Roch-Olivier Maistre, Président du Conseil d’administration Laurent Bayle, Directeur général

Mardi 6 novembre Vanessa Wagner

Dans le cadre du cycle Visions wagnériennes Du samedi 3 au mercredi 14 novembre 2007

Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert, à l’adresse suivante : www.cite-musique.fr | Mardi 6 novembre | Mardi Wagner Vanessa

Vanessa Wagner 6 novembre OK.ind1 1 30/10/07 17:03:38 Cycle Visions wagnériennes du samedi 3 au samedi 10 novembre

Sept concerts, sept manières d’appréhender l’héritage wagnérien et sa diversité. Ce cycle SAMEDI 3 NOVEMBRE débute le 3 novembre par la projection du diptyque Les Nibelungen (La Mort de Siegfried et La Vengeance de Kriemhild) réalisé par le cinéaste Fritz Lang en 1924. Un cinéma muet Ciné-concert saisissant, escorté par la musique de Gottfried Huppertz, injustement méconnue, sans doute car son opulence, sa beauté, et son souffle dramatique doivent tout ou presque 15H30 : Die Nibelungen - à Wagner. La Mort de Siegfried Film de Fritz Lang À ceux qui n’imaginent Wagner que sous le signe de passions mortifères, l’Orchestre Musique de Gottfried Huppertz de chambre Pelléas vient donner tort. Les meilleures parodies wagnériennes figurent Allemagne, 1924 en effet au programme de la formation, dirigée le 4 novembre par Alain Altinoglu. À commencer par les irrésistibles Souvenirs de Munich de Chabrier (1884), quadrille 20H : Die Nibelungen - sur dans la plus pure tradition du genre, et les Souvenirs de Bayreuth (1888), La Vengeance de Kriemhild quadrille sur le Ring signé Fauré et Messager. Où l’on constate qu’Isolde et les Filles Film de Fritz Lang du Rhin savent aussi danser le cancan… ! (Ces deux œuvres sont exécutées dans des Musique de Gottfried Huppertz versions orchestrées). Offenbach est également de la fête : dans sa Symphonie de l’avenir Allemagne, 1924 (extraite du Carnaval des revues, 1860), il moquait ouvertement les délires de Wagner, tout juste installé à Paris : « Ah ! Ah ! Me voilà, je suis le compositeur de l’avenir et je vous Orchestre de la Radio flamande écrase tous, vous, le passé, la routine ! Je suis toute une révolution ! », s’écrie la voix Frank Strobel, direction parlée de son intermède. La musique est à l’avenant, avec progressions chromatiques cacophoniques et cadences ubuesques. Pour achever de saper l’héroïsme wagnérien, des extraits des Sacrés Nibelungen d’Oscar Straus (1904) sont donnés. En parodiant le Ring, cette pure opérette viennoise tomba finalement de l’affiche, sous la pression DIMANCHE 4 NOVEMBRE, 16H30 des milieux nationalistes autrichiens et allemands. Gabriel Fauré / André Messager Deux concerts explorent les chemins, éminemment wagnériens, ouverts par Scriabine. Souvenirs de Bayreuth Au piano d’abord, en compagnie de Vanessa Wagner, le 6 novembre, avec deux sonates (Orchestration Jean-Christophe Keck – et une fantaisie du compositeur russe, complétées par quatre des dernières pièces de commande de la Cité de la musique) Liszt et par la Mort d’Isolde, transcrite par ce dernier ; manière de remonter à la source Jacques Offenbach du mysticisme et des sonorités post-romantiques de Scriabine. En grande formation Le Carnaval des revues (La Symphonie ensuite, avec le « mystère » L’Acte préalable, que Scriabine souhaitait voir créé en Inde de l’avenir) à Adyar, dans un « Bayreuth hindou » inspiré par l’architecture des théâtres antiques. Le compositeur disparut cependant en 1915, trop tôt pour achever cette œuvre d’art Souvenirs de Munich totale qu’il comparait à Parsifal. Les fragments qu’il laissa furent peu après complétés (Orchestration Jean-Christophe Keck – par Alexandre Nemtine, dont la réalisation en trois mouvements pour soprano, piano, commande de la Cité de la musique) chœur et orchestre est donnée en création française à la Salle Pleyel le 9 novembre Oscar Strauss sous la baguette de Michel Tabachnik. Sacrés Nibelungen (extraits)

