43. Décoratrice des vitrines Hermès pendant près de quarante ans, elle a apporté La touche orientale propre à ses origines comme des couleurs fauves et des matières précieuses44. Pour sublimer ces petits décors de théâtre, Leïla Menchari, conteuse de rêves, racontait des histoires aux passants avec toujours beaucoup d’onirisme. Dans une interview pour France Info, elle explique : « quand on fait un décor, il faut qu’il y ait toujours du mystère, car le mystère est un tremplin pour le rêve. Le mystère incite à combler ce qui n’est pas révélé par l’imagination »45.

Pour la Maison Hermès, les vitrines sont précieuses car elles délivrent une part de modernité vis-à-vis d’une marque qui refIète l’image d’un patrimoine historique46. Il s’agit d’une manière de s’exprimer, s’amuser, faire rêver et laisser place à l’imagination, comme l’expliquent si bien Leïla Menchari et Antoine Platteau. Hermès crée un spectacle, un théâtre des émotions, souvent avec dérision tout en gardant à l’idée ses origines : le métier de sellier-harnacheur que la Maison met en lumière dans ses vitrines. Avec un jeu de tradition et d’innovation, la marque use de créativité pour se démarquer parmi les vitrines du monde entier.

L’artiste japonais Tokujin Yoshioka s’est ainsi emparé des vitrines de la Maison Hermès dans le quartier de Ginza à Tokyo pour apporter un nouveau souffIe à la marque. À travers cette scénographie minimaliste et poétique, l’usage astucieux des nouvelles technologies montre qu’Hermès est toujours au goût du jour. L’artiste a joué entre le virtuel et le réel mettant en scène la vidéo d’une actrice japonaise souffIant sur l’incontournable carré de soie, qui se met à prendre vie. Cette vitrine interactive étonnante met en exergue les sens des spectateurs, leur procurant émotion et sensibilité.

43 Leïla Menchari (1927-2020), d’origine tunisienne a d’abord été styliste puis s’est imposée comme la Directrice Artistique et décoratrice des vitrines Hermès de 1978 à 2015.

44 Source : « Leïla Menchari, la conteuse de rêves des vitrines Hermès, est morte à 93 ans », France info Culture, 06.04.2020, URL : https://www.francetvinfo.fr/culture/mode/leila-men- chari-la-conteuse-de-reves-des-vitrines-hermes-est- morte-a-93-ans_3902081.html

45 Idem

46 Source : DE GALARD Prune, Vitrines - Interface de la société de consommation, Mémoire de fin d’études, Ecole Camondo, dirigé par Anne Bony, 2016

65 B) La boutique comme expérience multi-sensorielle

À l’heure actuelle, le luxe ne se définit plus seulement à travers un produit, il se manifeste davantage dans l’expérience qui l’accompagne. Pour donner une singularité locale à chaque boutique, les marques travaillent sur des concepts uniques. Par exemple, parmi les trois cent onze magasins Hermès dans le monde, aucun ne se ressemble puisque l’une des essences principale de la Maison est le sur- mesure. Certains éléments décoratifs provenant de la Maison mère du 24 Faubourg, comme la grille décorative qui orne le plafond ou la mosaïque au sol s’apparentant à un méandre grec47, sont déclinés pour créer une harmonie. La couleur peut varier en fonction des boutiques. De la même façon, il n’existe pas deux vitrines identiques dans le monde, faisant écho à la singularité de chaque magasin.

De plus, l’acte d’achat des produits de luxe tend à devenir une expérience sociale, culturelle, humaine, relationnelle, et matérielle48. En effet, depuis les années 1980, le luxe se veut de plus en plus accessible et se rapproche davantage d’une dimension lifestyle qui est vécue au quotidien. Les boutiques doivent surprendre, séduire, elles se transforment en lieux d’expériences.

Devenues des lieux de vie et de partage, il est désormais possible de prendre un café dans la boutique Yves Saint Laurent à Paris, faire ses courses dans la supérette éphémère Cartier à Tokyo ou encore vivre un séjour dans le Palazzo de Fendi à Rome. Conçu par l’architecte Marco Costanzi, il s’agit d’une immersion totale et extraordinaire au coeur de la Maison. Le bâtiment comprend un fIagship store, un hôtel, un restaurant, l’essentiel du mobilier étant dessiné sur-mesure par Fendi Casa.

