7. L'explosion De L'offre Low-Cost
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7. L’explosion de l’offre low-cost Source : Les Dossiers du Canard (2006) Remarque : ce point a été traité en 2004 sur base de données d’offre de 2004. Compte te- nu de la lourdeur du travail, la plupart des résultats n’ont pas été mis à jour avec les don- nées plus récentes. Il est clair cependant que l’offre low-cost évolue rapidement, que ce soit par la continuation de la croissance des principales compagnies (Ryanair et Easyjet), par faillite de certaines ou par apparition d’autres. 7.1. Introduction Certains résultats qui ont précédé montrent qu’en Europe, le développement des « low-cost carriers » (LCC) est un facteur important de l’évolution de la desserte des territoires et de concurrence (Figure 41 p. 93). Ces compagnies suscitent également une croissance du nombre de passagers, les bas prix induisant une demande nouvelle (ou satisfaisant une demande latente). Leur développement fut pour certaines fulgurant (Figure 88) et leur pré- sence est aujourd’hui importante. Tout porte à croire que leur croissance n’est pas terminée si l’on en juge par l’importance des commandes d’avions passées1 et par le fait que même les voyageurs business sont également visés (Mason, 2001). En 2005, les deux principales LCC, Ryanair et Easyjet, ont respectivement transporté 27,6 et 29,6 millions de passagers ; ceci place les deux leaders low-cost en position intermédiaire entre des petites compagnies comme SN Brussels Airlines (3,2 millions de passagers) et un mastodonte comme le groupe Air France / KLM (70 millions de passagers), et au niveau de compagnies intermédiaires comme Iberia (32,4 millions de passagers)2. Ryanair ambitionne ni plus ni moins de trans- porter 70 millions de passagers en 20123. 1 En 2002, Ryanair et Easyjet ont respectivement commandé 125 et 120 avions, avec une option permet- tant de doubler ces chiffres. Ces avions sont destinés à l’extension de la flotte mais également à des remplacements d’avions anciens. 2 Source : rapports annuels des compagnies. Pour Air France / KLM, d’avril 2005 à mars 2006. Pour Iberia, inclus Iberia Regional/Air Nostrum. 3 Source : Ryanair, Boeing & Ryanair. The Lowest Cost Partnership, consultable à l’adresse http://www.ryanair.com/site/about/invest/docs/240205boeing.pdf. 148 Figure 88 : passagers transportés par Ryanair. En millions de passagers. Source : Ryanair. 2007 = estimation. Le présent chapitre vise à répondre à un double questionnement qui n’est, à ce stade, pas résolu par la littérature existante : 1. Quelle est l’importance quantitative de l’offre low-cost en Europe ? 2. Quelle est la géographie de cette offre (réseaux tissés, importance à l’échelle des aéro- ports,…) ? 7.2. Les compagnies low-cost L’idée de vols à bas prix a été inaugurée aux États-Unis par Pacific Southwest Airlines et reprise par Southwest à partir de 1973, donc dès avant la libéralisation du marché intérieur états-unien, implémentée à partir de 1978. Le concept fut importé en Europe par Ryanair, compagnie irlandaise1 alors en difficulté financière, qui s’y convertit en 1995 (Decker, 2004). 7.2.1. La raison d’être des LCC Le développement des LCC est basé sur un triple constat : 1. Le transport aérien est un secteur cyclique qui, malgré une croissance presque toujours positive, connaît d’importantes périodes de pertes (Hätty et Hollmeier, 2003 ; Figure 89). Or, les frais fixes liés à la flotte2, qu’elle soit achetée ou louée, ne sont compressi- bles qu’à moyen terme, ce qui limite la possibilité de réduire ces coûts parallèlement aux variations de la demande (Doganis, 2002). 2. Le prix des billets d’avion demeure un facteur limitant pour de nombreuses personnes. 3. Les diverses libéralisations du transport aérien rendent possible la création de nouvelles compagnies et/ou de nouveaux services. Mais encore faut-il trouver des clients pour remplir les avions. La création de LCC — ou la transformation de compagnies existantes en LCC — répond di- rectement à ces trois points. 1 Ryanair avait été créée en 1985 par des investisseurs privés, à l’époque de la libéralisation du transport aérien entre l’Irlande et la Grande-Bretagne (annoncée en 1984 et entrée en vigueur en 1986). 2 Possession des avions, salaires des équipages, assurances,… Dans le cas de Bristish Airways par exem- ple, ceux-ci étaient de 27,1% des coûts en 1999/2000 (Doganis, 2002). 149 Figure 89 : le caractère cyclique du transport aérien (compagnies IATA) Source : Hätty et Hollmeier (2003). 