Avec la Symphonie de chambre de Schreker comme point de référence wagnérien, Orchestre de chambre Pelléas l’Ensemble intercontemporain, dirigé par Susanna Mälkki, propose le 7 novembre un Alain Altinoglu, direction programme constitué de pièces de Stockhausen, Sørensen et Rihm, chacune pouvant Jeanne-Marie-Levy, soprano se définir d’après, ou contre le compositeur des Maîtres chanteurs. Les échos de Wagner Marie-Bénédicte Souquet, soprano au long du XXe siècle font également l’objet du concert du 10 novembre dirigé par Michel Rodolphe Briand, ténor Tabachnik, Formel de Stockhausen et Eridanos de Xenakis répondent au Prélude de Eric Huchet, ténor Lohengrin, puis la Universe Symphony de Ives (en création française) à l’« enchantement Frank T’Hézan, ténor du vendredi saint » de Parsifal. Ce même 10 novembre, une table ronde de plusieurs Vincent Deliau, baryton spécialistes de l’œuvre de Wagner introduit dans l’après-midi un récital de mélodies Ronan Nédélec, baryton françaises de Debussy, Fauré et Duparc, interprétées par la soprano Magali Léger : Till Fechner, comédien autres ramifications du wagnérisme, en musique comme en poésie. Thibaut T’Hézan, comédien Frank T’Hézan, mise en espace Nicolas Southon



Vanessa Wagner 6 novembre OK.ind2 2 30/10/07 17:03:39 MARDI 6 NOVEMBRE, 20H VENDREDI 9 NOVEMBRE, 20H SAMEDI 10 NOVEMBRE, 20H Salle Pleyel Franz Liszt Nuages gris Alexandre Scriabine/ Alexandre Nemtine Prélude de Lohengrin Schlaflos! L’Acte préalable Karlheinz Stockhausen En rêve (Création française – version de concert) Formel La Lugubre Gondola Iannis Xenakis Sur la tombe de Richard Wagner Noord Nederlands Orkest Eridanos Noord Nederlands Concertkoor Richard Wagner Richard Wagner/Franz Liszt Michel Tabachnik, direction Parsifal (extrait) Isoldens Susan Narucki, soprano Charles Ives Håkon Austbø, piano Universe Symphony (création française) Alexandre Scriabine (1872-1915) Louis Buskens, Leendert Runia, chefs Sonate n° 9 op. 68 « Messe noire » de chœur Noord Nederlands Orkest Fantaisie op. 28 Michel Tabachnik, direction Sonate n° 5 op. 53

Claude Debussy SAMEDI 10 NOVEMBRE, 15H Estampes Forum : Le wagnérisme en France Vanessa Wagner, piano 15H : table ronde Animée par Eric de Visscher, directeur du Musée de la musique MERCREDI 7 NOVEMBRE, 20H Avec Hervé Lacombe, musicologue, professeur à l’Université de Rennes II, Karlheinz Stockhausen Paul Lang, conservateur au Musée d’art Kreuzspiel et d’histoire de Genève, commissaire Bent Sørensen de l’exposition Richard Wagner, Visions Minnelieder - Zweites Minnewater d’artistes, et Timothée Picard, maître Wolfgang Rihm de conférence en littérature générale Abschiedsstücke et comparée à l’Université de Rennes II Franz Schreker Symphonie de chambre 17H30 : concert Préludes de , mélodies Ensemble intercontemporain de Claude Debussy, Gabriel Fauré, Ernest Susanna Mälkki, direction Chausson et Henri Duparc Rosemary Hardy, soprano Magali Léger, soprano Rémy Cardinale, piano Pleyel ca. 1860 (collection Musée de la musique)



Vanessa Wagner 6 novembre OK.ind3 3 30/10/07 17:03:39 Vanessa Wagner 6 novembre OK.ind4 4 30/10/07 17:03:39 Mardi 6 novembre – 20h Amphithéâtre

Franz Liszt Trübe Wolken Schlaflos!