Peter Marino, architecte d’intérieur, explique : « Même si je ne remets pas en question l’intérêt de la publicité pour installer l’image d’une maison, il n’y a rien de plus puissant que l’expérience de l’architecture. En entrant dans un magasin, on voit, on entend, on respire l’univers de la marque. Le message est beaucoup plus fort car il est perçu physiquement. Et il va s’inscrire dans l’inconscient comme une

47 MONTEL Denis, architecte, Directeur Artistique et gérant de RDAI (Rena Dumas architecture intérieure). Source : THOMAS Jean, « Architecture d’intérieur, Hermès - RDAI », Archistorm, URL : http://www.archistorm.com/ hermes-rdai/ 48 JAUSSAUD Julie, Boutique de luxe - Espace hybride, Mémoire de fin d’études, Ecole Camondo, dirigé par Fabien Petiot, 2018

66 image subliminale. Pour longtemps »49. De ce fait, comme le dit si bien Peter Marino, la première expérience qui s’offre au client est celle de l’architecture. Après la vitrine, c’est dans l’espace intérieur que tout se joue, que la magie opère. De ce fait, les nouvelles boutiques sont conçues et scénarisées de manière à ce que le client s’approprie l’espace rapidement.

Le visiteur est non plus spectateur mais devient acteur de sa propre expérience, il crée sa propre histoire. Il va être attiré par des éléments qui lui parlent et qui attirent sa curiosité. Les cinq sens sont mis en exergue pour brouiller la perception de l’espace, projeter le client dans un univers rêvé et fantasmé, lui procurer un voyage sensoriel et ainsi lui donner l’envie de consommer. C’est en cela que le design sensoriel50 est une notion fondamentale pour séduire le client.

La stimulation des sens provoque des émotions, du bien-être et de la nostalgie. L’expérience devient créatrice de souvenir. Chacun se souvient de la première fois où il est entré dans une boutique de luxe – j’ai moi-même en mémoire ma première expérience chez Hermès. J’ai mis un certain temps avant de me décider à entrer, en faisant plusieurs fois le tour de la vitrine. J’étais assez intimidée, avec la peur de ne pas être « assez bien habillée ». Pourtant, une fois le seuil de la porte franchi, je me suis sentie mieux, comme plongée dans une ambiance familière et envoûtante. Une vendeuse m’a accueillie et m’a emmenée dans un salon plus intimiste. Sur le chemin, j’essayais d’être attentive au moindre détail pour ne pas perdre une miette de l’expérience que j’étais en train de vivre. J’ai été impressionnée par la rigueur de la scénographie, la précision des détails et la qualité des matériaux, que ce soit du bois, du lin, du cuir et bien sûr, la fameuse mosaïque emblématique d’Hermès. Bien assise sur un joli fauteuil en bois, la vendeuse m’a conseillée sur le bijou par lequel j’étais intéressée, en essayant d’en savoir davantage sur mes goûts, si je préférais plutôt tel ou tel matériau, plus ou moins fin, tout en mettant en valeur le produit. Cette expérience m’a marquée. Depuis, j’ai pu en vivre d’autres, tout autant uniques les unes que les autres. Néanmoins, celle-ci restera davantage gravée dans ma mémoire.

49 Source : BARBERY-COULON Lili, « Trois questions à ... Peter Marino », Le Monde, 29.11.2013, URL : https:// www.lemonde.fr/m-actu/article/2013/11/29/trois-questions-a-peter-mari- no_3521835_4497186.html 50 Le design sensoriel est la prise en compte des sens dans la création d’une expérience. Il qualifie le ressenti de l’utilisateur et agit directement sur la perception et la qualité de l’offre.

67 L’expérience de l’espace permet de découvrir la matière, de sentir, de toucher, d’assister à des démonstrations. Les sens deviennent une nouvelle signature de la marque : qu’elle soit visuelle, olfactive, auditive, tactile, ou encore gustative.

