Les Indésirables. L'histoire Oubliée Des Espagnols En Pays Charentais
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ALAIN LÉGER LES INDÉSIRABLES L’histoire oubliée des Espagnols en pays charentais 1re édition, Le Croît vif, Paris, novembre 2000 Format 15,6 x 24 cm Édition revue, corrigée et augmentée Mise en ligne : 18 octobre 2020. Dernière modification : 28 mars 2021 www.entreprises-coloniales.fr © Alain LÉGER, 2020-2021 [email protected] Table des matières PREMIÈRE PARTIE 1936 - 1938 I - Premières vagues 6 II - Georges et Jérôme 19 III- International 21 IV - Indésirables 25 DEUXIÈME PARTIE : Janvier-août 1939 V - La retirada 31 VI - La dispersion 37 VII- La Combe-aux-Loups 40 VIII - Une hospitalité oubliée 45 IX - Privilégiés 49 X - L’hospice-la-vertu 54 XI - Un trou à Argelès 56 XII - « En prison » 61 TROISIÈME PARTIE : La drôle de guerre XIII - D’un château l’autre 67 XIV - Les oubliés de l’aérodrome 87 XV - Le pire des camps 92 QUATRIÈME PARTIE : L’Occupation XVI - La débâcle 96 XVII - Le piège 101 XVIII - Le beau Danube bleu 111 XIX - W.H. - W.L. 114 XX - Barbarossa 122 XXI - Haut les cœurs ! 132 XXII - Que d’os ! 138 XXIII - La route de l’Espagne 146 XXIV - Spanisch Gut ! 151 XXV - Maquis 162 XXVI - Fumanchu 172 CINQUIÈME PARTIE : L’après-guerre XXVII - Trop maigre 184 XXVIII - Les rouges et les noirs 193 XXIX - Travaux 199 XXX - Paco-le-Simple 201 XXXI - Partir 205 XXXII - Autres temps… 208 XXXIII -La famille Hernández 211 XXXIV - Retours 213 XXXV - Le foyer 216 XXXVI - Fortian 222 XXXVII - Le pire des racismes ? 223 XXXVIII - J’ai brûlé ma vie 225 ADDENDUM (2010) Les réfugiés espagnols en Charente 233 ANNEXES 1 - Ruelle 1939 : hébergement des réfugiés espagnols par des particuliers 249 2 - Liste des réfugiés S.E.RE. de Cognac (août 1939) 260 3 - Accumulation d’erreurs sur la déportation des Espagnols 264 4 - Composition de la liste du convoi d’Angoulême 269 5. - Les Espagnols vus par La Charente, d'Angoulême (1936-1941) 272 6. - Les Espagnols vus par L'Écho, d'Angoulême (1942-1944) 316 7. - Les nomades au camp des Alliers vus par La Charente (1941) et par L'Écho, d'Angoulême (1942-1944) 335 Bibliographie 349 Remerciements 352 Index des personnes citées (liste des pseudonymes) 354 1re PARTIE : 1936 - 1938 Le 25 décembre 1936 — on voudra bien méditer sur le choix de la date —, la Généralité de Catalogne adoptait un décret rendant l’avortement libre et légal. (…) Au-delà de cette mesure vraiment révolutionnaire, les législateurs catalans entrevoyaient un avenir où la diffusion populaire des recours anticonceptionnels donneraient un caractère moins exceptionnel à l’avortement. Cet exemple ouvre des perspectives vertigineuses sur ce qu’aurait été un État anarcho-communiste de l’autre côté des Pyrénées (Robert Cassagnau, À l’Est de Saint-Sébastien 1936. France-Empire, 1966, p. 243). I PREMIÈRES VAGUES « Madrid, Madrid ! Ici Tétouan ! » La rébellion des nationaux éclate au matin du 18 juillet 1936. Elle espère un succès rapide et ne vise que des objectifs limités de rétablissement de l’ordre. Elle mettra près de trois ans pour vaincre, prendra des allures de croisade et, si l’on veut bien oublier les coups portés par le Japon à la Chine, se transformera par le jeu des interventions extérieures en premier acte de la Seconde Guerre mondiale. Puissants au sud où ils s’emparent de l’Andalousie, les putschistes n’obtiennent dans le nord que des succès limités autour de Burgos. De là, le général Mola cherche à isoler le Pays basque de la France. Des navires de guerre soutenus par des bombardiers italiens ouvrent le feu le 17 août sur San Sebastian et Irun. Des milliers de réfugiés passent la frontière. Le 25 août, veille du début de l’assaut terrestre, le préfet Cumonge demande au maire de Cognac s’il dispose de locaux libres : « Aucun, répond Paul Firino-Martell. À quel prix pourrait-on en louer ? » Le 4 septembre, un convoi de trois cent soixante-et-onze réfugiés débarque à Angoulême. Des femmes, des enfants, des vieillards. Comme les républicains tiennent toujours Madrid, Valence et Barcelone, la plupart des hommes valides ont eu à choisir entre le rapatriement en zone insurgée ou en zone républicaine. Où loger ceux qu’on n’appelle pas encore des personnes déplacées ? Dans Les Illusions perdues, Balzac a décrit Angoulême scindée entre le plateau et la vallée. En haut, la Noblesse et le Pouvoir. En bas, le long de la rive gauche de la Charente et de la grand-route Paris-Bordeaux, le faubourg de L’Houmeau : le Commerce et l’Argent 1. 