Dunkerque, 1944-1945. Du Débarquement À La Résurrection
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DUNKERQUE 1944-1945 Serge BLANCKAERT DUNKERQUE 1944-1945 Du débarquement à la résurrection LA VOIX DU NORD Du même auteur : Dunkerque 1939-1945 (Westhoek Editions) épuisé. Dunkirk 1939-1945 (Edition en anglais du précédent - Traduction de D.R. Dane) Soldats étrangers et armées en exil de la 2 guerre mondiale (Edition Blanckaert) Dunkerque 39-45, album de BD et d'articles - Dessins de Olivier Discot (Editions « Le Téméraire »). I LA DIASPORA DUNKERQUOISE Les Dunkerquois ressentirent avec une intensité particulière la joie que répandit dans toute la France, le 6 juin 1944, l'annonce du débarquement des forces alliées en Normandie. C'est qu'à la dif- férence des gens dont le cadre de vie n'avait pas été touché par la guerre, les « enfants de Jean Bart » vivaient, les uns, dans le sinistre décor des ruines de la « ville martyre » et, les autres, en exil, dans l'attente de retrouver, sinon leur foyer — s'il était détruit — au moins la terre natale. Et le débarquement apportait l'espoir d'un retour à une vie normale. C'est en grand nombre que les Dunkerquois avaient quitté par vagues successives leur ville. Aux premiers mois de la guerre, et surtout au début de l'offensive allemande contre la Belgique, la Hollande et le Luxembourg (10 mai 1940), des habitants gagnèrent des lieux jugés moins exposés aux attaques ennemies que les ins- tallations portuaires, industrielles et militaires concentrées à Dunkerque. Ils trouvèrent refuge dans la campagne proche ou au loin, tels des cadres des maisons maritimes ayant obtenu un chan- gement de poste et des navigateurs trouvant à embarquer en d'autres ports du pays. Des Dunkerquois s'établirent aussi à Blainville, en Normandie, où les Chantiers de France (constructions navales) avaient repris un chantier en liquidation. Les violents bombardements de mai 1940 entraînèrent hors de l'agglomération d'autres habitants, dont le logement avait été démoli ou qui cédaient à la peur, certains se lançant sur les routes à l'aventure, après que les derniers trains eurent fait le plein de voya- geurs impatients de s'évader du cauchemar. Après l'arrivée des Allemands, le matin du 4 juin 1940, certaines habitations peu endommagées — il n'y en avait pas beaucoup — furent remises sommairement en état. Des Dunkerquois rentrèrent chez eux ainsi que quelques militaires qui avaient réussi à gagner la zone non occupée et à s'y faire démobiliser, mais aussi d'autres qui avaient échappé à la captivité et qui avaient pu se procurer des papiers d'identité en règle. Mais les retours au pays se firent moins nombreux — et alors clandestinement — après la mise en place des barrières de la « zone interdite » et de la « zone rouge ». En effet, dès le 7 juillet 1940, les Allemands firent des départements du Nord et du Pas-de-Calais une zone interdite. La Somme servit de fron- tière entre la partie septentrionale du pays et le reste de la zone occupée. A l'intérieur de la zone interdite, les Allemands isolèrent le secteur côtier, dit aussi zone rouge, délimité dans la région dun- kerquoise par la Colme. Mais, de toute façon, il n'y avait pas de logement pour ceux qui auraient voulu redevenir Dunkerquois et qui n'auraient trouvé d'emploi que dans les entreprises de déblaie- ment ou au service de l'occupant. Le port de commerce était à l'arrêt à cause des démolitions et parce que la Kriegsmarine se réser- vait l'usage des installations encore utilisables. Dunkerque, qui comptait avant la guerre 31 000 habitants, n'en abritait plus que 9 056 en juin 1940. En octobre suivant, ils étaient 12 020 et on recensait 2 240 Dunkerquois réfugiés à Rosendaël où les bombes avaient causé moins de dommages aux immeubles ; 2 016 à Coudekerque-Branche ; 968 à Saint-Pol-sur-Mer ; 735 à Malo-les-Bains ; 849 à Petite-Synthe, et 3 982 dans d'autres com- munes voisines. Le nombre total de Dunkerquois demeurant dans l'agglomération s'élevait donc à 22 810. Les bombardements avaient fait environ 150 victimes (non compris les blessés) et il devait y avoir entre 1 500 et 2 000 Dunkerquois prisonniers dans les oflags et stalags allemands. Les bombardements recommencèrent peu après l'invasion, les avions de la R.A.F. prenant le relais de ceux de la Luftwaffe, ce qui entraîna d'autres habitants à aller s'abriter ailleurs. Le 21 novembre 1941, la ville comptait 9 718 habitants et le 20 juin 1942, 9 403. En 1942, les Alliés recommandèrent par radio et par tracts aux civils de s'éloigner des zones côtières. Ni les Allemands, ni l'administra- Emis par les P.T.T., le 23 août 1943, ce timbre désigne les villes les plus éprouvées par les bombardements alliés. Dunkerque est cité en première position, comme