68 Room for one color, Olafur Eliasson, Moderna Museet, Stockolm, 2015

69 Room for one color, Olafur Eliasson, Moderna Museet, Stockolm, 2015

70 UNE EXPÉRIENCE VISUELLE

La vue est le sens le plus sollicité par les Maisons. Elle est stimulée tout d’abord avec la vitrine, puis tout au long du parcours à l’intérieur de la boutique. Les effets visuels liés à l’ambiance de la boutique, comme la couleur, la lumière et la texture, permettent de démarquer, d’associer, d’attirer et de mettre en valeur. D’une part, la couleur infIue sur l’humeur du spectateur ou bien sur ses émotions. Des couleurs trop froides vont donner un côté austère, paraître moins accueillantes que des couleurs plus chaudes qui vont procurer un sentiment de chaleur ou de bienveillance. La couleur permet aussi de créer des effets d’optiques afin de donner de la perspective ou de la profondeur. La lumière joue un rôle très important pour donner envie de rentrer dans l’espace ou encore mettre en valeur les produits. Une lumière chaude est bien plus séduisante qu’une lumière trop blanche. De plus, alterner les zones d’ombres et de lumière permet de recentrer le regard sur ce qui est essentiel. Enfin, les textures brillantes ou lisses renvoient davantage de lumière que les textures mates qui ont tendance à l’absorber. Le choix des formes utilisées tout comme la répartition des produits dans l’espace ont aussi toute leur importance, pour éviter la saturation. L’usage du digital quant à lui aide les Maisons raconter leur histoire et partager leur savoir-faire. Des moyens sont déployés, comme la réalité virtuelle51 qui permet d’assister aux défilés Dior ou de décou- vrir les ateliers Hermès52, mais encore la réalité augmentée ou les hologrammes. Nous y reviendrons dans la partie sur la boutique de demain.

Il me semblait intéressant avant de développer les autres expériences sensorielles d’évoquer l’oeuvre monochrome Room for One Colour conçue en 1997 par l’artiste danois Olafur Eliasson. Une pièce entièrement blanche éclairée par des lampes monofré- quences placées au plafond baignent la pièce dans une lumière jaune. Ainsi la large palette de couleur que notre oeil perçoit sous une lumière blanche n’est plus du tout la même avec une lumière jaune. Seules des nuances de jaune et de noir se détachent, comme si toutes les autres couleurs avaient été absorbées. Le spectateur, sorti de sa zone de confort, se retrouve au coeur d’une expérience inhabituelle. Il voit le

51 La réalité virtuelle (de l’anglais virtual reality ou VR) est une technologie permettant de plonger une personne dans un monde artificiel créé numériquement. 52 Source : « Marketing sensoriel : la force des marques de luxe », Les têtes de pub, URL : https://lestetesdepub.com/ marketing-sensoriel-marque-luxe/

71 We stopped just here at the time, Ernesto Neto, Centre Georges Pompidou, Paris, 2002

72 monde d’une manière différente et cette illusion d’optique l’amène à voir davantage de détails. Est-ce le fait que la gamme spectrale soit réduite qui procure cette sensation ? En outre, transposer cette expérience dans une boutique d’une marque de luxe serait-il intéressant pour procurer une expérience nouvelle au visiteur, troubler sa perception pour développer de nouvelles sensations ou enfin attirer son attention sur les détails ?

UNE EXPÉRIENCE OLFACTIVE

Les Maisons de luxe font souvent le choix d’un parfum d’ambiance pour leurs boutiques. En sollicitant l’odorat, elles offrent aux consom- mateurs une expérience singulière liée aux émotions, en les replongeant dans des histoires et leur procurant du bien-être. En d’autres termes, un souvenir olfactif peut rester plusieurs années contrairement à un souvenir visuel qui ne reste que quelques mois. Une odeur particulière peut infIuencer un comportement, invitant le client à passer davantage de temps dans la boutique. C’est un important atout pour la Maison qui grâce à sa signature olfactive va permettre au consommateur de mémoriser leur univers.53

Dans l’art, l’odorat et le goût sont les sens les moins travaillés, attirant la curiosité d’un bon nombre d’artistes tels Ernesto Neto, artiste contemporain brésilien. Celui-ci travaille notamment sur des oeuvres procurant des expériences multi-sensorielles au visiteur. We stopped just here at the time a été exposée en 2002 au Centre Georges Pompidou à Paris. Cette structure transparente en lycra accrochée au plafond est remplie d’épices créant des formes organiques. Le spectateur est libre de déambuler à travers l’oeuvre, s’enivrant des odeurs naturelles du clou de girofIe, cumin, curcuma ou bien du poivre. Utilisant la vue et l’odorat, l’oeuvre aux couleurs chaleureuses est appréhendée différemment par chacun. En effet, chaque odeur renvoie à des souvenirs très personnels, des émotions ou des personnes. Chacun a un ressenti différent de cette expérience, à l’image de celle vécue dans une boutique d’une marque de luxe, livrant un moment unique.