7.2.2. La méthode des LCC Les LCC réussissent l’exploit de limiter leurs coûts unitaires à 40-50 % de ceux des compa- gnies classiques (FSNC : full service network carriers) (Doganis, 2001). Pour y parvenir, elles appliquent des méthodes de production et de gestion du personnel permettant d’améliorer le rendement et la productivité et cherchent des revenus « alternatifs ». Dans la mesure où l’évocation des moyens mis en œuvre par les LCC est, dans la littérature, disper- sée (voir Barret, 2004a et 2004b ; Blyton et al., 2003 ; European Cockpit Association, 2002 ; Communautés Européennes, 2003.1.25 ; Gillen and Lall, 2004 ; ITF, 2002 ; Marty, 2004 ; Williams, 2001), nous en ferons ici une synthèse globale en nous limitant à la situa- tion des compagnies européennes, qui sont plus proches du modèle low-cost originel, par rapport aux compagnies états-uniennes qui se sont assouplies sur certains points. 7.2.2.1. Amélioration du rendement et de la productivité Économies de densité : pour diminuer le coût par siège, il faut classiquement réaliser des économies de densité [le fait d’augmenter l’utilisation des avions et/ou leur capacité dans le cadre d’un réseau de taille donnée] qui, en cela, sont autrement plus efficaces que la réali- sation d’économies d’envergure [le fait d’étendre le réseau] ou d’économies d’échelle [le fait d’augmenter les facteurs de production] (Caves et al., 1984 ; Sorensens, 1991). Telle est normalement la première leçon des LCC, qui maximisent l’utilisation de leurs avions en pla- nifiant des rotations rapides, de l’ordre de 25 minutes, facilitées par l’utilisation d’aéroports secondaires non-saturés et un catering réduit ou inexistant. En comparaison, les avions 150 d’Olympic Airways Athènes – Bruxelles ou d’Alitalia Milan / Rome – Bruxelles passent 50-55 minutes à Bruxelles avant de repartir. C’est ainsi, qu’en 2004, les avions de Ryanair, Easyjet ou Norwegian ont en moyenne volé 11 heures par jour, contre 9,2 pour BA ou 7,7 pour SNBA1. Pressurisation des travailleurs : les informations récoltées par des chercheurs, syndicats et journalistes2 montrent que les travailleurs des LCC travaillent plus que leurs confrères des FSNC, pour un salaire moindre. Selon l’European Cockpit Association (2002), un pilote de LCC a un salaire en moyenne inférieur de 28% par rapport aux FSNC pour un temps de vol supérieur de 25% ; en outre, environ un quart du salaire est variable, et cette part peut varier de 5 à 50% selon les compagnies (ITF, 2002). Les conventions collectives sont sou- vent inexistantes, ou non-appliquées, les relations avec le patronat se font généralement sur une base individuelle et les syndicats sont même parfois interdits (cas de Ryanair3). Dans le cas de Ryanair, anticipant un peu rapidement le projet de directive Bolkenstein, le personnel est engagé sous contrat irlandais quelle que soit sa base de travail (Lübeck, Charleroi,…), compte tenu des avantages qu’offre le droit du travail irlandais aux em- ployeurs ; la compagnie a été condamnée en 2005 par le tribunal du travail de Charleroi, qui a confirmé que c’est bien le droit belge qui s’applique4. Easyjet semble faire de même puisque, au terme d’une enquête d’un an, la compagnie a été mise en examen par la justice française pour travail dissimulé5. Par ailleurs on constate que chez Ryanair, durant les 25 minutes de « temps mort » entre un atterrissage et un décollage, les hôtesses et stewards sont priés de nettoyer l’avion, voire d’aider à charger / décharger les bagages si nécessaire (Mosnier, 2003). Enfin, la sous-traitance est très développée, ce qui permet de fragmenter les travailleurs, d’induire la concurrence entre les fournisseurs et surtout de faire évoluer plus facilement les coûts en fonction des besoins. Le fait de renouveler — ou non — successivement les contrats avec les sous-traitants induit une tension permanente au profit de la compagnie aérienne. Utilisation des aéroports secondaires Le recours à des aéroports secondaires sous-utilisés permet de diminuer le poids des char- ges aéroportuaires (Tableau 31). Ce type d’aéroport peut se permettre de faibles charges car les coûts marginaux (en fonction du nombre d’avions) y sont très bas (Barbot, 2006). En outre, les LCC y sont souvent en position de force, leur permettant de mieux y négocier les conditions de leur développement. Le déséquilibre dans la négociation est plus marqué encore si l’aéroport secondaire est situé dans une zone en crise économique. L’aéroport compense la faiblesse des revenus liés aux charges aéroportuaires par un accroissement des activités connexes (parkings, commerces éventuels,…)6 et éventuellement des finance- ments publics. 1 Source : calculs personnels d’après OAG et rapports annuels de Bristish Airways et SNBA. 2 Voir par exemple Libération, 3/11/2003 ou Alternatives Économiques 214 (mai 2003). 3 Qui en mai 2005, en Belgique, a décidé d’augmenter de 3% les seuls travailleurs se passant de syndicat. 4 Plainte avait été déposée par trois travailleurs licenciés en 2002 au terme d’une période d’essai d’un an (selon la législation irlandaise) et non 6 mois (selon la législation belge). Ryanair prétextait que la plani- fication des vols se faisait en Irlande et que les ordres venaient de ce pays.