Alexandre Scriabine Sonate n° 9 op. 68 « Messe noire »

Franz Liszt En rêve

Alexandre Scriabine Fantaisie op. 28

entracte

Claude Debussy Estampes

Franz Liszt Die Trauer-Gondel II

Richard Wagner Isoldens Liebestod : Schluss-Szene aus – Transcription pour piano de Franz Liszt

Franz Liszt Sur la tombe de Richard Wagner

Alexandre Scriabine Sonate n° 5 op. 53

Vanessa Wagner, piano

Fin du concert vers 21h45.



Vanessa Wagner 6 novembre OK.ind5 5 30/10/07 17:03:39 Franz Liszt (1811-1886) Trübe Wolken (Nuages gris)

Andante

Composition : 1881. Première édition : Franz Liszt : Musikalische Werke, Leipzig, 1927. Durée : environ 3 minutes.

Schlaflos! Frage und Antwort (Sans sommeil ! Question et réponse), nocturne

Schnell und leidenschaftlich (Rapide et passionné) – andante quieto

Composition : mars 1883, d’après un poème d’Antonia Raab. Première édition : Franz Liszt : Musikalische Werke, Leipzig, 1907-1936.

Alexandre Scriabine (1872-1915) Sonate n° 9 op. 68 « Messe noire »

Moderato quasi andante – molto meno vivo – allegro – più vivo – allegro molto – alla marcia – più vivo – allegro – più vivo – presto – tempo I

Composition : 1912-1913. Première édition : Moscou, Jurgenson, 1913. Durée : environ 11 minutes.

Franz Liszt En rêve, nocturne

Andantino

Composition : 1885, à Rome. Dédicace : à « mon jeune ami August Stradal ». Première édition : E. Wetzler, Vienne, 1888. Durée : environ 3 minutes.



Vanessa Wagner 6 novembre OK.ind6 6 30/10/07 17:03:40 mardi 6 NOVEMBRE

Alexandre Scriabine Fantaisie op. 28

Moderato – più vivo – tempo I – più vivo – tempo I

Composition : 1900. Première édition : Saint-Pétersbourg, M. P. Beliaïev, 1901. Durée : environ 11 minutes.

Claude Debussy (1862-1918) Estampes

Pagodes, en si majeur, modérément animé La Soirée dans Grenade, en fa dièse mineur, dans un rythme nonchalamment gracieux Jardins sous la pluie, en mi mineur, net et vif

Composition : juillet 1903. Dédicace : au peintre Jacques-Émile Blanche. Création : le 9 janvier 1904 à la Société nationale par Ricardo Viñes. Éditeur : Éditions Durand, 1903. Durée : environ 16 minutes.

Franz Liszt Die Trauer-Gondel II (La Lugubre Gondola II)

Andante mesto, non troppo lento

Composition : 1885. Première édition : Leipzig, Fitzsch, 1886. Durée : environ 5 minutes.



Vanessa Wagner 6 novembre OK.ind7 7 30/10/07 17:03:40 Richard Wagner (1813-1883)/Franz Liszt Isoldens Liebestod: Schluss-Szene aus Tristan und Isolde (Mort d’Isolde : Scène finale de Tristan und Isolde)

Sehr langsam (Très lent) – Sehr mässig beginnen (Commencer dans un tempo très modéré)

Composition : 1867. Première édition : Leipzig, Breitkopf &Härtel, 1868. Edition révisée en 1875. Durée : environ 7 minutes.

Franz Liszt Am Grabe Richard Wagner (Sur la tombe de Richard Wagner)

Sehr langsam (Très lent)

Composition : mai 1883, à Weimar. Première édition : Franz Liszt, Neue Ausgabe sämtlicher Werke, Editio Musica Budapest, 1978. Durée : environ 3 minutes.

Alexandre Scriabine Sonate n° 5 op. 53

Allegro impetuoso con stravaganza – languido – presto con allegrezza – allegro fantastico – presto tumultuoso esaltato – allegro impetuoso – languido – leggrierissimo volando – presto giocoso – meno vivo – allegro fantastico – prestissimo – meno vivo – allegro – presto – prestissimo

Composition : 1907. Édition : à compte d’auteur en 1908 ; Moscou, Édition russe de musique, 1911. Durée : environ 12 minutes.



