LA BOUTIQUE DE LA MARQUE DE LUXE LIEU D’EXPÉRIENCES Marine Pigeon École Camondo Méditerranée Diplôme 2021 Sous la direction de Laure Fernandez 1 2 Je voudrais adresser mes remerciements à Laure Fernandez, ma directrice de mémoire de recherche, pour le temps qu’elle m’a accordé. Sa patience et ses précieux conseils m’ont permis d’avancer dans ma réfIexion. Je voudrais la remercier aussi pour la relecture de ce mémoire. 1 2 3 4 Boutique éphémère Dior, 127 avenue des Champs-Elysées, Paris Comme un voile que l’on soulève, laissant deviner la façade de la boutique, cet envoûtant trompe-l’oeil a été crée par la société de scénographie urbaine Terres Rouges. Le drapé entièrement fait à la main, reproduit la devanture de la boutique historique avenue Montaigne. 5 6 REMERCIEMENTS 1 SOMMAIRE 7 INTRODUCTION 11 01 - LA BOUTIQUE : UN ESPACE HYBRIDE 19 A) Les typologies d’espaces de vente 21 B) La transmission d’une histoire 27 C) Un lieu sacré 39 D) Un musée 47 02 - VIVRE LE LUXE À TRAVERS L’EXPÉRIENCE 57 A) La vitrine, transition dans l’univers de la marque 59 B) La boutique comme expérience multi-sensorielle 66 C) La boutique de demain, une expérience inédite 77 CONCLUSION 85 ANNEXES 91 BIBLIOGRAPHIE 97 RÉSUMÉ 107 7 8 9 10 INTRODUCTION 11 12 « Consommer du luxe, c’est consommer à la fois un produit, une légende/un mythe, une tradition, des savoir-faire et un rite d’usage »1. Depuis l’apparition des Grands Magasins au début du XIXe siècle, les acteurs du commerce de luxe mettent en scène des espaces de vente esthétiquement soignés. Les splendides vitrines des boutiques fascinent les passants. Ces écrins précieux réglés au millimètre près dévoilent un savoir-faire unique. Entre rêves et réalité, ils s’ouvrent au monde, mis en valeur par le talent de grands architectes et designers. La magie de l’architecture les place au rang de musées. Face aux enjeux contemporains, l’espace de vente doit s’ancrer dans l’air du temps. Digitalisés, augmentés, ils créent des expériences sensorielles et déploient des espaces monumentaux à la pointe de la tendance. Le luxe est un domaine que j’affectionne particulièrement. Selon moi, il renvoie à l’excellence et au prestige avec un artisanat de la plus grande qualité. Narratif et exclusif, il n’a pas de limites. Entre gigantisme et sobriété, tout est permis. Je suis sensible au côté unique, exceptionnel, élégant, et son côté inaccessible suscite chez moi beaucoup de désir. Cette grande part de rêve a su attiser ma curiosité. La boutique de la marque de luxe, comme une parenthèse illuminée au coin de la rue, m’attire, elle m’émerveille par la beauté des décors, la justesse de la mise en scène, la sophistication des produits, la no- blesse des matériaux et la précision des détails. Et encore, je n’ai pas passé le seuil de la porte ... Me voilà plongée dans cet héritage qui se transmet depuis des générations. L’expérience de ces lieux raffinés me touche, et j’apprécie plus particulièrement m’imaginer leur histoire à travers l’architecture et sa scénographie. Des étincelles dans les yeux et des rêves plein la tête, je poursuis mon chemin... 1 BLANCHERIE Jean-Marc, DANGEL Stéphane, Storytelling du luxe, Levens, Editions du Désir, 2011 13 Le Bon Marché, Aristide Boucicaut, Paris, 1852 14 C’est au XIXe siècle qu’une économie du luxe va naître grâce à de nouvelles formes de fabrication et de distribution. En 1852, Le Bon Marché est créé par Aristide Boucicaut, considéré comme le plus grand magasin de Paris à l’époque. Celui-ci inspire la profession et les Grands Magasins prennent de plus en plus d’ampleur dans Paris, en Europe et aux Etats-Unis. Ces Grands Magasins s’apparentaient à de véritables palais dans les grandes villes, tel que la coupole des Galeries Lafayette boulevard Haussmann à Paris, érigée en 1912 par l’architecte Ferdinand Chanut. Le mouvement, le bruit ambiant et l’enthousiasme faisaient partie intégrante de la mise en scène du lieu. Emile Zola, dans son ouvrage Au Bonheur des Dames, écrivit d’ailleurs : « Mais la chaleur d’usine dont la maison fIambait, venait surtout de la vente, de la bousculade des comptoirs, qu’on sentait derrière les murs. Il y avait là le ronfIement continu de la machine à l’oeuvre, un enfournement de clientes, entassées devant les rayons, étourdies sous les marchandises, puis jetées à la caisse »2. À la fin des années 1840, le luxe connaît un incroyable développe- ment puisque cent six Maisons sont labellisées Haute-Couture3. C’est l’anglais Charles-Frédérick Worth4 qui est à l’origine de ce label, créant les saisons dans la mode ainsi que les défilés d’hommes et femmes pour présenter les collections. Dans les années 1880, et notamment avec l’arrivée du prêt-à-porter initié par Christian Dior, les Maisons de luxe veulent pouvoir exposer l’ensemble de leurs produits dans une seule surface. Le luxe s’empare alors d’une nouvelle dimension avec l’ouverture de boutiques familiales, inspirées des échoppes parisiennes, reliées aux ateliers