53 Source: LABAT Charlène, Design sensoriel & image de marque - Au sein de l’univers singulier des boutiques de luxe, Mémoire de Master I, Université de Toulouse II - Jean Jaurès, IUP Arts Appliqués Couleur Image Design de Montauban, dirigé par Sophie Lecole, 2014

73 Restaurant Dior des Lices, jardin de la boutique Dior, Saint-Tropez

74 UNE EXPÉRIENCE AUDITIVE

L’ouïe est tout aussi importante : « La présence de sons, et plus généralement de musique, fait vendre »54. De ce fait, les boutiques réfIéchissent de manière pointilleuse à l’ambiance sonore qu’elles veulent proposer. Les playlists de musique composées spécialement pour les marques donnent un ton, plongeant le visiteur dans une ambiance singulière tout en pouvant lui procurer du bien-être ou de la détente. Les effets sonores peuvent aussi être utilisés de façon à orienter le client.

En tant qu’exemple, Simon Cacheux, scénographe sonore chez Hermès Chine explique sa démarche pour l’inauguration d’une boutique, avec une composition sonore pour plusieurs mois :

La ligne directrice donnée par la maison Hermès était le cuir et les métiers afférents, le côté artisanal et savoir-faire ancestral. Du coup, nous avons décidé d’accompagner à fond cette image du cuir en faisant entendre ce que cela impliquait : manipula- tion, textures des matières, outils, ... Dans l’esprit d’une pratique séculaire, nous en avons profité pour proposer la création d’une sorte de sonothèque des sons propres à Hermès, comme une archive sonore de leurs savoir-faire et de leurs produits. Nous avons enregistré une grande quantité de produits manipulés, de fermoirs, fermetures, etc. qui ont ensuite servi de base à la composition. Il y a ensuite beaucoup d’instrumentation tradi- tionnelle, mais comme il s’agissait de la Chine, donc un terrain marchand nouveau, nous avons voulu intégrer des éléments modernes avec une instrumentation électronique.

UNE EXPÉRIENCE GUSTATIVE

Le goût est tout aussi important dans l’expérience sensorielle. Les Maisons de luxe offrent à boire ou à manger, comme du café, des macarons ou même du champagne. Des restaurants également voient le jour : par exemple Dior des Lices, à Saint-Tropez, s’installe tous les étés au milieu des jardins de la belle bâtisse du XVIIIe siècle qui abrite la boutique. Dior s’est doté des talents culinaires du chef trois-étoiles Yannick Alléno55 pour proposer des mets allant du petit-déjeuner au dîner, afin de prolonger l’expérience sensorielle du client.

54 CACHEUX Simon, scénographe sonore chez Hermès Chine.

55 Yannick Alléno (1968) est un chef trois-étoile français donnant ses lettres de noblesse à la cuisine moderne.

75 UNE EXPÉRIENCE TACTILE

Enfin, l’aspect tactile est tout aussi bien traité au travers de l’architecture. Les différents jeux de matières et textures employées procurent des sensations différentes. Par exemple, le bois, râpeux, granuleux ne donnera pas la même sensation que le métal qui est plutôt lisse et froid comme le verre. Visuellement le bois fait plus chaleureux, traditionnel, tandis que le métal fait plus moderne, futuriste. Certaines marques sollicitent le toucher, en faisant franchir aux visiteurs des portes, rideaux, voiles, séparations dans le parcours de la boutique, afin qu’ils s’imprègnent mieux de l’espace.

Avec des vitrines époustoufIantes et des boutiques qui se transforment en musées, les marques de luxe attirent tout autant les consommateurs qu’un public qui n’achète pas. En effet, ces derniers sont séduits par le fait de vivre une expérience unique en boutique, passer un bon moment ou déambuler au milieu des oeuvres d’artistes du monde entier, sans pour autant consommer la marque. C’est d’ailleurs sûrement une des raisons pour laquelle les marques font appel à l’art. Abordant un plus large public, les Maisons s’assurent une visibilité et un prestige, au-delà du domaine de la mode.