Vanessa Wagner 6 novembre OK.ind8 8 30/10/07 17:03:40 mardi 6 NOVEMBRE

« Dans le flux frémissant, L’écho retentissant, Le flot universel De la respiration du monde, que je m’engloutisse, Que je me noie, sans conscience, suprême joie ! » (Richard Wagner, poème de Tristan und Isolde)

« Nous mêlerons nos sens à la vague unique Et dans le somptueux scintillement De cette aurore dernière Nous présentant simultanément dans la beauté nue De nos âmes brillantes, Nous nous abolirons Nous nous annulerons. » (Alexandre Scriabine, poème de L’Acte préalable)

C’est dans la musique que Wagner et Scriabine, deux rêveurs d’absolu, poètes autant que musiciens, cherchèrent à traduire et à susciter l’extase. Extase rêvée et entrevue, mais repoussée toujours plus loin par les démons de l’angoisse, qui jettent leur ombre sur la Neuvième Sonate de Scriabine, dont la morne mélopée initiale se fait l’écho des ultimes pièces de Liszt, énigmatiques et lapidaires. À l’instar de Berlioz dans sa Symphonie fantastique, ce dernier trouve un baume à son tourment dans les « consolations religieuses ».

Franz Liszt

Précocement vieilli, Liszt souffre dans ses dernières années d’affections physiques et morales. La solitude, malgré les honneurs dont il reste l’objet, une lassitude immense font naître chez lui une mélancolie tenace, peuplée d’obsessions de mort. « Je porte en moi une tristesse profonde du cœur qui doit ici et là éclater en sons », dit-il à sa biographe Lina Ramann. Lamentations, marches funèbres, évocations macabres vont désormais former l’essentiel de son œuvre, dont la morbidesse s’enflamme par moments d’une exaltation religieuse.

Si l’homme, recroquevillé et meurtri, s’exprime désormais dans une écriture raréfiée à l’extrême, souvent cantonnée à une austère monodie, rongée de toutes parts par le silence, le créateur garde quant à lui un œil grand ouvert sur de nouveaux paysages sonores. Visionnaire, il se fixe comme but de lancer son « javelot dans les espaces indéfinis de l’avenir ». Conscient de son avance sur le goût de son époque, il se résigne avec sagesse : « Ich kann warten » (Je peux attendre), et ne cherche pas à faire connaître ses dernières pièces.



Vanessa Wagner 6 novembre OK.ind9 9 30/10/07 17:03:40 Suspension des fonctions harmoniques par des enchaînements inhabituels d’accords et par le chromatisme, dissonances hardies, emploi d’accords rares, emprunts à des gammes « exotiques » comme la gamme dite « tzigane », exploitée au début de Nuages gris, Liszt multiplie les procédés qui ont pour effet de « noyer le ton », suivant l’expression de Debussy.

Avec Schlaflos! Frage und Antwort, inspiré par un poème de la pianiste autrichienne et élève de Liszt Antonia Raab, les réminiscences du romantisme s’imposent dans un violent clair-obscur. L’angoissante question, présentée par le motif initial, en mi mineur, assaille l’insomniaque dans une ligne toujours plus tourmentée, portée par les vagues houleuses de la main gauche, hérissée de dissonances à vif. La réponse apaisée, en mi majeur, réintroduit le même dessin, cette fois dans un choral éthéré. Deux fins possibles figurent dans la partition : une simple conclusion en mi majeur ou bien la reprise du motif, dans un caractère suspensif, en do dièse mineur, rallumant ainsi le doute.

En rêve fait résonner l’écho des années romantiques de sa jeunesse : la douce mélodie chopinienne s’efface peu à peu dans les replis de la mémoire, souvenir dont la pureté originelle s’altère dans un paysage harmonique impressionniste.