pour faire oublier que la ville martyre doit ce triste surnom aux attaques allemandes aériennes de mai-juin 1940. tion française n'émirent d'avis contraire et même, en mai 1942, la sous-préfecture et la Kreiskommandantur déménagèrent à Cassel. L'hospice transféra ses services et ses pensionnaires à Cambrai, dans un ancien château. A fin 1942, on ne dénombrait plus que 9 093 habitants, effectif qui ne fit que diminuer l'année suivante avec les départs vers le Reich des requis du S.T.O. et la « volatilisation » des réfractaires. En effet, sur l'ordre des Allemands, manquant de main-d'oeuvre à cause de la guerre en U.R.S.S. qui mobilisait beaucoup d'hommes, le gouvernement de Vichy institua, par une loi du 16 février 1943, le service du travail obligatoire (S.T.O.). Les mairies recensèrent les jeunes gens nés en 1920, en 1921 et en 1922 qui seraient astreints à partir travailler en Allemagne. A Dunkerque, les opérations eurent lieu les 28 février, 1 2 et 3 mars 1943. Cent quatorze jeunes gens seulement se firent inscrire au tableau du recensement. La mairie compléta celui-ci d'après ses propres renseignements, ce qui fit un total de 248 inscrits. Sur ce nombre, 68 jeunes gens étaient notés comme travaillant déjà en Allemagne et une vingtaine comme partis pour une destination inconnue. Les autres reçurent une convoca- tion, mais tous n'y répondirent pas. Certains des intéressés avaient réussi à se faire embaucher dans des services ou des entreprises qui leur garantissaient le maintien sur place. C'était le cas des agents des administrations, des services de sécurité et des personnes employées dans les entreprises locales ou étrangères sous contrat avec les Allemands. D'autres jeunes gens des classes 40, 41 et 42 avaient rejoint le « maquis » dans des secteurs éloignés ou étaient allés dans les villages proches de Dunkerque, s'occupant dans l'agri- culture et s'intégrant le cas échéant à de petits groupes de résistants. Enfin, quelques jeunes requis présentèrent une attestation de com- plaisance qui les dispensait de partir pour l'Allemagne ; ils l'avaient obtenue de médecins ou des autorités civiles, parfois aussi d'un offi- cier ou d'un chef d'entreprise allemands « compréhensifs ». Les gendarmes français devaient normalement appréhender à domicile ceux qui ne répondaient pas aux convocations du S.T.O. Souvent, ils avertissaient discrètement les insoumis. Et quand ils se présentaient chez eux, les réfractaires avaient bien entendu disparu. Il ne restait plus aux représentants de l'ordre qu'à rédiger des procès- verbaux de recherches infructueuses. Lors de « rafles », les Allemands se saisirent par surprise et de force des insoumis et, bientôt, sans exempter ceux qui tenaient un emploi dans les entreprises à leur service. Ainsi, le 8 juillet 1943, ils rassemblèrent au port les salariés de ces firmes, appartenant aux Les exercices de débarquement exécutés par les troupes allemandes, ici à Gravelines, attiraient les avions alliés sur le littoral. trois classes d'âge visées par le S.T.O. et les emmenèrent à l'usine Marchand. De là, et sans en informer leurs familles, ils les condui- sirent à Jabbeke, près de Bruges, dans un camp de transit de travailleurs forcés. Après une visite médicale, les Dunkerquois furent répartis en deux groupes. L'un partit pour le chantier d'Eperlecques, où un très vaste blockhaus était en construction, et l'autre, le 10 juillet, pour Dortmund où l'attendaient des travaux de déblaiement. Les Allemands ne s'arrêtèrent pas là : ils se firent remettre par les entreprises les listes de salariés en âge de répondre au S.T.O. et ils pointèrent ceux qui ne s'étaient pas montrés au ras- semblement du 8 juillet (parce que leurs chefs d'équipe allemands les avaient « mis au parfum »). Et, la nuit du 9 au 10 juillet à Rosendaël, et celle du 10 au 11 à Saint-Pol-sur-Mer, furent débus- qués à leurs domiciles une quinzaine de réfractaires qui, amenés à l'usine Marchand, furent ensuite expédiés à Dortmund. Des marins allemands répétant une « accostage-surprise » qu'ils espéraient réaliser sur la côte anglaise. Compte tenu des départs et du fait qu'à l'état-civil, le nombre des décès dépassait celui des naissances, il restait, en septembre 1943, 8 700 habitants dans la cité de Jean Bart. Les autres formaient des « colonies » - qui organisaient réunions amicales et fêtes de bienfaisance - à Paris où les Dunkerquois, regroupés autour d'Albert Salignon, leur concitoyen journaliste, se rencontraient aussi chez le populaire Gaby Verrons, cafetier, replié « A la Chope de Montreuil », rue de Montreuil ; à Bordeaux où sous la prési- dence de Joseph Loyette (qui devait mourir en septembre 1944), on se réunissait à la salle Grisch, puis au Café de France ; à Lyon où M.