1 C’est à Angoulême, après avoir reçu la Touvre, deuxième résurgence française, que la Charente commence à ressembler à un fleuve. Elle s’écoule vers Jarnac, où l’influence des marées devient sensible, traverse Cognac et Saintes avant de prendre en écharpe Rochefort où Colbert avait établi un arsenal pour donner à la France une Marine digne de sa grandeur, assez loin de l’embouchure protégée par l’île Madame et l’île d’Aix pour échapper aux incursions anglaises ou espagnoles. D’Angoulême lui parvenaient entre autres les canons de Ruelle et la poudre. L'usine Weiller et ses arcades sur la rive droite de la Charente, en aval du pont de Saint-Cybard Dans les années 1840, un juif alsacien, Victor Weiller, a monté une tréfilerie spécialisée dans les tamis métalliques pour le séchage de la pâte à papier sur la rive droite, juste en aval de l’unique pont qui conduit vers le quartier de Saint-Cybard et au-delà vers Saintes ou La Rochelle. En 1872, il a été rejoint par un neveu de Sélestat, Lazare Weiller, peu désireux de demeurer sous la coupe allemande. En 1888, récemment converti au catholicisme, Lazare s’est présenté lors d’une législative partielle contre une étoile montante du nationalisme, Paul Déroulède. Fils d’un avoué angoumoisin, blessé en 1871 dans les rangs versaillais, Déroulède appelle inlassablement à la revanche contre la Prusse dans des vers de mirliton et à la tête de sa Ligue des patriotes, d’abord républicaine, bientôt boulangiste et antidreyfusarde. Battu par le bonapartiste Étienne Gellibert des Seguins, Déroulède prend sa revanche l’année suivante mais le coup d’État qu’il tente en 1899 échoue lamentablement et lui vaut d’être expulsé pour dix ans en Espagne. Fixé à San Sebastian, il bénéficie d’une amnistie en 1906 et se représente (en vain) à Angoulême, avec comme responsable de campagne Édouard Dubuc, ancien chef de la Jeunesse antisémitique. Il meurt en janvier 1914, peu avant l’élection en mai de son ancien adversaire Lazare Weiller, et avant la revanche tant attendue contre l’Allemagne. L’heure est à l’Union sacrée et, quoiqu’élu sous l’étiquette gauche démocratique, Weiller n’hésite ni à célébrer le défunt poète, ni à militer activement pour la reprise des relations diplomatiques avec le Vatican. Mais ses recherches sur la conductibilité du bronze silicieux, puis ses affaires industrielles et financières l’ont éloigné d’Angoulême 2 . Aux législatives de 1919, il refuse de se présenter pour l’Entente républicaine (centre gauche). Second de la liste clemenciste menée par Poitou-Duplessy, il 2 Dès 1883, Weiller a créé une tréfilerie en Basse-Seine, embryon de ce qui est devenu en 1901 les Laminoirs et tréfileries du Havre. Mis en difficulté par la chute des cours du cuivre, il n’en a gardé que 10 % et a continué d’en percevoir des royalties mais a cédé leur présidence à Eugène Étienne, député gauche démocratique d’Oran, plusieurs fois ministre, qui l’avait coopté en 1892 au Conseil supérieur des colonies, et qui était déjà président de la Compagnie générale des omnibus — future S.T.C.R.P., puis R.A.T.P. —, grande cliente des L.T.H.. Les L.T.H. se hissèrent rapidement au rang de petite multinationale avec la création de deux usines en Italie avant la Grande Guerre et de deux pendant. Cf. Marc Lagana, À propos de l’interdépendance des milieux d’affaires et des milieux politiques : le cas des Tréfileries et laminoirs du Havre de 1901 à 1918 in Revue française d’histoire d’outre-mer, o 1979, n 242-243, p. 68. Après fusion avec Coframet, les L.T.H. sont devenus Tréfimétaux, société qui a été vendue en 1987 par Péchiney à l’Italien S.M.I. D’autre part, chargé en 1901 par Waldeck-Rousseau d’une mission officielle aux États-Unis, Weiller y a acquis quelque temps après la licence du taximètre et a lancé successivement la Société générale des compteurs de voiture (1904), puis la Compagnie générale des automobiles de place (1905) — actuels Taxis G7 — qui a aussitôt multiplié les filiales à l’étranger. Il a aussi parrainé les premiers records des frères Wright en France, investi dans la construction aéronautique et le transport aérien, et s’est intéressé à la télégraphie sans fil. est battu par James Hennessy qui totalise pourtant 4.000 voix de moins que lui. Élu en janvier 1920 sénateur du Bas-Rhin, il dénonce, en septembre suivant, l’encombrement de l’Alsace par de « nombreux éléments [allemands] indésirables. » En 1930, la famille cède la société Victor Weiller à la Compagnie générale d’électricité qui a poursuivi l’activité feutre 3 mais n’a pas tardé à transférer la production de tamis métalliques à Rai- Tillières dans l’Orne, laissant de ce fait l’usine de Saint-Cybard libre pour l’accueil de nos Espagnols. Les conditions de confort y sont rudimentaires. À chaque réfugié, l'intendance militaire fournit deux couvertures, un sac de couchage et une enveloppe de paillasse.