D’un romantisme très fin de siècle, les deux pièces intitulées La Lugubre Gondole furent composées à Venise pendant un séjour qu’y fit Liszt en compagnie de sa fille Cosima et de son époux Richard Wagner. Le spectacle de cortèges funèbres formés par des gondoles transportant les défunts et la prémonition de la mort proche de Wagner inspirèrent au musicien ces deux élégies, qui exploitent une thématique musicale commune. La première Lugubre Gondole est cadencée, non sans dérision, par les accents berceurs d’une barcarolle, tandis que la seconde, reproduisant le même rythme, l’inscrit dans une métrique binaire au cours plus anguleux. Ces pièces se terminent d’une manière suspensive, ouverture sur un au-delà métaphysique et musical.

Fervent défenseur de la musique de Wagner, Liszt réalisa une quinzaine d’arrangements de partitions de son ami, de Rienzi à Parsifal. Un respect religieux de l’œuvre le guida dans sa transcription de la Mort d’Isolde, probablement dicté par la spiritualité de cette page, ainsi que par le désir de faire connaître l’opéra, créé en 1865, et dont la diffusion en Europe s’opérait très lentement. Quatre mesures sont ajoutées en introduction, qui citent un leitmotiv associé au désir de la mort d’amour (Liebestod). Liszt s’attache à rendre la richesse du tissu polyphonique dans lequel la voix se fond. Quelques contrechants sont réécrits, pour des raisons techniques, et les arpèges de harpe, « flots de vent caressants », sont élargis pour englober les basses profondes des contrebasses. Liszt décale certains motifs, par l’ajout de syncopes, quand la trame est particulièrement dense, afin de les mettre en valeur et pour recréer la diversité et la palpitation des timbres de l’orchestre. L’apothéose finale est traduite dans une écriture plus pianistique, et difficile, avec sa trépidation d’accords répétés, expression de la « suprême joie » d’Isolde.

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Vanessa Wagner 6 novembre OK.ind10 10 30/10/07 17:03:40 mardi 6 NOVEMBRE

Pour la célébration du soixante-dixième anniversaire de la naissance de Richard Wagner, qui était décédé le 13 février 1883, Liszt composa Am Grabe Richard Wagner en trois versions : pour piano, pour quatuor à cordes avec harpe ad libitum, pour orgue ou harmonium. Introduit par un motif tourmenté et interrogatif, tiré de R. W. Venezia, élégie que le musicien avait écrite peu après la mort de Wagner, ce bref hommage réunit les deux artistes par la citation du thème d’introduction de l’oratorio de Liszt Les Cloches de la cathédrale de Strasbourg, dont Wagner reconnaissait lui-même la parenté avec son propre motif de Parsifal. Le choral fervent est suivi du motif des cloches de Parsifal, célébrant ainsi la communion du vieil abbé avec le prêtre de Bayreuth dans un même élan spirituel.

Alexandre Scriabine

Alexandre Scriabine, l’une des figures majeures de la vie artistique russe au début du XXe siècle, consacra une large part de son œuvre au piano, qui forme un jalon indispensable entre la tradition romantique représentée par Chopin et Liszt, et la modernité d’un Prokofiev.

Confident de ses émotions, notées souvent sur les partitions en français (« avec une volupté radieuse, extatique », « en un vertige »), le piano est aussi le laboratoire d’expérimentations formelles et harmoniques, préludes aux grandes liturgies symphoniques et vocales que sont Le Poème de l’extase et Prométhée, elles-mêmes prémices de la célébration ultime, le mystère L’Acte préalable, inachevé. Scriabine exprime dans sa musique un idéalisme fervent, qui s’enracine au fil du temps dans les méandres les plus mystérieux de la théosophie. Son romantisme ardent, teinté de spiritualité, son rêve de l’œuvre d’art totale le rapproche étroitement de l’esthétique wagnérienne.

Dans les dix sonates publiées de son vivant, le compositeur abandonne progressivement la forme traditionnelle au profit de modèles beaucoup plus concentrés, en un seul mouvement, dans lesquels la fluidité et la liberté apparentes du discours sont gouvernées par de rigoureux principes sous-jacents de cohérence, d’unité et d’équilibre de proportions, visant ainsi à traduire musicalement des formules théosophiques proclamant l’unité du monde.