Le cas des vitrines Hermès va en quelque sorte dans ce sens. Les produits qui sont proposés en vitrine sont faits sur-mesure et ne se vendent donc pas. Le visiteur est attiré non pas par ce qu’il va pouvoir trouver à l’intérieur de la boutique, mais plutôt par un imaginaire qui va le faire rêver, l’invitant à franchir le seuil de la porte.

Enfin, si l’expérience vécue au sein du magasin, autrement dit l’expérience client56, est agréable et que le visiteur est charmé, il en gardera un bon souvenir et reviendra sûrement. Par ailleurs, certaines de ces Maisons ont fini par se faire un nom parmi les amateurs d’art, au-delà de leur histoire première.

56 Elle regroupe l’ensemble des émotions et sentiments ressentis chez une personne. Elle définit la qualité du dialogue que souhaite développer une marque avec ses différents publics.

76 C) La boutique de demain, une expérience inédite

Depuis les années 2000, les lieux de vente se métamorphosent. Auparavant physiques, ils ne sont plus l’unique point de destination du client57. Après avoir été en symbiose avec l’art, le luxe entre en osmose avec l’innovation technologique, pour rapprocher le client des produits de la marque58. Pour les Maisons de luxe, le défi est autant géographique que digital. Elles multiplient leurs points de contact grâce au digital et proposent de nouveaux services sur les sites internet et réseaux sociaux.

Les jeunes générations, plus communément les millénials, considérés comme les nouveaux acteurs du luxe, arrivent. Epris de l’e-commerce59, ils sont tout autant friands d’une nouvelle expérience, unique en magasin. Autonomes, ils deviennent de vrais acteurs singuliers de la consommation et achètent ce qu’ils veulent, quand ils veulent et là où ils le veulent. Comme l’explique Bain & Co, cabinet de conseil en stratégie, « d’ici 2020, le marché mondial du luxe pourrait atteindre 280 à 290 milliards d’euros. Cette progression sera portée en grande partie par les générations avenir, ces deux groupes représenteront 45% du marché mondial du luxe en 2025»60.

Face à cette croissance incroyable, les enseignes doivent repenser leur matière d’accroche, notamment dans leurs lieux de vente.

Connecté, digitalisé, augmenté, le point de vente de la marque de luxe du futur procure à ses clients une expérience omnicanale, distinctive et ultra-personnalisée. Transposer l’expérience multi-sensorielle est assez compliqué : il est impossible de tester, sentir ou toucher. Cependant, cela reste quand même possible grâce à de nouveaux procédés qui permettent d’autres expériences inédites afin de rendre les boutiques vivantes. L’immersion peut se faire grâce à l’utilisation du digital, qui devient une expérience à vivre quand on veut et où on le veut. Par exemple, depuis chez soi, il est possible de se rendre sur le blog Chanel News

57 CHEVALIER Michel, GUTSATZ Michel, Luxe et retail à l’ère du digital, Paris, 2e édition, Dunod, 2019

58 JAUSSAUD Julie, Boutique de luxe - Espace hybride, Mémoire de fin d’études, Ecole Camondo, dirigé par Fabien Petiot, 2018

59 Commerce électronique. Il regroupe l’ensemble des transactions commerciales s’opérant à distance par le biais d’interfaces électroniques et digitales.

60 SCHÖNENBERG Géraldine, « L’architecture, dernier bastion conquis par le luxe », Le Temps, 04.06. 2013, URL : https://www.letemps.ch/economie/larchitecture-dernier-bas- tion-conquis-luxe

77 Minority Report, film de Steven Spielberg, Science fiction, 2002

78 où la Maison dévoile ses coulisses. Dans la rubrique Savoir-faire sont rassemblées des vidéos sur le travail dans les ateliers tandis que dans la rubrique Making of se dévoilent les coulisses des défilés, des séances de prises de vue ou les tournages des campagnes de publicité. La marque a aussi créé Inside Chanel, une série de films de quelques minutes qui révèlent des petites histoires sur la Maison. Actuellement, les chapitres sont au nombre de trente et nous pouvons retrouver des sujets tels que le parfum emblématique n°5, l’histoire de Gabrielle Chanel, les couleurs de Chanel ou encore le temps de Chanel.