artisanaux. Depuis le début du XIXe siècle, les boutiques des marques de luxe se veulent de plus en plus spectaculaires et innovantes afin de fidéliser le lien privilégié avec le client. En quoi la boutique de la marque de luxe est-elle devenue un lieu d’expériences à part entière ? Comment se définit-elle en tant qu’espace hybride ? Comment l’histoire de la Maison, ainsi que ses valeurs, sont-elles retranscrites à travers l’architecture intérieure ? Par quels moyens ? Comment la vitrine, espace transitionnel entre la rue et 2 ZOLA Emile, Au Bonheur des Dames, Chapitre 1, Paris, Larousse, 1883 3 JAUSSAUD Julie, Boutique de luxe - Espace hybride, Mémoire de fin d’études, Ecole Camondo, dirigé par Fabien Petiot, 2018 4 Charles Frederick Worth (1825 - 1895) est un couturier français d’origine britannique. 15 la boutique, invite-t-elle le visiteur à vivre une expérience singulière ? Comment l’expérience multi-sensorielle est-elle appréhendée et vécue à travers la boutique de la marque de luxe ? A quoi va ressembler la boutique de demain ? Comment la réinventer ? Comment les nouvelles technologies sont-elles au service des marques ? Ce sont ces questions qu’il conviendra d’adresser ici. À travers ce mémoire, je me suis intéressée dans un premier temps à la boutique comme un espace hybride, né de la fusion d’une architecture et d’une image de marque. De typologies différentes, les boutiques se distinguent mais leurs enjeux restent les mêmes : transmettre une histoire à travers leur savoir-faire. Je me suis ensuite questionnée sur la tournure que prend la boutique aujourd’hui, en se transformant en un véritable lieu sacré érigé pour la marque, puis sur son caractère muséologique. Dans un deuxième temps, je me suis consacrée aux différentes expériences vécues au travers de la boutique, à commencer par la vitrine qui crée une transition entre la rue et l’espace de vente. Je me suis intéressée aux expériences uniques procurées grâce aux sens et émotions. Enfin, je me suis questionnée sur ce à quoi pourrait ressembler la boutique de demain, entre réel et virtuel. Pour cela, j’ai orienté ma réfIexion autour de trois icônes du luxe : la Maison Hermès, la Maison Louis Vuitton et la Maison Chanel à travers leur histoire, traditions et savoir-faire, tout en m’intéressant à d’autres exemples. 16 17 18 01 - LA BOUTIQUE : UN ESPACE HYBRIDE 19 20 La boutique de la marque de luxe résulte d’une fusion entre un espace et une identité de marque. L’architecture est au service de la Maison car la boutique est le point de rencontre entre le consommateur et la marque. Chaque Maison transmet des valeurs qui lui sont propres à travers une histoire ancrée dans son passé, redoublant de modernité pour toujours être à la pointe de la tendance. Tels des écrins toujours plus grands, les boutiques deviennent des cathédrales sacrées. Tels des galeries ou musées, les espaces de vente résultent d’une mise en scène sacralisant les produits aux côtés des pièces d’arts des artistes les plus renommés de la planète. A) Les typologies d’espaces de vente La boutique de la marque de luxe se différencie de la boutique de produits de consommation courante par sa taille. En effet, la superficie moyenne d’une boutique de luxe était de 1000m25 dans les années 2000. Cela montre que l’architecture devient un symbole de puissance pour la marque. Avant même d’énoncer les différentes typologies d’espaces de vente, il me semblait important d’évoquer la valeur de leur emplacement. L’intervention de l’architecture peut prendre différentes formes selon l’implantation géographique. Les marques de luxe s’installent principalement dans les centres historiques des villes, leurs rues principales ou dans les centres commerciaux. Ces dernières se servent de l’image patrimoniale de ces villes et de leur qualité pour renforcer leur prestige. À Paris, capitale de la mode, la place Vendôme est le repère des Maisons de haute joaillerie : Guerlain s’est installé au 15 place Vendôme, Van Cleef & Arpels au 22 et enfin Cartier, au numéro 23. Quant à l’avenue des Champs Élysées, très prisée, elle représente plutôt un carrefour touristique mais offre peu d’opportunités d’implantation par faute de place. Ce sont des références incontournables pour les boutiques qui s’y installent. Cependant, depuis 2015, des Maisons comme Gucci, Moncler, Fendi et Givenchy s’implantent rue des Archives, dans le Marais, quartier novateur pour le luxe6. 5 BRIOT Eugénie, DE LASSUS Christel, Marketing du luxe, stratégies innovantes nouvelles pratiques, Cormelles-le-Royal, Edition EMS Management & Société, 2014 6 DE BOISSIEU Elodie, MILLERET Guénolée, Les vitrines du luxe, Une histoire culturelle du commerce haut de gamme et des ses espaces de vente, Paris, Eyrolles, 2016 21 Boutique Chanel, 31 rue de Cambon, Paris 22 La Maison mère, emblème de la marque, bénéficie quant à elle d’une place importante avec ses compléments d’espaces de vie.
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