La Sonate n° 9 ne doit pas son sous-titre « Messe noire » à Scriabine lui-même, mais au pianiste Alexeï Podgaïetszki, qui la surnomma ainsi par analogie avec la Sonate n° 7, que Scriabine avait sous-titrée « Messe blanche ». Aucune pratique satanique ne forme donc le programme de l’œuvre ; celle-ci évoque « les angoisses d’un rêveur assailli par des forces démoniaques », selon les termes du musicien, qui fait surgir un univers sonore dans lequel la tonalité n’est plus qu’un pâle fantôme.

La Fantaisie op. 28, en si mineur, porte encore la marque de Chopin, qui fut la divinité tutélaire de la jeunesse du compositeur, dans sa déclamation passionnée et dans

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Vanessa Wagner 6 novembre OK.ind11 11 30/10/07 17:03:41 l’opposition des tonalités et des thèmes, héritée de la forme sonate ; ces derniers, unifiés par un motif rythmique, donnent à l’œuvre un double visage, ombrageux et lumineux.

La Sonate n° 5, composée après le Poème de l’extase, en cite en exergue quelques vers qui célèbrent le jaillissement de l’esprit créateur : « Je vous appelle à la vie, ô forces mystérieuses ! / Noyées dans les obscures profondeurs de l’esprit créateur, / Craintives ébauches de la vie, / À vous j’apporte l’audace. » Dans une éruption de traits fulgurants et de trilles, la partition brûle d’un feu prométhéen. Animé par la trépidation d’une danse jubilatoire, le matériau se cristallise autour d’un accord central, qui donnera naissance ultérieurement à l’« accord synthétique » scriabinien, mystique escalier de quartes.

Anne Rousselin

Les Estampes de Claude Debussy

L’Estampe XVIIe ou XVIIIe siècle, romanesque, documentaire voire caricaturale, n’est évidemment pas celle qu’évoque Debussy. Familier de belles planches aux simplifications savantes, il aimait les taches à la fois énergiques et indécises dont, chez nous, l’imagerie nippone avait suscité le goût : adulé des artistes, en effet, un japonais éclairé s’était installé à Paris dès 1883. Se retirant des affaires au tournant du siècle, on dispersa ses trésors à l’Hôtel Drouot vingt ans plus tard…

Constatons que les Estampes de Debussy furent écrites très rapidement, durant le mois de juillet de cette même année 1903. Or là : surprise. Seule la première de ces pièces fait explicitement allusion à l’art oriental, la suivante se tournant vers l’Espagne récente tandis que la dernière s’inspire du frais climat de l’Île-de-France…

Absorbé par Pelléas et Mélisande, le compositeur n’avait pas produit pour le clavier depuis huit ans. Cette longue période de musiques « pré-textées » l’incite tout naturellement à marier la création théorique et le recours à quelques images familières, d’où ce titre fort bien choisi qui englobe à la fois l’intellectualisation des formes et les éloquences de l’image. La technique d’écriture procède par surfaces sonores et tout se passe comme si, prenant du recul, Debussy n’évoquait ses enthousiasmes japonisants que pour mieux rappeler que l’« estampe » est, tout autant, européenne, surtout en cette fin de la période symboliste où rivalisent les Redon, Vallotton, Rops, Vuillard ou Bonnard. Aucune allusion précise, pourtant : ayant avoué ce qu’il devait à un Redon, un Whistler, voire au jeune Maurice Denis, Debussy se veut ici son propre imagier.

Ainsi Pagodes est-il moins chinoisant (ou japonisant) qu’inspiré des orchestres balinais entendus quatorze ans plus tôt, à l’Exposition Universelle de 1889 ! On y progresse par brassées d’arpèges, différenciées par de subtils dosages de volumes et de couleurs. Ainsi se fondent le goût du pittoresque (confirmé par les décors mêmes dont s’entoura

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Vanessa Wagner 6 novembre OK.ind12 12 30/10/07 17:03:41 mardi 6 NOVEMBRE

Debussy) et une puissante capacité d’abstraction faisant apprécier de riches accords, proposés pour eux-mêmes. Un long thème exotique, courant tout au long de la pièce, assouplit ce que l’ensemble pourrait avoir de hautain.