Parlons davantage de ces technologies. La réalité augmentée61 est de plus en plus utilisée par les marques. Elle permet de vivre une immersion à travers un moment inoubliable comme lors du Saut Hermès, où il était possible de se voir dans la peau d’un cavalier concourant les épreuves. Dior en a fait une tout autre utilisation, en lançant sa sneaker B27 en réalité augmentée avec le réseau social Snapchat, à l’occasion de la présentation de son nouveau modèle de sneaker. C’est Kim Jones, directeur artistique des collections Homme de la Maison qui s’est lancé le défi. Cette lens62 dédiée permet d’essayer au travers du virtuel six déclinaisons de la chaussure. Comme le fait remarquer Geoffrey Perez, Head of Luxury de Snapchat, « la réalité augmentée et les essais virtuels façonnent l’expérience utilisateur et l’avenir du commerce social »63.

Quant aux hologrammes64, ils commencent peu à peu à se dévelop- per et pourraient dans le futur remplacer le personnel qui accueille les clients dans les boutiques. C’est exactement ce qu’il se produit dans le film Minority Report65 de Steven Spielberg dans lequel Tom Cruise, entrant dans un magasin GAP, se fait accueillir par un hologramme de femme qui l’identifie en tant que client.

61 Elle renvoie à une technologie informatique qui simule la présence physique d’un utilisateur dans un environnement artificiellement généré par des logiciels, avec lequel l’utilisateur peut interagir.

62 Filtre en réalité augmentée.

63 Propos tenus dans un communiqué. Source : « Dior lance sa sneaker B27 en réalité augmentée avec Snapchat », Journal du luxe, 02.11.2020, URL : https:// journalduluxe.fr/dior-sneaker-b27-snapchat/w

64 Cliché photographique transparent ayant enregistré un phénomène de diffraction de la lumière au contact d’un objet à trois dimensions. Illuminé sous un certain angle par un faisceau de lumière, il restitue une image en relief de l’objet photographié.

65 SPIELBERG Steven, Minority report, Science-fiction, 2h25min, 2002

79 Boutique Burburry, Londres, 2013

80 Boutique Burburry, Londres, 2013

81 La Maison Burberry a décidé de pousser les frontières de l’innovation, entre grandiose et virtuel. En effet, sa boutique située au 121 Regent Street à Londres, ouverte en 2013, propose une fusion de l’expérience physique et digitale : « la juxtaposition de l’artisanat et de l’innovation est conçue pour ravir, surprendre et divertir »66. Cette boutique intelligente de 4000 m2 dans un bâtiment des années 1820, conçue comme une réplique du site, utilise un grand nombre de nouvelles technologies. La reconnaissance faciale et vocale permet d’identifier immédiatement le client lors de son arrivée et d’activer des vidéos exclusives en lien avec ses habitudes de consommation pour personnaliser son parcours67. Un mobilier interactif original est pensé comme des écrans géants qui diffusent des concerts et défilés en direct, des miroirs qui se transforment en écrans digitaux et qui mettent en scène l’essayage de vêtements choisis par le client. Des vitrines interactives s’animent, tandis que des tablettes numériques sont disponibles pour proposer du contenu exclusif.

De plus, il est nécessaire de dire que nous allons vers une idéalisation du passage en caisse. En effet, le paiement ne se fait plus au milieu du magasin, aux yeux de tous. Le personnel amène le client dans un salon privé avec un terminal mobile. Cela relie l’argument que les boutiques s’apparentent désormais à de véritables musées, dans lequel le paiement n’est pas visible.

Concernant la place et l’impact de ces nouvelles technologies, cela induit une dématérialisation de la vente. Aujourd’hui, les Maisons de luxe, en parallèle de leur réseau de boutiques physiques, doivent avoir un support internet de vente en ligne afin de s’adapter aux nouveaux enjeux : « le site internet est la première vitrine de la marque et c’est là où se joue la compétition aujourd’hui »68. En effet, concernant le commerce de détail, 60% de la croissance des ventes de luxe proviendront du e-commerce d’ici 202369. Hermès a été le pionnier de l’e-commerce, en ouvrant en 2002 le tout premier site marchand de produits de luxe. Cependant la Maison ne propose qu’une sélection réduite de ses produits : les plus accessibles, alors que les plus prestigieux ne sont disponibles qu’en magasin.

66 BAILEY Christopher, directeur artistique de la création chez la Maison Burberry. 67 JAUSSAUD Julie, Boutique de luxe - Espace hybride, Mémoire de fin d’études, Ecole Camondo, dirigé par Fabien Petiot, 2018 68 FOUCAUD Henri, cofondateur d’Hapticmedia, société de configurateur 3D de produits.

69 Prévisions de Forrester Analytics.

82 Les marques misent beaucoup sur ces sites où la communication est ultra esthétique, avec des visuels très étudiés, imaginatifs et des mises en scène surprenantes qui subliment le produit. De plus, l’interface digitale de l’e-shop propose davantage d’informations sur le produit, sa conception et sa fabrication. Des interactions dynamiques sont envisageables avec le client grâce à l’intelligence artificielle.

En temps d’épidémie mondiale, les Maisons ont dû faire face à de nouveaux défis, ne pouvant plus ouvrir leur points de vente pendant un certain temps. Dior, pour rebondir, a créé une boutique virtuelle70 que l’on parcourt depuis chez soi. Il est possible de se balader, grâce à sa souris, dans la boutique des Champs-Elysées, comme si nous y étions. Tout en progressant, nous pouvons cliquer sur le produit qui nous intéresse, s’affichent alors des informations complémentaires. Il ne reste plus qu’à l’ajouter au panier pour le recevoir quelques jours plus tard chez soi.

Pour aller plus loin, comme les réseaux sociaux représentent la plateforme la plus infIuente par leur consultation quotidienne et leur facilité d’accès, les Maisons se les approprient. En outre, les applications mobiles se développent, proposant un contenu numérique singulier, se rapprochant de celui des réseaux sociaux : contenu storytelling, manuel d’utilisation, savoir-faire, animations et des promotions ou encore collaborations et événements.

Avec ces nouvelles technologies, le client passe de l’un à l’autre comme il le veut. Pour certains, le biais d’internet permet de repérer et consulter le produit, voire de le réserver. Ils privilégient le fait de vivre une expérience multi-sensorielle unique grâce à la boutique et sa vitrine qui transmettent chaleureusement l’univers de la Maison. Contrairement à d’autres pour qui la boutique n’est qu’une vitrine : il voient, touchent, essayent mais n’achètent pas. Internet se transforme donc en lieu de vente tandis que la boutique physique devient un lieu de voyage.

70 Dior Virtual store, URL : https://virtualstore.dior.com/champs-elysees/#/fr-fr/spring20-12

83 84 CONCLUSION

85 86 Depuis les années 2000, les Maisons de luxe sont dans une quête interminable de celle qui aura la boutique la plus grande, la plus belle ou la plus extraordinaire, avec la précieuse aide des plus grands architectes et designers de la planète. Ainsi, la boutique de la marque de luxe prend une toute nouvelle dimension. Des écrins majestueux s’érigent à l’image de la marque et les magasins se transforment en de véritables musées. Les vitrines séduisantes deviennent bien plus qu’un espace de transition entre la rue et la boutique. Elles s’apparentent à un théâtre mettant en scène des histoires pour faire voyager, fantasmer, rêver et attirer le visiteur. Elles créent des émotions qui vont s’inscrire dans sa mémoire. Le spectacle se prolonge dès l’entrée dans la boutique avec des mises en scènes de plus en plus spectaculaires, où les produits deviennent sacrés, tels des oeuvres d’art dans un musée. En effet, la boutique contemporaine n’est plus seulement pensée pour vendre de beaux produits, transmettant le savoir-faire d’artisans. Elle devient un lieu d’expériences, un lieu de vie. L’architecture au service des cinq sens permet à chacun de vivre une expérience unique au regard de ses émotions.

Avec le temps, la boutique ne se transformerait-elle pas en véritable galerie d’art, où les artistes pourraient exposer dans un lieu qui soit différent d’un musée ou d’une fondation ?

Est-ce que le magasin physique ne serait-il plus qu’une vitrine de la marque où l’on vient vivre un voyage à travers une expérience, et où l’on consomme via internet ? Etant donné que de nombreux visiteurs de boutique de la marque de luxe n’achètent pas, l’expérience vécue ne deviendrait-elle pas tout aussi importante que la vente ?

Enfin, depuis quelques années, la question de la boutique du futur se pose. Avec l’apogée des nouvelles technologies et de l’internet, le rapport à la boutique évolue. Des moyens sont mis en place pour procurer de nouvelles expériences personnalisées, entre réel et virtuel. Cependant, quel est son avenir ?