Ce souci de fluidité se confirme avec La Soirée dans Grenade. Tout le monde savait que Debussy n’avait jamais mis le pied en Espagne et Falla put s’étonner qu’un si parfait étranger ait suggéré avec une telle intensité le silence des nuits andalouses. Reste que l’écriture est la même : chapelet d’accords insolites, orfévrés pour eux-mêmes, le liant qui cimente l’ensemble étant simplement devenu un rythme de habanera (danse chaloupée adoptée aussi bien par les brasseries que par le concert voire l’opéra : Saint-Saëns, Leo Laparra). Dès 1895, Ravel en avait proposé une évocation si dépouillée que Debussy ne sut échapper au souvenir qu’il en avait. Relevée par le plus lu des critiques du temps, cette similitude de quelques mesures suscita des polémiques et la brouille définitive des deux musiciens.

On s’échauffe moins facilement pour les fredons d’Île-de-France ! Le vif démarrage de Jardins sous la pluie bannit toute frilosité morose et se rapproche davantage de la Toccata de Pour le piano que des futurs Pas sur la neige. Il s’agit d’étincelantes paraphrases de « Nous n’irons plus au bois » et seule une petite tempête centrale rappellera, dans cette fluidité emballée, la précédente technique par surfaces sonores. Après le retour de la ronde enfantine, le discours se dispersera en une gerbe d’accords enthousiastes.

Créées par Ricardo Viñes en janvier 1904, les Estampes allaient susciter une si large admiration que Debussy s’en trouva encouragé à revenir plus régulièrement au clavier. Pagodes apparaît ainsi comme le prélude à cette avalanche de pièces à titres qui allait si bien embarrasser nos abstracteurs de quintessence !

Marcel Marnat

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Vanessa Wagner 6 novembre OK.ind13 13 30/10/07 17:03:41 Vanessa Wagner Center de Shangaï, au Herkulessaal Après un premier prix du Conservatoire ou à la Philharmonie de Munich… de Paris (CNSMDP) obtenu à 17 ans Passionnée de musique de chambre, dans la classe de , elle se produit régulièrement avec les Vanessa Wagner entre première meilleurs solistes de sa génération. nommée en cycle de perfectionnement Sa curiosité la pousse à élargir son dans la classe de Jean-François Heisser. répertoire à la musique de son temps. la remarque et lui permet Elle est dédicataire des Études pour d’intégrer en septembre 1995 la piano n° 3 et n° 7 de Pascal Dusapin, prestigieuse Académie de Cadenabbia qu’elle a créées en septembre 2000 et en Italie, où elle reçoit l’enseignement novembre 2002. Vanessa Wagner a reçu de ce dernier ainsi que de Karl-Ulrich en 1999 une Victoire de la Musique dans Schnabel, Dimitri Bashkirov, Murray la catégorie « révélation soliste Perahia, … Très vite, instrumental ». En juillet 2002, elle donne de nombreux concerts elle a participé au projet « Les Pianos à travers l’Europe, au Canada, en Suède, de la Nuit » en donnant un concert filmé en Roumanie, au Maroc, en Colombie, à la Roque-d’Anthéron diffusé sur Arte au Mexique, en Argentine, en Chine… et paru en DVD chez Mirare-Naïve. Elle est l’invitée de festivals de renom Elle a gravé quatre disques pour le label (La Roque-d’Anthéron, Les Folles Lyrinx : Rachmaninov (1996), Scriabine Journées de Nantes, Piano aux Jacobins, (1998), Mozart (2000), Schumann Festival de Saint-Denis, Festival (2002). Elle enregistre désormais pour International de Sintra, Festival de Piano Ambroisie-Naïve, qui a édité un disque de la Ruhr, Festival de Wiltz, Musica de consacré aux œuvres pour piano seul de Strasbourg, Festival International de Claude Debussy sorti en octobre 2005. Colmar, Festival de Radio-France et Montpellier…). Elle apparaît fréquemment en tant que soliste aux côtés d’orchestres français et étrangers (Orchestre National de France, Orchestre de la Philharmonie de Munich, Orchestre National du Mexique, Orchestre Philharmonique de Budapest , Orchestre du Capitole de Toulouse…) sous la direction de chefs comme Charles Dutoit, Michel Plasson, Christopher Warren-Green, Stefan Sanderling, Howard Shelley… Elle se produit à la Salle Pleyel, au Théâtre des Champs- Élysées, au Théâtre Mogador, au Théâtre du Châtelet et aux Bouffes du Nord à Paris, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, à l’Académie Franz-Liszt et à l’Opéra de Budapest, à l’Oriental Art

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Vanessa Wagner 6 novembre OK.ind14 14 30/10/07 17:03:57 Vanessa Wagner 6 novembre OK.ind15 15 30/10/07 17:03:58 Et aussi…

> CONCERTS LUNDI 3 DÉCEMBRE, 20H > MÉDIATHÈQUE

MARDI 13 ET MERCREDI 14 Concours Olivier Messiaen – Concert des Nous vous proposons… NOVEMBRE, 20H finalistes … de consulter en ligne la rubrique The Cave Ensemble intercontemporain « Dossiers pédagogiques » : Musique de Steve Reich Pierre Boulez, direction Romantisme dans repères musicologiques Vidéo de Beryl Korot Finalistes du Concours Messiaen, piano … de regarder : Steve Reich and Musicians Tristan et Isolde, mis en scène par Alan Pierson, direction MERCREDI 19 DÉCEMBRE, 20H Olivier Py • La Lugubre Gondole et Nuages gris de Liszt au festival de I’m a Mistake (création) La Roque-d’Anthéron VENDREDI 16 NOVEMBRE, 20H Spectacle de Jan Fabre Musique de Wolfgang Rihm … d’écouter en suivant la partition : Giorgio Battistelli Les sonates d’Alexandre Scriabine Expérimentum mundi Ensemble Recherche par Vanessa Wagner Opéra de théâtre musical, textes de Lucas Vis, direction Diderot et d’Alembert Troubleyn / Jan Fabre … de lire : Jan Fabre, chorégraphie, scénographie Lettres d’un bachelier ès-musique Artisans du village d’Albano Laziale de Franz Liszt • Franz Liszt d’Alan Giorgio Battistelli, direction Walker • Wagner de Marcel Schneider Nicola Raffone, percussion • Wagner, guide raisonné sous la Bernard Freyd, récitant > COLLÈGES direction de Barry Millington • Notes et réflexions, carnets inédits d’Alexandre La Musique contemporaine Scriabine • Alexandre Scriabine, SAMEDI 17 NOVEMBRE, 20H Pierre-Albert Castanet, musicologue un musicien à la recherche de l’absolu 15 séances le mardi de 15h30 à 17h30, de Manfred Kelkel Aaron Copland du 12 février au 24 juin 2008 Appalachian Spring (ballet complet) http://mediatheque.cite-musique.fr Le Poème symphonique Spring Symphony Pascale Saint-André, Rémy Stricker, Grégoire Tosser, Laurent Orchestre Philarmonique, Zaïk, musicologues • Michel Chion, > ÉDITIONS Chœur et Maîtrise de Radio France compositeur et cinéaste Leonard Slatkin, direction 15 séances le jeudi de 15h30 à 17h30 et Richard Wagner, visions d’artistes : Gillian Webster, soprano une visite du Musée, du 7 février au 19 d’Auguste Renoir à Anselm Kiefer Catherine Wyn-Rogers, mezzo-soprano juin 2008 (à l’exclusion des vacances Coédition Musées d’Art et d’Histoire Thomas Randle, ténor scolaires zone C) (Genève) et Somogy / Éditions d’art (Paris) • 292 pages • 40 € > VISITES AU MUSÉE Wagner et le wagnérisme Coédition Cité de la musique et Éditions • Adultes : Exposition Richard Wagner, Actes Sud • Sortie prévue : janvier 2008 757543 757542, 757541, visions d’artistes o • Groupes adultes malvoyants ou handicapés : Wagner, du son au toucher • Enfants 7 à 11 ans : La Chevauchée des sons • Familles avec enfants de 7 à 11 ans malvoyants ou aveugles : Wagner au bout des doigts F | Licences n F | Licences I mprimeur SI C | BA Éditeur : Hugues de Saint Simon | Rédacteur en chef : Pascal Huynh | Rédactrice : Gaëlle Plasseraud | Maquette : Ariane Fermont

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