Avec une première approche digitale du consommateur qui connaît déjà ses envies, comment les architectes doivent-ils penser le parcours dans la boutique pour l’inviter à rester plus longtemps à l’intérieur ?

87 88 89 90 ANNEXES

91 architectural dans le style art-déco. Hermès a voulu respecter et conserver l'architecture de la piscine qui un fort caractère Coupe transversale, Boutique Hermès, RDAI, 17 rue de Sèvres, Paris Rive-Gauche, 2010

92 Illustration de Martin Veyron L'artiste a imaginé ce à quoi pourrait ressembler l'arrivée d'Hermès dans l'ancienne piscine municipale Lutetia.

93 Façade de l'Épicentre Prada Aoyama, Herzog & de Meuron, Tokyo, 2003

94 Coupe de l'aménagement intérieur de l'Épicentre Prada Aoyama, Herzog & de Meuron, Tokyo, 2003

95 96 BIBLIOGRAPHIE

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- BRIOT Eugénie, DE LASSUS Christel, Marketing du luxe, stratégies innovantes nouvelles pratiques, Cormelles-le-Royal, EMS Management & Société, 2014

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- CASTARÈDE Jean, Que sais-je ? Le Luxe (1992), Paris, 8e édition, Presses Universitaires de France, 2014

- CHEVALIER Michel, GUTSATZ Michel, Luxe et retail à l’ère du digital, Paris, 2e édition, Dunod, 2019

- CHEVALIER Michel, MAZZALOVO Gérald, Management et marketing du luxe, Paris, 3e édition, Dunod, 2015

- COX Caroline, Le Luxe en héritage, Secrets d’ateliers des grandes maisons, Paris, Dunod, 2014

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- BUFFARD Cécile, « Enquête Marché du luxe, les défis de 2020 (et au delà)», in Points de vente, n°1261, Paris, 17.02.2020, p. 9-25

Podcasts :

- BERTRAND Jean-Michel, DE BOISDEFFRE Marie-Aurore, RAINERO Pierre, « Le luxe et l’art sont-ils devenus indissociables ? », France Culture, 03.02. 2014 (écouté le 23.09.2020)

- HERMÈS, Le Monde d’Hermès - About a dream, Episode 1 : Pierre-Alexis Dumas, le maître des songes, 12.02.2019, Spotify (écouté le 06.11.2020)

- HERMÈS, Le Monde d’Hermès - About a dream, Episode 2 : Antoine Platteau, l’homme derrière les vitrines, 12.02.2019, Spotify (écouté le 12.11.2020)

Mémoires:

- DE GALARD Prune, Vitrines - Interface de la société de consommation, Mémoire de fin d’études, Ecole Camondo, dirigé par Anne Bony, 2016

- JAUSSAUD Julie, Boutique de luxe - Espace hybride, Mémoire de fin d’études, Ecole Camondo, dirigé par Fabien Petiot, 2018

- LABAT Charlène, Design sensoriel & image de marque - Au sein de l’univers singulier des boutiques de luxe, Mémoire de Master I, Université de Toulouse II - Jean Jaurès, IUP Arts Appliqués Couleur Image Design de Montauban, dirigé par Sophie Lecole, 2014

- NOUBEL Angèle, Boutiques quels avenirs ? - Entre galerie d’art, commu- nauté et architecture, Mémoire de fin d’études, Ecole Camondo, dirigé par Alexis Markovics, 2016

99 Sites internet :

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Film :

- SPIELBERG Steven, Minority report, Science-fiction, 2h25min, 2002

103 104 105 106 Depuis le début du XIXe siècle, les acteurs du commerce de luxe mettent en scène des espaces de vente esthétiquement soignés. Les splendides vitrines fascinent les passants. Ces écrins précieux dévoilent un savoir-faire unique. Entre rêves et réalité, ils s’ouvrent au monde, mis en valeur par le talent de grands architectes et designers. La magie de l’architecture les place au rang de musées. Face aux enjeux contemporains, l’espace de vente doit s’ancrer dans l’air du temps. Digitalisés, augmentés, ils créent des expériences sensorielles et déploient des espaces monumentaux à la pointe de la tendance.

Au travers de ma réfIexion, je me suis intéressée à la boutique de la marque de luxe comme un espace hybride, lieu d’expériences à part entière.

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